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Revue des anciens élèves piègede l’École de l’air

1916-2016 : hommage au La Fayette

n° 225 - 3e trimestre 2016 CO LA SUITE &

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U_AFF_ETUDIANTS_210x297_1604.indd 1 04/05/2016 16:48 Éditorial

oici l’été qui arrive déjà. Tout le monde aspire à un peu de détente, les doigts de pied en éventail, à l’ombre d’un parasol, dans une posture adaptée à la V réflexion et à la lecture - de ce nouveau Piège, bien sûr. À l’heure où certains jeunes gens passent le concours de l’École de l’air en espérant une intégration prochaine et la promesse d’une vie professionnelle en trois dimen- sions, l’association, quant à elle, a tenu son assemblée générale pour faire le bilan de l’année 2015 et dresser ses perspectives pour 2016.

Vous pourrez découvrir le détail de cette activité dans le rapport moral qui figurera dans le Piège 226. Cette année encore, les « résultats » de l’association sont bons. Mais derrière cet apparent long fleuve tranquille se cachent quelques remous inha- bituels qui ont pu provoquer des interrogations légitimes.

Le siège de l’association a rencontré des changements majeurs. Il a fallu pallier le départ d’une de nos assistantes et la démission de notre trésorier pour vérifier l’en- semble des comptes de l’association avec notre tout nouveau délégué général. Par ailleurs, la mise en œuvre des normes bancaires européennes a entraîné des incidents pour certains et une nécessaire remise à niveau des coordonnées personnelles des membres qui n’ont pas tous répondu à cette sollicitation exceptionnelle.

Ces difficultés conjoncturelles ne doivent pas ternir un avenir plein de promesses. Le gala a eu lieu au Théâtre du Merveilleux et vos commentaires, au moment de se quitter tôt, samedi 11 juin, étaient plutôt élogieux. La participation a été équivalente à celle de l’année dernière. Mais nous constatons malheureusement que nos membres viennent moins nombreux depuis quelques années…

L’équipe d’administration rajeunit : un nouveau vice-président arrive à la tête de la reconversion. Et la vie associative, un temps délaissée par vacance de poste, retrouve un animateur, jeune, dynamique et plein d’idées !

Au bout du compte, l’association est sur la bonne trajectoire : la preuve, elle a des projets d’envergure ! Un nouveau site Internet, plus moderne et plus ouvert, sera disponible à l’automne.

Enfin et surtout, l’enthousiasme avec lequel la première promotion unique de l’École a vécu sa première année est communicatif. Les travaux menés par le groupe de travail créé en septembre dernier ont favorisé l’analyse des différentes solutions de rapprochement avec l’AEMA. À ce stade, l’assemblée générale a choisi la voie de l’intégration de l’AEMA au sein de l’AEA.

C’est cette association vivante et tournée vers l’avenir que je vous demande de sou- tenir malgré ses difficultés et malgré les incidents qui ont pu vous contrarier : elle continue de vous représenter, de créer du lien et d’aider nos camarades en difficulté. Soutenez-la en adhérant ou en faisant adhérer. Mieux encore : participez en donnant une petite part de votre temps pour animer ses activités. Et n’oubliez pas, avant d’al- ler profiter d’un repos bien mérité, faites une bonne action : achetez le Carnet de vol, la plaquette du gala, elle est inédite et superbe.

Bonnes vacances à tous. n Jean-Marc Denuel (77–Rougier)

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 1 Le Piège n° 225- 3e trimestre 2016 le

Revue des anciens élèves piègede l’École de l’air Sommaire Association des anciens élèves de l’École de l’air

Fondée en 1946, reconnue d’utilité publique p . 18 Adresse postale : p . 10 3, rue Nationale 92100 Boulogne-Billancourt Tél. : 01 46 05 96 77 / 01 84 19 11 59 [email protected] Cotisation : hors abonnement à la revue Le Piège : 46 euros

Abonnement : et UE (un an) : 19 euros Étranger (un an) : 21 euros p . 14 Rédaction : Directeur de la publication : Jean-Marc Denuel (77) 26 - Cursus de formation sur Me262 Éditorial J-P. Dussurget Rédacteur en chef : Jean-Pierre Casamayou (70) Actualités 30 - Demande au sommet P. Ouvrard (71) Comité de rédaction : Alain Delahodde (65) 4 - Agenda de l’AEA Brèves 31 - Les Papy’s font de la résistance René de Gaudemaris (71) D. Turina (62) Jérôme Blanc (92) 5 - Courrier des lecteurs 32 - Élections gagnées… course perdue Réalisation : M. Bénard (70) Maquette & mise en page : Histoire Calligrammes - 92100 Boulogne 7 - Hommage au La Fayette : 34 - Opération « Kaboul, ça roule » Impression : Leclerc - 80000 Abbeville quelques souvenirs de Luxeuil G. Pons (71) A. Creux (79) Publicité : 36 - L’oral de l’École de guerre : Pégase Media - 40, rue Michel Bléré 10 - Dassault Aviation : cent ans un exercice à risque 60260 Lamorlaye - Tél. : 06 82 58 58 07 d’excellence aéronautique au G. Dreyssé (65) service de l’Armée de l’air Dépôt légal B. Clermont (78) 37 - Souvenir de Salon Troisième trimestre 2016 J. Humblot (55) N° de commission 14 - Deux frères, entre air et mer paritaire : 0312G88848 P. Lorenzi (66) 38 - Comment le CN235 a conquis ISSN : 01 52-0016 l’Armée de l’air 18 - Cent ans d’insignes de brevets P. Menon-Bertheux (04) Couverture : patrouille de F-22 de spécialité survolant le mémorial La Fayette à E. Bénard (99) 42 - Les tribulations d’un poussin de la Marnes-la-Coquette. © CFAS 65 du temps de la Guerre froide Récits R. Le Doaré (65) La publication est indépendante et 44 - La traversée de l’Himalaya n’engage ni le commandement de 22 - Félix à moto l’Armée de l’air ni la Défense. J-P. Salini (48) A. Esmilaire (63)

