Caractérisation des stratégies d’adaptation des agriculteurs dans un contexte de variabilité pluviométrique : cas de la commune rurale de Kouka en zone soudano-sahélienne au Burkina Faso

Jacques KONKOBO, Doctorant, Laboratoire Sciences Humaines (LABOSHS), Université Norbert ZONGO, Nifababé Jean SOME, Doctorant, Laboratoire de recherche en Sciences-Humaines ((ED/LACOSHS), Université Norbert ZONGO, Talaridia Fulgence IDANI, Maitre-Assistant, Enseignant chercheur au Département de Géographie, Université Norbert ZONGO (Koudougou-Burkina Faso) Yélézouomin Stéphane Corentin SOME, Maître de Conférence, Enseignant chercheur au Département de Géographie, Université Norbert ZONGO (Koudougou-Burkina Faso) Résumé

Le climat change et les conséquences de ce changement varient selon les régions et les continents. Les plus lourdes répercussions sont ressenties dans les pays pauvres, en l’occurrence dans les pays africains à cause de la variabilité pluviométrique. Mais le choix des technologies et des variétés de cultures peut modifier considérablement l’impact de l’insuffisance d’eau sur l’activité agricole. L’adaptation se rapporte donc aux stratégies adoptées par les agriculteurs, dans le cadre de leurs activités, pour faire face aux variabilités pluviométriques. C’est dans ce cadre que cette étude vise à caractériser les stratégies d’adaptation des agriculteurs en zone soudano-sahélienne au Burkina Faso. Pour ce faire, une approche méthodologique basée sur une revue de littérature, des collectes des données qualitatives et quantitatives issues des enquêtes ménages, d’entretien et sorties de terrain a été initiée. Les résultats de cette étude montrent que les agriculteurs dans la commune rurale de Kouka ont adopté une gamme variée de stratégies d’adaptation aux changements des précipitations. Parmi les stratégies d’adaptation utilisées, on constate que la plupart des producteurs ont adopté les semences améliorées (65,33 %), le labour à plat ou billonnage (55,33 %) et d’autres exploitent les bas-fonds pour pratiquer des cultures de contre-saison. Toutefois, les producteurs de la localité font face à de nombreuses difficultés inhérentes à la mise en œuvre de ces stratégies (disponibilité, accessibilité des intrants et outils). Il est alors indispensable que l’Etat et ses partenaires apportent un soutien aux agriculteurs à travers l’aménagement des bas-fonds et la dotation d’équipements modernes. Mots clés : Semences améliorées, Labour, bas-fonds, Kouka, Burkina Faso

Characterization of farmers’ adaptation strategies in a context of rainfall variability : case of the rural commune of kouka in the Sudano-sahelian zone in Burkina Faso Abstract The climate is changing and the consequences of this change vary between regions and continents. The greatest repercussions are felt in poor countries, in this case in african

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countries because of rainfall variability. But the choice of technologies and crop varieties can considerably modify the impact of insufficient water on agricultural activity. The adaptation therefore relates to the strategies adopted by farmers, within the framework of their activities, to cope with rainfall variability. It is within this framework that this study aims to characterize the adaptation strategies of farmers in the sudano-sahelian zone in Burkina Faso. To do this, a methodological approach based on a literature review, collection of qualitative and quantitative data from household surveys, interviews and field trips was initiated. The results of this study show that farmers in the rural commune of Kouka adopted a diverse range of strategies to adapt to changes in rainfall. Among the adaptation strategies used, we note that most producers have adopted improved seeds (65,33 %), flat plowing or ridging (55,33%) and others exploit the lowlands to practice off-season crops. However, local producers face many difficulties inherent in the implementation of these strategies (availability, accessibility of inputs and tools. It is therefore essential that the State and its partners provide support to farmers through management of lowlands, endowment of modern equipment. Key words : Improved seeds, plowing, lowlands, Kouka, Burkina Faso.

