Être patrimoine, la vie de quatre monuments historiques : quatre siedlungen berlinoises des années 1920, , Onkel Toms hütte, Siemensstadt, Weibe Stadt Anna-Sophie Pradel

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Anna-Sophie Pradel. Être patrimoine, la vie de quatre monuments historiques : quatre siedlungen berlinoises des années 1920, Britz, Onkel Toms hütte, Siemensstadt, Weibe Stadt. Architecture, aménagement de l’espace. 2011. ￿dumas-01808240￿

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NANTES DE

ÊTRE PATRIMOINED'AUTEUR La vie de quatre monuments historiques D'ARCHITECTUREDROIT AU

SOUMIS SUPERIEURE

DOCUMENT NATIONALE

ECOLE

août 2011 - Anna-Sophie Pradel Architecture et cultures - Marie Paule Halgand Quatre Siedlungen berlinoises des années 1920 Britz - Onkel Toms Hütte - Siemensstadt - Weiße Stadt

NANTES DE

ÊTRE PATRIMOINED'AUTEUR La vie de quatre monuments historiques

D'ARCHITECTUREDROIT Anna-Sophie Pradel AU

SOUMIS SUPERIEURE

1900 1920 DOCUMENT NATIONALE

2011 ECOLE

Architecture et cultures - Marie Paule Halgand Avant - propos

Au cours des études en architecture, nous sommes amenés, selon cette logique établie que notre passé nous renseigne sur notre présent et nous emporte vers un futur, à apprendre l’histoire de l’architecture. En quelques années, nous retraçons de la préhis- toire jusqu’au 21ième siècle, les théories et réalisations de nombreux hommes, architectes, artistes, urbanistes, artisans, etc. Lorsque l’on nous renseigne sur les agglomérations néolithiques, l’architecture classique ou que l’on nous parle de sublimes cathédrales gothiques – pour nommer quelques stéréotypes – nous visualisons non seulement une NANTES image claire de ce dont il s’agit – ou « de quel style d’architecture » il s’agit – mais le savoir que nous accumulons est précis, dépourvu de trop de complexité. De nombreuses DE personnes ont filtré ce savoir avant nous, ont analysé, ont rédigé des éloges, ont critiqué ces constructions. Ces images certaines, ces valeurs sures de l’architecture, sont établies et facilement comprises par celui qui les ignore et par tout initié. Lorsque que l’on se rapproche dans le passé bien moins lointain, progressivement, ce fil conducteur qu’est l’Histoire se densifie, s’emmêle et se tisse en une matière complexe : une image bien plus difficile à discerner. Il est peut-être osé de l’écrire, peut-être s’agit-il plutôt d’un sentiment personnel ; quoiqu’il en soit, l’architecture moderne représente ce genre d’image floue où d’innombrables choses se resserrent en un même cadre, et ceci malgré les précieuxD'AUTEUR apports de grands historiens comme William J. Curtis. Afin de démêler ce qui s’est as- semblé dans le terme « architecture moderne » et de partir à la compréhension de cette quasi-doxa, nous faisons un premier pas, dont le fruit sera ceD'ARCHITECTURE travail. DROIT Ce n’est pas un hasard que nous parlons ici d’architecture moderne. Face au monde de l’architecture actuelle, qui respire l’hétérogénéité et AUla diversité, il est difficile de suivre toutes les tendances, toutes les démarches architecturales des architectes contem- porains qui aspirent tous à un « style », une théorie, un ailleurs différent. Comment se placer et où se placer dans ce monde ? Si cette question se perpétue sans cesse au cours de l’Histoire, nous prenons ici comme base de travail un moment fort, où elle engendra de nouvelles ambitions de la part des architectes.SOUMIS Il y a un siècle qui nous sépare de Taut, Gropius, Häring ou MendelsohnSUPERIEURE et pourtant, la polarité de l’architecture à laquelle ils se sont confrontés, n’a théoriquement guère changée. Häring exprime le plus clairement la dualité architecturale invariable dont il est question, en opposant le « Organwerk » au « Gestaltswerk ». Le premier est l’œuvre organique qui se compose, tel l’indique son appellation, de l’intérieur. Le second est l’œuvre formelle qui se génère de l’extérieur. L’édifice se combine-t-il alors strictement de l’intérieur, de l’extérieur, ou, comme il est ad- mis aujourd’hui, de l’interactionDOCUMENT des deux ? Autrement dit, est-ce la fonction qui domine la forme, commeNATIONALE l’exprime la Neue Sachlichkeit, ou bien la forme vient-elle avant la fonction ? Le compromis fut également la réponse de Mendelsohn, en particulier après son voyage en Hollande et la visite des Siedlungen Eigen Haard ( Michel de Klerk), De Dageraad ( Piet Kramer ) à Amsterdam ou des édifices de Oud à Rotterdam. Il écrivit alors que « (les ECOLEanalystes – Rotterdam – rejettent la vision. L’Amsterdamais visionnaire ne comprend pas la froide Sachlichkeit. Certes, l’élément primaire est la fonction, mais la fonction sans sensible reste construction. Plus que jamais, je soutiens le compromis... sinon Rotterdam se construit envers sa froide mort et Amsterdam se dynamise en un feu artistique... le pos- tulat est : le dynamisme fonctionnel.) » Ce dynamisme fonctionnel prôné par Mendelsohn le siècle dernier, est ce qui résume théoriquement une grande partie des constructions d’aujourd’hui. L’architecture contemporaine est un renouvellement, une réinterprétation constante de ce que l’architecture moderne a édifié, et si aujourd’hui certains architectes

3 Avant - propos

pensent révolutionner le monde de l’architecture à travers quelques immeubles en verre, la Gläsernestadt de Taut et l’Immeuble de verre à la Friedrichstraße imaginé par Mies van der Rohe existaient déjà il y a 100 ans. La conviction radicale sur laquelle se base ce travail, est de considérer l’archi- tecture moderne, et plus précisément la Neue Sachlichkeit, le rationalisme, comme impor- tante valeur de l’architecture. Autrement dit, nous admettons que l’architecture moderne est une source indéniable de laquelle on peut apprendre aujourd’hui des principes exis- NANTES tentiels qui sont, dans leur traduction architecturales, encore d’actualité, malgré le siècle qui nous sépare d’eux. Il ne s’agit pas de proclamer un intérêt particulier de l’architecture DE moderne par rapport à une autre époque ou d’appliquer ces théories aujourd’hui. Non, c’est simplement prendre comme point de départ das Neue Bauen, l’entre-deux guerres, le moment où les architectes ont pris leur distance vis-à-vis des styles atemporels et ont montré de nouvelles motivations. Cet éloignement est caractérisé par l’adhésion à des formes d’architecture et de construction industrielles, et ceci jusqu’à adopter leur rationalité dans la fonctionnalité et dans l’esthétique. La maison rationnelle est un concept résultant de longues recherches dans les domaines du Existenzminimum, de parcours, de techniques constructives,D'AUTEUR de formes de relations sociales, d’espaces publics et paysagers. Ces notions ne sont pas dépassées, mais étaient bien avant et sont toujours les réflexions primordiales dans le travail de l’architecte. Seulement, à partir des années 1920,D'ARCHITECTURE les réponses des architec- tes de la Moderne manifestaient la stricte réduction à la nature DROIT de ces notions, leur concrétude ou Sachlichkeit. Analyser donc les expériences de la Neue Sachlichkeit et des architectes de l’Avant-garde se veut être un geste précis dont AUle but est de voir une archi- tecture dénuée de superflu, ou du moins, qui tentait être rien d’autre que l’existentiel. Les édifices-manifeste de cette architecture moderne se concrétisaient naturellement dans le défi du logement social. Dans toute l’Europe ce thème dominait l’architecture au début du 20ième siècle, mais c’est en particulier en Allemagne que l’on donna les réponses les plus systématiques. SOUMIS Le logement social est SUPERIEUREné en réaction aux difficultés sociales et économiques, et, surtout à l’évolution des mentalités et des sociétés au 20ième siècle. Si nous résumons l’histoire du logement social à ces quelques mots, c’est pour exprimer et souligner le lien direct qu’il y a entre une société, ou une époque, et cette architecture symptomatique qu’est le logement social. Il regroupe de la manière la plus emblématique, et ceci de- puis sa naissance, les intérêts et les problèmes d’une société à une époque donnée : il s’agit de l’habiter, l’économie,DOCUMENT la politique, le social, en quelque sorte la société même. Oui, le logementNATIONALE social doit être considéré comme traduction architecturale d’une société, son reflet le plus authentique. Les raisons ici énoncées expliquent le choix thématique des Siedlungen berlinoises des années 1920. Onkel Toms Hütte, Siemensstadt, Weiße Stadt et Britz ont toutes survécus sans trop de dégâts la Seconde Guerre Mondiale, sont ECOLEaujourd’hui encore admirables et attirent de nombreux intéressés. Il n’en est donc pas question d’en parler comme matière morte, car l’esprit moderne réside toujours en elle, malgré les transformations subies, et, malgré le temps écoulé, ces Siedlungen nous ap- prennent encore aujourd’hui des leçons d’architecture. C’est pourquoi ce travail ne les montrera pas comme une bribe d’histoire, mais tâchera à dévoiler leur raison d’être avant, leur raison d’être aujourd’hui et à raconter leurs métamorphoses matérielles et immatériel- les. Elles constituent un patrimoine décisif de l’architecture et, au sein de ce travail, nous les affirmons également patrimoine pédagogique.

4 Contenu

Introduction 6

1. Naissance des Siedlungen 8 - Conditions de vie dans le „steinerne “ - Le logement comme priorité nationale - Le rationalisme

2. Architecture des Siedlungen 16 NANTES - La thématique des Siedlungen - La Hufeisensiedlung à Neukölln DE - Onkel Toms Hütte à Zehlendorf - La Siemensstadt à Charlottenburg/Wilmersdorf - La Weißestadt à Reinickendorf

3. Vers le statut de „patrimoine“ 30 - La guerre des toits - Un patrimoine incommode - La patrimonialisation des Siedlungen D'AUTEUR

4. Les logiques patrimoniales d’aujourd’hui 38 - La théorie du Denkmalschutz - Les supports juridiques D'ARCHITECTURE - Les institutions du patrimoine DROIT - Le Denkmalpflegeplan - L’objectif de l’architecte AU

5. Les objectifs d’entretien des Siedlungen 45 - La conservation des Siedlungen - Subtilité d’architecture moderne - État actuel des Siedlungen - Substance originale, image originale SOUMIS SUPERIEURE 6. La praxis de la Denkmapflege 53 - Diversité architecturale et méthodologie - Urbanisme et entretien - Couleur et entretien - Paysage et entretien

7. Les Siedlungen d’hierDOCUMENT et la vie d’aujourd’hui 80 - SituationsNATIONALE géographiques et valeurs immobilières - Confort et modes de vie - Adaptation technique et performances énergétiques - Temporalité et monument historique

ECOLEConclusion : être patrimoine 94

Epilogue : Le Denkmalschutz conflituel 96

Annexes 100 - Fiches techniques - Sources et Bibliographie - Notices biographiques - Illustrations et crédits photographiques

5 Introduction

Entre 1918, fin de la Première Guerre mondiale et janvier 1933, prise de pouvoir des national-socialistes, la ville de Berlin s’est développée comme métropole de l’art mo- derne. « Groß Berlin », le grand Berlin de 1920, avec une surface de 876 km², comptait mondialement comme une des plus grandes villes, et, avec une population de 3,86 mil- lions d’habitants, se situait au sein des villes les plus peuplées juste après New York et Londres. Berlin comme considérable ville industrielle, Berlin comme ville nodale au milieu de l’Europe, Berlin comme centre d’art et d’architecture, Berlin comme « Weltstadt ». La NANTES ville-mondiale de la République de Weimar, nommée ainsi par Martin Wagner, comptait comme centre culturel de l’Avant-garde Moderne et espace conflictuel entre traditiona- DE lisme et modernisme. Au sein de cette richesse culturelle et du mouvement réformateur social, un rôle – ou un média – prépondérant était l’architecture : le Nouveau Berlin était un lieu de la culture constructive, la « Baukultur ». Les domaines de l’architecture et de l’urbanisme trouvaient à Berlin de nouvelles formes à travers les avant-gardistes et se développaient rapidement même à travers les années de guerre et donc de paralysie constructive : les visions utopiques sur papiers de l’Avant-garde Moderne, comme la célèbre Alpine Architektur de Taut, les tentatives expressionnistes ou les projets non réalisés commeD'AUTEUR l’immeuble en verre imaginé par Mies van der Rohe, illustraient une nouvelle pensée architecturale. Ce qui renforce cependant l’image de Berlin commeD'ARCHITECTURE ville culturelle des années 1920, sont les constructions réalisées qui ont non seulement concrétiséDROIT cette nouvelle pensée, mais qui ont enrichit la ville en tant que plateforme témoignant de l’architecture moderne. La AEG-Turbinenhalle ( 1909 ) de Peter Behrens peutAU être vue comme un des premiers pas envers cette architecture qui s’est développée tout au long de la première partie du 20ième siècle notamment grâce aux travaux des frères Taut, Mendelsohn, Gro- pius, May ou Häring, pour citer quelques uns des architectes. Il s’agit d’une architecture qui tourna le dos aux principes architecturaux du Reich en se confrontant, par le biais de leurs constructions, à leur époque. SOUMIS La concrétisation architecturaleSUPERIEURE et sociale du Mouvement Moderne s’exalte dans la construction de logements : la Siedlung est la manifestation matérielle du mouvement novateur socialiste de l’entre-deux guerres. Aucune autre matière constructive ne repré- sente plus nettement les intentions politiques, économiques et sociales de l’époque et des architectes de l’Avant-Garde moderne. Sous l’influence de Martin Wagner, chef urbaniste du Grand Berlin, le domaine de la construction de logements à bon marché se développa rapidement dès 1926DOCUMENT et ceci grâce à la mise en place de systèmes de financement pu- blics. L’ÉtatNATIONALE soutenait et força même la mise en œuvre de programmes de logement à bon marché : 9 000 logements avaient été réalisés de 1919 à 1923 ( période de crise d’après-guerre ) et environ 135 000, entre 1924 et 1930. Un réel exploit de la construction dont font parti Britz, Onkel Toms Hütte, Siemensstadt et Weiße Stadt, quatre Siedlungen ECOLEréparties et construites dans la périphérie berlinoise.

De ce point de vue, on peut considérer aujourd’hui que les Siedlungen connu- rent un impact considérable dans le monde de l’architecture et, par conséquent, un suc- cès important dès les années de leurs constructions. Rien qu’après la Seconde Guerre Mondiale, elles furent considérées comme éléments de l’inventaire d’après-guerre. En 1961, par exemple, Siemensstadt fut présentée comme monument historique du quartier

6 Introduction

de Charlottenburg, puis en 1971 pour Spandau. A partir de 1975, année du European Cultural Heritage Year, une partie des quatre Siedlungen fut inscrite dans la liste du patri- moine protégé, comme par exemple l’ensemble des logements conçu par Hans Scharoun pour Siemensstadt ou le Hufeisen du Britz. Par la suite, l’extension des réglementations concernant la protection du patrimoine ( en 1975 pour la RDA et en 1977 pour la RFA ), définit la globalité des Siedlungen comme zones protégées. L’histoire des Siedlungen comme monuments historiques s’est poursuivie peu à peu, jusqu’à leur reconnaissance NANTES internationale, finalisée en 2008 par l’inscription de Britz, Siemensstadt et Weiße Stadt dans la liste du patrimoine de l’UNESCO. Au même titre que le château de Sans Soucis, DE les Mietskasernen du 19ième siècle ou les constructions industrielles du début du 20ième siè- cle, Britz, Onkel Toms Hütte, Siemensstadt et Weiße Stadt figurent comme emblèmes de la ville de Berlin et détiennent le statut privilégié de monument historique, le « Denkmal ». Malgré leur succès apparent qui s’est, à première vue, progressivement constitué, les Siedlungen n’ont guère connu une appréciation ni immédiate ni partagée – que ce soit du grand public, des initiés ou des politiques : il serait faux de croire que tout le monde leur trouva aussitôt une valeur architecturale et esthétique quelconque. Au contraire, l’histoire du patrimoine révèle que l’entretien des biens culturels construits entre 1918 et 1933D'AUTEUR ne résulte pas d’une évolution paisible et continuelle des points de vue patrimoniaux – ou de ce qui tombe sous la notion de patrimoine protégé. Il s’agit de l’histoire de conflits incessants entre courants traditionnels et modernes dans D'ARCHITECTUREle domaine de l’architecture, et, courants progressistes et conservateurs dans la protection du patrimoineDROIT culturel, le « Denkmalschutz » en allemand. L’histoire des Siedlungen ne peut être racontée sans leur opposition à l’architecture traditionnelle, sans la menaceAU de défiguration pendant l’époque nazie, sans l’incompréhension à laquelle elles faisaient face pendant les années 1980 encore, lors des critiques contre le fonctionnalisme, et surtout, sans l’histoire mou- vementée de leur patrimonialisation. L’histoire d’un monument historique se raconte en plusieurs étapes rythmées par deux évènements forts : sa naissance, c’est-à-direSOUMIS son édification, et sa renaissance, sa patrimonialisation. Entre ces SUPERIEUREdeux péripéties primordiales qui ont ponctué leur vie en tant que patrimoine culturel protégé, les Siedlungen ont connu un nombre conséquent de métamorphoses, de plus ou moins importantes transformations de leur substances bâties. Afin de retrouver ou de conserver leur aspect authentique, les institutions de la pro- tection du patrimoine engagent depuis les années 1980, tous les moyens possibles pour préserver l’image originale de chacune. Une tâche difficile qui confronte le bâti d’avant à la vie d’aujourd’hui etDOCUMENT donne lieu à un clivage. Être un patrimoine protégé engendre toute sorte deNATIONALE nouvelles problématiques et considérations qui insufflent aux Siedlungen une seconde vie. Les Siedlungen Britz, Onkel Toms Hütte, Siemensstadt et Weiße Stadt per- mettent ainsi de lire l’Histoire en deux thématiques indissociables en elles : l’architecture et le patrimoine. Elles racontent une bribe de l’histoire de l’architecture moderne, ainsi ECOLEque l’histoire de la ville de Berlin, et, parallèlement, l’évolution d’un bien avec le statut de « patrimoine protégé ». En ce sens, nous racontons la vie des Siedlungen non seulement dans le passé, mais bel et bien les 80 ans de leur existence, à partir de leur construction jusqu’aujourd’hui.

7 Naissance des Siedlungen

Une source particulière permet de dresser un panorama des conditions d’habi- Conditions de vie dans tation à Berlin au début du 20ième siècle. Entre 1901 et 1920 le travail documentaire de le « steinerne Berlin » la « Berliner Ortskrankenkasse für den Gewerbebetrieb der Kaufleute, Handelsleute und Apotheker » 1 manifeste non seulement les misérables conditions de vie des classes ouvrières et des employés, mais dévoile le fonctionnement d’un marché du logement régi par le régime de la propriété foncière et quatre phénomènes inacceptables : le sur- peuplement, la pénurie, le prix élevé des loyers, la mauvaise qualité du bâti. Depuis la fin NANTES du 19ième siècle, se loger était synonyme de vivre coincé à plusieurs dans des espaces minimes. Vivre entassé signifiait vivre à 6 voire 10 personnes dans une pièce d’environ DE 20 m². Exprimé de manière statistique, il s’agissait de 20 000 appartements surpeuplés. Autrement dit, presque 150 000 habitants, soit 7 % de la population berlinoise, vivaient avec au moins 5 autres personnes dans une même pièce, sans compter le sous-locataire, le fameux Schlafbursche. Pour un de ces logements rudimentaires, l’habitant devait en 1904 débourser de 175 à 220 marks par an. Un employé de commerce ou un technicien, qui gagnait entre 1200 à 1500 marks par an, détenait les moyens de payer un tel loyer, mais pas celui d’un deux pièces-cuisine, à 420 marks par an. Pour un simple ouvrier, le marché locatif se limitait strictement à une chambre de 20 m², où il pouvait prétendreD'AUTEUR loger sa famille, alors que 70 700 autres étaient contraints de se réfugier dans des caves. Après la guerre, cette situation s’empira. Ce fut le moment de subir la para- lysie constructive des années de guerre. La crise du logementD'ARCHITECTURE s’avéra catastrophique, d’autant plus que le retour des soldats et les nombreux mariages soulignèrentDROIT le boom de la population. « Se marier est bien. Ne pas se marier est mieux. » 2 affirmait la revue Wohnungswirtschaft de 1926 en racontant l’anecdote d’un employéAU fiancé, qui, en vue de sa prochaine union, demanda un logement et reçut la réponse suivante de la part d’un bureau municipal du logement : « l’attribution d’un logement n’est guère envisageable avant un délai de huit à dix ans. (…) Nous vous aurons averti à temps des difficultés en matière de logement au-devant desquelles vous allez du fait de votre mariage. » Dans l’ensemble de l’Allemagne et de manière intenseSOUMIS à Berlin, la population s’entassait dans les appartements des MietskasernenSUPERIEURE, ces immeubles d’habitation – ou casernes d’habita- tion - à 4 ou 5 étages organisés autour d’une cour, où ni l’air, ni la lumière ne pénétraient. Dans le célèbre ouvrage de Werner Hegemann, Das steinerne Berlin ( 1930 ), est mis en exergue la vie dans la « größte Mietskasernenstadt der Welt ». La conception des Miets- kasernen est connue à travers les lois de 1853 : Hinterhaus et Seitenhaus ( immeubles à l’arrière de la cour ) pouvaient détenir la même hauteur ( de 22 mètres au maximum ) que le Vorderhaus ( immeubleDOCUMENT côté rue ) et se regroupaient autour d’une ou plusieurs cours d’au minimumNATIONALE 5,30 x 5,30 m. Cette crise du logement se laisse appréhender par la définition même d’un loge- ment surpeuplé du point de vue des autorités de l’époque : un logement détenait « trop » d’habitants si dans un appartement d’une pièce ( avec cuisine ) plus de cinq personnes ECOLEs’y abritaient, et, dans le cas d’un 2 pièces, s’il s’agissait de plus de 10 personnes. Les conséquences sociales et humaines de la crise du logement furent dramatiques : à Berlin, le taux de mortalité dans les appartements 1-pièce était de 164 0/00, dans les 2 pièces de 23 0/00 et dans ceux pourvus de multiples pièces de 5 0/00 ( Jenkins, 1973, p. 34). Cette importante mortalité est directement liée à la surpopulation des logements, mais aussi aux rudes conditions de vie, qui elles, découlaient des logements et de leurs équipements mêmes. Vers 1900, 710 000 personnes habitaient des logements dotés d’une seule pièce chauffée, et, de manière générale, les quartiers et leurs immeubles manquaient

8 Naissance des Siedlungen

NANTES DE

Hufeisensiedlung Britz

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU Ill.1 Photographie appartement Thaertstraße, enquête de la Berliner Ortskrankenkasse : difficiles conditions de vie et entassement

Ill.2 Vue aérienne Mietskaserne Meyershof, Wedding, vers 1905 : succession d’immeubles avec étroites cours, forte densité

SOUMIS SUPERIEURE

DOCUMENT NATIONALE

ECOLE

9 Naissance des Siedlungen

d’air et de lumière – la conséquence directe étant une menaçante humidité. Sur 519 000 logements enquêtés, 91,6 % ne détenaient de salle de bain, dans 48,2 % les toilettes ou quelconques équipements sanitaires se situaient dans la cour ou étaient intégrés dans les espaces de circulation, notamment les cages d’escaliers. Seulement 12,3 % disposaient d’une gazinière et 0,7% d’une installation électrique : la majorité s’éclairant toujours avec des lampes à gaz. Werner Sombart, un sociologue et économiste allemand, décrit en 1906 la vie dans les Mietskasernen : NANTES « ...( ici prend fin le lieu et le sentiment du chez soi ; ici, où à travers les fenêtres ouvertes en quelques jours d’été – comme en ces lieux où l’on cuisine, lave et repasse, l’atmosphère n’est supportable les fenêtres fer- DE mées – pénètre tout le brouhaha des machines, des cris d’enfants, des grondements provenant de la cour, les vapeurs et les odeurs des 40 ou 50 cuisines rances respirant le suif. Ici, où aucune porte ne peut être ouverte sans qu’un regard curieux, jaloux ou apitoyé n’entre ; ici, où la maison semble être enfer, le bar et la maison close le ciel. Ici, où la prison et l’asile prennent peur. ) » 3

L’ultime exemple et manifestation bâtie de cette misère est le célèbre Meyershof à Wedding, quartier côté Nord du centre de Berlin. Sur cette même parcelle, un immeuble donnant sur la rue – Vorderhaus – fut suivi de cinq autres immeubles alignés etD'AUTEUR reliés par plusieurs longues et étroites cours. Comme dans la plupart des Mietskasernen, il y avait majoritairement des appartements d’une à deux pièces. Les 257 appartements s’organisaient de part et d’autre d’un long couloir commun : si l’on souhaitait aller dans la cuisine, il fallait emprunter ce couloir sans fenêtre. Les toilettesD'ARCHITECTURE se situaientDROIT dans chaque deuxième cour, et, les autres cours étaient emplies de petits commerces alimentaires ( stands ) entre lesquels les enfants jouaient. Meyershof fut uneAU image frappante de la mi- sère du prolétariat où, entassés, les 2000 habitants vivaient malades et désespérés dans d’abominables conditions de vie.

Les organisations professionnelles d’employésSOUMIS s’étaient dès la fin du 19ième siècle Le logement comme émues des conditions de logementSUPERIEURE réservées à leur corporation, comme nous avons pu priorité nationale le voir à travers l’enquête de la Berliner Ortskrankenkasse. A la différence de la situation française, où le logement populaire relève historiquement d’une initiative philanthropi- que ou patronale reprise par les pouvoirs publics, ce sont, en Allemagne, les syndicats d’employés qui font de l’élaboration de l’habitat de masse et du logement en général, une priorité nouvelle. Accompagné de l’émergence d’une nouvelle catégorie sociale pendant le dernier tiers du 19DOCUMENTième siècle ( en liaison avec les transformations du commerce et de l’in- dustrie ),NATIONALE les Angestellte – les employés en français 4, l’habitation s’affirme comme signe distinctif du niveau de vie : le logement devient un moyen par lequel l’employé souhaite marquer son appartenance à la classe moyenne. Dès lors l’amélioration des conditions d’habitation devient une revendication importante. ECOLE En réalité, les premières tentatives lancées contre la crise du logement et les déplorables conditions de vie, furent menées relativement tôt – vers 1860, alors que l’épo- que wilhelminienne même ( jusqu’en 1918 ) est associée à une néfaste évolution urbaine de la ville de Berlin, que ce soit dans le sens architectural ou social. De la crise nait le concept des Genossenschaften, qui existent aujourd’hui encore. En français le terme de Genossenschaft se traduit par « coopérative », alors que le terme « Genosse » même s’apparente à la notion de « compagnon ». La terminologie révèle l’idée d’un ordre partici- patif. Ce dernier fonctionne par autogestion ainsi que par soutiens professionnel et finan-

10 Naissance des Siedlungen

cier mutuels. Ces initiatives privées furent entièrement instaurées à partir de 1889, grâce à la loi Reichsgenossenschafts-Gesetz, qui incita un nombre conséquent d’investisseurs privés à la réalisation de logements à bon marché. Les réalisations de ces Genossens- chaften parsèment jusqu’aujourd’hui Berlin et prennent diverses formes architecturales : il s’agit de Wohnblöcke comme le Beamten-Wonungs-Verein conçu par Paul Mebes à Charlottenburg, ou de Gartenstädte comme la célèbre Gartenstadt Staaken par Paul Sch- mitthenner. Les Genossenschaften qui fonctionnaient sans aide ni soutien public, étaient NANTES parvenues à réaliser environ 125 000 logements dans l’ensemble du Reich. Un résultat considérable, mais face à l’envergure de la crise, un résultat insuffisant. Elles constituè- DE rent néanmoins le premier pas envers une nouvelle perception sociale de l’habitat. A la différence de ce qui se passa sous l’Empire wilhelminien, les pouvoirs pu- blics se voient, au lendemain de la guerre, contraints d’intervenir pour enrayer le manque en logement et la pénurie de matériaux de construction. Les mesures déjà prises au début des années 1920 sont reconduites, telles que le blocages des loyers et la répartition des matériaux, mais se révèlent nettement insuffisantes face à la crise du logement. La répu- blique de Weimar adopte alors une solution radicale et décide de prélever un impôt sur les loyers perçus dans les logements construits avant guerre, afin de consacrer la D'AUTEURmoitié à l’édification de logements neufs. Au sein de cette grande politique du logement, les efforts sont particulièrement dirigés vers la Heimstätte 5. Le terme venant directement de l’an- glais « homestead » ( ferme ou propriété ), il symbolise le foyerD'ARCHITECTURE authentique de la famille allemande, et, plus précisément, une maison avec jardin dans la périphérieDROIT urbaine. Cet idéal de l’habitat est promulgué dans la Constitution de Weimar en 1919 qui manifeste l’effort de la nation à « donner à chaque citoyen allemand ainsiAU qu’à chaque famille alle- mande et en particulier à chaque famille nombreuse une demeure saine et confortable et un lieu de travail correspondant à ses besoins ». Les Siedlungen qui furent le fruit de ces efforts représentent pleinement cet idéal d’une maison familiale avec jardin. Si le but poursuivi par les pouvoirs publics est l’intensification de la construc- tion de petits logements pour la population SOUMISdéfavorisée et l’amélioration des conditions d’habitation de la population berlinoiseSUPERIEURE la plus modeste, l’État même ne s’engage direc- tement que par le moyen des Wohnungsführsorgegesellschaften ( WFG )6. Il s’agit de Sociétés d’encouragement à la construction de logements qui encadrent la distribution de l’aide provenant de l’impôt sur le loyer et qui garantissent la qualité des logements ainsi construits. Les standards élaborés par ces 13 WFG du Reich donnent les prescriptions réglementaires sur la qualité des logements, que ce soit pour les sociétés de construction d’utilité publique ou DOCUMENTles maîtres d’ouvrage privés, tels que les Genossenschaften. Quant aux sociétésNATIONALE de construction d’utilité publique mêmes, elles sont créées par les confédé- rations syndicales d’employés qui ne limitèrent pas leur travail à l’élaboration d’enquêtes sur les conditions d’habitation. Sous la république de Weimar, les syndicats d’employés fondent trois sociétés de construction. La moins connue est la Heimat, générée par les ad- ECOLEhérents du syndicat national-libéral. Quant à la Gagfah, créée en 1918, elle est soutenue par tous les courants syndicaux. Celle qui nous intéressera cependant particulièrement en ce travail est la Gehag, proche aux idéologies socialistes, qui réalisa les Siedlungen de l’avant-garde moderne. La société de construction Gehag ( Gemeinnützige Heimstätten Spar- und Bau- Aktiengesellschaft ) appartient à une organisation centralisée, la Dewog, conçue par Martin Wagner 7 en 1926. La Dewog encadre une maîtrise d’ouvrage coopérative, c’est-à- dire différentes filiales locales, mais ne construit pas elle même. La construction reste le

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domaine des sociétés de construction telles que la Gehag. Il est important de noter ceci puisque cette économie communautaire inventée par Wagner constitue l’aspect premier du rationalisme de l’avant-garde que nous étudierons par la suite. La solution de la ques- tion du logement ne pouvait que se trouver dans la réduction des prix de la construction du logement. Wagner nota dès 1918 que cette réduction du prix ne devait être une réduction de la qualité du logement, mais être synonyme d’une nouvelle répartition des fonds. Il n’y avait pour lui qu’un seul moyen envers ceci : la rationalisation du domaine de la construc- NANTES tion. Autrement dit, une organisation centralisée qui puisse garantir des commandes ré- gulières afin de rationaliser les chantiers et d’investir dans des engins mécaniques. A DE une autre échelle, cela signifie une production moderne et rationnelle, avec des résultats quantitatifs et un abaissement des coûts. Le système économique pensé par Wagner s’inspirait entièrement des accom- plissements américains, en particulier ceux de Charles Taylor et de Henry Ford 8. Ce que Ford était parvenu à faire dans la production d’automobiles, devait être transféré à la production de logements : réduction des dépenses par une efficacité fonctionnelle dans la conception du logement jusque dans sa construction. Cette rationalisation ne devait pas être dissimulée telle une face cachée de l’architecture, mais s’exhiber pleinementD'AUTEUR jusque dans son esthétique et son expression architecturale, dont l’ultime forme fut la Siedlung.

D'ARCHITECTURE Pour Martin Wagner, la solution à la crise du logement était DROITde construire à gran- Le rationalisme : de échelle et en réduisant les coûts. Pour ceci, il était nécessaire de repenser l’ensemble standards, typisation du fonctionnement du logement en se détachant entièrement AUdes acceptations et normes et esthétisme données. Il fallait repenser l’organisation institutionnelle et économique, la conception du logement, la conception des rues, la configuration des bâtis, les méthodes constructives, la mécanisation, le travail sur le chantier... il était indispensable de restructurer l’espace de vie dans l’ensemble de ses facettes. Le premier pas envers l’idéal du nouvel habitat, loin de la métropole et de ses immeubles deSOUMIS rapport, soucieux de salubrité et d’hygiène, proche de l’idéal cité-jardin, fut institutionnel.SUPERIEURE Nous avons vu que Wagner était parvenu à constituer la Dewog et la Gehag, afin de centraliser le domaine de la construction et de rendre ce dernier plus effectif. A la tête de ces sociétés, s’était également créée une assemblée d’architectes qui exerçait des recherches théoriques en matière de conception de logement. Ersnt May, Walter Gropius et Martin Wagner s’étaient unis en cette Kopfge- meinschaft 9, un laboratoire de l’habitat. En comparant ses résultats avec les autres, cha- que architecte avait DOCUMENTpour mission de concevoir des logements selon des règles précises et une idéeNATIONALE très concrète. Wagner exprime cette dernière dans sa Arbeitsprogrammskizze en 1925, en préconisant la conception de maisons qui répondent non seulement à des at- tentes artistiques, techniques et économiques face à la crise du logement, mais qui trouve également une réponse culturelle. De ces recherches s’est développée l’idée de plans ECOLEtypes et de standards. La typisation du logement permettait de réduire considérablement les coûts des opérations et constituait ainsi l’activité centrale des architectes. La maison rationnelle s’établissait notamment à travers les principes suivants : - Les maisons se basent sur les moyens financiers d’un ouvrier ou d’un employé. Le loge- ment ne doit consister que 20% de leurs revenus, c’est-à-dire environ 300 marks - Le logement doit détenir une surface habitable d’au moins 60 m². - Le rapport entre espaces servants et espaces servis ne doit pas dépasser le rapport 1:2.

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- Chaque logement doit être conçu de manière à être mis en forme comme Reihenhaus, maison mitoyenne en bande. - A chaque logement doit être attribué un jardin d’environ 200 m². - La possibilité d’agrandir le logement doit être donnée. - Les circulations et le mobilier doivent être conçus de manière à limiter les déplace- ments. - Les éléments constitutifs de la maison doivent permettre une production en série. NANTES - Le temps de construction d’une maison ne doit dépasser 14 jours. - Utiliser des matériaux économiques et disponibles sur place. DE Les travaux de la Kopfgemeinschaft ne résultèrent pas à des produits directs, puisque ces travaux théoriques ne furent guère immédiatement appliqués sur un chantier. Au contraire, le Versuchshausprojekt, le projet de maisons expérimentales, cessa en 1925 pour cause du manque de moyens financiers. Cependant, comme l’écrit Wagner à son collègue Gropius en mai 1925 9, cette initiative collective se poursuivra dans le travail de chacun de ces architectes. Ernst May réalisa par la suite les Siedlungen du « Neue Fran- kfurt », Wagner et Gropius – nous le verrons par la suite – compteront parmi les auteurs de celles de Berlin. Sur papier, le résultat de ces stratégies conceptuelles se laisseD'AUTEUR no- tamment retracer dans une publication de 1931, où la Gehag annonce qu’elle a pour but l’édification rationnelle de types de logements standards, les Standardwohnungstypen10. On assiste à la mise au point d’une distribution nouvelle duD'ARCHITECTURE logement, distincte de celles des logements des couches aisées de la société, distincte des habitatsDROIT traditionnels des ouvriers, distincte des réalisation patronales du début du siècle. Parallèlement à l’élaboration d’un nombre limité de plansAU types, la Gehag et ses architectes intensifient les efforts dans l’établissement de normes pour certains éléments de construction. Les fenêtres, les portes et les escaliers sont normés et produits en série puisque les logements mêmes sont soit identiques, soit conçus de manière à accueillir ces éléments types. Cette production en série ne se limite pas à une seule opération, mais les éléments typisés sont utilisés par différentsSOUMIS architectes sur différents logements. Les standards sont ainsi perpétués etSUPERIEURE optimisent l’économie de l’ensemble des projets. Afin d’augmenter la productivité, un autre moyen d’économiser en temps cherchait à se mettre en place : l’économie en coût de main d’œuvre. Wagner tente de rationaliser l’organisation d’un chantier confié à plusieurs entreprises en créant un nouvel organisme, la Deutsche Bauhütte. Cette dernière supervisait le chantier et s’occupait de l’acquisition de machines modernes : une excavatrice à roue-pelle pour déblayer et aplanir le terrain, des transpor- teurs à courroie pourDOCUMENT acheminer la terre, une grue pour transporter les briques et la chaux, etc. La constructionNATIONALE du logement se tourne alors vers la mécanisation des chantiers, vers la rationalisation de leur organisation. Les plans types, l’homogénéité des matériaux, la typisation d’éléments construc- tifs, la mécanisation des chantiers et l’organisation du domaine de la construction rendent ECOLEpossible la construction à grande échelle recherchée par Wagner. A l’image des cités- jardin, il s’agit de construire sur un même terrain un nombre conséquent de maisons indi- viduelles et de logements collectifs, tout en consacrant un effort particulier à l’urbanisme de l’ensemble. Le logement rationnel se métamorphose ainsi en un ensemble rationnel, un idéal social et communautaire : la Siedlung. Pour les architectes de l’avant-garde, le modèle de la Siedlung doit permettre de résoudre le manque en logement et en moyens dus à la crise11. Autrement dit, la rationalisation de l’espace de vie permet de construire ce dernier en masse et, par conséquent, de loger en masse.