Le piège n° 222 - Septembre 2015 2 Revue des anciens élèves de l’École de l’air n° 225 - 3e trimestre 2016

p. 22

p. 38

p. 26 p. 56

Idées Vie des promotions

46 - Un piégeard à la tête d’une 58 - La promo 65 rend hommage à chaire « Défense et Aérospa- son parrain tial » à Sciences Po Bordeaux G. Chaber (65) D. Bastien (71) 60- Mots croisés 48 - L’Europe spatiale à la recherche P. Platel (49) des ondes gravitationnelles M. Le Fèvre (54) Vie des régions

49 - Piqûre de rappel n° 41 60- Napoléon, de la légende à L. Robineau (51) l’anti-légende D. Bastien (71) 50 - Russie/États-Unis : vers une nouvelle guerre froide ? 62- Conférence sur l’Atlantide p. 42 C. Mainguy (49) D. Bastien (71) 52 - Les aveugles pilotent ! M. Poulet (52) Vie de l’AEA 53 - Veillée des poussins à Ancelle 63 - Les activités du deuxième tri- P. Grand’Eury (53) mestre J.-P. Delcourt (83) 54 - La France d’aujourd’hui et de demain : un défi et non une crainte Notes de lecture F. Rivet (70) 64 - Les livres de l’été 56 - Un mémorial pour les aviateurs A. Mérola (54) Entre nous p. 50 68 - Carnet

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 3 Le piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Vie de l’AEA

