Lapurdum Euskal ikerketen aldizkaria | Revue d'études | Revista de estudios vascos | Basque studies review

7 | 2002 Numéro VII

Aurélie Arcocha-Scarcia (dir.)

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/lapurdum/946 DOI : 10.4000/lapurdum.946 ISSN : 1965-0655

Éditeur IKER

Édition imprimée Date de publication : 1 octobre 2002 ISBN : 2-86781-321-2 ISSN : 1273-3830

Référence électronique Aurélie Arcocha-Scarcia (dir.), Lapurdum, 7 | 2002, « Numéro VII » [Linean], Sarean emana----an 01 juillet 2009, kontsultatu 25 novembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/lapurdum/946 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lapurdum.946

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Propriété intellectuelle IKER UMR 5478 1

SOMMAIRE

Articles -- Idazlanak

Thématique maritime et variations transtextuelles sur le motif de la tempête en mer dans les lettres basques des XVI - XVIIIe siècles Aurélie Arcocha-Scarcia

Les héritières de la maison au Pays Basque au XIXe siècle Marie-Pierre Arrizabalaga

Joannes Etxeberriren Manual devotionezcoa- z Isaac Atutxa

Bernardo Atxaga : un escritor cautivador Gorka Aulestia

Aménagement linguistique et vitalité des communautés francophone et anglophone du Québec Richard Y. Bourhis et Dominique Lepicq

L'écho des représentations de la femme musulmane en Navarre Yvette Cardaillac-Hermosilla

Etxahun-Barkoxe (1786 -1862) Du poète populaire au mythe littéraire Jean Casenave

Zubereraren idazkeraz : ortografia, fonetika eta fonologia Jean-Baptiste Coyos

Zubereraren herskariak : azterketa akustikoa Iñaki Gaminde, José Ignacio Hualde et Jasone Salaberria

Ezkonduien Koplak (Etxepare, 1545) Jean Haritschelhar

Articles en basque parus en 1843, dans Le Patriote Français de Montevideo Claude Méhats

Oharmenaz ohartu eta muga galdu Miren Lourdes Oñederra

Kausazio aldizkatzea euskal aditzetan Bernard Oyharçabal

L'antipassif basque et l’hypothèse de Levin Rudolf P.G. de Rijk

Jeanne D'Arc Pastoralaren Eskuizkribua : Le plus ancien connu ? Koro Segurola

Recensement1999 La langue basque au Pays Basque : diagnostic, évolution et prospective Eguzki Urteaga

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Positions de recherche -- Ikerketa aurkezpenak

Maurice Harrieten (1841-1904) euskara-frantsesa hiztegi-eskuizkribua : ikerketa lexikografikoa. A, K eta T hizkiak, (tesiaren laburpena). Arantxa Hirigoyen

La frontière, le territoire et le lieu. Norme et transgression dans les Pyrénées Occidentales Marie-Hélène Velasco-Graciet

Écriture pour enfants traduction et réécriture dans Bambulo de Bernardo Atxaga « ternuako penak » « amigos que cuentan » (« les peines de Terre-Neuve » « des amis qui comptent/ content ») Mémoire de maîtrise, dir. Mmes Geneviève CHAMPEAU et Aurélie ARCOCHA-SCARCIA, soutenu le 8 octobre 2002 à l'Université Michel de Montaigne, Bordeaux 3 (résumé) Mirentxu Irigaray

Mugerreko euskara : hurbilketa hat. Euskara batuaren eragina euskalkian, Euskal Ikastetetako Tesina-lana, zuznd. X. Videgain, Euskal Ikasketen Unibertsitateen arteko Saila, Pabe eta Aturri aldeko Unibertsitatea, 2001 (laburpena) Béatrice Sallaberry

Les Basques et le protestantisme en Basse-Navarre et en entre 1563 et 1623 à travers l'étude comparative et l'analyse des Manuscrits Ms 1J1387/4 et Ms 433/4 des Synodes du Béarn Mémoire de Maîtrise en études basques, dir. Mme Aurélie ARCOCHA-SCARCIA, Département Inter-universitaire d'Etudes Basques, Université Michel de Montaigne-Bordeaux 3, 2002 (résumé) Marie-Christine Urbistondo-Picavea

Comptes rendus -- Liburu ikertzeak

Pierre Bidart, La singularité basque, PUF, 2001 Manex Goyhenetche

Caro Baroja, Julio : Le mythe du caractère national : méditations à rebrousse-poil, traduit par Jean-Paul Cortoda[?], [titre original : El mito del carácter nacional. Meditaciones a contrapelo, 1970], Ed. Dufourg-Tandrup, Presses Universitaires de Bordeaux, 2001, 104 p. Charles Videgain

Descamps, Florence : L'historien, l'archiviste et le magnétophone. De la constitution de la source orale à son exploitation, Préface de François Monnier, Avant-propos de Dominique Schnapper, Comité pour l'histoire économique et financière, Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, Paris, 864 p., 2001. ISBN 2-11-091051-8 Charles Videgain

La géolinguistique en Amérique latine, Hors série n° 2 de Géolinguistique, Université Stendhal-Grenoble 3, Centre de Dialectologie, 276 p, 2001-2002. ISBN 2 95 16425-0-4 Charles Videgain

Lacorne, D., Judt, T. (éd.) : La politique de Babel. Du monolinguisme d'Etat au plurilinguisme des peuples, CERI, Karthala, Paris, 2002, 350 p. ISBN : 2-84586-240-7 Charles Videgain

Lengas, Revue de sociolinguistique, 25ème année, n° 51, 2002 : CNRS, Université Paul Valéry, Montpellier III, Charles Videgain

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Lepage, Yvan G. : Guide de l'édition de textes en ancien français, Honoré Champion, Paris, 168 p., 2001, ISBN : 2-7453-0540-9 Charles Videgain

Yéhudad ha-Levi : Haizearen hegaletan / sobre las alas del viento.Poesi antologia / antologia poética. Argitalpen hirueleduna / Edición trilingue : vasco, castellano, hebreo Euskaltzaindia et Université du Pays basque, 406 p., 2002. ISBN 84-95438-07-0 Charles Videgain

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Articles -- Idazlanak

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Thématique maritime et variations transtextuelles sur le motif de la tempête en mer dans les lettres basques des XVI - XVIIIe siècles

Aurélie Arcocha-Scarcia

Goazen eta pasa detzagun Tromenta harrigarriak ; Bertze munduak bilhatzagun Eta itsaso berriak Allons et franchissons les effrayantes tempêtes ; cherchons d'autres mondes et de nouvelles mers Bernard GASTELUÇAR (1686)

1 Le présent travail se situe dans le cadre plus large d'études thématiques sur la littérature basque menées depuis plusieurs années1. Il s'agit plus précisément de s'intéresser à l'imagerie maritime et en particulier au motif de la tempête en mer dans les textes basques allant du XVI au XVIIIe siècle. Il est évident que l'on ne s'engagera pas dans une telle étude sans avoir constamment à l'esprit une vision comparatiste. La thématique maritime est en effet traditionnelle en Europe occidentale. Quant au motif de la tempête, rappelons pour mémoire certains fragments figurant chez des auteurs allant de Dante à Michelet et Loti, en passant par Rabelais ou Léry. Innombrables en sont également les représentations iconographiques ou musicales depuis la Renaissance. Songeons à Erasme (Naufragium, 1523), à Shakespeare (The Tempest, 1611), ou au musicien Locke (The Tempest, 1674) et pour ce qui est de la tempête sur la terre ferme, au célèbre tableau de Giorgione (La Tempesta, vers 1508).

I - Le thème de la mer dans les textes littéraires en basque des XVI -XVIIIe siècles :

2 Force est de constater que les textes en basque de l'époque choisie ne parlent que rarement du monde maritime. Nous avons le plus souvent affaire à de rares fragments

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apparaissant çà et là dans une œuvre donnée. Ainsi en est-il chez le navarrais Axular qui y revient un peu moins d'une dizaine de fois dans son ouvrage, Guero [Après] (1643).

I 1. Le reflet d'une réalité

3 Certes, l'image de la mer pourrait aisément être mise en relation avec une réalité qui a pu interpeller de nombreux habitants mais Axular ne fait qu'une allusion voilée à l'émigration des Basques de son temps : Guiçon batec, bere herritic campora Indietara edo bertce leccu vrrun batetara partitcen denean, eta oraiño bere herrico aguerrian, comarquetan eta terminoetan denean, maiz behatcen du guibelat, bere herrico mendietarat. Baiña aitzina iraganez guero, bere herria eta herriko lurrac vistatic galduz guero, itçultcen da bertce aiderai, ioan behar duen eta dohan leccu hartarat : eta han aldiz, bere beguiac, eta gogoa ere ibentcentu. (Axular 1643 : 107). Quand un homme quitte son pays pour les Indes ou pour un autre endroit lointain, et qu'il se trouve encore dans les environs, les parages, les limites de ce même pays, il regarde souvent en arrière, vers les montagnes de son pays. Mais après s'être avancé, après avoir perdu de vue son pays et les terres de son pays, il se tourne de l'autre côté, en direction du lieu où il se dirige, du lieu où il va : et c'est là qu'il pose ses yeux et aussi son esprit.2

4 Le paysage poétique qui sert de fond à la lyrique amoureuse du néo-pétrarquiste Oihenart (A. Arkotxa 1993) n'est pas maritime3.

5 Materre (Dotrina Cristiana 1617) et Bernard Gasteluçar ( Eguia Catholicac, 1686) 4 apportent, quant à eux, de précieuses indications sur l'usage de la lecture chez les marins basques (Oyharçabal 1999). Par ailleurs, un ouvrage technique comme Jxasoco Nabigacionecoa... [De la navigation maritime...] (1677) 5de Pierre Detcheverry dit Dorre (A. Arcocha-Scarcia 2000), donne quelques informations sur les usages des marins qui ne figurent pas sur le texte de Martin de Hoyarsabal.

6 Pour rester dans le corpus des textes non-littéraires, citons encore la traduction en basque d'un fragment de l'Atlas de Mercator6 due à Joannes Etcheberri de Sare7.

7 Joannes Etcheberri de Ciboure (1627), sur lequel nous reviendrons, est certainement l'auteur qui accorde le plus de place à la mer dans les lettres basques du XVIIe siècle. Citons, à titre d'exemple, deux des trois textes sur la chasse à la baleine (Manual Debotionezcoa 1627)8 : Balea çaleentçat. O Iaun Tobias gaztea vngui beguiratua, Guardaritçat bidalduric Archangelu Saindua. Eta costara arraña erakharraraçia, Haren hilltçeco eguiten ciñoela gratia. Guri ere ekharguçu hurbillera Balea, Segurquiago armaren landatçeco colpea. Biçiaren gatic dugu hirriscatçen biçia, Arren [e]guiguçu haren guelditçeco gratia.Pour les baleiniers. O Seigneur qui avez bien protégé le jeune Tobie, En lui envoyant comme gardien le Saint Archange, Et qui avez attiré le poisson vers la côte En lui faisant la grâce qu'il soit tué. Amenez la baleine auprès de nous aussi Afin que nous la frappions plus sûrement de notre arme. Pour vivre, nous risquons notre vie. Faites-nous la grâce de l'immobiliser [la baleine].

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Balea colpatu eta. Iauna gueure arte baño guehiago [ç]ureaz, Balea çauritu dugu arpoñaren colpeaz. Arren bada eguiguçu (Iaun puchanta) gratia, Sarri guelditçeco arrain Itsassoco handia. Gutaric garabic çaurthu gabe bere indarraz, Segadetan dabillala buztan edo bulharraz. Edo chalupa irauli gabe guillaz gañera, Edo berequin eraman gabe vrtan behera. Arren beguira gaitçatçu gaitz hauc guztietaric, Esquerra dieçaçugun itçul lehorre[r]aric. Irabaçia da handi, perilla ere handia, Beguira dieçaguçu principalqui biçia. (J. Etcheberri : 1627) Après avoir blessé la baleine. Seigneur, plus par votre art que par le nôtre, Nous avons blessé la baleine d'un coup de harpon. Faites donc (Seigneur tout puissant), Que bientôt nous immobilisions le grand poisson de la mer, Sans qu'il ne blesse aucun de nous, Tandis que, prisonnier dans les cordes, il remue avec force sa queue et ses flancs. Ou sans qu'il ne renverse la chaloupe quille au ciel, Ni qu'il ne l'entraîne avec lui au fond des eaux. Protégez-nous de tous ces maux, Afin que, revenus à terre, nous vous remerciions. Grand est le gain, grand également est le péril, Par dessus tout, préservez-nous la vie. »

I 2. Migrations trantextuelles :

8 Les voyages transatlantiques auxquels l'Europe des XVI et XVIIe siècles est ouverte depuis peu ont ravivé, chez les érudits en particulier, le souvenir des grands récits fondateurs. Ainsi, la traversée de la Grande Mer d'Occident évoquera facilement à un lecteur nourri de culture antique les périples mythiques des argonautes, d'Ulysse ou d'Enée vécus pourtant sous d'autres latitudes, ou divers épisodes bibliques et hagiographiques plus familiers. Souvent les références sont mêlées et conjuguées. Par exemple, Axular, qui développe une longue réflexion sur la paresse, retrouve à un moment le thème de l'eau qu'il illustre à la fois par des citations tirées de saint Chrisostome, d'Ovide et de Plaute. Ainsi, sont mis en relation l'image d'une mer toujours en mouvement et le concept de régénération (Axular : 41). Les sources latines servent alors à revenir sur l'idée évangélique de l'eau vive en la contrastant avec son opposée l'eau stagnante, métaphore ici de la paresse statique évocatrice d'immobilité et de mort.

9 Joannes Etcheberri de Sare se situe d'emblée dans une démarche intertextuelle (Genette : 1982) en convoquant des auteurs canoniques comme Isidore de Séville9, Solin10, Aristote ou Pline et la Bible par le truchement d'une citation en latin tirée du Psaume 14 du Livre de la Sagesse : Ecen Isidoro Sainduac, eta Solinoc erraiten dute ; Perla – machcorrec bere arteco çaharrena aitcindaritçat, eta guidaritçat hautatcen dutela : halaco guisaz non tropa, eta aralde baccotchac baitu bere aitcindaria capitaina, eta buruçaguia ceinarï guztiac jarraiquitcen baitçaitzco, eta baldin fortunaz aitcindari haren ganic apartatcen, eta errebelatcen badira, dohacabequi galduac guelditcen direla.

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Guisa berean dio Aristotelesec ere, Dauphin cumeac multçuca, eta tropeleca dabiltçala ; Baina Plinioc dio çahar bat behin – ere etçayela falta guidaritçat : Baleaz - ere contatcen da, vista faltatcen çayoela, ceren guicentasunac beguiac tapatcen baitiotça, eta orduan bertce arrain batec escutic balerama beçala guidatcen duela : Norc itsas hondarreco arrainei eman othe diote escola hau ? Tua autem Pater Providentia gubernat11. Sap. 14.V.3. Aita çure prouidentcia miragarri eternitatecoac (sic). (J. D'Etcheberri) Car saint Isidore, et Solin disent que les coquillages à perle choisissent pour dirigeant et pour guide le plus âgé d'entre eux : de telle manière que chaque troupe, et chaque groupe possède son chef capitaine, et son commandant que tous suivent, et que si, par fortune, ils s'écartent et s'éloignent dudit dirigeant, malheureusement ils restent perdus. De la même manière Aristote dit également que les petits des dauphins vont par bande et par troupe ; mais Pline dit que jamais il ne leur manque un ancien pour guide : on raconte aussi que la baleine perd sa vision parce que la graisse obstrue ses yeux, et qu'alors un autre poisson la guide comme s'il la conduisait par la main (sic)12 : qui a donc bien pu enseigner ainsi aux poissons des profondeurs marines ? Tua autem Pater Providentia gubernat. Sap. 14. v.3. Père votre merveilleuse providence éternelle (sic)1.

10 Joannes Etcheberri de Sare évoque ici un lieu où se manifeste l'ordre divin (Psaume 104-25) en harmonie avec une vision aristotélicienne, hiérarchisée du cosmos.

11 Un nouveau paramètre, celui de l'abîme marin, servira également à stigmatiser les périls de l'âme et en particulier le désir sexuel masculin13poussant l'homme à s'unir à la femme. Le coït désigné par deux périphrases, le « péché de chair » (haragiaren beccatua) ou le « péché avec les femmes » (emaztetako beccatua), aura ainsi sa place dans un espace métaphorique inférieur où abysses et Enfer se rejoignent : Eta itsas hondar gabe hunetan sartcen naicela, eztut vste dela eztaquienik gure arimaren etsaiak direla hirur. Mundua, Deabrua, eta haraguia. Eta hirur hautarik gaixtoena, perilosena, eta barrencorrena dela haraguia. (Axular 1643 : 339-340). Et tandis que je rentre dans cette mer sans fond, je pense que nul n'ignore que les dangers de l'âme sont triples : le Monde, le diable et la chair. Et que le plus néfaste des trois, le plus périlleux, et le plus profond des trois est celui de la chair.

12 Nous ne sommes plus loin de l'identification, mer - femme - Enfer présente aussi bien dans des proverbes basques tels que Andrea, sua, taysasoa, guztiz da guextoa [La femme, le feu, et la mer sont très mauvais ] 14que dans le Tableau de l'inconstance des mauvais anges et démons (1612) de Pierre de Lancre15.

13 Néanmoins, la thématique maritime dans les textes basques classiques renvoie plus volontiers à d'autres schèmes depuis longtemps enracinés dans l'imaginaire européen. Il s'agira par exemple pour Axular de partir d'un adage tiré des Epîtres de saint Grégoire : Vita nostra naviganti similis est..., afin de revenir à la métaphore traditionnelle qui veut que traverser la mer équivaille à traverser la vie.16 : Ceren untciac, nahi ezpadu ere, berequin baitarama. Hala garamatça bada gu ere gueure adinac eta demborac berequin : ezta pausatceric, ezta guelditçeric, eta ez tricatcerik. (Axular : 62) Car le navire l'emporte avec lui [celui qui navigue] même s'il ne le veut pas. Ainsi nous emportent aussi avec eux notre âge et le temps : impossible de s'arrêter et de se pauser.

14 Pour renforcer l'idée d'épreuve et de danger l'accent sera mis sur la faiblesse de l'esquif opposée à l'immensité de la mer. Mais l'image ne prendra tout son sens qu'avec le topos traditionnel de la tempête en mer, valorisée par une esthétique baroque qui met en avant le mouvement (ascendant, descendant, en spirale, circulaire etc.) et les contrastes (clairs-obscurs, fragilité-immensité).

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II -Variations sur le motif de la tempête à travers divers fragments :

15 Le tableau La tempesta de Giorgione nous rappelle que le motif de la tempête peut également se décliner sur la terre ferme. Si on voulait illustrer un tel exemple par un texte littéraire en langue basque il conviendrait de citer Tartas(1666) : Çer heldu cen fiñian ? Iencoa on beçala baita iustu, permetitu cian bekhatoré gogor hura igaran ladin çubi batetan eta, iragaiten cela çamariz çubi haren gaiñian, urité, orage, uhazté eta tempesta handi bat ginic, çubia eraman cian urac ; çamalduna eta çamaria berequin erortian urean behera, çamaldun gaixtoac erran lekhuan beré espechoan beré hirur hitçac, Miserere mei, Domine, deabruac haren memoria eta iuiamendia nahassiric, hirur hitz malhurus eta tristé hauc erran cituen hiltcian : Rapiat omnia daemon : erran nahi baita, « deabruac eraman detçala guciac » ; eta manera hartan guiça gaixto harc beré hiltciaz orhitu faltaz asqui ordu onez eta beré penitentiaren sobera luçatuz, beré buria miserablequi galdu cian eta damnatu. (Tartas 1666 [1995] : 86- 87). Finalement, qu'advint-il ? Dieu, dont l'équité égale la bonté, permit que ce pêcheur endurci montât sur le pont et, tandis qu'il le franchissait à cheval, la pluie, l'orage, la montée des eaux et une grande tempête se déchaînèrent. L'eau emporta le pont et avec lui le cavalier et son cheval. Le méchant cavalier, par la faute du diable qui lui avait troublé la mémoire, au lieu de dire les trois mots Miserere mei, Domine, proféra malgré lui ces trois autres malheureux mots : Rapiat omnia daemon. Ce qui signifie « que le diable les emporte tous » ; ainsi cet homme, qui avait tardé à faire pénitence, se perdit-il misérablement et se damna-t-il faute de s'être souvenu à temps de sa propre mort.

16 Il s'agit là cependant d'une image beaucoup moins prisée que celle de la tempête en mer, objet principal du deuxième et du troisième volet de cet article. En occident, les diverses migrations transtextuelles de ce motif, qu'elles soient intertextuelles ou hypertextuelles, renvoient généralement au corpus biblique de l'Ancien et du Nouveau Testament ou à sa variante le corpus hagiographique (Legenda Aurea de Jacques Varazze) circulant dans toute l'Europe depuis les époques médiévales. Il en est de même dans la plupart des textes en basque, souvent de brefs fragments, où il figure.

17 La première mention apparaît dans le Linguae Vasconum Primitiae (1545) de Bernard Echepare, avec la description d'un paysage maritime eschatologique inspiré de Apocalypse 6 v.1317 et 8 v. 8-918 : Seynaliac ginen dira aicinetic tristeric Elementac ebiliren oro tribulaturic Iguzquia ilharguia odoletan ecinic Ychasoa samurturic goyti eta veheyti Hango arraynac icituric ebiliren ialguiric. (Iudicio generala, 1545) D'abord, viendront les signes funestes Tous les éléments seront dans le chaos Le soleil et la lune couchés dans le sang La mer rendue furieuse montera et descendra Les poissons sortis de celle-ci erreront terrifiés.

18 De Bernard Echepare à Duronea (1693) 19les mêmes épisodes bibliques ou hagiographiques sont inlassablement remémorés dès qu'il s'agit d'évoquer la tempête : Noé et le Déluge ; la traversée de la Mer Rouge (chez Tartas, par exemple) ; le parcours de Jonas jeté à la mer et englouti par le « grand poisson » ; les récits évangéliques de La tempête apaisée, de Jésus marchant sur les eaux (Axular), de la tempête et du naufrage de saint Paul narrée dans les Actes des Apôtres (Etcheberri de Ciboure) ; le Psaume 14 du

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Livre de la Sagesse, les Psaumes 18, 69, 104, 107 ; le périple de sainte Ursule voguant vers les côtes de Cornouailles (Larreguy, 1777) 20 ou le miracle de sainte Claire sauvant les marins de Pise (Haramboure, 1635). À quoi viennent s'intégrer divers proverbes : Itsasoak adarrik ez - La mer n'a point de branches, à quoi on se puisse prendre quand on se noie. (Oihenart : 1656, proverbe 285) 21 Itsasturuaren emaztea goizean senhardun, arratsean elhargun - La femme du marinier est bien souvent mariée le matin et veuve le soir. 22(Oihenart : 1656, proverbe 286) 23

19 On le voit, c'est surtout en tant que manifestation de la colère divine, mais également des épreuves de la vie et du danger de la damnation éternelle que la tempête sera maintes fois utilisée par la littérature édifiante en langue basque. Le point d'orgue en sera fixé par Axular qui achève son livre en donnant tout son sens à la métaphore de la tempête surmontée dans le but de mettre en exergue le port salvateur, autrement dit, le salut de l'âme : Eta halatan mundu hunetaco itsaso hunen, tormenta guztiac iraganic, azquen finean salbamenduco portura, salboric helduco çarela. (Axular 1643 : 621) Et qu'ainsi, une fois surmontées toutes les tempêtes de cette mer, en bout de course, vous parviendrez sauf au port du salut.

20 Les récits de voyage, très en vogue en Occident depuis le Moyen Age (pèlerinages vers Jérusalem, Rome et Saint-Jacques de Compostelle), connaissent un regain d'intérêt à partir du XVIe siècle grâce aux nouvelles voies maritimes menant vers les Indes Occidentales. Nous nous trouvons là face à une autre source possible d'inspiration. L'évocation du récit réel permet ainsi l'émergence des récits mythiques d'Ulysse et d'Enée et des récits bibliques et hagiographiques évoqués plus haut. Les descriptions de tempêtes figurant dans les récits de voyage devront parfois autant aux migrations intertextuelles du motif qu'à l'expérience du narrateur24. Nous pouvons en voir un exemple chez les auteurs européens canoniques du XVIe siècle comme Rabelais (1552 : § XVIII du Quart Livre), Shakespeare (La Tempête) ou Erasme (Naufragium). Quant aux récits de rescapés, ils occupent une place à part au sein de ce corpus. Ils furent édités sous forme de plaquette dès le XVIe siècle au Portugal. Bernardo Gomes de Brito en rassemblera onze qu'il publiera en deux volumes à Lisbonne sous le titre de Historia Tragico-Maritima25 (1735 et 1736). Ils relatent les naufrages de plusieurs grandes nefs portugaises parties vers les Indes Orientales dont celui du galion Saõ Joaô de Manoel de Souza26 qui inspirera Eguiatéguy27. Celui-ci fera figurer le récit dans le chapitre XX de Filosofo huscaldun-aren Ekheïa - L'opinion du Philosophe basque, sous le titre larramendien28 de Egokidias - sur la Constance. Il s'agit là, à ma connaissance, de l'unique allusion intertextuelle en langue basque à l'un de ces récits de rescapés. Eguiatéguy fait référence à l'expédition menée par De Souza et à sa fin tragique après le décès de sa femme et de ses deux enfants qui l'accompagnaient. Son objectif n'est pas de raconter une histoire mais de tirer une morale. La mer en furie, le naufrage, les ‘Cafres’, les terres inhospitalières sont autant d'éléments négatifs au comportement incertain qui servent de repoussoir afin de mettre en lumière la Constance, vertu incarnée par Doña Leonor, l'épouse courageuse de Manoel de Souza. Le fragment sur la tempête et le naufrage est particulièrement intéressant pour son intensité dramatique.

III - Trois textes emblématiques sur la tempête :

21 Certes, les textes classiques29 d'expression basque où la rhétorique se déploie sur tous ses axes et où le discours dépasse clairement la visée moralisatrice pour aborder les

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domaines de l'esthétique sont rares ; on remarque cependant que le corpus se réduit encore si l'on procède par thèmes et par motifs. C'est ainsi que pour le motif de la tempête en mer, seuls trois textes basques se différencient de l'ensemble aux XVII et XVIII siècles : • Premiazco othoitçac Les prières nécessaires] figurant dans le chapitre VII de Itsassoco othoitcen araldea [La série des prières pour les voyages en mer] du Manual Debotionezcoa [Le Manuel de Dévotion], 1627), de Joannes Etcheberri de Ciboure (1627). • Itsassoco Perillac [Les Périls de la Mer]30. • Çarrantçaco Penac Les Peines du Sarrance]31.

22 Le même motif se décline de diverses manières. La tempête telle que la présente Joannes Etcheberri de Ciboure sera bâtie, par exemple, sur l'ordonnancement régulier de la gradation et des contrastes pour développer le sujet dans sa totalité ; Itsassoco Perillac [Les périls de la mer] décrira un itinéraire avorté ; le voyage du Sarrance dessinera un périple complet avec un départ, une traversée en direction de l'occident, des tempêtes surmontées et une arrivée à bon port au sud de Terre-Neuve.

III 1. Premiazco othoitçac [Les prières nécessaires]

23 Ce texte fait partie d'un ensemble intitulé Itsassoco othoitcen araldea [La série des prières pour les voyages en mer] que Joannes Etcheberri de Ciboure fit figurer dans le deuxième livre du Manual Devotionezcoa (1627). Le chapitre VII, Premiazco othoitçac32 [Les prières nécessaires] qui nous occupe ici, est exclusivement consacré à la tempête. Il est constitué de 23 prières33, ce qui en fait le chapitre le plus long de l'ensemble du corpus de dix chapitres de Itsassoco othoitcen araldea [La série des prières pour les voyages en mer].

• Un corpus original

24 Concernant la typologie de l'ensemble de ces textes, l'auteur précise bien qu'il s'agit de « prières » (othoitçac) destinées aux marins34. Mais il est toutefois nécessaire de préciser qu'elles n'ont absolument rien à voir avec les oraisons liturgiques récitées ou chantées communément dans l'Europe catholique des XVI et XVIIe siècles à bord des navires35. La démarche de Joannes Etcheberri est en tout cas distincte de celle qui conduisit par exemple Clément Marot et Théodore de Bèze à adapter les psaumes en vers français en 156236. Pour pouvoir apporter une réponse plus exhaustive sur les sources possibles il faudrait examiner la particularité des livres et plaquettes de prières non-liturgiques publiés en Europe dans les deux traditions, catholique et réformée, entre le XVIe et le XVIIe siècle. Je pense, par exemple, aux prières dévolues à certains corps de métiers particuliers comme ces Prieres pour les soldats et pionniers de l'Eglise reformee (1572-1573 et suivantes). Faisons observer que d'autres ouvrages du même genre, bien « dans la tradition calviniste » (Droz 1960 : 69-71), ont déjà vu le jour à Genève, à Orléans et à Lyon notamment, entre 1560 et 1660. Quant au domaine basque, le seul exemple connu de prières en basque pour les marins auquel Joannes Etcheberri de Ciboure pouvait se référer se trouvait dans la Dotrina Christiana (1617) d'Estève Materre37. L'écart qui existe entre les oraisons traditionnelles représentées par la typologie adoptée par Materre, et les textes de Joannes Etcheberri est flagrant38 mais il s'agit là d'un débat qui dépasse le cadre dévolu au présent article.

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25 Revenons à l'évocation de la tempête en mer et plus précisément à la manière qu'a Joannes Echeberri de l'évoquer dans le chapitre VII.

• Une esthétique baroque

26 Les 23 titres des diverses poésies-prières du chapitre VII reflètent la structure graduelle adoptée pour évoquer la montée de la tempête depuis le calme jusqu'au naufrage. Ici encore plus que dans les autres chapitres, l'attention est focalisée sur les mouvements ascendants, descendants et les contrastes, la plupart du temps binaires, de taille, d'intensité lumineuse, sonores. La simple lecture linéaire des divers titres du chapitre VII peut nous en donner une idée : BVRV VII. Premiazco othoitçac- [CHAPITRE VII. Les prières nécessaires] • Calman [Par temps calme]. • Continuatçen badu [Si ça continue] • Haiçe contracoa denean [Quand le vent est contraire] • Vria deneco [Pour quand il pleut] • Goibel deneco [Pour quand il fait sombre] • Tormenta denean [Par gros temps] • Irauten badu [Si ça dure] • Promessa Iaincoari [Promesse à Dieu] • Vntçiaren Patroñari. [Au Patron du navire] • Itsassoco bertce Patroñei [Aux autres Patrons de la mer] • Promessaren complitçeco [Pour accomplir la promesse] • Vrez ondoratçeco perillean [Quand il y a danger de s'abîmer au fond après que le navire ait pris eau] • Khassatçen duenean [Quand il chasse] • Vntçiac iotçen duenean edo encaillatçen denean [ Quand le navire frappe [le fond] ou qu'il s'échoue] • Vntçico deusac egotztean [Quand on jette les choses du navire] • Eçin portua hartuz penatçean [Quand [le navire] peine sans réussir à atteindre le port ] • Etsituric costaratçean [Quand, désespérés, on est emportés vers la côte] • çur puxcean lehorrera venturatçean [Quand sur le morceau de bois on s'aventure vers la terre ferme] • Biçiaz etsitçeraco menean [ Quand on est sur le point de perdre tout espoir de vivre] • Biçiaz etsitu eta [ Une fois que tout espoir de vivre a été perdu] • Vntçitic nihor erori denean barrenecoec [Quand quelqu'un est tombé à la mer, ceux du navire (disent cette prière) ]. • Vntçia bera galtçeco perillean dabillanean, gendeac saluoric promessa [Promesse quand les gens sont saufs alors que le navire lui-même est en danger de se perdre] • Promessaren complitçecoa [(Prière) concernant l'accomplissement de la promesse]

27 Chez Joannes Etcheberri de Ciboure, le goût du mouvement, des contrastes et une certaine théâtralité se manifestent jusque dans les effets de langue : déplacements inhabituels des termes à l'intérieur du vers, une esthétique de l'étrangeté, autrement dit un recours conscient et volontaire à des structures agrammaticales (Oyharçabal, 2002 : 484-485)39... Tout ceci fait montre d'une abondance et d'une richesse expressive peu communes et tout à fait originales dans la littérature classique d'expression basque.

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28 La longue variation sur la tempête du chapitre VII permet à l'ensemble de ces paramètres de se déployer d'une manière unique dans la littérature basque de cette époque.. Tant qu'à citer deux exemples contraires qui ne suivront pas la voie ouverte par Joannes Etcheberri, nous pourrions mentionner la prière en prose Tormentan (1635) 40de Joanes Haramburu (ou Haramboure) et un poème de 15syllabes (8 + 7) de d'Argainaratz Tempestaz atacatuac Direnean, Mariñellen oithoitça [La prière des Marins quand ils sont attaqués par la Tourmente] (1665)41.

29 Le chapitre VII s'achève par deux strophes de remerciement dédiées à Dieu et aux protecteurs tutélaires que sont la Vierge et saint François Xavier. Ce dernier occupe une place privilégiée dans le panthéon etcheberrien parce qu'il est saint et voyageur et parce qu'il est basque de Navarre, membre de la congrégation des Jésuites42 : Vntçia bera galtçeco perillean dabillanean, gendeac saluoric promessa Iauna vrrical bequiçu othoi gure suspira, Eta vntçia eçaçu chehatçetic beguira. Gueure nequez eta içerdiz irabaçi mojanac, Beguira dietçagutçu hor barrena emanac. Eta hala eguiguçu gratia Iongoicoa, Perill handitic vntçia saluo ikhustecoa. Hartara othoitz eguiçu çuc ere ô Virgina, Baita çuc ere halaber vntçiaren Patroña. Orobat çuc ere eguiçu Xauier famatua, Perilletic dacusagun vntçia guardatua. Eta çuc Iaincoa hequin laudatçatçu othoitçac, Eta alegueratçatçu gure triste bihotçac. Eguiten badarocuçu esque gauden dohaña, Voçic darotçugu esquer itçuliren ordaña. Voeu à faire quand les gens sont saufs alors que le navire lui-même est en danger de se perdre. Seigneur prenez, de grâce, en pitié notre soupir, Et protégez le navire de la destruction. Les biens gagnés par nos peines et notre sueur, Qui sont à l'intérieur des cales, préservez-les. Et ainsi Dieu très haut faites-nous la grâce De voir le navire sauvé du grand péril. A cette fin, priez vous aussi, ô Vierge Marie, Et vous également, saint patron du navire. Vous également, fameux Xavier, Faites en sorte que notre navire soit préservé du péril. Et vous Seigneur exaucez leurs prières, Et égayez nos cœurs attristés. Si vous nous accordez la faveur que nous demandons, Nous vous rendrons [montrerons] volontiers notre dû [reconnaissance]. Elle est suivie par les vers suivant qui closent le chapitre : Promessaren complitçecoa Milla esquer ditutçula podoroso Iaincoa, Çeren caltetic guardatu duçun vntçi flacoa. Çuec ere esquer hanitz duçuela Sainduac, Premia handian gure othoitça adituac. Iduqui gaitçaquetçue çeuen gomendioan, Behar duqueguno çuen fauore lur bachoan.[Prière] concernant l'accomplissement du voeu. Recevez mille remerciements Dieu tout puissant,

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Car vous avez préservé du dommage le navire fragile. Vous, saints, recevez également de nombreux remerciements, Pour avoir écouté nos prières dans un grand besoin. Tenez-nous sous votre protection Tant qu'ici-bas nous aurons besoin de vos faveurs.

30 Ainsi, le chapitre le plus long et le plus dramatique de Itsassoco othoitcen araldea [La série des prières pour les voyages en mer], s'achève-il sur une structure ascendante, anabasique qui met l'accent sur le salut. En définitive, nous pouvons en dire autant de l'ensemble du corpus comme du Manual43 tout entier.

31 Notons que la perspective est toujours ouverte sur l'après voyage, soit sur le succès de l'expédition, et la valeur opératoire de la prière.

III 2. Itsassoco Perillac - Les périls de la mer :

• Le texte

32 Itsassoco Perillac peut être vu comme faisant partie d'une trilogie 44centrée sur la thématique du départ vers Terre-Neuve. Il fait partie d'un ensemble de trois textes se trouvant dans un chansonnier daté de 1798 dont le manuscrit est conservé au Musée Basque de sous le code Ms 97.

33 Le premier texte, Partiada tristea [Le triste départ] évoque l'aller à Terre-Neuve au printemps. Après le pathos conventionnel des adieux sur le quai vient l'évocation du destin hasardeux du marin promis à une mort certaine. Le deuxième, Itsassoco Perillac [Les périls de la mer], décrit une tempête lors d'une traversée de l'Atlantique Nord et le troisième, Ternuaco Penac [Les Peines de Terre-Neuve] parle du travail des morutiers 45 depuis la fin du printemps jusqu'à la fin de l'été. L'île de Terre-Neuve y est évoquée comme un lieu infernal antithèse du natal. Les trois textes sont des quatrains d'octosyllabes à la rime suivie AABB, qui comportent 20 strophes pour les deux premiers, 13 pour le troisième.

34 Une lecture linéaire de la trilogie est possible mais il semble bien qu'il faille se diriger vers une lecture autonome de chacun des trois textes qui sont cependant reliés entre eux par une même thématique. Par exemple, le deuxième texte mentionne le même itinéraire vers Terre-Neuve que le premier. Il s'agit cependant d'un nouveau départ, avec des précisions géographiques inexistantes dans le premier texte. Le copiste qui a rédigé la Table des Matières semble avoir adopté cette perspective puisqu'il rassemble les trois chants sous le titre unique de Ternuaco Penac46.

35 Le tout est probablement antérieur de plusieurs décades à la date de 1798 qui est inscrite sur le chansonnier. On pourrait situer Itsassoco Perillac dans un cadre historique allant de la fin du XVIIe siècle au Traité de Paris qui marqua la fin de la Guerre de Sept Ans (1763). Terre-Neuve est évoqué mais aucun port n'étant mentionné, il se peut fort bien que le texte ait été écrit après la perte de Plaisance (1713), puisque les Labourdins continueront encore longtemps à aller vers les ports de la côte ouest de Terre-Neuve, Portutchoa, Baya Ederra, Ophorportu, Ulhicillo etc.

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• La traversée du Mare tenebrarum vers Terre-Neuve

36 Le franchissement des grands espaces océaniques est toujours une épreuve à l'issue incertaine : Bide luce Ternuarat Itsassoa çabal harat Longue est la route vers Terre-Neuve Immense la mer qui y mène

37 La mer représente l'antithèse de la terre ferme. Une fois la montagne repère (Larruri) disparue, le navire sera livré aux flots. Les mouvements saccadés, les cassures rythmiques renvoient à celles subies par le bateau sous la tempête. Le basculement dans le régime nocturne marque l'entrée dans la Mer Ténébreuse Mare tenebrarum où les anciens navigateurs ont localisé leur effroi plutôt que leur expérience (Bachelard 1942 : 138). La progression impitoyable du drame est malgré tout décrite de façon très réaliste. Les dégâts subis par le navire sont, par exemple, précisément situés : Gaïñeco çubia hautsi ura tillaperat jautsi tillapean ura gora untcia doha ondora Le pont supérieur s'est brisé l'eau a pénétré sous le tillac sous le tillac l'eau monte le navire va par le fond.

38 Comme dans le texte précédent de Joannes Etcheberri, la gradation contribue à la dramaturgie, la contamination métonymique du marin par l'eau annonce le destin fatal du navire tout entier. Dans Itsassoco Perillac comme dans les poésies-prières de Joannes Etcheberri de Ciboure, le bateau finit par naufrager, les marins par tomber à la mer et par s'accrocher à une planche qui ne représentera cependant aucune issue47: Mariñelac billuciac luçatu nahiz biciac uhinpean iguerica untci pusquei atchiquiqua. Les marins nus pour allonger leur vie nagent sous la vague aggripés aux débris du navire.

39 Ainsi, La nudité des marins, leurs gestes désordonnés et pathétiques ne font que confirmer une image infernale qui peut être un souvenir du Psaume 18 v. 5-6 : Les flots de la Mort m'enveloppaient, les torrents de Bélial m'épouvantaient ; les filets du Shéol me cernaient, les pièges de la Mort m 'attendaient.

40 Mais là où le même Psaume parle un peu plus loin (18 v.17) de salut : Il [Yahvé] tend la main d'en haut et me prend, il me retire des grandes eaux, il me délivre d'un puissant ennemi, d'adversaires plus forts que moi.

41 Itsassoco Perillac présente une situation où ne subsistent que douleur et impuissance face à une dissolution dans l'abîme qui exclut tout espoir. Avoir une sépulture dans la mer est en effet synonyme d'anéantissement :

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Mariñelaren bentura Itsasoan sepultura Seculaco bere fiña Etcheraco berri miña. La destinée du marin [est de trouver] Sa sépulture dans la mer [Soit] sa fin éternelle Mauvaise nouvelle pour sa famille.

42 En fin de compte, la structure catabasique de Itsassoco Perillac est l'inverse de celle qui sous-tend le chapitre VII de Itsassoco othoitcen araldea. La différence réside ici dans la typologie des textes, n'oublions pas en effet que les poésies de Joannes Etcheberri de Ciboure, qualifiées de « prières », ne peuvent être que catabasiques. Un auteur tel que Axular n'a d'ailleurs pas manqué de souligner le pouvoir opératoire accordé à la prière lors des naufrages : Erremedio haur dute itsasoan edo handic campoan cofessatu gabe hiltcen direnec : barreneco penitencia, bihotzezco damua eta dolorea, contricionea. Eztute bertcerik, baiña haur dute asco baldin behar den bidean içaiten badute.(Axular 1643 : 197) 48 Ceux qui meurent en mer ou en dehors d'elle sans se confesser ont le recours suivant : la confession intérieure, le remords et la douleur du cœur, la contrition. Ils n'ont rien d'autre mais cela leur suffit, s'ils le reçoivent à bon escient.

43 Le récepteur connaît à l'avance les éléments du topos. Il peut ne jamais avoir lu l'Odyssée ou l'Enéide, il lui suffit d'avoir lu ou entendu les récits bibliques les plus connus du Nouveau Testament comme l'épisode de la tempête apaisée ou du naufrage de saint Paul pour que les référents intertextuels agissent et dessinent la trame du récit, même s'ils ne sont pas nommés de façon explicite. Dans le cas de Itsassoco perillac, l'assombrissement du contexte marque un basculement inéluctable. La mer est désormais sombre, infernale, le lieu d'où saint Jean de Patmos voit surgir la Bête de l'Apocalypse (12 v.18 ; 13 v.l) : Et je me tins sur la grève de la mer. Alors je vis surgir de la mer une Bête....

44 Il nous renvoie également à Dante imaginant la mort d'Ulysse : ché de la nova terra un turbo nacque e percosse del legno il promo canto. Tre volte il fé girar con tutte l'acque ; a la quarta levar la poppa in suso e la prora ire in giú, com ' altrui piacque, infin che'l mar fu sovra noi richiuso. car de la terre nouvelle un tourbillon naquit, qui vint frapper le navire à l'avant. il le fit tournoyer trois fois avec les eaux ; à la quatrième il lui dressa la poupe en l'air, et enfonça la proue, comme il plut à un Autre, jusqu'à ce que la mer fût refermée sur nous. (Chant XXVI 137-142)49

45 Dans Itsassoco Perillac les marins ne supplient pas 50 : Dieu est inaccessible pour les damnés. Bateau et marins sont voués à la disparition dans les eaux noires qui se refermeront totalement sur eux, scellant leur destin comme celui d'Ulysse dans l'Inferno de Dante. Le texte a la structure d'une catabase : mourir en mer équivaut à tomber dans l'abîme infernal, sans rédemption possible.

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III 3. Çarrantçaco Penac [Les Peines du Sarrance] :

46 Çarrantçaco Penac se trouve, comme Itsassoco Perillac, dans le chansonnier du Musée Basque Ms 97. Il est composé de 16 strophes de 13 syllabes51 à la rime suivie AABB. Il s'agit de l'histoire d'un bateau, le Sarrance, qui mit deux mois pour atteindre le port de Plaisance à Terre-Neuve.

47 Le je de l'expérience individuelle, qui serait, d'après le contexte, le capitaine ou le commandant du bateau, alterne avec le nous de l'implication collective et du témoignage. Le récit y gagne en vérité. Sa structure chronographique (Molinié 1992 : 78) rappelle la segmentation d'un journal de bord et ajoute à la véracité des événements. Elle fait penser à d'autres chants populaires de marins, de moissons etc. que l'on trouve dans le folklore européen où l'événement est entouré par une série de repères temporels et rythmiques consistant souvent à donner en début de strophe le jour, le mois, voire le nom de tel saint ou sainte.

48 Les faits auxquels se rapporte Çarrantçaco Penac ont dû avoir lieu avant le Traité d'Utrecht de 1713, puisque le port de Plaisance, devenu également par la suite possession anglaise, fut dès lors perdu pour les marins du Labourd. On peut s'interroger aussi sur le nom du bateau. Çarrança est bien l'équivalent basque de Sarrance et sans doute l'abréviation d'un Notre Dame de Sarrance. S'agirait-il du lieu de culte béarnais (Urkizu : 1987, 33) ? On peut peut-être en douter. Il est utile en effet de rappeler que l'une des chapelles du port labourdin de Guéthary, aujourd'hui disparue, fut également consacrée à Notre Dame de Sarrance au XVIIIe siècle (Martin-Ochoa de Alda : 1991, 39). Sa date de construction (1728) est cependant ultérieure à 1713. Josette Pontet a trouvé récemment la trace d'un Notre Dame de Sarrance qui mouillait au XVIIIe siècle dans le port de Saint-Jean-de-Luz. De nombreux navires luziens du XVIIIe siècle avaient pour patronne la Vierge Marie52, mais à ce jour, seul le cas relevé par Josette Pontet nous renvoie au navire évoqué par le texte basque. L'époque pourrait y correspondre mais il faudrait trouver d'autres indications, pouvoir notamment être certain que le Notre Dame de Sarrance a fait partie des campagnes de pêche à la morue sur les bancs au large de Plaisance, si possible avant 1713.

49 À mon sens, aucune autre chanson basque ancienne de marin ne nous est parvenue avec de telles précisions temporelles, une telle richesse du détail, de tels accents de vérité. Mais ne nous y fions pas, le récit peut avoir été rapporté à un auteur qui a ensuite procédé à une mise en scène fictive, il se peut également que l'auteur, le je qui apparaît dans le texte, soit vraiment le capitaine qui a réellement été témoin des faits. Il ne faut pas non plus écarter la fiction intégrale : le nom du bateau ne renverrait à aucun bateau ayant réellement existé. Il s'agirait d'un code littéraire fondé sur le topos du bateau en perdition luttant contre les éléments, image largement exploitée depuis Homère dans tout l'Occident. Dernier point, qu'il ne faut pas non plus négliger : il s'agirait d'un hypertexte, adaptation ou « plagiat » d'un texte existant dans une autre langue, limitrophe ou non. De telles migrations sont courantes en ce qui concerne les chants traditionnels et les contes dans le folklore basque comme dans le reste du folklore mondial.

50 Quoi qu'il en soit, les couplets ont été écrits en vue de la performance orale. On y décèle en effet une valorisation de la mise en scène. Le souci esthétique est indéniable : les pauses sont marquées, les dates scandées, l'action a divers rythmes, la dramaturgie des événements suit une gradation précise, la plupart des rimes sont riches, ce qui

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indiquerait un auteur lettré (Haritschelhar 1969 : 436-437). Rien à voir en tout cas avec un journal de bord stricto sensu.

• Peregrinatio à travers l'Atlantique Nord vers Plaisance de Terre-Neuve

51 Le voyage du Sarrance se déroule en trois phases ponctuées de quatre strophes (strophes 1, 9, 14, 16) qui sont autant de pauses où se fait davantage entendre la voix du narrateur, elles annoncent ce qui vient en aval ou ferment ce qui a été dit en amont. Les lignes qui suivent montreront comment s'articulent pauses et chronographie.

52 Les premiers vers annoncent la tonalité dramatique de ce qui va être conté et a pour fonction de captiver un auditoire.

53 Le sujet s'implique, Hainitcen ahotican bai diat aditu [Car beaucoup m'ont déjà rapporté], il se situe comme témoin oculaire de faits récents et se fait le porte-parole d'une expérience commune, celle de tout un équipage : haïñac aurthen gurequin içatu balire [Si ceux-là avaient été des nôtres cette année]. Les événements, que l'on devine exceptionnels, ont besoin d'être introduits avec probablement une scansion particulière et des pauses mélodiques destinées à mettre en valeur les mots qui seront dits par la suite : Haiñitcen ahotican diat aditu Demborac lehendanic direla ematu haiñac aurthen gurequin içatu balire Mintçatu beharco citeian bertcela ere. Car beaucoup m'ont déjà rapporté Que le climat s'est adouci par rapport à celui d'antan Si ceux-là avaient été des nôtres cette année Ils auraient bien été forcés de parler autrement.

54 Tout le poème s'articulera de cette manière autour des épreuves, minutieusement datées (16 février, 3 mars, 13 mars, 14 mars, la « veille de la saint-Joseph », le 19 avril, le « grand jour de Pâques », le « lendemain de Pâques ») qui suivent le couplet introductif. Chacune des dates vient à propos pour indiquer le déroulement ou l'irruption d'un événement important dans l'histoire de la traversée.

55 Ainsi la date de départ sera soulignée parce qu'elle servira désormais de point de repère temporel par rapport aux dates ultérieures. Au contraire le port reste anonyme : Noïz Ere baitcituen hamasei otsaillac Eman içan guintian hiritican belac illhabete hunec guintian fagoratu ordaiñez martchoac choill cruelqui tratatu. Quand février en fut à son seizième jour Nous hissâmes les voiles en sortant de la ville Ce mois-ci nous fut favorable En revanche tout le mois de mars nous traita cruellement.

56 Dès la fin de la première strophe le drame est annoncé : Ez huen orduticã hilleren fiñeraiño Içatu paussuric guretçat egundaiño Depuis lors, jusqu'à la fin du mois Il n'y eut jamais plus de répit pour nous.

57 Toutes les dates qui seront données par la suite ont un lien avec les diverses phases de la tempête et surtout de ses conséquences directes sur le bateau. Le bateau, élément central, nommé, personnifié, dont l'épreuve commence le 3 mars par une véritable

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guerre contre une mer « armée de vents » (Itsassoa çuan haicez ossoqui armatcen). La bataille ne faisant que s'amplifier par la suite avec des éléments devenus cataclysmiques : Hamalaurean huen haicea hain ha(i)ndi Halaber itsassoa hanbat icigarri. Le quatorze le vent était si fort La mer de même était si épouvantable.

58 Des précisions techniques au sujet des dommages subis suivront ensuite : cassure du perroquet (papaïo hauste) ; pertes d'hommes tombés de la hune (gabiatic galtce) ; bateau qui semble devoir être coupé en deux par la mer démontée (Espantitceco huen nola gure untcia /Etcen erdiratu, egun hartan, gucia). À certains moments les descriptions se font très précises comme lorsqu'il s'agit de réparer le gouvernail : Hirur palencuz guindian lema truncatu eta sahessetaric palenquiñez hartu Lema bastoiña Ere fite çuan moldatu eta delienqui bere toqhiañ sarthu. A l'aide de trois palans nous tronquâmes le gouvernail Et le fixâmes à l'aide de palanquins placés sur les côtés Le bâton du gouvernail fut vite réparé Et diligemment placé au bon endroit.

59 Après cet incident survient une seconde distanciation à la strophe 9, avec une brusque irruption du je et d'un syntagme verbal au présent au quatrième vers : aithortcen diat ni sobra naicela flaco j'avoue que ne m'en sens pas la force

60 qui renvoie à la performance en train de se dérouler (le chant) et au lien narrateur – écoutant - lecteur : Bertce egunez deus ez erranagatic ez quintuan batere hobequi horgatic gure egun gucietaco penen errateco aithortcen diat ni sobra naicela flaco. Même si rien n'est signalé à propos des autres jours Cela ne signifie pas que nous fussions mieux pour autant Pour raconter nos peines quotidiennes J'avoue que ne m'en sens pas la force.

61 Dorénavant, la datation sera plus floue. Aucune précision temporelle ne sera donnée entre les strophes 9 et 14. Cette deuxième phase marque une progression dans la gravité des dommages subis par le bateau. Le champ lexical de la guerre s'amplifie, le nous, formé par le bloc compact de l'équipage combat contre un adversaire expert dans l'attaque surprise. Les hommes affairés à combler une première voie d'eau dont il faut chercher l'origine perdent à ce moment-là la notion du temps. Les détails techniques sont donnés là également de manière très précise : Ez cituan Ez choillqui haïce itsassoac gure hituen Etsai Egun oroz coac bertce Etsai berri bat çuan hequin juntatu trompan bietaco ura betan aguertu. Il ne s'agissait pas seulement du vent et de la mer Nous avions aussi les ennemis de tous les jours À eux se joignit un nouvel ennemi (Une grande fuite d'eau ?) surgit brusquement (en trombe ?).

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62 Cette partie du récit où l'on nous conte la recherche désespérée par les marins de l'origine de la voie d'eau puis la découverte d'une autre brèche et les tentatives vaines pour la réparer est certainement celle qui possède le rythme le plus haletant : mouvements ascendants (le capitaine fait monter ses hommes) : Ordu hortan nituen bertceac ahantci Consulta eguiterat goiti igan araci ur hura Nondican heldu othe cen Jaquiteco Eta guero cenbait Entsaju eguiteco. À cette heure j'oubliai tout le reste Je fis monter les gens de l'équipage pour les consulter Pour savoir d'où pouvait bien venir cette eau Et pour ensuite procéder à quelques tentatives.

63 descendants (les marins plongent –apparemment- dans la soute inondée du bateau), course des hommes depuis l'avant (proue), vers le côté gauche du bateau (babord) : Haiñitz luçatu gabe baçuan berria Brancaren azpitican cela ithurria halaber orain bacela aborreco aldean Istupac utcia beso bat uhartecan. Peu après le bruit courut Que la source se trouvait sous la proue Que de même il y avait à présent vers le bâbord (Une brèche sans étoupe de la largeur d'un bras ?)53. Ordu hartan citeïan bai deliberatu Purriña ematerat laster Enssaïatu Brancaren Ezpartza nola ur handian baitcen Alferric cituan hartaco pulupatcen.C'est là qu'ils décidèrent De vite essayer de mettre (de la bourre ?)54 Comme la sparte de la proue était noyée dans une eau profonde Leurs plongeons ne servaient à rien.

64 Nous pouvons chercher une logique dans le récit et supposer que la deuxième voie d'eau ayant été comblée avec succès, le bateau est sauvé. Mais rien n'explique en revanche l'arrêt brutal dans la description de la tempête. Certaines strophes sont-elles manquantes ? Quoi qu'il en soit, la strophe suivante arrêtera le processus, c'est à dire le déroulement de l'histoire de la tempête. L'individu, le je, s'est à nouveau effacé derrière le nous collectif pour se placer dans le présent de l'après tempête. Il s'agit du présent joyeux dialectiquement opposé au passé tragique de la tempête qui n'est plus qu'un souvenir. La strophe a la même structure que les prières de remerciements qui font d'ailleurs partie du topos de la tempête surmontée (cf. Etcheberri de Ciboure) : Oh ! bada çuc daquiçu, Jauna, handia, Ordu hartaco gure bihotcen berria fagoratu guintuçun, jauna, çure graciez esquerrac mereci ditutçu bethi ordainez. Oh ! Seigneur tout puissant, vous savez bien Quelle était la disposition de nos cœurs à ce moment-là Vous nous aviez aidé, Seigneur, par votre grâce Vous méritez en retour des remerciements éternels.

65 En réalité les remerciements annoncent la strophe suivante qui termine la narration en décrivant le sauvetage du bateau le « grand jour de Pâques » (bazco egun handian) et l'arrivée au port le lendemain (biharamunean) : Aphirillac cituen justu hemeretci noiz ere baiquinduen zundez ardietsi

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bazco egun handian guinduen atheratu biaramunean Placentçan barnan sarthu. On était juste le dix-neuvième jour d'avril Quand nous atteignîmes le fond avec la sonde Nous nous nous tirâmes du mauvais pas le grand jour de Pâques Le lendemain nous pénétrâmes dans la baie de Plaisance.

66 Dans la dernière strophe on retrouve l'individu, le témoin. Les compagnons, sauvés du naufrage et d'une mort qui était annoncée, se sont éloignés et sont retombés dans l'ombre. À l'inverse, le bateau s'anime, acquiert une identité héroïque, focalise toute l'attention. Le couplet final renvoie ainsi directement, de façon circulaire, au titre Les peines du Sarrance : Fofertsa behar diat hemen bai aiphatu Cembat untci gacho hura cen tormentatu. Jaquin eçac Çarrantça dela haren icena, Jaungoicoac bethi demola fortuna ona. Oui, je dois mentionner ici l'événement Dire combien ce navire-là fut tourmenté, Sache qu'il se nomme Sarrance Que le Très Haut lui assure à jamais bonne fortune.

67 L'épopée du Sarrance est basée sur l'ensemble des codes habituels de la tempête : gradation dramatique, mouvements, champ lexical guerrier (combat, défaite-victoire), arrivée au port, remerciements... Le récit s'achève significativement le lendemain du jour de Pâques, ce qui devrait interpeller le lecteur. Ne suit-il pas une structure anabasique basée sur le récit évangélique de la Passion et de la Résurrection du Christ ? Le Sarrance, frêle esquif secoué dans la tourmente 55 tomberait alors dans les ténèbres pour échapper définitivement au danger le jour de Pâques et arriver triomphant à Plaisance le lendemain, deuxième jour festif56, une manière d'insister et d'amplifier le processus dynamique du salut. Il s'agit-là d'une structure présente traditionnellement dans la littérature tant savante que populaire basée sur la typologie des Evangiles qui : ne pouvaient guère prendre plus de soin qu'ils ne l'ont fait pour synchroniser la Cruxifixion avec la fête de la Pâque, de façon à rendre parfaitement clair que la Passion, telle qu'ils l'ont vue, était l'antitype du sacrifice de Pâques (Fry 1984 : 241)

68 Ces derniers éléments font finalement pencher la balance pour le côté fictionnel de Çarrantçaco Penac. En n'excluant pas, en dernière analyse, une origine mixte qui prendrait appui sur un récit réel relayé ensuite par la conjonction des éléments propres au topos de la tempête alliés à la typologie chrétienne de la Passion et de la Résurrection du Christ.

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— Ms 97 du Musée Basque (Bayonne). Pour les textes de J. Eguiatéguy :

— Ms Celtique Basque 154 de la Bibliothèque nationale de France (Paris).

— Ms Celtique Basque 155 de la Bibliothèque nationale de France (Paris).

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Document audio consulté :

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NOTES

1. Cf. notamment A. Arkotxa : Imaginaire et poésie dans Maldan behera de Gabriel Aresti (1933-1975), in ASJU, Donostia-San Sebastián 1993 ; « La mirada malévola de la luna en La ahijada de Jon Mirande (1925-1972) » in Anthropos, Barcelona 2000 ; « Bidaia-ikuspegiak A. Abbadiaren 1835eko karnetean » [Perceptions sur le voyage à travers les carnet de 1835 d'Antoine Abbadie d'Arrast],

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in Ed. Euskaltzaindia et Eusko Ikaskuntza, Donostia-San Sebastián, 1998 ; « L'Orient comme virtualité dans le carnet de 1835 d'Antoine d'Abbadie, in Lapurdum II, Bayonne 1997 ; « Mirande eta Thanatos : heriotz heroikoa [Mirande et Thanatos – la mort héroïque], KM, Diputación Forai de Gipuzkoa, Donostia, 1997 ; « Arestiren hiri mitikoak [Les villes mythiques de Aresti], in Hegats, Donostia, 1997. 2. Les traductions en français figurant dans cet article m'incombent sauf celles des fragments tirés de J. Etcheberri de Ciboure et du texte Çarrantçaco penac, réalisées avec la collaboration de B. Oyharçabal. 3. Nous pouvons en trouver cependant de brèves références dans Notitia Utriusque Vasconiae, tum Ibericae, tum Aquitanicae... (1638) : Dans leur quasi totalité, ils s'adonnent à la navigation, dans laquelle ils sont excellents, et faisant des voyages annuels vers la partie septentrionale de l'Amérique que les nôtres dénomment Terra noua, ils ramènent de là-bas de grandes quantités de ces poissons qu'ils dénomment Bacallao et les Français Morua, et ils tirent de sa vente beaucoup d'argent. 4. E. Materre Marinelec (1617) : Nota eguin behar dituzten bere othoitçac itsasoan dabilçan demboran. - De quelle manière les marins doivent dire leurs prières pendant qu 'ils sont en mer, ainsi que Itsasoan tormenta ailtchatcen denean erran behar diren Oracinoac [ Les oraisons que l'on doit dire quand la tempête se lève en mer, in Dotrina Christiana – La Doctrine Chrétienne ] B. Gasteluçar (1686) : Cf. en particulier le chapitre Hanitz kondizionetako presunentzat (Marinela, Arrantzalea...) [Pour les personnes de diverses conditions (le Marin, le Pêcheur...)] in Eguia catholicac salvamendv eternalaren eguiteco necessario direnac [Les vérités catholiques qui sont nécessaires pour assurer le salut éternel]. Je ne connais le texte que d'après l'édition de Lino Akesolo (Euskaltzaindia, 1983). 5. P. Decheverry dit Dorre traduit et adapte les Voyages avantvreux, 1578, de Martin de Hoyarsabal, ouvrage publié probablement sous une fausse adresse typographique à La Rochelle (cf. A. Arcocha – Scarcia 2001).. 6. Biscaye est un quartier d'Espagne costoyant la mer oceane vers l'occident pres le Bearn ; le Ciel y est fort doux, et temperé a cause qu 'estant toute entourée de montagnes, elle n'est incommodee, ni par le grand froid, ni bruslée par les ardeurs du Soleil : elle est chargée d'arbres propres a bâtir Navires, abonde en animaux terrestres, maritimes, et volatiles, comme aussi en toutes sortes de fruits, excepté de vin : Il s'y fait grand trafic, a cause des marchandises qui y viennent de France, Angleterre, Pays bas (...). Le fragment est tiré de Atlas, sive cosmographicae meditationes de fabrica mundi et fabricati figura (1583) de Gerard Kremer dit Mercator (1512-1594), mathématicien et géographe flamand. 7. Le seul texte que J. Etcheberri de Sare, docteur en médecine, parvient à faire imprimer de son vivant à Bayonne chez M. Roquemorel, est une plaquette intitulée Lau-Urdiri gomendiozco carta, edo guthuna, [Lettre ou missive de recommandation au Labourd] parue en 1718. L'ensemble des textes transcrits et édités pour la première fois par J. de Urquijo en 1906, ainsi que la réédition de la plaquette de 1718, ont été réédités en reprint au milieu des années 1990 (édition non-datée de Xarles Videgain, UPRESA 5478 du CNRS, Atlantica). 8. Cf. § IX de Itsassoco biayetaco othoitcen araldea [Série de prières pour les voyages maritimes ] in Manual Devotionezcoa 1627. 9. Les Etymologiœ ou Origines d'Isidore de Seville (602–636 apr. J.-C.) sont une sorte d'Encyclopédie des arts et des sciences en vingt livres, utilisée longtemps comme référence. 10. Julius Solinus, auteur de Collectanea rerum memorabilium (vers 200 apr. J.-C), abrégé de L'Histoire naturelle de Pline et de la Géographie de Pomponius Mela. 11. Soit, en français : Mais c 'est ta Providence, ô Père qui le pilote. (Bible de Jérusalem, Psaume 14 v.4). Le passage est restitué ci-dessous dans son entier : Tel autre qui prend la mer pour traverser les flots farouches, invoque à grands cris un bois plus fragile que le bateau qui le porte, Car ce bateau c 'est la soif du gain qui l'a conçu,

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C'est la sagesse artisane qui l'a construit ; Mais c'est ta Providence, ô Père qui le pilote, Car tu as mis un chemin jusque dans la mer, Et dans les flots un sentier assuré, Montrant que tu peux sauver de tout, En sorte que même sans expérience, on puisse embarquer. (Livre de la Sagesse, Psaume 14 v.1-4) 12. Pour traduire l'expression escutic balerama beçala [comme s'il la conduisait par la main], nous nous trouvons face à un problème d'ordre sémantique. S'agissant de poissons et non d'êtres humains, la traduction littérale de la comparaison n'est pas possible. On pourrait la contourner en omettant la comparaison mais l'image ne serait plus aussi parlante. Il est d'autre part évident que les deux « poissons », à l'image des autres êtres qui peuplent les fonds des mers mentionnés dans le récit, sont ici perçus également sous l'angle anthropomorphique. Le poisson qui conduit la baleine est également une nouvelle version du schéma narratif de l'aveugle guidé par le clairvoyant (cf. Œdipe et Antigone), avec des mains / nageoires qui empêchent que l'aveugle ne se perde dans les ténèbres. 13. Le récepteur supposé du Guero est masculin. La femme n'y est envisagée que comme un objet de désir pouvant mener l'homme à sa perte. Jamais elle n'y est perçue comme sujet, contrairement au Linguae Vasconum Primitiae où B. Echepare la pose comme personne (cf. Emazten fauore in Linguae Vasconum Primitiae 1545 [1995] : 50]. 14. Refranes y sentencias, 1596. 15. P. de Lancre se souvient certainement de ses lectures classiques lorsqu'il évoque des « sorcières » labourdines déclenchant des tempêtes à l'image de Junon. En l'occurrence, il s'agira des prétendus aveux de Janette d'Abbadie de Suboro (Ciboure), âgée de 16 ans : Que le Diable les transportait toutes à la fois. Qu 'elle voyait en Terreneuve des Sorcières transportées presque de toutes les paroisses du Labourd, qu 'elles y allaient exciter des orages et tempêtes pour perdre des navires (...). Cf. édition de N. Jacques – Chaquin d'après la deuxième édition de l'Inconstance... 1613 [1982] : 117-118]. 16. Perspective dont rend compte également le dicton basque Mundu hunec diduri itsasoa, iguerica eztaquiena ondarrera doa -Le monde ressemble à la mer, qui ne sçait nager s'y noyé-. Cf. in Pouvreau 1663-1665 : 116 ; Oihenart, proverbe 320. 17. ... alors il se fit un violent tremblement de terre, et le soleil devint noir comme une étoffe de crin, et la lune devint tout entière comme du sang, et les astres du ciel s'abattirent sur la terre... 18. Alors une énorme masse embrasée, comme une montagne, fut projetée dans la mer, et le tiers de la mer devint du sang : il périt ainsi le tiers des créatures vivant dans la mer, et le tiers des navires fut détruit. 19. Duronea (1693) : Bouqueta Lore Divinoena bereciac eta Duronea apeçac T.P.S.V. aita Materren liburuari emendatuac [Bouquets choisis de fleurs divines, ajoutés par le père Duronea T. P. S. V. au livre du père Materre, Bayonne]. 20. B. Larreguy (1777).: Santa Ursula, eta haren lagunac – Sainte Ursule et ses compagnes, in Testamen çaharreco eta Berrico historioa, M. de Royaumontec eguin içan duenaren berriro escararat itçulia ; exemplu eta erreflexione sainduequin ; bi Liburutan eçarria. Bi-garren liburua : Testaman Berria Cembeit Sainduen Bicitcearequin [L'histoire de l'Ancien et du Nouveau Testament, traduction en basque de l'ouvrage qui fut écrit par M. de Royaumont ; avec des exemples et des réflexions saintes ; présenté en deux livres. Deuxième livre : Le Nouveau Testament avec la vie de quelques saints]. 21. Repris par S. Pouvreau (1663 - 1665) : Itsasoac adarric ez, pr. 285 : la mer n'a point de branches ou se prendre. . Cf. transcription et édition critique du dictionnaire de Pouvreau par M. J. Kerexeta, travail non-daté et inédit, p. 46. 22. Repris par S. Pouvreau : Itsasturiaren goizean senhardun, arratzean alhargun, pr. 286 : la femme du marinier e(st) souvent mariée au matin & veuve au soir, (in op. cit. p. 47).

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23. Pour les deux exemples cités cf. Arnaud d'Oihénart, Proverbes et poésies basques (1657-1664). Les traductions ou plutôt les adaptations en français des proverbes sont de Oihenart. 24. Cf., par exemple, les tempêtes décrites dans le récit de Léry (1578, 1580 : 113-119 ; 518-521). 25. L'ouvrage est publié en deux volumes en 1735 et 1736 sous ! e titre Historia Tragico-Maritima. Em que se escrevem chronologicamente os Naufragios-maritimes que tiverão as Naos de Portugal, depois que se poz em exercicio a Navegação da India. 26. P. Bille me précise : « L'histoire du naufrage de Manuel de Sousa de Sepúlveda (1552), d'abord publiée en brochure à Lisbonne en 1564, puis reprise au XVIIIe siècle par Bernardo Gomes de Brito dans sa compilation História trâgico-maritima fut publiée en français en 1789 à Paris par Deperthes dans le tome second de son Histoire des naufrages ou Recueil des relations les plus intéressantes... ». Je remercie également G. Besse, pour les renseignements apportés sur le sujet. 27. Le texte a été édité pour la première fois par Txomin Peillen en 1983 dans une graphie actualisée. Ouvrage jusqu'alors inconnu des chercheurs, il demeure encore mal connu aujourd'hui. Le manuscrit qui se trouve a la BNF à la rubrique Celtique Basque (CB) 155 est incomplet. Le reste de l'ouvrage se trouve à la BNF à la rubrique CB 156, qui compte également d'autres manuscrits qui n'ont rien à voir avec le corpus des textes éguiatéguyens. Ces chapitres manquants sont toujours inédits à l'heure actuelle. Le manuscrit prêt pour l'édition porte la date de 1785 mais on ne lui connaît pas d'impression avant 1983. Quand on examine le Ms CB 155, on voit bien qu'il est prêt à être publié. Le travail du copiste est corrigé çà et là, certainement de la main même de Eguiateguy. On peut également s'apercevoir qu'il y a parfois des annotations in margine destinées à l'imprimeur. Le nom de ce dernier est d'ailleurs indiqué sur la première de couverture : Francffort-En /Beinat Edelman-en Moldiskidiatic-« À Francfort / [sorti] de l'Imprimerie de Beinat Edelman » , le manuscrit porte la date de 1785 mais aucune version imprimée de l'ouvrage n'est connue. D'après P. Bille, Eguiatéguy a pu s'inspirer d'éditions en français du XVIIe siècle, antérieures à celle de Deperthes. Il conviendrait de vérifier, par exemple, que le récit se trouve dans L'Histoire des Indes orientales et occidentales du RP Iean Pierre Maffée. Paris : Ninville, 1665, ou dans Histoire des Indes, de Jean Pierre Maffée Bergamesque, Lyon : Pillehotte, 1603, qui semble être une édition antérieure de la même œuvre. 28. Cf. Manuel Garagorri Larramendi (1690 - 1766), auteur, entre autres, du Diccionario trilingue del castellano, bascuence, y latin où figure le néologisme utilisé par la suite par Eguiatéguy : constancia, egoquida. Lat. Constantia . (Larramendi 1745, 224). 29. Selon la segmentation en vigueur en France, est classique l'époque qui va de la période baroque à la fin du XVIIIème siècle (Molinié 1992 : 14). 30. Cf. Ms 97 du Musée Basque de Bayonne, 1798 ; édition Urkizu 1987 ; édition Elortza, non- datée. 31. Cf. Ms 97 du Musée Basque de Bayonne, 1798 ; édition Urkizu, 1987. 32. La présentation adoptée lors de l'impression (cf. éditions de 1627 et 1669) pourrait laisser entendre que Premiazco othoitçac caïman [Les prières nécessaires par temps calme] est le titre général du chapitre VII. Il n'en est rien. Seul Premiazco othoitçac [Les prières nécessaires] s'applique à l'ensemble du chapitre. 33. Et non 24, comme je l'écris ailleurs de manière erronée (A. Arcocha-Scarcia 1999 : 35). 34. Oihenart laissera entendre également : qu'il [Joannes Etcheberri] trauaillait principalement pour les mariniers. 35. Il convient à ce propos de se souvenir de la critique d'Erasme : Les matelots chantant le Salve Regina, imploraient la Vierge Mère, l'appelant Etoile de la mer, Reine du ciel, Souveraine du monde, Port du salut, et la gratifiant d'un grand nombre d'autres titres flatteurs qu'aucun texte de l'Ecriture ne lui a jamais attribués. (...) Ils rivalisaient entre eux. L'un chantait le Salve Regina, l'autre le Credo in Deum. Il y en avait aussi qui, pour conjurer le péril marmonnaient de petites oraisons très particulières, qui ressemblaient à des

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invocations magiques. (Erasme 1523 [1992] : 297-299) Il est intéressant également de rappeler l'adage basque Ura iragan eta, saindua ahantsi : le fleuve passé, le Saint oublié (Pouvreau in op. cit. p. 208). Axular reprendra la même idée : Hala eriec ere bere eritasunetan, eta marinel tomentatuec bere tormentetan, anhitz promes eder eguiten dute, saindutceco gogo hartcen dute, debocino bat eracusten dute. Ordea nola hura guztia, veldurrez eguiten baitute, eritasuna eta tormenta iragan direnean, iragan dateque hequen debocinoa ere, eta handic harat lehen beçain gaixto, edo gaixto ago eguiten dira. (Axular 1643 : 205-206). Ainsi en est-il des malades en leurs maladies, et des marins tourmentés en leurs tourmentes, ils font beaucoup de promesses, ils décident de se sanctifier, ils montrent de la dévotion. Mais comme ils font tout cela par peur, lorsque la maladie et la tourmente s'en sont allées, leur dévotion peut s'en aller également, et ils deviennent désormais aussi méchants sinon plus qu'avant. 36. Adaptations actuellement publiées d'ailleurs sous le label Textes littéraires français (Introduction P. Pidoux, Droz 1986). 37. En examinant le contenu l'ouvrage de Materre, Dotrina Christiana (1617), subdivisé de manière tripartite, nous pouvons constater que les prières dédiées aux marins occupent 38 pages sur un total de 384 p., ce qui représente un volume assez important, en tout point comparable à l'espace que leur a accordé Joannes Etcheberri de Ciboure en 1627 dans le Manual. Mais il est nécessaire ici de donner un aperçu de la structure adoptée par Estève Materre afin de bien se rendre compte de l'originalité du point de vue adopté par Joannes Etcheberri. Un simple coup d'œil nous montre que Materre se situe dans le discours classique de la dévotion. Les prières consacrées aux marins figurent dans deux parties dont l'une est intitulée Marinelec nola eguin behar dituzten bere othoitçac itsasoan dabilçan demboran [De quelle manière les marins devront dire leurs prières pendant qu'ils sont en mer] (Dotrina Cristiana 1627 : 325-353) et l'autre, beaucoup plus brève, Itsasoan tormenta ailtchatcen denean erran behar diren Oracinoac [Les oraisons que l'on doit dire quand la tempête se lève en mer] (Dotrina Cristiana 1623 : 354-363), exclusivement consacrée aux prières en cas de tempête. La première des parties est subdivisée à son tour en deux sous-parties temporelles : Goicean erran behar dena [Ce qu'il faut dire le matin] et Arratsean erran behar dena [Ce qu'il faut dire le soir]. Le soir et le matin on commence par le Pater noster, l'Ave Maria et le Credo dont l'auteur ne mentionne que le seul titre, étant supposé que le récepteur les connaît de mémoire, suit une série de prières spécifiques liées au deux moments de la journée. Il est intéressant d'observer les mentions péritextuelles concernant la langue qui peut ou doit être utilisée, selon que l'auteur laisse ou non le choix au récepteur. Par exemple, le Pater noster, V Ave Maria et le Credo peuvent être dits latinez edo Euscaraz [en latin ou en basque], alors que les litanies vespérales consacrées à la vierge sont à dire en suivant la directive suivante Hunen ondoan erraitçue Andre dana Mariaren Letharinac hemen diren beçala [Dites ensuite les litanies de la Sainte Vierge comme elles vous sont présentées ici], c'est à dire exclusivement en latin ; en revanche, lorsqu'il s'agit de réciter Angele Dei et In Manus, Materre précise : Eta guero norc bere aldetic erran beça : Angele Dei, eta, In manus, Euscaraz hunelaje. [Et qu'ensuite chacun pour soi récite : Angele Dei, et, In manus, en basque, de la manière suivante]. Cf. Materre 1617 : 352. Observons le positionnement très distinct adopté par Joannes Etcheberri par rapport à son prédécesseur Materre. Joannes Etcheberri relègue les litanies de la Vierge à la fin du Manual Debotionezcoa, dans une partie indépendante consacrée plus spécifiquement à ce genre de discours dévotionnel. Les prières assignées par Materre aux marins sont bien celles chantées ou récitées communément dans l'Europe catholique sur les navires lors des offices religieux ou en dernière extrémité lorsque leur vie est en péril.

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38. Mentionnons la versification, par exemple. Le mètre qu'affectionne Joannes Etcheberri est le vers de 15 syllabes, mètre de base de la littérature populaire basque (Haristchelhar 1969 : 455). Si populaire est utilisé ici dans le sens de non-érudit, Etcheberri n'est en effet pas un poète populaire38 mais que signifient de telles considérations lorsque nous sommes en face d'un rythme 8/7 attesté depuis le IIIe siècle, et que l'on retrouve constamment dans le corpus des hymnes ecclésiastiques depuis l'époque médiévale à travers le Tantum ergo et le Pange lingua (Haristchelhar 1969 : 460-461) ? Oihenart, qui avait dû le croiser dans sa jeunesse, n'appréciait, on le sait, ni le vers de 15 syllabes ni les talents de poète de Joannes Etcheberri de Ciboure : Ie lui ay ouy dire au temps qu'il composoit ses Vers qu'il trauaillait principalement pour les mariniers Lesquels les Chantoient sur la mer ; ce qui faict Iuger qu'il escriuoit plus tost par Un motif de Charitté que par aucune ambition, ou Vainegloire, Et quil auoit le zèle de profiter à son prochain que doit avoir Un Veritable Ecclesiastique. (Lafitte 1967 : 39) 39. Cf. également Oyharçabal 2002 : 495-498. 40. In Debocino escuarra, mirailla eta oracinoteguia (1635) publié pour la première fois par Lafitte au XXe siècle (1931 : 28-29) et récemment par P. Charritton. 41. In Devoten Breviarioa [Le Bréviaire des Dévots], Bernard Bosc, Bayonne 1665. 42. J. Etcheberri estime particulièrement les Jésuites dont il a été l'élève. Cf. poésie dédiée à saint Ignace de Loyola in Noelac (1645). 43. La fin du chapitre X, soit l'ensemble du corpus des prières pour les marins se terminant en effet ainsi : Itsassoco othoitçen çarratçea. Othoitz hauc chehero tiat ordenatu hunela, Hauquin erratera orhoit dadintçat Mariñela. Perill içigarriari itçurtçeco beçala, Esquer itçultçeco ere mintçatu nauc ahala. Hartaracotz Itsassotic illkhi eta saluoa, Esquer milla itçul etçac guiçon itsas haucoa. Orhoit adi çembat aldiz Iaunac auen guardatu, Merecitu duquelaric Itsassoan hoñdatu. Gogotic vtz ezteçala iragan den perilla, Beguiratu a(û)enari eman gabe esquer pilla. Nequez irabaçi tuquen halaberqui diruac, Eztetçaquela despenda nola aise billduac. Eta abusa ezteçala ontassun ethorriez, Bañan cerbi adi vngui Iaincoaren gratiez. Berçela duc mereçiren Itsassoan sartçean, Lehen baño guehiago nekha adin bertçean.Othoitz hauc beraz ikhasquic perillei itçurteco,Bai eta are porturaric esquerren itçultçeco.Vorondate hobeagoz Iongoicoac gratiac,Eman dietçaquen, haren thresoretic nahiac.Eta hala eramatic goiz eta arrats aldeac,Hari Iaunac dietçaquen çarra bethuruzteac.Halabiz Fermeture des prières pour la mer. J'ai disposé ainsi minutieusement ces prières, Afin que le marin se souvienne de les réciter. Comme de l'évitement du terrible péril, J'ai parlé autant que possible des remerciements à adresser. Ainsi, toi qui as échappé à la mer et en a été sauvé, Toi, homme de mer, rends mille grâces. Souviens-toi combien de fois le Seigneur t'a gardé, Alors que tu as mérité de t'abîmer en mer. Ne retire pas de ton esprit le péril passé, Sans rendre nombre de grâces à celui qui t'a protégé.

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De même, les gains péniblement gagnés, Ne les dépense pas comme ceux aisément gagnés. Et n'abuse pas des richesses venues, Mais use au contraire au mieux des grâces divines. Autrement, tu mériteras, en entrant en mer la fois suivante, De peiner encore plus qu'avant. Apprends donc ces prières pour échapper aux périls, Et aussi pour rendre grâces, une fois rendu au port. Afin que Dieu d'une volonté meilleure, T'accorde les grâces que tu désires dans son trésor. Et ainsi passe matins et soirs, Jusqu'à ce que le Seigneur te ferme les paupières. Ainsi soit-il. 44. La Table des Matières ou Gaucen Aurkhibidea matérialise leur unité. On y lit en effet l'annotation suivante : « Ternuaco Penac depuis la page 1 jusque 11 . Ternuaco Penac en vient ainsi à être à la fois le titre générique de la trilogie et le titre du troisième texte répartis comme suit : Partiada tristea, Ternuara , Itsassoco Perillac et Ternuaco Penac. 45. Le texte ne le mentionne pas explicitement mais le contexte permet néanmoins de le penser. 46. Avec la pagination suivante : depuis la page 1 jusque 11. 47. Il ne s'agit pas en effet d'une « planche de salut » comme dans le récit paulinien : [Paul] donna l'ordre à ceux qui savaient nager de se jeter à l'eau les premiers et de gagner la terre ; quant aux autres, ils la gagneraient, qui sur des planches, qui sur les restes du navire. Et c 'est ainsi que tous parvinrent sains et saufs à terre. Cf. Acte des Apôtres 27 v. 43-44 : Cf. l'ensemble de l'épisode intitulé La tempête et le naufrage (27 v. 9 - 44). 48. Dans l'édition de 1643, à cause d'une erreur typographique, le chapitre XVII figure à la place du chapitre XV. 49. Traduction J. Risset. 50. Contrairement, par exemple au Psaume 69 v. 15-16 : Tire-moi du bourbier, que je m'enfonce, Que j'échappe à mes adversaires, à l'abîme des eaux ! Que le flux des eaux ne me submerge, Que le gouffre ne me dévore, Que la bouche de la fosse ne me happe. 51. Le vers de 13 syllabes, comme celui de 15 syllabes qu'affectionne Joannes Etcheberri de Ciboure, est très souvent utilisé dans la poésie traditionnelle basque. Son usage remonte probablement, comme pour le vers de 15 syllabes, à la poésie latine médiévale. Cf. Haritschelhar 1969 : 462-463. 52. Conférence de J. Pontet : « Le Port de Bayonne sous l'Ancien Régime », donnée le 20 mai 2000 (cycle organisé par Les Amis du Musée Basque). 53. Traduction incertaine. 54. Pour rembourrer la brèche ? 55. Cf. la résurgence du topos maritime, déjà évoqué, de l'embarcation fragile opposée à l'immensité de la mer. 56. Je remercie Jean Haritschelhar pour les renseignements qu'il m'a donnés à ce sujet. Cf. J. Haritschelhar 1985 : 1063-1074.

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INDEX

Thèmes : littérature, philologie Index chronologique : 16e siècle, 17e siècle, 18e siècle Mots-clés : critique littéraire, Etcheberri de Ciboure Ioannes, manuscrit, mer, Oihenart Arnaud, tempête (météorologie)

AUTEUR

AURÉLIE ARCOCHA-SCARCIA

Université Michel de Montaigne Bordeaux 3, IKER UMR 5478 CNRS [email protected]

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Les héritières de la maison au Pays Basque au XIXe siècle

Marie-Pierre Arrizabalaga

NOTE DE L'AUTEUR

Marie-Pierre Arrizabalaga est Maître de Conférences à l'Université de Cergy-Pontoise où elle enseigne depuis cinq ans. Elle a obtenu deux doctorats, le premier en 1994 au département d'Histoire de l'Université de Californie à Davis aux Etats-Unis et le second en 1998 à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales à Paris. Elle consacre sa recherche et ses publications françaises et étrangères à l'étude de la famille, des structures familiales, des successions et ses modalités, du sort des héritiers et des cadets et de l'émigration des Basques au XIXe siècle.

1 Les coutumes successorales au Pays Basque dans l'Ancien Régime étaient unique en Europe non parce qu'elles permettaient aux chefs de famille de léguer tous les biens de famille aux aînés (car c'était le cas de nombreuses régions coutumières en France1), mais parce que ce système de l'héritage unique, celui de la primogéniture qui favorisait l'aîné des enfants, ne faisait aucune distinction entre les garçons premiers nés et les filles premières nées. Selon le droit coutumier basque, l'aîné, qu'il soit un garçon ou une fille, devenait l'héritier légal de la maison et de toutes les terres, forcé(e) ensuite de dédommager plus ou moins équitablement les cohéritiers, filles et garçons, qui dès lors quittaient la maison et allaient se placer ailleurs. Ainsi, les filles aînées avaient autant de chances que les fils aînés d'hériter du patrimoine familial. Ce système n'a pas d'équivalence dans les Pyrénées (ni même en France ou en Europe). Les Béarnais préféraient transmettre la succession de la maison aux fils aînés en priorité ou aux fils cadets, lorsque l'aîné des enfants était une fille2. De même, dans les Baronnies, c'était l'aîné des garçons qui généralement héritait du patrimoine familial3. Enfin, en Catalogne, l'héritage était transmis à un fils, qu'il fût l'aîné ou le cadet des enfants, mais quasiment jamais à une fille4. Ainsi, le cas basque de l'aînesse intégrale ou de primogéniture sans distinction entre les sexes était-il unique dans le Sud de la France5.

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Dans le Nord de la France, les familles respectaient le partage égalitaire entre les héritiers, généralement entre les garçons6.

2 Le système de l'héritage unique en faveur de l'aîné, fille ou garçon, ou l'aînesse intégrale, si traditionnel au Pays Basque, a jusqu'au XIXe siècle considérablement influencé les structures de la famille et a longtemps été respecté par les familles afin de préserver intact le patrimoine familial et surtout la maison (« etche » en Basque). Ces pratiques étaient courantes dès le Moyen Age et peut-être même avant, mais elles furent codifiées pendant la période moderne dans le but d'institutionnaliser le système et de légaliser les pratiques familiales traditionnelles. Ainsi, les coutumes basques ont permis aux familles de légaliser l'héritage unique favorisant le fils aîné ou la fille aînée, selon le sexe de l'enfant premier né, un système qui survécut au cours du XIXe siècle en dépit de la Révolution française et du Code Civil de 1804 qui imposait l'héritage égalitaire entre les enfants, filles ou garçons, premiers ou derniers nés. Le patrimoine familial était par conséquent transmis au premier né des enfants, le fils aîné (succession patrilinéaire) ou la fille aînée (succession matrilinéaire), qui se devait de dédommager plus ou moins équitablement les cohéritiers en les dotant d'une somme d'argent qui leur permettait de se marier et de « se caser ». Le système ainsi élaboré démontrait que pour les familles, le patrimoine et la maison devaient impérativement rester intacts, transmis à un seul descendant qui dès lors formait un groupe familial élargi avec ses parents, son conjoint, et ses enfants (et parfois même des cohéritiers célibataires), vivant sous le même toit, travaillant ensemble et partageant le fruit de leur labeur collectif. Chaque famille était ainsi composée de plusieurs générations cohabitant sous le même toit et partageant toutes les activités et les obligations liées à la maison et à l'exploitation. Les structures de ces familles étaient donc complexes. C'étaient celles de la famille traditionnelle basque : la famille souche.

3 Avec l'obligation de partage égalitaire entre les cohéritiers imposé avec la mise en place du Code Civil en 1804, il était logique que les systèmes inégalitaires de l'héritage unique en France dont celui de l'aînesse intégrale favorisant l'aîné des enfants, fille ou garçon, disparaissent sur tout le territoire français au cours du XIXe siècle. Or, de nombreuses études sur les anciennes provinces pyrénéennes ont démontré le contraire. Le Code Civil a mis beaucoup de temps à s'imposer dans les campagnes françaises et l'héritage unique, bien que transformé, a survécu dans les provinces du Sud de la France et dans les régions montagneuses frontalières en dépit des nouvelles lois. En fait, les familles ont élaboré de nouvelles stratégies afin de contourner ces lois et permettre à un seul enfant d'hériter de la maison et du patrimoine pour préserver ainsi intacts le patrimoine et la maison. Les familles ont dû faire preuve d'adaptabilité face au nouveau régime successoral égalitaire. Elles continuaient à transmettre le patrimoine familial et la maison à un seul enfant tout le long du siècle, s'efforçant de dédommager les cohéritiers en les dotant suffisamment afin qu'ils n'exigent pas leur part légale de l'héritage et quittent la maison familiale, satisfaits de leur dot. Ces observations démontraient clairement que les pratiques successorales anciennes remodelées au XIXe siècle au Pays Basque n'existaient pas seulement en raison de leur codification à l'époque moderne, mais qu'elles étaient réellement inhérentes à la culture des Basques qui n'envisageaient la pérennité de la famille que par la survie de la maison et de son patrimoine. Cette survie était selon eux dépendante de l'indivision d'une génération à l'autre. Ces valeurs familiales étaient si inhérentes à la culture basque que les coutumes écrites (les Fors) ne donnaient en fait qu'une existence légale

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à ces pratiques, le but étant depuis des siècles de préserver la maison et les terres intactes afin d'assurer la viabilité de la maison et l'équilibre éco-démographique des villages7.

4 Contrairement à ce qu'a affirmé Frédéric Le Play8 concernant les effets négatifs du Code Civil sur les successions et la famille souche, le Code Civil n'a pas eu pour effet la fragmentation des propriétés au Pays Basque au XIXe siècle, la mise en vente progressive des petites propriétés, et la disparition de la famille souche9. Effectivement, les familles ont continué à transmettre le patrimoine à un seul enfant en dépit des nouvelles lois égalitaires pour réserver la plus grande part des biens à cet héritier unique. Elles s'efforçaient ainsi d'éviter le partage. Cependant, en dépit de tous les efforts, le Code Civil et les nouvelles conditions économiques liées à l'industrialisation les ont contraintes à modifier leurs pratiques successorales traditionnelles. Elles devaient à présent tenir compte de plusieurs paramètres : le Code Civil tout particulièrement car il imposait l'égalité des droits entre les cohéritiers, mais aussi l'industrialisation, l'urbanisation et l'émigration qui éloignaient les jeunes basques de leur village et leur offraient de nouvelles opportunités. L'ouverture du marché de l'emploi en France et à l'étranger a transformé remarquablement les modalités de transmission du patrimoine notamment à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. De nombreux héritiers potentiels s'éloignaient de leur village, temporairement dans un premier temps, puis définitivement, obligeant les familles à choisir l'héritier unique parmi les cadets, filles ou garçons, une situation qui a ensuite contraint de plus en plus de familles à choisir leur héritier parmi les filles cadettes, moins nombreuses à quitter le village et plus disponibles pour assurer la tradition familiale. Ces filles n'étaient pas forcément les aînées, mais aussi et surtout des cadettes, qui ne faillissaient pas à leur devoir et remplaçaient les frères absents. Ce qui prévalait, c'était qu'un des enfants succède aux parents, devienne l'héritier unique et assure l'indivisibilité du patrimoine d'une génération à l'autre. Les filles, comme les garçons, semblaient assumer ces responsabilités de manière tout à fait satisfaisante pour les familles. Tant qu'un enfant acceptait d'assurer cette tâche, le sexe et le rang de naissance de cet héritier importaient peu.

5 Le but de la présente démonstration est précisément d'analyser brièvement les coutumes anciennes pratiquées au Pays Basque jusqu'à récemment, tout particulièrement les modalités de l'aînesse intégrale afin de démontrer que, selon le droit coutumier, les filles aînées avaient autant de chance que les fils aînés d'hériter de la maison et de son patrimoine. Cependant, au cours du XIXe siècle, avec la mise en place du Code Civil et les phénomènes d'industrialisation, d'urbanisation et d'émigration, les familles basques ont dû s'adapter et élaborer de nouvelles stratégies afin de préserver la maison et les terres sans jamais les partager entre les cohéritiers. Dans la pratique, les familles n'hésitaient pas à choisir l'héritier parmi les filles, aînées ou cadettes, qui dès lors récupéraient la maison et les terres et assuraient la succession. Dans quelles circonstances les familles ont-elles transmis leur patrimoine à un seul héritier, souvent une fille aînée ou cadette, et quelles en étaient les conséquences sur les pratiques familiales ?

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Les coutumes basques sous l'Ancien Régime

6 Les coutumes basques de l'Ancien Régime se composaient de lois familiales et communautaires qui correspondaient à des règles sociales, économiques et politiques établies par les chefs de famille, propriétaires des maisons dans le village, dans le but de garantir la stabilité collective et l'harmonie sociale au sein des familles et des communes. L'héritage unique était un des bastions de ces règles car il permettait aux familles de préserver les maisons intactes, assurait la survie économique des exploitations, pour la plupart de taille moyenne ou petite, et garantissait ainsi l'équilibre démographique et économique des familles et des communes. Jusqu'au XIXe siècle, chaque couple avait en moyenne trois enfants adultes survivants. Tandis que l'aîné, fille ou garçon, héritait du patrimoine familial, le second, doté, épousait un héritier ou une héritière, et le troisième restait célibataire dans la maison familiale. En 1454, le roi Charles VII ordonna que toutes les coutumes locales sur le territoire français soient écrites afin que toutes les pratiques familiales et locales, privées ou publiques, deviennent officiellement institutionnalisées et légales. Suite à cet ordre, des officiers du roi furent chargés de produire des documents écrits et officiels sur les coutumes des trois provinces basques, ce qui fut fait pour le Labourd10, la Basse- Navarre11, et la Soule12, tous publiés pour la première fois à la fin du XVe siècle ou le début du XVIe siècle. Jusqu'à la Révolution française. ces coutumes ne furent jamais remises en cause par les autorités locales, régionales ou nationales car elles préservaient la paix dans les familles, la stabilité économique des communes, et l'harmonie dans toutes les provinces du royaume.

7 Les articles coutumiers qui nous intéressent ici sont ceux relatifs aux pratiques familiales, qui déterminaient les structures de la famille et son fonctionnement. Les quatre règles essentielles à la survie de la famille concernaient le choix de l'héritier (celui de l'aînesse intégrale), le choix du conjoint de l'héritier, le moment et les conditions choisis pour le mariage de l'héritier, et les droits des cohéritiers. Selon les coutumes, les familles n'avaient pas réellement la possibilité de choisir l'héritier parmi tous leurs enfants car l'aîné des enfants, fille ou garçon, détenait des droits d'aînesse intégrale qui ne pouvaient lui être retirés, sauf en cas de désaccord, de désobéissance parentale ou d'impossibilité physique ou mentale. Effectivement, les coutumes protégeaient les droits des aînés sur la maison et le patrimoine familial et garantissaient leur supériorité sur ses frères et sœurs cadets. Lorsque l'héritier se remariait, les droits d'aînesse étaient réservés à l'aîné des enfants du premier mariage, même si les enfants du premier mariage étaient tous des filles et que ceux du second mariage comprenaient des garçons. Ainsi, selon les coutumes ancestrales basques, les filles aînées étaient considérées de la même manière que les fils aînés, jouissaient des mêmes droits que les fils aînés, et jouaient un rôle aussi important dans la maison. Elles participaient aux décisions concernant l'exploitation familiale et son devenir, et avaient une responsabilité toute aussi importante sur le choix de l'héritier et la transmission du patrimoine d'une génération à l'autre.

8 Bien que propriétaire de ses biens, l'héritier ne pouvait disposer du patrimoine familial comme bon lui semblait. Il ne pouvait choisir l'héritier qu'il souhaitait, son rôle se limitant à celui de responsable ou de régisseur des biens, se devant de préserver la paix dans le foyer en transmettant la maison et les terres intactes à l'aîné des enfants. Ainsi, ils étaient propriétaires des biens immobiliers que leurs parents leur avaient transmis,

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mais ne pouvaient en disposer librement. Pour vendre, ils devaient obtenir le consentement des parents (s'ils vivaient encore) et celui des cohéritiers ascendants, collatéraux et descendants (le cas échéant). Tant qu'ils ne percevaient pas de dot ou de dédommagement pour leur part de l'héritage, les cohéritiers préservaient leurs droits de décision sur le fonctionnement de l'exploitation familiale et sur le devenir du patrimoine familial. L'héritier et sa famille se devaient de vivre et de travailler avec les parents donateurs. Ils partageaient les responsabilités, les dépenses et les revenus de l'exploitation. L'association, ainsi créée, était une « association de coseigneurie », où les héritiers parents et enfants participaient ensemble à l'administration du patrimoine familial, partageaient les revenus de l'exploitation et cohabitaient dans la maison que l'héritier avait héritée. Les structures de la famille étaient donc complexes, deux générations d'individus vivant ensemble avec parfois des cohéritiers célibataires à chaque génération. Cette structure était celle de la famille souche qui s'imposa pendant des siècles et qui, comme nous le verrons, perdura pendant tout le XIXe siècle, voire même pendant le XXe siècle.

9 Les responsabilités qui pesaient sur l'héritier pour préserver la maison et le patrimoine intacts et les transmettre indivis à la génération suivante étaient telles que les parents donateurs se devaient de choisir le bon moment et la bonne personne pour leur succéder. Ils n'avaient pas le choix quant à l'héritier, le premier né, fille ou garçon, détenant tous les droits sur la succession. Néanmoins, ils devaient choisir le moment du mariage de l'héritier ou de l'héritière, son conjoint, et la manière la plus sûre pour assurer la survie de la maison et sa transmission à la génération suivante. L'héritier devait se marier suffisamment jeune pour avoir une descendance mais pas trop jeune pour ne pas avoir un trop grand nombre d'enfants à dédommager ensuite. L'héritier se mariait généralement assez tard, plus tard parfois que certains de ses cohéritiers et après le départ de certains d'entre eux de la maison. Ces deux dernières conditions étaient nécessaires pour qu'il y ait suffisamment de place pour abriter l'héritier et sa famille et que les revenus puissent permettre à tous les résidents de la maison de survivre. Pour le départ des cohéritiers, la famille prévoyait une aide ou une dot, grâce à la dot du conjoint du jeune héritier. L'argent se faisant rare à l'époque, certains cohéritiers étaient autorisés à vivre célibataire dans la maison familiale. Ces derniers, non dotés, préservaient un « droit de chaise » et participaient quelque peu aux décisions familiales. C'est pourquoi le choix du conjoint de l'héritier était aussi important. Il devait vivre avec ses beaux-parents, accepter de leur obéir, et se soumettre à l'autorité de son conjoint. En outre, ce conjoint devait apporter une dot suffisamment importante pour dédommager au mieux un ou plusieurs cohéritiers qui dès lors quittaient la maison et permettaient à l'héritier ou à l'héritière de contrôler l'intégralité du patrimoine hérité. Ces règles semblaient être rigoureusement appliquées jusqu'à la Révolution française13, mais furent remises en cause par le Code Civil qui imposait une égalité stricte entre les cohéritiers. Quelles furent donc les conséquences du Code Civil sur ces pratiques au XIXe siècle, notamment sur l'aînesse intégrale et les modalités de transmission du patrimoine ?

Le choix de l'héritier

10 Dans notre analyse des pratiques familiales au Pays Basque au XIXe siècle, nous avons élaboré une méthode basée sur les reconstitutions de famille, le but étant de

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déterminer le nombre de descendants, le choix de l'héritier, et les modalités de transmission du patrimoine. Pour cela, nous avons choisi 120 couples qui se sont mariés dans six villages différents du Pays Basque : un en Labourd (Sare), quatre en Basse Navarre (Les Aldudes, Mendive, Isturits et Amendeuix) et un en Soule (Alçay)14. Nous avons donc sélectionné vingt couples par village, tous mariés dans la première décennie du XIXe siècle. Leurs enfants sont nés pendant la période se situant entre 1830 et 1860 et leurs grands enfants entre 1860 et 1900. Pour reconstituer ces familles, nous avons utilisé l'état civil de quasiment tous les villages du Pays Basque, les chefs-lieux de canton, Bayonne et Pau. Au total, nous avons reconstitué les destins d'environ 3000 personnes. Ensuite, nous avons consulté le Cadastre, l'enregistrement et tout particulièrement les mutations après décès, les archives notariales nous étant apparues incomplètes, notamment pour certaines communes telles que Sare15. Grâce à ces sources, nous nous sommes efforcés de déterminer le choix de l'héritier à chaque génération, le destin des cohéritiers, et les modalités de transmission du patrimoine des familles propriétaires pendant trois générations (entre 1800 et le début du XXe siècle).

11 L'analyse des 120 familles ainsi reconstituées fait apparaître qu'effectivement l'héritage unique, bien qu'illégal après l'instauration du Code Civil en 1804, était toujours une pratique courante au Pays Basque pendant toute la période étudiée. Néanmoins, par rapport à l'Ancien Régime, les modalités de cet héritage unique ont considérablement évolué permettant à davantage de filles, aînées ou cadettes, d'hériter du patrimoine familial. L'analyse ci-dessous montrera que les familles dans certains villages respectaient rigoureusement les coutumes ancestrales de l'aînesse intégrale, transmettant leur patrimoine au premier né des enfants, garçon ou fille, tandis que dans d'autres villages, les familles transmettaient de plus en plus souvent leur patrimoine à un enfant cadet, notamment des filles cadettes, comme les tableaux 1 et 2 ci-dessous le montrent.

12 À travers l'analyse des 120 reconstitutions de famille, nous avons pu identifier les comportements des 120 couples (première génération), ceux de leurs enfants (héritiers ou non héritiers) dans la première moitié du siècle, jusque 1860 (seconde génération) et ceux de leurs descendants après 1860 et jusqu'au début du XXe siècle (troisième génération). Nous avons constaté que pendant la totalité du XIXe siècle, les familles ont continué à transmettre la maison familiale et les terres à un seul enfant, en dépit de la mise en place du Code Civil et de l'obligation d'égalité de transmission auxquelles les parents devaient se soumettre à l'égard de tous leurs enfants. Cependant les modalités de cette transmission ont considérablement évolué au cours du siècle, comme nous allons le démontrer.

13 Dans la première moitié du XIXe siècle, la très grande majorité des 120 couples a transmis les biens à l'enfant premier né, fille ou garçon, comme dans les coutumes, une transmission qui avait généralement lieu entre 1830 et 1860, en partie lors de la signature du contrat de mariage et le reste ensuite, voire au moment du décès des deux parents donateurs. Selon les données que nous avons récoltées, les deux tiers des héritiers étaient choisis parmi les enfants premiers nés : 21 (soit 52,5%) étaient des filles aînées et 19 (soit 47,5%) des fils aînés (voir Tableau 1). Ainsi, dans la première moitié du XIXe siècle, les familles basques s'efforçaient de transmettre la maison et les terres à un enfant et ce dernier était généralement le premier né des enfants, fille ou garçon, comme les pratiques ancestrales et les coutumes le préconisaient. L'aînesse

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intégrale était de ce fait toujours une réalité dans la première moitié du XIXe siècle, un système unique en France à la fois pendant l'Ancien Régime et après la Révolution française. En effet, les filles aînées étaient même un peu plus nombreuses que les fils aînés à hériter, ces derniers n'hésitant pas à quitter la maison familiale pour épouser une héritière ou à émigrer. Parmi les 20 héritiers cadets, la plupart était des hommes, soit 12 hommes (voir Tableau 1). Ces cadets ont hérité du patrimoine familial car l'aîné de la famille a choisi un autre destin : cinq fils aînés ont épousé des héritières, deux sont restés célibataires dans la maison familiale (ne pouvant ou ne souhaitant pas assumer la responsabilité de la transmission), et cinq ont émigré en Amérique. Parmi les cinq filles aînées qui n'ont pas hérité, une a épousé un artisan aisé, une autre a hérité du patrimoine d'une autre lignée de la famille sans descendance, une est entrée au couvent, et enfin, quatre autres ont eu des enfants hors mariage et se sont probablement mariées sans le consentement de leurs parents. Qu'est-ce qui explique ces comportements différentiés ?

14 Tableau 1

L'aînesse intégrale dans la première moitié du XIXe siècle : seconde génération

15 Dès la première moitié du XIXe siècle, le développement économique, l'industrialisation, l'urbanisation et l'émigration ont permis à quelques héritiers légitimes, les premiers nés des enfants, d'envisager un destin individuel autre que celui d'héritier. Ils ont pour certains épousé des héritiers ou des héritières, souvent plus aisés, ou ont émigré en Amérique. Quoi qu'il en soit, les héritiers désignés ne pouvaient en aucun cas remettre en cause l'autorité parentale, comme dans l'Ancien Régime, car ils n'étaient toujours pas libres d'épouser la personne de leur choix sans le consentement des parents. Ainsi, les pratiques ancestrales perduraient dans la première moitié du XIXe siècle avec notamment l'héritage unique (dans tous les cas), l'aînesse intégrale (dans les deux tiers des cas), et le consentement parental nécessaire pour se marier et hériter. Ces pratiques démontraient une volonté déterminée et une capacité infaillible à assurer la continuité des traditions et de la succession en dépit des nouvelles lois égalitaires. Néanmoins, de nouvelles pratiques et de nouveaux comportements ont fait leur apparition. Dans ce cas, ils obtenaient une compensation financière conséquente, une dot souvent élevée pour le dédommagement de tous les droits d'héritier. Ils se mariaient à un plus jeune âge que s'ils attendaient d'hériter de la maison et des terres après le départ de quelques cadets. Grâce à la dot élevée, ils épousaient des héritières souvent aisées, propriétaires de biens plus importants que ceux de leurs parents. Par ailleurs, les autres s'en allaient avec leur dot, l'industrialisation en France et en Amérique, couplée à une plus grande liberté de mouvement après la Révolution Française, les détournant des obligations d'héritier de la maison. La plupart allaient chercher fortune en Amérique, leur dédommagement leur permettant de s'y installer relativement confortablement. Dès la première moitié du XIXe siècle, nous observons que des héritiers étaient prêts à renoncer à leurs droits d'héritier afin de jouir d'une plus grande liberté professionnelle (pour les émigrants) ou matrimoniale (pour les femmes ayant des enfants illégitimes). Ces quelques cas,

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relativement rares dans la première moitié du XIXe siècle, sont révélateurs de changements dans les comportements des Basques dans la seconde moitié du XIXe siècle. De quelle manière ces nouveaux comportements ont-ils évolué dans la seconde moitié du XIXe siècle ?

16 Les hommes et femmes qui ont hérité du patrimoine de leurs parents entre 1830 et 1860 ou qui ont épousé des héritières ou des héritiers dans la première moitié du siècle ont comme leurs ancêtres transmis la maison familiale et les terres à un seul enfant après 1860, reproduisant ainsi les pratiques de leurs parents en matière d'héritage unique. Cependant, ces familles se ne limitaient pas à l'aînesse intégrale ou à la transmission du patrimoine à l'aîné des enfants, fille ou garçon. Au lieu de cela, ils choisissaient leur héritier unique parmi un de leurs enfants, aîné ou cadet, fille ou garçon, de telle sorte que, dans la seconde moitié du XIXe siècle, les pratiques ancestrales de l'aînesse intégrale n'étaient plus aussi rigoureusement appliquées. Effectivement, à peine plus de la moitié des familles a transmis le patrimoine familial à l'enfant premier né, fille ou garçon, soit au total 47 familles sur 86 (54,7% des cas). Parmi les 47 aînés, 30 étaient des filles (soit 63,8%) et 17 seulement des garçons (soit 36,2%) (voir Tableau 2). Les données ici présentées démontrent une évolution remarquable dans les modalités des pratiques successorales dans la première moitié du siècle car les filles aînées étaient deux fois plus nombreuses à hériter du patrimoine familial que les fils aînés. Elles avaient donc beaucoup plus de chance que les fils aînés de devenir « maîtresses » du patrimoine familial à cause principalement du départ définitif des fils aînés qui, bien dotés, renonçaient à leurs droits d'aînés.

L'aînesse intégrale dans la seconde moitié du XIXe siècle : troisième génération

17 Parmi les 39 aînés qui n'ont pas hérité, 15 sont partis en Amérique où parfois un oncle avait émigré avant eux. Avant leur départ, ils ont reçu un dédommagement conséquent pour leur part d'héritage, ce qui leur a permis de financer confortablement leur voyage et leur installation en Amérique. Par ailleurs, 5 aînés, filles ou garçons, ont reçu une dot conséquente pour épouser un héritier ou une héritière aîsé(e). Cette dot constituait un avancement successoral définitif antérieur à leur mariage. Cette solution était souvent appréciée par les aînés qui ne souhaitaient pas se marier tard et qui évitaient ainsi d'attendre le départ définitif de quelques cadets. En outre, grâce à une dot importante, ils épousaient des héritiers ou héritières plus aisés. Après leur départ, l'enfant deuxième né devenait l'héritier de la maison. Plus rare, six aînés, filles ou garçons, ont renoncé à leurs droits parce qu'ils refusaient d'assumer les responsabilités d'héritier ou étaient jugés incompétents. Ce n'est pas pour cette raison qu'ils étaient contraints à quitter la maison familiale. Au contraire, ces aînés vivaient célibataires dans la maison jusqu'à la fin de leurs jours. Ainsi, les familles basques semblaient avoir des idées bien définies sur les droits, les responsabilités et les obligations des héritiers, refusant que ces derniers agissent sans le consentement des parents. Effectivement, 8 héritières potentielles n'ont pas hérité car elles avaient conçu leur premier enfant avant le mariage (croyant peut-être forcer les parents à consentir à leur mariage ensuite). Les parents dans ce cas leur retiraient les droits réservés à l'aîné. Enfin, 4 héritiers désignés

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ont renoncé à l'héritage car ils sont entrés dans les ordres ou ont choisi la carrière de fonctionnaire. Pour toutes les raisons présentées ci-dessus, les filles aînées étaient plus nombreuses à hériter du patrimoine familial que les fils aînés. D'autres raisons justifiaient-elles ces choix ?

Les héritières, aînées de la famille

18 Les filles aînées avaient davantage de chance que les fils aînés d'hériter du patrimoine familial pour plusieurs raisons. D'une part, dans la seconde moitié du XIXe siècle, les ressources économiques dans le monde rural basque étaient limitées et ne permettaient à quasiment aucun jeune propriétaire de s'installer dans le village. À partir du Cadastre16, l'on se rend compte que le marché de la terre était figé et que les ventes de parcelles de terre étaient rares. Par conséquent, seuls les héritiers et leurs conjoints pouvaient espérer vivre décemment du travail de la terre et de ses revenus dans les villages. Les autres devaient partir.

19 Par ailleurs, certains aînés renonçaient à l'héritage car ils envisageaient d'autres destins, notamment ceux disponibles sur le marché du travail en milieu urbain. Ils se sont donc installés dans les villes locales ou régionales où les besoins en main d'oeuvre artisanale qualifiée étaient grands, notamment à Bayonne dans les métiers liés aux constructions navales. Ce qui a enfin détourné le plus grand nombre d'aînés de l'héritage était avant tout lié aux opportunités offertes en Amérique, l'El Dorado où ils pensaient faire fortune en peu de temps, notamment en Argentine et en Uruguay, mais aussi au Chili, au Mexique, à Cuba, aux Etats-Unis, et au Canada17. C'était aussi un moyen pour de nombreux jeunes Basques d'éviter le service militaire. Effectivement, le nombre de déserteurs dans le département des Basses-Pyrénées au XIXe siècle était un des plus élevés en France.

20 Il est difficile de déterminer avec certitude si les aînés, filles ou garçons, se retiraient volontairement de la succession, étaient encouragés à quitter la maison ou étaient exclus de l'héritage. Ce qui est certain c'est que quelques filles aînées et beaucoup de fils aînés au XIXe siècle ne respectaient pas les traditions de l'aînesse intégrale. Qui héritait donc à leur place ? Etait-ce l'enfant deuxième né, fille ou garçon, comme nous l'avons constaté dans la première moitié du XIXe siècle ? Les filles cadettes avaient- elles alors autant de chance que les fils cadets d'hériter du patrimoine familial ?

21 Trois conclusions ressortent des l'analyse des reconstitutions de famille et de leurs pratiques successorales dans la seconde moitié du XIXe siècle. En premier lieu, l'héritage unique indéniablement demeurait une pratique récurrente au sein de toutes les familles étudiées en dépit de la mise en place du Code Civil au début du XIXe siècle. Même lorsque les aînés, filles ou garçons, renonçaient à leurs droits d'héritier, les familles s'efforçaient de transmettre la maison et le patrimoine à un seul des enfants. Par conséquent, l'héritage unique a survécu à tous les changements liés à la nouvelle législation apparue après la Révolution Française, notamment celle du partage équitable et égal de tous les biens entre les héritiers imposé par le Code Civil. Pour atteindre cet objectif, les familles ont élaboré de nouvelles stratégies, sacrifiant parfois l'aînesse intégrale, mais faisant en sorte que la maison et les terres soient transmises intégralement à un seul enfant d'une génération à l'autre18.

22 En second lieu, lorsque les propriétaires choisissaient leur héritier parmi les cadets, les filles avaient autant de chance que les garçons d'hériter. Effectivement, pour assurer la

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succession à la place des 39 aînés, filles ou garçons (mais surtout garçons), qui se sont désistés, les familles ont choisi 19 filles cadettes (soit 48,7%) et 20 fils cadets (soit 51,3%), pour la plupart des cadets ou cadettes deuxième nés. Ainsi, même si parfois certains propriétaires transmettaient la maison et les terres à leur fille aînée, d'autres n'hésitaient pas à choisir des filles cadettes pour remplacer les aînés qui ont quitté la maison. C'était probablement un honneur d'hériter du titre d'héritier de la maison (etche jaun ou etche jauna)19, d'en prendre la responsabilité, et d'en assurer la transmission. La culture familiale traditionnelle était dûment transmise, notamment aux aînés qui connaissaient leurs droits de primogéniture sur les cadets. Lorsque les familles proposaient l'héritage aux cadets, ces derniers, en dépit de leur rang de naissance inférieur, ne résistaient pas. C'était une chance unique qu'ils n'avaient peut- être pas imaginée jusqu'à ce moment.

23 En troisième lieu, nous avons vu que les familles ne respectaient plus l'aînesse intégrale ou le droit de primogéniture sans distinction de sexe (fille ou garçon). À défaut de l'aîné, ils n'étaient pas non plus forcés de choisir l'enfant deuxième né, fille ou garçon. De plus en plus de propriétaires dans la seconde moitié du XIXe siècle transmettaient leurs biens à un des enfants, fille ou garçon, aîné ou cadet, ouvrant ainsi la succession à la compétition entre les cohéritiers. Dès lors, elles élaboraient de nouvelles stratégies qui consistaient à accorder les droits d'héritier à un des enfants, premier, second, troisième, quatrième ... né20. Il était peut-être souhaitable de transmettre le patrimoine familial à un cadet, fille ou garçon, afin d'éviter les mariages tardifs, le long célibat de l'aîné forcé d'attendre le départ de certains de ses cadets pour se marier et s'établir dans la maison avec le conjoint. Lorsque l'aîné renonçait à ses droits, il donnait la possibilité à ses parents de choisir l'héritier parmi les enfants les plus aptes, les plus dociles, voire même les plus soumis pour assurer les responsabilités de la transmission. Il est évident que les filles tenaient une place de choix dans ces critères. Ils n'avaient parfois pas le choix car les fils émigraient en Amérique. Les filles étaient les dernières à résider dans la maison et les plus disponibles à perpétuer les traditions familiales. Quoi qu'il en soit, les héritières (soit 57% des cas) étaient probablement préférées aux héritiers (soit 43% des cas) pour leur docilité, leur obéissance et leur attachement aux traditions (voir Tableau 2). En outre, par ce choix, les parents étaient quasiment certains que leur autorité parentale n'allait probablement jamais être remise en cause par une héritière, ni même par un gendre, tous deux soumis aux parents donateurs qui dès lors gardaient le contrôle de l'exploitation jusqu'à leur décès.

24 La question que nous devons nous poser est la suivante : était-ce si honorable au XIXe siècle de devenir héritier de la maison lorsque les jeunes héritiers ou héritières ne pouvaient disposer du patrimoine comme ils le souhaitaient et qu'ils devaient travailler toute leur vie pour récolter les sommes suffisantes pour dédommager les cohéritiers de leur part de l'héritage, comme la loi l'oblige ? Il semble que le statut d'héritier ou d'héritière demeurait enviable au XIXe siècle. Mais ce statut présentait quelques inconvénients. L'héritier ne pouvait se marier comme il le souhaitait. Il devait épouser une personne capable d'apporter une dot suffisamment importante pour dédommager un ou plusieurs cohéritiers et qui convienne aux parents. En outre, l'héritier devait parfois attendre plusieurs années avant de se marier, le temps que plusieurs co- héritiers quittent la maison et laissent leur place à la jeune famille. Enfin, les parents vivaient parfois longtemps et le jeune héritier et son conjoint devaient se soumettre à leur autorité et obéir à leurs décisions jusqu'à ce qu'ils prennent leur retraite ou décèdent. Le rôle d'héritier par conséquent ne présentait pas que des avantages, ce qui

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peut expliquer pourquoi certains ont choisi d'autres destins, notamment les aînées issues de familles de petits propriétaires qui ne possédaient que quelques ares de terres et dont les droits d'héritier ne leur apportaient que labeur et privation. C'est pourquoi les pratiques de l'héritage unique variaient considérablement selon les villages, la taille de la propriété à hériter, et le marché du travail.

Pratiques différenciées selon les villages et les propriétaires

25 Nous pouvons certes émettre des conclusions sur les comportements des familles et le choix des héritiers. Cependant, ces généralités ne s'appliquent pas exactement de la même manière selon les villages et les propriétaires.

26 Effectivement, dans certains villages, tels que Mendive et Isturits en Basse Navarre, les pratiques successorales des familles demeuraient proches de celles de l'Ancien Régime, la plupart respectant les traditions de l'aînesse intégrale en transmettant tout leur patrimoine à l'aîné des enfants, fille ou garçon, notamment dans la première moitié du XIXe siècle. Mendive était un village de montagne prospère, aux revenus agricoles élevés, proche de Saint-Jean-Pied-de-Port, où les exploitants pouvaient écouler leur surplus agricole et leurs bestiaux. Les exploitations étaient rentables et lorsque les aînés le pouvaient, ils acceptaient la succession. C'est pourquoi les aînés, filles ou garçons, renonçaient rarement à leurs droits d'héritiers, même dans la seconde moitié du XIXe siècle. La plupart des héritiers et des héritières étaient les fils et les filles aînées de la famille. De même, à Isturits, un village de plaine où les propriétaires agricoles étaient peu nombreux mais aisés. Les héritiers héritaient donc d'une exploitation très rentable et d'un statut social honorable au sein de la communauté. C'est pourquoi, là aussi, les aînés renonçaient rarement à leurs droits et à leur statut d'héritier pendant tout le siècle. Lorsque, à l'occasion, les héritiers n'acceptaient pas la succession, les familles choisissaient un fils cadet plutôt qu'une fille cadette, s'assurant que ce fils héritier soit travailleur et prenne grand soin de l'exploitation familiale et de sa transmission à la génération suivante. Dans ces deux villages prospères où les propriétaires agricoles étaient aisés, par conséquent, les pratiques de l'aînesse intégrale restaient intactes pendant toute la période.

27 Les comportements des propriétaires étaient totalement différents dans les villages pauvres et isolés dans les montagnes où les exploitations agricoles étaient pour la plupart de petite taille et parfois de taille moyenne, mais où tous les enfants ne pouvaient espérer s'établir. Les hommes n'hésitaient pas à quitter la maison familiale pour aller s'installer en ville ou en Amérique. C'est pourquoi les familles choisissaient leur héritier parmi les filles, première née ou cadette. C'est le cas des Aldudes en Basse Navarre et d'Alçay en Soule. Effectivement, les parents encourageaient les fils au départ définitif de la maison, profitant d'un petit dédommagement successoral pour s'installer ailleurs, notamment en Amérique. C'est ainsi qu'à mesure que le temps passait, de plus en plus de fils aînés, accompagnés de leurs frères cadets, émigraient en Amérique, en renonçant à leurs droits d'aînés et faisant bénéficier leurs sœurs cadettes. Aux Aldudes, aucun des fils aînés n'a pris la succession de l'exploitation familiale dans la première moitié du XIXe siècle car ils ont tous émigré en Amérique (en Argentine ou en Uruguay généralement, mais aussi au Mexique et en Amérique du Nord à la fin du siècle). L'Amérique offrant des opportunités professionnelles à mobilité sociale ascendante, de

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plus en plus de fils aînés ou cadets originaires des Aludes émigraient, laissant l'exploitation familiale à une des sœurs, aînées ou cadettes. Cette situation a persisté pendant tout le siècle car les opportunités en Amérique étaient de plus en plus grandes, notamment dans l'élevage et l'artisanat, et cela leur permettait dans le même temps d'éviter le service militaire. Les hommes d'Alçay n'ont commencé à émigrer en Amérique que dans la seconde moitié du siècle. C'est pourquoi dans la première moitié du siècle, peu de fils aînés ont renoncé à leurs droits. Cependant dans la seconde moitié du siècle, la plupart des fils aînés a renoncé à la succession, préférant émigrer en Amérique, laissant alors la responsabilité de l'exploitation à une des sœurs cadettes. C'est dans les villages (souvent pauvres et isolés) où l'émigration était la plus forte et la plus précoce dès le début du XIXe siècle que nous avons constaté la présence d'un grand nombre d'aînés ayant renoncé à leurs droits d'héritier. Ces derniers se sont très tôt détournés des pratiques ancestrales de l'aînesse intégrale. Dans ces circonstances seulement, les filles, aînées ou cadettes, héritaient de la maison et des terres à la place des fils.

28 Entre les villages qui respectaient scrupuleusement les pratiques de l'aînesse intégrale (Mendive et Isturits) et ceux qui s'en détournaient totalement (aux Aldudes et Alçay), il y avait d'autres villages, ceux qui indifféremment choisissaient leurs héritiers parmi les aînés ou les cadets, filles ou garçons. C'était le cas de Sare en Labourd et Amendeuix en Basse Navarre. Sare était un village aisé sur le flan ouest des Pyrénées, près de plusieurs marchés locaux, dont celui de Saint-Jean-de-Luz. Les propriétaires, relativement aisés, respectaient rigoureusement les pratiques de l'aînesse intégrale, transmettant les biens de famille à l'aîné des enfants, fille ou garçon, dans la première moitié du siècle. Cependant, l'Amérique commença à attirer les jeunes surtout après 1860, ce qui, dans la seconde moitié du siècle, contraignit les propriétaires à choisir leurs héritiers parmi tous leurs enfants, aînés ou cadets, filles ou garçons. À Amendeuix, enfin, les quelques propriétaires n'ont transmis leurs biens qu'à des filles cadettes dès la première moitié du siècle. À la génération suivante, les propriétaires ont transmis leurs biens à l'aîné des enfants, généralement des filles ou bien alors aux fils cadets. Quoiqu'il en soit, à Sare comme à Amendeuix, les familles ne respectaient qu'en partie les traditions de l'aînesse intégrale, 50% étant des aînés, filles ou garçons, et 50% des cadets, filles ou garçons.

29 Des observations ci-dessus, nous pouvons déduire qu'au cours du XIXe siècle, de plus en plus de fils aînés renonçaient à leurs droits d'héritier et par conséquent laissaient leur place à des frères ou à des sœurs cadettes. Les raisons de cette évolution dans les comportements des aînés sont multiples : les opportunités économiques limitées dans les campagnes du Pays Basque au XIXe siècle, l'industrialisation et l'urbanisation en France, le développement de la fonction publique, mais aussi les opportunités en Amérique, notamment en Argentine et en Uruguay (et plus tard au Mexique et en Amérique du Nord), une façon de faire fortune peut-être et d'éviter le service militaire. C'est dans ces circonstances que de plus en plus de femmes, aînées ou cadettes, ont hérité du patrimoine familial, ce qui convenait parfois aux parents qui pouvaient se permettre de choisir la fille la plus volontaire, docile et soucieuse des traditions pour leur succéder. Il est impossible de dire si les parents choisissaient une fille par nécessité (le départ définitif de tous les fils aînés ou cadets) ou par choix (une fille cadette et un gendre se montrant plus obéissants). Ce qui est certain c'est que, dans leurs pratiques de l'héritage unique, ils étaient prêts à sacrifier les pratiques ancestrales de l'aînesse intégrale, soucieux de transmettre les biens à un seul enfant et de protéger la viabilité

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économique de l'exploitation familiale d'une génération à l'autre. Cette situation n'était possible qu'avec l'accord de tous les cohéritiers que l'héritier dédommageait d'une somme d'argent, une compensation inférieure à leur part légale de l'héritage mais suffisante pour s'établir comme gendre ou belle-fille dans une autre propriété de la commune, ou partir s'installer en ville ou en Amérique.

30 Les conséquences de cette évolution est le départ de beaucoup d'hommes et de femmes originaires des villages ruraux du Pays Basque. Le départ de tous ces cohéritiers a nécessité la mise en place de nouvelles stratégies relatives aux modalités de transmission du patrimoine, qui obligeaient les familles à dédommager plus ou moins équitablement tous les cohéritiers afin que certains épousent des héritiers et d'autres s'installent ailleurs dans le milieu rural, en ville ou en Amérique. L'analyse de ces modalités successorales fera l'objet d'une étude ultérieure. Quoi qu'il en soit, les cohéritiers y trouvaient probablement leur compte, voulant éviter la mise en vente du patrimoine familial, qui, après remboursement des frais ne leur apporterait pas forcément davantage que la dot qu'ils avaient perçue. Le départ des cohéritiers affectait inévitablement les structures familiales. Contrairement à ce qu'a affirmé Frédéric Le Play, la famille souche n'était pas en voie de disparition. Bien au contraire, les parents cohabitaient avec l'héritier, son conjoint et leurs enfants jusqu'à leur décès. Cependant, les structures familiales étaient rarement aussi complexes que dans le passé car rares étaient les cohéritiers célibataires qui au XIXe siècle cohabitaient dans la maison familiale après le mariage de l'héritier ou de l'héritière. Dans ce cas, les structures complexes de la famille souche n'existaient que lors de cette cohabitation, une cohabitation plus ou moins longue selon la longévité des parents21. Au décès des parents anciens, la famille ne se composait plus que du couple, dont l'héritier et son conjoint, et leurs enfants et ce, jusqu'à ce que l'héritier de la génération suivante soit autorisé à se marier et à s'établir dans la maison22.

Conclusion

31 L'aînesse intégrale, cette pratique successorale traditionnelle qui avait pour but de préserver la maison et les terres intactes et de les transmettre intégralement à l'aîné des enfants, fille ou garçon, est devenue une pratique de moins en moins courante à la fin du XIXe siècle. Bien que souhaitées par les familles, les coutumes ne pouvaient plus être mises en pratique de la même manière que pendant l'Ancien Régime. En fait, les biens étaient transmis indifféremment à un fils ou une fille, qu'il soit aîné ou cadet. Vers la fin du siècle, les filles, aînées ou cadettes, avaient parfois même plus de chance que les fils d'hériter de la maison et des terres. Grâce à elles, l'exploitation familiale restait viable et était transmise intégralement à la génération suivante. Les fils étaient parfois si nombreux à quitter la maison ou le village qu'il était peut-être difficile de trouver un successeur. Au lieu de cela, ils préféraient épouser une héritière plus aisée ou émigrer en Amérique. Heureusement, les filles cadettes étaient disponibles pour assurer les responsabilités et la succession de l'exploitation en l'absence des fils émigrés en Amérique. Quoi qu'il en soit, les familles ont préservé l'aspect vital des pratiques ancestrales, l'héritage unique, en préservant le patrimoine intact d'une génération à l'autre. Bien que l'aînesse intégrale ne soit plus le modèle unique de transmission du patrimoine au XIXe siècle, l'héritage unique par les filles, aînées ou cadettes, était devenu une pratique particulièrement répandue, notamment dans

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certains villages tels que Les Aldudes et Alçay où les exploitations étaient généralement petites, les possibilités d'expansion économique limitées, et l'émigration en Amérique très répandue. Les garçons émigraient pour faire fortune et améliorer leurs conditions de vie ou pour éviter le service militaire obligatoire, voire les deux raisons à la fois. S'ils n'émigraient pas, ils épousaient généralement une héritière plus aisée qu'eux, issue d'une maison plus grande que celle de leurs parents, et amélioraient ainsi leur statut dans le village. Quoi qu'il en soit, de moins en moins d'hommes héritaient du patrimoine familial, préférant laisser à une de leurs sœurs le soin d'assurer les responsabilités de la maison, des terres et de l'héritage. Les fils allaient chercher ainsi le moyen d'améliorer leurs conditions de vie dans le village (comme gendre), en ville (comme artisans) ou à l'étranger. C'était une aubaine pour les filles, notamment les cadettes, qui sans cela n'auraient jamais eu l'occasion d'hériter de la maison et des terres. Les parents eux gardaient le contrôle de la maison pendant toute leur vie, certains que les filles et leurs conjoints obéiraient à leurs ordres jusqu'à la transmission définitive des biens familiaux (à leur décès).