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Les concepts de standardisation et typisation du logement en masse sont les deux premiers reflets de l’architecture dite rationaliste. Le troisième est de l’ordre es- thétique et donne à l’idéologie rationaliste sa valeur architecturale. Effectivement, si l’on admet que le rationalisme n’aboutit en architecture qu’à la stricte fonctionnalité et la sys- tématisation de la conception et de la construction, on lui retire son aspect inéluctable, puisque même les nazis savaient construire de manière très rationnelle. Les architectes de l’avant-garde soulignaient que seul ce qui a du sens doit avoir de la forme, c’est-à-dire NANTES qu’en premier lieu la fonction donne la forme et qu’en second lieu, l’apparence nait exclu- sivement de la fonction. Taut formula ceci en 1929 de la manière suivante : DE

« ( Maintenant, il n’y a pas d’autre préoccupation que la réduction des coûts, que ce soit la voirie, l’aménagement du site, qu’il s’agisse de la pénétration de la lumière et l’air dans les blocs bâtis, que l’on évite des vis-à-vis trop importants entre les fronts bâtis, que ce soit l’aménagement des escaliers, des espaces servants, (...) que l’on définisse les mesures des fenêtres, la forme de toiture la plus juste etc etc. Chaque élément, que ce soit la fenêtre, le balcon ou la porte, (…), tout ceci, l’élément comme le tout, obtient sa forme du sens qu’il détient. Insensé est tout ce qui n’est pas utilisable et tout ce dont l’effet est moins important que le coût. Cependant, si la chose est pourvue de sens, alors son sens est littéralement inscrit dans son appa- rence.) » 12 D'AUTEUR

Les œuvres architecturales assimilées au courant rationaliste sont globalement des édifices dont l’allure est réduite à l’orthogonalité de la D'ARCHITECTUREfaçade et le rythme des fenê- tres. Rien d’autre ne « perturbe » l’authenticité de l’extérieur. En réalité,DROIT l’esthétisme du rationalisme n’est pas une simple réduction ou un refus d’ornementation. Il s’agit plutôt d’une logique qui admet que ne doit exister que ce qui est inexorable.AU Ainsi, un usage ne se dissimule pas à l’arrière d’une façade, mais la façade et l’usage s’assument en niant ce qui est superflu. L’expression esthétique est par conséquent dirigée vers l’objectivité, vers la nature objectale des choses, la « Sachlichkeit ». C’est cette composante esthétique qui offre le caractère novateur aux édifices de l’avant-garde. La typisation et les autres moyens de standardisation s’étaient tout aussiSOUMIS développés chez les sociétés de construc- tion traditionalistes, telles que la SUPERIEUREGagfah, mais seuls la Gehag et les architectes de Onkel Toms Hütte, Britz, Siemensstadt et Weiße Stadt, affirmaient le rationalisme jusque dans la physionomie architecturale.

DOCUMENT NATIONALE

ECOLE

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NANTES DE

1 La Caisse locale berlinoise d’assurance maladie pour les personnels du commerce et de la pharmacie, fondée en 1884, devient en 1914 la Caisse d’assurance maladie locale générale ( Allgemeine Ortskrankenkasse, AOK ). Elle compte 100 000 assurés en 1906. Les enquêtes annuelles menées entre 1901 et 1920 manifestent le lien direct entre maladie et insalubrité du logement. Elles concernent le logement de l’ouvrier et de l’employé. D'AUTEUR 2 « Heiraten ist gut – nicht heiraten ist besser! », Wohnungswirtschaft, vol. 3, n°18/19, 1 octobre 1926, p. 159. Le nom du fonctionnaire municipal qui a signé est Schade - « dommage » en allemand. 3 Das Proleteriat, Metropolis, Werner Sombart,1906, cité dans Einblicke in Berliner Wohnungselend 1901- 1902, Gesine Asmus, Rowohlt Verlag, 1982, Hamburg, p. 264 4 L’émergence et la situation de la classe des employés est décrite dansD'ARCHITECTURE l’ouvrage de Christine Mengin, Guerre du toit et modernité architecturale : loger l’employé sous la république de Weimar, PublicationsDROIT de la Sorbonne, 2007, 504 p. 5 Une étude intéressante sur l’habitat d’après-guerre est celle de Koinzer,AU Wohnen nach dem Krieg : Woh- nungsfrage, Wohnungspolitik und der erste Weltkrieg in Deutschland und Großbritannien ( 1914-1932), Berlin, 2002, p. 69-145. 6 La Wohnungsfürsorgegesellschaft de Berlin est conjointement fondée en 1924 par la Ville de Berlin et le Land de Prusse. Les 13 WFG du Reich sont regroupées en Union nationale des société d’encouragement à la construction de logements ( Reichsverband der Wohnungsfürsorgegesellschaften ) qui est rebaptisée en 1931 Union nationale des foyers allemands ( Reichsverband deutscher Heimstätten ). D’où les WFG sont par la suite appelées Heimstätten. 7 La carrière de Martin Wagner s’observe en deuxSOUMIS temps : jusqu’en 1926, fondateur et collaborateur de la DEWOG, puis Stadtbaurat ( chef urbaniste ) SUPERIEUREde Berlin. 8 « Le bâtiment est avant tout une activité d’assemblage. Ce que Ford a réussi avec l’industrie américaine est possible dans les mêmes proportions pour la construction de logements – en particulier de petits logements – si le travail est logique. En Amérique, on a d’ores et déjà abordé le problème des coûts de construction de façon radicalement différente. Là-bas, on a su reconnaître l’importance du montage dans la production artisanale du bâtiment. » M.Wagner, Amerikanische Bauwirtschaft, Berlin, 1925, p.14-19, cité par Christine Mengin dans Guerre du Toit et modernité architecturale, voir note 1. 9 « Ich werde nun versuchen, aus eigener Kraft heraus mir die Mittel für die Förderung des Gedankens zu erarbeiten, und zwar dadurch dass ich hier in Berlin im Begriff stehe, etwa 1000 Wohnungen zur Ausführung zu bringen und mir bei dieser GelegenheitDOCUMENT auch die Mittel für die Versuche beschaffen will. Ob mir das glücken will, steht noch dahin. » CorrespondanceNATIONALE entre Wagner et Gropius, Berlin, 2 mai 1925. 10 Standardwohnungstypen, « Die Gehag-Wohnungen », brochure publiée par l’Einfa et la Gehag à l’occasion de l’exposition « Logements conformes aux nationales sur la construction de logements minimaux », Berlin, 1931. 11 Arbeitsprogrammskizze für einige Vesuchswohnhäuser, Martin Wagner, 1925, §1 Programmgrundlagen : « Die Versuchswohnhäuser sollen im wahrsten Sinne des Wortes das Problem der Volkswohnung lösen helfen und hierbei nicht nur den künstlerischen, technischen und wirtschaftlichen, sondern auch die kulturellen Grundlagen einer Klärung ECOLEnäherführen » 12 « Es gibt jetzt, um mit der Gesamtdisposition der Straßen und Baublöcke im städtebaulichen Sinne zu begin- nen, keine anderen Rücksichten als diejenigen auf die geringsten Kosten, soweit es sich um die Straßenführung und Anlage handelt, auf die Sonnenlage, die gute Duschlüftung der Blöcke, das möglichst geringe Vis-à-vis zwischen den Fronten, die entsprechende Anordnung der Treppen, der Wohn- und Nebenräume, die Ermittlung der hygienisch, wärmetechnisch und für die Benutzung, die Öffnung und Schließung besten Fenstermaße und -konstruktion, die einfachste und vernünftigste Dachform usw. Usw. Jedes der einzelne Elemente, ob es nun das einzelne Fenster, der einzelne Balkon oder die einzelne Tür ist, oder ob die in Reihe und Rhythmus auftretenden Einzelteile oder auch die großen Frontwände sind – alles dies, das einzelne wie das Ganze, erhält seine Form aus dem Sinn, den es hat. Sinnlos ist alles dies, wenn es nicht zu gebrauchen ist oder wenn seine Wirkung nicht im Verhältnis zu seinen Kosten steht. Ist es aber in dieser Weise sinnvoll, so steht ihm der Sinn sozusagen ins Gesicht geschrieben. » Die neue Baukunst in Europa und Amerika, , Stuttgart, 1929, p.

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Les difficiles conditions de vie, la crise du logement, l’industrialisation et le ra- tionalisme comme nouveau concept architectural sont les facteurs à la création des cités à la fin du 19 et début du 20ième siècle en Europe et particulièrement en Allemagne, où l’expérience moderne pris une ampleur considérable en cette forme architecturale de la cité. Si dans la langue française le terme de « cité » a aujourd’hui obtenu une connota- tion péjorative due à la stigmatisation de certains quartiers, le mot « Siedlung » est resté vierge de tout sens négatif ( pour exprimer le terme « cité » en son sens de stigmatisation NANTES sociale, on parlera plutôt de « Block », voire de « Kiez » ). Tout comme le terme français, « Siedlung » désigne en premier lieu un lieu où les Hommes vivent ensemble, en une DE communauté. Il peut s’agir d’un village ou d’une ville, seul le critère de réunion humaine compte. En second lieu, il s’agit bel et bien d’une forme urbaine et architecturale d’un ensemble de logements, à l’extérieur ou intégrée dans un tissu urbain existant. Cette seconde définition détermine la Siedlung comme motif et thème architectural qui s’est développé depuis le 19ième siècle comme idéal d’habitation et ceci jusque dans la fin du 20ième siècle jusqu’à l’essoufflement du mouvement Moderne.

Depuis le 19ième siècle, la question du logement et la crise s’étaient développéesD'AUTEUR Le thème de la Siedlung en tant que problématique primordiale et épreuve sociale dans la plupart des pays euro- péens, particulièrement dans les grandes villes où la population s’accrut rapidement. En Angleterre, une initiative philanthropique s’était développée D'ARCHITECTUREdepuis 1800, où l’on constate en premier Robert Owen et la manufacture à New Lanark. Tout commeDROIT Saltaire à Yorkshire imaginé plus tard par Titus Salt, il s’agissait d’un principe communautaire où les ouvriers et leurs familles détenaient non seulement un logement propreAU et qualitatif, mais vivaient dans un cadre animé d’équipements publics, tels qu’un magasin, un théâtre ou une église. Pour les entrepreneurs comme Owen, il s’agissait de lutter contre la misère en offrant des conditions de vie correctes aux ouvriers. Ces prémices du logement social sont les Siedlungen au seuil de leur naissance. Au thème de la Siedlung industrielle d’Owen, il faut ajouter les contributions théoriques et pratiquesSOUMIS d’Ebenezer Howard dans le domaine urbanistique afin de comprendreSUPERIEURE le modèle de la Siedlung . Dans son ouvrage Garden Cities of Tomorrow, Howard exprime une nouvelle constellation urbaine de la ville, du lo- gement : la cité-jardin, l’union de l’urbain et de l’espace vert. Cette idée de la Gartenstadt se répandit avec succès aussi en Allemagne, notamment à Berlin, où en 1902 socialistes et humanistes s’empressèrent à la création de la Deutsche Gartenstadtgesellschaft. Ce- pendant, à l’encontre des théories de Howard, cette Gesellschaft comprenait la Gartens- tadt comme élémentDOCUMENT périphérique lié à la ville, ce qui l’éloigna de l’utopisme howardien. PlusieursNATIONALE Siedlungen qui portèrent le nom de Gartenstadt furent construites en Allema- gne, notamment Hellerau à Dresden ou Margarthenhöhe à Essen, mais se rapprochèrent plutôt de l’idée de la Cité Industrielle de Tony Garnier de 1904. D’autres expressions du logement à bon marché se constituèrent, notamment après la Première Guerre Mondiale, ECOLEdans différents pays européens. Vienne, Amsterdam et Rotterdam sont les exemples les plus signifiants dans la création de logements sociaux à travers de systèmes financiers et économiques publics. Les formes adoptées étaient cependant plus conservatives que les Siedlungen berlinoises : à Vienne, le logement s’organisait en grand blocks bâtis, les Höfe – forme monumentale - ; à Amsterdam, il s’agissait plutôt d’alignement de maisons en briques, et à Rotterdam, plus proches des Siedlungen berlinoises, les cités de l’architecte Oud se détachèrent des centres historiques. La forme architecturale la plus semblable aux Siedlungen berlinoises se retrouve néanmoins en Allemagne même, à Francfort : le

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Nouveau Francfort de Ernst May, qui, tout comme Martin Wagner, comprenait la moderni- sation de la ville à travers du concept des Großsiedlungen. En observant désormais l’histoire du logement social strictement en Allemagne, les ancêtres des Siedlungen de l’Avant-Garde se retrouvent au milieu du 19ième siècle, sous forme de Kleinhaussiedlungen. La question de l’habitation en masse n’était à cette époque guère un intérêt politique, mais, en réaction au paupérisme et aux déplorables conditions de vie, le résultat de quelques initiatives philanthropiques. Les Kleinhaussie- NANTES dlungen se constituaient de maisons individuelles pour une ou deux familles ( un loge- ment détenait environ 35 m² ) situées à proximité d’un espace vert (un jardin privé n’étant DE pas forcément attribué). Le concept se basait sur l’économie, que ce soit au niveau des matériaux utilisés, l’agencement des plans ou la taille des parcelles. Il en résulta, comme à Bremer Höhe ou à Oberhausen-Osterfeld, des Siedlungen entre 20 et 100 hectares do- tées de maisons R+2 mitoyennes deux à deux ou organisées selon la constellation du car- ré Mulhousien. La seconde manifestation du thème de la Siedlung prend forme en 1889 avec le Genossenschaftsgesetz ( GenG ), la « loi concernant l’économie et la création des entreprises privées ». Cette loi vint assurer la création de Baugenossenschaften, des en- treprises privées qui avaient comme objectif de construire des habitations pour laD'AUTEUR classe ouvrière et, cette fois-ci, ces initiatives étaient soutenues par l’État ( époque de Wilhelm II, 1890 – 1918 ). L’unique exemple conservé de Genossenschaftssiedlung à Berlin est le Adlershof à Treptow-Köpenick, conçu par l’architecte GabrielD'ARCHITECTURE Wohlgemuth. La création de ces Siedlungen se basait sur un système économique participatif DROIT: l’ouvrier qui désirait obtenir une maison, participait à cette Genossenschaft en payant 20 Marks d’inscription, puis continuellement une somme de 200 Marks, afin de devenirAU membre entier. Lorsqu’un logement fut réalisé, c’est avec un système de tirage au sort que le propriétaire fut déter- miné. Bien évidemment, si l’heureux gagnant ne voulait avoir le logement en question, fait qui n’arrivait que rarement en vue des conditions de vie dans les Mietskasernen, il arrivait que le propriétaire revendait l’habitation acquise et attendait à nouveau son tour. Les Ge- nossenschaftssiedlungen se constituaient enSOUMIS général de maisons R+2 mitoyennes deux à deux, chacune dotées d’un jardinSUPERIEURE privé. Dans le cas de la Adlershofsiedlung construite à partir de 1886, la typologie des maisons s’inspire d’architectures traditionnelles, telles que les « cottages » anglais ou les maisons de gare. Les Kleinhaussiedlungen et les Ge- nossenschaftssiedlungen du 19ième siècle sont les premières manifestations du thème de la Siedlung comme concept d’habitation social sous forme d’ensemble bâti. Trop petites pour accueillir les nombreuses familles d’ouvriers en détresse et dépassées par l’évolu- tion des modes de vieDOCUMENT au tournant du 20ième siècle, leur mérite n’est guère d’avoir résolu la crise duNATIONALE logement, mais d’avoir tracé le chemin envers un autre modèle de Siedlung, la Großsiedlung. La notion de Großsiedlung comme concept social, urbain, économique et ar- chitectural, qui s’est constituée à travers les différentes expérimentations européennes ECOLEdu 19ième et début du 20ième, trouve à Berlin sa forme ultime. Cette forme, ici illustrée par Siemensstadt, Britz, Weiße Stadt et Onkel Toms Hütte, n’est guère le résultat direct de théories rationalistes appliquées sur le chantier. En réalité, les chantiers gigantesques des Siedlungen, furent des lieux d’expérimentations, puisque personne ne savait réellement ce qu’elle signifiait, que ce soit en matière sociale, politique, ou en matière architecturale et urbanistique. Les architectes qui se mirent à cette complexe tâche, n’avaient pas d’ex- périences préalables : Scharoun n’avait jusque là que traité le logement sous forme de villa, Häring travaillait principalement sur la question de l’architecture organique, Henning

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était sculpteur, Ahrends et Büning n’avaient que réalisé des projets de logements indi- viduels. Pour Taut et Wagner, la Siedlung était un concept et une vision utopique d’une architecture sociale et rationnelle, et Gropius visait principalement les question de la ra- tionalisation des éléments architecturaux et de la production en série. Sous le concept général de la Siedlung, sont finalement nées différentes expériences d’un urbanisme et d’une architecture rationalisés, et ceci à travers les approches individuelles de différents architectes. Britz, Onkel Toms Hütte, Siemensstadt et Weiße Stadt illustrent les différentes NANTES formes que le thème de la Siedlung adopta selon les architectes et selon les sites. Ici sont présentées leurs caractéristiques architecturales principales. DE

Le « Hufeisen », centre urbain de la Großsiedlung Britz, est aujourd’hui un em- Hufeisensiedlung Britz blème des Siedlungen berlinoises des années 1920. Britz, construit entre 1925 et 1930 par les architectes Bruno Taut et Martin Wagner, fut la première cité avec plus de 1 000 logements. Par sa forme et son expression architecturale, le fer à cheval, dont est née l’appellation « Hufeisen Siedlung », manifeste le rationalisme de l’architecture du «D'AUTEUR Neuen Bauen », mais surtout l’expression de la collectivité, la solidarité et la communauté. Il est devenu l’allégorie d’une architecture sociale inventée pour un logement sain et humain. Britz est la première Siedlung de la Gehag, bailleur social duD'ARCHITECTURE réseau social initié par Martin Wagner. Elle représente donc tout aussi l’opposition au domaine de DROITla construction priva- tisée et célèbre une politique sociale et communautaire. AU

Les logiques architecturales principales peuvent s’exprimer en la phrase sui- vante : il s’agit d’un jeu de décalage symétrique et asymétrique de composantes bâties colorées disposées autour d’un élément central fort, qu’est le Hufeisen. Britz doit être perçu comme mélangeSOUMIS des cités-jardin avec le concept de la Großsiedlung. Les espaces vertsSUPERIEURE conçus par Leberecht Migge étaient, tout comme les éléments bâtis de Taut, pensés selon rationalisme et production en série : les jardins privés furent classifiés en type, conçus en types, construits avec des éléments-types. De plus, on peut noter que si le Hufeisen est le symbole de la Siedlung, la place contiguë à l’Ouest, appelée la « Hüsung » (en bas allemand « Hus » signifie « maison »), constitue, avec ses maisons répétitives à toitures double pente, l’image de la maison cité-jardin. La conception type GartenstadtDOCUMENT, qui se ressent par la voirie et la typologie des logements, c’est-à-direNATIONALE les maisons mitoyennes, se métamorphose ici en une idée plus complexe : la Gartenstadt, en opposition à l’habitat en ville, recherche une idylle et harmonie du bien être offert par le paysage rural. Taut se distancie de l’effet pittoresque des jardins, mais se concentre plutôt sur l’agencement des bâtis. Cela ne signifie cependant pas que les ECOLEespaces entre les bâtis ne sont pas traités, mais ils soulignent plutôt la conception fonc- tionnelle de la Siedlung en servant au jeu de décalage des bâtis. Chaque maison et loge- ment au rez-de-chaussé détient un jardin privée. L’ensemble de ces jardins est connecté et agencé dans le plan masse par un système de venelles. Les logements conçus en quelques plans types, assument intérieurement com- me extérieurement leur répétitivité jusqu’à ce que cette dernière devienne le thème même de l’organisation urbaine. Nous l’avons déjà dit, il s’agit d’un jeu : la répétition n’est ici synonyme de monotonie. Les décalages de la linéarité des logements varient dans l’en-

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NANTES DE

Hufeisensiedlung Britz

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU Ill.3 Vue aérienne Britz : Hufeisen, Hüsung et jeu de décalage des rues

Ill.4 Photographie espace central de la Hüsung : identité et unité marquées par l’homogénéité de la couleur

SOUMIS SUPERIEURE

DOCUMENT NATIONALE

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semble de la Siedlung, afin de donner l’effet paradoxal d’une linéarité non-linéaire. Ce jeu de Taut souligne la limitation précise des espaces publics, des espaces semi-publics et des espaces privés. Cette nette séparation des espaces manifeste une nouvelle constel- lation de la ville, du bâti espacé où les notions de l’urbanité et du paysage s’unissent en une forme de logement qualitatif doté d’air et de lumière. La Siedlung en tant que telle ne pouvait qu’être possible dans ce genre de site, loin des Mietskasernen, au milieu d’un large paysage naturel. NANTES La façade extérieure du Hufeisen est structurée par les cages d’escaliers et DE l’étage attique mis en retrait et couvert d’un enduit bleu, qui souligne la profondeur de ce plan par rapport au reste de la façade doté d’un enduit blanc et encadré par des briques rouges. Ce motif de façade n’est interrompu que trois fois par des passages qui mènent à l’intérieur du Hufeisen. Au niveau de ces passages sont verticalement superposés des loggias. La face intérieure du Hufeisen est lisse, blanche et est rythmée par les loggias encadrées de briques. Encore une fois, le bleu est utilisé pour marquer la profondeur des loggias. Ces dernières sont toujours regroupées en deux travées qui indiquent une unité bâtie. Chaque logement est verticalement séparé des logements mitoyens par l’EP.D'AUTEUR A partir du Hufeisen se dégagent au Nord et au Sud des alignements de loge- ments mitoyens en R+1, dotés chacun d’un jardin privé. Le décalage de ces alignements génère porosité et rythme qui offrent, malgré la stricte utilisationD'ARCHITECTURE de deux plans types pour 472 logements, une individualité et une authenticité à chaque rue. LesDROIT rues se resserrent et s’élargissent selon l’emplacement du front bâti. Ces maisons mitoyennes organisées autour du Hufeisen détiennent des toitures à double-pente et desAU façades enduites lisses. Aux endroits où un décalage du front bâti a été opéré, les façades sont encadrées de briques. De plus, chaque entrée est mise en valeur par la même utilisation de la brique. La composition architecturale de l’ensemble des édifices est soulignée par l’utili- sation de couleurs. Par exemple, le Hufeisen représentant un élément précis du tout, les façades s’unissent avec seulement deux couleursSOUMIS ( bleu et blanc ). Quant aux logements individuels autour de cet élémentSUPERIEURE central, leurs façades sont rythmées par des couleurs rouges, jaunes, blanches et bleues, dotant ainsi chaque groupement de maisons d’une seule tonalité, et, par conséquent, chaque rue d’une identité particulière. Le terrain mis à disposition par la ville de Berlin en 1924 fut en réalité séparé entre la Gehag et la Dewego. La Fritz-Reuter-Allee, qui s’étend du Nord au Sud de la Sie- dlung, fait littéralement la séparation entre la possession de la Gehag – donc les projets de Taut et Wagner –DOCUMENT et celle de la Degewo – conçue par Engelmann et Fangmeyer. Tout au long deNATIONALE cet axe, Taut plaça démonstrativement un front bâti plus haut que dans le reste de la Siedlung, qui fut également complété de tours d’escaliers jaillissant de la façade. Peints en rouge, cette « Rote Front » rappelle l’opposition entre les architectes de la Mo- derne et les traditionnels. Elle détient un caractère défensif de par les cages d’escaliers ECOLEqui prédominent la façade et qui ne sont percées que de petites fenêtres rectangulaires. Entre ces tours d’escaliers, la façade lisse est divisée horizontalement en son milieu par l’EP. Les deux moitiés symétriques résultantes sont organisées par trois fenêtres à croi- sillons blanches (chambre), ainsi que six fenêtres (3 salle de bains et 3 grenier) identiques à celles des tours d’escaliers. La toiture déborde entre ces dernières, ce qui n’est pas le cas chez les tours d’escaliers même et les bâtiments d’angle, qui sont avancés vers la rue. Ainsi l’apparence du front rouge a deux lectures : les corps plus haut mis en avant et la façade secondaire qui agit comme un arrière-plan. La façade arrière de la Rote Front

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est également rouge et est agencée par des groupements de balcons blancs. Ce front fermé marque non seulement ce clivage, mais incite également en son centre de pénétrer par un escalier au cœur du Hufeisen et donc de la Siedlung. Les derniers édifices construits, d’une part en 1927-29, d’autre part en 1929-30, sont un mélange de maisons individuelles et de logements collectifs situés du côté du terrain de la Degewo. Ces dernières phases de la Siedlung reflètent les problèmes écono- miques à la fin des années 1920. Si la surface au sol fut attribuée de manière très large au NANTES début, dès 1926 elle devint de plus en plus moindre. Par conséquent, les édifices datant de 1930 sont plus resserrés et hauts. Ainsi, Britz ne manifeste pas une image homogène, DE mais trois phases constructives qui s’expriment temporellement par l’architecture et l’em- placement de ses composantes. Les logements se catégorisent en quelques plans types. Dans la « Rote Front », il s’agit de logement 2-pièces : un couloir permet d’accéder à la cuisine, le salon et la salle de bains. Quant à la chambre (Schlafstube), elle est directement liée au salon. La cuisine s’ouvre à l’extérieur par le balcon, ce qui constitue un agencement type de Taut que l’on retrouve également dans le Hufeisen. Dans ce dernier, le plan type utilisé est celui 2 1/2- pièces, ici toutes les pièces sont accessibles par le couloir d’entrée. En ce qui concerneD'AUTEUR les maisons individuelles en bande, sont utilisés quatre plans d’appartement : une pièce et demie ( 49 m² de surface habitable ), deux pièces ( 53m²), deux pièces et demie (64m²) et trois pièces et demie (78m²). L’entrée qui distribue toutes D'ARCHITECTUREles pièces reste également le motif principal de l’agencement des plans. DROIT AU

Construit dès 1926 à Zehlendorf, Onkel Toms Hütte fut le second projet initié par Onkel Toms Hütte Martin Wagner, alors que le chantier du BritzSOUMIS était loin d’être fini. Situé au Grunewald, la Siedlung devait intégrer un paysageSUPERIEURE naturel peuplé de villa. Le plan masse fut dessiné par Bruno Taut ainsi que Martin Wagner, qui, pour la conception architecturale, furent accom- pagnés de Otto Rudolf Savilsberg et Bruno Häring. Il en résulta 1106 logements collectifs à deux ou trois étages, ainsi que 809 maisons individuelles, qui assimilèrent ensemble le concept d’une cité-jardin. Aussi appelée « Papageien-Siedlung » ( la cité-perroquet ), Onkel Toms Hütte devint célèbre par les différentes couleurs qui recouvrent les façades de la Siedlung. AvecDOCUMENT sept parties constitutives construites entre 1926 et 1932, il s’agit d’un ensembleNATIONALE particulièrement complexe qui se définit premièrement par la richesse des mises en scène de quelques typologies de logements. Cette richesse se résumera ici par l’énonciation des caractéristiques principales des logements et de l’environnement dans lesquels ils ont été généré et qu’ils ont généré en retour. Il s’agit bien d’une relation ECOLEsubtile entre le bâti et ses alentours, qui prend de multiples formes et semblent pouvoir se réinventer interminablement.

Les premières parties construites de la Siedlung se limitent au terrain au Sud de la ligne de métro qui partage le site en deux. Ici les logements furent conçus par Taut, Häring et Salvisberg et construits entre 1926 et 1930. Les parties restantes furent imagi- nées par Taut seul entre 1930 et 1932, et se situent au Nord de la ligne de métro. Parallè- lement au projet d’Onkel Toms Hütte par la Gehag, se construisit d’abord au Sud puis au

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NANTES DE

Hufeisensiedlung Britz

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU Ill.5 Photographie rue Am Wieselbau : maisons unifamiliales, Bruno Taut

Ill.6 Photographie rue Waldhüterpfad : maisons unifamiliales, Otto Rudloph Salvisberg

SOUMIS SUPERIEURE

DOCUMENT NATIONALE

ECOLE

22 Architecture des Siedlungen

Nord les projets de logements – par principe des maisons individuelles mitoyennes deux à deux - de la Gagfah ( Gemeinnützige Aktiengesellschaft für Angstellten Heimstätten ) qui répondaient au style architectural traditionnel. Il s’en suivit bien évidement un conflit idéologique que les journaux de l’époque nommèrent le « Dächerkrieg » -la guerre des toits de Zehlendorf. L’ensemble de la Siedlung se constitue de différentes zones qui sont soit dédiées au logement individuel, soit au logement collectif. Comme au Britz, le bâti se regroupe NANTES de différentes manières : selon l’emplacement, il peut s’aligner à la rue et en adopter la forme, il peut procéder à un jeu de décalage où dans un même alignement certains grou- DE pements de maisons s’avancent vers la rue et d’autres s’en éloignent. Quoiqu’il en soit, il en résulte des ilots toujours différents qui produisent une Siedlung à multiples facettes : chaque rue se différencie par une autre constellation architecturale. Au centre de ces ilots sont conçus des jardins privés pour les maisons individuelles et des espaces verts publics pour les logements collectifs. Cette diversité architecturale est créée à partir de quelques plans-types. Par exemple, pour la première partie construite entre 1926 et 1927, Taut et Häring utilisèrent un type d’appartement 2-pièces pour les logements collectifs et deux différents plansD'AUTEUR (3 pièces et 4 pièces) pour les logements individuels. Pour les 3-pièces, Taut imagina deux variantes, une de 61 m² et une autre de 64,5 m². L’agencement intérieur des plans-types est repris des typologies des logements du Britz, mais fut amélioré.D'ARCHITECTURE Dans l’ensemble, la conception de la Siedlung est hétérogène,DROIT avec sept phases de construction successives. L’expression architecturale des différentes typologies de lo- gement suit les principes rationalistes de façades lisses rythméesAU par quelques types de fenêtres, l’utilisation de plusieurs couleurs et de balcons ainsi que de loggia qui animent par leur détachement le plan de la façade. Les principales contraintes du projet furent le respect des arbres existants ( selon lesquels le bâti fut soit éloigné, soit rapproché de la rue ), la construction de logement à deux niveaux, la construction parallèle du centre commercial au niveau de l’arrêt de métro et lesSOUMIS difficultés idéologiques avec les autorités qui transformèrent plus d’une foisSUPERIEURE l’esquisse du projet.

La Großsiedlung Siemensstadt construite entre 1929 et 1931 dans le quartier de Siemensstadt Charlottenburg-Wilmersdorf, était, par le nombre architectes qui l’ont conçue, une sorte d’exposition architecturaleDOCUMENT en elle même : Otto Bartning, Fred Forbat, Walter Gropius, Hugo Häring,NATIONALE Hans Scharoun et Paul R. Henning. La plupart de ces architectes faisaient partis du « Ring » ce qui explique son appellation de « Ring Siedlung ». La diversité des architectes s’était réduite et organisée au sein de ce projet en un seul thème précis : la barre. Le motif de la barre et ses diverses variantes inventées par les architectes ont ECOLEcomposé la forme de Siedlung la plus hétérogène qu’il soit et qui ne se laisse qu’ana- lyser à travers l’évocation des caractéristiques architecturales des éléments de chaque architecte. Notons tout de même que le plan masse et donc la question de l’agencement urbain – que ce soit la voirie, l’ilot, l’espace public - se voit ici résolu d’une manière radi- calement différente de ce qui avait été conçu avant les années 1920 : on peut dire que Siemensstadt préfigure le plus intensément les logiques de conception urbaine qui se développèrent après la Seconde Guerre Mondiale. Chaque architecte avait reçu en mission une partie du terrain de la Siedlung. Il

23 Architecture des Siedlungen

en résulte une image complexe partagée entre le fonctionnalisme de Gropius, la « Raum- kunst » de Scharoun et les formes organiques de Häring. Le concept global ne se résume pas en la barre, mais en le leitmotiv du « voisinage » exprimé dans les rapports d’espaces publics et privés. Tous les logements sont des constructions conventionnelles en briques avec des toitures terrasses. Mis à part les réalisations de Scharoun, Forbat et Henning, il s’agit de R+4 avec un étage attique servant de buanderie ou de grenier. La situation d’entrée de la Siedlung tournée vers le reste de la ville de Berlin, NANTES se situe au Sud et fut imaginée par Hans Scharoun. Il agença les barres en fonction de la ligne de tram-way qui sépare cette partie du terrain du reste de la Siedlung : en DE une sorte d’entonnoir, trois barres se resserrent vers le passage à niveau du tram-way et créent ainsi une situation d’entrée. Chaque barre détenant une profondeur différente, Scharoun utilise différents plans-type de logements pour chacune d’elle. Particulièrement marquante est la barre côté Ouest du Jungfernheideweg. Par ses éléments de toiture et balcons courbés, la langage architectural détient un aspect naval. A l’arrière de la ligne tram-way, débute le réel corps de la Siedlung qui s’étend au Nord jusqu’au parc de la Jungfernheide. De part et d’autre de cet axe Nord-Sud, des logements collectifs blancs de Gropius s’alignent en deux barres parallèles à la rue.D'AUTEUR Les façades sont rythmées par les contours des balcons jaillissants des loggia et la verticalité des baies vitrées des cages d’escaliers qui agissent comme des joints fragmentant l’hori- zontalité de la barre. D'ARCHITECTURE L’axe Est-Ouest de la Siedlung est la Goebel Straße. Côté DROITSud, s’étend la barre de 338 m de Bartning qui protège la Siedlung du passage du tram-way. Côté Nord, se dressent les barres de Häring qui s’intègrent dans l’espace AUvert central de la Siedlung. Les façades beiges, les briques oranges et les portes marrons cherchent à intégrer le bâti dans l’espace naturel entourant et manifestent les idées d’une architecture organique. Un élément marquant des édifices de Häring sont les balcons disposés sur les façades Ouest, qu’il justifie par l’extension fonctionnelle des espaces de vie à l’extérieur. Tout comme Häring, on retrouve dansSOUMIS les six barres de Henning cette recherche de tonalités naturelles, accompagnéeSUPERIEURE ici de terrasses par lesquelles les logements du rez-de-chaussé se voient extravertis. Il s’agit de R+3 ainsi que d’un R+2 lorsque l’on se rapproche du parc Jungfernheide. Quant aux trois barres Forbat qui concluent la Siedlung côté Est, elles s’intègrent au plan masse de Häring, puis s’alignent à la Geißler Straße. Semblable à l’esthétisme de Gropius, les façades s’expriment par les contours nets des balcons et la rigidité formelle. Les entrées et les cagesDOCUMENT d’escaliers sont anonymement intégrés à l’arrière des façades blanches,NATIONALE mais sont cadrées par les balcons en briques qui jaillissent de part et d’autre et se détachent du plan et de la matérialité de ces façades lisses.