Agenda Brèves

Vendredi 1er juillet Hubert Tryer (67) majeur dans l’entretien et la pro- de l’École de l’air (AEA), l’En- Baptême de la promotion 2015 quitte le comité motion de l’esprit de corps qui traide de l’Association des of- de l’École de l’air de rédaction du Piège caractérisait cette population ficiers de réserve de l’Armée Notre ancien délégué général d’officiers si particulièrement de l’air (E.ANORAA), la Fon- Première semaine d’oc- aura œuvré plus de dix ans au attachés à l’Armée de l’air. dation des œuvres sociales de tobre (date à confirmer) : sein du comité de rédaction du Avec la création en 2013 du corps l’Air (FOSA) et la nouvelle As- Conseil d’administration de Piège où il était particulièrement des commissaires des armées et sociation des commissaires des l’AEA et pot de rentrée de l’as- écouté pour ses conseils perti- la disparition corrélative de celui armées (ACA). sociation. nents, sa connaissance de la des commissaires de l’Air, il im- Si l’ANCA n’existe plus, les an- grammaire digne d’un agrégé portait de laisser à la nouvelle ciens commissaires de l’Air et 6 octobre et ses diverses corrections ou association des commissaires les commissaires des armées L’escadron de chasse 2/5 Ile- conseils pour parfaire et illus- des armées tout le champ néces- ancrage “air” peuvent se re- de-France fête les 75 ans de sa trer un article. Avec Francis saire à son propre envol. D’autre trouver au sein de l’AMICAA création sur la base aérienne 115 Grimal et Hugues de Sacy, il part, force était de constater, du- (Amicale des commissaires de d’Orange. Les anciens ayant ap- mérite une bonne part des com- rant ces dernières années, au vu l’Air et commissaires des ar- partenu à cette prestigieuse pliments que nous continuons du vieillissement et de la dimi- mées/air) qui vise à entretenir unité peuvent se manifester de recevoir. nution constante de son effectif des liens d’amitié et de solidarité auprès du secrétariat de l’esca- adhérent, que, à terme, l’ANCA entre ses membres et à garder dron : [email protected] té- Dissolution de l’ANCA ne disposerait plus en son sein des liens avec la vie de l’Armée léphone : 04 90 11 57 23. Lors d’une assemblée géné- de l’énergie propre à sa simple de l’air. rale extraordinaire tenue le survie. L’amicale dispose d’un remar- 14 octobre 4 décembre 2015, les membres On notera enfin que c’est par quable site Internet (www. Les quatre associations des de l’Association nationale des un choix unanime que les ad- amicaa.fr), d’une adresse cour- grandes écoles militaires (AX, commissaires de l’Air (ANCA) hérents d’active et de réserve riel : [email protected] et d’une Saint Cyrienne, AEN et AEA) ont décidé de procéder à la ont décidé de partager le patri- adresse postale : AMICAA, 21, se réuniront pour un ravivage dissolution de l’association moine de l’ANCA entre l’As- rue Claude Bernard 92130 Is- de la flamme à l’arc de triomphe qui les rassemblait. Créée en sociation des anciens élèves sy-les-Moulineaux. afin de célébrer le souvenir de 1954 l’Association nationale nos anciens. À l’issue une confé- des commissaires de réserve rence se tiendra dans l’amphi- de l’Air (ANCRA) avait, en théâtre de la banque HSBC, 109 1972, étendu son champ d’ad- avenue des Champs-Élysées sur hésion aux commissaires d’ac- le thème suivant : La guerre, tive et, à cette occasion, pris le cent ans après Verdun. 1916 nom d’Association nationale Courrier l’année de Verdun, mais aussi des commissaires de l’Air, bien de la Somme et du Jutland. Un connue sous son acronyme Plaidoyer pour gangrène depuis quelque temps siècle plus tard, la France est ANCA. une bonne prononciation la prononciation des mots. de nouveau en guerre, deux Longtemps creuset de l’étroite Il est des contributions fidèles à Chacun profère les voyelles guerres apparemment sans lien relation unissant les commis- la rédaction du Piège. Elles ap- accentuées, les diphtongues et pourtant ! Quid des ensei- saires de l’Air d’active et de portent des moments de res- ou encore les sons doubles à gnements tactiques, opératifs réserve et véritable espace de piration au milieu des sujets sa guise. Quelques années de et stratégiques de la Première convivialité intergénérationnel, techniques, aéronautiques ou comédien amateur, puis de cla- Guerre mondiale pour com- l’ANCA a indéniablement, du- militaires. Nous avons le sou- rinettiste dans un orchestre battre le terrorisme. rant des décennies, joué un rôle venir des piques du Gremlin ou d’harmonie, m’ont appris à ju- des dessins de Daniel Carrasco. guler la prononciation puis la Les chroniques sémantiques de valeur et la beauté des sons. Lucien Robineau perpétuent le Aujourd’hui (ou peut-être au- genre. Elles sont un régal de jaurd’hui) une courante homo- vérité et de fine analyse du lais- phonie rassemble la bôme et le ser-aller général vis-à-vis de bol, la cause et le phonème, le notre langue, particulièrement jeune et le jeûne. ll n’est guère de la part de ceux dont elle est que dans les films ensoleillés de l’outil professionnel, politiques, Raimu que cela ravit l’ouïe. Je commentateurs et journalistes. lance un appel à tous, ingénieurs Un parfum de Raymond Devos. diplômés de la prestigieuse Une maladie identique École de l’air, pour mettre au

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 4 Revue des anciens élèves de l’École de l’air point un projet de sonorisation des chroniques critiques de