Introduction La planète Terre est celle qui est habitée par les hommes. Cette planète procure les éléments nécessaires à la survie de cette espèce et d’autres. Ces dernières décennies, des changements ont créé une perturbation de certains phénomènes. C’est ainsi que, l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes tels que les inondations, les sécheresses, sont des conséquences du changement climatique. Des changements tels que la hausse des températures, les variations dans le volume et la durée des pluies annuelles affectent sérieusement les moyens de subsistance et la sécurité alimentaire d’un très grand nombre de personnes en Afrique en générale et au Burkina Faso en particulier (DURAND F., 2007, p83). Le changement climatique représente donc une menace sans précédent pour les populations des pays en développement qui luttent déjà pour assurer leur sécurité alimentaire et améliorer leurs conditions de vie. Ce phénomène qui se manifeste souvent dans les pays sahéliens à travers la persistance de la sécheresse, provoque de grands déséquilibres tant sur le plan écologique qu’économique. Cette sécheresse engendre des conséquences plus dramatiques et catastrophiques pour l’agriculture et le pastoralisme (SARR M. A., 2008, p.62). C’est ainsi que, pour des questions de résilience, les populations et certains acteurs du monde du développement ont développé des stratégies d’adaptations. S’adapter dans ce contexte est un processus vital qui nécessite l’engagement d’un grand nombre de parties prenantes qui agissent à différents niveaux. En effet, pour OUEDRAOGO M., DEMBELE Y. et SOME L. (2010, p.95), l’adaptation aux changements des précipitations rencontre des contraintes qui résident dans la capacité des agriculteurs à mettre en œuvre des solutions appropriées. Cette capacité dépend étroitement des ressources financières, de l’engagement, des techniques et technologies dont dispose l’agriculteur. Toutefois, la disponibilité des ressources est fortement liée aux conditions locales. C’est dans ce contexte que la présente étude sur la « Caractérisation des stratégies d’adaptation des agriculteurs dans un contexte de variabilité climatique : cas de la commune de Kouka en zone soudano-sahélienne au Burkina Faso » a été initiée. Cette étude a

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donc pour objectif de caractériser les stratégies d’adaptation des agriculteurs dans la commune rurale de Kouka, en zone soudano-sahélienne au Burkina Faso. 1- Approche Méthodologique 1-1- Présentation de la zone d’étude La Commune rurale de Kouka est située dans la partie Sud de la province des Banwa qui fait partie de la région de la Boucle du Mouhoun au nord-ouest du Burkina Faso. D’après BNDT (2014), elle est encadrée par les parallèles 11°42’01’’et 12° 7’30’’ de Latitude Nord et les méridiens 4°14’ et 4°30’ de Longitude Ouest (cf. carte, p4). La commune s’étend sur environ 700 km2 soit 11,76% du territoire provincial (5 954 km2) et 2,03% de la Région (34 497 km2). Elle subit l’influence des caractéristiques du climat soudano-sahélien, selon le découpage thermo-climatique du Burkina, avec une pluviométrie moyenne annuelle de 826 mn pour la période 1988-2017. L’altitude moyenne de la zone d’étude est de 360 m, avec quelques collines qui se présentent aux limites Ouest de la commune, culminant à 400 m dans le village de Siwi au nord-ouest de la commune ; tandis que le point coté le plus bas (292 m) se localise dans le talweg du cours d’eau situé au sud de la commune (BNDT, 2014). Le différentiel entre les deux extrêmes, d’une centaine de mètres, montre la présence d’une forte pente et plusieurs lignes de partage des eaux, ce qui est à l’origine d’une importante érosion hydrique dans les endroits où la couverture végétale est absente. Selon les résultats définitifs du Recensement Général de la Population et de l’Habitat, la population de la commune était estimée à 59118 habitants en 2006 (RGPH, 2006) et 73.717 en 2019 (RGPH, 2019. L’agriculture qui occupe environ 90 % de la population active, est la principale activité socioéconomique de la population. Le mode de production dominant est traditionnel de type extensif. Carte : Localisation de la zone d’étude en Afrique et au Burkina Faso