Les architectes ont pour Siemensstadt constitué une variété de plans-types afin ECOLEde diversifier le logement et les possibilités. Par exemple, Scharoun a inventé trois plans différents : A, B et C. Le type A se caractérise par une forme longue et étroite du logement. Le type B se distingue par le motif du couloir d’entrée qui permet d’accéder à toutes les pièces, repris en diverses variantes dans lesquelles salon et chambre alternent l’orienta- tion Ouest et Est. Le type C, quant à lui, a la particularité d’une cuisine ouverte qui, avec le salon, est traversante. A l’opposé de Scharoun, Forbat se contenta de générer différentes variantes à partir de deux types ( 64,5m² et 46,2m²) . Chaque architecte a ainsi conçu des possibilités d’habitat propres à lui et son architecture.

24 Architecture des Siedlungen

NANTES DE

Hufeisensiedlung Britz

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU Ill.7 Photographie rue Jungfernheide : situation d’entrée de Siemensstadt, Hans Scharoun

Ill.8 Photographie Goebelstraße : «Lange Jammer», Otto Bartning

SOUMIS SUPERIEURE

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NANTES DE

Hufeisensiedlung Britz

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU Ill.9 Photographie Goebelstraße : architecture «organique», Hugo Häring

Ill.10 Photographie rue Jungfernheide : logements collectifs, Walter Gropius

SOUMIS SUPERIEURE

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26 Architecture des Siedlungen

Peu après sa réception en 1931, la Großsiedlung « Schillerpromenade » devint célèbre Weiße Stadt comme image représentative du « Neuen Bauen ». Elle intégrait parfaitement la vision de l’architecture Moderne opposée aux traditionnels, par ses volumes orthogonaux blanc qui lui donnèrent son nom de « Weiße stadt ». Sous la coordination de Wagner, sa conception fut posée entre les mains de Wilhelm Büning, Bruno Ahrends, Otto Rudolf Savilsberg et Ludwig Lesser en tant que paysagiste. Particulièrement notable dans cette Siedlung est la reprise de motifs architecturaux de l’urbanisme traditionnel, tels que la porte et la tour, NANTES transfigurés dans une langage moderne. La rue principale autour de laquelle s’organise l’ensemble, Aroser-Allee, est mise en scène par de longs front bâtis. Dans un mouvement DE Sud-Nord, une situation d’entrée est marquée par deux volumes tours. A l’autre extrémité de la rue, une barre, le « Brückenhaus », conclut la partie Sud de la Siedlung et indi- que une autre urbanité au Nord. L’axe, la tour, le Brückenhaus, constituent des éléments hiérarchiques forts au sein de l’urbanisme, composent le plan masse de la Siedlung et marquent son aspect communautaire. Dans l’ensemble, Weiße Stadt exprime une autre forme de Siedlung, éloignée de la cité-jardin et des autres expériences berlinoises : limité aux immeubles collectifs, une forme plus urbaine. Le caractère collectif est notamment souligné par l’utilisation de jardins publics plutôt que privés et de l’intégration de nombreuxD'AUTEUR équipements publics, notamment une école maternelle.

L’union des trois architectes résulta en un premier D'ARCHITECTUREtemps à la constitution d’une largeur type pour tout le bâti. Les 9,40 m décidés sont justifiés par l’apportDROIT lumineux dans les pièces et la dimension de deux chambres qui se succèdent, c’est-à-dire 4,10 (deux lits alignés). En considérant cette mesure et l’épaisseur de la AUmaçonnerie, les architectes avaient conclu les 9,40 m de large. Ils décidèrent également des dimensions de la fenêtre type (78 x 140), ainsi que la suppression du typique étage attique berlinois, qu’ils rempla- cèrent ici par 90 cm de jambage. En outre, selon les standards indiqués par les WFG, chaque architecte a, comme à Siemensstadt, conçu plusieurs plans-types de 48 à 70m² avec des différentes variantes. A partir de cesSOUMIS maximes conceptuelles, ainsi que d’une esthétique globale (bâtis orthogonauxSUPERIEURE blancs), chaque architecte réalisa une partie de la Weiße Stadt : Bruno Ahrends composa la situation d’entrée au Sud. Les deux tours resserrent la perspective sur l’axe principal de la Siedlung et dirige le regard sur l’édifice final, le Brückenhaus. Elles surplombent les autres édifices de deux étages. Les logements de Ahrends suivent ensuite la forme de l’axe central. Côté Est, entre Aroser Allee, Schillering et Emmentaler Straße,DOCUMENT les logements collectifs se regroupent en différents ensembles qui suivent toujoursNATIONALE les directions des rues tout en s’y alignant. Par ce regroupement, une porosité est générée qui invite à entrer dans le cœur de l’îlot où Ahrends plaça l’école maternelle. L’individualité d’Ahrends s’exprime strictement par l’utilisation de la brique au niveau des entrées des logements, qui contrastent avec les façades blanches du reste, ECOLEet le décroché de toiture bleu qui disparaît pour laisser visible la forme cubique de ses bâtiments blancs. Le travail de Büning à l’Est de la Siedlung est linéaire et s’oriente à la tangente donnée par la Genter Straße. Les espaces trapézoïdaux entre les barres constituées, sont des espaces verts collectifs, fermés du côté Nord ( à partir de la Genter Straße ), mais ouverts au Sud ( côté Schillering Straße ). Ainsi, la distinction entre la rue comme espace public et l’espace vert comme espace semi-public est clairement affirmé et sou- tient encore une fois l’intention communautaire. Quant au langage architectural même des

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logements de Büning, il répond esthétiquement au rationalisme par l’utilisation de formes simples et aux principes de la Weiße Stadt avec les façades blanches. Le travail de Bün- ning se laisse facilement identifier par la couleur rouge du jambage, qui se prolonge en un décroché de toiture, et l’utilisation du jaune pour les menuiseries des cages d’escaliers et des EP. Au Nord de la Siedlung, l’axe principal se termine par le Brückenhaus de Otto Rudolf Savilsberg, une barre-pont de 40 m de large et de 4 étages, qui est posée au NANTES dessus de la Aroser Allee. Côtés Sud, des loggia rythment la façade, et, du côté Nord, l’horizontalité est accentuée par des circulations extérieures. A l’arrière du Brückenhaus, DE du côté Ouest de la rue, se poursuit un front bâti de 280 m de long, dont la façade linéaire répond à l’expression du complexe sportif de l’autre côté de la rue.

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU

SOUMIS SUPERIEURE

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28 Architecture des Siedlungen

NANTES DE

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU Ill.11 Photographie Aroser Allee: tour d’entrée Est, Bruno Ahrends

Ill.12 Photographie Aroser Allee : «Brückenhaus», Otto R. Salvisberg

SOUMIS SUPERIEURE

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29 Vers le statut de « patrimoine »

Les cités d’habitation berlinoises de la République de Weimar ont survécu sans trop de dommage l’ensemble du 20ième siècle et constituent des témoins influents de l’his- toire de l’architecture moderne. Les quatre Siedlungen n’ont pas souffert sous l’influence nazie et n’ont guère été bombardées grâce à leur situation bénéfique en périphérie de ville. Cependant, ces manifestes de l’architecture de l’avant-garde ont connu jusqu’aujourd’hui une histoire mouvementée, partagée entre rejet et admiration, qui débute précisément pendant la phase de leur conception, avant même que le premier logement soit édifié. NANTES DE « La question de savoir si l’on construit un toit plat ou en pente doit exclusivement être traitée en fonction des La guerre des toits considérations fonctionnelles, techniques et économiques. C’est une erreur d’en faire un symbole religieux, comme c’est le cas dans le combat autour de l’architecture nouvelle d’aujourd’hui. » 1

En septembre 1926 débute la construction de la cité Onkel Toms Hütte, dont nous venons d’énoncer les traits architecturaux principaux. Cette seconde Siedlung édi- fiée par la Gehag grâce aux fortes ambitions politiques de Wagner D'AUTEURet selon lavision architecturale de Taut, s’inscrit plus que toutes les autres dans un furieux débat mené par les architectes de l’époque et alimenté par la presse berlinoise. En face des habitations modernes à toit plat inventées par Taut, sont parallèlement bâtis d’autres habitations. Ces dernières, œuvres de la Gagfah, concurrent principal de la Gehag,D'ARCHITECTURE constituentDROIT la Fischtal- grund Siedlung et exposent avec leurs toitures à double-pente la conception architectura- le traditionaliste. L’épisode du conflit des deux mouvements AUarchitecturaux opposés mais réunis dans le paysage boisé du Grunewald fut intitulé le « Dächerkrieg »2, la guerre des toits, et manifeste la tension entre deux sensibilités architecturales différentes, moderne et traditionnelle, qui avait pris forme quelques années auparavant, lors de l’édification des villas d’avant-garde de la Weissenhof Siedlung à Stuttgart, et qui se poursuivra jusque dans le IIIè Reich. SOUMIS En premier fut construitSUPERIEURE Onkel Toms Hütte et ceci à partir de 1926. Alors que pour Britz Taut s’était limité à l’utilisation de toits plats pour les logements collectifs, no- tamment pour ceux du Hufeisen et des immeubles en bordure de la cité, en cette seconde Siedlung de la Gehag il s’était décidé d’appliquer ce type de toiture à l’ensemble des habi- tations. La mairie de Zehlendorf réagit immédiatement et, afin de protéger le quartier d’un « enlaidissement », refuse catégoriquement cette composante architecturale inhabituelle en ces temps. D’autresDOCUMENT éléments de la conception de Taut et ses collègues, en particulier la typologieNATIONALE des logements individuels en R+3, ne sont tolérés par les élus. Malgré le refus du permis de construire, Wagner engage les travaux de terrassements qui sont aussitôt empêchés par la police. A la suite de cet événement, un compromis est trouvé entres les autorités et les partisans du projet : le troisième niveau des logements individuels est métamorphosé en étage attique (pour la Waschküche ou comme chambre d’ami) et ECOLEles toits-plats sont finalement acceptés3. Le chantier débute en octobre 1926 et, en cette première tranche, cinq cent logements sont construits. Avant même l’achèvement de cette première phase constructive, l’extension de la cité est engagée vers l’Est du terrain. Parallèlement à cette extension de la cité d’avant-garde de la Gehag, la Gagfah débute les travaux de la Siedlung Fischtalgrund. Le terrain courbé longe la rue Am Fisch- tal qui se transforme dès lors en une réelle frontière conceptuelle entre modernisme et régionalisme. Le plan masse ne prend pas appui sur l’existant de la Gehag, mais l’ignore démonstrativement et se développe selon ses propres principes. De façon générale, cette

30 Vers le statut de « patrimoine »

cité se constitue en une courbe qui s’amenuise vers le Nord. Les profondeurs de parcelles vont ainsi en decrescendo d’Ouest en Est ou du Sud vers le Nord. Par conséquent, diffé- rentes typologies de logements sont alignées selon l’espace disponible : des immeubles, des rangées de maisons, des maisons doubles et des maisons individuelles. Le volume des logements varie également selon les destinataires, l’échelle des édifices s’étendant de la maison pour femme célibataire au logement pour un couple, jusqu’à l’immeuble. La diversité des typologies est soulignée par le nombre important d’architectes qui par- NANTES ticipèrent à la conception, tels que Hans Gerlach, Paul Mebes, Heinrich Tessenow, Paul Schmitthenner et Arnold Knoblauch, pour en citer quelques uns des plus renommés. La DE diversité est ici le leitmotiv et tente de contrer l’uniformité superficielle d’Onkel Toms Hütte, qui est pour les architectes traditionalistes qu’une simple répétition architecturale mono- tone, dissimulée par un jeu de couleur. A la Fischtalgrund Siedlung, les façades diffèrent selon les architectes. En règle générale, les maisons sont construites en maçonnerie de brique et suivent au sein de la composition de leurs façades une symétrie axiale. Elles sont surmontées d’un toit à deux versants d’une pente de quarante-cinq degrés et sont dotées d’un faîtage recouvert de tuiles rouges. Il s’agit de démontrer, en édifiant des mai- sons traditionnelles destinées à la classe des employés, l’inutilité et l’absurdité desD'AUTEUR toits plats, et par conséquent, le tort de l’avant garde :

« Introduire chez nous les toits plats d’Orient équivaudrait à peu près à nous recommander comme costume folklorique des costumes en lin blanc avec un casque colonial ou un burnousD'ARCHITECTURE arabeDROIT » 4

« Il y a aujourd’hui toute une école qui se sent tellement loin de nos origines allemandes qu’elle tente de créer artificiellement un style n’ayant rien à voir avec ce qui faisait jusqu’à présentAU du peuple une communauté de culture. » 5

« Autres pays, autres édifices ! Nous en Allemagne devons construire avec un autre point de vue que les Arabes ou les Brésiliens : lorsque nous couvrons nos maisons d’un toit protecteur, c’est bien pour tenir compte de la réalité, plus rude sur l’Elbe ou la Weser que sur leSOUMIS Tage ou le Tibre » 6 SUPERIEURE La presse et les deux partis s’engagent en un conflit perpétuel qui ne se ré- sume guère à quelques mots lancés dans des publications de l’époque, mais prend éga- lement forme sur le terrain. Taut affirmait avec son Front rouge au Britz son hostilité pour l’architecture traditionnelle, ou du moins, pour ces concepteurs, et les traditionalistes se servirent de toute occasion pour entrer en conflit architectural afin de démontrer leur supé- riorité : le choix du terrain contigu à celui d’Onkel Toms Hütte n’était pas un hasard, mais DOCUMENT un pic lancéNATIONALE par la Gagfah. Cette concurrence s’exprime en premier lieu par l’opposition idéologique des deux sociétés de construction, la Gagfah étant l’œuvre des syndicats de droite et la Gehag des socialistes. En second lieu, il s’agit bien de deux visions architec- turales différentes qui s’opposent radicalement en leurs expressions. L’ironie de ce conflit est qu’en cette époque de crise du logement, elles cherchaient une solution à ce même ECOLEproblème par le même moyen : la typisation. Bien que l’idéologie politique des syndicats diffère, la Gehag et la Gagfah ont abouti à des plans-types et des distributions étonnam- ment similaires. La controverse était strictement de l’ordre esthétique.

31 Vers le statut de « patrimoine »

NANTES DE

D'AUTEUR

Ill.13 Photographie rue Am Fischtal : face à face architectures modernes et traditionnelles D'ARCHITECTURE Ill.14 Façades DROITet plans en comparaison : Gagfah et Gehag Source : Christine Mengin AU Des façades différentes ...... mais des plans similaires.

SOUMIS SUPERIEURE

DOCUMENT NATIONALEGagfah, type F, 1925, perspective

ECOLE

Gehag, type II, 1926-1927, élévation Type E de la Gagfah Type II de la Gehag

32 Vers le statut de « patrimoine »

Si Taut voulait se détacher avec ses logements du Britz des travaux des archi- Le Modernisme, tectes traditionnels contigus avec sa « Rote Front » et si Onkel Toms Hütte recevait des un patrimoine critiques incessantes pour les toits plats et les façades colorées des logements au point incommode d’être comparés à « des prisons orientales de Palestine ou d’Italie »7 et qu’avec leurs « toits plats et façades kitsch (ils étaient) sommet du mauvais goût » 8 , c’est bien qu’un débat architectural s’était instauré depuis le 20ième siècle, mais surtout que celui-ci ne se faisait pas seulement sur papier, mais à travers la matière bâtie même. Pour compren- NANTES dre l’opposition qui s’était en quelque sorte établit entre ce que l’on considère comme architecture moderne et ce que se dit traditionnel, il est nécessaire de visualiser les réali- DE sations modernes comme éléments perturbateurs au sein du monde architectural et des paysages existants. Comme tout ce qui est nouveau, le langage moderne fut tout d’abord repoussé par de violentes critiques. Ce sont d’abord les toits terrasses et les fenêtres horizontales, puis ce sont ces lignes géométriques pures et leurs façades sans ornemen- tation, et finalement, c’est surtout ce langage formel international – dépourvu d’identité locale et nationale -, qui, au début du 20ième siècle, constituaient un « style » d’architecture étrange, même aberrant pour certains. D’ailleurs, il serait faux d’assumer que le Moder- nisme était soutenu par la majorité, car à sa naissance, la voix des détracteurs étaitD'AUTEUR bien plus forte que celle de ses laudateurs. Leur opposition se comprend non seulement par une question de goût, mais par des principes et idéologies tellement différents, qu’aux yeuxD'ARCHITECTURE des deux partis, il n’y avait guère de compromis possible. Aussi, faut-il considérer que pendantDROIT les années 1920, c’étaient les constructions modernes qui furent attaquées, alors que plus tard, à la fin des années 1950 sous l’effet de mode fonctionnaliste qui éclata,AU ce furent les constructions traditionnelles qui soufrèrent. Cette victoire du Modernisme au milieu du 20ième siècle tend notamment à réduire l’histoire de l’architecture des années 1920 à l’invention d’une ar- chitecture progressiste. En réalité, cette architecture avant-gardiste était bien incomprise et fut complètement rejetée lors de la prise de pouvoir des national-socialistes à partir de 1933. La politique nazie vint souligner l’oppositionSOUMIS au langage international moderne, considéré comme « sowjetische SUPERIEUREGleichmacherei » 9 - nivellement soviétique, dans le sens de rendre pareil - et « bolschewistisch-amerikanischen Bauweisen » 10. Par conséquent, comme viennent l’illustrer les exemples suivants, de nombreuses constructions modernes furent transformées – ou transfigurées – et les architectes de l’avant-garde furent poussés à émigrer : la Brenzkirche à Stuttgart construite selon l’esthétique moderne en 1932-3 par l’architecte Alfred Daider, fut revisitée en 1939 et « améliorée » grâce à une toiture à dou- ble pentes, des fenêtresDOCUMENT verticales et une géométrie orthogonale. Le Augustus-Bebel-Hof à Braunschweig,NATIONALE une Siedlung construite par l’architecte Ostermeyer entre 1929 et 1930, fut considérablement transformée par de nouvelles hauteurs bâties, un nouvel enduit et de nouvelles couleurs. Le débat qui prenait forme dans la transformation de bâtiments, était né par ECOLEune opposition théorique qui se laisse exprimer brièvement en ceci : les avant-gardistes recherchaient une nouvelle manière de bâtir, le « Neues Bauen » qui par ses méthodes industrialisées et son expression strictement fonctionnelle, racontait une architecture dont l’esthétisme n’avait de rapport qu’avec la forme et la forme qu’avec la fonction. Theo Van Doesburg écrivit dans un article paru en 1918 dans le magazine « De Stijl », que ceci mène par conséquent à un contraste voulu avec l’environnement : « (la solution conceptuelle des parties fonctionnelles engendre l’esthétique, les relations interdé- pendantes des volumes, et c’est ainsi que la maison trouve une harmonie en elle même. Elle est donc en

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contraste avec la nature.) » 11 Quant à l’architecture dite traditionnelle, elle exprime justement le contraire : la poésie des lieux en un lien avec la nature, l’environnement. Il s’agit donc d’un « style » local qui cherche à conserver l’identité des lieux et à bâtir en accord avec ces derniers. Elle s’apparente ainsi à une sorte d’historicisme qui, rien que par sa nature, ne peut que s’opposer au nouveau, c’est-à-dire au Modernisme. La position initiale difficile des constructions de l’avant-garde qui se verra ren- NANTES versée au milieu du siècle, peut également être mise en relation avec l’état théorique de la notion du patrimoine : qu’est-ce qu’est un monument – ou, quand considère-t-on DE qu’un bâtiment est un monument –, comment doit-on le protéger et comment doit-on l’entretenir ? Ces questions ont développé, au début du 20ième siècle, différentes théories et points de vue qui se sont formalisés en trois écoles : l’historicisme, les conservateurs et les progressistes. Ce qui nous importe ici est qu’accompagnée de son développement théorique, la protection du patrimoine se tourna vers un plus grand nombre d’édifices et ne se résuma plus à des débats ponctuels enclenchés par la reconstruction d’une église ou d’un château, comme ce fut le cas tout au long du 19ième siècle. Désormais on équipa la protection du patrimoine d’une vision globale de ce qu’elle devait être et de ceD'AUTEUR qu’elle devait protéger, comme le manifeste la théorie du « Alterswert » - la valeur d’âge – de Riegl en 1904. C’est dans ce contexte que le patrimoine, comme domaine scientifique, se mit à s’intéresser à toute sorte de bien matériel. Ce nouveauD'ARCHITECTURE regard plus pointilleux entraina la protection du patrimoine dans la direction de l’entretienDROIT de l’image du lieu, c’est-à-dire la Ortsbildpflege, qui prône la conservation authentique de l’environnement. C’est premièrement avec cette tendance du patrimoine que l’architectureAU moderne et son désir du « nouveau » entrent en conflit. En réalité, le problème de l’architecture moderne en tant que bien du patrimoine ne s’arrête pas là. Le Denkmalschutz – la protection du patrimoine - est un domaine qui se tourne vers le passé et donc, malgré différentes manières d’entretenir un lien avec la substance ancienne – qu’on se décide de la conserverSOUMIS comme elle est, qu’on se permette de la transformer, qu’on se doit SUPERIEUREde la remettre dans son état initial – il porte inexorable- ment un regard passif sur l’environnement et sa matière. De plus, ce regard porté se caractérise par la protection comme l’indique son nom, ne cherche donc pas à inventer, mais au mieux, à réinventer. Par nature donc, l’architecture moderne de l’avant-garde s’opposait à la notion du patrimoine et s’y est longtemps opposée : en 1956, la ville de Stuttgart voulait inscrire une maison du Corbusier dans la liste du patrimoine protégé ; cela fut reçu commeDOCUMENT une mauvaise blague par le département du patrimoine du Land. L’esprit moderneNATIONALE fut longtemps perçu comme un patrimoine incommode. L’adoption tardive et contrariée de certains projets avant-gardistes dans les listes de patrimoine protégé, eut pour effet un retour critique du Denkmalschutz sur lui même, bien qu’on se doit de noter que les constructions modernes sélectionnées sont strictement ECOLEcelles de grands architectes. Comme les quatre Siedlungen berlinoises furent filtrées et jugées de valeur par l’œil critique patrimonial, leur matière et leurs états actuels nous permettent aujourd’hui de comprendre comment ce statut de monument a agit sur elles, comment leur entretien raconte le rapport que nous avons avec l’architecture moderne des années 1920 et d’exprimer les positions adoptées en matière de protection du patri- moine.

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Au plus tard depuis les années 1980, plus personne ose nier l’importante valeur La patrimonialisation architecturale des Siedlungen de la République de Weimar, accompagnée de la valeur des Siedlungen historique et leur ancienneté qui ne cesse de s’accroître. Nous venons d’apercevoir la longue et difficile opposition des constructions de l’Avant-Garde avec, en premier, les traditionalistes, puis, en second, la protection du patrimoine même. La question du « pour- quoi ont-elles finalement acquis le statut de patrimoine protégé ? » trouve sa réponse très simplement dans leurs qualités architecturales qui ont mené la question de l’habita- NANTES tion vers un nouveau stade et ceci mondialement, ce qui les a doté par la suite du titre d’Avant-Garde de l’Architecture Moderne. Avec l’apogée du Mouvement Moderne au mi- DE lieu du 20ième siècle et l’évolution de la protection du patrimoine avec une ouverture sur les constructions modernes, l’acquisition du titre de « patrimoine protégé » leur fut finalement assuré. Même si leur valeur universelle est aujourd’hui incontestée, voire soulignée à travers leur statut de biens de l’UNESCO, nous proposons de résumer ici la définition de cette valeur patrimoniale, en supplément du contexte historique énoncé au chapitre 1 et des qualités architecturales décrites au chapitre 2, afin d’élucider les raisons concrètes grâce aux quelles elles bénéficient du statut de « patrimoine protégé ». Les Siedlungen berlinoises sont une réponse à la fois architecturale, àD'AUTEUR la fois urbanistique, aux problèmes sociaux et politiques du début du siècle dernier et ceci en donnant naissance à une idéologie architecturale précise. Elles racontent également une bribe d’histoire pendant laquelle la ville de Berlin se manifestaD'ARCHITECTURE comme métropole d’évolu- tions culturelles, artistiques, sociales et techniques. C’est bien dans ceDROIT contexte du Groß- Berlin édifié sur le plan Holbrecht de 1862, que Onkel Toms Hütte, Britz, Weißestadt et Siemensstadt devinrent des œuvres de valeur artistique et socialeAU : - La Hufeisensiedlung Britz (1925 – 1930 ) fut la première grande cité après la Première Guerre Mondiale et l’inflation, qui, avec ses différentes typologies d’habitation, généra un mode de vie sain avec de l’air et de la lumière, et, un loyer accessible à la classe ouvrière. - Onkel Toms Hütte (1926 -1932 )SOUMIS fut la toute première Siedlung où les archi- tectes de l’Avant-Garde affirmèrentSUPERIEURE l’esthétisme rationnel jusqu’au bout et utilisèrent des toits-plats pour tous les logements. Par ailleurs, il s’agit ici de l’expérience la plus colorée de toutes les Siedlungen. - Weiße Stadt (1929 – 1931 ) est une des Großsiedlungen urbaines. Elle s’éloi- gne ainsi, avec le motif architectural de la barre, de la forme cité-jardin et marque les prémices des expériences modernes qui suivirent la Seconde Guerre Mondiale. - SiemensstadtDOCUMENT ( 1929 – 1931 ) est le plus célèbre modèle de Großsiedlung, édi- fié par sixNATIONALE architectes du « Ring », et marqua, encore plus intensément que Weiße Stadt, le chemin envers l’urbanisme et l’architecture du Style International. On peut ainsi noter que les raisons de leur inscription sont tout d’abord des allégations historiques, c’est-à-dire liées à leur importance au sein de l’Histoire de l’archi- ECOLEtecture ainsi que l’histoire de la ville de Berlin. Autrement dit, chacune a contribué mon- dialement, au sein d’une époque et d’un domaine culturel, à l’évolution de l’architecture, de l’urbanisme, de l’art, du paysagisme et de la technique. Cela est secondé par une deuxième catégorie de justifications, tout aussi déterminante, qui n’est cette fois-ci pas liée à la valeur initiale qu’on leur reconnaît aujourd’hui, mais à celle qu’elles ont acquises au cours du temps. Le second aspect décisif pour l’inscription de ces Siedlungen au sein du patrimoine protégé de Berlin, est l’état qu’elles sont parvenues à conserver jusqu’au jour de leur inscription en 1978. Plus précisément, toutes les quatre n’ont pas vécue de

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transformation considérable les ayant « défigurées » à jamais et sont ainsi restées en un état plus ou moins authentique. Il ne faut cependant pas conclure que sont mis sous protection strictement des éléments du patrimoine « bien » conservés, puisque même des ruines bénéficient de cette garantie de conservation, mais noter que cette bonne préservation de leurs dispositions initiales permettait, et permet toujours, de vivre l’ex- périence historique qu’elles offrent aux habitants et aux visiteurs. « Geschichte erlebbar machen » ou « rendre l’Histoire vivable » est bel et bien l’ultime objectif de la protection du NANTES patrimoine. Admettons donc plutôt que leur état sauvegardé a largement augmenté leur valeur patrimoniale. DE Si l’énonciation de leur valeur patrimoniale permet de comprendre pourquoi elles ont été portées sous protection du patrimoine, intéressons nous désormais aux dates exactes auxquelles elles ont acquis ce statut : - L’espace central de Britz, c’est-à-dire le Hufeisen et les logements autour de cette partie, fut inscrit selon §24 de la « Bauordnung für Berlin » en tant que « geschütztes Baudenkmal » le 21 novembre 1958 et intégra la liste du patrimoine protégé le 22 décem- bre 1977, lors de la mise en vigueur du « Denkmalschutzgesetzt » de Berlin (DschG Bln). Le reste de la Siedlung fut inclus en 1995 lors du renouvellement de cette loi. D'AUTEUR - L’ensemble de la Siedlung de Onkel Toms Hütte acquit en 1958 la statut de patrimoine protégé et intégra de toute évidence la liste établie en 1978 conformément la loi de la protection du patrimoine, renouvelée en 1995. D'ARCHITECTURE - L’ensemble de Weiße Stadt devint un monument historiqueDROIT protégé en 1971 selon la version de la « Bauordnung » du 13 février 1971. Ce statut fut par la suite confir- mé avec la loi de 1978. AU - La partie de la Siedlung Siemenstadt se situant dans le quartier de Spandau (c’est-à-dire trois des édifices de Scharoun le long du Jungferheideweg et de la Mäcke- ritzstraße) devinrent des monuments historiques protégés selon la « Bauordnung » de 1958 et intégrèrent par la suite la liste de 1978. Parallèlement au renouvellement de la loi de protection du patrimoine de Berlin en 1995,SOUMIS le reste de la Siedlung , c’est-à-dire les édi- fices qui se situent dans Charlottenburg,SUPERIEURE fut également inscrit en tant que bien protégé. Si aujourd’hui l’ensemble des Siedlungen détiennent ce statut leur assurant leur entretien et leur protection, on peut tout de même noter que l’acquisition de ce statut est temporellement variable. Avant de pouvoir comprendre quelles répercutions ces différen- tes dates ont eues sur l’état des Siedlungen, il est nécessaire de s’attarder sur la définition exacte de « la protection du patrimoine » et sur quelle théorie elle se base. Ces logiques patrimoniales font l’objetDOCUMENT du chapitre suivant. NATIONALE

ECOLE

36 Vers le statut de « patrimoine »

NANTES DE

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU

SOUMIS SUPERIEURE

1 Walter Gropius,DOCUMENT Zur Eröffnug der Gagfah-Austellung « Bauen und Wohnen », discours de conférence de presse, manuscritNATIONALE du 30 août 1928, publié dans Deutsche Bauzeitung 2 Veuillez consulter l’ouvrage de Christine Mengin, Guerre des toits et Modernité architecturale, pour la narra- tion plus conséquente de l’épisode de la guerre des toits et l’histoire de la Gagfah en parallèle de celle de la Gehag. 3 D’autres transformations ont eu lieu à l’issu du conflit avec la mairie : se référer au chapitre « Planungs und Baugeschichte, Waldsiedlung Zehlendorf » (p.137) par Annemarie Jaeggi dans Vier Berliner Siedlungen der Weimarer Republik. ECOLE 4 Paul Schultze-Naumburg, « Zur Frage des schrägen und des flachen Daches bei unserem Wohnungsbau », Deutsche Bauzeitung, n°94, 1926, p. 761-766. 5 - 6 K. Rössler, « Steildach – Flachdach – Horizontaldach. Die Wirtschaftlichkeit der Dachformen », Zentralblatt der Bauverwaltung, n°12, 1927, p. 138 – 139, cité dans Christine Mengin, Guerre des toits et Modernité architecturale, p. 360. 7 - 8 Journal Berliner Stadt Blatt du 5 septembre1926 : « ( Häuser) wie orientalische Gefängnisse von Palästina oder Italien », « mit ihren flachen Dächern und kitschigen Fassaden den Gipfel der Geschmacklosigkeit » 9 Neue Baukunst in den Rheinlanden, Richard Klapheck, Düsseldorf, 1928, p.203. Critique de la Weissenhof- siedlung à Stuttgart. 10 « Wiedergutmachung von Bausünden » dans Schwäbisches Heimatbuch 1939, Felix Schuster, p. 133-137 11 Zehn Jahre « Stijl », Cornelis Van Eesteren, Kunst, Technik und Städtebau, dans De Stijl 1927, p. 93-96

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Au sein de notre sujet, il est désormais nécessaire d’effectuer une parenthèse primordiale qui nous permet de comprendre les définitions et problématiques que pose la notion de patrimoine. Les logiques patrimoniales, c’est-à-dire la définition de la notion du patrimoine, la théorie et les lois sur lesquelles elle repose, les autorités concernées et leurs ambitions, ne diffèrent en Allemagne guère de celles en France dans le cadre global. Cet exposé théorique doit néanmoins être exprimé puisqu’il offre le contexte dans lequel évoluent les Siedlungen de la République de Weimar depuis leurs inscriptions en tant que NANTES patrimoines classés, voire en tant que patrimoines de l’UNESCO. Autrement dit, cette théorie nous donnera la praxis, c’est-à-dire comment les Siedlungen sont entretenues et DE quelles problématiques cela engendre.

Depuis le 19ième siècle, cette dernière a connu toute une suite d’évolutions impor- La théorie du tantes, notamment avec le débat entre Dehio et Riegl, qui se sont manifestées dans sa Denkmalschutz théorie et qui persistent jusqu’aujourd’hui. Les débats actuels en question de protection du patrimoine et de son entretien ne se laissent qu’appréhender avec ces évolutionsD'AUTEUR en arrière-plan. Nous n’allons cependant pas retracer ici l’histoire de la protection du patri- moine en Allemagne1, mais évoquer les logiques patrimoniales actuelles qui nous révéle- ront le contexte théorique dans lequel s’imbriquent les quatreD'ARCHITECTURE Siedlungen berlinoises. La langue allemande a ceci d’intéressant qu’elle permet d’associerDROIT des mots en un et de formuler ainsi de nouveaux sens. Le mot « Denkmal », c’est-à-dire « monument », est à l’origine des terminologies du domaine du patrimoine. OnAU y distingue le « Denkmals- chutz », « Schutz » signifiant « protection », et la « Denkmalpflege », « Pflege » pour « entretien ». Denkmalschutz et Denkmalpflege, respectivement « protection du patri- moine » et « entretien du patrimoine », sont les deux termes que nous nous approprions ici. Utilisés comme adjectifs, « denkmalgeschützt » et « denkmalgepflegt », ils expriment directement le statut d’un élément porté sousSOUMIS protection du patrimoine et qui se voit en- tretenu de manière historico-scientifique.SUPERIEURE Notons également que le terme « patrimoine », en tant que « ensemble des biens hérités », n’existe pas dans la langue allemande, mais se définit à travers de nos deux termes. Tout comme le mot français « monument » ( du latin « monumentum »), le « Denkmal » provient du verbe « denken » ou « gedenken » qui signifie « penser » ou « se remémorer ». Cette étymologie est primordiale et réfère au sens exact des ambitions du Denkmalschutz. Il ne s’agit pas de mettre en valeur des anciennes bâtisses DOCUMENTet de conserver l’image d’une ville pour la rendre plus attractive. Le DenkmalNATIONALE est à être perçu comme témoin de l’Histoire qui nous renseigne sur le passé. Il dévoile des faits culturels, des pratiques humaines, des événements historiques tels qu’une guerre, des méthodes constructives, des transformations urbaines etc. Il nous permet de nous « remémorer ». Afin que les générations suivantes puissent en faire de ECOLEmême, il est indispensable de protéger et conserver certains édifices. Le leitmotiv essentiel de cette protection est la conservation de « substance ori- ginale » du bâti. En effet, il est aujourd’hui admis que seule la substance originale d’un édifice détient la valeur d’authenticité nécessaire qui permet de qualifier un édifice de « source » historique. Pour illustrer pourquoi seulement la substance originale d’un bâti- ment est en mesure de nous renseigner sur le passé, prenons l’exemple d’une marche d’escaliers usée en pierre. Si nous remplaçons cette marche par une autre d’une forme et une matière identiques, elle détiendra sans doute le même aspect, mais le degré de

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l’usure de la marche initiale pouvait informer sur l’importance de sa fréquentation ou sur autres pratiques effectuées dans l’éventualité. Tout élément constitutif d’un bâtiment dé- tient ainsi le potentiel de témoigner du passé et d’approfondir nos connaissances sur les générations précédentes. Bien évidemment, il n’est pas toujours possible de conserver un édifice ou une partie de sa matière si ces derniers ne répondent plus à leur usage ou leur fonction. La Denkmalpflege cherche alors à réduire les transformations effectuées pour une rénovation, afin de perdre le moins d’informations historiques possibles : il est NANTES aujourd’hui admit qu’il est préférable de réparer plutôt que de rénover. Sans usage, un édifice ne peut qu’être difficilement conservé. En général, la DE perte de son usage entraîne sa fin. Cependant, ceci peut être empêché en lui attribuant une nouvelle fonction. La pratique de la Umnutzung, c’est-à-dire de reconversion, est par- ticulièrement répandue à Berlin où de nombreuses fabriques du 19ième siècle sont dotées de boutiques au RDC, des appartements et bureaux aux étages, ou bien, deviennent des centres commerciaux tels que les Borsig Hallen conçues par Claude Vasconi. Il en est de même pour de nombreuses églises de l’après-guerre qui, une fois désacralisées, sont reconverties en lieux de représentation, en centres culturels et, plus rarement, en boutiques ou même en hôtels. Ces deux derniers usages sont cependant bien moinsD'AUTEUR cou- rants puisqu’ils nécessitent une spatialité radicalement différente de ce qu’offre le volume d’une église. Le Denkmalschutz tente en général d’éviter de changer l’usage en un autre qui n’est pas adapté aux spatialités offertes par l’édifice. D'ARCHITECTUREEncore une fois, l’objectif est de ne pas transformer l’ensemble de la substance bâtie originale, maisDROIT de la conserver. Ceci nous amène au dernier point théorique important du Denkmalschutz et de la Denk- malpflege : la réversibilité. Cette possibilité de revenir en arrièreAU correspond à l’idée que chaque époque doit être lisible sur un édifice. Autrement dit, on doit pouvoir distinguer ce qui est nouveau de ce qui est ancien et séparer l’un de l’autre par un joint. Le thème de la « Fuge » est essentiel dans le travail de juxtaposition historique. Les exemples les plus marquants et universellement reconnus sont les travaux de Scarpa, tels que le Museum Castelvecchio à Verona qui manifeste l’importanceSOUMIS du travail de collage d’histoire et de matériaux nécessaire dans ce genreSUPERIEURE de démarche architecturale.

