Chanteurs À L'affiche. 100 Artistes En Scène
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Chanteurs à l'affiche DU MÊME AUTEUR Folksong. Une histoire de la musique populaire des États- Unis: Albin Michel, 1971 (rééditions revues et augmentées, sous-titre : « Racines et branches de la musique folk améri- caine », 1977 et 1984). La Nouvelle Chanson bretonne : Albin Michel/Rock & Folk, 1973 (réédition revue et augmentée sous le titre La Chanson bretonne, Albin Michel/Rock & Folk, 1980). Leonard Cohen: Albin Michel/Rock & Folk, 1975 (rééd. revue et augmentée, 1979). Dylan (en collaboration avec François Ducray, Philippe Manoeuvre et Hervé Muller) : Albin Michel/Rock & Folk, 1975. Français, si vous chantiez... : Albin Michel/Rock & Folk, 1976 (épuisé). Jacques Higelin (en collaboration avec Jean-Marie Leduc) : Albin Michel/Rock & Folk, 1985. Jacques Brel. De l'Olympia aux Marquises : Seghers/Club des Stars, 1988. Brassens ou la chanson d'abord: Albin Michel, 1991. Jacques Vassal CHANTEURS À L'AFFICHE 100 artistes en scène Albin Michel © Éditions Albin Michel S.A., 1996 22, rue Huyghens, 75014 Paris ISBN 2-226-08161-5 « Rien n'est plus simple que la voix. Rien n 'est plus obscur que la voix. Vous écoutez la parole qui guérit. Elle guérit les âmes captives, les sources noires. Elle change la douleur en lumière. C'est la parole d'enfance, c'est le chant simple. Vous n'y connaissez rien en musique. Vous êtes analphabète en musique et vous vous y entendez très bien. Vous avez toujours eu besoin de l'étoile d'une voix dans la chambre de vivre. Chanter c'est confier sa voix à la vérité d'un silence, à la justesse d'un souffle, tremblant dans son envol, lumineux dans son déclin. » Christian Bobin La Part manquante, Gallimard, 1989 LEVER DE RIDEAU C toujours le même pincement au cœur. Les lumières baissent, le brouhaha décline au milieu des « chut ! » et des « ah ! ». Silence. Le rideau se lève. Ou s'écarte. Ou bien, même, il n'y a pas de rideau. Quoi qu'il en soit, « il » fait son entrée. Va-t-il nous étonner, nous faire rire ou pleurer, réfléchir ou oublier, nous éblouir ou nous indigner ? Que va-t-il nous don- ner? Et nous, qu'allons-nous lui renvoyer? Et quand le rideau va tomber, quand la sono va se taire, quand les spots de scène vont s'éteindre pour faire place aux ampoules de la salle et au blues de l'après-spectacle, allons-nous en sortir tout à fait indemnes ? « Il », c'est l'artiste. C'est souvent «elle», aussi. Même lorsqu' « il » ou « elle » est seul(e) face à nous sur les planches, « ils » sont plusieurs — régisseur, éclairagiste, sonorisateur, musiciens, arrangeur, producteur, attaché(e) de presse — à essayer de faire leur métier en nous donnant du bonheur. Chanter, jouer, dire, se raconter avec des mots et des notes, des voix et des instruments, c'est un métier individualiste et pourtant un travail d'équipe. C'est de temps en temps triom- pher, d'autres fois prendre un bide, et c'est souvent douter, peiner ou se tromper. Mais c'est quelquefois — miracle — voler à l'éphémère de nos vies quelques instants d'éternité. Et c'est toujours rassembler, pour une aventure collective d'une heure ou deux, ou de toute une vie, selon les talents et selon leur bon cœur, des hommes et des femmes, par dizaines ou par milliers, qui, sans cela, seraient restés chez eux. Ori- ginal contrat que cette rencontre sur commande, program- mée mais librement consentie. Une communion qui n'est ni privée ni solennelle. Tel est le pouvoir de religion de la chan- son, du spectacle vivant, au sens premier de relier les gens entre eux. Il s'agit d'une tout autre discipline que le disque, le clip vidéo ou le programme radiodiffusé ou télévisé, qui se consomment à la maison. Presque d'un autre métier, même si la plupart des artistes, par goût ou par nécessité, prati- quent les deux. Le spectacle vivant, c'est du tissu social. Cela vaut la peine qu'on s'y arrête. Ce livre est né d'une vieille habitude et d'une envie plus récente. Habitude d'écouter des chanteurs en action, en direct. Des styles très divers illustrés par des artistes d'ici ou d'ailleurs, les uns célèbres, d'autres connus des seuls initiés. De même pour les lieux visités, qui vont du mini-théâtre sou- terrain, « underground » dans tous les sens du terme, à l'am- biance survoltée et moins conviviale d'un auditorium de quinze mille places, en passant par toutes les jauges inter- médiaires. Du club de rock enfumé (pléonasme !) au festival en plein air, parmi deux ou trois fois plus de spectacles vus et entendus sur trois ans environ, et en se limitant au terri- toire français, cent ont été retenus. Mais que le programme