Lucien Robineau, qui ne peut Grimal Francis qu’être sensible à la musique des mots. Par ailleurs il s’est probable- ment fait une opinion per- sonnelle sur la réforme de l’orthographe concoctée par la Ve République. Conçue par Michel Rocard, elle voit le jour avec Najat Vallaud-Belkacem, 25 ans plus tard. Nous ferait-il Les graffitis des soldats du général Desaix sur le temple de Philae. profiter de ses réflexions ? lini, qui nous apporte une Merci. source originale de réflexion et Philippe Besnard (57-Ducray) qui élève souvent le débat avec un style inimitable. Devons-nous nos ailes de Et, sur le plan historique, Bas- poitrine à Mme Charles tien a eu raison de nous rappe- de Tricornot de Rose ? ler les origines, déjà lointaines, Charles de Tricornot de Rose des réalisations aérospatiales n’est pas passé inaperçu à Pau, de notre pays. Avec un regret, comme Gérald Chaber nous le cependant, c’est que cet article rappelle si bien dans notre der- très complet n’ait pas men- nière revue. tionné le nom du général Au- Le 5e RHC basé à Pau lui a binière, qui a d’abord été un rendu hommage en appelant visionnaire avant d’œuvrer sa base « Quartier Chef d’es- avec acharnement pour le lan- cadron de Rose ». En poste à cement d’une politique de l’Es- Pau à cette époque, j’ai été in- pace. Le Piège a d’ailleurs publié vité à l’inauguration. Était pré- récemment un article très com- sent et parrain le petit neveu du plet sur le général Aubinière Le temple d’Isis sur l’île de Philae. chef d’escadron de Rose. Il m’a et sur sa vie exemplaire. Je me confié que Mme de Rose avait sens d’autant plus moralement avoir abandonné avec une cer- core le temps d’en gagner une cousu des ailes sur l’uniforme obligé de lui rendre hommage taine désinvolture son armée autre. » Et il était tué peu après. de son mari pour le distinguer que ma promotion (58-Blé- d’Égypte au général Kléber, Deux ans plus tôt, à l’issue des autres « cavaliers ». riot), qui ne rêvait que d’imiter après avoir renversé le Direc- de la bataille des Pyramides, Sans vouloir refaire l’histoire je Guynemer, Fonk, Clostermann toire par un coup d’État, avait Desaix avait été chargé par pense que c’est là l’origine des et même… Delfino, n’a pas aggravé son cas en étant vaincu Bonaparte de poursuivre les ailes portées par les aviateurs ! compris le message qu’il a tenté à Marengo, il n’aurait peut- Mamelouks de Mourad Bey. En Pour ceux qui veulent en savoir de nous faire passer quand il être pas eu la carrière qu’il a décembre 1798 il remonte le plus, je ne me souviens plus commandait l’École de l’air et eue par la suite, même en bé- Nil vers la Haute Égypte avec de la date de cette inaugura- qu’il nous parlait de fusées et néficiant d’un « service Com » 4 000 hommes, alterne combats tion mais l’officier tradition du d’espace… en 1959 ! tout à fait performant. On ne victorieux et visites archéolo- 5e RHC doit avoir en archives, Encore un grand merci à tous peut donc qu’avoir une grande giques, atteint Assouan puis date et photographies de cet les collaborateurs du Piège. sympathie pour le général De- l’île de Philae fin février 1799. évènement. François Malençon (58-Blériot) saix. Après un retour d’Égypte Aujourd’hui, dans le temple Alain Gausserès (64-Carpentier) mouvementé (tempête, prison d’Isis à Philae, le guide montre Un peu d’histoire : anglaise, attaque de pirates), il aux touristes (je suppose qu’il Un peu de regrets, Marengo, Desaix et Philae n’avait rejoint cette armée que le fait pour tous les touristes beaucoup de satisfactions ! Quelques réflexions après la le 10 juin 1800. Dans l’après- français) le texte suivant, gravé Quel plaisir de lire le Piège tous lecture du magnifique livre midi du 14, il a renversé le dans la pierre par les soldats de les trois mois avec son lot d’ar- sur Marengo de notre cama- cours de la bataille. On lui a Desaix : ticles divers mais toujours de rade Olivier Lapray (Le Piège parfois attribué la déclaration L’an VI de la République le 13 haute qualité. Une mention n° 223) suivante« : La bataille est per- messidor, une armée française spéciale pour mon ancien, Sa- Si le général Bonaparte, après due. Cependant, il reste en- commandée par Bonaparte est E

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 5 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Vie de l’AEA