En Allemagne, les lois concernant la protection du patrimoine sont relatives aux Supports juridiques Länder. Même si internationalement les maximes en matière de protection et conservation de biens culturels furent définies dès 1965 avec la charte de Venise, ce n’est qu’à partir du 1 janvier 1978 que la loi concernant la protection du patrimoine culturel à Berlin fut ap- pliquée – Gesetz zumDOCUMENT Schutz von Denkmalen in Berlin, DschG Bln. Jusque là, protection du patrimoineNATIONALE se constituait de lois déclarant certains biens culturels comme « protégés », mais l’entretien de ces biens ne se fondaient pas sur des analyses et méthodes concrètes et établies. Il s’agissait plutôt de décider que faire d’un bien lorsque celui-ci nécessitait d’une rénovation ou d’une restauration. On prenait des décisions ponctuelles au moment ECOLEvenu, mais un suivi et un entretien progressif n’étaient pas mis en place. Depuis la loi de 1978, on distingue les zones protégées, où la protection se limite à l’aspect extérieur, des biens inscrits dans la liste du patrimoine protégé, où l’intérieur et l’extérieur se voient protégés. Il est également possible qu’une partie du bien soit déclarée sous protection. Les lois en matière de protection du patrimoine se fondent en premier lieu sur une échelle internationale. Cette dernière prend forme en la „ Charte Internationale sur la Conservation et la Restauration des Monuments et des Sites “, décidée lors du Congrès International ICOMOS de 1965 à Venise. En 16 articles, la Charte de Venise définit les

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valeurs essentielles et pratiques établies pour la restauration et conservation de monu- ments historiques, qui sont par la suite développées une seconde fois au sein des textes juridiques de chaque pays signataire et ceci de manière à être adaptées à la culture en question. Les aspects primordiaux peuvent être résumé de la façon suivante : - Selon l’article 5, une fonction utile à la société est « souhaitable mais elle ne peut altérer l’ordonnance ou le décor des édifices. C’est dans ces limites qu’il faut conce- voir et que l’on peut autoriser les aménagements exigés par l’évolution des usages et des NANTES coutumes.» - L’article 6 indique que « la conservation d’un monument implique celle d’un DE cadre à son échelle.» - « La restauration sera toujours précédée et accompagnée d’une étude archéo- logique et historique du monument. » ( article 9 ) - « Les apports valables de toutes les époques à l’édification d’un monument doivent être respectés, l’unité de style n’étant pas un but à atteindre au cours d’une res- tauration. » (article 11) - Quant à l’article 12, il prescrit que le nouveau doit harmonieusement s’intégrer à l’ancien, mais ne doit en aucun cas falsifier la lisibilité des couches historiques. D'AUTEUR

La seconde échelle est, en Allemagne, celle du Land. Les lois de protection du patrimoine sont différentes d’un Land à un autre, mais ne varientD'ARCHITECTURE que peu dans le contenu. Les lois en vigueur à Berlin, DschG Bln renouvelées en 1995, oriententDROIT la structure juridi- que et théorique du patrimoine selon la Charte de Venise en ces deux points : - « Le rôle de la protection du patrimoine culturel estAU de protéger, conserver, entretenir et analyser de manière scientifique les monuments historiques, et de répandre le savoir et la pensée patrimoniale. » 1 - « Les objectifs de la protection du patrimoine culturel sont d’intégrer l’entretien de biens culturels au sein de l’évolution territoriale et de les respecter judicieusement dans la planification urbaine ainsi que dans SOUMISles projets publics. »2 Plus précisément ces loisSUPERIEURE signalent que la conservation d’un monument et la protection de son environnement immédiat est de la responsabilité de son propriétaire ( article 8 ). Ainsi, le propriétaire a l’obligation d’entretenir et de conserver le bien classé en bon état. En sus, il peut être obligé par les autorités responsables de réaliser des travaux pour sa conservation. Toute transformation du bâti après son classement en tant que patrimoine protégé, nécessite une autorisation de la Denkmalschutzbehörde. Il s’en suit que nul ne peutDOCUMENT altérer, modifier, restaurer ou bien détruire une partie du bien sans cette autorisation.NATIONALE La modification éventuelle de la substance bâtie ne doit en aucun cas transformer l’apparence du monument ou détériorer une de ses qualités. Britz, Onkel Toms Hütte, Siemenstadt et Weiße Stadt intègrent aujourd’hui toutes les quatre la liste du patrimoine protégé de Berlin et sont soumises aux lois de protection ECOLEdu patrimoine de 1995. A l’exception de Onkel Toms Hütte qui a subi « trop » de modifica- tions dans son aspect original et authentique à cause de la privatisation, elles font partie, depuis 2008, de la liste de l’UNESCO, statut privilégié qui leur offre une valeur universel- lement reconnue. Leur entretien reste cependant la responsabilité de Berlin et de ces lois admises dans ce Land.

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Le fonctionnement administratif de la protection du patrimoine à Berlin compte Institutions du grâce à son système parmi les plus efficaces et « correctes » en Allemagne. Nous rap- patrimoine pelons encore une fois que chaque Land détient ses propres lois et par conséquent, une hiérarchie administrative distincte des autres. Une constante est cependant la différen- ciation établie entre la Denkmalschutzbehörde, c’est-à-dire le service de la protection du patrimoine, et la Denkmalfachbehörde. Cette dernière est chargée des recherches scientifiques qui offrent à laDenkmalschutzbehörde la matière technique permettant d’en- NANTES tretenir les éléments du patrimoine. A Berlin, la Denkmalschutzbehörde ne peut organiser et gérer le patrimoine sans l’accord de la Denkmalfachbehörde 3. Si aucun compromis DE n’est trouvé entre ces deux services ( ce qui peut arriver pour des raisons économiques et politiques ), c’est la plus haute autorité, c’est-à-dire la Oberste Denkamlschutzbehörde, à qui est redirigée la prise de décision. A Berlin, l’autorité la plus importante en matière de patrimoine est la Senats- verwaltung für Stadtentwicklung. C’est donc le Sénat de programmation urbaine qui est la Oberste Denkmalschutzbehörde. Par conséquent, la question du patrimoine berlinois est traitée à cette échelle par les mêmes fonctionnaires qui gèrent la programmation ur- baine et intègre ainsi directement les problématiques d’évolution de la ville. Cependant,D'AUTEUR sa fonction principale, comme nous venons de l’indiquer, est celle de juge entre la Untere Denkmalschutzbehörde et la Denkmalfachbehörde. La Denkmalfachbehörde berlinoise est le LandesdenkmalamtD'ARCHITECTURE. En collaboration avec l’UNESCO, l’ICOMOS et le Deutschen Nationalkomittee für Denkmalschutz,DROIT cette autorité constituée d’architectes, d’historiens et de Denkmalpfleger détermine les élé- ments inscrits dans la liste du patrimoine protégé, effectue desAU analyses scientifiques des éléments protégés, soutient les propriétaires ou habitants et attribue des subventions. L’ensemble des travaux réalisés sont, selon la loi de protection du patrimoine de 1995, accessibles à tout le monde et consultable sur internet 4 ou dans les mairies des quartiers berlinois. C’est dans ces dernières que sont affiliées les Untere Denkmalschutzbehörden de chaque quartier qui représentent l’intermédiaireSOUMIS direct avec les habitants et la popu- lation en général. En premier lieu,SUPERIEURE leur fonction est d’accepter ou de refuser l’inscription d’éléments dans la liste du patrimoine protégé proposée par la Denkmalfachbehörde. Puis, elles attestent des autorisations, tels que des permis de construire, veillent au res- pect des obligations d’entretien du patrimoine et organisent des réunions d’habitants. La Denkmalfachbehörde et la Untere Denkmalschutzbehörde n’ayant pas les mêmes inté- rêts et compétences, d’éventuels conflits sont aptes à naître entre les deux services et c’est bien en ces circonstancesDOCUMENT qu’intervient la Oberste Denkmalschutzbehörde. NATIONALELa hiérarchie tripartite de l’organisation de la protection du patrimoine révèle en premier lieu le fonctionnement à plusieurs échelles, c’est-à-dire la ville, le quartier et le bâti protégé, mais aussi la distinction entre les administrateurs et les techniciens du patrimoine. Même si ces derniers ne détiennent aucun pouvoir de décision, c’est en ECOLEl’occurrence leur travail qui nous porte ici à cœur. Ce sont leurs méthodes de travail et le fruit de leur recherches qui dirigent l’entretien du patrimoine. Ce sont leurs prescriptions d’entretien qui font des Siedlungen ce qu’elles sont aujourd’hui.

Comme nous venons de le remarquer au sein de l’aperçu des institutions qui gèrent la L’outil de la protection du patrimoine à Berlin, le Landesdenkmalamt est chargé de définir quels biens Denkmalpflege

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bénéficient de protection et selon quels principes ils doivent être entretenus. Ces principes, c’est-à-dire « comment entretient-on un monument historique ? », fera l’objet de l’analyse dans le chapitre 6 à travers l’exemple de l’entretien des Siedlungen de l’Avant-Garde bien évidement. Ce qui nous importe ici est par quel moyen les autorités parviennent à gérer leur entretien. L’outil à cet effet se nomme le Denkmalpflegeplan, dont la traduction littérale est « plan à l’entretien du monument historique ». En réalité les Denkmalpflege- pläne sont des concepts d’entretien. Chacune des Siedlungen de l’Avant-Garde détient ce NANTES genre de concept rédigé sous forme de livre. Les Denkmalpflegepläne sont consultables dans les Bezirksämter des quartiers, mais seulement si le monument en question est une DE propriété de la ville tel que l’Unité d’Habitation du Corbusier ou la Gläserne Stadt de Frei Otto. La Gehag ayant été vendue en 1998 à une société privée, Deutsche Wohnen, leurs concepts d’entretien ne sont pas publiés. Une partie de ces concepts sont cependant consultables après demande spécifique auprès de Deutsche Wohnen. Ces concepts d’entretien expriment la manière dont les propriétaires sont tenus d’entretenir les Siedlungen. Ils indiquent ce que les propriétaires n’ont pas le droit de transformer à l’intérieur, à l’extérieur, autour de leur logement, mais aussi ce qu’ils sont en mesure de faire en respectant la valeur historique de leur habitation. Selon lesD'AUTEUR parti- cularités architecturales du monument en question, des règlementations spécifiques sont établies. Pour une Siedlung, les indications sont généralement données pour la structure des façades, l’enduit, la toiture, la couleur, les fenêtres, les portes,D'ARCHITECTURE les escaliers, les garde- corps, les auvents et les boites-à-lettres. Chacun de ces éléments constitutifsDROIT du bâti est précisément décrit et illustré par des photographies, des plans et des coupes. Ainsi est généré un répertoire exact de l’état original qui est à conserverAU ou à reconstruire si cet état authentique a été perdu au fil du temps. Comme il est impossible de contrôler l’application de ces directives continuelle- ment et que patrouiller autour des monuments historiques pour vérifier le bon entretien de ces derniers n’est pas l’objectif du Landesdenkmalamt et ne devrait jamais l’être, il s’agit strictement de se fier à la bonne volonté desSOUMIS propriétaires avertis et de les sanctionner éventuellement dans le cas d’uneSUPERIEURE importante négligence. En ce sens, le Denkmalpflege- plan agit non seulement comme guide d’entretien pour le propriétaire, mais aussi comme une réglementation indiquant des devoirs. A ceci s’ajoutent les méthodes possibles de modernisation et d’amélioration du bâti que propose le Denkmalpflegeplan. Si par exem- ple, une porte historique doit être entièrement remplacée pour une raison quelconque, le concept d’entretien soumettra une typologie de porte détenant la même allure que l’ori- ginal, mais adaptée DOCUMENTaux normes d’énergie et de sécurité actuelles. Le propriétaire n’aura plus qu’àNATIONALE commander cette nouvelle porte et bénéficiera ainsi d’une subvention. C’est en donnant ce genre d’ouvertures et interdictions, que les Denkmalpflegepläne sont l’outil principal de la conservation et protection du patrimoine. ECOLE

Le domaine de l’entretien de monuments historiques semble aux premiers L’objectif de abords être principalement du domaine des Denkmalpfleger, qui ont suivi des études l’architecte de cette filière (il s’agit d’un Master Denkmalpflege proposé dans les écoles supérieures techniques) ou qui ont suivi un enseignement d’histoire de l’art. Les Denkmalpfleger tra- vaillent dans les mairies ou dans des instituts de patrimoine, avec la mission principale de définir les valeurs patrimoniales d’un bien. L’architecte, qui ne suit pas forcément ce

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genre d’enseignements qui lui offre directement un savoir sur des questions en matière de patrimoine – dans le sens exclusif de l’entretien patrimoine comme étude scientifique et historique -, s’y voit plus ou moins confronté dans sa vie professionnelle. Cependant il ne faut pas interpréter ceci de manière péjorative en pensant qu’un architecte ne détient pas les compétences suffisantes pour exercer ce métier ; au contraire, certains architectes se convertissent entièrement dans l’étude de biens historiques et tentent de développer, en collaboration avec les autorités du patrimoine, des stratégies d’entretien du monument NANTES historique, comme c’est le cas de Winfried Brenne qui depuis les années 1980 est chargé du Denkmalpflegeplan de Onkel Toms Hütte ainsi que de la Hufeisensiedlung. D’autres, DE comme nous l’avons énoncé auparavant avec l’exemple de Scarpa, travaillent exclusi- vement dans la conversion d’anciennes bâtisses et inventent des concepts pour lier le nouveau avec l’ancien. C’est notamment dans ce cas que l’architecte entre en conflit avec l’idéologie conservatrice des Denkmalpfleger. Le travail avec un monument classé n’a aucun rapport avec celui d’une construction nouvelle, dans le sens que la priorité n’est pas la créativité, mais la protection du bien culturel. En un sens global, l’architecte travaille constamment avec le patrimoine, c’est- à-dire avec le contexte de son projet architectural. Ici, nous mettons de côté cet D'AUTEURaspect, tout comme celui de projets de conversions et nous nous concentrons exclusivement sur l’entretien du patrimoine. L’architecte peut avoir comme mission d’élaborer un Denkmal- pflegeplan ou se charger exclusivement de la modernisationD'ARCHITECTURE ainsi que de l’adaptation énergétique d’un bâti d’avant aux normes d’aujourd’hui. Quoique soitDROIT l’objectif de son tra- vail, l’étape essentielle réside en la consultation et l’appréhension du Denkmalpflegewert, c’est-à-dire la valeur patrimoniale du bâti. Cette dernière estAU évaluée et rédigée par le Landesdenkmalamt et ses agents qui sont chargés de déterminer les éléments qui intè- grent la liste du patrimoine protégé. La valeur d’un patrimoine se mesure en différentes catégories de qualités : les raisons de la protection d’un bien peuvent être de l’ordre histo- rique, artistique, scientifique, technique et urbanistique. Pour chacun de ces critères sont développés les qualités du bien qui lui offrentSOUMIS une importance particulière. Prenons briè- vement l’exemple d’une autre SiedlungSUPERIEURE berlinoise, Krumme Lanke, réalisée entre 1937 et 1939 à Zehlendorf, à proximité de Onkel Toms Hütte : - Valeur historique : il s’agit du seul exemple berlinois de Siedlung édifiée par les National-Socialistes. - Valeur urbanistique : Krumme Lanke est un exemple du modèle Gartenstadt, dont la qualité particulière réside en son agencement en symbiose avec le terrain boisé dans lequel elle fut édifiée.DOCUMENT NATIONALE- Valeur artistique : c’est un exemple du Heimatschutzstil et manifeste le réper- toire stylistique de logements individuels des traditionalistes de l’époque, intégrant ainsi également l’histoire de la guerre des toits à Zehlendorf. La mise en exergue de ces qualités permet à l’architecte d’orienter son travail. ECOLEAinsi, lui sont offerts les éléments à conserver, voire à mettre en valeur. Par exemple, il s’en suit que les toitures à double-pente sont à conserver dans leur substance originale puisqu’elles racontent une bribe intéressante de l’histoire et qu’elles sont tout aussi em- blématiques que les toits-plats d’Onkel Toms Hütte. Même si en général, on considère que l’ensemble de la substance bâtie doit être conservée dans son état authentique, ces valeurs patrimoniales déterminées permettent de saisir les qualités essentielles et, par conséquent, de pouvoir fermer les yeux sur des transformations de certains éléments moins révélateurs. Cela ne signifie en aucun cas que l’entretien d’un patrimoine est flexi-

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ble ou qu’il est aléatoire, mais plutôt que pour comprendre ce que l’on doit conserver et ce que l’on peut transformer et comment, il est nécessaire de savoir ce qui est important. Voici l’objectif principal de l’architecte qui lui permettra de faire face aux Denkmalpfleger et de trouver les moyens de travailler la substance bâtie protégée.

NANTES DE

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU

SOUMIS SUPERIEURE

DOCUMENT NATIONALE

1 Pour l’histoire de la protection du patrimoine et les évolutions théoriques, se référer à l’ouvrage de Leo Sch- midt, Einführung in die Denkmalpflege ou celui de Norbert Huse, Deutsche Texte aus drei Jahrhunderten. 2 Gesetz zum Schutz von Denkmalen in Berlin (Denkmalschutzgesetz Berlin – DSchG Bln), Erster Abschnitt, ECOLEAufgaben, Gegenstand und Organisation des Denkmalschutzes. « Es ist Aufgabe von Denkmalschutz und Denkmalpflege, Denkmale nach Maßgabe dieses Gesetzes zu schüt- zen, zu erhalten, zu pflegen, wissenschaftlich zu erforschen und den Denkmalgedanken und das Wissen über Denkmale zu verbreiten. » ( § 1 ) « Die Belange des Denkmalschutzes und der Denkmalpflege sind in die städtebauliche Entwicklung, Landes- pflege und Landesplanung einzubeziehen und bei öffentlichen Planungen und Maßnahmen angemessen zu berücksichti- gen. » ( § 2 ) 3 L’accord de la Denkmalfachbehörde est également obligatoire dans le Baden-Württemberg, Brandenburg, Hessen, Mecklenburg-Vorpommern, Rheinland-pfalz, Saarland, Sachsen-Anhalt et Thüringen. 4 Les documents et plans de la ville de Berlin sont consultables en ligne sur le site de la Senatsverwaltung für Stadtentwicklung : www.stadtentwicklung.berlin.de/geoinformation/fis-broker/

44 Les objectifs d’entretien des Siedlungen

Lorsque l’on parle de Siedlungen, on se confronte à des ensembles qui unissent La conservation de une multitude de facettes de la doxa nommée « architecture ». Les intentions sociales et Siedlungen politiques des architectes, la conception urbanistique, le jeu entre les espaces privés et publics, la diversité et l’altérité d’expressions architecturales, l’évolution de l’habitation, l’identité d’une couche société, la société même, la culture, la civilisation, …, toutes ces thématiques sont intensément exprimées à travers les Siedlungen, qui nous enseignent encore aujourd’hui sur ces différents aspects de l’architecture. La valeur patrimoniale NANTES d’une Siedlung se compose ainsi de cette masse éducative hétérogène. Qu’il s’agisse d’une Genossenschaftssiedlung du 19ième siècle, d’une cité de l’Avant-Garde ou d’une des DE années 1950, les Siedlungen se manifestent en ce sens comme importante base pédago- gique et, d’un point de vue patrimonial, comme source historique primordiale. Il ne s’agit pas de faire ici l’éloge des Siedlungen, mais de souligner qu’une Siedlung, en tant qu’en- semble architectural, se différencie largement d’un objet seul inscrit, puisqu’elle engendre une logique à un nombre d’échelles plus important. Son sens se lit et se comprend à tra- vers les liens entre les édifices qui la composent et l’ensemble des thématiques architec- turales qu’elle fusionne. Si l’on efface ou l’on transforme une de ces composantes, que ce soit un bâtiment, une rue, une façade ou une seule fenêtre, on défigure automatiquementD'AUTEUR la logique qui réside entre ses éléments constitutifs et, par extension, on anéantit le sens de la Siedlung même. Par conséquent, afin de préserver ce sens et laD'ARCHITECTURE lisibilité d’une Siedlung, son entretien se résume simplement à tout conserver. Son objectif d’entretienDROIT se constitue ainsi de l’assurance de son apparence homogène, en conservant chaque élément dans son état original ou en reconstruisant un élément à l’identiqueAU pour qu’il puisse intégrer l’image globale de la Siedlung. Son entretien ne laisse en ce sens aucune marge de li- berté ou de pulsion créative, puisque ces dernières résulteraient en un parasite détruisant l’homogénéité d’une Siedlung. Par ailleurs, cela signifie que l’environnement immédiat, qui participe à la logique conceptuelle de l’ensemble, se doit également d’être conservée dans son aspect authentique, ou du moins, SOUMISne doit en aucun cas détériorer l’apparence des bâtis. Ainsi, si l’entretien d’uneSUPERIEURE Siedlung se « résume » à tout conserver, cela signifie paradoxalement qu’elle « s’étend » à tout conserver.

Pour les architectes de l’Avant-Garde, l’esthétisme participait à la fonction sociale La subtilité de des Siedlungen. L’édificeDOCUMENT dit « rationnel » extériorise strictement son utilité et cherche par l’architecture moderne ce moyenNATIONALE à évoquer uniquement l’essence même d’un édifice. Cette idéologie architec- turale assume en ce sens seulement la nature objectale, la « Sachlichkeit », et refuse par conséquent toute forme d’expression ornementale. Ce caractère inouï au début du 20ième siècle qu’exprime les quatre Siedlungen berlinoises, est non seulement ce qui leur offre ECOLEune valeur particulière au sein de l’Histoire, mais constitue également un aspect primor- dial en leur entretien. Si une Siedlung, comme nous venons de le constater, est par son essence même un bien complexe à entretenir, l’esthétisme « moderne » vient se rajouter comme problématique particulière lorsqu’il s’agit de Britz, Onkel Toms Hütte, Weiße Stadt ou Siemensstadt. Afin de saisir l’importance de cette spécificité d’ordre esthétique, nous proposons de visualiser un type de composition de façade particulièrement révélateur : côté rue des logements collectifs de Salvisberg à Weiße Stadt. La façade se compose dans l’essentiel

45 Les objectifs d’entretien des Siedlungen

NANTES DE

D'AUTEUR

Ill.15 Photographie bâtiment Salvisberg, Aroser Allee, Weiße Stadt : esthétique rationnelle D'ARCHITECTURE d’un seul plan droit et lisse, dont la blancheur manifeste symboliquementDROIT les constructions modernes. Ce plan détient deux fins : en haut, un débord de toiture et, en bas, un socle en briques marquent les terminaisons verticales. Horizontalement,AU ce plan est séquencé par les entrées et les cages d’escaliers des immeubles. Constituant ensembles un élément vertical fort au sein de la composition, elles génèrent une lecture successive de la façade, qui se transforme dès lors en plusieurs fragments de façade. L’entrée même des loge- ments collectifs est mise en exergue grâce à un large contour en béton qui lui permet de se détacher du plan principal. Quant au vitrageSOUMIS de la cage d’escaliers, il prolonge la porte d’entrée verticalement en reprenantSUPERIEURE la largeur de cette dernière. La cage d’escaliers et l’entrée constituent l’axe central autour duquel se com- pose le jeu des fenêtres symétriquement. Les fenêtres se composent en trois modules dans les parties centrales et de deux modules lorsqu’elles sont placées en contiguïté avec les entrées. Elles reprennent le concept global de la composition de la façade évoqué juste avant, mais à leur propre échelle : les deux terminaisons verticales de la façade sont évoquées à travers DOCUMENTde légers contours en haut et en bas des fenêtres. Les menuiseries centralesNATIONALE sont bleues comme celles de la cage d’escaliers et fragmentent le plan du vi- trage. Notons également la subtilité du léger cadre gris-jaunâtre qui marque les contours de ces menuiseries centrales, qui évoquent ainsi encore plus intensément le rapport avec la cage d’escalier et ses contours en béton. Un autre détail décisif se situe au niveau de ECOLEl’entrée où la ligne du socle en brique se poursuit, par un espacement, dans le béton. Cette ligne encadre la porte et ne la coupe pas, afin de transformer cette porte en une réelle transition entre le socle et le plan blanc de la façade, comme si avec cette ligne on avait soulevé la façade et ouvert un passage vers l’intérieur. On peut résumer la composition de cette façade à un plan unique, organisé grâce à une entrée, une cage d’escaliers, un toit, un socle et des fenêtres. Autrement dit, la nature de ses éléments constitutifs est simple et inexorable. Paradoxalement, l’agen- cement de ces éléments est particulièrement complexe et précis : chaque élément vient

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interagir avec les autres et détient sa fonction exacte dans l’expressivité de la façade. La matérialité, la texture, la couleur et les proportions de tous les éléments sont liées et réagissent entre elles. Cette symbiose des éléments constitue la subtilité de l’esthétisme moderne, qu’il s’agisse des bâtiments de Ahrends, Salvisberg ou Bünning à Weiße Stadt ou des autres Siedlungen avec d’autres architectes. Si l’on se permettait désormais de modifier un des éléments de la composition de la façade de Salvisberg décrite, par exemple en remplaçant les menuiseries des fenêtres NANTES par d’autres basiques en PVC ( pour illustrer un changement drastique ), on éradiquerait non seulement les proportions des fenêtres, mais le lien avec la cage d’escaliers et fina- DE lement tout le sens de la composition de la façade, dont la qualité architecturale serait immédiatement anéantie. Imaginons maintenant que l’on remplace uniquement une fe- nêtre, et ceci par une autre avec des profils de la même épaisseur mais avec une autre couleur. Cette seule fenêtre différente se démarquerait du reste et se transformerait ainsi en une perturbation de la lisibilité de la façade. La qualité architecturale de la façade serait instantanément amoindrie. Ces deux exemples mettent en avant la forte sensibilité de l’esthétisme moderne et ceci à deux échelles : tout d’abord, il est indispensable de conser- ver la matérialité, la couleur et les proportions de chaque élément, afin de préserverD'AUTEUR leur fonction et sens au sein de la composition de la façade. Puis, comme cette dernière se base sur des principes de typisation et de standardisation, chaque élément d’un même type doit être entretenu de la même manière que les autres,D'ARCHITECTURE afin de préserver une allure homogène de la façade. Ces deux principes sont les objectifs existentielsDROIT de l’entretien conforme des Siedlungen de l’Avant-Garde et, aussi simples qu’ils paraissent, constituent le travail des Denkmalpfleger depuis les années 1980. AU

Les objectifs d’entretien des Siedlungen que l’on admet aujourd’hui, ne se sont L’état des Siedlungen que développés à la fin du 20ième siècle. Afin SOUMISde comprendre comment et pourquoi laDen- kmalpflege est venue intervenir, SUPERIEUREil est nécessaire de visualiser l’évolution des Siedlungen au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. Cette dernière ayant uniquement touché Siemensstadt de manière importante, elle ne constitue aucunement le facteur direct de la mise en place de concept d’entretien. La raison pour laquelle la mise en place d’objec- tifs concrets et de lois fut nécessaire, est l’éloignement progressif des bâtis de leur état authentique, qui aurait pu mener à une lente mais radicale défiguration des concepts des Siedlungen et de l’esthétismeDOCUMENT moderne. NATIONALELe vécu des Siedlungen après la Seconde Guerre Mondiale est marqué par différentes phases d’entretien qui sont directement liées aux dates d’acquisition du statut de patrimoine protégé. On peut résumer ceci en deux grandes étapes. La première phase est celle qui suit la Seconde Guerre Mondiale et consiste à la réhabilitation et la recons- ECOLEtruction aléatoire, que l’on peut globalement dater de 1950 à 1980. Pendant cette période, on peut constater que de nombreux travaux opérés ont transformé l’image authentique des Siedlungen. Ceci est lié à deux faits : - en premier lieu, l’acquisition du statut de patrimoine protégé varie d’une Sie- dlung à une autre et fut effectuée au plus tôt en 1958, mais pas forcément pour l’ensemble des Siedlungen. - en second lieu, ce premier classement ( 1958 pour Britz, Onkel Toms Hütte, Siemensstadt et 1971 pour Weiße Stadt ) ne donna pas lieu à des recherches historico-

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scientifiques sur l’état initial desSiedlungen . La Denkmalpflege ne vint qu’à partir de 1978 effectuer l’inventaire exact de la substance originale. Par conséquent, les Siedlungen sont marquées en cette première période d’en- tretien par une perte de substance authentique. Les travaux de recherches réalisés à partir des années 1980, qui résultèrent de la mise en vigueur de la loi de protection du patrimoine de 1978, marquent la seconde phase pendant laquelle un réel intérêt conser- vateur devint l’objectif principal. Dès lors, des concepts d’entretien furent élaborés afin de NANTES retrouver l’aspect original et la valeur de ces Siedlungen. DE

La Hufeisensiedlungen n’a connu que d’infimes destructions causées par la Hufeisensiedlung Britz guerre et, comme ses habitations n’ont pas été vendues à différents propriétaires, la pri- vatisation n’a pas eu de grande conséquence sur son apparence qui manifeste aujourd’hui encore une importante substance bâtie originale. La diversité typologique, avec les loge- ments collectifs et les logements individuels, a été conservée et n’a pas été transfigurée par quelconque nouveaux édifices ou extensions des logements. De plus, l’ensembleD'AUTEUR des éléments constitutifs, tels que les joints de briques, les toitures, les portes ou les fenêtres, ont été préservés. L’enduit lisse coloré qui participe au jeu de diversitéD'ARCHITECTURE de la Siedlung a cependant été remplacé, et ceci dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale, parDROIT de l’enduit texturé, en général blanc. Les couleurs initiales des portes et fenêtres ont également été transfor- mées. De plus, pendant les travaux de restauration des annéesAU 1970 qui ne se fondaient guère sur l’apparence authentique de la Siedlung, les enduits ont été complètement re- nouvelés pour des raisons techniques et économiques. Les nouveaux enduits ne corres- pondaient pas au concept de couleurs imaginé par Taut. C’est seulement à partir de 1982, lorsque des recherches précises furent effectuées sur l’état initial des édifices, que l’on se mit à restaurer minutieusement l’état originalSOUMIS des façades et que l’on appliqua à nouveau des enduits minéraux selon la paletteSUPERIEURE de couleurs initiale. Aujourd’hui, l’ensemble de la Siedlung a regagné son apparence originale au niveau des façades des bâtis, ainsi que des portes et fenêtres qui furent réhabilitées à partir de 2001. Depuis l’année 2009, un effort particulier est mis en œuvre pour la remise en état de l’élément central, le Hufeisen. Les façades, notamment les loggia, ont retrouvé une apparence authentique. Depuis 2010, ce sont les jardins, en particulier l’espace vert central qui est en coursDOCUMENT d’aménagement. NATIONALE

Onkel Toms Hütte constitue un cas particulier au sein des quatre Siedlungen en Onkel Toms Hütte ECOLEce qui concerne l’entretien et la restauration de ses bâtis. La privatisation des maisons individuelles ayant peu à peu défiguré l’image homogène de la Siedlung, elle ne fut pas intégrée dans la sélection du patrimoine de l’UNESCO en 2008. La réhabilitation des logements collectifs s’apparente pourtant à celle des lo- gements de la Hufeisensiedlung, étant la propriété de la même société : globalement l’apparence des logements collectifs n’a pas été troublée par des constructions parasites ou quelconque changement radical, mais ce sont ici encore de nombreux détails qui ont peu à peu transformer l’état initial de ces bâtiments. Il s’agit principalement des concepts

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de couleur, en particulier les couleurs des menuiseries des fenêtres et des portes, que l’on ne prit pas en considération au cours des travaux de réhabilitation effectués à partir des années 1950. Les façades vertes de Taut par exemple devinrent vert-pastel et acquirent un enduit texturé. La plupart de ces logements retrouvèrent cependant leurs couleurs originales dès les années 1980, grâce aux démarches entreprises par les architectes Win- fried Brenne et Helge Pitz et l’apparence originale fut continuellement regagnée. Seuls les logements collectifs de part et d’autre du Waldhüterpfad sont restés jusqu’aujourd’hui NANTES dans l’état généré après la guerre et ne correspondent pas, avec leur enduit texturé, à l’allure primaire. DE La réelle problématique d’entretien concerne cependant les logements indivi- duels qui furent graduellement vendus aux habitants. Ainsi, avant le classement des mai- sons comme patrimoine protégé en 1978, les différents propriétaires étaient libres d’en- tretenir leurs habitations selon leurs envies et adaptèrent plus ou moins leurs logements à leurs préférences et modes de vie. Cet état non protégé et libre prit fin en 1958, lors de l’inscription dans le « Baudenkmalbuch » ( répertoire des biens du patrimoine avant la mise en vigueur de la loi de 1978 ) qui détermina l’ensemble des logements individuels comme zone protégée : l’apparence extérieure ne pouvait plus être modifiée. MêmeD'AUTEUR si le statut de monument protégé advint relativement tôt, la plupart des maisons avaient déjà obtenu un nouvel enduit non conforme à l’état initial, ainsi que de nouvelles fenêtres. Avant les années 1980, la Siedlung détenait par conséquentD'ARCHITECTURE une image involontairement hétérogène qui s’éloignait radicalement de l’esthétisme moderne deDROIT l’Avant-Garde. Tout comme les logements collectifs, ce n’est qu’à partir des initiatives de Brenne et Pitz, en collaboration avec les habitants, que l’on se mit à restaurer l’allureAU authentique de 10 à 15 logements individuels par an. Aujourd’hui, il en résulte une récupération satisfaisante de l’état original puisque presque toutes les maisons individuelles ont retrouvé leur forme initiale. Seules trois maisons détiennent encore un enduit et une couleur non conformes et ne s’intègrent ainsi pas dans le concept général de la Siedlung. SOUMIS SUPERIEURE

Weiße Stadt détient en ses différentes parties constitutives encore un haut degré Weiße Stadt de substance authentique, malgré certaines reconstructions effectuées après la guerre en 1955. Lors de cette rénovation, secondée d’une autre pendant les années 1970, un nouvel enduit transforma l’ensemble des façades des bâtiments. Puis, tout comme dans les autres SiedlungenDOCUMENT, c’est à partir de 1982 qu’une restauration fut engagée afin de re- trouver l’apparenceNATIONALE originale de l’ensemble des édifices. Les travaux de remises en état sont aujourd’hui toujours en cours. Il s’agit en premier lieu de retrouver la blancheur des façades lisses des bâtiments de Salvisberg, Ahrends et Bünning. L’entretien des loggia vitrées des édifices de Salvisberg et Ahrends, dont les ré- ECOLEnovations furent effectuées à deux moments différents, fut une problématique particulière. Pendant les années 1980, ce sont d’abord les loggia de Ahrends qui furent transformées pour des raisons énergétiques, afin que les habitants contrariés puissent s’en servir en été comme en hiver : conçues initialement comme jardin d’hiver, elles sont converties en réelles extensions de l’espace de vie. Pour ceci, la construction en acier fut remplacée par de l’aluminium, complétée par des double-vitrages ainsi qu’une isolation extérieure, s’éloignant ainsi de l’apparence authentique. En ce qui concerne les bâtiments collectifs de Salvisberg (mis à part le « Brückenhaus »), les travaux furent engagés fin des années