32 Ainsi, les familles ont su utiliser les coutumes et le Code Civil pour mettre en place de nouvelles stratégies afin de préserver l'héritage unique, sacrifiant néanmoins les pratiques ancestrales de l'aînesse intégrale. Ce qui est certain, c'est que les parents gardaient le contrôle de la maison et des terres jusqu'à leur décès en attendant de trouver des solutions pour éviter le partage égalitaire des biens entre les cohéritiers. C'était le rôle des jeunes héritiers de trouver le moyen de dédommager les frères et les soeurs qui ne percevaient pas un dédommagement équitable pour leur part d'héritage, mais suffisant pour qu'ils puissent s'installer ailleurs. La maison devait être préservée coûte que coûte, même si parfois cela passait par l'absence de dédommagement. Lorsque les hommes et les femmes avaient l'occasion d'épouser une héritière ou d'hériter, ils acceptaient, les hommes pour améliorer leurs conditions en épousant une héritière plus aisée et les femmes en héritant d'une maison et de terres et donc d'un statut qu'elles n'auraient jamais pu avoir si les fils aînés ne s'étaient pas désistés à leur profit. Ces pratiques de l'héritage unique, sans distinction de sexe et de rang de naissance, mettaient certes en péril les coutumes ancestrales de l'aînesse intégrale, mais elles semblaient satisfaire tout le monde, les parents, les fils et les filles à la fois, qui y trouvaient leur compte tout en assurant l'indivisibilité de la maison et des terres appartenant à la famille depuis plusieurs générations.

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NOTES

1. Voir les typologies des modes de transmission présentées par Jean Yver, Essai de géographie coutumière (Paris : Editions Sirey, 1966) ; Emmanuel Le Roy Ladurie, « Système de la coutume. Structures familiales et coutume d'héritage en France au XVIe siècle », Annales ESC, 4-5, 1972, 825-846 ; André Burguière, « Pour une typologie des formes d'organisation domestique de l'Europe moderne (XVIe - XIX e siècles), Annales ESC., 3, 1986, 639-655 ; Louis Assier-Andrieu, « Coutume savante et droit rustique. Sur la légalité paysanne », Etudes Rurales, 103-104, 1986, 105-137 ; Pierre Lamaison, « La diversité des modes de transmission : une géographie tenace », Etudes Rurales, 110-112, 1988, 119-175 ; Bernard Derouet, « Pratiques successorales et rapport à la terre : les sociétés paysannes d'Ancien Régime », Annales E.S.C., 1, 1989, 173-206. 2. Prochainement sera publié l'ouvrage de Christine Lacanette-Pommel, Les Béarnais et le Code Civil. Etude des pratiques successorales et matrimoniales dans les Pyrénées (1789-1840), Toulouse, thèse de troisième cycle en droit, Université des Sciences Sociales, 1998. 3. Antoinette Fauve-Chamoux, « Les frontières de l'auto-régulation paysanne : croissance et famille-souche », Revue de la Bibliothèque Nationale, 1993, 50, p. 38-47 & « Les structures familiales au royaume des familles-souches : Esparros », Annales ESC, 1984, XXXIX, 3, p. 513-528. Voir aussi l'ouvrage sur les Baronnies, ouvrage collectif dirigé par I. Chiva & J. Goy, Les Baronnies des Pyrénées. Maisons, mode de vie, société, Paris, EHESS, 1981, ainsi que Les Baronnies des Pyrénées. Maisons, espace, famille, Paris, EHESS, 1986. 4. Voir les ouvrages de Louis Assier-Landrieu, Le peuple et la loi. Anthropologie historique des droits paysans en Catalogne française, Paris, Librairie de droit et de jurisprudence, 1987 & Coutume et rapports sociaux. Etude anthropologique des communautés paysannes du Capcir, Paris, Editions du CNRS, 1981. 5. Concernant les études des systèmes successoraux dans le Sud Ouest de la France, consulter les ouvrages suivants : Jacques Poumarède, Les Successions dans le Sud-Ouest de la France au Moyen Age, Paris, Presses universitaires de France, 1972 ; Anne Zink, L'Héritier de la maison. Géographie coutumières du Sud-Ouest de la France sous l'Ancien Régime, Paris, EHESS, 1985 ; Maïté Lafourcade, Mariages en Labourd sous l'Ancien Régime. Les contrats de mariage du Pays de Labourd sous le règne de Louis XVI (étude juridique et sociologique), Bilbao, Universidad del Pais Vasco, 1989. 6. Pour une typologie des modalités successorales en France dans l'Ancien Régime avec une bibliographie complète, voir l'article de Bernard Derouet, « Pratiques successorales et rapport à la terre : les sociétés paysannes d'Ancien Régime », Annales E.S.C., 1, 1989, 173-206. 7. Les communes basques étaient généralement petites et leur potentiel économique limité en raison de la présence de montagnes, souvent peu exploitables. Chaque exploitation familiale était pour la plupart petite ou moyenne et ne pouvait survivre que si elle restait intacte et indivis. En raison de ces conditions économiques limitées, les familles avaient établi des pratiques successorales qui empêchaient le partage du patrimoine et permettaient à l'aîné des enfants, fille ou garçon, comme nous l'avons vu ci-dessus, d'hériter de la maison et du patrimoine et ainsi assurer la survie de la lignée et de l'exploitation d'une génération à l'autre. Les familles avaient pour responsabilité première de préserver ce patrimoine intact et de le transmettre intact ou

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amélioré à la génération suivante. Non seulement la survie de la famille en dépendait, mais aussi l'équilibre économique des communes. Ces dernières ne pouvaient se permettre de voir les fermes se multiplier et pour cela, les familles devaient trouver toutes les solutions possibles, non seulement pour transmettre le patrimoine à un seul héritier, mais aussi pour assurer l'avenir des cohéritiers de l'héritier unique grâce à un dédommagement financier qui facilitait leur installation dans la commune ou ailleurs. 8. Frédéric Le Play souligne les effets négatifs du Code Civil qui oblige les parents à partager leur biens équitablement entre tous les enfants. Il démontre qu'à cause de cela, les familles devaient souvent vendre le patrimoine pour pouvoir dédommager tous les héritiers équitablement, multipliant ainsi le nombre de petits propriétaires qui ne pouvaient vivre de leur terre et qui donc vendaient leurs biens et quittaient le village. De cette situation, il en résulte la disparition progressive de nombreuses maisons et la remise en cause de la famille souche, bastion de la stabilité économique et démographique des villages pyrénéens. Frédéric Le Play, L'organisation de de la famille selon le vrai modèle signalé par l'histoire de toutes les races et de tous les temps, Paris, Tequi, 1871. & La réforme sociale en France déduite de l'organisation comparée des peuples européens, Paris, Dentu, 1878. 9. Voir le débat concernant les effets du Code Civil dans l'article de Marie-Pierre Arrizabalaga, « The stem family in the French Basque Country : Sare in the nineteenth century », Journal of Family History, vol. 22, 1, 1997, 50-69 & « Structures familiales et destins migratoires à Sare au XIXe siècle », Lapurdum, II, 1997, 237-255. 10. Voir textes publiés dans Coutumes générales, gardées et observées au Pais et baillage de Labourt, et reffort d'icelui, Bordeaux, J-B Lacornée, 1760. 11. Voir textes publiés et commentés par Jean Goyeneche, For et coutumes de Basse-Navarre, Bayonne, Elkar, 1985. 12. Voir textes publiés par Michel Grosclaude, La Coutume de la Soule. Traduction, notes et commentaires, Saint-Etienne-de-Baïgorry, Izpegi, 1993. 13. Voir les études faites sur les pratiques successorales au Pays Basque sous l'Ancien Régime à partir de l'analyse des contrats de mariage et des testaments par Anne Zink, L'Héritier de la maison. Géographie coutumières du Sud-Ouest de la France sous l'Ancien Régime, Paris, EHESS, 1985 & Maïte Lafourcade, Mariages en Labourd sous l'Ancien Régime. Les contrats de mariage du Pays de Labourd sous le règne de Louis XVI (étude juridique et sociologique), Bilbao, Universidad del Pais Vasco, 1989. 14. Le choix des villages fut déterminé par rapport à la qualité des sources. Pour pouvoir reconstituer les familles, il fallait que l'état civil du village choisi soit complet, ainsi que celui des villages environnants. Un grand nombre de villages, notamment en Soule, faisait apparaître des lacunes importantes. Nous avons donc choisi davantage de villages de Basse Navarre. En outre, nous souhaitions comparer les comportements des populations des villages de montagne à ceux des villages de plaine, de préférence éloignés des villes côtières. 15. Après avoir consulté les index des archives notariales de la commune d'Espelette, nous nous sommes rendu compte que tous les contrats de mariage et les testaments concernant les familles de Sare et établis au XIXe siècle étaient manquants. Ils ont systématiquement été retirés des archives et demeurent introuvables à ce jour. Ils ont probablement été détruits. 16. L'analyse systématique du Cadastre dans les six villages étudiés et les villages qui les entourent a démontré que le marché de la terre restait figé et que les nouvelles maisons étaient rares. Dans la seconde moitié du siècle, peu de terres étaient mises en vente et les terres communales n'étaient pas disponibles à la vente. Ainsi, ceux qui n'héritaient pas du patrimoine familial ou qui n'épousaient pas des héritiers ou des héritières ne pouvaient imaginer acquérir des terres et se construire une maison dans le village. 17. Lire l'ouvrage de William A. Douglass & Jon Bilbao, Amerikanuak. Basques in the New World, Reno, Nevada, University of Nevada Press, 1975. Dans leur recherche, les auteurs ont reconstitué l'historique du parcours des émigrants basques qui d'abord se sont établis en Argentine et en

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Uruguay (au début et milieu du XIXe siècle), puis au Chili, au Pérou, au Mexique et quelques autres états d'Amérique centrale (dans la seconde moitié du XIXe siècle), et enfin en Amérique du Nord, notamment aux Etats-Unis, à la fin du XIXe siècle et surtout au XIXe siècle. 18. A titre de comparaison avec d'autres régions de France et d'Europe, il convient de consulter l'ouvrage édité par G. Bouchard, J. Goy & A.-L. Head-Konig, Problèmes de la transmission des exploitations agricoles (XVIIIe-XXe siècles), Rome, Ecoles française de Rome, 1998. 19. En basque, le titre d'etche jaun était donné à l'héritier de la maison et celui d'etxeko anderea à l'héritière de la maison. C'était un titre de référence au sein de la communauté villageoise qui non seulement appelait les héritiers et héritières par leur titre mais y ajoutait le nom de la maison, immuable d'une génération à l'autre. Contrairement au nom de famille qui changeait d'une génération à l'autre selon le sexe de l'héritier, le nom de la maison restait inchangé même après sa mise en vente à un étranger de la maison. 20. Sur les destins des cadets en France, il convient de se référer à l'ouvrage édité par Gérard Bouchard, John A. Dickinson & Joseph Goy, Les exclus de la terre en France et au Quebec (XVIIe-XXe siècles), Sillery (Quebec), Septentrion, 1998. 21. Voir les arguments que Lutz Berkner a développés dans son article à propos de la famille souche dans le cycle de vie des familles autrichiennes : « The stem-family and the developement of the peasant household : an eighteenth-century Austrian example », American Historical Review, 1972, 77, 2, p. 398-418. 22. A ce propos, voir article de Marie-Pierre Arrizabalaga, « The stem family in the French Basque country : Sare in the nineteenth century », Journal of Family History, Vol. 22, 1, 1997, p. 50-69.

INDEX

Index chronologique : 19e siècle Thèmes : sociologie Mots-clés : émigration, famille, femme, succession

AUTEUR

MARIE-PIERRE ARRIZABALAGA

Université de Cergy-Pontoise, IKER UMR 5478 CNRS [email protected]

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Joannes Etxeberriren Manual devotionezcoa- z

Isaac Atutxa

0. Atarikoak

1 Jarraiko lerroetan Joannes Etxeberri Ziburukoak idatzi eta gurera heldu den lehen liburuaren aurkezpena egin nahi izan dugu. Liburua Manual devotionezcoa da eta idazle honek idatzi eta argitaratu direnetan lehena dugu.1

2 Mendeetan zehar, bi lekukotasun desberdin eman dira, 1627.ekoa lehena eta 1669.ekoa bigarrena.

3 Lantxo hau hiru atal nagusitan banatu dugu. Lehenean, lekukotasun desberdinen araketa sakona egiten da. Aurkitu ditugun lekukotasun hauen ale desberdin guztiak aztertu eta lortutako emaitzak eskaintzen ditugu.2 Bigarren atalean, eskuartean ditugun bi lekukotasunen erkaketari ekin diogu lekukotasun desberdinon filiazioa lortu nahiean. Hirugarren atalean, azkenik, eta liburuaren lekukotasun desberdinak inprimatu ziren garaiak aintzat harturik, liburuak argia ikus zezanerako jarraitu behar zuen ibilbidea gogoan izaki, zenbait bitxikeria bibliografikoz aritu gara, liburuaren beraren egituraketari buruzkoa esaterako.

1. Manual devotionezcoaren lekukotasun desberdinak

4 Joseba Lakarrak dioenez (1988 : 120) « testua gureganaino irits dakiguke : a) zuzenean edo zeharka, b) eskuizkribuz edo inprimaturik eta c) lekukotasun bakarrean edo gehiagotan ». Gauza bera dio Alberto Blecuak bere Manua lean (1987, 38) : « Un texto ha podido llegar hasta nosotros a través de uno o más testimonios, en tradición directa o en tradición indirecta, es decir en citas de otros autores, fragmentos, en antologías, en refundiciones, en traducciones, etc., y en forma manuscrita o impresa o en ambas a la vez ».

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1.1. Zuzeneko tradizioa

1.1.1. 1627 eta 1669.eko edizioak

5 Jusef Egiategi ziburutarra dugu, Etxeberri Ziburukoaren mendekideez aparte, honen liburuen berri dakarren lehena.3

6 Aita Larramendi da Etxeberriren liburuen berri dakarren hurrengoa. Bere Arte (1984 : 374) eta Diccionario Trilingüe liburuetan (1853 : xxxi), bietan dugu Etxeberriren lehen liburu honen berri. Ez du jartzen, ordea, zein argitarapenez mintzo den.

7 Wilhelm von Humboldten aipamena ere hor dago (1816 : 336) : « Manual devotionezcoa. Eine Sammlung geistlicher Lieder, nebst einem Anhange von Gebethen im Labortanischen Dialekt. Bordeaux, 1669, 8 ».

8 Claudes-Charles Pierquin de Gembloux belgiar midikuaren lana izango da jarraian aztertuko duguna. Bere Histoire Litteraire liburuan (1858a : 7 gehigarrietan) Manual- aren berri izango dugu.

9 Bere Bibliographie basque liburuan (1858b : 7-8) ditugun datuak bat datoz aipatu dugun Histoire-ekoekin.4

10 Francisque Michelek ere ematen digu bere bi liburutan Manual devotionezcoa- ren berri. Honela dio Proverbes basques d'Oihenart- en (1847 : xl) : VII. Manual devocionczcoa, edo ezperen, oren oro escuetan erabilltçeco liburutchoa. Escarazco versutan eguińa, eta guztia bi partetan bereçia... Bordelen, Guillen Millanges, Erregueren imprimatçaillearenean. M.DC.XXVII. (Manuel de dévotion, ou le petit vade-mecum de tout le monde, fait en vers basques et divise en deux parties... Bordeaux, Guillaume Millanges, imprimeur du roi, 1627.) In-8° de 138 pages, signées A-K, précédées d'un feuillet contenant le tritre ci-dessus, et suivies d'un feuillet blanc. La licencia vicarii generalis qui se trouve sur le recto du feuillet A, porte : « ...manualis, Cantabrico carmine a loanne Etxheberri Doctore theologo compositi... » cette licentia e st signée M. D'OIHARARD, vicarius generalis. La première partie de cet ouvrage renferme, en vers dc huit syllabes, les principaux mystères de la vie de Jésus-Christ ; la seconde partie, également consacrée a des sujets de piété, est en grand vers de quatorze syllabes. Elle est intitulée : Bigarren luburüa guiristinoac erran behar lituzqueen othoitcez... Bordelen, Guillen Millanges Erreguercn Imprimatçaillearenan. M.DC.XXVII. (Deuxième livre des prières que le chrétien devrait lire... A Bourdeaux, chez Guillaume Millanges, imprimeur du roi, 1627.) De 208 pages, le titre compris ; puis viennent quatre feuillets contenant la table des deux parties. La seconde porte les signatures A-N, et la table la signature O.5

11 Michelen Le Pays basque liburuan ere (1857 : 487-8) Manual- aren lehen argitarapenaren aipamen berbera dugu. Bietan dio lehen argitarapen honen berria Aita Larramendirenetik jaso duela, baina azken hau izenburuen aipamenetan gelditzen da gehienetan.

12 Les proverbes basques- en ere (1847 : xlvj) bigarren argitarapenaren berri dugu. Bordelen, J. Mongiron Millangesenean inprimatua, in 8° itxurakoa dela diosku.

13 Michel alde batera utzi eta jarrai dezagun J. Vinsonekin. Bere Essai...-n Manual devotionezcoa- ren bi argitarapenen aipamena aurki genezake (1891-8 : 65-67) : « 14a.-MANVAL I DEVOTIONEZCOA, |EDO EZPEREN OREN| ORO ESCVETAN ERABILLT-- | çeco liburutchoa. | Eſcarazco verſu tan eguiña, eta guztia / bi partetan

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bereçia. | Lehenean iracaſten direla, Guiriſtiño | Commun batec, iaquiñ behar dituen | Gauça guehienac : berçean, errateco | Lituquen, halaber othoitz guehienac.[...] BORDELEN, | GVILLEN MILLANGES Erregueren | Imprimatçaillearenean. | - | M. DC. XXVII. »

14 Argitarapen honen garaian, Bordele zen liburuak inprimatzeko lekurik hurbilena. Baionako lehen moldiztegia François Bourdot-ena da, 1642.ekoa. Eta Paben Desbarats sendia 1655.az geroztik baino ez da hasten inprimatze lanetan.

15 Lehen argitarapen hau in-8 itxurakoa da (16 orrialde pleguko), guztira 346 orrialde idatzi dituela. Bere neurriak honakook dira : 101 mm x 167. Testuak berak 82mm 5 x 149,5 (izenburu eta zeinadurak barne). « 14b.-MANVAL | DEVOTIONEZCOA, | EDO EZPEREN OREN | ORO ESCVETAN ERABILLT- | çeco liburutchoa. | Eſcarazco verſutan eguiña, eta guztia / bi partetan bereçia.| Lehenean iracaſten direla, Guiriſtiño | Commun batec, iaquiñ behar dituen | Gauça guehienac : berçean, errateco | Lituquen, halaber othoitz guehienac.[...] BORDELEN, | I. MONGIRON MILLANGES Erregueren | Imprimatçaillearenean. | - M. DC. LXIX. »

16 Litekeena da Iacobe Mongiron Milangesek lehenaz baliaturik egin izana berrargitarapen hau. In-8 itxurakoa hau ere, foleo erdiz eratua (8 orrialde pleguko).

17 Neurriak : testuak 88 mm 5 x 152,5, izenburu eta zeinadurak barne. Zeinadura sistema : 1627.eko argitarapenak A p. 1, B p. 17, C p. 33, e.a., K p. 137-ra arte ; bigarren liburuak : A p. 1, B p. 17, e.a., O 208. orrialdean. 1669.eko argitarapenak : A p. 1, B p. 9, C p. 17, D p. 25, e.a., S p. 137-ra arte ; bigarren liburuan : A p. 1, B p. 9, e.a., eta Cc p. 207.

18 Ibilbide honetan aurrera egin eta aipa dezagun Genaro de Sorarrain jaunaren Catálogo de obras euskaras liburuan ere (1898 : 46-47) aurkitu ahal izango dugula Etxeberriren liburu honen aipamenik. Vinson jauna jarraitzen duelako susmoa dugu, ordea, eta bíldu dítuen datu guztíak Essai...-n aurkitu dituela.

19 Louis Desgraves jaunak, bere Les livres imprimés a Bordeaux au XVIIe siécle liburuan, Manual devotionezcoa- ren bi argitarapenen berri dakar. 1627. urteko argitarapena bere liburuko 588. zenbakidunari dagokio (1971 : 92), erakusten diguna aipamen bibliografikoa besterik ez dela. Vinsonen Essai...-n edan du eta ale bat Pariseko Bibliothèque National-en dagoela dio (D. 33.877). 1.346. zenbakia duen aipamenean aurkituko dugu 1669.eko argitarapenaren berri. Kasu honetan ere, Vinsonen Essai...-n edan du eta Bordeleko Herri Liburutegian ale ezoso bat dagoela esaten zaigu (PF. 16.185 Rés.).

20 Hordago Publikapenak etxea 1669.eko edizio honetaz baliatu zen argitarapen xerokopiatu bat egiteko.6

21 Patxi Altunak, azkenik, Manual devotionezcoa honen lehen liburuaren edizio kritikoa paratu zuen 1981 .ean, Hordagoren argitarapenaz baliatuz.

22 Ezin izan zuen Altuna jaunak lehen argitarapeneko alerik aurkitu, batez ere 1669.ekoan 3.438. bertsoaren inguruan bertso batzuk falta zitezkeen, berak uste bezala, edo ez jakiteko.

23 Patxi Altunaren uste honek bultzatua bibliografia irakurtzen hasi ginen. Vinson-en Essai... liburuan (1891-8 : 65) 1627.eko ale bat Pariseko Bibliothèque Nationale-n zegoela irakurri ahal izan genuen eta, aipatu bezala, Deustuko Unibertsitateko Eusko Ikaskuntzako Karmele Santamariari esker lortu genuen lehen argitarapen honen mikrofilmaren fotokopia.

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24 Bi argitarapenen arteko konparaketak zera erakutsi digu, Patxi Altunak aipatzen dituen bertso hauetan (« Egoquien Aingueru beguirailleei » izenburua duten 3.427-3.442 bitartekoak) 1669.eko argitarapena lerroz lerro dagokiola 1627.ekoari. Ez du horrek esan nahi, ordea, bertso batzuk ezin falta daitezkeenik. Are, 1669.eko argitarapena kaleratzeko aurrekoaz baliatu izan balitz Mongiron Millanges (eta hau geuk proposatutako hipotesi bat besterik ez da) ez zegokeen bigarrenean lehenean ez dagoen bertsorik.

25 Bertsoon kontua alde batera utzita, zera aipatu nahi genuke Manual devotionezcoa- z, Axular eta Gillentena Itxasuko erretorak ontzat emana, baietsia dela.

26 Bikario Jenerala zen Oiharard jaunaren baimena (latinez) urte eta hilabete bereko 28koa da, Baionan emana. Gero Gillentena beraren, Hegi eta Stefano Hirigoitiren laudoriozko bertso batzuk datoz, azken bi hauenak ere latinez daudelarik.

27 Izan dugu Hordago argitaletxearen edizioaren ale baten eta Chicagoko Newberry Library-tik bidali diguten 1669.eko argitarapen honen beste ale baten fotokopiak konparatzeko aukera eta konparaketa honek ez digu gauza adierazgarri garrantzitsuegirik erakutsi. Hau da bi aleon azaleko konparaketaren ondorena :

1.2. Zeharkako tradizioa

28 Jon Bilbao jaunaren bibliografia izan dugu lagungarri (1973 : 256) urteotan zehar argitaratu diren bertso sortak bildu ahal izateko. Baina, Bilbao jaunak egin duen aipamenetarik bat ez da zuzenegia : « "Axular aiphatu behar litekela". Gure Herria, 1930, X, 254-256 ». Artikulu honetan azaltzen zaigun testua (hitz lauz idatzia) ez da Noelac- en atala ; are, ez dagokio Etxeberri Ziburukoari, Sarakoari baizik. Bestalde, Jon Bilbao jaunak « Balea zaleen othoitzak », « Haur Hipientzat », « Herioa », « Itsasturi » eta « Manuel devotionezcoa » bertso sortak Noelac- en parteen barnean sailkatu ditu, Manual devotionezcoa- ren atalak izaki.

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29 Argi dago, bestalde, ez dela ez Manuel devotionezcoa (Manual da zuzena) 7 ezta « Haur Hipientzat » (« Ttipientzat », kasu honetan).

1.2.1. Aita Larramendiren « Arte »-a

30 Aita Larramendik bere Arte- an (1984 : 378) Manual devotionezcoa liburutik jasotako bertso sorta bat du. Ez dakar izenbururik, baina badakigu nondik hartua den. Bi bertso sorta dira jatorrizko testuan. Biak daude Manual- aren lehen liburuaren Doctrina Christiana lehen partean ; eta elkarren segidan datozkigu. Lehenaren izenburua « Laudatcen da oraiño eman tuen hamar manuez » da (Etcheberri, 1627 : 12) ; 14 bertso dira, Larramendik bere lanera ekarri dituen lehen hamalauak ; ondoko bertso sortaren izenburua « Bi manu Principalenac » da (aip. lan. eta or.), 12 bertsoz osotua. Larramendik lehen laurak baizik ez ditu jarri. Hona hemen bere Arte- an jarri dituen guztiak : 1 Zuré leguéac háuchec dire, Sinaico mendián Berce ordúz Moiſen emánac Arabián. Jainco bat onétſ-ezác, et adóra devotqui, Etá arén icenáz ez ciñíc eguín vanoqui. 5 Gueiágo beguirázac igandeá ſainduquí, Eta burafóac ondrá, bicí-adín lucequí. Nihór hill eztezaquelá, ez bihotzéz gaitzetſi, Ecén vengántzen Jaincoá ni behár nauc ſinetsí. Paillardizá iguinarí eguióquec iheſá, 10 Guztíz ere ez deſirá lagunarén Eſpoſá. Bercerén oná hain guttí beharco-dúc iduquí, Guztíz ere hauzoarén ontaſuná ez uquí. Fiñeán mihiarí emóc guardiá, eztén guezurtí, Eta aicén, falſeria iráuztera, beldurtí. 15 Hauc bi manaméndutara biltzen dítuc laburquí, Ceñac gogoán har ahal baitatzáquec errazquí. Jainco bat onetſ-ezác gauzá guztién gañetic, Eta Chriſtau laguná ez heronéz beheretíc.

31 Bokal arteko ſſ bikoitza bakan jarri du : ‘iheſa’ (9), ‘Eſpoſa’ (10), ‘ontaſuna’ (12) ; Manual- ean dugun zenbait h ez dator Larramendiren testuan : ‘arén’ (4), ‘iguinari’ (9), ‘ſinetſi’ (8). 3 eta 17 lerroetan, ‘Jainco’ jarri du Larramendik ; Manual- ean ‘Iongoico'. Sudurkarietan ere aldea dugu : ‘ſainduqui’ (5), ‘Ceñac’ (16), Larramendik ; ‘ſañduqui/ ſaiñduqui', ‘Ceiñac’, Etxeberrik.

32 Larramendiren bertsoetan gaizki transkribatutako hitz bat dugu : ‘Moifen’ (2). Etxeberrirenean ‘Moiſeri’ dugu.

33 Hauek dira, oro har, Etxeberriren bertsoak eta Larramendik ezarririkoen arteko konparaketak erakutsi dizkigun desberdintasunik nabarienak.

1.2.2. « Gure Herria » (1)

34 Gure Herria aldizkariak (1921a : 192) Joanes Etxeberriren Manual- aren bertso sorta bat du, « ITSASTVRI. Iracurtzailleari Abisua » izendatua. Hamabost silabatako 26 bertso dira elkarren segidako hoskidetasuna gordetzen dutelarik. Gure ustez, bertso sorta hau Manual devotionezcoa- ren bigarren argitarapenetik hartua da eta ez lehenetik ; hauek dira baieztapen hau indartzen duten arrazoiak :

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35 1) Lehen argitarapenean çe, çi, tçe, tçi ditugu ; bigarrenean eta aztertzen dihardugun testu honetan ce, ci, tce, tci.

36 2) 1627.eko argitarapenean ‘cantatu’ (3) dugu ; 1669.ekoan ‘çantatu', testu honetan bezala.

37 3) 1627.eko argitarapenean ‘choll’ (5), ‘choll’ (9) dugu ; beste bietan ‘choill’ eta ‘choll'.

38 Arrazoi hauengatik, bada, bidezko dirudi Gure Herria 1669.eko argitarapenaz baliatu zela baieztatzea.

39 Zera aipatu, bestalde, hitzez hitz dagokiola Gure Herria- ko testua 1669.eko argitarapenari, bi hitz hauetan salbu : lehen lerroan ‘deuotionea’ dugu Manual- ean ; bertso sorta honetan ‘deutionea’ (o bokalea ahantzia, nonbait). Bigarren lerroan, ‘Errefauac’ dugu Manual- ean ; ‘Errefauae’ bertso sorta honetan.

1.2.3. « Gure Herria » (2)

40 Etxeberri Ziburukoaren Manual devotionezcoa liburutik jasotako beste bertso sorta bat ezarri zuen Gure Herria- k aipatu berri dugun ale berberean (1921b : 492-493). Bertso sorta hau Manual devotionezcoa- ren bigarren liburuan dago (1669 : 155-156), « Itſaſſoco viayetaco othoitçac » atalean ; IX. burua da eta bere izenburua « Arrantçale particularen othoitçac ». Lau ahapaldi dira, 6, 8, 12, 14 bertsotakoak, hurrenez hurren. Denak 15 silabatakoak, elkarren segidako hoskidetasuna gordez. Gure Herria- k « Manual devotionezcoa » izenburupean bildu ditu lau ahapaldiok.

41 Bertsoon amaierako oharrak dioenez, 1669.eko argitarapenaz baliatu dira eta zera esan behar dut, hitzez hitz dagokiola Gure Herria- ko testua 1669.eko edizioari.

42 Hordago argitaletxea ere urte honetako ale batez baliatu zen edizio faksimila argitaratzeko. Konparatu ditugu Gure Herria- koa eta Hordagoren testua eta desberdintasun gutxi batzu besterik ez ditugu eriden :

43 Gure Herria Hordago Arraiu Arrain Ieſus-Criſt Ieſus-Chriſt Bildaduric bidalduric Hiltceco hilltceco Lehorretaric lehorreraric gnri guri

44 Baliteke, haatik, aldakiok Gure Herria- k erabili duen 1669.eko alean bertan agertzea ikusiko baitugu, tesian zehar, edizo berbereko ale desberdinen artean maiz gertatzen direla honelako aldakiak.

1.2.4. « Gure Herria » (3)

45 Gure Herria- n (1922 : 391), Manual devotionezcoa- tik jasotako beste bertso sorta bat ere agertu zen : HERIOA izenburupean jarri zutena.

46 Lehen liburuko bigarren partearen 1. buruaren ataltxo bat da eta, izenburuak berak dioenez, herioaz mintzo da. Hiru ahapaldi dira, hamabost silabatako zortzina bertsokoak. Bertso sorta honen amaieran ere 1669.eko argitarapenetik hartua dela dio eta Hordagoren edizioarekiko konparaketak zera erakutsi digu, hitz bakarrean izan ezik, hitzez hitz dagokiola Gure Herria- koa 1669.ekoari. Hitz hori bigarren bertso

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sortako (Atcematen du izenburua duena) 6. bertsoko ‘açarcatcen’ da. Gure Herria- n ‘atçarcatcen’ transkribatu dute, baina hemen ere kontuan hartzekoa liteke aurreko ataleko oharra.

1.2.5. « Gure Herria » (4)

47 Gure Herria- k, azkenik, Manual devotionezcoa- tik hartutako beste bi bertso sorta jarri ditu (1929 : 158-161). Oraingo honetako bertsoen prestatzailea Piarres Lafitte izan daiteke, bertso hauek beraiek ageri baitira Euskaldunen lorategia- n (1931 : 22-25).

48 Lafittek aukeratu dituen bertsoak « Balea zaleen othoitzak » eta « Haur tti-pientzat » izenburupean bilduak dira. Lehen bertso sortan hiru ahapaldi dira, 8, 12, 14 bertsotakoak, hurrenez hurren. Guztira, 15 silabatako 34 bertso. Bigarren bertso sortan beste hiru ahapaldi, 8, 6, 18 bertsotakoak. Oraingo honetan, bada, 15 silabatako 32 bertso.

49 « Balea zaleen othoitzak » izenburupeko bertso sorta Gure Herria- k 1921. urtean » Manual devotionezcoa » izenburupean bildu eta arestian aipatu berbera da. Lafitte jaunak, baina, ez du 6 bertsotako lehen ahapaldia jarri. Grafia modernoz daude idatziak, jatorrizko testua gorde eta aldaketarik gabe.

1.2.6. Aita Onaindiaren « Mila euskal-olerki eder »

50 Argi dago mila olerki eder biltzen dituen liburu batean Joanes Etxeberri Ziburukoaren bertsoek tokia izan behar dutela. Eta ez digu, ez, Aita Onaindiak hutsik egin honetan. Bere Mila euskal-olerki eder liburuan (1954 : 196-199) Manual devotionezcoa- tik jasotako hiru bertso sorta agerrarazi ditu.

51 Gure ustez, Aita Onaindiak ez du Manual- ean edan, beranduago, mende honetan, Gure Herria- n edo Euskaldunen lorategia- n agertu diren bertso sortetan baizik. Milla euskal- olerki eder liburuan ditugun Manual- eko bertso sortak hiru dira, « Herioa », « Balea zaleen otoitzak » eta « Haur ttipientzat ». Ikusi dugu « Herioa » bertso sorta Gure Herria- n agertu zela 1922.ean. Eta « Herioa » izenburua aldizkarian jarri diote, bertsook, herioaz mintzo diren arren, ez baitaude izenburu honen azpian bilduak Manual devotionezcoa- n. Aita Onaindiak ere « Herioa » izenburupean bildu baditu, iturria Gure Herria izan da eta ez Manual- a bera. Gauza bera gertatzen da bigarren eta hirugarren bertso sortekin.

52 Aita Onaindiak ere grafia modernoa erabili du, Aita Lafitte jarraituz. Harek, haatik, ‘leku’, ‘bekokia’, ‘nai’, ‘ikaratzen’, ‘artikitzen’ darabiltza ‘lekhu’, ‘bekhoquia’, ‘nahi’, ‘ikharatcen’, ‘arthiquitcen’ hitzen tokian. Are, ‘ll’, ‘ń’, ‘rr’ren tokian forma bakunak darabiltza, gaineak azento marka jarrita.

1.2.7. Mariano Ciriquiain-Gaiztarro

53 Mariano Ciriquiain-Gaiztarrok Los vascos en la pesca de la ballena liburuan (1961 : 19-20) Manual devotionezcoa- ko bertso batzuk ditu. Bertsook aurrerago ikusi ditugun « Balea zaleen othoitzak » dira. Honela diosku : Ioannes Etcheverri, uno de los mejores escritores eusquéricos, escribió en el año 1627, unas oraciones bellísimas, la « Oración de los balleneros », la « Oraciín de la ballena arponeada » y la « Oración de la ballena muerta » que merecen que las

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transcribamos tanto por su singular encanto poético como porque ponen de manifiesto la grandeza de la empresa que nos ocupa.

54 Badirudi, bada, hitz hauen ondoren jarri dituen bertsoak 1627.eko argitarapenetik dituela hartuak. Baina ez, hau ez da honela. Berak erabili duen iturria 1669.eko edizioa da, bigarrena, eta ez lehena. Bata edo bestea erabili, bi akats daude Ciriquiain- Gaiztarroren bertsoetan, Manual- ean agertzen ez direnak. Lehen bertso sortan, 3. bertsoan, ‘erakharracia’ transkribatu du, Manual- ean ‘erakharraracia’ dugunean. Hirugarren bertso sortan ezarri dituen azken hiru bertsoak hauek dira : « Lehorrera dakhar quegu eguiñic sarrasquia, Bici dugu naturaren miraculluz bazterra, Oharatcen (Iongoicoa) çuc duçula esquerra. »

55 Manual- ean, aldiz, honako lau bertsook ditugu : « Lehorrera dakhar quegu eguiñic ſarraſquia, Bici cela aztaparraz cebillan ihicia. Hala dugu naturarcn miraculluz bazterra, Ohoratcen (Iongoicoa) çuc duçula eſquerra. »

56 Argi dago, bada, lerro batetik bestera pasatu dela transkribatzean.

57 Aipatu berri dugu gure ustez berak erabili duen iturria 1669.eko argitarapena dela eta ez 1627.ekoa. Jarraiko laukiak erakutsiko du hau8 :

58 Ez dugu uste, bada, oker haundirik egiten dugunik Ciriquiain-Gaiztarro-ren iturria 1669.eko argitarapena izan dela baieztatzen dugunean.

1.2.8. Karmelo Etxenagusia

59 Karmelo Etxenagusiak ere baditu bere Iparraldeko Euskal Idazleak liburuan (1981 : 62-64) Manual-etik jasotako zenbait bertso. Berak dioenez, erabili duen iturria 1669.eko argitarapena izan da. Bertsook, Manual- eko lehen liburuaren bigarren parteko I burutik hartuak dira. Buru honek « Herioaz, ea çer den ? » du eta K. Etxenagusiak ere « Herioaz ea zer den » izendatu du.

60 Lehen buru honek 17 ahalpaldi edo bertso atal ditu. Etxenagusia jaunak 5-10 bitartekoak jarri ditu. Guztira 52 bertso. Grafia modernoa erabili du kasu honetan.

1.2.9. « Hangaia »-ren bertsoak

61 Ez genuen Manual- ari dagozkion zeharkako tradizioz heldutako testuei eskaini diogun tartetxo hau amaitutzat eman nahi zenbaiten ahotan erabiliak izan diren bi bertsoren kontua aipatu gabe. Bigarren liburuko « Balea hill ondoco eſquerrac » bertso sortaren laugarren distikoa (7 eta 8. bertsoak) da. Hona hemen bertso sorta hori osatzen duten zazpi distikoak (Etcheberri, 1627 : II, 158) : Balca hill ondoco eſquerrac. 1 Iauna, ditutçula eſquer, eta laudorioac,

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Million eta million baño guchiagoac. Çeren eguiñ darocuçun liberalqui gratia, Idequitçeco handien arrañari biçia. 5 Gure indarrac etçiren deus hunencn aldean, Çure fauorea dugu ſentitu combatean. Eçen çure baithan tturroñ batec etſaja, Vrrutic içi deçan nahiz dela hangaja. Hala guri ere eguin darocuçu dohaña, 10 Ventçutçcco Itſaſſoan den ſendocn arraña. Lehorrera dakhar quegu eguiñic ſarraſquia, Biçi çela aztaparraz cebillan ihiçia. Hala dugu naturaren miraculluz bazterra, Ohoratçen (Iongoicoa) çuc duçula eſquerra.

62 Arestian aipatu dugunez, P. Lafitteren Euskaldunen lorategia- n (1931 : 23), bertso hauek irakurtzeko aukera izango dugu. Bertan, lehen eta zazpigarren bertsoen amaierako hitzak ‘laudarioak’ eta ‘etsaia’ ditugu.

63 Ez diosku Lafittek erabili duen argitarapena 1627.ekoa ala 1699.ekoa den. Azken hau izan bada, zuzendu egin du Etxeberriren testua, azken edizio honetan ‘laudorioac’ eta ‘etſajac’ baititugu.

64 Orrialde barreneko oharretan, honako hau jarri du Vrrutic içi deçan hori dela eta : « 4) Vrrutic içi deçan hori chaharchkoa zaiku : erran nahi du : "urrundik izitzen baitu " ». Ez digu, ordea, ‘hangaja’ horren berririk eman, ezta bi esaldion esanahirik argitu.

65 Ciriquiain-Gaiztarrok Mitxelenari bi bertsoon azalpenaz galdetu zionean, honek ezin izan zion erantzun zuzenik eman (Mitxelena, 1988a : 57). Ciriquiain-Gaiztarrok berak ere gainontzeko distikoen itzulpena egin du, baina bi bertsook itzuli gabe uzten ditu bere Los vascos en la pesca de la ballena (1961 : 21).

66 Bertsootara bueltatzen den hurrengoa Manuel Lekuona da (1961 : 374-375). Bere ustez, 7. bertsoan falta den bi silabatako hitza ‘nola’ liteke, 7-10 bertsoetan dugun konparaketaren lehen osagarria ; 9. bertsoan genuke bigarren osagarri hori : ‘hala'. 7. bertsoa, beraz, honako hau genuke : ‘Ecen nola çure baithan tturroñ batec etſaja’ (= Porque así como por tu poder un ratoncillo a su enemigo...). 8. bertsoari dagokionez, zera dio Lekuona jaunak, hemen ere ‘hal’ bat beharko genukeela ‘deçan'-en aurrean : ‘ici hal deçan’ (= puede espantar). Honela, bada, distikoa osorik eta argiturik genuke.

67 8.eko ‘Urrutic’ hori « gratuitamente, sin motivo » liteke Lekuonarentzat. Ez du, haatik, ‘hangaja’ horren itzulpenik ematen. Bi distikook, bada, honela itzul litezke bere ustez : « Porque, así como en tu poder, un ratoncito a su enemigo puede gratuitamente espantar, auque éste sea... (¿ gigante ? ¿ kankallu ?) ; así tambien a nosotros nos has hecho el don de vencer al pez más fuerte que hay en el mar. »

68 Justo Garate ere saiatu zen bi bertsoon esanahia argitzen (1963 : 281-282). Hona bere itzulpena : « Pues en tu casa un turón al enemigo desde lejos lo atemoriza, deseando sea comestible. »9

69 Mitxelena berriro itzultzen da bi esaldiotara geroagoko artikulu batean (1988b : 77-78). Hona zer dioen bertsook direla eta : Ez da hitz kontu soila, bestetan ageri ez den hangaja- rena batez ere. Bertsoa bera makur dabil. Lehen lerroan, bi silabako hitza falta da, ecen eta çure baithan-en bitartean zihoakeena. Bigarrenaren hutsa aisekiago senda daiteke, vrrutic-en ordez vrrutitic irakurtzearekin. Hain arrunta den haplografia genuke, beste hainbestetan bezala, errudun bakar.

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Badakit don Manuel Lekuona eta Justo Garate saiatu direla, nor bere aldetik, okerrak zuzentzen, baina saio horiek ez naute asebetetzen, kontentagaitzegia naizelako agian. Ez genuke, noski, horrela ibili beharrik Manualaren beste edizioren bat ezagun bagenu, nik behintzat ezagutzen ez dudana.

70 Oraingoan ere, ez digu Mitxelena jaunak bere eritzirik ematen eta urrutic hitzaren zuzentze soilean gelditzen da, esanahirik argitu gabe.

71 Diccionario Retana de Autoridades de la Lengua Vasca-n ere (Akesolo, 1980 : 1936 eta 3563) ‘hangai’ eta ‘tturroñ’ hitzen azalpen hau aurkituko dugu : HANGAI : Grande, gigante, de estampa grande (Contrac. de handigai). Ezen zure baithan (dago) tturroti batec etsaja / Urrutic izi dezan, nahiz dela hangaja. (Balea hill ondoko eskerrak. J. ETCHEBERRY, Manual, II, 156. TTURROIN : Musgaño, turcon. Ezen zure baithan (dago) tturron batek etsaia, urru(ti)tik izi dezan, nahiz dela hangaia. J. ETCHEBERRY, Manual, II, 156.

72 Argi erakusten zaigu hemen, bada, Aita Akesolo eta hiztegia burutu dutenak falta diren dago eta urruti tik-en aldeko direla.

73 « Euskal filologiazkoak, nahas-mahas » artikuluan (1989 : 172-174), bi esaldi ilun hauei buruzko Patxi Altuna jaunaren eritzia irakurtzeko aukera dugu. Hau ere, bere aurretik bi bertso hauez mintzo direnen eritziak aztertu eta bereak ematen saiatzen da. Lehen bertsoan falta den bi silabatako hitza dela eta, hau bere ustea : Hor falta den bi silabako hitza zein den garbi dago, ene ustez, eta otoitzak berak erakusten du. Ohartzen bagara çure baithan dioela eta otoitz guztia hasierako Iauna- tik dagoela dindilika eta hari zuzendua, ez dirudi desegokikeria hiru lehen distikoen ondoren berriro launa errepikatzea, ondoko beste hiruren ondoren ere Iauna ez baina Iongoicoa baitio berriro azken distikoan.

74 Bigarren bertsoan falta den hitzari gagozkiola, P. Altunaren ustea nahiko desberdina da. Berarentzat ez legoke zuzen ‘ici deçan', objetua ‘etsajac’ izanik. Are, bi lerro horietan zerbait txarto, makur, badago lehen hemistikioan dago eta ez bigarrenean. Bere ustez, bada, ‘deçan’ horrek ‘detçan’ beharko luke izan. Baina zuzenketa honekin ere berdin jarraitzen dugu, nekez aurkitzen baita ‘ecen’ hori adizkia subjuntiboan duelarik. Arazo hau kontuan izanik, P. Altunak ‘detçan’ hori ‘detçaque’ bihurtzen du (Lekuonaren ‘ahal’ haren hildotik), ‘vrruric’ hori dagoen dagoenean utzi eta bi bertsoak honela berridatzik : « Ecen, Iauna, çure baithan tturroñ batec etsajac Vrruric ici detçaque, nahiz dela hangaja. »

75 Jarraian, ‘hangaja’ hitzaren esanahia argitzen saiatzen da Altuna. Dioenez, Lhandek ez dakar hitz hori, bai berriz ‘handigai, handigei’ eta bere buruari galdetzen dio ez oten den ‘hangai’ hau aurreko horren laburdura. ‘Handigai’ horrek xotila, polita, itxura ederrekoa esan nahi du, eta esanahi hori berezko datorkio ‘hangaja’ hitzari pasarte honetan.

76 Azkenik, bertsoon esanahia argitzen digu : « Balea atzemateko gure indarrak ez ziren deus, harenak handiagoak ziren, zure mesedea somatu dugu, Jauna, harekin borrokatzean » kantatu baitu poetak aurreko sei bertsoetan, orain konparazio baten bidez hori horrela dela agertu nahi du : « bada zure baitan, Jauna, arratoin txiki batek, xotila izanik ere, aise (dohainik) ikara ditzake etsaiak. Guk bezala ; txikiak izanik, arrainik sendoena azpiratu dugu, Zuri eskerrak ».

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77 Aita Lino Akesolok, « Etxeberri Ziburukoaren bertso bi argitzen » artikuluan (1990 : 74-75), aurreko lerroetan jaso ditugun eritzi guztien berri emanik, bere honako hauek argitzen dizkigu bi bertsoon inguruan : Bertso-bikote orri, ondo ulertzeko, ez dago ikutu andirik egin bearrik. Zer esan nai daben naikoa ondo ikusi eban Lekuonak. Bale arrantzaleak esker onez eta laudorioka dagoz Jaungoikoari, itxasoko arraiñik andiena menderatzeko mesedea egin deutselako. Euren indarrak ez ziran ori lortzeko gauza. Baiña Jaungoikoaren laguntzaz sagutxo batek be etsairik andiena urruñetik, urrundik izutu eta ikaratu dagike. Olantxe emon deutse arrantzaleai, arraiñik sendoenari bizia kendu eta leorrera ekarteko indarra. Etxeberriren testoak silaba biko itz bat, aditza ain zuzen, falta dau lenengo hemistikioan. Ezen orrek bere aditza eskatzen dau, urrengo bertsoko izi dezan menpeko dauana. Urrengo lerroan, izi dezan, nahiz dela hangaia jator dago eta errez ulertzekoa da. Urrutik falta dau silba bat. [...] Lenengo bertsoan falta dan aditza dago da : Ezen zure baithan dago tturroti batek etsaia izi dezan, andiena bada be. Eta urrutitik edo urrutirik izitu be. Tturroti eta hangaia itzaren azpian testo ori sartu bear eta, leenengo, iru silaben utsunea ikusi neban, leenengo bertsoan silaba birena, eta bestean batena. Ez neban buruauste andirik izan utsune ori betetako. Eta ona zelan osotu neban bertso bikote ori : Ezen zure baithan dago tturoñ batek etsaia urrutitik izi dezan, nahiz dela hangaia.

78 J. Antonio Mujika da bi bertso ilun hauetaz mintzatu zaigun azkena. Bere « Etxeberri Ziburukoaren testu ilun baten inguruan » artikuluan (1992 : 301-310), lau ohar egiten ditu kontu honi buruz :

79 1) Lehen lerroan, bi silaba falta dira lehen hemistikioan.

80 Bi silaboi dagokionez, orain arte aipatu ditugunen eritziak aztertu ondoren, P. Altuna eta L. Akesolorenak batik bat, berak ‘Ezta ?’ galdera erretorikoa, baldintzazko ‘bada’ eta ‘baita’ proposatzen ditu, hiru hauetarik azkena aukeratzen duelarik. Hona aukeraketa horren zergatia : Hirugarren aukera baita izango litzateke, hau da, bait menderagailua gehi da adizkia. Hau da nik hobesten dudan aukera. Ondo ulertu behar da, ordea : bait- ez doa ezen partikularekin —euskal gramatikak galerazten duena—, ondoren datorren egin darokuzu aditzaren mendean baizik. Azken hau da, izan ere, zati osoaren aditz nagusia : Ezen ( zure baitan baita...) hala guru egin darokuzu... ». Ezen partikularen ondoan etentxo bat legoke eta mendeko perpausaren azken hitzak, hangaja- k, amaitu gabeko perpausaren doinua izango luke. Ezen... egin darokuzu da esaldi osoaren ardatz nagusia. » [...] Horrela, bestalde, garbi ikusiko litzateke nondik eta nola sortu den inprimatzaileak egin duen hutsa : baithan baila bikotearen bigarren hitza itzuri zitzaion haplografia soil baten ondoren.

81 2) Bigarrenean, silaba bat falta da, lehen hemistikioan.

82 Bigarren bertsoko lehen hemistikioan falta den silaba dela eta, Mitxelenaren aukeraketa bera egiten du, ‘urrutitic’ ; hobe esan, Altunak proposatzen duen ‘urruititic’ (Altuna, 1989 : 173).

83 3) ‘Urrutic’ ez da ondo ulertzen.

84 ‘Urruititic’ horren esanahia oso erraz uler daiteke, J. A. Mujikaren ustez, dagoen dagoenean. Dena den, ihesaren ideia dagoela dio esaldi horren azpian, « Altunak ematen dituen erreferentzia guztietan ideia hori ageri da arratoien ekintzari lotua (fugaverint incolas) ».

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85 4) ‘Deçan’ aditzaren inguruango bi zalantza : subjuntiboaren erabilerari dagokiona eta komunztadurarena (singularra da eta ‘etsajac’ objetua, plurala).

86 Komunztaduraren kontuari dagokionez, Altunak ‘etsajac’ aukeratzeko dituen arrazoiak aztertu ondoren, « han ‘laudorioak’ behar du, rimak eta gramatikak horrela hobesten baitute, eta hemen ‘etsaia’ », esaten digu. Honela berridazten ditu, bada, bi esaldiok J. A. Mujikak : Ecen, çure baithan baita tturroñ batec etsaja, Vrruiti tic ici deçan, nahiz dela hangaja, Hala guri ere eguin darocuçu dohaña Ventçutceco Itsassoan den sendoen arraña.

87 Mitxelena jaunak, Manual- aren beste edizio bat ezagun bagenu, ez genukeela falta direnak asmatzen ibili beharrik zioen (1988b : 77), baina lehen argitarapenak argitzen duen bakarra zera da, lehen distikoan ‘laudorioac’ eta ‘gehiagoac’ eta laugarrenean, ‘etſaja’ eta ‘hangaja’ direla hoskide.

88 ‘Laudorioac’ eta ‘guehiagoac’ pluraleko formen aldeko beste erakusgarri , bat : Eliçara erabiltceco liburua- n (1666 : 33), lehen tratatuko bigarren araldeko VII. buruan, « Arrantçailleen othoitçac » izenburupean, 36 bertso jarri ditu Joanes Etxeberrik. Ataltxo baten izenburua « Balea hill ondoco eſquerrac » da eta Manual- ean agertzen diren bertso berberak ditugu : Iauna ditutçula eſquer / Eta laudorioac Million eta milion / Baño guehiagoac.

89 Alde honetatik, bada, badirudi etsaja singular dugula (L. Akesolo eta J. A. Mujikak proposatzen duten bezala) eta, honenbestez, ezin onar daitekeela Altunak proposatzen duen ‘detçaque’ forma plurala.

90 Laugarren distikoko lehen bertsoan falta den bi silabatako hitza eta bigarren distikoan falta den silaba direla eta, Manuel Blecuaren Manual de critica textual aipatu nahi nuke berriro ere. Kopistak transmisio prozesuan egiten dituen hutsak lau eratakoak direla dio ; gehiketaz, ahantziz, ordena aldaketaz eta ordezkapenez gertaturikoak hain zuzen. Eta, gure ustez, kopista bati egotz lekizkokeen hutsak konposatzaile bati ere egotz lekizkioke, neurri haundi batean bederen. Alde honetatik, uste dugu oso erraz azal daitekeela bigarren bertsoko ‘urruititic’ ‘urrutic’ bihurtzea, haplografia bidez. Lekuona, Mitxelena, Akesolo eta J. A. Mujikaren aldeko gara, bada.

91 Laugarren distikoko lehen bertsoko bi silabatako hitzaren kasuan ere, oso erraza da konposatzaile batek elkarren segidako antz handiko bi hitzen aurrean, hauetako bat ahanztea. Eta, J. A. Mujikak proposatzen duenez, elkarren segidako hitzok ‘baithan baita’ badira, posiblea liteke bat ahanztea, ‘baita’ kasu honetan. Egin zitezkeen hutsen ikuspegitik, bada, errazago azal daiteke aldameneko hitzaren antzeko bat faltatzea eta ez erabat itxura desberdinekoa litzatekeen ‘hala', ‘nola', ‘dago’ edo ‘Iauna’ bat.

92 Berriro ere errepikatu nahi dugu gure ustea ez dela testuaren azterketa eta beronen interpretazioan oinarritzen, konposatzaile edo kajista batek hitz bat aldatu eta beste bat ahanzteko zergaitiak azaldu nahi horretan baizik.

1.2.10. P. Altunaren edizioa

93 Euskaltzaindiak eta Ediciones Mensajerok, 1981. urtean, Patxi Altunak prestaturiko Manual devotionezcoa- ren lehen zatiaren edizio kritikoa plazaratu zuten. Lehen zati hau Manual- aren lehen liburuari dagokio, guztira 3.814 bertso direlarik.

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94 Altuna jaunak berak dioenez (1981 : 9), Hordagoren berredizioaz baliatu da bere edizio kritiko hau paratzeko.

95 Oso edizio kritiko interesgarria iruditzen zaigu, arrazoi hauengatik batipat :

96 a) Hitzaurre gisako lehen orrialdeetan (32 orrialde), hiru ataletan banaturiko Etxeberri Ziburukoari buruzko garrantzizko zehetasunak aurkituko ditu irakurleak : • Bizitza eta obra. • Etxeberriren mintzaira. • Liburuaren grafia.

97 Lehen atalean, bizitza eta obraz gain, Oihenartek Etxeberriri egozten dizkion sei erruen kontuaz ihardungo du Patxi Altunak. Erruok inoiz inon egin ez diren hamabost silabatako bertsoak paratu izana ; euskal hitzek azken silabetan omen duten kantitatea bortxatu izana ; maiz poto egin izana ; bertsoaren hamabost silabak osatzeko, mugatzailea inoiz izenari eta adjetiboari erantsi izana ; elisio-sinalefak gogoak ematen dionean bakarrik egin izana, eta « il se donne en plusieurs lieux d'autres licences exorbitantes » dira.

98 Horrezaz aparte, Etxeberriri bere adiskideek latinez idatziriko eskaintzen dizkioten bertso batzuen esanahia azaltzen saiatzen da. Hauetan ezinikusia eta bekaizkoa agertzen zaizkigu. Patxi Altuna ezíníkusía díon pertsona hori Oihenart delakoan dago, edo Oihenart ere bai behintzat (1981 : 13).10

99 Hitzaurre honen bigarren atalean, Etxeberriren mintzairari eskainian, morfosintaxia, aditza eta bertsogintza ditu Altuna jaunak aztergai.

100 b) Manual devotionezcoa- ren testuari berari gagozkiolarik, gauza aipagarri bat : Altunak bi aldiz jarri digu testua : Liburuaren orrialde pareetan Etxeberriren garaiko grafia mantenduz, ſ, s > s berdindu eta ſſ grafia gaurko erara bihurtzen baditu ere, eta orrialde ezpareetan gaurko grafiara aldatuz. Kontu hau balio haundikoa iruditzen zaigu Altuna jaunak jarraitu dituen erizpideak ikusi eta hartan ikas baitezakegu.

101 d) Manual- aren testua oharrez eta azalpenez josia dago. Honen arrazoia Altunak berak eskaintzen digu (1981 : 7) : Joan den ikasturtean, ordea, Euskal Filologiako ikasleei aintzineko idazleez eskolak eman behar eta aurreko udan eskolak prestatzen ari nintzelarik, bertantxe konturatu nintzen, oharrez eta argibidez homituriko esku libururik ez zuteino, ezin zezaketela ikasleek behar bezala lan egin ; beste edozein Filologia ikasten duten eskolarioek bezalaxe, behar zituztela noraezean gureek ere esku liburu egokiak, autorearen berririk, haren hizkeraren bereizgarrien oharrik eta pasarterik ilunen argitasunik eskainiko zietenak.

102 Aurkituko dìtu, bada, ìrakurleak edizio kritiko honetan zehar Etxeberriren obraren ezagueran barneratzeko giltzak eta izango du bertan bildutako jakituria dastatu eta bere egarria asetzeko adina ohar eta irakatsi.

2. 1627.eko eta 1666.eko lekukotasunen arteko erkaketa

2.1. Hutsa Manual devotionoezcoan11

103 Etxeberriren lehen lan inprimatu honen bi edizio desberdinen aldakien konparaketak ez du balio haundiegirik izan bi testimonioon jatorria zehazteko orduan. Aldaki

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gehienak aldaketa kontzienteak edo inprenta arazoek eragindakoak dira. Haien kasuan, jakina denez, XVII. mendearen hondarretarantz gertatzen ari diren grafia aldaketen erruz gertatutakoak ; hauenenean, inprenta arazoek eragindakoen kasuan, inprentaren izaerak berak eragindakoak.

104 Huts bezala har genitzakeen aldakiek, ordea, ez dute kopuru handiegirik osotzen eta, hauetan ere, gehienak ustegabeko huts lokabeak dira, huts poligenetikoak ; huts komunak, aldiz, gutxi dira eta, Etxeberriren beste bi liburuekin ez bezala, ez digute zeinek zein irakurri duen argitzen lagunduko.

105 Hona huts adierazgarrienak.

106 a) duplografia arrunt bezala har genitzakeenak

107 Hitz osoa soberan dagoen adibideak

108 M2 0160 298 Arranoa hain...12 M1 80 orrialdea 2093 bertso zenbakia Ona pena gabe, eta gaixtoa dolorezqui Ona Eçen guztiac hillen tu ordean differentqui, Ona pena gabe, eta gaixtoa dolorezqui

109 Argi erakusten zaigun 1627.eko testimonio honetan errakuntza konposatzailearena izan dela. Orrialdearen oinean agertzen den deia ‘Ona’ da eta hurrengo lerroko bertsoak ‘Ona pena gabe...’ hasi behar zuen. 80. orrialde honetako azken bertsoa, aldiz, ‘Eçen guztiac hillen...'13.

110 b) Haplografiatzat har genitzakeenak

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111 Hitz osoa falta den adibideak

112 M2 38 orrialdea 908 bertso zenbakia O Iongoico arguiaren izpiz banaçaillea, Ene othoitçaren entçuntçaillea. A Ene othoitçaren arren, çaren entçuntçaillea B Eta eguidaçu, Iauna, egungo egun guztia, Behkaturic eguin gabe paffatceco gratia.

113 M2 45 orrialdea 1058 bertso zenbakia Guero ahoz declaraçac ceren duen premia, Eternalac emateco çabal deçan erhia. Alltchatçean berçetcho hau eztuc behar ahantçi, Heure othoitça deçaquentçat moldezqui. A Heure othoitça akhaba deçaquentçat moldezqui. B

114 c) Ordenaren aldaketaz gertatzen direnak14

115 1627 Sarri edo berant ditu atcematen guztiac, Ecen itçurtceco dire bide guztiac hertfiac.

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Mortu çarraturic ezta, non ezteçan idequi, Ez aintciraric iragan, non ezteçan idocqui.

116 1669 Mortu çarraturic ezta,non ezteçan idocqui. Ez aintciraric iragan, non ezteçan idequi.

117 d) Ordezkapenez gertatzen direnak, jarriko ditugun gehienak edo lectio facilior edo huts paleografiko bezala hartuak izan ditzakegularik.

118 Huts paleografikoak

119 Ez dugu Manual devotionezcoa ren testimonio desberdinetan huts banatzailetzat hartuak izan daitezkeen adibide argiegiak aurkitu, jarriko ditugunak aldaketa kontzientetzat ere izan daitezkeela uste baitugu. Hona, hala ere, adibide gutxi horiek :

120 Ml 44 orrialdea 1053 bertso zenbakia Viſtaz ikharatcen dituc buruçagui gogorrac, Eta ematen daroztec tranſimendu agorrac. Gutienic noiz baicare guero hitçaz orhoitcen, A gueure B Orduan daroquc bici maitea arrapatcen.

121 M1 66 orrialdea 1692 bertso zenbakia Ohoretan ſarthu eta ſalſo enganariac, Haguitz mehatchaturen tu ez ſinhetſi nahiac. Hañitz bere eguinen du tormentaren beldurric, Bercei iarraiquitcen çaie hequin contra ſamurrez. A ſamurric. B Argi dago bertsoak ‘famurric’ eskatzen duela.

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122 Ml 87 orrialdea 2301 bertso zenbakia Vngui ethorri, vngui ethorri diuſquec milletan, A dioſquete B O arima dohatfuac lekhu ſaindu hunetan. Vngui ethorri fidel, eta adifquide maiteac, Eta ene Semearen ordenantçac gordeac. 1669.eko testimoniak dakar irakurketa zuzena. Patxi Altunaren esanetan « diosquete : hark haiei gero : hots, esanen die » (1981 : 286).

123 M1 119 orrialdea 3243 bertso zenbakia Halaber du Iongoicoac gaztigatcen arima, Bekhatu mortaletaric chahu partitudena. A Ecen batec eztu nahi Sathan coleratſuac, batere B Eman diotçan gañera eſai atçapartſuac. 1669.ekoa litzateke, hemen ere, irakurketa zuzena ‘eztu nahi’ hori Jangoikoari bailegokio, ez ‘batec’ horri (Ezen Jangoikoak ez du batere nahi...).

124 M2 162 orrialdea 4031 bertso zenbakia Othoitz hauc beraz ikhaſquic perrillei itçurtceco, Bai eta are portutaric eſquerren itçultceco. Vorondate hobeagoz Iongoicoac gratiac, Eman dietçaquen, haren threforetic nahiac. A gratiac. B Hau, izan, ez da huts banatzailea homoioteleutonez gertatutako jauzi bati egotzi behar zaion aldaketa baizik. Izan ere, konposatzaileak aurreko lerrorako jauzia egin eta toki berbereko ‘gratiac’ errepikatu baitu 1669.eko testimonioan.

125 M2 172 orrialdea 242L bertso zenbakia Nolacoa bainaiz ere, ez naiz ceure, ez berceren, bañan guztiz çure, ceure creatura behar handian dena vrrical bequiçu, eta puchantça duçun leguez orain eta bethi fauora çaçu. ‘Ez naiz neure’ dio 1669.eko testimonioak eta hau da hobetsi behar duguna.

3. Zenbait kontu bibliografikoz

3.1. Egile, editore eta inpresoreez

3.1.1. Egile eta editoreez

126 Edizioen prestatzaileak pertsona desberdinak izan zitezkeela esan behar dugu hasteko. Idazlea bera izan zitekeen, eta kasu honetan zera suposatzen zen, idazleak moldiztegian orijinal zuzendua eta landua aurkeztuko duela ; frogak zuzenduko dituela eta inprimatutako testuan egileak jarri eta esan nahi zuena bera agertuko dela. Alde handia dago, bada, inprimaketa lanez arduratua dagoen egile baten edizioa eta honek zerikusirik izan ez duen baten artean.

127 Ardura hau dela eta, Joanes Etxeberri Ziburukoa bera ere kezkatu egiten du kontu honek. Noelac liburuak ezagutu duen lehen edizioan, azken taulen ondoren, amaieran, honako hitzak jarrarazi du Etxeberrik (1645 : 150-151) : « Iracurtçaillea, excuſatuco / nauçu baldin impreſſionean cembait falta edireten ba- / duçu , ecen eznintcen ne- rori lekhuaren gañean. »

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128 Gonzalez de Amezuaren adierazpen interesgarri batzu daude zuzenketa eta zuzentzaileak direla eta (1951 : 355). Inprenta guztietan, bi eratako zu-zentzaileak zirela dio ; inprentakoak bertakoak, beraien lana burutzen ohituak eta, oro har, ongi betetzen zutenak, eta zuzentzaile orokorra. Zuzentzaile orokor

129 hau Gaztelako Erresuman 1502.eko uztailaren 8ko Pragmatikak sortua da. Dirudienez, beraz, ez dagokio Iparraldeko inprentei.

130 Manual devotionezcoa- ren bi edizioak akats gutxi dute (ez ditugu hemen kontuan tipo mugikorreko inprentaren hutsak edo idazleak dituen grafia zalantzak). Honek zera pentsarazten digu, bada, lehen liburuaren inprenta frogarik zuzentzeko aukera izan zuela Joanes Etxeberrik (1627.ekoa da lehen argitarapena) eta inprentako zuzentzaileak ere ongi bete zuela bere beharra.

131 Honekin lotua dago grafiaren kontua. Batasun ortografikoa inposatzen duena, maiz, inprenta bera izaten da eta askotan inprenta horretan erabilgarri dauden zeinuetara moldatu beharra izaten du testuak. Oker dago, bada, Gonzalez de Amezuak erakusten duenez (1951 : 354), liburu inprimatuko grafia egilearena berea dela uste duen asko, kajistarena edo, gehienik ere, zuzentzailearena delarik.

132 Vinsonen ustez (1891-8 : 89), J. Mongiron Milanges, bere oinordeko eta inguruko gainontzekoek —Baionako Fauvetdarrak barne— ez dute erabateko erreforma ortografikoa XVII. mendearen hondarretara XVIII.aren hasieran baizik gauzatu. Aipatu berri dugu maiz gertatzen dela zeinu bat inprimatu ezina tipo hori ez dagoelako erabilgarri.

133 J. Mollen ustez —eta orain editoreen arloan sartuko gara—, edozein liburu argitaratzean editoreak duen garrantzia gutxietsia izan da. Liburu orok eskatzen du diru inbertsioa. Nork egina, baina ? Batzutan liburuan bertan erakusten zaigu, bestetan ez. Egilea bera izan daiteke inbertsio hori egiten duena ; orduan, espreski adierazia agertuko da liburuan (« egilearen kargu » edo horrelakoren bat agertuko da). Ez da, haatik, maiz gertatzen hau ; ezta obra eskainia dagoen pertsona edizio horren kargu egitea.

134 Eskaintzak direla eta, zera dio J. Mollek (1979 : 95) : La dedicación a un personaje podrá ser debida a dependencia, amistad o espera de protección, pero habitualmente poco rinde al autor. Creemos, por otra parte, que se transforma en una costumbre, que valora al libro, incluso en su aspecto exterior, y sirve al lustre del personaje a quien va dedicado, y a quien el autor o el editor enaltecen, en su persona y en la nobleza de su casa.

135 Ez da, eskaintzaren kontu honetan, uste berekoa Gonzalez de Amezua jauna. Honela dio eskuartean darabilgun artikuluan (1951 : 343) : ... Para ello cuenta en su albedrío con un medio sutil y persuasivo : la dedicatoria ; porque ya lo dijo Quevedo : « Todos dedican sus libros con dos fines... : el uno, de que la tal persona ayude para la impresión con su bendita limosna ; el otro, de que ampare la obra de los murmuradores ». Bastará, pues, que el novel autor dirija su libro a un opulente magnate, estampando su nombre y títulos orondos con grandes y llamativas letras en la portada, donde campee, además, el orgulloso escudo de armas de su linaje, para que aquél se ablande y descorra los cordones de su bolsa, más o menos repleta. Dos hojas más allá, en sus preliminares, la humilde y servil dedicatoria hará larga reseña de las hazañas y méritos personales del mecenas ;...

136 Manual devotionezcoa- ren lehen liburuan honela dio Joanes Etxeberrik 6 zenbakidun orrialdean :

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DEDICATIONEA, ENE IAVN CLAVDIVS DE RVEIL, Baionaco Iphizpicu digne, Erregueren Conſeillari, Eta Parizco ſemeari.

137 34 bertso dira eta ikusi dugun hau bertsoon izenburua da ; sei bertsooz amaitzen da eskaintza hau : Hartaracotz obra hunen, patroin çaitut hautetſi. Guaiſqui errailleac çeren baititutçu guaitçelſi. Çuri Eſcaintçen darotçut, othoi guarda eçaçun. Inuidioſen mihiac liçun eztieçaçun. Erregueac behar ditu defendatu gendeac, Hitzcuntça batecoac hain vngui nola berçeac.

138 Argi erakusten zaigu hemen, bada, J. Mollek eta Gonzalez de Amezua jaunek adierazi berri digutena. Argi dago ohitura izan daitekeela eskaintzen kontu hau.15 Baina gure ustez, Quevedok zioen bezala, baliteke eskaintza hau ere bi helbururen atzetik ibiltzea : bata gaizki erraileetarik guarda dezan16 eta, bigarrena, bere diruz inpresiorako laguntza eskaini dezan. Kontrarreformaren ondorioz, neurriak hartzen dira eliztarrak elikagai izpirituala bere hizkuntzan har dezan.17 Eta liburu hauek horixe dira, elikagaia. Hauek honela, ez litzateke harritzekoa izango erregearen konseilari den Baionako apezpikuak diruz lagundu izana. Are, pertsonaia hori Baionako Bikario Jenerala izanik, zilegi dirudi dioguna aitortzea, pertsonaia honi baitago eskainia Manual devotionezcoa honen bigarren liburua. Honela dio 3. orrialdeko eskaintzaren izenburuak : DEDICATIONEA. IAVN MIGVEL / DE OIHARART, VICARIO GENERAL / OFEICIAL, ETA BAIO- naco Eliça naüſſico, Ca- / longe Theologari.

139 Hogeita bi bertso dira eta hemen ere argi erakusten zaigu adiskidetasuna, batetik, eta bere obraren babes bila dabilena (18-19. bertsoak), bestetik. Bigarren liburu honetako « Itsassoco biayetaco othoitcen araldea » ere Migel Oiharard Bikario Jeneralari eskainia da.

3.1.2. Inpresoreez

140 Inpresoreei dagokienez, derragun Manual devotionezcoa ren bi edizio desberdinak Bordelen inprimatuak izan zirela. Ernesto Labadieren L'împrimerie bordelaise et les livres basques lana (1913) jarraituko dugu Bordeleko inprimatzaileoi buruzko zertzelada labur batzu emateko.

141 Simon Milangesek moldiztegi haundi eta garrantzitsu bat kokatzen du Bordelen 1572. urteaz geroztik, baina 1623.era arte ez da moldiztegi honetan euskeraz idatziriko libururik aterako. Urte honetan bertan hil eta Jacques bere seme zaharrenari utziko dio bere moldiztegia. Aipatu lehen euskal liburua Etienne Materreren Doctrina Christiana- ren bigarren argitarapena da.18

142 Milangesdarren bigarren euskal argitarapena gure Joanes Etxeberriren Manual devotionezcoa da, 1627.ean. Dakigunez, liburu honek Gilen Milanges inprimatzailearen izena darama. Gilen hau Jacquesen ondotik etorri zen, 1625.ean, eta Gilen honen oinordeko Mongiron Milanges izango dugu, bere loba, 1650.ean. Mongiron Milanges da, izan ere, Manual- aren bigarren argitarapena plazaratuko duena 1669.ean.

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3.2. Inposaketa modua : plegu eta zeinadurez

3.2.1. Pleguak

143 Plegu eta zeinadurei buruzko atal hau garatzen hasi aurretik, liburu baten aipamena egin nahi genuke. Beronen izenburua Institución y origen del arte de la imprenta y reglas generales para los componedores da, egilea Alonso Víctor de Paredes delarik ; 1680. urte inguruan da argitaratua eta gu Jaime Mollek prestatu zuen berrargitarapenaz baliatu izan gara (Moll : 1984).

144 Bi kapitulutan zehar (seigarrena eta zazpigarrena), bi azalpen desberdinen berri ematen zaigu : orrialdeen fabrikazioa eta neurriak, batetik ; inposizioak eta planen ezarketa, bestetik. Lehen azalpenak orrialde bakoitzean izango ditugun testu lerroak, hauen zabalera eta bazterren neurriarekin du zerikusi. Bigarrenak, hemen luze eta zabal azalduko dugunak, plana bakoitzak izan behar duen tokiarekin eta inposaketa motekin.

145 Orrialdeen fabrikazioari gagozkiola, Alonso Víctor de Paredesek hiru genero desberdintzen ditu : genero osoa, arruntena ; genero osagabea eta genero zeharkatua. Genero osoak, bestalde, folioko, lauko, zortziko, hamaseiko, hogeita hamabiko eta hirurogeita lauko neurriak ditu. Genero zeharkatuan, orrialdeei ematen zaien zabalera genero osoan luzeran ematen zaiena da, eta luzera besteek zabaleran dutena. Genero zeharkatu honek lauko, zortziko eta hamaseiko neurriak ditu. Genero osagabeak, hamabiko, hogeita lauko eta berrogeita zortzikoak.

146 Jarraian, Víctor de Paredesen liburutik jasotako genero osoari dagokion adibidea jarriko dugu, esan dugunaren erakusgarri (aip. lib. : 24v) : El Quarto es la segunda medida, y en ella lo más que se haze son libros : en quanto al ancho de las lineas, no Uevando cotas, ni colunas, se les puede dar veinte y quatro mm de Letura ; y de largo veinte y quatro renglones de Parangona, veinte y ocho de Texto, treinta y quatro de Atanasia y quarenta de Letura.19 Si fuese en colunas sin cotas, a cada linea se le pueden dar doze mm de Letura : y si tuvieran las colunas cotas, con diez mm de Letura tienen lo suficiente, y de largo los mismos renglones...

147 Liburu bat in-8° edo zortziko, in-16° edo hamaseiko, e.a., dela diogunean, bada, orrialde bakoitzean ditugun lerro kopurua eta hauen zabalera eta neurriez mintzo gara ; ondorioz, orrialde edo planaren beraren luzeraren neurriaz. Zortziko liburu baten altuera, adibidez, 16-22 zentimetro bitartekoa izaten da. Hamazazpi zentimetrotik gorako neurria duenean, zortziko nagusi izenez ezagutuko da ; hamasei zentimetrotara heltzen ez denean, zortziko txikiz ezagutuko da.

148 Guri dagokigunez, hauek dira Etxeberri Ziburukoaren Manual devotionezcoa ren bi edizio desberdinen formatoa eta planen neurriak, Vinsonen arabera (1891-8 : 65 hh.) :

149 1627.eko edizioa Formatoa : in-8 Neurriak : 101 mm 5 x 167,5 (testuak berak 82 mm 5 x 149,5) Pabeko aleak : 103 mm x 163,5

150 1669.eko edizioa Formatoa : in-8 foleo erdiz Neurriak : 88 mm 5 x 152,5 (testuaren neurriak)

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151 Testuaren neurrian zeinadurak eta tituluak barne dira. 1669.eko edizioaz « par demi- feuille » dio Vinsonek. Hau honela da ; zortzireneko plegu erdiz dago osotua liburua (8 orrialde pleguko).

152 Esan dugunez —eta orain Víctor de Paredesen bigarren azalpenari, inposizioak eta planei buruzkoari, ekingo diogu—, liburu inprimatua tipo mugikorrez dago konposatua eta koadernoak eratzen dituzten pleguez osotua. Víctor de Paredesek honela dio, aipatu dugun liburuaren zazpigarren kapituluaren hasieran (Moll, 1984 : 25v) : De las imposiciones, y colocacion de las planas. En este particular del sitio que ha de tener cada pagina se requiere singularissima atencion en el discipulo, porque qualquiera descuido que aya en su inteligencia, no solo es vn yerro, ni solo cabeça de otros, sino que todo el pliego que passare con algun defecto en esta parte, và sin remedio perdido, y no puede servir de nada. Y assi me parece poner diversas advertencias. Sea la primera, que el pliego de à octavo es la guia, y camino por donde se goviernan todas las imposiciones del Genero perfecto ; porque un octavo tiene diez y seis planas, y otras tantas tiene vn quademo de à folio, pues lo mas ordinario es hazer cada cuaderno de quatro pliegos (aunque ya por gusto de los Enquademadores han dado en que se imprima en terno de à tres pliegos, que hazen dos planas). Si se imprime en quarto, es lo más comun hazer dos pliegos en quademo, que hazen diez y seis planas. Si en octavo, èl se las tiene. Si en diez y seis, cada pliego ha de constar de dos octavos, ò signaturas, que cada vna haze diez y seis, de forma que para dobiarle se ha de partir el pliego por medio, y doblar cada medio, luego de por si...

153 Hamaseireneko ezarketari dagokionez, lau eratakoak izan daitezkeela dio, bigarrena « pliego con una sola signatura » izendatzen duelarik. Bere irudikapena honako hau da :

154 Gehiegitxo luzatzen ari bagatzaizkizue ere, beharrezko ikusten dugu jarraian azalduko dizuegun kontua kokatzeko.

155 Izan dugu Aita Beneditarrek Lazkaon duten etxera bisita egiteko aukera, eta bertako liburutegiko arduraduna den Aita Juan Jose Agirreren konpanian, lan honi buruz mintzo ginela, elkarrizketak Iruñan 1631.ean inprimaturiko liburu bitxi baten kontua ekarri zuen. Liburu honen datu bibliografikoak honako hauek dira :

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PARAYSO / VIRGINAL DE / DISCVRSOS PREDICABLES / en las fiestas dela ſiempre Virgen Maria ma- / dre de Dios, y Señora nueſtra. / CON DOZE PLATICAS PARA LOS PRIME-/ ros Domingos del mes en ſu alabança. I Por el Padre Fr. Juan de Mata Predicador general dc la Orden de / Predicadores, y del Real Conuento de S. Andres de la / Villa de Medina del Campo. / DEDICADO A LA MILAGROSISSIMA / Imagen de Nueſtra Señora del Roſario del dicho / Conuento y Villa. I Año (inpresorearen marka) 1631. / EN PAMPLONA. / Con licencia del Conſejo Real Impreſſo : por Carlos de Labà- / yen, Impreſſor del Reyno de Nauarra. / A coſta de luan de Veynça mercader de libros. 156 Aita Juan Jose Agirrek zegoen apalera eraman eta bizkarrean Marial de Mantua izenburua zuen narruzko azaleko liburua erakutsi zigun. Liburu guztiek izaten dute aitzin-gibeletan zuriz doazen zenbait orrialde (goardak), honetan gertatzen den bezalaxe. Kontua da kasu honetan ez daudela zuriz, inprimaturik baizik. Eta honek, printzipioz, ez luke inor harritu beharko, jakina baita garai hartan papera oso garesti zegoela eta normaltzat jo genezake, zuriz jarri beharrean, inprimaturiko zenbait orrialde jartzea. Baina bitxi bihurtzen duen kontua jarraikoa da : inprimaturik agertzen diren aitzin-gibeletako lau orriak Joanes Etxeberriren Manual devotionezcoa- ren 1627.eko argitarapenari dagozkiola (logikoa, bestetik, liburu hau 1631.ean argitaratua izaki). Baina hau ere ez litzateke harrigarria gertatuko agertzen diren orrialdeak agertuko ez balira. Aitzinean, lehen orriko eran Manual- eko 54-59 zenbakia duten orrialdeak ditugu ; itzulian, 53-60dunak ; bigarren orriko eran, 52-61 ; itzulian, 51-62 ; jarraian liburuaren lehen orrialdea (Parayso Virginal...). Gibelean, liburuaren amaieran, beste bi orri : lehenaren eran, Manual- eko 38-43 zenbakia daramatenak ; itzulian, 37-44 dutenak ; bigarrenaren eran, 36-45 ; itzulian, 35-46. Hau da, bada, harrigarriena, ez dutela Manual- eko orrialdeak segida arrunta jarraitzen (37, 38, 39, 40...). Liburuaren neurriak 195 mm x 140 mm dira eta Manual- eko bi orrialdeak ez dira osorik sartzen ; ondorioz, 54, 53, 52, 51, 37, 36, 35 zenbakidun orrialdean goitik behera erdialde ingurutik ebakiak dira.

157 Víctor de Paredesen hamaseireneko « pliego con una sola signatura » delakoaren irudikapenera itzuliz, 1-32 zenbakiak jarraiko 32ez ordezkatzen baditugu pleguaren irudikapen berria hau genuke :

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158 Aurreko lerroetan azaldu dugun Manual- eko orrialdeen ezarketa eta irudi honetakoa konparatuz bat direla konturatuko gara eta lortzen dugun ondorioa honako hau da, Parayso Virginal liburuan agertzen diren Manual- eko orrialdeak tolestatu gabeko plegu osotik hartuak direla. Plegu erdia erabili da (irudian grisez ilundua dagoena) eta gris ilunenez koloreztuak dauden orrialdeak liburuaren aitzinaldean eta gris argiagoz daudenak gibelean jarri dira.

159 Argi dago, bada, liburua inprimatu edo koadernatu duena Manual devotionezcoa- ren plegu batez baliatu dela aitzin-gibeletako orrialdeetarako. Eta hau da kontu hau bitxi bihurtzen duena. Liburua, azalean azaltzen zaigunez, Nafarroako Erresumako inpresore den Carlos de Labayen jaunak inprimatua bada, Iruñan, 1631 .ean, zer egiten du hiri honetan 5 urte aurrerago Bordelen inprimatu den liburu baten plegu batek ?

160 Aita Juan Jose Agirrek Manual devotionezcoa Iruñean inprimatua izan ote zitekeen galdetzen zigun eta iradokizun horrek eman digu zer pentsatu. Manual- ak Bordelen, Gilen Milanges erregeren inprimatzailea baitan oina du eta hauek honela hiru ikerketa bide zabaltzen zaizkio egarria hase nahi duen ikerlariari :

161 1) Biak leku berean inprimatu direla erakutsi eta hau honela izanik, non gertatu den eta inprenta oinen kontua azaldu.

162 2) Bata Bordelen eta bestea Iruñan inprimatu direla onartu eta biak leku berean koadernatu direla suposatu aitzin-gibeletako orrialdeen kontua koadernatzailearena izan dela erakutsiz.20

163 3) Xabier Madariagak iradoki eta bere Artes Gráficas liburuan (1995 : 85) dionez, posibleena zera da, Manual- a koadernatu gabe, pleguetan, heltzea Iruñara eta, horren ondorioz, inpresore/koadernatzaile honek pleguak izatea eta beraiez baliatzea Marial- aren goardak egiteko.21

164 Kontu hau alde batera utzi eta plegu eta zeinadurenera itzuliz, argi dago, orduan, liburu bat ez dela orriz orri inprimatzen. Plegu izena duen orri handi batean liburuko plana asko inprimatzen dira batera. Plegu hauek, behar bezala tolestuak, liburuaren orrialdeen segida ordenatua emango digute. Originala konposatzaile edo kajistaren eskuetara pasatzen zen ; hauek ziren liburuaren konposaketa laneko pertsonarik garrantzitsuenak. Plegadura tipoaren arabera, konposatzaileak pleguaren bi alderdiak prestatuko ditu (Era eta itzuliaren antzeko zerbait, gaztelaniaz, recto eta verso deituak.) Tipo mugikorreko inprentak, plegua konpo-satu eta gero, eskatutako ale guztiak inprimatzera behartzen zuen. Jarraian, tipo berberak erabiltzen ziren hurrengo plegua konposatzeko eta honela besteekin. Pleguok, bestalde, neurri desberdinak izan zitzaketen. Eguneango inprimatzeko paperaren formato arruntenak honako hauek dira :

165 Formato hauek tolesturik gabeko eta musarratu gabeko plegu leuetako papera adierazten dute.

166 Formato klasikoak era gehiagotakoak izaten ziren zerrendan formatoen anizkoitzak, azpianizkoitzak e.a.-ak ere sartzen baitziren (doble raisin, doble carré ...).

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167 Formato klasikoek beti adierazten dituzte tolestu gabeko pleguak. Tolestuak beste hitz batzuez izendatzen dira, tolestura kopuruari dagozkion hitzez : • bitan tolestua : in foleo (4 orrialde) • lautan tolestua : in 4° edo laukotan (8 orrialde) • zortzitan tolestua : in 8° edo zortzikotan (16 orrialde)

168 Argi utzi behar da tolestutako pleguaren izenaren ondoan tolestura hau eragin duen jatorrizko formato klasikoarena jarri behar dela. Adibidez : • in 4° coquille : coquille formatoa lautan tolestua. • in 8° raisin : raisin formatoa zortzitan tolestua, e.a.

3.2.2. Zeinadurez

169 Plegua adierazpenari hertsiki lotua dagoen beste adierazpen bat aipatu behar da, zeinadurarena alegia.

170 Plegu bakoitzean, lehen orrialde ezparearen barrenean, eskumatara, jartzen den marka da zeinadura, koadernatzaileei liburua eratzeko pleguen tolesketa errazteko jartzen zena. Alfabetoko letra bat zen, zenbakitxo batez jarraitua (arabi-koa denean minuskulaz jarria), eta, esan dugunez, plegu bakoitzaren lehen orrialdean jartzen zen, orrialde ezparetan errepikatuz, pleguaren erdiraino. Honela, 16 orrialdeko plegu batean, lehen orrialdean A letra jartzen zen, bigarrenean Aij edo A2, hirugarrenean Aiij edo A3 eta laugarrenean Aiiij edo A4. Bigarren pleguan gauza bera egiten zen B letraz, eta honela obra osotu arte. Alfabetua agortuta letrak bikoiztu egiten ziren, lehena maiuskulaz eta besteak minuskulaz jarriz.

171 Aurrera jarraitu aurretik zera aipatu behar da, pleguko azken orrialdean hurrengo pleguko lehen hitza —deia deituko duguna—jartzen dela konposatzaileak oraindik ere argiago ikus dezan zein den plegu desberdinen aria.

172 Komentatu eta azaldu beharreko zenbait gauza dugu Manual devotionezcoa- ren bi edizio desberdinen lehen eta bigarren liburuen eraketa eta plegu sisteman.

173 1627.EKO EDIZIOA

174 1627.eko edizioa (in-8 formatokoa) zortzireneko pleguetan eratua da, eta 8 pleguk 128 orrialde osotzen dute ; « Limboetaraco » deia dugu orrialde horren barrenean. Plegu erdi bat dator gero (129-136 or. ; 8 orrialde beraz) eta azkenik bi orri (4 orrialde) 137-138 orrialde inprimatuak eta jarraian datozen bi, zuriz daudenak.

175 Hasierako zortzireneko pleguak (16 or.) liburuaren lehen orrialdeaz hasi behar zuen, orrialde bat zuriz jarraian eta A 2 zeinadura daramana 3 orrialdea. Baina, Jaime Mollek dioenez (1979 : 52 hh.),22 aurreko orrialdeak (azala, onespenak, lizentziak, e.a.) zeinadura arruntetik aparte joan behar zuten, maiz hori horrela gertatu ez arren. Horregatik hemen izenburua, lizentzia eta bestelakoak bi orritan (lau orrialde, beraz) zehar sartu dira ; izenburuaren orrialdetik, bada, »Venial » deia daraman orrialdera (16 zenbakiduna) 20 orrialde daude (bi orri eta zortzireneko plegu bat).

176 1627.eko Manual- aren edizio honen bigarren liburua izenburuaren orrialdeaz hasten da, eta 13 zortzireneko pleguk 208 orrialde betetzen dituzte, azken orrial-deak plegu erdi batez osotuak direlarik.

177 Diogun guzti honen erakusgarri zeinadurak beraiek dira ; bai lehen liburuan zein bigarrenean, zortzireneko pleguetan A, A 2, A 3, A 4 gisako lau zeinadura daukagu pleguko, plegu erdiraino lau orrialde ezpare baitira ; lehen liburuko azken aurreko

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plegu erdian (I3 zeinadurak ez luke agertu behar bi orrialde ezpare izanik plegu erdiraino) eta bigarren liburuko azken plegu erdian bi dira zeinadurak. Eta lehen liburuko amaieran bi orri dagoenez, zeinadura bat. Lehen liburu honetan ez da deirik falta, bai, ordea, F eta F3 zeinadurak. E zeinadura jarri behar zuen tokian L agertzen da, gainera.

178 1627.eko edizio honen bigarren liburuan 9. orrialdean agertu behar ez lukeen E agertzen da, eta 163. orrialdean L2 jarri behar zuen tokian L jartzen du. Plegu amaierako deiak ere hamairuak daude.

179 1669.EKO EDIZIOA

180 1669.eko Manual devotionezcoa- ren lehen liburua zortzireneko 17 plegu erdiz osotua dago (136 zenbakia duen orrialderaino). Hasieran bi orri sartu dira arestian aipatu dugun arrazoiagatik. 137. orrialdeak S zeinadura darama, gero orrialde bat zuriz, eta hurrengoa bigarren liburuko azala (lehen orrialdea, beraz) da.

181 Bigarren liburuko 15. orrialdeak C zeinadura darama (aurrekoak »çure » deia). 15. orrialde honetan hasi eta 214.era (azken orrialde hau zuriz dago) 200 orrialde daude, zortzireneko 25 plegu erdi osotzen dituztenak.

182 Bigarren liburuko aurreko 14 orrialdeak gelditzen zaizkigu ; hauek dira orrialdeotan agertzen diren zeinadura eta deiak :

183 Hauek honela, ezin dugu inolako plegurik eratu eta zeinadurak ez dira behar tokian jarriak. Baina 14 orrialde hauei lehen liburuko azken bi orrialdeak gehitzen badizkiogu (137. orrialdea eta hurrengoa, zuriz dagoena), orduan, zortzireneko bi plegu erdi ditugu, lehen edizioko 137. orrialdetik (S zeinaduraduna) bigarren liburuko 6. orrialdera (« othoitçaren » deia daramana) doana bat, eta bigarrena 7. orrialdean hasi eta 14. orrialderaino doana (« çure » deia duena). Honela, bada, obra osoa zortzireneko 44 plegu erdi eta hasierako bi orriez osotua litzateke, 356 orrial-de guztira.

184 Dena den, 1669.eko edizio honetako bi liburuetako zeinadura sistema ez da bat ere erregularra.

185 Edizio honetako lehen liburuko lehen bost pleguetan (40 zenbakia duen orrialderaino), lau zeinadura agertzen dira, plegu erdi batek bi besterik behar ez dituenean. A3, A4, B4, C3, C4, D3, E3 eta E4 zeinadurek, bada, ez lukete agertu beharko. Zein izan daiteke agertzearen arrazoia ? Gure ustez, ezin izan dira zortzireneko plegu erdiak eratu eta zortzireneko lau orri solte josiz koadernotxo bat egin eta orrialde ezpare guztietan zeinadura jarri behar izan da, horrela lau agertzen direlarik eta ez bi. Gainera, B dago C-ren ordez eta O O2-renez.

186 Bigarren liburuko lehen pleguan ez dago zeinadurarik, esan dugunez, gure ustetan plegua lehen liburuko azken bi orrialdeetan hasten baita. G2 zeinadura eta 86 orrialdeko deia falta dira.

187 Bestalde, zortzireneko plegu erdiak izan eta plegu erdiraino bi zeinadura besterik behar ez direnez, E3, E4, L3 eta S3 zeinadurak soberan leudeke. Hemen ere, gure ustez, arazoren baten aurrean izan zen moldiztegian inprimatzailea, papera aprobetxatu beharreko arazoa ziurren. Beraz, baliteke E zeinaduraren kasu hau ere aipatu berri dugun lehen liburuko lehen bost pleguen kasua izatea ; L eta S zeinadurena, aldiz —

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baldin eta L4 eta S4 jatorriz izan eta galdu ez badira—, honela azal daiteke : koadernotxo bat zortzireneko bi orrialde solte eta plegu lauren batez osatua. Lehen bi orrialde solteek L eta L2 (edo S eta S2) zeinadura eramango lukete, hurrenez hurren, eta plegu laurenak L3 (edo S3) zeinadura. Hori da, behintzat, bururatzen zaigun erantzun bakarra.

188 Amaitzeko zera komentatu, Vinsonek (1891-8 : 541) eskuetan izan dituen edizio honetako aleetako bigarren liburuak Q zeinadura bi aldiz duela dioela, 119 eta 127 orrialdeetan hain zuzen. Guk eskuartean erabili izan dugun Hordagoren argitarapenak Q zeinadura hori 119. orrialdean darama, baina jarraiko pleguak (127-134 or.) ez darama Q hori berriro ; ez darama zeinadurarik eta hurrengoa R zeinadura da, 135 orrialdean jarraitzen duena.

189 Chicagoko Newberry Library-ko Luis Luziano Bonaparte Printzearen funtsetatik bidali diguten aleak eta Donostiako Koldo Mitxelena Kulturgunean dagoenak, ordea, Vinsonek aztertu dituenak bezala, Q eta Q2 zeinadurak bi aldiz errepikatzen dituzte 119, 121, 127 eta 129. orrialdeetan.

4. Hondar hitzak

190 Manual devotionezcoa ren bi lekukotasun desberdinak dira oso jagonak eta hauetan ez ditugu Noelac en zenbait ediziotan eta Eliçara erabiltcecoa ren 1665.ekoaren hutsak aurkituko.

191 Bakoitzak jarraitu duen bidea argitzerakoak edo stemma ra heldu nahi izatekotan, haintzat hartzekoak :

192 1) 1669.eko testimonioa ez da gehiegi aldentzen 1627.ekotik, ez tipografia ez aldakien aldetik. Eranskinetan ikusiko dugun bezala, aldaki gehienak erreforma ortografikoari edo puntuazio markei dagozkie eta adierazgarri diren huts edo desberdintasun gutxi daude. Beraz, suposa liteke 1699.eko edizioak aurrekoa, 1627.ekoa, irakurri duela eta grafia eta puntuazio kontuak zuzenduta, aurrekoa bezalakoxe edizioa dugula. Zeharkako tradizioari eskeini diogun atalean azaldu dugun atalean azaldu dugun ‘hangaia’ hitzaren kontuak eta bigarren testimonio hau ere Milangesdarrenean, Bordelen, inprimatua izanak bide hau indartuko lukete.

193 2) Azken orrialdeotan azaldu ditugun adibideek, ordea, 1669.eko testimonioak bere bidea jarraitu duela pentsaraz liezagukete. Desberdintasun edo aldaki hauek, halere, azalgarri dira testimonio hau norbaitek berrikusia eta aurrekoak izan dituen akatsak zuzendua izan bada. Kasu honetan aieru bidez edo orijinala aurrean dela zuzendu direla pentsatu beharko genuke. Bi posibilitateak dira haintzat hartzekoak, gure ustez. Posiblea da norbaitek lehen testimonioa berrirakurri, zuzendu eta bigarrena aldaketa hauek dituela ageri izana.

194 Ikusi dugun zeinaduren kontua dela eta, aipagarria da bigarren liburuko lehen hamalau orrialde eta lehen liburuko azken biei buruzko kontua. Izan ere, hamasei orrialde hauek plegu bat osotzen baldin badute, gurera heldu diren lekukotasunetako bi atalak edo liburuak batean bilduak agertu dira.

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NOTES

1. Joannes Etxeberri Ziburukoaren hiru liburu inprimatu eman zaizkigu : Manual devotionezcoa lehena, Noelac bigarrena eta Eliçara erabiltceco liburua hirugarrena. Hiru liburuon xehetasun gehiago nahi duenak jo beza, esaterako, Vinsonen Essai... ra (1891-8), Patxi Altunaren Manual devotionezcoaren edizio kritikora (1981) edo I. Atutxaren Noelac- i buruzko artikulura (1999) edo Eliçara ri buruzkora (2001). 2. Edozein testukritika liburutakoari jarraiki (guk J. Lakarraren « Testukritikaz : I. Stemmarantz » (1988) eta A. Blecuaren Manual de crítica textual (1988) lanak ditugu lagungarri), recensio aren fontes criticae fasean geundeke. Izan ere, fase honetan argitaratzaileak iturri guztiak behar ditu ezagutu eta erabili bere lanean... Iturriez kanpo, argitaratzaileak ezin izango ditu ahaztu delako obra horren aurreko edizioak (baldin badira) edota hari buruzko ikerketak, bereziki testuari buruzkoak izaki (Lakarra, aip. lan. : 119). 3. Bere Lehen liburia edo filosofo huskaldunaren ekhieia liburuan (1785. urtean argitaratua. Guk darabilgun argitarapena Txomin Peillenek prestatu eta Euskaltzaindiak 1983.ean argitaratua da. Orrialde aipamenak, beraz, edizio honi dagozkio.) Honela dio Egiategik 22. orrialdean : « Berze libürü bat tritia diana Noelak ta berze Espiritual berriak, Baionan moldizkitatia, 1630. urthian. Joanes Etxeberri theologian dotoraren obra ; ber ezkiribazaliak egin du ere berze libürü bat, Hüskararen adretzaz, mintzo dena ». Txomin Peillenek ohar bat jarri du azken baiztapen honen segidan : « Hüskararen adretzaz ez du Etxeberri teologoak idatzi, baina Etxeberri medikuak, Larramendik, azken horren eskuidazkia eskuen artean eduki baitzuen » dioena. 4. Baionako Euskal Museoan lortu ahal izan ditugu Pierquin de Gembloux-en bi liburuok. Lehena, 1841. urtekoaren berrargitarapen bat da ; oso ongi gorde da urteetan zehar eta ez du orririk falta eta denak daude bere osotasunean. Bigarren liburua, aldiz, separata bat da. Azalak falta ditu eta norbaitek beranduago, kartulinaz berregin ditu. Aurreko azalean, erako aldean, eskuz idatziriko titulua eta gainontzekoak ageri dira ; itzuliko aldean, beste eskuz idatziriko lerro hauek ditugu : « La brochure donnée au Musée basque est une avec pagination spéciale, de l'ouvrage suivant : Histoire littéraire, // philologique // et // bibliographique // des Patois // et de l'utilité de leur étude // par // Pierquin de Gembloux Nouvelle édition // suivri de la Bibliographie générale des phonopolismes basques.// Paris // Auguste Aubry, libraire-éditeur // rue Dauppine 16 // 1858. [in-8, 339 pages, imprime a Bourges, chez P. A. Manceron] Pierquin de Gembloux, né en Belgique, après avoir fait ses études de médecine en France, fut médecin d'un hôpital à Montpellier, puis il entra dans l'Université et devint inspecteur

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d'Académie à Macon, puis à Bourges. Polygraphe abondant, il a écrit pour beaucoup de, livres et articles (médecine, archeologie, histoire, liguistique). 7.III.1933 Louis Lacrocq président de la société des sciences archéologiques de la » 5. Arestian jarri dugun Pierquin de Gembloux-en aipamena eta honen ondoan pentsa liteke, gurera imprimaturik heldu diren bi lekukotasunez gain Manualeko bi atal desberdin, bakoitza bere aldetik inprimatuak, eman izan direla. Pierquin de Gembloux-ek, 1627.eko argitarapenaz mintzo dela, lehen atala in-f itxurakoa dela dioen bitartean, bigarrena in-8-kotzat du. Michelek bi liburu bailiran aipatzen ditu. 6. « Euskal klasikoak » bilduma argitaratzen hasi zen Hordago Publikapenak etxea 1978.ean, eta Joanes Etxeberriren Manual devotionezcoa dugu bilduma honetako lehen liburua. Honako hau litzateko aipamen bibliografikoa : HORDAGO PUBLIKAPENAK, 1978, Manual devotionezcoa edo ezperen oren oro escuetan errabilltçeco liburutchoa. Etxeberri Joannes, Editorial Lur, Donostia. 7. Akats hau beste zenbait tokitan ere ikusi ahal izan dut. Luis Mari Mujikak bere Historia de la literatura euskérika liburuan (1979 : 115-124) lau aldiz jarri digu 'Manuel', hiru 'Manual'. Deia egunkariak, bestalde, « Itsas bazterrak » bilduma plazaratu zuen 1992.ean, igandeetako zenbait egunkarirekin batera. 3. alean, bigarren orrialdean, Iparraldeko itsas gizonez mintzo dela, aurkezpen moduan, aipamen hau dugu :« Nosotros por la vida arriesgamos la vida » « Biziaren gati dugu hirriscatzen bizia » Joanes Etcheberri. Manuel Devotionezcoa 8. Etsajac9 : Ciriquiain-Gaiztarrok Manual- eko grafia bera mantentzen du, ſ, ſſ, tſ zeinuetan izan ezik, hauek eguneratu eta s, ts jarriz. 9. Hurrengo hau diosku hangaja hitza dela eta : El hangaya tiene un pendant en la sustitución de la j inicial por h en un vocablo que hallé, me parece que en Haraneder y tengo anotado en alguna parte. Significa probablemente aquí la volaille, o sea, las gallináceas y palomas, etc, a las que señala su nombre inglés ; pole-cat o sea gato de los pollos. En mi trabajo de Buenos Aires daba la derivación desde putorius para este TURON o mustela fétida de los catalanes. Dauzat deriva el putois (turón en francés) de putidus. lo que me parece menos verosímil. [...] Ahora bien, ¿por qué este culto escritor euskariano puso una h aspirada en lugar de una j gutural ? Yo me imagino que para guardar la métrica o cesura exacta de los versos que con una j podrían dar una sílaba más que con la h, muda en el verso... 10. Ez da, baina, eritzi berekoa Beñat Oyharçabal. Bere artikulu batean (1999a : 207) « Si l'hypothese d'Altuna est remise en cause, quelle autre lecture peut etre proposee de la querelle dont temoignent les vers d'Etcheberri ? Je voudrais suggerer que l'on rencontre ici l'echo d'une dispute de nature plus linguistique que litteraire, ou les opposants d'Etcheberri devaient etre des membres du clerge hostile a l'utilisation de la langue basque dans la diffusion par l'ecrit de la doctrine catholique. » 11. Hutsaren teoria erabiltzearen zergatiez ikus I. Atutxa (1999 : 274-275). 12. Bertso oso hau dago errepikatua testimonio honetan. 13. 396514 : 1627.eko edizioan, 3963 eta 3964 bertsoak errepikatuak daude. 14. Crueletaric15 : 18 aldiz ikusi ditugu ‘curel/cruel’ erako aldaketak Ml eta M2an. 15. Eskaintzen egitekoetara zuzendua da Jean Baptiste Orpustanen lantxo bat « Un type de 'paratexte' dans la littérature basque de la premiére moitié du XVIIe siècle : Les dédicaces (1999). 16. Aipatu berria dugu B. Oyharçabalen eritzia gaizki erraile hauei buruz. Artikulu osoan zehar C. de Rueili eginiko eskaintza aztertzen saiatzen da eta bertan (1999a : 207) « En effet, ils apparaissent dans la dédicace de l'ouvrage. ensemble de dix-sept distiques adresses à l'évêque, ou

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la question linguistique est directement et presque exclusivement évoquée : le prélat, bien que polyglotte, n'est pas bascophone, mais c'est en basque que l'auteur s'dresse à lui, donnat clairement à entendre que ce choix de langue (que n'avait pas fait Materre quatre ans plus tôt) résulte d'une prise de position relaitve au pluralisme linguistique. » Urte bereko beste artikulu batean ere kontu berberera datorkigu (1999b : 51) : ) « Pourtant, si les témoignages d'une hostilité à l'emploi du basque dans les écrits religieux en Labourd à cette époque sont peu nombreux, ils existent. Ainsi, huit ans avant la publication de l'ouvrage de Haramboure, la dedicace d'Etcheberri à Claudius de Rueil, Evêque de Bayonne, en tête du 1er livre de Manual devotionezcoa (1627/1669) indique que ces publications ont pu faire naître des incompréhensions et des critiques. [...] il devait exister dans les milieux religieux un courant peu favorable à ces publications en langue basque. » 17. Berriro itzultzen da kontu hauetara Oyharçabal « Status et évolution des lettres basques durant les XVIIème et XVIIIème siècles » artikuluan (2001 : 233-242). 18. 1617.ean agertu zen Bordelen euskaraz idatziriko bigarren liburua. Berau Aita Materreren Doctrina Christiana da, inprimatzailea 1615.ean moldiztegi berri bat eraikia den Pierre de la Court delarik. Lehen liburua, jakina, 1545.ean argitaratzen da, Etxepareren Linguae Vasconium Primitiae, François Morpainerenean. 19. Grancanon, Peticano (26 pt), Misal, Parangona, Texto, Atanasia (14 pt.), Letura, Entredós, Brevario (9 pt.), Glosa, Miñona (7 pt.) eta Nonparilla edo Piedemosca (6 pt.) dira —Alonso Víctor de Paredesek bere Institución y origen... liburuko bigarren kapituluan erakusten digunez (aip. lib. : 6v-8)— haundienetik hasi eta txikieneraino, moldiztegietan izaten ziren letra motak. Luis Desgraves ere bere Les livres imprimes a Bordeaux... (1971 : 11), 1701.eko inkesta ofizialaz ari dela, honela dio : « Simon Boé est le mieux équipé : il possède 3 presses en état, avec 9 fontes : petit-roman, parangon, gros-romain, saint-Agustin, cicéro, petit-romain et petit texte avec leur italique, plus de saint-Augustin et cicéro grecs. » Baionan ere egin zen urte honetan inkesta ofizial hau eta, Vinsonek bere Essai...-n (1891-8 : xxxij) hau dio Paul Fauveti buruz : « En 1701, l'atelier de Paul Fauvet comprenait deux presses et six fontes de caractères : un petit- canon, un gros romain, un Saint-Agustin, un cicéro, une philosophie et un petit-romain ; nous dirions aujourd'hui du 28, du 15, du 12, du 11, du 10 et du 9. » 20. Ez da harritzekoa, ordea, Bordele eta Iruña arteko harremana. Desgravesek Dictionaire des imprimeurs, libraires et relieurs de Bordeaux-en zera dio (1995 : 197) « 553. Milanges, Guillaume, 1625-1649. Maître imprimeur [...] Il conserva des relations commerciales avec L'Espagne : en 1628, une édition d'Ovide, en espagnol, poste l'adresse : En Burdeos, en casa de Guillermo Millanges, 1628 ; a costa de Bartolomé Paris, librero de Pamplona. » 21. Honela dio Xabier Madariagak : « En este sentido se puede entender la Real Cédula de 1790 que declara « ... que la prohibición de introducir libros encuadernados de fuera del Reino se extienda a los libros que vengan de surtido y en más número que de un sólo ejemplar ». » 22. Orrialde hauetan Gazteluko Erresumetan liburuak, Felipe IIak 1558.ean pragmatika argitaratu zuenetik, jasan behar izan zuen zensura gogorragoaz mintzo da. Pragmatika honetan zenbait puntu interesgarri aurkituko ditugu : « c) El impresor debía imprimir el texto sin la portada ni otros preliminares. d) Concluida la impresión, debía presentar el libro al Consejo, para que el corrector oficial cotejase lo impreso con el texto ejemplar aprobado y rubricado, certificando su total adecuación al mismo, salvo las erratas advertidas. f) Se imprimían la portada y demás preliminares, en los que, obligatoriamente, debían figurar la licencia ; la tasa ; el privilegio, si lo hubiere ; el nombre del autor y del impresor, y el lugar donde se imprimió, a lo que se añadió en 1627 la exigencia legal de que figurase también el año de impresión. » » Las principales consecuencias extemas que produjo dicha pragmática de 1558 en el libro son las siguientes :

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a) Con el libro se inicia la foliación o paginación del libro y la serie alfabética de sus signaturas. c) La portada y demás hojas preliminares forman uno o varios pliegos, con signaturas marcadas por calderones, asteriscos, cruces, etc, independientes de las del texto de la obra. »

INDEX

Thèmes : littérature, philologie Index chronologique : 18e siècle Mots-clés : Etcheberri de Ciboure Ioannes, littérature basque, écrivain classique

AUTEUR

ISAAC ATUTXA

Deustuko Unibertsitatean dotoregaia [email protected]

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Bernardo Atxaga : un escritor cautivador

Gorka Aulestia

1 Al abordar el tema dedicado a la poesía de Gabriel Aresti (Sancho el Sabio, 1998 : 22-30) resaltábamos su talante innovador y rupturista junto a la capacidad para iniciar a los jóvenes valores en el campo de la narrativa y sostenerlos en el de la poesía vasca : B. Atxaga (1951-), J. Azurmendi (1941-) R. Saizarbitoria (1944-), A. Urretabizkaia (1947-), A. Lertxundi (1.945-), J.M. Irigoien (1948-), K. Izagirre (1953-), J. Sarrionandia (1958-), I. Sarasola (1946-), L. Haranburu - Altuna (1947), L.M. Mujika (1939-), X. Kintana (1946-), P. Urkizu (1946- ), J.M. Iturralde (1951-), etc. Si la época de los escritores rupturistas (J. Mirande, G. Aresti y « Txillardegi ») supuso un cambio notable con respecto a los temás y al talante de los escritores de la Preguerra Civil, podemos afïrmar otro tanto en cuanto al estilo de los jóvenes escritores de la década de los 70 con respecto a los rupturistas, a pesar de que varios de ellos, como B. Atxaga, fueron muy cercanos a la persona de G. Aresti. El realismo social propugnado por el poeta bilbaíno (fruto, en gran medida de la influencia de sus amigos B. de Otero y G. Celaya) y el estilo de su libro Harri eta Herri (1964), fueron preteridos por muchos de los menciónados escritores más jóvenes. La retórica de la poesía social dejó paso a una nueva literatura que buscaba como meta última la autonomía de la propia literatura y no la reivindicación de ningún interés extraliterario (político, social o cultural). La figura del escritor-militante representada por G. Aresti y « Txillardegi » en la época precedente cede paso a la de un creador que no obedece a motivaciónes extraliterarias. Por otra parte, los cambios sociales y políticos ocurridos a finales de la década de los 60 y a mediados de los 70 en España (y consiguientemente en Euskal Herria peninsular) fueron notables. El Congreso celebrado por la Academia Vasca en 1968 en el santuario de Aránzazu (Oñate, Guipúzcoa) sembró la semilla de la unificación lingüística estábleciendo las primeras bases de está reforma1. Por vez primera, los vascos pudieron gozar de una lengua estándar o « koiné » que no pretendía menoscabar ningún dialecto y que estába pensada especialmente para el uso del vascuence escrito, los medios de comúnicación y la enseñanza. Además, en 1979 se aprobó el Estátuto de Autonomóa, y en 1982 la Ley básica de la normalización del uso del euskara, que sirvió para impulsar la literatura

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vasca. La creación de nuevas editoriales como Lur (1969), Etor (1970), Gero (1971), Elkar (1972) y Erein (1976) favoreció en la década de los 70, la difusión de está literatura.

2 Asimismo, en el País Vasco peninsular, tras la muerte de F. Franco el 20 de noviembre de 1975, el fin de una dictadura de casi cuarenta años permitió la cooficialidad del euskara, la legalización de los partidos políticos y, en general, la aparición de nuevas libertades que hicieron posible, entre otros efectos saludables, la expansión de una nueva literatura vasca, importante en cantidad y calidad. El post-romanticismo y el simbolismo, que habían nutrido a la literatura vasca durante más de medio siglo, desembocaron en nuevas corrientes literarias como el « Nouveau Roman » francés (A. Robbe Grillet (1922 -) Nathalie Sarraute (1902 -), Samuel Beckett, Claude Mauriac (1914 - 1984) ; en el realismo mágico hispanoamericano y en la literatura fanástica (J. Rulfo (1918 - 1986), J. L. Borges (1899 - 1986), J. Cortázar (1914 - 1984), G. Garcia Marquez (1927-), M. Vargas Llosa (1936 -), A. Carpentier (1904 - 1980), C. Fuentes, etc.). A diferencia de numerosos autores vascos que habían escrito anteriormente con criterios lingüísticos, o habían producido una literatura costumbrista de índole romántica, el grupo de los jóvenes escritores citados optó por la alternativa de una renovación profunda, poniendo el euskara al servicio de la nueva narrativa. La literatura tradiciónal, religiosa y, en gran medida, clerical, cedió paso a una literatura más moderna, y laica. Destáca en este grupo la preocupación por la búsqueda de soluciónes estilisticas nuevas en las que las estructuras tradiciónales del relato (tiempo, espacio, personajes, narrador omnisciente, etc.) quedarán desdibujadas. Ni la representación de la sociedad en la que se vive (realismo de H. Balzac), ni el estudio psicológico de los personajes (G. Flaubert), ni la intriga y el suspense serán en adelante el objetivo prioritario de la nueva narrativa vasca sino la condición exclusivamente verbal de la literatura, sin referencias extrañas al texto. De está forma, desaparecerá, en gran medida, el relato lineal, la legibilidad continua de un sistema narrativo y la representación de los acontecimientos. En resumen, se quiebran las barreras formates y temáticas de la literatura vasca tradiciónal.

3 Por otra parte, asistimos en la década de los 70 a la aparición de tres revistas literarias vanguardistas que no gozaron de una larga vida, pero que influyeron notablemente en el estilo de futuros escritores en todo el País Vasco. Sus títulos fueron Ustela (Podrido) publicada entre los años 1975 -1976 en San Sebastián bajo la dirección de B. Atxaga, K. Izagirre y R. Saizarbitoria ; el grupo Pott (Desfallecimiento) apareció entre los años 1978 - 1980 en Bilbao ;2 y Oh ! euzkadi (1979 - 1983) publicada en San Sebastián por R. Saizarbitoria y K.Izagirre.3 Estos jóvenes escritores muestran su rebeldia estética : la transgresión verbal reivindicativa en pro de una autonomía radical de la literatura ; la necesidad imperiosa de escribir unida a la validez incuestionable del euskara para la creación de una literatura de calidad ; un espíritu rupturista, inconformista y radical, no exento de ironía, humor e ilusión ; un afán de modernidad propio de los escritores pioneros durante su época juvenil.

Bernardo Atxaga (1951 -)

4 Joxe Irazu, « B.Atxaga », fue el escritor más representativo de este movimiento juvenil y ha mantenido siempre una coherencia ideológica con aquel espíritu renovador desde que en 1972 publicó su primer trabajo : « Borobila eta puntua » en un libro colectivo impulsado por G.Aresti, donde el escritor guipuzcoano usó por primera vez el

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seudónimo « B.Atxaga. »4 Esa coherencia le ha movido a escribir preferentemente en vascuence (sin desdeñar nunca el castellano) por no traiciónar su mundo afectivo : « escribo desde lo mejor que tengo, por eso lo hago en euskera. »5 Entre sus cualidades más reseñables se nos muestra como lector empedernido desde la adolescencia ; como conferenciante muy solicitado y charlista infatigable ; como excelente narrador que capta al lector con numerosos símiles, analogías y juegos de palabras que le han convertido en referencia obligada de la renovación literaria vasca en el último cuarto del s. XX como un verdadero explorador del mundo de la ficción ; además de ser el escritor vasco más traducido en el extranjero, y el más leído en el País Vasco. En el aspecto personal se nos presenta como un humanista ; sensible a las preocupaciónes, sobre todo, de los perdedores y de los débiles ; trabajador incansable ; de talante inconformista, cordial e irónico ; dotado de una imaginación creadora y de una inteligencia aguda ; sugerente y lúcido ; amante de la vida, de la libertad y del valor de la palabra.

5 B. Atxaga nació en Asteasu (Guipúzcoa) el 27 de julio de 1951. En su niñez estudió hasta los nueve años en la escuela de su pueblo natal pasando más tarde al colegio de los Hnos. de La Salle en San Sebastián, donde cursó el bachillerato. Pasa a vivir a Andoain desde donde toma contacto con centros urbanos cercanos como Tolosa y Villabona en cuyas bíbliotecas halla libros de autores como los enciclopedistas franceses del s. XVIII ; los grandes novelistas del s. XIX : Ch. Dickens (1812 - 1870), L. Tolstoi (1822-1910), F. Dostoïevski (1821 - 1881), H. Balzac (1799 - 1850), G. Flaubert (1821 - 1880), etc. ; y célebres autores del s. XX como M. Proust (1871 - 1922), F. Kafka, T. S. Eliot, W. Faulkner (1897 - 1962), R. Stevenson (1850 - 1894), H, Melville (1819 -1891), J. Conrad (1857 - 1924), A.P. Chejov (1860 - 1904), G. Papini (1881 -1956), M . Schwob (1867 - 1905), B. Brecht, E. Hemingway, G. Pérec (1936 -1982) y otros escritores del grupo Oulipo (Ouvroir de Littérature Potentielle), etc. que sacian su pasión por la lectura. Con las maravillosas técnicas de éstos y otros autores, el joven, B. Atxaga fue templando su pluma para mostrar las luces y las sombras del corazón humano. A finales de la década de los 60 pasa a Bilbao donde cursa la carrera de Ciencias Económicas en la Universidad de Sarriko. Su interés por las aulas fue inferior al mostrado por las librerías y los cine- clubes. En cualquier caso, está estáncia en la capital vizcaína resultó muy interesante por su relación con el escritor G. Aresti de quien siempre se ha sentido deudor, y jamás ha ocultado su admiración y amistad. Mientras tanto, el panorama cultural y político durante los años 1968-1969 va cambiando notablemente en el País Vasco y se presienten los primeros estertores del franquismo Junto al Congreso ya citado de Euskaltzaindia en Aranzazu (1968), la sociedad vasca se siente sacudida por sangrientos acontecimientos ocurridos cerca de Asteasu : la muerte de X. Etxebarrieta (militante de E.T.A.) y la deljoven guardia civil Antonio Pardines.6 B. Atxaga, tras finalizar sus estudios universitarios, consigue un buen empleo en un Banco de Donostia, pero lo abandona poco después, para dedicarse a su verdadera vocación : la lectura y la escritura, haciendo de su arte una profesión. Para poder sobrevivir buscaba todo tipo de trabajos (vendedor de periódicos, empleado en una imprenta y en una librería, profesor particular de lenguas y matemáticas, etc.) que le permitieran disfrutar del máximo tiempo libre y, al mismo tiempo, de módicos ingresos económicos para poder subsistir. En 1983 marcha a Barcelona donde cursa la carrera de Filosofía que más tarde influirá positivamente en su creación literaria. En 1991 fue nombrado miembro correspondiente de Euskaltzaindia.7

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6 La producción literaria de B. Atxaga es extensa y variada. Abarca los campos de la poesía, novela, cuento y la abundante literatura infantil, con más de treinta libros.

Primera obra : Ziutateaz (1976)

7 A mediados de la década de los 70, el joven escritor guipuzcoano rompía lanzas publicando su primer libro Ziutateaz que apenas tuvo eco, ni buena acogida por parte de los lectores por las difïcultades que presentaba su estructura vanguardista.8 El autor se muestra en él como un escritor « total » que narra valiéndose indistintamente de diversos géneros (poesía, teatro y narración). La crítica tradiciónal vasca, acostumbrada a la novela costumbrista, no supo valorar debidamente la obra de este pionero que se arriesgó a explorar por vez primera en la historia de la literatura vasca, una nueva forma de narrar mezclando diversos géneros y eliminando las monteras convenciónales que separan estos géneros. Respecto al tema, está obra es homologable a otras novelas de afamados escritores (R. del Valle-Inclán, M. A. Asturias, M. Vargas Llosa, etc.) en las que se trata de la violencia instituciónal ejercida por un tirano. Está obra publicada al año siguiente de la muerte del dictador F. Franco no está condiciónada por unas coordenadas determinadas de lugar y de tiempo sino que entraña una estructura flexible y abierta, susceptible incluso de diferentes interpretaciónes. Está novela no perderá jamás su actualidad mientras permanezca un dictador en el mundo, pues sus ciudadanos no pertenecen a ningún pais específico. Sin embargo no faltarán lectores que vean en está novela alegórica la persona del dictador Franco en la figura de Scardenalli. En cualquier caso, se trata de una novela triste, lúgubre, desesperanzada, marcada desde el principio por el verso del poeta que maldice su nacimiento : « ai amaren haragia nitaz / inoiz erditu ez balitza. »9

8 La carga simbólica de la novela es evidente : la influencia de la literatura oral (el poeta Theo que vive en el muladar, el bertsolari Bilintx : « triste bizi naiz eta, hilko banintz hobe »(p.70) ; el teatro con el coro ; el anciano batelero Hyeronimus privado de la vista ; la región de los Ikaros (gente desposeída de sus derechos) presentada como un gheto sin otra salida más que la muerte ; el muladar al que está abocada a vivir la mayoría de esa región ; la metamorfosis del esquizofrénico Scardenalli que pasa, de ser un esclavo a actuar como el mayor verdugo de la ciudad, pues de la candidez de un ciervo pasa a la malicia de la serpiente.

9 Entre los personajes más importantes destácan el menciónado Scardenalli, Gómez, Antonín, y Joe, El primera de ellos llega a gozar de un poder absoluto pero es cobarde como lo rue su padre : « kobarde bat naiz nire aita bezela. »10 Recurre hasta el asesinato para lograr el fin que se propone : ejercer la tirania. Bajo su mandato, el ring de boxeo se convertira en una especie de patíbulo en el que morirá el poeta Joe que ha vivido rodeado de libros pero que cae en desgracia, y al final de la obra será asesinado por los esbirros de Scardenalli. El tercer personaje, Gómez, es un reflejo del tirano principal pero carece de la maestría de aquél. Finalmente, la suerte de Antonín no es mejor porque de vivir feliz en un teatrillo, pasa a vivir a un parque zoológico donde vive sin libertad ; acabará convirtiéndose en asesino y verdugo. Otros personajes secundarios como Max, M. Salát, Loiola, etc. ensombrecen el ambiente de está novela necrofilica, llena de crueldad y desesperanza. En el fondo, el libro es también un canto a la libertad, una añoranza de este don tan preciado escamoteado por un dictador.

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10 Para concluir el análisis formai, detallemos los tres géneros menciónados al comienzo de está sección destinada a la primera novela de B. Atxaga. 1. Poesía : la parte dedicada a este género abarca cinco poemás que aparecen bajo el título de « Theo-ren Poemak » (pp. 19-24) ; otras dos poesías escritas en verso libre, y firmadas por el tirano Scardenalli, ocupan las paginas 57-58 ; una octava poesía (a modo de estrofa) se halla introducida en una parte descrita en prosa, titulada « Joe-ri jarraituz » (p. 101) y, finalmente, otras cuatro poesías muy breves cierran la parte dedicada al género poético (pp. 119-122). Estás últimás no van encabezadas por ningún título y van dirigidas a una segunda persona. 2. Teatro : el segundo género literario empleado por el autor es el teatro ; se trata de un teatro popular y no convenciónal en el que no existe el diálogo tradiciónal. El verdugo principal, Scardenalli, prepara una fiestá popular para ejecutar en la guillotina a Loiola, ejemplo del poder espiritual en la ciudad. El patíbulo provisional es una habitación oscura (« jokaleku beltz bat », p. 69) pero el patíbulo oficial estárá colocado en el stadium de la ciudad sin nombre. Entre los personajes destáca el bertsolari « Bilintx » de cuyos famosos versos se hace una breve mención : « loreak udan ihintza bezala » (« como la flor (ansía) el rocío en el verano », p. 73). 3. Narración : la parte más extensa de está novela (pp. 25-56) está escrita en prosa y subdividida en cinco capítulos cuyo narrador es Scardenalli quien cuenta todo en primera persona. Cada una de estás cinco partes conserva su propia autonomía, como cada uno de los géneros menciónados, pero mantienen una unidad gracias a la figura del verdugo principal que sirve de hilo conductor de toda la obra.

Poesía

11 La producción poética de B. Atxaga no es muy amplia pues es autor solamente de dos poemarios : Etiopía y Poemás & Híbridos. En más de una ocasión ha confesado además que le cuestá escribir poesía.

1. Etiopia (1978)

12 Si la primera novela de B. Atxaga pasó casi desapercibida para el público, este segundo libro (primero de poesía) tuvo una gran repercusión a pesar de su hermetismo y del carácter vanguardista, siendo galardonado en 1979 con el Premio de la Crítica en el País Vasco. Este poemario se convirtió, además, en referente de la moderna poesía en Euskal Herria y ha tenido gran eco en la canción moderna. Probablemente ningún poemario publicado después de Harri eta Herri (1964) de G. Aresti, haya tenido tanta aceptación en la historia de la moderna poesía vasca como este libro del escritor de Asteasu. « Ophelion ene anaiak eta biok zeharkatuak genituen jadanik Etiopia inguratzen duten harea ezberdinezko bederatzi zirkuluak. (Marcel Schwod) ».11 (Mi hermano Ophelion y yo habíamos atravesado ya los nueve círculos de diferentes arenas que rodean Etiopía.)

13 El protagonista del poemario es un apátrida que, al igual que Caín (con cuya mención comienza el libro, p. 5) es un desterrado, arrojado del paraíso y obligado a deambular en un viaje a través de círculos desérticos en busca de una ciudad cuyos pianos han quedado obsoletos. En está ciudad, llamada Etiopía, cuyo acceso está obstaculizado por los menciónados círculos de arena, habitan seres humanos : los antihéroes tan queridos en toda la obra atxaguiana (barrenderos, borrachos, prostitutas, mendigos, un boxeador muerto, un aspirante a poeta que malgasta su tiempo buscando la belleza de

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bellas rimás, etc.). Algunos de los escritores citados por el autor optaron por el suicidio (G. de Nerval) o prefirieron abandonar completamente la poesía en la que creyeron fïrmemente para huir al desierto africano (A. Rimbaud).12 Estos escritores aparecen como los representantes lejanos de la moderna poesía por la ruptura total que defendieron contra la literatura que les precedió en el s. XIX como el romanticismo. El autor de Etiopia trata de seguir sus pasos afirmando desde el principio, con un símil clarificador, que ya no es posible hablar en primera persona empleando el yo romántico, ni escribir sobre temás favoritos de los autores románticos, como el amor, la soledad, la tristeza, la melancolía, el exotismo, la pasión, etc. : « ez dela posible lehen pertsonan mintzatzea. »13 El símil « hautsi da ANPHORA » representa la ruptura de un ánfora (imagen de unidad) que queda hecha añicos y simboliza tanto la desaparición de los valores tradiciónales como de la estética poética que había prevalecido anteriormente en el romanticismo, simbolismo, parnasianismo, etc.

14 Etiopia muestra un poemario lleno de rebeldía y ruptura, que trata de transgredir las normás poéticas estereotipadas (como lo hicieron a comienzos del s. XX los dadaístas y surrealistas) suplantando el sentimentalismo romántico por las sensaciónes ; las correspondencias y analogías platonianas por un tipo de poesía abstracta basada en la ironía ; susceptible de diferentes interpretaciónes ; llena de metáforas insólitas e inesperadas ; escrita con una sintaxis atrevida y compuestá de « palabras libres » ; con referencias al mundo del cine (Humphrey Bogart, p. 90 o acabando el capítulo noveno con las palabras finales de las peliculas americanas, « The end », p. 91) ; adornada con bellas sinestesias ; provista de una musicalidad lograda con el empleo de la aliteración ; plena de ternura pero, también, de dramatismo. Ahondando más en lo arriba expuesto hallamos imágenes originales de corte surrealista. « larunbat honetan ekia ez da 220-60w gorbatadun tigre funzionala, [...] Urrezko erloju paralitikoa larunbat honetan ekia ezkilaz eta karameluz beteriko argi boltsa bat, [...] (eztiz igurtziriko kaletan haurrak bainila eta marrubizko soinekoekin.) ».14

15 En ocasiones el tono dramático de una poesía va unido al juego de palabras logrado con la repetición de ellas : kutxilo, erdibitu, bihotza, zapustu, sehaska, lore, beltzez. « Amaren bularrak ebaki zituen kutxiloaren ertzak erdibitu egiten du semearen bihotza ere ; erdibituriko bihotzetatik sortzen dira dere Sehaskak zapuztuko dituzten hauster txoriek ; zapuztu diren sehasketan bizi dira dere kutxilo zorroztaileak [...] aldare oro erori den erore belaunaldiak lore beltzez katiatuaz, birkatiatuaz lore beltzez eta iltzez lore ».15

16 Con frecuencia el ritmo de los versos se asemeja a un pentagrama musical conseguido por medio de las aliteraciónes (eia, eie eio, etc.) « Begira egien berriro másustei, Horma moriak egiten bideari [...] Ainhoa ile beilegi, Ispilu ttipiaz orrazten ».16

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17 En estás poesías no utiliza habitualmente la puntuación, v.g : « Eta trenek arrain biguina » [...], (p. 61) ; esto permite la posibilidad de multiples interpretaciónes diferentes conforme a la opinion de los distintos lectores.