Courrier suite

E descendue à Alexandrie. L’ar- en mémoire pour toute sa vie. les noms de famille m’incite à par leurs conclusions, du même mée ayant mis, vingt jours après, J’ai été très déçu par l’article vous proposer cette anecdote : et unique point clé : le fonde- les Mamelouks en fuite aux Py- « Chasseur intelligent » (p 29 Par une belle journée ensoleil- ment politique sans lequel nulle ramides, Desaix, commandant la du n°223) car laissant le débat lée, je roule sur une route de stratégie n’a de sens. Ils nous première division, les a poursui- sur les ego. Il eut été beaucoup campagne à la vitesse régle- invitent, directement, à « cogi- vis au-delà des cataractes où il est plus subtil de sortir vers le haut mentaire. Voici un contrôle de ter » sur la responsabilité poli- arrivé le 13 ventôse de l’an VII. avec la version anglaise : Intel- gendarmerie, je suis prié de me tique de chacun en la matière : Suit une liste de généraux ligence = Renseignement. Je garer. « en qualité… d’électeurs, la ayant servi dans cette armée. m’étonne que cela ait échappé « Gendarmerie nationale… dissuasion, c’est - aussi - vous » Dans ce temple magnifique de au CEMAA André Lanata que Bonjour monsieur… Vous avez et « la réponse (la place de la l’époque ptolémaïque, à la li- j’ai eu le plaisir de côtoyer dans vos feux antibrouillard allu- stratégie aérienne nationale) mite sud de l’Empire romain, le passé. més contrairement au code de appartient aux responsables temple qui, rappelons-le, a Paul de Foucaud ( 69-Tariel). la route. politiques ». Oui, bien sûr, la été déplacé sur l’île actuelle - Cela est possible, je viens stratégie générale n’est rien en 1974-1976, c’est avec plai- Je lis avec plaisir le récent nu- d’acheter cette voiture et ne sans la Nation, mais il est re- sir et une certaine fierté que méro du Piège : Salini écrit juste maîtrise pas encore toutes les grettable que les dictateurs ne j’ai contemplé au cours d’un et il est, dans ce numéro récent, commandes des feux. le sachent pas. C’est bien la rai- voyage récent ce témoignage, particulièrement émouvant ; le - Quel est votre nom ? son pour laquelle la dissuasion marquant également la limite récit sélectionné dans le livre de - Poulet nucléaire ne dissuadera jamais sud des conquêtes napoléo- Turcat donne froid dans le dos : - Monsieur vous m’insultez, cela les fous de menacer la sécurité niennes. 18 litres restant dans un réser- risque d’aggraver votre cas. et les intérêts vitaux de notre Par une étrange coïncidence, voir ! Également très bon article - Mais non je ne vous insulte planète, sécurité qui est aussi Desaix mourrait à Marengo le sur le salafisme, l’EIIL et autre pas, c’est mon nom que je vous la nôtre, dans nos frontières, et même jour que Kléber, assas- Djihad qui permet de se frayer donne ! que les conflits perdurent. C’est siné au Caire. un chemin dans cette redoutable - Montrez-moi votre permis de bien la raison pour laquelle Francis Grimal (61-Moulin) jungle. conduire. » nous devrons toujours, pour Bravo pour le concours réservé À la lecture de mon identité, sauvegarder nos intérêts natio- aux jeunes piégeards. grand éclat de rire du gen- naux au sein des dans Dans le courrier des lecteurs darme : des opérations principalement j’ai, malgré tout, tendance à « Alors nous sommes congé- lointaines, disposer de moyens donner raison au lecteur (In- nères ! » de projection suffisamment ra- terrogation et appréciation) Marcel Poulet (52-Dartois) pides et puissants pour crédibili- qui vous écrit pour s’étonner ser nos forces et notre politique qu’un avion vole 72 heures Stratégie et forces générale de défense. par semaine (!) totalisant aériennes : éviter le piège, Un mot dans chacun de ces ar- 4 300 heures en 10 mois : la ré- un point de détail ticles aurait suffit pour assurer ponse de la « rédaction » in- Deux articles remarquables par la cohérence globale de leurs ré- terpelle qui, faisant référence la complémentarité de leurs flexions en précisant que dissua- à l’exposé du chef d’état-ma- approches traitent de straté- sion, projection et action sont jor, déclare finalement que là gie dans Le Piège n° 224 : l’ar- indissociables et que, si « un se trouve la vérité : diplomatie, ticle « Le piège », précisément, sursaut européen s’impose », il a « bottage en touche » ou partie qui évoque le bien-fondé de la précisément commencé avec les de bonneteau ? dissuasion française au travers forces aériennes de projection. Des lecteurs contents… Amicalement et bravo pour d’une sympathique anecdote Ceci n’est certes qu’un point de Très belle revue ! Félicitations une véritable « bonne revue » universitaire, et l’article « Que détail ; pour le reste, ne doutons pour faire valoir nos valeurs et en constant progrès. signifie la puissance aérienne pas que nous saurons éviter le surtout pour les écrire. Vous Georges Fratacci aujourd’hui » qui survole ce piège de visions politiques trop savez garder nos traditions ; (65-de Tricornot de Rose) sujet avec beaucoup de didac- étroites : la force de persuasion celle de la cérémonie des poi- tisme. des chefs militaires nous sera là gnards est un moment unique Contrôle d’identité ! Ils traitent tous deux en réa- d’un précieux secours. que chacun des piégeards garde L’article de Daniel Bastien sur lité, dans le fil des discours et Francis Lenne (66-Péronne)

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 6 Revue des anciens élèves de l’École de l’air Histoire

Hommage au La Fayette : quelques souvenirs de Luxeuil

Antoine Creux (79 - Caroff de Kervezec)

Le 20 avril 2016, le centenaire de l’escadrille La Fayette a été célébré au mémorial de Marnes-la-Coquette, dans le parc de Saint-Cloud (92). C’était il y a 100 ans, 36 pilotes volontaires américains rejoignaient l’escadrille La Fayette, afin de combattre l’Allemagne aux côtés de l’armée française. Notre camarade nous fait partager quelques souvenirs de l’entrée dans l’ère du Mirage 2000 de cette unité des Forces aériennes stratégiques qui symbolise la relation fraternelle entre les deux Armées de l’air. DR

25 ans déjà !