soit confidentiel ou surmédiatisé, qu'un artiste chante a capella et même, à l'occasion, sans le moindre micro, ou au contraire entre deux châteaux de baffles crachant plusieurs milliers de watts, il prend toujours un risque et nous avec lui. Il peut être victime d'un malentendu, y compris au sens propre de ce mot. Il peut aussi nous manipuler (à nous de nous en méfier) ou être adulé pour de mauvaises raisons. C'est cette « glorieuse incertitude » d'un drôle de sport que les pages qui suivent tentent de capter. Quant à l'envie plus récente (elle date de la disparition, en mars 1990, du mensuel Paroles et Musique, qui offrait à ces rendez-vous réguliers une tribune incomparable), c'est celle de garder une mémoire de cette longue fréquentation. Celle, aussi, de renvoyer encore aux chanteurs et autres profes- sionnels du spectacle un écho de ce qu'ils nous donnent. Celle, enfin et surtout, de partager impressions et informa- tions avec les « simples » spectateurs non professionnels. Ceux-ci ont, parfois, bien du mérite dans leur curiosité et leur assiduité. C'est pourquoi on ne cachera pas les défauts ou les déceptions, le trop long, le trop cher ou le trop bruyant par exemple. Mais ils ont aussi bien de la chance, car ils « savent », ils sentent ce que ni la radio, ni la télévision, ni le disque ne peut leur offrir. Ceux qui liront ces pages pourront s'amuser, s'ils étaient présents à tel spectacle, à confronter leurs réac- tions aux nôtres. Dans le cas contraire, à eux de juger ce qu'ils ont manqué! Ajoutons enfin que ces chroniques, toutes inédites, et rédigées pour la plupart à chaud, comme pour un hypothétique journal du lendemain, peuvent, bien entendu, se lire dans le désordre. J. V. — octobre 1995. NB. — Les fiches techniques des salles figurent en fin de parcours ; les propos de l'entracte concernent des questions d'intérêt général. L'ALGÉRIE AU ZÉNITH — 22/6/95 Solides et solidaires Hasards du calendrier, de l'ordre alphabétique et de l'actua- lité : le spectacle qui ouvre ces pages se trouve aussi être le dernier que nous avons vécu en vue de ce livre. Il se déroule quelques jours seulement après ces élections municipales qui ont vu le Front national s'emparer de quelques villes de France mais il a été programmé depuis plusieurs semaines en signe de solidarité avec des associations, de femmes en par- ticulier, qui, en Algérie, militent contre l'intégrisme. Deux sortes de fanatisme qui sévissent de part et d'autre de la Méditerranée, et dont le refus va unir plus de sept mille Fran- çais et Algériens dans une joyeuse ferveur, perceptible avant même l'extinction des lumières de la salle. Un vent de liberté, d'égalité et de fraternité, eh oui ! souffle donc sur l'assistance. N'ayons pas peur d'essayer de redonner un sens plus pur aux mots de la tribu : les artistes au programme, Français et Algé- riens, nous y invitent. « Ça va, le Zénith ? Ça va, l'Algérie ? » demande l'un des deux présentateurs, à 20 heures pétantes. Aussitôt, un puissant choeur aigu de youyous lui répond par l'affirmative. Tout à l'heure, une militante algérienne obser- vera que « les journaux parlent de la mort en Algérie. Nous, nous avons envie de parler de l'Algérie qui vit ». Et Guy Bedos, artiste français invité, qui ne peut oublier son pays natal, iro- nisera sur l'actualité : « Cette soirée, on aurait dû la faire au Zénith de Toulon ! » Au Petit Bonheur, avec guitare, basse et violon, donne le ton : Mal de vivre, mal de vivre, Dans ce pays qui n 'est pas le tien. Et pourtant je ne comprends pas : Étranger ici, étranger là-bas... De Dortmund, en Allemagne, où il vit une autre immigra- tion, Djamel Laroussi est venu chanter « Tous ces bons ins- tants ». Le public, heureux, tape des mains. En place. Djamila célèbre la femme algérienne, libre et souveraine. Brahim Izri, ex-accompagnateur d'Idir, vient rappeler la beauté de la Kabylie et de la langue berbère. Première (belle) surprise de la soirée : on reconnaît l'air de « San Francisco » de Maxime Le Forestier, adapté en berbère par Izri, et Maxime lui-même le rejoint pour chanter: Quand Tizi-Ouzou se lève, Tizi-Ouzou... Avec son look à la Dylan 1962, complet avec casquette, gui- tare sèche et harmonica, Baziz, lui, a adapté en arabe « Hexa- gone » de Renaud. Des centaines de voix lui font chorus sur le nouveau refrain. Chemise blanche, blazer vert, Cheb Mami, deuxième vedette de la soirée, soulève le public et le fait chanter. Les Algériens n'ont pas peur de s'y mettre (une leçon pour les Français présents ce soir) et Cheb Mami se promène tandis que ses six musiciens (violon, basse, guitare, claviers et per- cussions) le couvent.