18 La prueba del desgaste de la lengua (idea constante en los dos libros poéticos de B. Atxaga) es mostrada con frecuentes formulas gastadas con el uso corriente (« si- vuple », p. 23 ; « O-non O-non », p. 99 ; « comantalevu », p. 100 ; « ma-o-meno », p. 87, etc.) Destáca también el número de expresiones, y de escritores extranjeros (« The end », « moito obrigado », « no comment », « my love », « off », « beautiful morning of', « oh, yeah, sleep », « for me, for you » ; M. Schwob, F. Picabia, G. Ungaretti, T.S. Eliot, Dante, etc. En cuanto a los escritores vascos sobresalen Axular, Etxahun, Duvoisin, Lauaxeta y Lizardi.

19 El desgaste menciónado de las palabras nos conduce a la crisis del lenguaje, a los clichés repetidos y al escepticismo sobre el valor de la expresión poética. Para evitarlo, el autor vuelve a la frescura de la literatura oral en su forma de canciónes infantiles como el « Obabatxue » que aparece en el tercer circulo desertico de Etiopia. Se trata de una nana cantada en la provincia de Vizcaya. « Obabatxue obabatxue Obabatxue doian orduen Zaldi urdinen gainean Beste hainbeste mile gehiago Joango dire atzean ».17

20 (A la hora en que el pequeño Obaba cabalga sobre caballos azules, otros tantos mil más iran por detras)

21 Como conclusion, cabe decir que B. Atxaga trata de presentar la expresion renovadora de una poesía rupturista y liberadora que supera tanto los datos inmediatos como el empleo de simbolos y metaforas habituales hasta entonces en la literatura vasca.

2. Poemas & híbridos (1990)

22 Se trata del segundo y ultimo poemario de B. Atxaga, que contiene bellas poesías originales como « Trikuarena », pero tambien poemás que fueron publicados anteriormente en Etiopia (« Harearena », « Barkatu, Cravan », « Eguneroko bizitza », « Orduan », etc). El libro está dividido en dos partes ; en la primera de ellas se hallan las poesías vascas con su version castellana, (Además de algunas otras que están escritas solo en castellano). Está primera parte es la que nos interesa para nuestro objetivo porque la segunda solo contiene la traducción castellana de Henry Bengoa, Inventarium. La menciónada parte queda subdividida en tres secciónes : once poesías vascas ; « Etxekoak » ; y « Kantak ».

23 El libro arranca con la bella poesía « Trikuarena » (Del erizo). Se trata de un erizo que en su dicciónario « universal » recuerda solo unas 27 palabras. Durante más de siete milenios no ha variado su vocabulario ; ni siquiera ha aprendido las palabras relativas a las luces de los coches y, en consecuencia, se expone a una muerte cierta al cruzar la carretera. Además, se mantiene adicto a su dicciónario liliputiense (« hiztegi liliputiarra », p. 14), sin posibilidad de una evolución ulterior. Con mucho humor e ironia, B. Atxaga hace una apologia cerrada a favor de la renovación del lenguaje como instrumento indispensable para la creación de un nuevo tipo de poesía : la parodia y el drama seran tambien armás constantes en su creación poética. La firme apuestá del

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escritor guipuzcoano en pro de la palabra renovada impedira el desgaste y el anquilosamiento de las palabras, (debidos al uso multisecular de ellas), evitando de está forma la creación de una poesía desvirtuada y poluciónada que nos podria llevar al escepticismo. En consecuencia, urge la adaptación del euskara a la vida moderna. « Zer, zer diozu Bihotz Ez zaitut konprenitzen, Zure hitza arrotza zait, bitxia ».18 (Qué dices Corazón No te comprendo Tu palabra me resulta extraña, recargada.)

24 Al analizar Etiopia hemos menciónado la influencia de A. Rimbaud a quien B. Atxaga cita tanto en su prosa (p. 29) como en la poesía (p. 66). Gracias a varias referencias de otros autores, podemos comprender mejor el contenido tan hermetico de la poesía del escritor guipuzcoano, asi como detectar las influencias de diversos autores en estos dos libros de B. Atxaga. Los nueve círculos desérticos nos evocan el descenso del hombre moderno al infierno dantesco donde reina la marginación y la deshumanización. Otro tanto podriamos afirmar sobre el sentimiento de desamparo y soledad del hombre en la sociedad actual, al toparnos con uno de los personajes más representativos de la novelística de S. Beckett : Malone (Etiopia : p.99). Para este escritor dublines, afincado en Paris, el lenguaje se va descomponiendo progresivamente y asistimos a la irrision de la lengua cotidiana, incapaz de percibir la vision tragica del mundo. La palabra, como instrumento de comúnicación, se convierte en soledad en este mundo absurdo y carente de sentido.19

25 Además, aunque no aparece ninguna mención explicita del nombre del escritor austríaco Georg Trakl (1887-1914), su influencia es tambien manifiestá tanto temática como estilísticamente en la obra poética del escritor de Asteasu.20 La siguiente estrofa es una simple prueba de lo que afirmamos. « Zeit, Einsamen Helian, Abens grauen flammendes, Ez zaitut konprenitzen, oi ene Bihotz ».21

26 Varias de las ideas fundamentales del pensamiento poético del genial escritor de Salzburgo aparecen, sin duda alguna, en los dos libros poéticos de B. Atxaga : la crisis del lenguaje convertido en puro concepto ; « el yo insalvable » o el sometimiento del yo explícito ; la literatura como utopía contra una sociedad deshumanizada ; el anhelo de libertad ; la eliminación de esteticismos suplantados por formás más severas ; la presentación de una realidad desnuda (compárese por ejemplo, « las ratas gigantes de la ciudad » de Etiopia (p. 83) con las ratas que « casa y granero corretean ») del escritor austriaco ;22 la presencia del personaje Helian en la obra poética de ambos escritores ; el ansia de crear una nueva poesía ; la negación de valores mantenidos como inmutables por el raciónalismo ; el enfrentamiento con la cultura burguesa que ha convertido el lenguaje en puro concepto ; la identificación de ambos escritores con los marginados de la sociedad, los pobres, las prostitutas, los locos, etc.

27 Doce años más tarde, en los cursos de verano de 1990 en San Sebastián, B. Atxaga recordó sus años de juventud en los que traslucía un exceso de agresividad, y la influencia de las vanguardias que le impidieron una mayor reflexion y la búsqueda de otras formás de poesía.

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Narrativa. Novela

1. Bi Anai (1985)

28 El título del relato Bi Anai (Dos Hermanos) viene dado por los dos protagonistas principales. Este libro podría ser considerado como un segundo punto de partida de una larga trayectoria literaria de trece años (1972-1985.) Es irrelevante indagar si se trata de una novela corta o de un cuento largo ; lo que realmente interesa, es constatar que el autor se adentra en el mundo de la literatura fantástica apartándose de los estrechos márgenes del realismo. Dejando de lado la causalidad lógica y apostando por la causalidad mágica, el autor abre una brecha entre la razón y la fantasia para mostrar una visión distinta en torno a las realidades ocultas. B. Atxaga explora aquí las ricas potencialidades de un relato prestándo voz (como en las fábulas) a los animales. Este recurso es empleado sistemáticamente en está obra (como en varias otras de sus novelas posteriores) valiéndose de una polifonía de voces, y de personajes simbolizados por diversos animales. Desde el interior de estos personajes surge una nueva realidad ; una simbiosis entre la fantasia y la realidad, sin distinción de márgenes entre lo real e irreal. En concreto, unos hechos reales, crueles y trágicos son narrados en está obra, pero creando a la vez nuevos mundos metafóricos y simbólicos. La historia real de dos jóvenes hermanos que acaban al final de la novela desapareciendo convertidos en dos ocas, refleja un mundo cruel en el que el inocente se convierte en culpable y es castigado, como si fuera una bestia, por una sociedad inmisericorde. Un ambiente de soledad, fracaso, violencia, sexo, impotencia, etc. ensombrece la vida de los personajes convirtiéndolos en víctimás unos de otros. Un destino cruel e inexorable condicióna la vida de los personajes y de los animales que viven su tragedia : la serpiente mata al pájaro (p. 87) pero a su vez muere con la cabeza aplastada por la oca (p. 106). Las ardillas mueren de pena. El análisis del argumento, estructura, personajes, estilo, lenguaje, etc. nos permitirá comprender mejor está novela que viene a ser como un anticipo de Obabakoak.

Argumento

29 El libro comienza con una voz interior « Bada mintzo bat barnetik sortzen zaiguna » (existe una voz que surge del interior de nosotros mismos).23 Está voz ordena a un pájaro dirigirse al pueblecito de Obaba para visitar a un muchacho de 15 años, llamado Paulo. Antes de morir el padre, Paulo había sido requerido por su progenitor para que se hiciera cargo del hermano mayor, Daniel, adolescente de 17 años, y retrasado mental desde su nacimiento. La difunta madre, María, se había sentido culpable y vivió abatida hasta la muerte, viendo en la enfermedad del hijo un castigo de Dios. Por otra parte, la madre, dueña de un aserradero, temía que sus familiares (padres de Carmen) se apoderaran de la empresa, y antes de fallecer ordenó que no se les permitiera entrar en su casa. Esto provocó una ruptura familiar y el consiguiente odio en Carmen que pretendía ir a vivir junto a su primo Paulo. Mientras éste se hace cargo del aserradero, Daniel se divierte jugando con las ardillas y degustando los pasteles que unas chicas de una repostería regalan a los niños de Obaba. Daniel se pasa las horas junto a la ventana del taller de costura contemplando a una joven llamada Teresa quien le permite ciertas libertades sexuales para atraer, de está forma, al hermano menor : « hamazazpi urte dizkin baina zirri egiteko hogeitazazpi balitu bezela. »24 (Ha cumplido diecisiete años pero para realizar tocamientos, es como si tuviera veintisiete). Con ocasión de una

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carrera de cintas en las fiestás de Obaba, Carmen intenta vengarse de Paulo y prepara una treta. Pone una anilla muy pequeña a la cinta destinada a Daniel para que este, montado sobre una bicicleta, no pueda alcanzarla. Fracasa en el intento y cae al suelo, mientras que otro niño la consigue provocando la cólera de Daniel quien maltrata al campeón hasta herirle. El público exige a Paulo que mantenga a su hermano encerrado en casa atado como si fuera una bestia. Al final de la novela, ambos hermanos se dirigen a la vía del tren, cercana al pueblo. Al pasar aquél sobre los dos hermanos, aparecen dos ocas que unidas a una bandada de gansos vuelan hacia el sur.

Estructura

30 El papel de narrador es atribuido a « Mintzoa » o voz interior y a cuatro animales : el pájaro, la ardilla, la serpiente y las dos ocas. B. Atxaga se vale de este nuevo recurso formal, habitual posteriormente en sus escritos de ficción. Está voz interior se constituye en narrador omnisciente del destino de los distintos personajes de la novela, así como en centro de toda situación narrativa especialmente en el capítulo séptimo. Los menciónados animales se atribuyen respectivamente a varias personas : pájaro - Paulo, ardilla - Daniel, serpiente -Carmen y las dos ocas - Daniel y Paulo. El pájaro toma parte muy activa en los capítulos (1, 2, 3, 5, 6 y 9). La ardilla actúa en un grupo de seis ardillas y necesita de la información de « Mintzoa » quien le dicta cómo debe actuar. Narra en primera persona y actúa en los capítulos (1, 4 y 6), especialmente en el cuarto. La serpiente aparece en los capítulos (8, 10, 11 y 12). Este reptil (con las connotaciónes que conlleva la serpiente) sale siempre a favor de Carmen. Es (despues del pájaro) el animal que más actúa.

Personajes

31 Paulo. Es el primer referente humano que hallamos en la novela (p. 10). Aparece como antiheroe que no acierta a adecuarse al mundo de los mayores. Se muestra como cabeza de familia y responsable de su hermano mayor en casi toda la novela.

32 Daniel. Al comienzo del relato aparece jugueton como las ardillas que le representan. Pero a medida que avanza la obra va mostrandose como un monstruo deforme : casi sin pestáñas, no controla sus funciónes priMarías, huele a orina, se másturba « hazia ixuri zuen galtzetan » (p.42) ; se discute incluso sobre la conveniencia de tenerlo atado como a un perro.

33 Carmen. Es un personaje complejo. Se diferencian dos etapas en su vida ; la de su niflez en la que se muestra como una niña normal y la de su juventud en la que aparece vengativa, tramposa, astuta, manipuladora, violenta y mala. Un lunar enorme que afea su rostro, se convierte en el mejor simbolo de este personaje marcado por la frustración.

34 Teresa. Es el medio utilizado por Carmen para Uevar a cabo su venganza ; es manejada a su antojo por ella. La afectividad y su cariflo hacia Paulo son las notas más destácables de este personaje no tan importante como los tres anteriores. Es la unica que conoce el lugar al que huyen ambos hermanos al final de la obra.

35 Otros personajes como los padres de Daniel y Paulo ; el colectivo del pueblo de Obaba y el cura : « beltzez jantzitako gizona » (un hombre vestido de negro), expresion repetida

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insistentemente en el relato, se manifiestán como representantes y controladores del orden social.

Coordenadas espacio-temporales

36 Como hemos anunciado anteriormente a lo largo de este analisis el relato se desarrolla en Obaba, pueblecito de cien casas. Se trata de un lugar geograficamente indeterminado, imaginario, mitico y fantastico como lo fueron v.g. : Macondo en la obra literaria del escritor colombiano G. Garcia Marquez o Comala en la del mexicano J. Rulfo. Solo sabemos que Obaba se halla situado en una zona montañosa, cercana a una via ferrea, y que cerca de el pasa un riachuelo. Otros detalles como la existencia de una iglesia con su torre, un aserradero, una fuente y un taller de costura configuran el cuadro de este pueblo.

37 En cuanto a la coordenada tiempo, conviene señalar que este transcurre en un periodo que abarca varios meses, desde el comienzo del verano hasta el otoflo, epoca de la emigración de las aves. La analepsis, flash back o el caracter retrospectivo es frecuente en está novela, rompiendo asi el orden cronologico sucesivo del relato para narrar acontecimientos ocurridos en un tiempo anterior al momento en que se halla la historia v.g. : las diferencias entre las dos familias de los protagonistas (Paulo-Carmen) o la muerte de los padres de aquel, etc. A pesar de ello, el relato mantiene un caracter lineal desde el principio hasta el final. La dislocación espacio-tiempo sera una tecnica muy usada en la futura literatura de B. Atxaga.

Estilo

38 En cuanto a las figuras retoricas de este libro convendria destácar su caracter simbolico pues podria afirmarse que toda la obra se transforma en una gran metafora que atrae al lector por su belleza. Por otra parte, las comparaciónes son frecuentes y muy descriptivas ; propias de un autor que conoce bien el entorno rural. Como muestra, cito dos ejemplos utilizados para describir los andares y gestos de Daniel : « umeak eginberri dituen zerrama batek bezala zeharkatzen zuen buru haundiak zubia ». (p. 91). 25 (El cabezon (Daniel) atravesaba el puente andando como una cerda que acaba de parir) ; o « euliak uxatu nahi dituen idi batek bezala eragin zion buruari ».26 (Movio la cabeza como un buey que intenta ahuyentar las moscas). Destácan tambien las repeticiónes logradas con nombres propios : (Paulo, p. 61) ; verbos : (ahantzi, p. 92) ; sustantivos : (izar, p. 28), (iturri, p. 86), (udara, p. 33), etc. En cuanto a los dialogos, sobresale el mantenido entre Carmen y Teresa en el capitulo VII. En el apartado gramatical es sorprendente el numero de vocablos tomados de los dialectos de Euskal Herria continental v.g. : bertze, elki, petizione, bozkario, mintzo, alderat, anitz, ediren, libro, tenore, igorri, aitzina, erran, ahantzi, oro, igurikitu, etc, que embellecen el vascuence unificado del escritor de Asteasu.

39 En cuanto al tipo de euskara empleado por B. Atxaga en este libro, asi como en sus primeros cuentos, no faltaran escritores que hallen errores gramaticales y lingiiisticos. Asi, por ejemplo, Andolin Eguzkitza, academico de Euskaltzaindia, muestra algunas expresiones y una larga lista de vocablos que, segun la Academia Vasca, no son correctas.27 Con todo, aun aceptando como validas estás observaciónes, el consenso en cuanto a la calidad literaria de este libro, y, en general, de toda la obra del escritor de Asteasu, es unanime. Bernardo Atxaga ha sabido crear su propio y bello estilo literario,

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Además de usar un vascuence funciónal y practico para reflejar el mundo moderno, cumpliendo de está forma, el deseo del primer escritor vasco, Bernardo Detxepare : « Heuskara jalgi hadi kanpora ! » (i Euskara, sal fuera !), « Euskara jalgi adi mundura ! » (Euskara, sal al mundo)

40 Finalmente, es sorprendente el uso que B. Atxaga hace de los recursos que le proporcióna la literatura oral. Admirador del vascuence que le legaron sus paisanos de Asteasu (J. B. Agirre, Pello « Errota » y su hija Mikaela Elizegi), el autor se vale, en este libro, de elementos narrativos de la literatura oral pertenecientes al mundo del bertsolarismo obteniendo expresiones identicas a las originales, excepto la nueva grafia recomendada por Euskaltzaindia. Como muestra presentamos un ejemplo.28 M. Elizegi « Arek ala esan omen zuan : - Gona zar bat adabatuko litzake baflan au ez, neskatxa, au ez [...] Egun baten, anayak leiotik baratzara begira eta negarrez arkitu zuan, ala galdetu zion : - Zer den Dolorex ? Ta arek : - Ez diat ezer ere, bañan pentsatzen natxiok aurki lur orren azpira joan beharrean nagoala emeretzi urterekin... » B. Atxaga « Eta medikuak hala esan omen zuen : - Gona zahar bat adabatuko litzateke baina hau ez, neskatxa hau ez. Egun batean, anaiak leihotik baratzara begira eta negarrez aurkitu omen zuen, eta hola galdetu : - Zer dun arreba ? Eta berak : - Ez diat ezer ere, baina pentsatzen niagok aurki lur horren azpira joan beharrean nagoela hemeretzi urterekin... »

2. Obabakoak (1998)

41 La capacidad narrativa y mitificadora de Bernardo Atxaga llegó a su cenit con Obabakoak (Los de Obaba). El libro no describe está aldea montañosa, pero cuenta las historias ocurridas en ella y su paisaje afectivo ; geográficamente indeterminado y mítico. El origen del título proviene de los primeros sonidos labiales (ba-ba) de cualquier bebé. Los lectores se rindieron fascinados ante el encanto de este libro que puede ser considerado como su primera gran novela y una de las grandes obras en la historia de la literatura vasca. La acogida que se le dispensó fue muy favorable como puede observarse por los premios obtenidos. Por primera vez una obra escrita en euskara logró el reconocimiento estátal siendo galardonada con el Premio Naciónal de Narrativa (1989) ; con el Premio Euskadi de Literatura y el de la Crítica, además de ser finalista para el premio « European Literary Prize », instituido por la comúnidad Europea, y fallado el 26 de noviembre de 1990 en Glasgow. Más aún, ha sido traducida a más de veinte lenguas extranjeras, hito que no había alcanzado anteriormente ningún

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otro libro escrito en euskara. Cabe preguntarse por la razón de este reconocimiento oficial. ¿Qué encierra este libro para lograr tan favorable acogida ? Nos estámos refiriendo, sin duda alguna, a su carácter de « antinovela » que no acata el decálogo de la novela tradiciónal anquilosada en el pasado. Obabakoak supone la culminación de una larga historia de logros obtenidos, merced a los esfuerzos vanguardistas y transgresores de su autor durante dieciseis años (1972-1988). Ellos dieron su fruto que se plasmó en este fascinante libro descrito por B. Atxaga como « una red de historias ». Se trata de una « antinovela » tejida con varios relatos interrelaciónados, algunos de los cuales fueron premiados y publicados con anterioridad. El autor lo describe de está forma : « Un proceso de diez años. Muchos trabajos reescritos. Mi única dedicación en estos tres años. Historias dentro de otras historias, personajes entremezclados. En los limites, en el filo. »29

42 La prosa elegante, y fascinante, agil y profunda, tierna y bella de B. Atxaga está creada por diversas tecnicas : el uso de elementos cultos de la tradición europea y universal, junto a otros elementos de la tradición oral. Este libro es como un viejo arcon de caserio donde se pueden hallar diversos materiales literarios : leyendas, cuentos populares, rasgos autobiograficos (especialmente en los cinco primeros cuentos) ; reflexiones sobre la teoria de escribir, sobre la forma de plagiar, sobre la metaliteratura, sobre las lecturas, sobre la memoria, etc. En definitiva, se trata de un microcosmos literario en cuyo lenguaje se combinan elementos variados que van desde el humor a la melancolia, desde la realidad a la fantasia, desde lo universal a lo particular, desde la historia a la ficción, desde la violencia a la temura, desde la soledad y la muerte al nacimiento de una literatura euskerica, sutil y magica.

43 La destreza tan personal y singular mostrada por el autor está lograda por el distanciamiento con respecto a la novela tradiciónal y convenciónal (planteamiento, nudo, desenlace) y al pensamiento raciónal y logico. B. Atxaga apuestá por una creación literaria libre e inspirada en lo irraciónal y ficticio, como origen de una literatura creadora y singular, propia de un escritor novedoso al estilo borgiano. Hechos tan inverosimiles como la transformación de un niño en jabali blanco (comienzo de está novela) o la introducción de un lagarto en el oido de una persona (final de la misma) son presentados con identica verosimilitud que las descripciónes de la novela tradiciónal del frances H. Balzac (vg : Le Pere Goriot, 1834) ; del castellano J.M. Pereda (Sotileza, (1885) y Peñas Arriba (1894)) o del vasco Tx. Agirre (Kresala (1906) y Garoa (1912)). La montaña y el mundo rural de las novelas atxaguianas, poco tienen que ver con Auñamendi y las novelas idilicas, bucolicas, costumbristas (rurales o costeras) del escritor ondarres. Las descripciónes pormenorizadas y realistas de personas, lugares y objetos no caben en está narrativa en la que los personajes no presentan la entidad de realidades fisicas. La finalidad ultima que busca B. Atxaga no es la descripción de los acontecimientos sino el hecho mismo de escribir, la metaliteratura (la escritura sobre la palabra). El autor narra hechos simples y sencillos combinando la fabulación con la expresion realista en un entorno ficticio, y en un tiempo proustiano en el que la cronologia no existe o es discontinua. Consecuentemente, la noción del tiempo pierde el sentido funciónal de la novela tradiciónal. Además, los episodios que se narran en el libro abarcan una duración de varios siglos desde la Edad Media hasta la epoca contemporanea.

44 Obabakoak está compuesto por veintiseis cuentos comprendidos en 402 paginas. Son narraciónes aparentemente independientes ; algunas de ellas fueron publicadas

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anteriormente, vg : el primer cuento « Camilo Lizardi erretore jaunaren etxean aurkitutako gutunaren azalpena » (Exposición de la carta hallada en la casa del sefior parroco Camilo Lizardi) publicado en 1982 y galardonado con el « Premio Ciudad de Irun ». Obabakoak posee una estructura tripartita en la que la primera parte abarca cinco narraciónes. La segunda contiene un solo cuento : « Hamaika hitz Villamedianako herriaren ohoretan eta bat gehiago » (Once palabras en honor del pueblo de Villamediana y una más), que hace de puente de union entre la primera y tercera partes siendo Además, el cuento más extenso de está novela. La tercera parte : « Azken hitzaren bila » (En busca de la ultima palabra) comprende veinte cuentos ; conserva, además, una autonomía propia y podría ser considerada como una novela corta en la que la ficción resalta como única realidad.

45 Primera Parte. Sus cinco cuentos están relaciónados directamente con el pueblo de Obaba, considerado como un espacio de evocación mágica y no como un lugar físico. En ellos se acumulan muchos recuerdos de la infancia del autor, vividos en su Asteasu natal, y narrados con mucha fantasia. En el plano estilístico, nos hallamos ante un ensayo de exploración del hecho narrativo. Ya desde el primer cuento « Camilo Lizardi erretorearen etxean... », el autor sorprende al lector con el uso de diversos recursos, como el empleo variado del euskara ; este cuento está escrito en vascuence unificado pero conlleva una parte considerable narrada en el dialecto guipuzcoano clásico del s. XIX.

46 El argumento y, sobre todo, la estructura del menciónado relato pueden servir de pauta para comprender, en gran medida, el resto de la primera parte de la novela. El punto de partida arranca con el hallazgo de una carta encontrada por el narrador. El menciónado documento escrito en 1903 por un párroco, contiene once hojas de las que algunos párrafos son ilegibles por el deterioro causado por la humedad del sótano en el que han permanecido durante muchos años. Es un escrito que el cura preparó para enviárselo a un amigo suyo pero que quedó sin remitirlo. Estás hojas narran varios hechos ocurridos en Obaba : un niño huérfano (Javier) es maltratado por la gente del pueblo con la excepción de su buen amigo, el anciano Matías. Se cuenta, además la metamorfosis de Javier convertido en un jabalí blanco, y se silencia su filiación relaciónada con el cura, sugerida por el transcriptor tan solo al final de la narración. Camilo Lizardi escucha un tiro, y tras seguir al jabalí malherido le oye proferir tres veces la palabra « ama » (madre) antes de que este expire junto al cadáver de Matías. El sacerdote remata con una piedra la faena que el anciano había comenzado con una escopeta. El narrador de este cuento actúa como transcriptor de la carta descubierta en el sótano.

47 El cuarto cuento de está primera parte titulado « Esteban Werfell » merece también una atenta consideración por su extension (pp. 69-109) y las características especiales que concurren en él. Si hasta ahora Obaba había sido el lugar más importante de la narrativa de B. Atxaga, en adelante está aldea rural combinará con Hamburgo, una de las metrópolis europeas más famosas. La coordenada de lugar (Obaba-Hamburgo) es destácable para comprender el vínculo existente entre la ficción y la realidad que se entrelazan estrechamente en algunos momentos. Así por ejemplo, los nombres de las calles de la ciudad germana son reales mientras que los puntos de referencia de Obaba quedan desdibujados. Además, la dicotomía geográfica Obaba (aldea, bosque) – Hamburgo (urbe, cultura) es constante en varios pasajes del relato. Por otra parte, una de las reflexiones del autor acerca del concepto del tiempo (« bi denbora mota », p. 104) podría facilitar al lector la comprensión de este dificil relato. B. Atxaga distingue el

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tiempo histórico y cronológico (que él llama « arrunta » = ordinario o común) del tiempo « erratua » o de los sueños.

48 El tema de este relato se relacióna con un memorandum que el protagonista Esteban escribe sobre el ficticio descubrimiento de una joven alemana, María Vöckel, a quien recuerda desde un desmayo que sufrió a los catorce años en el coro de la iglesia parroquial de Obaba. Tras el discurrir de los años, en el otoño de su vida, Esteban (gracias al viaje realizado a Hamburgo) constata el engaño al que le sometio su padre. En realidad, jamás existio su María Vöckel, y todo fue tramado por su progenitor (con la connivencia de un viejo amigo suyo, Theodor Volge, que vivia en Hamburgo) con el fin de que Esteban abandonara Obaba para acudir a la universidad y educarse en la cultura germana. La extensa y supuestá correspondencia mantenida entre Esteban y la señorita alemana se reducia, en realidad, a unas cartas escritas por su padre en Obaba y enviadas a Hamburgo, para que desde alli (previa la trascripción hecha por una adolescente) fueran remitidas a Esteban. En el plano estructural, el hecho del desmayo del adolescente Esteban y la aparición de M. Vöckel narrados en la primera parte del relato, se combina con el hecho de la escrirura del memorandum que el protagonista redacta en Obaba a la vuelta de su viaje a Hamburgo. Ambos eventos se superponen, interrumpiendose y retomandose constantemente, obligando, de está forma, al lector a una lectura atenta y detenida. Por otra parte, no faltan pasajes en los que afloran el humor y la ironia, como en la conversación mantenida entre el padre y el hijo acerca de la relación amorosa con la adolescente germana y la consiguiente comparación entre el mal de amor y un dolor de muelas. « Maitasunaren minak eta haginekoak berdinak dituk, Esteban. Biziak oso, baina sekula ere ez grabeak »30 (Los dolores causados por el amor son como el dolor de muelas ; intensos pero no graves).

49 Segunda Parte : « Hamaika hitz Villamedianako herriaren ohoretan eta bat gehiago » (Once palabras en honor del pueblo de Villamediana, y una más). Está segunda parte ofrece una historia narrada sobre escenas rurales y ambientada en Villamediana, pueblecito castellano de 200 habitantes, cercano al rio Pisuerga en la provincia de Palencia. Es Además, la parte más autónoma de la novela y queda un poco desconectada del resto de ella. Además, los once relatos mantienen una unidad a pesar de la autonomia de cada uno de los cuentos, pues todos ellos se desarrollan en un espacio común y están elaborados con recursos narrativos comúnes. La menciónada segunda parte consta de una introducción y de once cuentos interrelaciónados. El portico introductorio está formado por dos secuencias que presentan el tema de la memoria a través de dos casos de enajenación mental. En el primero de ellos, la locura ha sido causada por la incontinencia verbal, efecto, a su vez, de una prodigiosa memoria del paciente : « [...] gizonak bertan segitzen zuen, etengabe hitzegiten [...]. Gauza gehiegi gogoratzen zaiola » (pp. 124-125). Veinticinco años más tarde, aparece otro caso de trastorno mental. El paciente (Martin) ha perdido completamente la memoria : « Oroimenik ez dauka », (p. 127). Estos dos casos permiten al narrador reflexionar sobre la facultad de la memoria, comparandola con una presa y advirtiendo de los posibles riesgos que conlleva ; conviene recordar, pero no excesivamente. El propio relato, el hecho de la escritura, sera el objetivo principal de toda está segunda parte. « Nik uste dut oroimena presa bat bezalakoa dela [...]. Bizitza ematen dio gure izpiritu osoari, erregadiatu egiten du, nolabait esateko. Baina presari bezala, behearrezkoak zaizkio sangragerak – ihispideak - gainezka ez egiteko. Ezen gainezka egiten badu, edo lehertu egiten bada, txikituta uzten ditu inguru guztiak. »31

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(Pienso que la memoria es como una presa. Da vida a todo nuestro espiritu ; para decirlo de alguna forma, lo riega. Pero, al modo de una presa, necesita de unos aliviaderos para no desbordarse. Porque si se desborda o se revienta, deja destrozado todo lo que halla en su entorno.)

50 El narrador cuenta las primeras vivencias sobre el pasado, esto es, su historia personal desde que era un niño de nueve años : « bederatzi urtetako haurra besterik ez nintzela » (p. 123), consignando de está forma sus recuerdos del pueblo de Villamediana. Se trata de un narrador omnipresente en toda la narración, innominado, sin rasgos fisicos reseñables, y originario de una tierra diferente de la meseta castellana a la que llego huyendo de sus propios « musgos y helechos interiores ». En su vida diaria de casi un año en Villamediana destácan tres hechos : la llegada, la larga estáncia y la despedida. Es un observador culto, sociable y curioso que trata con las diferentes personas que habitan en este pueblo semidesierto convertido en un « lugar de sombras, fantasmás y silencio ». Se interesa no solo de los problemás laborales de está gente (pastoreo, labranza, cosechas, caza, etc.) sino de muchos temás relaciónados con la literatura : (Hesiodo (s. VIII a.J.C), L. Góngora (1561 - 1627), B. Pascal (1623-1662), M. Montaigne (1533-1592), J.J. Rousseau (1712-1778), Perez Galdos (1843 - 1920), Unamuno, Stevenson, Faulkner) ; con la historia (Felipe IV) ; con la mitologia (Caliope, Dafnis) ; con la politica (B. Mussolini (1883 - 1945), J. D. Perón (1896 - 1974) ; con la filosofia (Aristóteles), etc.

51 Villamediana es un pueblo triste y sombrio, carente de niños y de gente ; la mujer más joven tiene unos cuarenta años. Se asemeja a un ghost town del Oeste americano por el numero elevado de casas abandonadas. El desarraigo, la soledad, el aislamiento, la marginación, la vejez sin cariño familiar, y la falta de un futuro esperanzador son patentes en este pueblecito donde solo hay dos bares, tres tiendas y doscientas personas. Entre sus moradores (pastores y labriegos, en la mayoria de los casos) destáca el mundo de los ancianos y marginados : Carlos Garcia, alias Enrique de Tassis, arquetipo del poeta maldito ; los ancianos Julian, Benito y Crisanto (vecino del narrador) ; el viejo pastor Gabriel ; la tendera Rosi, alias Rita Hayvvorth ; el cazador Agustin, etc. A pesar de vivir aislados y marginados no faltan (entre está gente de la meseta castellana) personas a las que el narrador trata con amistad y ternura. Son Enrique de Tassis que es un fino poeta y un lector culto (interesado más en etimologias que en simbolos) a pesar de su enanismo y de la marginación en la que vive ; el viejo pastor Gabriel evoca al Arcángel San Gabriel ; los ancianos Julián y Benito son respetados y queridos por su bondad, etc.

52 Tercera Parte. « Azken hitzaren bila » (En busca de la útima palabra). Está tercera parte es la más compleja de todo el libro no solo por su extension (veinte cuentos, pp. 199-403) sino también por los diferentes registros literarios (intertextualidad, sueño, ironía, reflexiones metaliterarias, elogio del plagio,fusion de realidad y ficción, uso frecuente de expresiones inglesas, etc.) y por la diversidad de los relatos. Su título, la búsqueda de la última palabra, es el elemento aglutinante que cohesiona está larga lista de cuentos entre los que destáca « Ondo plagiatzeko metodoaren azalpen laburra eta adibide bat » (Breve explicación del método para plagiar bien y un ejemplo). En este último cuento B. Atxaga hace una apología cerrada de la lengua vasca valiéndose del relato de un sueño, a la vez que explica su postura personal sobre el plagio desechando las ideas romanticas sobre la creación literaria del escritor individualista. Siguiendo la senda trazada por Ch. Baudelaire, Stendhal (1783-1847), etc. en el s. XIX, y por T. S. Eliot, J.L. Borges, etc. en el s. XX, B. Atxaga muestra su disconformidad sobre estás ideas

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románticas. Consciente del adagio latino « nihil novum sub sole » ( no hay nada nuevo bajo el sol) intenta mostrar que la creación literaria « ex nihilo » (comenzando de cero) no es posible. La imaginación (tan encumbrada por los romanticos) halla siempre un contrapeso en la memoria (por la que recordamos el pasado) y la aportación de una larga lista de escritores que influyen en las generaciónes siguientes. Todo el pasado literario universal seguirá estándo a disposición de los escritores contemporaneos y, en consecuencia, el plagio resulta inevitable, necesario y útil para cualquier autor que escribe en lengua vasca. El menciónado cuento está presentado en forma de una gran alegoría compuestá de metáforas consecutivas : la isla (euskara) ; el navío negro y los distintos grupos que navegan en el ; el plato de higos de la sabiduria ; el buque Grand Saint Antoine (portador de la peste a Marsella) ; la selva, la pendiente y las dos cimás ; Getsemaní (lugar del beso dado por el traidor Judas a Jesús), etc.

53 Estando el protagonista – narrador en Obaba, tiene un sueño en el que se ve a si mismo en medio de una selva cercana a una pendiente con dos cimás. Inicia la ascension a una de ellas dejando atrás las tinieblas de la selva y se topa con un desconocido a quien no reconoce si es sombra o un ser humano. El enigmatico personaje confiesa que está muerto : « Ez nauzu gizon bat, baiña hala izan nintzen » (no soy hombre pero lo fui, p. 330) y que su nombre es Pedro Daguerre Azpilicueta, « Axular ». El narrador canta las excelencias del gran maestro y escritor navarro : « zu zara nire maisua eta nire egilerik maitatuena » (p. 330). Ambos ascienden a una segunda cima desde la cual el discípulo constata que se halla en una diminuta isla perdida en medio del mar : « Zein labur eta eskas den ! » (p. 331). Se entabla un diálogo entre el Maestro y el alumno sobre el euskara. El autor inserta (con alguña pequeña variante) un texto de « Axular » a favor de la lengua vasca, tomado de la introducción de su famoso libro Gero (Despues, 1963). « Baldin egin baliz euskaraz hanbat liburu, nola egin baita latinez, frantzeses, edo bertze erdaraz eta hizkuntzaz, hek bezain aberats eta konplitu izanen zen euskara ere, eta baldin hala ezpada, euskaldunek berèk dute falta eta ez euskarak. »32 (Si se hubieran hecho en euskara tantos libros como se han hecho en latin, francés o en otras lenguas extranjeras, también el euskara sería tan rico y perfecto como ellas, y si esto no es asó, los mismos vascos son los que tienen la culpa de ello, y no el euskara.)

54 En el menciónado navío negro, semejante al Grand Saint Antoine, se distinguen cinco grupos de personas, situados en otras tantas zonas distintas. Con una ironía mordaz, el narrador va criticando a estás personas, siendo está crítica especialmente acerada cuando se refiere a los del cuarto grupo : « mástan igota daudenak » (los encaramados al mástil, p. 333). Los compara con los sapos hinchados, y los trata de arrogantes, ruines e inmundos por atacar y mofarse de una lengua débil, el euskara. Además de despreciarla, buscan alguna laguna cercana a la Corte, donde poder vivir tranquilamente ; son los partidarios de la marginalización del vascuence en la sociedad actual.

55 Una vez descendidos al valle, se reanuda al diálogo pero está vez, sobre el tema del plagio. Ambos se manifiestán partidarios del plagio por sus grandes ventajas, a condición de que se efectúe con destreza. Por ello, el Maestro da unos consejos al discípulo mostrándole la necesidad de crear un método que respete tres requisitos. « Axular » le pide que vuelva al mundo a preparar ese método, pero, antes le ofrece un plato lleno de higos de sabiduría. En un momento dado del sueño, « Axular » desaparece en una nube, y el protagonista – narrador se despierta volviendo a la dura realidad de la vida cotidiana, desvaneciéndose de está forma la frontera entre el sueño

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y la realidad. No le resulta fácil cumplir la promesa hecha al Doctor Angélico de Euskal Herria pero acepta el compromiso gracias a la sabiduría producida por esos higos especiales y al comprobar que el plato de higos que halla en su habitación de Obaba es el mismo que « Axular » le ofrecío en el sueño. Rápidamente, comienza a preparar el método de plagiar bien respetando tres normás fundamentales (pp. 337-339), y buscando otros tantos argumentos para que un plagiario pueda defenderse en caso de ser acusado como tal (p. 340). El autor, pasa de la teoría a la práctica, y al final de este cuento mencióna el título del siguiente, propuesto como ejemplo que reúne las tres condiciónes exigidas para lograr un buen plagio.

56 En el cuento « Pitzadura bat elur izoztuan » (Una grieta en la nieve helada), B. Atxaga cuenta el ajuste de cuentas entre dos alpinistas suizos por razones sentimentales. En este suceso ocurrido en las montañas del Nepal, el alpinista Mathias Reimz, salva la vida de su antiguo amigo, Philippe Auguste Bloy, que yace herido en una grieta helada ; no le mueve a ello ninguna razón humanitaria. Prepara un ardid en la nieve helada, y cuando el herido consigue salir del precipicio, empuja a su rival al abismo por el placer de mostrarle antes de morir, lo mucho que le odiaba por haberle engañado acostándose repetidas veces con su esposa Vera : « Zenbat gorrotatzen hauten esan nahi nian », (p. 350). En este cuento se observa también la presencia constante del dolor humano junto a la autonomia y a la aventura de la escritura.

57 Como colofón de estás reflexiones sobre Obabakoak presentamos el final de está novela que va unido temáticamente con el principio de la tercera parte en el cuento « Aspaldi, artean gazte eta berde ginela », (p. 199). En ambos pasajes se narra la enfermedad mental de Albino María causada por la introducción de un lagarto en su conducto auditivo : « belarritik sartu eta buruko muinak jaten dituztela ? », (p.362).33

58 El narrador, que asiste a las veladas literarias de su tío indiano en su casa de Obaba, correrá al final la misma suerte que Albino María. Este narrador, tras recorrer distintos continentes y parajes del mundo en busca de la última palabra (Obaba, Hamburgo, Bagdad, Villamediana, Montevideo, Amazonia, Dublin, Nepal, Suiza, etc.) concluirá que es imposible hallarla « hitzak ez zeukala niregana etortzeko asmorik. [...] Azken hitza ez zen inondik azaltzen », (p. 398).

3. Behi euskaldun baten memoriak (1991)

59 Las novelas de B. Atxaga están repletas, en general, de personajes tristes y problematicos. Si nos fijamos en las tres analizadas hasta ahora, observaremos que los temás del homicidio, suicidio, discriminación, violencia, soledad, aislamiento, locura, etc. son frecuentes en ellas. Podriamos afirmar otro tanto de Gizona bere bakardadean y Zeru horiek. En cambio, la novela Behi euskaldun baten memoriak (Memorias de una vaca vasca) es una excepción en medio de esa tonica general, por el caracter alegre y jocoso de algunas situaciónes y personajes, a pesar del tema postbelico que conlleva, y de la soledad, angustia y monotonia que condiciónan la vida de los protagonistas. Por otra parte, aunque su exito de ventas fue pobre al principio en el Pais Vasco, finalmente ha sido muy satisfactorio, pues ha alcanzado veinte ediciónes en euskara convirtiendose asi en la novela vasca que más reediciónes ha logrado ; asimismo, a finales de 1995 ocupo los primeros puestos en el ranking de libros más vendidos en Alemania. Está obra podria estár catalogada dentro de la literatura infantil por su caracter fabulistico, corriendo asi el riesgo de no valorar la rica semantica que subyace en ella. Es, sin duda alguna, un libro escrito más para adultos que para niños y adolescentes. Por ello,

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pensamos que cualquier lector adulto interesado en la literatura y minimamente capacitado, disfrutara de muchos momentos de goce y alegria que no hallara en el resto de las novelas de B. Atxaga, por tratarse de su novela más divertida y una de las mejor logradas.

60 Podríamos adelantar desde el principio algunas de las notas que caracterizan a está obra al describirla como festiva, original, política, humorística y amarga, sencilla y profunda, ingenua e ironica, singular y extraña, histórica y autobiográfica, simbólica y surrealista, llena de suspense y de intriga, repleta de acción, diálogo y monólogo interior. Además, tres de las palabras que componen su título, describen a grandes rasgos el contenido de este libro. Como eje central de la novela aparece una vaca ; pero como reza la canción popular, « no es una vaca cualquiera » pues, además de dar patadas a los lobos, sabe pensar, escuchar la voz de su conciencia, y escribir sus memorias impulsada por una fuerza interior. Es, además, una vaca vasca, pues se expresa en euskara y es capaz de comprender el dialecto de Zuberoa (el más dificil de los dialectos vascos, « [...] hizkera deabru horretan [...] » p. 35), en el que se expresa su amiga, la monjita de Altzürükü, que le acogerá en su convento. Finalmente, este personaje singular escribe sus memohas comprendidas entre 1940 y 1990. ( ?)

Argumento

61 En el umbral de la novela hallamos la canción popular francesa : « Au clair de la lune [...] », (p. 13). Ello podría interpretarse como un avance del carácter intertextual y dialectal que embellecerá muchas páginas de la obra con citas francesas y largos pasajes escritos en el dialecto de Zuberoa, dentro del vascuence unificado en el que aparece la novela. La vaca Mo (sonido onomatopeyico de mugido) nace en un caserío muy especial, Balantzategi, en el que no hay ningún perro, ni gallinas, ni ovejas y sirve de almacén de avituallamiento de los maquis republicanos escondidos entre las montañas : « Horixe da Balantzategik orain egiten duen zerbitzua, almazena bezalako zerbait da mendikoentzat », (p. 111). Estos maquis, tras ser derrotados en la Guerra Civil Española (1936-1939), luchan todavía contra las fuerzas de un general en un rincón, sin ubicación precisa, del País Vasco. « Hogeitamáseian hasi zen gerra ez da oraindik bukatu. Gure haran honetan behintzat ez. Menditik Balantzategira izkutuan jaisten diren horiek ez dute etsi nahi, eta Espainiako jeneralaren aurka ari dira. »34 (La guerra que empezó en el treinta y seis, aún no se ha acabado. Al menos no en nuestro valle. Los que bajan secretamente del monte a Balantzategi no quieren rendirse y siguen luchando contra el General de España.)

62 Mo convive con otras once vacas (siete negras como ella y cinco rojas) durante los dos primeros años de su existencia (1940-1941) en ese caserío. Este período de tiempo ocupa siete de los nueve capítulos de la novela y aparece descrito con muchos detalles, desde la lucha encarnizada de Mo contra dieciséis lobos en medio de una noche de rayos y truenos : « [...] txismista eta trumoi gau batez [...] », (p. 175). Fue precisamente en esa noche, cuando Mo prometió escribir en un futuro sus memorias, como se lo recordará más tarde su voz interior : « [...] neronek esango dizut otsoengandik aldegin egunean agindutakoa. Esan zenuen : egun batean nire memoriak idatzi eta gaurkoa kontatuko dut. » (p. 29). Tras medio siglo de existencia y hallandose ya en el ocaso de su vida (como se puede comprobar en el ultimo capitulo) Mo se decide a cumplir aquella promesa siguiendo el dictamen de su voz interior : « Barrukoak idazteko agintzen dit. », (p. 179). Son muchos los recuerdos, contratiempos y pormenores que debe consignar :

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sus dos años de niflez en Balantzategi en cuyos alrededores aparecen los restos de un avion estrellado y tres cruces que recuerdan a otras tantas personas fusiladas por los vencedores(una de ellas perteneciente al marido de Genoveva, la duefla de Balantzategi.) ; las malas relaciónes con los enemigos del caserio, D. Gregorio, alias « Antiaju Berde » y sus sicarios : « Balantzategiko etsaiak ! Antiaju berde eta bere laguntzaileak ! », (p. 101.) ; la compañia de su mejor amiga « La Vache qui Rit » y la antipatia hacia las vacas rojas especialmente « Bidani » ; las trampas urdidas por Genoveva (propietaria del caserio) y por su fiel criado Usandizaga, « Bizkar Oker » (Encorvado) a los treinta guardias enviados por el General a colaborar con « Antiaju Berde » para impedir el avituallamiento de los maquis ; la lucha continua de Mo para no convertirse en una vaca corriente : « Baina ez nuen nolanahiko behia izan nahi [...] »,(p. 88) ; la venta de Mo y de « La Vache qui Rit » efectuada por los dos hermanos « Hortzaundi » (Dentudos) a unos jovenes que preparan una fiestá taurina : « [...] ganadu paregabea festá jartzeko. », (p. 141) ; la huida al monte junto a « La Vache qui Rit », con la consiguiente soledad y aburrimiento ; la decision de su « copine » de metamorfosearse en jabali ; el encuentro inesperado, irreal y surrealista de Mo con Pauline Bernardette quien la toma como dote para ingresar en un convento de religiosas ; la vejez de Mo : « Ez dut ezer, Soeur. Bakarrik zahartu egin naizela », (p. 177), etc.

Estructura

63 Esta novela se compone de nueve capítulos regulares ; siete de ellos contienen entre 20 y 25 paginas ; el segundo capitulo tiene 14 y el capírulo final consta solo de 6 paginas. La historia de la vaca Mo está descrita con muchos detalles a través de los capítulos 1-8 ; el noveno y último capítulo está dedicado a la redacción de las memorias de Mo en cuya corrección pasará diez años : « Hamar ürte haik korrejitzen, orraztzen eta apaintzen iragan ondoan [...]. », (p.179). La mayor parte de la novela aparece en forma de narración, pero abundan también los diálogos que aligeran el ritmo de aquélla. El Setatsu (Testárudo) o voz interior de Mo, merece una atención especial. Una vez más, el autor se vale de este recurso literario (usado ya en Bi anai, y como veremos más tarde, en Gizona bere bakardadean) para conformar una novela original e interesante. El apelativo Setatsu (repetido en una ocasión hasta seis veces consecutivas, es comparado con un piojo por su persistencia a la hora de aconsejar a Mo : « Zorria bera baino setatsuagoa », (p. 16). En general, se muestra como muy buena amiga de Mo, aunque a veces disienten a la hora de tomar una decisión : « [...] Setatsua ez zegoen amore emateko prest », (p. 22). En ocasiones, hasta le introduce en el conocimiento de la astronomía (Venus, Andromeda, Orión, Sirio, etc. (p. 93-94). Se desconoce la naturaleza de esa voz interior que ni la misma Mo es capaz de definirla y la compara con algo espiritual o metafisico ; sólo le consta que la lleva dentro. « Deituko nion Aingeru Goardako, deituko nion Izpiritu, Mintzo, Ahots edo nahi dena, baina izen batekin nola bestearekin, hura beti nre barruan [...] », (p. 15).(Le llamara Àngel de la Guarda, Espíritu, Habla, Voz, o lo que fuere, pero tanto con un nombre como con otro, permanecía siempre dentro de mí.)

64 El valor simbólico de algunos nombres, conceptos y personas embellecen también esta novela tan singular : Pauline Bernardette, nacida en un pueblo cercano a Lurdes, evoca la imagen de la vidente Bernardette Soubirous ; « Antiaju Berde » con su forma extraña de hablar (« Karral, Karral, Karral ») simboliza la fuerza extranjera y opresora en el País

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Vasco ; el General (escrito con letra mayúscula) representa a F. Franco ; los dos hermanos « dentudos » son el prototipo del sicario, etc. Otro tanto se podría afirmar del desierto (símbolo de soledad y marginación) tan del gusto del escritor de Asteasu. La expresión « Sekretuen Gurpil Haundia » (La Gran Rueda de los Secretos), tan repetida en la última parte de la novela (pp. 114, 117, 120, 121, 135, 176) se asemeja a la rueda del tiempo que gira incesantemente desvelando paulatinamente el contenido de los acontecimientos inescrutables. Las letras Alfa y Omega (primera y última del alfabeto griego) podrían representar el proceso evolutivo de los seres animados (pp. 107-108). La presencia de dos personajes renombrados en la cultura vasca : el bertsolari guipuzcoano « Uztapide » y el dramaturgo labortano P. Larzabal (combatientes en la Guerra Civil Española, y en la II Guerra Mundial, 1939-1945) completan el cuadro simbólico de esta obra original.

Personajes

65 « Mo ». Nace hacia 1940 en Balantzategi : « Mundura 1940 garren urte aldera etorri nintzen [...]. », (p. 34). Desde muy joven duda sobre su propia identidad ; no se conoce bien a sí misma y se pregunta quién es : « Zer ote naiz ?- galdetu nion neure buruari. », (p. 37). Apoya a Genoveva y a los maquis, mostrando una rebeldía innata contra vencedores en la Guerra Civil. Detesta ser una vaca corriente y preferiría convertirse en caballo o simplemente en gato, pero finalmente decide ser « una auténtica vaca ». Mo es el personaje más problemático de la novela, además de convertirse en narrador y protagonista. Tras pasar cuatro años en compañía de « La Vache qui Rit », ésta la abandona en el monte, y se ve obligada a bajar a un pueblo de Zuberoa donde se topa casualmente con Pauline Bernardette a quien la defiende, hiriendo a un joven que la ha ofendido por su pequeña estatura : « [...] aurreratu nituen adarrak eta besoa hautsi nion bi lekutatik », (p. 76).

66 « La Vache qui Rit ». Es la mejor amiga de Mo durante cuatro años, en opinión de ésta : « J'avais une copine », (p. 156) ; ambas dialogan constantemente. Es muy luchadora y le desagradan mucho las vacas « makalak », esto es, aquellas que se limitan a pastar en las verdes praderas del caserío. No quiere seguir siendo una vaca corriente, pues no hay en el mundo cosa peor que esto : « Ez dut behi izan nahi. Mundu honetan ez dago behi makala baino gauza makalagorik ! », (p. 161). Le gustaría, en cambio, convertirse en jabalí.

67 Soeur Pauline Bernardette. Este personaje no aparece directamente implicado en los acontecimientos de Balantzategi ni en los primeros capítulos aunque se le menciona a menudo usando la técnica retrospectiva de anticipación del flash back, que rompe el orden cronológico regular de los acontecimientos pasados. Así, por ejemplo, se afirma : « Baina, utzi oraingoz Pauline Bernardetteren kontuak eta jarrai dezadan nire jaiotegunean gertatutakoarekin. », (p. 41). (Pero dejemos por ahora las historias de Pauline Bernardette y sigamos con lo ocurrido el día de mi nacimiento). A medida que avanza la novela, su papel va alcanzando gran importancia por la influencia que ejerce sobre la vaca Mo. Pauline se ve obligada también a pasar su propio desierto existencial al verse ante el dilema de entrar de religiosa en un convento o casarse, tal como desean sus padres : « Pauline Bernardetteren desertua, beraz, ezkontza deitzen zen [...]. », (p. 88). El accidentado encuentro de Pauline con Mo (se cae de una ventana sobre la vaca) sirve para que, más tarde ésta pueda vivir de por vida en el convento donde ingresará la novicia. Ella la hará feliz prodigándole toda clase de cuidados pero, sobre todo, por la

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bondad con que la trata : « [...] nire mojatxoak zera ematen du, bihotz baten partez, hamar bihotz ttiki dituela [...]. », (p. 67). (Mi monjita aparenta tener diez pequeños corazones en lugar de uno solo.)

68 Entre los personajes secundarios destacan Genoveva que será arrestada y su anciano criado Usandizaga, « Bizkar Oker », que morirá en un tiroteo entablado contra las fuerzas de « Antiaju Berde », el peor enemigo que Mo conoció en toda su vida : « [...] pertsonarik etsaiena[...]. », (p. 44). Finalmente, están los « Hortzaundiak » (Dentudos), dos hermanos gemelos, sicarios de « Antiaju Berde », que al final serán recompensados por su colaboración.

Coordenadas espacio-temporales

69 La acción de esta novela se desarrolla en el País Vasco ; en un lugar indeterminado en torno al caserío Balantzategi, y en la provincia de Zuberoa, dentro de un convento. Gran parte de la obra gira en torno a este caserío y a sus alrededores. Una inesperada descripción del mismo situará al lector en este lugar extraño y conflictivo. « Balantzategin behiok behi gara, eta belarra belar. Baina gainerako gauza guztiak ez dira ematen dutena. Hasteko ez da nekazari etxea. Hala dirudi, baina ez da. Ikusi duzu atarian zakurrik ez daukatela eta behiok ezer ez dugula egiten. Baina, horretaz gain, ohar zaitez, oilorik ez daukate, ardirik ez daukate, segan ez dakite...hori da haundiena, ez Genoveva eta ez Bizkar Okerrek ez dakitela segan ».35 (En Balantzategi las vacas somos verdaderas vacas, y la hierba es auténtica hierba. Pero las demás cosas no son lo que aparentan. Para empezar no es una casa de labranza. Lo parece pero no lo es. Ya has visto que no tienen perro delante de la puerta y que las vacas no hacemos nada. Pero además, ten en cuenta que no tienen gallinas, ni ovejas, ni ningún otro animal doméstico, ni saben segar...lo más gordo del caso es que no saben segar ni Genoveva ni el « Encorvado. »)

70 Junto a nombres de la geografía vasca de la provincia de Zuberoa (Altzürükü, Urdinarbe, Kakoeta) aparecen otros lugares del universo (Grecia, Troya, Esparta, etc.). A la hora de narrar la importancia de la vaca en algunas partes de Asia, se mencionan los países de Pakistán y de la India.

71 En cuanto a la coordenada temporal conocemos la fecha del nacimiento de Mo, 1940, en torno al cual arranca la novela : « Eta mendea bera ere gaztea zen orduan, 1940an geunden eta ; orain, berriz , mendea bukatzen ari da » ( y hasta el mismo siglo era joven entonces, pues estábamos en 1940 ; ahora, en cambio, el siglo se está acabando). A diferencia de la mayoría de las novelas de B. Atxaga, ésta no ofrece gran dificultad en este terreno, aunque a veces se limita a dar ideas muy generales, por ejemplo : « [...] Denboraren Gurpila gozo gozo jiratzen hasi zen : eta udazkenari negua jarraitu zitzaion, eta neguari udaberria, eta udaberriari, berriro ere, uda. », (p. 157), [...]. (La Rueda del Tiempo comenzó a girar lentamente y al otoño le siguió el invierno, y al invierno la primavera, y a la primavera, de nuevo, el verano...). En cambio, algunas otras citas temporales son más precisas y aportan más luz a la hora de limitar el transcurso de la novela. Así, por ejemplo, al comentar Mo su última temporada pasada en compañía de « La Vache qui Rit », afirma : « Gure mendiko bigarren urtean [...]. », (p. 158), (En el segundo año pasado en el monte). Con estos y algunos otros datos podemos completar a grandes rasgos la biografía de Mo (1940-199 (¿?)), de los que los dos primeros años los pasó en Balantzategi (1940-1941) ; otros dos en la montaña en compañía de su « copine » (1942-1943), y el resto de su vida en el convento con Pauline Bernardette (1944-1990 (¿?)), de los que vivirá una década corrigiendo sus memorias.

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Estilo

72 La influencia de la literatura oral es también notoria en esta novela. Aparte de la mención del bertsolari « Uztapide », señalada anteriormente, los numerosos refranes (17) ; los bellos cantos populares de Zuberoa, que aparecen especialmente en el capítulo séptimo ; el parangón que el autor establece entre la canción « Agur Euskal Erriari » del bardo J.M. Iparragirre y una de las frases del texto, son algunas de las pruebas que confirman esa influencia popular y oral de la literatura vasca en esta obra de B. Atxaga. « Mundu honetan belar ederrak badira baina bihotzak dio zoaz Balantzategira ». (p. 36) (Hay hermosos pastos en este mundo pero mi corazón me dice vete a Balantzategi.) « [...] Erri-alde guzietan toki onak ba-dira, baiña biotzak dio : « Zoaz Euskal-errira. »36 (En todas partes hay hermosos lugares, pero mi corazón me dice : « Vete al País Vasco ».)

73 Entre las figuras retóricas más frecuentes resaltaría la repetición « kontra » de la página 73, que aparece repetida seis veces. « Laguna defendatu egin behar da beti otsoen kontra [...] », (Hay que defender siempre al amigo contra los lobos). Esta frase nos evoca también la famosa poesía « Nire aitaren etxea » (La casa de mi padre) de G : Aresti, que comienza de esta forma « Nire aitaren etxea defendituko dut./Otsoen kontra [...].37(Defenderé la casa de mi padre contra los lobos...). Mientras el poeta vizcaíno emplea cuatro veces la preposición « kontra », el escritor de Asteasu la repite seis veces.

74 En el aspecto lingüístico, sólo nos queda resaltar lo afirmado anteriormente sobre la combinación que el autor logra entre el vascuence unificado y el dialecto de Zuberoa, logrando siempre un vascuence llano, cotidiano y coloquial, pero muy rico, lleno de colorido, musicalidad y de diferente grafía que se pueden apreciar, por ejemplo en este pasaje. - « Altzürükün bizi nintzelarik – kontatu zidan egun batean -, irus eta kuntet bizi nindüzün. Egün osoa bortüan nihaur bakarrik iragaiten nizün, kabalen begiratzen, eta horrekin eta Jinko jaunari egin otoiekin aski nizün. Hartan gizendü eta edjertü nindüzün, izigarri neskatila polita nindüzün. Eta erran zitadazün aitak : « Esposatü beharko düzü, joan zite iganteetako sonüra ». Nik erraiten neiozün :» Ez aita, untsa nüzü bortüan kabaleekilan ». Eta aitak, oraino : « Hebendik aintzina ez zira kabaleekilan bortüra joanen. Behar düzü Madmoiselle bilakatü, eta sonüra joan eta ontsa esposatü. »38 (Cuando yo vivía en Altzürükü – me contó un día -vivía feliz y contenta. Pasaba el día entero sola en la montaña, cuidando el ganado, y con eso y con las plegarias que le dirigía a Dios, tenía suficiente. Me fui creciendo y embelleciendo hasta llegar a ser una joven muy bonita. Y entonces mi padre me dijo : « Tendrás que casarte ; para ello debes ir al baile los domingos. Yo le contesté : « No padre, estoy bien cuidando el ganado en el monte. Y mi padre continuó diciendo : « De ahora en adelante no irás a la montaña sino al baile porque debes convertirte en una señorita casadera.)

4. Gizona bere bakardadean (1993)

75 Esta novela muestra un cambio profundo en la novelística de Bernardo Atxaga y supone un nuevo desafío por ser su primera novela larga en el sentido estricto de la palabra. Este nuevo giro es debido al realismo literario tan escaso hasta 1993 en su narrativa

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ligada preferentemente a la fabulación mítica y los espacios imaginarios. Carlos, como varios de los personajes principales es vasco, y se describen situaciones basadas en hechos reales que ocurrieron en las primeras décadas de E.T.A. Aunque, en ocasiones, se cita en este libro el pueblo de Obaba como lugar de nacimiento del protagonista principal (Carlos) y de su hermano (Kropotki), esta obra dista mucho de Obabakoak. En cuanto a la aceptación de la novela conviene recordar que fue galardonada como ganadora del Premio de la Crítica concedido en 1993 por la Asociación Española de Críticos literarios, y finalista al Premio Nacional de Narrativa en el mismo año. Asimismo, tuvo una acogida muy favorable en Europa, especialmente en Alemania, Francia e Italia. Cualquier lector, mínimamente aficionado a la literatura, se sentirá como atrapado entre las redes de esta obra cuidadosamente elaborada ; llena de suspense especialmente al final de ella ; tensa y policíaca, pero, también psicológica (sobre todo en el análisis de la soledad en la que vive Carlos); repleta de extensos diálogos y de monólogos interiores ; realizada por múltiples e interesantes personajes entre los que destaca Carlos, abocado al fracaso, a la soledad, y a la conciencia de culpabilidad que le conducirán fatalmente al suicidio.

Argumento

76 El título del libro Gizona bere bakardadean (El hombre solo, o El hombre en su soledad) refleja el núcleo del tema central. El protagonista principal, a pesar de aparecer, en ocasiones, como un héroe, vive sumido en una profunda crisis : soledad familiar (sólo le queda un hermano a quien ha ingresado en un hospital psiquiátrico) : soledad de un antiguo miembro de E.T.A., desilusionado con la trayectoria de este grupo ; soledad y falta de estabilidad emocional en sus relaciones amorosas con varias mujeres ; soledad psicológica producida por una profunda sensación de culpabilidad recordada repetidas veces por varias voces internas de su conciencia, viviendo fuera del País Vasco : « [...] familiarik gabe ; zinezko lagunik gabe, zinezko maitalerik gabe. Ba ote zen deserria baino gauza okerragorik ? », ( p. 200). Esta sensación de soledad, constante a lo largo de toda la obra, queda patente desde el principio pues comienza con un epígrafe tomado del Eclesiastés (IV, 10) : « Errukarria bakarra jausten ba' da : ez dauko jaso dagianik » (¡ Ay del que cae solo !, que no tiene quien lo levante.)

77 La novela está dividida en diez partes (a modo de capítulos sin numerar) que suman 349 páginas en las que se narran los problemas que se crean al ocultar durante casi dos semanas a dos miembros activos de E.T.A. a quienes se pretende liberar del estrecho cerco montado por la policía. La obra arranca con la imagen de un mar helado por cuyas grietas desaparecen las gélidas aguas, y finaliza con una gran charca ( La Banyera de Samsó) por cuyo sumidero desaparecerá también Carlos, ahogándose voluntariamente en su sima. El primer párrafo de la novela revela resumidamente el contenido y la estructura de la misma al presentar al protagonista Carlos, el lugar donde se desarrolla la trama, y las circustancias temporales concretas en las que ocurren los hechos. « Carlos esaten zioten gizonak bazekien Itxaso izoztua amets-irudi bat besterik ez zela, eta bazekien ere -zeren halaxe adierazten baitzion zakarki bere kontzientziaren ahotsetako batek -, [...] hoteleko behe saloira jaitsi [...] astelehen hartan, 1982ko Ekainak 28 [...] »39 (El hombre al que todos llamaban Carlos sabía que el mar helado que contemplaba era solamente la imagen de un sueño [...] y también sabía (porque se lo recordaba

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bruscamente una de las voces de su conciencia), [...] y bajar al salón de la planta baja del hotel [...], en aquel lunes, 28 de junio de 1982 [...].)

78 Carlos es un personaje condicionado por el pasado. Tras pasar cinco años en la cárcel en compañía de Ugarte y Guiomar (miembros del mismo comando) compran un pequeño hotel en las cercanías de Barcelona con el dinero obtenido en dos atracos. Sin consultar con sus dos amigos, se compromete a ocultar durante una semana en el hotel a dos militantes de E.T.A. (Jon y Jone) que se han visto obligados a huir de Bilbao tras cometer un atentado sangriento. Se da la circunstancia de que la selección del fútbol de Polonia se halla concentrada en ese mismo hotel con ocasión de los Campeonatos Mundiales de Fútbol de 1982. Unos treinta policías merodean el lugar sospechando que los dos etarras huidos se hallan escondidos en ese hotel. La historia de la trama se complica hasta el desenlace final en el que mueren trágicamente Carlos y el niño Pascal, tras conseguir liberar a los militantes etarras.

Estructura

79 B. Atxaga emplea técnicas literarias complejas como la fragmentación de las coordenadas espacio-temporales, el flash-back, el suspense, la variedad de las voces interiores de la conciencia de Carlos, etc. La novela está contada en tercera persona por un narrador omnisciente ; está, además, narrada desde el interior de Carlos al que se va analizando psicológicamente desde el principio hasta el final de la obra. Existe además un narrador interior que cuenta los hechos en primera persona. Por otra parte, el ritmo se aviva y la tensión narrativa crece al final de la novela, a medida que el cerco policial se va estrechando en torno al hotel en busca de los miembros de E.T.A. Es de resaltar el uso de algunas técnicas que el autor empleó anteriormente en la novela fantástica, v.g. : las voces internas en la obra Bi Anai. En Gizona bere bakardadean aparecen varias voces distintas que corresponden a otros tantos estados diferentes de la conciencia de Carlos, entre las que sobresalen especialmente tres : la de Sabino (antiguo jefe del comando etarra en el que militó Carlos) ; la de su hermano mayor, Kropotki, (recluido en un sanatorio psiquiátrico) ; y una tercera voz que el autor la denomina como « arratoi » (rata). La voz de Sabino (la más frecuente) puede ser considerada como la positiva pues aconseja a Carlos de forma favorable. En el lado contrario, hallamos la voz de la « rata », tentadora y recriminatoria, aunque algunas de sus críticas sean válidas. Finalmente, está la voz de Kropotki, que refleja la conciencia sin esperanza e ilusión. Son, en general, recuerdos que atormentan y culpan a Carlos que se ve acechado continuamente desde el principio hasta el final de la novela. Como se ve, son voces diversas, a veces contrarias, que se van multiplicando sin orden y que van aprobando, asesorando, criticando y condenando las actuaciones pasadas y presentes de Carlos. En la mayoría de los casos, estas voces están diseminadas individualmente a lo largo de toda la obra, pero, en ocasiones, aparecen simultaneadas una detrás de otra, como en este pasaje en el que se detectan excepcionalmente cuatro voces diferentes. « Jarraitu hola, jarraitu gaizki-ulertua gizentzen [...] entzun zuen. « Ez diat uste beste astazakil horrena kezkatzekoa denik, benetan », entzun zuen jarraian » [...] « Dena dela kezkatzekoa da », esan zuen hirugarren ahotsak, Kropotkirenak. [...] « Gu Ezpainarekin gaude », esan zuen laugarrenak [...] ».40 (Sigue así, sigue permitiendo que el malentendido se extienda [...] oyó (1a voz). « En verdad, no creo que lo dicho por ese bruto sea para preocuparse », oyó a continuación [...], (2a voz). Así y todo, es preocupante -dijo la tercera voz, la de Kropotki [...] « Nosotros estamos con Ezpainas, dijo la cuarta voz [...].)

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80 Además de la multiplicidad de voces, el autor se vale de otros recursos literarios como el monólogo interior tan frecuente del protagonista principal, presentado desde el interior del propio narrador. Igualmente el uso constante del flash-back en el que la memoria se retrotrae evocando recuerdos del pasado : los escritos de la revolucionaria polaca Rosa Luxemburgo ; las referencias al príncipe anarquista ruso P.A. Kropotkin ; las alusiones a las cartas escritas por « Kropotki » a su hermano Carlos detenido en la cárcel, etc. La superposición de planos es también frecuente en esta obra : el mar helado connota la muerte del protagonista en La Banyera ; las relaciones entre los pendientes de esmeralda deseados por Danuta con las conchas prehistóricas « Vassa Reticulata » o « Littorina obtusata » repetidas con frecuencia, etc. son algunos de los recursos que usa el autor.

Personajes

81 Este apartado es uno de los más interesantes de la obra por el número y la variedad de los personajes. El autor los presenta desde el comienzo de la novela facilitando, de esta forma, al lector la comprensión de ella. Con el mismo objetivo en la mente, los podríamos clasificar por el momento en principales y secundarios. Entre los primeros incluiríamos a Carlos, con sus dos compañeros (Ugarte y Guiomar) y a la intérprete polaca Danuta. Entre todos ellos destaca, con mucho, el análisis interno del protagonista principal, Carlos.

82 Carlos. Aparece como el personaje central de la novela ; el que da comienzo y fin a la obra. Es una persona cercana a los cuarenta años y marcada por su vida de militancia etarra : secuestros, atentados sangrientos, muerte violenta de varios amigos, intemamiento de su hermano Kropotki en un psiquiátrico, etc. Se conocen pocos detalles físicos de su persona, aparte de su calvicie por la que es conocido como Yul Brinner ; ni siquiera el nombre Carlos es su nombre de pila sino un seudónimo por el que se le conoce desde la militancia en el comando dirigido por Sabino. Nació en Obaba, y al final de la adolescencia fue captado por E.T.A. Toma parte activa en el secuestro de un industrial al que (después de tenerle veinte días en un sótano) lo ejecuta, siguiendo las normas dictadas por la dirección de E.T.A. Es detenido y encarcelado durante cinco años pero en 1977, es liberado gracias a la amnistía general en compañía de sus dos amigos, Ugarte y Guiomar. Los años vividos en la clandestinidad en el reino de « Don Beldur » (Don Miedo) le dejarán secuelas imborrables de por vida. En general, es esquivo con la mayoría de la gente, y se refugia en la naturaleza (La Banyera y el entorno del hotel), y en la compañía de sus dos fieles amigos, los perros Greta y Belle. Ni el cariño hacia Pascal, ni la amistad con Ugarte y Guiomar, ni las relaciones amorosas y pasajeras con varias mujeres llenarán el abismo de soledad en el que vive. Se le ve decepcionado por el desarrollo de la lucha armada a la que considera absurda, según la confesión hecha a Jone : « Nik uste dut oraingo borroka absurdoa dela - erantzun zion Carlosek lehorki. », (p. 40). Como hemos visto anteriormente, tras su liberación organiza dos atracos (en compañía de Ugarte y Guiomar) con cuyo botín compran el hotel donde viven. Para blanquear el dinero robado se vale de un ardid cuyas consecuencias sufrirá durante toda la vida. Declara demente e insolvente a su hermano mayor para apropiarse de los bienes familiares que ambos poseen en Obaba. Más tarde, sin contar con los otros dos propietarios del hotel, acepta (como miembro retirado) el compromiso pedido por la organización etarra, de ocultar durante una semana a dos

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miembros de ella : « Bera aldi bateko laguntzailea besterik ez zen, mesede bat egiten ari zen militante erretiratu bat », (p. 30).

83 Para huir de la tensión en la que vive, se refugia a menudo en el escondite de la panadería (donde da cobijo a los dos militantes etarras) en cuya puerta está colgada la carta-poema que su hermano mayor le escribió a la cárcel. Es denunciado a la policía por Danuta pero consigue liberarlos provocando un incendio en las cercanías del hotel, en el que muere abrasado el niño Pascal, hijo de Guiomar y Laura. Ésta le increpa y le recrimina con duras palabras, haciéndole responsable de la muerte de su hijo, y del papel tan pésimo que ha jugado en el grupo de compañeros del hotel : « Semea hil didak, Carlos » [...] « desgrazia bat izan haiz guztiontzat, taldeko okerrena [...] », (p. 346). Finalmente, Carlos se libera del acoso exterior e interior suicidándose en la charca, arrastrado por las aguas que llevan hacia una grieta que conduce a una sima sin salida.

84 Guiomar y Laura. Guiomar nació en Cuba pero, siendo niño, fue expulsado con su familia por la revolución castrista ; a pesar de ello, siempre le quedará el deseo de volver definitivamente a su país. Es amigo incondicional de Carlos y fue compañero de éste y Ugarte en un comando etarra donde era conocido con los apodos Foksi y Fangio. Se enamora de Laura, esposa de Ugarte, con la que había mantenido una relación sentimental en Francia tras la amnistía de 1977, antes de que aquellos contrajeran matrimonio. Fruto de ese amor pasajero es el niño Pascal. Ante la crisis matrimonial de Ugarte y Laura, y al comprobar que el niño es fruto de su antiguo amor, Laura y Guiomar deciden vivir juntos. Él es el jefe de compras del hotel y ella vive feliz a pesar de su difícil carácter : « [...] zaila duk eramaten », (p. 47). Se muestra dura con Ugarte a quien le trata de adúltero y de borracho. Lo más destacable de ella es la admiración mostrada a favor del leninismo así como las constantes conversaciones que mantiene con Danuta sobre el marxismo y la polaca Rosa Luxemburgo : « Danuta oso enteratuta zegok, eta hortxe ibiltzen dituk biak Rosa Luxemburgo gora eta Rosa Luxemburgo behera. », (p. 51).

85 Ugarte. Es un hombre de unos cuarenta años, pesa sesenta kilos y es fogoso(« odol berokoa »). Laura lo compara con Noé por su afición al alcohol. Formó parte del comando de Carlos en el que era conocido por el apodo de Merkutxo. Es, además, un hombre desilusionado pero despierto e inteligente. Es una persona acabada y rota a consecuencia de su militancia pasada en el reino de « Don Miedo » y en « La Tierra sin amistad » (« Adiskiderik gabeko Lurrean). En el hotel, ocupa el puesto de administrador general. A pesar de mantener puntos de vista distintos con Carlos (especialmente en el tema del arriesgado compromiso de prestar cobijo a los dos miembros etarras en el hotel) no lo delatará a la policía y le será siempre fiel, colaborando en la liberación de Jon y Jone.

86 Danuta Wyka. En el lado opuesto a los tres ex-militantes etarras se halla esta intérpreta polaca destinada al servicio del equipo de fútbol de su país. Además de prestar esos servicios, juega un papel muy importante en la novela como delatora y confidente de la policía. Tiene unos sesenta años ; estuvo casada con un cubano y al enviudar vive feliz con su familia. Se la describe como una figura pequeña de porcelana : « [...] portzelanazko figura ttiki bat ematen zuen [...] », (p. 43). Conoce perfectamente la ideología marxista y su llegada al hotel ha servido para que algunas otras personas como Laura, conozcan mejor la ideología de Rosa Luxemburgo. Dada la pobreza en la que viven en Polonia, pretende lograr los tres millones de recompensa que la policía

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española ofrece por la delación de los dos miembros etarras, Jon y Jone. Para ello, se sirve de la inocencia del niño Pascal (se la conoce como « la abuela » de Pascal) y de las conversaciones con Carlos (valiéndose de la ideología marxista) para denunciarle. Sus ideas revolucionarias chocan con la vida burguesa que ansia llevar, simbolizada en un par de pendientes de esmeralda, la marca de tabaco « Malboro », etc. : « Zer egingo zenuke zuk belarritako on batzuengatik ? Benetako esmeraldaz egindakoengatik, esan nahi dut », (p. 226).

87 En la larga lista de personajes aparecen algunos otros considerados como secundarios pero que juegan un papel relevante en el desarrollo del suspense del relato ; entre ellos, incluiríamos a Mikel, Jon y Jone, y Pascal.

88 Mikel. Es el vendedor de pescado que abastece al hotel de Carlos dos veces por semana (martes y viernes). Sirve, además, de enlace entre E.T.A. y Carlos, aprovechando los viajes que realiza entre el País Vasco y Barcelona. En su militancia etarra es conocido especialmente por el seudónimo de Neptuno. Es joven, hábil y astuto como lo demuestra en el primer encuentro mantenido con el Guardia Ezpainas en la carretera, y en el incendio provocado con Carlos para la liberación definitiva de Jon y Jone al final del relato.

89 Jone y Jon. Ambos pertenecen a un comando etarra muy violento. Tras el último atentado sangriento cometido en Bilbao, y a falta de una infraestructura en el País Vasco, la organización decide sacarlos de allí y esconderlos durante una semana en el hotel de Carlos en Cataluña. Sus fotos aparecen en numerosos carteles y en la TVE, ofreciendo, a la vez, una recompensa de tres millones de pesetas por su delación. Aunque la prensa española los presenta afectivamente unidos como los protagonistas del film Bonnie & Clyde (p. 28), ellos no son amantes ; al contrario, terminan enfadándose dado el temperamento nervioso del jovencísimo Jon que apenas aparece en la novela y sufre depresiones de paranoia : « Jon oso gaztea da eta berealditako neurarekin dago. », (p. 178). Jone, en cambio, se muestra como una militante más curtida. Su relación sentimental con Carlos, comenzada a raíz de su llegada al hotel, se interrumpe rápidamente por su puntos de vista distintos sobre la forma de actuar de E.T.A. : « Bien arteko distantzia nabarmen geratu zen bapatean [...] », (p. 40).

90 Pascal. Como hemos dicho anteriormente, es un niño de cinco años que, hasta casi el final de la novela, es considerado como hijo de Laura y Ugarte. Es el único niño del hotel y se distrae imaginándose ser Peter Pan o jugando a luchas de detectives. Sorprende fuera del escondite a Jon y Jone al anochecer, y ésta asustada saca su pistola. El niño relacionará esta imagen con la fotografía de Jone exhibida en los carteles puestos por la policía. La estrecha relación, con « su abuela Danuta » da pie para que ésta una lo narrado por el niño con la presencia del comando etarra en el hotel. La declaración de ella hecha a la policía dará pie a la búsqueda del comando aumentando así el suspense de la novela. Pascal morirá abrasado en el incendio provocado por Mikel y Carlos, concluyendo en éste una crisis psicológica que le conducirá al suicidio.

91 Entre los personajes secundarios, se halla también la gente empleada en el hotel entre la que destaca Doro como cocinero. Es un hombre de 52 años, delgado y huesudo ; antiguo jugador de cesta punta en La Florida y padre de dos hijos (Juan Manuel y Doro) que trabajan igualmente en el mismo hotel. Como ayudante de cocina tiene a Nuria, mujer joven y gruesa, que está en trámites de separación de su marido, y se relaciona sentimentalmente con Ugarte. El encuentro fortuito de Nuria con los agentes de la policía en los baños del hotel servirá para confirmar a Carlos en sus sospechas y

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aumentar el suspense de la novela. Como recepcionista y encargada de la centralita del hall del hotel (además de antigua azafata diplomada, y políglota) hallamos a Beatriz, « La nostra bellísima Beatriu », mujer casada de treinta años, que se resiste con orgullo ante el acoso de Carlos. Cierra esta lista, María Teresa, la amante y confidente de Carlos. Sólo ella y Guiomar conocen el escondite de la panadería donde Carlos oculta a Jon y Jone : « Gordelekua [...] Guiomarrek eta Maria Teresak bakarrik ezagutzen zuten barrutik [...], » (p. 141).

92 En el grupo policial compuesto de unos treinta agentes destacan Stefano, Ezpainas y Mario. Convencidos de que los dos etarras se hallan escondidos en el horno de la panadería (« labea interesatzen zitzaien gehiena », p. 261), visitan las dependencias del hotel con el pretexto de hacer un reportaje sobre el mismo. A medida que se cierra el cerco policial, la situación se hace insostenible pues los agentes acechan constantemente como un lobo lo hace con un erizo : « otsoak trikuarekin bezala », (p. 263). Stefano es un policía de elite, de ojos pequeños ; Carlos lo compara con una serpiente por su falsedad. Su compañero, apodado por Mikel como Ezpainas (Morros), es muy peligroso como lo pudo comprobar en un STOP de la carretera cercana al hotel, y un disparo efectuado en La Banyera. Además en un control de carretera Ezpainas para con malos modales a María Teresa y Carlos. Éste le trata de matón : « Baina, zer egiten duk ! Hi zer haiz ! Matoi bat ? », (p. 298). Es un policía de seguridad que va siempre acompañado de su metralleta ; Mikel le define como perro, en el peor de los sentidos. El joven Mario, policía de treinta años y miembro de la brigada antiterrorista, es el ayudante que colabora con Stefano.

93 Entre las personas que no toman una parte directa en la acción por haber fallecido pero que condicionan la vida de Carlos están su hermano Kropotki, Sabino y Rosa Luxemburgo.

94 Kropotki. Es el hermano mayor de Carlos y nació como éste en Obaba. Desde los catorce años era conocido en su pueblo por el apodo de Kropotki por la admiración que mostraba tras la lectura del libro Ogiaren konkista (La Conquista del Pan, 1888) del célebre anarquista ruso A.P. Kropotkin (1842-1921). Desde su juventud mostró también una fuerte afición al yoga y a las extrañas filosofías orientales. Según Carlos, no estaba loco sino que su comportamiento era un tanto peculiar y asocial por la influencia de dichas tendencias. Para blanquear el dinero robado en los atracos, Carlos le ingresa en un hospital psiquiátrico, a pesar de la resistencia de Kropotki : « Hemen utzi behar al nauk » (¿me vas a abandonar aquí ?), (p. 175). Carlos siente pena, vergüenza y rabia por ello, y se sentirá culpable durante toda su vida pero no ve otro medio mejor para camuflar el capital obtenido mediante los atracos : « [...] amnistia ostean egindako atrakoetan lortutako kapitala oso ondo kamuflatuta baitzegoen », (p. 60). Acepta el plan propuesto por Ugarte que se autoproclama « rey de las finanzas ». La argumentación de éste sobre la necesidad de ingresar a Kropotki y de declararle legalmente insolvente para que Carlos cobre una gran cantidad de millones, es muy clara. « [...] hire anai sanatorio psikiatriko batean sartu behar dugula [...] legalki eroa den batek ezin dik dirurik gastatu, ezin dik dirurik ukitu, ezin dik dokumenturik sinatu, esparru ekonomikoaren ezin dik ezer egin bere kabuz, eta beraz kasu honetan hi izango hintzateke, Carlos, bere berrogei edo berrogeita hamar milioien administratzailea [...] »41

95 Kropotki pasó dos años en el hospital y falleció en él, agravando más el sentimiento de culpabilidad de Carlos. Durante esa época escribió varias cartas a su hermano ; en una de ellas le augura el fracaso de la lucha revolucionaria etarra : « Zuen iraultza handi

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hori ez duk behin ere aterako aurrera, eta are gutxiago Europako alde honetan », (p. 99).

96 Sabino. Este personaje (citado anteriormente como voz de la conciencia de Carlos) es otro de los fallecidos que cobra gran importancia en el desarrollo del relato. Fue amigo e instructor de aquél en la época de militancia de ambos en E.T.A. Murió en una emboscada en Bilbao y fue enterrado en un cementerio cercano a Biarritz quince años antes de los acontecimientos narrados en la novela.

97 La escritora y revolucionaria Rosa Luxemburgo, Roseta, es también un personaje influyente en la novela y en Carlos por el contenido ideológico marxista de sus numerosos escritos. Se la compara con la francesa Jeanne d'Arc, pero apostillando, a continuación, que aquélla fue muy superior a ésta en espíritu (p. 70). Los fragmentos de las cartas, y en general, sus escritos muestran la rica intertextualidad que presenta esta novela, v.g. : el comienzo de una carta enviada por ella en 1904 desde la cárcel de Zwickan, (p. 117); el amanecer visto por Roseta ochenta años antes, (p. 165) ; o el fragmento de otra carta escrita por ella desde la prisión de Breslau (p. 269-270).

98 Finalmente, existen también otros personajes que no tienen ninguna relevancia en la obra pero que ayudan a completar la verosimilitud de algunos de los acontecimientos históricos y deportivos narrados en ella : Boniek, Lato, Pelé, Maradona, Zico, Garrincha, Falcao, etc :, el Papa Woytyla, Walesa, Jaruzelski, F. Castro, la Virgen polaca de Chestozowa ; la persona de Esther, amiga de Carlos y paisana de Obaba, quien le escribe varias cartas a la cárcel (p. 258) ; la mención de José Arregi (amigo de infancia del autor, militante etarra torturado y muerto en Madrid, (p. 265), o la del etnólogo y académico de la Academia Vasca, J.M. Satrustegi, (p. 129).

Coordenadas espacio-temporales

99 Toda la acción de la novela se desarrolla en torno a un hotel y sus alrededores. Se trata de un edificio situado en las cercanías del Monasterio de Montserrat, en el que se hospeda la selección polaca de fútbol. Es un edificio de sesenta habitaciones, en el que destacan el restaurante y, sobre todo, un gran salón con cincuenta butacas en el que tienen lugar las ruedas de prensa, y donde los huéspedes pueden ver la T.V. Junto a él, existe un bloque de apartamentos para los empleados y una panadería de 30 m2 donde trabaja Carlos ; en el sótano de ella se halla el horno y el escondite en el que permanecen los dos militantes de ETA. Es un lugar íntimo para el protagonista principal, su rincón de reflexión y también el nido para sus amores ocasionales. A unos cien metros de la panadería, hay una fuente que Guiomar ha bautizado con el nombre de La Fontana de Derby. En las proximidades del hotel se halla también una gran charca, La Banyera de Samsó, cuya superficie aparece en constante movimiento debido a una grieta por la que las aguas desaparecen en una sima. En las inmediaciones del hotel hay una cuesta montañosa (paso de huida del comando) y no lejos de ella, junto a la carretera, está la gasolinera, punto de partida de la liberación final de Jon y Jone. En este entorno cercado por la policía, y sofocante no sólo por el calor estival (con temperaturas de más de 30°) sino también por la tensión en que viven los personajes, se desarrolla la trama de este interesante relato.

100 Aunque la presencia del comando en el hotel dura casi dos semanas, el desarrollo de esta trama sólo se limita a los cinco últimos días, cuyo comienzo está concretado en el inicio de la novela : 28 de junio de 1982, (p. 9). Ese desarrollo es lineal y los

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acontecimientos van concatenados. El ritmo de los cuatro primeros días es normal, debido a los constantes flash-back que ralentizan la acción. En cambio, en el quinto y último día, ese ritmo cambia completamente ; todo se mueve con mucha celeridad y comienza la marcha atrás del relato, señalada por el autor con una numeración de 10 a 1 en las últimas páginas (306-349) de la obra. Algunas ideas y hechos que aparecieron en el comienzo de la novela hallan su explicación razonable y lógica al final de ella, gracias a la superposición de planos y a la concatenación de algunas frases. Así, por ejemplo, la novela arranca con un programa de televisión en la que Carlos escucha cómo hace 40.000 años los hombres primitivos se exponían al peligro por buscar en los mares helados conchas de color (« Nassa Reticulata »). Este hecho relacionado con una conversación mantenida con Danuta en La Banyera sobre unos pendientes de plástico de color verde que llevaba ésta (p. 759), y su deseo de poder comprar algún día unos pendientes de esmeraldas auténticas (aun corriendo el riesgo de ser delatora) serán asociados por Carlos al final de la novela (pp. 315-317) para despejar la incógnita del nombre del confidente de la policía. Esta asociación de ideas servirá de punto de inflexión en la súbita y repentina decisión tomada por Carlos de liberar cuanto antes al comando etarra.

Estilo

101 Uno de los aspectos más destacables de esta novela es, sin duda alguna, el esmerado cuidado mostrado por el autor en el aspecto formal de la misma : el desarrollo psicológico de los personajes ; las coordenadas de lugar y tiempo ; la fuerza de los diálogos (v.g. : el mantenido entre Carlos y Jone, pp. 174-185) ; el monólogo interior ; la belleza de las descripciones (pp. 81, 164-165, 167-169, etc.); las bonitas comparaciones (pp. 54, 55, etc.) ; el uso frecuente de la analepsis o flash-back ; los símiles tan descriptivos como el de una libélula atrapada (como en una cárcel) en un vaso de cristal ; las cartas de Rosa Luxemburgo y de Kropotki ; los fragmentos de la canción del bardo vasco J.M. Iparragirre : « Hara non diran, mendi maiteak, hara non diran zelaiak », (p. 13) ; el himno de los gudaris : « Eusko gudariak », (p. 256) ; las frases francesas : « Tombe la neige, et ce soir tu ne viendras », (p. 129) o « C'est l'amour, mon ami », (p. 156), etc.

102 El vascuence de esta novela es también otro de sus aspectos mejor logrados. Se observa una mejoría notable con respecto a algunas de sus obras anteriores. No faltarán, sin embargo, lingüistas que critiquen este euskara funcional, pero de gran calado, capaz de expresar con fuerza y claridad temas relacionados con la política, el marxismo, la religión, el deporte, el amor, el sexo, el cine, la prehistoria, la violencia, etc.

5. Zeru horiek (1995)

103 El título de la última novela publicada hasta ahora por el escritor B. Atxaga es Zeru horiek (Esos cielos) ; bien podía haberse titulado « Andrea bere bakardadean » (La mujer sola) por el tema de la soledad tan presente en ella. Zeru horiek sigue la línea del relato realista de Gizona bere bakardadean alejándose también de la fabulación mítica de las obras anteriores del autor de Asteasu. Entre los elementos comunes que se perciben entre ambas novelas pueden citarse : la presencia de las ciudades de Barcelona y Bilbao ; la pertenencia de los dos protagonistas (Carlos e Irene) a un grupo político radical (no se especifica el nombre del grupo en el caso de la mujer) ; el desamor que

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sienten estos dos personajes ; la reinserción tras la salida de la cárcel ; el tipo de vascuence tan semejante empleado por el autor en ambas novelas, etc. Por otra parte, en la lista de desemenjanzas existentes entre ambas obras, podemos anotar la diferente extensión pues la segunda es una novela corta de 141 páginas ; el escaso número de personajes que actúan en ésta ; la diferencia de sexo de los dos protagonistas ; la gran importancia de los sueños que llegan a formar parte de la estructura de Zeru horiek, y, finalmente, el modo implícito de narrar que aflora en ella ; muy diferente de la manera detallista, concreta y explícita que el autor usó en Gizona bere bakardadean.

104 Zeru horiek gira en torno a una mujer de 37 años, que tras cuatro años de reclusión en la cárcel Modelo de Barcelona, vuelve a su ciudad natal, Bilbao : « Si me quieres escribir, ya sabes mi paradero en la celda número 12 de la cárcel Modelo »42. La novela narra principalmente los hechos, pensamientos y sueños de Irene durante las seis horas de autobús, que dura el viaje entre ambas capitales : « lokartu eta ametsetan hasi zen » (se durmió y comenzó a soñar), (p. 53). Se trata de una presa que, tras verse privada de libertad durante un período tan largo de tiempo, se halla ante un callejón sin salida. Para olvidar esa amarga experiencia se refugia en el espacio de cielo que divisa desde la ventana ; los films que va viendo en el televisor, y la relectura de los libros que porta en su maleta : la novela Le Rouge et le Noir (1831) de Stendhal en su versión castellana ; el ensayo Quousque tandem... ! de J. Oteiza ; las poesías de la escritora estadounidense Emily Dickinson (1830-1886), etc.

105 En la corta lista de personajes destaca especialmente la protagonista cuyo nombre no aparece hasta la página 87 : « [...] Irene...zeren hori duzu izena, ez ? Irene ». Es una mujer silenciosa como consecuencia de los largos años de dura militancia que ha pasado cometiendo barbaridades (en opinión de un policía que viaja en el mismo autobús); su caso es parecido al de los veteranos de la guerra del Vietnam : « Urte asko dituzte disziplina gogor baten menpean eta basatikeriak egiten, eta gero ezin dira eguneroko bizitzara egokitu. Vietnamgo gerran ibilitako soldaduak bezala », (págs. 64-65). Se la ve sola, silenciosa y sin amor, como se puede comprobar por la cita de unos versos de su escritora favorita, E. Dickinson, que muestra la falsa esperanza en el amor. « Last night I dreamt that somebody loved me, no hope, but no harm, just another false alarm ».43

106 Su vida ha estado jalonada por hechos dramáticos que la han abocado a la soledad más absoluta. Convivió con un hombre (A. Larrea) que apareció en una playa, muerto por la policía « [...] Larrea hondartza batean hilda azalduko baitzen [...]. Poliziak jarritako enbuskada batean [...] ». El último encuentro con él sirvió simplemente para confirmar la ruptura definitiva y despedirse para siempre : « just to say good bye ». La falta de amor en la vida de Irene aparece sugerida por los dos conocidos versos del poeta romántico G. A. Bécquer (1836-1870) : « Volverán las oscuras golondrinas de tu balcón los nidos a colgar, pero aquellas que fueron testigo de nuestros amores, ésas no volverán », (págs. 114 -115). Ni siquiera su familia (padre y hermanos) la ha tratado con mucho cariño como se puede comprobar por las escasas visitas que ha recibido durante la larga estancia en la cárcel. La falta de calor humano se acentúa incluso con respecto a la organización armada en la que ha militado y que trata de abandonarla a pesar de que su nombre de reinsertada pueda aparecer como, « traidore eta chivata », (p. 107) en algún muro. En consecuencia, desea liberarse de su pasado, ahuyentando incluso los

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malos recuerdos de su vida anterior : « Alde hemendik ! [...] halaxe uxatu beharko zituen bere pentsamendu gaiztoak. »

107 Entre los personajes que forman el grupo cercano a Irene durante el viaje destacan una pareja de policías que intenta chantajearla recabando información sobre la muerte de A. Larrea ; otras dos monjas que sirven de contrapunto con respecto a los anteriores, y una señora corpulenta que trata de ayudarla. El desagradable incidente ocurrido en un hotel barcelonés en la primera noche después de su liberación (Irene hiere a un hombre con el que se acuesta y la trata de puta) servirá de excusa para que uno de los policías se muestre violento con ella.

108 En cuanto al estilo y a las técnicas que emplea el autor en esta novela se pueden señalar los siguientes : el recurso de los sueños ; los distintos planos narrativos y de conciencia (su vida pasada como militante, como presa y como persona) ; la intertextualidad, y la simbología de la que se vale el autor. La intertextualidad es evidente por la inserción de numerosos fragmentos de poesía, prosa y de canciones : Michelangelo, E. Dickinson , J. Oteiza, C. Zavattini, J. Sarrionandia, G. Brassens, Violeta Parra, la canción popular vasca « Ixil ixilik dago... », etc. En esta larga lista de citas incluiríamos también unos versos de B. de Otero traducidos al euskara por B. Atxaga : « Gazte nintzenean, gogor mintzatu nintzen zure aurka, zu Bilbo magal nahasia izan baitziren niretzat, baina orain urruti nago eta hots egiten dizut, zure teilatuez gogoratzen naiz eta hots egiten ditzut... » 44(Yo, cuando era joven,/ te ataqué violentamente,/ [...] ciudad donde nací, turbio de regazo/ de mi niñez [...]y pienso en tus tejados [...] y te llamo desoladamente [...]). Con respecto a los símbolos destacaríamos el del cielo multicolor que sirve de evasión de la realidad cotidiana a la protagonista. La ausencia de Dios en medio de la soledad sentida por Irene queda reflejada en un cuadro que su amiga Margarita le regaló como recuerdo de despedida. Es una imitación de las pinturas de la Capilla Sixtina en la que Michelangelo plasmó las imágenes de Dios y de Adán acercándo las manos pero sin llegar a estrecharlas. « Nahiz eta besoa ahalik eta gehiena luzatu , Jainkoaren eta Adanen hatz indizeak (luzatuak , horiek ere) ez ziren ukitzen ; huskeria bategatik, tarte nimiño bategatik, baina ez ziren ukitzen. »45

Literatura infantil y juvenil

109 Al presentar la obra literaria de B. Atxaga mencionamos en la parte introductoria su variada y extensa producción resaltando la abundante literatura infantil en la que se pueden contar más de treinta obras.46 Dada la extensión de nuestro artículo, dedicado especialmente al análisis de su novelística, no nos es posible prolongarlo mucho más, pero permítasenos, al menos, resumir brevemente dos relatos con el fin de adquirir un conocimiento más completo del arte literario de este célebre escritor. Se trata de los libros : Bi letter jaso nituen oso denbora gutxian (Recibí dos cartas en muy poco tiempo) y Sugeak txoriari begiratzen dionean (Cuando la serpiente mira al pájaro).

1. Bi letter jaso nituen oso denbora gutxian

110 En la larga lista de libros de B. Atxaga este relato (equiparable a un cuento largo) destaca como uno de los más atrayentes por el humor, la viveza y frescura de su lenguaje híbrido (euskara e inglés), y los recuerdos etnológicos y folclóricos que ofrece sobre el pasado de País Vasco. El protagonista es un hombre de casi ochenta años que

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vive en Boise, después de haber pasado sesenta años como pastor en las montañas de Idaho. En el corto intervalo de quince días recibe, remitidas de Obaba, dos cartas escritas por los familiares de dos amigos suyos de juventud, en las que se le comunica el fallecimiento de Beltza (el Negro) y de Iharra (el Flaco). El anciano pastor, conocido entre los vascos de Boise como Old Martin, relee estas cartas y llega a la conclusión de que ambos han muerto sin haberse reconciliado, a causa de un desagradable incidente que propició (convirtiendo en realidad) el sueño del joven Martín Agirre, de emigrar a las Américas.

111 Esta narración cuenta una doble historia bien concatenada : la del pasado remoto del joven Martín Agirre en Obaba y la del pasado más próximo de Old Martin en Idaho. En ambas historias se multiplican los recuerdos que se superponen constantemente mediante las múltiples interrupciones del hilo narrativo, que no impiden, sin embargo, la fácil lectura del relato. Con el símil del descarrilamiento de un tren, Old Martín describe sus, interrupciones como narrador : « Baina deskarrilatu egin naiz ostera », (p. 20). Él es el personaje principal y, a la vez, el narrador que cuenta generalmente en primera persona, pero que se vale también de la tercera persona en raras ocasiones : « Old Martinek, hasieran ere esan dut, Old Martinek pentsatzeko ohitura berezia eduki du beti [...] », (p. 84). En la primera parte de la historia, vemos al joven Martín que trabaja como leñador en los montes de Obaba en compañia de sus dos amigos : Beltza e Iharra. El primero de ellos aparece descrito como fuerte pero arrogante, pendenciero, mujeriego y muy tramposo ; el segundo en cambio, es físicamente menos fuerte pero está presentado como leal y buen trabajador : « Iharra beste terraje bateko mutila zen. Triste xamarra, baina leiala, langile ona. » (p. 29). Éste vence a Beltza en una prueba de levantamiento de una piedra cilindrica, en la cual se ha apostado mucho dinero y ha sido presenciada por tres mil espectadores. El desafío ha estado amañado por el propietario de la piedra (un señor mayor de fuera de Obaba) con la connivencia del entrenador de Beltza. El joven Martín, enterado secretamente de la trampa urdida contra éste, apuesta una suma grande de dinero a favor de Iharra quien se proclama campeón. Con ese dinero ganado podrá pagar el billete del embarque que, tres meses más tarde, le llevará a las Américas.

112 Tras más de medio siglo de pastoreo en las montañas de Idaho desciende a su capital, Boise, donde vive con su esposa, María, que morirá dos años más tarde en un accidente de coche. Old Martin comienza a narrar la segunda parte de la historia de su vida en la que no faltarán ni alegrías ni penas. Las frecuentes comparaciones entre la penuria, pobreza y subdesarrollado económico que conoció en Obaba contrastan con el progreso y bienestar material de los que goza en Boise. « Ene herrian bizi izan nintzen artean, zer eduki nuen ba ? Ezerrez, hitz gutxitan esateko. Patata egosia eta baba jateko. Jazteko zarpa batzuk, hemengo mendicant utzienak ere eramango ez lituzkeen modukoak. Hanketan berriz, apreta zaharrak [...]. Orain sikera [...] badut etxe bat bere garden eta guzti [...] Honelaxe bizi naiz orain, gardenia zaintzen eta paseoak ematen, etorkizunaren batere beldurrik gabe ».47 (Pues, ¿qué poseía yo mientras viví en mi pueblo ? Para decirlo en pocas palabras, nada. De comer, patatas cocidas y habas. De vestir, unos harapos que no se pondría ni el mendigo más pobre de aquí. Y en los pies, unas alpargatas viejas. [...]Ahora, al menos tengo una casa con un jardín. Vivo cuidando el jardín y dando paseos sin temor al futuro.)

113 Pero no todo es felicidad en la dulce tierra prometida de América. Al enviudar, Old Martin vive en casa de un hijo casado con una mujer de origen irlandés, Kathleen, y de

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un nieto de ocho años, Jimmy. Las discusiones con la nuera son frecuentes y los problemas de soledad e incomunicación se van acentuando a medida que pasan los años y se llega a la vejez : « [...] nazka ematen du zaharra izateak, emakume kapritxoso baten mende gelditzen zara », (p. 17). El bajo nivel de su inglés impide al anciano Martín la correcta comunicación con Kathleen y, sobre todo, con Jimmy a quien le gustaría contar su pasado.

114 El estilo de este libro resalta por las expresiones populares, la viveza de su lenguaje, las frases cortas y expresivas, y las comparaciones, como la que hallamos en la pág. 21 al relacionar la flaqueza de la memoria de Old Martin con la llegada lenta de la luz eléctrica tras un corte debido a una tormenta : « Memory ahul hura funtzionatzen hasi zitzaidan ostera, joandako argindarra berriro - ekaitza pasatakoan edo - etortzen denean bezalaxe [...] ». El elevado número de vocablos ingleses es otro aspecto positivo de este libro cuyo lenguaje híbrido se asemeja al euskara hablado por muchos vascos actuales en el Oeste de los Estados Unidos. Sin ánimo de lograr una lista completa ofrecemos algunas de las palabras inglesas más frecuentes que usa Old Martin en su conversación diaria : garden, very nice, school, English, beautiful, mister, my country, post-office, cartoon, old, Christmas Day, father, pudding, drugstore, ice box, wonderful, city, fíre-works, my lord, game, your fault, hair dressing, shop, pastry, mouse, cheese, cake, grandfather, please, etc.

2. Sugeak txoriari begiratzen dionean (1984)

115 El año 1984 fue muy productivo en el haber literario de B. Atxaga pues, además de varios cuentos publicó tres libros importantes : Bi letter jaso nituen oso denbora gutxian, Bi anai y Sugeak txoriari begiratzen dionean48 Estas tres obras guardan varios elementos en común pues describen el mundo de la infancia y de la vejez ; más aún, al final de los dos últimos libros hallamos un paralelismo evidente en la aparición de unas ocas que forman unas letras en el firmamento, sugiriendo de este modo la muerte de los protagonistas.

116 Una vez más, el autor sitúa este cuento en Obaba, lugar mítico e imaginario donde se encuadran muchas de sus obras. En esa ubicación habitual y familiar se desarrolla esta obra cuyos temas se relacionan directamente con el amor, la naturaleza, la vejez y la adolescencia (representadas en el abuelo Martín y el nieto Sebastián Bera), la locura y el anuncio solapado de la muerte, la soledad y la incomunicación. Durante el desarrollo de la obra se van mezclando diversos elementos de ficción con hechos reales de la vida cotidiana : la hipnosis que sufre el pájaro ante la mirada ofuscadora de la serpiente ; la capacidad mágica del abuelo para comunicarse con los animales (su burro Fangio, el pájaro, la serpiente a la que reprende, los jabalíes del bosque, las truchas, los perros y los gatos de Obaba). Pero ni la gente del pueblo, ni su propia familia dan crédito a ello y le tienen por loco al anciano Martín que amenaza repetidas veces con marcharse a Terranova. Ante la pregunta del nieto sobre la decisión de partir a un país frío y helado, el abuelo responderá con la realidad de otro tipo de frío que hiela su existencia en Obaba. - « Baina aitona ! Zergatik joan nahi duzu Terranovara ? Han jela eta hotza besterik ez dago ! Eta hemen ? Hemen ez al dago jela eta hotzik ? »49

117 Los personajes principales del cuento son el abuelo Martín y su nieto, Sebastián Bera, adolescente de trece años, que se enamora de Mariatxo durante las vacaciones de

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verano que pasa en Obaba, en casa de sus tíos. A medida que « el primo amore » entre los dos jóvenes avanza en la segunda parte de la obra, la presencia de Mariatxo irá creciendo mientras que el protagonismo del abuelo (tan evidente en la primera parte) irá decreciendo, hasta llegar a la desaparición final marcada por el vuelo de los gansos : « AIO MARTIN », (p. 50).

118 Las disquisiciones sobre el amor juvenil representadas en las relaciones de Martín (nuevo « Robinson Crusoe ») y Mariatxo ; las bonitas comparaciones (v.g. : págs : 18, 34, 45), la belleza, claridad y sencillez del lenguaje de una obra destinada al mundo infantil, son algunos de los elementos que atraen al lector y que, sin duda alguna, tuvieron en cuenta los miembros del jurado al galardonar esta obra en 1983 con el premio « Xabier Lizardi Saria » del Ayuntamiento de Zarauz.

119 Concluyamos este trabajo afirmando que B. Atxaga ha demostrado que el euskara es una lengua tan idónea como cualquier otra para lograr una creación literaria de gran calado. Asimismo ha probado que la literatura vasca está alcanzando un nivel tan alto como el de otras literaturas por el poder de sugerencia, la fantasía, el humor, la ternura, los diferentes tonos de voz, etc. Recientemente ha sido galardonado con el Premio Eusko Ikaskuntza – Caja Laboral de humanidades, Cultura, Artes y Ciencias Sociales. El juradó destacó que B. Atxaga « es un escritor que no sólo tiene éxito mediático y ha creado una obra traducida a muchos idiomas, sino que en lo más profundo de su creación se encuentra una voz intensa y diferenciada. Ha creado un estilo a partir de una sociedad, la vasca, y un idioma, el euskera, demostrando que se pueden alcanzar valores universales desde esta sociedad. »50

NOTAS

1. El lector puede hallar más informatión sobre este tema en Sancho el Sabio, 1991 : 115-116 2. Entre los fundadores hay que señalar a B. Atxaga, J. Sarrionandia, J.M. Iturralde, M. Ercilla, J. Juaristi y el cantante R. Ordorica. Entre los años 1978 y 1980 se publicaron seis números y los artículos aparecen indistintamente en euskara y en castellano. Los futuros derroteros de estos cinco artistas fueron muy divergentes. Así por ejemplo, J. Sarrionandia se convirtió en militante de ETA, huyó de la cárcel de Martutene (Guipúzcoa) y vive en el extranjero deleitando a sus lectores con sus nuevos libros, mientras que J. Juaristi ha preferido abandonar completamente el espíritu que inspiré al grupo Pott : « Euskal literaturaz, Euskal Herriaz eta euskaraz aspertu naiz... » (Me he aburrido de la literatura vasca, del País Vasco y del Vascuence).(« Y de perfil » en Zurgai 13, 1984 : 27). En cuanto al escritor de Asteasu, las divergencias surgidas entre B. Atxaga y J. Juaristi se pueden apreciar a raíz de una conferencia que el escritor guipuzcoano pronunció en mayo de 1993 en el « Forum Deusto » (Bilbao) en el que expresó su deseo de que desapareciera el grupo politico « Unidad Alavesa ». (El Correo 25-V-1993). J. Juaristi calificó de « impresentable » la charla de su antiguo compañero « [...] a quien estimo, o, más bien estimaba [...]. » 3. Oh ! euskadi ; se publicaron 16 números. 4. Se trata del libro Euskal literatura 72, Donostia, Lur 1992. 5. Deia l7-V-1992 : 58. 6. Hecho ocurrido el 7 de junio de 1968 en « Benta Aundi », Tolosa.

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7. Junto a él entraron también en la Academia de la Lengua Vasca otros escritores conocidos como su amigo J. Sarrionandia. Euskera, 1991-2 : 693. 8. Bernardo Atxaga. Ziutateaz (2.ed.).Donostia, Erein, 1986 : 153. 9. 465.Ibid : 14. 10. Ibid : 25. 11. Bernardo Atxaga, Etiopia (3a ed.), Donostia, Erein, 1984 : 31. 12. Sancho el Sabio. 2000, n° 13 : 25. 13. Etiopia : 99. 14. Ibid : 43. 15. Ibid : 36. 16. Ibid : 55. 17. Ibid : 51. 18. Bernardo Atxaga. Poemás & híbridos. Madrid,Visor, 1991 : 70. 19. Samuel Beckett nació el 13 de abril de 1906 en Dublin. En 1938 se estáblecio en Paris, participando activamente en la Resistencia francesa durante la II Guerra Mundial. Cultivó diversos géneros : poesía, ensayo, teatro y novela, obteniendo el Premio Nobel de literatura en 1969. Se le considera como uno de los grandes creadores del teatro del absurdo, junto con Ionesco, Adamov, etc. Entre sus obras más conocidas se hallan Murphy (publicada en ingles en 1938 y traducida al francés en 1947), Molloy (1951), Malone meurt (Malone muere, 1951) y, sobre todo, su pieza teatral En attendant Godot (Esperando a Godot, 1953) en la que dos vagabundos (Vladimir y Estragon) esperan en vano una solución que llegue del cielo. En el drama de la vida humana concurren la miseria, el miedo y la espera inútil de una posible solución que no llegará jamás pues « no pasa nada, nadie viene, nadie se va ». Con está obra este escritor irlandés, renovó radicalmente la estética del teatro de la segunda mitad del siglo XX. 20. Georg Trakl nacio en Salzburgo el 3 de febrero de 1887. Ya desde su adolescencia se le veia mafcado por la adicción a las drogas, su inclinación al suicidio, y, más tarde, por la relación incestuosa con su hermana Grete que en 1915 acabara suicidandose en Berlin de un disparo. En su juventud abusaba de la bebida, las drogas y frecuentaba los burdeles, sufriendo fuertes ataques y períodos depresivos que le condujeron al psiquiátrico. Tomó parte como teniente enfermero en la I Guerra Mundial (1914-1918) a favor de las tropas austro-húngaras. Toda la miseria de la humanidad se le quedó grabada durante el período bélico, condiciónando en gran medida su poesía. A medida que fueron pasando los años, se fue agudizando el conflicto familiar con su madre a la que deseó matar. El miedo a la locura y a la muerte de los últimos años le condujeron el 3 de noviembre de 1914 al fin de su vida, por una parada cardíaca ocasionada por una sobredosis de cocaína. Entre las numerosas influencias literarias que aparecen en su obra destácan las de A. Rimbaud, Hölderlin, Nietzsche, E.A. Poe y Heine. Georg Trakl. Obras completas, Madrid, Ed. Trotta, 2000 : 9-58. 21. Poemás & hibridos : 70. 22. G. Trakl. Obras completas, (2a. Ed.), Madrid ; Trotta, 2000 : 84. 23. Bernardo Atxaga. Bi anai, (5a Ed), Donostia ; Erein,1990 : 7. 24. Ibid. : 41. 25. Ibid. : 91 26. Ibid. : 85. 27. A. Eguzkitza, « Literatura hizkuntza, defentsa bat », Jakin, n° 48, 1988 : 149-154. 28. Para mayor información presentamos el articulo « Obabakoak » del escritor Pello Esnal en Zutabe 18, 1988 : 84-88. 29. Gaur express. Junio 1989. VIII-32. 30. B. Atxaga. Obabakoak, Donostia, Erein, 1988 : 101. 31. Ibid. : 128. 32. Pedro Axular. Gero, Arantzazu-Oñati, Jakin, 1976 : 16-17.

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33. B. Atxaga. Obabakoak : 362. Sobre este particular, recomendamos al lector el articulo del autor titulado « El lugar extraordinario », La Modificación, Madrid, n° 9-10 (Jul-Ag., 1999) : 18-25. 34. B. Atxaga. Behi euskaldun baten memoriak, (2. ed), Iruñea, Pamiela, 1991 : 109. 35. Ibid. : 111. 36. Luis de Castresana. Vida y obra de Iparraguirre, Bilbao, La Gran Enciclopedia Vasca, 1997 : 244. 37. Gabriel Aresti. Poemak (I), Donostia, Kriselu, 1976 : 482. 38. B. Atxaga. Behi euskaldun baten memoriak (2a Ed.), Iruñea, Pamiela, 1991 : 86. 39. B. Atxaga. Gizona bere bakardadean, Iruñea, Pamiela, 1993 : 9. 40. Ibid. : 300. 41. Ibid. : 60. 42. B. Atxaga, Zeru horiek, Donostia, Erein, 1995 : 39. 43. Ibid.: 74. 44. Ibid. : 136. Los versos originales de este poeta bilbaíno dedicados a su ciudad natal se pueden leer en el libro País. Antología 1955-1970. Madrid, Plaza & Janés, S.A., 1971 : 129. 45. B. Atxaga. Zeru horiek : 17. 46. Amaren maitasuna bezalakorik ez duzu inon aurkituko (1990), Amazonas ibaian barrena (1990), Antonio Apreta (1998), Antonio Apretaren istorioa : »Siberia treneko ipui eta kantak » (1982), Astakiloak Arabian (1987), Astakiloak Finisterre aldean (1987), Astakiloak jo eta jo (1993), Astakiloen izkutuko taktika (1987), Asto bat hypodromoan (1984), Bambuloren istorio bambulotarrak. Krisia (1998), Bambuloren istorio bambulotarrak. Lehen urratsak (1998), Bambuloren istorio bambulotarrak. Ternuako penak (1999). Camilo Lizardi Erretore Jaunaren etxean aurkitutako gutunaren azalpena (1982), (Premio Ciudad de Irún), Chuch Aranberri dentista baten etxean (1982), Drink Dr. Pepper (1983), Emakume bakartia (1990), Flannery eta bere astakiloak (1987), Errugabeko txoriak ere erortzen dira sarean (1990), Gauero aterako nintzateke paseatzera (II) : Marieren azalpena ( »Premio Ciudad de Donostia, » 1984), Italiako zirku batean (1987), Jimmy Potxolo (1984), Kitarra baten bila gabiltza zoratzen (1987), Neska dun-dun bat (1987), Nikolasaren abenturak eta kalenturak (1980), Pelotari zaharraren ajeak (1990), Ramuntxo detektibea : Nikolasaren abentura gehio (1980), Ramuntxo detektibea (1993), Sara izeneko gizona (1996) , Sara : Zumalakarregiren zelatari (1990), Su-koloreko ilea zuen emakumea (1990), Transatlantiko batean (1987). Txitoen istorioa (1984), Xolak badu lehoien berri (1995), Xola eta basurdeak (1996), Xola ehizan (2000). 47. Bernardo Atxaga. Bi letter jaso nituen oso denbora gutxian, (7.ed.), Donostia, Erein, 1990 : 9. 48. Los títulos de estos cuentos son : Asto bat hypodromoan, Jimmy Potxolo, Txitoen istorioa, Gauero aterako nintzateke paseatzera (II): Marieren Azalpena. 49. Bernardo Atxaga. Sugeak txoriari begiratzen dioenean, (6. Ed.), Donostia, Erein, 1991 : 37. 50. El Diario Vasco, 7-VI-2002

ÍNDICE

Temas: littérature Índice cronológico: 20e siècle Mots-clés: Atxaga Bernardo (1951-), critique littéraire, écrivain contemporain, littérature basque, biographie d’écrivain

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AUTOR

GORKA AULESTIA

Universidad de Deusto [email protected]

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Aménagement linguistique et vitalité des communautés francophone et anglophone du Québec

Richard Y. Bourhis et Dominique Lepicq

NOTE DE L'AUTEUR

Richard Y. Bourhis est professeur au département de psychologie à l'Université du Québec à Montréal, directeur à l'UQAM de la Chaire Concordia-UQAM en études ethniques, chercheur au Centre d'études ethniques des universités montréalaises (CEETUM). E-mail : [email protected] Dominique Lepicq est professeur au département de français à McMaster University, Hamilton, Ontario, Canada.

1 Le cas du Québec français montre qu'un aménagement linguistique soutenu en faveur d'une langue minoritaire à l'échelle continentale peut mettre un terme au glissement linguistique vers la langue la plus puissante de ce millénaire : l'anglais. L'objectif de cet article est de fournir un survol de la situation sociolinguistique au Québec suite à l'adoption de lois linguistiques destinées à asseoir le statut du français par rapport à l'anglais dans le seul territoire majoritairement francophone de l'Amérique du Nord. En s'inspirant du concept de vitalité linguistique, la première partie de cet article analyse les circonstances qui ont mené les gouvernements successifs du Québec à adopter des lois linguistiques en faveur du français durant les trois dernières décennies. La seconde partie de l'article fait le bilan de la situation démolinguistique du français et de l'anglais après vingt ans d'aménagement linguistique. Nous conclurons en examinant la façon dont les politiques linguistiques ont influencé la vitalité des communautés francophone et anglophone du Québec.

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1) La Vitalité linguistique : le cas du Québec

2 Les mouvements culturels de revitalisation qui se manifestèrent à travers le monde dans la dernière partie du 20ème siècle avaient souvent comme revendication principale le maintien et l'épanouissement des langues minoritaires (Fishman, 1999). Le modèle de la vitalité linguistique a été mis au point pour analyser de façon plus systématique dans une optique comparative la force relative des communautés linguistiques en contact (Giles, Bourhis et Taylor, 1977). Comme le signalent Harwood, Giles et Bourhis (1994, 172) : « Il devint évident qu'on ne pouvait plus étudier des processus tels que les transferts linguistiques, les attitudes linguistiques, la communication interculturelle et les conflits linguistiques dans un vacuum sociostructural...À cet égard, Johnson et al. (1983) ont su montrer que le concept de vitalité résulte du besoin de resituer les processus sociolinguistiques et socio-psychologiques sous- jacents aux comportements intergroupes au sein de leur propre contexte sociostructural ». (p. 172)

3 En fait, le modèle de vitalité linguistique fut conçu à l'origine pour le contexte du Québec à une époque où la recherche sociolinguistique québécoise avait pour but d'élaborer des politiques linguistiques destinées à rehausser le statut du français par rapport à l'anglais. (Giles, Bourhis et Taylor, 1977). Ainsi, le concept de vitalité linguistique fut conçu comme un instrument analytique destiné à mieux évaluer la force démographique, le soutien institutionnel et le prestige de la majorité francophone du Québec par rapport à l'élite anglophone de l'époque. La vitalité d'un groupe linguistique se définit comme « ce qui rend un groupe susceptible de fonctionner en tant que collectivité distincte et active au sein d'un contexte intergroupe régional ou national » (Giles et al., 1977 : 308). Plus on estime que la vitalité d'un groupe linguistique est élevée, plus ce groupe a de chance de survivre en tant que collectivité distincte au sein de son contexte bilingue ou multilingue. Inversement, des groupes linguistiques dont la vitalité est jugée faible seraient voués à une disparition éventuelle en tant que communautés linguistiques distinctes. La figure 1 montre les trois principales dimensions des variables structurales susceptibles d'influencer la vitalité des groupes linguistiques, à savoir la force démographique, le contrôle et le soutien institutionnel et les variables de statut. Nous donnerons ci-dessous une brève description des éléments qui composent ces facteurs dans la mesure où ils caractérisent la situation des communautés anglophone et francophone du Québec durant la décennie menant à l'adoption de la loi 101. (voir fig. 1)

4 Les variables démographiques ont trait au nombre de membres composant le groupe linguistique et à leur densité à l'intérieur d'un territoire urbain, régional ou national. Les facteurs de densité réfèrent à la concentration numérique des membres de l'endogroupe linguistique dans différentes zones du territoire, à leur proportion par rapport aux membres de l'exogroupe et au fait que l'endogroupe occupe encore ou non son territoire « ancestral » ou « national ». Les variables démographiques correspondent aussi au nombre total des membres de la communauté linguistique en termes absolus, son taux de fécondité et de mortalité, son degré d'endogamie ou d'exogamie et ses tendances à l'immigration et à l'émigration.

5 Sans nécessairement utiliser le modèle de vitalité en tant que tel, les chercheurs canadiens en sciences sociales ont pu établir un tableau fidèle de la vitalité démographique des francophones et des anglophones du Canada au cours des années

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1970. Pour la plupart, ces recherches ont été effectuées dans le cadre de deux enquêtes gouvernementales de grande envergure, l'une sous l'égide du gouvernement fédéral examinant les relations français-anglais à l'échelle du Canada (Commission royale sur le bilinguisme et le biculturalisme, Rapport B&B ; Canada,

6 Aménagement linguistique et vitalité des communautés francophone et anglophone du Québec 1969), l'autre sous l'égide du gouvernement du Québec, la « Commission Gendron » axée sur l'évolution sociolinguistique du français dans la province (Québec, 1972).

Figure 1 - Taxonomie des facteurs socio-structuraux qui affectent la vitalité d'une communauté linguistique L1 en contact avec des communautés linguistiques exogroupes L2, L3 sur un même territoire (adapté de Bourhis, 2001)

7 Les analyses démolinguistiques fournies dans le rapport B&B (Canada, 1969) ont confirmé la perception des Québécois selon laquelle les francophones hors Québec étaient soumis à une assimilation soutenue qui risquait de compromettre la survie à long terme des minorités francophones dans les provinces anglo-canadiennes (Castonguay, 1998 ; de Vries, 1994). Des facteurs tels que l'isolement des petites communautés francophones à travers le pays, le déclin du taux de natalité, l'exogamie c'est-à-dire les mariages entre francophones et anglophones, l'absence de scolarisation en français au primaire et au secondaire, le legs des lois contre les minorités francophones du Canada et la pénurie de services en français à la fois au niveau provincial et fédéral ont tous contribué à réduire le nombre de francophones hors Québec (Bourhis, 1994a). Ainsi, les études sociolinguistiques des années 1960 soulignaient le déclin des communautés francophones hors Québec, glissement linguistique qui s'effectuait systématiquement au profit de l'anglais, langue dominante du continent. Pour contrer l'assimilation des minorités francophones, le gouvernement fédéral canadien adopta en 1969 la loi sur les langues officielles (Fortier, 1994). Mais,

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pour bien des francophones du Québec, l'adoption de cette loi garantissant des services en français ou en anglais au niveau fédéral « là où le nombre le justifie » fut considérée comme insuffisante et trop tardive. Forts de ces considérations, les nationalistes québécois adoptèrent le slogan « hors du Québec point de salut ». On vit alors resurgir les vieux spectres et les menaces sur la disparition progressive des Canadiens français, non seulement à l'échelle du Canada mais aussi en Amérique du Nord. En tant que minorité linguistique au sein du Canada (28 % en 1961) et en Amérique du Nord dans son ensemble (moins de 2 %), le Québec représentait aux yeux de certains « la dernière enclave territoriale » dans laquelle une société francophone normale pouvait survivre et même s'épanouir au sein du nouveau monde.

8 Sur le plan démolinguistique durant la même période, plus de 80 % de la population du Québec parlait le français langue maternelle, dont les trois quarts étaient des francophones unilingues qui utilisaient seulement le français comme langue du foyer. Étant donné le fort taux de transmission intergénérationnelle du français langue maternelle, les politiques linguistiques en faveur du français se faisaient dans des conditions très favorables sociolinguistiquement. En termes de distribution, les francophones constituaient la majorité dans toutes les régions de la province sauf dans certains quartiers de l'île de Montréal. Dans plusieurs quartiers à l'ouest de Montréal, les anglophones, pour la plupart unilingues, étaient majoritaires. Les francophones, quant à eux, étaient majoritaires à l'est et au nord de Montréal. Les anglophones et les francophones étaient répartis de façon plus égale dans les quartiers au centre de Montréal ainsi que dans les régions à l'ouest de la province, voisines de la frontière de l'Ontario et les cantons de l'Est. Les Québécois ayant l'anglais pour langue maternelle formaient moins de 15 % de l'ensemble de la population de la province. Néanmoins, la transmission intergénérationnelle de l'anglais était garantie au sein de la minorité anglophone, soutenue d'ailleurs par les mariages exogames et par le transfert linguistique de beaucoup d'immigrants et d'allophones qui adoptaient l'anglais comme langue du foyer. On utilise le terme allophone pour décrire des individus dont la langue maternelle n'est ni le français ni l'anglais, qu'il s'agisse d'immigrants de première ou de seconde génération. Au début des années 1970, les allophones et les immigrants représentaient 8 % de la population du Québec, la plupart étant établis dans la région de Montréal (88 %) et tendant à adopter l'anglais comme langue d'intégration à la communauté d'accueil anglophone.

9 À la même époque, les résultats de la Commission Gendron révélaient des tendances qui étaient moins favorables à la pérennité du fait français au Québec (Québec, 1972). Les démographes confirmaient le déclin de la fécondité des francophones qui, de l'un des plus élevés, était devenu un des plus faibles du monde occidental (Lachapelle et Henripin, 1980). Étant donné que ce taux était inférieur au seuil de remplacement de la population qui est de 2.1 enfants par femme, les francophones ne pouvaient plus compter sur la soi-disant « revanche des berceaux » pour maintenir leur avantage démographique à l'intérieur du Québec (Caldwell et Fournier, 1987). En l'absence d'un taux de natalité soutenu chez les francophones, une immigration accrue et l'intégration des immigrants à la communauté francophone plutôt qu'anglophone apparurent comme des stratégies importantes pour endiguer le déclin à long terme de la population francophone de la province (Termote et Gauvreau, 1988). Pour les mêmes raisons, la minorité anglophone, dont le taux de fécondité n'était pas plus élevé que

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celui de la majorité francophone, comptait sur les immigrants pour consolider la vitalité démographique de sa propre communauté linguistique.

10 Libres de choisir entre le système éducatif français ou anglais (de la maternelle à l'université), la majorité des immigrants inscrivaient leurs enfants au système scolaire anglophone afin d'optimaliser la mobilité économique et linguistique de leur progéniture à l'échelle du Canada et de l'Amérique du Nord. En outre, le système scolaire catholique de l'époque (à la fois francophone et anglophone au niveau primaire et secondaire) n'acceptait pas les élèves d'origine immigrante dont la religion était autre que catholique. En revanche, le système protestant (majoritairement anglophone) acceptait les élèves de n'importe quelle confession religieuse (d'Anglejan, 1984). Ainsi, au fil des années, une majorité d'élèves immigrants de première et de seconde génération s'intégrèrent à la communauté d'accueil anglophone plutôt qu'à la communauté d'accueil francophone de la province (Mc Andrew, 1996). Pour beaucoup d'activistes francophones, la liberté du choix de la langue d'enseignement surtout au primaire et au secondaire signifiait que la croissance démographique à long terme allait favoriser la communauté anglophone plutôt que francophone. De plus, certains francophones firent remarquer qu'à moins de contrôler son immigration, le gouvernement du Québec ne pourrait pas prétendre promouvoir l'image de la province comme étant un territoire à majorité francophone et qu'il aurait des difficultés à attirer des immigrants des régions francophones du monde.

11 Au vu de ces constatations, les analystes québécois fournirent des scénarios optimistes, neutres ou pessimistes sur l'avenir démographique de la population francophone de la province. Mus par des options idéologiques divergentes, les fédéralistes francophones favorisaient les prévisions optimistes concernant la pérennité de la majorité francophone du Québec. Les nationalistes québécois, pour leur part, privilégiaient les pronostics alarmistes, entretenant ainsi l'insécurité des francophones à propos de la survie du « fait français » au Québec. Les tendances démolinguistiques fournies par les chercheurs firent l'objet de rapports détaillés dans les médias assortis de débats sur le partage des pouvoirs entre juridiction fédérale (gouvernement canadien) et provinciale (gouvernement du Québec). Ainsi, les questions liées à la vitalité démographique des communautés anglophone, francophone et allophone de la province furent exploitées de façon stratégique par les partis politiques adverses endossant des options contrastées quant à l'avenir politique de la province : souverainistes québécois versus fédéralistes canadiens.

12 Au sein des démocraties, la vitalité démolinguistique représente « la force du nombre » et peut servir d'instrument légal pour doter la majorité (et dans certains cas les minorités) de la complétude institutionnelle (Breton, 1971) requise pour assurer la pérennité des communautés linguistiques partageant le même territoire national. Selon le schéma de la vitalité, le facteur « contrôle institutionnel » renvoie au niveau de contrôle et de soutien dont jouit un groupe linguistique dans les diverses institutions officielles de l'État (Figure 1). Le soutien et le contrôle institutionnel officiel équivalent au niveau atteint par les membres d'un groupe linguistique dans la gestion et la prise de décision dans des secteurs tels que les affaires, l'industrie, les médias, la production culturelle, le sport, les institutions religieuses et dans les grands corps de l'État tels que l'éducation, la santé, les services sociaux, la police, l'administration et la justice. Les groupes linguistiques qui jouissent d'un contrôle institutionnel élevé au sein de l'État et des institutions privées sont en mesure de sauvegarder et de consolider leur vitalité en

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tant que collectivité distincte comparativement aux groupes linguistiques qui ne disposent pas d'un tel contrôle sur les institutions. Le soutien institutionnel « non officiel » réfère au niveau d'organisation d'un groupe linguistique constitué en associations pour représenter et sauvegarder ses intérêts linguistiques dans diverses instances privées, par exemple l'enseignement primaire et secondaire privé, les commerces, le sport, la culture et la religion.