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1990 et cette fois-ci de manière à correspondre aux attentes de la Denkmalpflege : les profils d’acier furent également remplacés par d’autres en aluminium, mais plus fins, et, on refusa l’ajout d’une isolation. Quant aux édifices de Bünning, une attention particulière fut portée à la réhabilitation des entrées et leurs cadres préfabriqués en béton. Actuelle- ment, le « Brückenhaus » de Salvisberg est en cours de réhabilitation avec objectif de regagner son apparence originale. NANTES DE Les édifices de la Großsiedlung Siemensstadt situés à proximité d’une grande Siemensstadt zone industrielle tenue par la Fa. Siemens, furent plus gravement touchés pendant la Seconde Guerre Mondiale. Certaines parties des habitations de Scharoun et Gropius le long du Jungfernheideweg, de Häring à la Goebelstraße et du « Lange Jammer » de Bar- tning furent détruites. Cependant, ces pertes de matière originale n’ont pas radicalement changé l’apparence générale de la Siedlung puisqu’elles ne sont pas réellement visibles aujourd’hui. Pourtant, lors de la reconstruction pendant les années 1950, l’état originalD'AUTEUR ne fut pas entièrement reconstitué. Pour remplacer son édifice détruit, ce fut Hans Scharoun même qui conçut une nouvelle version de sa situation d’entrée au Sud de la Siedlung. Malheureusement, tous les bâtis perdus n’ont pu être réinventésD'ARCHITECTURE par les architectes ini- tiaux et c’est ainsi que, par exemple, la partie de Gropius au croisementDROIT de la Goebels- traße et du Jungferheideweg fut reconstruite à l’image de l’esthétisme de Gropius, avec certaines déviations par rapport à l’original, par les architectesAU Hilmer&Sattler. Quant à la longue barre de Bartning, les parties endommagées furent réédifiées à l’identique entre 1951 et 1952. Par la suite, entre 1955 et 1956, Otto Bartning même opéra l’extension de la barre et ajouta les maisons 11 à 19. Deux vagues de réhabilitation non « patrimoniale » suivirent dans les années 60 et les années 70 et transformèrent les façades de l’ensemble de la Siedlung avec d’autres enduits et couleurs.SOUMIS La réhabilitation avec deSUPERIEURE réels objectifs d’entretien du patrimoine prit forme entre 1984 et 1986 et concerna principalement les logements collectifs de Scharoun, Häring et Henning. Pour cause de problèmes techniques et malgré l’intérêt de conserver un maxi- mum de substance authentique, certains éléments constructifs durent être entièrement substitués. Les plus grands dommages avaient subi les balcons arrondis des façades Ouest des barres de Häring. Ici, l’ensemble de la construction en acier ainsi que les fameuses briques auxDOCUMENT tonalités « organiques » furent complètement renouvelés. Chez les édificesNATIONALE de Scharoun, ce furent également les balcons arrondis qui manifestaient un état endommagé qui jusqu’aujourd’hui n’a pas été rétabli dans son ensemble. L’enduit dégradé des façades fut cependant renouvelé pendant les années 1980, en reprenant le concept de couleurs original et supprimant ainsi les erreurs commises pendant les ECOLEannées 1960 : les bâtiments d’entrée de la Siedlung récupérèrent ainsi le jeu de couleurs de façades blanches ponctuées d’éléments jaunes ( fenêtres ) et ocres ( socle en briques ). Quant à la remise en état des barres de Henning en 1984, elle fut effectuée sans aucun problème particulier et se concentrait principalement sur le renouvellement de l’enduit des façades. Siemensstadt est depuis ces grands travaux de réhabilitation des années 1980 perpétuellement en chantier pour une remise en état. Avant la mise sous protection de l’ensemble de la Siedlung en 1995, les menuiseries des cages d’escaliers de Gropius

50 Les objectifs d’entretien des Siedlungen

furent remplacées par de fins profils en aluminium tout en conservant le vitrage original. En 1998, ce furent les balcons côté Sud de la barre de Bartning qui furent réhabilités et complétés par des supports en acier, afin de prélever les défauts constructifs qui se sont peu à peu manifestés au cours du temps. En 2000, on rétablit le concept de couleurs des façades du bâtiment à l’extrémité Est du « Lange Jammer », un prolongement qui ne fut conçu par Bartning mais par Scharoun. Actuellement, la barre côté Ouest du Jungferhei- deweg de Gropius est en cours de renouvellement de façades. NANTES DE Les travaux effectués depuis les années 1980 par la Denkmalpflege pour l’en- Substance originale semble des quatre Siedlungen ont pour objectif de remettre en état le bâti ainsi que le Image originale paysage. Seulement, que signifie « remettre en état » ? Nous avons pu noter à travers l’énoncé de leurs transformations d’après-guerre, qu’il s’agit en premier lieu d’éradiquer les erreurs esthétiques commises pendant la phase destructive des années 1960 et 1970. Différents éléments constitutifs du bâti sont aujourd’hui encore transformés, en particulier les enduits, et cherchent ainsi à regagner peu à peu une image d’une part ressemblant à l’état original, d’autre part homogène. Cette image originale à établir ou à conserver,D'AUTEUR das originale Erscheinungsbild en allemand, montre que la théorie du patrimoine actuelle se base sur deux objectifs confondus. Die Erscheinung – l’apparence – réfère à l’objectifD'ARCHITECTURE esthétique de la Denkmalp- flege : conserver ou rétablir l’apparence que les Siedlungen détenaientDROIT lors de leur édifi- cation. Si un élément constitutif visible de l’extérieur, que ce soit une toiture, une poignée de porte ou une fenêtre, est endommagé ou ne correspond pasAU à l’image originale, il est réparé dans la mesure du possible, ou reconstruit à l’identique. De cette manière est per- pétuée l’homogénéité visuelle d’une Siedlung, ainsi que les logiques qui résident entre les bâtis, les rues, le paysage etc. Le second objectif est de l’ordre scientifique. En effet, la « substance originale » prend au sein de la théorie du patrimoine, l’ampleurSOUMIS d’une maxime inébranlable qui dirige l’ensemble des efforts du travail SUPERIEUREavec le monument envers la conservation. La substance originale est pour la Denkmalpflege, le seul réel témoin possible de l’Histoire, puisqu’elle seule détient la valeur d’âge, l’usure qui s’en suit, ainsi que l’authenticité matérielle. Elle est effectivement la matière qui peut être analysée afin de déchiffrer le passé et doit par conséquent être prioritairement conservée et différenciée de ce qui n’est pas original. Le désir de conserver l’image et de conserver la substance authentique peu- vent paraître indissociablesDOCUMENT à première vue, voire représenter une même idée, puisque si l’on conserveNATIONALE la substance originale, on conserve l’image originale. Il est cependant nécessaire de distinguer ces deux objectifs qui sont en réalité aussi paradoxaux qu’in- dissociables. Vouloir conserver la substance originale signifie conserver la matière bâ- tie en tolérant peu, voire aucune altération ou modification de cette dernière. Prenons à ECOLEnouveau l’exemple d’une fenêtre. Selon l’objectif de conservation de la substance origi- nale, une fenêtre datant des années 1920 qui serait détériorée ou dont la fonction serait amoindrie du fait de son âge et de son usure ( en particulier si on la compare aux fenê- tres standards d’aujourd’hui ), devrait être réparée plutôt que rénovée. Par conséquent, il serait nécessaire, selon la Charte de Venise et la théorie du patrimoine actuelle, de différencier la matière ajoutée de la substance de l’existant, afin de pouvoir rendre lisible les différentes couches historiques. Ceci n’est cependant guère pratiqué, étant donné les difficultés techniques que cela engendrait, l’apparence hétérogène qui en résulterait, ainsi

51 Les objectifs d’entretien des Siedlungen

que les coûts importants qui suivirent la réparation sur mesure de différentes fenêtres. Vient donc intervenir le second objectif, celui de la conservation de l’image originale et homogène. Dans ce cas, est négligée l’importance de la substance originale et la fenêtre, ou une de ses composantes, telles que les menuiseries de fenêtres de cages d’escaliers du bâtiment de Gropius à Siemensstadt, est reconstruite à l’identique. On ne pourrait ainsi aucunement distinguer si cette fenêtre fut réalisée au début du 20ième siècle ou bien au début du 21ième siècle. En faussant de cette manière la lisibilité des couches historiques, NANTES on résulte à la négation directe de l’objectif scientifique de la Denkmalpflege. Faut-il prioritairement assurer la conservation de la substance originale ou bien DE est-il plutôt indispensable de conserver une image originale et homogène ? Une réponse standard n’existe évidement pas, mais se doit d’être trouvée selon l’état de l’élément en question, selon son importance, selon son échelle, selon sa fonction etc. Il en est de même dans le cas d’un ensemble protégé aussi complexe qu’une Siedlung. Selon l’élément en question, des stratégies d’entretien sont développées qui génèrent de perpé- tuels compromis entre ces deux objectifs. En ce qui concerne une fenêtre ou une porte, la tendance est de la remplacer par une reconstruction de l’original. Il en est de même pour l’enduit d’une façade qui est simplement renouvelé, en raison de sa nature etD'AUTEUR de sa fonction. Lorsqu’il s’agit d’un escalier intérieur, la Denkmalpflege tentera plutôt de le répa- rer. Quant au paysage, on ne viendra qu’intervenir s’il perturbe l’image originale du bâti. Ces quelques tendances ici énumérées n’ont cependant rienD'ARCHITECTURE d’absolu. Les processus de remise en état sont développées selon un amalgame de critères et sontDROIT tout aussi relatifs aux personnes chargées de leur réalisation. C’est bien en ceci que réside la difficulté de l’entretien des Siedlungen et du patrimoine en général. AU En la théorie du patrimoine demeure ce paradoxe qui ne cesse de générer des débats à différentes échelles, en particulier lorsque l’on se confronte à la reconstruction de tout un bâtiment ou à la modernisation d’habitations protégées. Lorsque la substance originale d’un édifice est intacte, la règle d’or est simple : on conserve. Lorsqu’on est amené à intervenir dans cette substance, il n’ySOUMIS a plus de règle, mais une réponse à trouver dans l’existant. Le chapitre suivantSUPERIEURE aura donc pour objet la praxis de la Denkmalpflege, c’est-à-dire l’analyse de certaines stratégies d’entretien et de remise en état des Siedlun- gen de l’avant-garde.

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52 La praxis de la Denkmalpflege

L’apparence des Siedlungen a évolué depuis leurs édifications. Certaines trans- formations ont même eu lieu avant la fin des travaux. Les concepts de couleurs de la Siedlung Onkel Toms Hütte furent par exemple modifiés en collaboration avec les futurs habitants et la hauteur des habitations fut amoindrie selon les exigences de la mairie. Cer- taines modifications de la substance bâtie s’opèrent alors que le projet en question n’est pas encore abouti. Il n’est ainsi pas une évidence de définir ce qu’est ou n’est pas l’état original. Est-ce par exemple Siemenstadt avant la guerre ou est-ce celle d’après-guerre NANTES ? Est-ce que la reconstruction de l’édifice de Gropius par Himler&Sattler ne fausse-t-elle pas la lecture de l’Histoire ou n’est-elle pas devenue par défaut l’état original même ? DE Déterminer ce qu’est l’état original est une problématique particulière à laquelle il est nécessaire de se confronter avec lucidité, d’autant plus que la temporalité fait de l’état original une perpétuelle utopie : un état qu’on ne pourra jamais réellement atteindre. C’est pourtant bel et bien par rapport à cet état que s’oriente la Denkmalpflege. Que les ob- jectifs de la Denkmalpflege en matière théorique soient sensibles et controverses sur de multiples aspects, n’empêche guère que la conservation et la mise en état de monuments historiques, permet de rendre vivable l’Histoire à travers notre environnement. C’est selon cette finalité qu’il est nécessaire de saisir les pratiques de la protection du patrimoine,D'AUTEUR sans pour autant négliger sa complexité théorique. Comment agit la Denkmalpflege donc en ses pratiques ? Comment agit-elle afin de préserver Britz, Onkel Toms Hütte, Weiße Stadt et Siemenstadt dans un état original qu’elle a pu déterminerD'ARCHITECTURE ? Quels sont les outils et moyens mis en œuvre ? DROIT Britz, Onkel Toms Hütte, Siemensstadt et Weiße Stadt manifestent quatre exem- ples de Siedlungen qui détiennent chacune des qualités architecturalesAU et paysagères individuelles. Si au sein de leur entretien en tant que patrimoines protégés, l’objectif global est de conserver leurs images ainsi que leurs substances originales, chacune détient des particularités qui sont à mettre en exergue. Ce sont ces particularités dont nous allons nous servir afin d’expliciter ici la manière dont la Denkmalpflege entretient une Siedlung. En cette étude, nous reconsidérons donc la qualitéSOUMIS principale de chaque Siedlung : - Siemensstadt : la diversité architecturaleSUPERIEURE - Weiße Stadt : la conception urbaine - Onkel Toms Hütte : la couleur - Hufeisensiedlung Britz : le paysage Nous proposons par conséquent d’analyser, en premier lieu, à travers de l’exem- ple de Siemensstadt, comment l’entretien d’une Siedlung s’effectue par rapport aux quali- tés architecturales deDOCUMENT chaque édifice et de chaque architecte. En second lieu, nous éluci- derons parNATIONALE quels procédés il est possible d’assurer l’entretien de Weiße Stadt à l’échelle urbaine. L’exemple de Onkel Toms Hütte, la cité-perroquet, nous permettra par la suite de comprendre pourquoi et comment la Denkmalpflege traite la question des couleurs, et, finalement, la Hufeisensiedlung Britz nous dévoilera les difficultés particulières de l’entre- ECOLEtien du paysage : une analyse thématique qui nous permettra de redécouvrir les quatre Siedlungen de l’avant-garde sous différents aspects.

En 1929 débuta la construction de la Großsiedlung Siemensstadt. La conception Diversité architecturale de cette Siedlung résulte d’une expérimentation à deux niveaux. En premier, il s’agit du et méthodologie Existenzminimum et du développement de logements fonctionnels. En second, l’expéri- mentation d’une typologie bâtie précise, la barre. A ces deux objectifs, Hans Scharoun

53 La praxis de la Denkmalpflege

instaura le leitmotiv de la „Nachbarschaft“, le voisinage, qu’il définit en 1927 de cette ma- nière : „ le voisinage est une énergie spirituelle (…). Il est un espace qu’un piéton traverse en un quart d’heure, un espace qui répond à l’euphorie des enfants, suffisamment grand pour y instaurer de l’aventure et suffisamment petit pour y faire émerger le sentiment du chez-soi.“ 1 En collaboration avec Martin Wagner, Scharoun organisa les lignes directives du plan masse, qui fut par la suite divisé entre les architectes Bartning, Forbat, Gropius, Häring et Henning.2 NANTES L’aménagement par Scharoun au Sud marque la situation d’entrée de la Sie- dlung. Les bâtiments R+5 forment un entonnoir qui se resserre jusqu’au passage de la DE ligne de tram, et permettent, en captant les passants, un passage progressif du reste de la ville dans la Siedlung. A l’intérieur de cet entonnoir, la barre à l’Est génère grâce à ses loggias, une façade continuelle permettant de longer visuellement le front bâti, alors que du côté Ouest, la barre divisée en deux est fragmentée par le rythme des balcons et « freine » ainsi la continuité du passage vers la Siedlung. Ces balcons se déploient progressivement de la façade, qui semble monolithique de loin, jusqu’à ouvrir entièrement cette dernière, guidant ainsi les passants vers l’intérieur de la Siedlung. La partie de Scha- roun s’oriente au reste de la ville auquel elle est directement connectée et duquel elleD'AUTEUR gère une transition vers la Siedlung. Une fois passé de l’autre côté du passage à niveau du tram, les édifices de Scharoun disparaissent et la fonction d’enceinte protectrice est alors reprise par le « Lange Jammer » de Bartning. D'ARCHITECTURE Scharoun a créé une architecture urbaine qui réfère à la SiedlungDROIT, sans lui être intégrée directement. Se reflète en elle bien plus son idée de diversité et d’altérité de typo- logie. La barre devient ici un motif varié, qui s’ouvre, qui se ferme,AU qui engendre plusieurs perspectives et ressentis à partir d’un espace composé. D’un côté, est produit une ryth- mique, de l’autre, une continuité et, ensemble, est construit un passage. En ce sens, la fonction de situation d’entrée est constituée non seulement par l’emplacement des barres mais aussi par leur expression architecturale. La référence utilisée, l’architecture navale qui se reflète en les débords de toiture, les SOUMISbalcons arrondis et les hublots, lui permet de mettre en évidence une idée formelleSUPERIEURE et de métamorphoser la barre en une forme plus riche. La partie qui connut le plus succès fut celle de Hugo Häring. L’architecte Adolf Behne, qui avait fortement critiqué la conception de Siemensstadt, avait seulement trouvé en les barres de Häring une réponse « réussie entre l’intimité et la monumentalité. Ses barres échelonnées, en leur mouvement, en leur matérialité et leur couleur, entrent en ac- cord avec leur échelle,DOCUMENT leur dimension, et manifeste une naturalité entière, qui creuse une brèche dansNATIONALE le graphisme des façades à la mode. »3 Häring conçut de la même manière que Scharoun, les façades à partir des balcons. Ces derniers sont mis en avant grâce à un jeu de contraste : la différence entre l’enduit du plan de la façade et leur couleur ainsi que la structure de leurs matériaux, et, l’utilisation d’une forme arrondie qui s’oppose à la ECOLEforme monolithique de la barre. Cependant, chez Häring, les façades ne sont pas à être considérée comme « graphisme », mais sont une expression des espaces intérieurs. Les balcons sont de réelles extensions des cuisines et des salons des appartements traver- sants, et sont courbés de manière à laisser pénétrer un maximum de lumière dans ces espaces de vie intérieurs. La partie la plus étroite du balcon est placée devant la cuisine, alors que la partie plus large, dans laquelle on peut s’asseoir, est située en face du salon. Le balcon adopte ici une forme et une fonctionnalité interdépendantes. Par cette valeur, il devient une réelle surface transitoire entre l’intérieur et l’extérieur, entre l’intimité et le

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NANTES DE

Hufeisensiedlung Britz

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU Ill.16 Photographie maquette, 1929 : Siemensstadt avec situation d’entrée en entonnoir Source : Arthur Köster

Ill.17 Photographie situation d’entrée Siemensstadt, partie Hans Scharoun , 1957 : dualité des façades Source : carte postale, auteur inconnu

SOUMIS SUPERIEURE

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55 La praxis de la Denkmalpflege

NANTES DE

Hufeisensiedlung Britz

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU Ill.18 Photographie bâtiment de Häring, façade Ouest, Goebelstraße : mouvement et tonalité naturelle

Ill.19 Photographie bâtiments de Gropius, façades Est, Jungfernheideweg : rythme et séquenciation

SOUMIS SUPERIEURE

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56 La praxis de la Denkmalpflege

collectif, et, à une autre échelle, entre le logement et la Siedlung. Chez Häring, la barre ne se lit pas en les différentes unités d’habitation qu’elle abrite, qui sont marquées chez les autres par l’élément dominant de la cage d’escaliers. Ici, la barre adopte une plasticité autre par son mouvement d’alternance des balcons. Elle n’est pas fragmentée, mais animée. Elle ne cherche pas à s’affirmer dans le paysage, comme le font les barres de Scharoun dans le but de faire entrer le passant dans la Sie- dlung, mais de s’intégrer. NANTES D’une apparence particulièrement orthogonales et nettes, sont à l’opposé les barres de Walter Gropius tout au long du Jungfernheideweg. Elles se constituent en un DE volume précisément découpé et décomposé. L’ensemble du front bâti est séquencé en différentes unités qui se manifestent sur la façade par la décomposition de cette dernière en une succession de plans. Ces plans de façades sont articulés les uns aux autres par les cages d’escaliers vitrées qui jaillissent verticalement telles des tours. La matérialité ( l’enduit blanc, le socle en briques et les menuiserie en aluminium ) souligne la simplicité et netteté plastiques recherchées par Gropius. La rythmique linéaire de ces barres s’inscrit dans la formation d’un axe direct vers le parc et donne le tact à la promenade le long du Jungferheideweg. D'AUTEUR Celui qui se promène dans Siemensstadt pourra constater que de cette Siedlung émanent plusieurs images. Si l’on suit la Goebelstraße, on aura l’impression que les bar- res de Häring se déploient peu à peu, qu’elles ne sont pas positionnéesD'ARCHITECTURE perpendiculaire- ment à la longue barre de Bartning, mais qu’elles suivent la courbure DROITde cette dernière. La perpendicularité réelle devient perceptible lorsque l’on pénètre dans les espaces verts à partir desquels on peut déjà apercevoir les bâtiments de Henning.AU Si l’on longe le Jungfer- nheideweg, on pénètre une ambiance moins flexible, marquée par la précision des volu- mes de Gropius. Toujours accompagné de larges espaces verts, on se voit soumis à une multitude d’impressions qui sont aussi diverses que les réponses architecturales trouvées par les architectes. C’est ainsi qu’il est primordial de saisir la complexité architecturale qui réside en une Siedlung. Elle demeure toutSOUMIS d’abord en la diversité esthétique, qui est dans le cas de la Siemensstadt, SUPERIEUREdéclinée à partir du thème de la barre. Puis, elle résulte du sens qu’un architecte a donné à sa réalisation. Chez Scharoun, les barres cherchent à créer une organisation urbaine. Chez Häring, elles répondent à l’environnement. Chez Gropius, elles produisent un rythme. En ce sens, la diversité n’est pas à être assimilée strictement à travers les expressions esthétiques, mais également par les concepts qui diffèrent radicalement les uns des autres. Afin d’entretenir une Siedlung, il est par consé- quent inexorable deDOCUMENT comprendre ces qualités et logiques architecturales indépendantes que chaqueNATIONALE architecte a produit. Pour saisir ces différences et de trouver des réponses précises et relatives à chaque partie, à chaque édifice d’une Siedlung, la Denkmalpflege a développé une mé- thodologie exacte, qui se résume en trois phases distinctes : ECOLE La première s’intitule la « Grundlagenermittlung », avec « Grundlagen » pour « bases » et « Ermittlung » pour « détermination ». Traduit plus adéquatement, il s’agit d’une saisie de données, qui a pour objectif la détermination de l’état original. Sont ici ana- lysées en premier lieu, toute sorte de sources secondaires : toute littérature en général, les dossiers des mairies, les permis de construire, les correspondances des architectes, des articles de journaux contemporains, des photographies historiques ainsi que les ar- chives des associations d’habitants. Ensuite, est défini l’état actuel. La comparaison des deux états permet par la suite d’identifier une première fois, la substance original existan-

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te. Cette comparaison est rédigée en un ouvrage, Baugeschichtsband, qui analyse non seulement les transformations du bâti, mais se consacre également aux usages qui ont pu évoluer au fil du temps. Étant donné que dans lesSiedlungen , la conception paysagère joue un rôle prépondérant, cette dernière est parallèlement analysée. Il s’en suit la représentation de chaque édifice de la Siedlung en son état origi- nal. Les plans d’un logement type sont mesurés sur place et sont représentés à l’échelle 1:200. Ces plans sont par la suite mis en comparaison avec les mesures indiquées dans NANTES le permis de construire original. Une fois nettement définies, les mesures de ce logement type seront représentatives pour l’ensemble des habitations du même type, étant donné DE que les déviations et différences entre les logements d’un même type sont très restrein- tes. Les différentes typologies sont subséquemment réunies et situées en un plans masse global. Les façades sont également représentées par type à l’échelle 1:200. De plus, sont représentés de manière précise, par plans et photographies, différents éléments de la composition des façades – ce qui est visible de l’extérieur -, telles que les portes et les fenêtres, ainsi tout ce qui participe à l’aménagement extérieur, tel que les locaux à poubel- les. Cette première partie du travail de la Denkmalpflege fut finalisé en 1982 pour Weiße Stadt, en 1984 pour Siemensstadt, en 1985 pour Onkel Toms Hütte et en 1987 D'AUTEURpour la Hufeisensiedlung Britz. Les résultats obtenus sont la base à la réalisation d’un concept d’entretien, la seconde phase du travail. Cette étape consiste en un échangeD'ARCHITECTURE entre les habitants et la Denkmalschutzbehörde, puisqu’il s’agit ici de mettre en place des directivesDROIT à suivre. Tout d’abord est déterminé quels éléments ont assumé leur fonction et usage en leur subs- tance originale. Autrement dit, quels éléments peuvent être conservéAU en leur état actuel. Si un problème technique ou fonctionnel est mis en exergue, des solutions devront être recherchées qui s’oriente à l’état initial de l’élément. Au delà du remplacement de certains éléments, des projets peuvent être développés afin d’ajuster le bâti à de nouvelles condi- tions, que ce soit de l’ordre de la modernisation ou de l’adaptation à de nouveaux usages. La Denkmalpflege tente ainsi d’agir activementSOUMIS au sein de l’évolution d’une Siedlung. Pour chaque intervention, sont explicitéesSUPERIEURE des lignes directives qui détaillent la construction, la forme, la matérialité et tout facteur entrant en jeu. Étant donné qu’à une problémati- que il n’existe guère une seule solution, différentes variantes vont être développées et confrontées aux divers avis des habitants et des autorités du patrimoine. Le résultat de ce travail est le Denkmalpflegeplan que nous avons déjà présenté au sein de l’exposé des logiques du patrimoine (p.41). Chaque intervention possible y est décrite avec exactitude. Bien évidemment, sontDOCUMENT également pris en considération les coûts de ces interventions, en essayantNATIONALE d’utiliser des matériaux économiques et en développant des procédés types. La dernière phase est par conséquent la mise en œuvre de ces directives. Comme le Denkmalpflegeplan indique toute intervention possible pour tous les éléments, qu’il s’agisse de peindre les menuiseries, de remplacer la boite-à-lettres, de travaux de ECOLEplomberie etc., l’entretien continuel de la Siedlung est assuré à long terme. Quant aux grands projets de remise en état concernant l’ensemble de la Siedlung, ils sont dirigés par les bailleurs sociaux ou dans le cas d’habitations privatisées, gérés par le propriétaire en accord avec la Denkmalschutzbehörde, en l’occurrence la mairie. En général, ces grands projets de remise en état concernent le renouvellement d’enduit des façades, des moyens de modernisation ou l’aménagement paysager, comme nous allons le voir par la suite, et sont réalisés ponctuellement. L’exemple de Siemensstadt nous a permis de mettre en évidence que malgré

58 La praxis de la Denkmalpflege

NANTES DE

Hufeisensiedlung Britz

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU Ill.20 Exemple de plan masse , Codierungsplan, Weiße Stadt, partie Büning : répertoriation des typologies de logements

Ill.21 Exemple de logement type répertorié, partie Büning, variante 65 m²

SOUMIS SUPERIEURE

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59 La praxis de la Denkmalpflege

NANTES DE

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU Ill.22 Extraits du Denkmalpflegeplan Onkel Toms Hütte, p.15, 16 : directives concernant les toitures et les vérandas

Ill.23 Extraits du Denkmalpflegeplan Onkel Toms Hütte, p. 20, 21 : directives concernant les terrasses et les jardins privés

SOUMIS SUPERIEURE

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ECOLE

60 La praxis de la Denkmalpflege

l’unité d’une Siedlung, cette dernière est un élément composite. Siemensstadt qui fut édi- fié par six architectes du « Ring » manifeste le plus intensément la diversité architecturale qui existe en une cité d’habitation. Chacune de ses parties détient une identité propre qui se distingue et s’assemble avec les autres à la fois. La Denkmalpflege ne peut en ce sens entretenir cet ensemble complexe par une unique stratégie d’entretien, mais, comme nous avons pu le constater, a développé un processus qui permet de tenir compte des qualités architecturales de chaque édifice. Parallèlement, le thème de la typisation des NANTES Siedlungen de l’avant-garde réduit considérablement le nombre d’éléments à analyser et permet dégager des procédés d’entretien standards intégrés dans le Denkmalpflege- DE plan. Ce dernier est perpétuellement enrichi, lorsque l’on se voit confronté à de nouvelles mesures nécessaires. Ce fut par exemple le cas lors de la réhabilitation des balcons de Häring, pour laquelle il fut nécessaire de réaliser des analyses plus précises en termes techniques, afin de corriger certains défauts de l’existant. L’entretien d’une Siedlung est par conséquent un équilibre entre un processus acquis, qui permet de la conserver à long terme et des interventions ponctuelles qui vont permettre d’améliorer, de réparer l’existant et d’approfondir perpétuellement ses connaissances à son sujet. D'AUTEUR

Weiße Stadt fut le second modèle de GroßsiedlungD'ARCHITECTURE de l’avant-garde, après Sie- Urbanisme et entretien mensstadt, et fut édifiée entre 1929 et 1931 à Reinickendorf. Le terrainDROIT choisi se situe au centre-est du quartier, à proximité du lac Schäfersee. En tant qu’ancienne Feldmark, cette zone agricole consistait jusqu’au début du 20ième siècle en un AUpaysage plane, sans arbre, muni d’un sol sableux. Seule une usine de glace, l’usine Murdak, et ses grands bassins s’étaient installés ici en 1874, à l’extérieur de la ville. Jusqu’aux environs de 1900 et en parallèle de l’expansion de la ville ainsi que de l’élargissement de la Ringbahn ( ligne de tram qui effectue le tour de l’ensemble du centre de Berlin ), plusieurs fabriques suivirent l’exemple de Murdak et furent accompagnéeSOUMIS de la construction irrégulière d’habitations dans ces environs. La zone se construisitSUPERIEURE peu à peu de manière désordonnée, à partir du centre-ville berlinois vers le Nord. Ce ne fut qu’entre 1906 et 1908, qu’une réelle structu- ration du territoire fut déterminée par le moyen d’un plan masse établi pour l’ensemble de Reinickendorf. L’élément essentiel de cette planification fut l’établissement d’un axe prin- cipal menant du centre-ville de Berlin au cœur du quartier. Cette voie, la Schillerprome- nade - l’actuelle Aroser Allee - devait initialement longer une large place principale ovale ( Hohenzollernplatz, plusDOCUMENT tard Maienplatz ), dont la forme s’inspirait du lac contigu, et devait se poursuivreNATIONALE vers le Nord. De part et d’autre d’elle, le terrain devait être segmenté en plusieurs voies courbes, qui s’appuyait sur la forme radiale de la place centrale. Une grande partie de la voirie ainsi imaginée fut construite avant la Premiè- re Guerre Mondiale et forma la base d’un concours d’urbanisme pour ce secteur de la ECOLE« Schillerpromenade », lancé en 1913. Le programme du concours exigea la construction d’une mairie, cinq écoles, une école pour filles et un nombre conséquent de logements. Le quartier devait se constituer une zone d’habitation avec des logements type 3-cham- bres au minimum. Les appartements 1-pièce étaient interdits, tout comme l’édification de bâtiments industriels. A partir de ce standard établi, 31 projets furent proposés dont celui de Th. Bulling et M. Israel qui fut retenu. L’éclatement de la guerre empêcha cependant la réalisation de ce projet, dont la seule empreinte restante furent les arbres plantés le long des grands axes. A la suite de la guerre, la proclamation du Groß-Berlin-Gesetz en 1920

61 La praxis de la Denkmalpflege

NANTES DE

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU Ill.24 Extrait plan Reinickendorf, 1867 : le terrain de la Siedlung se situe sur Ill.25 Extrait plan Reinickendorf, 1901: densification du bâti au niveau des la zone agricole «Auf dem Berge» grands axes et apparition d’usines autour du Schäfersee

SOUMIS SUPERIEURE

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ECOLE

Ill.26 Extrait planification de la zone, 1908 : structuration du territoire par la Ill.27 Plan d’exécution, concours d’aménagement, Bulling et Israel, 1913 : voirie projet non réalisé, aménagement à partir de la voirie existante 62 La praxis de la Denkmalpflege

NANTES DE

Hufeisensiedlung Britz

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU Ill.28 Photographie terrain de la Schillerpromenade, vers 1925 : en premier plan le Schäfersee. Au centre, l’usine Murdak et ses bassins. A l’arrière, la voirie existante.

Ill.29 Plan de situation actuel de Weiße Stadt : intégration dans la voirie existante et adaptation de cette dernière.

SOUMIS SUPERIEURE

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ECOLE

63 La praxis de la Denkmalpflege

et l’annexion de Reinickendorf en tant que vingtième district de Berlin, l’administration urbaine détermina la Schillerpromenade comme zone de Bauklasse III, autorisant par ce moyen seulement l’édification de bâtiments R+3. Mis à part cette nouvelle classification, aucun changement ne fut opéré et le terrain persista dans son état d’avant-guerre. Le site avec voirie fut déterminé en automne 1928 comme terrain pour la réa- lisation de la Großsiedlung Weiße Stadt. Les architectes Otto Rudolph Salvisberg, Wil- helm Bünning et Bruno Ahrends se mirent à la difficile tâche d’instaurer en ce réseau NANTES préexistant une nouvelle cité d’habitation. Étant donné que, d’un point de vue financier, il n’était pas question de modifier cette voirie, peu de liberté était laissée aux architec- DE tes qui s’autorisèrent tout de même de supprimer la place centrale existante et de lier directement la Emmentalerstraße à la Aroser Allee. La partie Sud de la Ragazerstraße fut également éradiquée afin d’agrandir la taille des parcelles. La Genferstraße fut pro- longée et, tout comme la Schilleringstraße, obtint une forme plus courbée 4. A partir de cette nouvelle disposition du plan masse, le site fut divisé entre les trois architectes 5. Ahrends se charge alors des parcelles entre la Bernerstraße et la Schilleringstraße, ainsi que de la situation d’entrée au Sud de la Siedlung. Il conçoit des barres R+3 qui longent les rues et constituent ainsi un front bâti courbé le long de l’importante Aroser Allee,D'AUTEUR alors que dans la Schilleringstraße et la Emmentalerstraße, il fragmente ce front en plusieurs barres qui suivent la forme des rues. Au niveau de l’entrée, il augmente la hauteur des bâ- tis en angles en R+5, les fameuses tours avec mâts, qui se D'ARCHITECTUREtransforment dès lors en une sorte de portique d’entrée. A l’arrière du front bâti, il dispose égalementDROIT des barres selon l’orientation Nord-Sud et place au centre un jardin d’enfants. Au croisement de la Emmen- taler et de la Schilleringstraße, la terminaison Est de la SiedlungAU, est disposé un cinéma. Au Nord des parcelles de Ahrends, entre la Schilleringstraße et la Genferstraße, Büning travaille également avec le motif de la barre et l’adaptation à la rue. Il génère cependant une autre stratégie urbaine en disposant de manière radiale ses barres le long de la Genferstraße. Elles se tournent ainsi dans le sens de la rue, tout en s’ouvrant vers le Sud ( vers le reste de la Siedlung ) et se fermantSOUMIS vers le Nord. Côté Est de la Genfer- straße, il place la chaufferie centraleSUPERIEURE qui alimente la Siedlung . Afin de délimiter l’existant avec le nouveau, il accentue les extrémités de la Siedlung contiguës à d’anciennes bâtis- ses, par des bâtiments R+5. La partie de la Siedlung pensée par Salvisberg se constitue de l’ensemble des habitations construites à l’extrémité Nord de la Aroser Allee, ainsi que du Brückenhaus qui génère le passage d’un côté de la Siedlung à l’autre. Il vient ainsi en premier lieu créer la continuation des barresDOCUMENT courbes d’Ahrends au Sud de la Aroser Allee, mais également varier le NATIONALEprincipe urbain. Salvisberg positionne une barre ininterrompue tout au long de l’axe principal, avec un certain retrait par rapport à cette rue. Il prolonge ainsi la Siedlung en manifestant un changement spatial, une certaine ouverture visuelle, qui permet de porter le regard sur les espaces verts de écoles en face. ECOLE Weiße Stadt se compose ainsi de trois concepts urbains qui se basent sur des principes similaires. Les architectes se servent de la typologie de la barre, afin de créer effets spatiaux : ouverture et fermeture, élargissement et rétrécissement, linéarité et fragmentation... Les espaces publics ainsi générés fonctionnent grâce à l’absence ou la présence de porosité. Le thème de la porosité permet à chaque architecte de créer des espaces publics plus intérieurs, tels que les espaces verts des cours, ou des espaces pu- blics plus extérieurs, tels que la promenade le long de la Aroser Allee. Les trois parties de la Siedlung expriment différentes déclinaisons de la même thématique, mais fonctionnent