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1-2- Méthodes et outils Une approche méthodologique basée sur une revue de littérature, une collecte des données qualitatives et quantitatives émanant d’entretien et de sortie de terrain a été adoptée. Les enquêtes de terrain ont permis de collecter des données qualitatives et quantitatives. La population enquêtée concerne les chefs de ménages car ce sont eux qui possèdent le plus d’information sur les activités de production des ménages. La taille de la population consultée est de 150 chefs de ménages. L’échantillonnage a été fait de façon raisonnée car il a permis de représenter l’ensemble de la population. Neuf villages ont été enquêtés sur les dix-sept que compte la commune rurale de Kouka à cause de leur position qui permet d’avoir une bonne couverture de toute la commune. Ces villages sont : , Sama, Fini, Saint-Michel, Kouka, , , Siwi, Mahouana (cf. carte, p4). Pour compléter les informations recueillies auprès des enquêtés, il y a eu des entretiens avec des personnes ressources (service en charge de l’agriculture et de l’environnement). Des outils ont été utilisés pour collecter les données quantitatives et qualitatives. Pour obtenir les données quantitatives, un questionnaire individuel a été adressé aux chefs de ménages, un guide d’entretien pour les personnes ressource et le logiciel SPSS a été utilisé pour l’analyse statistique. 2- Résultats et discussion 2-1- Adaptation variétale face aux épisodes de sécheresse

Selon nos investigations, 65,33 % des agriculteurs ont adopté les semences améliorées pour faire face aux effets néfastes dus aux épisodes de sécheresse. En effet, la recherche agronomique a créé des variétés à haut potentiel de production à cycle court et moyen au Burkina Faso. Cette recherche est menée par l’INERA (Institut National pour l’Environnement et la Recherche Agronomique) sous la houlette d’une équipe pluridisciplinaire. L’adaptation variétale consiste à utiliser des variétés nouvelles ou améliorées généralement précoce et à potentiel de rendement acceptable. Les variétés à cycle court s’adaptent au raccourcissement de la saison des pluies. Face à la baisse des rendements des cultures, et pour répondre aux nouvelles donnes climatiques, les producteurs ont fait le choix d’adopter dans leur système de cultures de nouvelles spéculations et variétés de cultures (riz, soja, maïs, niébé) (AGOSSOU D.S.M et al. 2012, p.576 ; TIDJANI A. D. 2016, p.31 ; YAKOUBA O. et al. 2017, p.58). Malgré le fait que les nouvelles variétés donnent une récolte décente dans des conditions de précipitations réduites, et produisent des rendements équivalents ou même supérieurs à d’autres variétés lorsque les niveaux des précipitations sont bons (HAILU M. et CAMPBELL B., 2015, p.22), on observe que cette technologie n’est pas toujours utilisée par les principaux acteurs de la production agricole pour la culture des céréales. Cela peut être synonyme d’inadéquation entre ce qui est proposé et le système de production des paysans. Ces variétés sont plus adoptées en zone soudano-sahélienne du fait de la plus grande vulnérabilité de cette zone aux facteurs climatiques. L’importance de l’adaptation variétale en zone soudano-sahélienne peut aussi s’expliquer par des facteurs non climatiques, tels que la pression démographique et/ou pression foncière, qui a imposé la nécessité d’intensifier la production agricole dans cette zone afin de pouvoir nourrir une population sans cesse croissante (OUEDRAOGO M., DEMBELE Y., et SOME L., 2010, p.91). Il est important de souligner que presque tous les chefs de ménages (96,66%) interrogés ont connaissance de l’existence des semences améliorées. Mais la plupart d’entre eux