13 Autre facteur qui contribue au contrôle institutionnel des groupes linguistiques : la présence et l'envergure des leaders à la tête des institutions officielles et non-officielles qui représentent les intérêts de leur endogroupe linguistique. Les progrès liés au contrôle institutionnel dépendent de la présence d'activistes et de leaders charismatiques qui réussissent à mobiliser les membres de leur endogroupe linguistique en les incitant à lutter pour la survie de leur langue et de leur culture en contexte multilingue. L'absence d'un tel leadership, surtout au sein de la minorité linguistique, peut saper les acquis des générations antérieures quant au contrôle institutionnel officiel et non-officiel et peut compromettre les progrès nécessaires à la survie des générations montantes du groupe linguistique en question.

14 Dès le début des années 1970, à la fois les nationalistes québécois et canadiens se sont distingués par un leadership politique exceptionnel ; parmi eux, citons René Lévesque du côté des souverainistes québécois et Pierre-Élliot Trudeau dans le camp des fédéralistes canadiens. Charismatiques dans leur camp politique respectif, ces deux politiciens rivaux ont incamé l'affrontement des nationalistes québécois et canadiens.

15 À l'aube de leur carrière, ces deux leaders ainsi que les citoyens canadiens et québécois furent confrontés aux autres résultats de la Commission royale sur le bilinguisme et le biculturalisme (Canada, 1969). Le rapport montrait non seulement que les francophones étaient sous-représentés dans l'administration fédérale canadienne, l'anglais étant la langue de travail dominante, mais aussi qu'à qualification et expérience égales, le salaire des francophones était systématiquement inférieur à celui des anglophones à travers tout le Canada. Même au Québec, l'écart de salaire était à l'avantage des anglophones unilingues par rapport aux francophones bilingues. Le rapport soulignait que la main mise des Canadiens anglais sur l'économie et les finances contribuait au statut inférieur des Aménagement linguistique et vitalité des communautés francophone et anglophone du Québec employés francophones dans les affaires et les entreprises du Québec. Les résultats de la Commission Gendron (Québec, 1972) allaient dans le même sens, à savoir que l'anglais et non le français était la langue de travail et de la mobilité économique au Québec. Vu l'intégration croissante du Québec au sein de l'économie canadienne et américaine , la Commission Gendron concluait que sans l'intervention du gouvernement provincial, la situation diglossique du français irait en s'aggravant face à l'anglais, langue de prestige dans le monde du travail.

16 Toutefois, sur la plupart des autres facteurs de soutien institutionnel du modèle de vitalité, la situation de la majorité francophone du Québec se présentait sous un jour favorable. Cette situation avantageuse découlait en partie du partage des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. En effet, le- fédéralisme canadien garantit aux provinces une large part d'autonomie dans des secteurs cruciaux tels que le pouvoir de taxation et de dépenses décidé par les assemblées législatives de chacune des provinces canadiennes. De ce fait, les gouvernements provinciaux contrôlent tous les grands ministères des Etats souverains

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à l'exception de la Défense nationale, des Affaires étrangères et de la banque centrale. Cet éventail de juridictions provinciales inclut le droit d'offrir des services en français et/ou en anglais dans tous les ministères et services provinciaux. Historiquement, le Québec a su tirer parti de son autonomie provinciale pour assurer à sa majorité francophone le soutien institutionnel nécessaire à son épanouissement linguistique et culturel. Ainsi, les francophones détiennent le contrôle de leurs propres administrations civiles au niveau provincial et municipal ; ils gèrent leur propre système de santé ainsi que leur propre système d'éducation (de la maternelle à l'université). Les francophones sont propriétaires et maîtres de leur propre réseau de médias (radio, télévision, presse, édition) ; ils créent et consomment les produits culturels (musique, littérature, théâtre) et sportifs d'expression française et participent au système politique provincial et fédéral. Bien que traditionnellement privés de la gestion des affaires, de la finance et des banques de leur province, à l'époque, les francophones tiraient une certaine fierté de leur réseau de caisses d'épargne populaires au service des entreprises et commerces endogroupes.

17 Etant donné son statut historique d'élite dominante, la minorité anglophone a longtemps bénéficié d'un contrôle institutionnel considérable dans la province. A l'époque, non seulement les principales institutions commerciales et financières étaient aux mains des anglophones mais ceux-ci contrôlaient leur propre système de santé (hôpitaux, cliniques) et leur système d'éducation (de la maternelle à l'université) ; ils géraient leur propre réseau confessionnel ainsi que les médias d'expression anglaise (radio ; télévision ; presse). Ils étaient impliqués dans les activités culturelles et sportives au Québec ainsi qu'au Canada et dans le monde anglo-américain. En outre, ils participaient à la politique au niveau municipal, provincial et fédéral.

18 Les groupes linguistiques qui sont parvenus à un certain niveau de contrôle institutionnel sont par là même susceptibles de jouir d'un statut social supérieur aux groupes moins avantagés démographiquement ou institutionnellement. Les variables de statut sont liées au prestige social d'une communauté linguistique, à son statut socio- historique et au prestige de sa langue et de sa culture à la fois sur le territoire régional, national et sur le plan international (Figure 1). Plus le statut d'une communauté linguistique est perçu comme élevé, plus on lui attribue un haut degré de vitalité en tant que collectivité. Bien que le statut d'une communauté linguistique soit plus difficile à quantifier que les variables démographiques et institutionnelles, les données socio-psychologiques montrent que plus un groupe linguistique détient de prestige, plus son identité sociale a des chances d'être positive, ce qui, à son tour, incite les membres à se mobiliser pour accroître la vitalité linguistique de leur endogroupe (Sachdev et Bourhis, 1991). Le fait d'appartenir à un groupe linguistique de faible statut et /ou dévalorisé peut miner la volonté de mobilisation collective nécessaire pour assurer la survie de la langue et de la culture de l'endogroupe. La conscience du statut relatif de l'endogroupe dans la stratification sociale est d'autant plus claire que les différences de statut entre groupes linguistiques se perpétuent à travers les stéréotypes relatifs aux accents, dialectes et langues des locuteurs (Genesee et Bourhis, 1988, Ryan et Giles, 1982), qu'elles s'actualisent dans les normes langagières diglossiques et qu'elles sont officialisées au moyen de lois linguistiques qui reflètent le statut relatif des communautés linguistiques en présence (Wardhaugh, 1987).

19 L'intérêt durable suscité par « le cas québécois » tient au fait que, dans cette région du monde, l'enjeu réside dans l'affrontement entre deux langues de prestige à la fois sur le

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plan historique et culturel en occident. Bien que minoritaire en Amérique du Nord, le français jouit d'une plus grande vitalité sur le plan du statut linguistique que s'il s'agissait d'une langue minoritaire de moindre envergure sur le plan historique et culturel. Historiquement, à l'échelle du Québec, la situation diglossique en faveur de l'anglais s'est surtout fait sentir dans le monde du travail dans les zones de contact bilingues à Montréal, dans les régions de l'Ouest le long de la frontière avec l'Ontario et dans les cantons de l'Est le long de la frontière américaine. Une longue tradition de recherche en psychologie sociale sur les attitudes linguistiques et la communication bilingue illustre bien de quelle façon la situation de diglossie a favorisé l'anglais au détriment du français comme langue de prestige dans ces zones de contact (Bourhis, 1994b ; Bourhis et Lepicq, 1993 ; Genesee et Holobow, 1989 ; Hamers et Hummel, 1994 ; Lambert et al., 1960). Des études récentes montrent que des élèves anglophones fréquentant des écoles secondaires de langue anglaise dans des régions majoritairement francophones telles que la ville de Québec sont susceptibles d'utiliser aussi souvent l'anglais dans leur vie quotidienne que de jeunes anglophones vivant dans les quartiers ouest de Montréal où ils constituent la majorité locale (Landry, Allard et Bourhis, 1997). La même étude effectuée auprès d'élèves francophones du secondaire a montré que ceux qui résident dans les quartiers ouest de Montréal majoritairement anglophones sont moins enclins à utiliser le français dans leur vie quotidienne que les jeunes francophones de la ville de Québec, contexte à majorité francophone. Les résultats montrent à la fois la force d'attraction et le prestige de l'anglais qui perdurent chez les francophones et la possibilité pour les Anglo-Québécois de se comporter comme des majoritaires, quelle que soit la densité démographique de leur communauté linguistique à travers la province (Landry et al., 1997).

20 Giles et al. (1977) ont proposé que les variables démographiques, celles ayant trait au contrôle institutionnel et au statut se combinent pour orienter dans une direction ou une autre la force globale des communautés linguistiques. Tout en étant désavantagé sur le plan démographique, comme c'est le cas des Anglo-Québécois, ce même groupe linguistique peut maintenir le contrôle institutionnel sur les médias et posséder un statut exceptionnel grâce au prestige et au rayonnement de l'anglais, langue des affaires et des médias à l'échelle de l'Amérique du Nord. Dans le contexte du Québec des années 1970, on pouvait évaluer la vitalité globale des Anglo-Québécois comme étant moyennement élevée par rapport à des groupes de vitalité faible tels que les immigrants allophones et les minorités autochtones (Premières nations) dispersées dans les réserves à travers la province (Drapeau, 1998 ; Hamers et Hummel, 1998 ; Maurais, 1997). Bien que dotés d'une vitalité élevée sur le plan démographique au Québec, les francophones se sentaient menacés en tant que minorité linguistique sur le continent nord-américain et avaient une conscience accrue du statut inférieur du français en tant que langue du travail et de la mobilité sociale dans le monde des affaires et de la finance. Des événements politiques ponctuels ainsi qu'une conscience accrue de la précarité du fait français au Québec incita une majorité de francophones à élire le parti québécois pro-indépendantiste en l976, dont la première décision législative fut l'adoption de la Charte de la langue française (loi 101).

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2) Inversion du glissement linguistique des langues en difficulté

21 En général, en sociolinguistique, on traduit l'expression anglaise « language transfer » par le terme « transfert linguistique » qui dénote le caractère irréversible de l'attrition d'une langue en difficulté. Entre autres, le transfert linguistique peut signifier le déclin irréversible d'une langue minoritaire au profit d'une langue dominante au fil d'une ou plusieurs générations sur un territoire donné. Dans le modèle de Fishman (1991) « Reversing language shift » (RLS), il convient de parler de « glissement linguistique » puisqu'il s'agit d'un processus qui peut être inversé grâce à l'adoption de politiques linguistiques locales, régionales ou nationales. Ainsi, un aménagement linguistique soutenu en faveur d'une langue minoritaire peut aboutir au « renversement du glissement linguistique » (RGL). Joshua Fishman (1991) a lui-même reconnu la nécessité de tenir compte de la vitalité des minorités linguistiques dans les contextes multilingues complexes : « À certains égards, le GIDS (Graded Intergenerational Disruption Scale : Echelle graduée de discontinuité intergénérationnelle d'une langue en difficulté) peut être interprété comme un changement socioculturel analogue aux mesures de vitalité linguistique de nature sociopsychologique proposées récemment par plusieurs chercheurs ; plus le classement sur le GIDS est élevé, moins il y a de continuité intergénérationnelle et donc plus les chances de maintien d'un réseau ou d'une communauté linguistiques sont faibles. » (p. 87)

22 Le modèle GIDS est basé sur deux critères principaux du glissement linguistique : la transmission intergénérationnelle de la langue maternelle et l'existence d'une norme diglossique réglementant l'usage des langues rivales selon les fonctions de bas ou de haut statut dans la société. Ces deux indices cruciaux du glissement linguistique ne faisaient pas l'objet d'une évaluation particulière dans le modèle original de vitalité linguistique puisque la finalité du modèle n'était pas de servir de guide quant aux modalités de l'aménagement linguistique. Le modèle de vitalité impliquait la diglossie puisqu'il englobait à la fois le soutien institutionnel et le statut linguistique de communautés linguistiques rivales cohabitant sur un territoire donné. Le niveau de contrôle institutionnel acquis par une communauté linguistique dans les fonctions officielles et informelles de l'État est au cœur du modèle de vitalité (Figure. 1). En conséquence, la position acquise dans la hiérarchie sociale par les membres d'une communauté linguistique influence le rôle attribué à la langue de ce groupe pour les fonctions sociales hautes et basses, ce qui correspond à la variable « statut linguistique » du modèle de la vitalité linguistique (Figure. 1).

23 Dans le cadre de la vitalité, la transmission intergénérationnelle faisait partie des facteurs démographiques ou plus exactement du nombre absolu de locuteurs utilisant encore une certaine langue comme langue maternelle ou langue seconde. Parmi les variables influençant l'augmentation ou la diminution du nombre des locuteurs de cette langue, le modèle de la vitalité incluait d'autres facteurs importants à savoir le taux de natalité, les mariages mixtes, l'immigration et l'émigration. Or, il est évident que la transmission intergénérationnelle de la langue maternelle (Ll) devrait constituer un facteur distinct de la vitalité linguistique, contribuant au poids démographique de telle ou telle communauté linguistique.

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24 Tout comme on peut améliorer le modèle de vitalité grâce au modèle RLS (Reversing language shift : Inversion du glissement linguistique), l'inverse est tout aussi vrai. Le modèle RLS peut être enrichi en tenant compte de la gamme complète des variables utilisées pour évaluer la vitalité relative des communautés linguistiques en contact. Il est clair d'après l'exemple québécois que le modèle de vitalité peut servir d'instrument d'analyse plus systématique pour mieux cibler les efforts de RLS et peut préciser ce qui reste implicite dans le modèle de RLS de Fishman (1991). Par exemple, il n'est pas certain qu'une analyse limitée au modèle RLS pour évaluer la situation du français au Québec dans les années 1970 aurait conclu que l'aménagement linguistique en faveur du français était vraiment nécessaire. Comme nous l'avons vu, la transmission intergénérationnelle du français au sein de la majorité francophone était pratiquement intacte à cette époque. Cependant, c'est le constat de la faiblesse du statut du français sur d'autres variables de vitalité telles que le contrôle institutionnel (langue de travail) et la démographie (déclin de la fécondité, anglicisation des immigrants) qui a servi de catalyseur pour convaincre la majorité francophone qu'il était temps d'élaborer des politiques linguistiques afin d'« inverser le glissement linguistique » et assurer la pérennité du fait français au Québec. Il paraît donc judicieux de considérer le modèle de vitalité comme un complément nécessaire à l'échelle de discontinuité intergénérationnelle de Fishman (1991) plutôt que d'y voir simplement l'inverse de l'échelle GIDS. En fait, le modèle de vitalité peut s'avérer fort utile comme outil d'analyse sociolinguistique de plusieurs types de modèles d'aménagement linguistique autres que celui de Fishman ( 1991, 1999).

25 La façon de conceptualiser la vitalité linguistique débouche sur une autre dimension susceptible de contribuer au modèle RLS. Bourhis, Giles et Rosenthal (1981) ont proposé que les membres d'un groupe linguistique se formaient une impression subjective de la force de leur communauté linguistique dans la structure sociale. Cette perception subjective de la vitalité endogroupe est plus ou moins analogue aux analyses de vitalité proposées par les experts en psychologie sociale et en aménagement linguistique. Le questionnaire de vitalité subjective (SVQ) fut donc mis au point afin de jauger les évaluations des membres d'un groupe pour chacune des composantes des variables du modèle de vitalité objective : contrôle institutionnel, poids démographique et statut (Bourhis et al., 1981). Un certain nombre d'études utilisant ce questionnaire ont montré que dans beaucoup de contextes, les membres d'une communauté linguistique avaient une perception subjective de leur vitalité endogroupe plus ou moins équivalente à celle établie d'après des mesures objectives (Bourhis et Sachdev, 1984 ; Allard et Landry, 1994). Dans d'autres cas, les études ont montré que les évaluations subjectives de vitalité étaient systématiquement biaisées. Harwood, Giles et Bourhis (1994) ont montré que ces perceptions erronées étaient souvent à l'avantage de la vitalité de l'endogroupe mais, dans certains cas aussi, à l'avantage de la vitalité de l'exogroupe. Néanmoins, de telles distorsions ne portent pas sur les écarts les plus évidents de la vitalité des communautés linguistiques comparées. Elles ne concernent que des éléments pour lesquels l'écart objectif entre l'endogroupe et l'exogroupe est marginal. Sachdev et Bourhis (1993) ont montré que des variables d'ordre cognitif et motivationnel peuvent servir à expliquer les écarts dans les évaluations de vitalité subjectives concernant l'endogroupe et l'exogroupe.

26 En outre, Allard et Landry (1986) ont suggéré que les perceptions de vitalité subjective peuvent servir à prédire les comportements langagiers si l'on tient compte non

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seulement des croyances générales sur la vitalité de groupe (SVQ, Bourhis et al., 1981) mais aussi des croyances influencées par les aspirations des répondants et de leur volonté de se mobiliser afin d'améliorer la vitalité de leur endogroupe sur le plan démographique ainsi que sur le plan du contrôle institutionnel et du statut (croyances personnelles, BEVQ). Constatant la faible vitalité de leur endogroupe sur le plan du soutien institutionnel, certains expriment le désir (BEVQ) d'agir collectivement afin de créer les écoles nécessaires pour assurer l'enseignement de la langue minoritaire. En revanche, d'autres admettent que la vitalité de leur endogroupe est faible, voire en déclin (SVQ) et expriment des croyances et des aspirations (BEVQ) qui trahissent une absence de motivation pour redresser la situation par une action individuelle ou collective ; parfois, le déclin de la vitalité de leur propre groupe linguistique leur est totalement indifférent. Au Canada, Allard et Landry (1994) ont montré qu'une combinaison des deux types de croyances : générales (SVQ) et liées aux aspirations personnelles (BEVQ) était un meilleur prédicteur des comportements langagiers tels que la transmission intergénérationnelle ou la volonté de scolariser son enfant dans sa langue minoritaire plutôt que dans la langue de la majorité dominante.

27 Les membres d'un groupe perçoivent-ils l'échelle de discontinuité intergénérationnelle (GIDS) de la même façon que les experts en aménagement linguistique ? Il est possible de mettre au point une échelle GIDS « subjective » pour évaluer dans quelle mesure les militants et les simples membres d'une minorité linguistique sont conscients de la gravité de la non transmission intergénérationnelle de leur langue endogroupe. Les évaluations subjectives pourraient être recueillies sur des échantillons composés d'experts et de membres de la population concernée avant de formuler les plans d'intervention pour « inverser le glissement linguistique ». En tenant compte des données démolinguistiques des recensements et des enquêtes sociolinguistiques, les perceptions subjectives de vitalité (SVQ ; BEVQ) et de GIDS pourraient aider à peaufiner les étapes ultérieures du plan d'aménagement linguistique dont le but est d'inverser le glissement linguistique. Une combinaison de données objectives et subjectives concernant la vitalité et le GIDS d'une minorité linguistique en difficulté constitue une méthode plus précise pour planifier et mettre sur pied une politique linguistique visant à inverser le glissement linguistique (RLS) dans le cadre du modèle GIDS de Fishman (1991 ; 2001).

3) Bilan de 20 années d'aménagement linguistique au Québec

28 Les changements sociaux découlant de la « Révolution tranquille » des années 1960 ont exacerbé la conscience des francophones sur la menace diglossique qui planait sur le français en raison de sa co-existence avec l'anglais, langue de prestige, des affaires et de la mobilité sociale (Rocher, 1992 ; 2000). Comme l'illustre le livre Nègres blancs d'Amérique (Vallière, 1969), il devenait urgent pour la majorité francophone issue de la classe ouvrière de résister à la main mise des anglophones sur l'économie du Québec et de réagir contre « l'apathie de la petite bourgoisie » franco-québécoise. Étant donné le déclin de son passé rural et religieux, la modernisation de la société québécoise signifiait aussi que le français représentait le dernier symbole de l'identité québécoise dans une société de plus en plus orientée vers le matérialisme et la consommation (Sachdev et Bourhis, 1990 ; Thériault, 2000). Puisque le français constituait le dernier

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bastion de la spécificité québécoise face à la force d'attraction de la langue et de la culture anglo-américaine, il était sans doute inévitable que les gouvernements successifs au Québec estiment nécessaire de légiférer dans le domaine de la langue (Bourhis et Lepicq, 1993 ; Woehrling, 2000).

29 Comme nous l'avons déjà mentionné auparavant, dans les années 1970, le français se trouvait généralement en bonne position au Québec pour ce qui est de la démographie et du contrôle institutionnel ; en outre, sa transmission intergénérationnelle était relativement bien assurée (Fishman, 1991 ). Toutefois, les activistes et les intellectuels québécois réussirent à canaliser l'attention des francophones sur des aspects plus problématiques de leur destin en tant que minorité francophone en Amérique du Nord. Parmi les facteurs susceptibles de compromettre l'avenir du français au Québec, on invoquait : 1) le déclin des francophones dans les provinces anglophones du Canada, 2) la baisse du taux de fécondité de la population francophone, 3) le choix des immigrants de scolariser leurs enfants dans le système anglophone plutôt que francophone, 4) La domination par les anglophones de l'économie québécoise (d'Anglejan 1984 ; Laporte, 1984). Entre 1969 et 1996, les gouvernements successifs au Québec ont promulgué une série de lois linguistiques portant sur chacun des points risquant de compromettre l'avenir du français dans la province (loi 63, 1969 ; loi 22, 1974 ; loi 101, 1977 ; loi 57, 1983 ; loi 142, 1986 ; loi 178, 1988 ; loi 86, 1993 ; loi 40, 1997 ; loi 170, 171 en 2000 ; Woehrling, 2000). Jusqu'à maintenant, la Charte de la langue française (loi 101) demeure la plus importante de ces lois (Bourhis, 1984a). Selon le concepteur de la loi 101, le regretté Camille Laurin, l'objectif de la loi n'était pas seulement de neutraliser les menaces risquant de compromettre la pérennité du français mais aussi de « remédier aux injustices et humiliations passées subies par mes concitoyens dans mon village et partout au Québec » (dernier discours de Camille Laurin, 11 décembre 1998).

30 La loi 101 garantissait à chaque Québécois le droit de pouvoir communiquer en français dans ses rapports avec l'administration civile, les organismes semi-publics et les entreprises et assurait à tous les clients le droit de recevoir des renseignements et des services en français. La loi garantissait aussi le droit à tous les employés de travailler en français et de ne pas être licenciés ou déclassés sous prétexte qu'ils étaient unilingues et francophones. En ce qui concerne la langue de travail, la loi 101 appliquait pour l'essentiel des mesures déjà en vigueur depuis la loi 22. Les entreprises de plus de 50 employés étaient obligées de se soumettre à l'obtention d'un certificat de francisation attestant qu'elles possédaient l'infrastructure nécessaire pour utiliser le français comme langue de travail dans leur fonctionnement (Daoust, 1984 ; Bouchard, 1991). A partir de 1996, le certificat de francisation fut obligatoire pour les entreprises désireuses de traiter avec le gouvernement provincial.

31 La loi 101 garantissait aussi le droit d'être scolarisé en anglais à tout élève anglo- Québécois. Tous les enfants d'immigrants déjà inscrits dans des écoles anglaises lors de la promulgation de la loi ainsi que leur fratrie étaient aussi assurés de l'accès au système scolaire anglophone. Néanmoins, la loi spécifiait que tous les immigrants subséquents au Québec étaient obligés d'inscrire leurs enfants dans le système scolaire francophone élémentaire et secondaire. Il faut cependant préciser que la loi n'affectait pas la liberté du choix de la langue au niveau primaire et secondaire pour les parents qui désiraient envoyer leurs enfants dans les écoles privées payantes. En outre, la liberté du choix de la langue s'appliquait à tout étudiant de niveau post secondaire qui avait le choix entre CEGEP et universités francophones ou anglophones au Québec. La

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loi 101 incluait enfin une clause controversée qui bannissait les langues autres que le français du « paysage linguistique », à savoir la signalisation routière, l'affichage officiel émanant du gouvernement et les enseignes commerciales (Bourhis et Landry, 2002).

32 Tout en incluant des dispositions relatives à l'aménagement du corpus, la loi avait pour objectif primordial d'améliorer le statut du français par rapport à l'anglais dans la société québécoise (Bourhis et Lepicq, 1993). Les relations de cause à effet sont difficiles à établir quand on évalue l'impact des politiques linguistiques sur les comportements langagiers et l'inversion du glissement linguistique. Le cas du Québec n'échappe pas à la règle et il faut donc tenir compte de cette limitation dans la présentation des faits et des données qui suivent.

3A) La loi 101 et l'évolution démolinguistique

33 Bien des francophones réagirent de façon positive à la promulgation de la loi 101 dont on percevait l'efficacité pour protéger l'avenir linguistique de la majorité francophone de la province (Bourhis, 1984b ; Levine, 1990 ; Maurais, 1987). Sur le plan démographique, la proportion de locuteurs du français langue maternelle par rapport à la population totale du Québec passa de 80,7 % en 1971 (4 866 410) à 81,5 % (5 741 438) en 19961. L'usage du français au foyer augmenta, passant de 80,8 % (4 870 100) en 1971 à 81,8 % (5 830 082) en 1996. Considérés dans leur ensemble, ces chiffres suggèrent une amélioration de la transmission intergénérationnelle du français entre 1971 et 1996. Ainsi, les résultats du recensement de 1996 laissent présager un changement de langue en faveur du français comme le suggèrent les scores plus élevés de l'usage du français au foyer par rapport au nombre de locuteurs du français langue maternelle du recensement. Bien que cette tendance puisse s'expliquer en partie par des innovations récentes dans la méthodologie du recensement, le changement est imputable aux allophones plus qu'aux anglophones, les allophones ayant opté pour le français comme langue du foyer (Castonguay, 1998). Cette tendance favorable au français risque d'être neutralisée par le faible taux de fécondité de la population francophone du Québec qui, de 4.2 enfants par femme en 1961, était seulement de 1,6 en 1996. Castonguay (1998) conclut à ce propos : « une fécondité insuffisante pendant plus de vingt ans préfigure un déclin en chiffres absolus de la population francophone du Québec - a fortiori du Canada dans son ensemble - à compter du prochain millénaire » (p. 44).

34 L'augmentation du bilinguisme français-anglais chez les francophones reflète l'intégration croissante des francophones du Québec au cadre économique et culturel nord-américain. Tandis que seulement 26 % des locuteurs de langue maternelle française se déclaraient bilingues en 1971, cette proportion était de 34 % en 1996. Cette augmentation du nombre des bilingues d'origine francophone est surtout évidente à Montréal où il demeure avantageux de parler le français et l'anglais pour effectuer des échanges économiques et culturels avec des partenaires locaux, canadiens et internationaux.

35 Les anglophones, en général, se montrèrent hostiles à la loi 101 dans la mesure où elle constituait à leurs yeux une atteinte au statut traditionnel d'élite de la minorité anglophone de la province (Legault, 1992 ; Scowen, 1991 ; Stevenson, 1999). La loi 101 obligea beaucoup d'anglophones à se considérer comme faisant partie d'une communauté minoritaire plutôt que comme membres d'une élite dominante (Caldwell

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1984, 1994, 1998). Suite à l'élection du Parti Québécois en 1976, beaucoup d'anglophones mécontents des politiques linguistiques et fiscales du Québec émigrèrent en Ontario et dans d'autres provinces canadiennes (Caldwell, 1984). En fait, l'émigration hors de la province et le déclin du taux de fécondité furent les principaux facteurs de l'érosion de la vitalité démographique des anglophones du Québec (Castonguay, 1998, 1999). D'après les données du recensement, on enregistre un déclin de 12 % de la population de langue maternelle anglaise au Québec entrel971 et 1981 (Caldwell, 1984). Cette perte sèche de 158 000 locuteurs de l'anglais langue maternelle concerne les couches économiques les plus mobiles de la population anglophone, pour la plupart des unilingues d'ascendance britannique âgés d'une vingtaine d'années et diplômés d'université. Dans les années 1990, ces tendances migratoires eurent un effet dévastateur sur la proportion d'anglophones au Québec : de 13 % en 1971 (789 000), la proportion des locuteurs de langue maternelle anglaise était tombée à 8,8 % en 1996 (622 000), c'est-à-dire une perte de 167 000 anglophones pour la province. L'usage de l'anglais au foyer passa de 14,7 % en 1971 (887 875) à 10,8 % en 1996 (762 457). Pourtant, en 1996, la différence entre l'usage de l'anglais au foyer (10,8 %) et la proportion de locuteurs de l'anglais langue maternelle (8,8 %) témoigne du remarquable pouvoir d'attraction de l'anglais au Québec même vingt ans après la mise en vigueur de la loi 101 (Castonguay, 1997, 1999). Les analyses des résultats des recensements de 1971 à 1996 ont montré que les allophones sont responsables de ce changement de langue en faveur de l'anglais au foyer, non seulement au Québec mais aussi dans tout le Canada (Castonguay, 1999). Précisons finalement

36 Aménagement linguistique et vitalité des communautés francophone et anglophone du Québec que l'adoption de la loi 101 et l'exode d'un nombre substantiel d'anglophones unilingues ont eu un effet sur la proportion de Québécois anglophones déclarant connaître le français. Ainsi, chez les anglophones du Québec, la connaissance de la langue française a progressé de 37 % en 1971 à 63 % en 1996.

37 Malgré un taux optimal de transmission intergénérationnelle, il est indéniable que la minorité anglophone du Québec connaît un fort déclin d'après des indicateurs plus fondamentaux de vitalité démographique tels que les chiffres absolus et relatifs, la migration hors de la province et les taux de fécondité. Étant donné que ce taux passa de 3,3 enfants par femme en 1961 à seulement 1,6 en 1996 et que les chances d'une immigration substantielle en provenance des provinces anglo-canadiennes étaient minces, les anglophones du Québec durent compter de plus en plus sur les stratégies d'intégration linguistique des allophones et des immigrants internationaux qui venaient s'établir dans la province.

38 Au Canada, le terme langues patrimoniales ou langues d'origine sert à désigner les langues autres que les deux langues officielles : l'anglais et le français. Au Québec, le nivellement graduel de la force d'attraction du français et de l'anglais grâce à la loi 101 a fait du maintien de la langue et de la culture d'origine une option plus attirante pour les allophones et les communautés immigrantes de la Province (Bourhis, 1994b). Les résultats du recensement de 1996 ont montré que les allophones constituaient 9,3 % de la population totale du Québec. Sur ces 681 780 allophones, les groupes linguistiques les plus importants sont : les Italiens (20 %), les Espagnols (10 %), les Arabes (8,8 %), les Grecs (6,5 %), les Chinois (6,2 %) et les Portugais (5 %). Les analyses des données du recensement de 1986 avaient indiqué que le maintien de la langue d'origine était plus fort chez les allophones du Québec que chez les allophones résidant dans les provinces

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anglophones du Canada (Pendakur, 1990). Ainsi, en 1986, 68 % des immigrants de première génération établis au Québec déclaraient qu'ils utilisaient encore leur langue d'origine comme seule langue de communication à la maison (63 % en 1991) par rapport à 48 % de ceux établis hors Québec. Cette différence du maintien des langues d'origine était encore plus marquée dans le cas des allophones de deuxième génération au Québec (63 %) comparés à leurs congénères ailleurs au Canada (34 %). Les données du recensement de 1996 indiquent que les allophones du Québec demeurent plus enclins à maintenir l'usage de leur langue d'origine à la maison que les allophones établis dans le reste du Canada. Ce maintien de la langue patrimoniale constitue un capital linguistique pour le Québec synonyme d'enrichissement culturel ; en outre, il ouvre des perspectives sur le plan des échanges commerciaux avec les pays d'origine de ces immigrants multilingues.

39 Suite à des accords conclus avec le ministère de l'Immigration canadien entre 1978 et 1991, le gouvernement du Québec a acquis un certain niveau de contrôle sur la sélection des immigrants d'après les besoins linguistiques et de main d'oeuvre spécifiques à la Province. Dans les deux dernières décennies, le ministère québécois des Affaires civiques et de l'Immigration est parvenu à attirer des immigrants ayant une connaissance du français, dont certains originaires des ex-colonies françaises ainsi que des immigrants dont la connaissance d'une langue romane (par exemple l'espagnol) pouvait faciliter l'apprentissage du français. Des études ont montré qu'une certaine connaissance du français encourage les immigrants à s'intégrer à la communauté d'accueil francophone alors qu'une connaissance de l'anglais prédispose les immigrants à s'intégrer à la minorité d'accueil anglophone (Veltman, 1998). De toute évidence, le gouvernement du Québec s'efforce de recourir au contrôle institutionnel dont il dispose pour sélectionner les allophones et les immigrants et encourager leur intégration à la majorité d'accueil francophone plutôt qu'à la minorité anglophone.

40 Des tensions linguistiques croissantes entre les communautés d'accueil francophone et anglophone ont exercé des pressions sur les minorités allophones pour qu'elles prennent ouvertement parti dans le débat linguistique et politique au Québec (Bourhis, 1994b). Une façon pour les allophones de faire face à la situation fut d'apprendre à la fois le français et l'anglais, ce qui a fait passer le bilinguisme officiel de 33 % en 1971 à 48 % en 1996. Vu qu'une forte proportion d'allophones au Québec conservent une certaine connaissance de leur langue d'origine même à la deuxième génération, il s'ensuit que beaucoup d'entre eux sont trilingues, ce qui contribue à la richesse linguistique et culturelle de la province. En comptabilisant les allophones qui connaissent seulement le français ou les deux langues officielles, les résultats du recensement montrent que la proportion d'allophones qui déclaraient connaître le français est passée de 47 % en 1971 à 71 % en 1996. En contrepartie, la proportion d'allophones déclarant connaître l'anglais a baissé entre 1971 et 1996 de 70 % à 66 %. En fin de compte, la loi 101 conjuguée à une immigration en provenance de pays de langues romanes a eu un retentissement sur le transfert linguistique des immigrants récents. Parmi les allophones qui s'établirent dans la province avant 1976, seulement 34 % avaient adopté le français comme langue du foyer alors que parmi ceux arrivés après la loi 101, (entre 1976 et 1991) 67 % utilisaient le français comme une des langues de la maison (Québec, 1996a). Bien que la « langue du foyer » ait servi d'indice pour mesurer indirectement l'impact de la loi 101 sur les usages linguistiques, précisons que cette loi ne concernait que l'usage de la langue dans la sphère publique (relations professionnelles, commerciales et administratives). Il n'a jamais été question de

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légiférer sur l'usage des langues dans la sphère privée, par exemple au foyer ou dans les conversations entre amis.

3B) Montréal : enjeu ultime de la francophonie en Amérique du Nord

41 Au milieu du 19ème siècle, Montréal était une ville majoritairement anglophone. Montréal devint progressivement francophone surtout à partir du début du 20ème siècle, période à partir de laquelle la communauté anglophone amorça un déclin inexorable. L'urbanisation et la prolétarisation des francophones du Québec changèrent le profil démographique de la ville et, dans les années 1950, Montréal était devenue une ville dont la population était majoritairement francophone. Aujourd'hui, la région métropolitaine de Montréal est la mégapole du Québec avec 3,4 millions d'habitants sur une population totale de 7.2 millions au Québec. La proportion des locuteurs de langue maternelle française dans la grande région de Montréal incluant les couronnes nord et sud de l'île a augmenté : de 65 % en 1951 à 70 % en 1986 avec un léger recul en 1996 (67 %). En contrepartie, la proportion des locuteurs de langue maternelle anglaise dans cette grande région de Montréal a baissé : de 26 % en 1951 à 17 % en 1986 pour arriver à 13 % en 1996. Depuis les années 1950, l'arrivée des immigrants allophones a été décisive pour transformer le profil démolinguistique de la grande région de Montréal. La proportion des allophones a augmenté : de 8,6 % en 1951 à 13 % en 1986 et à 20 % en 1996.

42 Tout en étant multiculturelle et multilingue à l'échelle de sa grande région, il n'en reste pas moins que la partie ouest de l'île de Montréal est majoritairement anglophone alors que les francophones forment la majorité dans les régions à l'est de l'île avec une diversité considérable de communautés culturelles dans les régions au centre de l'île de Montréal. Comptant presque la moitié de la population du Québec, la grande région de Montréal, ville multilingue, reste tout à fait différente des autres régions unilingues francophones de la province. Les autres centres urbains sont homogènes sur le plan linguistique avec une présence de francophones natifs comptant pour plus de 90 % (ville de Québec, Trois-Rivières, Sherbrooke) à 80 % de la population (région de Hull). Les régions rurales de la province sont aussi majoritairement francophones avec 92 % de la population déclarant le français comme langue maternelle.

43 Quand on analyse la répartition des immigrants et des allophones à travers le Québec, on remarque que la grande majorité (88 %) habitent la grande région de Montréal, constituant ainsi 16 % du total de la population métropolitaine. Les communautés allophones et immigrantes se concentrent sur l'île de Montréal parce que la ville offre de meilleures perspectives économiques et leur permet d'entretenir des réseaux endogroupe qui fournissent le soutien culturel, linguistique et économique nécessaire pour s'adapter plus facilement à la société d'accueil. La concentration des communautés issues de l'immigration dans la métropole signifie que ce sont les populations d'accueil de Montréal plutôt que celles des autres régions du Québec qui ont dû s'adapter aux réalités du multilinguisme et du pluralisme culturel dans la province.

44 Étant donné le rôle crucial de Montréal dans l'économie du Québec, certains francophones estiment que c'est dans cette ville que le sort du français se jouera en Amérique du Nord. C'est la nécessité d'utiliser le français pour communiquer avec la majorité francophone unilingue qui a justifié l'aménagement linguistique en faveur du

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français par rapport à l'anglais au Québec. En revanche, si la majorité des francophones et des allophones de Montréal deviennent bilingues, alors la nécessité d'utiliser le français ne constituera plus un argument valable face aux avantages d'utiliser l'anglais comme seule langue des affaires et de la mobilité sociale de la ville dans un contexte nord-américain. Chez les locuteurs du français langue maternelle dans la grande région de Montréal, la proportion de bilingues (français/anglais) a augmenté, passant de 38 % en 1971 à 44 % en 1986 et à 47 % en 1996. De même, le nombre des locuteurs anglophones de naissance qui se sont déclarés bilingues a augmenté, passant de 35 % en 1971 à 54 % en 1986 et à 62 % en 1996. La proportion des allophones de Montréal qui déclarent connaître à la fois le français et l'anglais a augmenté, de 35 % en 1971 à 50 % en 1986 avec un léger recul en 1996(49%).

45 Certains francophones qui militent pour la cause du français considèrent que le bilinguisme individuel représente une menace potentielle au statut du français, langue de la majorité à Montréal. En revanche, pour d'autres, le bilinguisme constitue un atout qui peut favoriser le dynamisme culturel et économique de la ville. Les bilingues et les trilingues de la catégorie des jeunes adultes, qu'ils soient d'origine francophone, anglophone et allophone ont tous été scolarisés au moment où la loi 101 était plus ou moins acceptée comme un fait accompli. Ayant fréquenté le CEGEP ou l'université, ces jeunes bilingues se côtoient dans le milieu du travail et des loisirs et ont recours à des stratégies de communication interculturelle y compris des permutations de code entre le français et l'anglais qui se stabilisent pour former un répertoire communicatif bilingue (convergence linguistique réciproque, Amiot et Bourhis, 1999 ; Moise et Bourhis, 1994). Tout en restant fidèles à leur communauté linguistique d'origine, ces « caméléons linguistiques » se forgent des identités bi ou multiculturelles auxquelles ils ont recours selon les circonstances, les interlocuteurs et les besoins des échanges transculturels. Bien que ces observations ne soient pas applicables à l'ensemble de la population bilingue de Montréal, il est vrai que des sous groupes de jeunes bilingues et trilingues d'origine allophone et anglophone redéfinissent les relations entre le français et l'anglais dans un contexte post-moderne et d'une façon moins conflictuelle que les Montréalais des générations précédentes qui se sont investis dans les luttes linguistiques qui ont abouti à l'adoption des lois linguistiques à l'assemblée nationale du Québec.

46 Quel a été l'impact des lois linguistiques favorisant le français par rapport à l'anglais au Québec ? Dans une enquête téléphonique effectuée en 1997, le Conseil de la Langue française (CLF) a cherché à évaluer les effets de la loi 101 sur l'utilisation du français et de l'anglais en tant que langues de la vie publique dans des contextes tels que les centres commerciaux, les magasins, les banques, les hôpitaux et avec les fonctionnaires au niveau local et provincial (Béland, 1999). Un vaste échantillon représentatif de francophones, d'anglophones et d'allophones fut interviewé à travers la province y compris dans la région du grand Montréal. En combinant les situations d'utilisation de la langue en une seule variable portant l'étiquette « langue publique », les résultats ont montré un usage soutenu du français à la fois chez les francophones et les allophones mais moins fréquent chez les anglophones (cf. Moise et Bourhis, 1994). Dans le grand Montréal, les résultats ont montré que 97 % des francophones déclaraient l'utilisation exclusive ou presque du français dans ces contextes publics tandis que 3 % seulement déclaraient utiliser principalement l'anglais. La majorité des allophones (54 %) déclaraient utiliser exclusivement ou presque toujours le français dans les endroits publics tandis que 39 % déclaraient utiliser principalement l'anglais et seulement 8 %

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principalement leur langue d'origine. Considérés dans leur ensemble, ces résultats suggèrent que le français est devenu la langue habituelle de communication publique pour les francophones de Montréal alors que pour les allophones, le français gagne du terrain par rapport à l'anglais. En revanche, seulement 23 % des anglophones rapportaient utiliser principalement le français dans ces endroits publics tandis que 77 % déclaraient l'usage exclusif ou presque de l'anglais. De toute évidence, les anglophones du Québec, quelle que soit leur compétence dans les deux langues, peuvent encore se permettre d'utiliser l'anglais comme langue publique surtout dans l'ouest de Montréal, tendance que l'on retrouve chez les anglophones dans des régions de la province autres que celle de Montréal (Landry, Allard et Bourhis, 1987).

47 Les anglophones de l'ouest de l'île de Montréal se distinguent des francophones non seulement sur le plan linguistique mais aussi politique, notamment pour ce qui est de la « question nationale ». Ainsi, lors du référendum sur l'indépendance du Québec le 30 octobre 1995, plus de 90 % des anglophones et des allophones ont voté contre la souveraineté du Québec, favorisant ainsi le maintien du Québec au sein de la fédération canadienne. Les autochtones du Québec (Amérindiens et Inuits) refusèrent quant à eux de participer au vote référendaire du gouvernement québécois. En revanche, dans le cadre de leur propre référendum, plus de 95 % d'entre eux votèrent contre le projet souverainiste, privilégiant ainsi l'option canadienne (Grand Council of the Crees, 1998). Le soit de la défaite du vote souverainiste qui ne tenait qu'à un fil (49,4 % de oui contre 50,6 % de non), le Premier ministre du Québec, Jacques Parizeau, s'adressa aux adeptes du Parti québécois partisans de la souveraineté, en ces termes :

48 « Aye, si vous voulez là, on va arrêter de parler des francophones du Québec, voulez- vous. On va parler de nous. A 60 pour cent, on a voté pour... C'est vrai qu'on a été battus au fond par quoi ? par l'argent, pis des votes ethniques, essentiellement. Alors, ça veut dire que la prochaine fois, au lieu d'être 60 ou 61 pour cent à voter oui, on sera 63 ou 64 et puis ça suffira » (La Presse, 2 novembre 1995, B3).

49 En novembre 1997, le même Jacques Parizeau qui n'était plus Premier ministre depuis sa résignation au lendemain du vote référendaire, précisa l'origine du « vote ethnique » de sa déclaration précédente : « J'ai dit à plusieurs reprises que le Congrès juif du Canada, le Congrès grec du Canada et le Congrès italien mènent une très bonne bataille contre la souveraineté » (La Presse, 26 novembre 1997, B8).

50 Ces déclarations contribuèrent à la polarisation ethnique de la société québécoise tout en aggravant le sentiment d'exclusion des allophones et des anglophones de la province. Lors d'un sondage effectué en 1996, plus de 80 % des non-francophones du Québec (anglophones et allophones) se montrèrent favorables à la « partition » qui permettrait aux régions majoritairement anglophones de la province de rester au sein de la fédération canadienne au cas où le vote majoritaire en faveur de la séparation l'emporterait à l'avenir (l'Actualité, 1996). En revanche, en pareil cas, les trois quarts des francophones étaient hostiles à la partition du Québec. La plupart des anglophones et des allophones favorables à la partition résidaient dans les municipalités à statut bilingue de l'ouest de l'île de Montréal. Durant les années 1996-1997, les assemblées de ces municipalités majoritairement anglophones votèrent pour la partition de leur municipalité dans l'éventualité d'un scrutin favorable à la séparation du Québec. Précisons que ces votes municipaux n'ont pas de statut légal ou juridique puisque la Constitution canadienne et l'Acte de l'Amérique du Nord donnent à chacune des provinces le droit de créer, d'amalgamer ou d'éliminer les municipalités situées sur

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leur territoire. Néanmoins, la visibilité nord-américaine de ces municipalités anglophones favorables à la partition risquait de jeter le discrédit sur le gouvernement du Parti québécois en cas de référendum favorable à l'indépendance.

51 En décembre 2000, sous prétexte de réduire les dépenses gouvernementales, le Gouvernement du Parti québécois adopta la loi 170 sur les fusions municipales. Cette loi visait à amalgamer plusieurs municipalités du Québec, notamment celles situées sur l'île de Montréal (Schnobb, 2001). Or, plusieurs recherches en urbanisme tant en Amérique du Nord qu'en Europe montrent que les fusions municipales ont rarement pour effet de réduire les dépenses de l'Etat ou de répondre plus efficacement aux besoins et aux aspirations des citoyens (Sancton, 2000). La loi 170 prévoyait la fusion de 28 municipalités de l'île de Montréal, dont les quinze municipalités majoritairement anglophones situées à l'ouest de l'île de Montréal. Cette fusion de municipalités anglophones ayant un statut bilingue conformément à la loi 101 signifiait la mise en minorité des anglophones au sein de la nouvelle Ville de Montréal « Une île, une ville ». A souligner : seule la ville de Montréal fut gratifiée d'un statut linguistique précisé dans le texte de loi : « Montréal est une ville de langue française » (loi 170, article 1, Québec 2000). Ainsi, le Gouvernement du Québec, occultant la réalité sociolinguistique de l'île de Montréal, la consacrait officiellement et uniquement de langue française. En conséquence, les quinze villes à l'ouest de Montréal perdirent leur « statut bilingue » qui, avant la loi 170, garantissait des services municipaux en anglais et en français à leurs résidents. Après l'adoption de la loi 170, les services bilingues des anciennes villes transformées en « arrondissements de quartiers » devinrent facultatifs. La loi 170 fut adoptée en dépit de la résistance et des manifestations de nombreux citoyens anglophones, allophones et francophones inquiets du déficit démocratique et identitaire causé par la disparition de leur ville. Ainsi, un sondage à l'échelle de Montréal effectué en décembre 2000 montrait que 80 % de la population anglophone et 61 % de la population allophone étaient opposés à la fusion (étaient en faveur : 9 % d'anglophones et 23 % d'allophones).Én revanche, la majorité francophone de Montréal était divisée sur la question : 40 % étaient en faveur de la fusion et 39 % y étaient hostiles.

52 Pour éviter d'avoir à octroyer le statut bilingue à de nouvelles municipalités, le Gouvernement du Parti québécois adopta la loi 171 en décembre 2000. Le « statut bilingue », conformément à la loi 101, pouvait être attribué à une ville à condition que plus de la moitié des citoyens résidents (50 %+l) aient une langue maternelle autre que le français selon les données du recensement canadien (anglophones + allophones). Ce statut octroyait à une ville le droit de garantir des services municipaux en français et en anglais afin de servir les citoyens dans la langue de leur choix. Or la loi 171 stipule que le statut bilingue ne peut être accordé que si une majorité des citoyens (50 %+l) ont l'anglais comme langue maternelle. Étant donné le déclin de la minorité anglophone du Québec et la faible proportion d'immigrants de langue maternelle anglaise, il était évident qu'aucune ville ou arrondissement du Québec ne pourrait accéder au statut bilingue après l'adoption de la loi 171.

53 La loi 170 fut contestée juridiquement par deux groupes distincts durant l'année 2001 : celui des villes à statut bilingue et celui des villes à statut francophone (voir Tableau 1). L'argumentaire de la contestation juridique des villes à statut francophone est que les fusions forcées modifient de manière irréversible la liberté de choisir une ville en fonction du cadre de vie qu'elle offre (Schnobb, 2001). Les citoyens ayant choisi

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d'habiter les villes distinctes à démocratie de proximité voient leur liberté de choix annulée par la fusion forcée de leur ville au sein de la mégapole du grand Montréal post-fusion. L'argumentaire de la contestation juridique des villes anglophones à statut bilingue se résume ainsi : les fusions forcées portent atteinte aux droits linguistiques de la minorité anglophone qui perd le seul niveau de gouvernement qu'elle contrôle au Québec. Les arrondissements à statut bilingue qui ont le droit d'offrir des services en anglais sont des coquilles vides ayant aucun statut juridique et sont contrôlés par le Conseil municipal du Grand Montréal majoritairement francophone, ville dont le seul statut linguistique officiel est “Montréal est une ville de langue française” (article 1, Loi 170). Suite à un méga procès hautement médiatisé, le juge de première instance du Québec ainsi que la cour d'appel supérieure de la province ont rejeté ces deux argumentaires en invoquant la Constitution canadienne qui donne aux gouvernements provinciaux l'entière juridiction sur la création, la fusion et l'abolition de toutes villes sur leur territoires. Tout en reconnaissant que la communauté anglophone du Québec perdait une part importante de leur support institutionnel en tant que minorité linguistique au Québec, les jugements reconnurent la constitutionalité de la loi 170 fusionnant les villes à statut bilingue de Montréal.

Tableau 1 : Contestation juridique de la loi 170 s'appliquant à la Ville de Montréal selon le statut linguistique des villes et la langue maternelle des citoyens.

1 Population et langue maternelle selon le recensement de Statistiques Canada, 1996.

54 Ainsi, des événements politiques tels que le référendum sur l'indépendance du Québec et la polarisation ethnique qui s'ensuivit ont eu indirectement pour effet de réduire le contrôle institutionnel dont jouissait auparavant la minorité anglophone. Les services bilingues des anciennes villes à statut bilingue de l'île de Montréal sont désormais soumis au bon vouloir de fonctionnaires qui s'adonnent à être bilingues puisque ce genre de service est considéré « non-essentiel » par la loi 170 et les conventions collectives de la nouvelle ville officiellement déclarée francophone. Les services

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bilingues des arrondissements de quartier dépendent des enveloppes budgétaires octroyées par le conseil exécutif de la nouvelle ville de Montréal dont la majorité des élus sont francophones. La vitalité linguistique des communautés anglophones et allophones de Montréal se trouve donc fragilisée à moyen et à long terme.

55 Grâce à l'adoption des lois 170 et 171, le Gouvernement du Parti québécois a réussi à consolider officiellement le statut unilingue français de Montréal. Ces deux lois servent à parachever les efforts de francisation de la loi 101 au niveau des municipalités. Certains stratèges de la cause francophone estiment quand même que « Nous perdons Montréal ». Selon cet argumentaire, si les citoyens de souche québécoise francophone deviennent minoritaires sur l'île de Montréal en raison de l'immigration non francophone, comment assurer le statut linguistique de la seule grande métropole francophone de l'Amérique du Nord ? Toujours selon cet argumentaire, comment s'assurer de l'assimilation linguistique des immigrants et comment s'assurer que les Québécois francophones demeurent majoritaires à Montréal ? Force est de constater que l'étalement urbain de Montréal s'est poursuivi sans relâche au cours des vingt dernières années. Dans sa récente analyse, Marc Lévine (2002) note que l'île de Montréal a connu une perte nette par migration de 112 000 francophones vers les banlieues des couronnes nord et sud du grand Montréal, entre 1986 et 1996. Ainsi, la proportion de citadins parlant le français au foyer sur l'île de Montréal est passée de 61 % en 1986 à 55 % en 1996, tandis que le pourcentage de citoyens s'exprimant dans une langue autre que le français à la maison passait de 39 % en 1986 à 44 % en 1996. Marc Lévine dresse le portrait suivant des enjeux démolinguistiques du français à Montréal : « L'étalement urbain à Montréal est essentiellement un phénomène francophone : 80 % des résidents de l'île qui se sont installés dans les banlieues des couronnes depuis le début des années 1980 parlent le français à la maison... Non seulement les francophones ont-ils quitté l'île, mais les francophones en provenance des autres régions du Québec préfèrent s'installer dans les communautés des couronnes plutôt que dans celles de l'île ...Bref en évaluant l'importance des tendances démolinguistiques récentes en regard de l'avenir du français à Montréal, il faut identifier très précisément les causes du déclin démographique des francophones sur l'île de Montréal depuis 1986. Le phénomène n'est pas une conséquence, comme beaucoup le craignaient dans les années 1970, d'une anglicisation massive et rapide des immigrants. Au contraire, la baisse de la proportion des francophones par rapport à la population de l'île est le résultat d'une allophonisation de l'île associée à une forte augmentation de l'immigration internationale et à un exode continuel des francophones vers les banlieues en couronne. Comme nous le verrons plus tard, cette « allophonisation » représente une tendance qui existe dans presque toutes les grandes métropoles au Canada et aux Etats-Unis » (p. 169-171)

56 Étant donné le nombre d'immigrants allophones de tous les horizons linguistiques, Montréal est devenue une ville multilingue et multiculturelle. Or, le gouvernement du Québec n'a pas réussi à contrer la tendance des immigrants à s'établir sur l'île de Montréal. En effet, les immigrants allophones ne se sont pas installés dans les régions du Québec où la majorité d'accueil francophone est perçue comme plus susceptible de faciliter leur assimilation linguistique. D'ailleurs, comment convaincre les immigrants de s'établir dans les régions du Québec délaissées par les Québécois eux-mêmes en raison du manque d'emploi et de débouchés économiques ? Conscient de ses échecs, le gouvernement du Parti québécois a cherché à atteindre ses objectifs linguistiques et identitaires en réduisant le soutien institutionnel des minorités anglophones de l'île de Montréal. Si ces politiques incitent un certain nombre d'allophones et surtout

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d'anglophones à émigrer vers les autres provinces canadiennes, certains diront que le gouvernement du Québec sera parvenu non seulement à réduire la proportion des non francophones sur l'île de Montréal mais en même temps à réduire le risque de la partition et du vote anti-souverainiste lors du prochain référendum sur l'indépendance du Québec. En revanche, d'autres soutiendront que la fusion forcée des villes anglophones de l'ouest de l'île de Montréal constitue une menace pour le contrôle de la seule grande métropole francophone de l'Amérique du Nord. Les élus majoritairement francophones du gouvernement municipal de l'ancienne ville de Montréal doivent maintenant partager le pouvoir avec l'ensemble des élus de l'ouest de l'île de Montréal qui sont majoritairement anglophones et allophones. Ces élus ont entre autres pour mandat de représenter les intérêts linguistiques, culturels et économiques des communautés anglophones et allophones des arrondissements de l'ouest de la nouvelle ville de Montréal. Les compromis intercommunautaires nécessaires au bon fonctionnement de la nouvelle ville aideront-ils à enchâsser le statut de Montréal, plus grande ville majoritairement francophone du continent, tout en respectant les droits des minorités linguistiques anglophones et allophones ?

3C) La loi 101 et l'éducation

57 Contrairement à la plupart des autres minorités linguistiques en Amérique du Nord, les anglophones du Québec bénéficient des services d'un système éducatif de langue anglaise subventionné par l'État, de la maternelle jusqu'au niveau collégial et universitaire y compris les études graduées et post-doctorales. Ainsi, trois universités anglophones subventionnées par des fonds publics accueillent un total de près de 60 000 étudiants à temps complet ou à temps partiel au premier cycle (le nombre d'étudiants inscrits dans les sept universités francophones du Québec est de 160 000 au premier cycle). La majorité des anglophones inscrivent leurs enfants dans le réseau scolaire primaire et secondaire anglophone. Cependant, à l'intérieur du système anglophone, les parents anglophones ont manifesté le désir d'inscrire leurs enfants dans des programmes d'immersion en français : la proportion d'élèves anglophones dans les classes d'immersion en français est passée de 24 % en 1981 à 32 % en 1998. En outre, un nombre croissant d'élèves ayant l'anglais comme langue maternelle (anglophones et immigrants) fréquentent le réseau scolaire francophone : 10 % en 1972 et 17 % en 1995 (Québec, 1996).

58 Suite à la promulgation de la loi 101, les anglophones s'inquiétèrent des conséquences démographiques défavorables pour leur groupe du fait que la plupart des futurs immigrants au Québec seraient obligés d'envoyer leurs enfants dans des écoles primaires et secondaires francophones plutôt qu'anglophones (Mallea, 1984). La loi 101 a eu l'effet voulu sur les inscriptions au système scolaire primaire et secondaire anglophone dans la province. En effet, les effectifs allophones dans le système scolaire anglophone sont passés de 85 % en 1972 à seulement 20 % en 1998, tandis que les inscriptions des allophones dans le système scolaire primaire et secondaire francophone sont passés de 15 % en 1972 à 80 % en 1998. En conséquence, les anglophones ne peuvent plus compter sur les immigrants pour maintenir la base démographique de leur système scolaire dans la province qui comptait 231 815 élèves en 1971 et seulement 98 116 en 1998 (MEQ, 1999). Les études suggèrent que cette baisse du nombre d'élèves fréquentant le système scolaire anglophone découle en grande partie de la loi 101, de la conjoncture sociopolitique et économique québécoise

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réduisant le nombre d'Anglo-Canadiens s'établissant au Québec et du déclin de la fécondité des anglophones (Québec, 1996a). La migration de beaucoup d'anglophones unilingues vers les autres provinces canadiennes conjuguée à leur fréquentation des écoles françaises et à la popularité croissante des classes d'immersion en français contribua à l'essor du bilinguisme français-anglais chez les anglophones du Québec.

59 Comme dans le passé, le recensement de 1996 montre que la proportion de diplômés de l'université est plus élevée chez les anglophones du Québec (21 %) que chez les francophones (14 %) ou que dans l'ensemble de la population canadienne (16 %). Parmi ceux qui poursuivent une éducation post-secondaire, plus de 92 % des anglophones du Québec ont choisi des collèges et universités anglophones, tendance qui s'est maintenue dans les années 1990. Les effectifs des anglophones dans les CEGEP francophones ont augmenté de façon marginale, passant de 5 % en 1980 à 6,6 % en 1990, tandis que dans les CEGEP francophones, les inscriptions des anglophones sont restées stables, à savoir aux alentours de 7 % jusque dans les années 1990. Un exode des diplômés d'université anglophones a aussi eu lieu depuis l'adoption de la loi 101. De 1976 à 1986, le taux de migration net de cette catégorie d'étudiants a atteint les 40 % (26 550 diplômés). Parmi les facteurs relevés dans ces études pour expliquer ce phénomène, citons l'insuffisance de la compétence en français, l'incertitude politique de la province due au projet indépendantiste et les débouchés économiques plus intéressants dans le Canada anglais. Cependant, une petite proportion de ceux qui sont partis durant cette période étaient en réalité des Anglo-Canadiens retournant dans leur province d'origine après avoir fini leurs études universitaires au Québec. La migration vers les provinces anglophones s'est maintenue dans la décennie 1986-1996 (28 % de perte totale : 21 688 diplômés) et est imputable à des perspectives d'emploi plutôt sombres dues au déclin de l'économie québécoise durant cette décennie. Dans l'ensemble, durant ces 20 dernières années, parmi les diplômés d'université, les anglophones étaient douze fois plus enclins à quitter la province que les francophones. Le départ des jeunes universitaires anglophones n'a pas seulement eu un impact négatif sur le développement économique de la société québécoise dans son ensemble mais a aussi compromis la capacité de la minorité anglophone de maintenir sa vitalité démographique et institutionnelle dans la province.

60 La loi 101 n'a pas seulement pour effet d'augmenter la proportion des groupes allophones inscrits dans le système scolaire primaire et secondaire francophone mais a aussi influencé l'utilisation du français par les élèves allophones dans la cour de l'école et à la maison. D'après une enquête effectuée auprès d'élèves allophones inscrits dans des écoles secondaires de Montréal, dans les corridors et dans les cours de récréation, les allophones disaient utiliser surtout le français (57 % du temps), puis l'anglais (25 % du temps) et, dans une moindre mesure, les langues d'origine (18 % du temps) Dans le cadre familial, avec leur fratrie, les élèves allophones déclaraient utiliser autant le français (40 %) que leur langue d'origine (40 %) tandis que l'anglais s'utilisait 20 % du temps. (Giroux, 1992). Ces résultats furent confirmés par une vaste enquête effectuée auprès d'allophones inscrits dans vingt écoles francophones au niveau primaire et secondaire de Montréal (McAndrew, Veltman, Lemire, et Rossell, 2001). L'étude consistait à observer systématiquement le comportement langagier des élèves dans leurs échanges informels dans les corridors et les cours de récréation des écoles à moyenne et forte densité d'allophones. L'usage du français chez les allophones prédomine dans l'ensemble des échanges informels entre élèves dans 60 % à 100 % des cas et ce, dans toutes les écoles. L'usage des langues d'origine est limité aux

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communications intragroupe (entre allophones), ce qui était prévisible. L'utilisation de l'anglais pour les échanges informels n'est fréquente que dans deux écoles caractérisées par la présence d'une clientèle anglophone de vieille souche. Finalement, les entrevues effectuées dans les écoles secondaires montrent que la valorisation du français « langue commune » et l'importance de son usage en milieu scolaire font l'objet d'un large consensus (McAndrew, 2002).

61 Une autre mesure révélatrice des préférences linguistiques des allophones consiste à examiner les inscriptions au niveau collégial et à l'université où la liberté du choix de la langue demeure intacte pour tous les citoyens de la province. L'effectif des allophones dans les CEGEP francophones est passé de 18 % en 1980 à 40 % en 1989 et à 46 % en 1994. Les statistiques de 1989 sont importantes dans la mesure où ce groupe représente la première génération d'étudiants allophones dont l'entrée en première année du primaire coïncidait avec la première année d'application de la loi 101 en 1978. Après l'année 1989, les chiffres reflètent le fait que beaucoup d'allophones scolarisés en français au niveau secondaire ont décidé de poursuivre leurs études collégiales dans le système francophone. En réalité, parmi les allophones scolarisés en français au niveau secondaire, une proportion de 64 % se sont inscrits dans un CEGEP francophone en 1994 ; ceux qui ont opéré un transfert dans un CEGEP anglophone (36 % d'entre eux) ont pris le risque de poursuivre leurs études dans une langue autre que celle utilisée au niveau secondaire. Parmi les allophones scolarisés dans le système secondaire anglophone, très peu se sont tournés vers le français au niveau collégial (moins del %). Enfin, la proportion d'allophones qui ont opté pour une université de langue française est passée de 42 % en 1986 à 47 % en 1994 tandis que la majorité d'entre eux accordaient la préférence à une université de langue anglaise.

62 Comme nous l'avons déjà mentionné, bien des allophones et des immigrants établis au Québec ont adopté le trilinguisme comme stratégie d'intégration face à la coexistence et à la rivalité des deux communautés d'accueil. Les allophones et leur progéniture maintiennent la connaissance de leur langue d'origine parce que c'est leur langue socio-affective et la langue maternelle de leurs parents. Ils apprennent le français en raison de la contrainte imposée par la loi 101 dans la seule juridiction à majorité francophone en Amérique du Nord. Quant à l'anglais, ils l'adoptent parce que cette langue demeure la lingua franca de la mobilité économique et sociale au Canada et aux États-Unis (Bourhis, 1994b). Les clauses de la loi 101 avaient pour but de garantir l'apprentissage du français par les allophones et les immigrants dans le cadre scolaire. Néanmoins, la loi ne force pas les allophones à s'assimiler linguistiquement à la majorité francophone. Il n'en reste pas moins que certains activistes francophones comptaient sur la loi 101 pour créer un effet d'entraînement indirect, incitant à un transfert au français ainsi qu'à l'identification au milieu culturel québécois francophone de préférence au réseau culturel allophone ou anglophone. Lorsque de telles attentes ne se réalisent pas vraiment, les militants nationalistes francophones réagissent en manifestant leur impatience, voire leur intolérance à l'égard des allophones qui continuent à s'identifier à leur endogroupe, qui maintiennent leur langue d'origine au foyer ou qui préfèrent s'intégrer à la communauté d'accueil anglophone plutôt que francophone. Par ailleurs, d'autres estiment que les allophones et les immigrants n'ont aucune obligation de s'identifier uniquement en tant que francophones ou anglophones puisque l'identification multiple y compris à son groupe

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d'origine constitue une option possible surtout à Montréal, ville multilingue et multiculturelle dans les faits.

63 Étant donné que la loi 101 obligeait tous les parents francophones à inscrire leurs enfants au système scolaire public d'expression française, le pourcentage des élèves de langue maternelle française dans les écoles primaires et secondaires d'expression française est resté stable dans les vingt dernières années : 98 % en 1972, 99 % en 1995. Ainsi, malgré le déclin démographique de la population francophone, le système scolaire francophone a réussi à maintenir sa clientèle qui est passée de 1 178 133 en 1971 à 1 021 448 en 1998 (MEQ). Au niveau collégial et universitaire, les données gouvernementales des quinze dernières années montrent que 95 % des francophones choisissent de poursuivre leurs études post-secondaires dans des institutions de langue française et 5 % seulement dans des institutions de langue anglaise. Ces tendances indiquent que la loi 101 a atteint ses objectifs dans la mesure où les clauses destinées à restreindre le choix de la langue au niveau primaire et secondaire ont pour effet de maintenir les francophones au sein du système francophone au niveau collégial et universitaire. Les restrictions imposées à la liberté de choix individuelle de la majorité francophone au niveau primaire et secondaire contribuent à consolider le statut collectif du français en tant que langue de l'enseignement supérieur dans le domaine scientifique, économique et culturel, limitant ainsi la menace due à la coexistence de l'anglais dans la province.

3D) La loi 101 et la langue de travail

64 La loi 101 avait pour objectif d'améliorer l'utilisation du français comme langue du travail dans les industries, les entreprises et les institutions financières du secteur privé à travers le Québec. La mesure la plus importante pour consolider l'utilisation du français dans le secteur privé fut l'obligation pour les entreprises de plus de 50 employés d'obtenir des certificats de francisation prouvant qu'elles se conformaient aux règlements linguistiques imposant l'utilisation généralisée du français. La plupart des entreprises se sont soumises aux obligations de francisation et la proportion des entreprises du Québec qui ont reçu leur certificat de francisation est passée de 7,7 % en 1980 à 71,6 % en 1999 (Daoust, 1984 ; Maurais, 1987 ; OLF, 1998). Une étude effectuée par l'Office de la langue française (OLF) a montré que la probabilité d'utilisation du français comme langue de travail (écrite et parlée) était plus élevée dans les entreprises dotées d'un certificat de francisation (plus de 80 % d'utilisation du français) que dans celles qui n'avaient pas de certificat (65 % d'utilisation du français ou moins ; Bouchard, 1998 ; 2002).

65 Durant la première décennie d'application de la loi de francisation des entreprises, un certain nombre de grandes firmes anglophones ont déplacé de façon plus ou moins évidente leurs quartiers généraux du Québec vers d'autres régions du Canada (Miller, 1984). Grâce à l'analyse des registres concernant les certificats de francisation, l'OLF a pu montrer que les entreprises possédées par des anglophones étaient plus lentes à obtenir leur certificat de francisation que celles aux mains des francophones et des allophones (Bouchard, 1991 ; 2002). Le seuil atteint au début des années 1990 dans le nombre d'entreprises ayant obtenu leur certificat de francisation s'explique par des facteurs d'ordre industriel et structurel qui échappent au contrôle de l'OLF. Les firmes dont la francisation demeure problématique présentent certaines caractéristiques ; il

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s'agit de multinationales ayant des filiales partout dans le monde et dont la culture d'entreprise et la gestion informatique sont essentiellement anglophones ou encore d'entreprises locales à la pointe de la technologie et dont le marché est principalement international plutôt que local (aéronautique, informatique et biotechnologie ; Bouchard, 1998). Étant donné le grand rayonnement et le prestige de ces industries créatrices d'emplois, l'OLF a fait preuve de patience dans son désir de mettre sur pied des programmes de francisation dans ces entreprises (Bouchard, 2002).

66 L'élection de gouvernements souverainistes, les deux référendums sur la séparation du Québec, les politiques fiscales et la francisation du monde du travail ont contribué au départ de beaucoup d'entreprises anglo-canadiennes. L'exode des employés et des administrateurs anglophones a eu des retentissements sur le statut des francophones et des anglophones dans le monde du travail. Par exemple, dans la région de Montréal, la proportion de gestionnaires et de cadres francophones est passée de 55 % en 1971 à 68 % en 1991, tandis que la proportion de cadres anglophones a décliné, passant de 34 % en 1971 à seulement 18 % en 1991. De même, la proportion de francophones occupant des postes administratifs supérieurs a augmenté : elle est passée de 41 % en 1971 à 67 % en 1991 tandis que la proportion d'anglophones occupant des postes équivalents a baissé, passant de 47 % en 1971 à 20 % en 1991. Néanmoins, les réseaux linguistiques des deux solitudes du Québec perdurent dans le monde corporatif de la province. Des études ont montré que les cadres supérieurs francophones restaient limités aux firmes aux mains des francophones (91 % en 1976 ; 87 % en 1993) de préférence à celles sous gestion anglophone (9 % en 1976 ; 15 % en 1993 ; Québec, 1996a).

67 La modernisation de la société québécoise conjuguée aux effets de la loi 101 peut aussi être à l'origine de l'amélioration des revenus des francophones par rapport à ceux des anglophones de la province. En contrôlant le niveau d'études, l'expérience et l'âge, les études ont montré qu'en 1970, les anglophones unilingues ou bilingues gagnaient 8 % de plus annuellement que les francophones bilingues et 16 % de plus que les francophones unilingues. En 1990, l'écart de revenus entre anglophones et francophones était considérablement réduit ou même inversé dans certains cas. Des études contrôlant différents facteurs ont montré que les anglophones unilingues et bilingues gagnaient seulement 3 % de plus que les francophones unilingues en 1990 tandis que les francophones bilingues gagnaient 4 % de plus que les anglophones unilingues ou bilingues (Québec, 1996a). D'après les recensements, la prime salariale accordée pour la connaissance de l'anglais à Montréal était de 16 % en 1970 ; en 1980, cette prime était tombée à 6 % et n'était plus que de 3 % en 1990. Vu les acquis au profit des francophones dans le monde du travail, la commission du gouvernement du Québec chargée d'évaluer la position du français depuis la loi 101 aboutit à la conclusion suivante : « On voit que la situation dans laquelle se trouvaient les travailleurs francophones au début des années 1970, qui avait amené les auteurs de l'énoncé de politique de 1977 (loi 101) à en faire une « question de justice sociale » a été largement corrigée, ce qui peut être attribué aussi à d'autres facteurs que la Charte. Les disparités salariales défavorables aux francophones ont été réduites de 16 % à 3 %. Les travailleurs de langue maternelle française occupent de plus en plus leur place sur le marché du travail. Et on ne peut plus prétendre que celui-ci « est structuré de sorte que le français domine au bas de l'échelle, que le bilinguisme s'impose au palier moyen et que l'anglais domine au faîte de l'échelle » Québec 1996a, p.70-71.

68 Des recherches effectuées par le CLF ont aussi montré que la loi 101 avait amélioré le statut et l'utilisation du français langue de travail dans les entreprises et les commerces

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(Béland, 1991). Dans la région de Montréal, des enquêtes ont montré que la proportion d'employés francophones qui déclaraient travailler le plus souvent en français (90 % du temps ou plus) était passée de 52 % en 1971 à 63 % en 1989, tandis que parmi les allophones, l'accroissement était plus modeste allant de 17 % en 1971 à 24 % en 1989 (Québec, 1996a). Les travailleurs anglophones furent le moins touchés par les mesures concernant la langue de travail puisque leur utilisation régulière du français passa de 2 % en 1971 à 8 % en 1989. Cependant, une baisse de l'utilisation habituelle de l'anglais au travail (51 % du temps ou plus) fut enregistrée pour les trois groupes de travailleurs suite à la loi 101 : pour les francophones, l'utilisation de l'anglais a baissé de 6 % entre 1971 et 1989 alors que pour les allophones, l'utilisation de l'anglais est passée de 58 % en 1971 à 37 % en 1989. Cependant, les anglophones travaillaient encore le plus souvent dans leur langue malgré une baisse importante entre 1971 (86 %) et 1989 (55 %). Ainsi, les mesures de francisation de la loi 101 eurent l'effet voulu d'accroître l'utilisation du français au travail, surtout pour les employés francophones.

69 L'utilisation du français comme langue de travail et la proportion de Québécois francophones dans l'administration civile du gouvernement du Québec ont longtemps prévalu de sorte que le gouvernement provincial a dû mettre sur pied des campagnes de recrutement pour assurer une représentation plus équitable des anglophones et des allophones dans l'ensemble de la population. Malgré ces mesures, le gouvernement provincial a connu des lenteurs dans le recrutement des anglophones et des allophones au sein de l'administration civile, retard mentionné dans le rapport annuel de la Commission des droits de la personne du Québec de 1998 (CDP, 1998). Même si les anglophones et les allophones constituaient 18 % de la population québécoise en 1996 (Statistique Canada), les représentants de ces deux communautés dans l'administration civile du gouvernement du Québec ne formaient que 3.5 % des effectifs des fonctionnaires. Les analyses de la Commission des droits de la personne du Québec ont montré que cet écart ne pouvait s'expliquer par une maîtrise insuffisante du français ni par un manque de compétence de la part des candidats anglophones et allophones (CDP, 1998 ; Bourhis, 2002). Beaucoup d'anglophones et d'allophones considèrent cet écart comme symptomatique de la fermeture de la société civile québécoise. Gretta Chambers ex-chancelière de l'université McGill résume dans ces termes le sentiment de rejet éprouvé par les anglophones : « Le choc de la Loi 101 est désormais passé. Mais ce qu'il faut dire et redire, c'est que le statu quo, quel qu'il soit, est d'une extrême fragilité. Cela ne s'applique pas à la vie quotidienne où anglophones et francophones vivent, travaillent, commercent, voyagent et jouent côte à côte. Il se peut que les relations linguistiques ne soient pas parfaites, mais elles n'ont jamais été aussi décontractées ni aussi naturelles. Cela est dans une large mesure attribuable à la bilinguisation exceptionnellement rapide des anglophones, surtout des jeunes...C'est au niveau du discours public que les choses se gâtent. Dans les médias, dans les relations entre établissements, souvent dans l'embauche, dans le financement des entreprises et dans les secteurs où être anglophone est un désavantage, voire une tare, beaucoup d'anglophones se sentent dépaysés. Alors beaucoup de jeunes se demandent : « Qu'est-ce que je fais ici ? » Un large segment de la population anglophone est convaincu que la Loi n'est plus une « charte de la langue française », mais qu'elle est devenue un instrument politiquement chargé visant à assurer aux Québécois de langue maternelle française les emplois généralement les mieux rémunérés. Vrai ou faux, tel est le stigmate qui se rattache à la manipulation des lois linguistique du Québec qui semblent toujour être sur des sables mouvants. » Chambers, 2002, p. 324-325.

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70 Compte tenu des objectifs de francisation de la loi 101, les activistes francophones n'en continuent pas moins de déplorer la lenteur des progrès du français comme langue de travail chez les allophones et se montrent sceptiques face à la progression de l'utilisation du français enregistrée chez les travailleurs anglophones. Les militants exercent aussi des pressions pour étendre l'obligation des certificats de francisation aux entreprises de moins de 50 employés, option qui n'a pas été retenue dans les recommandations du Rapport de la « Commission des États généraux sur la situation et l'avenir de la langue française au Québec » (Québec, 2001 ; Bouchard, 2002). Certes, les mesures prévues par la loi 101 pour améliorer le statut du français au travail permettent aux employés francophones de rester unilingues sans avoir à en subir les conséquences sur le plan du salaire et de la promotion. Néanmoins, étant donné l'intégration croissante de l'économie du Québec à celle du continent suite à la signature des accords de libre-échange sur le marché nord-américain (ALENA, 1991), on constate que les gestionnaires francophones, les cadres et les techniciens de haut niveau sont de plus en plus bilingues, utilisant l'anglais comme lingua franca du commerce international, de lascience, de la technologie et des communications.

71 À ce propos, des pourparlers sont en cours pour la création d'une zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), prévue pour 2005. Ainsi, le Conseil de la langue française en collaboration avec les ministres des Relations internationales du Québec et du Canada ont tenu leur premier « Séminaire interaméricain sur la gestion des langues » à Québec en août 2002 (Québec, 2002). Dans son discours de bienvenue, Madame Bredimas- Assimopoulos, présidente du Conseil de la langue française du Québec déclarait : « Nous savons que ces pressions vers l'uniformisation ne sont pas nécessairement malicieuses, ou même voulues ; le pouvoir d'attraction des plus nombreux, des plus forts et des plus riches suffit la plupart du temps. Seules des garanties linguistiques claires et permanentes peuvent protéger les langues, mais aussi les cultures. Sans ces garde-fous, que seul un gouvernement est à même de créer, toute spécificité disparaît plus ou moins rapidement au profit du plus fort... Pour réussir, nous devrons tous et toutes sensibiliser nos diverses autorités gouvernementales à l'importance : 1) de contribuer au respect et à la promotion de la diversité linguistique des Amériques 2) de reconnaître le caractère officiel d'au moins quatre grandes langues des Amériques, soit l'anglais, l'espagnol, le portugais et le français dans le cadre du processus d'intégration des Amériques et des institutions interaméricaines qui en découleront. »

72 Au terme de ce séminaire, les participants issus des milieux politique, gouvernemental et universitaire des pays d'Amérique ont recommandé la création d'un forum rattaché à la Commission interaméricaine de la culture. La création de ce forum fait partie intégrante des sept résolutions adoptées par les participants. Ces résolutions portent sur les points suivants : 1 ) la reconnaissance du caractère officiel de l'anglais, de l'espagnol, du français et du portugais sur le plan supranational. Cette reconnaissance inclut la mise sur pied d'une structure de supervision et d'échange concernant la diversité linguistique des Amériques. 2) la reconnaissance du multilinguisme dans le fonctionnement des organismes interaméricains 3) la politique d'apprentissage des langues des Amériques rendant obligatoire l'enseignement d'au moins deux langues secondes ou étrangères dans le système scolaire. 4) les politiques linguistiques ayant trait à la reconnaissance des langues autochtones et des créoles des Amériques. 5) La normalisation et la diversité culturelle et linguistique incluant l'élaboration de normes techniques et terminologiques dans les quatre langues des Amériques. 6) L'affirmation de la diversité linguistique et la promotion de la diversité culturelle 7) Les politiques

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linguistiques visant à protéger les consommateurs dans les quatre langues des Amériques. Dans son discours de clôture, Madame Diane Lemieux, ministre de la Culture et des Communications du Québec précisait : « Comme cela est le cas pour chaque langue officielle de vos États respectifs, le français au Québec est un élément essentiel de la cohésion sociale et de l'égalité des citoyens. Il est nécessaire d'assurer sa présence dans les secteurs où les seules lois de l'économie risquent de le faire reculer sinon disparaître, en particulier pour tout ce qui concerne l'information de nos concitoyens. Avec les autres grandes langues officielles, la langue française doit participer à la construction des Amériques plurielles ».

4) Conclusion : Perspectives et enjeux du fait français au Québec

73 Des progrès remarquables ont été réalisés par la langue française au Québec grâce à des lois linguistiques telles que la Charte de la langue française. Par conséquent, même en tenant compte de la continuité de la transmission intergénérationnelle du français qui est demeurée forte, le cas du Québec constitue un succès dans l'histoire de l'aménagement linguistique puisqu'il a réussi à inverser le glissement linguistique (RLS, Fishman, 1991, 2001). Néanmoins, beaucoup de francophones se sentent encore menacés démographiquement en tant que minorité linguistique en Amérique du Nord, situation géopolitique qui ne risque guère de changer, que le Québec devienne ou non indépendant. Les anglophones, quant à eux, se sentent menacés en tant que minorité linguistique au Québec à la fois au niveau de la vitalité démographique, du statut et du contrôle institutionnel.

74 Selon beaucoup d'analystes, la loi 101 fut bénéfique dans la mesure où elle a désamorcé un conflit intergroupe potentiellement explosif entre la majorité francophone désavantagée économiquement et l'élite anglophone dominante (Rocher, 1992). La crise d'octobre 1970 qui amena l'armée canadienne sur le territoire du Québec pour neutraliser les activités du mouvement armé « Front de Libération du Québec » (FLQ) illustre bien la division de classes et le clivage politique existant au sein de la société québécoise de l'époque (Fournier, 1998). Une politique d'aménagement linguistique telle que la loi 101 constitue un type d'intervention démocratique qui contribue à résoudre par des moyens institutionnels un conflit linguistique et social qui menaçait de déstabiliser la société québécoise et canadienne (Esman, 1987). Ainsi, les politiques linguistiques peuvent constituer des outils précieux permettant aux États multilingues de se moderniser de façon plus harmonieuse.

75 Pour les nationalistes québécois les plus militants, la loi 101 fut peut-être trop efficace dans la mesure où elle a contribué à réduire le sentiment de menace linguistique qui attisait le mouvement en faveur de l'indépendance du Québec. Les activistes francophones ne manquent pas de souligner les nombreuses clauses de la loi 101, telle que conçue à l'origine, qui se trouvèrent annulées ou neutralisées par des jugements de la Cour Suprême du Canada basés sur la Charte des droits et libertés du Canada et du Québec (Bourhis, 1994a ; Veltman, 1998). Les militants dénoncent aussi les faiblesses de l'application de la loi 101 dans le monde du travail et de l'éducation. Par la même occasion, ils déplorent le pouvoir d'attraction de l'anglais qui perdure dans le domaine de la communication électronique et des média et ce, partout dans la province, pas uniquement à Montréal (Barbeau, 1998). Beaucoup de militants francophones

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considèrent l'indépendance du Québec comme la solution ultime qui permettra au futur État québécois d'adopter les lois linguistiques jugées nécessaires pour réellement enchâsser le statut du français tout en se préservant de l'ingérence du gouvernement canadien avec sa Charte des droits et libertés qui protège les droits individuels, sa loi sur les langues officielles (Fortier, 1994) et sa loi sur le multiculturalisme (Fléras et Elliott, 1992).

76 Conjuguées à un taux de natalité en déclin, les politiques linguistiques telles que la loi 101 eurent un effet négatif sur la vitalité du groupe anglo-québécois. Pour survivre en tant que minorité, les anglophones durent s'adapter en devenant une communauté bilingue partageant l'anglais, véritable lingua franca, avec les allophones et les communautés immigrantes. Toutefois, il n'est pas assuré que le soutien institutionnel dont jouit actuellement la communauté anglophone suffise à compenser l'érosion de sa base démographique. Rappelons que le soutien institutionnel de la communauté anglophone dépend en grande partie de sa vitalité démographique qui est justement en déclin. Les anglophones du Québec restent plus mobiles économiquement que les francophones et continuent à quitter la province quand ils sont en quête d'un meilleur emploi. Des enquêtes récentes suggèrent en outre que près d'un demi million d'anglophones quitteraient le Québec si le oui majoritaire l'emportait lors d'un troisième référendum sur l'Indépendance du Québec.

77 En revanche, les allophones du Québec sont moins susceptibles que les anglophones de quitter la province pour des raisons économiques ou professionnelles. Compte tenu de la rivalité des deux langues d'accueil qui se neutralisent, c'est au Québec que l'on trouve le taux le plus élevé de transmission intergénérationnelle des langues d'origine parmi les allophones établis au Canada. C'est surtout à Montréal que les allophones et les individus d'origine immigrante peuvent le plus facilement se construire des identités et des appartenances multiples, amalgamant leur propre culture d'origine avec deux cultures importantes du monde occidental liées à l'anglais et au français.

78 Les francophones comme les anglophones ne peuvent compter sur un accroissement de la natalité pour améliorer leur situation démographique respective dans la province. Par ailleurs, étant donné les difficultés économiques du Québec, ni les francophones ni les anglophones ne peuvent espérer attirer des citoyens en provenance des autres provinces canadiennes pour renforcer la force démographique de leur propre communauté linguistique. À défaut, les allophones et les immigrants internationaux demeurent la solution la plus prometteuse pour améliorer la situation linguistique des deux communautés d'accueil. À la fois les francophones et les anglophones dépendent de l'intégration linguistique des immigrants pour consolider leur situation linguistique à l'intérieur de la province. Cependant, parmi les effectifs des immigrants internationaux arrivant au Canada, la proportion s'installant au Québec a décliné et représente seulement 16 % de la totalité des flux de la dernière décennie même si le Québec compte 23 % de la population canadienne. Sans une augmentation substantielle de l'immigration ou des taux de fécondité, les démographes prévoient une amorce de déclin dans la population québécoise au cours des deux prochaines décennies (Castonguay, 1998,1999).

79 Traditionnellement, l'identité « québécoise » de souche était associée à une personne de langue maternelle française, qui avait des ancêtres français et qui s'identifiait à la culture canadienne-française. Cependant, surtout à Montréal, étant donné la francisation des élèves issus de l'immigration suite aux exigences de la loi 101 sur la

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langue de scolarité, on peut supposer que la connaissance du français devrait constituer une condition suffisante pour devenir « Québécois » (Breton, 1988). Mais la situation n'est pas aussi simple et le débat sur la citoyenneté au Québec se caractérise par de nombreux désaccords entourant la redéfinition de qui « devrait être » et qui « peut être » un « vrai Québécois » (Bourhis et al., 1997 ; Labelle, 1990 ; Taylor, 1992). A un pôle du débat idéologique québécois, selon les orientations pluralistes et civiques, les allophones et les individus d'origine immigrante peuvent être considérés comme « Québécois » dans la mesure où ils apprennent et utilisent le français comme « langue commune » de la vie publique (français au travail, dans les magasins...) et qu'ils s'acquittent de leurs devoirs et responsabilités de citoyens (voter ; payer ses impôts ; respecter les lois civiles et criminelles). Selon cette définition, les allophones et les citoyens d'origine immigrante n'ont aucune obligation de s'identifier aux aspirations politiques et culturelles des « Québécois de souche » ou d'y contribuer activement. De toute façon, les résultats du référendum sur l'indépendance du Québec de 1995 montrent que les « Québécois de souche » eux-mêmes sont divisés sur ce type de question puisque 60 % d'entre eux ont voté en faveur du « oui » à l'indépendance et 40 % ont voté « non », c'est-à-dire en faveur du fédéralisme canadien. Par ailleurs, les allophones et les communautés issus de l'immigration se sont acquittés de leur devoir de citoyens puisque leur taux de participation au vote référendaire dépassait 90 %, témoignant ainsi de leur degré d'intégration politique à leur société d'accueil. Dans un État qui se veut démocratique, la question du vote référendaire ou de l'allégeance aux partis politiques demeure une affaire de choix privé individuel et échappe à l'emprise de l'Etat. Sur la scène du débat linguistique, la position civique est justement celle qui est adoptée par le gouvernement du Québec dans son énoncé officiel sur le français comme langue de la « vie publique » (Québec, 1996b). Selon cette optique, les allophones, tout comme l'ensemble de la population, ne sont pas tenus d'adopter le français comme langue du foyer puisque l'État n'a pas à s'immiscer dans la vie privée des citoyens. Par ailleurs, pour les adeptes de l'idéologie pluraliste, le maintien des langues d'origine par les allophones représente un capital linguistique digne d'être subventionné par l'État et susceptible d'enrichir le dynamisme culturel et économique de la société québécoise (Fieras et Elliott, 1992).

80 L'autre pôle du débat sur la citoyenneté est plus frileux à l'égard de la diversité et est représenté par les idéologies assimilationniste et exclusionniste (Bourhis, 2001). Dans le camp francophone, les assimilationnistes s'attendent à ce que les allophones et les immigrants non seulement apprennent le français et s'acquittent de leurs devoirs civiques comme tout citoyen québécois mais aussi reprennent à leur compte les aspirations culturelles et politiques de la « majorité » des Québécois de souche. Ces revendications québécoises concernent l'adoption du français comme langue du foyer, la défense de la langue et de la culture françaises contre l'anglaise et le soutien à la souveraineté du Québec. De leur côté, les assimilationnistes anglophones s'attendent à ce que les allophones apprennent l'anglais, qu'ils s'identifient d'abord au fédéralisme canadien et qu'ils se joignent à la minorité anglophone pour défendre le fait anglais au Québec. Enfin, les exclusionnistes francophones caractérisent le pôle extrême du débat. A leur avis, il serait difficile d'accepter comme un « vrai Québécois » un individu d'origine immigrante qui n'a pas le français pour langue maternelle, qui n'a pas d'ancêtres québécois et qui ne souscrit pas aux aspirations culturelles et politiques des Québécois « authentiques ».Aux yeux de ce type de nationaliste québécois, les allophones, les immigrants et les anglophones ont tendance à diluer le « fait français »

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au Québec et, en raison de leur nombre et de leur affiliation politique, réduisent les chances du Québec d'accéder au statut d État indépendant.

81 Les options pluraliste, civique, assimilationniste et exclusionniste relatives à la citoyenneté québécoise trouvent des partisans parmi les communautés d'accueil francophone et anglophone de la province (Bourhis, 2001). Ces façons d'envisager la citoyenneté sont plus ou moins populaires au sein de chacun des partis politiques de la province, à savoir le parti québécois (PQ), le parti libéral (PL) et le parti d'action démocratique du Québec (ADQ). L'issue des débats sur le type de citoyenneté qui finira par s'imposer au Québec aura des répercussions sur la place que pourront occuper les allophones, les immigrants, les anglophones et les autochtones dans la société québécoise qui demeure la seule province majoritairement francophone du Canada.

82 En conclusion, l'aménagement linguistique en faveur du français a bel et bien atteint ses objectifs tout en alimentant le débat sur la citoyenneté et la redéfinition de l'identité québécoise et canadienne. Quelle que soit l'issue du débat sur l'indépendance du Québec, des lois telles que la Charte de la langue française continueront à jouer un rôle crucial pour la survie à long terme de la seule société majoritairement francophone des Amériques.

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NOTES

1. Dans cette section et les suivantes, les données statistiques se réfèrent aux résultats du recensement de 1996 pour lequel on dispose d'analyses détaillées. Le recensement le plus récent date de 2001 mais Statistique Canada n'a pas encore produit les données pertinentes à notre analyse.

INDEX

Index chronologique : 20e siècle Mots-clés : anglais (langue), français (langue), langue minoritaire, politique linguistique, sociolinguistique Thèmes : linguistique

AUTEURS

RICHARD Y. BOURHIS

Université du Québec à Montréal [email protected]

DOMINIQUE LEPICQ

McMaster University, Hamilton [email protected]

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L'écho des représentations de la femme musulmane en Navarre

Yvette Cardaillac-Hermosilla

1 Les représentations artistiques et littéraires de la femme musulmane trouvent leur écho en Navarre même si à priori les passages fugaces des troupes destructrices ne prédisposent pas au développement de l'imaginaire dans ce domaine mais se concentrent plutôt sur l'aspect guerrier par peur de la puissance de l'ennemi séculaire. Cependant quelques manifestations présentent des liens qui n'apparaissent pas au premier abord à cause de ceux, très différents, qui existent entre le monde terrestre et le monde céleste dans les cultures chrétiennes et musulmanes. Pour arriver à les percevoir nous partirons de l'examen de la pyxide de Leyre qui nous mènera à la représentation de la femme musulmane dans la poésie arabo-andalouse pour revenir aux saintes Alodia y Nunilo martyrisées par les musulmans.

2 Dans les pratiques sociales et culturelles d'Al-Andalous sous domination musulmane, la représentation de la musicienne-chanteuse mérite de retenir notre attention.

3 Au XIème siècle, la pyxide en ivoire destinée au premier fils d'Al-Mansour, Ab Al-Malik et conservée au monastère de Leyre pendant des siècles, date de 1005. Elle nous apporte sa contribution avec un ensemble raffiné.

4 La partie frontale se compose de trois médaillons avec une scène centrale représentant un groupe de trois musiciennes1 qui jouent l'une de la flûte double, l'autre d'une guitare à six cordes et une dernière de la trompe. L'ensemble peut représenter une grande fête offerte au calife dans le jardin d'un palais à la campagne. Ce qui confirme cette idée ce sont les scènes de chasse du pourtour, les scènes de tournoi, un cavalier sur un éléphant et un dresseur de lions. Dans le médaillon de droite un homme assis sur un coussin représenterait le calife Hixen II et à droite dans une position identique se trouverait Ab Al-Malik lui-même. Ce coffret d'ailleurs serait un cadeau d'accession à la majorité pour un adolescent susceptible de devenir souverain, ce qui n'a pas été le cas, à cause de conflits de palais. Cette pyxide se trouve maintenant au musée de Navarre à Pampelune, elle mesure 220 x 350 mm de base et 220 mm de haut et elle a été faite par Faray avec ses disciples selon le texte qui figure à l'intérieur, le médaillon central étant

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sculpté par Halir, elle vient de l'atelier de Medina Az Zahara. On considère que c'est l'œuvre la plus importante en ivoire de cet atelier et de cette période. Les silhouettes des femmes sont stylisées et dérivées des prototypes orientaux en médaillon circulaire agrémenté de lobes. Cette esthétique, nous la retrouvons dans les miniatures, les personnages ont très peu de relief, ils se perdent dans le décor végétal ou atauriques pour respecter la modestie du sculpteur, car le seul créateur de toute chose est Allah. Cette représentation artistique illustre des faits historiques.

5 À la cour de Grenade et de Cordoue des orchestres de musiciennes-chanteuses animaient les soirées et les Chrétiens du nord adoptèrent cette coutume. Ainsi, Ibn al- kinân qui voyageait fréquemment dans le nord de la Péninsule raconte qu'il assista à la réception de la chrétienne fille de Sancho, roi des Basques, épouse du tyran Sancho fils de Garcia, fils de Ferdinand où dansaient un certain nombre de danseuses chanteuses qui lui avaient été offertes par Sulayman Ibn al-Hakam lorsqu'il était prince des croyants à Cordoue. L'une d'elle chanta à la perfection en s'accompagnant d'un luth. De jeunes servantes captives et très belles se trouvaient près d'elle « on eût cru que c'était des quartiers de lune »2.

6 Au temps des Omeyyades les princes et les aristocrates faisaient venir d'Orient les esclaves-musiciennes instruites dans l'art du chant et de la danse. Trois médinoises Fadl, Alan et Qalam partagèrent la couche de l'émir Abd al-Rahman II et lui donnèrent un fils. Elles dirigeaient des orchestres de musiciennes-esclaves pour lesquelles il fit édifier un pavillon spécial. Elles jouaient au cours de fêtes nocturnes et donnaient des spectacles de chants et de danses. Ainsi vint à Séville d'Orient la chanteuse bagdadienne Qamar (XIème siècle). On en forma même sur place en Espagne. Au XI ème siècle l'une d'entre elles écrivait parfaitement, possédait une diction pure, elle excellait dans le maniement des armes et dans l'art de la prestidigitation. Elles, seulement, participaient aux réceptions de l'aristocratie et se mêlaient aux hommes au cours des banquets car la femme mariée isolée du clan des hommes ne devait pas laisser voir son visage aux étrangers.

7 La littérature et la poésie nous donnent une autre représentation de la femme qui présente des connexions avec les conceptions développées par les troubadours, mais aussi avec la philosophie du carpe diem.

8 La poésie est le genre noble cultivé par des poètes de cour mais aussi elle est utilisée en forme de chant comme genre très populaire en particulier le zejel3ou hymne sonore dont voici une strophe se référant à la femme : Abandonne la fuite, mon aimée et viens là où l'amour t'appelle viens sur les rives fleuries du clair Guadalquivir4 Viens avec moi partager les fruits et les fleurs de l'amour là où l'eau du moulin répand ses atomes volants là nous boirons du vin là tu apprendras l'amour.

9 Nous retrouvons dans ce genre de poème chanté le thème de l'amour qui ici suit le carpe diem et l'engouement pour la nature et l'eau toujours présent dans une civilisation issue des déserts d'Arabie autant dans les miniatures que dans la littérature.

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Nous mentionnerons aussi une muwaschaha appelée aussi chant de la ceinture inventé au IXème siècle : En parcourant les jardins la muse belle s'amuse ; sur sa joue fraîche j'ai posé mes lèvres ardentes5.

10 Ce même désir ardent de jouir du temps présent s'éloigne de l'amour courtois qui s'est longuement développé chez les poètes du désert d'Arabie et qui a pénétré en Espagne avec la poésie venue d'Orient.

11 Nous n'essaierons même pas d'aborder la polémique qui présente la poésie arabe comme l'une des sources de l'amour chanté par les troubadours. Cependant les divers échanges constatés entre Orient et Occident sur la Péninsule nous permettent d'accepter cette idée parfois décriée.

12 Mais en ce qui concerne la représentation de la femme musulmane elle ne concerne ici qu'une minorité : la musicienne-chanteuse n'est ni une femme libre ni une femme esclave ; elle a un statut tout à fait privilégié. Elle est là pour le plaisir de la cour, du sultan à cause de sa beauté et à cause de sa culture. Les poésies d'amour peuvent la concerner mais aussi se référer à d'autres femmes ayant un statut privilégié comme la princesse Wallada poétesse aux mœurs libres assez mal considérées par la société musulmane conservatrice. Fille du calife Omeyyade al-Mustakafi, elle menait une existence de femme libre se jouant des scrupules de la morale instaurée, elle n'ignorait rien des belles manières ni des lois de la poésie qu'elle pratiquait. Elle brodait des vers d'amour sur ses vêtements.

13 Umm al-Kairam fille du monarque d'Alméria al-Mutasim s'éprit d'un jeune homme de Denia appelé le maréchal-ferrant, l'amour brisant les barrières sociales : À l'heure où les ombres de la nuit seront obscures, tu attendras ma visite ; car pour moi la nuit est ce qu'il y a de plus propice pour cacher mon secret. Comme tu m'as fascinée ! Si ton charme ensorceleur s'exerçait sur la lune, elle n'apparaîtrait plus ; sur la nuit, elle ne couvrirait plus la terre de son ombre et sur l'étoile, elle ne voyagerait plus dans le firmament6.

14 Dans la poésie à l'époque Almohade (à partir de 1146) il faut remarquer le développement de la poésie féminine qui jusqu'alors était représentée par des poèmes occasionnels attribués à un personnage. Il semblerait que cette présence ait ses origines dans la tradition matriarcale de certains groupes berbères bien représentés dans la dynastie Almohade. L'un des noms qui se détache parmi ceux des poétesses est celui de Hafsa Bint Al-Hayy Al-Rakuniya de Grenade d'origine berbère et qui jouit d'une liberté insolite pour son temps jusqu'au point que la plus grande partie de ses créations sont destinées à son amant Abu Ya'far Ibn Said. Les souverains, malgré la rigueur religieuse régnante, l'amènent à Marrakech comme préceptrice des fillettes de la famille royale après avoir fait exécuter son amoureux qui conspirait contre la dynastie. Cette poésie médiévale féminine arabe est affectée par la même problématique littéraire que celle des autres femmes : elles utilisent les conventions littéraires masculines pour exprimer des sentiments féminins. Ainsi, Hafsa invertit les imagés de la poésie masculine et utilise les topiques de la description de la beauté féminine en se les appliquant lorsqu'elle écrit à l'homme qu'elle aime pour l'avertir de sa :

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Une visite arrive chez toi7 avec son cou de gazelle, croissant de lune dans la nuit son regard a tout le charme de Babylone8.

15 La poésie est considérée comme la reine des arts souvent c'est une poésie de cour et les rois et les courtisans sont poètes et il est de bon ton de se montrer amoureux dans un jardin qui est la représentation du paradis d'Allah, la femme étant la huri que l'on décrit dans les panégyriques floraux comme celui d'Ibn Darray poète d'Al Mansour (n° 21) où la description de la fleur sert de prélude à l'éloge9 : Son sourire est un lys dressé10.

16 Le portrait de la femme andalouse nous est donné par les vers composés au XIème siècle. Ibn Zaydun écrit : « Pudique, elle dissimule son visage derrière ses mains / lorsqu'elle le découvre, son corps comparé à celui d'une gazelle, / ses joues font penser au beau jardin parfumé et aux roses, / les dents fines à des perles alignées. »

17 L'idéal classique est représenté par la brune à chevelure luxuriante mais le poète rêve aussi d'une blonde aux cheveux courts. La femme au cou de cygne inspire les poètes.

18 Ibn Hazm a un faible pour les femmes blondes, à l'image des omeyyades d'Espagne. Au XIVème siècle, Ibn al-Jatib voit ainsi les femmes de Grenade : « caractérisée par un embonpoint modéré, des formes voluptueuses et de longues chevelures... elles ont la bouche saine et elles exhalent une bonne odeur. Elles sont vives, parlent avec élégance et ont une conversation agréable. Cependant, les femmes de grande taille parmi elles sont rares ».

19 Les hommes et les femmes se distinguaient par la coiffure, les hommes coiffés de feutre et les femmes portant une pièce d'étoffe. Elles portent des escarpins noirs à bout recourbé d'un emploi courant en Castille au XIIIème.

20 A partir du XIIème siècle les femmes andalouses n'ont pas vraiment respecté la pratique du port du voile sur le visage. Au milieu du XIVème siècle, des femmes dévoilées se pressaient avec les hommes sur le passage du cortège royal. Levy-Provencal remarque que la femme andalouse jouit d'une relative liberté de mouvement dans les couches moyennes de la population. La femme de la campagne ou la femme artisan travaille sans voile ou la tête couverte d'un voile laissant le visage à découvert11. La condition de la citadine andalouse s'est améliorée avec la disparition progressive de la polygamie sous l'influence des cours berbères du XIème siècle puis des almoravides parmi lesquels les survivances d'un régime de matriarcat ont permis à la femme d'occuper une place prépondérante dans le milieu familial et dans l'appareil social12.

21 L'époque de splendeur de l'art et de la littérature musulmane se développe entre le XI ème et le XIII ème siècle mais ellel suppose des implications avec l'art et l'imaginaire chrétien beaucoup moins élaboré pendant cette période dominée par les rapports d'opposition de la reconquête mais aussi par des relations d'admiration et de négociation. Dans ce contexte complexe la femme chanteuse, musicienne, objet d'amour, ou qu'elle soit louée par l'homme ou par la femme reste l'exception bien éloignée du statut de la majorité de la population même si celui qui lui est réservé sur la Péninsule est assez différent de celui du reste du monde musulman à cause du mélange des populations berbères et autochtones comme nous pouvons l'observer dans Le collier de la colombe13.

22 La femme musulmane et la poésie qu'elle chante ou qui la chante est ici vue de l'intérieur car pour elle en milieu musulman la situation et le regard de l'intérieur vers

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l'extérieur ou de l'autre sur son identité vont être déterminants dans les diverses représentations données par la littérature ou l'iconographie des Vieux-chrétiens.

23 Cependant chanteuse ou poétesse, femme aimante ou femme-objet, minorité dans la minorité, elle n'exprime pas la difficulté d'être femme dans le monde islamique et dans une société patriarchale parce qu'elle bénéficie d'un statut privilégié qui la place bien au-dessus de ses congénères. Elle fait partie de l'élite ou elle est en relation avec elle. La masse des femmes ne laisse pas trace de son existence.

24 En milieu chrétien, la pyxide de Leyre qui par ses représentations nous a conduit à la poésie musulmane sur les femmes et par les femmes a renfermé les reliques des saintes Nunilo et Alodia vénérées à Leyre qui figurent sculptées sur le portail d'entrée de l'église. Leur représentation stylisée et peu élaborée dans ce monastère roman ne présente pas d'intérêt particulier pour une étude iconographique. C'est certainement plus intéressant sur le plan littéraire : la légende fait apparaître le point de vue chrétien. En l'an 848 deux jeunes filles de la bonne société vivaient à Adahuesca dans la province de Huesca. Elles sont filles d'un père musulman et d'une mère chrétienne ; après le veuvage, cette dernière se remarie avec un fanatique qui s'oppose aux pratiques de la religion chrétienne de ses belles-filles. Elles partent vivre avec leur grand-mère mais on remarque leur conduite qui ne respecte pas la loi coranique. Elles sont accusées devant le juge qui essaye de les faire abjurer en échange de richesses et d'un mariage avantageux. Mais comme elles résistent vaillamment elles sont confiées à des femmes qui doivent leur enseigner la religion musulmane. Devant leur obstination, on les conduit sur la place publique où elles servent d'amusement au peuple avant d'être décapitées. Leurs corps sont exposés pour être dévorés par les oiseaux de proie afin qu'ils ne soient pas enterrés par les chrétiens. Finalement leurs restes sont mis dans une fosse et ils opérèrent de nombreux miracles.14 C'est à la demande de la reine Oneca que leurs corps furent transportés au monastère de Leyre qui était dirigé par le père abbé Fortún. À partir de ce moment-là elles ont reçu un culte qui va se confondre avec le prestige du monastère. Une partie des restes fut déposée dans le coffret d'ivoire dont nous avons parlé. Rappelons aussi que le monastère a servi de sentinelle face à l'armée arabe, ce qui lui vaudra la haine d'Almanzor qui, à la fin du Xème siècle, entreprend plus de cinquante expéditions contre les chrétiens en moins de cinq ans. Le monastère est alors incendié puis reconstruit. Il devient le centre spirituel de toute la région avec Fortún Garcés, dernier roi de sa dynastie qui y prend l'habit après avoir renoncé à la couronne15.

25 Le culte des saintes martyres Nunilo et Alodia ne s'est pas limité à l'Aragon ou à la Navarre mais s'est diffusé à la Rioja et l'Andalousie. À cause de la sécheresse on effectue un pèlerinage à Leyre. On organise une procession près de la fontaine des saintes avec prières, litanies et chants liturgiques, le prieur sort un os du coffret en ivoire et l'introduit dans la fontaine et lorsqu'il le recueille dans un linge il est baigné de gouttes de sang. Après ce miracle, les récoltes sont bonnes et l'on édifie un retable en l'honneur des Vierges (XVIIème siècle). Depuis lors, pour commémorer le fait, les pèlerinages ont lieu le 18 avril qui rappellent aussi le transport des reliques de Adahuesca au monastère16.

26 Dans le retable, les saintes en bois sculptées doré suivent les canons de beauté helléniques mais leurs tuniques et leurs manteaux n'ont rien de caractéristique du monde musulman, les livres qu'elles soutiennent avec leurs mains portent l'inscription en latin des paroles de Nunila : Quis separabit nos a cantate Christe cristi. Ainsi que de

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celles d'Alodia : Certe soror, neque mors, neque vita, neque instantia. Mais dans la scène du martyr des saintes, à leur droite apparaît un musulman avec son cimeterre qui vient d'accomplir sa besogne.

27 La relation de la sainteté féminine avec le Maure est fréquente dans la Péninsule. Dans l'histoire de la fille du roi maure de Tolède17, Casilda fille du roi maure Almenón de Tolède reçoit son initiation au christianisme par une esclave et guérit miraculeusement, elle s'adonne à une vie de sainteté dans un ermitage solitaire près de Briviesca.

28 Si du point de vue musulman, la musicienne, la poétesse renvoient à la perfection féminine, si elle s'accompagne de jeunesse et de beauté, du point de vue chrétien, la bonne musulmane est celle qui se convertit et meurt pour la foi chrétienne. Les paradoxes de l'histoire font que les reliques seront conservées pendant des siècles dans un coffret d'ivoire musulman représentant les raffinements d'une fête princière et gardant autour de son fermoir central la représentation de la musicienne danseuse qui assurait les délices de la cour califale. D'ailleurs, les patios des palais avec leur fontaine centrale et les quatre ruisseaux qui assurent l'écoulement des eaux sont une image terrestre de la vision céleste.

29 Les représentations de la sainteté chrétienne d'origine musulmane peuplent le monastère roman. Leurs interventions miraculeuses essaient de faciliter la vie des humains dans cette vallée de larmes selon la vision biblique de l'Ecclésiaste. Mais les figures passent par la stylisation romane puis par les restrictions du concile de Trente qui souhaite supprimer ornements et détails superflus. Ces modèles ont servi aux moralistes et aux érudits pour la construction de l'histoire différenciée du masculin et du féminin qui joue un rôle fondamental dans le développement de la culture orientale et occidentale. À Leyre, la sainteté chrétienne rejoint les représentations du paradis musulman où les houris aux yeux clairs doivent ravir l'éternité des croyants.

NOTES

1. Les spécialistes ont polémiqué sur le sexe car aucune caractéristique particulière ne le détermine mais les textes témoignent du goût des princes pour les orchestres féminins présents à la cour. 2. Peres, H., La poésie andalouse en arabe classique au XIème siècle, Paris, 1953, p. 386-387. Sancho García régna de 995 à 1017. Arié Rachel, « Aspects de l'Espagne musulmane, histoire et culture » in De l'archéologie à l'histoire, Paris, de Boccard, 1997. 3. A partir des jarchas en langue vulgaire Mohamad Ibn Mahmud l'aveugle de Cabra crée les moaxajas ou poèmes strophiques qui sont des chansons en dialecte accessibles à tous publics et Ibn Bayya de Saragosse (mort en 1138) avec l'aide d'expertes esclaves unit le chant chrétien et le chant oriental dans le zejel qui est le fruit de l'hybridisme de la tradition arabe et romane. La moxaja est apparue à la fin du IXème et au début du Xème siècle. Cette poésie strophique gravite autour d'une copia romance qui est mise dans la bouche d'une femme et dont le ton contraste avec le raffinement courtois des vers qui précèdent. Le contraste stylistique et linguistique entre la partie classique du poème et la jarcha en romance ou en arabe vulgaire crée une dualité pleine d'ironie et d'humour.

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En Espagne la littérature hispano-musulmane a développé divers genres : la muwaschaha qui comprend trois strophes de trois vers mono rime, nouveauté en langue arabe développée particulièrement dans l'Espagne musulmane. Elle était généralement écrite en arabe littéraire par des lettrés hommes de cour et elle chantait l'amour tandis que le zejel était écrit en arabe populaire avec le même système. La casida est un poème de 20 à 100 vers de même mètre et de rimes communes. Les muwaschahas andalouses se propagent moins facilement et finissent par des vers en langue latine ou en castillan. Souvent les copistes ne les reproduisaient pas ou alors avec beaucoup d'erreurs qui les rendent difficilement compréhensibles. Elles fleurirent surtout entre le XIème et le XIIIème siècle. Les jarchas étaient des poèmes de genre oral et de style colloquial. On en fit des anthologies en aljamia pendant le XIIIème siècle. 4. Deja mi bien el huir, / Y ven do amor te convida ; / ven a la margen florida / del claro Guadalquivir ; / ven conmigo a compartir / de amor el fruto y las flores, / do en atomos voladores / esparce el agua el molino ; / allí beberemos vino, / allí aprenderás amores. 5. Recorriendo los jardines / linda musa se divierte ; / sobre su fresca mejilla /pose mis labios ardientes, /y dije : ¡ bendito sea /el punto en que logro verte ! / antes que la vida nos haya dejado, /del goce apuremos el vaso encantado. ibid p. 252. 6. La culture intellectuelle des femmes musulmanes (Garulo, T., Diwan) Arié, Rachel « Aperçus sur la femme dans l'Espagne musulmane », in Aspects de l'Espagne musulmane, histoire et culture, Paris de Broccard, 1997. Poème de Wallada (princesse) à Ibn Zaydun (vizir) 7. Rubiera Mata, María Jesús, « Las bellas letras », in Historia de España, el retroceso territorial de Al Andalus, Madrid, Espasa Calpe, 1988, p. 607-634. 8. Una visitante llega a tu casa : su cuello es de gacela, : es una luna creciente sobre la noche ; : su mirada tiene el embrujo de Babilonia : y su saliva es mejor que : el hijo de las parras, : sus mejillas afrentan a las rosas : y sus dientes confonden a las perlas :¿ Puede pasar con tu permiso, : o a de irse por alguna circunstancia ? 9. « Manifestaciones artisticas » in Historia de España de Menéndes Pidal, Wamón, t. 8, dirigé par José Maria Jover Zamora, Madrid, Espasa Calpe, 1994, p. 589-643, p. 602. 10. Si sonríe el rostro de la primavera / es la erguida azucena su sonrisa, / hermosa y riente boca, desaliva / perfumada con el aliento de la amada 11. Levy-Provencal, E., Histoire de l'Espagne musulmane, 12. Levy-Provencal, E., Histoire de l'Espagne musulmane, t. 3, p. 402-403. 13. Ibn Haz de Cordóba, el collar de la paloma, Barcelona, Círculo de lectores, 1997. 14. Moral Contreras, El monasterio de San Salvador de Leyre, Madrid León, Editorial Everest, 1994, p. 10. 15. Ibid, p. 12. 16. Ibid, p. 29. 17. Trueba, Cuentos populares, Toulouse, Paris, Privat, 1951, 190 p, p. 61-68.

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INDEX

Index chronologique : 711-1479 Thèmes : histoire, littérature Mots-clés : femme, histoire de la Navarre, musulman, poésie, sociologie, dynastie Maure et reconquête

AUTEUR

YVETTE CARDAILLAC-HERMOSILLA

Université Michel de Montaigne Bordeaux 3 [email protected]

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Etxahun-Barkoxe (1786 -1862) Du poète populaire au mythe littéraire

Jean Casenave

1 À priori, rien ne destinait Etxahun-Barkoxe à devenir l'un des mythes littéraires les plus vivants de la production moderne et contemporaine du domaine basque. Dans le cours de cet article, quelques éléments biographiques rappelleront que, pour ses contemporains, et notamment ses concitoyens de Barcus, la vie d'Etxahun ne relève pas du traitement mythique et encore moins hagiographique. Sur le plan social, elle correspond au parcours d'un déclassé qui, tout au long de sa vie, descend irrémédiablement les marches de la respectabilité en passant du statut enviable de riche héritier d'une famille prospère de propriétaires terriens-exploitants à celui de poète populaire marginal, « sans domicile fixe ».

2 Paradoxalement, sa fortune littéraire est inversement proportionnelle à celle de sa déchéance sociale. Rendu célèbre par son talent d'improvisateur (koblakari-bertsolari) au-delà des frontières de sa province de Soule au cours de sa longue vie (1786-1862) : il connaît une période d'oubli relatif durant la deuxième moitié du XIXe siècle. Cependant, sous l'impulsion de son compatriote souletin Pierre Lhande, il entre dans le panthéon littéraire au début du XX siècle (1923) juqu'à se voir honoré par l'association Eskual zaleen Biltzarra en 1948. Consacré comme un poète d'envergure par la thèse de Jean Haritschelhar qui démontre qu'il ne faut pas le cantonner parmi les versificateurs et improvisateurs de second rang, il est promu personnage de fiction dès la fin de la seconde guerre mondiale en devenant un héros de roman, de pastorale et de pièce de théâtre.

3 Au cours des années 70 et 80, ayant définitivement perdu toute contingence humaine, il accède au cercle très restreint des écrivains basques transformés en mythe littéraire sous la plume de B. Atxaga ou de J. Sarrionaindia. C'est ce parcours singulier que je souhaite retracer dans cet article pour lequel j'ai reçu l'aide très précieuse de J. Haritschelhar qui, avec sa générosité coutumière, m'a largement ouvert ses archives personnelles et fait part de ses souvenirs. Mes remerciements vont aussi à Xipri Arbelbide qui m'a fourni de passionnants détails sur la polémique déclenchée par la célébration du centenaire de la mort d'Etxahun en 1962.

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Une figure littéraire de son vivant :

4 Emaillée de procès, de séjours en prison et de périodes de fuite, la longue vie d'Etxahun-Barkoxe est bien loin de ressembler au destin que lui prêtait dans son enfance sa situation d'héritier d'une maison aisée de paysans barcusiens. Il faut rappeler ici brièvement que Pierre Topet « Etxahun », né en 1786, est le deuxième enfant d'une famille qui en compte sept. Bien que deuxième enfant et contrairement à l'usage qui prévoit de transmettre l'ensemble du bien familial à l'aîné, Pierre est, dès son enfance, désigné comme l'héritier de sa maison natale Etxahunia. Les quatre propriétés qui, à des titres divers sont attachées à Etxahunia, doivent également lui revenir.

5 Pourtant, les premiers ennuis se présentent avant même qu'il ait pu entrer en possession des biens promis. Lié à une jeune employée de la maison, il devient père autour de vingt ans et entre en conflit avec sa famille qui n'accepte pas son projet de mariage avec la mère de son enfant. Désavoué par ses parents et ses proches qui lui retirent une partie de l'héritage pour lui signifier l'obligation de se soumettre, il est marié contre son gré à une jeune femme de condition sociale équivalente à la sienne. Au fil des années, sa vie conjugale et ses rapports avec ses concitoyens de Barcus ou ses compatriotes souletins finissent par quitter le registre de la vie privée pour passer dans le domaine public et, pour l'essentiel, à la rubrique des faits divers. En effet, en l'espace d'une trentaine d'années, Etxahun et emprisonné à plusieurs reprises sous des chefs d'inculpation aussi divers que des mauvais traitements à l'égard de son épouse, de captation d'héritage, de mise en circulation de fausse monnaie ou de tentative d'homicide sur la personne d'un voisin pris pour celui qu'il accuse d'être l'amant de sa femme. Sans s'appesantir sur des péripéties biographiques qui sont largement connues des familiers de la littérature basque, disons simplement que la vie d'Etxahun n'a rien de commun avec celle d'un paisible propriétaire souletin occupé à faire fructifier les propriétés héritées de ses parents pour les transmettre aux générations suivantes.

6 À la fin de sa vie, Etxahun a tout perdu, ses biens comme sa respectabilité de paysan propriétaire de sa terre mais, bien que condamné à une perpétuelle errance à la suite de la vente de sa maison, il bénéficie d'une belle réputation de « koblakari » (poète improvisateur), à la fois admiré et craint par ses compatriotes souletins susceptibles de devenir la cible de ses vers cinglants. D'ailleurs, nombre de ses compositions sont connues du public bascophone dans toute sa province d'origine et même dans les provinces voisines.

7 Au terme de cette vie mouvementée, Etxahun connaît un sort peu commun pour un poète appartenant à la tradition orale. Bien sûr, à l'image de tous les grands improvisateurs, il est invité par les classes sociales les plus diverses -même la bourgeoisie et la noblesse locales- pour célébrer en vers les événements marquants. Comme en témoigne la chanson « Etxahun eta Otxalde », populaire dans tout le Pays basque dès la deuxième partie du XIXe siècle, il est volontiers placé au premier rang de la corporation par les autres improvisateurs qui recherchent sa présence pour d'amicales joutes versifiées. Figure connue et reconnue de la culture basque populaire de son temps, il accède de son vivant -et à son insu- au statut exceptionnel de personnage littéraire comme en témoigne le texte que lui consacre le poète allemand Chamisso sur lequel il faudra revenir.

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8 Mais, deux types de récits contradictoires circulent à son sujet. La légende noire le dépeint comme une personne irascible et dangereuse, capable de voler, de trahir les siens ou de tuer. Elle est attestée par les témoignages à charge livrés par les membres de sa famille et ses voisins de Barcus à l'occasion de ses divers procès. Il est désigné comme parasite social -il attaque ses frères et sœurs puis ses enfants en justice pour se faire attribuer diverses pensions-, voleur et assassin par l'opinion publique, celle-là même qui rit volontiers à l'écoute de ses diatribes implacables adressées à ses ennemis, membres des bonnes familles de Barcus ou du clergé. Quant à la légende blanche, en tant qu'homme public fin connaisseur des réactions d'un auditoire, il la fabrique lui- même de toutes pièces en écrivant à plusieurs reprises l'histoire de sa vie dans des chansons qui deviennent rapidement célèbres à l'exemple de Ürxaphala, Mündian malerusik (popularisée à cette époque sous un autre titre), Bi Berset dolorusik, Ahaide delizius huntan. Dans ces chansons autobiographiques, il se présente systématiquement comme une victime et clame dans chacun des textes la volonté de s'amender notamment par des pélerinages expiatoires à Rome ou Saint-Jacques-de-Compostelle.

9 Révélées par Jean Haritschelhar dans sa thèse, les sources judiciaires viennent compléter le portrait d'Etxahun brossé par les deux types de légende. La dimension romanesque de la vie d'Etxahun n'a pas non plus échappé aux journalistes locaux chargés de la chronique judiciaire. Le barde de Barcus est un gibier de choix pour ces hommes de plume attachés à mettre en valeur l'aspect sensationnel des affaires traitées pour plaire à un lectorat toujours friand de drames passionnels. Dans les documents proposés par J. Haritschelhar, il n'est que de lire le titre –« Assassinat commis par méprise »- de l'article du journal palois « Mémorial béarnais » repris par « La Gazette des tribunaux » (numéro du 27 août 1828) pour comprendre qu'il était facile de faire d'Etchahun un personnage de légende. Comme le souligne Jean Haritschelhar dans les commentaires de ses diverses sources, tous les éléments d'un roman se trouvent concentrés dans la vie du poète souletin : l'amour, la jalousie, la mort, l'exil, etc. C'est du reste à partir de l'article de la gazette et de la traduction de Mündian malerusik qui l'accompagne que le poète allemand Chamisso a écrit son poème consacré à Etxahun.

10 « Ce qui a pu séduire Chamisso, c'est qu'Etchahun représentait un homme en marge de la société sur lequel s'était acharnée une sombre fatalité. » commente Jean Haritschelhar dans un chapitre qu'il intitule « Romantique sans le savoir » pour caractériser cette rencontre entre la vie hors du commun du poète souletin et son zélateur d'Outre-Rhin.

11 Même le silence des folkloristes du XIXe siècle à son égard semble siginificatif du traitement ambivalent qu'a suscité le personnage controversé d'Etxahun. Par exemple, dans les lignes qu'il consacre aux chansons populaires (Biarritz entre les Pyrénées et l'Océan, 1855), Augustin Chaho oublie de mentionner l'apport d'Etxahun. Pourtant, il est originaire de la même province que le poète de Barcus et ne peut ignorer sa popularité, d'autant qu'Etxahun lui a adressé en 1849 un hommage particulièrement appuyé dans une pièce en vers intitulée « Musde Chaho ». Le poète populaire qui assure la propagande du candidat Chaho aux élections par le biais d'une chanson est-il un allié encombrant compte tenu de sa réputation ? La position sociale et le parcours personnel d'Etxahun expliquent peut-être la réserve de Chaho, alors même que, par ailleurs, il est prompt à s'emparer de tout élément historique ou culturel susceptible d'être transformé en mythe afin de magnifier le Pays basque. On pourrait aussi citer les œuvres de Francisque Michel (1857)1 ou, plus tard, celle de D.J. Sallaberry (1870) 2 qui

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proposent des extraits de l'œuvre poétique d'Etxahun sans pour autant mentionner son nom3 , sa personnalité ou son histoire. Du reste après son décès en 1862, pendant plusieurs décennies, Etxahun-Barkoxe tombe dans l'oubli et, si ses chansons lui survivent, elles le font sur le mode de la tradition orale qui assure leur transmission le plus souvent en effaçant toute référence précise aux auteurs et compositeurs. Au final, le XIXe siècle a réservé à Etxahun un traitement ambivalent qui voit le poète tout à la fois admiré et vilipendé, haï et craint puis, dans une large mesure, oublié.

12 En somme, Etxahun est étalonné et apprécié par ses contemporains en fonction des attendus et des catégories critiques existants. En tant que créateur, il est tout naturellement classé parmi ces « coblacari » anonymes, un terme que Francisque Michel dans son ouvrage Le Pays basque (1857) traduit par « rhapsode » ou « barde » en référence aux poètes itinérants de l'Antiquité ou du Moyen-Age des civilisations grecque, occitane, celtique et autres. L'originalité de son œuvre qui apparaîtra au XXe siècle si intimement liée à ses poésies autobiographiques est alors totalement inaperçue car elle demeure invisible compte tenu des instruments critiques qui sont utilisés par ses contemporains, folkloristes essentiellement attachés à recueillir les productions culturelles d'un peuple et non l'expression individuelle d'un poète. Et ce, malgré cet avertissement de Francisque Michel : « Toutefois, au milieu de pensées communes, je dirai même triviales, il n'est pas rare de rencontrer des inspirations heureuses, des élans vraiment poétiques, qui, pour la hardiesse, la vigueur, la richesse ou la grâce, peuvent soutenir la comparaison avec ce que les littératures grecque ou latine nous ont laissé de plus parfait en ce genre. »4 . Déclassé socialement, il est considéré comme un marginal dans son village et sa province, et c'est par ce biais qu'il entre dans l'histoire de la littérature en fournissant à Chamisso un sujet de poème.

Le renouveau du personnage littéraire et la première publication de ses œuvres :

13 Au début du XXe siècle, la langue et la culture basques connaissent une période d'intense activité scientifique et éditoriale qui renouvelle grandement l'approche des œuvres littéraires. La création d'institutions nouvelles qui, à l'instar d'Eskual zaleen Biltzarra (La Société des Bascophiles) en 1902 et d'Euskaltzaindia (Académie de la langue basque) en 1919, proposent un traitement normatif de la langue basque avec l'établissement d'une ébauche de standard littéraire favorise l'apparition, notamment dans des revues comme la Revue Internationale des Etudes Basques (1909) ou Gure Herria (1921), d'une histoire de la littérature. S'inspirant des modèles français et espagnol, ses promoteurs privilégient les productions écrites au détriment de la littéraure orale et s'efforcent de jeter les bases d'un canon littéraire. C'est dans le cadre de ce mouvement que se place l'article de 1923 paru dans Gure Herria qui va faire resurgir la figure d'Etxahun pour la transformer et lui faire franchir une étape décisive sur la voie du mythe littéraire.

14 L'auteur de ces lignes, Pierre Lhande, a, au cours des années précédentes, publié plusieurs articles consacrés à la littérature écrite du début du XXe siècle, articles parmi lesquels on peut par exemple citer celui qu'il consacre en 1920 dans la Revue Internationale des Etudes Basques à l'œuvre du romancier Domingo Agirre. Dans le texte de Gure Herria intitulé « Le Barde Etchahoun », il indique d'entrée le changement de point de vue qu'il s'agit de porter sur l'œuvre poétique du « koblakari » de Barcus :

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« On rencontre souvent dans les littératures populaires naissantes, de ces existences aventureuses et lamentables de poètes aux prises avec l'infortune ou la méchanceté et dont le souvenir, consacré par des chants immortels, apitoye, au long des siècles, le cœur des hommes. Il semble que depuis le sublime aveugle de l'Hellade toute littérature nationale veuille avoir son barde errant, magnifique et malheureux. C'est une des ces figures attachantes et pitoyables que je me flatte d'avoir découvert et de révéler, partiellement du moins, aujourd'hui, dans ce premier lot de recherches sur la vie et l'œuvre du poète souletin Pierre Etchahoun ».

15 On le voit, Pierre Lhande a conscience de proposer un changement d'approche radical (« ...que je me flatte d'avoir découvert ») à l'endroit d'Etxahun puisqu'il le fait passer du statut de « barde errant », pareil à Homère le rhapsode anonyme, à celui de « poète » dont on évoque la vie et l'œuvre dans une revue littéraire. Le récit de la vie d'Etxahun n'a plus rien à voir avec les articles du journaliste chargé de la chronique judiciaire qui avait rendu compte des procès intentés au poète. Les poèmes, notamment les pièces autobiographiques viennent tendre un miroir aux aléas domestiques ou judiciaires vécus par le poète et en reçoivent en retour un éclairage significatif. Le commentateur conclut sur ces termes : « Telle fut la poignante existence du poète laboureur, dont le récit laissera sans doute dans l'esprit de nos lecteurs une impression de malaise et de regret. »

16 Manifestement, Pierre Lhande qui a mené son enquête sur les traces d'Etxahun en Soule transcrit ici l'ambivalence qui persiste dans l'opinion courante à propos de l'improvisateur de Barcus. Le parcours de l'homme a encore un peu de mal à s'effacer devant l'œuvre du poète. Pourtant, les dernières lignes soulignent clairement que le regard porté s'est enrichi au contact des stéréotypes littéraires popularisés au cours du XIXe siècle : « Mais ne peut-on pas dire qu'Etchahoun dut aux aventures mêmes de cette lamentable vie le meilleur de cette inspiration ? (...) Le génie a sa rançon. Etchahoun doit, en partie, à ses misères et à ses défauts d'avoir été le poète le plus original, le plus personnel, mais aussi le plus émouvant de toute notre littérature basque. On le comprendra mieux en étudiant attentivement son œuvre ».