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ensemble, en un tout, en une cité. La partie de Bünning répond à celle d’Ahrends, celle de Salvisberg à celle d’Ahrends et celle d’Ahrends à Bünning et Salvisberg. Les trois stra- tégies et sensibilités s’unissent en un seul concept urbain, qui est souligné par certains éléments marquants, c’est-à-dire les tours d’entrée, le Brückenhaus, l’axe principal sur lequel s’appuie la composition urbaine et les limites bâties de la Siedlung. La profonde urbanité de Weiße Stadt est ensuite redéfinie dans l’apparence même des édifices avec une volumétrie claire, des façades blanches, et se complète finalement par l’insertion NANTES de divers équipements publics ainsi que de boutiques à proximité du Brückenhaus. En Weiße Stadt réside une conception particulièrement urbaine. DE L’histoire du site sur laquelle est fut édifiée dévoile que Weiße Stadt se distingue du stéréotype de la cité ou du grand ensemble. Cette Siedlung fut bel et bien bâtie en périphérie de ville, là où il y avait de la place pour des constructions de large surface, mais fut intégrée à une voirie existante. En ce sens, elle n’est pas née au milieu du néant, mais participa à création d’un tissu urbain qui s’est formé bien avant son existence. Elle a accompagné la densification du quartier de Reinickendorf et a également contribué à la transformation du secteur, qui a évolué de la zone plutôt industrielle à une zone d’habitation. Les magasins, le cinéma, la chaufferie et particulièrement les nombreusesD'AUTEUR écoles qui furent intégrés dans le programme de Weiße Stadt, ont permis de consolider l’établissement d’un quartier d’habitation. Weiße Stadt détient une unité architecturale. ElleD'ARCHITECTURE a une entrée et une sortie. Elle s’intériorise en ses cours. Elle est marquée par une homogénéitéDROIT esthétique. Elle se caractérise et s’affirme en tant qu’ensemble, en tant que Siedlung. Paradoxalement, elle s’intègre dans son contexte urbain et entretient des liens forts avecAU les bâtis environnants. Autrement dit, on ne ressent pas de changement radical en entrant dans la Siedlung. Les proportions et les hauteurs des bâtis répondent à celles du quartier et les rues sont en continuité. Il n’y a pas de rupture, seul le passage de façades colorées des édifices envi- ronnants aux façades blanches de Weiße Stadt. L’intégration de Weiße Stadt dans leSOUMIS tissu urbain manifeste un objectif prépon- dérant dans l’entretien de SiedlungenSUPERIEURE. Afin de conserver l’état original de la Siedlung, la Denkmalpflege doit également opérer à une tout autre échelle, celle de l’environnement immédiat. Des modifications de cet environnement peuvent altérer, voire anéantir, la lisibi- lité et le sens de la cité. Imaginons par exemple la destruction d’immeubles situés en face à face des habitations de Ahrends, au niveau du côté Ouest de la Emmentalerstraße, qui seraient remplacés par un parc. Instantanément, une rupture serait opérée entre Weiße Stadt et le reste de laDOCUMENT ville. Elle serait détachée de son tissu urbain. Elle serait dépourvue d’une deNATIONALE ses qualités principales. En vue des liens intenses qui résident entre la cité et son contexte urbain, il est nécessaire de conserver ce dernier afin de conserver la Sie- dlung et sa lisibilité. A cet effet, la Denkmalpflege se sert de différents outils. Le premier est le Flä- ECOLEchennutzungsplan ( FNP 6) – traduit littéralement, le plan d’usage des surfaces. Il définit les zones commerciales, les zones mixtes, les zones à usages spécifiques et les diffé- rents types de zones d’habitation de l’ensemble de Berlin. Le FNP est établi par le Senat für Stadtentwicklung, qui est, comme nous l’avons déjà noté au chapitre « logiques pa- trimoniales, institutions du patrimoine» p.41 , la Oberste Denkmalbehörde, c’est-à-dire la plus haute autorité en ce qui concerne la gestion du patrimoine. Weiße Stadt ainsi que son environnement sont intégrés dans le FNP comme zone d’habitation. De cette manière est fixé à l’échelle de la ville, un usage homogène de l’ensemble du secteur. Ce premier outil

65 La praxis de la Denkmalpflege

zone d’habitation, W1 zone d’habitation, W2 zone d’habitation, W3 zone d’habitation, W4 zone usages mixtes, M1 zone usages mixtes, M2 zoneNANTES commerciale zone usage collectivité DE école hôpital sport poste

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU Ill.30 Extrait du FNP : Weiße Stadt comme zone d’habitation W2, avec une GFZ (densité) moyenne de 1,0

Ill.31 Plan de monument historique, Weiße Stadt : zone tampon

SOUMIS monument SUPERIEURE espaces verts classés espace nominé UNESCO

zone tampon

DOCUMENT NATIONALE

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66 La praxis de la Denkmalpflege

est complété par des plans de construction, les Bebauungspläne, définis dans les mairies. Ces plans spécifient plus exactement les limites de ces zones et sont accompagnés par la Baunutzungsverordnung ( BauNVO ) qui précise le type et l’échelle des usages, les types constructifs autorisés, ainsi que la constructibilité des parcelles. La Siedlung Weiße Stadt même est inscrite en tant qu’une zone d’habitation. Au Nord, certains édifices de Salvisberg appartiennent cependant à une autre zone d’habitation définie depuis 1960 par le Bebauungsplan XX – 30. Coté Ouest de Weiße Stadt, l’environnement contigu NANTES appartient au Bebauungsplan XX – 60, qui définit également ce secteur comme zone d’habitation. Puis, au Sud-Est, est délimitée une autre zone d’habitation qui intègre une DE partie des bâtiments de Bünning, qui sert principalement à assurer la conservation des jardins de Mariabrunn ( Kleingartenkolonie ). C’est à travers ces différentes échelles et délimitation, qu’est assurée la continuité d’un usage homogène, des hauteurs de bâtis et de la densité. Le second outil est spécifique au patrimoine inscrit dans la liste de l’UNESCO, c’est-à-dire à Weiße Stadt même. L’inclusion d’une zone tampon 7 ( la Buffer zone en anglais et Pufferzone en allemand ) est recommandée, mais pas obligatoire. La zone tam- pon « est une aire entourant le bien (...) dont l’usage et l’aménagement sont soumisD'AUTEUR à des restrictions juridiques et/ou coutumières, afin d’assurer un surcroît de protection à ce bien. Cela doit inclure l’environnement immédiat (...), les perspectives visuelles importantes et d’autres aires ou attributs ayant un rôle fonctionnel importantD'ARCHITECTURE en tant que soutien apporté au bien et à sa protection. »8 Autrement dit, la zone tampon est uneDROIT aire au sein de la- quelle le bâti et les espaces publics sont contrôlés, afin d’empêcher toute transformation de l’environnement qui pourrait nuire ou altérer la lisibilité de laAU Siedlung . La protection de Weiße Stadt inclut la protection de l’ensemble de son environ- nement immédiat. Le travail de la Denkmalpflege ne se limite en ce sens pas à la protec- tion de l’élément inscrit. Au contraire, elle met en œuvre différents procédés à diverses échelles, qui concernent un nombre important d’acteurs. A l’échelle urbaine, la pratique de la Denkmalpflege consiste en l’instaurationSOUMIS de zones qui structurent non seulement l’espace, mais permettent d’agirSUPERIEURE à long terme, avec continuité et parallèlement au déve- loppement de la ville.

« Tout ce qui est sur Terre, doit avoir une couleur. Toute la nature est de couleur, même la poussière est grise, Couleur et entretien même les lieux les plus sombres et mélancoliques détiennent une sorte de couleur. Où il y a de la lumière, il y 9 a de la couleur. (…) CommeDOCUMENT tout a une couleur, tout ce que l’Homme réalise doit avoir une couleur. » NATIONALE( Bruno Taut, « Wiedergeburt der Farbe », dans Farbe am Haus, Berlin, 1925 ) En la Siedlung Onkel Toms Hütte, la „Waldsiedlung in Zehlendorf“, se reflète intensément la signature de l’architecte Bruno Taut. Son concept spatial est une réponse à la topographie du terrain, à ses pins, à ses bouleaux, à la forme courbe du passage de ECOLEla U-bahn qui la coupe en deux. L’environnement s’y voit à la fois complété, renforcé et contrasté à travers les diverses couleurs des façades. Les concepts de couleurs agissent avec le terrain boisé de Zehlendorf, mais soulignent également le jeu entre la typisation et la diversité. Entre 1926 et 1932, Onkel Toms Hütte fut édifiée par la Gehag selon les travaux des architectes Bruno Taut, Hugo Häring et Otto Rudolph Salvisberg. Avec des plans-types proposés par la Gehag, chacun de ces architectes eut l’occasion de mon- trer ses compétences en matière de conception architecturale et urbaine, jusque dans la composition des façades. Il en résulta des concepts de couleurs très différents. En cette

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analyse, nous allons spécifiquement nous intéresser à trois types de maisons individuel- les, afin de pouvoir comparer la composition de façade entre les trois architectes : les maisons mitoyennes de Häring au Eisvogelweg, celles de Salvisberg dans le Waldhüp- fertal et celles de Taut dans la rue Am Wieselbau. Les logements de Häring et Salvisberg furent édifiés en la même phase de construction, c’est-à-dire la première entre 1926 et 1927, et se situent au Sud du passage de la U-Bahn. Celle de Taut furent construites en la cinquième phase constructive entre 1929 et 1930 qui permit l’aménagement de la partie NANTES Nord de la Siedlung. Hugo Häring décida de peindre l’ensemble des façades côté rue en des tonalités DE vert-pastel. Ce plan homogène est délimité verticalement par un débord de toiture qui est accentué grâce à un bardage horizontal en rouge-amarante. Les menuiseries des fenê- tres sont entièrement blanches et s’insèrent ainsi avec un léger contraste dans la couleur verte de la façade. Le socle, les escaliers de l’entrée, ainsi que l’encadrement de la porte principale sont accentués par leur matérialité en briques de couleur ocre. Côté jardin, les façades sont blanches. Ici, les menuiseries des fenêtres sont également blanches, mais dotées d’un encadrement rouge qui reprend la tonalité du bardage côté rue et génère un lien contrasté avec le blanc de la façade. Quant au débord de toiture, il est ici soulignéD'AUTEUR par un bardage horizontal vert qui répond à la couleur des façades côté rue. Ainsi, est articulée une relation subtile entre les façades avant et arrière. Chez Salvisberg les maisons mitoyennes de 5 mètresD'ARCHITECTURE de largeur sont com- posées d’une autre manière. Il souligne clairement les limites entreDROIT chaque maison, en démarquant ces dernières par un joint en briques rouges. La couleur rouge génère l’en- cadrement de l’ensemble du plan de la façade par un socle enAU briques rouges ainsi qu’un bardage rouge qui souligne le débord de la toiture. De cette manière sont prononcées les terminaisons verticales et horizontales de chaque façade. Cette dernière est gardée ho- mogène par l’utilisation d’une seule couleur pour sa totalité. Cependant, chez Salvisberg, les façades sont accentuées par une palette de couleurs plus intense qui varie entre un jaune intensif jusqu’à un vert-amande. MalgréSOUMIS la mitoyenneté, chaque maison obtient ainsi son individualité et la rue seSUPERIEURE voit animée par cette diversité de couleurs. Les portes d’entrée sont particulièrement colorées. Le plan de la porte est conçu en un bleu-foncé doté de remplissages rouges et détient un cadre gris-clair dont le lien avec la couleur de la façade est généré, tout comme pour les fenêtres blanches, par un recouvrement en bleu-foncé. Les façades arrières sont, tout comme chez Häring, tenues en blanc et munies d’éléments marquants, telles que les fenêtres blanches mises en avant par un recouvrementDOCUMENT vert et un socle en briques rouges. NATIONALELa composition des façades de Taut se basent, comme chez Salviserg, sur l’en- cadrement en briques rouges du plan de chacune d’entre elles. Les limites entre les faça- des sont ainsi accentuées dans leur verticalité par le moyen du socle et d’un léger débord de toiture. La façade est cependant plus composée que chez Salvisberg ou Häring. Ici, ECOLETaut s’est servi d’un joint de briques pour différencier les deux premiers niveaux de l’étage attique des maisons individuelles. La façade s’organise ainsi en deux parties superpo- sées qui détiennent chacune une couleur. Le rouge est utilisé pour la partie inférieure et marque la base de l’édifice. La partie supérieure, c’est-à-dire ce qui correspond à l’étage attique, est conçu en blanc et semble ainsi poser la base de la toiture. La particularité qui réside en les fenêtres est la variation rythmique de leurs cou- leurs. Taut alterne ici entre jaune/noir/blanc pour la partie supérieur de la façade avec les fenêtres en bande et blanc/jaune/rouge pour la partie inférieure. Ces quatre couleurs sont

68 La praxis de la Denkmalpflege

A Wieselbau, Bruno Taut

RDC 1. étage NANTES DE

Façade rue Façade jardin

Eisvogelweg, Hugo Häring D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT RDC 1. étage AU

SOUMIS SUPERIEURE

Façade rue Façade jardin

Waldhütertal, O. R. Salvisberg DOCUMENT NATIONALE

ECOLE RDC 1. étage

Façade rue Façade jardin Ill.32 Façades rue, façades jardins, Onkel Toms Hütte, extraits du Denkmalpflegeplan

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utilisées dans différentes constellations pour les menuiseries de l’ensemble des habita- tions de la Siedlung imaginées par Taut. Les portes d’entrée sont conçues de manière homogène, en blanc. Les façades arrières sont pensées telles l’alter-ego des façades côté rue : ici, le premier niveau de l’habitation se distingue par une couleur jaunâtre et les deux niveaux supérieurs sont verts. Il organise ainsi cette façade de manière inverse, en mettant en avant le bas de la façade, c’est-à-dire l’accès direct au jardin. Par conséquent le rythme NANTES des couleurs des menuiseries est également inversé. En haut, les fenêtres sont blanc/ jaune/rouge et en bas, au niveau de la porte menant au jardin, les menuiseries sont DE conçues selon le jaune/blanc/noir. Dans l’ensemble, les trois concepts de couleurs s’apparentent en leur simplicité, c’est-à-dire l’utilisation de quelques couleurs qui sont déclinées à plusieurs niveaux ( dans différents éléments et différents matériaux ), ainsi que dans lien que chaque architecte a formé entre la façade côté rue et la façade côté jardin. De plus, les couleurs permettent dans tous les exemples décrits, de générer des contrastes entre le plan de la façade et les éléments constitutifs, c’est-à-dire les fenêtres et les portes. Certains éléments sont mis en avant, d’autres s’effacent ( en particulier les EP qui sont positionnés le longD'AUTEUR des joints de briques verticaux). L’individualité qui est cependant créée à travers ces diffé- rents concepts, permet d’identifier la sensibilité de chaque architecte. Häring se sert de la couleur comme moyen d’insertion des habitations dans l’environnement.D'ARCHITECTURE Les tonalités naturelles des briques et le vert des façades s’intègrent dans le contexteDROIT boisé et manifes- tent son idée d’architecture organique. Salvisberg se sert de la couleur pour générer de la diversité. Chaque habitation détient son identité, se détache desAU autres et pourtant, s’as- semblent avec les autres. Il crée ainsi de l’unité et de la disparité. Quant à Taut, la couleur n’est pas qu’un moyen. Elle est partie intégrante de la composition de ses façades, en lui permettant d’organiser les éléments entre eux, de découper la façade en plusieurs parties et de générer des rythmes. La couleur est une thématique existentielleSOUMIS dans la conception d’Onkel Toms Hütte et n’est pas seulement un SUPERIEUREoutil secondaire. Elle génère non seulement l’ambiance animée et mystérieuse de la Siedlung, mais est un reflet de son concept architectural. Il s’en suit que ces concepts de couleurs sont nécessaires à la lecture de la Siedlung et doivent être conservés. Altérer ou modifier les couleurs des façades est synonyme à éra- diquer le sens et la nature même de cet ensemble. Suite à la privatisation continuelle des maisons individuelles au cours du siècle dernier, c’est pourtant ce qui advint à un nombre conséquent de ces habitations.DOCUMENT Les enduits lisses furent remplacés par l’enduit berlinois typique, NATIONALE c’est-à-dire un enduit gratté qui résulte en une texturisation importante de la surface. Les façades obtinrent ainsi non seulement une autre couleur, selon les goûts de l’habitant, mais perdirent également leur caractère lisse qui cherche à souligner l’ortho- gonalité des volumes bâtis. Sur plusieurs aspect donc, la transformation des façades a ECOLEamoindri la qualité et l’expression architecturale de la Siedlung. A partir des années 1980, la Denkmalpflege et les architectes Winfried Brenne et Helge Pitz restaurent peu à peu les façades de la Siedlung. Leur travail se base sur l’identification de l’état original des concepts de couleurs. Etant donné qu’après le renou- vellement des enduits des façades, il était techniquement difficile de définir in situ les couleurs utilisées, toute sorte de sources secondaires fut exploitée ( celles qui avaient survécu la Seconde Guerre Mondiale ), telles que les permis de construire, les échanges écrits des architectes, les plans originaux etc. Ici, le bâti même ne put que partiellement

70 La praxis de la Denkmalpflege

NANTES DE

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU Ill.33 Exemples de relevé de matériaux et couleurs, échantillon menuiserie fenêtre, Hufeisensiedlung Britz, Paster-Behrens-Straße

Ill.34 Exemple relevé de couleurs d’enduit et de menuiseries, Onkel Toms Hütte Ill.35 Exemple relevé de couleurs de portes d’entrée, Onkel Toms Hütte

SOUMIS SUPERIEURE

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71 La praxis de la Denkmalpflege

dévoiler l’état à retrouver, grâce au travail de restaurateurs qui ont défini et analysé les différentes couches superposées sur les façades. Les échantillons prélevés furent cata- logué et fut ainsi dressé un plan de couleurs de la Siedlung. Les couleurs des portes et des menuiseries de fenêtres furent également analysés, si bien que pour ces éléments, qui ne connurent que rarement de transformations, la définition de l’état original fut plus aisé. L’ensemble de ces informations est retranscrit sur des plans et catégorisé dans des tableaux. La problématique particulière des couleurs réside en l’appellation exacte NANTES de ces dernières en un code internationalement reconnu. A cet effet, il existe le Natural Color System ( NCS10 ). Il s’agit d’un système de classification des couleurs, qui se voient DE décomposées selon trois critères : la saturation, la teneur en noir et la teinte 11. Au sein des Denkmalpflegepläne, sont ainsi répertoriés tous les éléments composants de la Siedlung selon ce système. Par le moyen de cet outil, il est possible de reconstituer les couleurs de l’état original avec précision. Entre la définition de l’état original et la remise en état de la Siedlung, demeure cependant la difficulté de la réalisation. Même si la plupart des habitations ont pu regagner leur qualité architecturale originale, quelques unes, toujours dotées d’un enduit texturé et d’une couleur autre, sont de réels éléments perturbateurs au sein de la compositionD'AUTEUR d’Onkel Toms Hütte. Elles brisent radicalement l’homogénéité de l’ensemble et sont, par leur aspect différent, des éléments péjorativement dominants. Ils permettent cependant de prendre conscience de la sensibilité de l’architecture deD'ARCHITECTURE l’avant-garde et dévoilent le degré d’harmonie qui réside entre les bâtis, l’environnement et les DROITcouleurs. C’est bien cette harmonie, ce lien entre les éléments, que la Denkmalpflege assure par le moyen de ces concepts d’entretien et qui justifie la nécessité de cet entretien,AU jusque dans le choix des couleurs.

A la Hufeisensiedlung Britz à Neukölln,SOUMIS les 1638 appartements et 679 maisons Paysage et entretien individuelles répartis sur 600 hectaresSUPERIEURE sont accompagnés d’un concept paysager fort, par- ticipant au jeu de diversité. Rappelons nous que Taut avait, en cette première Siedlung de la Gehag, réalisé son concept de typisation diversifiée, grâce au déplacement des fronts bâtis, l’utilisation d’une palette de couleurs et des agencements de rues différés. Le plan masse est hiérarchisé par un élément principal fort, le Hufeisen, l’accomplissement de son utopie de la Stadtkrone. Tout comme Taut et Wagner avaient travaillé la composition de la Siedlung à traversDOCUMENT les thèmes de la rationalité, la répétition et la typisation, Lebe- recht MiggeNATIONALE réalisa entre 1926 et 1927, les espaces verts individuels et collectifs selon ces mêmes concepts. Il conçut en premier lieu pour l’espace central du Hufeisen, situation d’entrée principale de la Siedlung, un étang elliptique qui reprend et souligne la forme du fer à ECOLEcheval. Autour de cet étang, une large plage verte, qu’il avait nommé « Strand mit Bän- ken », permettait aux habitants d’accéder à l’eau et de se servir de cet espace vert pour quelconques usages. Le tout était délimité par les jardins privés des logements en RDC, dans lesquels étaient plantés les seuls arbres de cet espace central. Les cerisiers de ces jardins privés généraient lors de leur floraison une couronne en fleur tout le long du bâti et manifestaient ensemble à nouveau la forme du fer à cheval. La conception paysagère de ce lieu manifestait une transition continuelle de l’espace collectif – le centre – aux espaces privés – aux extrémités -, jusqu’aux logements qui encadraient la composition.

72 La praxis de la Denkmalpflege

NANTES DE

Hufeisensiedlung Britz

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU Ill.36 Vue aérienne du Hufeisen Britz, vers 1935 : composition originale de l’espace vert central avec un large étang en forme de fer à cheval

Ill.37 Photographie de l’espace central du fer à cheval, Hufeisensiedlung Britz : composition originale avec couronne florale des cerisiers

SOUMIS SUPERIEURE

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73 La praxis de la Denkmalpflege

Acer platanaoides

Acer pseudoplat

Betula pendula

Prunus aviumNANTES DEPrunus cerasus

Prunus serrulata

Robinia pseudoac

Sorbus aucuparia D'AUTEUR Ulmus glabra

D'ARCHITECTUREDROIT AU Ill.38 Plan des plantations de rues, Hufeisensiedlung Britz : chaque rue détient un type d’arbre et ainsi son identité propre

Ill.39 Photographie du «Paradies», Miningstraße, Hufeisensiedlung Britz

SOUMIS SUPERIEURE

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74 La praxis de la Denkmalpflege

Migge répond ainsi à la complémentarité des espaces publics et privés qui réside en une Siedlung. Le second élément paysager fort de la Siedlung se situait au niveau de la Mi- ningstraße, où Migge avait imaginé un espace vert doté de jeux et organisé autour d’un second étang. Ce second lieu qu’il avait nommé « Paradies » marquait un autre espace de collectivité. Par sa position plus centrale, le « Paradies » constituait l’espace public plus intime, dédié directement aux habitants. NANTES Le dernier caractère important de la conception de Migge concerne les jardins privés des logements individuels mitoyens. Les jardins de 40 à 60 mètres de largeur, fu- DE rent tous séparés par des haies de troènes afin de créer des limites homogènes entre les parcelles. Côté rue, les jardins détenaient un type d’arbre selon la rue en question : - des érables dans la Hüsung - des bouleaux dans la Dörchläuchtingstraße ainsi que la Liningstraße - des cytises dans la Paster-Behrens-Straße - des robiniers dans la Stavenhagener Straße et au Lowise-Reuter-Ring - des sorbiers des oiseleurs dans la Jochen-Nüßler- straße et la Miningstraße - des cerisiers blancs et roses dans la Onkel-Bräsig-Straße D'AUTEUR Grâce à ces différents types d’arbres, l’identité de chaque rue fut soulignée. Le paysage conçu participe par ce moyen et grâce à la création de deux lieux forts, le « Pa- radies » et le « Strand » au centre du Hufeisen, aux logiquesD'ARCHITECTURE entre le bâti et la rue. Il contribue ainsi au concept de la Siedlung, en ses qualités architecturales,DROIT mais aussi en sa symbolique communautaire à travers la différenciation d’espaces privés et espaces collectifs, ainsi que la reprise de la forme du fer à cheval à différentsAU niveaux. A Britz, il génère non seulement de l’ambiance et engendre des perspectives, mais est un élément propre à la conception de la Siedlung. L’entretien de ces espaces verts est donc tout aussi essentiel que l’entretien du bâti. Une problématique particulière réside cependant en la sensibilité du végétal et à son évolution plus ou moins imprévisible. La SOUMISnécessité d’un entretien régulier et les coûts élevés que ce dernier engendre,SUPERIEURE ont abouti à un certain degré de délaissement ainsi qu’à de nombreuses transformations qui l’ont largement éloigné de son apparence originale. La négligence de de son importance a peu à peu atténué ses qualités à différents niveaux. En particulier l’espace central du fer à cheval a souffert de modifications involontaires. Au tour de l’étang, sont aujourd’hui de hauts conifères. Ces derniers ajoutent une ambiance pittoresque qui n’a pas lieu d’être et dissimulent les façades à l’arrière. Les cerisiers des jardins privés ne sontDOCUMENT que partiellement préservés et ne forment plus la fameuse cou- ronne florale.NATIONALE Le « Paradies » n’est aujourd’hui plus reconnaissable. L’étang en son cen- tre a complètement disparu et tout autour de cet espace, ont émergé de hauts caducs. Particulièrement frappant est devenue la place des automobiles au sein de la Siedlung. L’ensemble des situations d’entrée des logements sert aujourd’hui comme stationnement ECOLEdu véhicule. Les arbres qui ponctuaient chaque rue et lui offraient une identité propre, ont plus ou moins disparus. Ce sont aujourd’hui les voitures qui accompagnent la balade du promeneur. Si la voiture est devenue un élément inexorablement intégré au paysage, d’autres interventions sont réalisées afin de redonner de la qualité aux espaces verts. En printemps 2010, fut réaménagé le Lowise-Reuter-Ring, c’est-à-dire la rue tout autour du fer à cheval. Elle consistait initialement en une succession continuelle de robiniers placés à des intervalles réguliers, jusqu’à ce que des charmes furent plantés irrégulièrement en-

75 La praxis de la Denkmalpflege

NANTES DE

Hufeisensiedlung Britz

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU Ill.40 Photographie Miningstraße, état actuel, Hufeisensiedlung Britz : la place de la voiture au sein du paysage

Ill.41 Photographie du «Paradies», état actuel, Hufeisensiedlung Britz : la composition originale méconnaissable

SOUMIS SUPERIEURE

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76 La praxis de la Denkmalpflege

NANTES DE

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU Ill.42 Photographie Lowise-Reuter-Straße, état original Ill.43 Plan du réaménagement de la Lowise-Reuter-Straße en 2010 : en vert, les robiniers plantés

Ill.44 Photographie Lowise-Reuter-Straße après réaménagement, Hufeisensiedlung Britz : robiniers plantés entre les charmes

SOUMIS SUPERIEURE

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77 La praxis de la Denkmalpflege

tre ces derniers et avaient finalement entièrement remplacé leur existence . Les charmes, caducs fréquemment plantés comme arbres d’ornement du fait de leur taille - d’environ 25 mètres de haut, avaient ici transformé la composition originale de Migge. Lors du réa- ménagement, les charmes ne furent bien évidemment pas supprimés, mais de nouveaux robiniers furent plantés entre ces derniers afin de récupérer au mieux l’état original. Cet exemple d’intervention montre que dans l’aménagement paysager, il est bien plus délicat de retrouver l’état original perdu. Les transformations vécues sont en ce sens irréversi- NANTES bles, mais mettent en évidence que le végétal ne peut dissimuler la temporalité comme le parvient à faire le bâti. DE Depuis l’automne 2010, l’espace central du fer à cheval est en cours d’amé- nagement. Ici encore, les conifères au bord de l’étang, qui n’étaient pas prévus dans la conception originale, ne vont guère être prélevé mais continuer à participer à l’atmos- phère de l’ensemble. Le travail de la Denkmalpflege avec la matière végétale se voit ainsi assez limité, d’autant plus que les espaces verts sont la propriété de la ville et leur entre- tien continuel de sa responsabilité. Le Denkmalschutz participe strictement aux grandes interventions de remise en état, pendant lesquelles il tente de diriger l’aménagement des espaces verts envers une apparence plus ou moins authentique. On peut constater,D'AUTEUR en comparaison avec l’entretien du bâti, que l’entretien des espaces verts est assez aléatoire à long terme, alors qu’il est tout aussi déterminant au sein de la Siedlung. L’atmosphère générale ne s’y voit pas endommagée, mais le subtil aménagementD'ARCHITECTURE de Leberecht Migge s’y efface et n’est plus nettement lisible. DROIT AU

A travers l’étude de Siemensstadt et son architecture, Weiße Stadt et son ur- banisme, Onkel Toms Hütte et sa couleur, ainsi que Britz et son paysage, la praxis de la Denkmalpflege s’est révélée à nous comme réel procédé scientifique. Une méthodologie précise a été développée qui a pour but de formulerSOUMIS différentes variantes, différentes hy- pothèses de solutions d’entretienSUPERIEURE possibles. Elle est une expérimentation permanente qui se base sur des données concrètes, l’existant in situ, et qui ne cesse d’être réinventée, adaptée à de nouvelles contraintes. Si la théorie du patrimoine s’appuie sur des considé- rations générales qui l’oriente envers un seul objectif – conserver, sa praxis se délivre de cet entêtement et s’adapte à toute situation. Les procédés d’entretien sont développés à partir de l’élément en question, à partir de la substance même. A l’échelle du paysage, du bâti et de leurs élémentsDOCUMENT constitutifs, tels que la couleur, la Denkmalpflege travaille à long terme,NATIONALE grâce au Denkmalpflegeplan , et à court terme par le moyen d’interventions ponctuelles. A l’échelle de la ville, elle fonctionne par de longs procédés et s’intègre dans le développement urbain grâce à des outils planificateurs ( le FNP et la zone tampon ). L’analyse des méthodes mises en place pour entretenir les Siedlungen dévoile que cet ECOLEentretien correspond soit à une action préventive, soit à une action curative, et, qu’une de ces actions ne peut remplacer l’autre. Malgré toute la prévention qui est aujourd’hui établie, il est impossible d’empêcher la nécessité de réparer, de rénover, d’adapter les Siedlungen. Elles, comme tout autre édifice, comme tout autre patrimoine, connaissent des évolutions qui ne correspondent pas à leurs états originaux. Si l’on considère désor- mais qu’après les années 1960 les quatre ont connu d’importantes modifications, on peut affirmer aujourd’hui que leur état actuel s’apparente au mieux à leur état original et que leur entretien se consacre en grande partie à la prévention et la conservation de cet état.

78 La praxis de la Denkmalpflege

NANTES DE

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT 1 Hans Scharoun, 1927, cité dans Hans Scharoun de Peter Pfankuch, Akademie der Künste Berlin; 2. Edition 1969, version raccourcie, 106 pages : « Nachbarschaft ist eine geistige Energie... Sie ist ein Raum, den ein Fußgänger inAU etwa einer Viertelstunde durchquert, ein Raum, der der Erlebnisfreudigkeit des Kindes entspricht, groß genug, um Abenteuer darin anzusiedeln, klein genug, um das Gefühl der Heimat aufkommen zu lassen. » 2 se référr à la description architecturale p. pour une appréciation globale de la Siedlung. 3 Adolf Behne, Ein Neuer Wohntyp, Acht Uhr Abendblatt, Berlin, paru le 05.09.1930 : « Es scheint mir nun ein Verdienst des Architekten Hugo Häring, daß er für seine Zeilen (…) einen sehr glücklichen Aus- gleich zwischen Intimität und Monumentalität gefunden hat. Seine gestaffelten Zeilen, in ihrer Bewegung, in Material und Farbe ganz im Einklang mit Maß und Größe, wirken mit überzeugenderSOUMIS Natürlichkeit und schlagen eine Bresche in die zu Mode werdende Fassaden-Graphik. » SUPERIEURE 4 les raisons de ces modifications de voirie n’ont pas été identifiées. 5 se référer au chapitre « Architecture des Siedlungen », p. , pour la description architecturale de Weiße Stadt et la réparti- tion du terrain entre les architectes, ou consulter le plan masse actuel p. 6 le Flächennutzungsplan de Berlin est consultable sur le site du Senat für Stadtentwicklung Berlin : http://www.stadtentwic- klung.berlin.de/planen/fnp/de/fnp/index.shtml Dernière version du FNP du 12 novembre 2009, modifié le 17 février 2011. 7 la zone tampon, comme instrument à la protection du patrimoine, a été introduit pour la première fois dans les Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial en 1977. 8 article 104, Zones tampons,DOCUMENT de Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial en 1977 NATIONALE 9 « Alles, was auf der Welt ist, muß irgendeine Farbe haben. Die ganze Natur ist farbig, und selbst das Grau des Staubes, des Rußes, selbst die düsteren melancholischen Gegenden haben immer eine bestimmte Art von Farbe. Wo Licht ist, muß nunmal Farbe sein. Aufgabe des Menschen ist es nur, diese Erscheinung genau wie alle anderen Dinge zu einer Form zu bringen, und sobald er es tut, überzieht er auch das Düstere mit einem Abglanz der Sonne. Da alles Farbe hat, so muß auch alles, was Menschen tun, farbig gestaltet sein, » ECOLEBruno Taut, « Wiedergeburt der Farbe », dans Farbe am Haus, Berlin, 1925 10 consultez le site : www.nsccolour.com 11 Le code NCS se compose de cette manière : en tête est placée la teneur en noir en un pourcentage. La teinte est expri- mée selon le code RYGB ( R pour rouge, Y pour jaune, G pour vert et B pour bleu). Ces lettres qui indiquent la teinte sont complétés par un pourcentage qui mesure la saturation. Par exemple : S 1050 – Y90R S = standard 10 = teneur en noir en pourcentage 50 = teneur maximale en couleur ( par conséquent la teneur en blanc est de 40% ) Y90 = teneur en jaune de 90% R = teneur en rouge 10 %

79 Les Siedlungen d’hier et la vie d’aujourd’hui

L’état original des Siedlungen qui est conservé aujourd’hui correspond t-il à la vie d’aujourd’hui ? 80 ans séparent les logements de Britz, Onkel Toms Hütte, Siemensstadt et Weiße Stadt des modes d’habiter actuels. En 80 ans, la ville, la société, les habitants, le paysage, etc., se sont transformés, mais, elles, ont gardé leur apparence. L’existence d’un certain décalage entre le bâti d’hier, conçus pour résoudre la crise du logement du début du 20ième siècle, et les standards actuels est évident. La question de la compatibilité des Siedlungen d’hier avec la vie d’aujourd’hui doit être posée sous différents angles. Tout NANTES d’abord, il est nécessaire d’analyser la place et le statut des quatre Siedlungen dans la ville d’aujourd’hui. Est-ce que les Siedlungen sont-elles réellement toujours les mêmes ou DE n’est-ce pas seulement leur apparence qui est immuable ?