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déplorent le manque de moyens financiers et le problème d’accessibilité à cette technologie. Par conséquent, il y a une timide modernisation de l’agriculture à travers cette technologie. Ce constat a été aussi souligné par SOME N.J., en 2017 dans une étude menée à l’Est du Burkina Faso, dans la province de la Tapoa pour les agriculteurs autour du Parc National W. Il en est de même pour les agriculteurs de Lilligomdé dans la région du nord du Burkina Faso qui affirment que l’adoption de nouvelles variétés plus appropriées aux conditions physiques du milieu pourrait contribuer à augmenter la production, donc à réduire l’insécurité alimentaire, mais l’accès à ces variétés de semences est très difficile (KAMBOULE R., 2013, p.70). Cette difficulté touche donc l’ensemble des agriculteurs au Burkina Faso. En effet, le manque de moyen constitue un obstacle pour l’appropriation de cet intrant agricole. Pour les particuliers, par exemple pour la variété de maïs, 1kg coûte 550 FCFA et il faut environ 20kg pour un hectare, soit 11000 FCFA. De même, pour le sorgho, le kg coûte 700 FCFA et il faut environ 15kg pour un hectare, soit 10500 FCFA. Alors, avec les superficies que possèdent ces agriculteurs, il serait effectivement difficile pour eux d’adopter efficacement les semences améliorées. Ceux qui les adoptent se contentent de payer 2 à 5 kg pour essayer. Ces derniers, témoignent qu’ils engrangent de bons résultats. Parmi les variétés de semences améliorées proposées aux populations de la commune de Kouka, il y a le mil, le petit mil, le maïs et le haricot. Outre le problème de coût élevé des semences, il y a la non maîtrise des techniques culturales qui accompagnent ces variétés. D’ailleurs pour DUGUE M. J. (2012, P.35), les variétés précoces produites par la recherche sont certes une bonne réponse au raccourcissement de la saison des pluies, mais elles sont souvent relativement exigeantes en matière d’entretien, pendant leur court temps de végétation. Par ailleurs une fiche technique accompagne chaque type de variété améliorée. Pourtant, l’étude révèle que 54 % des agriculteurs n’ont aucun un niveau d’instruction, 30% ont été alphabétisés et 9 % ont un niveau primaire. Dans ces conditions, les agriculteurs ne peuvent pas prendre connaissance de la fiche technique si cela n’est pas fait avec des « signes » et cela peut impacter les résultats escompter. Il y a également un problème d’accessibilité physique aux semences améliorées dû au manque et/ou insuffisance de communication sur l’arrivée et/ou la distribution de celles-ci dans la commune. Comme le témoigne un chef de ménage : « lorsque j’ai appris l’arrivée des semences à Kouka, je suis allé pour m’en procurer et je n’ai même pas eu 1kg ». Cette situation s’explique par le fait que la quantité de semences améliorées qui rentre dans la commune est insuffisante pour satisfaire la demande. Par exemple pour la saison agricole 2016-2017, la ZATA (Zone d’Appui Technique Agricole) a reçu 216 sacs de 50kg de semences de maïs, 16 pour le sorgho et 4 pour le mil pour l’ensemble de la commune. Et cette structure explique donc que, la politique du ministère en charge de l’agriculture est de diviser chaque commune en trois groupes de villages, 6 villages par groupe à Kouka. Les semences qui arrivent dans chaque commune sont distribuées de façon cyclique pour une durée de trois ans renouvelables. En sus, le fait qu’elles sont subventionnées par l’Etat, les rend moins onéreuses. Pour le maïs par exemple, de même que le mil et le sorgho, il en faut 15kg pour 1ha en raison de 1000 FCFA. Donc, les semences subventionnées par l’Etat coutent moins chères et sont en quantité insuffisante, alors que chez les particuliers, elles coutent très chères pour les agriculteurs. Ainsi, le problème de disponibilité et d’accessibilité constitue un obstacle à l’appropriation des variétés améliorées par les agriculteurs de Kouka, pour faire face aux épisodes de sécheresse.

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2-2- Techniques de labours à plat ou billonnage.