17 C'est bien l'image du poète maudit (« ... le Villon ou le Verlaine de la littérature basque. »), en rupture de société donc souffrant et fécond, une image répandue au cours de la deuxième partie du XIXe siècle et qui sera plus tard interprétée comme significative du Mouvement Romantique finissant que Pierre Lhande retient ici pour caractériser Etxahun. Si l'on peut attribuer sans conteste la première étape de l'établissement du mythe à Chamisso, il faut reconnaître que, faute d'une diffusion suffisante, cette première interprétation « romantique » de la vie d'Etxahun n'a pas eu de répercussion au Pays basque. D'ailleurs, en 1923 P. Lhande ne semble pas connaître l'existence de ce poème puisqu'il ne le mentionne pas dans son étude. Ce sont René Lafon et Jean Haritschelhar qui le citeront après la deuxième guerre mondiale.

18 Après l'évocation de la vie du poète, c'est, bien entendu, la publication de l'œuvre qui va assurer l'entrée d'Etxahun dans le corpus de la littérature basque classique. Cette édition promise par Lhande en 1923 ne voit le jour qu'en 1946. Dans l'intervalle, Pierre Lhande a été appelé à d'autres fonctions dans la Compagnie de Jésus et il doit abandonner son projet d'établissement d'une édition critique de l'œuvre. C'est un jeune professeur de Lettres, l'abbé Jean Larrasquet qui prépare l'ouvrage pour le compte de

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l'Eskual zaleen Biltzarra mais le déclenchement de la deuxième guerre mondiale repousse sa publication à l'après-guerre, en 1946 très exactement.

19 Cette parution connaît un écho immédiat dans le milieu culturel local. La tombe du poète est aménagée de façon à la signaler à l'attention du public et le livre est présenté lors d'une journée d'hommage qui consacre le personnage littéraire dans sa province. Les résultats semblent probants puisqu'en l'espace de quelques années, la vie et l'œuvre du poète suscitent la création de plusieurs ouvrages littéraires d'importance. En 1948, le jeune écrivain Pierre Espil publie Etchahun le malchanceux. Dans ce roman, Pierre Espil retrace toute la vie du poète. Conformément au stéréotype précédemment évoqué, il fait du poète le jouet d'un destin qui lui échappe constamment, la victime de son entourage et tout particulièrement de sa femme, une « Carmen » souletine au caractère incandescent et insatiable qui conduit méthodiquement son mari à la déchéance : « Elle adorait fendre la foule des hommes en sueur qu'elle frôlait au passage, non sans relever sa jupe pour découvrir ses jambes. On se retournait pour la voir marcher avec un balancement du dos et des reins indéniablement coquins. »

20 Pierre Espil a conscience d'avoir élargi les bases du mythe littéraire : « Si j'ai souvent altéré légèrement les faits, modifié quelques noms propres, inventé quelques personnages, je ne crois pas pourtant avoir outrepassé les droits de tout poète qui se penche sur un fantôme du passé... Etchahun lui-même ne se privait pas, dans ses poèmes, d'embellir, d'exagérer, d'arranger divers épisodes de son existence. Je ne vois donc pas pourquoi j'aurais eu des scrupules à laisser broder mon imagination... Surtout que, pour ma part, je pense que l'important, l'essentiel c'est de ne point trahir une âme.... Et l'âme d'Etchahun, sa pauvre âme si faible, si excessive, si abreuvée de fiel, elle apparaît bien dans ses vers telle que je la présente dans cette chronique euskarienne, passionnée à la façon des chroniques italiennes de Stendhal... »

21 En 1951, Pierre Larzabal fait d'Etchahun le héros de l'une de ses créations théâtrales les plus célèbres. Il concentre l'action sur l'épisode de la tentative d'assassinat qui visait Heguiaphal, l'amant supposé de l'épouse d'Etxahun mais qui, par suite d'une méprise, a finalement atteint un autre voisin de la maison Etxahunia. Au passage, il faut signaler que jusqu'à la mise au point de Jean Haritschelhar dans sa thèse, tous les auteurs ont fait d'Etxahun un criminel puique la légende voulait que Dominique Etchegoyen, la victime du coup de feu, eût été mortellement blessé dans l'attentat. Une fois de plus, Etxahun bénéficie de l'indulgence de l'auteur qui fait le choix de le peindre sous les traits d'une victime. L'année suivante, Etxahun-Barkoxe devient sujet d'une pastorale écrite par son homonyme de Trois-Villes, Etxahun-Iruri. Enfin, en 1955, Yon Etxaide publie un roman5 intitulé Joanak Joan et sous-titré « roman chrétien » pour lequel son auteur indique qu'il s'est inspiré de la vie d'Etxahun. Ce sous-titre qui peut surprendre s'explique dans le roman par le fait que, sur la fin de sa vie, le vieux « koblakari » décide de s'amender sur le plan moral et meurt très chrétiennement dans sa maison natale. À la fin des années 50, la vie d'Etxahun est devenue une importante source d'inspiration pour les écrivains du domaine basque. Personnage de fiction particulièrement vivant, l'improvisateur de Barcus n'en demeure pas moins sujet à des interprétations assez différentes même si toutes s'accordent pour le présenter à la fois comme une victime et un véritable poète qui alimente sa veine créatrice hors du commun au cœur même de ses déboires et de ses tourments. Pourtant, au détour d'une phrase ou d'une remarque, on sent encore

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pointer le jugement moral de l'auteur sur ce personnage qui sent toujours un peu le soufre : « Rentre, rentre, pauvre homme, trébuchant sous le fardeau de tes souffrances autant que de tes fautes. » Etchahun le malchanceux, Pierre Espil.

22 Il n'en reste pas moins que dans cette première partie du XXe siècle, l'œuvre du poète de Barcus a franchi des étapes décisives dans la marche vers la notoriété. Cet homme qui n'a pas suivi d'études accède au panthéon des écrivains et des lettrés. Il a laissé, pour l'essentiel, une œuvre orale caractéristique des improvisateurs populaires, recueillie de façon incomplète et souvent peu fiable et, malgré tout, ses poèmes font leur entrée dans le corpus de la littérature basque classique. Enfin sa vie a progressivement cessé d'être uniquement un objet de scandale pour devenir un sujet de roman ou de pièce de théâtre. Cela ne veut pas dire pour autant que, un siècle après sa mort, l'existence mouvementée de l'improvisateur souletin ne continue à poser problème à des écrivains qui, par ailleurs, considèrent qu'elle mérite d'être abordée. Pierre Larzabal, par exemple, construit sa pièce de théâtre autour du crime dont est victime Etchegoyen, un assassinat (c'est du moins ainsi qu'il traite l'événement) qu'il attribue à Etxahun alors même que la justice n'a pas voulu trancher la question à l'époque des faits. L'intrigue fait bon marché d'autres aspects de la vie d'Etxahun qui nous intéressent beaucoup aujourd'hui, notamment cette vie d'errance, ces exils temporaires loin de sa province de Soule qui ont sans doute largement contribué à élargir la connaissance et l'expérience du monde du citoyen de Barcus et ont eu nécessairement des répercussions jusqu'alors passées inaperçues sur l'œuvre de ce poète populaire quasiment illettré. Autant dire que la dimension historique du personnage ne s'est pas encore effacée pour laisser place au poète désincarné des manuels scolaires. Dans le même ordre d'idées, son œuvre demeure indissociablement liée à des événements dramatiques largement connus mais rapportés de façon parcellaire voire partisane et qui contibuent à voiler la lecture des textes.

Le centenaire de la mort d'Etxahun

23 C'est au cours des années 60 que Etxahun-Barkoxe va définitivement gagner le paradis des auteurs classiques. Comme on le verra, cette consécration tient avant tout au travail de recherche littéraire mené par Jean Haritschelhar qui va retracer très précisément le parcours du poète et publier une version largement remaniée et complétée de son œuvre. Mais le dernier épisode de cet accès à la notoriété sereine des grands auteurs est également marqué par les derniers échanges rhétoriques d'un débat passionné, bien caractéristique des enjeux culturels d'une littérature basque en quête d'autonomie dans ses rapports avec une société entravée par ses pesanteurs internes comme par des contraintes extérieures. Il consiste à juger de la nécessité de lier les événements « lamentables » ou « malheureux » -selon la position de débatteur- à l'œuvre ou de l'opportunité de séparer les deux aspects pour laisser la poésie d'Etxahun se déployer dans le ciel de la littérature, libéré de ses attaches au réel.

24 En effet, la décennie qui marque le centenaire de la mort du poète souletin voit se dérouler la dernière étape dans la constitution du mythe littéraire Etxahun. La partie décisive se joue d'abord dans les pages de l'hebdomadaire Herria sous la forme d'une

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polémique qui va durer deux mois. Les hostilités sont déclenchées par un article qui paraît en première page le jeudi 25 janvier 1962. Sous le pseudonyme de « Manecha », l'écrivain Xipri Arbelbide signe un article qui, sous le couvert de rapporter les propos d'un jeune homme scandalisé par le silence des personnalités, des institutions et des organes culturels à propos du centenaire de la mort d'Etxahun (« Gazte baten kexua ») pose le problème de la célébration de cet anniversaire et de la signification d'une telle omission. Empruntant à son jeune interlocuteur la naïveté et la fraîcheur de son expression, il se demande pour quelle raison les Basques ne sont pas capables de rendre hommage à leurs « hommes remarquables » alors que, dans toutes les sociétés, il est d'usage de le faire. Il réclame donc une évocation du poète dans les colonnes de l'hebdomadaire, la représentation des œuvres théâtrales consacrées à sa vie et notamment la pièce de Larzabal ainsi que la réédition du recueil Lhande-Larrasquet de 1946 devenu introuvable. Il ajoute qu'à l'heure où l'on fait paraître en langue basque la traduction des œuvres de Platon ou de Shakespeare, il ne s'agit pas d'oublier, pour des « raisons discutables » qu'il se refuse à détailler, de mettre en valeur l'existence de tous les auteurs de la littérature basque. Cette attaque à peine voilée contre le « conformisme » de la culture basque officielle de l'après-guerre ne va pas rester logtemps sans réponse. En effet, dans l'édition du jeudi 1er février, un correspondant qui signe A. Lichalt réplique à « Manecha ». Il se présente comme un lecteur souletin un peu malhabile en langue basque mais pressé de rétablir la vérité à propos d'Etxahun, une vérité selon lui trop malmenée par un observateur (« Manexa ») bien ignorant des « réalités souletines » et de la vérité historique. Le portrait qu'il fait d'Etxahun est sans appel et d'autant plus incontestable qu'il dit tenir ses renseignements de son propre père : « Erraiten zeikun Barkochtar koplakari hori ez zela lili arradua, bena gizatchar gaichto malerus bat, auher izigarria, etchejalia, uhuña, mihi zikina, lagun lanjerusa ; ihurk ez omen zian ikhusten ahal, ez etchekuek ez aizuek, hurrundik bezik » « Il nous disait que cet improvisateur de Barcus n'était pas une fleur exceptionnelle, mais un mauvais homme méchant et malheureux, grand paresseux, dilapidateur de maisons, voleur, mauvaise langue, camarade dangeureux ; personne ne pouvait le voir que de loin, ni les siens ni ses voisins »

25 Il poursuit en ajoutant que selon les souvenirs de ses concitoyens, Etxahun chantait mal et que, si son talent de versificateur est indéniable il était le plus souvent employé à salir les réputations sans distinction ni respect. Il termine en demandant à « Manecha » s'il n'a pas perdu tout bon sens en demandant d'honorer un tel homme alors même que tant de bons pères de famille souletins ayant accompli leur devoir vis-à-vis du bien familial ou de leurs enfants demeurent dans l'ombre alors qu'ils mériteraient d'être donnés en exemple à la jeunesse. Il termine par une comparaison, une argumentation et un point de vue éthique qu'il veut sans appel pour Etxahun : « Errechiñulari ez zeiola galthatzen nula den bizi bena nula dian kantatzen, badate ; gizon bati, ene ustez, ororen etsenplu jarri gabe galtha dakioke haren bizia zer izan den. Ez nizun besterik errateko. » « Qu'on ne demande pas au rossignol comment il vit mais comment il chante, c 'est possible ; mais à un homme, à mon avis, avant de le proposer en exemple à tous on peut lui demander ce qu'a été sa vie. Je n'avais rien d'autre à dire. »

26 À première vue, il s'agit donc d'une réaction d'un souletin peu versé dans les Lettres qui exprime sur Etxahun un jugement conforme à l'opinion courante en Soule et au Pays basque en général. A travers lui, c'est le « bon sens » des gens de la terre qui parle,

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ce sens pratique des propriétaires terriens qui, « de toute éternité », leur fait préférer les valeurs solides du travail et de la transmission familiale du bien à la frivolité des initiatives individuelles d'autant plus dangereuses qu'elles émanent de personnages originaux comme des poètes. En effet, tout jugement critique et esthétique sur l'œuvre du poète est récusé à cause de la vie chaotique qu'Etxahun a menée et sa poésie reste donc irrémédiablement liée au contexte biographique. Cette prise de position qui manque singulièrement de nuances est signée A. Lichalt, autant dire, selon les apparences par un lecteur totalement étranger aux activités culturelles. Il réagit sur le ton de la polémique qui était déjà celui du premier article et, compte tenu de l'opinion tranchée qu'il exprime, semble inévitablement appeler une réponse Mais l'anecdote prend une autre saveur si l'on indique que, selon toute vraisemblance, c'est Pierre Lafitte, le rédacteur en chef de l'hebdomadaire Herria qui a rédigé cet article. Jean Haritschelhar qui a lui-même pris part à la polémique en a acquis la certitude à la suite d'une confidence de Guillaume Epherre, un souletin qui fut un acteur culturel important de cette période de l'après-seconde guerre mondiale et un familier de Pierre Lafitte.

27 Jean Haritschelhar ajoute que Pierre Lafitte a voulu alimenter le débat autour d'Etxahun en publiant cet article sous un nom d'emprunt. On peut également essayer d'interpréter la position adoptée par Pierre Lafitte à travers le discours socialement convenu et conformiste de ce représentant « moyen » de la classe paysanne des années 60 dans la société basque rurale. Le rédacteur de l'hebdomadaire a peut-être vu dans cette polémique l'occasion de débarrasser de façon définitive l'œuvre du poète de cette ombre portée sur elle par la vie tumultueuse et la personnalité controversée du propriétaire-exploitant de la florissante maison Etxahunia. En somme, cette passe d'armes entre le sens commun et le parti-pris esthétique, cette velléité de « Manecha » de ranger Etxahun parmi les grands hommes afin de participer à l'élaboration du panthéon littéraire basque, était le prétexte à accroître l'autonomie de la littérature et des arts par rapport aux autres secteurs de l'activité sociale.

28 Et, conformément au désir de Pierre Lafitte d'attiser la flamme par ses propos provocateurs, la polémique prend de l'ampleur au cours des semaines suivantes. Successivement et sous des noms d'emprunt, ce sont Jean Haritschelhar et Pierre Larzabal qui entrent dans le jeu pour défendre des thèses somme toute très proches. Le premier signe sous le nom de « Etchahun-zalea » le jeudi 22 février un article qui se refuse à reprendre le registre de la polémique pour aborder la question de façon plus nuancée sur un ton soucieux d'apaisement : « Zonbaitek ez dute pertsularia baizik ikusten. Bertze batzuk, zu barne, ez dute nahi ikusi gizona baizik. (...) Nola juja beraz Etxahun jakin gabe egiazki zer sofritu dien ... » Certains ne voient que l'improvisateur. D'autres, vous compris, ne veulent voir que l'homme. (...) Comment juger Etxahun sans savoir ce qu'il a véritablement souffert... »

29 Plus loin, en prenant appui sur l'histoire de la littérature française, il appelle à la constitution d'une tradition littéraire nationale basque et prône l'autonomie du littéraire et du poète Etxahun par rapport à l'homme Etxahun, il est vrai, parfois bien faible ... « Bainan « Manexa » siñatu dien artikuluaren egiliarekin daukagu Euskal literaturan dela Etcxahun « sujet et personaje bat. Frantsesek ohoratzen dituztelarik handizki Villon eta Verlaine « kartzel prenda » izanak diren olerkariak, ez dukeguia guk Euskaldunek ohoratzen ahal Etxahun ? »

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« Mais, avec l'auteur de l'article qui a signé « Manexa » , nous tenons Etxahun pour un sujet et un personnage de la littérature basque. Ne pouvons -nous pas nous les Basques honorer Etxahun alors que les Français célèbrent hautement ces « gibiers de potence » qu'ont été Villon ou Verlaine ? »

30 Dans l'édition du jeudi 1er mars, c'est au tour de Pierre Larzabal d'entrer dans le débat sous le pseudonyme de « Kostatarra ». Il adopte d'emblée une position similaire à celle de Jean Haritschelhar qui consiste à détacher fermement le poète et son œuvre du comportement social de l'homme : « Etchahun goresten badugu, ez dugu baitezpada goresten izan den gizona, bainan utzi daukun lana. » « Si nous louons Etchahun, nous ne louons pas particulièrement l'homme qu'il a été mais le travail qu'il nous a laissé »

31 Pierre Larzabal va même au-delà de cette simple séparation. Il indique que c'est cette vie mouvementée qui a permis à l'œuvre d'atteindre à l'exceptionnel : « Jitezko talendua ez da baitezpada aski buru-lan ederren argitaratzeko. Talendu harek behar du phazkatu... Etchahunek bere talendua phazkatu du bere biziaren goztuz... Berak jasan eta frogatuak -eta ez aments hutsak’ izan dira haren gogobihotzen hazgailu ». « Le talent naturel ne suffit pas nécessairement à faire naître les belles productions de l'esprit. Ce talent-là doit être nourri... Etchahun a nourri ce talent au prix de sa vie... C'est ce qu'il a vécu et expérimenté -et non de pures rêveries-qui ont été la nourriture de son esprit et de son cœur ».

32 Il a donc suffi de quelques articles6 autour de la question de la célébration du centenaire du poète pour renverser les hypothèses de départ de la discussion et faire du poète de Barcus, un être de littérature désincarné, un monument du panthéon littéraire enfin détaché des frasques et des scandales provoqués en son temps par l'homme de chair et de passion. Et c'est Jean Haritschelhar qui, par sa thèse de doctorat publiée en 1969, va consacrer de manière définitive Etxahun-Barkoxe comme poète d'exception. Tout d'abord, il retrace de façon très précise les nombreux épisodes de la vie du « koblakari » en apportant plusieurs centaines de pièces inédites, notamment toutes celles qui proviennent des sources judiciaires. Ensuite, replaçant l'œuvre dans son contexte historique, il montre son caractère exceptionnel en soulignant l'originalité de la démarche poétique d'Etxahun. Celle-ci tranche singulièrement avec les productions habituelles des improvisateurs et autres poètes populaires par, notamment, la dimension autobiographique de sa création. Dans les rééditions successives de leurs « Histoires de la littérature basque », des auteurs comme Michelena ou Villasante intègrent les informations fournies par J. Haritschelhar. Et c'est avec la publication de « L'Œuvre poétique de Pierre Topet-Etchahun » en 1970 que s'achève la période de « canonisation ». Comme indiqué précédemment, J. Haritschelhar établit une édition critique de l'œuvre dans laquelle il reprend et complète l'édition Lhande-Larrasquet qu'il confronte aux nombreuses variantes des chansons découvertes au cours de ses recherches. On peut considérer qu'à la fin des années 60, un siècle après sa mort, grâce à une nouvelle génération d'écrivains et de critiques, ses avocats improvisés, Etxahun a gagné son dernier procès et il accède au paradis des auteurs classiques, toute contestation enfin apaisée.

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Le mythe littéraire : Etxahun et la littérature contemporaine

33 Toute littérature produit ses figures littéraires et certaines d'entre elles parviennent à gagner le ciel des mythes. Etiemble a consacré tout un ensemble d'ouvrages7 à étudier le Mythe Rimbaldien dans la la littérature française moderne. Il a montré comment, le poète créateur de Une Saison en enfer a constitué, malgré lui et de son vivant, une véritable légende en s'éloignant du milieu littéraire et en devenant insaisissable comme l'a bien suggéré le poète René Char, l'un des grands admirateurs de Rimbaud au XXe siècle : « Lorsque Rimbaud fut parti, eut tourné un dos maçonné aux activités littéraires et à l'existence de ses aînés du Parnasse, cette évaporation soudaine à peine surprit. Elle ne posa une véritable énigme que plus tard, une fois connues sa mort et les divisions de son destin, pourtant d'un seul trait de scie » René Char, Recherche de la base et du sommet, 1955.

34 Dans le Mythe de Rimbaud, en 1952, Etiemble analyse les métamorphoses successives de la figure littéraire de l'auteur de Illuminations. Il cite Félix Fénéon, un observateur contemporain de Rimbaud (1854-1891) qui, dès 1886, indique : « Déjà son existence se conteste, et Rimbaud flotte en ombre mythique sur les symbolistes. Pourtant des gens l'ont vu, vers 1870. Des portraits le perpétuent ». Plus loin, Etiemble présente puis livre cette remarque d'André Breton : Oui, tout est mythe chez Rimbaud ; jusqu'aux amours avec Verlaine : « La qualité de Verlaine et de Rimbaud, la singularité de leur rencontre, l'irrégularité de leur passion, la monstruosité de leurs excès, communiquent à l'histoire une sombre couleur mythique ».

35 Bien sûr, le mythe évoqué ici n'est pas celui des ethnologues, des historiens des religions ou des folkloristes, le mythe primitif et fondateur qui explique le monde ou tel de ses aspects les plus obscurs. Il s'agit du mythe littéraire qui à l'image de celui d'Hélène, de Faust, de Don Juan ou plus près de nous de Robinson est sans cesse repris, réécrit, refondé pour éclairer quelque point obscur mais fondamental de l'expérience humaine. Et régulièrement, des créateurs sont débarrassés de leur trop pesante humanité pour s'élever imperceptiblement dans l'éther des existences mythiques. Toujours à propos du mythe Rimbaud, René Char poursuit dans Recherche de la base et du sommet : « Récemment, on a voulu nous démontrer que Nerval n'avait pas toujours été pur, que Vigny avait été affreux dans une circonstance niaise de sa vieillesse. Avant eux Villon, Racine... (Racine que son plus récent biographe admoneste avec une compétence que je me suis lassé de chercher). Ceux qui aimment la poésie savent que ce n'est pas vrai, en dépit des apparences et des preuves étalées. Les dévots et les athées, les procureurs et les avocats n'auront jamais accès auprès d'elle. Etrange sort ! Je est un autre. L'action de la justice est éteinte là où brûle, où se tient la poésie, où s'est réchauffé quelques soirs le poète. »

36 Char développe un argumentaire proche de celui de Jean Haritschelhar et Pierre Larzabal qui, à bien des égards, rappelle le combat finalement gagné au cours des années soixante par les défenseurs d'Etxahun.

37 Intégrée aux manuels scolaires et aux anthologies de la littérature dès le début des années 70, l'œuvre d'Etxahun ne pose plus aux lecteurs contemporains les problèmes de conscience qu'elle faisait naître chez l'archétype de l'abonné traditionaliste de

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l'hebdomadaire Herria que Pierre Lafitte surnomme A. Lichalt et met en scène au moment du centenaire de la mort du poète. Débarrassé des contingences humaines, Etxahun est suffisamment désincarné pour être promu au statut de mythe littéraire. Certes, il n'a pas pour cela les atouts d'Arthur Rimbaud qui disparaît tout jeune de la scène littéraire alors même qu'il ne s'y est pas encore fait un nom. Il ne mène pas non plus la vie aventureuse et exotique du Rimbaud vendeur d'armes ou d'esclaves. Cependant, il faut reconnaître que les nombreuses vicissitudes de son existence, le parfum de scandale qui marque les débuts de sa vie amoureuse, les accusations de meurtre passionnel ou les étranges et répétitives disparitions du pays font d'Etxahun un être à part parmi les gens de lettres du Pays basque. Ceci sans compter les mises en scène savantes et répétées que sont les poèmes autobiographiques dans lesquels il sait si bien se poser en victime. Dans le cadre des Lettres basques, Etxahun possède l'étoffe du « poète maudit » en rupture de société qu'incarne si bien Rimbaud.

38 Devenu créature mythique, le poète de Barcus est, dans la décennie suivante (1970-1980), désormais régulièrement convoqué dans les textes poétiques et littéraires basques. Un nouvelle biographie lui est consacrée en 1987. Elle est l'œuvre de Xipri Arbelbide, celui-là même qui, sous le pseudonyme de « Manexa » avait amorcé la polémique de la célébration du centenaire de la mort du poète. À l'image des autres ouvrages précédemment cités, la biographie de Xipri Arbelbide fait aussi d'Etxahun la victime de circonstances malheureuses qui parfois atteignent la force implacable d'un destin contraire.

39 Dans les limites de cet article, il ne peut bien sûr être question de procéder à un relevé exhaustif des diverses citations, allusions et autres traits d'intertextualité qui évoquent la personnalité du poète de Barcus ou son œuvre. Seuls deux exemples parmi les plus significatifs seront proposés ici ; ils émanent de deux des écrivains les plus reconnus de leur génération, à savoir, Joseba Sarrionaindia et Bernardo Atxaga. Ce dernier publie en 1978 un recueil de poèmes qui fait date. Intitulé Etiopia, il compte des poèmes en vers libres, des poèmes en prose et des essais poétiques sur la poésie. Le second de ces essais, le plus long du recueil porte un titre déroutant : « PIOLET poeta lirikoari buruz zenbait apunte (Hitzaurre gisa, eta omenez) » Quelques notes au sujet du poète lyrique PIOLET (en manière d'introduction et d'hommage)

40 Bien significatif de la manière de procéder d'Atxaga qui propose souvent un emboîtement de lectures possibles et une lecture au second degré, cet essai met l'accent sur les mutations qu'a connues la poésie basque au cours du XXe siècle, un siècle qui l'a vu passer du monde rural avec une prédominance de l'oralité à la ville et au statut de production écrite. Bien sûr, Piolet est le prototype du poète maudit, injustement méconnu. Les allusions aux improvisteurs et poètes populaires abondent dans le texte et Etxahun est en bonne place parmi les personnalités sollicitées de façon implicite. Comme lui Piolet a maille à partir avec son père et ses camarades d'école. Comme lui il a consacré un poème marquant à son premier amour et, à travers d'autres pièces poétiques Piolet s'applique à rendre hommage à ces improvisateurs gardiens de la culture populaire qui se déplaçaient de village en village. De même, le narrateur montre comment Piolet s'intéresse à deux poètes populaires « Kutxillet » et « Pospoilet » dont les noms aux consonances béarnaises ne sont pas sans rappeler des personnages dignes de figurer dans une mascarade ou une autre production théâtrale

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populaire. Du reste, le narrateur poursuit en précisant que ces poètes ont été retirés des anthologies car bien peu recommandables : « Eta dakizuenez, oso bereziak izan dira bi poeta horik literaturan, eta aspaldidanik daude testuetatik kitatuak ez baitira exemplu onak konsideratzen. Et comme vous le savez, ces deux poètes ont été très particuliers dans la littérature, et depuis longtemps ils sont retirés des textes car ils ne sont pas considérés comme de bons exemples. »

41 Tous ces éléments ne manquent pas de rappeler Etxahun d'autant qu'une allusion directe à un vers du poète figure dans le texte : ... ez dut nahi inoren laguntzarik Josafateko zelaira abiatu auuretik... Je ne veux d'aide de personne Avant de partir pour la plaine de Josaphat. Etiopia « Haboro bizitzen ezpaniz, Josafatera artino. Si je ne vis pas davantage, adieu jusqu'à ( la vallée de) Josaphat, » Extrait de « Ahaide delizius huntan » de Etxahun-barkoxe

42 Dans ce recueil où, aux côtés de Rimbaud, rares sont les auteurs de langue basque qui sont nommés (Axular, Lizardi), Etxahun se voit consacrer un poème entier : Jarri zara bidean Ba zatoz Etxahun Tu t'es mis en route, tu arrives Etxahun

43 Les allusions à certains incidents de la vie du poète sont très claires à l'image de l'évocation de la hache ou du coup de feu qui valurent à Etxahun quelques-unes de ses années de prison. Quant à l'expression « Desertuko ihizik » (les bêtes sauvages du désert) qui figure à la fin du texte, elle est bien évidemment une référence directe au poème « Mündian malerusik » dans lequel le poète se compare à elles. Du reste, à la fin de ce poème, Etxahun prend la direction de la ville comme annoncé dans l'évocation du poète Piolet.

44 Atxaga n'est bien sûr pas le seul des écrivains contemporains à solliciter le mythe Etxahun dans son œuvre. Joseba Sarrionaindia fait de même à la même époque. Dans le recueil intitulé Izuen gorde lekuetan barrena (À travers les repaires des terreurs) avec lequel il remporte le Prix Azkue en 1980. Sarrionaindia évoque aussi directement la figure du poète souletin dans un poème intitulé « Testamendua » (Testament). Celui-ci évolue aux côtés de Alice, l'héroïne de Lewis Carrol ou encore de Van Gogh, d'Ophélia ou encore d'Ulysse de retour à Ithaque. Il n'est pas nécessaire de multiplier les éxemples pour comprendre que Etxahun a manifestement changé de statut dans l'imaginaire des écrivains de langue basque. Il n'a plus rien du poète paysan à la fois craint et vilipendé par ses concitoyens de Barcus ; il n'est pas non plus utile de passer par un long plaidoyer destiné à justifier la distinction entre l'homme parfois peu recommandable et le poète toujours inspiré pour avoir le droit d'invoquer son autorité ou son inspiration.

45 À la fin des années soixante-dix l'œuvre a définitivement pris place parmi les classiques aptes à figurer dans les anthologies scolaires. L'homme Etxahun s'est effacé et seule demeure cette figure de poète inspiré mais maudit, cette silhouette insaisissable qui, à l'instar de Rimbaud pour la littérature française, est devenu l'un des mythes littéraires le plus utilisé dans la littérature basque contemporaine. Si l'on doit lui chercher quelque alter ego, il n'est pas sûr qu'Axular et Dechepare soient sur ce point susceptibles de rivaliser avec lui. Qui parmi ses successeurs du XXe siècle pourraient

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prétendre à l'égaler ? Peut-être Lizardi emporté par la mort au sortir d'une brillante jeunesse, Lauaxeta fusillé par les soldats franquistes comme Lorca ou encore Jon Mirande, le poète d'origine souletine qui, rejeté par les siens et méconnu par le public, finit par mettre un terme à ses jours. On l'a vu à propos d'Etxahun, le chemin qui mène un auteur au stade de mythe littéraire est bien escarpé et rares sont les créateurs qui accèdent à ce panthéon.

BIBLIOGRAPHIE

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Francisque Michel, Le Pays basque, 1857.

J. DJ. Sallabery, Chants populaires du Pays basque, 1870.

P. Lhande, « Le Barde Etchahoun », Revue Gure Herria, 1923.

P. Lhande, J. Larrasquet, Le poète Pierre Topet dit Etchahun (1786-1862) et ses oeuvres, 1946.

P. Espil, Etchahun le malchanceux, 1948.

P. Larzabal, Etchahun, 1951.

Y. Etxaide, Joanak Joan, 1955.

Etxahunen bertsoak gipuzkeraz, adaptation dialectale des vers d'Etxahun par Y. Etxaide, 1969.

J. Haritschelhar, L'Oeuvre poétique de Pierre Topet-Etchahun, 1970.

B. Atxaga, Etiopia, 1978.

J. Sarrionaindia, Izuen gorde lekuetan barrena, 1980.

NOTES

1. Le Pays basque, Francisque Michel, 1857. 2. Chants populaires du Pays basque, J. DJ. Sallaberry, 1870. 3. Pas de référence nominative chez Francisque Michel et Sallaberry lui en attribue nominativement deux (Oi ! Laborari gachua, Belhaudiko bortian). 4. Francisque Michel : « Les poésies populaires », Le Pays basque, 1857. 5. Le même Yon Etxaide a fait également paraître l'œuvre du poète souletin dans une version adaptée au dialecte guispuscoan : Etxahunen bertsoak gipuzkeraz. 6. Il existe un cinquième article qui a paru dans la même série : en date du jeudi 29 mars 1962, il est signé « Mauletar bi Batichtak ». Il n'apporte rien de nouveau sur le fond et ne débat que de points secondaires et, somme toute, assez anecdotiques. 7. Le poète souletin Pierre Topet-Etchahun (1786-1862), J. Haritschelhar, 1969.

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INDEX

Thèmes : littérature, philologie Mots-clés : Etxahun-Barkoxe (1786-1862), biographie d’écrivain, poète, écrivain moderne, critique littéraire Index chronologique : 18e siècle, 19e siècle

AUTEUR

JEAN CASENAVE

Université Michel de Montaigne Bordeaux 3, IKER UMR 5478 CNRS [email protected]

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Zubereraren idazkeraz : ortografia, fonetika eta fonologia

Jean-Baptiste Coyos

1. Sarrera

1 Zuberera euskalki bat dela aspaldidanik onartua da. Mendeen zehar zenbait idazlek zubereraz idatzi dute eta orain gero eta gehiago dira zubereraz idazten dutenak, batez ere pastoral testuak. Denborarekin zubereraren idazkera aldatu da. Artikulu honetan aztertu nahi genuke zertan den oraiko zubereraren ortografia eta zein diren horren ahozko mintzairarekilako loturak1.

1.1 Euskaltzaindiaren erabakiak euskalkien idazkeraz

2 « Arantzazuko Biltzarreko prestatu zuen txostenean, Euskara Batua euskara idatzirako zela mugatu zuen Koldo Mitxelenak » (Euskaltzaindia, 1998 : 1). « Ezin-bestekoa. il-edo- bizikoa (sic), dela uste dugu euskera batasun-bidean jartzea nahi eta behar dugun batasun hori, lehen urratsetan behintzat, euskera idatziarena, izkribuzkoarena da » (Mitxelena, 1968 : 203). Artikulua honetan zehar, 1968an Arantzazun Mitxelenak Euskaltzaindiari aurkeztu zizkion idazkerazko eskabide batzu aipatuko ditugu. Oraiko zubereraren idazkeran onartuak izan dira. Ber bidean ibiliz, bere 1978ko Bergarako biltzarrean, Euskaltzaindiak erabaki garrantzitsu batzu hartu zituen idazkerari buruz : « Zein da Euskaltzaindiaren jarrera euskalkiei eta toki bateko hizkerei buruz ? Adierazpenean esaten da Euskaltzaindia horiek lantzearen alde dela baina beti ere ortografia eta hizkuntzaren azpiegitura zainduz » (1979 : 101). Eta gai hori zaila zela bazakian : « Beste aldetik, puntu hau garrantzitsua dela ez da dudarik, zeren gaur tiroak Euskaltzaindiari hortik heldu baitzaizkio. Hots, euskalkien eta herriko euskararen izenean » (ibid.).

3 Alabaina euskalkien ortografia bera eta bakarra izan behar da Euskaltzaindiaren ustez : « Euskara hizkuntza bat da eta ez hizkuntza asko. Hizkuntza osoarentzat ortografia bat onartua denez gero, begien bistan da ortografia bakar hori erabili behar dela bai

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euskalkietan eta bai euskara batuan ere... Hizkuntzaren barnean ortografia bat baino gehiago erabiltzeari kaltegarri deritza Euskaltzaindiak » (1979 : 104)2. Hogei urtez goizago, ez zen Henri Gavel-en iritzia, adibidez : « ...le souletin a autant de droit que n'importe quel autre dialecte a etre pourvu d'une orthographe qui tienne compte de ses particularites propres » (1960 : 213). Euskaltzaindiaren ustez euskararen oinarri batu bat badugu : « Euskalkien axaleko ñabarduren gainetik hor da hizkuntzaren muin sakon eta iraunkor hori, hizkuntzaren oinarri batua, eta hori da beti gogoan eduki behar duguna, baita euskalkiak lantzen direnean ere » (1979 : 105). Bainan Euskaltzaindiak azpimarratzen zuen, ber aldian, ez zuela ahoskatzea arautu nahi : « Erabaki hauek grafiari begira daude eta oraingoz ahoskatzeaz ez da ezer adierazten » (1979 : 92).

4 Horretan da erronka zeren eta, dakigun bezala, ortografiak eta ahoskatzeak lotuak baitira, nahi ala ez. Eta ortografiak ez baldin badu ahoskera manatzen, eragintzen du halere. Ber denboran ere ez dugu ahantzi behar idazkera ahozko mintzairatik etortzen dela eta ez kontrakoa.

1.2 Zubereraren ortografiaren finkatzeaz

5 Euskaltzaindiak bere 1999ko Zuberoako herri eta herritarren izendegia-n behin betiko Zuberoako herri eta herritarren izenen ortografia finkatu ditu3. Gauza on bat da eta erabaki mota horiek Euskaltzaindiaren zereginetan sartzen dira. Lan hori intcresgarria da ere bai zeren eta hautatu diren epaibideak zehaztuak baitira. Alderantziz izen berezi horiek bazterturik, jakin behar da Euskaltzaindiak ez duela deus erabaki zubereraren idazteko molde egokiaz, hobeki erranik zubereraren ortografiaz. Gorago aipatu Bergarako erabakiek euskalki oroendako balio dute. Bainan dakigun bezala salbuespen bat bada aspaldidanik zubereraren idazkeraz, u hizkia erabilia baita [y] ahozkatzen denean. Eta Euskaltzaindiak grafema hori ez du baztertu4.

6 Haatik hogei bat urtez geroztik bi zuberotar euskaltzainak, idazle batzu, zenbait aditu lan horri lotuak izan ziren eta orai erraiten ahal dugu zubereraren ortografia finkatua dela. « Euskara Batuaren araberako grafia berria hedatu da zubereraz ere, Euskaltzaindiak Bergarako Biltzarrean, 1978an, erabaki zuenaren arabera. Logikoa eta errexa da grafia berri hau » (Davant, 2001 : 8). Horrek ez du erran nahi zubereraz idazten dutenek denek artoski erabiltzen dutela, bainan erabiltzen ez dutenak guti dira.

1.3 Artikulu horren helburuak

7 Zuberera euskalki bakoitza bezala ezaugarri lexiko, sintaxiko baita ere fonetiko eta fonologiko batzuen bidez bereizten da5. Artikulu horren helburuak dira oraiko zuberotar grafiari buruzko zenbait gogoeta egitea, grafi berri horren mugak argitzea, zuberotar ahoskeraren eta zuberotar idazkera arautuaren arteko loturak aurkeztea. Finkatua den oraiko grafia eta euskalkiaren fonetika, fonologiaren elkarrekilako harremanak marraztuko ditugu. Hortako deskribapen fonetiko-fonologiko bat beharrezkoa da6. Laburbilduz eta xehetasunetan sartu gabe, « fonologia » hitzak zer erran nahi duen adierazteko hori da ikerlearen lana : aztertzen duen hizkuntzan bilatzen du zein hotsek balio bat duten, beste zenbaitek ez dute baliorik (adib. [œ]

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hotsak ez du baliorik euskaraz). Hizkuntzaren balio duten hotsak fonologikoak dira hizkuntza honetan.

8 Gerla baten piztea ez da gure nahia, bainan bai ikustea zertan den duela guti finkatua izan den zubereraren ortografia. Finkatze hori xantza bat da eta idazletarik gehienek onartu dute.

9 Hizkuntzen ortografia ez dela osoki fonetikoa edo fonologikoa ezaguna da. Bainan ortografia bakoitza hurbiltzen da guti gora behera hizkuntzaren fonetikatik (edo fonologiatik). Dakigun bezala frantsesaren ortografia hurrun da bere fonetikatik. Lan honi esker ikusiko dugu beraz euskarak, hemen hainxuxen zubererak, idazkera fonetiko bat, fonologiko bat duenetz, maiz erraiten den bezala. Artikuluan zehar beraz ikusiko dugu hobekixago zer adiera duen gorago aipatu genuen Davant-en « logika » hitzak (1.2). Alderantziz ez dugu kasu eginen hitzen etimologiari, ez ere zubereraren kondairari.

10 Junes Casenave-Harigile-n zubererari buruzko 1989ko Hiztegia Français-Euskara eta 1993ko Hiztegia II Eüskara-Français baliatuko ditugu, eta bai ere Piarres Charritton-en 1997ko Hiztegia Dictionnaire hiztegia, hori konparaketa egiteko zubereraren ortografia « Iparraldeko batua »-ren eretzean7. Casenave-Harigile-n hiztegiak hartzen ditut bakarrak baitira oraiko ortografiarekin argitaratuak direnak. Zubererazko aitzineko hiztegi orokorra Lhande-n 1926koa zen. Geroztik lexiko batzu ez ziren argitaratu baizik. Casenave-Harigile-n bi hiztegi horiek zinez baitezpadakoak bilakatu dira beraz, hutsune handi bat baitzen. Zubereraren oraiko ortografiaz lekukoak bilakatu dira. Txomin Peillen-ek dion bezala Casenave-Harigile-n lehen hiztegiaz, 1989koaz : « Hiztegi arauemailea da... beraz Züberoeraren idazteko, euskalki horren arauzkatzeko egina da, ez linguistentzat8 » (1989, Aitzin hitza) ; eta horrentzat hartuko dugu artikulu honetan. Halere erran behar da hiztegi horiek leku emaiten diotela euskara batuari, ikusiko dugun bezala, batua zubereratik bereizi gabe9.

11 Beraz, hiztegi horietako grafiazko aukera batzu argitaratzea artikulu honen helburuetarik bat da ere. Bainan behin betikotz lerro hauen irakurleak jakin dezan tresna horiek bazter gabeko balioa dutela neretzat eta zubererazaleentzat.

2. Zubereraren grafiaren bilakaeraz

12 Zubereraren grafiaren bilakaera osoki aurkeztu nahi gabe, aro nagusien idazteko molde batzu aipa ditzagun. Jakina da Juan deTartas- en Ontsa hiltzeko bidea (1666) lehen zuberotar liburua ez dela10. Tartasek berak zion : « Ene euskara, eta lengajia eztakit aprobatia izanen denéz, bai, ala ez, badü orotarik zerbait, Zuberoak, Basa-nabarrek, eta Lapurdik eman drauko zerbait, baina ez oro » (1666 - 1975 : 7). Tartasek ezagutzen zituen hizkuntza « guztien orthographien nahasmendu izugarri bat egiten duelako... oso guttitan salbu, ez du lül eta lul orthographiaz bereizten » (Eguzkitza, ibid., XX).

13 Erran behar da Athanase Belapeyre-ren Catechima laburra... ez dela ere egiazko lehen zuberotar liburua (1696 - 1983)11. Pello Agirrek testu zaharrago bat aurkeztu du 1676ko Pronus singulis diebus...testu anonimoa, behar bada Belapeyrek idatzirik (A.S.J.U., 1998). Idazleak ou digrama erabilzen du /u/ transkribatzeko eta u grafema /y/ fonemarendako, c /k-rendako bai ere /s/-rendako i eta e aitzinean, ç /s/ fonemarendako a, o eta u aitzinean, /z/ eta /z/ herskari txistukari ahostunak ez ditu bereizten, herskari hasperen ahoskabeak ez ditu bereizten ere th /t h/ salbu, /h/

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hasperena idazten du h-ekin, orain bezala ñ /ɲ / fonemarendako ez du erabilten bainan in, etab. Hots, guti gora behera frantsesaren idazkera. Hiru mendez idazle guztiek eginen duten bezala, hitzaren azken bokalaren hersketa -a aitzinean irudikatzen du : adib. gure+a > gouria, orain gurea [gúja].

14 Bi mende geroago, 1848an, Archuk frantsesetikako grafia bat erabiltzen zuen oraino eta badirudi bere grafia ez zela biziki landua : « Archuren testuan erabat ezinezko gertatzen da u-ren eta ü-ren artean bereiztea, bietarako... grafiaz baliatzen baita... Bokalarteko -r- bakunak zubereraz galdu ohi dira... La Fontaineren alegien itzulpen honetan, bilakabide hauei dagokielarik, egoera aski nahasia da » (1848 – 1990, Ricardo Gómez-en hitzaurrean : 16-17).

15 Hamar urte geroago, Emmanuel Inchauspé-k, euskal fonologia kontutan artuz, zubererarena barne ere, grafia argi eta guti gora behera bikoiztasunik gabea erabilten zuen : ou /u/-rendako eta u /y/-rendako, herskari hasperen ahoskabeendako ph, th, kh, tt eta ll hizki bikoitzak bustidurendako, ñ, y /d/ bustiaren orde, ch frantsesez bezala /∫/ idazteko, etab. (1858 : XI-Xü). Jakin behar da lan hori hizkuntzalari batena zela. Frikari txistukari ahostunendako, halerik ere, grafema berizirik ez zuen hautatu eta beraz /z/ ez zuen baizik bereizten j-ri esker12. Louis Gèze-k ere bere Eléments de grammaire basque, dialecte souletin... liburuan Inchauspé-ren grafia erabili zuen (1873). Horien ondotik, XX. mendeko hastapenean, Jean-Baptiste Constantin-ek u eta ou, ch, ill, mb nb-ren ordez, etab., erabilten zituen (1926 - 1996, Patri Urkizu-ren aitzin-solasean : XV).

16 Zuberotar grafiaren historia zirriborro labur hau bukatzeko eta oraikoa aztertu baino lehen, aipa dezagun Pierre Lhande-k bere hiztegian erabilten zituena (1926 : XXXI). Orduko Euskaltzaindiak ortografia onartua zen : ü, u, x, tx, ph, th, kh, /t/, /d/ eta /λ lkontsonante bustiendako marratxo batekilako hizkia, ñ, r dardakari bakunarentzat eta ŕ dardakari anizkunarentzat. Bi grafema baizik ez ziren faltatzen Iparraldeko euskalkien fonologiari osoki moldatu izateko : zuberotar /z/-ak eta /z/-ak ez zuten hizki berezirik, jakinez zubereraren bokal sudurkariek ez zutela ere grafema berezirik bokalea + n taldeak aparte (adib. handi [hãdi] bainan ahate [ãhãte]).

17 Bere Zuberoako idazle zenduak liburuan, Jean-Louis Davant-ek grafia hori eta oraikoa buruz buru ezarten ditu lehen aldikotz argitaratu den Clement de Jaureguiberry (1895-1965)-ren « Mort pour la France » testuan, bi grafiez idaztez (2001 : 138-153). Davant-ek dio : « ...lehenik agertzen dut ortografia xaharrean... Zuberera nola behar den ahoskatu dastatuko du..., fonetika hurbilagotik errespetatzen baitu. Baina logikaren araberakoa da bigarrena, sinplea, erreza » (2001 : 139). Jaureguiberry-k, ordu arte idazle guztiek egiten zuten bezala, hitzen aldaketa fonetikoa markatzen zuten : eskian (138) / esküan (139, Davant), emaztiak (138) / emazteak (139, Davant), onduan (144) / ondoañ (145, Davant)13... Beherago ikusiko dugun bezala, 4. atalean, txandaketa hori morfologia fonetikoan sartzen da : bokalen ahoskatzea kanbiatzen da testuinguruaren arabera, -a aitzinean. Beraz grafia hori fonetikoa da fonologikoa baino.

18 Gainera ohartzen da Davant-ek beste zenbait hitzen grafia kanbiatzen duela zubereraren oraiko grafiari jarraikiz : untsa (138) ontsa-z (139) ordezkatzen du, hun (144) hon-ez (145), ikhusi (140) ikusi-z (141), ürhats (140) urrats-ez (141), bueita (144) boita-z (145), ixker (146) ezker-rez (147), etab. Kasu horietan ez dugu ahoskera manatzen duen testuinguru fonetiko berezirik. Ortografia berriak hautu bat egin du, hautu horrek ez du gauza handirik ikusteko zubereraren fonetikarekin edo morfologia fonetikoarekin, bainan bai grafia berdintasunaren bidearekin, Euskaltzaindiak agintzen zuen bezala (ikus 1.1). Davant-ek aipatzen zuen erraztasuna da euskara batua irakurtzen

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badakitenentzat. Gehiago aztertu gabe, hori ondoko ataletan eginen dugu, ohar daiteke ere zubereraren grafia berria « logikoa »-ren, batasunaren bururainp ez 'dela joaiten osoki : adibidez idatzi behar genuke heldü eta ez heltü [hεlty] onartua den bezala, saldü [sáldy] edo bildü [bíldy] idazten den ber ; egtingo eta ez egtinko [egyko] egiten den bezala ; gazna [gazná] onartua izan da gasna- ren edo gazta- ren ordez, etab.

19 Henri Gavel-en iritziaz, « substituer purement et simplement a cette orthographe traditionnelle celle qui est en usage pour le labourdin serait le defigurer, en lui donnant l'aspect d'un parent pauvre que l'on aurait affuble d'un costume fait pour un autre membre de la famille » (1960 : 213), lotsa hori egiaztatu da pixka bat. Horrek ez du erran nahi zubererak bere ezaugarriak galdu dituela, jakinez ortografia bat hitzarmen bat baizik ez dela. Bainan, ortografia berri horrengatik, zuberera beste euskalkietarik eta euskara batutik bereziki hurbildua da bere itxura berriaz. Jean-Louis Davant-ek oraiko grafiaz idazten du : « Berria, Gau-Eskolek eta Zuberoako ikastolek batuari hartu die ta (sic) zubereran ezarri. Logikaren araberakoa den baina zuberotar ahoskeratik urruntzen da zinez, hau ez baita batukoa » eta « irakur errexa da, bereziki zuberotarrak ez direnentzat. Baina zuberera bere fonetikatik urrun dezake. Haren eta batuaren arteko euskalki berri bat ote digu sortuko » (1993 : 41). Nere ustez egia da grafia berri honek zuberera ere kanbiatuko duela zeren eta hiztun gazteek eskolan ikasten baitute zuberera familian eziez. Eta erran nezake « logika » hitz hori ez dela hain egokia, grafia hori « bateragarria » dela lehen lehenik.

20 Bainan iritzi hori gehiago azaldu gabe, ikus dezagun zein diren gaurregungo grafemak, hizkiak eta horiekin joaiten diren fonemak.

3. Ohar batzu oraiko ortografiaz : fonemen eta grafemen arteko elgarrizketak

21 Zubereraren fonemak eta haien grafemak ondoko bi tauletan aurkezten ditugu. Ikusten den bezala, zenbait fonemak bi idazteko manera baditu. Erran behar da ere bokal sudurkariak ez direla beti markatuak. Alderantziz, fonema batzuek ber grafema badute. Orokorki oraiko ortografia sinplea da, Davant-ek erraiten zuen bezala (ik. 2). Bainan ahozko mintzairarekilako harremanak argitu behar ditugu erabaki aitzin, ikusteko ere « logikoa » denetz.

3.1 Zubereraren fonemak eta horien grafemak

22 Bokalak

23 Kontsonanteak14

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3.2 Bokal sudurkariak. : /ĩ/, /ỹ/, /έ/, /ũ/, /õ/, /ã/

24 Bokal sudurkariak fonetika ingurumen desberdinetan agertzen dira eta ondorioz horien ahoskera desberdina da pixka bat ingurumenaren heinean. Horiek dira mota ezberdinak :

25 • Bokala + kontsonante sudurkaria Atzeranzko asimilazioa /n/ aitzinean : adib. handi [hãdi], [handi] eziez. /ũ/ ~ /õ/ oposaketa fonologikoaren adibidea : /hutto/ hontto « gozoki » ~ /õddo/ onddo. Hitzaren azken silabako /n/ ahoskatzen da : egün (85) [égyn]. Ortografiak sudurkaritzea erakusten du n-ren bidez. Frantsesaren historian gertatu zen bezala, bokala sudurkaritzen da /n/ kontsonante apiko-alabeolare sudurkariaren aitzinean.

26 • Kontsonante sudurkaria + bokala Aurreranzko asimilazioa /n/ edo /m/ gibelean : ama [ãmã] edo [áma], arrano [aranu]. Ingurumen fonetiko honetan sudurkaritzea ez da beti egina eta ortografiak bokal sudurkariak ez ditu erakusten.

27 • /h/ ondoan Adib. ahate [ãhãte] latinetik anas, anitis ; xahü [fahy] « xahu, garbi ». Gisa berean, kontestu honetan sudurkaritzea ez da beti gauzatzen eta ortografiak ez du seinalatzen. Alderantziz ohe [óhe] sudurkaritzerik gabe ahoskatzen da.

28 • Azken silabaren bokalaren sudurkaritzea Adib. karru / karroi ( Hiztegia II : 243) [kharú] edo [kharú] « horma, karroin » bainan karruntatü [k haruntáty] « karroindu »kontsonante sudurkariarekin ; biamesetikako maileguetan : arrazoin I arrazu (30) [arazu] « arrazoin » edo [arazú] (ikus ere Lafon, 1962 : 88). Goiko oharrak kasu honetan ere aplikatzen dira eta ohar daiteke zubereraren ortografian -oin taldeak -u [u] edo [ú] emaiten duela.

29 Bokal sudurkariekin ez dut uste beste grafema baten asmatzeak balio duela. Pentsa dezakegu bokal sudurkari hiru azken motak galduko direla, frantsesez ez baitira ahoskatzen kontestu horietan. Erran behar da ere ahoskatze txandaketa badela hiztunen arabera, sudurkaritzea automatikoa ez delarik. Asma dezakegu sudurkaritze fonologikoa lehen sudurkari motarentzat ez dela baizik izanen denborarekin, kontsonante sudurkariaren galtzeak aitzineko bokalaren sudurkaritzea erakartez.

3.3 Aitzineko bokal ezpainkaria : ü = /y/

30 Sarreran erran dugun bezala, /y/ fonemak hizki berezi bat badu, ü15. [y] hotsa Oihenart-en garaian, XVII. mendean, erabilia zen Zuberoan berak aipatzen duen bezala eta Leizarraga-ren garaian ere René Lafon-en ustez16.

31 /y/ baizik ez da erabilten testuinguru zahar batzutan /u/-ren ordez, bainan bai ere frantsesetikako maileguetan /œ/-n ordez, azken fonema hori euskal fonologian ez delakotz sartzen : frantsesez [traktœr] tracteur, zubereraz [traktýr] bilakatzen da ; frantsesez [bœr(ə)] beurre « guri », zubereraz [býra]... 32 /y/ fonemarekin ez da « fonema zalantzarik » edo « fonema gorabeherarik » (ikus 4.1) : /u/ edo /o/ ez dira nehoiz ahoskatzen /y/-ren ordez. Hona oposaketa fonologikoaren adibide bat : /hyr/ hür (bat. hur) ~ /hur/ hur (bat. ur) ~ /hor/ hor.

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3.4 Gibeleko bokal ezpainkaria : o = /o/ eta /u/

33 2. atalaren bukaeran aipatzen genuen oraiko grafia bategilea gauzatzen da /u/ bokal ezpainkariarekin. Kasu batzutan [u] ahoskatze denean o grafema erabiltzen da u-ren ordez : moldatü ( Hiztegia II : 309) [muldáty] ; tronpatü (416) [tru(n)paty], Etxartek trunpatü (2002 : 22) ; lano (265) [lanhú] ; ohoin (337) eta uhoin (429) [uhún]... /u/ ~ /o/ oposaketa fonologikoa da : /lu/ lu « baldoki » (Hiztegia II : 279 « lo 1) tempe ; cf. lu ; 2) sommeil... ») ~ /lo/ lo.

34 Ez da txandaketarik hitz horiekin, [u] ahoskatzen da eta ez [o] ahozko mintzairan. /o/- tik /u/-rako aldeketa hori ez da oraikoa17. Nere ustez u idatzi behar genuke hitz mota horrendako, beste euskaldunek ahoskera jarraikitzen duen grafia hori uler lukete ere trabarik gabe.

35 On / hon / hun. On hitza idazteko Casenave-Harigile-k hiru grafia eskaintzen ditu Hiztegia II-n : hun (191), hon (187) eta on (342). Batasunari jarraikiz on hirugarren grafia, h- gabekoa, hautatu behar luke ; zubereraren bidean ibiliz hun izan daiteke, [hun] ahoskatzen delakotz. On-etikako eratorpenean erran behar da ontsa (345) badugula, [úntsa] edo [utşa] [h] gabe ahoskatzen dena. Hunki ez da emanik, honki (188) eta ongi (344) baizik, [huki] ahoskatzen den ere. Etxart-ek hunki idazten du (2002 : 8).

3.5 Leherkari gangarkari hasperen ahoskabea : /h/ h eta /n/, /ɲ /, / 1/, /r/ + /h/ bikoteak

36 • /h/ h Dakigun bezala h grafema Euskaltzaindiak onartua izan da, euskal alfabetoko hizki bat da. Zuberoan /h/ egiazko fonema bat da, frantsesan ez izanik ere, eta ahoskatzea ez da galtzen. Bere Hiztegia II- n, usaiako aurkezteko manera erabiliz, Casenave-Harigile-k bi ortografia eskaintzen ditu, batuarena eta zubereraren bat : adib. hur zubererarena (192) eta ur batuarena (433), jakinez [hur] ahoskatzen dela. Hobe ere, aize (12) emaiten ditu eta haize (bat.) (162), [ajse] ahoskatzen dena. Aldi honetan h- gabeko grafia berezi bat badugu, àize, Zuberoako ahoskerari egokia dena.

37 • Kontsonantea + / h/ « H-rik ez da idatzitako itxitura -osoa duten kontsonanteen ondoan...Baiona-n erabaki zenez, ezta ere bestelako kontsonanteen hatzean : erho, belhar, unhatu eta horien gisakoetan » (Mitxelena, 1968 : 207).

38 Kasu honetan azpimarratu nahi dut silaba egitura ez dela ongi aztertua izan. Silaba mozdura hasperena baino lehen egiten da eta beraz kontsonantea eta /h/ ez daude ber silaban. Herskari hasperen ahoskabeen kasuan ez gaude, maiz erraiten den bezala : / ph/, /th, /kh/ fonemekin hasperena herskadurari lotua da (ik. 3.6). Orain aztertzen dugun kontestuan, kontsonante baten gibelean, /h/ ez da galtzen ari, dirudienez. Alderantziz /ph/, /th/, /kh/ fonemen hasperena ez da beti gauzatua.

39 • /nh/ n : lano (Hiztegia II : 265) [lánho] ahoskatzen da. 40 • /ɲh/ ñ : eine (87) « neke », [έɲ he] ahoskatzen da eta ez [έjne]. 41 • /lh/ l : alor (17) [álhɔr] ; elesta (89) [elhέşta] ; ilun (bat.) (209) / ülün (431) [ýlhyn]. Zal(h)e (459) [sálhe] (Étxart-ek zalhe, 2002 : 96) eta zal(h)ezal(h)ea (460) izenen h-a mako artean idatzia da. Aterabide hori ez da hain argi : erran nahi ote du bi grafiak egokiak direla, /j-ekin eta h gabe ?

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42 • /rh/ r : marranta (296) [marhãta], üirre(436) [ýrhe]... Kontsonante sudurkari bakuna ahoskatua ez baita (ik. 3.10), [h] ahoskatzen da idatzia ez izanik ere : er(h)i (100) « behatz » [éhi] ~ eri (100) [εj] ; ero (101) [έrho] ~ eho « hil, erail » (86) [eho] ; orit (349) [óhit], Etxart-ek orhit (2002 : 66) ; soro (395) [şóho]...

43 • Diptongoa + /h/ : /nh/, /jih/, /lh/ eta /rh/ bi fonema taldeekin auher « alfer » (37) [awher]edo oihan (357) [ojhan] kasuan bezala gaude. Diptongoa eta /h/ ez dira ber silaban. Auher-ren edo oihan-en grafiek ahoskatzea errespetatzen dute. 44 Oraiko zubereraren ortografian, /n/, /ɲ/, /1/ edo /r/-n ondorengo /h/ fonema ez da markatua, erran nahi baita /nh/, /ɲh/, /lh/ eta /rh/ taldeetan. Nere iritziz izan behar daiteke, diptongo ondoan eginik den ber, alhor, elhesta, lanho, ülhün..., lehen idazten zen bezala, oposaketa ageraraziz : ala juntagailua ~ alha (Charritton : 10), aran « ibar » ~ arhan fruitua, eri ~ erhi « behatz ». Hemen ere, zuberotar ez diren euskaldunek ahoskera jarraikitzen duen grafia hori uler lezakete trabarik gabe.

3.6 Herskari hasperen ahoskabeak : /ph/p, /th/t, /kh/ k

45 Lafonek eta Mitxelenak ez zuten ohartu herskari hasperen ahoskabeak egiazko fonemak direla zubereran, bereziki duela guti mailegatuak izan diren hasperenik gabeko hitzei esker18. Bikote edo hirukote batzu badira : /bala/ bala (arma) ~ /p ala/ pala (lanabes) ~ /pala/ pala (pilota) ; /mót ho/ moto « motto, mototx » ~ /moto/ « motozikleta » ; /t arta/ tarta « sasi » ~ /tarta/ tarta (pastiza) ; /k haráty/ karratü « kerra » ~ /karaty/ « karratu » ; /makháty/ mankatü « zauritu » ~ /mãkáty/ « hutsegin », etab.

46 Oraiko zubereraren idazkeraz Euskaltzaindiaren araua onartua izan da : « H- rik ez da idatzitako itxitura osoa duten kontsonanteen ondoan (aphez, athe, ekharri, etc.) » (Mitxelena, 1968 : 207). Halerik ere, Zuberoako herri izen batzutan Euskaltzaindiak hasperenaren idaztea onartu du, estakuru emaitez izen bereziak direla : Atharratze, Atherrei, Ithorrotze (ikus Euskaltzaindia, 1999 : 7 eta 15) 19. Gorago erran dudan bezala, finkatuak izan diren Ainharbe, Arhane, Olhaibi, Zunharre, Zunharreta grafiak ez dira ber kasuan fonologiaren ikusmoldeaz, bi fonema direlakotz (kontsonantea + h) (ik. 3.5).

47 /ph/, /t/ eta /kh/ herskari hasperen ahoskabeak galtze irriskuan daude. Hasperena ez idazteko argudioa izan daiteke ez dela beti ahoskatzen, « fonema zalantza » batengatik desagertzen ari dela (ikus4.1) : hitzaren arabera zenbait hiztunek herskaria hasperen gabe akoskatzen baitute, bereziki gazteek. Adib. : piper « biper » [p híper] edo [píper] ; arto [ártho] edo [árto] ; ikasi [ikhási] edo [ikási]... Eta ez baldin badira idazten, segur da herskari hasperendunak gero eta gehiago galduko direla, kontutan hartuz bigarren atalean azpimarratzen genuena : gazteek zuberera eskolan ikasten dutela familian eziez.

3.7 Sabaikariak, kontsonante bustiak : /ɲ/ ñ/in, /λ/ il/ll,/ʈ/ it/tt, /ɖ/ dd

48 Kontsonante bustiei buruz hori da Euskaltzaindiak erabiki duena laburbilduz : « 1. Euskaltzaindiak ontzat hartzen ditu ñ, ll, tt, dd eta tx kontsonante palatalen grafiak balio adierazkorra duten kasuetan, hala nola andereño, haurño, ñabar, llabur... Maddalen... hitzetan agertzen direnak. 2. Egituraren bidez, aurreko i- bokala dela medio, leku batzuetan sortu diren palatalizazioetarako, ordea, -in-, -il-, -it- eta -ind- erabili behar dira, palatalizaziorik egiten ez den eskualde eta alderdietan bezalaxe, hala nola baina,

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mutila... eta abar... 3. Halaber erdaritaratikako hitzetan, despalatalizazioaren bidez sortu den grafia ontzat harturik, hala nola Espainia, gaztaina, ... 6. Ortografia lege hauek berdin balio dute edozein euskalkitan eginikako izkribuetarako ere... » (Euskaltzaindia, 1979 : 91-92). Erabaki horiek osoki aplikatuak izan dira oraiko zubereraren idazkeraz.

49 • /ɲ/ eta /in/ : fonema ezberdinak Bokal ondoko [in] bikotea [n] ahoskatzen da Zuberoan. Zubereraz hots bakun bat badugu, [n] sudurkari sabaikaria. Adib. : artzain (Hiztegia II : 32) [artsán] eta ez [artsájn] ; ohoin (337) [uhún] eta ez [ohójn] ; üinürri « xinaurri » (429) [yɲhýri] eta ez [yjnýri]. Bustidura hori, [in] > [ɲ], aspaldin gauzatu daiteke. 50 Bainan oposaketa fonologiko bat da zeren eta /ɲ/ egiazko fonema bat da zubereran, / in/ bi fonemen bikotea delarik : /mína/ mina « min (mugatua) » ~ /mí ɲa/ miña (miñaberje) « mahasti » ; [hájɲa] harena (izenordaina) ~ 51 [hájna] hariña « hondar ». Txardina « sardina » [tʃardína] edo [ʃardína] ahoskatzen da eta ez [tʃardíɲa]. 52 Kasu honetan idazteko molde bakar bat badugu, in, [ɲ] eta [in] bi hots eta fonema desberdinentzat.

53 • ñ grafemaz Euskaltzaindiak bustiduraren idaztea ez du onartu Zuberoako herri batentzat baizik, ñ erabiliz : Urdiñarbe. Salbuespen horren argibidea hona da : « Ñ galtzen ez duan bakoitza Urdiñarbe da, busti gabeko formaren (Urdinarbe) ahoskeratik saihesteko » (Euskaltzaindia, 1999 : 6). Eta beraz ere * Urdünarbé grafia saihesteko nere ustez.

54 Izen arruntei buruz, ohartzen da ñ onartuadela Hiztegia II-n zenbait hitzen lehen hizkiaz 331. orrialdean : ñabar, ñabo..., -ñi atzizki tipitzailea erabilia da ere. Urdiñarbe kasuaz bezala, i ondoan ñ hautatua da in-en ordez : erregiña (104) « erregina », espartiña « espartin »(111), iñazi « tximist » (209) [i ɲhási], ttipiñi (331)... Bestenaz *erregüna, *espartüna, *ünazi, *ttipüni genituzke 20. Il digrama ez da onartua zubereraz hala nola batuaz. Aldi berean ohart dezagun Espainia (111) [ε ʂpáɲja] ahozkatu behar lukela idazkera jarraikiz eta ez [eʂpaɲa] egiten den gisaz. 55 Laburbilduz, kontestuaren heinean bi grafema desberdin erabiltzen dira ber fonemarentzat /ɲ/, in edo ñ. 56 /λ/, /ʈ/ eta /ɖ/ ondoko kontsonante bustientzat ber egoera da. Mitxelenaren eskabidea onartua izan da : « Hobe, ordea, il, in idaztea soil-soilik, aski bait litzake hori edozein ohar dedin i hori dela medio, bere euskalkian, hurrengo / eta n bustiak direla... » (1968 : 208). Azpimarratu behar dugu ere kontsonante sabaikari horiek, hots txikikaritako erabiliak izanik ere, egiazko fonemak direla.

57 • /λ/ il / ll, alboko sabaikaria /λ/ alboko sabaikaria idazteko bi grafema baditugu, il eta ll. Ll zcnbait hitzen lehen hizkiaz onartua da. Adib. : lloba (206) / iloba (287), [λóba] ahoskatzen dena ; llabür (Hiztegia II : 287) eta labür (262) [λábyr] ez da baizik ahoskatzen. Iloba bigarren grafia hori irakur daiteke [ilóba] eta [n] ~ [in] oposaketaz bezala, [il] ~ [X] oposaketa fonologikoa badugu. Adib. : ilar (206) [ilhar] ahoskatzen da eta ez [λar] edo [λhar]. 58 • lʈ/ it / ttherskari sabaikari ahoskabea Beraz /ʈ/ (nere idazteko maneraz) sabaikari ahoskabea idazteko, /c/ nazioarteko fonetika alfabetoan, bi grafema baditugu ere, it eta tt, fonema batentzat /ʈ/21 eta it grafema bikotea bi fonemarentzat, /t/ eta /it/. Aita [ajta] ahoskatzen da eta ez [áʈa].

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59 • /ɖ/ herskari sabaikari ahostuna Herskari sabaikari ahostunak, / ɖ/ nere idazteko maneraz, grafema bat baizik ez du, dd. / ɖ/ ~ /d/ oposaketaren adibide bat : onddo (343) [õɖo] ~ ondo (343) [õ ɖo]. Alabaina id digrama ez da onartua izan sabaikaritzea markatzeko, « logika »-k manatuko zuen arabera. Dd hori hitz leku oroetan ahoskatzen da, hitz bukaeratik kanpo22.

60 • Sabaikarien idazkeraren erraztea Sabaikari horiek egiazko fonemak dira, balio adierazgarria dutelarik. Ñ eta tt, dd, ll digramak ez dira onartuak hitz leku oroetan, aspaldidanik erabiliak baldin badira ere. Busti gabeko formaren ahoskeratik saihesteko hautatuak dira : lillüra « lilura » (278) [λiλýra] eta ez ilülura, ttattit « mutu eta higitugabe » (471) [ʈaríʈ] eta ez itaitit,... Bainan, ikusi dugun bezala, irakurtze nahasketa kasu batzu badaude oraino.

61 Beraz, nere iritziz, zubereraren ortografia argiago eta sinpleago batetarantz joaiteko ñ, ll eta tt behar genituzke erabili kasu oroetan [n], [λ] eta [t] idazteo idazteko, dd-z egina den bezala.

3.8 Frikari txistukari ahostunak : /z/ z, /ʐ/ s, /ʒ/ j

62 /s/ eta /ş/ frikari txistukari ahoskabeak eta /z/, /ʐ/ frikari txistukari ahostunak ez dira bereizten hizkien bidez : z erabilia da /s/ eta /z/ fonemak idazteko, s /ş/ eta / ʐ/ fonemak idazteko. Haatik /ʒ/ txetxekari ahostunak bere hizki proprioa badu,y', eta beraz /ʃ/ txetxekari ahoskabeak berea ere, x.

63 Ohartzen ahal da grafia berezi bat onartua izan dela zubereraz zenbait hitzentzat : gazna (140) [gazná] eta gazta (140, bat.), gasna-ren ordez, ber gauza ezne (119) [εzné] eta esne (111, bat.), bi izen oxitono horiek txistukari hozkaria badutela euskalkian.

64 /s/ eta /z/ horzkariak, /ş/ eta /ʐ/ apiko-albeolareak (« rétroflexes » hobe errana, mihia itzultzen baita), /ʃ/ eta /ʒ/ txetxekariak egiazko fonemak dira zubereran. Adib. : sapata (461) /sapáta/ ~ zaparta (461) /zapárta/ ; xoratü « zoratu » (451) /ʃoráty/ ~ jorratü (234) /ʒoráty/. Haatik ez dut uste grafema berezi baten asmatzeak balio duela /z/ eta / z/-rentzat. Zubereraren idazkeraren historioan zehar ez bait dira sekula idatziak izan grafema berezi batez, [z] eta [z]-ren ahosdura kontestuala baita zenbait aldiz ere : ikasi (204) [ikhásij bainan ikasle (204) [ik háʐle], balios « baliotsu » [baljús] bainan baliosa (mugatua) [baljúza]... Erran behar da ozenketa hori automatikoa ez dela : Nola « haiz » hiz [his] ? Ontsa hiza [hísa] ?

3.9 Txistukari afrikatuak : /ts/ tz, /tş/ ts, /tʃ/ tx, /dʐ/ j

65 /ts/ tz, /tş/ ts eta /tʃ/ tx horskari ahoskabe afrikatuak maiz erabiltzen dira zubereraz, egiazko fonemak dira eta hiztunek ez dituzte nahasten, zaharrek bederen. Adib. : bakoitx / bakoitz (Hiztegia II : 45) [bákhɔtʃ] eta ez [bakɔjts] ; hanitx / hanitz (165) [hánitʃ] eta ez [hánits], haritx / haritz (165) [hajtʃ] eta ez [haríts], etab. Zergatik ez hemen -tx digrama baizik ezartea edo bi ortografiak onartuak baldin badira ez aipatzea -tx dela zuberarena ? Zuberotar ez diren euskaldunek errazki konpreni lukete.

66 Zenbait mailegutan /dʐ/ txistukari ahostun afrikatua ahoskatzen da frantsetikako x [ks / gz]-ren ordez : examen « azterketa » [edʐamέn] ; berdin lanjer « galbide » [lãdʐεr]. Mailegu mota horiek emanik ez dira Hiztegia II-n23. Grafema berezi baten asmatzea behargabekoa daiteke.

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3.10 /r/ ~/rr/ : dardakarien oposaketaz

67 Gaurregungo zubereran iduri du /r/ eta /rr/-ren arteko oposaketa neutraldua dela leku oroetan : hitz hasieran dardarkaririk ez baita agertzen mailegu batzuetarik kanpo (adib. runt « biribil » [runt]), hitz barnean bokal arteko /r/ bakuna ahoskatzen ez delakotz (hari [haj]) eta hitz bukaeran ere hitz oposaketarik faltaz.

68 Badirudi ahoskatze desberditasunik ez daitekela hitzen dardakarien artean : adibidez har [har], dardakari bakunarekin, eta harri [har(r)i]), dardakari anizkunarekin. Bereizketa hori galdua da. Dardakari anizkuna aipamen azkartzeko tresna bat da bereziki, perpausari bizi emaiteko.

4. Morfologia fonetikoaz eta lexemen grafiaz - Ahozko mintzaira : perpausean diren hitzen ortografia

4.1 Hitz baten idazkera desberdinak- Adiera baten hitz desberdinak

• Zubererarena eta batuarena

69 Ikusi dugun bezala 3. atalean zehar, bere Hiztegia II Eüskara-Français-n Junes Casenave- Harigile-k zuberotar eta batuazko grafiak emaiten ditu hitz batentzat, edo « Iparraldeko batua »-zkoa bederen.

70 Halaber bi edo hiru jatorri ezberdinezko hitz emaiten ditu zenbait adierarentzat : larunbat (Hiztegia II : 268) emanik da erabilia ez izanik ere, bainan bai ere neskanegün (326) zuberotar formetarik bat ; neskenegün [neskenégyn] beste ahoskera mota bat ez da edireiten (/a/ eta /e/ arteko fonema zalantzaren ondotik). Lore (281) eta lili (277) emanik dira : lehen forma ez da erabilia Zuberoan.

71 Batzutan Zuberoako hitza ez da emanik, arramaitz (erromanikotikako aurrizkiarengatik segurki), eta bai batuarena, ekain (87) ; halaber arrapostü (Charritton arrapostu) ez da emanik eta bai erantzüte. Alderantziz hitz arrunt batek, ardu (25) [ardú] adibidez, bere « batua »-zko formak ez ditu : ardo,arno ; halaber zieta-rekin (469), plater (369) emanik da bainan ez azita edo azieta. 24

72 Ber jatorrizko hitzekilako adibide : arrazoin (bat.) eta arrazu (30) emanik dira (Etxart-ek arrazu, 2002 : 64), ber definizioarekin , bainan bigarrena baizik ez da ahoskatzen [arazú] edo [arazu] (ikus 3.2). Halaber baino (44) (bat.) eta beno (56) [béno] hitzarekin : bigarren ahoskatzea erabilia dena da eta ez *[bájno] edo *[bajnó]25 ; berdin huin (191) eta oin (339) (bat.) : [hun] ; ilun (207) (bat.) eta ülün (431): [ýlhyn] ; mende (300) (bat.) eta mente (301) : [méte]. Hiztunen arabera beste ahoskatze horiek « manexak » dira. Batzutan forma arrunt bat falta da : iülti [ýhy] ez da emana baina bai iüli (429) eta uli (431) (bat.). Beheragoko lerroaldeetan ikusiko dugu laburzki zein morfologia fonetiko kontesturengatik hitz horien zuberotar ahoskera gertatzen den.

73 Zenbaitetan, hitzaren ondoan cf. laburdurak irakurlea bigarren formara itzularazten du. Adib. : berdin (57) « semblable, égal ; cf. bardin », erran gabe bardin (47) [bárdin] « 1) égal ; 2) egalement ; 3) lisse, uni », dela zuberotar ahoskera. Alderantziz, zenbait aldiz bi formak emanik dira cf. laburdura gabe : eüskara (115) eta üskara (439), [yská] ahoskatzen dena eta ez [eyskará]. Eüskara grafiarekilako eratorpena aberatsa da 115. orrialdean ; aldiz üskara- tikako emanik diren hitzak guti dira, azken hori zuberotar forma izanik

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ere. Halaber hur(a) (192) : « eau ; cf. ur ; oro hur : tout trempe » eta ur(a) (433). Urte (438) eratorpena emanik da definizio horrekin : « 1) année ; 2) inondation », hurte (193) « 1) deluge ; 2) crue » emanik delarik ere. Jakinez [hur] ahoskatzen dela zubereraz eta ez [ur], hurte grafia egokia daiteke urte [úrthe] izenarekilako bikoiztasuna kenduz.

74 Zenbait hitzekin hiru grafia izan daitezke. Adib. : alkar (17) « cf. algar eta elkar ». Alkar [álkhar] ahoskera arruntena definiziorik gabe da ; beste biek aldiz bat badute : « mutuellement » (algar, elkar), « l'un l'autre, les uns les autres » (elkar).

75 Egin ondoan errexago da noski bainan hitzaren ondoan (Z) zuberera edo (ahos.) ahoskera, (bat.) batua edo (NL) nafar-lapurtera laburdurekin hobekixe aurkeztua izanen ziren hiztegi horretako hitzak, batuaren ortografien emaitea ere hautatua izanez geroz. Zein diren zuberotar, nafar-lapurtar, hots Iparraldeko akoskera desberdinak jakiteko Lhande-n hiztegia ordezka-ezina da oraingoz.

• Zuberoako ahoskatze desberdinak

76 Gorago nabaritu dugu Zuberoan berean zenbait hitzek ber ahoskera ez dutela hiztunaren arabera edo lurraldearen arabera. Eta hori maiz gertatzen da. Adib. : arrastiri (Hiztegia II : 29) « arratsalde », bainan [ariʂtí] eta [arεʂtí] baditugu ere bai, Etxart-ek arrestiriko (2002 : 54) : /a/, /e/ eta /i/ fonemen arteko zalantza bat bada ; ühaitz « mendi ibai » (428) [yhájts], bainan [yhέjts] ere bada berriz /a/ eta /e/ fonemen zalantzarengatik ; buxi « puxka, zati » (74) edo muxi (318) : /b/ eta /m/ fonemen arteko zalantza badugu. Azpieuskalkiak bereiz daitezke zenbait hitzen ahoskatzearen arabera.

77 Ahoskera desberdina baldin bada Zuberoako lurraldearen arabera, fenomeno hori « fonema zalantza » deituko dugu (« flottement de phonèmes » frantsesez).

• Hiztunaren ahoskatze desberdinak

78 Ohartu behar dugu ere hitz batzuek bi ahoskatze badutela ber hiztunarentzat, gorago fonema zalantza lerroaldean aipatu ditugunak zenbait aldiz ere. Adib. : alkar [álkhar] eta algar [álgar], matela [mathéla] eta maxela [maéla] (matel eta mazela, 298), etab. Fonema zalantza bat da bainan hiztun batentzat.

79 Kasu horretan, bakoitzaren aldakuntza hori « fonema gorabehera » deituko dugu (« fluctuation de phonèmes » frantsesez).

4.2 Hitzaren ahoskatze aldaketak testuinguruaren arabera perpausean

80 Ahozko mintzairan ohikoa den bezala, zenbait aldaketa fonetiko desberdin sor daitezke hitz juntaduran. Fenomeno horiek aipa ditzagun laburzki, motak denak aurkeztu gabe. Bainan lehenik erran behar da oraiko ortografia egokiena dela kontestutik kanpoko hitzen ahoskeraren grafia hautatuz eta perpausetan gertatzen den ahoskera baztertuz. Erabaki hori logikoa da, Davant-en hitza errepikatuz (ik. 1.2). Perpausetan hitzaren azken bokala edo kontsonantea aldatzen da ondoko mugatzailearengatik edo ondoko hitzaren lehen hotsarengatik. Halere hitzaren idazkera ez da kanbiatzen, bera baldin bazen gisaz.

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81 • Bokal hersketa e > i : bide [bide], bide bat [bidébat] bainan bidea [bidi(j)a] eta ez bidia, eta beraz bidean [bidín] eta ez bidian edo bidin lehen idazten zen bezala26. o > u : lo eta loa [lú(w)a] (mugatua), ez lua...

82 • Ezpainkaritzearen galtzea y > i : Badüzü [badýsy] / Badüzua ? [badysi(j)a] (galdera) ; xahü (bat. xahu), xahüa [fãhí(j)a] (mugatua).

83 • Kontsonante aldaketa Adib. : sos « diru » [sos], sosa (mugatua) [sóza] : txistukariaren ozenketa sortzen da (ik. 3.8) ; non sar ? [nüntsar], txistukaria afrikatua bilakatzen da, etab.

84 • Bokal, kontsonante edo silaba murrizketa

85 Ikusi dugun bezala ahozko mintzairan bidean [bidín] ahozkatzen da, ber gisaz beharrian [beharín], bat bera [bapéa], zonbat « zenbat » [sumát], hamabost [amúst], egüerditan [egqértan], etab. Bidean [bidín] kasuan adibidez, hersketaz gain hiatoa kendu da.

86 Xuxen den bezala oraiko idazkerak morfologia fonetikozko gertaera horiek ez ditu kontutan hartzen, hitz batek grafia bat baizik ez duen printzipioa jarraikiz.

4.3 Morfologia fonetikozko agerpenak hitzen barnean

87 Halaber hitz barnean morfologia fonetikozko gertaera desberdin sor daitezke. Ikus dezagun zein diren xehetasunetan sartu gabe.

• Bi bokal koropilatzea

88 Ahozko mintzairan silaba barneko hiatoaren kenketa maiz gertatzen da, jakitez diptongoak ere onartuak direla. Adib. : joan (232) [ʒun] ahoskatzen da, Etxart-ek jun idazten du (2002 : 82) ; eüskara (115) / üskara (439) [yʂká] ikusi genuena (4.1), etab.

• Atzeranzko asimilazioa

89 Gibelaldeko bokalaren aitzinatzea gerta daiteke eta erran behar da kasu horietan ez dela fonema gorabeherarik (ik. 4.1) : ülün (431) [ýlhyn] ahoskatzen baldin badu, hiztunak ez du ilun (207) [ilhyn] edo [ilún] (bat.) ahoskatuko ; berdin ütürri (441) [ythýri] eta itürri (216), ützüli (441) [ytsýli] eta itzuli (217), etab. Asimilazio mota hori maiz gertatzen da Zuberoan, sistematikoa ez izanik ere.

90 Casenave-Harigile-k bi grafiak emaiten ditu. Gure ustez aterabide hona da jakinez asimilazioarekilako ahoskera dela arruntena.

• Aurreranzko asimilazioa

91 Adib. : üili (429) eta uli (431, bat.) emanik dira bainan ez üilü [ýλy] ahoskera arruntena.

• Aü |aj| diptongoa

92 Au diptongo zaharretik etortzen den [aj] diptongoa ati idazten da. Ezpainkaritzearen galtze hori perpausean gertatzen den aipatu genuena da (4.2). Adib. : gaü (140) (bat. gau) [gaj] eta ez [gau], Niko Etxart-en pastoralean gaiko (2002, azalean) idazten du. Halaber aüzo (38) (bat. auzo) [ájso] ; gaüza (140) (bat. gauza) [gájsa], etab. Ez banaiz tronpatzen, [ay] beraz aü diptongoa ez da edireiten zubereran ; alderantziz [aw] au eta

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[aj] ai diptongoak maitztasun handikoa dira. Beraz onartua izan den aü grafia horrek aspaldiko ahoskera oroitarazten du. Ez dakit ai grafia egokiago daitekenetz, batuaren grafiatik urrunduko daiteke.

• Bokal arteko dardarkari bakunaren erorketa : sinkopa

93 Gaurregungo zubereran /r/ eta /rr/-ren arteko oposaketa neutraldua da leku oroetan (ikus 3.10). Bokal arteko /r/ bakunaren galdera bat bada eguneroko ahoskeran, silaba bat kenduz. Adib. erori (102) [joj], bi dardakari bakunak bokalen artean daudelarik ez dira ahoskatzen. Bainan erorten [jorten], bigarren dardakari bakuna ahozkatzen da bokal bat eta kontsonante baten artean delakotz.

94 Xuxen den bezala r bakuna berrezarten da idazten denean, hori « logikoa » da. Kantuetan, pastoraletan, r bakun hori ahoskatzen da neurtitzak behar baldin badu. Zuberotar hiztunek badakite r bat badela : hori [hoj] bainan hórtan [hórtan].

95 rh taldearekin berezitasun bat sortzen da : dardarkari bakunaren erorketa gertatzen da eta beraz [h] baizik ez da ahoskatzen. Adib. : er(h) i « behatz » (100) [éhi] eri (bat.) ~ eri [ej], orit « oroit » (349) [óhit], soro (395) [góho]... hiztunek [r] eta [h] bereizten dute, dardarkari bakuna kenduz bi bokal artean baldin bazegoen bezala.

96 Kasu honetan zein ote daiteke idazkera egokiena ? Behar bada rh bikotearekilakoa, orhit, orhit, sorho.

• /n/ sudurkariaren eta /1/ albokoaren gibelean den herskariaren ez ozentasuna

97 [n] edo [1] + herskaria kontsonante taldearekin herskariaren ozentasuna ez da beharrezkoa. Halerik ere Hiztegia ü- n bi idazteko moldeak edireiten ditugu. Adib. : heldu (177, bat.) eta heltü (177) [hέlty] ; mende (300) eta mente (301) [mεte], Etxart-ek mentetan (2002 : 34) ; zango (460) eta zanko (461) [sãk ho]. Halere igante (199) [igãte] baizik ez da emanik, igande grafia ez emanez ; halaber egünko (85) [egyko] eta ez egüngo edo egungo.

98 Uste dut herskari ahoskabearen hizkiarekilako grafia nahiko daitekela. Zuberotar ez direnek ulermen arazorik gabe irakur lukete. Kasu honetan ere, beste grafia, herskari ahostunarekilakoa, bat. laburduraz aipatu behar zezakeen.

• Azentuaren lekuaren balioaz

99 Aurkezpen labur hau bukatezeko, fonemekin deus ez duen ikustekorik fenomeno bat aipa nahi nuke. Ontsa ezaguna da zubereraz azentua hitzen edo hitz taldeen azken bigarren silaban ezarten dela gehienetan. Arau horri esker azentuaren lekuak balio ukan dezake zenbait kasutan. Adib. : biga [bíga] zenbakia ~ biga [bigá] « miga, bigantxa » (mugatua), -a bokalez bukatzen diren hitz mugatuek azentua azken silaban badute ; badakit [badakit] (ez alokutiboa) ~ badakit [badakít] (zuka), etab.27

100 Azenturik ez baita euskararen grafian, oposaketa fonologiko horiek ez ditugu markatzen ahal. Bainan ez da arazo handirik, testuinguruari esker ulermena trabatua ez baita eta oposaketa kasu horiek bakan direlarik.

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5. Ondorioa : zubereraren ortografia egokiena ? ikusmolde bat

5.1 Aurkezpen honen mugez

101 Aurkezpen hori hortan uzten dut. Uste dut datuetarik gehienak eta garrantzitsuenak aurkeztu ditudala. Bainan aitortu behar dut aditz jokatua ez dudala aztertu. Horri buruz ere zer erran bada, ohartuz ahoskatzeko arauak berak direla.

102 _Honela zein da idazkera egokiena, erran deikü, Peillenek bezala Hiztegia- ko aitzin solasean (1989), edo erran deigü, Casenave-Harigile-k bezala (Hiztegia II, 1993 : 524) ? Hor ere bi hautuak badira : ahoskatzen den bezala idaztea [éran dέjky] edo « logika » jarraikiz azpimarratzea gü 1. pertsona plurala dela, gü [gy] bera denean ahoskatzen baita ; halaber zaikü « zaigu » (Etxart, 2002, 12) [sajky] edo zaigü (Hiztegia II : 493), bainan haigü (Etxart, 2002, 58) [hájky] ? Hait « haut » (Etxart, 2002 : 60) [hajt] edo haüt (Hiztegia ü : 502) ? Dialarik (Etxart, 2002 : 36) [djalájk] edo düalarik ?

103 Nündüzün « nintzan (zuka) » (Hiztegia II : 488) [ny(n)dyn(t)syn] ahoskatzen da, bigarren [y]-ren ondoan sudurkaria sortzen da asimilazioaz (4.3). Hemen, gorago ez dugun aurkeztu beste fenomeno bat da : [n] eta [1] ondoan txistukari frikari bat dagoena afrikatzen da, [s] > [ts] (nündüntzün). Bukatzeko, silaba murrizketa adibide bat : badütük « badituk » [badýtyk] ahoskatzen da bainan maiz ere [batyk].

104 Hemen « logikoa »-ren bidea jarraikiko genuke, deigü, nündüzun edo badütük idatzez. Bainan erran behar dugu erabakiaren hautua ez dela beti hain nabari.

105 Zuberoako azpieuskalkiak ez ditugu aipatu ere, ahozko mintzaira erabatekoa baldin bazen bezala edo, hobe, aipatzen genituen ahoskera desberdinak kokatu gabe. Bainan hori beste lan bat daiteke, dialektologia ikerketa bat, eta ez zen lan honen helburuetarik bat.

5.2 Ortografia baten ezaugarriak

106 Idazkeraren azterketa bi ikusmoldez egin behar liteke : historikoa, bere bilakaera sortzetik oraikora ikertzez (ikus gure zirriborroa 2. atalean), eta sinkronikoa, erran nahi baita bere ibiltze arauak eta bere ahozko mintzairarekilako loturak ateratzez. Azken ikuspuntu hori zabaldu dugu lan honetan.

107 Idazkera ahozko mintzairaren ordezkaritza da, eta ez egiazko mintzaira. Horrez gain, bigarren atalean erran genuen ortografia hitzarmen bat baizik ez zela ere. Bainan hitzarmen horrek ondorio batzu baditu, horietatik garrantzitsuena da, behar bada, ortografiaren ikaste erraztasuna edo alderantziz ikaste zailtasuna. Erraztasun hori harremanetan dago ahoskerarekin, erran nahi baita ortografiaren ikastea errazago daitekeela ahoskeratik hurbil baldin bada. Hala ere baiespen hori egiaztatzeko da.

108 Beste ondorio bat da ortografiak ahoskera finkatzen duela, hori noski guti gora behera, jakinez hiztunak ahoskatzeko askatasuna baduela eta ortografia finkatua baldin bada ere ahoskera aldatzen dela denborarekin.

109 Azpimarratu behar da ere ortografiaren ukaitea hizkuntzaren ezagupen sinbolikoa dela.

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110 Azken finean, argi da ortografia bat erabilkorra izan behar daitekeela. Pragmatikoa da izenlagun egokia logikoa baino. Hala nola ez duela balio urte hanitz iragaitea ortografia ikasteko, frantsesarenarekin egiten den bezala.

5.3 Zubereraren ortografiaren kasua

111 Zubereraren ortografia bat hautatu baino lehen oinarrizko galdera hori da : zuberera euskalki oso bat dela onartzen ote da ? Hori baldin balitz, bere ortografiaz ere erakutsi behar luke, ahoskeratik hurbil izatez. Bestenaz euskara batu mota bat izan daiteke, bere ortografiaz bederen.

112 Euskaltzaindiak dio : « Euskara Batuaren ahoskera zaindua (EBAZ) ahozko hizkuntza estandarra izango da... Ez da Euskara Batuaren ahoskatzeko modu bakarra eta are gutxiago noski, euskalkiak ahoskatzeko era » (1998 : 1). Ber gauza da idazkeraz nere ustez, zeren eta ez baldin balitz euskararen idazteko molde bat baizik, hori estandarra izan daiteke eta euskalkiek ez lukete beraz ortografiarik. Ortografiarik gabeko euskalkiak bere nortasuna ez du eskuratuko ortografiari esker bederen. Zubereraren ahoskera aldatuko da segurki, ortografia propio bat ukanik ere. Bainan nortasuna ahoskeraz lehen lehenik zaintzen baldin bada ere, zubererak beste euskalkiek bezala ez du askatasunik ukanen ortografia propiorik gabe, jakitez gero eta gehiago idazten dela. Uste dut ortografia propiorik gabe zubererak ez duela izaiterik ukanen gaurregun.

113 Beraz onartzen baldin badugu zubererak ortografia propio bat ukan behar duela, azterketa honen ondorio bat da zubereraren ortografia egokiena ortografia fonologiko bat izan behar dela. Eta hori egingarri da grafema berririk hartu gabe. Txomin Peillenek azpimarratzen du : « Halte a l'ignorance (sic) dans quelle langue au monde l'ecriture est-elle phonetique ? » (1992). Egia da, bainan hori ez da gure gaia. Erronka da nola ortografia bakun bat egin, zuberotar fonetikatik eta batuaren ortografiatik hurbila litekeena. Garai bateko hitz forma hartuz ? Bainan zein garaitik ? Testuetarik lehen aipamena aidibidez ? Hiztunak ez dira etimologia adituak.

114 Zubereraren ortografia bakar baterako bidean traba bat badugu : zenbait hitzen ahoskera desberdinak fonema zalantza edo fonema gorabeherarengatik (ik. 4.1). Kasu horietan trinkatu behar da. Hori da Euskaltzaindiaren eta hiztegien eginbeharra.

115 Zubereraren ahoskeraren finkatzea ez da helburua, bainan guti gora behera euskalkiaren ezaugarriak kontserbatzea. Hortarako, grafia tresna bat izan daiteke, bakun baldin bada. Ahoskeraren begiratzea eta ortografiaren ikaste erreza izan beharko ziren bi helburuak zubereraren ortografia finkatu zenean. Horri buruz ohartaraz dezagun hizki propio bat ukaiteak ez duela hotsa begiratzen automatikoki : s hizkiak /ʂ/ eta /ʐ/ txistukari apiko-albeolareak ez ditu kontserbatu belaunaldi gazteetan.

116 Beraz konponbide egokiena da, nere ustez, oraiko ahoskeratikako ortografia hurbil bat, fonologikoa guti gora behera, testuinguruak erakarriak diren ahoskera aldaketak baztertuz.

5.4 Zenbait proposamen errazterantz

117 Malgutasuna da aterabidea, zubererari askatasuna emanez ortografia propio bati esker. Horrek ez du erran nahi ortografia hori batuarenaz osoki desberdin izan behar dela. Eta

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ikusi dugun bezala 1.1 lerroaldean, Euskaltzaindiaren erabakiak, « ortografia bakar hori behar dela bai euskalkietan eta bai euskaran batuan ere », zenbait eraketa onartzen dituela (ik. 2. oharra).

118 Gisa batez, zubererak bere ortografia propioa eskuratu du erakaskuntzan. Aurten, adibidez, Ikas pedagogia zentroak matematikazko zenbait liburu argitaratu ditu Iparraldeko haurrentzat, nafar-lapurtar eta zubererazko itzulpenez, Jean-Louis Davant zuberotar euskaltzainak itzuliak, Euskaltzaindia hizkuntza begiratzailea delarik. Halaber Pika haur hilabetekariak bi itzulpen baditu, bata zubereraz28.

119 Nere iritziz, iduri luke zubereran ondoko eraketa horiek onar daitezkela, ü hizkia izan zen bezala, kontestutik kanpoko hitzen ahoskeraren grafia hautatuz. 3. eta 4. ataletan proposamen horien argibideak aurkeztu ditugu, oraiko zubereraren ortografian zuberotar fonetika ezaugarriak idazteko onartuak izan ziren berezitasunak erakustean.

120 • u hizkia eta ez o /u/ ahoskatzen denean : lu « baldoki », nur, trunpatu (3.4).

121 • nh, ñh, Ih eta rh hizki taldeak /h/ ahoskatzen denez geroz eta h hizkia onartua zen ber : elhesta, lanho, erhi, sorho (3.5). /ph/, /th/ eta /kh/ fonementzat erabakia ez da hain argi (3.6), ikasi edo ikhasi ? Bi grafiak onar genituzke.

122 • ñ, 11, tt leku oroetan, dd onartua izan den bezala : artzañ, zuñ « zein », lloba(2.7).

123 • Zubereraren asimilazioen onartzea : ullü « uli » (4.3).

124 • Arau orokor bat zuberotar hiztegiendako : grafia bat baino gehiago emana baldin bada, zein d(ir)en zuberarena(k) aipatzea.

125 Proposamen horiek ez dira hanitz eta ez berri ere. Batuaren ortografiaren printzipioetarik ez dira urruntzen. Garbitze arin bat baizik ez da. Berriz ere ez dugu zuberera batuaren aurka ezarri nahi. Bakoitzak bere lekua badu29. Bainan ortografia berezi batek euskalkiaren ezaugarriak bermatzen ditu erakaskuntza erraztuz (5.3), eta bere ezagutzaren sinbolo nagusi bat da. Ü hizkiari esker lehen begi kolpez irakurleak badaki zubererazko testu bat irakurtzen duela.

126 Nagusitu den zubereraren ortografiak batasunaren hautua egin du, berdintasunarena ez baldin bada. Soziolinguistikazko ikusmolde bat da, zenbait hizkuntzalaritzazko erabaki onekin ere. Adibidez perpausetan gertatzen diren hitzen ahoskera aldaketak baztertzea. Bainan hizkuntzalaritzazko ikusmolde batek fonologiatik hurbilago daiteken ortografia bat nahiago luke. Aipa dezagun Jean-Louis Davantek 1983an erraiten zuena orduko zuberotar grafiari buruz : « Eta geroago eta haboro hurruntzen gira euskara idatzitik. Beste Etizkaldünek (sic) ezin gintiroie irakur eta entelega. Beraz, libürü bat ez dirogü inprima : Eüskal-Herri osoan ez bada zabaltzen, ez dü bere büria (sic) pakatüren, ez ordaintüren » (Belapeyre, 1983 : 14). Txomin Peillen-ek idazten zuen : » Pourquoi le souletin parler (sic) par une dizaine de milliers de personnes et lu par une soixantaine, aurait-il une orthographe ghetto différente de celle des autres dialectes basques, sachant que 90% des lecteurs souletins ne sont pas souletins » (1992). Zernahi gisaz, euskaldun batek, ez xiberotarra izanik ere, nh n-en ordez, ñ in-en ordez edo llil-en ordez edireiten baldin baditu ez da harritua izanen eta irakurtzen baldin badaki grafema horiek ere irakurriko ditu.

127 Egia da lexikoa eta sintaxia baditugula oraino erakusteko zuberera dela eta ez batua. Bainan lexikoa berdintzen ari da ere eta sintaxia heinbatean, euskara batuaren eraginarengatik... Beraz oreka bat ediren behar dugu.

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128 Gogorapen horiek polemikatik kanpo proposatzen ditut. Desiratzen ditudan « berrikuntza », aldaketa arin horiek, Euskaltzaindiaren erabakietan ez baldin badira sartzen, nik, bederen, oraiko arauak jarraikiz idatziko dut Junes Casenave-Harigile-n hiztegietako ortografia onartuz, hori baita oraiko zuberotar idazkera arautua30.

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NOTES

1. Eskerrak emaiten dizkiet Junes Casenave-Harigile-ri, Jean-Louis Davant-i testu honen lehen bersioari buruzko haien ikusmoldea eman didatelakotz. Horrek ez du erran nahi arras ados direla idatzi dudanarekin. Eskerrak ere Xarlex Videgain-i bere irakurtze ernearengatik. Laburdurak : adib. = adibidez, bat. = batua, ik. = ikus, zub. = zuberera. Adibideetan hitzen forma ortografikoa hizki etzanean agertzen da, fonetikoa [ ] artean eta fonologikoa / / artean.

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2. Halerik ere ber orrialdean Euskaltzaindiak salbuespen zenbait onartzen ditu « linguistika lanetan «, « toki jakin bateko euskara den bezala jaso nahi denean «, « herri mailako literatur mueta batzuetan » eta bertsolaritzan (1979 : 104). 3. Horri esker adibidez Ündüreine herriko sargietako eta irteeretako seinaleak Ündüreine eta Ündüreine idatzirik ez ditugu gehiago ikusiko, eginik izan den bezala duela guti. 4. Euskalkien ahoskeran [y] bokala onartu du : « ...sei bokaleko sistema duten Iparraldeko euskaretan ren ahoskera biak onartzen dira ([u] eta [u]) hala eskatzen duten hitzetan eta baita ere euskalkiaren erabilera zainduan » (1998 : 2, 1. araua). 5. Ikus adibidez Zuazo, 1989. 6. Zuberotar fonemen aurkezpen orokor batez ikus Coyos, 1999, 2. atala. 7. Laburdurak : 1989koa, Hiztegia eta 1993koa, Hiztegia II. Aitzin solasean Charritton-ek idazten du bere hiztegiak « Eskola Hiztegia » izena duela (XIV), bainan azalean Hiztegia Dictionnaire ez da baizik deitzen. Casenave-Harigile-k egiten ez duena, Charritton-ek aipatzen du hitzak zein euskalkitik etortzen direla B, G, NB, NG, NL eta Z (zuberera) laburdurak erantsiz (XLV- XLVII), beharra baldin bada. 8. Haientzat Lhanden hiztegia egokiago da. 9. Horri buruz hori da Junes Casenave-Harigile-k idatzi didana : « Ene Hiztegia II. egin nizün, ez xiberotarra baizik emaiteko, bena ere batua ; hori zen egin zeitaden galtoari ihardesteko : beharrezkoa zela gero eta gehiago irakurten baita batuaz idatzi egünkari, astekari, agerkari eta libtiru ere. Arren, prefosta, zerbait baliagarri, ez haatik linguistika lan bezala ». 10. Ikus atarikoaren XIX-XXII. orrialdeetan Andolin Eguzkitzak egiten dituen Tartasen grafiari buruzko oharrak. 11. Ikus aitzin solasean Jean-Louis Davant-ek egiten dituen oharrak Belapeyre-n grafiaz (13-18 orr.). 12. « 23 le S, dans le dialecte souletin, a un son plus doux dans un petit nombre de mots tels que losa, arrosa, jesus, guisa (sic) ... 30 le Z a le son du c doux du français... dans certains mots tels que aizina... le son du z français » (1858 : XII). 13. Idazteko molde hori ediren daiteke lekuka Patrick Queheille-n aurtengo Lau Bürü testuan : tradizionik tradizioneak-ien orde (14), nüan eta nin ber orrialdean (28)... Hori sar daiteke Euskaltzaindiak onartzen dituen salbuespenetan, herri mailako literaturan (ikus gorago 2. oharra). 14. 14 Herskari sabaikariendako irakurgarrigoak diren [t] eta [dj marka fonetikoak hautatuko ditut nazioarteko alfabeto fonetikoko [c] et [f] markak eziez. 15. Jean-Baptiste Constantin idazleak u hizkia erabilten zuen ü-ren ordez (1926 - 1996). 16. « ...on peut tenir pour certain que ü existait déjà en souletin « (1962 : 83). Erran nahi du XVI. mendean. Lafon-ek zion : « Ainsi, si ü est devenu en souletin un phonème distinct de u, dont il était d'abord une variante combinatoire, c'est qu'il s'est forme de nouveaux u, les uns provenant de o devant nasale, les autres, plus recents, provenant de la réduction du groupe úa » (1962 : 92). 17. Rene Lafon-ek dio : « La tendance a changer o en u s'est manifestée avec plus de force qu'ailleurs en bas-navarrais oriental et en souletin. Elle a dü affecter d'abord les o suivis d'un n oud'unm... » (1962 : 91).

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18. Ikus Coyos : 1994. Lafonek zion : « En basque, a la sonore s'oppose, suivant les parlers et les mots une sourde aspirée ou une sourde non aspirée : jamais les deux... les occlusives sourdes aspirees et les sourdes non aspirées ne constituent pas des phonèmes, mais des variantes phonétiques » (1948 : 60). Haren ondotik Mitxelenak erran lezake : « Tenemos pues el hecho teóricamente interesante de un rasgo que reúne todas las condiciones necesarias para diferenciar significados, solo que al parecer distingue ninguno » (1961 - 1985 : 208, 2. oharra) 19. Txomin Peillenek hola argitzen zuen : « Ilest regrettable que le basque qui se parle desormais de plus en plus avec l'accent et la phonetique française ou espagnole ait perdu presque partout sa derniere originalite, les consonnes In, rh, nh, ph, th, ñh, llh, kh absentes des autres langues europeennes. Ce phenomene est helas irreversible mais qu'au moins les noms de lieux en gardent le souvenir » (2000). Bainan, hola aritzez, ortografian ez onartzeak horien desagertzea zalutzen du. Pronus... lehen zuberotar testuan (1676) th idatzia zen bainan ezph eta kh (ASJU, 1998, XXXII-1 : 8). 20. Alderantziz, zubereraz arrain-en idazteko, Pierre Lhande-n áraiñgrafia hiperzuzenketa forma batdaiteke : i + n(1926 : 70). 21. Txomin Peillen-ek, adibidez, Petiarra idazten du (2001 : 3) Zuberoako eskualdeaz, • Euskaltzaindiak Pettarra onartu duenean (1999 : 23), [petára] eta ez [petjara] ahoskatzen dena. 22. Mitxelenaren eskabidea ez da onartua izan : « Ba dirudi, beraz, kontsonante- ondoan dd-ren ordez ere erabil ditekeala, beste aldekoek egiten duen gisan : onjo = onddo » (1968 : 208). 23. Charritton-ek lanjer emaiten du (1997 : 329), balios ere (29). 24. Lhande-k zieta (C.) emaiten du, orokorra bezala (1926 - 1938 : 1086). 25. Davant-en 1983ko hautua hori zen : « EI-ren ordez AI, beste eüskalkiek AU dien (sic) aditz formetan : dait (daut), eta ez deit... ; bai eta baina, baino (bena, beno)... beste euskalkietan bezala » (1696-1983, 18). Kasu hauetan bi formekin Cazenave-n hautuak zuberotar ahoskatzeari leku emaiten du. Ez da sekula ahoskatzen [dajt] bainan [dejt] ; Casenavek deit emaiten du (Hiztegia II : 524). 26. Euskalkien ahoskeran Euskaltzaindiak kanbiamendu horiek onartzen ditu : « idazten diren bestelako ahoskerak egoki eta zuzen direla gainerako hizkera mailetan (hala nola : etxia, etxie ; geruago, telefonua eta kidekoak » (1998 : 2, 2.a. araua). 27. Adibide gehiagorentzat ikus Coyos, 1999, 85-86. 28. Pika hilabetekaria, Mendizolan argitarazlea, 28 PK, 64 130 Maule (Zuberoa). 29. Ikus Coyos, 2001 30. Liluratu gabe nere ikusmoldea aurkezten dut jakinez duela guti finkatua izan den ortografia hori orai ontsa onartua baita. Davant-ek idazten didan bezala : « Mementoan badit beldürra jarraikizale gilti dükezüla idazten dtienen artean ». Zubereraren idazkeraz : ortografia, fonetika etafonologia

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INDEX

Mots-clés : dialecte Souletin, dialectologie, normalisation, phonétique, phonologie, sociolinguistique Index géographique : Pays de Soule Thèmes : linguistique Index chronologique : 18e siècle, 19e siècle, 20e siècle, 17e siècle

AUTEUR

JEAN-BAPTISTE COYOS

IKER UMR 5478 CNRS [email protected]

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Zubereraren herskariak : azterketa akustikoa

Iñaki Gaminde, José Ignacio Hualde et Jasone Salaberria

1. Sarrera

1 Jakina denez, iparraldeko euskarak /ph th kh/ herskari ahoskabe hasperendunak ditu (edo, hobe esan, ipar-ekialdekoak, kostatarrak galdu baititu). Hizkuntzalari batzuek zalantzan jarri dute soinu hauen estatus fonemikoa, beraien banaketa oso aldakorra delako (adib. khorpitz ~ korphitz). Hala ere, Lafonek (1958) frogatu zuen zubereran behintzat ahoskabe hasperendunak eta hasperengabeak fonema desberdinak direla. Nahiz eta hizkeren artean desadostasunak aurkitu, hizkera jakin batean, hitz jakin bat beti modu berean ahoskatzen da : hasperendunarekin ala hasperengabearekin. « Dans un mot donne, une occlusive sourde est toujours prononcee de la meme façon : non-aspiree dans tel mot, aspiree dans tel autre.... Le p de iphar 'nord', le t de urthe 'annee', le k de ekhárri 'apporte' sont toujours aspires, tandis que le p de ttípi 'petit', le t de árte 'intervalle' et le k de jákin 'su' ne le sont jamais. Le k de lékhü 'lieu, endroit' (de latin locum) est aspire ; celui de jókü 'jeu' (de lat. iocum) ne l'est pas. » (Lafon 1958 : 90).

2 Badira, izan ere, pare minimo batzuk, nahiz eta ez asko : merkatu 'merkeagotu' vs. merkhatu 'azoka'.

3 Munduko beste hizkuntza batzuek badute ahostun / ahoskabe hasperengabe / ahoskabe hasperendun (edo b/p/ph, laburtuz) bereizkuntza hirukoitza, baina Europan euskara da kasu ezagun bakarra (aitzineko grezieraz ere ematen zen). Arrazoi honegatik fenomeno interesgarria da eta aztertzea merezi du. Guk dakigunez, orain arte, inork ez du aztertu bereizketa hau nola gauzatzen den zubereraz. Lan honen helburua b/p/ph bereizkuntza hirukoitza fonetikoki nola gauzatzen den aztertzea da.

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2. p/h/ph bereizkuntzaren ikerketa fonetikoa

4 Artikulu garrantzitsu batean, Lisker & Abramson-ek (1964) erakutsi zuten ahoskabe/ ahostun edo-ta hasperengabe/hasperendun bereizkuntzan ezaugarri fonetiko nagusia ahotsaren hasieragunea edo, ingelesez, voice onset time (VOT) bezala ezagutzen dena dela. Ordutik hona, beste ikerketa lan askotan VOTaren garrantzia frogatu da (Flege 1982, Keating 1984, beste askoren artean).

5 Herskari bat ahoskatzeakoan, bi fase ditugu : hersketa eta leherketa (horregatik herskari eta leherkari izenak). Herskariaren ondoren bokal bat badaukagu, ahots- korden dardar periodikoa hiru momentu desberdinetan has daiteke :

6 1) Ahots-korden dardara kontsonantearen leherketa baino lehen hasten bada, herskari ahostun bat izango dugu, [ba da ga].

7 2) Ahots-korden dardara leherketarekin batera edo apur bat beranduago hasten bada, herskari ahoskabe hasperengabea izango dugu, [pa ta ka].

8 3) Azkenik, ahots-korden dardara leherketa baino beranduxeago has daiteke. Hirugarren kasu honetan leherketaren eta uhin periodikoaren hasieraren artean hasperenketa izango dugu ondorioz eta gauzatzen den herskaria ahoskabea eta hasperenduna izango da, [pha tha kha].

9 VOT delakoaren arabera, ahotsaren dardara leherketa baino lehen hasten bada (1 kasua), VOT negatiboa izango dugu. Beste bi kasuetan, hurrenez hurren, VOT positibo laburra (2), eta VOT positibo luzea (3), izango ditugu.

10 Hizkuntza batzuetan, hala nola thailandieraz, hiru kategoria fonetiko hauek fonema desberdinak ematen dituzte. Thailandieraz [d] herskari ahostuna (VOT negatiboa duena), [t] herskari ahoskabe hasperengabea (VOT positibo laburra) eta [th] herskari ahoskabe hasperenduna (VOT positibo luzea) hiru fonema desberdin dira.

11 Beste hizkuntza askotan, aldiz, hauetariko bi kategoria bakarrik bereizten dira. Hizkuntza erromanikoetan eta gaurregungo euskalki gehienetan ahostunak eta ahoskabe hasperengabeak ditugu (1 eta 2 klaseak). Lehen irudian gaztelaniazko cota/ gota pare minimoa erakusten da. Ikus dezakegunez, gota-ren lehen kontsonateak VOT negatiboa duen bitartean, cota-ren lehen kontsonanteak VOT positibo laburra erakusten du. Hizkuntza honetan ez dugu VOT positibo luzeko herskaririk (ikus Wiliams 1976, adibidez).

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1. Irudia.

12 Ingelesez edo alemanez ere bi kategoria bakarrik bereizten dira baina gauzak zeharo desberdinak dira fonetikaren aldetik. Nahiz eta hizkuntza hauetan fonologikoki antzeko bereizketa bitarra izan, gauzatze fonetikoa nahikoa bestelakoa da. Bigarren irudian ingelezko coat/goat parea erakusten da (hiztuna amerikarra da). Lehen eta bigarren irudiak erkatzen ditugunean, gaztelaniaren hasierako /k-/ eta ingelesaren / g-/ soinua antzekoak direla ikusten dugu : biek VOT positibo laburra dute (goat eta cota konpara itzazue). Hau da, ingelesezko adibide honetan, /g-/ hasierako herskaria ahoskabea da fonetikoki. Adibide hau ez da bitxia. Guztiz alderantziz, ingelesez /b d g/ soinuak gehienetan ahoskabeak dira hasiera absolutuan, hau da, [p t k]. Dena den, hiztun batzuek ahostunak bezala ahoskatzen dituzte. Lehen eta bigarren kategoria fonetikoak neutralduta daude ingelesez. Hitz hasieran VOT negatiboko eta VOT positibo laburreko herskariak alofonoak dira hizkuntza honetan (Lisker & Abramson 1964, Flege 1982). Bestaldetik, /p t k/ kontsonante ahoskabeek VOT positibo luzea dute, hasperendunak dira, [ph th kh], bigarren irudiko coat adibidean ikusten den bezala. Beraz, gaztelaniaz 1. eta 2. tipoak kontraste fonemikoan dauden bitartean, ingelesez 1. eta 2. tipoak fonema ahostunen alofonoak dira hasiera absolutuan eta 3. tipoko kontsonanteekin kontrastatzen dira.

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2. Irudia :

13 Esan duguna hasierako gunean dauden herskariei dagokie. Beste ingurune batzuetan kontraste fonologikoa beste ezaugarri fonetiko batzuen bidez gauzatzen da.

3. Esperimentua

14 Hemen aurkezten ditugun datuak jaso ahal izateko lau lekukoren laguntza izan dugu. Lekuko guztiak gizonezkoak izan dira eta 60 urte ingurukoak. Euren jatorriei dagokienez, Gamere, Ürrüxtoi, Eskiula eta Barkoxekoak izan dira ; ondoko mapa honetan herrion kokaera ikus daiteke :

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15 Galdekizuna prestatzeko Larrasquet-en (1939) hiztegia erabili genuen, bertan hasierako gunean herskari hasperendunarekin agertzen diren hitz guztien zerrenda bat osatuz. Azentudun azentugabe aldagaia ekiditeko, neurtuko genuen soinua silaba azentudunekoa izatea erabaki genuen. Horretarako hasierako zerrenda hartatik silaba bi baino gehiagoko hitzak baztertu genituen, hala nola azentua bigarren silaban daukatenak ere. Bestalde, beronek inplikatzen du hitza mugagabe erara emateko ere eskatu dugula. Horrela bada “berde”, “borda”, “bago”, “beltz” eta “gor” moduko hitzak baino ez ditugu erabili. Erabilitako zerrenda osoa lehen eranskinean ikus daiteke.

16 Datuak jasotzeko metodologiari dagokionez, behin galdekizuna edukiz gero lekukoei frantzesez eskatzen genizkien hitzak eurek euskaraz emateko ; grabazioak lekukoen ingurugiroan egin ziren. Datu guztiak DAT eta MiniDisc sistema digitalen bidez jasoak izan dira, beti ere kanpo mikrofono bat erabiliz. Behin datuak jasota, PC ordenagailu baten sartu eta Inmaculada Hernaezek garatutako “Ahotsa” aztergailuaren bidez neurtu genituen.

17 Neurriak egiterakoan VOTa neurtu dugu. Nola leherketa barra sarritan argi ez den agertzen, ahostunen kasuan bereziki, halatan deliberatu genuen dardar periodikoa hasten denetik bokalaren formakinak egonkor bihurtzen direnerainoko zatia neurtzea. Ahoskabeen kasuan modu berean egin genituen neurketa guztiak.

18 Soinu bakoitzerako adibide baten ahots-uhina eta espektrograma ematen ditugu bigarren eranskinean, lan honetako bukaeran.

4. Emaitzak

19 Esperimentuaren emaitzak aurkezteko lehendabizi eurok herriz herri nola gauzatu diren ikusiko dugu, herri bakoitzerako hiztun bakarra dugularik. Emaitza guztiak milisegundotan adierazirik emango ditugu.

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Gamere (denetara 64)

Gamere

Eskiula (denetara 86)

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Eskiula

Barkoxe (denetara 79)

Barkoxe

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Ürrüxtoi (denetara 73)

Ürrüxtoi

20 Emaitzak orotara ikusirik honako taula hau osa dezakegu :

21 Sailka hartzen baditugu, ahostunen kasuan honako grafika hau osa dezakegu :

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Ahostunak

22 Ondoko grafikan, berriz, ahoskabe hasperendunak eta hasperengabeak batera ikus daitezke :

Ahoskabeak

5. Ondorioak

23 Ahostunen emaitzak bazter utzita, aurreko ataleko taulen azterketatik atera dezakegun ondoriorik nabarmenena hasperendunen VOTa kasu guztietan hasperengabeena baino aisa luzeagoa izatea da. Proportzioak honako hauek dira : ph %33, th %35 eta kh %33.

24 Lisker & Abramson-ek bereizkuntza hirukoitza duten bi hizkuntza aztertu zituzten, ekialdeko armeniera eta thailandiera. Hizkuntza hauen emaitzak eta guk lortu ditugunak oso antzekoak dira. Ondoko taulan batezbestekoak erkatzen ditugu hiru hizkuntzetan (thailandierak ez dauka /g/ fonemarik). Konparaketarako Lisker & Abramsonek Puerto Rico-ko gaztelaniaz aurkitu zituzten VOT datuak ere ematen ditugu :

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25 Diferentziarik nabarmenena /p/ eta /t/ fonemetan aurkitzen da. Hauek zubereraz beste hizkuntzetan baino VOT luzeagoa dute. Bestela, lau hizkuntzen emaitzak nahikoa antzekoak dira.

26 Ahoskabeen kasuan, bai hasperendunetan bai hasperengabeetan, zenbat eta atzerago ebaki orduan eta VOTa luzeagoa dela ere atera dezakegun beste ondorio bat da. Jarraian ematen ditugun grafiketan desberdintasun hori argi ikus daiteke :

Hasperengabeak

Hasperendunak

27 Ondorioz, zubererak hiru herskari mota ditu. VOT-aren bidez argi eta garbi bereizten dira hirurak. Bereizkuntza oposaketa hirukoitza duten beste hizkuntza batzuetan bezain garbia da.

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28 Lana amaitu baino lehen hurrengo lanetarako proposamen batzuk egitea gelditzen zaigu. Batetik ineteresgarri ikusten dugu bokalen arteko herskariak aztertzea eta zubereraren gainerako barietateetan antzeko azterketa batzuk egitea, izan ere, hemen aukeratu ditugun herriak eskualde batekoak dira. Bestetik, gainerako euskalkien, lapurtera eta behe nafarrera, egoerak aztertzeari ere interesgarri deritzogu.

BIBLIOGRAPHIE

Keating, Patricia. 1984. “Phonetic and phonological representation of stop consonant voicing”. Language 60 : 286-319/

Flege, James E. 1982. “Laryngeal timing and phonation onset in utterance-initial English stops”. Journal of Phonetics 10 : 177-192.

Lafon, Rene. 1958. “Contribution a l'étude phonologique du parler basque de Larrau (Haute- Soule)”. In Diego Catalan, arg., Miscelanea homenaje a A.

Martinet, 2. lib., 77-106. La Laguna, Tenerife : Univ. de La Laguna. Larrasquet, Jean, 1939, Le Basque de la Basse-Soule Orientale. Paris

Lisker, Leigh & Arthur Abramson. “A cross-language study of voicing in initial stops : acoustical measurements.” Word 20 : 384-422.

Williams, Lee. 1976. “The voicing contrast in Spanish”. Journal of Phonetics 5, 169-184.

RÉSUMÉS

Some northern varieties of Basque possess three series of plosive or oral stop consonants : voiced /b d g/, voiceless unaspirated /p t k/, and voiceless aspirated /ph th kh/. Among the languages of Europe, Basque seems to be unique in presenting this three-way opposition (although a similar contrast was found in Ancient Greek and it is not unusual in other parts of the worId). For this reason it is important to document this phonological contrast ; even more so since the dialects that maintain this contrast (which is believed to have been much more general in Basque in the past) appear to be in serious danger of extinction. For the study reported here, data were collected from 4 male speakers of Zuberoan or Souletin, the easternmost Basque dialect using a high-quality digital recorder. The data were then analyzed using a computerized speech analysis sytem (Ahotsa, developed by I. Hernaez). Voice Onset Time (VOT) measurements were taken, since this acoustic dimension has been proven to have an excellent correlation with voicing and aspiration in many other languages. The results agree with those that have been reported for other languages with a similar three-way contrast. In utterance-initial position, /b d g/ are prevoiced (negative VOT), /p t k/ have present a short lag (VOT around 20 ms) and the aspirated /ph th kh/ present a much longer lag (average VOT between 60 and 80 ms depending on the place of articulation of the consonant).

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INDEX

Index chronologique : 20e siècle Thèmes : linguistique Mots-clés : basque (langue), consonne occlusive, dialecte Souletin, dialectologie, phonétique acoustique, phonologie

AUTEURS

IÑAKI GAMINDE

Euskal Herriko Unibertsitatea [email protected]

JOSÉ IGNACIO HUALDE

University of Illinois at Urbana-Champaign [email protected]

JASONE SALABERRIA

IKER UMR 5478 CNRS [email protected]

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Ezkonduien Koplak (Etxepare, 1545)

Jean Haritschelhar

1 Parmi les poèmes d'amour écrits par Bemat d'Etxepare Ezkonduien koplak (Poème des mariés) occupe la seconde place, immédiatement après Emazteen fabore (En faveur des femmes). Le pluriel du mot ezkondu marque bien que les deux personnes dont il s'agit sont toutes deux mariées, chacune de leur côté et, de ce fait, Bernat d'Etxepare pose le problème de l'adultère. En conséquence, est évoquée dans le poème une attitude que l'église condamne fermement, l'infidélité aux engagements du mariage que le poète- prêtre énonce dans la partie religieuse de son ouvrage lorsqu'il énumère les dix commandements, plus particulièrement le sixième : Nork beria baiezila emazterik ez hunki (Que nul ne touche d'autre femme que la sienne)

2 ainsi que le neuvième : Bertzen emazte alabak ez desira gaixtoki1(N'aie pas de désirs pervers pour la femme et la fille des autres).

3 Le fameux péché de chair qu'Axular, un siècle plus tard, commentera abondamment ne se borne pas à l'acte lui-même (sixième commandement) mais à sa simple évocation en pensée (neuvième commandement).

4 Tout comme dans Emazteen fabore, le poème, objet de notre commentaire, commence par une petite strophe de deux vers destinée à résumer le thème développé dans la poésie (la traduction est donnée en annexe). Iangoikoa, edetazu berzerena gogotik Bera kaptiba da eta ni gathibu hargatik2

5 Le poète adresse une supplique au Seigneur (edetazu), conscient qu'il est de faillir et de pécher en pensées (gogotik) au sujet d'une femme qu'il considère comme captive d'un autre alors que lui-même se reconnaît épris, du moins conquis par elle.

6 Ce deuxième vers place au centre de chaque hémistiche le doublet kaptibalgathibu. Ces deux mots sont, en effet, issus de la même racine latine l'un au féminin par sa terminaison en a (captiva), l'autre au masculin par sa terminaison en u ( captivus). Ingénieuse utilisation du doublet, le mot savant pour la femme, idéalisée en quelque sorte comme dans les poèmes d'amour courtois, le mot populaire (sonorisation de

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l'initiale klg et réduction du groupe de consonnes pt à t aspiré à l'époque) étant réservé au soupirant. La forme la plus proche du latin, en ce XVIe siècle qui a vu l'enrichissement du vocabulaire dans les langues néo-latines, ne rappellerait-elle pas le sens premier qui est celui de 'prisonnier de guerre' que Covarrubias dans son Tesoro de la lengua castellana o española (1611) définit : « el enemigo preso y avido en justa guerra » ? Prisonnière donc, et assurément bien gardée, ce qui rend les rencontres plus difficiles. Ainsi est posé le thème central de la belle enchaînée et bien surveillée et du soupirant éperdu.

7 En dehors de ces deux vers introductifs, le poème offre une structure intéressante et originale dans laquelle on distingue : • un groupe de quatre quatrains dominé par la difficulté de la rencontre entre les deux êtres, son caractère furtif en même temps qu'éphémère, ambiance empreinte de la peur d'être découvert. • un sizain central, pure supposition des conséquences d'un amour adultère qui pourrait aboutir plus tard à une union incestueuse. • un deuxième groupe de quatre quatrains où le thème de la jalousie débouche sur des considérations sur l'amour-passion.

8 Au total le poète nous offre une oeuvre courte en comparaison des précédentes dans le recueil, mais remarquablement charpentée (4+1+4) qui, à première vue, devrait beaucoup au raisonnement ou à la démonstration.

1 - Rencontre ?

Ni gathibu nadukana kaptiba da berzeren ene ditxak hala egin du ni gathibu bigaren Gogo onez izanen niz, bizi baniz bataren bana bortxaz baiezila ez iagoitik berziaren

9 La première strophe reprend le deuxième vers de l'introduction en inversant les termes. De captivai gathibu on passe à gathibu/captiva ce qui placé' le je du soupirant en place éminente puisque le vers commence par ni. En outre, le verbe utilisé nadukana, première personne de eduki a un sens beaucoup plus fort que celui de l'auxiliaire être (da) puisqu'il est celui de « tenir » et même de « détenir ». De là, la force de la passion amoureuse que l'on retrouve dans le deuxième vers par la répétition de gathibu, cette destinée (ditxa) qui l'entraîne à être prisonnier de deux personnes, celle qu'il aime et le mari de celle-ci, de l'esclavage en chaîne en quelque sorte.

10 Cependant le soupirant réagit en mettant en parallèle chacun des deux personnages. A gogo onez, c'est-à-dire l'adhésion à la personne aimée, s'oppose au dernier vers le mot bortxaz, cette contrainte inacceptable d'être le prisonnier du mari, soulignée par le terme iagoitik qui, dans un contexte négatif signifie « jamais », donc le refus formel. Berzerenak har dazanak beretako amore oborotan nkhenen du plazer bano dolore batzarriak bekhan eta beldurreki dirate guti uste dutenian gaitza bertan sor daite

11 Cette deuxième strophe est un regard porté sur l'amour adultère, un regard distancié puisqu'il porte beaucoup plus sur les conséquences exprimées plus particulièrement dans le deuxième vers où sont mis en valeur les termes opposés de plazer et dolore, ce

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plaisir d'amour éphémère et ce chagrin d'amour pérenne que le poète a déjà énoncés dans Amorosen gaztiguia en termes proches, mettant en exergue les nombres un et mille. Amoretan plazer baten mila dira dolore.3 (En amour pour un plaisir il y a mille douleurs)

12 Distanciation aussi par l'emploi du futur dirate soulignant la rareté des rencontres dominées par la peur (beldurreki) de la découverte, ce malheur (gaitza) qui rôde et peut surgir au moment où l'on s'y attend le moins. Le verbe daite (actuellement daiteke) marque bien cette éventualité, cette épée de Damoclès placée au-dessus des amants.

13 C'est ce même regard que l'on retrouve dans les deux premiers vers de la troisième strophe : Honestea berzerena erhogoa handi da, plazer baten nkhenen du anhitz malenkonia.

14 Ici est envisagé le caractère insensé (erhogoa) de l'amour adultère, doublé de la reprise des conséquences à l'image de la première strophe, mais encore plus proche de la citation de Amorosen gaztiguia puisque l'opposition bat/mila ne diffère que dans son deuxième terme, anhitz, moins précis certes que mila, mais pouvant aller bien au-delà, à cause même de son imprécision.

15 Toutefois, au-delà de la peine ou du chagrin d'amour, survient cette malenkonia, emprunt correspondant à la mélancolie dérivé du latin melancholia, transcription du mot grec, qui désigne l'humeur noire, la bile. On regardait la mélancolie comme capable de produire les affections, les maladies hypocondriaques. Ce terme est entré dans le vocabulaire littéraire courtois et recouvre un registre d'états et de sentiments allant de la tristesse profonde à l'inquiétude et même à la folie et au délire. C'est le sens qu'il a encore au XVIesiècle et, certainement, celui que lui donne Bemat d'Etxepare. La traduction de René Lafon par « tourments » est assurément meilleure que celle d'Akesolo dont le mot « sinsabores » apparaît bien fade.

16 On voit bien la cause de cette malenkonia : begiez ikus, ezin minza, han dakusat nekia ; beriarekin datzanian enetako aizia.

17 La rencontre n'a pas eu lieu. Les regards se sont-ils croisés ? Seul le regard du soupirant nous est suggéré et surtout l'impossibilité de se déclarer, encore moins de dialoguer. Ainsi est exprimée la souffrance renforcée par la position du mot nekia en fin de vers. La triste réalité l'assaille quand il imagine l'objet de son amour couché auprès de son mari dans le lit conjugal. L'amertume qui naît de ce constat s'exprime à travers l'expression enetako aizia, c'est-à-dire cet élément impalpable, insaisissable, la pure illusion qui s'oppose à la vision des époux réunis. Perileki baiezila ezin noake hargana eta agian hark orduian ezpaituke aizina ; badu ere, beldur date ; bertan doha harzara : nik nahien dudanian, berzek besoan daratza.