e 20 avril, j’assistais, à Marnes-la- l’histoire du La Fayette. 2000, sans imaginer que ce serait sur Mi- Coquette, à la cérémonie commémo- Une affectation dans le prestigieux es- rage 2000N que je serais affecté ! Passé la Crant le centenaire de l’escadrille La cadron de chasse 2/4 La Fayette marque surprise, c’est avec enthousiasme que j’avais Fayette. Le lieu et le cérémonial sont à la tous ceux qui ont eu l’honneur de le re- décidé d’aborder ce changement d’univers. hauteur de l’engagement de ces volontaires joindre. C’est mon cas en 1991 sur la base Je me souviens de cette impression de américains qui choisirent, en avril 1916, de de Luxeuil. Nous avions alors fêté les 75 ans modernité lorsque je m’installai pour la rejoindre les rangs de l’armée française pour de l’escadrille… 25 ans déjà ! première fois dans le Mirage 2000N. Com- combattre aux côtés de nos anciens pour la Je me souviens de mon arrivée en sep- mandes de vol électriques, moyens de navi- liberté. tembre 1990 à la 4e escadre de chasse avec gation, radar de suivi de terrain, systèmes C’est avec fierté que j’ai remis mon in- émotion. Pilote de défense aérienne, j’arri- de guerre électronique… une véritable signe de l’escadrille des sioux pour partici- vais de la 12 avec une certaine appréhension marche était franchie par rapport au Mi- per à cette cérémonie, fier de faire partie de dans la FATAC-1re RA alors que je venais de rage F1C. L’infrastructure de la base de cette grande famille qui, génération après passer mes sept premières années en unité Luxeuil représentait aussi une belle sur- génération, marche dans les pas de ces au sein du CAFDA. Pilote de Mirage F1C, prise pour moi, habitué aux escadrons rus- grands anciens et contribue à faire vivre j’avais émis le souhait de voler sur Mirage tiques de la base de Cambrai. E

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 7 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Histoire Cent ans pour l’escadrille « La Fayette »

L’escadrille La Fayette : Lafayette et à sa tête de Sioux. Après les dissolutions et les restructurations d’unités qui un siècle de gloire ont marqué la fin de la guerre, les têtes de Sioux font leur réapparition sur les fuselages des avions Gourdou-Les- À l’origine, il y a le désir de jeunes pilotes américains de seure 32 et -Delage 622 qui équiperont succes- participer à la Grande Guerre aux côtés de Français, alors sivement diverses unités dans les années vingt, sans pour que leur pays restait neutre. Engagés au titre de la Légion autant que le nom de La Fayette soit repris. Avec la création étrangère, ils sont regroupés au sein de l’escadrille N124 de l’Armée de l’air en 1933, les Sioux sont regroupés avec dite “Américaine” basée à Luxeuil et dotée de Bébé Nieu- les Cigognes au sein du groupe de chasse II/5. D’abord port 11. Elle connaît son baptême du feu à Verdun en 1916 équipé de 500, le groupe passe sur Curtiss H-75 et prend le nom de La Fayette en novembre 1916, appel- en mars 1939. Après la Bataille de France qui s’achève avec lation officialisée le 6 décembre 1916 avec pour insigne la 70 victoires pour les Curtiss du GC II/5, ces derniers se re- célèbre tête de Sioux. C’est pour rendre hommage à Gilbert plient au Maroc, sous les ordres de Vichy. du Mortier, marquis de La Fayette, acteur de l’indépen- dance des États-Unis en 1780, que les Américains adoptent Rééquipement avec des P-40F ce patronyme, symbole pour eux de liberté. Forte de 38 S’ensuit une période trouble au cours de laquelle les H-75 pilotes américains encadrés par quatre officiers français prennent part à des combats insensés contre les alliés bri- (dont Brocard, Thénault et Nungesser), elle participe à tanniques à Mers el-Kébir puis contre les Américains lors toutes les grandes offensives sur Nieuport 11, Spad VII et du débarquement en Afrique du Nord, le 8 novembre 1942. Spad XIII sous la dénomination N124 puis SPA124. En deux jours de combat, tous les Curtiss sont détruits et Avec l’entrée en guerre des États-Unis et la constitution six pilotes tués. Les Alliés souhaitant rééquiper les forces d’unités américaines, la glorieuse page inscrite par les vo- aériennes françaises pour les faire combattre à leurs côtés, lontaires américains s’achève en février 1918 avec un bilan le groupe La Fayette, symbole de l’amitié franco-améri- flatteur de 41 victoires aériennes et trois “as”. Les “La caine, est recréé sur les bases du GC II/5. Passant sous Fayette boys” continueront néanmoins le combat jusqu’à commandement américain (33rd Fighter Group), il reçoit l’armistice au sein du 103rd Aero Squadron, remportant 51 des chasseurs P-40F Warhawk et participe à la campagne victoires sûres et une centaine de probables. Tandis que, du de Tunisie. côté français, l’escadrille SPA124 perd toute référence au La 4e escadre de chasse est alors créée en réunissant le GC