L’eau est une ressource indispensable au développement de la plante. La disponibilité de cette ressource naturelle pour les cultures pluviales, devient préoccupant du fait de la rareté des pluies aggravée par les fortes températures et la dégradation du couvert végétal. Au vu de cette dégradation des conditions climatiques et édaphiques, des mesures sont mise en œuvre. Dans le domaine agricole, les recherches s’orientent d’une part vers les techniques d’amélioration variétale et d’autre part vers la conception de techniques culturales adéquates et adaptées à un milieu donné à l’instar des labours à plat et du billonnage. Ces techniques consistent respectivement à retourner le sol à l’aide d’une charrue à traction animale ou à l’aide d’un tracteur et à réaliser des levées de terre (cf. planche photographique 1B, p7). Ces techniques culturales conduisent à la modification de la structure du sol et se montrent bénéfiques en terme de rétention d’eau de pluie dans la parcelle de culture. Le labour à plat et billonnage rentre dans la gamme des techniques de CES (Conservation des Eaux et Sols) : digues, diguettes, cordons pierreux, zaï, demi-lunes, paillage, etc. Une étude menée en 2010 par OUEDRAOGO M., DEMBELE Y., et SOME L., sur l’ensemble du territoire au Burkina Faso, montre que 33 % des exploitants agricoles utilisent ces techniques comme stratégies d’adaptation aux changements des précipitations, soit 38,6 % en zone sahélienne, 36,9 % en zone soudano-sahélienne et 19,7 % en zone soudanienne. L’utilisation des techniques de CES croît donc avec la vulnérabilité du milieu. La zone soudanienne qui est la plus arrosée au Burkina Faso, connaît une faible utilisation de ces techniques. Leur utilisation dépend donc des caractéristiques du paysage. Les agriculteurs de Kouka ont adopté ces techniques culturales décrites ci-dessus. Cependant, les techniques comme le zaï et les demi-lunes sont faiblement pratiquée dans la commune de Kouka. Ils ont donc opté pour la technique de labour. Le labour donne une surface ondulée couverte d’agrégats dont la taille dépend du type de sol (cf. Planche photographique n° 1, p7). Cette méthode permet de briser la croute du sol ; ce qui améliore l’infiltration et diminue le ruissellement. Elle permet donc une meilleure économie de l’eau dans la parcelle et un amoindrissement des effets des déficits et des variations pluviométriques. La porosité du sol permet un meilleur et profond enracinement des plantes et même en cas d’une poche de sécheresse d’environ une semaine, les plants gardent leur verdure sur les billons. 55,33 % des chefs de ménages enquêtés pratiquent le billonnage. Ces derniers estiment que les labours (sarclage tracté, buttage tracté) permettent de lutter contre les mauvaises herbes envahissant les champs. Mais la principale difficulté pour la pratique de cette technique, demeure l’acquisition de tracteur. Même subventionnés par l’Etat, ces tracteurs ne sont pas à la bourse d’un agriculteur au Burkina Faso en générale et dans la commune rurale de Kouka en particulier. Ce tracteur, sur la planche photographique 1 (A), subventionné par l’Etat burkinabé coûte neuf millions sept cent cinquante mille franc CFA.

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A B

Planche photographique 1 : labour à plat motorisé (A) et billonnage (B)

Source : Clichés KONKOBO J. (juin2018)

2-3- Exploitation des bas-fonds

En générale, les principales stratégies d’adaptation aux changements des précipitations mises en œuvre par les agriculteurs à Kouka s’intègrent dans les options d’adaptation rencontrées dans la littérature par les paysans burkinabè. En zone soudano- sahélienne, les bas-fonds connaissent, ces dernières décennies, une exploitation agricole intense en raison de la fertilité de leurs sols et de leur caractère hydromorphe, constat fait par ILBOUDO A et al (2020, p.890). Le constat de l’exploitation des bas-fonds comme stratégie d’adaptation aux effets de la variabilité pluviométrique et des dégradations des terres est aussi fait par des études menées au Burkina Faso. En effet, les agriculteurs ont adopté une stratégie permettant d’exploiter des unités géomorphologiques de bonne fertilité telles que les bas- fonds (DA D.E.C et YONKEU S., 2008, p.313). Pour OLOUKOI J et V. J. MAMA V. J., (2009, p.127), l’exploitation des bas-fonds permet de résoudre les problèmes d’appauvrissement des terres et de baisse de la productivité rencontrés par les agriculteurs dans le contexte général des changements climatiques. Dans la commune de Kouka, à partir du mois de novembre, commence la production des tomates (Lycopersicum esculentum, Lycopersicum cerasiforme), des oignons (Allium cepa), des choux (Brassica oleracea). A cette production de cultures maraîchères, sont associées d’autres cultures comme le maïs (Zea mays), le gombo (Hibicus esculentus), les aubergines (Solanum aethiopicum, Solanum melangena) (cf. planche photographique n°2, p8). Cette pratique de la technique d’association des cultures a été aussi constatée au Togo par SANOU K. et al, (2018. P.92, seulement les producteurs togolais ont adopté cette technique à cause du manque cruel de terres cultivables. Chez eux, la technique d’association porte souvent sur deux, trois voire quatre cultures (sorgho-niébé, maïs-riz-igname, maïs-gombo- igname-riz). Selon certains paysans au Benin, l’association des cultures permettrait de mieux conserver l’humidité du sol. Cela pourrait s’expliquer par la limitation de l’évapotranspiration due au microclimat créé par l’association de deux ou plusieurs cultures (ADJAHOSSOU V. N., 2014, p.258).