18 Le thème qui domine cette quatrième strophe est celui de la peur, du danger qui guette aussi bien l'homme que la femme. La rencontre est placée sous le signe du possible par le suffixe ke dans le verbe noake qui suppose une action éventuelle, mais non réalisée, démarche de l'amoureux forcément placée dans le futur, à laquelle répond la démarche non moins éventuelle de la femme mariée soulignée par l'adverbe agian, dans son sens premier de « peut-être » qui marque l'incertitude la plus totale, celle de faire coïncider l'emploi du temps de chacun.

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19 Le troisième vers nous place d'emblée dans le conditionnel, badu ere, dans le cas où la rencontre se ferait ; dans cette éventualité elle tournerait court car la peur s'emparera, le verbe être date étant au futur, de la dame. Ce temps d'une rencontre serait fugace, l'adverbe de temps marquant la quasi-simultanéité de l'action d'arriver et de partir. Rencontre imaginaire, donc, qui voit monter le désir dans le coeur du soupirant à la vision des époux enlacés (berzek besoan daratza) qui clôt ce premier mouvement du poème.

20 Si, pour caractériser cette séquence, j'ai placé un point d'interrogation après le mot rencontre, c'est bien pour marquer dans ce titre qu'en fait elle n'a pas eu lieu, qu'elle était simplement imaginaire, ce qui découle de l'analyse du texte.

2 - Hypothèse

Alhor hartan hel badakit ereitera hazia, eta ene bada ere lastoa eta bihia, ez bat ori ahal duket ez etare berzia ; lan eginez esker gaixto, galdu irabazia, berzerentzat gelditzen da ene zuzenbidea ; agian gero alabareki ezkonduko semia.

21 Le sizain central se place dans l'hypothétique, le préfixe ba de l'auxiliaire dans le verbe hel badakit soumettant l'ensemble à une condition qui ne sera pas remplie. En outre, le poète marque bien la part d'irréalité en dotant le substantif alhor du démonstratif de plus grand éloignement hartan, celui aussi correspondant à la troisième personne et non point la première, celle du soupirant.

22 Il est évident que le poète s'adresse à des lecteurs basques pour lesquels, ruraux en général, la métaphore du champ ensemencé produisant des épis en abondance signifie quelque chose. L'image du champ (alhor) symbolise la femme qui recevrait la semence (hazia) dont le produit, la paille (lastoa) et le grain (bihia) devraient appartenir au semeur (ene bada ere). Il n'en est rien cependant, car la terre fertile n'appartient pas à celui qui l'a ensemencée. Telle est la réalité pour celui qui ne pourra (ahal) engranger ni l'un (bat orï) doté du démonstratif de proximité (ori) c'est-à-dire la paille et encore moins l'autre (berzia), placé en fin de vers, c'est-à-dire le grain.

23 Toujours très proche de la mentalité paysanne pour laquelle le travail est une vraie valeur et le travail inutile une aberration, l'ingratitude (esker gaixto) dont il est payé se traduit par le final du vers (galdu irabazia) où le gain possible se résout en perte sèche. La loi est ainsi faite que le propriétaire profite du travail de l'ouvrier.

24 Pour plonger encore plus dans l'imaginaire est envisagée dans un futur lointain, l'hypothèse (agian) du fruit des amours adultérines et secrètes se mariant avec son demi-frère, tous deux étant issus du même père. En un mot l'adultère se terminant en inceste à la génération suivante. Ce risque, examiné d'un point de vue moral, est celui qui est proposé en ce sizain central.

3 - Aliénation

Amoria ehork ere eztu nahi partitu nik eztakit berziak bana ni ari niz bekhatu ; beriareki ekhustiaz hain noha penatu hek dostetan ni neketan ; orduian errabiatu.

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25 Cette première strophe du troisième mouvement nous place dans le présent. Le soupirant qui n'a pas réalisé son rêve se plonge dans des considérations sur l'amour impossible à partager entre le mari et l'amant et même s'il s'agit d'aimer en pensées, celui-ci se sent pécheur. Le second hémistiche du deuxième vers surprend par son caractère abrupt dans la mesure où il faut supposer l'ellipse du participe egiten : ni ari niz bekhatu (egiten) ainsi que le suggère Patxi Altuna dans l'édition critique des Linguae Vasconum Primitiae de Bernat d'Etxepare.4 Mais ce sentiment d'être et de vivre dans le péché ne diminue en rien la souffrance qu'il éprouve de voir le mari uni à sa femme, souffrance augmentée par le redoublement de l'adverbe quantitatif hain.

26 La comparaison est d'autant plus douloureuse : hek/ni d'un côté les jeux et les rires du couple dostetan, de l'autre l'état de souffrance qui confine à la rage (errabiatu). Ici, encore, la position en fin de vers de chacun des participes penatu et errabiatu ne fait que souligner l'intensité des sentiments qui animent le personnage. Jelosiak eztizaket nik gaitz erran sekulan ; maite nuiena nahi enuke ehork hunki lizadan ; berzerenaz izan nuzu amoros lekhu batetan, beriagana jelosturik desesperatzer ninzan.

27 Le sentiment de jalousie est tellement entré en lui qu'il ne saurait en accuser quicoque. Curieux sentiment, en effet. D'ordinaire, la jalousie naît chez un des deux membres du couple, soit de la part du mari qui soupçonne sa femme d'être volage, soit de la part de l'épouse qui craint l'infidélité de son mari. Il en est tout autrement dans ce poème car, semble-t-il, le couple paraît uni, heureux, joyeux (hek dostetan), le soupirant devenant alors envieux du bonheur de la femme qu'il aime, jalousie qui se traduit en souffrance et en rage.

28 Soudain le ton va changer. Du présent on passe au passé dans le deuxième vers : maite nuiena. René Lafon, dans le commentaire qu'il fait de ce vers, fait remarquer 5 : « maite nuyena peut signifier « celle que j'aimais » ou « celle que j'aime ». Comme dans cette pièce il n'est jamais fait allusion à l'amour que la femme aimée éprouve pour son amant, c 'est pour le premier sens qu 'il convient d'opter ». Cette remarque est d'autant plus juste que toute la strophe, par ses verbes maite nuiena, izan nuzu et ninzan, nous renvoie au passé. Tout d'un coup s'établit une distanciation par le changement de temps et, contrairement à ce que pense René Lafon, rien n'autorise à penser que cette strophe ait été rédigée et introduite plus tard. Il en arrive à cette position pour expliquer ce changement de temps : « Mais on tombe alors sur une autre difficulté. Dans toutes les autres strophes de cette pièce, les verbes sont au présent (présent proprement dit ou présent intemporel) ou au futur à l'exception du premier vers qui exprime une prière (verbe à l'impératif). Cet amour est présenté comme un amour actuel. Mais dans les vers 31-32 il est présenté comme un amour passé (verbes au passé). Comme, d'autre part, trois des quatre dernières strophes commencent par le mot amoria et participent d'un même mouvement, j'incline à penser que la strophe Gelosiac (29-32) a été rédigée et introduite après coup, à une époque où le poète ne brûlait plus de cette passion coupable et avait renoncé sinon à l'amour, du moins à celui d'une femme mariée. Même alors, la jalousie continuait à le tenailler ».

29 Pour moi, cette difficulté n'existe pas. Il s'agit d'un retour en arrière et de la relation d'un épisode de vie toujours présent dans la mémoire et, donc, écrit avec des verbes au présent. Le sentiment de jalousie va établir le lien par sa permanence. Par jalousie, la femme autrefois aimée ne doit être touchée par quiconque ; c'est, du moins, un souhait et le rappel de cet amour (izan nuzu amoros) a failli se terminer dramatiquement avec la

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tentation du suicide (desesperatzer ninzan). On comprend, dès lors, que le souvenir d'un événement puisse se faire au présent, mais que, soudain, le rappel de la désespérance suicidaire renvoie au passé comme pour mieux l'éloigner. En effet, cet éloignement, cette distanciation servent d'introduction aux deux strophes de réflexions morales qui terminent le poème. Amoria ezin zenzuz ezin daite goberna, anhitzetan honesten du guti behar duiena ; arnoak bano gaizkiago ordi diro persona ; sarri estaka, berant laxa, hark hatzeman dezana. Amoria itsu da eta eztazagu zuzena eztu uste berzerik dela, lekotmaite duiena ; Suiak bano gaizkiago erra diro gizona ; itxasoak ez iraungi eratxeki dadina.

30 Le parallélisme est le lien étroit qui unit ces deux strophes. Elles débutent par le même mot amoria et s'organisent autour de deux thèmes largement connus des philosophes et des théologiens, exploités, bien entendu, dans l'Eglise catholique comme éléments de perturbation dans la vie normale et, plus encore, religieuse : l'amour insensé et l'amour aveugle (Eros ou Cupidon). Un siècle plus tard (1643) Axular, dans son Gero, fustige ces deux faces de l'amour dans son commentaire du sixième commandement « Eta kalte prinzipalenetarik bat, prinzipalena ezpada ere, da adimenduaren goibeltzea, ilhuntzea eta itsuzea. Presuna amurusak eztakusa, eztaki zer ari den ».6 (Et un des préjudices principaux, même s'il n'est pas le principal est d'obscurcir l'entendement, l'assombrir et l'aveugler. La personne amoureuse ne voit pas et ne sait pas ce qu'elle fait).

31 Quelques lignes plus loin, il résume son propos au sujet de la personne amoureuse : « itsu da, erho da, zentzutik kanpoan da » (Elle est aveugle, elle est folle, elle est insensée).

32 L'amour insensé n'entre pas dans le « socialement correct ». Il se place en dehors, admet l'inadmissible, ou encore ce qui ne lui convient pas (guti behar duiena).

33 L'amour aveugle ne reconnaît rien, ni le bon ni le mauvais chemin. Il agit avec des oeillères. Rien ne compte pour lui sinon l'objet de son amour (maite duiena).

34 Le parallélisme entre behar duiena et maite duiena est accentué par le troisième vers de chacun des deux strophes : arnoak bano gaizkiago ordi diro persona suiak bano gaizkiago erra diro gizona.

35 C'est la répétition du verbe diro et du membre de phrase bano gaizkiago marquant un jugement de valeur qui met en exergue, d'un côté, le vin (arnoa) qui saoule (ordi) et donc fait perdre la tête et, de l'autre, le feu (suia) de l'amour qui brûle intensément et qui, lui aussi, fait perdre tout sens commun à la personne (persona) comme à l'homme (gizona).

36 Le dernier vers de chacune des strophes suggère les conséquences d'un amour insensé et aveugle. sarri estaka, berant taxa, hark hatzeman dezana

37 Ce vers de l'avant-dernière strophe est remarquable dans son rythme : 4 + 4 + 7. Le premier hémistiche de huit pieds est scandé en deux séquences de quatre pieds formées d'un adverbe de temps et d'un participe, chacun de ses mots en totale opposition avec l'autre : sarri/berant, rapidité et lenteur, estaka/laxa, s ervitude et liberté. L'homme est donc condamné à subir.

38 Le vers de la dernière strophe

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itxasoak ez iraungi eratxeki dadina

39 a au contraire le rythme ample du vaste océan et place le verbe iraungi (éteindre) dans sa forme négative au centre du vers, montrant la vanité et, au-delà, l'inutilité des efforts pour vaincre le feu intérieur de l'amour.

40 Ces considérations finales sur des thèmes très souvent invoqués par la théologie catholique prennent une toute autre dimension dans un contexte poétique grâce au rythme des vers, amples parfois ou saccadés et servent de morale à cet adultère que l'Eglise condamne, même s'il est d'intention comme c'est le cas dans le poème.

41 * * *

42 Bernat d'Etxepare, poète de l'amour au XVIe siècle, a-t-il connu les tourments de cette passion ? Ce poème est-il une confession ? Il est vrai qu'il déclare avoir été amoureux dans le vers : berzerenaz izan nuzu amoros lekhu batetan (J'ai été quelque part amoureux de la femme d'un autre).

43 Il est vrai aussi que dans Amorosen gaztiguia il se met en scène et déclare : Nihaurk ere ukhen dizit zeinbait ere amore7 (Moi aussi j'ai eu quelques amours).

44 Dans le même poème il consacre une strophe entière à ses débordements amoureux : Nihaur ere ebili niz anhitzetan erhorik, gaoaz eta egunaz ere, hotzik eta berorik : loa galdu, pena aski, bana ez arimagatik orai oro nahi nuke liren Ieinkoagatik.8 (Moi aussi j'ai fait bien des folies, La nuit et le jour par le froid et la chaleur ; Plus de sommeil, suffisamment de peines mais point à cause de mon âme ; Maintenant je voudrais que le motif de toutes mes peines fut Dieu).

45 Ces témoignages doivent-ils être pris au pied de la lettre ? Il est possible qu'il ait eu une vie d'amoureux passionné avant son ordination sacerdotale et qu'il s'en souvienne. Elle lui sert de leçon pour mieux faire comprendre, toujours dans Amorosen gaztiguia, que l'amour profane plonge le chrétien dans l'affliction et la perdition de son âme et que, seul, l'amour divin compte dans la vie des êtres. Berzek berzerik gogoan eta nik andredona Maria andre hona dakigula guzior, othoi balia.9 (Les autres pensent à d'autres et moi à la Sainte Dame Marie Que la bonne Dame nous vienne en aide, je l'en supplie, à nous tous).

46 Prière initiale adressée à la Sainte Vierge alors que dans Ezkonduien koplak elle est adressée à Dieu et que le but, dans les deux poèmes, est de détourner le chrétien de l'amour profane.

47 Ezkonduien koplak correspond à une déviation de l'amour dans lequel deux couples sont mis en scène, le mari de l'un étant éperdument amoureux de la femme de l'autre. Sur ce point le vers : agian gero alabareki ezkonduko semia (Plus tard mon fils peut-être épousera ma fille)

48 ne laisse aucun doute. Or, que l'on sache, Bernat d'Etxepare n'a pas été marié ; du moins aucun chercheur n'en a apporté la preuve. Il est vrai que bien des zones d'ombre de sa vie n'ont pas encore été éclaircies.

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49 Il n'est nullement extravagant de considérer que le poète use, aussi bien dans Amorosen gaztiguia que dans Ezkonduien koplak, de l'artifice littéraire consistant à se mettre en scène, utilisant le je, se montrant pécheur comme tous les autres : Ni bezala anhitz duzu halakorik munduian (Des gens comme moi il y en a beaucoup dans le monde)

50 afin de mieux faire comprendre l'inanité de l'amour profane, exposer le cas possible d'un adultère uniquement d'intention pour en dégager des conséquences funestes comme la possibilité d'unions incestueuses à la deuxième génération ou encore l'asservissement ainsi que la cécité de ceux qui se laissent prendre au piège de l'amour interdit. En réalité, nous avons affaire à un poème clairement moral.

51 J'observe que ce même procédé littéraire se retrouve dans tous les poèmes d'amour écrits par Bernat d'Etxepare, prêtre avant tout, désireux d'épargner à ses semblables les désordres de l'amour et de ramener au bercail les brebis égarées.

52 N.B. : La traduction en français de l'oeuvre de Bernat d'Etxepare a été réalisée par René Lafon et publiée en particulier dans : Bernat Dechepare, Olerkiak, Edili, San Sebastian, 1968, p. 190. Celle de Ezkonduien koplak est placée en annexe.

NOTES

1. P. Altuna, Linguae Vasconum primitiae, Edition critique, Euskaltzaindia/Mensajero, Bilbao, 1980, 2. p. 47-49. P. Altuna, Linguae Vasconum primitiae, Edition critique, Euskaltzaindia/Mensajero, Bilbao, 1980, p. 133. 3. P. Altuna, Linguae Vasconum primitiae, Edition critique, Euskaltzaindia/Mensajero, Bilbao, 1980, p. 87. 4. P. Altuna, Linguae Vasconum primitiae, Edition critique, Euskaltzaindia/Mensajero, Bilbao, 1980, p. 137. 5. R. Lafon, « Notes pour une édition critique et une traduction française des « Linguae Vasconum Primitiae » de Bernard Detxepare », Boletin de la Reat Sociedad Vascongada de los Amigos del Pais, San Sebastián, 1952, p. 157. 6. P. de Axular, Gero, édition bilingue du R.P. Luis Villasante, Juan Flors, Barcelona, 1964, p. 446. 7. P. de Axular, Gero, édition bilingue du R.P. Luis Villasante, Juan Flors, Barcelona, 1964, 8. P. Altuna, Linguae Vasconum primitiae, Edition critique, Euskaltzaindia/Mensajero, Bilbao, 1980, p. 85. 9. P. Altuna, Linguae Vasconum primitiae, Edition critique, Euskaltzaindia/Mensajero, Bilbao, 1980, p. 85.

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INDEX

Thèmes : littérature, philologie Mots-clés : écrivain classique, Etxepare Bernat (1480?-?), littérature basque, mariage, poésie Index chronologique : 16e siècle

AUTEUR

JEAN HARITSCHELHAR

Président d'Euskaltzaindia, IKER UMR 5478 CNRS [email protected]

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Articles en basque parus en 1843, dans Le Patriote Français de Montevideo

Claude Méhats

1 Les quatre textes en langue basque présentés dans cet article sont issus du Patriote Français, un journal imprimé à Montevideo en Uruguay durant la guerre civile communément appelée Guerra grande. Afin de bien cerner le climat politique régnant dans la zone de la Plata à cette époque, nous allons effectuer une présentation des principaux belligérants, suivie par une explication des positionnements stratégiques français. Les causes de la publication de ces textes seront alors plus claires.

2 L'Uruguay a acquis son indépendance après le soulèvement dit des « 33 orientaux » en 1825. Cette rébellion a pris fin le 20 février 1827 grâce à la victoire décisive d'Ituzaingo face aux Brésiliens. L'année suivante le traité de Rio de Janeiro (27 août 1828) est venu confirmer ce nouveau pays qui durant tout le XIXème siècle va être troublé par une instabilité chronique et par de nombreuses guerres civiles. Vers 1838 se formèrent deux partis : les colorados (libéraux, surnommés colorés à cause de leur insigne, alors que leurs adversaires en portaient un blanc) de Rivera et les blancos (conservateurs) d'Oribe.

3 Militaire tour à tour luttant pour l'Uruguay (1811), pour le Brésil, à nouveau pour l'armée uruguayenne lors de l'insurrection des 33 orientaux, José Fructuoso Rivera abandonna celle-ci en 1828 après un désaccord avec Lavalleja. A Buenos Aires, il choqua par ses idées fédérales, avant de devenir gouverneur de la province de Misiones. Président de la république d'Uruguay à sa naissance (1830), il employa son mandat à lutter contre les fédéralistes et contre les Indiens Charruas (qui furent pratiquement exterminés.)

4 En 1834, lui succéda Manuel Cerefino Oribe, son ancien ministre de la guerre. Ce dernier était également l'un des fameux « 33 orientaux » de 1825. Président, il tenta d'étendre le pouvoir du gouvernement sur les immenses possessions de Rivera et l'accusa de fraudes financières durant son mandat. Rivera se rebella, et à la tête du parti coloré, il obtint la victoire de Palmar, contraignant son rival à démissionner en

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1838, récupérant par la même occasion la présidence de la république. S'étant retiré à Buenos Aires, Oribe dénonça la nullité de sa renonciation et obtint l'appui armé du dictateur argentin Rosas, qui l'utilisait pour traquer et réprimer ses opposants qui étaient réfugiés en Uruguay.

5 Rivera s'unit à la province de Corrientes et à d'autres provinces riveraines et déclara la guerre à Rosas. Après une campagne militaire catastrophique, conclue par la défaite d'Arroyo Grande en 1842, le parti des colorés se retrouva assiégé dans la ville de Montevideo (fortifiée en 60 jours par le général Paz) au début de l'année 1843. Le 1er mars 1843, Joaquin Suarez en tant que président du sénat remplaça le général Rivera dans l'exercice du pouvoir exécutif et mit en place le gouvernement de la défense (Cooligan Maria Luisa, Arteaga Juan José, 1992). L'amiral argentin Brown entama un blocus maritime mais le commodore anglais Purvis immobilisa les navires argentins. Rosas protesta auprès de Mandeville en signifiant que la confédération était en bonnes relations avec l'Angleterre, mesure qui entraîna Purvis à se retirer. Sur terre, Oribe prit place pour un siège qui devait léser les intérêts commerciaux européens.

6 En France, la politique extérieure du roi Louis-Philippe qui avait déjà contraint Adolphe Thiers à remettre sa démission par deux fois pour avoir soutenu une politique extérieure jugée trop aventureuse et pouvant mener à des conflits, devint donc timorée sous la direction de Guizot, qui, pour combler son souverain, maintint la paix au prix de concessions et d'humiliations, en particulier vis-à-vis de l'Angleterre. En Uruguay, le relais de cette politique a été assuré par le consul du roi, Théodore Pichon. Au début du siège, il convoque ses concitoyens afin de faire le nécessaire pour que leurs droits soient respectés dans un principe de « neutralité armée ». Très rapidement, Théodore Pichon change de direction, impose la neutralité, puis agit pour empêcher les Français d'embrasser la cause des assiégés.

7 C'est également dans le contexte du siège qu'est né le périodique dont sont issus les textes en basque que nous présentons : Le Patriote Français. Journal commercial, littéraire et politique. Honneur et Patrie. Lors de son premier numéro 1, il justifie sa création. Ses auteurs veulent en faire le relais de l'ancien Messager (un journal publié par les résidents français mécontents lors de la signature du traité Mackau passé avec le dictateur argentin Rosas, traité qui lésa leurs intérêts commerciaux), ils ont une mission à accomplir : protéger les intérêts de leurs concitoyens résidant dans la république orientale, intérêts mis à mal par le traité de Mackau qui « venait réveiller encore une irritation presque assoupie et que le temps seul peut détruire. » Le Patriote Français se révèle donc comme étant l'organe d'une population française en désaccord avec la politique menée par son gouvernement.

8 Le premier des quatre articles, paru deux fois2, invite à une réunion très importante et non armée les Français de la 5ème section pour entendre le rapport de la commission et les mesures qu'elle a prises. Le lieu de rendez-vous est fixé « poste du jeu de Paume de Martin Cazenave, rue Saint Gabriel. » L'avis émis en basque est immédiatement suivi de sa traduction.

9 Si le premier article est un appel de la commission formée autour du consul du roi, le second texte3 est signé par le colonel de la Légion française (Thiébaut). Une version française précède la version basque, conservant tout l'esprit du texte qui dans un même élan célèbre la fête du roi Louis-Philippe et condamne Théodore Pichon pour avoir abandonné ses compatriotes. Avec une verve très patriotique (du patriotisme français), le colonel Thiébaut appelle les Basques à être Français et à montrer que l'éloignement

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n'a point refroidi dans les cœurs l'amour de la patrie (dans la version française). Dans la version basque, il leur demande de se souvenir qu'ils sont français (« atchiquidezagun ohoresquy franses icena » : conservons le souvenir du nom français) voire même basque- français (« hescualdun franses »). Ce discours est révélateur de l'attention portée aux Basques par les chefs militaires et d'une volonté de les associer au combat mené par les Français. Par contre, les promesses ne sont pas les mêmes pour tout le monde. De l'acquisition de 40.000 têtes de bétail annoncées en français, on passe à « hogoi eta borts mila » en basque, soit 15.000 animaux de moins saisis (quel sera alors le partage réalisé lors de la fin des combats, et comment sera-t-il effectué ?)

10 Dans les jours suivants paraît à quatre reprises, en version basque et française, le projet de la loi4 qui sera votée le 19 mai 1843, loi qui récompensera les étrangers se battant pour la défense de Montevideo. Le dernier des quatre articles cités ne va paraître qu'une fois et uniquement en basque5. Il s'intitule « Adaisquide eta herritar maitiac » (Compagnons et compatriotes aimés). Même s'il n'est pas signé, son contenu ne laisse aucun doute, il provient des Français de Montevideo. Ceux-ci s'interrogent dès le début sur l'action de leur consul face à la menace de Rosas, qualifié d'égorgeur (« odol ichurtçaleac »). La protection et les secours offerts par Monsieur Pichon (« Yaun Pichonec ») sont jugés inexistants et le consul du roi est accusé d'employer comme il peut tous les moyens pour tromper la population. Théodore Pichon a également faussé le jugement de l'amiral français, amenant celui-ci à abandonner les siens et par ses mensonges le roi imagine que la prise d'armes des Français ne relève que d'un caprice. Face au danger, les rédacteurs n'envisagent qu'une seule solution, convaincre les lecteurs de s'enrôler à leurs côtés : « Moyen houra cen harmen hartcia eta harmatiac guria » (ce moyen est de prendre les armes et de faire notre armée). Dans leurs rangs, les rédacteurs peuvent tout de même compter sur le soutien d'un noble de haut rang (« Gure bocac adiarac tugu prince Joinvilly » : nous avons fait entendre notre voix au prince de Joinville) et sur la vigilance des Légionnaires.

11 Pour conclure, on peut dire que la parution de ces textes coïncide avec une période de course à l'armement dans la ville de Montevideo. Les Basques, tout comme les Français, qui ne prêtaient dans un premier temps aucune attention aux luttes américaines, s'y impliquèrent peu à peu, poussés à bout d'une part par les provocations et agressions de Rosas et attirés d'autre parts, par les promesses (dons de terres et exemptions d'impôts), du gouvernement assiégé. Le conflit, dans lequel ont pris part une Légion des volontaires français mais également un bataillon des Chasseurs basques, a débouché sur une défaite de leurs rivaux (Rosas et Oribe), défaite provoquée par l'intervention du général argentin d'origine basque Justo José de Urquiza.

BIBLIOGRAPHIE

Capdehourat, Pélabère (auteurs présumés). Notes biographiques sur les chefs, sur les officiers, sur les meneurs et sur les plus distingués de la Légion Française de Montevideo, Miguelete, 1847. -1 vol., 14 pages.

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Cooligan Maria Luisa, Arteaga Juan José. Historia del Uruguay desde los origenes hasta nuestros dias, Montevideo : Barreiro y Ramos, 1992.

De Santillan, Diego Abad. Historia argentina, Buenos Aires : Tipografica editora Argentina, 1981. - vol. 2, 569 pages ; vol. 3, 719 pages.

Piccirilli, Ricardo. Diccionario historico argentino (Tome V), Buenos Aires : Ediciones historicas argentinas, 1954, 920 pages.

Poucel, Benjamin. Les otages de Durazno. Souvenirs du Rio de la Plata pendant l'intervention Anglo- Française de 1845 à 1851, Paris, Achille Faure libraire éditeur, 1864, 86 pages.

Thiebaut, Jean-Chrisostôme. Le ministère du 15 août et la légion française, Montevideo : Imprimerie française, 1850. -1 vol., 33 pages.

NOTES

1. Le Patriote Français, mercredi 1er et jeudi 02 février 1843, n°l, p. 2 2. Le Patriote Français, samedi 18 février 1843, n° 14, p. 3 ; dimanche 19 février 1843, n° 15, p. 1 3. Le Patriote Français, lundi 1er mai 1843, n° 71, p. 2 ; vendredi 05 mai 1843, n° 73, p. 2 4. Le Patriote Français, lundi 08 mai 1843, n° 76, p. 1 ; mercredi 10 mai 1843, n° 77, p. 2 ; jeudi 11 mai 1843, n° 78, p. 3 ; vendredi 12 mai 1843, n° 79, p. 4 5. Le Patriote Français, dimanche 17 septembre 1843, n° 185, p. 4

INDEX

Index chronologique : 19e siècle Index géographique : Uruguay Mots-clés : France (politique extérieure), histoire de l’Uruguay, Le Patriote Français (Périodique) Thèmes : histoire

AUTEUR

CLAUDE MÉHATS

Doctorant Université Michel de Montaigne Bordeaux 3

Lapurdum, 7 | 2002 232

Oharmenaz ohartu eta muga galdu

Miren Lourdes Oñederra

Aldez aurretik

1 Txikitan ikastolan « Mendizaleak aurrera » hitzekin hasten zen kantua abesten genuen, besteak beste, eta bazuen kantu horrek lerro-zati bat nik (eta nire ikaskide askok ere bai ziurrenera) « mendi gora maletakin » ahoskatzen nuena, ahalik eta ongien egokituz musikari nire ahotsa eta irudikatuz euskaldun gizajo haiek, beste euskaldunak esnatzera nola zihoazen mendi gora kartoizko maleta pobre eta astunekin, izerdi patsetan... Gerora jakin dut, kantuak zioena « mendi gora maldetatik » zela, baina orduan ezinezkoa zitzaidan hori ulertzea, niretzat, nire orduko hiztegi txikiagoaren arabera, malda guztiak « aldapa » deitzen baitziren.

2 Nahi dena edo behar dena edo ahal dena entzuten da, barneratzen da. Goikoa muturreko kasua da, hiztegiaren mugek azaltzen dutena : nire orduko hiztegian ez zegoen « malda » eta nik (nire oharmenak), fonetikari iruzur eginez, « maldetatik » seinale akustikoan « maletakin » zegoela erabaki nuen. Fonetikoki aldea ez da handiegia eta zentzuaren aldetik gauzak ongi moldatzen ziren horrela. Niretzat, « maldetatik » ezinezko gertakizuna zen orduan.

3 Berbera da funtsa baita horren muturreko ez diren kasuetan ere, baita truke edo ordezkatze lexiko eta gramatikalak (maldetatik → maletakin) gertatzen ez direnean ere, beti gertatzen da : ez dugu entzuten fonetikoki (fisikoki) gertatzen dena, linguistikoki nahi duguna, behar duguna, ahal duguna baizik. « Ongi » entzuten dugunean ere, alegia, hitz-nahasterik ez denean ere, ez da entzuten gertatzen den den- dena edo gertatzen dena baino gehiago entzuten da. Baldintza desberdinen arabera (ez dugu orain hori analizatzeko lekurik), gerta daiteke ekoiztu ez dena eranstea. Esate baterako ingelesez hiztun batek [stop] esan eta guk /estop/ entzuten dugunean eransketa bat egiten dugu : ahoskatu ez den [e-] bat entzun dugu (ik. Jauregi/Oñederra 2002). Beste batzuetan ezberdin ahoskatu dena berdindu egiten du gure oharmenak, horregatik izu ([isu]) edo hizlari [izlari] hitzetako txistukariak berdin-berdin entzuten ditugu, fisikoki lehena ahoskabez eta bigarrena ahostunaz gertatzen direnean ere.

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4 Hizkèta ekoiztean ere beste horrenbeste gertatzen da, /oλo/ esan nahi eta [ojλo] ebakitzen denean, esaterako.

5 Oraingo ikerlarien artean, makinen lilura eta bestelakoak direla, gero eta handiagoa da fisikoki gertatzen dena jakiteko grina eta hori ongi dago : oso ongi.

6 Zalantzarik gabe beharrezkoa da, baina ez da nahikoa ; kontua jartzen ez bada, egokia, zuzena ere ez da.

7 Fonetika akustikoan dabiltzanek ederki aski dakiten gauza da makinek ongiegi entzuten dutela. Hizketaren aldagarritasun mugagabea, guk askotan hautematen ere ez duguna, garbi jaso eta neurtzen dute. Makinek ez dute gure gaitasun fonologikoak eta gure hizkuntzaren ezagutzak ematen diguten abilidade bat, gizakiak oso gaztetan lortzen omen duena, Oliver Sacksen (1996, 128) hitzetan perceptuak constancy : We achieve perceptual constancy —the correlation of all the different appearances, the transforms of objects— very early, in the first months of life. It constitutes a huge learning task, but is achieved so smoothly, so unconsciously, that its enormous complexity is scarcely realized (though it is an achievement that even the largest supercomputers cannot begin to match).

8 Bestalde, makinek ez dute entzuten guk (fisikoki gertatu gabe ere) entzuten dugun zenbait gauza (gogora goragoko adibideak). Fonetika akustikoak eta tresnabidezko lanak hori erakusten digute, besteak beste. Hortxe dago, nire ustez, makinen laguntzaren alderdirik interesgarriena : akustikoki gertatu denetik guk hautematen dugunera dagoen aldea, gure oharmenaren beregaintasunaren neurria eta nolakotasuna ezagutzeko ematen digun bidea.

9 Seinale fisikoarekiko beregaintasunaz ari naiz hemen : egungo tresnabidezko ikerketak berresten du eta frogatzen -Baudouin de Courtenay, Kruszewski edo Sapir batek oso garbi arrazoitu zutena— seinale akustikoak ez duela erabat baldintzatzen entzuleak jasotzen duena eta, horregatik, fonetikak bakarrik ez duela inoiz agortuko ahoskeraren analisia.

10 Hortik aurrera zenbait gogoeta dakartzat, pentsa-bide, iradokizun izan nahi luketenak. Izan ere, ez dakigu asko : ez diogu honela begiratu gaiari, ez gaude ohituta, ez dago tradiziorik linguistikaren jakintza alor honetan. Nire mugak, noski, jakintza alorrarenak baino are estuagoak dira, horregatik eta ez da erretolika huts, galderak dakartzat, erantzunak baino areago, programak, hemendik aurrerako iker-planak behar luketenak. Hain zuzen ere, mandatua XXI. mendean barrena gu baino luzeago iraungo duten mintegi honetako partaide gazteagoengana iristea nahi nuke.

11 Nire aldetik saiatu naiz, nire euskal fonologiari eta fonologia orokorrari buruzko ikerketetan, eskolak prestatzean eta ematean, orain ikasleentzako idazten ari naizen eskuliburu batean nabilela, sortu zaizkidan gaiak, galderak zenbait ardatz teorikoren inguruan atalkatzen : gainera, ardatz teoriko horietan euskararen inguruko ikergalderak josi ditut.

Oharmena eta fonologiaren historia

12 Fonologiak, bere historian zehar, memento batetik aurrera oharmena alde batera uzten du : ez da erabiltzen jakintza (fonologia bera, alegia) gorpuzteko, teoria eraikitzeko. Ez da, noski, errealitatea ukatzen zaiola, baina kausalitatea, hiztunaren kontzientzia, intentzioa eta horrelakoak arrazoibide ez zientifikotzat jotzen dira.

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13 Fonetikari eta, batik bat, fonologilarien artean, oharmenaz irakurtzeko XIX. mendeko azken aldera edo XX.eko heterodoxoengana jo beharrean gara (eskola handietatik at dabiltzanengana alegia).

14 Oharmenaren uzteak fonetikatik aldentzearekin izan duen zerikusia ez da gauza erraza baina ez da ahaztutzeko kontua, oraindik dirauten ondorio luze eta sakonak izan baititu. Ahalik eta laburren esan dezadan oraingoz beherago luzatuko duguna : oharmenak ahoskeraren ikerketetan estatusa galtzetik dator, neurri handi batean, fonetika eta fonologiaren arteko muga lainotzea ; horrek alor bien arteko beregaintasuna ahultzen du eta, horrela, elkarlana eragozten.

15 Fonologiaren historian zerbait izan bada fonetikarekiko aldentzearen seinale argi, artxifonema izan da. Fonologiaren sorkuntzarik bitxienetakoa da artxifonema delakoa. Duela gutxi tesi aurkezpen batean esateko aukera izan nuen bezala (tesigile fonetikariaren lasaitasunerako), errealitatean, benetako munduan, ez dago artxifonemarik. Artxifonemarena estrukturalisten fonema definizioaren reductio ad absurdum bat da, baina, gezurra badirudi ere oraindik mugaz handikako estatuko akademian behintzat bizirik dirauen ikuspegia da eta lasai esaten dizute hitz azkeneko edo kontsonante aurreko dardarkaria ez dela ez [r], ez [ɾ], /R/ artxifonema baizik. Asmakizun horrekin beren fonema definizioa salbatu zuten estrukturalista europarrek. Beste fonemekiko diferentziak bakarrik gauzatzen duen fonema abstraktua ez baitzetorren bat, fonema biren arteko diferentzia zenbait ingurunetan deuseztatzearekin. Gogora dezagun estrukturalistek inspirazio-iturri zeukaten Saussure(1916, 13) : Ce qui importe dans le mot, ce n 'est pas le son lui même, mais les différences phoniques qui permettent de distinguer ce mot de tous les autres, car ce sont elles qui portent, la signification.

16 Ikuspegi horretan fonema hizketa hots baten ezaugarri bereizleek osatzen dute (Europako estrukturalismoa), edo banaketa osagarrian gertatzen diren hotsen bildumak (Ameriketako estrukturalismoa). Zein hots diren zehazki gertatzen direnak, aldaeren nolakotasun fisikoak, ezaugarri bereizleekin batera jazotzen diren ezaugarri osagarriek eta abarrek ez dute axola. Azken batean errealitate fonetikoak, berez, ez du asko axola.

17 Horrelako eta bestelako desegokitasunak zirela, Chomskyk (1964) estrukturalisten fonema definizioa kritikatu zuen, baina desegokitasunen arrazoietan gehiegi sakondu gabe eta Halleren (1959) laguntzarekin, fonema kendu egin zuen analisi fonologikotik. Beren funtsa zen ongi deskriba eta formaliza daitekeela hizkuntzaren ahoskera esaldien aurkezpen morfofonemikoa (morfemen oinarrizko forma zehazten duena) eta gertaera fonetikoa erregela fonologikoen bidez lotuta.

18 Fonema analisitik kentze horretan, ordea, bi ume joan zitzaizkion ontziko ur zikinarekin batera :

19 a) Sapir erabili eta aldarrikatu bazuen ere, ez zuen jaso Sapirrengan garrantzi handiko den bereizkuntza bat : hots txandakatze batzuk hauteman egiten dira entzumenaz (esaterako, [et∫e] / [et∫ia], izan [d]a / ez [t]a izan), beste batzuk ez (esaterako, izan [d]a / ba[ð]a, [isu] / [izlari]).

20 b) Sapirren beste bereizkuntza bat (XIX. mendeko Kruszewski bezalako fonologilariengan ere oso garrantzizko izan zena) : txandakatze mekaniko edo fonologiazkoak vs. morfologiarekin lotuak1.

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21 Haatik, Chomskyrengandik aurrera edozein hots txandakatze fonologiaren eremuan sartzen da. Horixe izan da, XX. mendeko fonetika eta fonologiaren arteko distantzia handitu duten eragileen artean, gogorrenetakoa : bilakabide fonologikoak eta erregelak ez bereiztea. Baina elektriko / elektrizitate parean k/z txandakatzeak, etxe / etxa- bezalako hitz-elkarketetako hots ordezkatzeek, gaztelerazko boton I euskarazko botoi egokitzapenak, eta abarrek ez dute inolako arrazoi fonetikorik sinkronikoki. Alferrik da hor fonologia-fonetika lotura bilatzea.

22 Haatik, kasu horietan loturarik ez izateak ez luke ilundu behar lotura badagoeneko zubia. Baina iluntzen du : nola den-dena fonologiaren zakuan sartzen den eta nola fonologiazkotzat hartu horietako batzuei ez zaien esplikazio fonetikorik aurkitzen, alde bat uzten da erabat fonetikaren esplikazio-gaitasuna fonologian (eta fonologiarena fonetikan).

23 Oharmena eta fonetika-fonologia erlazioa Hasteko baieztapen bi : • Fonetika oharmenaz ahaztuta, fonologiaz ahaztu da. • Fonologia oharmenaz ahaztuta, esplikazioak bilatzeko eta, batik bat, emateko biderik gabe gelditu da.

24 Askotan gure analisi fonologikoetan esaten dugun gauza bakarra da delako hots unitate bat nola ezberdin ahoskatzen den ingurune ezberdinetan, gehienez ere deskribatze fonetiko soila emanda. Esaterako, ur elementuaren azken /r/ hori nola bakuna den bokal artean, baina anitza hitz-azken edo kontsonante-aurrean : cf. [urasko e[ð]an dut] eta [ur litroa e[ð]an dut].

25 Ez da azaltzen, aitzitik, zergatik den den bezalakoa /r/ hori agertoki bakoitzean eta, batez ere, ez da ia inoiz aztertzen eta azaltzen zergatik hiztunek berdintzat jotzen dituzten, adibidez esaldi horietako bakoitzaren barreneko [d] eta [ð] edo gorago aipatu ditudan izu eta hizlari hitzetako txistukariak eta da aditz-formaren /d/ kontsonante horzkari hori, desberdin ahoskatzen direnean ere (gogora izan [d]a I ba[ð]a adibideak).

26 Arrazoiaren zati bat ? : oharmenaren ordezkatzeak, ekoizpenean ere gertatzen direla, ordezkatze horiek entzuleak hiztun den bezainbatean egiten dituenak direla, alegia. Beraz, oharmena fonemikoa da, ekoizpena ere fonemikoa delako asmoan, intentzioan. Asmo fonemiko horien gainean, ordezkatze axalekoagoak gertatzen dira, baina horien ondorioak ez ditugu nahitaez hautematen.

27 Ordezkatze horiek arrazoi edo motibazio fonetikoa dute eta ez dira, berez, hizkuntzarenak hiztunarenak baizik. Bestela esan, ez dira kodearenak gizakiarenak baizik : unibertsalak dira, edozeinentzat baitira berdin fonetikaren baldintzak. Hizkuntza edo garai desberdinetan diferente izan daitezke, ordea, emankor diren ordezkatzeen multzoa eta ordezkatzeen elkarreraginak. Horien artean ordezkatze fonemikoek (hautematen direnek) hiztunak bere hizkuntzan entzuten duena eta ustez ekoizten duena murrizten dute, baina ez hori bakarrik : baita beste hizkuntzetan entzuten duena ere eta, halaber, erabat asmatuak diren hots eta hots kateen oharmena. Hiztunak bizirik dituen ordezkatze fonemiko horiek bere unibertso fonikoa zedarritzen dute.

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Oharmena eta fonema

28 Hotsari buruzko lanetan oharmena aintzat hartzen ez bada (estatusik ez badu, ez bada gure teoriaren osagai) fonetika ezin da izan fonologiaren bigarren mailako laguntzaile besterik. Fonologilariok, gure proposamenak fisikoki neurtzeko erabiltzen dugun tresna, lanabesa.

29 Fonetikarientzat ere fonologia teoria iluna gertatzen, oharmenaren zubia present ez bada. Horregatik, sarri, fonema terminoa ez da erabiltzen edo, erabiltzen bada, ez dira garbi bereizten hots eta fonema kontzeptuak. Saiakera eta hitzaldi anitzetan ikusten da fonema « hots » esateko modu dotorea besterik ez dela, pisu teorikoa galdu duela : fonema oharmenetik bakarrik uler baitaiteke, fonema oharmena da teorikoki lehenengo gorpuztu zuen Baudouin de Courtenayk irakatsi bezala.

30 Fonema oharmena da, oharmenezko izakia da eta (entzumena bakarrik baliaturik) oharmena fonemikoa da. Kontsonante-bokalei dagokiela, fonemak entzuten ditugu, ez hotsak. Fonetikak, ordea, hotsak aztertzen ditu eta hortik hasten da gure analisia.

31 Fonologia egiteko entzulearen lekuan jarrita, analisia (entzuleak eta berarekin kokatzen den hizkuntzalariak egiten dutena) indukzioz gertatzen da, hotsetik abiatuta, datu fisiko enpirikotik abiatuta. Seinale akustikoaren deskodetzea den « entzute » hori egitate fonetikotik eduki linguistikoaren bila abiatzen da. Hotsetik barneranzko bide horretan, hiztun-entzuleak datorkion seinalean hotsak hautematen dituenean, hortxe, dago fonema. Orduan hiztunak hotsak fonema gisa irudikatzen ditu. Esan daiteke gertaturiko errealitate fonetiko akustikoak hiztunaren fonologi sistemarekin topo egiten duela, hizkuntzaren ordezkatze emankorrek zedarritzen duten hiztunaren unibertso fonikoarekin2.

32 Esan-aldi bakoitzaren oharmenean, hotsaren analisi fonemikoak hiztunaren unibertsoan posible diren aukera fonologiko guztiak irekitzen ditu. Gero, aukera horiek bat baino gehiago badira, analisi gramatikal eta lexikoak aukeratuko dute gertaldi horretarako egokiena (esaterako, [eria] ahoskatu denean, entzuleak fonemikoki hauteman /eria/ horri lexiko-gramatikalki dagokion interpretazioa zein den : //erea// ‘brûlé(e)’, ‘quemada-o’ ala//eria// ‘peuple, village’, ‘ pueblo’).

33 Baditu, beraz, hiztunak beste zenbait baliabide, beste zenbait ezagutza, fonologiaz gainera, esana deskodetzen eta ulertzen laguntzen diotenak : funtsean, hizkuntzaren hiztegia eta gramatika sistema. Horiek dira [eria] entzuten duen hiztunari //ere+a// ala //eri+a// esan den erabakitzen laguntzen diotenak. Fonologia hutsaz, bestelako testuinguru linguistiko edo ez-linguistikorik gabe, ezingo genituzke bereizi, /i/ fonema baita euskaraz eta hiztegiko /e/ gauzatzen duena (/ere+a/--> [eria]), /i/ baten gauzatzea dena (/eri+a/--> [eria]) bezalakoxea baita fisikoki.

Oharmena eta prosodia

34 Euskal « azentuari » buruzko ikerketak, biribildu eta osatzeko baino areago, ezinbesteko duen ikerbidea da hau nire ustez. Ezer gutxi egin da gure artean alor honetan eta, ez da, oro har, hizkuntzalaritzan gehien landu diren gai horietakoa ere. Ulertzekoa da, ez baita erraza oharmenaren azterketa eta, horren barruan, prosodiari dagozkion gaiak dira harrapagaitz eta irristakorrenak.

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35 Lagungarri da, horregatik, galdera zehatzak aurkitzea bideak irekitzen hasteko garai honetan, galdera horiek funtsezko gaietatik oraindik oso urruti badaude ere ziurrenera.

36 García Calvok (1989, 37. atala) bere ohiko zorroztasunaz adieratzen du ezaguna bezain interesgarri zaigun kontu bat. Gauza jakina da, izan ere, nola eramaten den lehen hizkuntzaren (Ll) doinua bigarren hizkuntzara (L2). Maiz ikusi eta aipatu izan da, biganen hizkuntzen ikasketetan, behar bezalako ahoskera lortzea dela ikasle gehien- gehienentzat zailena eta, ahoskeraren barruan, prosodia (doinua, erritmoa, azentu- kokatzea, eta abar). Nabaria izaten da nola L2 bereganatzean, hiztunak L2 ko hitzak bere Lleko ahoskeraz moldatzen dituen, batik bat bere Lleko prosodiaz. Ahoskeraz jabetzeko moldatzen direnen artean ere, gutxiengo erlatiboa osatzen dute, kontsonante eta bokalen ahoskeraz batera, L2ko prosodia menperatzen duten ikasleak. Izan ere, maila prosodikoa eta segmentalaren beregaintasuna frogatzen dute hotsak bai, baina prosodia bereganatzen ez duten L2ko hiztunek.

37 Halaz ere, norberaren jatorrizko hizkuntzaren prosodia « kentzea » horren zaila izanik, bizkaieradun, nafarreradunek, gipuzkeradunek berehala galdu dugu gure jatonizko dialektoetako prosodia Euskara Batuarekin, Batua ikastean, Batua erabiltzean.

38 Zergatik ? a) eredu ahula delako (vs., esaterako, frantsesa, dudarik gabe eredu prosodiko indartsuenetakoa bere erregulartasunagatik) ? b) elebidun izanik (bi Ll ditugulako nolabait), erdarazkoa hartu dugulako EB ahoskatzeko orduan ? c) beste zerbait sortu dugulako, EB ez baita zehazki L2 bat guretzat (baizik eta ahoskerarik gabe-edo zetorkigun L1 baten aldaera bat ? Hegoaldekook egiten duguna Iparraldekoek egiten dutenarekin erkatzeak berebiziko garrantzia du hemen3. Alde bakoitzean aztertu beharko litzateke hiztunek, Batuan ari direnean eta etxekoan ari direnean, zein bereizkuntza prosodiko egiten dituzten eta ea Batuan erdarazko eredua ala beste zerbait gertatzen den.

39 « Beste zerbait » hori (erdarazkoaren ordez edo erdarazkoarekin nahasirik) Hegoaldekoengan eta Iparraldekoengan aurkitzen bada4 Batuaren erregulartze prosodikoa izan liteke... Baina oso oinarri ezberdinetatik abiatzen gara eta esango nuke ez dela lan arina izango horrelakoak isolatzea5.

Oharmena eta elebitasuna

40 Hemen euskararen azterketa egin dezakegunok, egin behar dugunok eta orain egin behar dugunok, lan esparru ezin hobea dugu : giza oharmenaren alorrean ekarpena egiteko aparta. Izan ere ezin gaitezke elebitasunak harrapatuago egon eta, gainera, hizkuntza birekiko elebitasunak... sistema fonologiko bi dituzten hizkuntza birekin dabil dantzan euskararen erabilera. Alegia, frantses-euskara eta gaztelera-euskara elebidun gara euskaradun gehien-gehienak (denak, neurriren batea) eta biografikoki, soziologikoki eta pragmatikoki elebitasun oreka eta neurri ezberdinak daude gure artean. Beraz, aztergaia ezin aberatsagoa da.

41 Hemen ere badugu bide teorikoari ekiteko moduko galdera andana : elebidunek bi sistema fonologiko beregain al dituzte ? Bi sistema baina ez beregain ? Sistema fonologiko zabalena duen hizkuntzaren araberako oharmena al du elebidunak beste

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hizkuntzaren kudeaketan ere ? Esate baterako, zein puntutaraino dira elebidunon baliabide gaztelerazko /Ө/ edo frantsesezko /ʒ/ ? Edo zein puntutaraino izan behar du batek elebidun horretarako ? Hori izan al liteke, bide batez, elebitasun mailaren neurgailu fonologiko ?

42 Oharmen fonologikoari zuzenean eusteko : frantses-euskaradunak bokal gehiago bereizten al ditu gaztelera euskaradunak edo soilik euskaradunak baino euskara entzutean ere (frantsesak euskarak eta gaztelerak baino bokal gehiago bereizten dituelako, bokal inbentario luzeagoa duelako paradigman) ?

Oharmena eta paradigma-sintagma bikotea : hizkera mailak

43 Paradigma esatean ezagutzaz ari naiz : gure memorian ditugun fonema kateak morfemaka edo unitate lexikoka bildurik. Hori oharmenaren esparru da. Gure hitzen barne egituraketan, batik bat, lehentasuna oharmena izan ohi da. Hitz edo morfemak oharmenaren araberako hotsetan (fonemetan) gordetzen ditugu. Horretarako paradigman oharmen garbia, hotsen arteko bereizkuntza onak bermatzen dituzten tasun eta kontrasteak dute lehentasuna.

44 Maila sintagmatikoan, alegia hotsen erabilera fisikoan, gauzak alderantzizkatu egiten dira. Hurrenez-hurreneko ontasunak indarra hartzean, hotsen ebakera erraztasuna da funtsezko eta ahultze bilakabideek (lenitioek) indarra hartzen dute.

45 Halaz ere, erabilera-maila batzuetan (zainduagoetan, formalagoetan), oharmena ere zaintzen da eta, horregatik, ahoskera hitzen aurkezpen paradigmatikoari atxikitzen zaio hizkera-maila arduragabeagoetan baino estuago.

46 Euskara aztertzetik ateratzen den ondorioetako bat bat hizkera maila guztietan gertatzen direla ordezkatze klase guztiak, zehazki, hizkera maila arduragabeetan berez zainduetakoak behar luketen oharmen zaintzaileak azaltzen direla.

47 Itxurazko paradoxa horren aurrean bi erantzun dira posible : a) Euskarak eta euskara bezalako hizkuntzek bereziki zaintzen dute hotsen oharmena, silaben arteko muga garbitasuna, eta abar. b) Hizkuntzaren ibilbide soziologikoa da horren erantzule, alegia hizkuntza soziologikoki oso murriztua egon denez luzaroan, ez ditu nahikoa garatu hizkera ezberdinak, estilo eta mailen arteko kontrasteak.

48 Aukerok elkarren osagarri izan daitezke : ikertu egin behar da, bai euskaraz, bai teoria orokorrean eta baita beste hizkuntzetan ere.

Oharmena eta ortografia

49 Idaztea da hizkuntza kanporatu eta besterengana helarazteko beste modu bat. Dena den, idatzia ahoskeraren ondorengoa da : idatziak ahoskera islatzen du, letrek hotsak islatzen dituzte zuzen edo zeharka eta sistema alfabetikoak ezin dira hizkuntzaren sistema fonemikotik aparte ulertu.

50 Idatziari dagokiolarik oharmena da axola duena. Ekoizpenak, ahoskerak, berez, ez du axola : idatziak ahoskera horretatik hautematen duguna jasotzen du.

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51 Hizkuntzaren ezagutza gramatikal, lexiko eta fonologikoa aintzat hartuta, baiezta dezakegu gero eta adostasuna handiagoa izan, « erosoago » gertatuko zaiola ortografiaren ohartzea erabiltzaileari.

52 Bestela, maila morfofonemikoa eta fonemikoa ez badatoz bat (gogora, esate baterako, errea /eria/ ← //errea//), ortografiak gehienbat aurkezpen morfofonemikora jotzen du.

53 Askotan idazkera morfofonemiko horiek neutralizazioren bat gertatu aurreko idazkera fonemikoak dira. Euskalkietan idatzia Batura egokitzean, behin baino gehiagotan egin da bide hori : ortografia fonemikotik (etxia) morfofonemikora (etxea) igarotzea ekarri du estandartzeak. Beste ortografia arautzeetan ere gertatu izan da hori. Adibidez, Ertaroko alemanean hitz beraren nominatiboa lant idazten zen (hitz azkeneko d > t ahoskabetze neutralizazioagatik), genitiboa, landes. Orain, berriz, nom. Land ([lant]) / gen. Landes idazten da elementu morfologiko beraren aldagarritasun grafikoa gutxitzen duen arauagatik.

54 Esan bezala, Batua-aurreko ortografietan ez da hori beti hala izaten. Errepara, esaterako, ohe unitate lexikoaren agerraldiei ondoko aipuan : Baionan zala uste zan Erramun, an arkitu zuten oian etengabeko mozkorrarekin, zatua eskuan zuala, oe guzia plai egiñik ; eta jendearen iskamilla somatzean deadar egiten omen zuan : - Alto, kien bibe ! Biba erpluika y benga biño ! (Pedro Miguel Urruzuno, 1910)

55 Batua, halere, ez zaio beti norabide berari jarraitu. Zenbait kasutan ortografi arauak maila morfofonemikoa baino kanporago dagoen maila fonemikoren bat hartu du eredu. Horrelakoetan besteetan baino handiago izan ohi da erabiltzailearen deserosotasuna : pentsa, baikara, baitzaio bezalakoez. Hiztunaren memorian eta aurkezpen lexikoan (maila morfofonemikoan) bera eta bakarra denaren aldakortasuna gertatzen da hor : gara / kara, zaio / tzaio.

56 Gainera, kasu honetan, posible da hiztunak zailtasunak izatea « bait » hori aurrizkitzat hartzeko. Egia da aurrizki gutxi dituela euskarak pareko egiteko morfosintaktikoetan ; baita ere erlatiboki aurrizki gutxi sortzen dituen hizkuntza dela. Oro har, beste hizkuntzetan ere, aurrizkiak ez dira atzizkiak bezain erraz Oharmenaz ohartu eta muga galdu eratzen (labur esanda, preposizioek luzaroago irauten dute aurrizki bihurtu gabe, postposizioek atzizki bihurtu gabe baino). Horren ondoan, aintzakotzat hartu behar dugu idazkera fonemikoaren esparrua hitza izaten dela (latinezko preposizioa ez zen inoiz « im » idatzi, nahiz eta aurrizkia sistematikoki « im- » idatzi zen ezpainkarien aurrean), ziurrenik idaztearen moteltasun handiagoagatik. Stampek esaten duen bezala, ortografia fonemak hitzez hitz ahoskatuz egin bide da.

57 Horregatik guztiagatik arruntak dira biyotza, mendiya, etxia edo biyar egin biar degu bezalako idazteak. Gutxiagotan gertatzen dira eztegu bezalako kanpo sandhien eraginak eta, orduan, elkarturik idazteko joera dago (hitz bakartzat hartzekoa, alegia).

Oharmena eta bertsogintza

58 Fonemarik gabe hankamotz geratzen zaigun beste alor inportante bat da hau. Bide batez eta horren osagarri, fonologiaren ulertzeko oso ikerreremu emankorra izan daiteke eta euskarak oparo duena. On litzateke, bai euskararen estudioetarako eta baita

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fonologi teoriaren aurrerapenerako ere, gure arteko ikerlariak bide honetan barrena abiatzea.

59 Izan ere, bertsoan eta musikan, axola duena aldi bakoitzeko benetako ahoskera (zehazki esan, ahoskera horren oharmen fonemikoa) da eta ez analisi morfofonemikoa. Neurriak eta puntuak behar bezala funtzionatuko badute, inportante direnak ez dizkiote irakurleari libre uzten bertsolari eta poetek, idazkera ortografiko morfonemiko arruntak aukerak emango lituzkeenean (Maitea, tristea, zu zera nerea idazkera kanonikoan libreegi da : cf. Maitia tristia, zu zera neria). Ematen du idazlea ez dela irakurleaz fio. Horregatik irakurtzeko ematean (poesiak edo bertso paperak) edo kantatua jasotzean, honelakoak aurkitzen ditugu : Erantzungo'izut ikusiya naiz makinatxo bat peri ta, zu ez al zaude ni nola nagon kontura ongi erorita ? Uztapide, 1969

60 Lehenengo lerroko « d » ez idatziak « o » eta « i » silaba bakarrean ahoskatzea ziurtatu nahi duelarik. Hortan e zorionik ez bide da nihun, neskatxak, nahi dauzuet hauxet erran egun : koblari hartzen bauzue zuen bizi-lagun, zonbeit gau beharko’uzue pasatu alargun Mattin, 1960

61 Hemen « ere » hitzak, horrela idatzirik, honako aukerak izango lituzke : ere, ee, e ; denak ere fonemikoak, noski, baina bakarra da neurri beharretara egokitzen dena.

62 Horregatik poesian ere aurki genitzakeen « lotze » fonemiko zehatzok. Kasu hau silaba bakarrean ahoskatu beharra markatzearen adibide da.

63 Errima lotzeko ere zaintzen da idazkera, gorago ikusi bezala (maitea / maitia). Halaber Lasarteren honetan : Emen gelditu edo ara jun ibili nuen jokua, San Pedrok zion « Barkatzen diat, motell, oraindañokua ! Geroxêgo’re emen baziok Lasarterentzat lekua, ta Gipuzku'n ibili ari beste artean kupua. » Lasarte, 1969

64 Nahiago dira morfofonemikoki eta fonemikoki bat datozen errimak, nahiz eta adostasun fonemikoa bakarrik nahikoa den. Nahikoa dela ikusten da, goikoan bezala, Xalbador-ek 1960an kantatutako bertso hauetan : Alta, beti zabiltza hemen bestaz besta, horren konprenditzea denentzat errez-ta ; zu ere ezin zaizkela ezkontzeat erresta,

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baina ez bide duzu hanbat errekesta.

65 Hemen ere errima ez da morfofonemikoa, fonemikoa baizik -laugarren lerroko [ta] hori morfofonemikoki //da// da, fonemikoki, ordea, /ta/ eta nahikoa da hori errimari eusteko--.

66 Badira, dena dela, aztertzeko gelditzen diren arazoak. Berdintasun fonemikoak ez dirudi beti orain arteko adibideetan bezain sendo, morfofonemikoki desadostasuna denean. Esaterako, hori da I hirira ez litzateke puntu ona bokalarteko « d » « r » bezalaxe eginda ere : [orira / irira]. Hemen lenitio edo ahultzea jazotzea (hala bada : merezi luke hori ere eztabaidatzea), goragokoetan fortitioa genuen bitartean izan daiteke konponbidearen osagai bat. Ez dugu aski ikertu hipotesian aurrera egiteko.

67 Fonemak ala fonema klaseak diren errima-euskarri hartzen direnak ere izan liteke beste ikerbide interesgarri bat. Fonemak baino fonema klaseak erabiltzen direla nahiko garbi dirudi hots txistukarien adibide batzuetan. Dirudienez ahoskune ezberdinek berdin balio dute. Ahoskune ezberdinek eta apikari-bizkarkariek klase bakarra osa dezaketela ematen du, esaterako, Xalbadorrengandik jasotzen ditudan latsak, meskatxak, aberatsak lerro azkenetan. Errepara, halaber, goraxeagoko bertsoan ; besta, erresta, errekesta /errez-ta.

68 Beraz, beti ere fonema edo fonema klaseak dira erabiltzen direnak. Diferentzia azpifonemikoak (alegia diferentzia fonetikoki badagoenenan, baina fonemikoki ez) ez du axola, ez delako hautematen, oharmena fonemikoa delako eta ez fonetikoa. Horregatik, ondorengoetan [d] / [ð] diferentzia fonetikoak ez du inolako trabarik egiten, biak fonemikoki /d/ baitira : han zegoen dama ([d]) hura bai madama ([ð])

Fonetika eta fonologia, berriro

69 Gorago esan da oharmena aintzat hartzen ez bada, fonetika ezin dela izan fonologiaren bigarren mailako laguntzaile besterik. Orain arte ikusitako adibideetan, ematen du fonologiak fonetika ukatzen duela. Nolabait gure hizketaren erabileran, bertsogintzan, eta abarretan izaera fonologikoa (fonemikoa) ez duenak ez duela axola. Baina hori fonologiko/fonetiko parea zentzu estu eta agorrean hartzea litzateke. Izan ere, oinarriaren oinarrira jota ere, pentsatu behar da hizkuntzen fonema aukeretan ere ekoizpen indar fonetikoek badutela zeresana. Hizkuntza bakoitzaren fonema inbentarioaren aukera eta hierarkiak ekoizpenerako elkarrekin ongien datozen tasunak erabiltzen dituzte -esaterako, hersketa ahoskabetasunarekin : horregatik dituzte hizkuntza guztiek herskari ahoskabeak--). Alde horretatik lasai aldarrika dezakegu fonologiaren oinarri eta funtsa fonetikoa dela : nolabait, zilegi bazait : fonologia fonetika da, fonetika hautatua, fonetika « antolatua ».

70 Fonologia (berdin jakintza zein hiztunaren ahoskera-gaitasuna) ezin dela fonetikatik banatu berriro aldarrikatzeko, Doneganen (1996) atalez-ataleko eskemaren zati bati jarraituko natzaio :

71 1) hizkuntzetako fonema sistemen lege unibertsalak ebakera eta oharmen gaitasunen araberakoak dira : fonema sistemen lehentasunek ahoskagarritasuna eta ikasterraztasuna islatu ohi dituzte (alegia ez dira halabeharrez /p, t, k/ usuago

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gertatzen munduko hizkuntzetan klikak baino edo eiektiboak baino, are /c/ bera baino...

72 2) hizkuntzen ordezkatze fonologikoen emankortasuna handitu edo gutxitu egiten da mailaketa edo hierarkia fonetikoaren arabera (alegia, ez da halabeharrez /g/ bokalartean gehien « jaten » duguna, /d/ gutxiago eta /b/ are gutxiago...

73 3) ordezkatze fonologikoen gertakortasuna errealitate fonetikoen araberakoa da (errealitate fonetiko linguistiko zein ez-linguistikoak barne) eta ezin dira ahaztu : • ordezkatzen denarekin batera inguruan dauden beste tasunak (bereizle zein ez-bereizle) : cf. bider [biðer] bustikuntzarik gabea eta inder [iɲjer] bustia, bigarren « d » herskari da, halaber palataltasun gehiago dago ingurunean. • baldintza prosodikoak (dudarik gabe hori esan aldiaren baldintza, egoera fisikoa da). • baldintza ez-linguistiko edo paralinguistikoak, ahoskatzen ari den (eta entzuten ari den) gorputzaren baldintzak.

Amaitzeko

74 Ez dakit nahikoa aipatu dudan, baina hango eta hemengo euskaren azterketa egitea biziki argigarri gertatuko zaigu euskararen ezagutzarako eta baita, oharmenaren sakontze teorikorako ere. Hangoak hangoa eta hemengoek hemengoa aztertzea on izango da, baina batik bat elkarren arteko zubiek emango digute erkaketak egiteko aukera eta, horrela, gauzen ezagutzan axaleko anekdotetatik, ahoskeraren funtsezkoetara igarotzeko bidea. Izan daitezela honelako mintegiak gure arteko harremanak hasi, segi eta sendotzeko oin.

BIBLIOGRAPHIE

Bertsolarien adibideak Auspoa bildumatik hartuak dira.

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Donegan, Patricia. 1996. On the relation between phonetics and phonology. 29th Meeting of the Societas Linguistica Europaea. Universität Klagenfurt, 4- 8.IX.1996-an aurkeztu txostena.

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Stampe, David. 1987. On phonological representation. Phonologica 1984. Wolfgang U. Dressler, Hans C. Luschützky, Oskar Pfeiffer, John Rennison, eds. London : Cambridge University Press, 287-300.

Stampe, David. ms. « Yes, Virginia ... ».

NOTES

1. Errepara ondoko aipuoi : « Nombre de linguistes bien intentionnes, travaillant avec d'excellents informateurs, n'ont obtenu, dans ce domaine, que des resultats decevants sans jamais supçonner que la faute en incombait a eux-memes et nullement a leurs informateurs. II est extremement difficile, sinon impossible d'amener l'informateur a tenir compte de variations phonetiques purement mecaniques, depourvues pour lui de toute realite phonemique. » (Edward Sapir, [1933] 1968, 168) eta, hamar orrialde beranduago : « Les transcriptions d'Alex sont, comme il est naturel, conçues dans un esprit nettement phonologique et c'est, dans une large mesure, en les etudiant que j'ai appris a estimer a sa juste valeur la difference psychologique entre un son et un phoneme. » (Edward Sapir, op. cit., 178). 2. Chomsky eta Halleren teoria dedukziozkoa da, estrukturalistena, berriz, indukziozkoa : hara hor gaizkiulertuaren arrazoi bat. Ikus David Stamperen « Yes, Virginia... », 3-4 3. Gorka Elordieta fonologilariarekin batera abiatu dudan (1/UPV/EHU00033.130-MA8025/2000) ikerketa proiektua bezalako asko beharko dira. 4. Behin eta berriz aipatzen den azkenaurreko azentua, esaterako. 5. Rosa Gandariasen bizkaiera eta Batuari buruzko lanak izan ziren honelakoen azterketa akustikoan aitzindari gure artean.

INDEX

Thèmes : linguistique Mots-clés : dialectologie, phonétique, phonologie

AUTEUR

MIREN LOURDES OÑEDERRA

Euskal Herriko Unibertsitatea (« Euskal ahoskera : ikerketen nondik norakoa » Mintegia Baiona, 2001-XII-12) [email protected]

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Kausazio aldizkatzea euskal aditzetan

Bernard Oyharçabal

NOTE DE L'AUTEUR

Ikerketa hau Syntaxe lexicale du basque deitu programan (PICS 1999-2002, CNRS) baten barneko lana da. Aurreko bertsio bat argitaratzekoa da ingelesez programa horretako argitalpenean (aurreratzen).

1 Aditz kausatiboetan bi erabide bereziki kausitzen ditugu1 Horrela, (l)eko adibideko formaren aurrean, (2)ko adibideetan aurkitzen ditugu aditz kausatiboak :

(1) Katua hil da (2a) Katua hil dut (2b) Katua hilarazi dut

2 Hiru adibide horietan aditz bera agertzen zaigu (hil), edo aditz laguntzaile iragangaitzarekin (1), edo irangankorrarekin (2a,b). Ohargarria da perpaus horietan agertzen den DS absolutiboak (katua), nahiz funtzio sintaktiko desberdinak dituen (subjektuarena (l)ean, objektuarena (2a,b)etan), beti thetaerrol bera duela : aditzak adierazten duen egoera aldaketan temari dagokiona. (1) adibidean, hil aditz monadikoa da. Haren subjektua, (2a,b)etako perpausetan objektu gisa agertzen dena, aditzaren hurbileko barne-argumentua da, eta subjektu posiziora mugitu da. (2a,b) adibideetan, (l)eko prozesu bera denotatua da gisa batez (katuaren hiltzea), baina zerk eragin duen zehaztuz. Eragite hori bi adibideetan ez da modu berean gertatzen, eta era desberdinetan adierazia da, nahiz bietan zehazten den subjektuak zerbait egin duela katuaren hiltzea ekarri edo eragin duena. Eragite horri erranen diogu kausazioa, eta (2a,b) aditzei, kausazio aditzak edo aditz kausatiboak, subjektua bi kasuetan arazle (causer) izanik. Comrieren (1989) tipologiako izendapenak baliaturik, kausatibo lexikalak eta kausatibo morfologikoak dei daitezke hurrenez hurren (2a,b) aditzak eta perpausak. (l-2a)

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adibideetan aditzarekin nabarmentzen den jokoari, idazlan honen ikergaia izanen denari, kausazio aldizkatze lexikala, erranen diogu.

1. Kausazio perpausen ezaugarriak

3 Dixonek (2000) erabide kausatiboen sailkatzeko zerrendatzen dituen bederatzi irizpideen arabera, euskal kausatiboen ezaugarriez denaz bezainbatean, batez ere hiru kontuan hartzekoak dira : lehena, oinarri aditzaren aspektuari dagokio ; bigarrena, haren izaera sintaktikoari, eta hirugarrena arazlearen eraginaren zeiharkakotasunari.2

4 Sarrera honetan, gure ikergaiaren mamia zehaztu aitzin, euskarazko kausazio perpausen itxura orokor baten emateko xedearekin, laburzki ikusiko ditugu hiru puntu horiek.

5 1.1. Dixonek aipatzen duen lehen puntua zehazki hau da : ea oinarri aditza egoera- aditza izan daitekeen ala ez. Euskaran garrantzizko puntua da, ez kausazio perpaus moten artean bereizkuntza bat sorrarazten duelako, baizik ere aditz mota edo predikatu horiekin3 (eduki, Izo/I/PospS izan/egon, (zerbaitetan) jakin,...) kausatiborik ezin sorraraz daitekeelako, ez kausatibo lexikalik, ez eta kausatibo morfologikorik ere, hala nola ikus baitaiteke ondoko adibideetan :

(3a) *Otoitzek saindu /parabisuan izan(arazi)ko zaituzte (3b) *Semeari euskaraz (mintzatzen) jakin(arazi) diot

6 Adibide horietan egoera predikatuak egitura kausatiboetan agerrarazten ditugu. Ikus dezakegu perpaus agramatikalak sortzen direla orduan.4

7 Kontuan har bedi, bizkitartean, aditz morfologia iragankorra aise erabil daitekeela euskaran egoera predikatu zenbaitekin, hala nola kopula perpaus bat dutenekin. Haatik, ez zaie interpretazio kausatiborik ematen Rebuschik (1984) inplikatibo deitu zituen holako perpausei :

(3c) Lankidea aitzinean I aspaldiko adiskidea / eri I hotzak hila dut (daukat)

8 Adibide horretan, PS / IS / IzoS + IZAN (edo EGON) egitura duen perpaus nominala dugu. Kanpoko argumentua izanagatik, (3c) perpausari ez zaio interpretazio kausatiboa ematen.

9 1.2. Bigarren puntua, oinarri aditzaren izaera sintaktikoari dagokiona, honela formula daiteke Dixonen (2000) tipologiari jarraikiz : ea aditz hura iragankorra izan daitekeen edo ez. Ondorio zuzena du puntu honek euskaran, kausatibo lexikalik ezin sor baitaiteke oinarri aditz iragankor batetik, bai ordea, arazorik gabe, kausatibo morfologikoak. Ondoko adibideek hori erakusten dute :

(4a) Autoa garajean sartu dut (4b) Autoa garajean *sartu / sarrarazi didazu (4c) Sagarra jan dut (4d) Sagarra *jan /janarazi didazu

10 Ikus daitekeenaz, (4a,c) adibideetako perpaus iragankorra egitura kausatibo batean erabiliz gero (4b,d), erabide morfologikoa bakarrik erabil daiteke (sarrarazi, janarazi), aditzaren beste formak (sartu, jan) interpretazio kausatiboa ezin izan baitezake.5

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11 1.3. Dixoni (2000) beti jarraikiz, aipatu nahi dugun hirugarren puntua honetan datza : ea arazlearen eragina zeiharkakoa ala zuzena den. Aski lausoa da kontu hau, hizkuntzatik kanpora errazki lerraraz gaitzakeena, hizkuntzaz kanpoko munduan azken katebegi bat beti gainera dakiokeen katea bezala agertzen baita kausalitatea. Bizkitartean, Dixonek oharrarazten duen bezala, badu honek eragin nabarmena kausatiboetan, eta euskaran ere bai. Ondoko adibideek hori 'erakusten dute :

(5a) *Oswaldek tiroz hilarazi zuen Kennedy vs Oswaldek tiroz hil zuen Kennedy (5b) *Francok tiroz hil zuen Grimau vs Francok tiroz hilarazi zuen Grimau (5c) *Erregeak gosez hil zuen presoa vs Erregeak gosez hilarazi zuen presoa

• • (5a) adibidean, kausatibo morfologikoa desegokiro erabilia da, zeren Oswaldek berak tiro egin baitzion Kennedyri. Aitzitik, kausatibo morfologikoa baliatuz besterik erraten da, Oswald zeiharkako arazlea (eta ez tiro egilea) izan zela adieraztera emanez. • • (5b) adibidean, kausatibo lexikala da modu desegokian erabilia. Izan ere, hura enplegatuz, adieraztera ematen da Francok berak tiro egin ziola hiltzera kondenarazi zuen Grimauri, ez baitzen hala gertatu. • • (5c) adibidean ere, kausatibo lexikala gaizki erabilia da. Gosez hiltzeak inplikatzen du gosea bera izan zela hiltzearen eragile zuzena. Altabada, arazleak ezin dezake zuzenean hura kontrola edo tresnatzat eduki (hizkuntzaren ikuspegitik, behintzat). Kausatibo lexikala tokiz kanpo erabilia da, beraz, perpaus hartan, zeren arazlearen eragina zeiharkakoa baita. Ohargarria da, adizlagun gisa, gosez erran ordez, ezpataz edo tiroz, erabiltzen bada (hots, arazleak osoki kontrolatzen duen tresna edo bitartekoa izanik adizlagunaren ardatza), perpausa egokiro eraturik gelditzen dela, orduan arazlearen eragina zuzena baita : • (5d) Erregeak ezpataz hil zuen presoa.

12 1.4. Aurkezpen orokor honen ondoan, derradan azterketa honen helburua, kausatibo lexikalei dagokien kausazio aldizkatze lexikala (l-2a) euskaraz nola gertatzen den ikertzea dela. Horretarako, lehenbizikorik, gai horren ikertzeko aitzinatu izan diren hurbilpen teoriko nagusiak laburzki gogoratu ditugu, hemengo idazlanean, deskonposizio lexikalari darraiona hobetsiko dugula adieraziz (§2). Ondotik, aztertuko dugu zer ondorio duen horrek aditz kausatibo lexikalei dagozkien baldintza sintaktikoentzat (§3). Erakustera emanen dugu, gorago aipatu dugun muga sintaktikoa (aditz iragankorrek kausatibo lexikalei ez dietela biderik irekitzen), zuzena izanagatik, kontuaren parte bat baizik ez dela, eta aditz iragangaitzetan ere mugatua dela kausatibo lexikaletan ager daitezkeen aditzen saila. Mugatze hori aditzen kasu- morfologiari lot ote dakiokeen ikusiko dugu ondotik, [+ERG] diren aditz iragangaitzak ia salbuespenik gabe, kausatibo lexikaletan ezin ager daitezkeela erakustera emanez. Baina hor ere urrunago joan beharra dela ageriko da, zeren [-ERG] diren aditzetan ere sail batzuk baitira kausatibo lexikaletan ezin erabiliak direnak, bai NOR-NORI aditzetan bai NOR bakarra dutenetan. Euskarazko kausatibo lexikalak, aldaketa aditzekin (esperientzorea objektu gisa dakarten psiko-aditz kausatiboak barne) bakarrik eratzen direla ondorioztatuko dugu. Erabide honen azalpen gisa erranen dugu kausatibo lexikaletako kausa buruak araberako predikatuak (BIHUR / JOAN) aukeratzen dituela, kontrastea izanik orduan kausatibo morfologikoekin, non bestelako osagai sintaktikoak (BozS) aukeratuak baitira. Bukaerako (§6), Araz burua eta kanpoko argumentua dakarren Boz burua elkarretarik bereitzen dituen Pylkkanen (2002) tipologia onartuz, euskara, ingelesa bezala, bi buruak bateratzen dituen hizkuntza dela ondorioztatuko dugu.

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2. Kausazio perpausen azalpen lexikala eta sintaktikoa

13 Aditzaren argumentuen kopuruari edo adierazteko moduen aldaketari josiak diren beste alternantzia sintaktikoetan bezala (izen inkorporazioa, pasibazioa, aplikatiboak, ...), kausatibo lexikaletan ere agertzen da lexikoiaren eta joskeraren arteko harremanen arazoa. Ikusmoldeak bi multzotan sailka daitezke : hipotesi lexikalista deitu izan denari jarraikitzen zaizkionak, eta hipotesi sintaktikoa segitzen dutenak.

14 2.1. Ikuspegi lexikalistan kausazio aldizkatzea lexikoitik bideratua da, Islapen Hatsarreari segituz (Chomsky 1981). Lexikoiko sarrera bakoitzak argumentu egitura du aditzaren esanahiari lotua, eta joskeran islatzen dena. Kausatibo lexikalen kasuan, maila horretan berean, lexikoian, agertzen da aditzaren bikoiztasuna, gisa batez edo bestez bi argumentu egitura desberdin baitagozkie aditzaren bi erabilerei, nahiz desberdintasuna sistematikoa den eta franko mugatua, kanpoko argumentu bat izatean edo ez izatean baitatza. Ikuspegi horretan, kausazio aldizkatzea bi modutan azaldua izan da lexikoian : edo argumentu gehitze gisa, edo argumentu gutitze gisa.

15 Argumentu gehitzearen alde jotzen duten ikerbideetan (Williams 1981), kausazio aldizkatzea duten aditzen argumentu egituran arazle argumentu bat gehitzen zaio aditz monadikoari, honek orduan forma diadikoa hartzen baitu, hala nola gertatzen baita, hiztegiko bi sarrera desberdinekin, kausatibo labileetan (kill vs die). Azterbide hau da EGLU-IIan aurkitzen dena eta hemen gogoratzen duguna :

16 Argumentu gutitzea aldezten duten azterketetan (Levin & Rappaport Hovav 1995, Jackendoff 1997) alderantzizko jokabidea hobesten da, eta beraz kausazio aldizkatzea kausatibatze gisa aztertzeko orde, deskausatibatze gisa egiten da. Errepresentazio semantikoan aditzak kanpoko argumentuari dagokion theta- errola badu, baina argumentu egituran ez da agertzen eta, ondorioz, ez joskeran islatzen. Azterbide honetan aditz inakusatiboen lexikoi errepresentazioaren oinarrian kausazio egitura aurkitzen da, eta hain zuzen, anitz hizkuntzatan morfologian berean ikus daiteke hau, zeren kausazio aldizkatzea duten aditzetan forma bat markatua denean, hura forma iragangaitza ohi baita. Levin & Rappaport Hovavek (1995 : 80-81) diotenaz, Chierchiak (1989) aldizkatze inkoatiboa-kausatiboa duten mintzaira erromanikoentzat agerian ematen du puntu hori, aditz inakusatiboek forma pronominala izanki, eta kausatiboek, aldiz, forma biluzia.6 Levin eta Rappaport Hovavek ere ikusmolde hau beretzen dute, eta aditz inakusatiboez eskaintzen duten azalpen orokorrean garatzen : haien azterbidean, Lexikoi-Kontzeptu Egituran (Lexical Conceptual Structure) errepresentzio bakarra du aldizkatze lexikala duen aditzak, baina bi argumentu egitura ditu (bat diadikoa -kausatiboa-, eta bestea monadikoa). Kanpoko argumentua desagerrarazten duen lexikoi uztardura (lexical binding) delakoaren bidez azaltzen dute zergatik ez den islatzen aditz inakusatiboen argumentu egituran Lexikoi-Kontzeptu Egiturako kanpoko argumentua, ebento arazleko egileari dagokiona. Azterbide honetan, honela agertzen dira hil aditzaren altzernantziako bi lexikoi-errepresentazioak (cf. Levin & Rappaport Hovav 1995 : 108).

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17 Gorago aipatu azterbideetan ikusi bezala, lexikoian berean, argumentu egitura antolatzeko eran, azaltzen da aldizkatze kausatiboa, gero joskeran islatzen dena, hipotesi lexikalistak nahi duen bezala.

18 2.2. Beste ikuspegi bat kontrajarria izan zaio azterbide honi, non joskeran kokatzen baitira aldizkatzearen azterbideen oinarriak, gisa horretan semantika generatibistaren aspaldiko zenbait jokabideri jarraikiz (Lakoff 1968). Erregularitate sintaktikoei azalpen sintaktikoa eman zekiekeela erakutsi ondoan (cf. bereziki Baker 1988, eta euskal kausatibo morfologikoentzat Deustuko Mindegia 1989), berez bezala heldu zen gisa bereko azterbideak aldizkatze kausatiboentzat ere proposa zitezkeela. Minimalismoaren barnean egindako azalpenetan kanpo argumentuaren agerpena joskerako buru berezi bati lotua baita -Chomskyren (1995 : 352) a aditz arina, Kratzerren (1996) Boz burua–, azken urteetan modu desberdinetan landua izan da ikerbide hau (Megerdoomian 2002, Pylkkanen 2001, 2002, Folli & Harley (bidean)). Guk ere bide bera segituko dugu hemen, erregularitate sintaktikoak, kausatibo lexikaletako alternantzietan agertzen direnak ere bai, joskeraren bidez azaltzeko direla proposatuz. Ikuspegi horretan, lexikoi deskonposizioa zuzenean joskerako printzipioen arabera bideratua da Hale & Keyserrek (1993) proposatu bidetik, baina lexikoia joskeratik bereiz atxiki gabe, eta deskonposizioan agertzen diren predikatuak joskeran berean, zeinek bere argumentua –bat bakarrik– dutelarik, agerrarazirik (Baker 1997, McGinnis 2000).

19 Hemengo proposamenean buru bat baitagokie aditz kausatiboei, joskeran honelako itxura hartuko dute aditz horiek (Araz deitzen dugu, besterik gabe, kausa burua, Boz burutik bereiz, eta honen pean, dagoena):

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20 (7)an Araz buruaren osagarria ez da zehaztua, eta kausatibo mota desberdinentzat balio du, erran nahi baitu kausatibo lexikalentzat eta morfologikoentzat.

21 Euskaraz, dakigun bezala, kausatibo lexikalek eta kausatibo morfologikoek ez dute banaketa bera, erran nahi baitu arazi morfemarekin ager daitezkeen aditz askok ez dute kausazio aldizkatze lexikalik, eta XSk bi kasuetan izaera desberdina izan behar du nahitaez. Zein ? Hori da hain zuzen orain aztertuko duguna, kausazio aldizkatze lexikala bereziki ikerturik, hartan agertzen baitira murriztapen handienak. Ikusiko dugu, halaber, Pylkkaneni (2002) jarraikiz, Araz eta Boz buruen arteko erlazioa bereizia dela kausatibo lexikaletan.

3. Kausazio buruaren osagarria kausatibo lexikaletan

22 Ikuspegi deskriptibo bat harturik, kausazio aldizkatze lexikala duten aditzen saila mugatu nahi badugu, orokortze morfosintaktiko hau proposa daiteke : egoera- predikatuez beste aditzek (cf. §1.1, (3a,b,c)) onartzen dute kausazio morfologikoa. Subjektu ergatiboa duten aditzek, aldiz, ez dute kausatibo lexikalik bideratzen. Hala da subjektu ergatiboa hartzen duten aditz iragankorrentzat (IZEN+egin bezalako aditz lokuzioak barne) lan honen sarreran ikusi dugun bezala, bai eta bazkaldu, dirdiratu, etsi, iraun, ... bezalako aditz deponenteentzat7 ere. Ondoko adibideek (non DS datiboa causee edo arazi gisa interpretatzekoa baita) ezintasun horiek agerian ematen dituzte, aditz iragankor arrunt batekin edo objektu zehaztugabea duen batekin (8a), egin aditz arina duen aditz lokuzio batekin (8b), subjektu biziduna (8c) edo bizigabea (8d) duen [+ERG] aditz iragangaitz batekin :

(8a) *Pellok Maddiri (ogia) jan dio vs Pellok Maddiri (ogia) janarazi dio(8b) *Pellok Maddiri eztul egin dio vs Pellok Maddiri eztul eginarazi dio(8c) *Pellok semeari bazkaldu dio vs Pellok Maddiri bazkalarazi dio(8d) *Erregeak gerla iraun zuen vs Erregeak gerla iraunarazi zuen(8d’) *Erregeak gerlari iraun zion vs Erregeak gerlari iraunarazi zion

23 Lau adibideetan, ikusten da kausatibo morfologikoa zilegi dela, baina ez kausatibo lexikala. Ergatiboaren agerpena euskaraz kanpoko argumentua dakarren Boz aditz arinaren adierazpena den neurrian, zerbait erraten digu orokortze honek kausatibo lexikaletako kausazio buruaren XS osagarriaz : BozS ezin izan daiteke.

24 Ikus dezagun, halere, aditz ergatibodunei zegokien hastapeneko orokortze honi eduki zabalagoa eman ez ote dakiokeen. Aditz deponenteak lexikoiko egitura iragankor bati lotuak direla kontsideratuz geroz (Hale & Keyser 1993, Laka 1993), aditz ergatibodun guztiak gutienetik diadikoak baitira, orokortzea, -aditz poliadiko guztietara zabal ez ote daitekeen ikusi behar dugu. Hala izanez, orokortze honen ondorio sintaktikoa garrantzizkoa litzateke, zeren erakustera eman bailezake XS (7)ko errepresentazioan AS soilik izan daitekeela.

25 Orokortzeak, deskriptiboki bederen, balio duenetz ikusteko, euskaraz, NOR- NORI aditzak ditugu ikertzekoak, eta haietan bereziki psiko-aditz batzuk8 Nahiz guti diren, balia dakizkiguke gure azterketaren aitzinatzeko. Haietan bi aditz mota berezi behar ditugu, alde batetik, esperientzorea datiboan dutenak, eta, esperientzorea absolutiboan dutenak. Lehenbizikoen artean, ahaztu eta gustatu sartuko genituzke, eta bigarrenekoen artean urrikaldu edo errukitu. Oraindik behar bezala ikertu gabe daude euskarazko

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psiko-aditzak, eta maila deskriptiboan ere, ez dira kontuak oso argi. Ikus dezagun, bada, zer gertatzen den hauekin.

26 Usaian erabiltzen den aditz horien tipologia (Belletti & Rizzirena 1988) erreferentziatzat harturik, ahaztu I gustatu psiko-aditzak piacere motako aditzak dira (Artiagoitia 1995, 2000). Aditz horietan, euskaraz, argumentu absolutiboa tema argumentuari dagokio, eta datiboa esperientzoreari. Aditz hauek ez dute onartzen kausazio aldizkatze lexikala, ondoko adibidean ikus daitekeen bezala :

(9a) Adinarekin kantuak ahaztu zaizkit (9b) *Adinak kantuak ahaztu dizkit (vs Adinak kantuak ahatzarazi dizkit)

27 Gauza bera gertatzen da esperientzorea absolutiboan duten urrikaldu (aspaldi honetako erabilera)9 edo errukitu bezalako NOR-NORI aditzekin. Aditz hauek ere ez dute kausazio aldizkatze lexikala bideratzen :10

(9c) Aberatsak hakan urrikaltzen zaizkie behartsuei (9d) *Apaizaren erranek aberatsak urrikaldu dizkiete behartsuei

28 Horko datuak ikusirik, ondoriozta daiteke kausatibo lexikaletan oinarri aditzak argumentu bakarrekoa izan behar duela, eta, [+ERG] ezin izan baitaiteke, NOR-aditza izan behar dela.

29 Erran ote daiteke, orduan, egoera aditzez kanpoko (cf. 1.1) NOR-aditz guztiak aurki daitezkeela kausa-buruaren (Araz) osagarri gisa ? Orain ikusiko dugun bezala, ez. NOR- aditzetan ere aditz klase batzuk badira, kausazio morfologikoa onarturik ere, kausazio lexikala baztertzen dutenak. Hona egin daitekeen sailkapena :

(10) Kausazio aldizkatze lexikala eta NOR-aditz klase nagusiak :11 Aditz erreflexiboak (garbitu,jantzi, orraztatu, ...) EZ Jarduera-aditzak (jokatu, Jostatu, mintzatu, ...) EZGertatze aditzak (gertatu, jazo, ...) EZEgoera-aldaketa aditzak (hil, hautsi, zabaldu, ...) BAIToki-aldaketa aditzak (atera, hurbildu, joan, ...) BAIPsiko-kausatiboak (aspertu, harritu, izutu,poztu, ...) BAI

30 (10)ean agerrarazi dugu zein diren aldizkatze kausatiboa onartzen ez duten NOR-aditz motak. Laburzki, adibide batzuen bidez, kausatibo lexikal agramatikal horien zenbait adibide ematen ditugu.

4. Kausazio aldizkatzea ez duten NOR-aditzak

31 Bederazka ikus ditzagun (10)eko taulan EZ dakarten aditz-klaseak.

4.1. NOR-aditz erreflexiboak

32 Euskaraz aditz iragankorren forma erreflexiboak bi modutara agertzen zaizkigu : edo izenorde erreflexibo bat erabiliz aditzaren egitura iragankorra kanbiatu gabe, edo joskeran aditza argumentu bakarrekoa eginez, hura absolutiboan izanik (Ortiz de Urbina 1989). Aditz gehienentzat erabide estandarra forma iragankorra begiratzen duena da, baina beste zenbait aditz badira non lexikalizatu baita erabide iragangaitza. Halakoak dira, adibidez, beztitu edo orraztatu aditzak. Orain beha ondoko adibideei :

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(11a) Pello beztitu da (11b) Maddik Pello beztitu du (11c) Pello orraztatu da (11d) Maddik Pello orraztatu du

33 Ikus daitekeenaz, (11)ko aditzek erabilera iragangaitza eta iragankorra badituzte. Haatik, ez dute kausazio aldizkatze lexikala erakusten, (llb,d) adibideek ez baitituzte (11a,c)koak barneratzen. Izan ere, (11a,c)ko adibideetan aditza erreflexiboa da, eta Pellok bere burua beztitzen eta orraztatzen duela ulertzen dugu ; (1 lb,d)ko adibideetan, aitzitik, Pellok ez du bere burua beztitzen edo orraztatzen. Aditz erreflexiboekin erabilera kausatibo baten erdiesteko nahitaezkoa da kausatibo morfologikoaren baliatzea : Maddik Pello beztiarazi / orraztarazi du. Aditz horiek iragangaiztasun eratorria dute eta dagokien lexikoi deskonposizioan bi argumentu dituzte, bat barnekoa eta bestea kanpokoa, erreferentziakide direnak (Reinhart & Siloni, bidean). Funtsean, beraz, hemengo ezintasuna, aditz iragankorretan kausitzen dena da.

4.2. NOR-aditz inergatiboak

34 Orokortze hau proposatzen du Levinek (1983, 1989) euskal aditzez egiten duen sailkapenean : NOR-aditzak aditz inakusatiboak dira (mintzatu aditza salbuespen bakarra izanki). Nahiz badirudien NOR-aditz inergatiboak gero eta gehiago NORK-aditz gisa erabiltzeko joera zabalduz doan, Hegoaldean bereziki (Sarasola 1977),12 orokortze hau gehiegizkoa da (Oyharçabal 1993, Etxepare bidean). Hots, aditz inergatibo andana bat bada, Iparraldeko erabileran bereziki, semantikoki argi eta garbi inergatiboak izanik, mintzalmoldeen arabera NOR- aditz gisa balia daitezkeenak : (zerbaitetan) ari izan, bazkaldu, behatu, borrokatu, dantzatu, elekatu, entseiatu, jauzi, jazarri, jokatu, jostatu, mendekatu, mintzatu, ... Aditz horiek aditz agentiboak dira. Aditz klase hau da, hain zuzen, inakusatibitateari buruzko ikerlanetan, orok (ikus, adibidez, Perlmutter & Postal 1984, Levin & Rappaport Hovav 1995 : 136) aditz inergatibotzat jotzen dituztenak ; (halere, aldaketa noratua duten toki-aldaketa aditzak, agentiboak izan daitezkeen arren, ez dira klase horretan sartzen, geroago oroitarazten dugun bezala, cf. §5.2.).

35 Ondoko adibideek erakusten duten bezala, NOR-aditz inergatiboek ez dute kausatibo lexikalik bideratzen (12b, 13b):

(12a) Pello kanpoan jostatu da (12b) *Maddik Pello kanpoan jostatu du (vs Maddik Pello kanpoan jostararazi du) (13a) Nire aurka borrokatuko zara (13b) *Buruzagi berriek nire aurka borrokatu zaituzte (vs Buruzagi berriek nire aurka borrokarazi zaituzte)

36 Borrokatu aditza iragankorki ere erabiltzen ahal dute anitz hiztunek, ondoko adibidean bezala :

(13c) Buruzagi berriek zu ere borrokatu zaituzte

37 Erabilera iragankor horretan, haatik, ez dugu erabide kausatiborik eta (13c) ezin interpreta daiteke (13b) bezala.13

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38 Gauza bertsua gertatzen da elezko komunikazioa adierazten duten elekatu, hizkatu, mintzatu, solastatu bezalako aditzekin. Erabilera iragankorra badute (Iparraldeko euskalkietan, bederen), ondoko adibideetan ikus daitekeen bezala :

(14a) Pello mintzatu da (14b) Maddik Pello eta Jakes mintzatu ditu

39 Ordea, (14b) adibideak ere, hartako aditza iragankorra izanagatik, ez du adiera kausatiboa (Pello eta Jakes komunikazio-kide dira, ez mintzatzaile). Kontrastea agerian emateko, aski da adizlagun baten sartzea Pello mintzatzaile gisa interpretatzera bortxatzen duena :

(14c) Pello bere buruarekin mintzatu da(14d) *Maddik Pello bere buruarekin mintzatu du(14d) adibidea gaizki eratua da, zeren izan dezakeen interpretazio bakarrean ((14c)ri dagokiona) solas aditz bat (inergatibo bat, beraz) oinarritzat daukan kausatiboa baita.

40 Ez da argi aditz horien kasu morfologia nola azaldu behar litzatekeen. Hemen aldezten den lexikoi deskonposizioan nekez kokagune desberdinak emanen dizkiegu ondoko pareetako aditzen argumentuei : borroka egin [+ERG] eta borrokatu [-ERG] ; ele egin [+ERG] eta elekatu [-ERG]; hitz egin eta hizketatu [-ERG] ; zintz egin [+ERG] eta zintzatu [-ERG] ; ... (Oyharçabal 1993). Franko erregularra da aldizkatze hori inkorporazio aditz batzuekin, adibidez solas aditzekin. Aditzaren oinarrian den izena (ele, hitz, solas) zerekin bateratzen den : edo egin aditz arinarekin, edo morfologikoki hutsa den aditz buru batekin forma soiletan (Hale & Keyser 1993).

41 Menturaz, Marantzen (1991) azterbideari jarraikiz, euskal ergatiboa kasu dependente gisa harturik, haren agerpena objektu posizioaren ikusgaitasunari lotua dela kontsidera daiteke (Oyharçabal 1994). Gisa horretan, nola aditz arinarekilako lokuzioetan beti ikusgai baita objektua, ergatiboaren erabilera nahitaezkoa da. Aditz burua zero formakoa duten inkorporazioetan, aldiz, objektu posizioa hustua da, ezin-ikusizkoa geratzen delarik. Ezin-ikusizkotasun horrek, ondorioz, kasu dependentearen (ergatiboa) agerpena eragozten du, honek, agertzeko, lehenik objektua 'ikusi' behar baitu. Aztermolde honetan, NORK-aditzen saila salbuespen gisa agertzen da, haien kasuan objektu inkorporatua ikusgai gelditzen baita.

42 Dena den, oso adierazgarria da NOR-aditz horien azterketarako, sekula ezin ager daitezkeela kausatibo lexikaletan, alta haietarik batzuek, gorago ikusi bezala (11e, 12b), erabide iragankorra onartzen dutelarik. Horrek indar ematen dio haien argumentua kanpoko posizio batean dagoela dioen aztermoldeari.

4.3. Gertatze aditzak

43 Gertatze NOR-aditzei ere ez dagokie era kausatiborik.14

(15a) Nire otoitzen ondotik, bi mirakuilu gertatu dira (15b) *Nire otoitzek bi mirakuilu gertatu dituzte

44 Aurrekoetan ez bezala hemen argumentu bakarra ez daiteke kanpoko argumentutzat har, gertatze aditzak aditz inakusatiboak baitira. Beraz, ezin erran daiteke horregatik gertatzen dela (24b)ko ezintasuna. Bestalde, euskara ez da bakarrik ibilki modu horretan, datu berak baititugu ingelesez (Levin 1993 : 21) eta frantsesez ere :

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(16a) Il est survenu / advenu un miracle (16b) *Mes prieres ont advenu / survenu un miracle

45 Survenir eta advenir aditzak frantses gertatze-aditzak dira. (16a)n ikusten dugu aditz horiek, aditz inakusatiboekin bakarrik aurkitzen den itzuli batean erabil daitezkeela, subjektu zehaztugabea aditzaren ondotik agertuz. (16b) adibideak frogatzen du aditz inakusatibo horiek kausatibo lexikal batean ezin ager daitezkeela.

46 Geroxeago proposatuko dugun deskonposizio lexikalean, kausazio lexikala aldaketa- predikatuari lotuko diogu. Gertatze aditzetan, ordea, existentzia predikatua dugu eta ez aldaketa adieraz dezakeen predikatua. Xehetasun gehiagotan sartu gabe, diferentzia horren bidez azalduko dugu aditz horiekin agertzen den kausatibo lexikalik eza.

47 Ikus daitekeenaz, NOR-aditz klase batzuk ez dira kausatibo lexikalekin aldizkatzen. Ikus ditzagun aukera hau eskaintzen dutenak.

5. Kausazio aldizkatzea duten NOR-aditzak

48 Aldaketa aditzetan bi azpisail bereizteko dira : egoera-aldaketa aditzak (§5.1) eta toki- aldaketa aditzak (§5.2). Psiko-kausatiboak, azkenean haiek ere aldaketa aditz gisa azterkatzea proposatuko dugun arren, bereiz ikertuko ditugu (§5.3).

5.1. Egoera-aldaketa aditzak

49 Egoera-aldaketa aditzetan, hurbileko barne-argumentuaren itxuran edo izaera fisikoan aldaketa adierazten duten aditzak sartzen dira eta bereziki izenondo (edo izen) batetik eratorriak direnak : arraildu, belztu, berotu, edertu, eritu, hautsi, hil, hoztu, idortu, loditu, luzatu, urtu, zabaldu, ... Aditz horiekin kausatibo lexikalak guztiz emankorrak dira.

(17a) Udaberriarekin bazterrak laster berdatu ziren (17b) Udaberriak bazterrak laster berdatu zituen

50 Gure hastapeneko atzerbideari jarraikiz, gisa horretako kausatiboei dagokien errepresentazioa bikoitza izan daiteke, izenondo edo izen batetik eratorriak ote diren. Lehenbiziko kasuan (18) errepresentazioa dugu :15

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51 Aditz iragangaitzetan inakusatiboak eta inergatiboak elkarretarik bereizteko Levin & Rappaport Hovavek (1995 : 91) irizpide nagusi bat kontuan hartzen dute : egoera- aldaketa aditz gehienak kanpo kausa dutenak izanki, aditz inakusatiboak ohi dira, eta, alderantziz, barne kausa duten aditzak aditz inergatiboak. Azken puntu honek, ordea, salbuespena badu : badira egoera- aldaketa aditz batzuk, berezko barne-kausa dutenak direnak (Levin & Rappaport Hovav 1995 : 159). Aditz horiek barne kausa duten neurrian, nekez kausatibo lexikaletan ager daitezke. Alabaina, baldin barneko kausa batek sorrarazten badu egoera aldaketa, kausatibo lexikaleko subjektua, kanpo kausa adierazten duena, ezin izan daiteke zuzeneko kausa (gogora (5a,b), eta beraz horrelako aditzek aldizkatze kausatiborik ezin izan dezakete.

52 Bizkitartean, Levin & Rappaport Hovavek (1995 : 99) azpimarratzen duten bezala, hizkuntza guztiek ez dute berdin trinkatzen auzi hau, eta hizkuntza bereko hiztunen artean ere gorabeherak eta aurkakotasunak ez dira falta. Gure hemengo lana deskriptiboa izanik gehienik, saiatuko gara euskal aditzetan zer gertatzen den ikustera.

53 Lehenik, joera bezala, badirudi, euskarak aski aise onartzen duela aldizkatze kausatiboa, kontzeptualki barne-kausadun aditz gisa kontsidera daitezkeen egoera- aldaketa aditzekin. Izan ere, badira euskal aditzak aldizkatze kausatiboa dutenak, ondoko erdaretan, bame-kausadunak izanik, kausatibo lexikaletan nekez agertzen direnak.

54 Gaztelerazko egoera-aldaketa aditzak ikertuz, Mendikoetxeak (1999 : 1599) seinalatzen du bame-kausadun egoera-aldaketa aditzetan anitz kanpo-kausadun gisa ere ager daitezkeela, nolako argumentua duten. Haren arabera, aditza animaliez eta fenomeno naturalez mintzatuz erabil badaiteke, aise agertuko da barne-kausari dagokion interpretazioa, subjektu bizigabe batekin aurkituko ez dena, ondoko adibideak erakusten duten bezala ; cf. Mendikoetxea (1999 : 1599):

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(19a) Juan ha ensachado (barne kausa) (19b) La carretera se ensancha en el km 5 (kanpo kausa)

55 Euskaran, irudi luke gai inerteei edo bizigabeei dagokien prozesuak direlarik (landareak ez ditut hauetan sartzen), hiztun guztientzat posible dela kausatibo lexikalen erabiltzea.16 Urtzea, usteltzea, herdoiltzea, ... bizigabeko gaiei gerta dakizkiekeen aldaketak dira, kontzeptualki bame-kausa batek eragiten dituela kontsidera baitaiteke. Euskaraz, ordea, kanpo-kausadun gisa agertzen zaizkigu eta aldizkatze kausatiboa badute. Horrela, frantsesez fondre aditza nekez agertuko da erabilera kausatiboan, baina aise euskaraz urtu aditza :

(20a) *Le soleil a fondu le verglas (vs Le soleil a fait fondre le verglas) (20b) Eguzkiak bideko horma urtu du

56 Aldaketa bizidun bati gertatzen zaiolarik, hiztun guztiek ez dituzte intuizio berak, eta anitzetan epaiak zalantzarekin emanak dira. Adibidez, ikus ditzagun aldizkatzeak frantsesez eta euskaraz, subjektu biziduna duten grossir I loditu eta maigrir I mehatu bezalako aditzekin :17

(21a) Pierre a grossi / maigri (21b) *Les médicaments ont grossi / maigri Pierre (22a) Pello loditu / mehatu da (22b) %Erremedioek Pello loditu / mehatu dute

57 Adibide horretan, non aditzek temaren egoera fisikoan aldaketa bat seinalatzen baitute, euskal hiztun zenbaitek, ez denek haatik,18 onartzen dute frantsesez nekez egin daitekeen aldizkatze kausatiboa. Hala gertatzen da, itxura guztien arabera, gorritu aditzarekin ere, jendeari, ahalketzen delarik, aurpegian gertatzen zaionaren adierazteko erabilia denean. Ikus ondoko adibideak euskararekin batean inguruko zenbait hizkuntza aipatzen dituztenak :19

(23a) Peter blushed(23b) *The compliment blushed Peter (Levin & Rappaport Hovav 1995 : 91, 160)(24a) María enrojeció (24b) *La enhorabuena enrojeció a Maria (Mendikoetxeak 1999 : 1604), (25a) Marie rougit (25b) * Vos paroles rougirent Marie (Labelle 1990 : 306), (26a) Maddi gorritu zen(26b) %Zuk esandakoak gorritu egin nau20

58 Landareek dutelarik jasaten aldaketa, piska bat gauza bera gertatzen da. Hiztun guztiek ez dute berdin egiten. Adibidez, zenbaitek onartzen dute loratu edo lilitu aldizkatze kausatiboan agertzea, besteek ez :21

(27) %Maiatzeko eguzkiak gereziondoak loratu ditu

59 Itxura guztien arabera, beraz, oso guti dira euskaraz hiztun guztientzat, egoera- aldaketa aditz inakusatiboak, erabilera kausatiboa ezin izan dezaketenak. Hazi aditza (landareez mintzatuz erabilirik) hiztun askorentzat aldizkatzerik gabekoa bada, beste batzuentzat kausatibo gisa ere erabil daiteke, subjektua agentiboa denean bederen :22

(28a) Gure etxe inguruan landareak behar bezala hazi dira aurten (28b) %Baratzezainak landareak hazten ditu (28c) *Eguraldi onak / ongarriak gure landareak ongi haziko ditu

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60 Beste fenomeno bat ere kausitzen da hemen aipatzen dugun aditz sailarekin. Landareei eta animaliei dagozkien zenbait parte adieratzen duten izenetarik sortu aditz batzuk kausazio aldizkatze berezian agertzen dira : aletu, bihitu, kimatu, lumatu, ... AOPZek (2000 : 439) seinalatzen du fenomeno hau, non aditzak, erabilera inakusatiboan, berezko barne kausadun aditzak baitira eta erabilera kausatiboan, berriz, izen inkorporatuak denotatzen duen partearen kentzea ere adierazten baitute :

(29a) Kardua kimatu da(29b) Jendeek mahastia kimatu zuten

61 Euskaraz kausatibo lexikalak, orain arte ikusi dugun bezala, franko erregularrak dira, erran nahi baitu lexikalizazioari datxekion idiosinkretismo guti aurkitzen dela. Hau, ordea, gisa horretakoa da.

5.2. Toki-aldaketa aditzak

62 Toki-aldaketa aditzetan ez dira higimodua aditzean berean adierazten duten aditzak, bai ordea norabidea berez agertzen dutenak.23 Lehenago ikusi baitugu aditz monadiko agentiboak aditz inergatiboak ohi direla, orokortze horri buruzko salbuespen garbia osatzen dute aditz horiek, Levin eta Rappaportek (1995) seinalatu eta arautu bezala.24 Izan ere aditz horietarik anitzen argumentua agentiboa izanagatik, inakusatiboak dira eta kausazio aldizkatzea badute :

(30a) Kanpora atera zara (30b) Kanpora atera zaitut (31a) Haurrak oheratu dira (3lb) Haurrak oheratu ditut

63 Egoera-aldaketa aditzetan, ikusi dugu arras guti direla kausazio aldizkatzea osoki eta hiztun guztientzat ezinezkoa zutenak. Gehiago dira horrelako kasuak toki-aldaketa aditzetan :

64 - Kausatibo lexikala dutenak :25 agertu, amildu, atera, elkarretaratu, etxeratu, goititu, hurbildu, igan, ilki, jaitsi, jalgi, %joan, sortu, urrundu, …

65 - Kausatibo lexikala onartzen ez dutenak : ailegatu, arribatu, erori, etorri, irten, jaio, jin, %joan, partitu, ...

66 Zaila da modu argian ikustea zerk duen sortzen bereizkuntza hau. Badirudi aldizkatzerik gabekoak direla markatuak. Gutiago dira eta zerrenda mugatua dute. Adizkatzea dutenetan sartzen dira adberbio batetik edo posposiziodun forma batetik eratorriak diren aditzak, -ra posposizioa dutenak bereziki (goratu, etxeratu, lurreratu, ...), birtualki bederen beti sor daitezkeenak. Zenbait aditzekin, joan aditzarekin adibidez, erabilera kausatiboa euskalki batzuetan kausitzen da, baina ez besteetan (ikus OEH):

(32) Ardiak mendira joan ziren (33) %Artzainak ardiak mendira joan zituen

67 Toki-aldaketa aditz horien errepresentazioa, kasu honetan ere aditz eratorri batekin erakutsirik, honela agertzen zaigu :

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68 PospS egitura ageri da norabidea adlatiboaren bidez adierazia denean, edo urrun edo hurbil bezalako adberbioak erabiliak direnean. Gaineratikoetan, norabidea aditzaren beraren berezko edukiari dagokio (Jautsi, igan, ...) eta erroa da orduan aditzaren osagarria (Marantz 1997).26

5.3. Psiko-aditz kausatiboak

69 Sail honetan, euskaraz NORK-NOR aditz gisa agertzen zaizkigun psiko- aditzak sartzen dira : alaitu, aspertu, enoatu, harritu, izutu, liluratu, poztu, ... Literaturan ez dira beti aditz kausatibotzat hartuak izan.27 Alabaina, subjektua, haietan, tema argumentu gisa agertzen da, beste batzuetan argumentu bera objektu gisa agertzen delarik. Beha ondoko adibideei :

(35a) Peter fears bears(35b) Bears frighten Peter

70 Kontsideratua izan da literaturan bi perpaus horietan Peter DSak theta-errola bera duela (esperientzorea) eta bears DSak ere bai (tema). Bizkitartean, sintaktikoki gauzak bestela agertzen dira : tema argumentua, adibide batean (35a) objektua da, eta bestean (35b) subjektua ; eta esperientzore argumentua, adibide batean (35a), objektua da, eta bestean (35b) subjektua. Egoera hau guztiz paradoxikoa da, theta-erlazioak joskera erlazioetan aurkitzen direla onartzen bada behintzat (cf. Bakerren Uniformity Theta Assignment Hypothesis, 1988 : 46). Paradoxa honetarik ateratzeko Belletti & Rizzik (1988) aditz inakusatiboen azterketa aplikatzen diete psiko-aditz kausatiboei. Haien proposamenean subjektu gisa agertzen den tema argumentua D-egituran aditzaren hurbileko barne argumentua da, eta esperientzoreak, ASaren barnean, tema baino goragoko posizio batean izanik, kasu akusatibo inherentea hartzen du. Nola kanpo argumenturik ez baita, subjektuaren gunera igaten da tema argumentua, hala nola gertatzen baita aditz inakusatiboekin. Beraz, tema argumentua subjektu deribatua da, (36)an ikus daitekeen bezala :

(36) Tema1 [VP [V‘ t1] Esperientzorea]

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71 Belleti & Rizzik (1988) argumentu sintaktiko indartsuak emanik ere azalbide honen alde (erran nahi baitu preoccupare – frighten klaseko subjektua deribatua delako hipotesiaren alde), beste zenbait autorek baztertu dute azterbide honen oinarrian den azterketa tematikoa (Dowty 1991, Pesetsky 1995, Tenny 1995, Baker 1997).28 Pesetskyk (1995) bereziki oharrarazten du the article DSren theta-errola doi bat desberdin zela ondoko bi adibideetan :

(37a) John is angry at the article(37b) The article angered John

72 Pesetskyk (1995 : 56) azpimarratzen du (37a)n the article emozio jomuga ( target of emotion) dela, eta (37b)n, berriz, emozio arazlea (causer of emotion). (37a)n artikulua da Johnen haserrea zuzendua den gaia ; (37b)n, berriz, artikuluaren haserrearen kausa da, baina ez da baitezpada hari buruz zuzendua, Johnen haserrea. Johnentzat menturaz ongi egina da artikulua, eta hartan kontatzen den gauza batek haserre jartzen du. Pesetskyren azterbideari jarraikirik, engainagarria da psiko-aditz horietan Belletti & Rizzik (1988) egiten duten azterketa tematikoa, zeren forma iragankorretan subjektua arazlea baita, hala nola proposatua izan baitute beste zenbait autorek ere (Dowty 1991, Baker 1997, eta, euskararen azterketan, Zabala 1993 : 203). Guk ere hemen ikusmolde hau guretuko dugu .

73 Beha dezagun, beraz, nola agertzen diren psiko-aditz kausatiboak euskaraz. (39)an ematen ditugu adibide batzuk :

(39a) Maddi enoatu / harritu / izutu / kezkatu /poztu da (39b) Pellok Maddi enoatu / harritu / izutu / kezkatu / poztu du

74 Horrelako pareei azterbide kausatiboaren aplikatzeko zailtasuna uztarduratik bereziki heldu dira. Alabaina, Artiagoitiak (2000 : 110) seinalatzen duen bezala, psiko-aditz kausatiboekin usaiaz kanpoko uztardura loturak kausi daitezke. Kontsidera ondoko adibideak :

(40a) Nire buruak izutzen nau (cf. nazkatu aditzarekin Artiagoitia 2000 : 110)

(40b) Pelloi bere buruaki izutzen du

75 Adibide horietan ikus daitekeenaz, psiko-kausatiboetan Xen burua esapide erreflexiboa subjektua da, eta objektua da haren uztartzailea. Bi arazo sortzen dizkigute (40)ko datuek. Lehena, esapide erreferentziadunak perpausean libre izan dehar direla dioen C Hatsarreari dagokio, eta bigarrena, esapide anaforikoek dagokien eremuan uztartuak izan behar dutela dioen A hatsarreari.

76 Lehenbiziko arazoa ikus dezagun. (40b)n, objekrua (Pello) esapide erreferentziaduna da eta bizkitartean perpausean berean uztartua da subjektuak c-komandatzen baitu. Bere burua eta Pello indizekideak badira C Hatsarrea, dudarik batere gabe, bortxatua da, hala nola (41)ean ere egina baita ; ikus Belletti&Rizzi(1988) :

(41) *Himselfi worries Peteri

77 (41)ean Peter bezala, (40b)n Pello erreferentziadun espresioa da, eta irudi luke subjektuak (40b)n ere uztartzen duela. Hortaz, segurtatu behar dugu lehenik (40)ko adibideetan subjektua eta objektua indizekideak direla. Perpaus horiek hurbilagotik ikertzen direnean, gauzak ez dira hain argi. Adibidez, anaforiko erreziprokoari

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behatzen badiogu, ohartzen gara (40)ko aukera guztiz agramatikala dela, (42)an ikusten den bezala :

(42) *Lagunak elkarrek izutzen ditu

78 Ikus dezakegunaz, psiko-kausatiboetan elkar izenordea ezin erabil daiteke subjektu posizioan, bere burua egin daitekeelarik. Nola esplika diferentzia hori, ondoko adibide parean aurkitzen ez duguna ?

(43a) Lagunek elkar hilen dute(43b) Lagunek beren burua hilen dute

79 Badaiteke (40)ko aukera Xen burua forma anaforikoaren berezko barne egiturari esker sortua izatea. Ohargarria da, alabaina, bere burua sintagmak morfologia konplexua duela eta DS arrunt bat bezala agertzen dela, buru lexikal gisa gorputz parte bat (buru) izendatzen duen izen bat izanik. Kontsideratuko dut (43b)n Xen burua anafora metonimikoa izanik (Safir 1996), hartan *i/i razkia indargabetua dela29 (Rebuschi 1997 : 288), baina (40b)n, aitzitik, ez dela hala, eta azken kasu honetan, erabilera metonimikoa izanik ere (buru izenarekin maiz gertatzen den bezala, bestalde), Xen burua erreferentziadun espresioa dela. Ikuspegi honetan, (40b) adibideetan Xen burua *i/i irazkia ez da bortxatua (eta 44)an bezala aztertzeko da :

(44) ... Pelloi ... [DSk [ber(e)i [Iburuak]] -a]-k ...

80 (44)an bezalako azterketa batek (40)ko bitxikeria azaltzen du. Elkar izenordea, alderantziz, morfologikoki trinkoa da (sinkronikoki behintzat) eta uztartzen duen DSaren indizea dakar. Horregatik (42) adibidean C hatsarrea bortxatua da eta perpausa agramatikala da.

81 Horrek erran nahi du Xen burua esapideak, esapide metonimo gisa izan dezakeela beregaintasun sintaktiko bat, eta pentsatzekoa da kausatibo lexikaletarik kanpo ere aurki daitekeela. Horrela gertatzen da ondoko adibideetan, non nire burua espresioak, subjektua izanik, lehen pertsona denotatzen baitu (ikus OEH, buru sarrera, 2, 672. o.):

(45a) Nere buruak ere ematen dit franko lan (Labayen, Euskal-Eguna, 92)(45b) Halaz despeditu nahi nuzuia ? / Hebetik ioan gabe ene buruia / egin behar duzu ene nahia (Dechepare, 207)

82 Gauzak horrela izanik, ez dugu arrazoirik euskal psiko-aditzetako kanpoko argumentua deribatua dela pentsatzeko. Azterketak ez du baztertzen Xen burua espresio anaforikoa objektu posizioan agertzeko aukera. Hain zuzen ere, horrela gertatzen da ondoko adibide parean.

(46) Nire buruak izutu nau (47) Nire burua izutu dut

83 Hiztun gehienentzat (46-47)ko adibideen interpretazioan alde zerbait bada. Gehienek interpretazio agentiboa aise lotzen diogu (47) adibideari (Artiagoitiaren 2000 : 110),30 eta interpretazio psikologikoa, non batek bere nortasun kontrolagaitzean aurkitzen baitu beldurtzeko arrazoia, (46) adibideari. Gure azterbidearen arabera interpretazioetan agertzen den aldea erabilera metonimikoetarik heldu da. Anaforaren kasuan *i/i irazkia indargabetua da eta hari datxezkion interpretazioak osoki lotura sintaktikoen arabera bideratuak dira. Erreferentziadun espresioaren kasuan, berriz,

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interpretazioa metonimia jokoen arabera bideratua da, agentibotasuna (gaurko hiztunentzat bederen)31 bazterturik geratzen delarik.

84 Orain ikus dezagun psiko-kausatibo horiei dagokien errepresentazioa. Lehen ikusi dugu, euskaraz, egoera fisikoei dagozkien aditzek izenondo bat dutela maiz oinarrian (argal, bero, handi, hil, hotz, lodi, luze, mehe, tiki, zabal, ...).

85 Psiko-egoera adierazten duten izenetarik sortu aditzek ere egoera aldaketa adierazten dute, baina gutiz gehienetan izen batetik eratorriak dira (ahalke, arrangura. asper, beldur, griña, haserre, izu, kezka, poz,...).32 Nahiz maizenik33 ez duten erabilera atributiborik (?? gizon ahalkea / *gizon arrangura I *gizon beldurra ...), perpaus askriptiboetan egoera predikatu gisa erabiliak direnean, izan aditzarekin ager daitezke izen horiek (ahalke izan, arrangura izan, beldur izan, haserre izan, ...). Bestela, batez ere izen hutsaren orde izen sintagma denean, postposizio batekin aurkitzen ditugu (Zabala 1993 : 544-548):

(48a) Beldur / ahalke / arrangura / haserre / lotsa ... naiz (48b) Kezkaz / beldurrez /pozik nago(48c) Haserre gorrian naiz

86 Gauzak horrela izanez, proposatuko dugu mota horietako psiko-kausatiboen deskonposizioan34 ere PospS aukeratzen duen aldaketa aditza badela,35 aldaketa psiko- egoera berri batean sartzean datzalarik : x-k ARAZI [y BIHUR z PSIKO- EGOERAN]36. Azterketa horretan, Maddik Pello beldurtu du bezalako perpaus bateko predikatuaren azpian PospS bat aurkitzen da ; honen burua isila da, eta hari inkorporatu zaio beldur izena buruz-buruko mugimendu batean, gero aitzina segituko dena Araz bururaino.

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6. Araz eta Boz buruak

87 Orain artinoko aurkezpenean, arazo bat ez dugu aipatu : kausazio egitura kausazio buruarekin lotu dugu, argiki adierazi gabe zer lotura izan zitekeen kausazio buru horren eta egitura iragankorretako Boz (edo a) buruaren artean. Pylkkanenek (2002) hurbiletik aztertzen du zer harreman mota den morfologia kausatiboaren eta kanpoko argumentua izatearen artean, adieraztera emanez ez dabiltzala beti bi gauzak elkarrekin. Oharrarazten du japonierazko kausatibo adbertsatiboetan eta finlandierazko kausatibo gurarizkoetan, kausazioaren morfologiak aditzaren balentzia aldatu gabe utz dezakeela (perpausa halere kausatiboa izanik). Ikus finlandierazko ondoko adibideak :

(50a) Maijalaula –a Maija.NOM kantatu-3sg Marija kantatzen ari da (50b) Maija-a laula-tta -a(Pylkkänen 2002, (168) adib.) Maija-PART kantatu-ARAZI-3sg Maijak kantatu gogo du

88 Ikus daitekeenaz, kausazioari dagokion morfema (tta) gaineratuz, aditzak ez du argumentu gehiago hartzen. Bizkitartean, kausazioaren morfologiak kausazio ebento bat adierazten du inplizitua dena eta galdera batekin agerraraz daitekeena (Pylkkänen 2002, (174) adib.) :

(51) Minu-a naura –tta –a mutt-en tiedä mikä

89 Ni- -PART irri.egin-ARAZI-3sg baina-ez.1SG jakin zer.NOM

90 Zerbaitek irri egiteko gogoa ematen dit, baina ez dakit zerk

91 (51) adibidean, morfologia kausatiboa agertzen da, subjektua (50b)n bezala partitiboan izanik. Halere, perpausaren bigarren partean galdera hitzarekin agerrarazten da kausazioari dagokion galdera hitza (mikä). Ohargarria da galdera hitzak ezin adieraz dezakeela agente bat :

(52) *Minu-a naura-tta –a mutt-en tiedä kuka

92 Ni- PART irri.egin-ARAZI-3sg baina-ez. 1SG jakin nor.NOM

93 Zerbaitek irri egiteko gogoa ematen dit, baina ez dakit nork

94 Horregatik, Pylkkänenek (2002) ondorioztatzen du kausazioak ez dakarrela beti kanpo argumentua berekin, eta horretaz komeni dela Araz burua eta kanpo argumentua dakarren burua (Voice haren lanetan) elkarretarik bereiztea. Zenbait hizkuntzatan, ordea, kausatibo lexikalak zero morfologiaren bidez adierazten dutenetan, kausazio lexikala ez da kanpoko argumenturik gabe gertatzen ahal. Ingelesean hala da, baita euskaran ere, non buru bakar batean biltzen baitira bi buruak. Boz bilketa ( Voice- bundling) deitzen du Pylkkänenek egoera hori. (53) erakusten da nola gelditzen den kausatibo lexila baten errepresentazioa ikuspegi horretan :

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95 (53)an ikus daitekeenaz, kanpo argumentua dakarren Boz buruari Araz burua lotzen zaio, eta kausazioa eta kanpo argumentua izatea guztiz lotuak dira, finlandieran edo japonieran ez bezala. Kontuan har bedi, aditz kausatiboen egitura hau gaineratiko aditz iragankorrenaren antzekoa dela. Horrela esplika daiteke euskarari buruzko zenbait lanetan, hala nola AOPZ (2000 : 442), hemen aldizkatze iragangaitzik ez izanik aditz kausatiboen artean sartzen ez ditugun aditz eratorri batzuk kausazioaren bidez azaltzea (babestu, zigortu, ... bezalako aditzen egitura lexiko-emantikoan, adibidez).

96 7. Hondar hitz gisa, euskaraz kausazio aldizkatze lexikala nola gertatzen den laburbiltzeko hauxe erranen dugu. Aldaketa aditzekin agertzen da : subjektuaren izaeran, itxuran, psiko-egoeran edo lokalizazioan, aldaketa bat adierazten duten aditzekin. Erroei lotuak izan daitezkeen idiosinkrotismoa bazterrean utzirik, oso erregularra da aldizkatze lexikala euskaraz kasu horietan.

97 Hiru deskonposizio eredu nagusi aurkitu ditugu, non hiruetan Araz buruak AS bat aukeratzen baitu, honen burua egoera aldaketa edo toki aldaketa izanki : lehenean (18), BIHUR aditzak izenondoa edo izena aukeratzen du eta inkorporatzen, bestelako morfologiarik agerrarazi gabe (edertu, handitu, haurtu, ...) ; bigarrenean (49), aditz berak PospS bat aukeratzen du, zeinen buru isilak inkorporatzen baitu bere osagarriaren burua : psiko-kausatiboekin bereziki aurkitu dugu erabide hau (ahalketu, beldurtu, poztu, ...), nahiz bestelakoekin ere kausi daitezkeen (lilitu, ...) ; hirugarrenaren kasuan (34), JOAN predikatuak aukeratzen du berezko norabidea adierazten duen PospS bat (adlatiboa) edo adberbio bat (atera, etxeratu, hurbildu, ...).

98 Euskarak, ingelesak bezala, bateratzen ditu kausazioa adierazten duen burua (Araz deitu duguna) eta kanpo argumentua dakarrena (hemen Boz deitua), segurenaz ere zerbait ikustekoa baitu honek hizkuntza horietan kausazio aldizkatzeetan kausazio buruak duen zero morfologiarekin.