Les Siedlungen furent édifiées sur de vastes terrains en périphérie de ville. Loin Situations du centre-ville et de ses Mietskasernen, on voulut bâtir au milieu d’un environnement géographiques plus sain et surtout, là où il y avait de la place. Aujourd’hui, les situations géographiques et valeurs immobilières des Siedlungen par rapport à la ville ne peuvent plus être considérées comme périphérie de ville. La notion de périphérie n’est à Berlin pas à mettre en opposition directe avec le centre-ville, c’est-à-dire comme « ensemble des quartiers éloignés du centre d’uneD'AUTEUR ville et situés de part et d’autre de ses limites », zone d’une densité bâtie radicalement plus faible ou comme zone où se situent de larges zones commerciales ou industrielles. La séparation de la ville dans la période d’après-guerre a résultéD'ARCHITECTURE en des évolutions urbaines contrastées, mais avec la même conséquence d’élargissement urbainDROIT : à l’Est la ville se construisait à partir d’une politique de centralisation qui comprenait la périphérie comme « Stadt-Umland-Region » dans laquelle furent édifiée des grandsAU ensembles, symbolisant le rejet de la Charte d’Athènes ( 4. CIAM, 1943, Le Corbusier ) et du fonctionnalisme « américain ». A l’Ouest, s’en suivit une déconcentration du tissu urbain et par consé- quent l’élargissement de la zone urbaine qui s’arrêta bien évidemment aux limites du Mur. Depuis la Réunification de 1989, la région a connu une évolution dynamique du subur- bain. La population globale de région berlinoiseSOUMIS est restée plus ou moins stable avec une moyenne de 4,2 millions d’habitants.SUPERIEURE Alors que le centre-ville n’a pas connu d’évolution importante concernant le nombre d’habitant, la périphérie berlinoise fut marquée depuis les années 1990 d’une importante augmentation de sa population, dont une partie était due aux déplacements des habitants du centre à la périphérie. La situation spatiale qui en résulta est une transition particulièrement graduelle, variant entre le bâti dense à la zone rurale. La périphérie n’est en ce sens pas une zone nette qui diffère radicalement en ses spatialités, mais se caractériseDOCUMENT par une structure patch-work, complexe. Autrement dit, à Berlin, laNATIONALE ville s’étend et ne permet pas de délimiter clairement ce qu’est périphérie, ce qu’est centre-ville, puisque ce dernier ne détient pas de limites exactes. A moins de considérer strictement le quartier de Berlin-Mitte comme centre-ville ou hyper-centre, il est nécessaire d’appréhender la totalité des quartiers, que ce soit Char- ECOLElottenburg, Neukölln ou Reinickendorf, comme centre berlinois. Si nous évoquons ici la relativité des termes de centre-ville et périphérie, c’est bien pour mettre en évidence que les quatre Siedlungen sont aujourd’hui situées en ce centre et intégrées dans le tissu ur- bain plus ou moins dense. Parallèlement à ces situations géographiques, elles sont toutes connectées aux réseaux de transport commun, U-bahn ou S-bahn, et sont à proximité directe de divers commerces. Comme nous avons déjà pu le constater pour Weiße Stadt au chapitre précédent, elles s’intègrent dans l’ensemble au sein de leur environnement et des zones d’habitation dans lesquelles elles se situent, que ce soit dans le paysage boisé

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du Grunewald dans le cas de Onkel Toms Hütte ou dans des espaces plus urbains dans les autres cas. A l’opposé des grands ensembles construits à partir des années 1950, elles ne sont pas en contraste avec leur environnement mais s’intègrent dans l’urbanité qui les entourent. La densité bâtie des Siedlungen permet de visualiser leur intégration au sein de leurs secteurs. A cet effet nous allons considérer la Geschossflächenzahl ( GFZ ), qui fait le rapport entre la somme des surfaces par étage et les surfaces des parcelles, permettant ainsi la mise en évidence la densité bâtie ( la valeur variant de 0,05 à 5,0 ). A NANTES Neukölln, une densité bâtie « moyenne » entre 1,2 et 2,5 GFZ, est concentrée au Nord du quartier. La Hufeisensiedlung se situe dans la partie centrale de ce dernier, dans laquelle DE la GFZ varie entre 0,2 et 1,0, et s’intègre en ce contexte avec une faible GFZ de 0,2 à 0,4. L’environnement de Siemensstadt manifeste une densité très variable, entre 0,5 et 3,0, dans laquelle elle s’inscrit avec une valeur de 0,8 à 1,0. Quant à Weiße Stadt, elle se situe dans une zone d’une densité homogène variant de 0,8 à 1,0. Seule Onkel Toms Hütte se situe au sein d’une large zone à très faible densité avec 0,4 à 0,6 de GFZ. Bien que ces valeurs soient approximatives, elles témoignent que toutes les Siedlungen répondent à leur environnement immédiat et sont, en matière de densité, aucunement en contraste avec ce dernier. Bien qu’elles soient des monuments historiques importants, elles neD'AUTEUR sont pas « monumentales ». Les quatre Siedlungen des années 1920 peuvent ainsi être affir- mées comme « réussite » urbaine, par leurs situations centrales au sein de l’évolution de la ville de Berlin et leur intégration dans le paysage urbain,D'ARCHITECTURE en particulier mises en com- paraison avec leurs successeurs, les Grands Ensembles, tels que leDROIT Märkisches Viertel ou la Gropiusstadt. Considérons désormais les prix correspondant à cesAU situations géographiques. L’exposé suivant ne remplace en aucun cas une étude précise des valeurs immobilières des quatre Siedlungen, mais tente de comparer le prix de leurs appartements et maisons par rapport au parc immobilier actuel de la ville, ainsi que de ses différents quartiers. A Berlin, le prix locatif moyen des appartements est de 6,70 €/m². Le prix d’achat moyen de maisons est de 352 000 €. Ces valeurs ainsi énoncées,SOUMIS permettent de mettre en évidence des prix locatifs faibles, non seulementSUPERIEURE par rapport à la France, mais aussi en tant que capitale allemande. Les logements des quatre Siedlungen, originalement édifiés et loués par la Gehag comme logements sociaux, appartiennent aujourd’hui au groupe Deutsche Wohnen qui évolua à partir de la privatisation de la Gehag en 1998. Il s’en suit que, comme la plupart des logements sociaux en Allemagne, ces derniers ne sont tout d’abord plus aucunement destinés prioritairement à des personnes à revenus modestes, puis sont partiellement vendusDOCUMENT à différents propriétaires. Nous allons ici brièvement analyser, cas par cas,NATIONALE comment se situent les prix immobiliers de chaque Siedlung par rapport au marché de son environnement. Weiße Stadt se constitue entièrement de logements mis en location par Deuts- che Wohnen et se situe dans le quartier de Reinickendorf, où la moyenne du prix locatif ECOLEs’élève environ à 6,10 €/m². Parallèlement à ce faible prix, elle intègre une zone d’habi- tation catégorisée comme « simple » selon le Mietspiegel Berlin 2011, s’agissant d’une « zone du centre-ville avec bâti dense et fermé, avec peu d’espaces verts, des espaces publics insuffisamment entretenus et/ou un mauvais état du bâti. » 1 Catégorisée comme bâti édifié entre 1919 et 1949 avec des logements entre 60 et 90 m², le prix locatif moyen est de 5,18€/m² ( 4,39 – 5,86 ), c’est-à-dire largement situé sous la moyenne globale du quartier. Par exemple, un appartement 2-pièces dans le Brückenhaus ( Aroser Allee 153 ) de 57,42 m² a une valeur de 5,82 €/m² ( 449,22 €/mois charges comprises ). Un autre de

81 Les Siedlungen d’hier et la vie d’aujourd’hui

Geschossflächenzahl ( GFZ ) densité bâtie moyenne

0,00 0,05 < 0,2 0,2 < 0,4 0,4 < 0,6 NANTES0,6 < 0,8 0,8 < 1,0 DE 1,0 < 1,2 1,2 < 1,5 Ill.45 Plans zones GFZ : densité bâtie Britz 1,5 < 2,0 2,0 < 2,5 2,5 < 3,0 3,0 < 5,0 D'AUTEUR > 5,0 limites des Siedungen

D'ARCHITECTUREDROIT AU Ill.46 Plans zones GFZ : densité bâtie Zehlendorf

SOUMIS SUPERIEURE

DOCUMENT NATIONALE Ill.47 Plans zones GFZ : densité bâtie Charlottenburg - Wilmersdorf

ECOLE

Ill.48 Plans zones GFZ : densité bâtie Reinickendorf

82 Les Siedlungen d’hier et la vie d’aujourd’hui

NANTES DE

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU

SOUMIS SUPERIEURE

zone d’habitation «simple» Ill.49 Plan zones d’habitation Berlin : niveau d’habitation et loyers moyens zone d’habitation «moyenne» zone d’habitation «supérieure» sans zone d’habitationDOCUMENT particulière NATIONALE Ill.50 tableau : prix locatif de logements dans les quatre Siedlungen Ill.51 tableau : prix locatif moyen par quartier Prix locatif moyen moyenne Location m² Kaltmiete €/m² (valeurs app. juillet 2011) €/m² ECOLE Neukölln 6,5 Britz 45,68 283,22 6,2 Britz Gielowerstr.28 Charlottenburg/ 8,68 Siemensstadt 57,90 358,98 6,2 Wilmersdorf Goebelstr.108 Siemensstadt Weiße Stadt 53,24 298,14 5,59 Reinickendorf 6,10 Aroser Allee 146 Weiße Stadt Onkel Toms Hütte x x x Zehlendorf 7,64 Onkel Toms Hütte

83 Les Siedlungen d’hier et la vie d’aujourd’hui

53,24 m² ( Aroser Allee 146 ) détient un prix locatif de 5,59 €/m². Ces loyers inférieurs à la moyenne du quartier et de la ville, sont liés au médiocre entretien du bâti et à l’environ- nement peu attractif. Siemensstadt se constitue également que de logements mis en location. La Siedlung se situe dans le quartier de Charlottenburg-Wilmersdorf, qui est connu pour un niveau de vie assez élevé. Ceci se reflète dans son prix locatif moyen supérieur, de 8,68 €/m². La zone d’habitation dans laquelle se situe la Siedlung est considérée comme NANTES « moyenne », c’est-à-dire « située en centre-ville avec bâti dense et fermé (...), et bon état du bâti. » 2 Y correspond pour des logements entre 40 et 60 m², un prix locatif moyen de DE 5,21 €/m² ( 4,37 – 5,93 ), largement inférieur à celui du quartier. Un exemple permet d’il- lustrer la manière dont la valeur supposée, de 5,21 €/m², est adaptée à celle du quartier : un appartement de 57,90 m² à la Goebelstraße a une valeur de 6,2 €/m² ( 537,25 €/mois charges comprises ). La Hufeisensiedlung Britz détient à la fois des biens en location et des biens en vente. Le prix locatif moyen de son quartier, Neukölln, est d’environ 6,5 €/m² et s’intègre donc plus ou moins dans la moyenne globale de la ville. La Siedlung même se situe, tout comme Siemensstadt, dans une zone d’habitation « normale », c’est-à-dire d’unD'AUTEUR prix locatif moyen de 5,21 €/m² pour des logements de 40 à 60 m² et devrait ainsi se placer en dessous de la norme du quartier. L’exemple d’un appartement de 45,68 m² dans la Gie- lowerstraße, montre cependant que le loyer exigé se situe auD'ARCHITECTURE dessus de cette moyenne, avec 6,2 €/m² ( 379,91 €/mois charges comprises ). Le prix peut DROITainsi être considéré comme trop élevé par rapport à la qualité de l’environnement, mais s’intègre en réalité dans la valeur immobilière de ce dernier. Cet équilibre se manifesteAU également dans les biens en vente. La seule maison actuellement en vente, située dans la Talbergerstraße, a un prix de 165 000 € pour 82,80 m². Mis en comparaison avec le prix moyen des maisons ( en dessous de 100m² ) à Neukölln qui est approximativement de 162 421 € ( en juin 2010 ), cette maison mitoyenne avec jardin correspond à la valeur des biens en vente du quartier ( seulement 1,5% plus élevée que laSOUMIS moyenne ). Onkel Toms Hütte constitueSUPERIEURE ici le cas à part, situé dans un environnement boisé du Grunewald et un voisinage aisé, avec un prix locatif moyen d’environ à 7,64 €/m². La catégorisation de la Siedlung comme zone d’habition « supérieure », avec une moyenne locative de 5,89 €/m² ( 4,88 – 7,10 ) démontre qu’elle demeure cependant à des prix normaux par rapport au reste de la ville ( aucun exemple d’appartement en location fut ici trouvé pour vérifier le prix réel ). Comme la Siedlung fut grandement privatisée, ce sont ici les biens en venteDOCUMENT qui priment. La moyenne du prix d’achat d’une maison en dessous de 100 m²NATIONALE se situe à Zehlendorf à environ 233 341 € ( en juin 2011 ). L’unique maison en vente de la Siedlung, au Eisvogelweg, détient une surface totale de 91,34 m² et est vendue par Deutsche Wohnen pour la somme de 395 000 € ( autrement dit, 4324 €/m² ), soit 69 % plus élevé que la moyenne du quartier. Cette Siedlung étant un lieu d’habitation ECOLErecherché et la maison étant entièrement rénovée, le prix est partiellement justifié, mais demeure cependant excessivement élevé. A travers ces quelques chiffres, nous pouvons constater que les quatre Siedlun- gen, initialement conçues pour la même couche sociale, c’est-à-dire des familles d’em- ployés en mesure de payer un loyer modéré, ont évoluées de manières différentes. Onkel Toms Hütte est aujourd’hui devenue, par sa situation centrale dans la ville et son envi- ronnement naturel, un lieu d’habitation attractif et proportionnellement cher. La Hufeisen- siedlung Britz constitue l’exemple, entre les quatre Siedlungen, de l’habitation moyenne

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à Berlin, par son prix et sa qualité de vie. Siemensstadt se place également dans cette moyenne, mais ne constitue pas un lieu d’habitation aussi recherché. Quant à Weiße Stadt, sa situation dans la ville au sein d’un quartier moins attractif et l’état médiocre de son bâti expliquent les faibles prix. Il est par conséquent possible de noter que l’évolution sociale de ces Siedlungen est liée à la privatisation. Les Siedlungen qui se sont en quel- que sorte embourgeoisées sont particulièrement celles qui manifestent un pourcentage de propriété plus élevé. Autrement dit, même si la privatisation tend à poser problème NANTES dans l’entretien des Siedlungen en tant que patrimoine, elle semble être propice à une évolution stable voire « positive » - dans le sens d’enrichissement- de la Siedlung. Ce que DE nous pouvons constater secondairement est que chaque Siedlung évolue en tant qu’en- semble, c’est-à-dire qu’il n’existe au sein d’une même cité pas de disparité sociale qui se manifesterait à travers des prix variables selon la situation du logement dans la Siedlung. Si une restructuration sociale radicale a eue lieu, telle que l’on peut l’observer chez Onkel Toms Hütte, elle concerne l’ensemble des logements que ce soit un appartement ou une maison. L’homogénéisation sociale d’une Siedlung se perpétue. Parallèlement, nous ne pouvons pas mettre de côté l’hypothèse que l’architec- ture plus urbaine utilisée à Weiße Stadt et Siemensstadt soit une des raisons possiblesD'AUTEUR des faibles loyers qui correspondent à un niveau de vie simple. L’échec de la typologie de la barre que l’on connaît de leurs successeurs des années 1950/60, ne peut cependant pas être mis en relation avec ces deux Siedlungen, mais peutD'ARCHITECTURE expliquer le désintérêt ap- parent pour elles. L’expression moderne du bâti de Weiße Stadt est éventuellementDROIT asso- ciée dans la conscience collective à l’échec des grands ensembles. L’architecture même, c’est-à-dire la typologie en R+4 et la densité moyenne, ni laAU monofonctionnalité de ces Siedlungen génèrent quelconques problématiques particulières. Par ailleurs, aucune de ces Siedlungen connaît des phénomènes de stigmatisation ou encontre des difficultés so- ciales particulières. Leurs noms sont strictement synonymes de patrimoines importants.

Les quatre Siedlungen de l’avant-gardeSOUMIS engendrent deux logiques typologiques Confort et modes de vie différentes. La première est l’idéeSUPERIEURE de la Heimstätte, la maison familiale avec jardin qui appelle morphologiquement la fragmentation, mettant en valeur l’individu. La seconde est la barre qui exprime la société de masse, le collectif. Même si ces deux formes d’ha- bitat réfèrent à deux idées différentes, elles s’entendent à travers la constellation de la Siedlung, sur le concept communautaire. La maison n’est pas isolée, mais en bande et participe à l’aménagement urbain de la cité. La barre exploite ici sa morphologie pour dégager de larges espacesDOCUMENT collectifs avec lesquelles elle tente de communiquer, de créer un équilibreNATIONALE entre l’individu et le collectif, entre le bâti et le paysage. La communauté, le groupe, le voisinage sont profondément ancrées dans la conception de ces cités et expli- quent comment ces dernières sont restées jusqu’aujourd’hui des lieux d’habitation sains et appréciés. Si la Siedlung comme ensemble s’intègre dans le tissu urbain d’aujourd’hui ECOLEet que cette forme d’habitation s’adapte à la vie au 21ième siècle, il n’en est pas de même avec la configuration des logements qui y demeurent. Conçus pendant la République de Weimar pour la classe sociale de l’employé selon le principe du Existenzminimum et de manière strictement fonctionnelle, ces logements du siècle dernier ne répondent plus aux modes de vie et leurs standards actuels. Des appartements de 60 m² et des maisons de 80 m² ne correspondent plus aux exigences d’une famille, d’autant plus qu’il ne s’agit plus de logements sociaux. Nous avons vu que dans le cas de Weiße Stadt, ces logements sont loués à de faibles prix, mais qu’à Onkel Toms Hütte, la surface modérée de ces

85 Les Siedlungen d’hier et la vie d’aujourd’hui

NANTES DE

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU

SOUMIS SUPERIEURE

Ill.52 Plans types d’appartements Gehag ( Standardwohnungstypen ) : Existenzminimum et surfaces modérées

Ill.53 Plans maison en bande, Onkel Toms Hütte, 85 m² DOCUMENT NATIONALE

ECOLE

86 Les Siedlungen d’hier et la vie d’aujourd’hui

habitations détient une valeur importante. En ce sens, nous ne pouvons pas constater que la configuration spatiale des logements des années 1920 est forcément inadéquate aujourd’hui et que les logements type de la Gehag ne se vendent plus. Nous pouvons seulement énumérer ici quelques problématiques qui se sont formulées avec le change- ment du mode de vie des habitants. La surface des appartements type de la Gehag ne pose en réalité pas un pro- blème en soi, c’est-à-dire que des logements variant de 49 à 78 m² correspondent tout à NANTES fait aux attentes possibles d’un célibataire ou d’un couple. Seulement, l’offre des Siedlun- gen se réduit à ces logements de surface inférieure à 90 m². Ce manque de diversité des DE typologies de plan en matière de surface, exclut la possibilité de garantir un espace de vie acceptable pour une famille de plus de trois personnes, comme le manifeste le trois pièces et demi de 78 m². Par ailleurs, les chambres détiennent toutes une surface variant entre 13 et 16 m² et le salon se contente en général d’environ 18 m². Si nous considérons que les standards de confort actuels vont plutôt s’étendre à des chambres d’enfant de 15 m², des chambres principales de 18 voire 20 m² et des salons de 25 m², nous pouvons constater que pour un logement loué au prix du marché normal, l’agencement intérieur ne répond pas au niveau de confort recherché aujourd’hui. L’existence d’une seule salleD'AUTEUR de bain-toilette de 5 m² et la cuisine de 8 m² est tout aussi problématique lorsqu’il s’agit d’un logement de presque 80 m². L’agencement des pièces autour d’un sas d’entrée dépourvu de lumière naturelle n’est cependant pas reprochable puisqu’ilD'ARCHITECTURE correspond à une spa- tialité intérieure fermée, à laquelle on aura tendance à opposer aujourd’huiDROIT les cuisines ouvertes et les salons comme espace non cloisonné, intégrant le sas. La configuration en appartements traversants soulignent que les logements proposésAU dans les Siedlungen ne peuvent guère être considérés comme inadéquats aujourd’hui, puisqu’ils sont dotés d’un minimum spatial qualitatif. Les maisons en bande de Onkel Toms Hütte et Britz sont sujets à la même problématique de surface, mais sont bien plus propices à la vie en famille. Les habitants de ces maisons expliquent que ces logementsSOUMIS « confortables et reposants » sont, par rapport à leur prix, leur « situationSUPERIEURE centrale dans la ville » et leur « environnement vert et calme », un « bon investissement pour la retraite ». « (Étant donné que les logements ont plus de 80 ans, certaines transformations sont nécessaires à l’intérieur, mais on peut gérer cela comme on a envie) », affirme le père de famille de la Liningstr.30. La typologie en R+2 et l’étroit escalier qui permet de passer du salon au séjour ne semblent pas poser problème. Ce qui est gênant est que « (les maisons ne font qu’entre 90 et 120 m² et (...) qu’elles soient classées)».DOCUMENT La famille de la Liningstr.30 à la Hufeisensiedlung a pu modifier l’intérieurNATIONALE de la maison en gagnant de l’espace avec le réaménagement de l’étage attique, mais n’a pu transformer l’état extérieur. A Onkel Toms Hütte, ce sont de nombreuses per- sonnes âgées qui se sont installées dans les maisons en bande de 5 m de large. Ici, les habitants s’accordent également sur la « tranquillité », « le bel environnement vert avec ECOLEles grands pins » et la « bonne situation dans la ville et la proximité avec Krumme Lanke et le lac de Grunewald ». S’y ajoute par ailleurs la satisfaction de posséder un jardin et que ce dernier ne soit pas « trop grand et difficile à entretenir ». Autrement dit, le cadre de vie prime ici sur les spatialités des habitations. Du point de vue du Landesdenkmalamt, Dr. Anna Maria Odenthal, directrice du secteur « Bau- und Kunstdenkmalpflege », explique que l’adaptation des logements des Siedlungen aux nouveaux standards de l’habiter est particulièrement complexe. La né- cessité de conserver l’apparence extérieure des habitations exclut tout agrandissement

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du logement. Seul à Onkel Toms Hütte furent planifiés dès 1931 des vérandas comme extensions du séjour. Comme ces vérandas participent à la conception originale de la Siedlung, elles sont intégrées aujourd’hui dans le Denkmalpflegeplan et sont réalisables sur demande. Au sein des Siedlungen, existent par ailleurs des conceptions de plans type plus ou moins flexibles et appropriées. Par exemple, les logements de Häring à Sie- mensstadt sont considérés comme plus spacieux et lumineux, et répondent convenable- ment aux attentes des habitants d’aujourd’hui. A l’opposé, les logements de Gropius sont NANTES plus rationalistes et insuffisamment ouverts sur l’extérieur. La problématique principale demeure cependant la surface modérée des logements. A ce sujet, les réflexions menées DE sur l’association de deux appartements qui permettrait d’obtenir de plus grands logements sans modifier l’apparence extérieure, n’aboutissent pas à de réponses satisfaisantes. La confrontation à la construction et la statique du bâti empêche de réaliser ce genre de projet. Les exigences patrimoniales, tout d’abord la conservation de l’apparence exté- rieure originale, puis la perpétuation d’une image homogène de la Siedlung, s’opposent à l’adaptation du bâti aux évolutions des modes de vie des habitants. Le stationnement des véhicules intègre cet antagonisme. La conception de garages privés ou d’un parkingD'AUTEUR collectif est devenue une nécessité de l’habitat. La réalisation tardive de ce genre de sta- tionnement viendrait cependant défigurer l’aménagement extérieur des cités et ne répon- drait en aucun cas à l’état original de ces dernières. Il en estD'ARCHITECTURE de même avec les normes handicapés ( auxquelles un monument historique n’est pas soumis ).DROIT Réviser la concep- tion intérieure a posteriori pour l’intégration d’un ascenseur, la suppression de seuils, l’in- tégration de salles de bain convenables, est non seulement impossibleAU (sans modification importante de la substance bâtie), mais ne mènerait jamais à un résultat satisfaisant. Par conséquent, le décalage entre les Siedlungen d’hier et la vie d’aujourd’hui demeure une évidence qui participe au statut de monument historique. Il est par ailleurs nécessaire de se questionner sur l’utilité de l’adaptation du bâti des années 1920 aux standards actuels : SOUMIS rappelons que le sens du monumentSUPERIEURE historique est de témoigner du passé.

DOCUMENT NATIONALE

ECOLE

Ill.54 Plan appartement Goebelstraße, Siemensstadt, 2 1/2 pièces, conception Häring

88 Les Siedlungen d’hier et la vie d’aujourd’hui

Si des interventions dans la conception spatiale du bâti tend à être compliquée, Adaptation technique l’amélioration de sa constitution constructive et technique est réalisable et est réalisée. et performances énergétiques L’optimisation énergétique se base sur l’analyse précise de l’existant et est contrôlée par les autorités de la protection du patrimoine. Autrement dit, ce type d’intervention ne peut être effectué par l’habitant même, mais constitue le travail de cabinet d’architectes ou d’ingénieurs, tel que Brenne et Pitz qui élaborent des stratégies énergétiques pour Onkel Toms Hütte et la Hufeisensiedlung Britz. NANTES DE

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D'ARCHITECTUREDROIT AU

Ill.55 Mise en évidence de l’amélioration possible des performances énergétiques du logement, exemple maison Britz

L’apport d’isolation thermique côté intérieurSOUMIS des façades est une des possibilités principales en matière d’améliorationSUPERIEURE énergétique du logement. Ceci est complété par l’ajout d’isolation intérieure directement sous les combles, dans le cas des maisons en bande à Britz, dans les greniers, sous les toits-plats, ainsi qu’extérieurement sur ces der- niers dans les autres typologies d’habitat.

DOCUMENT NATIONALE

ECOLE

Ill.56 Coupe logement individuel, Britz: Ill.57 Detail apport isolation toiture double-versant, Britz en rouge, isolation intérieure apportée

89 Les Siedlungen d’hier et la vie d’aujourd’hui

NANTES DE Ill.55 Détail apport isolation sur plancher du grenier

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Ill.58 Coupe logement collectif du Hufeisen : Ill.59 Détail apport isolation sur toit-plat en rouge, isolation intérieure apportée AU

Différentes variantes sont établies pour les portes et les fenêtres. Si l’élément en question est irréparablement endommagé, on viendra le remplacer par une recons- truction améliorée de l’original, notamment grâce à l’utilisation de double ou triple vitrage. Si il s’agit de la simple amélioration des performancesSOUMIS énergétiques, on introduira une seconde porte (aux normes actuelles)SUPERIEURE ou fenêtre dissimulée à l’arrière de l’original. La sé- curité anti-effraction est parallèlement augmentée. Une seconde variante pour les portes est le doublage isolant intérieur de la porte originale.

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Ill.60 Coupe horizontale porte d’entrée avec doublage, Hufeisensiedlung Britz : en rouge, le doublage apporté côté intéreieur de l’original

90 Les Siedlungen d’hier et la vie d’aujourd’hui

NANTES DE

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Ill.61 Photographie,AU Britz : variante avec seconde porte placée à l’arrière de l’original Ill.62 (ci-contre) Coupe verticale porte avec doublage, Britz : en rouge, la doublage intérieur apporté Ill.63 (ci-dessous) Représentation couverture puits de lumière SOUMIS SUPERIEURE D’autres interventions ponctuelles ont pour but l’amélioration du confort de vie. Certains éléments techniques, non conformes à l’original, sont introduits afin de corriger des défauts repérés. L’exemple de la couverture des puits de lumière des maisons en bande de Britz, dévoile selon quels critères de nouveaux éléments sont intégrés dans le bâti. DOCUMENT NATIONALE

ECOLE

91 Les Siedlungen d’hier et la vie d’aujourd’hui

En premier lieu ces recouvrements cherchent à être visuellement discrets et sont par conséquent fabriqués en verre. En second lieu, ils n’essaient pas d’imiter l’expression formelle du bâti et se distinguent de ce dernier. Puis, ils sont conçus de manière à dé- tériorer le moins de substance bâtie possible et à être facilement ôtés afin de garantir la réversibilité.

NANTES DE

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D'ARCHITECTUREDROIT AU

Ill.64 Photographie recouvrement puits de lumière : Ill.65 Exemple d’amélioration technique possible : discrétion et intégration ajout de protection cheminée

SOUMIS SUPERIEURE

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Ill.66 Exemple d’amélioration technique possible : Ill.67 Lampe extérieure possible : ajout de nouvelles lumières aux portes d’entrée reconstruction améliorée de l’original

92 Les Siedlungen d’hier et la vie d’aujourd’hui

Une Siedlung fonctionne comme la ville. Tout comme cette dernière, elle pos- Temporalité et sède une identité, une expressivité, une lisibilité, une structure – ou des identités, des monument historique expressivités, des lisibilités, des structures. Tout comme elle, la Siedlung se construit à travers des configurations spatiales, telles que des centres, des secteurs, des zones ; des configurations linéaires, telles que des rues, des chemins, des limites ; des configurations ponctuelles, telles des lieux de rencontres, des lieux forts, des endroits. Elle se lit à travers la différenciation et l’union d’espaces privés et d’espaces publics. Sous ces différents NANTES aspects, la Siedlung peut être considérée comme micro-structure de la ville, qui évolue au rythme de cette dernière et qui évolue de manière distincte. Que ce soit la situation DE géographique qui s’est redéfinie au cours du temps, que ce soit d’autres habitants qui sont venus y résider ou que la valeur de ses bâtis se soit transformée etc., la Siedlung constitue en ce sens un organisme vivant. Ce qui la distingue cependant de la ville est sa monofonctionnalité. Son seul usage est l’habiter, un usage qui ne cesse de progresser dans ses configurations et ses possibilités. Ainsi, la Siedlung est, par sa nature et son usage, un élément évolutif. A cette nature s’oppose une seconde nature que les Siedlungen des années 1920 ont acquise postérieurement. Elles sont devenues des monuments historiques.D'AUTEUR Ce statut nécessite de les conserver dans leurs états initiaux et de réduire donc les évolutions possibles. Le bâti devenu « patrimoine » gagne une certaine intemporalité. Nous avons pu observer qu’un certain décalage s’est opéré entre les logementsD'ARCHITECTURE des Siedlungen et les standards de vie actuels, particulièrement en matière de surfaceDROIT de l’habitat et de stationnement du véhicule. La conservation des logements des Siedlungen dans leurs états initiaux, très fonctionnalistes, se confronte ainsi à des nouvellesAU exigences auxquel- les on refuse de répondre. Le paradoxe de la Siedlung comme organisme vivant et de la Siedlung comme monument historique ne trouve en ce sens pas de compromis en sa pra- tique, mais résulte à la radicale acceptation du second. Les Siedlungen sont aujourd’hui d’abord monuments, puis habitations. Si ce strict constat semble péjoratifSOUMIS à première vue, il est à être relativisé. Les situations géographiques et le statutSUPERIEURE des Siedlungen ont bel et bien évolué. Il ne s’agit tout d’abord plus de logement social, mais de logements aux prix du marché. De plus, si ini- tialement elles se situaient à la périphérie de la ville, elles sont aujourd’hui intégrées dans le centre-ville berlinois. L’intégration réussie des Siedlungen dans le tissu urbain environ- nant souligne que, même si elles ne connaissent pas d’évolutions matérielles directes, elles évoluent passivement, à travers les changements de la ville et de ses habitants. DOCUMENT NATIONALE

ECOLE

1 Mietspiegel Berlin 2011, zone d’habitation dite «simple» : «In Gebieten des inneren Stadtbereichs mit überwiegend ges- chlossener, stark verdichteter Bebauung mit sehr wenigen Grün- und Freiflächen, mit überwiegend ungepflegtem Straßen- bild und/oder schlechtem Gebäudezustand (z.B. Fassadenschäden, unsanierte Wohngebiete). Bei starker Beeinträchti- gung von Industrie und Gewerbe.» 2 zone d’habitation dite «moyenne» : «In Gebieten des inneren Stadtbereichs mit überwiegend geschlossener, stark ver- dich-teter Bebauung mit normalem Straßenbild (nicht von Gebäudeschäden geprägt), gutem Gebäudezustand (z.B. sa- nierte Wohngebiete, Neubaugebiete), mit wenigen Grün- und Freiflächen.»

93 Conclusion : être patrimoine

Si l’on tente de définir le patrimoine, si l’on remonte aux premières mentions écri- tes de son apparition dans la langue française, on peut constater qu’il désigne les „biens de famille“ , l’ensemble des biens appartenant au pater familias. Ce sens premier intègre aujourd’hui encore la définition du mot « patrimoine », mais ne suffit plus à l’entière ap- préhension de ce dernier qui s’est largement complexifié depuis son apparition au 12ième siècle. Nous qualifions par exemple de la même façon des biens concrets personnelle- ment transmis et des monuments, des oeuvres, voire des valeurs ou des savoirs. Dans la NANTES langue allemande, la définition primaire du patrimoine en tant que bien de famille trans- mis, peut être transférée en le mot héritage, « das Erbe ». Il n’existe cependant aucun mot DE allemand, aucune appellation équivalente au « patrimoine » en sa complexité actuelle. On parlera alors d’un « Kulturerbe » ou, dans le cas d’un bien matériel, strictement d’un « Denkmal ». L’inexistence du mot « patrimoine » dans d’autres langues montre que son intérêt réside moins en sa définition exacte qu’en la compréhension de ce que signifie « être patrimoine ». La description et l’analyse de l’histoire de quatre Siedlungen berlinoises de l’avant-garde Moderne, de leurs naissances à leurs processus de patrimonialisation jusqu’à leurs états actuels, s’inscrivent en cette démarche et explicitent diversesD'AUTEUR facet- tes d’« être patrimoine ». La Hufeisensiedlung Britz, Onkel Toms Hütte, Siemensstadt et Weiße Stadt racontent en premier lieu que le patrimoine naît avec la prise de conscience de son existence. L’histoire conflictuelle de l’appréciation deD'ARCHITECTURE l’architecture moderne et de son langage formel novateur au début du 20ième siècle, exprime queDROIT le regard que l’on peut avoir sur le passé forme progressivement l’idée d’un monument, qui, lui, attend en ce sens d’« être révélé ». Parallèlement, c’est bien lui même quiAU évoque des impressions, des émotions, des images aux usagers. Les Siedlungen furent successivement rejetées (lors de leurs édifications), admirées (lors de l’éclat fonctionnaliste au milieu du siècle) puis glorifiées (avec leurs inscriptions en tant que « Kulturerbe » de l’UNESCO en 2008). Aujourd’hui, elles « révèlent » aux usagers et aux passants l’histoire de l’avant-garde mo- derne, une bribe de l’histoire de Berlin, de l’architecture,SOUMIS de la crise du logement etc. Le monument a une valeur patrimonialeSUPERIEURE qui se construit avec le temps et raconte des valeurs du passé. Être patrimoine signifie d’abord être révélé et révéler en retour. Les processus de patrimonialisation et la prise de conscience du patrimoine ne sont donc pas neutres, pas naturels. Révéler la valeur particulière d’un bien, le considérer comme monument, réfère à une affection collective et sélective. Le monument détient une valeur émotionnelle qui agit d’abord sur l’individu, mais surtout sur le collectif. Il s’agit d’un accord implicite sur desDOCUMENT valeurs collectivement admises qui se fonde sur l’existence d’une identité partagée.NATIONALE Dans le cas des Siedlungen, ce caractère public s’est lentement et dif- ficilement instauré, mais a finalement abouti à leur inscription dans la liste de l’UNESCO. Le collectif a ainsi acquis une dimension internationale. Malgré cette étendue publique, les Siedlungen demeurent sous la responsabilité du Land Berlin et plus précisément sous ECOLEcelle de leurs propriétaires chargés de leur entretien continuel. Être patrimoine est donc, sous divers aspects, être collectif et être individuel à la fois. Les principes individuel et collectif du patrimoine – comme bien de famille et bien des Hommes - doivent également être perçus en rapport avec l’idée de filiation, de transmission intergénérationnelle – que ce soit au sein d’une même famille ou au sein de l’humanité en général. Être patrimoine signifie à ce titre être transmis aux générations suivantes, afin qu’elles aussi puissent comprendre et lire l’Histoire révélée. Les quatre Siedlungen sont entretenues depuis les années 1980, afin que leurs bâtis, leurs pay-

94 Conclusion : être patrimoine

sages, leurs structures, leurs apparences, leurs logiques globales soient conservés et lisibles à tout le monde. Si ce sont leurs biens matériels qui sont transmis, elles même transmettent des biens immatériels, c’est-à-dire des valeurs, des idéologies, des savoirs sur des modes de construction du début du 20ième siècle par exemple, sur la conception des logements, sur la naissance du logement social, etc. Être patrimoine signifie en ce sens être transmis et transmettre. Il est admis que le bien matériel à transmettre doit être conservé en sa substance NANTES originale. Une tâche complexe en particulier lorsqu’il s’agit, comme dans le cas des Sie- dlungen, de lieux d’habitation. Nous avons vu que l’ensemble des mesures pour l’entre- DE tien du patrimoine effectué à diverses échelles, que ce soit en sensibilisant l’habitant, en nominant une zone tampon dans la ville ou en examinant soigneusement le bâti existant, a pour but la conservation de la substance originale. Cette dernière est l’empreinte scien- tifique de la protection du patrimoine. A ceci s’ajoute la valeur d’authenticité du monument. Rappelons encore une fois qu’Onkel Toms Hütte ne fut intégré dans l’inscription comme patrimoine mondial de l’UNESCO pour cause de « dépréciation d’authenticité ». L’authen- ticité, caractère de ce qui est « incontestable, réel », constitue une valeur strictement morale du patrimoine. Cette valeur n’est cependant pas à être négligée, puisque l’authenD'AUTEUR- ticité génère à chacun un sentiment de justesse qui justifie l’existence du monument. Notons donc qu’être patrimoine signifie également être original et authentique. L’inexorable caractéristique du patrimoine réside D'ARCHITECTUREcependant en la question de sa temporalité, rien que par le regard passif que l’on porte sur lui. LesDROIT Siedlungen d’hier veulent être transmises en leur état authentique et sont donc conservées au mieux pos- sible. Elles sont ainsi frappées d’une certaine intemporalité.AU A cette dernière s’oppose l’évolution de la ville, des habitants et de la société en général. Les Siedlungen ont perdu leur essence de logement social, se sont déplacées dans la structure de la ville, ont vécu certaines transformations matérielles involontaires, se sont redéfinies au cours du temps notamment par le statut de patrimoine protégé qu’elles ont acquis. Être patrimoine est bel et bien être temporel et être intemporel à la fois.SOUMIS Cette étude a tenté de SUPERIEUREcerner les multiples aspects de la vie d’un patrimoine à travers les Siedlungen berlinoises de l’avant-garde. Ces exemples ont permis d’appré- hender différents statuts indissociables du patrimoine, que ce soit la notion du monument historique, celle du bien entretenu - « denkmalgepflegt » - ou bien celle du bien protégé - « denkmalgeschützt » - et de raconter l’ampleur historique de la Neue Sachlichkeit des architectes de l’avant-garde moderne. Ce travail doit être considéré à la fois comme une introduction, qui tenteDOCUMENT d’expliciter le fonctionnement de l’entretien du patrimoine, et, com- me productionNATIONALE aboutie qui raconte l’intégralité de la vie de quatre monuments historiques jusqu’aujourd’hui.