E Au 1/4 que je rejoignais comme chef ops, IIIE, bien sûr, qui portaient l’âme et les tra- était au niveau de la menace qu’elle pouvait le hangar était flambant neuf et chauffé, la ditions irremplaçables de la 4, mais aussi des constituer. partie ops de l’escadron était spacieuse et pilotes de Jaguar forts de leur expérience Mais le monde était en train de changer l’escadron disposait d’un PC enterré direc- en ravitaillement en vol notamment, de et en ce début des années quatre-vingt-dix, tement accessible sous l’escadron qui avait F1CR qui partageait ainsi leur expérience nos armées avaient été engagées dans la de quoi m’émerveiller, moi qui avais pris d’un avion moderne, de MIIIR… J’étais le première guerre du Golfe. Les enseigne- l’habitude de vivre dans les abris enterrés seul à arriver de la DA ! Tous ensemble et ments que nos grands chefs allaient en de la 12 pendant les semaines d’exercices, grâce à l’expérience de chacun, nous pro- tirer allaient bouleverser l’organisation de construits à partir de buses en béton dans gressions dans l’emploi opérationnel du nos armées afin qu’elles soient plus aptes à lesquels, malgré l’ingéniosité des aménage- Mirage 2000N. se projeter et à travailler en coalition. Nous ments, l’espace manquait ! Je me souviens de mes premiers exercices apprenions alors que la 4 devait rejoindre de montée en puissance dans le cadre de la les forces aériennes stratégiques… Cette Découverte du système d’armes mission de dissuasion. Je réalisais la rigueur perspective inquiéta jusqu’au jour J… Ce du Mirage 2000N exigée pour ces exercices sur lesquels la cré- jour-là, le général Deveaud, qui comman- Je me souviens de mes premiers vols sur dibilité de la composante aérienne s’appuie. dait les FAS, vint présider la cérémonie de Mirage 2000N, au cours desquels je décou- Jeune commandant, je réalisais aussi rapi- changement de commandement de la 4e es- vrais la puissance du réacteur, le pilotage dement la responsabilité qui m’était confiée cadre et termina son discours par « Et à la en tête haute, le suivi de terrain et, bien sûr, en tant que commandant de zone. Si je res- chasse, B… ! ». Nous fûmes alors rassurés… le vol en équipage, moi le pilote de mono- sentais une certaine fierté de la confiance nous restions des chasseurs ! Je rejoignais ce place ! Découvrir un nouvel avion et une qui m’était faite, je savais aussi que je n’avais jour-là le grand 2/4 La Fayette où je serais nouvelle mission est un moment d’une pas le droit à l’erreur. Avec le recul, je me- successivement second puis commandant grande richesse dans une carrière, il l’était sure combien cette expérience était forte. La d’escadron. d’autant plus pour moi que c’est tout un posture d’alerte était une préoccupation de Nous avions intégré les FAS, mais l’arri- groupe qui vivait cette aventure ensemble tous les jours, je ne quittais pas l’escadron vée des capacités air-sol avec le second stan- à cette époque. En effet, l’arrivée du 2000N sans avoir le compte-rendu de l’officier mé- dard du 2000N, appelé K2, allait offrir de à Luxeuil avait entraîné l’arrivée de naviga- canicien qui m’assurait que la disponibilité nouvelles opportunités tant sur le plan de teurs Mirage IV, qui apportaient la culture avions était conforme aux objectifs opéra- la réflexion tactique que sur l’entraînement. du travail en équipage, mais aussi de nom- tionnels. Le rituel qui consistait pour chaque Les capacités de l’avion nous permettaient breux jeunes navigateurs pour qui la 4 était équipage à réviser sa mission de guerre, désormais de réaliser des missions com- la première affectation. chaque mois en salle de guerre, rappelait plexes en air-sol et les escadres de défense Parallèlement, le creuset des pilotes était à chacun la finalité de son entraînement. aérienne appréciaient de s’entraîner en très d’une grande variété : des anciens du Mirage L’URSS existait encore… notre posture basse altitude face à nous, compte tenu du