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NOTES

1. Eskerrak bihurtzen dizkiot idazlan honen hobetzera lagundu nauen X. Artiagoitiari. Halaber, eskertu nahi ditut datuak biltzerakoan beren intuizioen berri eman didaten adiskide hauek : P. Altuna, A. Arkotxa, P. Charritton, R. Etxepare, I. Etxebeste, J. Haritschelhar, B. Hidalgo, D. Landart

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eta K. Segurola. Laburduren azalpena : AS : aditz sintagma ; DS : determinatzaile sintagma ; IO : izenondoa ; PospS : posposizio sintagma. 2. Ez ditut kontuan hartzen hemen -ra- morfemaren bidez moldatzen diren kausazio aditzak, erabide eihartu bati baitagozkio. Kontrol perpausak dakartzaten behartu edo bortxatu aditzen bidez eratzen direnak ere, baimen kausatiboak bezala (laga, utzi), ez ditut aipatuko. 3. Egoera aditzez hemen erraten dena orokorregia bide da ; halere, horrela utziko dut aurkezpen honetan. 4. Kausalitatea konplidura-aditzekin agertu beharra dela adierazia izan da (Dowty 1979). Ikus halere, honen aurka, Pylkkanen (1999). 5. Bestalako interpretazioa emanez gero, datibo benefaktibo batekin, perpausa ongi eratua da, noski. 6. Alberdik (2002) erakusten du zer ondorio izan duen horrek euskarak mailegatu dituen aditzen erregimenarentzat. 7. Gogoratzen zaidan salbuespen itxurako kasu bakarray jo aditzarekin agertzen da. Beha ondoko alternantziari : (i) Ezkilek jo dute (ii) Ezkilak jo dituguJo iragangaitza (i), zentzu fisikoentzat kitzikagarri diren emisioak adierazten dituen aditza da erabilera horretan ; barne kausa duen aditz inergatiboa da Levin & Rappaport Hovav-en (1995 : 140) sailkapenen arabera (Perlmutter (1978) eta Perlmutter & Postal (1984) puntu horretan zuzentzen dituztelarik). Euskaran NORK-aditz gisa agertzen da, dirdiratu eta dangatu bezala. Levin & Rappaport Hovav-ek (1995 : 117) diote klase horretako ingeles aditz zenbaitek (adibidez, buzz aditzak) anbiguitate bera izan dezaketela batzuetan, hain zuzen sailkapen bikoitza izan dezaketelako : barne-kausaduna (egitura inergatiboa), edo kanpo- kausaduna (egitura kausatiboetan). Halere, euskaran. jo aditz polisemikoa da eta ez da argi (i)eko erabilera aldizkatze kausatiboari dagokion ala, besterik gabe, objektu zehaztugabea duen aditz iragankorra den ; konpara (i)eko adibidea eta (iii)koa : (iii) Ezkilek mezajo dute 8. NOR-NORI aditzak aditz inergatibo batzuekin ere (ele-aditzekin, adibidez) aurkitzen ditugu, baina kausatibo lexikaletan ez agertzeak ez du gauza handirik adierazten, urrunago ikusiko dugun bezala, datiborik gabe ere ezin ager baitaitezke aditz horiek kausazio aldizkatze honetan. Halaber, datiboarekin ager daitezkeen mugimendu aditzak ere (hurbildu, joan, ...), ez ditut kontuan hartzen hemen. 9. OEHko datuak ikusiz, iruditzen zait 19. mendearen erditsu arte edo, iraun zuela esperientzorea datiboan zuen erregimen zaharrak (errukitu aditzarekin aurkitzen ez dena). Gaur egun ez dut uste inon erabiltzen den salbu literatura hizkuntzan eta horregatik zaharkitutzat jotzen dut. Ondoko bi adibideek aditz horren bi erabilerak erakusten dituzte : (i) Jainkoari urrikaldu zitzaion gizona (zaharkitua) (ii) Jainkoa urrikaldu zitzaion gizonari (ez zaharkitua) 10. Adibide bat aurkitzen da OEHan, errukitu psiko-aditz kausatibo gisa erabilia izanik : famili gajo orrek errukitzen nau (Soroa, Baratzan, 54). Ez dakit erabilera hedatu bati dagokion. 11. Kanpoan uzten ditut, alde batetik, lehen erran bezala (1. oh.), egoera-aditzak, eta bestetik aspektu-aditzak (bukatu, hasi, ...). Azken hauek direla eta, ikus ditzagun ondoko adibideak : (i) Pilota partida hasi / bukatu zen (ii) Pilotariek partida hasi / bukatu zuten Dudarik batere gabe, kontsidera daiteke (i) eta (ii)ko adibideek aldizkatze kausatiboa adierazten dutela (Pustejovsky 1995 : 201). Halere, aldizkatze honek azterketa berezia behar du, aldizkatzea kasu honetan aspektu aditzek izan ditzaketen perpaus osagarriei lotua baita. Aspektu aditzak kontrol perpaus jokatu gabe batekin edo, koertzioaren bidez, izen batekin agertzen dira : (iii) Maddi liburuaren irakurtzen hasi zen(iv) Maddik liburua hasi zuen (iv)ren interpretazioak

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nahitaez eskatzen du ebento-predikatu bat, liburua objektutzat har dezakeena, adibidez, testuinguru bereizirik ez bada, irakurri edo, Maddi idazle bada, idatzi. Ohargarria da, haatik, liburu bezalako izen bat ez baita ebento-izena, ez dela aspektu aditzaren subjektua izaten ahal : (v) *Liburua hasi zen (vs Pilota partida / Gerla / Filma ... hasi zen). 12. De Rijken arabera (2002), ordea, Levinen hipotesiak euskara zaharraren (16. mendearen hastapenerainokoa) egoera deskribatzen du. Ikusmolde horretan, gaur egun inergatiboak diren NOR-aditzak, bietarik bat : edo semantikoki inakusatiboak izan ziren iraganean (adibidez, trabaillatu aditza nekatu aditzaren parekide semantikoa izanik) edo aditz iragankorrak izan ziren erabide antipasiboaren ondorioz hartu dute NOR-aditzen forma (adibidez, mendekatu, mintzatu). Puntu hau ez dut eztabaidatuko hemen. 13. Zenbait euskalkitan borrokatu [+ERG] da erabilera iragangaitzean. Aski berria da, irudiz, Hegoaldean zabalduz doan erabilera hau (OEHan ez da agertzen). Zehaztu gabeko objektua duen aditz gisa aztertzekoa bide da orduan forma hau, ez aditz inergatibo huts gisa (hauek, ikusi dugun bezala, ez baitute kausazio aldizkatzerik). 14. OEHan bizpahiru adibide badira gertatu iragankorrean dutenak eta irudiz kontradibide direnak (‘hacer que resulte, hazer que sea’ itzultzen da hiztegian). Ez dut uste orokortzea kanbiatzeko modukoak direla. 15. Badaiteke PospS batetik ere sor daitekeela eratorketa, posposizioa 0 izanik. Psiko- kausatiboentzat bereziki atxikiko dugu azterbide hau (cf. infra (49)), baina badirudi hauetaz kanpo ere aurkitzen dela : loretu, larrutu, ... eta , beharbada, puskatze aditzetan : zatitu, apurtu, xehatu, etab. Ikus adibidez, gisa horretan, Azkarate M., Odriozola J.C., Perez E., & Zabala I. [hemendik aitzina AOPZ] (2000). 16. Fenomeno atmosferikoak adierazten dituzten aditzak ( argitu, atertu, ...) bereziak dira. Aldizkatze kausatiboa onartzen dute, baina gehienetan eguraldi aditzekin ohikoa den sasi- argumentu batekin : (i) euria atertu da (ii) euria atertu du 17. Gaztelerako kontuak ez dira hain argi. Mendikoetxearen arabera, barne-kausaren aldeko azterketa nagusitzen da egoera aldaketa horietan : (i) Pedro adelgazó (ii) *Un nuevo medicamento adelgazo a Pedro (Mendikoetxea 1999 : 1598)Molinerren hiztegiak ere erabilera iragangaitza baizik ez du seinalatzen. Halere, Gaztelera - Frantsesa Larousse hiztegiaren arabera behintzat erabilera kausatiboa ere aurkitzen da adelgazar sarreran : (iii) Esta medicina te adelgazarà 18. OEHan adibide batzuk agertzen dira, bai Iparraldean, bai Hegoaldean, garai desberdinetan : Janhari irintsuek loditzen dute (Harriet) ; Etxeko jatekiak lorittu eiñ nau (T. Etxebarria); Ene beheraspenak eta ene ahuenak halako fazoinez mehatu naute (Gasteluçar, Egia katolikak, 47). Zenbait hiztunek gizendu nahiago baitute erabili horrelako kontestuetan, ez dirudi funtsezko aldaketarik baden orduan haientzat. 19. Irakurlea ohartu bide den bezala adibideetan arazle agentiborik ez dut ematen. Badirudi horrek ere bere eragina duela hemengo epaietan (arazlea instrumentua izanik adibideak onarrerrazagoak izanik). Mementoan, puntu hau, arazleak zuzeneko kausaren adierazteko beharrari lotuko diot. 20. Inkestetan iruditu zait aditzaren hanpadurak laguntzen zuela onespena (halere, Zuk erranak gorritu nau, besterik gabe onartu didate hiztun batzuek). Horregatik ematen dut adibidea forma horretan. Seinala dezadan, OEHan agertzen dela erabide kausatiboa gorritu aditzarekin. Argiago izateagatik hemen egokitzen dudan J. A. Irazustaren (Bizia garratza da, 24) adibide horrek honela dio : Euli batek gorritzen du Miren (testua ongi interpretatzen badut, Miren guztiz herabe edo lotsati dela adierazteko).

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21. Nahiz testuinguru oso berezia den, seinala dezadan, bihitu aditza agertzen dela erabilera kausatiboan Barbierren ipuin batean (Ipuinak, 57), arazlea biziduna izanik : Jesusek suarekin ogiak bihitu zituen (Jesusen ahal bereziei esker metatuak izan ziren ogiei su eman izan zitzaien eta bihitu ziren). Ingelesez, bame-kausadun gisa ager daitezkeen aditzen erabilera kausatiboa euskaran baino murritzago da itxura guztien arabera. Halere, Levin & Rappaportek (1995 : 99) diotenaz, hizkuntza hartan ere hiztunen arabera erabilera bikoitz hori izan dezaketen zenbait aditz badira. 22. Abereez (edo jendeez) mintzatuz ez da arazorik, baina kontuak nahasiago dira orduan, aditzak beste erran nahi bat(zuk) bait(it)u. 23. Euskaraz, egia erran, ez da aditzaren barnean zehazten mugimenduaren manera, baina konposizionalki : igeri egin, igerika ibili ; hegan egin, hegalka ibili ; laster egin, lasterka ibili ; oinez joan / etorri / ibili ... Hots, mugimendu aditzetan jarduera aditzetan gertatzen dena (lan egin, lanean ibili ; irri egin, irriz ari izan, ...) aurkitzen dugu. Levin & Rappaporten (1995 : 147) arabera, toki-aldaketa aditzak aspektualki achievement aditzak dira, eta nolabait mugimendu noratua adierazi behar dute bururapena beren baitan izateko. Euskaran, ordea, ez da argi murriztapen handiegi ez ote den, ibili aditza, irizpide honen arabera, ez bailitzateke toki- aldaketa aditza (ez baitu norabiderik zehazten). Egia da ibili aditza jarduera aditz gisa ere agertzen dela lokuzio batzuetan : lanean / pilotan /gezurretan ... ibili. 24. Ikus Levin & Rappaport Hovavek (1995 : 144) formulatzen duten Aldaketa Noratuaren Lotura Araua (Directed Change Linking Rule), honal baitio arau horrek : Demagun aditz bat aldaketa noratua deskribatzen duena. Zein argumentu baitagokio aldaketa noratua jasaten duen izakiari, hura aditz horren hurbileko barne argumentua da (direct intemal argument). 25. Agertu toki-aldaketa aditz gisa tratatzen dut. Kasu adlatiboa eskatzen du : plazara agertu. Berdin egiten dut jaio aditzarentzat. 26. Hemen jarraikitzen zaion morfologia banatuaren azterbidean, erroak ez du aditz kategoriazko tasunik ekartzen, A burura igatean hartzen du morfemak tasun hori. 27. Deitura desberdinak aurkitzen dira literaturan, anitzetan italierazko (preoccupare) edo ingelezko (frighten) aditz bat paradigma-ikur gisa baliatzen delarik. Hemen erabiltzen duguna Grimshawek (1990) darabilen psychological causative deiturari darraio. Pesetskyk (1995) EspObj aditzak ere deitzen ditu. 28. Grimshavven (1990 : 32, 36) jarrera artekoa da. Onartzen du Belleti & Rizziren (1988) azterketa tematikoa (subjektua tema izanik) baina aspektualki argumentu hura bera da aitzindaria (the aspectually most prominent argument), eta, beraz, haren teorian, subjektua aditz horietan ez da deribatua. Grimshawentzat frighten klaseko aditzak ez dira aldizkatze kausatiboan sartzen, subjektua ez baita kanpoko argumentua. Azpimarratzen du ingelesez forma iragangaitza ez dela agertzen aditz horiekin : (i) *John frightened Erran behar da, haatik, klase horretako aditzak euskaraz arazorik gabe erabil daitezkeela modu horretan : Pello izutu zen. 29. Delako baldintzak dio [(... [γ... δ...] egituran γ eta δ ez direla indizekideak izaten ahal, non ez den δ γ-ren burua (Chomsky 1981 : 212, eta 63 oh.). Hemengo kasuari aplikatuz, γ sintagma bere burua izanik, bere-k ezin izan dezake haren indizea ; buru izenak, aldiz, indize hori du, zeren bera baita sintagmako burua. 30. Zeri erraten zaion agentibo, bestalde. Ez du irudi kasu honetan arazleak bere burua nahitara izutu behar duela. Alabaina, (45a) normalean onartzen duten hiztunek (47) nahiago dute testuinguru honetan : Autobidean, autoa bide bustian lerraturik, istripu bat, oso larria, gertatzer zaizu. Izutu zara. Nola nahiago zenuke erran orduan egoera hori aipatuz : (46) ala (47) ? 31. Itxura guztien arabera, (45b) adibidea honen kontra doa. Haatik, enetzat, eta baita galdatu diedan lagunentzat ere, dudazkoa da adibidea, (45a)koa ez bezala. Badirudi, gaurko euskaran erabilera metonimikoa zail gertatzen dela espresioari interpretazio agentiboa ematen zaionean.

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32. Erran gabe doa, izenondoetarik sortu psiko-aditzak ere badirela : alegeratu, goibeldu, tristetu, ... Deskonposizio lexikala kasu horietan gardena da. 33. Zenbait izenekin aukera agertzen da halere : gizon haserrea. 34. Izenondo bat inkorporatua delarik (alegeratu, sumindu, tristetu, ...) izenondoa inkorportazen da noski, egoera aldaketa arruntetan bezala ; cf. (18). 35. Artiagoitiak (kp.) oharraratzen dit azterketa horrek *ahalkez(ta)tu edo *lotsaz(ta)tu bezalako aditz eratorriak aurrikusten dituela, ez baita halakorik. Galda daiteke ez ote litzatekeen egokiago horrelakoetan izena bera hartzea oinarri gisa (posposiziorik sarrarazi gabe) izen horiek egoera predikatuak izan baitaitezke. Bide hau proposatzen dute AOPZek (2000 : 437) aditz horien egitura lexiko-semantikoa honela aurkeztuz :

(i) [eventoCAUSAR ([ cosaX], [eventoEXPERIMENTAR ([ cosa y], [ estado base])])]Nola azterkatzen diren egoera predikatuak. Hemengo proposamenean, posposizio baten izateari lotzen zaio interpretazioa, izerdi izan ( izerdi naiz), marranta izan ( marranta naiz) edo lo izan ( lo naiz) predikatuei aplika dakiekeen azterketa psiko-aditzetan ere baliatuz (cf. ikara(n) naiz). Posposizioen gauzatze fonologikoa arazo berezitzat hartzen dut hemen. Horrela utziko dut kontua, baina dudarik batere gabe azterketa sakonagoa merezi luke. 36. Bakerrek (1997) beste azterbide bat proposatzen du. x frightens y honela azterkatzen du : (i) x CAUSE [[FEAR (of x)] GO TO z]Azterketa honetan, psiko-kausatiboak emozio baten toki- aldaketa gisa agertzen dira, eta haietako esperientzorea (z) GO predikatuari dagokion lokalizatzaile gisa.

INDEX

Thèmes : linguistique Mots-clés : basque (langue), discours causal, syntaxe

AUTEUR

BERNARD OYHARÇABAL

IKER UMR 5478 CNRS [email protected]

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L'antipassif basque et l’hypothèse de Levin

Rudolf P.G. de Rijk

Préliminaires

1 Cet article comprend deux parties. Le but de la première est d'attirer l'attention des grammairiens sur l'existence d'une diathèse antipassive en basque ancien. La seconde partie, reprenant l'hypothèse de la linguiste américaine Beth C. Levin sur l'inaccusativité des verbes intransitifs en basque, cherche à établir la validité de cette hypothèse pour une étape antérieure de la langue et se termine en signalant les conséquences de cet état de choses pour la typologie du basque à cette époque. Ce qui lie les deux parties, c'est l'idée défendue par l'auteur que la plupart des verbes inergatifs se sont produits par détransitivisation du verbe transitif correspondant. Or, parmi les procédés de détransitivisation qu'a connus le basque au cours de l'histoire, l'antipassif n'est nullement négligeable, encore qu'il ait été négligé jusqu'à présent par la totalité des grammairiens. Précisons d'emblée que l'essai qu'on va lire se situera à peu près entièrement sur le plan observationnel, le soin d'intégrer les phénomènes traités dans une théorie de syntaxe générale étant laissé à des plumes plus compétentes.

Première partie : l'antipassif

2 Avant d'entamer l'étude des faits basques, il me semble utile de nous entendre sur le sens précis du terme antipassif. A ce propos, cette espèce de répertoire des idées reçues qu'est le Dictionnaire de linguistique de la librairie Larousse ne nous est d'aucun secours : nulle mention n'y est faite de l'antipassif, bien qu'il y ait une page entière dédiée au passif. Et même le Nouveau dictionnaire encyclopédique des sciences du langage de Ducrot et Schaeffer, manuel admirable sous plusieurs points de vue, ne contient ni le terme ni la notion correspondante. Pour la définition souhaitée, force nous est de recourir à une publication anglo-américaine, en l'occurrence l'International Encyclopedia of Linguistics,

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rédigée par William Bright et ses collaborateurs. Dans un article de la main de Robert M.W. Dixon intitulé « Australian Languages » on trouve la définition suivante : « ... the ANTIPASSIVE derivation : deep A (c.-à-d. le sujet transitif) becomes surface S (c.-à-d. le sujet intransitif), deep O (c.-à-d. l'objet direct) is marked by an oblique case (dative, locative, or instrumental, in different languages), and the verb bears an antipassive derivational suffix. » (op. cit. I, 136).

3 Au bénéfice du lecteur peu accoutumé au style anglo-saxon il convient de relever qu'il s'agit à proprement parler d'une diathèse, d'une organisation alternative de la phrase transitive qui, tout en changeant les marques casuelles, n'altère point les rôles thématiques des syntagmes nominaux.

4 On observera d'ailleurs que la clausule finale a été gauchement formulée. Comme il s'agit d'une tentative de définition de la dérivation antipassive, il est carrément circulaire d'invoquer un « suffixe dérivationnel antipassif ». Du reste, un marqueur quelconque suffit, pas forcément un suffixe comme dans les langues indigènes australiennes étudiées par M. Dixon.

5 Pour plus de clarté, nous allons comparer de façon schématique le passif à l'antipassif.

Par l'opération du passif, l'actant le plus élevé (c.-à-d. le sujet de la phrase) se dégrade en syntagme adverbial, après quoi le syntagme nominal qui survit va servir de sujet et perdre sa marque accusative, sauf dans de rares cas, comme en ukrainien, où la marque accusative se maintient. Cette exception mise à part, on constate donc un double changement de cas : le nominatif se fait oblique en même temps que l'accusatif devient nominatif.

6 Scrutons maintenant le procédé antipassif, qui est censé opérer sur une structure de phrase ergative. Cette fois, c'est l'actant structuralement le plus bas, donc le syntagme absolutif servant d'objet direct, qui se dégradera en syntagme adverbial. De ce fait, la structure cesse d'être transitive, et le syntagme nominal sujet, initialement ergatif, se mue en absolutif. Voilà donc également un double changement de cas : l'absolutif se fait oblique en même temps que l'ergatif devient absolutif.

7 Maintenant que nous sommes au clair sur ce qu'il faut entendre par la notion d'antipassif, on voudra bien me permettre d'ouvrir une parenthèse à propos de l'histoire de ce vocable. Car, s'il est exact que l'idiome dyirbal décrit si magistralement par M. Dixon fournit un exemple modèle de l'antipassif, ce chercheur n'est ni le découvreur du phénomène comme conception théorique, ni l'auteur du terme devenu courant parmi les syntacticiens. Malheureusement, je me vois obligé d'avouer que j'ignore qui, au juste, a découvert le premier le phénomène en question. En toute probabilité, les savants russes ou soviétiques qui travaillaient sur la langue avare du

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Caucase ou sur certains idiomes de la vaste Sibérie en avaient déjà pleine conscience bien avant la seconde guerre mondiale. Mais toute information là-dessus me fait défaut. Toujours est-il que, dès 1946, l'antipassif était familier à l'éminent savant polonais Jerzy Kurytowicz comme procédé régulier de détransitivisation dans les langues ergatives. On peut s'en rendre compte en lisant l'article de sa main « Ergativnost i stadial’nost v jazyke », traduit en français trois ans après sous le titre « La construction ergative et le développement stadial du langage ». Tout est là, sauf le terme.

8 Ce terme, nous le devons au linguiste américain Michael Silverstein. C'est lui qui se servit le premier du terme antipassif dans un exposé technique intitulé « Chinook Verb Thematization and Underlying Ergativity » présenté devant le Harvard Linguistic Circle au printemps de l'an 1969. Par la suite, M. Silverstein fit encore, sous le même titre, un exposé contenant également le terme en question, ceci dans le cadre plus officiel de la « 8th Conference on American Indian Languages », qui eut lieu à la Nouvelle Orléans le 21 novembre de la même année. Comme cet exposé n'a jamais été publié comme tel —il s'incorpore en quelque sorte dans un article du titre « Hierarchy of Features and Ergativity » paru en 1976— il faut attendre l'an 1972 pour que le mot antipassif soit attesté par écrit. C'est toujours à propos du chinook, car il s'agit du mémoire intitulé « Chinook Jargon : Language Contact and the Problem of Multilevel Generative Systems, part I » publié par M. Silverstein dans la revue Language (48-2, 378 - 406). A la page 395 de cet article on peut lire ceci : « I have termed this -ki- form the ANTIPASSIVE construction, playing upon its inverse equivalence to a passive of accusative languages, because the sense is clearly equivalent to a transitive, though the form is intransitive, with the grammatical function of the remaining noun phrase reversed (ergator becomes non-ergator). »Assez rapidement, au bout d'une douzaine d'années, le terme s'est imposé effectivement parmi les spécialistes des langues ergatives amérindiennes, comme on peut le constater en feuilletant simplement le volume 16 de la série Syntax and Semantics, qui est dédié à la syntaxe des langues indigènes de l'Amérique.

9 Ayant fermé la parenthèse, posons enfin la question qui nous intéresse : Le basque, langue à morphologie ergative, possède-t-il, oui ou non, un antipassif ? Eh bien, à en croire Jeffrey Heath, il faut répondre : « Oui, mais c'est un antipassif non-syntaxique. »

10 Dans un article intitulé « Antipassivization : A Functional Typology » paru en 1976 dans Proceedings of the Second Annual Meeting of the Berkeley Linguistics Society, M. Heath arrive à cette conclusion inattendue en comparant la structure de la forme verbale de présent dut, ‘je l'ai’, à celle de la forme correspondante au passé : nuen, ‘je l'avais’. L'analyse de ces formes se déroule ainsi : la racine du verbe étant -u-, le -t final de dut marque la première personne du singulier en fonction ergative. Or, ce -t manque dans la forme du passé nuen, où la première personne du singulier est représentée par un préfixe n-, qui, en d'autres formes, marque la fonction absolutive. De plus, le d- initial de dut, allomorphe de da- figurant dans d'autres verbes, est interprété par M. Heath comme une marque de fonction absolutive correspondant à l'objet du verbe, de sorte que la disparition de cette marque dans la forme nuen complèterait le tableau et permettrait d'affirmer que le passage du présent au passé se faisait formellement au moyen d'un véritable procédé antipassif.

11 L'auteur de l'article en reste là. Cependant, si l'on admet que la morphologie d'aujourd'hui reflète la syntaxe d'hier, il est permis de penser qu'un basque plus ancien possédait un antipassif syntaxique s'appliquant aux structures ergatives fondées sur une certaine catégorie de verbes.

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12 Bien entendu, il faut corriger le raisonnement de l'auteur sur un détail. Comme je l'ai montré dans le sillage de l'érudit basque J. Oregi Aranburu, le préfixe d(a)- est une marque de présent et nullement une marque absolutive de troisième personne comme l'enseignait la tradition grammaticale suivie par M. Heath (voir mon essai « ’Nunc’ vasconice », section 7).

13 On peut soutenir que cette correction n'infirme guère la conclusion obtenue. En effet, le principal c'est que le passé présente un préfixe n- absolutif de première personne qui paraît indiquer une structure intransitive, comme dans n-a-tor, ‘je viens’, là où la forme correspondante du présent montre un suffixe -t de valeur ergative.

14 Faudra-t-il donc se ranger du côté de M. Heath ? J'avoue que je reste indécis. Ce qui me gêne, c'est que je n'arrive pas à voir comment le procédé antipassif aurait fini par se faire obligatoire dans un énoncé au passé tout en étant impossible dès qu'il s'agit du présent.

15 D'autre part, l'hypothèse de cet antipassif permet de résoudre un des mystères de la morphologie basque : la question de savoir pourquoi la caractéristique du passé dans le verbe se manifeste tantôt par -n, tantôt par -en. Dans cette hypothèse, l'épenthèse régulière après consonne mise à part, elle aurait la forme invariable -n, tandis que l'e post-vocalique qu'on trouve dans des formes comme nuen ‘je l'avais’, nioen ‘je le disais’, nekien ‘je le savais’, ne serait autre que le marqueur de l'antipassif, qui naturellement fait défaut dans des formes comme ninduzun ‘vous m'aviez’, zintudan ‘je vous avais’, formes qui n'ont pas subi ce procédé.

16 Laissons donc la question ouverte et continuons l'investigation en précisant que nous sommes à la recherche d'un procédé syntaxique qui mette en rapport une structure ergative avec une structure intransitive, bref, un procédé de détransitivisation, non plus morphologique, mais syntaxique.

17 Chemin faisant, on ne peut pas ne pas croiser l'oeuvre du spécialiste de la syntaxe basque, M. Georges Rebuschi. En effet, un des premiers travaux de ce chercheur infatigable porte pour titre « Autour du passif et de l'antipassif en basque biscayen » et s'adresse donc directement au thème qui nous occupe. Le texte datant de 1978 fait partie du volume Relations Prédicat-actant(s) dans des langues de types divers II, édité par Mme Catherine Paris en 1979 (SELAF, Paris). Au début de l'article figure la définition suivante : « L'antipassif se définit dans les langues à morphologie ergative comme une paraphrase marquée de la structure transitive ergative usuelle, paraphrase dans laquelle le syntagme nominal correspondant à notre sujet transitif est à l'absolutif, et non plus à l'ergatif » (op. cit. 149). Un peu plus loin, l'auteur cite comme exemple conforme à la définition un énoncé appartenant au parler biscayen d'Oñate : umea liburua leiuta dao traduit par ‘l'enfant « est ayant » lu le livre’.

18 Aussi peu que je me complaise dans le rôle plutôt ingrat du trouble-fête, il faudra quand même que je fasse ici une observation quelque peu critique. C'est que je me vois obligé de signaler qu'au lieu d'affirmer sans réserve « l'antipassif se définit... », l'auteur eût fait mieux d'écrire : « je définis l'antipassif... ». En effet, la définition que je viens de citer et celle de Silverstein reprise par Dixon ne recouvrent pas du tout la même notion. Dans celle-ci, le syntagme absolutif figurant dans la structure ergative est censé se dégrader en cas oblique ; dans l'exemple rebuschien, par contre, il persiste tel quel. De plus, alors que pour Silverstein et ses confrères il s'agit d'une diathèse, la définition rebuschienne fait appel à la notion de paraphrase, notion plutôt vague, qui, en outre, ne prévoit

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aucune limite au nombre de subordonnées qu'on puisse utiliser pour paraphraser une proposition. Ainsi, dans l'exemple cité, la paraphrase umea liburua leiuta dao de la phrase simple umeak liburua leiu dau ‘l'enfant a lu le livre’ n'a plus le statut d'une phrase simple : son verbe dao sert de copule et son prédicat liburua leiuta est un prédicat complexe, construit lui-même à partir d'une phrase.

19 Dans un livre remarquable portant le titre de Structure de l'énoncé en basque, le même auteur fait mention de deux catégories d'antipassifs : la première est constituée par des exemples tels que makina bat kaskarreko artuta nago ‘je suis ayant reçu un tas de claques’ (page 438) ; la seconde étant illustrée par zu niri liburuak emanda zaude ‘vous êtes m'ayant donné les livres’ (page 441). Il y aurait lieu, d'ailleurs, d'en distinguer encore une troisième : zu nik liburuak emanda zaude ‘vous êtes celui à qui j'ai donné les livres’. En étudiant ces structures, l'auteur déclare sans ambages : « ... l'antipassif basque s'oppose à celui du dyirbal, de l'esquimau et du quiché sur tous les points structuralement pertinents. » (page 447). Il continue : « faut-il pour autant nier l'existence d'un antipassif en euskara... ? » A quoi il répond par la négative : « Nous ne le pensons pas,... parce qu'il nous semble injustifiable de ne pas vouloir chercher pourquoi les éléments de séries paraphrastiques telles que (2a-c) ou (3a-d) sont similaires, et en même temps en quoi ils s'opposent les uns aux autres » (p. 447). Bien entendu, je suis pleinement d'accord sur ce point. Je n'ai rien contre l'étude de telles structures. Elles font partie de l'économie de la langue et surviennent continuellement dans la pratique de la conversation courante. Aussi la question n'est- elle pas là. Tout ce que je soutiens, c'est que le nom donné à ces structures est mal choisi. Sur les traces de M. Rebuschi, M. Jean-Baptiste Coyos, l'auteur d'une étude capitale intitulée Le parler basque souletin des Arbailles explore des structures du type haurrak zopa janik dira ‘ les enfants sont ayant déjà mangé la soupe’, structure qu'il a baptisée l'antipassif du parfait. Dans le même chapitre, il y joint un « antipassif du second prospectif illustré par l'énoncé haurrak zopa jateko dira ‘les enfants n'ont pas encore mangé la soupe’, ou, comme il explique : ‘les enfants sont pour action de manger la soupe’ (op. cit. 369).

20 A lui aussi je voudrais lancer cet appel : De grâce, veuillez changer de terme en inventant une autre désignation, que ce soit parapassif quasipassif métapassif, ou je ne sais quoi, mais non antipassif, car ce terme-là, déjà breveté, ne se trouve plus disponible.

21 Soumise la requête, reposons notre question : y a-t-il en basque un antipassif syntaxique ?

22 Afin d'y répondre, je vais citer quatorze paires de phrases telles que le premier membre est une phrase transitive de structure ergative, tandis que le second membre est une phrase intransitive ayant même verbe, dans laquelle le syntagme correspondant à l'objet direct de la première phrase est marqué du cas instrumental à désinence -z sans pour autant perdre son rôle de thème. Comme l'emploi de l'auxiliaire intransitif dans le second membre par opposition à l'auxiliaire transitif du premier s'interprète sans peine comme un marqueur de l'antipassif, rien ne s'opposera à considérer le second membre l'antipassif du premier.

23 Une bonne partie des phrases utilisées a été empruntée au fonds de la littérature basque, tant ancienne que moderne. Dans ce cas, la provenance a été notée. Cette indication ne permet évidemment aucune conclusion sur le statut de la phrase dans l'usage contemporain. L'absence d'une telle indication, par contre, signale que la phrase est acceptable pour la plupart des locuteurs actuels. De toute façon, un commentaire succinct pour servir de guide au lecteur non initié sera suppléé au besoin.

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24 La première paire qu'on va voir est axée sur le verbe ahaztu, ‘oublier’. Compte tenu de la variation lexicale, comme l'emploi de ahantzi au lieu d'ahaztu, les deux tournures sont d'usage courant dans tous les dialectes actuels.

(1 )a. Aspaldi ahaztu gintuen. Il nous avait oubliés depuis longtemps. (l)b. Aspaldi ahaztu zen gutaz. (Arana, Ipuin-entzulea 32) Il nous avait oubliés depuis longtemps.

25 Puis nous pouvons citer le verbe baliatu ‘employer’, qui, dans son emploi intransitif se traduit généralement par ‘se servir de’.

(2)a. Ez dugu hitz hori baliatzen. (G. Garate, Erdarakadak 38) Nous n'employons pas ce mot. (2)b. Ez gara hitz horretaz baliatzen. Nous ne nous servons pas de ce mot.

26 La tournure intransitive est beaucoup plus usuelle ici que la transitive, qui survit cependant dans la langue standard et figure chez les meilleurs écrivains, tels que, par exemple, Etcheberri de Ciboure, Axular, Elissamburu, Duvoisin, Saint-Pierre, Hiribarren, Jean-Baptiste Etchepare, Narbaitz, Xalbador et Lafitte.

27 Continuant l'ordre alphabétique, voici le verbe burlatu ‘ se moquer’ :

(3)a. Buruzagiek burlatzen zuten Jesus. (Luc 23.35 ; Duvoisin) Les chefs raillaient Jésus. (3)b. Buruzagiak burlatzen ziren Jesusez. Les chefs se moquaient de Jésus.

28 De par son origine romane, ce verbe est assez peu employé de nos jours. La structure transitive, qui est aujourd'hui la moins usitée, est attestée chez Etcheberri de Ciboure, Maister, Duvoisin, Uriarte, Xenpelar, Laphitz et Lapeyre. Chez celui-ci on rencontre les deux tournures : Erlijionea eta haren mixterio sainduak burlatzen dituztenak (Kredo 59) ‘ceux qui raillent la religion et ses mystères saints’, et aussi ez naiz zutaz burlatzen (Kredo 59) ‘je ne me moque pas de vous’.

29 Au sens d'enfanter, erditu et erdi sont des variantes dialectales occupant le même lemme dans le dictionnaire (Cf. DGV VI, 811). La tournure intransitive est la plus fréquente, mais la transitive est attestée chez Cardaveraz, Uriarte, Ibiñagabeitia, Orixe et Zaitegi.

(4)a. Erdituko du semea. (Mt. 1.21 ; Uriarte) Elle enfantera un fils. (4)b.Erdiko da seme batez. (Mt. 1.21 ; Duvoisin) Elle enfantera un fils.

30 De nos jours, le verbe errukitu ‘avoir pitié’ est généralement employé comme intransitif. Mais l'exemple transitif (5)a est jugé admissible dans le dictionnaire normatif d'Ibon Sarasola.

(5)a. Zeuon buruak errukitu itzazue. (Guerrico, I, 438) Ayez pitié de vous-mêmes. (5)b. Zeuon buruez errukitu zaitezte. Ayez pitié de vous-mêmes.

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31 Eskarniatu ‘se moquer’ est un verbe archaïque qui ne s'emploie plus aujourd'hui. La tournure transitive se trouve chez Oihenart, Etcheberri de Ciboure et Liçarrague : Eta hek eskerniaturen dute hura (Mc. 10.34) ‘Et ils se moqueront de lui’.

(6)a. Hori da Jainkoa eta Jainkoaren miserikordia eskarniatzea. C'est se moquer de Dieu et de la miséricorde de Dieu. (6)b.Hori da Jainkoa eta Jainkoaren miserikordiaz eskarniatzea. (Axular,Guero, 150) C'est se moquer de Dieu et de la miséricorde de Dieu.

32 Le verbe gogoratu ‘ se rappeler’ s'emploie toujours dans les deux tournures :

(7)a. Gogora (ezazue) Lot-en emaztea. (Luc. 17.32) Rappelez-vous la femme de Lot. (7)b. Gogora zaitezte Lot-en emazteaz. Souvenez-vous de la femme de Lot.

33 Dans le sens de ‘jouir’, le verbe gozatu admet toujours les deux tournures. Les deux exemples qui suivent sont en dialecte souletin :

(8)a. Gozatüren düzü barnetiko bake handia. Vous jouirez d'une grande paix intérieure. (8)b. Gozatüren zíra barnetiko bake handiaz. (Maister, Imit. III, 37.3) Vous jouirez d'une grande paix intérieure.

34 Le même auteur utilisait aussi la tournure transitive, témoin sa traduction d'une autre phrase du même texte : pacificam mentent possideamus, qui est rendue par arimaren bakia goza dezagün (Imit. I, II, 4) ‘jouissons de la paix de l'âme’.

35 La tournure antipassive existe également pour le verbe hautatu ‘ choisir’ :

(9)a. Aziendek orobat hautatzen dute bazka hobeena. Les animaux choisissent de même la meilleure nourriture. (9)b. Aziendak orobat hautatzen dira bazka hobeenaz. (Duvoisin, Laborantzako liburua, 264) Les animaux choisissent de même la meilleure nourriture.

36 Bien qu'absente dans le Guero d'Axular, la tournure antipassive du verbe hautatu est abondamment attestée dès le début de la littérature basque. C'est précisément un verset de Bernard d'Etchepare, le premier poète basque à se faire imprimer, qui a fourni l'inspiration pour mon article : « Andre eder gentil batez hautatu zait begia » (XII-1), c.-à-d. ‘Mon oeil a choisi une belle et gentille dame’. Et dans le Nouveau Testament de Liçarrague : ... nola lehen jarlekhuéz hautatzen ziraden ( Luc. 14.7), ‘... comment ils choisissaient les premières places’. Aux deux exemples extraits du livre Noelak d'Etcheberri de Ciboure par le Diccionario General Vasco (III, 451), on peut en ajouter un troisième : ... eta zeruko ontasun fin gabeez hautatu (p. 171) ‘et (vous avez) choisi les richesses sans fin du ciel’. Le dictionnaire cité signale aussi des exemples postérieurs : dans la tragédie du Charlemagne, chez Monho, Hiribarren, et surtout, Duvoisin. Dans son dictionnaire manuscrit, le capitaine observe : On dit « hauta zazu nahi duzuna » ou « hauta zaite nahi duzunaz » (c.-à-d. ‘choisissez ce que vous voulez’).

37 A présent, d'après une enquête réalisée par l'auteur de ces lignes auprès des académiciens basques, l'antipassif de ce verbe est entièrement sorti de l'usage.

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38 Dans une perspective diachronique, le verbe mendekatu ‘ se venger’ n'est pas dénué d'intérêt. L'exemple transitif ci-dessous a été emprunté au père jésuite Bernard Gasteluçar, qui naquit à Ciboure en 1614. L'exemple figure dans son ouvrage Eguia catholicac, paru en 1686.

(10)a. Zuk mendekatuko tutzu gizon guztien etsaiak. (Gasteluçar, 65) Vous tirerez vengeance des ennemis de tous les hommes. (10)b. Zu mendekatuko zara gizon guztien etsaiez. Vous vous vengerez sur les ennemis de tous les hommes.

39 Il faut préciser que la construction illustrée par (10)a ne subsiste plus à l'heure actuelle. La même formule énoncée aujourd'hui aurait un sens radicalement différent, à savoir ‘vous vengerez les ennemis de tous les hommes’. Et notez bien que (10)b ne représente plus l'antipassif de (10)a si celui-ci est compris dans le sens moderne. Rappelons en effet que, pour qu'on puisse parler d'antipassif, il est essentiel que le rôle thématique qu'assume le syntagme instrumental dans la tournure intransitive soit identique à celui du syntagme absolutif correspondant dans la structure transitive. Or, il est évident que l'absolutif gizon guztien etsaiak ‘ les ennemis de tous les hommes’ dans (10)a au sens actuel et l'instrumental correspondant dans (10)b, remplissant des fonctions sémantiques différentes, ne partagent pas le même rôle thématique.

40 A vrai dire, en ce qui concerne le propos de cet article, tout ceci n'a aucune importance, car la structure intransitive au verbe mendekatu ne laisse pas d'être un antipassif d'origine, bien que ne l'étant plus sur le plan synchronique.

41 Pour ce qui est du verbe mintzatu ‘parler’, l'usage du cas instrumental pour désigner la langue suggère une origine antipassive :

(11)a. Hiruek mintzatzen dute eskuara. (J. Etchepare, Beribilez, 86) Les trois parlent le basque. (11)b. Hiruak mintzatzen dira eskuaraz. Les trois parlent (en) basque.

42 Pour le verbe nagusitu ‘dominer’, on peut citer :

(12)a. Zer pasionek gure bihotza nagusitzen dute ? (Cf. S. Pouvreau, Philotea. 521) Quelles passions dominent notre coeur ? (12)b. Zer pasione gure bihotzaz nagusitzen dira ? Quelles passions s'emparent de notre coeur ?

43 Le verbe oroitu ‘se rappeler’ s'emploie encore couramment dans les deux structures :

(13)a. Oroitzen zituen ume-umetatik Malentxoz edukitako arretak. (Agirre, Garoa, 243) Il se rappelait les soins qu'il avait prodigués à Malentxo dès son enfance. (13)b. Oroitzen zen ume-umetatik Malentxoz edukitako arretez. Il se souvenait des soins qu'il avait prodigués à Malentxo dès son enfance.

44 Le verbe trufatu ‘ se moquer’, emprunt au béarnais trufà de même sens, connaît les deux structures :

(14)a. Nork trufatu zaitu berriz ere ? (Lafitte, Murtuts 41) Qui s'est payé ta tête encore ?

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(14)b. Nor trufatu da zutaz berriz ere ? Qui s'est payé ta tête encore ?

45 Ce verbe a été classé comme intransitif par M. B. Oihartzabal dans son essai « Structural Case and Inherent Case Marking : Ergaccusativity in Basque », voir la page 335. Il faut pourtant remarquer que la tournure transitive est attestée chez pas mal d'écrivains : Argaignarats, Baratciart, Duvoisin, Laphitz, Hiribarren, l'auteur du catéchisme publié par Jauffret, J. Etchepare, Etchamendi et Lafitte.

46 La parade d'exemples terminée, que concluera-t-on ? On peut certes soutenir que l'alternance antipassive telle que nous l'avons observée a l'air d'être un phénomène purement lexical. C'est d'ailleurs l'avis du professeur J. Ortiz de Urbina qui s'est avisé le premier de cette alternance et l'a rapprochée, non sans hésitation, de l'antipassif de certaines langues. Voici ce qu'il en dit à la page 203 de son livre Parameters in the Grammar of Basque, publié en 1989 : « This is the ‘antipassive’ construction often encountered in ergative languages. There is no equivalent structure in Basque, although lexically some verbs may appear in two structures that are closely parallel to the structures found in the ergative-antipassive relation. Thus, a verb like oroitu ‘to remember’ may appear in a transitive structure with absolutive direct object and ergative subject or in an unaccusative one where the subject is marked absolutive and the object occurs in the oblique instrumental case : (i) a. Familia oroitu zuen He remembered his family b. Familiaz oroitu zen He remembered his family Similar lexical relations are found in non-ergative languages. »

47 Effectivement, pour ce qui est de la langue actuelle, je suis parfaitement d'accord sur le point de vue qu'on vient de lire. Mais, en remontant le fil du temps ? Comme les verbes admettant la tournure antipassive sont de nature assez diverse, et que plusieurs, tels qu'erditu ‘enfanter’ et hautatu ‘choisir’, manquent de tout modèle roman, il me semble plus que probable que, du point de vue diachronique, nous avons affaire à des reliques d'un procès qui, du moins à l'origine, relevait bien de la syntaxe. En bref, j'estime que les faits que nous venons d'observer justifient de postuler un véritable procédé antipassif pour le basque ancien, disons du premier millénaire.

48 A l'encontre de la situation observée dans l'idiome dyirbal de l'Australie, il est peu probable que l'antipassif basque pût s'appliquer à toutes les phrases transitives sans égard à la nature du verbe. Nos données nous permettent d'entrevoir plutôt que le procédé était limité à une certaine classe de verbes, les verbes dits « moyens ».

49 A ce propos, il convient de rappeler la caractérisation formulée par le savant éminent que fut E. Benveniste ; formulation dont l'état actuel de notre science ne permet toujours pas de remédier à l'imprécision : « Dans le moyen, le verbe indique un procès dont le sujet est le siège ; le sujet est intérieur au procès » (Problème de linguistique générale, p. 172).

50 Or, il faut relever que cette caractérisation s'applique de façon frappante à tous les exemples que nous avons vus. Ainsi, procédant par induction, j'arrive à la conclusion que c'est précisément l'ensemble des verbes moyens qui constitue le domaine de l'antipassif en basque ancien. Un tel résultat ne manque pas d'implications diachroniques. Ce qu'on peut constater, par exemple, c'est que pour certains verbes la tournure antipassive a fini par évincer la tournure transitive originelle. Cela semble bien être le cas des verbes moyens fidatu ‘se fier’ et jabetu ‘s'approprier’. Si, comme

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j'estime, ces verbes étaient originellement transitifs, la présente agrammaticalité de phrases comme *fidatzen zaitut et *etxe horiek jabetuko ditugu montre qu'ici l'antipassif a réussi à s'imposer obligatoirement, fournissant les phrases zutaz fidatzen naiz ‘je me fie à vous’ et etxe horietaz jabetuko gara ‘nous nous emparerons de ces maisons’. Ajoutons que l'emploi transitif de jabetu est attesté. Le Diccionario General Vasco cite une phrase de Kepa Enbeitia avec jaubetu, variante biscayenne de jabetu : Zetan ez doguz jaubetu biar ? ‘ Pourquoi ne les approprierions-nous pas ?’.

51 D'une façon générale, je dirais qu'il y a lieu de soupçonner une origine antipassive chaque fois qu'un syntagme instrumental sert de thème dans une structure intransitive. La condition que je viens de formuler est nécessaire. En effet, si le syntagme instrumental ne sert pas de thème, il ne saurait s'agir d'un antipassif.

52 En guise d'illustration, j'invoquerai ici les verbes indiquant un état de l'âme. Ces verbes présentent une alternance systématique due au fait que la source de l'émotion dénotée par le verbe se réalise soit par un syntagme à l'ergatif, soit par un syntagme à l'instrumental. On a donc :

(15)a. Gure alabek kezkatzen naute. Mes filles m'inquiètent. (15)b. Gure alabez kezkatzen naiz. Je m'inquiète de mes filles. (16)a. Zure portaerak harritzen gaitu Votre conduite nous étonne. (16)b. Zure portaeraz harritzen gara. Nous nous étonnons de votre conduite. (17)a. Miren zoriontsu ikusteak pozten nau. Ça me réjouit de voir Marie heureuse. (17)b. Miren zoriontsu ikusteaz pozten naiz. Je me réjouis de voir Marie heureuse.

53 Comme le rôle thématique du syntagme instrumental dans ces exemples est celui de source et non pas de thème, nous prédisons qu'il ne peut s'agir d'une alternance antipassive. C'est exact, car, pour qu'il y ait antipassif, il faudrait que le rôle thématique de l'instrumental coïncide avec celui de l'absolutif dans la tournure transitive. Or, il n'en est rien ; c'est, au contraire, l'ergatif qui a prêté son rôle au syntagme instrumental.

54 Nous avons maintenant tout ce qu'il faut pour passer à la partie finale de cet essai, dans laquelle, en examinant les verbes intransitifs du basque, nous essaierons de mettre à profit les connaissances acquises sur l'antipassif.

Deuxième partie : l'hypothèse de Levin

55 Depuis l'article pionnier « Impersonal Passives and the Unaccusative Hypothesis » de D.M. Perlmutter, on sait que les verbes intransitifs se divisent en deux classes, pour lesquelles, à tort ou à raison, on a adopté les termes d'inaccusatif et d'inergatif.

56 Comme définition de ces termes, je propose la suivante : Si, à un certain niveau d'analyse, le seul ou principal actant du verbe est interne au prédicat, il s'agit structuralement d'un objet direct, et le verbe se classifïe comme inaccusatif ; sinon, le verbe comportera un sujet à tous les niveaux d'analyse, et se classifïe comme inergatif.

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57 La différence structurale sur laquelle se fonde la définition comporte des répercussions syntaxiques variées, comme l'ont montré B.C. Levin et M. Rappaport Hovav dans leur monographie exemplaire intitulée Unaccusativity. Pour ne prendre qu'un exemple, le participe parfait d'un verbe inaccusatif peut parfois servir d'adjectif ; celui d'un verbe inergatif n'a jamais cette option. On dit donc bien emakume eroria ‘la femme tombée’, mais non pas *emakume borrokatua ‘*la femme luttée’. Dans l'optique de Perlmutter, la divergence structurale entre les deux classes n'est pas arbitraire. Elle est déterminée par le sens du verbe.

58 Seulement, dans sa tentative de caractérisation sémantique des verbes inergatifs, Perlmutter s'en est tenu au critère trop simpliste d'agentivité, critère dont on a vite fait de découvrir l'insuffisance.

59 Comme l'ont montré Levin et Rappaport Hovav, il y a des catégories de verbes où le sujet contrôle l'action et qui sont néanmoins inaccusatifs. Tel est le cas notamment de la catégorie qu'elles caractérisent comme des verbes de motion à direction inhérente ; catégorie contenant toute une gamme de verbes intransitifs tels que, par exemple, arriver, avancer, échapper, entrer, fuir, partir, plonger, sortir, tomber et venir.

60 Bien que pour la plupart d'entre eux le sujet du verbe ait plein pouvoir sur le déroulement de l'action, ces verbes n'en sont pas moins tous inaccusatifs.

61 Je n'ai pas le dessein de creuser la théorie de l'inaccusativité, tout fascinante qu'elle est. Le lecteur curieux des propriétés syntaxiques des verbes inaccusatifs ainsi que des critères sémantiques à utiliser pour effectuer le triage consultera la monographie citée ci-dessus.

62 Ce qui nous intéresse tout particulièrement en tant que basquisants, c'est que Mme Levin, à la suite d'une étude poussée des faits basques, a hasardé l'hypothèse que tous les verbes basques excluant l'ergatif font partie de la catégorie inaccusative.

63 Cette hypothèse osée, et d'une portée considérable, comme on s'en apercevra par la suite, a été récusée par certains spécialistes, notamment par le grammairien B. Oihartzabal. A mintzatu ‘parler’, l'unique exception signalée par Mme Levin, ce linguiste, locuteur natif du basque labourdin, en a ajouté beaucoup d'autres. Je cite : « In fact, there are many other exceptions : other speech verbs ( solastatu ‘speak with’, elekatu, elestatu ‘chat’, hizkatu, hizketatu ‘converse’), meal verbs (bazkaldu ‘have lunch, afaldu ‘ have dinner’, gosaldu ‘have breakfast’, askaldu ‘have a snack’), several other verbs having agentive arguments (trabailatu ‘ work’, jarraiki ‘follow (sb)’, mendekatu ‘take revenge’, jazarri ‘revolt’, oldartu ‘attack’, gudukatu ‘wage war on’, borrokatu ‘fight’, jostatu ‘play’, jokatu ‘to play games’, etc…). » (Oihartzabal, « Structural Case and Inherent Case Marking : Ergaccusativity in Basque », p. 335). Et au bas de la même page, à côté des locutions trufa egin ‘se moquer’ et zintz egin ‘ se moucher’, l'auteur signale encore les verbes synonymes trufatu et zintzatu.

64 Il y a lieu d'interposer une question. Est-il vrai que tous les verbes cités sont inergatifs ? M. Oihartzabal invoque bien la nature agentive de leurs sujets, mais comme nous venons de le voir, ce critère n'est pas suffisant, notamment dans le cas de verbes de motion à direction inhérente. Et en fait, je suis d'avis que la liste d'Oihartzabal inclut deux verbes qui sont d'excellents candidats pour cette catégorie-là. Il s'agit du verbe jarraiki ‘suivre’, et aussi du verbe oldartu, dont la glose ‘attaquer’ ne convient ni au sens originel ni au sens en labourdin actuel, qui est plutôt ‘prendre l'élan’. Je reviendrai ci- dessous sur ces verbes.

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65 Pour le moment, tout cela ne semble pas revêtir trop d'importance, car les autres verbes dont il est question appartiennent bel et bien à la catégorie inergative. Ces verbes, manquant d'actants ergatifs, s'érigent en d'authentiques contre-exemples à l'hypothèse de Levin, qui se voit donc réfutée.

66 Mais attention ! N'oublions pas de préciser qu'elle se trouve réfutée pour le labourdin actuel et qu'il ne s'ensuit nullement qu'il en fût de même à une période plus ancienne. Et voilà justement l'objectif des pages qui suivent. En effet, je vise à démontrer ici la validité de l'hypothèse de Levin pour un basque plus ancien, disons jusqu'au seizième siècle environ.

67 A cette fin, il faudra montrer que les verbes inergatifs du basque contemporain n'existaient pas comme tels dans un passé plus ou moins proche. Plus exactement, ce que je ferai valoir dans mon exposé, c'est ceci : Certains verbes inergatifs sont devenus tels à la suite d'un changement de sens, tandis que les autres doivent leur origine à un verbe transitif, dont la tournure transitive est tombée en désuétude, le plus souvent dans une partie seulement du territoire bascophone.

68 Je commencerai la démonstration par le verbe jarraiki ‘suivre’. Comme j'ai déjà remarqué, je crois que c'est à tort que M. Oihartzabal l'a qualifié d'inergatif. Dans son sens principal, il s'agit d'un verbe de motion à direction inhérente, catégorie inaccusative d'après les recherches de Levin et Rappaport Hovav. Rien de surprenant donc que ce verbe ait été intransitif à l'origine, comme le montrent les textes anciens, labourdins aussi bien que biscayens, et, avant tout, la structure à préfixe personnel des formes synthétiques : arreit niri ‘suis-moi’ (Mc. 9.9 ; Liç.) et inurriari arraio (R.S. 183) ‘suis la fourmi’.*

69 Ce n'est que plus tard que surgissent les formes transitives, et -ce qui est révélateur- d'abord dans des sens secondaires. Ainsi Belapeyre n'use de la construction transitive que lorsque le verbe veut dire ‘imiter’ : p. ex. lürrian ere hain onsa zure honkiginak eta bizitze saintia egizü jarraik ditzadan (Cat. I, 137) ‘faites que j'imite tant bien sur la terre aussi vos bonnes actions et votre vie sainte’ ; haren verthüter jarraiki ditian (Cat. II, 109), ‘qu'il imite ses vertus’.

70 En ce qui concerne le verbe oldartu, si on lui donne le sens d'attaquer, il est inergatif. Seulement, ce n'est pas le sens qui lui correspond à l'origine. Dans le dictionnaire de Lhande, le sens qui est indiqué le premier, c'est « s'élancer, se précipiter, se jeter sur ». Ce sens-là est aussi signalé par Villasante chez Axular. Et, témoignage plus important encore parce que plus ancien, il suffit de scruter l'emploi du terme chez Liçarrague, où le verbe se rencontre plus d'une douzaine de fois, pour constater que son sens était ‘se lancer’, plutôt que celui d'attaquer. Par conséquent, c'était un verbe de motion à direction inhérente, et, dès lors, inaccusatif.

71 Quant au verbe trabailatu, au sens de travailler, il est indubitablement inergatif, comme le montre clairement la locution synonyme lan egin. Mais est-ce là son sens primitif ? Pour trouver la réponse, il nous faut retourner à l'oeuvre de Liçarrague. Dans sa traduction du Nouveau Testament, le verbe en question figure à deux sens, assez proches l'un de l'autre, mais quand même différents. D'une part, il sert à traduire le verbe latin operari correspondant au grec έργάζοµαι, se montrant donc l'équivalent du verbe travailler en français moderne. Ceci est le cas dans les versets Mt. 21.28 ; Jn. 6.27 ; 1 Cor. 4.11 ; Eph. 4.28 ; Col. 1.29 ; 2 Thes. 3.10 et 2 Thes. 3.12. D'autre part, trabailatu sert de traduction pour le verbe latin laborare, correspondant au grec ĸοπίαω, dont l'équivalent

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français est ‘se donner de la peine’, ‘se fatiguer’. Les versets pertinents sont : Actes 20.35 ; Rom. 16.6 ; Rom. 16.12 ; Gal. 4.11 ; Eph. 4.28 ; Col. 1.29 ; 1 Thes. 5.12 ; 1 Tim. 5.17 ; 2 Tim. 2.6. Remarquons que dans les évangiles, laborare se rend toujours par nekhatu : Mt. 6.28 ; Luc 5.5 ; Luc 12.27 ; Jn. 4.38.

72 Or, il est évident que l'évolution sémantique qui mène du sens ‘se fatiguer’ à celui de travailler est beaucoup plus probable que l'inverse.

73 On sait du reste que le verbe travailler en français a subi une évolution parallèle. Je cite du Nouveau dictionnaire étymologique du français de Jacqueline Picoche : « Travailler XIIe s. ‘tourmenter’ et ‘souffrir’, début XVIe s. sens mod. (à partir de la forme pronom. ‘se donner de la peine pour’) » (p. 487).

74 Il se trouve donc que le verbe trabailatu, avant de prendre le sens moderne de ‘travailler’, servait d'équivalent à nekatu ‘se fatiguer’. Comme lui c'était donc un verbe de changement d'état, et, par conséquent, appartenait à la catégorie inaccusative. Citons, à ce propos, Levin et Rappaport Hovav : « The unaccusative status of verbs of change of state, especially those that participate in the causative alternation, has been assumed by linguists working on unaccusativity beginning with Perlmutter (1978), who included them among the semantic classes of unaccusative verbs on the basis of their behavior with respect to impersonal passivization. In Italian these verbs pass the standard unaccusative tests, including selection of the auxiliary essere ‘be’. In English these verbs can appear in the unaccusative resultative pattern and cannot assign accusative Case, as shown by their inability to take various types of nonsubcategorized objects. »(Unaccusativity, 293). Le cas du verbe ausartu ‘oser’, soit dit en passant, est tout à fait semblable. D'origine, c'est un verbe dérivé de l'adjectif ausart ‘hardi’, verbe dont l'emploi transitif ‘enhardir’ est attesté chez Axular (p. 450). Tout comme nekatu, c'est un verbe de changement d'état participant à l'alternance causative, et, par conséquent, il est inaccusatif.

75 Quant aux autres verbes cités en contre-exemple par M. Oihartzabal, je vais montrer qu'il s'agit de verbes transitifs à l'origine, qui ont perdu leur emploi transitif en labourdin actuel.

76 Pour deux de ces verbes la démonstration en a déjà été faite. Je me réfère aux verbes mendekatu ‘se venger’ et trufatu ‘ se moquer’, dont l'emploi intransitif s'est révélé être un antipassif, comme on l'a vu dans la première partie de cet essai.

77 Le verbe zintzatu ‘se moucher’ ne pose pas de problème non plus. Je veux bien croire qu'il est intransitif en labourdin actuel, mais non pas qu'à aucune époque on n'ait pu dire l'équivalent basque de la phrase française la mère va moucher ses enfants. Du point de vue diachronique, l'intransitif zintzatu, comme se moucher en français, n'est autre que la forme médio-réflexive du transitif zintzatu ‘moucher’.

78 Disons maintenant quelques mots sur les verbes de la parole. Dans la première partie de cet essai, nous avons pu constater l'emploi transitif du verbe mintzatu avec un nom de langue servant d'objet direct : eskuara mintzatu ‘parler le basque’. Il faut cependant ajouter que l'emploi transitif de ce verbe s'étend bien au-delà de cette structure. Dans le basque du sud notamment, cet emploi a été si répandu que, très souvent, il faut traduire par dire plutôt que par parler. En voici quelques exemples : nori mintzatzen diozu (Añibarro, Cat. AN 33), ‘à qui le dites-vous ?’ ; danak zerbait mintzatzen ziotela (Agirre, Garoa 335) ‘que tous lui disaient quelque chose’ ; itz oek mintza bitartean (T. Agirre, Uztaro 306), ‘en disant ces mots’ ; zuk itz-erdi bat mintza orduko (S. Mitxelena, Aranz. 62), ‘dès que

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vous dites un demi-mot’ ; erlojuen gainean ez ginuen deus mintzatu (Izeta, Dirua G. 84), ‘sur la montre nous avons rien dit’.

79 Le même usage est attesté en labourdin : hitzik mintzatu gabe (Etcheberri de Sare, 384), ‘sans dire un mot’.

80 Dans les parlers septentrionaux, on rencontre aussi une construction transitive dans laquelle la personne à qui l'on parle sert d'objet direct. Pour la documentation, je renvoie au Diccionario General Vasco (XII, 369), où l'on trouvera des exemples empruntés à une dizaine d'auteurs, labourdins pour la plupart.

81 Pour les autres verbes de la parole, la même construction existe, bien qu'elle soit moins usitée. Le dictionnaire cité la signale pour les verbes elestatu et elekatu, et pour solastatu ‘converser’, on peut citer un exemple de Pouvreau : zergatik ordea hain gogotik solhastatzen dugu elkar ? (Imit. I. 10, 1), ‘mais pourquoi nous parlons-nous si volontiers l'un à l'autre ?’ (L'original latin dit : invicem fabulamur). On constate donc que l'emploi de ces verbes a été possible partout où ils existaient, y compris le labourdin. Du point de vue diachronique, on soutiendrait donc mal que les verbes de la parole eussent exclu l'ergatif.

82 Quant aux verbes relatifs aux repas, leur emploi transitif est abondamment attesté. Déjà chez le frère Ubillos on lit : Cer zan Bazcoa ? Israeltarrak Igitotik irten ciran gau artan afaldu zuen vildotsa (Christau doc. 24), ‘Qu'est-ce que la Pâque ? L'agneau que (c.-à-d. duquel) soupèrent les israélites la nuit qu'il quittèrent l'Egypte’. Et toujours, chez Lopez- Mendizabal : Zer nai dezute gosaldu ? (Manual de Conv. 190), ‘Que voulez-vous manger pour le petit-déjeuner ?’.

83 Dans les parlers du nord, l'emploi comportant un objet direct s'est perdu très tôt, ce qui a abouti à une détransitivisation, qui peut fort bien se concevoir comme l'effet d'un procédé antipassif, d'application obligatoire si le syntagme absolutif est vide de contenu.

84 Dans les parlers du sud, au contraire, ces verbes continuent à exiger l'ergatif même si aucun objet direct n'est envisagé. Donc : bazkaldu dugu ‘nous avons déjeuné’.

85 Point n'est besoin de nous attarder sur les verbes jostatu ‘amuser’ et jokatu ‘jouer’. Il suffit de consulter le Diccionario General Vasco (X, 257-259 et 281-282) pour vérifier que leur emploi transitif est attesté tant au nord comme au sud.

86 J'en viens maintenant aux verbes borrokatu ‘lutter’ et gudukatu ‘combattre’. Ici la documentation dans le Diccionario General Vasco est très révélatrice et permet de conclure qu'il s'agit de verbes transitifs qui peuvent prendre un objet direct, mais le plus souvent, n'en prennent pas. Dans ce cas-là, ils tendent à emprunter la tournure intransitive, ce qui, dans certains parlers du nord, peut avoir abouti à l'obsolescence de la tournure transitive. Ici encore, la détransitivisation amenée par l'absence d'un objet suggère l'application de l'antipassif.

87 Pour ce qui est du verbe jazarri, il suffit de citer la Grammaire basque de P. Lafitte : « Les anciens construisaient comme behatu les verbes iguriki ‘ attendre’ ; jazarri ‘attaquer’ ; lagundu ‘aider’. Ex. : etsaiek Jesusi iguriki zioten, jazarri zioten eta nihork ez zion lagundu ‘les ennemis attendirent Jésus, l'attaquèrent, et personne ne le secourut’. » (Lafitte, Grammaire basque § 412, p. 190).

88 L'exemple qu'on vient de lire mérite d'ailleurs l'attention, car il montre que le labourdin ancien admettait des phrases transitives où ne figure aucun objet direct.

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89 Ceci enfin complète l'examen des contre-exemples cités par M. Oihartzabal. A mon avis, nous avons réussi à les disqualifier tous. Dans un passé plus ou moins proche, les candidats ou bien se montraient inaccusatifs ou bien n'étaient que des emplois intransitifs de verbes foncièrement transitifs.

90 Je reconnais que pour une vérification rigoureuse de l'hypothèse en question il faudrait examiner les verbes inergatifs du basque dans leur intégralité. Cependant le lecteur me pardonnera de ne pas m'engager sur cette voie. D'après mon opinion, ce que nous avons pu observer suffit déjà pour justifier l'adhésion à cette hypothèse, toujours en ce qui concerne le basque ancien, disons jusqu'au début du seizième siècle.

91 S'il en est ainsi, quelles sont les conséquences qui en déroulent ?

92 Commençons par le système des cas. Dans une langue où se vérifie l'hypothèse de Levin, l'attribution des cas grammaticaux aux actants du verbe présente un caractère des plus simples : L'actant extérieur au prédicat sera au nominatif, et l'actant intérieur au prédicat à l'accusatif.

93 Voilà exactement ce qui se passe en basque ancien, sauf que, pour des motifs se rapportant à la langue moderne, l'accusatif et le nominatif s'appellent absolutif et ergatif. Mais les noms ne changent rien à la chose : le basque ancien n'était nullement une langue ergative.

94 Typologiquement parlant, le basque ancien rejoint l'ancien français. Les deux langues ont un accusatif à marque zéro ainsi qu'un nominatif marqué de façon positive : -s en ancien français ; -k en basque ancien. Il reste pourtant une différence fondamentale. En ancien français, le sujet d'un verbe inaccusatif est au nominatif, tandis qu'en basque, il demeure à l'accusatif, même s'il lui arrive d'être extrait du prédicat dans la structure superficielle.

95 L'hypothèse de Levin acceptée comme étape dans l'histoire du basque, on est en mesure d'expliquer bien des caractéristiques actuelles, qui, sans elle, resteraient inexpliquées, voire inexplicables.

96 Pour commencer, considérons la pénurie dans le domaine des verbes intransitifs comparée au français. Elle est facile à expliquer : en français, il y a des intransitifs tant inaccusatifs qu'inergatifs ; en basque, il n'y a que les seuls inaccusatifs.

97 Autre fait typique : Au petit nombre de locutions idiomatiques avec le verbe faire du type faire dodo ‘dormir’, le basque en oppose plus de deux cents. C'est qu'en basque cette locution représente la manifestation préférée des verbes inergatifs, lesquels exigent un sujet ergatif, qui est fourni par cette construction transitive.

98 Les verbes que le grammairien P. Lafitte a qualifiés de déponents (Grammaire basque, § 411, p. 189) ne constituent qu'un expédient de plus employé par la langue pour résoudre le problème des intransitifs inergatifs. Il s'agit là de verbes qui, tout en n'admettant aucun objet direct, requièrent quand même l'ergatif. Dans une langue ergative canonique, c'est là un paradoxe assez pénible. Dans le basque ancien, par contre, il n'était que naturel que le sujet d'un verbe inergatif fût au nominatif, précurseur de l'ergatif moderne.

99 Pour beaucoup de verbes inergatifs, la langue a eu recours aux deux solutions à la fois. Prenons, par exemple, les verbes d'émission, catégorie inergative par excellence. Alors, d'une part, on trouve des locutions à base du verbe egin : burunba egin ‘ bourdonner’,

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dirdira egin ‘briller’, distira egin ‘étinceler’ ; de l'autre, il y a les verbes déponents : burunbatu ‘ bourdonner’, dirdiratu ‘briller’, distiratu ‘étinceler’.

100 Du moment que le basque actuel permet des verbes inergatifs à sujet absolutif, tous ces phénomènes ont perdu leur raison d'être. Ce sont des vestiges d'un état plus ancien, d'une époque où l'hypothèse de Levin rendait compte de la structure de la langue.

101 A présent, pour finir sur un thème abordé au début de cet article, retournons un moment à l'antipassif. J'ai affirmé au début de cet essai que c'était un procédé réservé aux langues ergatives. Pourtant, si l'évolution typologique que j'ai esquissée correspond tant soit peu à la réalité du basque, il faut constater ceci : Comme il ressort de mon exposé, aux temps où l'antipassif fonctionnait comme un authentique procédé de syntaxe, le basque n'était pas une langue ergative. Il ne l'est devenu qu'au fur et à mesure que l'antipassif en tant que procédé syntaxique est sorti de l'usage.

102 C'est un paradoxe évident, mais aussi un paradoxe facile à dissiper. Il n'existe, au fond, aucune raison valable pour croire à une limitation de l'antipassif aux seules langues ergatives. Dès lors, à côté du schéma élaboré ci-dessus pour ces langues, il faudra admettre également le schéma suivant :

103 J'espère que ces représentations schématiques aideront le lecteur à discerner en quoi l'antipassif ressemble au passif et en quoi ils s'opposent. Il s'agit de savoir, en somme, pour quel motif on s'est accordé sur le terme d'antipassif. C'est ainsi que je résumerais la comparaison : Dans le passif, le nominatif est rétrogradé en syntagme adverbial, mais l'accusatif, à l'inverse, est promu et devient nominatif.

104 Dans l'antipassif, par contre, il y a rétrogradation générale : le nominatif se dégrade en accusatif en même temps que l'accusatif se trouve rétrogradé en syntagme adverbial.

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INDEX

Thèmes : linguistique Mots-clés : basque (langue), diathèse antipassive, Levin Beth C., syntaxe

AUTEUR

RUDOLF P.G. DE RIJK

Université de Leiden, IKER UMR 5478 CNRS

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Jeanne D'Arc Pastoralaren Eskuizkribua : Le plus ancien connu ?

Koro Segurola

1 Zuberoako pastoralaren tradizioaz hitz egiterakoan eztabaida franko piztu duen gaia noizkoa den zehazterakoan izan da. Ez gara gu zuzen-zuzenean auzi honetan sartuko, alde batetik, ez delako idazlan honen helburua eta, bestetik, galdera hori ihardesteko lehenik herri-teatro tragiko honen lekukotasuna dakarten lehen dokumentuak noizkoak diren zehatz jakiteari beharrezkoa dela deritzogulako.

2 Dokumentu hauen artean aurkitzen da Jeanne d'Arc pastorala. Pastoral honen eskuizkribuari pleguak falta zaizkio, izenpetu eta datatu gabe aurkitzen da, hau da, errejenta-kopistaren eskutik ez dakigu noiz eta non egina1 izan zen, eskuizkribuetan agertzen den datak pastorala noiz antzeztua izan zen, eta ez noiz idatzia, adierazten baitu.

3 Gaur egun esku artean ditugun dokumentu datatuen arabera edo zalantzarik uzten ez duten eskuizkribuetan fidatuz gero, pastoralen lekukotasun zuzen zaharrena 1750ekoa da, Sainte Elisabeth de Portugal deitua. Honek esan nahi du eskuizkribu horien artean agertzen den errepresentazio datarik zaharrena hori dela, 1750, hain zuzen ere. Lehenagokotzat emanak, halere, Jeanne d'Arc pastoralaz gain, beste hiru aipatzen dira literaturan : 1500 urtekoa omen zen Clovis pastorala, 1565 ingurukoa omen zen Artzain gorria deiturikoa (bi hauek galduak dira) eta azken urteetan eztabaida gehienik sortu duen Saint Jacques pastorala. Izan ere, zenbaitek egiten duten irakurketaren arabera (Herelle, Urkizu) eskuizkribu honek 1634ko data darama ; haatik, eskuizkribuko urtearen idazketa artoski ikertu duen Beñat Oihartzabalek 1834 dela, zalantzarik gabe, ex-librisean idatzia dena ondorioztatzen du, aurreko irakurketa baztertuz. (Oihartzabal 1999 : 81-85).

4 Gaia. Jeanne d'Arc pastoralaz jadanik bi data adierazi dira : 1712 eta 1723. Datu hauen arabera eta B. Oihartzabalek Saint Jacques pastoralaz egindako ikerketan oinarrituz, oraindik eskuzta daitezkeen eskuizkribuen artean (datatuak diren ala ez kontuan hartu

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gabe) zaharrena Jeanne d'Arc genuke, hau da, Sainte Elisabeth de Portugal baino lehenagokoa. Horrela adierazita dago eskuizkribu hau 1712 urtean kokatu zuenaren eskutik ere : Le plus ancien connu. Esan behar da, halere, datu horren (1712) inguruko berri handirik ez dugula, nork esan zuen eta data adierazterakoan non edo zertan oinarritu zen ere ziur ez baitakigu. Haatik, 1723 urtean kokatzen zuen ikertzailea ezagutzen dugu eta azterbidearen berri ere eman digu, paperaren filigranan edo ur markan oinarritutako emaitza dela adierazi baitigu ; alabaina, ez du paperean aurkitu zuen ur marka bera erakutsi, bertan, agidanean, ageri den data soila baizik.

5 Helburua. Datuak kontrajarriak eta herrenak direnez zalantzaz hartzekoak dira, gure ustez behintzat, eta hurbil-hurbiletik berriz aztertzea eskatzen dute. Asmo honetan, eskuizkribu hau 1712an, 1723an edo noiz idatzia izan zen ziur jakin ahal izateko paperaren azterketak duen garrantzia agerian utzi nahi genuke.

6 Azterbidea. Gure susmoak eta zalantzak argitzeko ere Jeanne d'Arc pastorala idazteko erabili zen papera aztertuko dugu, lehen mailako baliabide kronologikoa den paperaren ur marka, alegia, honen baliagarritasunaz ondo asko ohartu eta behin baino gehiagotan erabili baitugu gure ikerketa lanetan dokumentuak datatzeko orduan. Ez da dudarik testuaren barruko ezaugarriek horretan laguntzen dutela baina paperaren ezaugarririk garrantzitsuena den ur marka ere ahantzi gabe, baliabide ezin hobea baitugu paper horretan idatzitako testua noizkoa den jakitera iristeko. XII. mendearen amaieran eta XHI.aren hasieran papera identifikatzeko papergileak beren moldeetan jatorria adierazten zuten marrazki edo seinale batzuk jartzen hasi ziren. Honi ur marka deritzo, papera egiterakoan paperaren gorputz barnean ezarri zen bereizgarriari edo zeinuari, alegia (marca de agua, filigrane edo watermark izenez ere ezagutzen dena). Paperaren gorputz bamean ezartzen den zeinu edo irudi hau argiaren kontra baizik ezin daiteke ikus, itsatsitako ur marka papera bera baino gardenagoa bai baita. Marka honek lagunduko digu, hain zuzen ere, beste ezaugarriek baino zehatzago, paper hartan idatzitako testua noizkoa den jakiten. Ur marka motak eta erabiliak izan ziren urteak ongi ezagutzea lortzen bada, ez da dudarik aparteko laguntza izan daitekeela ikertzailearentzat. Izan ere, ur markaren bidez papera egin zen urtea jakin ahal izango da eta, hortaz, gutxi gora-behera bertan idatzia izan zenarena. Metodologia honetan oinarrituko gara, bada, ez beste ezertan, pastoral honen garaia finkatzeko.

7 Emaitzak. Paperaren ur markak bildu eta aztertu ondoren, Jeanne d'Arc pastorala noiz idatzi zen jakingo dugu, orain arte adierazi diren urteak baztertuz.

8 Ikus ditzagun lehenik orain arte pastoral honetaz dakigunaren edo jaso denaren berri zehatzagoak.

1. Zer esan den Jeanne d'Arc pastoralaz

9 Eskuizkribu hau Baionako Euskal Erakustokian aurkitzen da (25 zb.). Eskuizkribua gordetzen den karpetaren azalean, alde batetik, Manuscrit de 1712. Le plus ancien connu irakurtzen dugu. Irudiz hitz hauek Georges Lacombek idatziak dira baina ez da ziur. Bestetik, G. Herellen hitzak (1928 : 134) jasotzen dira B. Oihartzabalen eskutik2 : Cl. D'Andurain. Cahier sans couverture ; papier verge, 250 sur 190 mm. ; 40 feuillets a 2 colonnes. Incomplet de plusieurs feuillets arraches ou pourris dans le corps et a la fin du cahier ; 1963 versets comptes par le copiste, au dernier feuillet subsistant. Le papier porte dans le filigrane la date de 1723, et l'écriture paraît être à peu près de la même époque.

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10 Eskuizkribu hau, agidanean, D'Andurain de Maytie familian egon zen, Clément d'Andurain-en arrebak, Malartic Bizkondesak, utzi baitzuen 1935ean. Familia honen jatorria Maulen aurkitzen den D'Andurain de Maytie gazteluari lotua da. Gaztelu hau Oloroeko elizbarrutian egon ziren deitura bereko hiru gotzainetatik lehenak eraiki zuen XVII. mendean, Arnaud de Maytiek, hain zuzen. Gogora dezagun, era berean, Zuberoa Oloroeko elizbarrutian zegoela Iraultza frantsesaren garaian ere. Lerro gutxi hauetan biltzen den historiaren -lekuko eta erakusgai dugu Jeanne d'Arc, bere baitan, euskarrian bertan, islatzen baita ondoren erakutsiko dugun gisan. Orain arte, guk dakigunez, eskuizkribu honek nondik norako ibilbidea egin duen aipatu ez den arren jakingarri dela ezin uka, jatorria ezagutzen laguntzen baitu.

11 Pastoral honen aipamenak, bestenaz ere, urriak dira eta, gainera, era batera zein bestera datuak errepikatu egiten dira, urrunago joan gabe. Honela aurkezten du P. Urkizuk, esaterako, Historia del teatro vasco liburuan, Saint Jacques pastoralaren irakurketa 1634 dela ontzat eman ondoren : Tras la pastoral de Saint Jacques, viene en orden cronológico la de Jeanne d'Arc (MS 25 del Museo Vasco de Bayona), que según nota de Georges Lacombe es de 1712, y le plus ancien connu, el más antiguo conocido. Se halla en un estado bastante deteriorado en papel que lleva la filigrana de 1723, siendo la escritura aproximadamente de la misma época. Cuenta, a pesar de las numerosas hojas que le faltan con 1963 estrofas. [63 or.]

12 Eskuizkribu hau eskuetan izan edo honetaz hitz egin duten ikertzaileen artean iduri luke G. Hérelle izan dela paperean erreparatu eta, antza denez, ur marka ikusi duen bakarra. Ondorioz, baliabide honetan oinarrituz, eskuizkribua noizkoa den aditzera eman du, paperaren ur marka ezagutzen ez dugun arren 1723 urtea daramala baitio. Bestetik, eta irudiz G. Lacomberenak diren hitzetan irakurtzen ditugun datuak, 1712 eta le plus ancien connu, ez dakigu zein arrazoiz adierazitakoak diren. Are gehiago, eskuizkribua aztertu aurretik ere, Herellek emandako datuan oinarritzen bagara, data hau, 1712, zalantzan ipintzekoa dela esan behar dugu ; izan ere, paperaren ur markak 1723 urtea badarama, ezinezkoa da idazkia 1712koa izatea, baliabide honen zehaztasunak ematerakoan eta ondoren egingo dugun azterketan ikusiko ditugun arrazoiengatik. Zernahi gisaz, kontuan hartzekoak dira gure emaitzekin alderatu ahal izateko.

13 Alde honetatik, ez gatoz gu gai honen inguruan piztu den eztabaida areagotzera, ezta gutxiagorik ere. Alta bada, datuaren iturburua adierazten ez denean eta, hala eginik ere, berau frogatzen ez bada, zalantzak eta susmoak sortzen dira ; zer esanik ere ez datuak bat ez datozela ikustean eta zehaztasun guztiak bildu gabe hala aurkezten direnean ere.

14 Hori guztia argitzeko, esan bezala, gu ere paperean oinarrituko gara, paperaren ur markak bildu eta aztertzen saiatuko gara. Aurretik, ordea, izkribuen datazioan paperaren ur markak duen garrantziaz jabetzeko, hitz gutxitan, paperaren beste ezaugarriak azalduko ditugu ondotik egingo dugun azterketaren emaitzak hobeto uler daitezen3.

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2. Azterbidea. Paperaren ezaugarriak : Formatua, Bilbea, Ur marka

15 Paperaren kanpoko ezaugarriak bi motatakoak direla esan behar da : a) kalitateari dagozkionak eta b) molde edo formaren araberakoak. Azken hauek dira garrantzitsuenak. Formaxen arabera paperaren ezaugarriak lautan banatzen dira : formatua, vergeure edo verjura deiturikoa, pontuseaux edo corondeles gisa ezagutzen dena eta, azkenik, filigrana edo ur marka. Papera datatzeko garaian ezaugarri hauetatik guztietatik ur marka dugu nagusiena. Izan ere, beste ezaugarriak kontuan hartzekoak diren arren, une jakin batean baliagarriak izan daitezkeelako, ez dira hain funtsezkoak aipatu helburua erdiesteko garaian orain ikusiko ditugun arrazoiengatik.

Formatua

16 Formatua edo orriaren tamaina papera egiteko erabili zen formaren araberakoa zen. Ez da ahaztu behar, ordea, lehortu eta kolatzerakoan paperak hartu egiten zuela, tamaina murriztuz. Beraz, molde berarekin eginiko paperak izan arren, luzeran bi edo hiru zentimetrotako aldea dituztenak aurkitzen dira.

17 Bestalde, neurriak aldatuz joan dira garaien eta beharren arabera. Sarritan, gainera, paperaren formatuak finkatzen eta batzen saiatu direnak agintariak izan dira, baina XIV. eta XVI. mendeetan (1398an eta 1540an) aurkitzen diren xedapenetan ez dira formatuen neurriak aipatzen. Ez gara orain datu zehatzetan sartuko, hau da, ez ditugu herrialde ezberdinetan erabili ziren formatu motak aipatuko (cf. 3) ; halere, paperaren neurriak finkatzen dituen xedapen frantses bat aurkitzeko, okerrik ezean, 1730 arte itxaron behar dela ohartarazi nahi genuke. Azkenik, Frantzia osorako prestatu zena 1741eko irailaren 18an etorriko zen. Besteak beste, papergileek paperean jarri behar duten ur markaz aparte, urtarrilaren batetik aurrera urtea ipini behar dutela esaten da, 1742, hain zuzen ere. Kontuan hartzeko datua dugu hau, bai baitakigu paper ekoizpenean Frantzia zela lehena XVII. eta XVIII. mendeetan.

18 Aipatu dugun helburuari dagokionez formatua ez dela funtsezko ezaugarria esan daiteke. Izan ere, alde batetik, orrien neurriak aldatuz joan dira eta, bestetik, kontuan hartzen bada orriak ertzetatik moztu egiten zirela, neurrien aldaketek gutxi lagun dezakete paperaren data, nolabaiteko zehaztasunez, finkatzen.

Bilbea ‘Pontuseaux (corondeles) eta vergeure (puntizones)’

19 Formaren azpia galbahe edo bahe baten antzekoa zen eta honen sarea osatzeko hari bertikalak (pontuseaux) eta horizontalak (vergeure) gurutzatzen ziren. Hari bertikalak motzagoak ziren eta bakanduago zeuden beren artean horizontalak baino. Hari horizontalak hurbilago zeuden elkarrengandik eta luzeagoak ziren. Denboraren buruan hari metalikoak ere erabili ziren.

20 Ore biguna galbahean edo moldearen azpian zegoenean, xukatzerakoan mugitzen zenez, geruzaren lodiera molde osoan berdina zen, hortaz, hariak zeuden aldeek ore gutxiago hartzen zuten eta orria leku hartan meheagoa zen. Horregatik papera zeharrargitara ikustean marra gurutzatu hauek nabari dira, gardenagoak orria bera baino.

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21 Marra hauek bilbea edo trama osatzen dute eta ur marka bilbe honen gainean nabarmentzen da, orriaren erdian ezartzen delarik, eskuarki. Inoiz edo behin arrazoi ezberdinengatik, bilbearen marrak ur markaren irudiarekin nahas daitezke, gero, ur markak aztertzerakoan, ikusiko dugun gisan. Izan ditzakeen ondorioengatik kontu eta arreta handiz ibili behar da.

22 Zenbat hari jartzen ziren, ordea ? Kopurua eta beren arteko tartea oinarrizko ele- mentuak ote dira pape-raren data finkatzeko ? Denboran zehar kopurua eta tarteak aldatuz joan dira, baina ez da ikerketa sistematikorik egin honi buruz, ezta aldaketa horien arra-zoirik adierazi ere. Autore asko neurri batzuk ematera muga-tu dira besterik gabe. Batzuetan,ordea, orrie-nak dira, besteetan, goitik behera doazen marren (pontuseaux di-relakoen) arteko neurriak eta gutxien aipatzen direnak zentimetroko zeharkako marren kopuruarenak dira. Baina datu hauek guztiak ez dira lotu eta paperean agertzen diren datarekin erkatu. Beraz, oraindik urrun dela dirudi papera datatzeko marra hauen arteko tarteak erabiltzeko aukera.

23 Nolanahi ere, kualitatiboki eta, oro har, papera berriagoa den heinean, marren arteko tarteak murriztu egiten direla ikusi da. Trama meheagoa egiten da eta hau aurrerapenaren edo hobekuntzaren adierazgarritzat hartu izan da. Horregatik esan ohi da paper ezberdinetan ur marka bera aurkitzen denean, goitik beherako marren tartea handiagoa duena izango dela zaharrena. Goitik beherako marren arteko tartea, ordea, orriaren neurriaren arabera aldatzen da. Tamainaz handiak diren orrietan tartea handiagoa dela ikusten da. Beraz, oharpen hori kontu handiz hartu behar da. Hori dela eta, papera datatzeko, tartearen berri jakitea ez dela garrantzia handikoa esan daiteke.

24 Horrezaz gain, tarte horiek aldatzearen eta garai berean hain ezaugarri ezberdinak dituzten paperak agertzearen azalpena bilatzea geratzen zaigu. Arrazoia paperak berak ematen digu.

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25 Paper mota hauen kalitatea ezberdina da. Tarte handiak dituen papera gutxi landutako orez egina da. Askotan, kalitatea lehengaiari baino areago papergintzari berari lotua da.

26 Garai berean ezaugarri ezberdinak dituzten paperak aurkitzeak errota zahar eta berriak aldi berean lanean ari direla esan nahi du, tresna edo lanabes ezberdinak erabiliz. Bitartekoek laguntzen ez dutela eta, paper-orea gutxi eta gaizki lantzen bada, lakainak luzeak eta lodiak dira eta, hortaz, baheak argi asko izan dezake. Orearen prestaketa hobetzen bada, berriz, lakainak landuagoak dira, motxagoak eta finagoak egiten dira eta honek fo rmaren sare-mailaren argia ixtera behartzen du, paper-orria egiterakoan ore guztia goitik behera eta zeharkako hariz osatutako saretik pasa ez dadin.

27 Beraz, harien arteko tartea murriztea hobekuntza teknikoaren ondorio da. Hobekuntza hau ez zen aldi berean egin eta honek paper-errota zahar eta berriak batera aritu zirela lanean pentsarazten du.

28 Azalpen hauek gogoan harturik, paperaren ezaugarririk garrantzitsuena ur marka dela esan dezakegu.

Ur marka

29 Ur marken sorreraren eta erabileraren helburuaz luzaz eztabaidatu izan da. Hain goiz zabaldutako erabilerak bazuen, ordea, bere izateko arrazoia : ur markak baliagarriak ziren erabiltzen zituzten errotentzat, era berean, ezartzen zituzten aginteentzat eta eskatzen zituen erabiltzailearentzat ere.

30 Esanahiaren aldetik onartu behar da papergileak berak izan zirela ur markak zeinu pertsonal edo lantegi-zeinu bezala sartu zituztenak, beren arteko ekoizpena bereizteko4. Marka pertsonala agertzeko funtzioaz gain, halere, ur markak jatorri baten

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adierazle gisa erabili ziren eta papergile bat ez ezik paper-errota bat ere adierazten hasi ziren.

31 Paperaren kalitatea egilearen arretan ez eze, errotaren kokapenean ere bazegoen, eta erabiltzailearentzat ur markak papergilea baino areago paperaren jatorria adierazi behar zuen. Lurralde berean zenbait errota edo papertegi eraikitzen zirenean, ur markak eskualde horretako jatorria adierazteko erabiltzen ziren. Irudi nagusiaren ondoan (armarria, esaterako), eskuarki, bestelako zeinuak edo markak jartzen ziren (marka pertsonalak, inizialak...), eta hauek arreta berezia merezi dute, izan ere, horien bidez papergileak ezagut ditzakegu5.

32 Ur marka papera egin zen urtea adierazteko ere erabili izan da. Urtea daramaten ur markek erabilerari buruzko epeak egiaztatzeko aukera eskaintzen dute. Datatu gabeko idazkia ere bere garaian kokatzen laguntzen digute ur marka hauek. Ur markan ageri den data, ordea, papera egin zen garaikoa da, ez nahi eta nahi ez erabileraren unekoa.

33 Ur marka, bada, papergilea, jatorria, paperaren formatua edo kalitatea eta urtea adierazteko ere erabili dela esan daiteke, eta honek lagunduko digu, hain zuzen, beste ezaugarriek baino zehatzago, paper hartan idatzitako testua noizkoa den jakiten. Beraz, paperaren ur marka argitzea lortzen badugu Jeanne d'Arc pastorala noiz idatzi zen jakitera irits gaitezke.

3. Jeanne d'Arc-en eskuizkribua : le plus ancien connu ?

34 Eskuizkribu hau gure eskuetan hartu genuenean egoera kaskarrean zegoela ohartarazi behar dugu, pleguak erdi askatuta eta orriek ere eskuetatik ihes egiten baitziguten. Zernahi gisaz, azaleko ezaugarri hauek nabarmenduko genituzke : • Izenpetu eta datatu gabe aurkitzen da. Pleguak falta dira. • Liburu gisa koadernatua. Azalik gabea. Testua lehen orrialdean hasten da. • 41 orri ditu idatziak eta zenbatu gabeak. Hirugarren orria urratua dago baina hau ere kontuan izan dugu kopurua zehazterakoan. Ezin izan ditugu, bestalde, pleguak xuxen zenbatu, joskera bera ahula baita eta tartean orri batzuk ere aske baitaude. • Papera XVIII. mendekoa da. Kalitate eskasa du. Kolore beltzezka. • Neurriak : 260 x 185 mm. • Esku batek baino gehiagok erabilia, tartean beste mota bateko letra eta tinta nabari baitira. • la orri guztiek ur marka dute.

35 Hau guztia kontuan izanik, eskuizkribuaren muinean murgilduko gara. Pleguak banan- banan aztertu ditugu baina paperaren kalitatea eskasa dela-eta zailtasun handiak izan ditugu, behin baino gehiagotan hartu behar izan ditugularik esku artean. Halere, arreta guztia ipinita, honako ur marka hauek aurkitu ahal izan ditugu :

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• Irudia - 17936. L PILLOT BEARN7

• Irudia8. J BINOS F GURMENÇON9.

36 Ikus dezagun datu hauek zer adierazten diguten :

37 1. Jeanne d'Arc-en eskuizkribu hau ez zen 1793 baino lehenago idatzi

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38 Lehen ur markan ageri den datak papera 1793. urtean ekoitzi zela adierazten digu. Idazkia ezin da, bada, lehenagokoa izan, hau da, pastoral hau ezin izan zen idatzi 1712. urtean ezta 1723an ere handik hirurogeita hamar urtera ekoitzi zen paperean. Beraz, gutxienez, 1793an idatzi zen, inongo zalantzarik ez baitugu ur marka horretan irakurtzen den data 1793 dela. Herellek ur markan 1723 irakurri zuela eta, halere, azken froga bat egin nahi izan dugu bi datak, 1723 eta 1793, paperaren gainean ipinita. Honen ondotik, 9 zenbakiak bilbearen gainean nabarmentzen den irudia guztiz estaltzen duela argi eta garbi ikusi dugun bitartean, 2 zenbakiak behean daraman arrasto etzana ez da bertan nabari. Nolanahi ere, 1793 urtea ageri den hamazazpi orrietan hiru era ezberdinetan irudikatua aurkitu dugu :

39 Zenbaki guztien amaiera edo behealdea, gainera, bilbea osatzen duten eta norabide luzeenean edo horizontalean diren marra horietako baten gainean dela ikus daiteke. Hori dela eta, 2 zenbakiak behean daraman arrasto etzana, agian, bilbearen marrarekin nahastu izana. Zailtasun handiagoak izan ditugu guk azken zenbakiarekin, goian ageri den lehen irudiko 3a lehen behakoan 8a zela iruditu baitzitzaigun. Ez da dudarik, ordea, hiruetan irakurtzen den urtea 1793 dela10. Data hau, ordea, papera egin zenekoa da, ez nahi eta nahi ez erabileraren unekoa.

40 2. Bigarren ur marka Iraultza frantsesaren garaikoa da. Honek papera ez dela XVIII. mende hasierakoa adierazten digu, Iraultzaren (1789-1799) garaikoa baizik. Lehen ur markan data zehatza ematen denez, ez da dudarik idazkia 1793koa dela, ez lehenagokoa.

41 3. Papera Biarnon ekoitzia da, bigarren ur markan irakurtzen den Gurmençon ere Oloroe ondoko herri ttipia baitugu. Paperaren jatorria ikusita, kontuan izan behar da 1742an indarrean sartu zen araudia ; izan ere, honen arabera, papergileak forma berrietan data markatzera behartuta zeuden (cf. 3). Datu honek berak ere 1712 eta 1723

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irakurketak baztertzen ditu, agindu horren aurretik data gutxitan agertu baitzen Frantzian egindako paperetan.

42 4. Ur markak urtea eta paperaren jatorria erakusteko ez ezik papergilea adierazteko ere erabili zirela agerian dugu, ondoan irakurtzen diren L Pillot eta J Binos deiturak bi ekoizlerenak baitira. Ditugun datuen arabera, hirurogeita hamarreko eta laurogeiko hamarkadetan Mirandetarrak dira Gurmençongo paper-errotako ekoizleak : 1774an G. Mirande eta 1781ean, berriz, P Mirande. Papergile hauek maisuak ziren lanbide honetan, Jean Brun, Jean Monie, Marc Raguette, Pierre Servat eta beste hainbaten artean.

43 5 Kalitatea dela eta, paper beltzezka eta, itxuraz, eskasa dela genioen. 1782an bildutako datuen arabera, gainera, Gurmençon-go paper-errota egoera txarrean zegoela adierazten da. Treska bakarra zuen eta guztia trakets antolatua. Ez zuen urte osoan lan egiten, sei hilabetez besterik ez. Paperak ez ziren garbiak, zuriak ; ilunak edo ke kolorekoak baizik. Ez da berdin esaten Mirepeix-en edo Sarrance-n egiten zen paperaz, onenetakoak baitziren. Honek guztiak garai berean ezaugarri ezberdinak dituzten paperak aurki daitezkeela erakusten digu, paperaren kalitatea egilearen arretari ez ezik errotaren kokapenari, lehengaiari eta, askotan, papergintzari berari ere lotua baita.11

44 6 Azkenik, papera garai honetakoa dela (XVIII. mende amaierakoa) egiaztatzen digun beste datu bat gaineratu nahi genuke : Gipuzkoako Getaria herrian 1796an Nicolas Gorostidi notarioaren hitzak jasotzen diren pleguan bigarren ur markan ageri den irudia aurkitu dugu, Iraultza frantsesaren garaikoa, hain zuzen ere.

45 Ur marka honek jatorrizko dokumentu baten aurrean aurkitzen garela adierazten digu eta erabileraren epea egiaztatzen12. Paper hau ere Biarnokoa da, Oloroen ekoitzia, eta gogora dezagun, bestalde, lurralde berean zenbait errota edo papertegi eraikitzen zirenean ur markak eskualde horretako jatorria adierazteko ere erabiltzen zirela. Irudiaren azpian hiru biribil ageri dira eta irudiaren alde banatan letrak edo inizialak,

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baina hauek marka pertsonalak dira. Ekoizlea M( ?) Brun dela adierazten da. 1781ean Brun familiak bazuen jadanik Mirepeix-en paper-errota, Jean Brun ageri baita bertako ekoizlea. Hemen egiten zen papera, gainera, merkatari baten bidez Iruñera eramaten zen13.

46 Hau guztia paperak daraman ur markaren azterketak duen garrantziaren lekuko dugu. Orobat idazlan honek plegu guztiak arretaz begiratu eta aztertu behar direla ere agerian uzten du, ezustekorik gerta ez dadin.

4. Azken hitzak

47 Azterketa honen ondotik, zer esan ote daiteke ? Lehenik, izkribua datatu gabe egon arren ur markak aztertuta idazkiaren garaia edota urtea jakitera irits gaitezkeela, Jeanne d'Arc pastoralean erakutsi dugun gisan. Baionako Erakustokian den pastoralaren eskuizkribu hau, gutxienez, 1793. urtean idatzi zen, ez lehenago, papera urte honetan ekoitzi zelako eta, hori gutxi balitz bezala, Iraultza frantsesaren garaiko ur marka ere daramalako. Pastoralaren testua beranduagokoa ere izan daiteke, hau da, ez papera egin zen garai berekoa, data horrek ez baitu erabileraren unea adierazten. Oraingoz, ordea, ezin dugu gehiago zehaztu, testua oraindik argitaratu ez delako. Paperaren azterketa honetan oinarrituz, halere, idazkia ez dela 1793 baino lehenagokoa ziur esan dezakegu.

48 Hori dela eta, eskuizkribu honen azterketak ere ez garamatza hemezortzigarren mendeko mugatik haratago pastoralen historian. Hala eta guztiz ere, G. Herellek egin zuen irakurketatik (1723) guk adierazi dugunera mende erdi bat baino gehiagoren aldea dugu. Are nabarmenagoa da eman zen beste datari (1712) erreparatzen badiogu.

49 Bestetik, eskuizkribu hau ezin dugu le plus ancien connu denik esan, Sainte Elisabeth de Portugal baino berrogeita hiru urte beranduago idatzia baita. Guk eskuetan eduki dugu eskuizkribu hau, Sainte Elisabeth de Portugal, alegia, eta Oihartzabalek ere dioen gisan (1999 : 79), bertan irakurtzen den data duda-mudarik gabe 1750 dela ziurta dezakegu14. Halere, data hau egiaztatu nahi izan dugu paperaren ur markak aztertuz : 5 zenbakia (29 eta 61 orrietan) eta letra batzuk irakurtzea besterik ez dugu lortu, pleguak ez baitaude ertz-ertzetik josita barruagotik baizik eta ur marka osorik ikus ahal izateko guztiak askatu behar direlako. Honek baimen kontuak eta bestelakoak eskatzen dituenez, bere horretan utzi dugu, gure ikerketaren helburu zuzena Jeanne d'Arc-en eskuizkribua baitzen. Nolanahi ere, eta oraingo honetan gure zereginetik at gelditu den arren, idazkiak urtea daramanean ere hori egiaztatzea komeni dela azpimarratu nahi genuke, paperaren ur markak aukera hau ere eskaintzen digunez gero. Gertatu izan zaigu idazkian ematen zen data egiaztatzeko papera aztertu eta bat ez etortzea, hots, paperaren ur marka beranduagokoa izatea15 . Horrelakoetan, hau da, idazkian ematen den data papera baino lehenagokoa denean, kopia baten aurrean egon gaitezkeela pentsatu behar da eta dituen ondorioengatik data ongi ziurtatzea eta egiaztatzea behar-beharrezkoa da, ur markak idazkiaren jatortasuna agerian uzten baitu.

50 Dena den, idazki motak kontuan hartu behar dira paperaren erabilera aztertzeko garaian. Kasuistika zabala da eta zuhurtziaz jokatzea komeni da. Ziurra dena da ur markak daraman data, datu zehatza eta objektiboa baita idazkia garaian kokatu behar denean. Norbaitek galdegin dezake, halere, « baina nola liteke Jeanne d'Arc pastorala

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Iraultza frantsesaren garaian idatzi izana ? » Erantzuna Iraultzak hartu zuen bidean edo izan zituen ondorioetan beretan egon daiteke.

51 Gogora dezagun, hitz gutxitan, 1793ko apirilean hasi zela Konbentzio-gerra. Ordurako, Lapurdi, Nafarroa Beherea eta Zuberoako foruak galdu eta Biarnorekin batera Pirinio Behereko departamentuan bilduak zituzten (1790). Departamentu honetako gotzaindegia Oloroen kokatu zuten. Garai honetan, 1790ean, apaizei konstituzio zibila ezarri zieten. 1791an Asanblada legegileak konstituzioa onartu nahi izan ez zuten apaizen deportazioa agindu zuen. 1792an jakobinoek Austriari gerra deklaratu zioten, gobernua hartu eta Konbentzio Nazionala ezarri zuten, girondinoak konbentziotik baztertuta. Erregea preso hartu eta monarkiari amaiera eman zioten. Errepublika aldarrikatu eta Belgika hartu zuten. 1793an Luis XVI.a gillotinatu eta girondinoak atxilotu egin zituzten. Jakobinoek erregimen errepresiboa ezarri zuten, Izualdia izenaz ezaguna. Aldi honetan (1793-1794) Lapurdiko lau mila euskaldunetik gora deportatuak izan ziren. Sarako herria hutsik gelditu zen eta bertako bizilagunak Landetara eramanak izan ziren. 1794ko uztailean gobernua erori eta Robespierre hil egin zuten. Iraultzaren aurkako mugimendua hasi zen, herria miseria gorrian baitzegoen.

52 Ez dugu gehiago luzatuko, baina Elizaren aurkako giro politikoan eta izua nagusi zen aldian idatzi zen Jeanne d'Arc. Alde honetatik, garai horretan pastoral hau idatzi izanak protesta edo erreakzio gisa egindako idazkia izan daitekeela pentsarazten digu.

53 Hemezortzigarren mendearen amaierakoa da pastoralen lehenengo debeku aipatua ere, 1796koa16, hain zuzen, hauek nahasmendutzat hartzen baitziren : la simple représentation d'une pastorale où nécessairement interviennent rois et saints constitue une preuve d'hostilité au régime, et les rassemblements qu'elle entraine -en cela la Révolution reprend l'héritage ancien- sont considérés comme source d'immoralité et de désordres. [Hérelle 1910, Oyharçabal 1991].

54 Garai horretan, eta erlijioaren kontrako politikari erantzun nahian, kantek ere izan zuten garrantzia azpimarratzen du Christian Desplat-ek17 : Entre las formas originales de la resistencia vasca a la descristianización hay que subrayar la importancia de la canción. En realidad, ésta formaba parte de las formas tradicionales de contestación política y de la sátira social bajo el Antiguo Régimen. No es, pues, nada extraño que fuera utilizada por los adversarios de la Revolución. Pero, precisamente, conocemos muy mal a los compositores de tales canciones, así como la fecha en que fueron divulgadas entre la población. ¿Se trata de canciones muy posteriores a los acontecimientos, obra de gente de letras, sin duda eclesiásticos, que intentaban reprogramar la memoria popular y despertar su hostilidad contra la Revolución ? ¿O por el contrario fueron compuestas en el momento mismo de los hechos, por autores populares ? Nada nos permite responder con certeza a tales cuestiones en el estado actual de la investigación. Entre estas canciones, la « Complainte des fugitifs de Sare »parece haber sido obra de un clérigo. (...) Los exiliados acusan al cura constitucional, « toi cause de notre malheur, tu as dévoré la chair vivante de nos poitrines ! » Invocan despues la clemencia divina para poder volver a ver de nuevo un día Saray su iglesia. (...) « La Révolution française » era una canción más ambiciosa, atribuida por la tradición a un eclesiástico emigrado que la había compuesto tras la muerte de Luis XVI. (...) El autor de esta canción insistía sobre la incompatibilidad de la legislación revolucionaria con los preceptos evangélicos. (...). Pero era ante todo la política antirreligiosa de la Revolución lo que se condenaba con mayorfuerza : la incautación y venta de los bienes eclesiásticos, el nuevo calendario, « les décadis tirés du coeur de Satan » y, evidentemente a los curas constitucionales. [72-73].

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55 Pastoral bat antzeztua izateko idatzia den arren, ez dakigu noiz eraman zen Jeanne d'Arc oholtza gainera, ezta debekuaren zigorra jaso eta zokoan geratu ote zen ere. Jakin badakigu, ordea, paperaren ur marka baliabidetzat hartuta, gutxienez XVIII. mende amaieran, Iraultza frantsesaren garaian, idatzi zela. Erranak erran, izan ere, ur markei esker ez zaigu dokumentuaren jatortasunaz zalantzarik gelditzen eta desadostasunak egongo balira azterketa honen ondokoak lirateke, ur marka beti egiaren fede-emaile izango baita.

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NOTES

1. Pastoral baten egiteaz honela diosku Beñat Oihartzabalek (1999 : 78) : Pastoral baten egitea tradizioan ez da pastoral baten idaztea baizik ere errepresentatzea edo antzeztea. 2. Hemendik eskerrak eman nahi dizkiot Beflat Oihartzabali eskuizkribu honen inguruko berriak eman eta eskaini didan laguntzagatik. Azterketa hau egiteko izan dudan aukera ere berari zor diot. 3. Azalpen hauek zehatzago adierazten dira gure beste lan zabalago batean : « Paperaren ur markak ». Oraindik argitaratzeko dagoenez, erreferentziarik gabe aurkezten dugu hemen atal hau, ‘paperaren ezaugarriak’. 4. Briquet-en iritziz markarik zaharrenen (XIII. mendeetakoak) azterketak garbi frogatzen du hori eta ikerlari batzuek bestelako irizpideak azaldu badituzte, ur marken lehen garai hura ezagutu ez zutelako omen da (Les filigranes, 1923). 5. Hauen argibiderako egindako zenbait azterketa eta zehaztasunak gure « Paperaren ur markak » izeneko lanean biltzen dira. Cf. 3. 6. Kontuan har pleguak tolestu eta ertzak moztu egiten zirela. Hori dela eta, paperaren urtea irudiarekin batera 6, 8, 10, 14, 15,16, 18, 20, 22, 23, 30, 31, 34, 36, 37, 40 eta41. orrialdeetan aurkitu dugu. Bestetik, marra zuzenek bilbea osatzen duten hari bertikalak (pontuseaux) adierazten dituzte. 7. Papergilearen izena eta paperaren jatorria 7, 9, 11, 12, 13, 17, 19, 21, 28, 29, 32, 33, 35, 38 eta 39. orrialdeetan ageri dira. 8. Ondoko izenekin batera doan irudia, plegu berekoak baitira, 2. orri askatuan eta 24.ean aurkitu dugu. 9. Lau orri hauetan ikusten da : 3. orri urratuan, 25, 26 eta 27. orri askatuetan. 10. Aldaera hauek ez dira arraroak, Briquet-ek eskaintzen duen ur markaren irudi bakoitzeko ere (tipo izendatzen du berak), gutxienez bi bai baitira ; batzuetan, lau edo gehiago, errotak ur marka hori erabili zuen denboran izan zituen tresken arabera, baina denak errota berekoak ziren. Molde berean eginak direnei berdin-berdinak deitzen die, antzekoak berriz, elkarren artean ezberdintasun txikiak daudenean, eta ezberdintasun horiek oso nabarmenak direnean, dibergenteak. Sailkapen mota hau nahasgarri samarra da S. Real-en ustez. Irudiak alanbrez eta binaka egiten ziren, artisau baten lana izaten zelarik. Ur markak batera egin eta aldi berean erabiliko ziren moldeetan jarriagatik, ezin daitezke berdin-berdinak izan S. Real-en esanetan (1974 : 362). Molderik gabe, eskuz eginiko lanak aldaketa batzuk -txikiak izanik ere- ekar ditzake, are gehiago, hari metalikoa bezalako materialez lan egiten bada. Honenbestez, eta S. Real-en iritziz, ur marka berdin-berdinak dituzten bi forma ezin dira egon. Orrietan halakoak ageri badira

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forma beretik eta bitarte laburrean ateratakoak direlako omen da. Erabileran, ur marka moldean lekualdatuz joaten zen eta ertzak ere desitxuratzen ziren. Forma pare batek, egoera onean, urtebete iraun zezakeela uste da. Hilabete batzuen barruan forma beretik ateratako orriak antzekoak izan daitezkeela onartzen du S. Real-ek (1974 : 363), esan bezala, lehenengoetatik azkenekoetara ezberdintasunak azaltzen direlako. 11. Honenbestez, esan behar dugu garai honetan eta lehenago ere kalitate hobeagoko paperak izan ditugula esku artean 12. Kontuz ibili behar da, halere, iruzurrak egon baitaitezke. Gertatu izan da notario batek aurkeztutako eskriturak atzera botatzea, bertan ematen zuen data ur marka baino lehenagokoa zelako. 13. Jeanne d'Arc-en eskuizkribuan ageri den lehenengo ur marka, bestalde, urtea daramana, alegia, ezezaguna egin zaigula esan behar dugu, gure ur marken bilduman ez baitugu aurkitu. Bilduma honetan Hegoaldeko zenbait agiritan aztertu ditugun eskuizkribuetan ageri diren ur markak bildu ditugu, batez ere, XVIII. mendekoak. Zernahi gisaz, Hegoaldean garai honetan, batik bat, Biarno, Bigorra, Perigord eta inguru horretan ekoitzitako papera aurkitu dugula argitu behar dugu. Bakarren batzuk Nafarroa Beherean eta Zuberoan eginak ere izan ditugula esku artean nabarmendu nahi genuke. Zuberoan ekoitzitako paperak, gainera, XVIII. mendearen erdira baino lehenagoko garaietara garamatza, 1744ra, hain zuzen ere. Honek Ipar Euskal Herrian Hegoaldean baino lehenago hasi zela papera ekoizten adierazten digu. Izan ere, Hego Euskal Herriko lehenengo paper-errota 1753-1754an ezagutzen da eta Irufiean kokatzen da, Irufieko Ospitale Nagusiko bolbora-fabrika izandako batean eraikia. Lehenengo paper sortak 1755ean egiten dira eta paperak 'Hospital General de Pamplona' eta lehoia daramatza ur markatzat, ospitalea izan baitzen, hain zuzen, horren bultzatzailea edo sortzailea. Bizkaiko lehenengoa, Berrizkoa, 1779an hasi zen lanean. Gipuzkoakoa, berriz, 1803an eraiki zen Alegia izeneko herrian eta paper-errota hau abiarazi zuena, gainera, Joannes Ibar zuberotarra izan zen. (Labayen 1967 : 4). 14. Baionako Euskal Erakustokian, MS. 63.14, 14 zb. 15. Ezusteko hau Oikiako Dotrina-ren azterketaren ondotik iritsi zitzaigun. Oraindik argitaratzeko dagoen « Oikiako Dotrinak. Francisco Antonio Aguirre (Marin 1728 - Oikia 1805) » izeneko lanean aurkitzen da gure azterketa hau. 16. Debekua hautsi egin zen, ordea, eta ondoren kantonamenduko agintariek agiri bat egin zuten. Testu hau argitaratua dago. Ikus Oyharçabal (1991 : 25-26). 17. Adrian Blazquez Carbajosa-k frantsesetik itzulia. Desplat, Ch., 1991, « El clero vasco-frances y la Revolucion », Ilustracion y Revolucion Francesa en el Pais Vasco, 61-76.

INDEX

Thèmes : littérature Index chronologique : 18e siècle Mots-clés : filigrane, Jeanne D'Arc, pastorale souletine, théâtre

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AUTEUR

KORO SEGUROLA

Euskaltzaindia. EHHA

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Recensement1999 La langue basque au Pays Basque : diagnostic, évolution et prospective

Eguzki Urteaga

Introduction

1 L'enquête Etude de l'histoire familiale de 1999 a été conçue avec le concours de l'Institut National d'Etudes Démographiques et réalisée par l'INSEE. Elle fait l'objet d'une exploitation concertée entre les deux institutions. Pour la première fois, elle comportait un volet consacré à la « Transmission familiale des langues et parlers ». Les questions concernant cette transmission ont permis d'isoler et d'étudier les trois grands axes suivants : • d'une part, « l'héritage » de ces différentes langues transmises par nos parents, considéré isolément, dans notre enfance, • d'autre part, l'usage que nous-mêmes avons adopté vis-à-vis de ces langues, avec nos jeunes enfants, • et enfin, notre pratique actuelle avec notre entourage, de ces mêmes langue.

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Locuteurs bascophones

Source : Insee – Enquête 1999 Etude de l'histoire familiale

2 Ces questionnaires, remplis en même temps que les bulletins du recensement de mars 1999, ont concerné 380 000 adultes vivant en Métropole (dont environ 6 000 au Pays Basque), dont les plus âgés sont nés avant la guerre de 1914. En ce qui concerne les langues régionales ou minoritaires et afin d'obtenir une représentativité plus proche de la réalité, certaines aires géographiques, notamment au Pays Basque, ont été surévaluées dans l'échantillon et les résultats redressés avant publication. Les pondérations détaillées au niveau régional, ont également permis une analyse plus fine par catégorie socioprofessionnelle, âge, sexe et tranche d'unité urbaine.

3 À partir de ces données, nous avons réalisé un commentaire se subdivisant en trois phases : 1) l'état des lieux, c'est-à-dire la lecture des données recueillies ; 2) l'évolution, à savoir les modifications ou permanences constatées au fil du temps ; 3) la prospective ou les conclusions pouvant être tirées pour l'avenir.

4 Nous avançons l'hypothèse selon laquelle, après une période de déclin plus ou moins continu, la langue basque semble en voie de stabilisation, voire de réappropriation sous certains aspects tels que la transmission familiale occasionnelle. Or, pour qu'il en soit ainsi à l'avenir des mesures structurelles de développement de la langue basque doivent être adoptées.

Pratique linguistique globale

5 1) Au Pays Basque, à savoir, dans l'arrondissement de Bayonne et les deux cantons souletins de Mauléon et Tardets-Sorholus, l'on dénombre 63 000 locuteurs adultes bascophones sur une population de 213 000 habitants de 18 ans et plus. Cela représente 29,57 % de la population adulte du territoire concerné. Auxquels s'ajoutent un peu plus de 13 500 locuteurs occasionnels (6,34 %). Ceci dit, parmi ces 76 513 locuteurs habituels ou occasionnels, il est malaisé de distinguer les bilingues actifs et passifs, c'est-à-dire ceux qui pratiquent bien, voire très bien le basque et ceux qui parlent cette langue avec difficulté.

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6 2) La pratique de la langue basque par génération montre une stabilisation de la pratique habituelle du basque et une progression de la pratique occasionnelle auprès de générations nées entre 1965 et 1980, autrement dit auprès des personnes ayant entre 34 et 19 ans au moment du recensement. En effet, la pratique habituelle de la langue basque par les enfants diminue de moitié entre les générations nées en 1920 et en 1955, passant de 41 % à 20 %, puis se stabilise, voire progresse légèrement. La réception occasionnelle, pour sa part, augmente de manière significative dans la mesure où, après plusieurs décennies de stagnation, elle croît fortement en cinq ans au sein des jeunes générations, allant de 5,69 % à près de 11 %. Si la progression de la pratique observée chez les personnes nées en 1920 et 1950 est imputable à la fin des guerres mondiales et à l'essor de la natalité, il en est autrement pour les jeunes générations. En effet, cette constance, voire ce progrès, sont en lien avec le souci croissant des parents, particulièrement ceux dont les enfants sont scolarisés dans l'enseignement bilingue, de parler le basque à leurs enfants. À la fois par souci de transmettre cette langue à laquelle ils sont fortement attachés et par volonté d'aider leurs enfants dans leur scolarité. Ce changement d'attitude prend d'autant plus d'ampleur avec le développement de l'enseignement du et en langue basque. Ainsi, dans le seul primaire, entre 1993 et 2001, les effectifs sont passés de 1309 à 2600 dans le public bilingue, de 593 à 1146 dans le privé bilingue et de 1005 à 1393 dans l'associatif bilingue. Auxquels s'ajoutent les enfants apprenant la langue basque 1 à 3 heures par jour en initiation ou en option.

Locuteurs basques par catégories socioprofessionnelles

Source : Insee – Enquête 1999 Etude de l'histoire familiale

7 3) Dans un avenir plus ou moins proche, l'on s'achemine vers une constance puis une légère réappropriation de la langue basque. La remontée amorcée dans la pratique occasionnelle parmi les jeunes générations abonde dans ce sens. Toutefois, cette remontée est fragile et reste conditionnée à la mise en oeuvre d'une politique linguistique de promotion et de soutien à la langue basque. Effectivement, le déclin des anciens acteurs de la transmission dite naturelle tels que la famille, la communauté villageoise ou l'Église exige le développement de nouveaux vecteurs de transmission, en particulier l'école, les médias et les services publics.

Pratique linguistique par sexe

8 1) Parmi les près de 63 000 locuteurs bascophones du Pays Basque, une faible majorité sont des hommes (52,10 %) puisque l'on dénombre 32 706 hommes pour 30 067 femmes.

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Cette plus forte tendance des hommes à pratiquer le basque s'explique, en partie, par la sureprésentation du « sexe fort » dans le monde du travail et dans les métiers traditionnels tels que l'agriculture, la pêche et l'artisanat où la langue basque est largement pratiquée.

9 2) L'écart entre hommes et femmes pour ce qui est de la pratique linguistique s'est amenuisé au cours des dernières décennies. Et ce, dans la mesure où les femmes ont peu à peu rejeté le sentiment de honte et d'inutilité sociale associé à la langue basque, sous l'effet de la féminisation du système scolaire et du monde du travail. En effet, plus que les hommes, les femmes ont longtemps intériorisé l'idée selon laquelle le basque était une langue du passé, ancrée dans la ruralité et la tradition. Dès lors, la seule manière de sortir de leur village, de leur milieu social et d'embrasser la modernité était d'apprendre le français dont la maîtrise permettait de devenir employée, institutrice, voire médecin.

10 3) L'on peut avancer, sans trop oser se tromper, que cette aptitude sera de plus en plus présente chez les femmes. Car, au fur et à mesure que le marché du travail se féminisera et que le nombre d'emplois exigeant la maîtrise du basque se développera dans les secteurs dans lesquels la gente féminine est prépondérante, à l'image de l'enseignement et de la culture, l'on aboutira a une parité parmi les locuteurs bascophones.

Pratique linguistique par catégorie socioprofessionnelle

11 1) La pratique linguistique diffère suivant la catégorie socioprofessionnelle (CS) avec une sureprésentation parmi les agriculteurs (32,62 %), les employés (17,14 %) et les ouvriers (17,70 %). Ces trois catégories constituent plus des deux tiers des bascophones (67,47 %). Viennent ensuite les professions intermédiaires, les artisans, commerçants et chefs d'entreprises et, dans une moindre mesure, les cadres et professions libérales dont uniquement 2,10 % pratiquent le basque. La répartition est analogue lorsque l'on se réfère au taux de bascophonie par CS puisque près de 87 % des agriculteurs parlent le basque suivis, à une certaine distance, par les ouvriers et les artisans, commerçants et chefs d'entreprise qui sont pratiquement trois sur dix à utiliser cette langue. Puis, l'on trouve les personnes n'ayant jamais travaillé et dont la majorité sont soit élèves soit étudiants. Les professions intermédiaires et les employés sont relativement proches, contrairement aux professions libérales et cadres qui ne sont que 9,5 % à pratiquer le basque. Cette désaffection des professions libérales et intellectuelles pour la langue basque est étroitement associée à la faible utilité sociale accordée au basque. Ainsi, les classes moyennes et supérieures rechignent à « investir » dans le basque car il n'en attendent aucun gain dans les domaines scolaires et professionnels. Ils préfèrent parler l'anglais (18,06 %) et, dans une moindre mesure, l'espagnol (9,88 %).

12 2) Cela met en exergue une évolution progressive de la répartition des bascophones par CS. Effectivement, la part des agriculteurs et des ouvriers décline en valeur absolue puisque ces catégories ont vu leurs effectifs fondre au cours des dernières décennies pour ne plus représenter que 11 % et 17,5 % de la population du Pays Basque. En revanche, les employés et les professions intermédiaires croissent car plus d'un salarié

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sur quatre est employé et près de 14 % des actifs sont cadres moyens. La crise de l'agriculture ou la fin du monde paysan n'est pas étrangère à cet état de fait. En effet, le nombre d'actifs vivant de la production et de la vente de produits agricoles a fortement chuté depuis le lendemain de la seconde guerre mondiale et, surtout, depuis le milieu des années 60. L'on a observé à la fois une diminution et une concentration du nombre d'exploitations. Les petits producteurs ont été les premières victimes de ces mutations, même si, sous l'effet de la mobilisation des syndicats agricoles, le déclin a été moins sévère que dans d'autres régions.

13 3) Au regard des changements économiques, démographiques et sociolinguistiques, l'on peut considérer que les bascophones appartiendront de plus en plus aux professions intermédiaires et seront en nombre croissant, bien que ce soit dans une moindre mesure, parmi les cadres supérieurs, particulièrement dans les métiers de l'enseignement, de l'information et de la communication. D'autant que plusieurs milliers de jeunes se déplacent, chaque année, dans les principales agglomérations de la Région Aquitaine pour y suivre des études universitaires souvent prolongées.

Pratique linguistique par tranche d'unité urbaine

Transmission de la langue basque par génération

SOURCE : Insee Enquête 1999 Etude de l'histoire familiale

14 1) La langue basque est majoritairement pratiquée dans des communes rurales puisque, en Aquitaine, sept personnes sur dix résident dans des communes de petite taille qui se retrouvent majoritairement dans le Pays Basque intérieur. En effet, si en Basse-Navarre et en Soule les bascophones représentent plus de la moitié de la population, le chiffre décline dans le Labourd intérieur et plus encore dans l'agglomération bayonnaise.

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Or, de nombreux locuteurs bascophones habitent dans des zones urbaines et dans des communes dont la population oscille entre 20 000 et 200 000 personnes dans la mesure où 3 474 personnes (4,70 %) vivent dans des villes ayant entre 20 000 et 100 000 habitants, 16 448 individus (22,29 %) résident dans des agglomérations ayant entre 100 000 et 200 000 habitants et 2 113 personnes (2,86 %) ont leur logement principal dans des agglomérations de plus de 200 000 habitants. Cela signifie que près de 30 % de la population de la région vit dans des communes de plus de 20 000 habitants.

15 2) Cela indique une urbanisation progressive des bascophones qui est à mettre en relation avec la désertification rurale. Effectivement, un nombre croissant d'habitants du Pays Basque intérieur se déplace vers la zone côtière où se trouvent les principales villes. Ainsi, la commune d'Anglet a vu sa population croître fortement au cours de la dernière décennie. Simultanément, cette urbanisation des locuteurs bilingues est corrélée au flux migratoire constant en direction des principales agglomérations aquitaines, paloises et bordelaises surtout. En effet, nombreux sont les étudiants et les actifs qualifiés à quitter le Pays Basque en l'absence d'une Université de plein exercice et consécutivement au faible nombre d'emplois qualifiés et très qualifiés sur le plan local.

16 3) À l'avenir, l'on peut imaginer que cette proportion croîtra avec l'élévation du niveau d'étude. De la sorte, bien que plus faibles démographiquement, les nouvelles classes d'âges seront proportionnellement plus nombreuses à poursuivre des études dans l'enseignement supérieur dont l'offre fait défaut au Pays Basque. Ainsi, la faculté de Bayonne n'est qu'une annexe de l'Université de Pau et des Pays de l'Adour et ne propose que certains enseignements ayant trait, notamment aux Sciences Economiques, au Droit, aux Etudes Basques ou aux Lettres Modernes.

Transmission de la langue basque

17 1) La transmission familiale du basque résiste assez bien, particulièrement quand les deux parents sont bascophones, mais chute fortement lorsqu'uniquement l'un des géniteurs maîtrise cette langue. De même, si la transmission habituelle se situe légèrement au dessus des 20 %, la transmission occassionnelle dépasse les 10 % auprès des jeunes générations.

18 2) Dès lors, il apparaît que l'érosion de la transmission de la langue basque s'est arrêtée. Ainsi, la transmission habituelle s'est stabilisée, surtout en ce qui concerne les personnes nées entre 1965 et 1975 qui se situe à 21 %. Alors que cette transmission a connu une forte chute passant de plus de 40 % pour les personnes nées dans les années 1920 à 20 % pour celles qui ont vu le jour en 1955. Par contre, la transmission occasionnelle croît sensiblement puisqu'elle double en cinq ans passant de 6 % pour les personnes nées en 1970 à 11 % pour celles qui le sont en 1975. Au total, la transmission s'améliore auprès des nouvelles générations, bien que ce soit avant tout au profit de la transmission occassionnelle. Cette meilleure transmission résulte d'un début de prise de conscience, suite à la création puis à l'organisation d'un mouvement culturel en faveur du soutien et de la promotion de la langue basque. Ainsi, diverses associations oeuvrant pour le basque ont vu le jour puis se sont regroupés au sein de fédérations, ayant pour nom Pizkundea puis Euskal Konfederazioa. Elles soulignent la nécessité de sauvegarder le basque en tant que langue en difficulté.

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Retransmission de la langue basque par génération

Source : Insee – Enquête 1999 Etude de l'histoire familiale

19 Or, pour que cette volonté puisse se traduire en acte, il est nécessaire que les bascophones jouissent d'un sentiment de compétence linguistique suffisant (car celui-ci conditionne amplement la propension à parler en basque), ce qui est de moins en moins le cas. Ainsi, la proportion de locuteurs bascophones qui déclarent mieux maîtriser le français que le basque est en augmentation ces cinq dernières années alors que ceux qui affirment mieux parler le basque que le français sont moins nombreux.

20 3) L'on peut raisonnablement penser que la transmission, occasionnelle surtout, se fera de mieux en mieux auprès des nouvelles générations, comme en témoigne l'essor de la demande sociale vis-à-vis de la langue basque. Ainsi, le sondage intitulé « Les parents d'enfants de 0 à 2 ans du BAB et l'apprentissage de la langue basque » montre que 56 % des personnes intérrogées sont disposées à scolariser leurs enfants dans l'enseignement bilingue et que 75 % souhaitent le faire dès la maternelle. Ces chiffres sont d'autant plus significatifs que l'enquête a été réalisée dans l'agglomération bayonnaise qui est la plus urbaine et la moins bascophone.

21 Nonobstant, bien souvent, l'offre est inférieure à la demande. L'enseignement bilingue dans le BAB offre un bon exemple de ce décalage entre une demande sans cesse croissante et une offre insuffisante en établissements, en enseignants, en aides- maternelles et en matériel pédagogique.

Retransmission de la langue basque

22 1) La retransmission du basque, c'est-à-dire la transmission de cette langue des parents à leurs enfants après l'avoir reçue de leurs propres pères et mères, est étudiée selon la génération. Elle se situe à un niveau relativement élevée auprès des jeunes personnes et résiste nettement mieux que les autres langues dites régionales.

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23 2) Or, les chiffres révèlent un déclin lent mais régulier de cette retransmission puisque si, pour les personnes nées en 1915, 73,1 % des parents connaissant la langue basque ne la transmettaient pas à leurs enfants, 81,2 % en faisaient de même en ce qui concerne celles ayant vu le jour en 1965. Toutefois, une analyse plus précise permet de distinguer deux périodes. La première période regroupe les personnes nées entre 1915 et 1935 puisque l'absence de retransmission est relativement stable oscillant entre 73,1 % et 75,6 %. La seconde englobe les personnes ayant vu le jour entre 1940 et 1965 dans la mesure où ce taux reste assez constant autour de 82 % de non retransmission. De même, il convient de distinguer la retransmission habituelle et occasionnelle, car si la première décline assez régulièrement entre les générations nées en 1915 et en 1970 (à savoir les personnes ayant en 1999 entre 84 et 29 ans), à l'exception des générations de 1960 et de 1950, il en est tout autrement de la retransmission occasionnelle. Effectivement, cette retransmission a plus que doublé entre les générations de 1920 et de 1960. En réalité, l'on observe un glissement de la retransmission habituelle vers la retransmission occasionnelle, ce qui permet de relativiser l'ampleur de la chute de la retransmission.

24 3) Au cours des prochaines années, la retransmission, occasionnelle surtout, devrait continuer à croître avec la présence supérieure du basque dans la vie publique en général et dans les services publics, la signalétique et les médias en particulier. Ainsi, outre la création puis le développement du groupe de communication EITB et des radios d'expression basque, la presse écrite offre l'opportunité de lire en langue basque avec l'avènement d'Euskaldunon Egunkaria et, dans une moindre mesure, du Journal du Pays Basque. De même, la langue basque est de plus en plus visible dans la signalétique interne et externe des communes.

Retransmission de la langue basque suivant la pratique linguistique des parents

25 La retransmission du basque diffère selon la pratique linguistique des géniteurs.

26 Lorsqu'aucun des deux parents ne parlait le basque 1) Ainsi, quand aucun des pères et mères des parents ne parlait habituellement la langue basque, la transmission à leurs propres enfants a été très faible, généralement inférieure à 5 %. Effectivement, les deux dernières générations recensées (les personnes nées en 1970 et en 1965 qui ont en 1999 29 et 34 ans) ne retransmettent la langue basque qu'à un peu plus de 2 %.

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Source : Insee – Enquête 1999 Etude de l'histoire familiale

27 2) Il est à noter que ce chiffre évolue peu suivant les générations puisque le taux de retransmission reste quasiment inchangé en soixante ans. Nonobstant, une progression lente mais régulière de la retransmission habituelle apparaît puisqu'elle passe de 0,5 % à 2,3 % au cours de la même période. De façon analogue, la retransmission occasionnelle croît pour se situer à 3,4 % pour les personnes nées en 1975.

28 3) Au cours des prochaines années cette retransmission devrait se développer avec l'essor de la formation du basque pour adultes. Ainsi, les effectifs du principal organisme de formation, AEK en l'occurrence, ont plus que doublé entre 1991 et 1997 en passant de 744 à 1454 élèves. Cette progression est d'autant plus significative que l'enquête sociolinguistique réalisée en 1996 a démontré que les nouveaux bascophones, c'est-à-dire les parents ayant appris cette langue à l'âge adulte, la transmettent mieux à leurs enfants que les vieux bascophones, à savoir, les locuteurs dont le basque est la langue maternelle.

29 Lorsqu'un des deux parents parlait le basque 1) Fort logiquement, la retransmission de la langue basque à leurs enfants est supérieure lorsqu'un seul des deux parents parlait habituellement le basque. La retransmission habituelle est, toute génération confondue, de 17,2 % alors que la retransmission occasionnelle est, en moyenne, de 9,7 %. Enfin, plus de sept personnes sur dix déclarent ne pas avoir retransmis la langue basque à leurs enfants.

30 2) L'évolution de la retransmission dans cette configuration est en dents de scie puisque, si la retransmission habituelle est semblable entre les générations nées en 1915 et en 1975, de fortes variations apparaissent entre les personnes ayant vu le jour en 1915 (12 %) et en 1920 (53,9 %) mais aussi entre les générations de 1960 (21,5 %) et de 1965 (12,3 %). Ces changements ne sont que partiellement imputables aux deux conflits mondiaux.

31 3) À l'avenir, cette forme de retransmission devrait rester stable, voire croître au fil du temps comme en témoigne le sondage réalisé par l'Institut CSA auprès des parents du BAB ayant des enfants âgés de 0 à 2 ans. En effet, cette étude révèle que 24 % des parents intérrogés jugent que l'apprentissage du basque est synonyme de culture, d'ouverture d'esprit et d'enrichissement pour l'enfant. De même, 8 % des parents questionnés considèrent que l'acquisition du basque est un atout, un plus.

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32 Lorsque les deux parents parlaient le basque 1) La retransmission est majeure s'il en est lorsque les deux parents pratiquaient régulièrement cette langue. Dans ce dernier cas, la retransmission habituelle se situe en moyenne autour de 58,2 % et l'occasionnelle se place à 13,5 %. Uniquement dans un peu moins de trois cas sur dix, le basque n'est jamais retransmis. Notons à cet égard, que ce sont les générations nées après et surtout pendant la Première puis la Seconde Guerre Mondiale qui ont le moins retransmis la langue basque à leurs enfants.

Source : Insee – Enquête 1999 Etude de l'histoire familiale

33 2) L'évolution de cette transmission révèle qu'après une baisse relativement regulière, malgré quelques fluctuations, de la retransmission habituelle entre les générations de 1920 et 1945, celle-ci reste stable depuis. En effet, les fluctuations sont inférieures à 1 %. En revanche, la transmission occassionnelle, qui connait de fortes variations, progresse globalement pour dépasser les 25 % pour les personnes ayant vu le jour en 1955 et 1960. Autrement dit, un adulte sur quatre dont les deux parents parlaient habituellement la langue basque la retransmet à son tour à ses enfants, mais de façon occassionnelle.

34 3) L'on peut raisonnablement penser que la retransmission habituelle se maintiendra, voire croîtra et que la retransmission occasionnelle poursuivra sa progression. D'autant que, l'enquête sociolinguistique de 1996 montre qu'une majorité de parents d'élèves sont favorables au développement de l'enseignement bilingue et que 41 % des personnes intérrogées enverraient leurs enfants dans l'enseignement bilingue s'ils avaient des enfants en âge d'aller à l'école. De même, 63 % estiment que pour intégrer la fonction publique il faudrait savoir parler de basque et 53 % considèrent que toutes les radios et télévisions devraient offrir davantage d'émissions en langue basque.