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Ces pratiques s’expliquent par le fait que les agriculteurs veulent profiter de la présence d’eau encore dans les rivières enfin de saison hivernale et surtout de la nappe phréatique peu profonde dans les bas-fonds. Elles ont connu une recrudescence à partir de 2015 à cause des effets néfastes de la variabilité des pluies sur la production céréalière. Cette diversité des systèmes de production s’inscrit en droite ligne dans les stratégies d’adaptation aux variabilités climatiques. C’est une façon de compenser le manque à gagner dans la production céréalière (Sorghum bicolor, Pennisetum americanum, Zea mays) durant la saison pluvieuse. En effet, du mois de novembre au mois de juin, il y a suffisamment de tomates, d’ognons, d’aubergines, du maïs frais pour la population de la commune et des villes environnantes (Bobo Dioulasso, ) et ses produits sont exportés même en dehors des frontières du Burkina Faso (Mali, Cote d’Ivoire). Alors, la mise en valeur des bas-fonds par leur exploitation constitue une alternative de gestion rationnelle des ressources hydriques dans un contexte de pluviosité difficile ou contraignante. Leur utilisation procure de substantiels revenus aux exploitants car cela leur permet de diversifier non seulement les cultures mais aussi leurs sources de revenus. Nonobstant l’intérêt général des agriculteurs à s’investir dans les bas-fonds, leur exploitation engendre des contraintes environnementales comme l’ont bien souligné OLOUKOI J. et MAMA V. J. (2009, p.126). Il y a une rapide dégradation des ressources végétales à craindre au regard des techniques d’exploitation et de la pression humaine constatée sur le milieu. Toutefois, des études socio- économiques plus approfondies méritent d’être conduites pour mieux expliquer les raisons de la dynamique spatio-temporelle de l’exploitation des bas-fonds dans la commune rurale de Kouka.

A B Planche photographique 2 : association de cultures en saison sèche : oignon et Gombo (A) et oignon, aubergine, maïs (B) Source : clichés KONKOBO J. (juin 2018) Conclusion Face aux effets néfastes des changements climatiques, il existe plusieurs types d’adaptations. Chaque type dépend des stratégies et des moyens dont disposent les agriculteurs. L’adaptation, qu’elle soit anticipative ou réactive (conçue et mise en œuvre en réponse aux impacts initiaux) permet de réduire la vulnérabilité à la variabilité et au changement climatique. A ces deux principaux types d’adaptation, s’ajoute l’adaptation planifiée, résultat d’une décision politique délibérée, basée sur une prise de conscience des changements en cours et à venir. Les contraintes de la production agricole sont : les impacts négatifs de la variabilité pluviométrique, la faible fertilité des sols, le cycle long de certaines

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variétés culturales. Face à ces contraintes, cette étude a révélé que les agriculteurs de la commune de Kouka mettent en œuvre des solutions endogènes diverses, parmi lesquelles, il y a les techniques de CES, l’adoption des semences améliorées et surtout l’exploitation des bas- fonds pour les cultures de contre-saison. Mais une exploitation incontrôlée des bas-fonds ne risque-t-elle pas, à terme, de réduire les fonctions agro-écologiques de cet agroécosystème dans la commune rurale de Kouka ? En tout état de cause, une étude sur la dynamique spatio- temporelle de l’exploitation des bas-fonds dans la commune rurale de Kouka mérite d’être menée.

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