ECOLE

95 Epilogue : le Denkmalschutz conflituel

Entre mars et juillet 2011, les étudiants de la Beuth Hochschule für Technik ont réalisé, en collaboration avec la Denkmalschutzbehörde, le Denkmalpflegeplan d’une Siedlung berlinoise du 19ième siècle, la Genossenschaftssiedlung Adlershof à Treptow Köpenick. Afin de pouvoir précisément dessiner les plans des 30 maisons mitoyennes, analyser le bâti en son agencement et sa construction, et développer par la suite des projets de modernisation et d’amélioration de la substance bâtie, la base essentielle à ce travail fut l’échange avec les habitants. Cet échange fut cependant bien moins aisé que NANTES prévu. Avertis sur la réalisation d’un concept d’entretien de leurs logements, la plupart des habitants de la Siedlung préférèrent ne pas contribuer au développement de ce projet DE jusqu’à refuser un simple entretien. Seuls deux habitants soutinrent les efforts des étu- diants. Posons-nous donc la question pourquoi les usagers et habitants de monuments historiques sont non seulement méfiants, mais manifestent une grande incompréhension face aux demandes et attentes de la Denkmalpflege. L’unique moyen restant afin de faire participer les habitants dans l’entretien des biens protégés, sont les subventions, puisque tout émerveillement pour les monuments historiques, leurs qualités architecturales, leurs valeurs historiques, s’éteint face à l’incompréhension des pratiques du Denkmalschutz. Il ne reste plus que le rejet de cette dernière et de ses lois. D'AUTEUR En se demandant quelles sont les origines de ce clivage entre la Denkmalpflege et la population, la réponse standard est devenue l’élargissement de la notion de patri- moine et sa conséquente surcharge de biens à protéger et entretenir.D'ARCHITECTURE La Denkmalschutz- behörde n’aurait en quelque sorte plus les moyens humains et financiersDROIT de prendre en charge l’ensemble de ces biens et se contenterait de contrôler l’espace de vie de certains à l’aveuglette . Effectivement, le nombre de biens classés a AUconnu une importante aug- mentation depuis les années 1980, mais cet accroissement fut le résultat d’organisme d’habitants, de la population même, qui cherchaient à conserver l’image historique de leurs rues, de leurs écoles, de leurs mairies, de leurs places, de leurs quartiers, de leurs villes. La protection du patrimoine née des initiatives et du désir de la population. A l’op- posé, si aucun intérêt ne se manifeste, commeSOUMIS par exemple pour la plupart des bâtis de l’ancienne RDA ( où les raisons duSUPERIEURE désintérêt sont sans doute qu’indirectement liées aux édifices mêmes ), la négligence s’opère non seulement chez la population mais aussi chez les autorités du patrimoine. On note bien moins de biens culturels protégés. L’élar- gissement de la notion du patrimoine ne peut en ce sens en aucun cas être considéré comme origine de cette mésentente entre population et autorités, mais seulement nous amener à réfléchir sur la raison d’être du monument historique. Dehio nota DOCUMENTdéjà qu’une « protection efficace ne pouvait que provenir du peuple même, etNATIONALE seulement si ce dernier le fait par lui même, une force vivante émanera des mo- numents dans le présent. » Il mit en avant que la Denkmalpflegen’est guère une science secrète, mais une méthode publique qui doit être soumise à la population. Si l’on consi- dère les logiques patrimoniales d’aujourd’hui, on ne peut que constater que ces dernières ECOLEs’éloignent en leur théorie radicalement des opinions et des intérêts du public. Elles se fondent strictement sur des approches scientifiques, dont l’apophtegme inébranlable est devenu le terme de « substance ». Nous l’avons exprimé auparavant, l’intérêt de la Den- kmalpflege est de protéger et conserver le bien culturel, afin de le préserver pour les gé- nérations suivantes. Il est admis que seule la « substance originale » ou « authentique » des édifices puisse garantir une « bonne » lecture de l’Histoire : « réparer est mieux que rénover ». En ce sens, l’entretien du patrimoine ne se focalise strictement que sur cette notion scientifique qui est devenue la base objective de l’ensemble de son travail. Nous

96 Epilogue : le Denkmalschutz conflituel

même avons découvert la subtilité de l’architecture des Siedlungen et de l’avant-garde moderne, et, nous avons tout aussi assimilé l’importance de conserver l’image originale des façades afin de ne perdre aucune de leurs qualités. Cependant, cette image originale ne se laisse pas uniquement acquérir par l’usage ou l’existence de substance originale. La substance originale est sans aucun doute le fondement de tout entretien du patrimoi- ne, du monument même, mais elle peut être tout aussi bien reconstruite, dans sa matière, ses proportions, ses détails, etc. Nous ne pouvons que constater que l’obstination de la NANTES Denkmalpflege pour la « substance » et son rejet radical de la reconstruction, l’empêchent de s’ouvrir à un quelconque débat, à un compromis, et, finalement, à la population. DE La théorie de la Denkmalpflege d’aujourd’hui voit en la conservation de « subs- tance originale » son objectif existentiel. Sans intégrer un débat inutile et purement intel- lectuel cherchant à définir ce qu’est « authentique » ou « original », ou bien affirmer qu’un édifice est ou n’est pas une « source » d’Histoire, nous nous contenterons d’évoquer ici ce que toute la théorie de la protection du patrimoine donne l’impression d’avoir oublié : la valeur émotionnelle d’un monument. Un monument, qui nous permet de nous « remémo- rer », invoque des souvenirs et des émotions. Que ces derniers proviennent d’une seule personne, d’un groupe, d’une société,..., ou bien d’un pays, la valeur émotionnelleD'AUTEUR d’un édifice ne se laisse guère exprimer autrement que par l’intérêt qu’on lui porte ou l’émer- veillement qu’il produit chez les uns ou les autres. Le monument conjure l’Histoire en une variété de facettes, pour tout le monde et pour chacun. ParD'ARCHITECTURE conséquent, ce n’est pas seulement la valeur d’authenticité qui importe, mais d’autres valeursDROIT telles que la valeur artistique ou, tout simplement, la Beauté. Ce sont ces valeurs relatives à l’individu et sa sensibilité qui génèrent la conscience collective du patrimoine.AU Autrement dit, l’importance d’un édifice et la priorité de son entretien se mesurent d’abord par rapport à ces valeurs émotionnelles. Le tourisme culturel en général ou, par exemple, la simple existence d’un bout du Mur au Potsdamerplatz à Berlin, autour duquel les touristes se font photographier, manifestent l’étendue de ces valeurs. La négligence de ces valeurs, aperçuesSOUMIS comme superficielles, créent une consi- dérable distance entre le DenkmalschutzSUPERIEURE et la population. Prenons par exemple, l’actuel débat autour de la reconstruction du Berliner Stadtschlosses à Unter den Linden, dans le cœur historique de Berlin. Le château dans lequel résidaient auparavant les rois de Prusse fut détruit au cours de la II Guerre Mondiale, en février 1945. Dès le lendemain de la guerre, des initiatives pour la reconstruction du château furent lancées par la popu- lation, mais ce n’est qu’en 2000 que l’on parvient à trouver les moyens et les accords à cette reconstruction.DOCUMENT Une reconstruction qui est évidemment extrêmement conflictuelle, puisqu’elleNATIONALE consiste, selon les plans de l’architecte italien Francesco Stella, en une re- construction à l’identique d’une partie de l’édifice monumental. Il s’en suit d’innombrables débats sur la méthode de la reconstruction comme falsification de l’Histoire empêchant la correcte lecture de couches historiques. Que la reconstruction à l’identique fausse l’His- ECOLEtoire, comme l’énonce le Denkmalschutz, ou qu’elle permette de compléter l’identité d’un quartier, comme le signalent les autres, fait est qu’elle anime la population à créer des as- sociations et à collecter des dons pour sa réalisation. Comme l’avait écrit Dehio en 1905 ( Denkmalschutz und Denkmalpflege, 1905 publié dans «Streitschriften zur Denkmalpflege um 1900», Braunschweig-Wiesbaden, 1988, p. 85 – 103 ), la motivation du peuple génère la force du monument, surtout quand il n’existe plus depuis plus de 60 ans. La reconstruction est devenue une des problématiques principales aux quelles se confrontent le Denkmalschutz et sa « substance originale ». Il s’en suit que le problème

97 Epilogue : le Denkmalschutz conflituel

de la Denkmalpflege d’aujourd’hui n’est pas l’élargissement de la notion du patrimoine, mais au contraire, un rétrécissement sur son fondement théorique peut-être trop scien- tifique. La reconstruction du Neues Museum sur la Museumsinsel effectuée par David Chipperfield dévoile la seconde conséquence de cette approche scientifique. Ce projet est sans doute la réalisation la plus acclamée actuellement par la méthode dont s’est servi Chipperfield pour travailler avec l’existant. Ce qui fut détruit pendant la II Guerre Mondiale a été reconstruit d’une manière interprétée, c’est-à-dire en reprenant la forme, la propor- NANTES tion et la matérialité de l’original, tout en lui donnant un aspect novateur. La substance qui survécut sans dégât la guerre, fut conservée telle quelle, tout en accueillant la matière DE reconstruite. Autrement dit, l’ancien et le nouveau s’assemblent, se différencient et se complètent. Le concept de cette reconstruction trouve ainsi le compromis entre la recons- truction et la substance originale. Cette méthodologie est désormais glorifiée, comme si on avait finalement trouvé la solution au problème de la reconstruction, la formule parfaite pour travailler avec le monument historique. C’est bien en ceci que le Denkmalschutz affirme encore une fois sa vision systématique, méthodique et scientifique. Il s’agit bien, dans le travail de Chipperfield avec le Neues Museum, d’une solution intéressante, voire efficace avec l’édifice en question. Est-ce cependant l’unique « bonne » formule ?D'AUTEUR Si il y a une leçon d’architecture qu’on ne cesse de répéter aux étudiants, c’est bel et bien que tout projet, tout édifice, tout site diffère l’un de l’autre, et que pour un lieu, il existe d’innombrables réponses. Il n’existe pas une seule D'ARCHITECTUREformule à appliquer. L’appro- che de la Denkmalpflege, malgré la réalisation de concepts d’entretienDROIT pour chaque bien protégé, reste systématique et ne se montre pas suffisamment flexible en sa théorie. Parfois, il est sans doute mieux de réparer plutôt que de rénover,AU mais, dans d’autres situations, peut-être vaudrait-il mieux rénover plutôt que de réparer. Le manque de flexi- bilité dans la pratique de la Denkmalpflege aboutit à deux conséquences. La première est le mécontentement des usagers et des habitants, qui par exemple, dans la Siedlung Onkel Toms Hütte, ne sont autorisés à effectuer quelconques constructions dans leur jardin, qui ne peuvent installer une boites-à-lettresSOUMIS à leur goût, ni placer une parabole sur leur maison ou planter un arbusteSUPERIEURE à un endroit qui n’a pas été pensé à cet effet par la Denkmalpflege. En ce sens, la protection du patrimoine réduit leur confort de vie. La se- conde conséquence de ce systématisme est que pour d’autres monuments qui ont connu d’importantes transformations de leur substance bâtie, la Denkmalpflege procède de la même manière que pour ceux qui n’ont pas été altéré : afin de ne pas juger de la valeur et de l’importance des différentes couches historiques d’un édifice, on le conserve avec l’ensemble de ses transformations.DOCUMENT Cette idée se fonde sur la considération que n’importe quelle métamorphoseNATIONALE du bâti témoigne de l’Histoire. Dans le cas du Mosse-Haus à Berlin, construit par Cremer et Wolffenstein en 1903, reconstruit partiellement par Mendelsohn en 1920 et reconstruit à l’identique après la destruction de la guerre en 1995, les trois différentes couches historiques évoquent une importante part de l’histoire de la ville et ne ECOLEfont qu’ensemble la qualité architecturale du bâti. Dans d’autres cas, la superposition des différentes couches historiques rendent la lecture de l’édifice difficile, voire impossible. Le monument ne parvient plus à témoigner de l’Histoire et perd sa force principale, celle d’évoquer des émotions et de l’histoire aux usagers. Les débats au sujet de la protection du patrimoine et sa théorie sont innombra- bles et se perpétuent depuis son intellectualisation. Si avec les Siedlungen berlinoises de l’avant-garde moderne, nous avons explicité une première facette du patrimoine, c’est-à- dire l’entretien de monuments historiques, cette notion pose encore bien d’autres problé-

98 Epilogue : le Denkmalschutz conflituel

matiques, telles que la reconversion ou la reconstruction d’édifices que nous venons de suggérer, tout comme des questions plus sociales ( le fonctionnement de la conscience collective patrimoniale ) ou géographiques ( la territorialisation du patrimoine, la patrimo- nialisation du territoire )... Des sujets qui mènent inexorablement au débat. En vue de l’insatisfaction de certains propriétaires de biens protégés, en vue de la conflictualité entre les intellectuels et techniciens du patrimoine, en vue de la complexité de cette notion, ce qui importe ici est la conscience que les fondements théoriques du patrimoine ont déjà NANTES évolué dans le passé et évolueront dans l’éventualité. Si le patrimoine ne se transmet pas sans modification de sa substance, sa théorie n’y échappe pas non plus. DE

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SOUMIS SUPERIEURE

DOCUMENT NATIONALE

ECOLE

99 Annexes, fiches techniques

Hufeisensiedlung Britz

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SOUMIS SUPERIEURE

Lieu : Neukölln, Fritz-Reuter-Allee ( U7 , Blaschkoallee / Parchimer Allee ) Dates : 1925 - 1933 Maîtres d’oeuvre : DOCUMENT Bruno Taut, NATIONALEMartin Wagner Maître d’ouvrage : GEHAG Paysagiste : Leberecht Migge Gros Œuvre : ECOLEDeutsche Bauhütte Surface totale : 329 072 m² Surface habitable : 151 790 m² Espaces verts/publics : 255 472 m² Nombre de logements : 21 374, dont 679 logements individuels Nombre de magasins : 11

100 Annexes, fiches techniques

Onkel Toms Hütte

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SOUMIS SUPERIEURE

Lieu : Zehlendorf, Onkel Toms Hütte ( U7 , Onkel Toms Hütte) Date : 1926 -1932 Maîtres d’œuvre : DOCUMENT Bruno Taut, NATIONALEHugo Häring, Otto Rudolf Salvisberg Maître d’ouvrage : GEHAG Paysagiste : Leberecht Migge Gros Œuvre : ECOLEDeutsche Bauhütte, AHAG Surface totale : 344 555 m² Surface habitable : 136 607 m² Espaces verts/publics : 270 635 m² Nombre de logements : 1 915, dont 809 logements individuels Nombre de magasins : 6

101 Annexes, fiches techniques

Siemensstadt

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SOUMIS SUPERIEURE

Lieu : Charlottenburg-Wilmersdorf / Spandau, Goebelstraße, Jungfernheideweg (U7,Siemensdamm) Date : 1929-1931, 1933/34 Maîtres d’oeuvre : DOCUMENT Otto Bartning,NATIONALE Fred Forbat, Walter Gropius, Hugo Häring, Hans Scharoun, Paul R. Henning Maître d’ouvrage : Gemeinnützige Baugesellschaft Heerstraße mbH Paysagiste : Leberecht Migge Gros Œuvre : ECOLEdifférentes entreprises Surface totale : 139 731 m² Surface habitable : 78 585 m² Espaces verts/publics : 111 099 m² Nombre de logements : 1 370 logements RDC Nombre de magasins : 14

102 Annexes, fiches techniques

Weiße Stadt

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SOUMIS SUPERIEURE

Lieu : Reinickendorf, Aroser Allee ( U8 , Parcelus Bad ) Date : 1929 - 1931 Maîtres d’œuvre : DOCUMENT Otto Rudolf NATIONALESavilsberg, Bruno Ahrends, Wilhelm Büning Maître d’ouvrage : Gemeinnützige Heimstättengesellschaft Primus mbH Paysagiste : Ludwig Lesser Gros Œuvre : ECOLEdifférentes entreprises Surface totale : 115 532 m² Surface habitable : 75 922 m² Espaces verts/publics : 82 000 m² Nombre de logements : 1286 logements RDC Nombre de magasins : 24

103 Annexes, bibliographie

- Huse Norbert, collectif. Vier Berliner Siedlungen der Weimarer Republik, Museum für Ouvrages Gestaltung,1987, 241 pages. Siedlungen

- Collectif, Siedlungen der Berliner Moderne, Nominierung für die Welterbeliste UNESCO, Braun Verlag, Berlin, 2007, 270 pages.

- Haspel, Annemarie Jaeggi. Siedlungen der Berliner Moderne. UNESCO Welterbe, DKV NANTES Editions Deutscher Kunstverlag München Berlin, 2008, 95 pages. DE - Huse Norbert, Neues Bauen 1918 bis 1933. Moderne Architektur in der Weimar Repu- blik, Ernst W. + Sohn Verlag. 1985. Berlin. 153 pages.

- Mengin Christine. Guerre du toit et modernité architecturale : loger l’employé sous la République de Weimar. Publications de la Sorbonne. Paris. 2007. 540 pages.

- Arndt. Rogall Hoger. Berliner Wohnbaugenossenschaften. Berlin, 1987 (Berlin-Fors- chungen. Themenbereich Wohnungswirtschaft, 16) D'AUTEUR

- Klaus Peter-Kloß, Siedlungen der 20 Jahre, Haude & Spener, 1982, 68 pages. D'ARCHITECTUREDROIT - Hegemann Werner. Das steinerne Berlin, Birkhäuser Verlag,Ullstein Berlin Frankfurt/M Ouvrages Wien, 1930, 344 pages. AU Histoire de l’architec- ture moderne et Berlin - Bläsing Peter. Architektur der Zwanziger Jahre in Deutschland - Ein Vermächtnis in Ge- fahr. Einl. v. Welzbacher, Christian. 2009. 276 pages

- Curtis William J. R. . L’architecture moderneSOUMIS depuis 1900 , Phaidon, 1996 (troisième édition), 736 pages. SUPERIEURE

- D’Alfonso, Danilo Samsa. L’architecture. Les formes et les styles de l’Antiquité à nous jours, Editions Solar, Paris, 1996, 312 pages.

- Frampton Kenneth. Modern architecture and the critical present. Architectural Design. Londres. 1982. 120 pages.DOCUMENT NATIONALE

- Schmidt Leo, Einführung in die Denkmalpflege, Theiss, Darmstadt, 2008, 168 pages. Ouvrages Protection et entretien ECOLE- Norbert Huse, Deutsche Texte aus drei Jahrhunderten, C. H. Beck, München, 1996 du patrimoine

- Horst Thomas, Denkmalpflege für Architekten und Ingenieure, 2 Auflage, Rudolf Müller, Köln, 2004, 236 pages.

- Gottfried Kiesow, Denkmalpflege in Deutschland : eine Einführung, Wissenschaftliche Buchgesellschaft Darmstadt, 1. Auflage 1982, 2. Auflage 1989, 3. Aflage 1995, 4. überar- beitete Auflage 2000, 256 pages

104 Annexes, bibliographie

- Holger Reiners, Umbauen : die 35 besten architektonischen Lösungen für Umnutzung, Erweiterung, Sanierung, Deutsche Verlag, München, 2004, 199 pages.

- Huse Norbert. Unbequemen Baudenkmale. Entsorgen ? Schützen ? Pflegen ?, Verlag C. h. Beck, München, 1997, 134 pages.

- Oskar Spital-Frenking. Architektur und Denkmal. Der Umgang mit bestehender Bau- NANTES substanz : Entwicklungen, Positionen, Projekte. Verlagsanstalt Alexander Koch. 2000, 175 pages. DE - Françoise Choay, L’allégorie du patrimoine, Editions du Seuil, Paris, 1988.

- Hans Jörg Duvigneau, 100 Jahre Berliner Wohnungsbau - von der Mietskaserne zur Articles et conférences Reformwohnung; vom Förderprogramm zum Ausverkauf - Conférence à la Französischen Friedrichstadtkirche le 28. März 2006 D'AUTEUR - Winfried Brenne Architekten, 2. Informationveranstaltung, 29.11.2010, Hufeisensiedlung Britz « Internetgestützte Informationplattform » Modernisierung und Instandsetzung. D'ARCHITECTURE - Winfried Brenne Architekten, Schutz und Denkmal, WaldsiedlungDROIT Zehlendorf Onkel Toms Hütte, Berlin, 2006. AU - Denkmalpflegepläne für Siedlungen und Wohnanlagen als Instrument einer vorbereiten- den und vorbeugenden Denkmalpflege, Conférence de Dr. Anna Maria Odenthal (Landes- denkmalamt Berlin) dans le cadre de la bautec, février 2010, Marshall-Haus

- Guy Di Méo, Processus de patrimonialisationSOUMIS et construction des territoires, notes de cours Géographie à l’UniversitéSUPERIEURE de Bordeaux 3, Laboratoire ADES (UMR 5185 du CNRS)

- Charte de Venise, Charte Internationale Sur la Conservation et la Restauration des Mo- Documents numents et des Sites, IIe Congrès international des architectes et des techniciens des juridiques monuments historiques,DOCUMENT Venise, 1964. Adoptée par ICOMOS en 1965. Consultable sur http://www.icomos.org/docs/venise.htmlNATIONALE

- Loi concernant la protection du patrimoine à Berlin, Gesetz zum Schutz von Denk- malen in Berlin (Denkmalschutzgesetz Berlin – DSchG Bln), 24. April 1995 (GVBL. S. ECOLE274),geändert durch Art. II Nr. 1 u. 2 d. Ges. v. 4.7.1997 (GVBL. S. 376) u. Art. IV d. Ges. v. 17.5.1999 (GVBL. S. 178)

- Charte de Burra, Charte d’ICOMOS Australie pour la conservation de lieux et des biens patrimoniaux de valeur culturelle, adoptée le 19 août 1979 modifié le 23 février 1981, le 23 avril 1988 et le 26 novembre 1999. Consultable sur http://www.international.icomos. org/charters/burra1999_fre.pdf

105 Annexes, bibliographie

- Denkmalpflegekonzept, Die Gläserne Stadt von Frei Otto, Beiträge zur Denkmalpflege in Documents Berlin Heft 31, Landesdenkmalamt Berlin, Architektenbüro Jürgen Lampeitl, mai 2009 Entretien de Siedlungen - Denkmalpflegekonzept, Onkel Toms Hütte, Beiträge zur Denkmalpflege in Berlin, Lan- desdenkmalamt Berlin, Architektenbüro Winfried Brenne, mai 2006

- Denkmalpflegekonzept, Siedlung Elsengrund, Beiträge zur Denkmalpflege in Berlin, NANTES Landesdenkmalamt Berlin, Kränzel Jansen et Werner. DE - Denkmalpflegeplan, Unité d’Habitation, Typ Berlin, Le Corbusier, Beiträge zur Denkmal- pflege in Berlin Heft 23, Landesdenkmalamt, Beer Architekten, 2007

- Deutsche Wohnen Management GmbH, Mieterveranstaltung, réunion d’habitant concer- nant l’entretien du bâti et de l’envirronement de la Hufeisensiedlung, 28. juin 2010

- Pilotprojekt Denkmalschutz, Onkel Toms Hütte, calculs énergétiques des habitations, Architectes THP D'AUTEUR

- Organisation der Vereinten Nationen für Bildung, Wissenschaft,D'ARCHITECTURE Kultur und Kommunika- Sites internet tion : http://www.unesco.de/berliner-siedlungen.html (consulté en décembreDROIT 2010)

- Senatsverwaltung für Stadtentwicklung Berlin : AU http://www.stadtentwicklung.berlin.de/denkmal/denkmale_in_berlin/de/weltkulturerbe/sie- dlungen/ (consulté en août 2011)

- Gehag SOUMIS http://www.deutsche-wohnen.com/html/SUPERIEURE (consulté juin 2011) - Kompetenzzentrum Großsiedlung e.V http://www.gross-siedlungen.de/ (consulté en novembre 2010)

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ECOLE

106 Annexes, notices biographiques

04.05.1880 né à Königsberg Bruno Taut 1897-1901 visite la Baugewerksschule à Königsberg 1910 membre du Deutsche Werkbund 1918 membre de la Novembergruppe 1921-1924 Stadtbaurat de Magdeburg 1924 membre du groupe d‘architectes „Zehnerring“ 1924 - 1931 nombreux projets de logements pour différentes sociétés NANTES 1927 membre de la Reichsforschungsgesellschaft für Wirtschaftlichkeit im Bau- und Wohnungswesen (RfG) DE 1931 membre de la Preußischen Akademie der Künste Berlin 1933 émigration au Japon 1936 émigration en Turquie, devient professeur à l‘académie d‘Istanbul 24.12.1938 décède à Istanbul-Ortaköy

D'AUTEUR 5.11.1885 né à Königsberg Martin Wagner à partir de 1905 études en architecture à l‘Ecole Technique Supérieure d‘Architecture Berlin (FH ) études en urbanisme à Dresde D'ARCHITECTUREDROIT 1909 - 1910 maître urbaniste à Rüstringen près de Wilhelmshaven 1911 - 1914 participe au „Zweckverband Groß-Berlin“ AU 1914 - 1918 Stadtbaurat de Berlin-Schöneberg 1918 - 1920 membre fondateur de la „Deutschen Bauhütte“ 1919 directeur général du „Verband sozialer Baubetriebe“ 1920 - 1924 directeur général de la „Deutschen Wohnfürsorge AG“ 1924 -1926 Stadtbaurat du Groß-BerlinSOUMIS 1926 - 1932 membre de la SUPERIEURE Reichsforschungsgesellschaft für Wirtschaftlichkeit im Bau- und Wohnungswesen (RfG) 1927 émigration au Japon 1935 émigration en Turquie, conseiller urbaniste à Ankara et Istanbul 1938 émigration aux USA 1938 - 1950 enseigne à la Havard University à Cambridge, Mass (USA) 28.05.1957 décède à Cambridge, Mass (USA) DOCUMENT NATIONALE

20.09.1895 né à Breme Hans Scharoun 1912 - 1914 études en architecture à l‘Ecole Technique Supérieure d‘Architecture Berlin ECOLE1919 employé au Conseil d‘Art, membre de la „Gläsernen Kette“, 1925 - 1932 membre au Deutsche Werkbund 1926 professeur à la „StaatlichenAkademie dür Kunst und Kunstgewerbe“ Breslau 1945 - 1946 membre du „Ring“ 1946 - 1958 chef de section de construction de logement au magistrat du „Groß-Berlin“ professeur en architecture à l‘Université Technique de Berlin ( TU ) 1955 - 1968 président de l‘Académie des Beaux-Arts 25.11.1972 décède à Berlin

107 Annexes, notices biographiques

04.05.1880 né à Berlin Bruno Ahrends 1897-1901 études en architecture à l‘Ecole Technique Supérieure d‘Architecture Berlin ( FH ) 1910 membre de l‘association des ingénieurs et architectes Berlin 1918 agence d‘architecture avec Heinrich Schweitzer à Berlin 1921-1924 agence seul, nombreux projets de villa et de Landhaus 1924 membre de la Reichsforschungsgesellschaft für Wirtschaftlichkeit im NANTES Bau- und Wohnungswesen (RfG) 1924 - 1931 émigration au Japon DE 1927 employé à la Deutschen Bauaustellung, secteur construction de Sie- dlungen rurale 1931 émigration en Italie 1933 émigration en Angleterre 1936 émigration en Afrique du Sud 24.12.1938 décède à Le Cap ( Afrique du Sud ) D'AUTEUR 18.05.1883 né à Berlin Walter Gropius avant 1908 études en architecture à l‘Ecole Technique Supérieure d‘Architecture Berlin et Munich 1908 - 1910 employé chez Peter Behrens à Berlin D'ARCHITECTUREDROIT 1910 - 1918 architecte autonome, en collaboration avec Adolf Meyer 1912 membre du „Deutsche Werkbund AU 1918 membre fondateur du Conseil d‘Art 1919 - 1928 directeur du „Staatlichen “ à Weimar 1925 - 1928 directeur de l‘école du Bauhaus à Dessau 1924 membre du „Ring“ 1927 membre de la ReichsforschungsgesellschaftSOUMIS für Wirtschaftlichkeit im Bau- und WohnungswesenSUPERIEURE (RfG) 1930 vice-président du CIAM 1934 émigration en Angleterre 1937 émigration aux USA, professeur d‘architecture à Harvard University, Boston 1938 - 1952 directeur du secteur Architecture à Havard avec Marcel Breuer 1942 - 1952 collaboration avec Konrad Wachsmann pour la „General Panel Corporation“ 1945 fondation du „The Architects Collaborative“ ( TAC ) DOCUMENT 1948 - 1950NATIONALEprésident du CIAM 05.07.1969 décède à Boston ( USA )

16.08.1886 né à Berlin Paul Rudolf Henning 1903 - 1907 études en architecture à l‘Ecole Technique Supérieure d‘Architecture ECOLE Berlin 1905 études à l‘Académie des Beaux-Arts à Dresde 1907 ouverture de son atelier à Berlin, début de sa carrière comme sculpteur et céramiste 1913 membre du „Deutsche Werkbund“ 1919 membre de l‘association d‘urbanisme et logement après 1945 planification urbaine de Siedlungen 11.10.1986 décède à Berlin

108 Annexes, notices biographiques

19.10.1882 né à Könitz, près de Berne ( Suisse ) Otto Rudolph Salvisberg 1901 - 1904 études à l‘Ecole Technique Supérieure de Biel ( Suisse ) 1908 - 1913 travaille dans les agences d‘architecture Emil Schaudt et Paul Zimmer- reimer à Berlin 1914 - 1929 architecte autonome, participe intensément à la construction de Siedlungen 1922 ouverture d‘une seconde agence à Berne ( Suisse ) avec Otto Brechbühl 1927 membre de la Reichsforschungsgesellschaft für Wirtschaftlichkeit im NANTES Bau- und Wohnungswesen (RfG) 1928 membre du Deutsche Werkbund DE 1929 professeur à la „Eidgenössischen Technischen Hochschule Zürich 1930 architecte de la firme Hoffmann - La Roche 23.12.1940 décède à Arosa ( Suisse )

04.04.1881 né à Borken/Westfalen Wilhelm Büning études en architecture à l‘Ecole Technique Supérieure d‘Architecture de Munich, de Berlin et Dresde D'AUTEUR 1913 membre du Deutsche Werkbund 1921 professeur aux „Vereinigten Staatsschulen für freie angewandte Kunst Berlin“ et à la „Hochschule für Bildende KünsteD'ARCHITECTURE Berlin“ à partir de 1930 recherches dans le domaine de „la lumière dans l‘immeuble“DROIT vers 1950 professeur pour projets architecturaux, construction et hygiène dans le bâti la „Hochschule für Bildende Künste Berlin“AU 02.08.1958 décède à Berlin

22.05.1882 né à Biberach/Riß Hugo Häring 1899 - 1901 études en architecture à l‘EcoleSOUMIS Technique Supérieure d‘Architecture Stuttgart chez TheodorSUPERIEURE Fischer 1901 - 1903 études en architecture à l‘Ecole Technique Supérieure d‘Architecture Dresde 1921 architecte à Berlin et membre de la „Novembergruppe“ 1924 membre de l‘Union des Architectes et du „Ring“ 1926 membre du „Deutsche Werkbund“ 1928 participation au CIAM 1932 participationDOCUMENT à la „Werkbundaustellung“ à Vienne 1935 - 1943NATIONALEprofesseur et directeur à „Kunst- und Werkprivatschule für Gestaltung“ à Berlin 17.05.1958 décède à Göppingen

ECOLE20.03.1881 né à Danzig Leberecht Migge 1904 - 1913 employé, puis chef artistique de la firme Ochs ( paysagisme ) à Hambourg 1910 voyage en Angleterre, influence sur sa culture paysagère 1912 membre du „Deutsche Werkbund“ 1920 „Sonnenhof Worpswede“ et fondation de la „Siedlerschule Worpswede“ 1923 - 1929 magazine „Siedlungswirtschaft“ 1926 - 1935 agence à Berlin 30.05.1935 décède à Flensburg

109 Annexes, notices biographiques

12.04.1883 né à Karlsruhe Otto Bartning 1904 - 1908 études en architecture à Berlin et Karlsruhe 1918 membre du „Deutsche Wekrbund“ membre du Conseil d‘Art 1924 membre du „Ring“ 1926 - 1930 professeur à l‘Ecole Technique Supérieure de Weimar 1926 membre fondateur de la Reichsforschungsgesellschaft für Wirtschaftli- NANTES chkeit im Bau und Wohnungswesen (RfG ) 1948 - 1950 programme de „Notkirchen“ en éléments préfabriqués DE 1950 - 1959 président du „Bund Deutscher Architekten“ ( BDA ) 1955 conseiller d‘urbanisme de la ville de Berlin et chef de „INTERBAU“ 20.02.1959 décède à Darmstadt

31.03.1897 né à Pécs ( Hongrie ) Fred Forbat avant 1918 études en architecture et histoire de l‘art à Budapest ( Hongrie ) 1918 études en architecture à l‘Ecole Technique Supérieure d‘ArchitectureD'AUTEUR Munich 1920 - 1922 employé chez Atelier Gropius à Weimar 1922 participe au projet de la Siedlung BauhausD'ARCHITECTURE à Weimar 1925 - 1928 architecte en chef chez Sommerfeld, Berlin DROIT à partir de 1928 création de son propre atelier, membre du CIAM 1932 employé chez Ernst May à Moscou AU 1933 employé chez Dörpfled pour les recherches archéologiques à l‘Olympie ( Grèce ) 1933 - 1938 architecte à Pécs ( Hongrie ) à partir de 1938 architecte et urbaniste en Suède SOUMIS 22.05.1972 décède à VällingbySUPERIEURE ( Suède )

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ECOLE

110 Annexes, illustrations et crédits photographiques

Image de couverture : les Siedlungen des années 1920, Anna-Sophie Pradel

1. (p. 9) photographe inconnu de la firme Heinrich Lichte und Co. 1. Naissance des 2. (p. 9) vue aérienne, Landesarchiv Berlin Siedlungen

3. (p. 19) Vue aérienne Britz, 2008, Landesdenkmalamt Berlin 2. Architecture des 4 (p. 19),5,6 (p. 22),7,8 (p. 25),9,10 (p. 26),11,12 (p. 29) Anna-Sophie Pradel Siedlungen

13. (p. 32) Anna-Sophie Pradel 3. VersNANTES le statut de 14. (p. 32) 1926-1927, élévation, Winfried Brenne. Type E de la Gagfah, 1925. Christine Mengin «patrimoine» DE 15. (p. 45) Anna-Sophie Pradel 5. Les objectifs d’en- tretien des Siedlungen 16. (p. 55) photographie maquette 1929, Arthur Köster 6. La praxis de la 17. (p. 55) photographie Siemensstadt, carte postale, 1957, auteur inconnu Denkmapflege 19. (p. 56) photographie bâtiments de Gropius, 2008, Seier+seier 20, 21. (p. 59) plans, Architektur Werkstatt Pitz und Brenne 22, 23. (p. 60) Denkmalpflegeplan Onkel Toms Hütte, Landesdenkmalamt Berlin, Untere Denkmalschutzbe- hörde Reinickendorf, 2008 24. (p. 62) Manöverblat/Reinickendorf, 1867, Heimatmuseum Reinickendorf D'AUTEUR 25. (p. 62) Meßstischblatt von Berlin, 1901, Landesarchiv Berlin 26. (p. 62) Bebauungsplan Reinickendorf, 1908, Vermessungsamt Reinickendorf 27. Projet, 1913, Th. Bulling et M. Israel 28. (p.63) Vue aérienne, vers 1925, Heimatmuseum Reinickendorf D'ARCHITECTURE 29. (p. 63) plan masse 2011, Senat für Stadtentwicklung Berlin DROIT 30. (p. 66) FNP, Senat für Stadtentwicklung Berlin, FIS broker 31. (p. 66) plan masse monument historique, Senat für Stadtentwicklung BerlinAU 32. (p. 69) Denkmalpflegeplan Onkel Toms Hütte, Landesdenkmalamt Berlin, Untere Denkmalschutzbehörde Reinickendorf, 2008 33,34,35. (p. 71) Architekturwekstatt Pitz und Brenne 36. (p. 73) vue aérienne Britz, Heimat Museum Neukölln 37. (p. 73) photographie Paradies, Arthur Köster 38. (p. 74) Plan des plantations de rues, HufeisensiedlungSOUMIS Britz, B.Drescher . R. Mohrmann, S. Stern, 1981 39. (p. 74) Arthur Köster SUPERIEURE 40,41. (p. 76) Anna-Sophie Pradel 42. (p. 77)Baumkatalog, Ludwig Späth 43,44. (p. 77) Deutsche Wohnen GMBH, Katrin Lesser

45,46,47,48 (p. 82), 49. (p. 83) Senat für Stadtentwicklung Berlin 7. Les Siedlungen 50,51. (p. 83) tableaux, Anna-Sophie Pradel d’hier et la vie 52,53 (p. 84), 54 (p. 88). Gehag, Berlin. d’aujourd’hui 55,56,57 (p. 89), 58,59,60DOCUMENT (p. 90), 61,62,63 (p. 91), 64,65,66,67 (p. 92). Architekturwerkstatt Pitz et Brenne NATIONALE

ECOLE

111 NANTES DE

D'AUTEUR

D'ARCHITECTUREDROIT AU

SOUMIS SUPERIEURE

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