Conclusion

35 Rappelons que cet article se propose d'effectuer un commentaire (diagnostic, évolution, prospective) à partir des données recueillies lors de l'enquête Etude de l'histoire familiale de 1999 réalisée par l'INSEE. Nous soutenons l'idée selon laquelle, après une période de déclin plus ou moins continu, la langue basque semble en voie de stabilisation, voire de

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réappropriation dans certains domaines tels que la transmission familiale occasionnelle. Or, pour qu'il en soit ainsi dans un avenir plus ou moins proche des mesures ambitieuses de soutien et de promotion de la langue basque devront être adoptées.

Définitions

36 Langues régionales : dans cette étude sont considérées comme langues régionales, toutes les langues historiquement parlées sur une partie du territoire métropolitain. Au Pays Basque, la langue la plus représentative est le basque, bien que cette dernière ait un statut de langue nationale de l'autre côté de la frontière.

37 Langues étrangères : dans cette catégorie, sont classées toutes les autres langues, même si ce sont des langues locales ou minoritaires et à cheval sur plusieurs pays.

38 Taux de transmission : proportion de personnes qui ont déclaré habituellement parler à leurs enfants la langue que l'un au moins de leurs parents utilisait habituellement avec eux.

39 Transmission : les langues parlées par les parents à leurs enfants. Retransmission : les langues parlées par les parents qui les ont reçues d'au moins l'un des deux parents.

40 Réception : les langues que les enfants reçoivent de leurs parents.

BIBLIOGRAPHIE

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- Atlas des langues en péril dans le monde, UNESCO 2002.

- Le sondage CSA : Les parents d'enfants de 0 à 2 ans du BAB et l'apprentissage de la langue basque, octobre 2001.

- Max Brisson : Analyse du sondage CSA, Commission aménagement linguistique, Conseil des Elus du Pays Basque, 2002.

- Martinez de Luna, Iñaki eta beste : Etorkizuna aurreikusten 99, Euskal Herriko gaztetxoak eta euskara, EHU-UPV, 2000.

- Institut Culturel Basque : Regard sur l'avenir, les adolescents et la langue basque, situation au Pays Basque nord, 2001.

- SEI : Erabileraren IV Kale Neurketa, 2002.

- Statistiques scolaires du primaire, du secondaire et du supérieur entre 1996-2002.

- INSEE : Insee Première, n°830, février 2002

- INSEE : « Etude de l'histoire familiale », Courrier des statistiques, n°93, 2000.

- INED : « L'unification linguistique de la France ». Population et Sociétés, n°285, 1993.

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- INED : « La dynamique des langues en France », Population et Sociétés, n°376, 2002.

INDEX

Index chronologique : 20e siècle Thèmes : linguistique Mots-clés : basque (langue), famille, pratique linguistique, sociolinguistique

AUTEUR

EGUZKI URTEAGA

Docteur en sociologie Université de Bordeaux 2 [email protected]

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Positions de recherche -- Ikerketa aurkezpenak

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Maurice Harrieten (1841-1904) euskara-frantsesa hiztegi- eskuizkribua : ikerketa lexikografikoa. A, K eta T hizkiak, (tesiaren laburpena).

Arantxa Hirigoyen

1 Joan den otsailaren 12an Baionako fakultatean aurkeztutako Maurice Harrieten (1814-1904) euskara-frantsesa hiztegi-eskuizkribua : ikerketa lexikografrkoa. A, K eta T hizkiak tesi-lanaren laburpena kausituko da segidan. Gisa bereko idazki batean dena ezin denez aipatu, ustez tesi honetako ardatz nagusiak aipatuko ditut ; eta bereziki Harrieten hiztegiaren ezaugarri nagusiak.

2 Maurice Harriet hiztegigile haltsuarra : Grand et svelte, d'un visage singulierement noble et fier, ne dedaignant pas certaine élégance dans sa mise, predicateur eloquent, très 17è siècle (DIBILDOS 1926 : 601).

3 Maurice Harriet 1814. urteko buruilaren 14an sortu zen Haltsun eta 1904. urtean, 90 urtetan bere sorterrian zendu zen. Zazpi haurridetan bosgarrena, Maurice, bere anaia Fabien bezala, apeza zen. Larresoroko seminario ttipian hasi zituen bere ikasketak. Ondotik, Pasaiako (Gipuzkoa) jesuita frantsesen ikastetxerat joan zen. Badakigu, Pasaiatik landa Larresoroko seminario ttipira itzuli zela irakasle lanetan aritzeko. 1835. urtean Meaux ondoan eta Parisetik hurbil den Juilly hirian segitu zuen lanean irakasle gisa. Handik lau urtetara, 1839. urtean, Maurice Harriet 25 urterekin Saint-Sulpice-ko seminarioan sartu zen apezgai. Apez izendatu zuten 28 urte zituelarik (1842. urtean), ondotik Baionarat itzuli zen. Han, Fabien Harriet, bere anaiarekin batera sortu zuen « Institution Saint-Léon » ikastetxean lan egin zuen, giza-zientzietako irakasle gisa bai eta zuzendari gisa ere. Baionako ikastetxe horretan bederatzi urtez egon ondoan, 1850. urtean, Baionako Seminario handiko irakasle izendatu zuten. Bost urtez (1850-55) egon zen Baionako Seminarioan.

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4 1855. urteko primaderan, Maurice Harriet Madrilgo « San Luis de los Franceses » izeneko eliza, eskola eta eritetxearen buru izendatua izan zen. Gertakari hau, biziki garai garrantzitsua dugu Maurice Harrieten bizitzan. Madrilgo San Luis de los Franceses ikastetxean 1878a arte egon zen. Madrilen iragan zuen garai luze hartan, Jose Francisco Aizkibel (1798-1865) hiztegigile azkoitiarra ezagutu zuen eta adiskide handia izan zuen. Gaztelania biziki ongi menperatzeaz gain hego Euskal Herri osoko euskalkien hobeki ezagutzeko eta lantzeko parada izan zuen, han ezagutu zituen euskal unibertsitariei esker bereziki.

5 1878. urtean, berriz, Haltsura itzuli zen bere sortetxera. Maurice Harrieten eguneroko bizia hiru eginkizunetan bereizten zen : bizi publikoa Haltsun, euskal hiztegiaren inguruko lana eta ihizia.

6 Ez da batere errexa jakitea xuxen noiz hasi zen bere hiztegi erraldoiaren idazten. Lhanden arabera (Knorr 1987 : 25), 1878. urtean hasi zen. Iduri luke jadanik, Madrilera joan aitzin hiztegiaren xedea mamitua zuela. Euskalzaleen munduan denek bazakiten Harriet hiztegi baten prestatzen ari zela. Hona hemen, Duvoisin-en eskutitza Bonaparte-i igorria, 1880.urteko azaroan : L'abbé Maurice Harriet occupe ses loisirs à bâtir un Dictionnaire basque. Reconnaissant qu'une telle oeuvre est de trop longue haleine pour l'homme qui s'y prend tard, il cherche des collaborateurs. Mieux lui vaudrait de faire un Vocabulaire, dans le genre de celui de Salaberry, quoique avec plus d'étendue [...]. (Daranatz 1931 : 57).

7 1883. urtean berriz, hona zer dion Duvoisin berak, Abbadie-ri : Il y a un an, il vint (M. Harriet) me trouver, un peu découragé par l'immensité du travail ; il me proposa de fondre son effort avec le mien. C'était pour moi un mauvais moment. J'avais plus d'une affaire désagréable sur les bras, et de dégoût je me disposais à quitter Bayonne. Si cet été je me détermine à aller passer quelques jours à Halsou, je verrai ce que l'abbé a fait (Daranatz 1931 : 70).

8 Bere azken urteetan, osagarriarengatik Maurice Harriet ez zen gehiago publikoki agertzen. 1904. urteko otsailaren 16an, buruilan 90 urte beteko zituelarik, zendu zen Harriet hiztegigilea, bere hiztegia argitara eman gabe.

Hiztegiaren aurkezpen orokorra : ezaugarri nagusiak

9 Harrieten hiztegiaren ezaugarri nagusiena eskuizkribua dela da, hau da sekulan argitaratua izan ez den obra bat da. Orotara 3536 hosto ditu, alfabetikoki sailkatuak Atik Zraino. Hizki guziak zenbakituak dira eta karpeta desberdinetan sailkatuak. Bestalde, erraten ahal da hiztegi elebiduna dela, hau da euskara-frantsesa hiztegia. Sarrera-hitzak euskaraz agertzen dira eta mugabideak frantsesez ; hots, frantsesez esplikatzen ditu euskal hitzak. Elebiduna ez bakarrik mugabideetan, Harrietek erabiltzen dituen etsenplu eta aipu oro frantsesera itzultzen baititu.

10 Hemen aipatu beharreko beste ezaugarri nagusi bat, nahiz gero makroegituran aipatuko dugun berriz, euskalki guziak konduan hartzen dituela da. Harrieten hiztegian ez dira bakarrik lapurtera, behenafarrera edo zubererazko hitzak agertzen, baizik eta euskalki guziak. Gisa horretan euskal lexikoaren erakusgai zabala eskaintzen digu. Gipuzkera, bizkaiera, goi-nafarrera bereiziz, baita zenbait aldiz Ipar nahiz Hego Euskal Herriko berezitasunak bereiziz ere (dialectes cispyrénéen eta dialectes transpyrénéens). Hona hemen zenbait adibide erakusgai gisa :

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Achiruina : I. id. achiroina, achoina Sy. zango cabila I., zango-aztala-aztal-beharria : BN, S. cheville du pied : id. g.b. isuriña-churminoa, orgatilla, oindagora, izuriña. [...] Aguia : [...] 3. Aguian [...] Sy. l.g. behar bada, menturaz, BN, S. heldu, heltu bada, b. ausaz, ausa, aiyaz, apercon bai, b. beharbada bai l.g.BN.S. - nasqui, nabasqui g. noasqui g.b. [...]. Ainhara : l., ainhera BN, S., inhara l., enada, elaia, ainada g.b. [...] Ardoa g. ardaua b., arnoa l.BN, anoa, anhoa, S.BN - le primitif est ardo, comme l'emploient le g. et b., et ainsi que l'indiquent ses composes dans les autres dialectes : ardanasca, ardantza, etc-

11 Euskalkien aipamena hiztegiaren aberastasunetariko bat da dudarik gabe ; eta xehetasun interesgarriak eskaintzen ditu hiztegigileak alde horretatik. Horrek frogatzen digu Harrietek bere ezagutza eta jakitateaz aparte iturri anitz eta desberdinak erabili zituela bere hiztegiaren osatzeko.

Makroegitura edo egitura nagusia

12 Preseski euskal lexikoaren erakusgai zabal horrek, hiztegiaren makroegitura finkatzen eta osatzen du. Tesi-lanerako hautatu ditudan hiru hizkiek (A, K, T) erakusgai zabala eskaintzen dute, sarrera-hitzen kopurua oparoa izanik. A hizkian 1512 hitz edo sarrera kausitzen ahal da, K hizkian 490 eta T hizkian 855. Hala ere, makroegitura edo izendegiaren sailkapenari dagokionez, hiru hizki horien artean ez dugu sailkatze molde bera atzeman. Hau da, Harrietek ez ditu molde berean aurkezten A hizkiko sarreak eta K/T hizkikoak. A hizkian, sarrera nagusiaren pean sailkatzen ditu erro edo jatorri bereko beste sarrerak : • Aberatsa : Aberastea • Aberea, abrea : Aberechea Abereteguia Aberetasuna Aberezcoa, abrezcoa (Oyhenart) Abrildea, abrilcea (Larramendi) • Abiatcea : Abian Abiadura Abiaduraz, abiaduran • Achola : Acholatia, acholduria Acholduritcea Ez acholatua, ez acholduria Ez acholatcea, ez acholtcea Ez acholduritcea Acholatsua Ez acholatasuna

13 Eginmolde honetan, hiztegigileak jatorri bereko hitz edo unitate lexikal guziak juntatu ditu multzo bakar batean edo lema bakar baten pean. Gisa horretan hitzaren erroa eta bere egitura argi ageri dira. Hala ere, horrek arran nahi du irakurleak hitzaren jatorria ezagutu behar dùela lehenagotik. Bestalde, sailkapen molde honek ez du orden alfabetikoa errespetatzen. Baina iduri luke Harrietek beste jokamolde bat hautatu duela

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hiztegia egiten ari den heinean. K eta T hizkietan adibidez, hitz bakoitzari sarrera bat eskaintzen dio :

14 Khailua khallatua khailutcea khamutsa kailutsua hamustea k(h)alda khamuscorra khaldagarria khamusdura khaldaquizuna khamustasuna khaldatcea kharatsa khaldatzailea kharasduna khalitcha kharasdura khalitchaduna kharasgarria khalitchatcea kharastasuna khallatcea kharast

15 Adibide zerrenda honi so eginez, aldiz, hitzak ez dira gehiago erroaren edo jatorrizko sarrera-hitzaren inguruan kokatuak, baizik eta denak sarrera-buru gisa aurkeztuak dira.

16 Sarrera-hitzen sailkapenak ezaugarri nagusi bat badu : izen arrunta eta adjektibo guziak forma mugatuan emanak dira. Aditzak, aldiz, partizipiotik abiatuz denak aditzizen moldean aurkeztuak dira ; K eta T hizkietan, gainera, aditzaren hiru formak ageri dira :

17 A hizkia : • Abarkatzea : « embrasser, enserrer » • Abarrakitzea : « mettre en menus morceaux » • Abaztorratcea : « éloigner de soi, rejeter quelqu'un avec humeur ou violence » • Abiatcea : « se mettre en voie de..., se préparer, s'acheminer, commencer » • Afaltcea : « souper » • Aguertcea : « 1- verbe transitif, découvrir, montrer, manifester – 2- verbe intransitif, apparaître, être clair, visible • Aguitcea : « 1- arriver, contingere - 2 Devenir, fieri »

18 K eta T hizkiak : • Kkabarstea, khabarts, khabarstu, khabarsten : « 1- v.act. Sécher à la chaleur, jusqu'à complète siccité et jusqu'au recoquillement - 2- v.intrans. Se recoquiller à la chaleur » • Khaldatcea, khalda, khaldatu, khaldatcen : « 1- v.act. Donner une chaude, une chauffe au feu de forge - 2- Souder un metal a lui meme ou a un autre metal, apres les avoir amollis au feu » • Khamustea, khamuts, khamustu, khamusten : « 1- v.act. Emouseer le tranchant, le fil, la pointe - 2- v.intransiti. S'emousser - 3- au fig. emousser, ou s'emousser, en parlant des sentiments, de facultes » • Talastatcea, talasta, talastau (sic), taiastacen : « agiter un liquide, le remuer avec plus ou moins du bruit, en uvase non plein entierement // s'agiter, se remuer, en parlant d'un liquide en un vase » • Talcatcea, talca, talcatu, talcatcen : « frapper de la tete en parlant de betes a cornes, taureaux, et principalement beliers » • Tapatcea, tapa, tapatu, tapatcen : « 1- fermer, boucher ce qui est ouvert – 2- Couvrir ce qui est decouvert – 3- au fig. fermer la bouche »

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19 Azkenik, hiztegiaren izendegian beste sarrera motak agertzen dira : interjekzioak eta onomatopeiak. Laburki aipatu dugunaren arabera Maurice Harrietek izendegi zabala eta aberatsa eskaintzen du bere hiztegian. Alde batetik, euskalki guziak kondutan hartuu ditu izendegia osatzeko eta bestetik, makroegituraren arabera bederen, erraiten ahal da hizkuntza hiztegi baten ezaugarriak dituela.

Mikroegitura edo egitura xehea

20 Makroegitura finkatu ondoan, hiztegigileak hiztegi-artikuluak osatu behar ditu hots mikroegitura antolatu bechar du. Harrieten hiztegian, lehen behakoan argi da hiztegi artikuluek ez dutela denek egitura bera. Halaber, hona hemen sarrera-hitz nagusiaren ondotik maiz agertzen diren osagaiak : • Sarrera-hitza • Aldakia • Mugabidea edo definizioa • Adibidea edo aipua • Sinonimoa • Etimologia edo hitz-iturburua • Oharrak

21 Ezaugarri bakoitza banaka ikertzea luze izanen delakoan, aipamen berezia egin nahiko nuke adibide edo aipuei buruz. Harrieten euskara-frantsesa hiztegia idazleen aipuz josia da ; eta preseski hori hiztegiaren berezitasun handi bat da. Oroitarazi behar dut hemen, hiztegiaz aparte, tesi-lanean beste bi dokumentu berriren aipamena egin dudala. Batetik, Cahier de notes1 izeneko liburuxka baten berri ematen dut eta bestetik, haltsuar hiztegigileak bere etxeko liburutegian zituen obra guzien zerrendaren berri. Berrehunetik gora obra zenbatu ditugu eta dudarik ez da Harrietek, liburu zerrenda horretatik edan duela. Lau mende baino gehiago estaltzen duten liburu eta obrak dira, baita eskuizkribuak ere, literatura, erlijio, historia nahiz beste gairi buruzkoak. XIX. mende hondarrean hasi ziren hiztegigileak aipuen sartzen eta bereziki aitzinako literaturan sustraituak ziren etsenpluak. Eginmolde honek frogatzen du hain segur ere, hiztegigilea biltzaile izan zela eta ez asmatzaile. Harrietek ez baitu hitz bakar bat ere asmatu ; izendegian aurkeztu dituen sarrera kasik guziak idazle baten adibide batekin uztartuak dira. Tesi-lanean A, K eta T hizkietan agertzen diren idazle edo obra guzien laburdurak argitu ondoan, zerrendatu ditugu eta bide batez maiztasuna neurtu ere. Hiztegi batendako aipuak edo adibideak beharrezko osagaiak dira. Gure kasuan, Euskara-frantsesa hiztegiak informazio iturri aberatsa eskaintzen digu ikuspegi horretatik.

Zer hiztegi mota ote da ?

22 Hiztegiaren makroegitura eta mikroegituraren arabera eta hemen laburbilduz aipatu ditugun ezaugarrien arabera, Harrieten hiztegiko 3536 orriek izaera desberdinak bereganatzen dituzte.

23 Hiztegi orokorra edo orotarikoa dela, dudarik ez da. Orokorra da, ez baitu preseski gai edo alor berezi bateko hiztegia oinarritzat hartzen, hizkuntza bere osotasunean baizik. Makroegitura zabala eta anitza eskaintzen dute Harrieten hiztegiko 3.536 hostoek.

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Harrietek bere garaiko joera islatzen du, izendegiari eta hiztegi antolakuntzari begira bederen.

24 Hizkuntza bere osotasunean kondutan hartzen duela erran dugu, hortaz hizkuntza hiztegia badela ezin uka. Hizkuntzari buruzko hiztegia izanik, euskara eta euskalki guziak aipatzen ditu ; ezaugarri horrek hiztegiari aberastasun handi bat ematen dio, eta irakurlearentzat euskarari buruzko informazio iturri nagusia bilakatzen da hiztegia.

25 Mikroegituran aztertu ditugun mugabideetan oinarrituz, hiztegi entziklopediko baten itxura ere hartzen diogu batzuetan. Definizio gramatikalaz gain, definizio entziklopedikoak kausitu ditugu. Baina izaera entziklopediko hori ez da bakarrik definizioetan nagusitzen, makroegituran ere agertzen da. Hainbat gai bereziren inguruan kausitzen ahal dira sarrerak : lan-tresna, txori, landare eta lore izenez apaindua da hiztegia. Euskalki guzietarat hedatzen den hiztegi honek, badu beste osagailu adierazgarri bat : euskal literaturari buruzko lekukotasunak. Lekukotasunak, hiztegian barna aho nahiz luma hizkuntzakoak dira. Eta ez badira beti ere behar den bezala aurkeztuak (erreferentzi eskasak), Harrietek aipuen bidez euskal literaturaren erakusgai luze-zabala eskaintzen du. Edizio berriak nahiz zaharrak, eskuizkribuak ere ez ditu bazter utzi. Hortaz, ikuspegi hortatik bederen hiztegi historikoa dela erraten ahal da. Mendez mende aipatzen dituen idazle eta obren bitartez, hizkuntzaren bilakaeraren berri ematen digu. Zer erranik ez hiztegi elebiduna dela, euskara-frantsesa. Frantsesez esplikatzen ditu euskal hitzak. Ezaugarri honek, hiztegiaren erabiltzailea edo irakurle mota finkatzen du. Harrieten hiztegiak publiko desberdinak erakartzen ahal ditu : euskara ez dakiena, euskara ikasten ari dena edo euskalduna dena. Hautu horrek, itzultzaile lanetan aritzea eragin dio. Adibide eta aipu guziak frantsesera itzuli baititu, hortaz lan bikoitza bete du Harrietek : lexikografo lana eta itzultzaile lana.

26 Azkenik haltsuarraren hiztegia, hiztegi arauemailea izendatzea egokia iduritzen zaigu. Hiztegi-artikuluetan usu irakurri dugun bezala, irakurleari sarrera-hitzari buruzko gomendioak edo aholkuak luzatzen dizkio. Forma hau hobesten duela bestea baino, hitza ez dela gehiago erabiltzen (inusite), asmatua dela (invente) eta bestelako oharrak agertzen dira hainbat aldiz. Hiztegiaren xede nagusia informatzea izanik, Harrietek beste funtzio bat betetzen du, hizkuntzaren erabilpen ona bermatuz.

Harriet XIX. mendean :

27 Maurice Harrieten lana XIX. mende erditsutik hasi eta hondarrera bitartean kokatzen dugu. Oroitaraz dezagun XIX. mende erditsutan, 1853. urtean Larramendiren hiztegi hirukoitzaren bigarren argitalpena jalgi zela. Argitalpen berriak, aldiz, emeki-emeki agertzen hasi ziren. Euskararen irakasliburuak eta gramatika deskribatzailea oinarri zuten lan laburrak izan ohi ziren : orrixkak, eranskinak eta esku-liburuñoak. Euskal Herrian edo atzerrian argitaratuak, euskararen deskribapen, arau, paradigma, hiztegiño eta adibideak eskaintzen zituzten : Moguel 1801, Lecluse 1826, Astigarraga 1825, Fabre 1870, van Eys 1873, Aizkibel, Novia del Salcedo eta Duvoisin-en lanek besteak beste ez zuten beren garaian argitaratzeko paradarik ezagutu, edo berantago atera ziren plazarat. Eta bistan dena, zerrenda horretan kokatzen dugu Harrieten hosto dituen hiztegia.

28 Bestalde, ez bada xuxen jakiterik noiz hasi zen hiztegiaren idazten, oro har erraten ahal dugu Harriet eta Azkue noizbait bederen, denbora berean ibili zirela bakoitza bere obraren apailatzen. Azkuek 1905-1906 urte bitartean plazaratu baitzuen hiztegia.

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Halere, Harriet lehenagotik hasi zen lan horretan eta kasik 30 urte luzez ihardun zuen xede horretan. 30 urte anitz da ; bereziki gisa bereko obra baten gauzatzeko. Urteen joan-jinean, ohiturak, bizimoldea, pentsamoldea eta hizkuntza bera aldatzen eta berritzen dira beti eta beti. Hiztegi aberatsa, bada, eta, erabat harturik, informazio fidagarria eskaintzen duena. Garbizalea izanik ere, Harrietek hitz guztiak jasotzen ditu, ezein ere kanpoan utzi gabe. Azkueren hiztegiaren aldean, iduritzen zaigu Harrietenak menturaz hobeki isladatzen duela 19. mendeko euskal gizartea bere osotasunean eta bizitza-sail guztietan. (Knörr 1986 : 416)

29 Hutsegite eta akatsak alde baterat utziz, Harrietek, euskara bere osotasunean kondutan harturik eta hiztegi elebidun batean oinarriturik, gaur egun oraino argitaratua ez den altxor bat utzi digu. [...] ce dictionnaire reste une mine des plus précieuses pour les chercheurs et une oeuvre de haute valeur, le plus important des dictionnaires basques assurément après celui d'Azkué. (Lhande 1926 : 18)

30 Baina zer bilakatu ote dira gaur egun hiztegiko 3536 hostoak ? Hainbeste merezimendu izan ondoan, gaur egun oraino argitara eman gabe kausitzen da. Badakigu Harrietek berak argitaratzeko eskaintzak izan zituela : D'Abbadie adiskide handiak ihardespen ezezkorra ukan zuen eskuizkribuko lehen lau letren argitaratzeko eskaintza egin ziolarik, Daranatzek ere erantzun bera ukan zuen (Knörr 1987 : 26). 1923. urteko artikulu batean (Harriet zendua zen orduko), Daranatzek Azkue eta Euskaltzaindiari dei bat luzatu zien : [...], je voudrais appeler l'attention de l'abbé Resurrección-María de Azkue et des membres si éclairés de l'Académie Basque, dont il est le Président autorisé, sur le Dictionnaire basque-français de l'abbé Maurice Harriet. [...] je voudrais prier l'Académie Basque de bien vouloir envisager la possibilité de publication du Dictionnaire basque-français de l'abbé Maurice Harriet. (Daranatz 1923 : 461) [...] elle demeure une mine extrêmement riche de remarques, d'études, de précisions. Elle ne saurait être un manuel pratique, mais les chercheurs et les savants y trouveront une foule de suggestions des plus précieuses. Nous souhaitons vivement qu'il se trouve un Mécène pour fournir la forte somme qu'exigerait à l'heure actuelle l'impression de ce magistral et monumental travail. (Lhande 1926 : 18)

31 Baina dei eta galde horiek guziak ihardespenik dira gaur egun oraino. Egia da den bezala ez dela plazaratzen ahal haltsuarraren lana ; eta hortaz ohartua zen hain segur egilea bera. Guhaur ohartu garen bezala, hiztegian barna bilakaera bat bada. Ageri da hiztegigileak, hiztegia egiten ari zen heinean lan egiteko moldea aldatu duela, aski da ikustea jadanik aipatu ditugun A eta KJT hizkien arteko desberdintasunak. Hori gertatzen da 30 urtez egiten den lan batekin.

32 Argitaratua ez izateaz gain, beste arrengura batetaz solas egin behar dugu, ildo beretik doana hain segur. Euskal lexikografian eta oro har euskalaritzan Maurice Harrieten izena ez da ezagutua. Hiztegigintzaz mintzo delarik, bekan entzuten dugu Harrieten izena. Zergatik ote ? Alta jakina da, iturri gisa erabilia izan dela, Lhandek bereziki ; Harrieten lanari esker osatu baitu bere hiztegia. Bestalde kondutan hartu behar da, XX. mende hastapenean Azkueren hiztegiak bereganatu zituela bazter guziak, bereziki hiztegigintza munduan. Haltsuar hiztegigileak bazakien lekeitiarra hiztegi baten prestatzen ari zela. Daranatzen erranetan (Daranatz 1923), Harrietek ez zuen bere lana argitaratzerik nahi, ez bera bizi zeno ez eta bere heriotzaren ondotik ere. Egilearen nahia hori izanik ere, 3536 orriko gaitzeko lan honek argia ikustea merezi du. Isilpean

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airatu diren hostoak, higatzen eta xahartzen ari dira Baionako apezpikutegian gaur egun. Oroitaraz dezagun ere, gure ikerketa lan honetan dokumentu eta idazki berriak kausitu ditugula, orain arte ezezagunak zirenak. Cahier de Notes izenburupean atzeman dugun Harrieten oharren liburuxka eta bere liburutegiko obra guzien zerrenda.

33 2004. urtean, Maurice Harrieten (1814-1904) heriotzaren mendeurrena ospatuko da. Denbora gehiago galdu gabe eta behar diren baldintza eta baliabideak ardietsiz itzaletik atera behar dugu euskara-frantsesa hiztegia, argia ikus dezan. Egia da, hala ere irakurketa eta berridazketa lanetan zailtasunak eta trabak kausitu ditudala, hainbat urteetako orriek ikerketa lana zaildu baitute zenbait aldiz. Funtsean 30 urtez buruturiko lan bat ez da hain aise berreskuratzen. Baina hala ere, hiztegiak egin dira eta eginen dira oraino, baina zer hizkuntzek utziko luke XIX. mendeko 3536 orri dituen hiztegi elebidun bat itzalean ? Hizkuntza baten iraganak geroari buruz bultzatzen gaitu dudarik gabe. Hiztegi honek gure ezagutza eta jakinduria noraino mugatua eta zuzena den islatzen digu. Euskararendako altxor eta ondare ikaragarria izateaz gain, euskal hiztegigintzaren historian badu bere lekua, ongi merezia gainera.

34 Den bezala noizpeit agian argitarat ikhusiko du... bizi denak2 Hala izan bedi.

BIBLIOGRAPHIE

1. Dibildos, 1926, « L'Abbe Maurice Harriet et sa Soeur Mademoiselle Agathe », Gure Herria, 598-680.

2. Daranatz, 1923, « Le dictionnaire Basque Espagnol Français de l'abbe R.M. de Azkue », RIEV XIV, 457-462.

3. —, 1931, « Correspondance du Capitaine Duvoisin », RIEV, 57.

4. Knörr E., 1986, « Maurice Harriet-en hiztegiaz », ASJU, 413-417.

5. —, 1987, Para una edición critica del diccionario de Maurice Harriet. EHU (Euskal Herriko unibertsitatea) / Université du Pays-Basque, Vitoria/Gasteiz (tesi argitaragabea).

6. Lhande, 1926, Dictionnaire Basgue-Français, Gabriel Beauchesne ; Paris.

NOTES

1. Hiztegia, Cahier de notes eta Harrieten liburutegiko obren zerrenda Baionako apezpikutegian atxikiak dira gaur egun. 2. Eskualdun Ona 8.zenb. 1904. urtea

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INDEX

Index chronologique : 19e siècle Thèmes : linguistique Mots-clés : basque (langue), dictionnaire, lexicologie, Harriet Maurice (1814-1904)

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La frontière, le territoire et le lieu. Norme et transgression dans les Pyrénées Occidentales

Marie-Hélène Velasco-Graciet

NOTE DE L'AUTEUR

Il s'agit d'un résumé de ma thèse soutenue en décembre 1998 à l'Université de Pau et des Pays de l'Adour.

1 Depuis qu'elles existent, les frontières nationales ont intéressé les géographes. D'ailleurs, la géographie est la seule discipline scientifique à avoir consacré un de ses axes de recherches à la seule étude des frontières : la géographie des frontières. Cette géographie s'est donc construite et a connu une histoire particulière. Au fil des années de cette construction, les géographes ont constitué un corpus théorique et méthodologique. La géographie des frontières connaît aujourd'hui un regain d'intérêt de la part des géographes qui se penchent à nouveau sur « l'appareillage » à mettre en place pour mieux comprendre les frontières. S'intéresser aux frontières nationales n'exclut cependant pas la possibilité d'appréhender la frontière de façon générale, qu'elle soit nationale ou non, spatiale ou non. Plus encore, traiter de frontière sous n'importe quelle forme que ce soit peut constituer une base pertinente pour une meilleure compréhension des frontières spatiales et des frontières nationales. Avant de s'intéresser aux frontières séparant les nations, l'étude de la spatialisation des frontières peut se faire pas à pas, en allant des frontières de l'individu jusqu'à celles de groupes restreints. De ce processus de recherche allant du général au particulier, une approche théorique peut être dégagée. Si l'étude des frontières spatiales ou non, de l'individu au groupe, est pertinente, c'est parce qu'elle permet de déconstruire l'objet de recherche qu'est la frontière et de le traiter comme un concept abstrait dégagé de l'imbroglio social qui se cache dans le sens commun. Ainsi, mise à nu, la frontière nationale peut être étudiée comme faisant partie d'un processus de territorialisation

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d'une notion bien abstraite : la nation. Cette démarche permet de conceptualiser la frontière sous différents angles qui iraient de la frontière vue au prisme des sociétés qui la créent jusqu'aux frontières vues au prisme de l'intimité des sujets qui les vivent et les pratiquent au quotidien. Ce serait donc aller vers une proposition théorique pour la géographie des frontières.

2 Choisir comme terrain d'étude la frontière franco-espagnole, c'est s'intéresser à l'une des frontières les plus anciennes et les plus stables d'Europe Occidentale. Parce qu'elle est ancienne et stable, on la dit « froide » ou « morte ». Malgré cela, il apparaît qu'elle a un intérêt scientifique pour le géographe surtout s'il porte son regard sur les différents aspects qu'elle prend. Elle est, d'une part, imposée conjointement par les Etats français et espagnol et, d'autre part, vécue dans les marges du territoire national qu'elle délimite. Pour cela, des méthodes d'observations différenciées s'imposent. La frontière franco-espagnole possède une histoire construite à force de négociations et de traités, qui lui ont progressivement donné une matérialité physique, qui s'est enrichie d'une matérialité humaine avec l'arrivée des douaniers près des frontières. Mais plus encore, par différents procédés sociaux et culturels et avec l'aide de toute une imagerie populaire, elle est entrée dans la conscience des membres de la société nationale et de ce fait, elle est devenue naturelle et comme allant de soi. Cette frontière matérielle et mise en conscience est imposée aux populations frontalières qui la côtoient quotidiennement. Au lieu de la rejeter car extérieure, les groupes frontaliers vont se l'approprier, la faire entrer dans leur vision du monde et même plus, elle va venir conforter les pratiques et les représentations qui fondent leurs structures et leurs fonctionnements sociaux endogènes. Elle va, d'une part, renforcer les normes spatiales, sociales et culturelles du groupe ; elle fera partie du lieu-village qui est propre et singulier au groupe, elle se verra incluse dans ses récits identitaires. Et, d'autre part, Elle viendra renforcer, d'autre part, des pratiques et des pensées transgressives qui dans un lieu singulier -l'anté-lieu-, s'opèrent. L'anté-lieu et le lieu du village sont liés dans une même logique spatiale, sociale et culturelle. Si, aujourd'hui, la frontière n'existe théoriquement plus, les populations frontalières en gardent un souvenir prégnant, le souvenir d'un temps où elles avaient trouvé un équilibre spatial, social et culturel, et où elles acceptaient de vivre dans un espace tronqué.

INDEX

Index chronologique : 20e siècle Thèmes : géographie Mots-clés : aménagement du territoire, frontière franco-espagnole

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AUTEUR

MARIE-HÉLÈNE VELASCO-GRACIET

Maître de conférence, Institut de géographie Louis-Papy, Université Michel de Montaigne- Bordeaux 3 [email protected]

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Écriture pour enfants traduction et réécriture dans Bambulo de Bernardo Atxaga « ternuako penak » « amigos que cuentan » (« les peines de Terre-Neuve » « des amis qui comptent/content ») Mémoire de maîtrise, dir. Mmes Geneviève CHAMPEAU et Aurélie ARCOCHA-SCARCIA, soutenu le 8 octobre 2002 à l'Université Michel de Montaigne, Bordeaux 3 (résumé)

Mirentxu Irigaray

1 Ce livre pour enfants commence un soir de Noël. Les personnages principaux nous sont présentés, dont Pantxi Baratxuri Buru ou Panchi Cabecita de Ajo (Pantxi Petite Tête d'Ail, en français). De même, on nous parle d'une famille composée de Maria (la mère, chargée de nettoyer la Bibliothèque de Bidebarrieta dont il est question dans Bambulo), ses trois enfants, Ariadna. Jon et Ainhoa (la petite dernière de cinq ans), et leur père, simplement désigné par « le marin de Terre-Neuve ». Ce dernier, revenu d'un long voyage durant lequel il a péché la morue, raconte l'histoire d'Urkizu, un jeune marin orphelin de quinze ans, et ses aventures survenues au cours d'un long hiver passé parmi les Esquimaux, ou Inuits.

2 Bernardo Atxaga explique dans une interview, qu'il a repris dans ce livre l'histoire héroïque des marins basques qui ont été parmi les premiers à pêcher la baleine et la morue et qui ont voyagé dans les « très dangereuses » mers du Nord. 11 se souvient également qu'il s'est inspiré, pour son histoire, de la lecture d'une chanson non datée, mais probablement de la fin du XVIIème ou du début du XVIIIème siècle publiée par l'écrivain Patri Urkizu, dans laquelle il est fait référence à des marins basques qui se sont retrouvés nez à nez avec des Esquimaux, et que, postérieurement, il a fait

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connaissance avec un marin qui était resté parmi ce peuple pour apprendre sa langue, non sans passer par de grandes difficultés. Ce titre est donc un hommage aux marins, et l'histoire d'Urkizu, un récit de formation. Mais le titre a d'autres priorités, comme par exemple d'orienter l'attention du lecteur vers un des aspects de l'œuvre que le narrateur veut souligner. L'intérêt d'étudier un récit pour enfants dont l'auteur est l'un des grands noms de la littérature espagnole contemporaine est de voir comment certains écrivains « pour adultes » ont écrit en visant un jeune lectorat trop longtemps délaissé et de voir comment la littérature enfantine accueille des textes qui, le plus souvent, défendent des valeurs auxquelles l'écrivain est attaché.

3 Ce troisième volume, qui suit les deux premiers intitulés Lehen Hurratsak / Primeros pasos et Krisia / La crisis, permet d'aborder ponctuellement l'une des spécificités de la littérature espagnole : le fait qu'elle soit écrite en différentes langues, qu'elle exige un recours à la traduction pour atteindre l'ensemble du public espagnol et, en troisième lieu, que Bernardo Atxaga, comme d'autres auteurs, supervise, voire traduit lui-même certains de ses textes.

4 Le terme « traduction » est alors insuffisant car cette activité de translation dépasse ce que nous entendons généralement par « traduction » pour déboucher vers une « réécriture », au sens où le texte subit des transformations qui ne sont pas exigées par le simple passage d'une langue à l'autre.

5 Le troisième livre de Bambulo comprend quatre parties que nous appellerons A, B, C et D. Ce qui semble déterminant dans la structure de ce volume, c'est l'inversion chronologique entre ces différentes parties.

Partie A

6 Le livre s'ouvre sur un prologue relativement long. Bambulo, nous l'apprenons plus tard, est un chien qui écoute des histoires, ou observe des faits, et les retranscrit. Mais Bambulo a aussi un secrétaire qui corrige et ordonne ses notes. Il y a donc deux acteurs qui écrivent : Bambulo et son secrétaire. Et c'est celui-ci qui fait publier les livres chez l'éditeur. Le secrétaire de Bambulo, est dans le prologue, le narrateur.

7 Cette partie A. évoque donc les relations entre le secrétaire et l'éditeur. Elle est centrée sur la fabrication du livre, et correspond à un premier niveau de récit.

Partie B

8 Le narrateur est toujours le secrétaire. Il fait appel à sa mémoire (et par la même occasion à celle du lecteur) pour opérer un « flash-back » et nous fait ainsi replonger dans la situation finale du deuxième livre, qui se terminait une veille de Noël. Ceci est important pour affermir, dans la mémoire de l'enfant, le lien avec le livre précédent. Il décrit les sentiments de chacun, puis nous devenons témoins de la discussion qui a lieu autour d'une table, dans une pièce souterraine de la bibliothèque de Bidebarrieta, chez Pantxi Cabecita de Ajo / Baratxuri buru au cours et à la suite d'un repas familial. Là Bambulo, le héros de la série, devient narrateur et raconte « sa » version de la Nativité. Il relate les faits dans lesquels Zorobambul, un de ses ancêtres, est impliqué. La partie B nous fait pénétrer dans l'histoire de deuxième niveau. Cependant, la conversation entre

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Zorobambul et l'un de ses amis, un chien berger, nous donne accès à un troisième niveau de récit.

Partie C

9 Le marin de Terre-Neuve prend le relais de la narration, et raconte l'histoire d'Urkizu le marin en douze chapitres. Tout comme Bambulo, c'est un narrateur de deuxième niveau de récit. Cette partie occupe presque tout le volume. Au même titre que Zorobambul, Urkizu, le protagoniste de cette histoire, nous fait pénétrer dans un récit de troisième niveau. C'est une fiction dans la fiction.

Partie D

10 C'est un retour à la situation de la partie B, un retour au deuxième niveau de récit. Le marin vient de terminer de raconter son histoire qui a éveillé la nostalgie de Bambulo - qui la met par écrit -, à propos d'un compagnon qui l'a aidé dans le deuxième livre : « el pajaro de pico largo » / « txori moko-luzea » (= l'oiseau au long bec). Bambulo n'a pas eu de ses nouvelles depuis longtemps et se demande s'il n'est pas mort. Le livre se termine par la matérialisation de cet oiseau entre les rayons de la bibliothèque, où se trouvent les personnages.

11 Cette partie présente un décalage temporel. En effet, le livre commence avec l'édition du troisième livre, et se finit avec la prise de notes de Bambulo sur l'histoire racontée dans ce volume. La chronologie est inversée : Bambulo prend des notes et son secrétaire les ordonne afin de les publier.

12 L'inversion chronologique est signifiée de façon analogique par la promenade des personnages dans la bibliothèque. En effet, ceux-ci marchent également dans le sens inverse de l'alphabet, soit de la lettre « Z » à la lettre « C » (en castillan), à la lettre « K » (en basque, la lettre « C » n'étant plus utilisée de nos jours).

13 Dans la partie A, l'éditeur enjoint le secrétaire de terminer rapidement la mise en ordre des papiers de Bambulo, afin de publier le troisième livre. Après avoir terminé son travail, le secrétaire contacte Bambulo par téléphone, en lui disant que finalement, il n'occupe qu'une place infime dans le livre, composée quasi exclusivement par l'histoire du marin Urkizu. Puis il appelle l'éditeur pour le prévenir que le troisième livre est enfin prêt.

14 Dans la partie B, la scène se passe un soir de Noël, chez Pantxi Cabecita de Ajo / Baratxuri Buru, dans les souterrains d'une bibliothèque (de Bidebarrieta). L'histoire se déroulant un soir de Noël suggère à l'enfant un jour magique, lors duquel, la plupart du temps, il reçoit des cadeaux. Pantxi, Bambulo et la famille composée de la mère Maria, du père, le marin de Terre-Neuve et de leurs trois enfants, Ariadna (l'ainée). Jon et Ainhoa (qui fête ses cinq ans ce soir là), sont réunis autour d'une table où ils mangent tout en discutant. C'est à cette occasion que Bambulo donne sa version de la Nativité.

15 La partie C succède chronologiquement à la partie B, puisque le marin de Terre-Neuve y raconte l'histoire d'Urkizu sur douze chapitres.

16 Dans la partie D, on nous dit que Bambulo prend note de ce qu'il vient l'entendre. Cela étant, si nous devions restituer l'ordre chronologique de l'œuvre, nous obtiendrions le

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classement suivant : partie B, partie C, partie D, partie A. Il s'agira d'essayer de trouver un sens à cet ordre qui a été choisi.

17 La fabrication du livre, le fait d'écrire sont mis en relief. Grâce au secrétaire, on entre dans l'atelier de l'écrivain. Les parties B et D mettent aussi en scène des circonstances dans lesquelles les histoires de second degré sont racontées. L'attention de l'enfant est donc attirée vers des situations de production de discours. L'effet produit est que le lecteur a ainsi l'impression d'écrire lui-même (au moment où il le lit) le troisième livre. Il assiste « en direct » à la conversation qui y sera consignée.

18 Nous pouvons aussi remarquer tout au long du livre la présence cachée ou non d'autres oeuvres.

19 En premier lieu, nous avons vu que Bernardo Atxaga avait construit son livre sur la base d'un chant traditionnel labourdin : Ternuako penak. Le récit s'inscrit ainsi dans la lignée de la littérature populaire orale. Il constitue, de par l'intertextualité, une remontée dans le temps. Il s'en sert surtout pour l'élaboration de l'histoire d'Urkizu. L'intertextualité, ici, est donc historique, puisqu'elle rappelle un passé probablement vécu. Il est fait allusion au chant à six reprises en tout. La première fois, les couplets sont cités, puis le tout premier couplet revient comme un refrain. Le chant traditionnel livre un motif central de l'histoire d'Urkizu et il crée le suspens : le personnage sera-t-il lui aussi mangé ? Parfois ce n'est qu'un vers qui est cité. Cependant nous pouvons remarquer que les allusions à Ternuako penak sont généralement à mettre en relation avec une situation de mal-être, d'angoisse, de danger, de colère...

20 Dans le prologue, le narrateur inclut également quelques rappels des histoires de Bambulo, que le lecteur peut retrouver dans les deux premiers livres de la série.

21 L'intertextualité joue également un rôle dans le discours du secrétaire. Prenons pour exemple le moment où l'éditeur parle avec celui-ci d'un ancêtre de Bambulo. Il évoque un chien, Bambulillo, dont il dit qu'il s'est enfoncé dans le sable et qu'au dernier moment il a été sauvé par Bambulilla. Puis il ajoute que l'on conserve de Bambulillo un portrait peint par Goya. Effectivement, Goya a réellement peint un tableau intitulé Le Chien. Cette histoire de chien enlisé, qui dans Bambulo, se nomme Bambulillo, fait référence à deux types de systèmes sémiotiques différents : la peinture et la littérature. Cela donne toute latitude à l'auteur pour inventer des fictions et revendiquer ainsi une totale liberté de création. Ce « correctif » apporté au tableau de Goya, invite l'enfant à s'approprier lui aussi la peinture, au lieu de la regarder comme un monstre sacré et lointain. C'est aussi une façon d'inciter l'enfant à entrer dans un musée. Soulignons que les références basques jouxtent des références plus largement espagnoles, ce qui suggère que la culture basque soit ouverte sur la culture castillane.

22 Plus loin, l'intertextualité s'élargit encore à un livre fondateur de la culture occidentale : la Bible. Bambulo donne sa version canine de la Nativité en y intégrant l'un de ses ancêtres.

23 Un autre cas d'intertextualité apparaît dans la dernière partie du livre à propos du poème d'un poète latin : Catulle.

24 Nous pouvons constater un élargissement progressif de l'intertextualité par la citation d'un poème antique traduit. Nous pouvons également noter qu'une continuité est établie entre le poème et le récit par le motif de l'oiseau ( moineau / oiseau bleu d'Urkizu / oiseau-au-long-bec de Bambulo ). La culture latine est ainsi rendue vivante.

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25 Dans « Ternuako penak » / « amigos que cuentan », il apparaît également des messages moraux tels que la justice, le fait de ne pas juger les gens en fonction de leur apparence... Le thème de la mort est également traité.

26 L'intérêt de présenter pour un lecteur enfant l'expérience de Urkizu, ce passage par l'épreuve, presque par la mort à soi, avant le retour à la vie, est tout simplement de montrer ce qu'est la vie. et de forcer le jeune lecteur à y réfléchir, tout en lui offrant un modèle de comportement à imiter.

27 Ce récit semble reprendre un schéma mythique de passage sur terre, avec ses hauts et ses bas. Nous avançons dans la vie grâce à des objectifs que nous nous sommes fixés. Elle nous présente des embûches qu'il faut surmonter, allant parfois jusqu'à la mettre en péril. Dans notre existence, il faut savoir prendre des risques. De plus, ce récit met en relief les relations que chacun devrait avoir avec autrui - des rapports basés sur la tolérance et l'écoute de l'autre -, de même que les qualités du modèle : Urkizu.

28 Soulignons de plus qu'Urkizu a connu la mort de près. puisqu'il est orphelin depuis l'âge de sept ans (âge moyen du lectorat de Bambulo ). Aussi a-t-il dû se débrouiller pour survivre : il a donc travaillé pour cela. On nous indique que pour lui, être à Terre- Neuve pour apprendre la langue Inuite est comme du repos, une chance de s'adonner aux jeux que par le passé, il avait dû laisser de côté.

29 Cela rend Urkizu encore plus touchant, et permet au petit lecteur, en plus de ce dont nous avons parlé auparavant, de voir sa vie comme un cadeau, et de réfléchir à sa condition d'enfant qui va à l'école, s'amuse avec ses camarades, pendant que d'autres n'ont pas cette chance et sont déjà exploités dans le monde du travail. Ce récit est donc également un récit d'apprentissage.

30 Bambulo, comme beaucoup d'autres oeuvres de Bernardo Atxaga, a d'abord été écrit en basque et a été ensuite « réécrit » en castillan. A la lumière d'une étude des variations entre l'original basque et la version castillane de la partie B, il apparaît que la version en langue basque présente la particularité de mimer, d'imiter la langue orale en adoptant le plus souvent un langage plus familier que la version en castillan. Le basque est également la langue qui s'adresse le plus fréquemment à un public savant, plus âgé, voire adulte, possédant un minimum de culture générale (littéraire, culturelle...). Dans l'histoire d'Urkizu, nous trouvons un vocabulaire plus spécifique en basque où le lecteur est censé connaître ce qui se rattache au monde de la pêche et à la navigation.

31 La version castillane, en revanche, adopte un ton et un style plus didactiques qui permettent au narrateur de pouvoir expliquer de façon simple ce qui pourrait faire obstacle à la compréhension d'un enfant, voire même à lui enseigner ce qu'il doit savoir.

32 Cela étant, ce n'est pas pour autant que le petit lecteur est privé d'imagination... Bien au contraire, cette édition comporte sa part de fiction en même temps qu'elle oblige parfois le lecteur à se documenter pour connaître la « véritable » version de l'histoire qu'il est en train de lire.

33 Nous pouvons conclure que « Ternuako penak » a bien pour finalité de rappeler ce passé maritime qui était autrefois transmis oralement de générations en générations, ou vise à le faire connaître, alors que « amigos que cuentan » a davantage pour but d'informer le lecteur non-basque sur une tradition qui était propre aux Basques. Ici, l'auteur a pris sur lui d'enseigner cette tradition (en tant que Basque) à l'autre qui ne l'est pas, mais qui s'intéresse à son peuple et à sa culture.

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INDEX

Thèmes : littérature Mots-clés : Atxaga Bernardo (1951-), écrivain contemporain, littérature basque, littérature jeunesse et enfantine

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Mugerreko euskara : hurbilketa hat. Euskara batuaren eragina euskalkian, Euskal Ikastetetako Tesina-lana, zuznd. X. Videgain, Euskal Ikasketen Unibertsitateen arteko Saila, Pabe eta Aturri aldeko Unibertsitatea, 2001 (laburpena)

Béatrice Sallaberry

1 2001-ko otsailean UNESCO erakundeak txosten bat plazaratzen zuen, munduan zehar arriskuan diren hizkuntzak zein ziren seinalatuz. Honen aipatzea xeheki luzeegi liteke bainan gure kasuan kezkagarria zaiguna honako hau da : euskara ere agertzen dela hizkuntza horien artean. Euskara egoera larrian dela ezin da ukatu, bainan zailagoa da jakitea zehazki zertan den finki hunkitua.

2 Azken denboraldi hauetan argi da hizkuntzen bilakaeraren eta hizkuntzen heriotzaren1 inguruko lanak ez direla eskas. Arriskuan diren hizkuntzen kasuan gehienetan azterketa soziolinguistikoak egiten dira. Ikertzen da zein diren hizkuntzaren desagertzearen ondorioak, eta diglosiaren2 ondorioak pertsonengan, norberak nola bizi duen hizkuntza gutxitu baten mintzatzea, edo ezin erabilia izana. Beste aztermolde bat izan liteke hizkuntza bera zertara doan ikertzea, zein diren hizkuntzak erakusten dituen sakoneko aldaketak, hots azterketa linguistikoa.

3 Azken honek bereziki gaitu interesatzen. Zertara doa euskara ? Zein dira pairatzen edo bizi dituen aldaketak ? Nun, noiz eta nola aldatzen da ? Zein dira erdara ezberdinen eraginak eta euskara batuak ba ote du ondoriorik euskalkietan ? Hizkuntzaren oinarriak andeatuak ote dira, ala sistema oraindik zaintzen ote da ? Erran ote dezakegu euskarak segitzen duela osasun onean ? Ala gure arbasoek mintzatzen zutenetik erabat

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aldatu dela eta beste hizkuntza batera goazela ? Eta beste hainbeste galderek erantzunik gabe diraute. Hainbat galderari erantzuteko lana ez baita egunetik biharamunekoa, pentsatu genuen hastea toki finko batean eta bi belaunaldiren hizkeren konparaketa egitea, jakinez bi belaunaldi hauen bizimoldeak eta komunikazio eremuak oso ezberdinak izanen zirela. lanaren eremua eta gaia mugatu beharrez, bereziki aditzaren morfologia eta erabilera begiratzea erabaki genuen.. Kasu honetan, partikulazki, Mugerrreko herriaren kasua dugu aztergai.

4 Lan honen bukaeran agertu zaizkigun ondorioak aski pizu dira.

5 Nabaritu ditugun aldaketak bi sailetan bana daitezke. Lehenak izan litezke morfologia mailako aldaketak, adizkiak eratzen, eraikitzen diren moldeari begira. Besteak aldiz, erabilera mailakoak, adizki ezberdinak noiz eta nola erabiliak diren.

6 Morfologiaren aldetik, argi ikusten dira da euskalkiaren baztertzea eta euskara batuaren sartzea. Hau da, eguneroko bizian duen tokiaren bidez baita euskaldun berrien bitartez, euskaldun zaharrak ere, sortzez hiztun direnak, eraginak direla beren mintzatzeko moldean. Euskara batua elkarrizketan zehar entzun daiteke tarteka eta molde arras naturalean, ezezko erantzunetan3 agertzen direlarik bertako formak.

7 Bertako formak, endemikoak4 deitzen ditugunak, baztertzen dira edo desagertzen. Batzutan, lekukoek ezezko erantzunetan aipatuko dituzte bertako formak, entzunak diren formen moldera, gurasoek edo adinekoek erabiliak. Beraiek aldiz ez dituzte erabiltzen. Edo, ez dituztela sekulan entzun erranen dute ere

8 Gainera, adizki formak ez dira gehiago hainbesteraino baxe nafartarrezko formak, askotan aurkituko direlarik ibrido5 dei ditzakegunak, erran nahi baita erabili forma erdi bidean dela tokiko, euskalkiko forma eta euskara batuko formaren artean. Lekukoek ez dituzte ez arras tokiko formak erabiltzen bainan ez eta ere arras euskara batuko formak, bien arteko nahasketa bat gelditzen da beraz momentukotz. Aurrerizten ahal da gauzak legunduz eta berdinduz doazen heinean, aldaketa osatuko dela ondoko belaunaldietan.

9 Hauek izan daitezke inguruetako aldakien eraginaren ondorioak eta ez bakarrik euskara batuarenak. Halere euskara batuaren presentzia hemen gehien bat zor zaie belaunaldien arteko helarazte ezari eta erabilpen murritzari, hizkuntza erabiltzean gertatzen diren eskasak betetzen dituelarik, erran nahi baita hizkuntzaz ez direla osoki jabetzen haurrean eta ordaintzen dutela ahal duten neurrian. Nolazpait hauek euskararen eguneroko bizitik desagertzearen, frantsesaren nagusitza eta, orokorkiago, hizkuntz politika ez egokiaren ondorio zuzenak direnean.

10 Erabileraren aldetik harrigarriena da zein heinetaraino murriztu den erabiliak diren adizkien kopurua, aditz laguntzaile nola aditz trinkoen kasuan.

11 Aditz laguntzaile parrasta bat ez da erabilia. Hauetarik batzuk ezagutzen dituztela agertu da ezezko erantzunetan, bainan kasu gutitan. Hau da *edin eta *ezan aditz laguntzaileen kasua6. Subjuntibozko formak erabili ordez aurkituko dira moldeak, nolazpait, zailtasunaren zeharkatzeko, nominalizioaren bidez adieraziko dute nahi dutena edo, agintearen kasuan, aditz oin bakarrarekin. Hainbat molde garatzen dituzte zailtasunei aurregiteko, ikasi ez dituzten edo sekulan entzun ez dituzten formen ordezkatzeko.

12 Bestalde aipagarria da ere aditz laguntzaileko partaideen kontua. Izan ere *nor nori nork moldeko aditzak errexkl bilakatuko dira nor nork formakoak eta nor nori adizkiak ez dira erabiliak.

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13 Aditz trinkoak, neurri batean erabiliak baldin baziren duela hogoi bat urte, gaurregun aldiz arras desagertu dira, salbuespen direlarik ibili, joan eta etorri bezalako aditzak, aski arruntak direnak, eta forma sinpleenetan, indikatiboko orainean eta nor pertsona bakarreko formetan :dabila, banoa.

14 Hots, adizkien kopuru haundia da ahanzten edo zeharkatzen dena. Izugarriko pobretzea adierazten du honek, uste izateko da da hiztegi eta sintaxiaren aldetik ber gauza gertatzen dela ere. Hauek ere zor dizkiogu dudarik gabe hizkuntzaren erabilpen mugatuari, hortik etortzen denean ezagupen edo menperatze arina.

15 Azterketaren ondorioei dagokionez, hauek dira aldaketa larrienak.

16 Ondorio hauetaz gain, baliteke ere hiztegiaren aldetik erdarakada ihaurri sartzea, hau ez zenez gure gaia, ez gara horretan luzatuko.

17 Bestalde, tokian berean eta hizkuntzaz bestalde, beste hainbeste elementu arranguragarri agertu zitzaizkigun eta gauzatxo bat azpimarratu nahi genuke. Oroz gainetik, lekukoen bilatzea ez zen errexa izan. Euskaldun zahar guti dagoelako orain herri horretan. Kontsidera dezakegu mugertarren %20a euskalduna dela eta horien artean gazte guti, baita euskaldun berri andana bat ere. Gure ustez, lekukorik adierazgarrienak hautatu genituen, hautua dorpea izan arren. Egia da jatorriz biztanleen gehiena kanpotarra dela, bainan tokiko jendea ez da urria. Halere, hau dugu ondorioetarik bat baita, dudarik gabe, gertakaririk kezkagarriena : euskaldun zaharren presentziaren eza, deseuskalduntze aintzinatua. Horrek erran nahi luke ez dela gehiago euskara belaunaldi batetik bestera heltzen eta euskara dakiten jendeek ikasi behar izan dutela.

18 Ondorioztapen hauek egin ditugu azaleko azterketa bat eramanik, labur biltzeko errextea, baturatzea eta pobretzea. Erran dezakegu euskarak ere larriki erantzuten diola hitzen ekonomiari. Erdararen eragina eta euskara batuarenak ez dira dudazkoak. Hauek oro gertatzen dira lekukoak ez direlakotz gai euskara zuzen eta molde erosoan erabiltzeko, erdararen presentzia gehiegiarengatik, baita euskararen prestigio eta ezagupen ezagatik. Pentsatzekoa da gauzak ez doazela hobetuz.

19 Bainan seguraski interesgarriagoa baizik ez liteke ber motako ikerketa bat eramatea sintaxia, lexikoa, morfosintaxia, hots hizkuntzaren alderdi guziak ikertuz. Erdarak egiazki zein heinetarainoko eragina duen aurkitzeko parada liteke. Nahiz eta lan hori oraindik egitekoa gelditzen den, pentsatzekoa da maila hortan ere hainbat aldaketa ikus ditzakegula. Ikerketa honek, sakonagoa izanez gero, aukera emanen luke neurtzeko hizkuntzaren sistema zenbatetaraino kaltetua den. Jadanik, ikerketa honen ondotik, aurreikusten badira hainbat gauza, ez da deus segurrik eta, sustut, ez da deus zehazki neurturik oraindik.

20 Gure ustetan, nahiz eta indar haundi eta preziagarriak eginak izan erakunde eta elkarte ezberdinenganik, argi da ez dela aski euskararen menperatze eta erabileraren hobetzeko eta emendatzeko. Ikerketa honek bakarrik erakusten baldin baditu horrelako ondorioak, errealitatea ilunagoa baizik ez daiteke izan. Hizkuntzaren sanotzeko, orain arte egina denaz gain, gaurregungo indarrak baino gehiagoko zerbait beharko delakoan ez da duda izaterik.

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NOTES

1. Hizkuntza guziak, izateen moldean, pizten eta aldatuz joaten dira, euskararen kasuan, proto euskaratik gaurregungo euskalkietara bezala, baita, zorigaitzez, egun batez desagertzen, edo aldakia(k) besterik ez uzten. 2. Diglosia deitu fenomenoa aski arrunta izaten da eta hizkuntzen arteko borroka bat adierazten du, nun hizkuntzek gehietasuna bilatzen baitute. Bata hizkuntza nagusia edo goi mailakoa izaten da eta bestea hizkuntza menderatua edo peko mailakoa. Euskara egoera horretan dugu aspaldidanik, erdara ezberdinez inguratua eta menderatua denez geroz. Gainera, euskalkiak edo tokian tokiko aldakiak, nolazpait egoera horretan dira ere euskara batuari begira, hizkuntza arautua delarik goi mailakoa bezalakoa konsideratua jende anitzen kasuan, eta tokiko hizkerak, biziki maitatuak izanik ere askotan gutxituak hiztunengandik. 3. Ezezko erantzunak elkarrizketatuek eman erantzunak dira bainan elkarrizketaren bigarren fase batean. Goaitatu erantzuna edo tokikoa ez dutenean ematen, guk proposatzen diegu eta haiek erranen dute ea ezagutzen eta erabiltzen dituzten ala ez. 4. Endemikoak deitzen ditugunak, tokikoak dira eta horkoak bakarrik. Beste euskalkietan aurkitzen ez direnak eta aldakiaren lekuko direlarik. 5. Aurkitu ditugun forma berezi hauek horrela deitu ditugu, izen honek duelako direna hobekien adierazten. Gure ustez, bi formen arteko nahasketa baitira eta seguraski batetik besterako bidean baitoaz. 6. *Edun eta *izan laguntzaileak osoki erabiliak dira, guti edo aski.

RÉSUMÉS

Ikerlan hau, 2001.urtean eraman izan da Mugerreko eskualdean. Tokiko hiztun batzuen elkarrizketetatik atera datu zenbaitzuen interpretazioa eman nahi luke. Euskal herriko Atlas Linguistikoaren lanak ditu oinarri, bai aztertu diren punduen hautuan, baita ere elkarrizketak egiteko galdetegi eta metodologian, horrela konparatu ahal izan baititugu duela 20 bat urte bildu erantzunak eta gaurkoak. Ondorioetan agertzen den bezala, tokiko aldakiaren bilakaera argi bat erakusten du ikerlan honek, laburbilduz forma endemikoen galera eta euskararen “baturatze” prozesua, euskalkiaren ordezkatzea, bainan ere hizkuntzaren erabilpen eta menderatzearen aldetik, hutsuneak.

Cette étude a été menée en 2001 sur le secteur de Mouguerre. Elle est basée sur des entretiens avec des locuteurs bascophones. Les points d’études et la base des entretiens sont tirés des études réalisées dans le cadre de l’Atlas Linguistique du Pays Basque, permettant ainsi de comparer les réponses apportées 20 ans auparavant aux réponses actuelles. Les conclusions de cette étude montre une évolution nette du parler local, en quelques mots, une « simplification » et une « économie » du langage, les formes endémiques tendent à disparaître, les formes uniformisées viennent supplanter les formes dialectales.

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INDEX

Thèmes : linguistique Mots-clés : basque (langue), dialecte navarro-labourdin, dialectologie, Mouguerre, normalisation motscleseu dialektologia, Euskara, lapurdi, Mugerre, normalizazioa

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Les Basques et le protestantisme en Basse-Navarre et en Soule entre 1563 et 1623 à travers l'étude comparative et l'analyse des Manuscrits Ms 1J1387/4 et Ms 433/4 des Synodes du Béarn Mémoire de Maîtrise en études basques, dir. Mme Aurélie ARCOCHA- SCARCIA, Département Inter-universitaire d'Etudes Basques, Université Michel de Montaigne-Bordeaux 3, 2002 (résumé)

Marie-Christine Urbistondo-Picavea

I. Motivations

1 Mon intérêt pour l'histoire et la littérature du Pays basque, ainsi que les différents travaux effectués dans le domaine de la Recherche des textes anciens, m'ont amenée à approfondir l'histoire de la Navarre au 16èmc siècle. Parler du protestantisme en Soule et Basse-Navarre c'est aborder l'oeuvre de l'incontournable Jean de Lissarrague.

2 Ce Basque de Briscous traduisit en basque le Nouveau Testament dans les ouvrages intitulés « Jesus Christ gure Jaunaren TESTAMENTU BERRIA, Othoitza eccksiasticoen forma, Catechima, KALENDRERA, ABC edo Christinoen instructionea », qu'il fit imprimer à la Rochelle en 1571 chez Hautin. Qu'en est-il de la genèse de l'œuvre ? Dans ces moments troubles où le Vatican et l'Europe politique se disputaient, où les divisions doctrinales entraînaient des schismes au sein de l'église Catholique, comment dans ces tempêtes Jean de Lissarrague accepta-t-il ce projet de traduction qui demanda plusieurs années de travail ! Dans quelles conditions a-t-il travaillé ?

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3 Nombreux sont les travaux sur Jean de Lissarrague ; le dernier travail en date est dans ce domaine une thèse en basque sur l'utilisation du verbe : Joanes Leizarragaren Aditza, Zulaika, 1998. A ma connaissance jusqu'ici personne ne s'est intéressé aux conditions d'élaboration du Nouveau testament lui-même.

II. Méthode de recherche

4 Sur le conseil de Manex Goyhenetche, je me rendis aux Archives Départe-mentales de Pau (ADP). Après de nombreuses visites sans grand résultat, un membre du personnel des ADP me proposa des cahiers sur les synodes du Béarn à partir de la deuxième moitié du 16e siècle, jusqu'au début du 17 e siècle, (1563-1623). Il s'agissait des cahiers du Chanoine Laborde (1878-1963). En réalité ces manuscrits, que nous désignerons par document A, sont une copie d'un manuscrit de la Bibliothèque de la Société de l'Histoire du Protestantisme Français, BSHPF, que nous appellerons document B. Je me suis rendue à cette bibliothèque pour consulter le manuscrit des synodes du Béarn et comparer les deux documents. Après une analyse et une comparaison des deux manuscrits il en ressort quelques réflexions et apports inédits, dont voici une synthèse.

III. Rôle des Basques dans le protestantisme en Navarre-Béarn : la place de la langue basque dans l'Europe du 16e et 17e siècles

5 L'étude attentive des comptes rendus des synodes du Béarn de 1563 à 1623 étoffe et complète la connaissance que l'on avait sur cette période passionnante, modifiant du même coup le regard porté sur des événements, des faits ou des personnes. La présente étude remet en cause quelques idées reçues, sur J. de Lissarrague, comme le temps mis pour exécuter la traduction du Testamentu Berria, du catéchisme et des prières, la correction faite uniquement par les pasteurs basques protestants, le financement de la traduction et de l'impression du Testamentu Berria avec les autres livres par la reine Jeanne d'Albret. Lorsque J. de Lissarrague, dans la dédicace faite à la reine Jeanne d'Albret, parle de prison, était-ce une prison réelle ou un symbole ? D'après les synodes de Navarre-Béarn pouvons-nous réellement situer la date de sa mort ? Que cache le mot « église » ? Les Basques ont-ils réellement leur place au synode de Navarre-Béarn ? Au niveau de l'Europe du 16e et 17e siècle, quelle place tient la langue basque ?

6 Revenons sur le temps que mit J. de Lissarrague pour traduire le Nouveau Testament et les autres livres, et les conditions de la dite impression. Peut-on imaginer que J. de Lissarrague ait eu le temps d'achever tout le travail demandé par la reine en un an ou deux comme il a été dit ? Il semble difficile de l'admettre. Ainsi au premier synode qui se tient en mars 1563, il est appelé par la reine à se rendre en Basse-Navarre afin de traduire le Nouveau Testament et divers livres calvinistes. Deux ans plus tard, le synode de 1565 demande à quatre pasteurs basques de corriger le travail effectué par J. de Lissarrague. Comment aurait-t-il pu effectuer cette immense tâche en seulement deux ans ? On peut penser qu'il a déjà dû commencer spontanément ce travail de traduction après s'être converti à la nouvelle religion, à l'instar de Luther et de tant d'autres érudits qui éprouvèrent le besoin de traduire la Bible ou le Nouveau Testament dans les langues vernaculaires. Afin d'obtenir un excellent travail de traduction, le synode

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d'Oloron du 1er mai 1565 demande à quatre pasteurs basques du colloque de Sauveterre de corriger la translation effectuée par J. de Lissarrague.

7 En ce qui concerne la correction, l'examen approfondi des synodes reflète la difficulté rencontrée par les cinq pasteurs basques1 pour se mettre d'accord sur la version commune de ladite traduction. Effectivement la traduction doit prendre en compte les trois dialectes du Labourd, de la Basse-Navarre et de la Soule. Il est nécessaire de rester fidèle aux textes originaux, tout en visant une traduction unique satisfaisante pour les trois provinces. L'examen des textes nous apprend que les pasteurs, malgré leurs efforts, échouent dans ce projet d'unification. C'est ainsi que le synode de 1565 décide alors de remettre ce travail de correction et d'unification à d'autres traducteurs, peut- être des laïcs, afin d'aboutir enfin à un consensus. On peut regretter cependant qu'au travers des synodes, on ne puisse, hors des Basques ministres du culte, identifier ceux qui ont participé à la traduction. En revanche, on y découvre que ce travail, initialement aux mains des « spécialistes » de la Bible, va devenir une œuvre collective, achevée tant par des exégètes que par des séculiers linguistes. A esté ordonné que les quatres ministres basques verronr & corrigeronr Le nouveau Testament que ledit Lissarrague a tourné en bas que & dautanr qu'il leur faudra ce faisanr demurer longuemenr hors leurs familles, Monsieur de Bonnefonr a promis les faire payer de leur despence, duranr le temps qu ‘estans absens de leurs maisons ilz vaqueronrt audit labeur davantage leur a esté accordé qu'ilz seronr excusez de prescher en leurs Eglises durant ledit temps excepté le dimanche ». Oloron le 1er mai 1565

8 (Les fragments cités dans cet article sont extraits du document B). « M : De La Rive & les deputez pour voir la traduction du Nouveau Testament faite par M de Lissarrague ont fait bon rapport de ladite traduction estans en different de quelques dialecte ont esté remis a gens qui entendent le language telz qui leur semblera bon d'eslire pour les mettre hors de d!fferent au reste ont esté priés de faire diligenter de voir la traduction du Nouveau testament aux mesmes conditions que dessus et le magisfrat prie de subvenir aux frais ce qu'il a promis ». Sauveterre le 5 septembre 1565

9 Un dernier point intéressant et inédit ressort de l'examen des textes des synodes. Nombreux sont ceux qui, encore aujourd'hui, pensent que la reine Jeanne d'Albret a financé tout le travail de traduction et de correction. Or, le synode de 1573 révèle que c'est J. de Lissarrague qui avance les frais d'impression chez l'imprimeur en 1571.

10 Malgré les engagements du synode à le rembourser, en 1573 le conseil ecclésiastique n'a toujours pas dédommagé J. de Lissarrague des 50 écus et des autres frais qu'il lui doit. Pourtant, dans la dédicace à Jeanne d'Albret qui figure dans le Testamentu Berria, J. de Lissarrague montre sa reconnaissance pour l'aide financière « promise ». « Le Conseil ecclesiastique baillera a M' Lissarrague cinquante escuz sol, pour les fraiz qu 'il a fait a la poursuite de l'impression du Nouveau testament basque, laquelle somme avec les autres qui seront & auront esté fournies par ledit Conseil pour les affaires des Eglises de la Basse Navarre ». Pau, le 13 octobre 1573

11 Autre point énigmatique : celui où il parle de la prison (dédicace du Testamentu Berrian à la reine Jeanne d'Albret). Son zèle religieux l'a-t-il conduit en prison ? Jusqu'à présent, nul n'a su ni où ni quand ni combien de temps J. de Lissarrague est resté en prison. Pourquoi s'agirait-t-il d'une prison concrète, car on peut penser que l'auteur utilise là une expression métaphorique ? En effet, la mention de la prison vient juste après l'évocation de la profonde perplexité dans laquelle il se trouve. En ces temps troublés

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de guerres, de conflits et de tensions, il est en effet entouré d'incompréhension et sans cesse forcé de se justifier, parce que converti à l'Eglise Evangélique, auprès de ceux qui l'entourent ( sans doute des catholiques). 11 ne reçoit en retour que mépris et raillerie. Isolé au milieu de gens qui ne partagent pas ses idées, il ressent le tourment de l'homme seul, rejeté et incompris. Cette prison pourrait symboliser toute la souffrance de son âme. L'appel de la reine pour aller servir en Béarn lui rend ainsi la liberté.

12 Autre point. Durant le synode qui se tient à Pau à partir du 17 juillet 1601, on peut remarquer que les ministres basques sont présents en petit nombre. On peut lire que « l'Ancien de l'Eglise de Labastide » est absent, ce qui désigne certainement J. de Lissarrague. Mais le terme « Ancien » ne désigne pas nécessairement un pasteur ou un ministre du culte âgé. ce qui pourrait être d'ailleurs le cas de J. de Lissarrague. Il faut préciser que dans les Eglises évangéliques le responsable du culte est un pasteur ou ministre du culte. Il est aidé dans sa tâche d'enseignement, de prédication, d'exhortation, d'organisation, par des « Anciens » (encore de nos jours). Cet « Ancien », est-ce J. de Lissarrague ou bien s'agit-il d'une autre personne que l'on nomme « Ancien » ? Les synodes ne le disent pas, ce qui nous empêche d'affirmer, comme c'était le cas jusqu'ici, son décés en 1601. Néanmoins, les synodes du Béarn ne signalent ni changement, ni mutation au village de Labastide, hormis celui du responsable de l'assemblée, Bustanoby. Ce mot « Ancien » signifie sage, sensé, raisonnable, modèle pour les croyants. Ces définitions sont basées sur la description d'un conducteur spirituel selon Dieu. Lissarrague utilise d'ailleurs en basque l'emprunt anciano pour traduire ce terme (voir son index).

13 Le manque de pasteurs oblige le pasteur Bustanoby nommé à Saint-Palais à se rendre également à Labastide. Mais sur place reste l'Ancien. On parlera longtemps de l'Ancien de Labastide et des autres villages. C'est sans doute à cause de la méconnaissance de l'existence et de la fonction d'Ancien que l'on mentionne encore le terme « Antique » lorsqu'on parle de J. de Lissarrague. S'agit-il d'un autre Ancien ?

14 De même en parlant de La Bastide s'agit-il uniquement de La Bastide de Clairence ou bien d'une autre commune qui porte le nom de La Bastide de Villefranque ? L'examen des synodes de Navarre-Béarn met aussi en valeur l'existence des consistoires appelés en Navarre Béarn « colloques » dans la souveraineté de Béarn de la reine Jeanne d'Albret ainsi que dans son royaume. Cependant, il est intéressant de souligner que les Basques ont eu leur propre colloque. En effet sous l'impulsion de la reine très attachée à son royaume de Navarre, ce synode vote pour qu'un colloque se tienne désormais en Basse-Navarre, alors que jusqu'alors les Basques étaient rattachés à celui de Sauveterre. Les Basques deviennent donc indépendants de Sauveterre. Le surveillant du colloque des Basques en sera La Rive. La lecture des Actes des synodes nous apprend également que les Basques sont réticents à venir écouter les calvinistes et à se joindre à eux, c'est pourquoi le synode demande aux Bas-navarrais de faire un effort pour venir écouter les prédications.

15 Les synodes du Béarn du 16e siècle nous parlent également d'un monde où la langue basque était parlée, mais aussi écrite et lue. Nous pouvons donc imaginer le contexte culturel qui a présidé à la genèse du Testamentu Berria de 1571 ainsi que peut-être à l'impression de Linguae Vasconum Primitiae de Detchepare en 1545. Au début du 17 e siècle lors du synode tenu le 4 août 1615, toujours à Pau, nous apprenons par exemple que le pasteur Bustanoby est prié de faire imprimer au plus vite des traités en basque. Ces traités en basque démontrent à l'évidence l'existence d'une langue basque bien

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vivante et qui pouvait aussi être lue par les Basques érudits, les commerçants, les navigateurs. Que sont devenus ces traités ? Nous ne le savons pas. Nous pouvons supposer que beaucoup ont été brûlés, retirés des lieux publics suite à des guerres de religion et au mouvement de la Contre-Réforme. Peu d'écrits réformés basques du 16e siècle sont arrivés jusqu'au 21e siècle.

IV. Conclusion

16 Si apparemment il ne reste plus beaucoup de marques de cette période si intense de la Réforme en Navarre, une œuvre cependant demeure : le Testamentu Berria de J. de Lissarrague. Elle nous rappelle que les Basques avaient leur place dans l'Europe du 16e siècle. Même s'ils n'avaient pas les équipements et les structures à leur disposition, (l'imprimerie ou les universités), ils n'hésitaient pas à aller au loin chercher les moyens qui leur manquaient. Par exemple Jean de Lissarrague, encouragé par ses pairs et la reine de Navarre, est allé à la Rochelle pour imprimer le travail chez le meilleur imprimeur de la ville. En ce qui concerne les lieux où les Basques ont pu étudier, le document A nous apprend que Tartas est allé étudier à l'Université protestante de Genève. Il en est peut être ainsi également pour La Rive, selon P. Urquizu.

17 Les synodes de Navarre-Béarn se terminent en 1623. Ils ne parlent pas de la Réforme en Labourd. Le 17e siècle avec l'inquisition, les galères, la Contre-Réforme, le jansénisme, est aussi une période riche en événements. Nous pourrions progresser dans la recherche et nous interroger pour savoir comment la Réforme a continué dans le royaume de Navarre et dans le Labourd. L'approfondissement des fragments des actes des synodes parlant des Basques pourrait nous révéler encore beaucoup d'informations sur cette période si riche en dénonciations et en guerres intestines.

NOTES

1. II s'agit de La Rive appelé encore « le petit Basque » originaire de St Jean de Luz , Landecheverry souletin de Charre, Tartas souletin également et Tardetz dont on ignore l'origine, mais qui semble être bas-navarrais d'après les postes qui lui ont été proposés. Le synode de Navarre-Béarn proposait en effet aux pasteurs, de préférence, des postes dans leur province d'origine.

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INDEX

Thèmes : histoire, philologie Index chronologique : 16e siècle, 17e siècle Mots-clés : Lissarrague Jean de, manuscrit, protestantisme, synode de Navarre-Béarn

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Comptes rendus -- Liburu ikertzeak

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Pierre Bidart, La singularité basque, PUF, 2001

Manex Goyhenetche

1 C'est avec un très grand intérêt que j'ai lu le dernier ouvrage de Pierre Bidart ayant pour titre La singularité basque. Professeur des universités, enseignant au département d'anthropologie de Bordeaux II, ancien membre de la Casa Velazquez, P. Bidart (désormais P.B.), connu aussi pour ses nombreuses publications, a atteint une grande réputation.

2 Le dernier travail qu'il vient de faire paraître est d'envergure, dans une perspective anthropologique qui se veut globale et totale. Il embrasse l'ensemble des territoires du Pays Basque de la Biscaye à la Soule, situant l'analyse dans un temps long qui s'étend de l'époque médiévale (avec le Guide du Pélerin) jusqu'à nos jours y compris le temps immédiat du rock. C'est dire combien un tel ouvrage mérite lecture attentive, examen et notes critiques, exercice auquel je me suis volontiers livré, ma contribution se situant essentiellement dans le domaine de l'histoire.

3 En introduction, l'auteur commence par fixer le cadre de sa recherche qui a pour objet d'étudier « la production discursive » sur les Basques ou concernant le domaine basque. Il aborde d'emblée la question des conditions d'élaboration d'un tel discours qui constitue l'axe central de son travail.

4 Ensuite, P. B. passe rapidement en revue, en une sorte de synthèse introductive, les discours élaborés par des auteurs aussi divers que Frédéric Le Play (XIXe s.), G. Humboldt (XIXe s.) ou Aimeric Picaud (auteur du Codex ou Guide du Pélerin rédigé au XIIe s.). Tout cela sera explicité et développé dans le corps de l'ouvrage. Mais déjà une question se pose : pourquoi une étude approfondie de seulement ces auteurs (Frédéric Le Play ou Humboldt par exemple), tout en laissant de côté ou survolant très superficiellement les producteurs du XVIIIe siècle comme Rousseau, Voltaire et les Encyclopédistes qui ont aussi écrit abondamment sur les Basques ? On aurait aimé savoir en quoi a consisté l'apport du siècle des Lumières à l'élaboration du discours (car ils en ont un) et quelle en était la singularité. Voilà un passionnant sujet d'étude qui concerne les décennies précédant la Révolution française.

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5 P. B. évoque le chêne de Gernika considéré comme une « formule métaphorique », « au sein du récit fondateur de la » nation « basque ». En fait, l'auteur ne développera pas dans le corps de l'ouvrage cet aspect important, se contentant, à notre avis, d'utiliser un lieu commun, sans renouveler son approche et son contenu. Car si on veut insérer le Chêne de Gernika dans la production discursive (pourquoi pas ?), encore faut-il traiter la question sous tous ses aspects. Tout d'abord, il faut commencer par se demander ce qu'a été le Chêne de Gernika avant le XIXe siècle. L'interrogation nous renvoie au for de Biscaye de 1453 (Fuero Viejo), dont les articles 13 à 20, 50, 36 et 52, 61, 63 assurent, de manière bien plus explicite que l'Habeas Corpus, la sauvegarde des libertés individuelles « sos el arbol de Guernica ». Nous avons là tout une production discursive élaborée dès la fin du Moyen Age par la noblesse et la bourgeoisie biscayennes (à l'instar d'ailleurs d'autres sociétés maritimes, comme la République de Venise et les Provinces-Unies).

6 On peut encore pousser la réflexion plus en profondeur. Iparraguirre a créé Gernikako Arbola en 1853, cinq ans après la Révolution de 1848, la même année où G. Sorrieu composa son célèbre tableau sur le rêve de la République universelle qui anima les peuples de l'Europe au milieu du XIXe siècle, dans le sillage de l'héritage de la Révolution française. Rappelons qu'Iparraguirre fut emprisonné à Paris pour avoir chanté La Marseillaise. Cela mérite réflexion et analyse. De G. Sorrieu à Iparraguirre, nous trouvons la même philosophie de la liberté.

7 Toujours à la p. 14, P. B. évoque « la très grande récurrence Eskualdun fededun (...) comme norme idéologique évidente pour tout Basque ». Certes, à lire la littérature de l'Eglise catholique du dernier tiers du XIXe siècle, le « vrai » Basque est identifié au Basque croyant, selon un archétype qui traverse bien des pensées et des religions de par le monde. Ce n'est pas propre à la « production discursive » basque, d'autant que ce n'est qu'un aspect de la question. Car pendant cette même période du XIXe siècle il y a eu l'autre littérature, celle des « rouges » (pour reprendre une expression classique de la littérature basque), héritiers de la Révolution française, bascophiles regroupés autour du Réveil basque. Et ceci ne fait qu'illustrer les faiblesses épistémologiques de l'ouvrage. Car comment peut-on étudier la « production discursive » « Eskualdun Fededun » (en citant par exemple six fois l'hebdomadaire Eskualduna qui véhicula le concept, et ne faire aucune mention du Réveil basque organe de la « production discursive » des républicains bascophiles ?

8 Et si on quitte le dernier tiers du XIXe siècle (qu'il faut d'ailleurs situer dans son contexte historique), pour faire un retour sur le XVIIIe siècle (celui de « l'Etat-nation Ilustrado ») (p. 15), la documentation existante met bien en évidence l'impact du mouvement encyclopédiste en Pays Basque, qu'il s'agisse des frères Garat, d'Ustaritz à Bordeaux, à Versailles et à Paris, ou des activités de la Real Sociedad Bascongada de Los Amigos del Pais (complètement passée sous silence dans le travail de P.B.) dont le rôle fut déterminant dans l'évolution politique, culturelle, sociale et économique du Pays Basque. Il y a une production discursive de la Real Sociedad Bascongada du XVIIIe siècle, d'inspiration moderne, basque et universaliste, dont une partie demanda en 1794 la formation d'une « République indépendante comme avant 1200 » et son rattachement à la France. Les événements de la guerre de Convention suscitèrent au moins trois sortes de « production discursive » (Moncey, Tallien, Cavaignac).

9 De plus, les pages 16 et 17 contiennent un raccourci très schématique (trop schématique) dans la mesure où l'auteur prétend que « la pensée religieuse et cléricale du XIXe siècle » (en opposition et en confrontation avec la Révolution française), « la

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littérature religieuse et cléricale du XIXe siècle au XXe siècle » sont à la source de la « vision que le discours nationaliste basque reprendra dans la seconde moitié de ce siècle entièrement à son compte ». Pour peu qu'on veuille se livrer à un véritable examen du matériau documentaire, on est obligé de reconnaître que le nationalisme basque, dans la seconde moitié du XXe siècle, s'est abreuvé à des sources autres que celle de l'Eglise catholique ; mentionnons rapidement les luttes de décolonisation, les guerres de libération nationale (Algérie, Viet Nam), les combats anti-impérialistes, les modèles de développement économique inspirés du coopérativisme (influence du modèle yougoslave par exemple), sans oublier les différents apports marxistes d'expression bascophone. De tout cela, aucune mention n'est faite dans le travail de P.B. ; c'est dommage, dans la mesure où il prétend embrasser aussi le XXe siècle.

10 La première partie de l'ouvrage est consacrée à la « graphie des singularités basques » (p. 19-68). P.B. commence par examiner « le discours négatif sur les Basques (p. 20) qu'il fait remonter au Codex, déjà cité. Mais « la légende noire des Basques » commence avec les auteurs romains (Salluste, Valère-Maxime, Juvénal) ; elle continue avec les auteurs chrétiens de l'Antiquité tardive et du haut Moyen Age (Ausone, Paulin), les chroniqueurs francs comme Grégoire de Tours ou Eginhard. Dans cette perspective, « la singularísation négative des Basques » ne date pas du XVIIIe siècle.

11 Dans ce survol historique, Oihenart est à peine évoqué. Or, il y avait là un intéressant développement à faire, car c'est bien Oihenart qui a détruit la production discursive mythique héritée du Moyen Age et que reprit Larramendi au XVIIIe siècle (celui-ci est amplement étudié et à juste titre). Et Oihenart, à son tour, a élaboré une production discursive spécifique, insérant déjà les traits de caractère ethnologique ou linguistique du Pays Basque, dans le sillage de l'héritage de la Renaissance et de l'Humanisme.

12 En ce qui concerne « la singularité positive », P.B. reprend les thèses désormais classiques sur Larramendi, Moguel, Herder, Humboldt, tout cela débouchant à la fin du XIXe siècle, d'après l'auteur, sur la pensée et l'œuvre de Sabino Arana « pour justifier un projet politique d'épuration ethnique ». Soit, mais on peut dire la même chose de toute l'Europe au XIXe siècle et notamment de la France ; n'oublions pas la littérature d'expression française et sur les Français, de Gobineau à H. Chavée, théoriciens du racisme français à la même époque. Dans ce contexte, qu'a de spécial la production discursive basque ? Rien. Elle partage les modes de pensée en vogue à l'époque.

13 P.B. établit ensuite un parallèle (une « homologie structurelle ») (p. 29-39) entre la devise « Eskualdun fededun » (XIXe siècle) et « Eskuaraz Bizi » (XXe siècle). Cela aussi constitue un raccourci trop schématique. Où est la « singularité basque » lorsque dans toutes les églises de France et de Navarre on chantait « Catholiques et Français toujours » ? P. B. ne nous donne aucun matériau documentaire, passe sous silence des questions d'ordre méthodologique. Autour de quel projet par exemple est née la devise « Euskaraz Bizi » ? Quel est son contenu réel ? Surtout, la critique d' « Euskaraz Bizi », en dehors de l'énoncé critique, n'aborde aucune analyse.

14 Prolonger la « modélisation ethnico-religieuse » jusqu'à la naissance en 1969 du mouvement Fededunak laisse perplexe en ce qui concerne la méthodologie et le traitement documentaire. L'approche des questions touchant les pratiques et les comportements religieux ne dispense pas des règles méthodologiques de sociologie et d'anthropologie, de la nécessité de situer toute prémisse dans le contexte historique qui lui est dû. Or, en ce qui concerne le mouvement Fededunak, parler de « modélisation ethnico-religieuse » constitue sans doute une formule ramassée, frappante, consacrée

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par le vocabulaire médiatique en vogue, mais ne répond guère aux critères d'épistémologie que l'anthropologue aussi se doit de respecter. Où est le matériau documentaire ? où est l'historique de l'Eglise catholique en Pays Basque ? où sont étudiées les conditions et le contexte d'élaboration qui contribuèrent à la naissance de Fededunak ? Pour répondre à ces questions, au moins trois pistes d'exploration s'offrent au chercheur : 1. D'une manière générale, l'histoire de l'Eglise elle-même en Pays Basque, 2. L'évolution de la liturgie au moins depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, 3. Les modalités de passage d'une liturgie et d'une catéchèse d'expression basque vers une pratique quasi exclusive du français dans certaines paroisses (rôle du clergé ? rôle des laïcs ? pression des nouveau-arrivés ?).

15 P. B. se livre ensuite à l'examen des « activités mythologiques et scientifiques » (p. 39-40). Trois personnages sont mis en parallèle : A. Chaho, J.M. Barandiaran, J. Mirande. Voilà un procédé bien simplificateur. Pourquoi et au nom de quelle prémisse avoir choisi ces seuls trois auteurs qui couvrent une période de 150 ans ? Pendant cette période longue, la « production discursive » s'est-elle cristallisée uniquement autour de ces trois auteurs ? Sans doute servent-ils la démonstration que veut établir P. B ? Mais pour la même période, en ce qui concerne, par exemple le seul champ littéraire dont J. Mirande n'a en rien l'exclusivité et le monopole, l'auteur aurait pu analyser, entr'autres, la production discursive de Gabriel Aresti, le poète « rouge » de Bilbao, totalement passé sous silence par P. B., celle de Koldo Mitxelena, militant anti- franquiste devenu spécialiste de la linguistique grâce à ses études durant son séjour dans les geôles franquistes, ou celle de Pierre Laffite dont la présentation n'est plus à faire. Nous aurions eu là, -et nous avons-, trois autres aspects de la « production discursive » sur la « basquité ». Peut-on faire le survol de cette période sans même mentionner la « production discursive » de Julio Urquijo, fondateur de la Revue Internationale des Etudes Basques, d'Eskualtzaleen Biltzarra, et qui joua un rôle de premier plan dans la renaissance de la culture et des études basques dans la première moitié du XXe siècle ?

16 Comment parler de cette même période en laissant dans le silence Lizardi (Jose Maria de Aguirre) ? Outre ses oeuvres de poésie, il fut membre fondateur de la célèbre société Euskaltzaleak, écrivit dans la presse locale de très nombreux articles sur l'école, le théâtre, l'enfance, prit part à toutes les luttes politiques et littéraires de son époque, et presque toujours en basque.

17 Comment ne pas évoquer la figure et l'œuvre de Jean Etchepare ? Fils d'émigrés en Argentine, grand lecteur de Haeckel et Nietzsche, installé comme médecin aux Aldudes, puis à Cambo, président d'Eskualtzaleen Biltzarra, il écrivit en basque régulièrement, entre 1902 et 1914, dans l'hebdomadaire Eskualduna de nombreux articles traitant de questions aussi diverses que les relations internationales, la vie politique, les problèmes financiers, la recherche scientifique. Il est l'auteur d'ouvrages majeurs comme Buruxkak et Beribilez.

18 P.B. prolonge son analyse en examinant « le glissement progressif de la basquité » « vers une formulation sensiblement politique », ce qu'il appelle d'ailleurs « l'avénement d'une basquité active », fruit, à son avis, de « la pensée cléricale » caractérisée par le refus de la République. Ici aussi, examinons le matériau documentaire dont nous disposons. La documentation existante nous renvoie-t-elle seulement à la pensée cléricale, même si celle-ci reste dominante et triomphante dans une période où elle l'est dans l'ensemble de la France, sinon de l'Europe (n'oublions pas

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le Congrès de Vienne) ? Que fait-on de la « basquité active » se situant en dehors de « la pensée cléricale » : A. Chaho (que pourtant l'auteur étudie), Lewy d'Abartiague (totalement passé sous silence), les acteurs labourdins, bas-navarrais et souletins de la Révolution française ? Où est l'analyse de la production discursive de Dominique Garat (totalement ignoré par l'auteur) ? Outre ses nombreuses interventions à l'Assemblée nationale constituante rapportées par Le Moniteur universel et le Journal des Assemblées Nationales, mentionnons l'important discours qu'il prononça en 1784 devant l'Académie de Bordeaux et dont la deuxième partie a pour titre « sur les Basques » (5). Nous avons là un document de premier choix.. Mentionnons aussi son intervention en 1795 en tant que Président de l'administration municipale du canton d'Ustaritz pour nommer un instituteur bascophone car, selon lui, « dans les communes basques, un instituteur doit savoir très bien le Basque et le français autrement les Ecoliers pourraient oublier le Basque, sans apprendre le français ».

19 Certes, P. B. mentionne par trois fois Joseph Garat. Mais en dehors d'une évocation générale, il n'y a aucune analyse de sa production discursive qui a été fort importante, ne seraient-ce que ses projets de « Nouvelle Phénicie » (passés sous silence). Joseph Garat a rédigé des articles sur le Pays Basque et sur la langue basque dans l'Encyclopédie. Toujours en ce qui concerne les « frères Garat » (p. 54), on pourrait analyser un autre excellent matériau documentaire constituant à lui seul une « production discursive » spécifique : le cahier de doléances du Biltzar de Labourd rédigé en basque et en français.

20 Dans le même ordre d'idées, puisque la Révolution française reste une référence importante dans tout ce travail sur La singularité basque, on ne peut pas se dispenser d'un minimum d'approche historique sur la décennie 1789-1799. Or, la documentation d'archives montre que les premiers événements de la Révolution française ont été accueillis avec enthousiasme par les habitants du Pays Basque. Mais une première grande désillusion fut provoquée par le refus de reconnaître un département des « trois provinces basques » qui était réclamé par tout le monde.

21 Bref, l'étude des différents aspects de la « production discursive » sur la « basquité » au siècle des Lumières reste à faire. Si P.B. ne le fait pas, c'est qu'il a fait dès le départ le choix d'un a priori idéologique et méthodologique : les Basques seraient ataviquement réactifs à l'impact de la modernité tout au long de leur histoire. Bref, la « Wishfull thinking » sert de soubassement à la méthodologie de P.B., dans la superposition continuelle de ses désirs et de la réalité.

22 La fin de la première partie est consacrée à « la singularité ambivalente » renvoyée par l'image du « Basque valeureux » et du « Basque rebelle » (p. 53 et suivantes). Pour illustrer la « vaillance » des Basques, est analysé un texte de 1885 sur l'émigration. Mais on ne peut pas réduire celle-ci uniquement à ce trait de caractère. Tout émigré, à travers le monde, n'est-il pas destiné à la vaillance pour survivre ? Pour ce qui concerne « le Basque rebelle » (p. 57), nous avons là un lieu commun de la littérature sociale et historique. Les situations d'insoumission et de désertion à la conscription ne sont en rien spécifiques au Pays Basque. C'est un phénomène qui a affecté les populations des régions frontalières comme l'a montré J.F. Soulet. On est étonné d'ailleurs que cette thèse ne soit pas convoquée. On y trouve pourtant des données historiques et anthropologiques essentielles pour la compréhension du comportement des populations pyrénéennes et de la production discursive dont elles ont été l'objet.

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23 Du « Basque rebelle », il est tentant de passer à la question de « l'intégration » des Basques à l'Etat (p. 63), en posant une prémisse, théorique, dont la véracité historique reste à démontrer : « comment domestiquer ce qui dans la basquité se dérobe aux exigences conjointes de la République et de la modernité ? ». Il suffit de parcourir les nombreux documents conservés dans les archives pour constater que les Basques de 1789 avaient su faire la synthèse de leur « basquité » et de la République. En fait, dès 1789, l'élite du Pays Basque, celle des notables, est « intégrée » à l'Etat monarchique puis républicain. La Révolution constitue même pour elle un ascenseur social. Et on pourrait très bien étudier (le matériau documentaire existe) la « production discursive » des élites du Pays Basque en 1789, au sein du Biltzar de Labourd comme des Etats de Navarre, ainsi que le processus d'intégration qui les caractérise, repérable dans le temps bien avant le XIXe siècle).

24 La deuxième partie de l'ouvrage est consacrée à « L'Aufklarung et la basquité » (p. 69-112). Pour résumer les propos de P.B., disons que dans le sillage de Herder, Humboldt et autres auteurs allemands, le Pays Basque est en quelque sorte une invention de l'Allemagne. Mais, avec ce même procédé, on pourrait dégager d'autres conclusions similaires parallèles. Le Pays Basque peut être aussi, dans ces conditions, considéré comme une invention de Victor Hugo et des voyageurs romantiques pour le XIXe siècle, des encyclopédistes et des philosophes des Lumières pour le XVIII e siècle, d'Oihenart et de sa Notitia Utriusquae Vasconiae pour le XVIIe siècle. Et pourquoi le Pays Basque n'est-il pas une invention de la pensée européenne du XVIe siècle, avec Shakespeare, Sébastien Moreau, Navagero, Cristobal Weiditz, Venturino, François de Belleforest, J.A. de Thou, Scaliger ?

25 Dans la troisième partie, P.B. revient sur A. Chaho, J.M. Barandiaran et Mirande dont il situe l'œuvre et l'influence dans le temps « entre mythologisme et positivisme » (p. 113-140). Dans la forêt de la littérature basque, pourquoi cette insistance quasi exclusive sur un arbre, celui du poète souletin Jon Mirande ? Parce qu'il s'agit d'une représentant de « l'idéologie nationaliste fascisante » (p. 34, 39) ? Par ailleurs, prétendre que Jon Mirande est « à l'origine du renouvellement de la poésie basque contemporaine » (p. 133-139) est une affirmation très contestable. Pourquoi ne pas citer Gabriel Aresti le poète de la ville et du prolétariat qu'exécrait Jon Mirande ? Si on veut un panorama de la « production discursive » d'origine littéraire au XXe siècle, l'honnêteté intellectuelle et la rigueur épistémologique imposent pour le moins de mettre en parallèle les apports divers et contrastés de Jon Mirande et Gabriel Aresti, ou ceux de Lauaxeta (fusillé par les franquistes), Ricardo Arregi qui, malgré sa courte vie (1942-1969), est à l'origine d'une oeuvre pleine de promesses constituant aussi une « production discursive » renouvelée et moderne sur la « basquité ».

26 La phrase par laquelle P.B. conclut cette troisième partie laisse perplexe : « Ce faisant, la basquité a été entraînée pour la première fois au centre d'une constellation conceptuelle et idéologique (...) au profit d'une pensée nauséabonde mais au destin heureusement sans éclat » (p. 141).

27 Certes Jon Mirande était un fasciste (tout le monde en convient), alors que pendant le même temps la Soule avait un maquis qui a constitué récemment le sujet d'une Pastorale souletine rédigée par Jean-Louis Davant. Mais Jon Mirande n'a eu aucun impact politique en Pays Basque. L'a-t-il même cherché ? A quoi donc P. B. veut-il faire allusion ? A Eugène Goyeneche et la polémique dont il a fait l'objet il y a quelques années ? Et que fait-il des Eskualtzale qui ont contribué activement- et au prix de leur

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sang parfois-, à la Résistance ? Que fait-il du groupe de Jacques Légasse (celui-ci est mort au combat à Monte Cassino). P. B. ignore l'histoire de Jacques Légasse, du commandant Ordoki, des maquis et des groupes de combat d'Eusko Jaurlaritza (le général de Gaulle la connaissait), il ignore aussi le travail de Jean-Claude Larronde sur « le mouvement euskalerriste ».

28 La quatrième partie sur « les nouveaux savoirs et la basquité » (p. 142-226) met l'accent sur la « production discursive » en matière d'anthropologie physique, d'ethnographie, de linguistique. Là aussi, quelques remarques s'imposent. « Les essais de normalisation de l'alphabet basque » renvoient, selon l'auteur, à Chaho. Et pour les temps antérieurs, il faut au moins mentionner Joannes Leizarraga (XVIe siècle), Axular (XVIIe siècle). En ce qui concerne « l'envers racial négatif de la basquité » (p. 154), P. B. se contente d'un simple recensement des publications sur le « thème racial » mais sans aucune mise en perspective historique désormais possible avec les travaux de chercheurs comme B. Cursente et Véronique Beriac.

29 P.B. souligne qu'au XIXe siècle « la basquité se construit à la faveur decf l'objectivation d'une somme de différences de même qu'elle s'incarne dans une carte » (p. 159). Mais le phénomène existe dans toute la France au XIXe siècle. C'est le thème de l'anthropologie physique, du colonialisme fondé sur la supériorité des populations blanches de l'Europe. De ce point de vue, il n'y a pas davantage de singularité basque que de singularité française. Ou, dans un autre sens, il y a une « invention » du Pays Basque tout comme il y a une « invention de la France » pour reprendre le titre d'un ouvrage d'anthropologie (15). Reprenons la « production discursive » de l'histoire de France ; elle est aussi fondée sur le mythe de la « nation française » et de la « Grande nation », avant et après 1789, relayé par le chauvinisme des sans-culottes, l'idéologie colonisatrice de la IIIe République et de ses appareils d'Etat sur lesquels P.B. a d'ailleurs écrit jadis.

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Index chronologique : 20e siècle Index géographique : Pays basque Thèmes : anthropologie Mots-clés : Bidart Pierre, critique littéraire, nationalisme, ethnologie, identité

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Caro Baroja, Julio : Le mythe du caractère national : méditations à rebrousse-poil, traduit par Jean-Paul Cortoda[?], [titre original : El mito del carácter nacional. Meditaciones a contrapelo, 1970], Ed. Dufourg- Tandrup, Presses Universitaires de Bordeaux, 2001, 104 p.

Charles Videgain

1 Julio Caro Baroja n'est pas assez connu en français : on connaît surtout deux ouvrages fondamentaux comme Les sorcières et leur monde et Le Carnaval. Il faut donc saluer l'initiative qui voit publier un ouvrage dont le titre même est révélateur et dont tout l'intérêt est souligné dans l'introduction sous la plume de Bernard Traimond, du département d'anthropologie de l'Université Victor Segalen Bordeaux 2. Je formulerai cependant une remarque sur le caractère de nouveauté prêté à cette édition : en effet il n'est pas exact de dire que les deux ouvrages cités ci-dessus sont les seuls ouvrages de J. Caro Baroja publiés en français. Ce même Mythe du caractère national a bel et bien déjà été publié en 1975 à Lyon aux éditions Féderop, collection minorités nationales, dans la même traduction du même traducteur (appelé Cortada en 1975, Cortoda en 2001). La qualité de présentation de l'édition de 2001 est parfois défaillante. L'introduction (elle est inédite quant à elle) souffre de quelques défauts de forme ; on trouvera par exemple une phrase identique à quelque chose près p. 8 en fin du deuxième paragraphe et p. 9 en fin du troisième paragraphe, et la cohérence du texte dans ces pages-là n'est pas assurée. La traduction elle-même méritait d'être rafraîchie -certes l'écriture de Caro Baroja n'est pas des plus linéaires- et surtout elle aurait dû être mieux corrigée qu'en

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1975 : voir par exemple le passage suivant p. 26 : « je considère que parler du caractère national.... quelle que façon que ce soit » ! Par-delà ces imperfections, reste que la méthode de travail de « don Caro », peu soucieux de grandes fresques sur des données de deuxième main mais se basant sur une érudition dense, est bien décrite. Reste aussi l'avertissement de J. Caro Baroja : « En somme, cette histoire de caractère national est un mythe menaçant et dangereux, comme le furent beaucoup de ceux de l'Antiquité païenne. Mais peut-être n'a-il pas leur grandeur et leur profondeur. C'est un mythe pour faire beaucoup et mal parler les gens de leur clocher, et Hume avait raison de dire que la masse le porte a des formulations extrêmes, et l'on entend par masse aujourd'hui bien des gens qui ne croient pas y appartenir ». Il faut lire don Caro.

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Thèmes : littérature Index chronologique : 20e siècle Mots-clés : Caro Baroja Julio (1914-1995), critique littéraire

AUTEUR

CHARLES VIDEGAIN

UPPA & IKER 5478 CNRS [email protected]

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Descamps, Florence : L'historien, l'archiviste et le magnétophone. De la constitution de la source orale à son exploitation, Préface de François Monnier, Avant-propos de Dominique Schnapper, Comité pour l'histoire économique et financière, Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, Paris, 864 p., 2001. ISBN 2-11-091051-8

Charles Videgain

1 Malgré son titre et les institutions qui ont aidé à sa parution, je ne saurais trop inviter le dialectologue ou tout chercheur soucieux de recueillir de la matière orale à consulter cet ouvrage dont la richesse ne peut être exprimée en quelques lignes. J'ai eu l'occasion d'en tirer parti dans une intervention effectuée lors de journées organisées par J. Salaberria, I. Gaminde et al. au sein de l'UMR 5478 CNRS, avec le soutien d'Euskal- Ikaskuntza, à la Faculté de Bayonne en décembre 2001.

2 F. Descamps est pénétrée de son sujet tout en gardant la distance nécessaire et surtout – on n'insiste pas assez sur ce point- en ayant présentes à l'esprit toutes les phases d'un projet de collecte orale ainsi que sa faisabilité. Je n'ai pas lu son ouvrage dans la perspective d'un historien ni pour me situer dans la polémique entre tenants de l'histoire écrite ou de l'histoire orale. J'ai pensé à l'extraordinaire aide qu'apporte cet ouvrage pour quiconque – individu ou personne morale- veut lancer un chantier à

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partir d'enregistrements oraux auprès de locuteurs-témoins-informateurs considérés comme des ressources pour mieux connaître tel ou tel aspect relativement peu ancien de notre société, mais qui peut être en voie de disparition ou d'évolution accélérée, et ce en complément de l'écrit ou en son absence. Dans le désordre, je crois à la nécessité d'enquêtes sur le patrimoine immatériel comme les lexiques traditionnels (bouchers, marins, médecine populaire, pasteurs, charpentiers, etc.), sur les diverses organisations au sens large (partis, syndicats, groupes de pression et mouvements de contre-pouvoir), plus précisément sur la sociolinguistique à partir d'histoires de vie (auprès de ruraux bascophones venus en côte basque, de réfugiés, d'exilés : l'école de Chicago s'est beaucoup intéressée, pour des raisons diverses, à des gens ne faisant pas partie de l'élite) avec peut-être un accent à porter auprès des personnes âgées sur des thèmes comme l'école, la mécanisation, l'enfance, la frontière, la propriété, la guerre etc.

3 L'ouvrage commence par une partie historique rappelant les débuts de la source orale, en particulier autour de l'école de Chicago et la méthode des ‘histoires de vie’. La résurgence de la source orale en France est ensuite tracée avec d'une part les efforts des folkloristes et les difficultés en histoire à lui accorder toute sa place, place qui ne s'est affirmée que récemment. Le concept d'archive orale permet un basculement qui s'est produit il y a une trentaine d'années au sein d'institutions pourtant bien pourvues en sources écrites (Sécurité Sociale, Marine, Quai d'Orsay etc.). La deuxième partie, très informée, fait le point sur l'ingénierie des archives orales sans se limiter au seul aspect technique de la question. Ces pages me paraissent essentielles. Plus précisément, les pages sur la préparation et conduite de l'entretien sont décisives ainsi que sur la nécessité de constituer un corpus utilisable pour la suite et susceptible de multi- lectures. Les préoccupations déontologiques ne sont pas mises en marge. La troisième partie intéressera davantage l'historien proprement dit sur l'exploitation historique des archives ainsi créées : l'auteur ne nie pas les limites de telles sources et la nécessité de les soumettre à une critique exigeante. Enfin, la dernière partie aborde les développements possibles de la source orale en histoire : ce qui est dit des biographies ‘incarnées et situées’ est très suggestif ainsi que sur l'étude des organisations. Enfin, l'auteur propose une valorisation des archives orales par diverses actions de vulgarisation destinées si nécessaire au grand public. Signalons à titre d'exemple que les enregistrements réalisés pour le Comité pour l'Histoire Economique et Financière de la France forment un corpus de 2700 heures, ce qui est énorme (que l'on songe que l'Atlas linguistique du Pays Basque, chantier de l'Académie de la langue basque, qui a mis en application un questionnaire de 3000 questions sur 145 communes n'a réuni que 4000 heures de phonogrammes sur la matière orale basque).

4 Nous conseillons vivement cette lecture à tout étudiant qui veut aller sur le terrain : les heures consacrées à prendre des notes sur cet ouvrage massif lui permettront d'éviter bien des erreurs pour une quête plus efficace et une bonne exploitation des gisements mis à jour avec les personnes qu'il aura interviewées.

Lapurdum, 7 | 2002 358

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Thèmes : littérature Index chronologique : 20e siècle Mots-clés : corpus oraux, critique littéraire, Deschamps Florence

AUTEUR

CHARLES VIDEGAIN

UPPA & IKER 5478 CNRS [email protected]

Lapurdum, 7 | 2002 359

La géolinguistique en Amérique latine, Hors série n° 2 de Géolinguistique, Université Stendhal-Grenoble 3, Centre de Dialectologie, 276 p, 2001-2002. ISBN 2 95 16425-0-4

Charles Videgain

1 La revue Géolinguistique propose un nouveau numéro sur « La géolinguistique en Amérique latine » dont il faut saluer la parution à l'initiative d'une équipe dynamique et de son directeur Michel Contini. On ne peut que se réjouir en effet d'une réflexion sur les divers chantiers qui sont en cours loin des premiers travaux qui ont surtout été menés en Europe après la somme de Gilliéron et Edmont dans l'Atlas linguistique de la France. M. Contini a raison de rappeler que le premier atlas sud-américain débutait seulement en 1987, date tardive qui a rendu par exemple impossible l'intégration des données de la Romania nova dans l'Atlas linguistique Roman. M. Contini souligne que le fait d'arriver tard dans la recherche géolinguistique a permis de développer un aspect sociolinguistique que les atlas du vieux continent n'ont guère pris en considération en tant que tel. Loin de se contenter de l'axiome de la plupart de nos ‘vieux’ atlas qui considèrent qu'un seul témoin est représentatif du parler d'une commune, ces atlas interrogent souvent plus d'un témoin, par exemple un homme âgé et une femme âgée, une femme plus jeune et un homme plus jeune, la classe sociale pouvant être prise en compte ainsi que le fait chez le témoin de pratiquer ou non une langue autochtone. Certes la représentation cartographique issue d'une telle complexité n'est pas limitée à la seule dimension diatopique et je l'ai trouvée personnellement fort difficile. Nous donnons à la suite la liste des contributions dont l'une est consacrée au Québec. Maria Vaquera de Ramirez, « La géolinguistique hispanique aux Caraïbes » ; Claudio Wagner, « La géolinguistique au Chili » ; José Joaquin Montes Giraldo, « Regards sur les études dialectologiques en Colombie » ; Lourdes E, Montera Bernai, « Variation phono- dialectologique dans le parler rural de Cuba » ; Antonio Quilis et Celia Casado-Fresnillo :

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« Les travaux de l'Atlas lingüistico Nacional del Ecuador » ; Harald Thun, « L'atlas lingüistico Guarani-Romanico (ALGR) » ; Juan Lope Blanch (chercheur bien connu qui vient de disparaître à qui la revue est dédicacée ainsi qu'à Ofelia Kovacci, spécialiste du domaine argentin), « Atlas linguistique du Mexique » ; Rocio Caravedo, « L'espace dans une perspective socio-géographique. L'espagnol du Pérou » ; Harald Thun, « L'Atlas Linguistique Diatopique et Diastratique de l'Uruguay (ADDU) » ; Antonio Quilis, « Les travaux de l'Atlas lingüistico de Hispanoamérica » ; Suzana Alice Marcelino Cardoso : « La dialectologie au Brésil. Aperçu historique et bilan actuel » ; Claude Verreault ; « Variation géographique du français dans l'Est du Canada ».

2 L'article du regretté Lope Blanch intéresse tout dialectologue de terrain en montrant qu'il ne faut pas se contenter de la fameuse réponse de ‘premier jet’ chère à Gilliéron. Les exemples de Lope Blanch montrent que c'est souvent la deuxième réponse qui met sur la piste de la fragmentation dialectale. Ce numéro de Géolinguistique offre moins d'information sur les langues amérindiennes, pour la bonne raison que les travaux qui leur sont consacrés brillent par leur absence. Raison de plus de relever le travail pionnier de H. Thun qui applique la méthode (méthode très clairement expliquée dans son deuxième article dans ce numéro même) de son atlas diastratique et diatopique de l'Uruguay aux variétés du guarani avec toutes les difficultés d'une langue qui est à cheval sur les frontières d'états et connaît une diaspora dans la banlieue de Buenos Aires, le guarani parlé en Bolivie n'ayant pu entrer dans le programme pour des raisons financières : c'est le conseil allemand de recherches scientifiques qui soutient essentiellement le projet. On relèvera avec curiosité les différentes appellations populaires des variétés du guarani, empruntées au vocabulaire de la cuisine : jehea, nom d'une soupe dans laquelle les ingrédients sont identifiables ; jopara, une soupe dans laquelle les ingrédients sont fondus ; mbaipy qui est le nom de la polenta et enfin ensalada qui est bien sûr la ‘salade’. Le questionnaire utilisé est plus réduit que l'ADDU mais a sélectionné certains champs sémantiques attendus comme rentables, sur la parenté, le système des couleurs, l'orientation dans l'espace et le temps. Toute l'enquête est enregistrée y compris une traduction de la parabole de l'enfant prodigue. Par ailleurs, dans de nombreux autres articles, on voit comment les projets scientifiques d'ampleur ont du mal à perdurer, tel le répertoire à Saint-Domingue des noms de poissons par Lysanne Coupai qui a cessé de se poursuivre même si Alvar a réussi à publier en 2000 un Atlas linguistique pour Saint-Domingue. Mais on imagine aussi les difficultés à coordonner les efforts sur un territoire tel que le Brésil.

3 On le voit, ce numéro de Géolinguistique est extrêmement suggestif en faisant réfléchir sur la pratique des dialectologues d'ici ou d'ailleurs soumis aux mêmes paris à gagner.

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Index chronologique : 20e siècle Mots-clés : critique littéraire, dialectologie, géolinguistique Thèmes : linguistique, littérature

Lapurdum, 7 | 2002 361

AUTEUR

CHARLES VIDEGAIN

UPPA & IKER 5478 CNRS [email protected]

Lapurdum, 7 | 2002 362

Lacorne, D., Judt, T. (éd.) : La politique de Babel. Du monolinguisme d'Etat au plurilinguisme des peuples, CERI, Karthala, Paris, 2002, 350 p. ISBN : 2-84586-240-7

Charles Videgain

1 Cet ouvrage qui réunit des contributions présentées en 1998 lors d'un colloque intitulé « Sur la politique de la langue dans la construction des nations modernes » propose à tous ceux soucieux du sort des langues une mise au point récente. Il donne la parole à des points de vue qui dépassent et de loin les seules réflexions hexagonales comme le montre la liste des thèmes abordés.

2 Après une solide introduction de Denis Lacorne, une première partie est intitulée Les limites du monolinguisme d'Etat et comprend les articles d'Alain Fenet, Le droit français des différences à l'épreuve de la langue ; Philippe Martel, Occitan, français et construction de l'Etat en Franc ; David Lopez, Bilinguisme et changement ethnique en Californie. La deuxième partie qui ne craint pas de prendre pour titre La fragilité des nations plurilingues regroupe les articles de Kenneth Me Roberts, Les politiques de la langue au Canada : un combat contre la territorialisation ; Astrid von Busekist, Nationalisme contre bilinguisme : le cas belge ; Uli Windisch, Multiculturalisme et plurilinguisme : le cas suisse. La troisième partie examine Les expériences de renaissance linguistique avec des articles d'Alain Dieckhoff, L'invention de l'hébreu, langue du quotidien national ; de Daniel Beauvois, Acculturations et reconstructions linguistiques dans l'ensemble Ukraine, Lituanie et Biélorussie ; Paul Garde, Unité et pluralité dans le domaine linguistique serbo-croate. Enfin une quatrième partie ouvre sur L'internet nouvelle Babel avec un article de Geoffrey Nunberg, Langues et communautés linguistiques à l'époque du discours électronique.

3 Alors que des étudiants nous consultent pour travailler en maîtrise ou DEA sur la situation sociolinguistique de la langue basque et ont du mal à ne pas éviter redites et compilations, ils trouveront dans cet ouvrage matière à réflexion pour mieux situer la

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problématique en tant que question sociale de grand intérêt et aux solutions diverses. Les diverses bibliographies, à jour, leur seront d'une grande utilité.

4 L'introduction de D. Lacorne révèle comment dans des pays considérés comme de grande tolérance linguistique, les Etats-Unis par exemple, les mesures d'interdiction et d'exclusion contre d'autres langues que l'anglais ont été fréquentes (sans parler du sort des langues indiennes). On ne résistera pas au plaisir de relire dans l'article fort informé d'A. Fenet des déclarations croustillantes ou désolantes de personnages aussi divers que M. Pandraud, D. Sallenave, Y. Lacoste dans le cadre hexagonal. L'article de David Lopez montre plus précisément que les Etats-Unis eux-mêmes, chantres du laisser-faire, voient des lois être promulguées en Californie contre la langue espagnole et les gens qui la parlent, dont bon nombre sont des ‘sans papiers,’ ou bien sont proches d'une revendication plus globale dans le mouvement Chicano. Curieusement dans l'article relatif à Internet, on retrouve la résistance particulière du monde hispanique face à l'anglophonie. D. Lopez revisite le modèle de Fishman pour proposer ses propres hypothèses et souligne combien le sort des langues n'est pas désincarné mais lié à une situation socioéconomique dont l'auteur craint qu'elle n'aille vers une plus grande inégalité encore en Californie. Dans le cas de langues ‘moins développées’, Alain Dieckhoff rappelle le volontarisme extrême qui a permis la renaissance de l'hébreu tandis que Paul Garde montre comment de très minimes différences linguistiques peuvent être en quelque sorte montées en épingle de façon emblématique et symbolique dans une langue ‘serbo-croate’ dont l'appellation même signale l'ambiguïté : on songe aux effets très centrifuges de l'adoption de deux écritures différentes selon le territoire, ici écriture latine et là écriture cyrillique. On le voit, il n'est donc pas ici besoin d'une grande variation dialectale pour créer diversité ou opposition. Dans un article de la revue Travaux du cercle linguistique de Nice, 1988-89, n° 10-11, 123-124, Z. Junkovic mettait déjà en lumière cette tendance à renforcer le différent entre ‘serbe’ et ‘croate’. L'article de Daniel Beauvois fait la lumière sur un domaine peu connu, celui de la mise en place d'un ‘bilinguisme apaisé’ si possible, dans certains territoires de l'ex-empire soviétique et russe : la situation est difficile quand c'est moins de la moitié des Ukrainiens qui parle vraiment l'ukrainien et que certains voudraient assumer l'héritage de l'autoritarisme russe comme si de rien n'était. D. Beauvois a raison de marquer comment l'ignorance de la complexité de telles situations marquées par une histoire certes compliquée n'aide nullement à avancer des solutions acceptables par des populations pour qui la langue (parlée ou pas) a été un axe essentiel de résistance contre injustice et manipulation. Dans un contexte de réappropriation de la langue, on trouvera comme suggestive la formule étonnante au premier abord selon laquelle ‘les parents apprennent la langue maternelle de la bouche de leurs enfants’.

5 Les autres articles méritent aussi bien entendu lecture attentive et réflexion. L'ouvrage est indispensable à qui veut prendre de la hauteur sur ces questions au-delà même de la problématique douloureuse de sa propre langue.

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Index chronologique : 20e siècle Thèmes : linguistique Mots-clés : Judt Tony (1948- ), Lacorne Denis (1945- ), sociolinguistique

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Lapurdum, 7 | 2002 365

Lengas, Revue de sociolinguistique, 25ème année, n° 51, 2002 : CNRS, Université Paul Valéry, Montpellier III,

Charles Videgain

1 Cette revue issue essentiellement du monde occitan (Université de Montpellier III et CNRS) a publié son 51ème numéro. On y trouvera un long et intéressant article d'Alain Viaut consacré à la présence de l'occitan dans la ‘revue de village’ essentiellement dans le Médoc, entre 1880 et 1940, dont il serait intéressant d'utiliser la méthodologie en domaine basque. Comme la lecture est aussi maraudage, j'ai relevé dans un document obtenu à Quayzac, le terme gascon jupisti pour ‘eau-de-vie’ qui rappelle inévitablement le mot de même sens en basque souletin txipister et dans lequel Alain Viaut (communication personnelle) soupçonne le nom d'une firme commerciale de boisson alcoolisée. Mais ce n'est là que détail de lexicographe. Outre d'autres articles sur l'occitan dont celui de Constanze Weth sur la description de l'usage de l'occitan dans des chroniques de journaux (celles de Sergi Javaloyès dans Sud-Ouest -édition béarnaise-, de Charles Mouly dans La Dépêche du Midi et l'équipe de A tu de 'n parlar dans La Nouvelle République des Pyrénées), on notera une synthèse intéressante sur le cas basque dans un article de Lionel Joly, sur l'enseignement ‘bilingue’ en Espagne de Chrystelle Burban, et un article de Henri Boyer sur la ‘mort’ des langues dans lequel l'auteur remet certaines choses au point avec fermeté et en particulier le curieux itinéraire d'un Louis-Jean Calvet (et d'autres) dont l'ouvrage Linguistique et colonialisme fut pourtant pour beaucoup d'entre nous une révélation. Enfin, Christiane Yousif examine ‘les difficultés d'apprentissage du vocalisme du français chez les arabophones du Soudan’.

Lapurdum, 7 | 2002 366

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Index chronologique : 20e siècle Thèmes : linguistique Mots-clés : Lengas (revue), occitan (langue), sociolinguistique

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CHARLES VIDEGAIN

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Lapurdum, 7 | 2002 367

Lepage, Yvan G. : Guide de l'édition de textes en ancien français, Honoré Champion, Paris, 168 p., 2001, ISBN : 2-7453-0540-9

Charles Videgain

1 L'ouvrage de Y. Lepage constitue un ouvrage important pour l'étudiant ou professionnel qui s'intéresse à l'édition de textes, y compris en langue basque et hors époque médiévale, alors que le manque d'éditions critiques en domaine basque est encore criant malgré les efforts récents pour une production plus exigeante. La première partie offre l'avantage de faire un historique de l'établissement des anciens textes français. On y trouvera, durant ce que Y. Lepage appelle la ‘période empirique’ (1830-1865), la présence essentielle de Francisque Michel, éditeur du Roland d'Oxford, mais aussi celui-là même dont l'ouvrage intitulé Le pays basque, sa population, sa langue, ses mœurs, sa littérature et sa musique, paru en 1857, se vend encore aujourd'hui avec succès et qui publia aussi en 1859 Le romancero du pays basque. Les façons de travailler de cette période sont aigrement critiquées durant la ‘période scientifique’ (1866-1912) avant que ne s'ouvre la ‘crise’ de 1913 à 1928 annonçant la ‘période bédiérienne’ qui va jusque 1979. Sagement, l'auteur propose ‘la recherche d'une synthèse’ à partir de 1980 jusqu'à aujourd'hui. Ces pages suggestives sont à lire pour mieux saisir l'enracinement de chaque chercheur dans les courants de son temps.

2 La deuxième partie est à proprement parler le guide pratique d'édition critique dont chaque apprenti éditeur devrait faire son miel, selon un plan type rigoureux qui reprend les points suivants : auteur et œuvre, date de composition, tradition manuscrite (description et classement des manuscrits) ; établissement du texte ; éditions antérieures, choix du manuscrit de base, toilette du texte, résolution des abréviations, corrections ; langue de l'auteur ; versification (le cas échéant) et compte des syllabes, élision et hiatus, rimes, phonétique, morphologie, syntaxe, vocabulaire ; langue du scribe : phonétique et graphisme, morphologie ; analyse de l'œuvre, sources et fortunes de l'œuvre ; bibliographie ; textes et variantes ; notes critiques ; glossaire ;

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table des noms propres ; table des rimes ; liste des proverbes ; table des matières. En fin d'ouvrage, la bibliographie et un index des termes techniques sont très utiles.

3 La position de l'auteur sur l'apport de l'informatique est prudente, favorable aux progrès que cette technique favorise, mais sans illusion par le fait que l'ordinateur ne saurait par lui-même fournir une édition critique digne de ce nom, car celle-ci suppose toujours des choix. Sur la vivacité de la polémique sur ce sujet et pour lire des points de vue contrastés, on se reportera au récent numéro de la Revue de linguistique romane (numéros 263-264, juillet-décembre 2002) avec l'article nécrologique sur Anthonij Dees (1928-2001) rédigé par Lene Shosler et celui de Madeleine Tyssens, « Philologie ‘chevronnée’, nouvelle philologie ».

4 Cette parenthèse refermée et pour en revenir au Guide de l'édition de textes en ancien français, on veut croire Yvan G. Lepage quand il dit que toute œuvre endormie retrouve toute sa vivacité grâce à la baguette magique du bon éditeur. Son ouvrage, enrichi d'une bibliographie abondante, contribuera à cette magie : c'est un manuel important en français auprès des trois volumes de l'Ecole nationale des Chartes intitulés Conseils pour l'édition des textes médiévaux.

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Thèmes : littérature Mots-clés : critique littéraire, édition, Lepage Yvan G. Index chronologique : 19e siècle, 20e siècle

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CHARLES VIDEGAIN

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Lapurdum, 7 | 2002 369

Yéhudad ha-Levi : Haizearen hegaletan / sobre las alas del viento.Poesi antologia / antologia poética. Argitalpen hirueleduna / Edición trilingue : vasco, castellano, hebreo Euskaltzaindia et Université du Pays basque, 406 p., 2002. ISBN 84-95438-07-0

Charles Videgain

1 Nous devons à l'initiative de Xabier Kintana, membre de l'Académie de la Langue basque, de mettre à la disposition du public qui ne lit pas l'hébreu une anthologie des oeuvres poétiques de l'écrivain navarrais Yéhudad ha-Levi, né à Tudela en 1070 et mort en 1141. L'ouvrage est préfacé par Jose-Mari Satrustegi, académicien de la langue basque, la traduction en castillan est l'oeuvre de Ángel Sáenz-Badillos et Judit Borrás Targarona. Xabier Kintana a assuré la traduction en basque. L'original en hébreu est celui publié par les éditions Alfaguara en 1994. Le professeur Haim Beinart offre une utile présentation du contexte historique. La bibliographie est proposée aussi en p. 195 à la fin de la traduction basque On pourra douter de la pertinence d'un document présenté parmi les textes d'introduction comme rédigé par l'auteur navarrais et qui est manifestement apocryphe. On appréciera ou non l'iconographie proposée pour illustrer l'ouvrage, mais ce n'est là que point de vue bien subjectif qui ne retire rien à l'ouvrage.

2 Yéhuda ha-Levi vit la période de la dite Reconquête dans la Péninsule Ibérique, alors qu'Alphonse VI (1065-1109) réunit des territoires de Castille, Léon, Aragon et Catalogne dans une même entité. C'est l'époque où le pape Alexandre II promulgue une bulle qui promet le salut éternel aux chevaliers français qui partent lutter contre l'Islam. Yéhuda

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ha-Levi vit dans une ville de Tudela gouvernée par la dynastie des Banü-Hüd, C'est dans un contexte belliqueux permanent, que ses poèmes ne taisent pas, que Yéhuda parcourt la péninsule ibérique pour parfaire son savoir auprès des meilleurs maîtres de l'époque et enseigner dans des écoles talmudiques. Il est à Tolède en 1126 et participe aux négociations pour que le roi Alphonse ne soit pas trop indulgent envers les ennemis des Juifs. Par contre l'auteur ne réside pas à Tudela, sa ville natale, quand celle-ci est prise par Alphonse le Batailleur. Toujours est-il qu'il décide, déjà assez âgé, de partir pour Jérusalem : les raisons de ce choix sont peut-être inspirées par la situation difficile des Juifs en Andalousie, pris qu'ils sont entre musulmans et chrétiens. A ceux qui lui reprochent son intention de partir, il répond : Mais avons-nous donc en Orient ou en Occident un lieu d'espérance dans lequel nous puissions être sûrs ? Les poèmes rendent compte de cette ascension vers la Terre sainte, aliya, comme une rédemption. L'auteur embarque pour Alexandrie en 1140 et il meurt peu après en 1141, selon la légende devant le mur des Lamentations et écrasé par un cavalier arabe, mais il n'est pas certain qu'en réalité il ait atteint Jérusalem.

3 Les textes présentés sont regroupés en 9 chapitres : poèmes amoureux et bachiques, épithalames, panégyriques et poèmes d'amitié, élégies, réflexions et devinettes, poèmes de la synagogue, poèmes de Sion, poèmes de la mer, poèmes d'Egypte. On sera sensible à la symbolique amoureuse (plantes, animaux, éléments) que l'innutrition de l'auteur pétrit de manière étonnante encore pour le lecteur d'aujourd'hui, près de vingt jubilés plus tard. L'odyssée de son voyage en mer sous la menace du Léviathan mais dans le désir de trouver enfin l'abri des poutres dans la maison du Maître constitue sans doute l'un des meilleurs poèmes de l'oeuvre.

4 Cette publication est évidemment à marquer d'une pierre blanche parce qu'elle contribue à éclairer dans sa pluralité et sa richesse un passé que nous ignorons trop souvent. Elle complète heureusement le travail déjà réalisé par le même X. Kintana en 1994 sur Benjamin de Tudela.

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Thèmes : littérature Mots-clés : critique littéraire, poésie, Yéhudad ha-Levi (1070-1141) Index chronologique : 11e siècle, 12e siècle

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Lapurdum, 7 | 2002