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 8 Revue des anciens élèves de l’École de l’air cadre déménage à Bremgarten pour être transformé sur Ouragan, lesquels sont retirés du service en 1957 et rem- placés par des F-84F Thunderstreak, placés sous contrôle de l’OTAN. Quand la France quitte le commandement militaire de l’OTAN, le 2/4 rejoint sa base de Luxeuil et, pour son 50e anniversaire en 1966, passe bisonique en recevant les Mi- rage IIIE. Six ans plus tard, il se spécialise dans le bombar- dement nucléaire tactique avec l’AN 52 dont une est tirée avec succès à Mururoa. Toujours spécialisé dans les mis- sions nucléaires, l’escadron échange ses Mirage IIIE pour des Mirage 2000N biplaces, équipés du missile nucléaire ASMP en 1988. En parallèle à sa mission de dissuasion, le La Fayette as- Le Curtiss H-75 aux couleurs du La Fayette. sure des missions conventionnelles et participe à de nom- breux exercices aux États-Unis, au Canada, en Afrique, II/5 La Fayette, le GC II/3 Dauphiné et le GC I/4 Navarre etc. Devenu une unité autonome, le 2/4 quitte Luxeuil en équipés de P-47D Thunderbolt. Successivement basé à Am- 2011 pour rejoindre Istres. En 1994 les Sioux repartent sur bérieux et Dijon, le La Fayette retrouve finalement Luxeuil, le sentier de la guerre en Bosnie puis, plus récemment, en le terrain de ses origines, où il termine la guerre avec 103 Libye, au Sahel et aujourd’hui en Syrie. En 2018 l’escadron victoires homologuées, 1 597 tonnes de bombes tirées mais abandonnera ses Mirage 2000Nk3 pour des Rafale B, armés la perte de 32 pilotes. du missile nucléaire ASMP-A. Rebaptisé 2/4, le La Fayette est alors basé près de Co- Si l’histoire et la tradition de l’escadrille La Fayette per- blence, toujours sur Thunderbolt. Guerre d’Indochine durent dans l’Armée de l’air, il en est de même au sein de oblige, les pilotes sont envoyés pour un an en Extrême- l’US Air Force. C’est le 94th Fighter Squadron sur F-22 Orient où, sur Spitfire Mk IX, ils participent à des missions Raptor, renforcé par le 103rd Aero Squadron des “La d’appui-feu contre le Viêt-minh. De retour en Allemagne, Fayette boys”, qui a repris les traditions du La Fayette . ils passent sur Vampire en 1949. Quatre ans plus tard, l’es- JPC réalisme de notre entraînement. dans ces années-là, nous nous entraî- jourd’hui encore, je défends cette idée tant Je me souviens de ce jour de l’automne nions en français avec des méthodes fran- je pense que c’est la mission qui motive les 1991 où le commandant d’escadre me çaises… l’interopérabilité avec nos alliés hommes et les femmes de nos unités et le convoqua dans son bureau pour m’annon- était à construire, comme l’avait bien mon- groupe ainsi formé qui permet à chacun de cer qu’il m’avait choisi pour commander le tré l’opération Desert storm. Je me sou- se dépasser. premier détachement Mirage 2000N à Red viens de cette mission où j’assumais pour Lorsque je dus, à l’été 1993, quitter ce Flag, cet exercice mythique auquel tous les la première fois la responsabilité de mis- beau commandement, j’avais conscience pilotes voulaient participer mais qui était sion commander d’un COMAO. Je m’étais d’avoir beaucoup appris au cours de ces jusqu’alors réservé aux pilotes de Jaguar auto-désigné quand le staff américain avait années passées à Luxeuil. J’avais décou- ou de Mirage F1CR. fait savoir que c’était le tour des Français. vert une autre face de l’action aérienne, Au soir de cette mission réussie, j’ai eu le j’avais mesuré la grandeur de la mission Le La Fayette à Nellis sentiment d’être désormais pleinement de dissuasion et l’excellence développée Trop engagés, les escadrons tactiques de qualifié et légitime pour commander un dans la mission conventionnelle d’attaque la FATAC ne pourraient pas participer. Il escadron. Au bilan, nous avions su donner air-sol. avait donc été décidé d’envoyer pour la pre- le meilleur de nous-mêmes, surpris nos ca- J’étais fier d’avoir commandé un escadron mière fois un détachement de Mirage 2000. marades américains qui voyaient évoluer aussi prestigieux et d’avoir contribué à la Le détachement serait constitué de quatre pour la première fois les 2000 et obtenu montée en puissance de ses capacités opé- 2000 C de la 2e escadre et de quatre 2000 N d’excellents résultats et nous avions tous, rationnelles sur Mirage 2000N. J’étais heu- de la 4. Quelle belle opportunité d’améliorer individuellement, franchi une marche opé- reux de toutes ces rencontres humaines que encore nos tactiques et de nous mesurer aux rationnelle. j’avais vécues. Agressor de Nellis ! Cette aventure fut for- Je prendrai le commandement du 2/4 25 ans plus tard, une nouvelle génération midable… Une phase de préparation dense La Fayette quelques semaines plus tard. est aux commandes. Je les observe avec fra- avec la 2, un convoyage par le Nord avec de Ce sera une très belle aventure humaine. ternité et une certaine admiration. Ils font nombreuses étapes puisque nous ne dispo- J’étais commandant, j’avais plus de 250 per- aujourd’hui preuve d’engagement et d’ex- sions que d’un seul ravitailleur pour les 8 sonnes sous mes ordres, PN, mécaniciens, cellence aussi bien dans leur mission quoti- avions, la découverte de l’immense base aé- spécialistes renseignement, personnels ad- dienne au sein des FAS que lorsqu’ils sont rienne de Nellis et du « range » d’entraîne- ministratifs, à Luxeuil mais aussi à Avord engagés au-dessus de la Syrie ou de l’Irak ment qui permettait le tir de bombes réelles, puisque le DAMS d’Avord m’était rattaché. pour l’opération Chammal. Ils écrivent ainsi simulait des menaces sol-air et permettait De cette expérience, je retiendrai pour tou- de nouvelles très belles pages de la magni- la validation des tirs air-air comme sol-air jours l’importance de rassembler sous un fique histoire du La Fayette et sont prêts en direct. même commandement l’ensemble des per- à relever le défi de la transformation sur Le défi était cependant immense car sonnels contribuant à une mission… Au- Rafale !

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 9 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Histoire

Dassault Aviation : cent ans d’excellence aéronautique au service de

l’Armée de l’air Almansa © Dassault - V. Aviation Une première mondiale : le vol en patrouille du nEUROn, du Rafale et du Falcon 8X lors du meeting de l’air d’Istres, le 4 juin 2016.

Bruno Clermont (78 - Pineau)

Conseiller air du PDG de Dassault Avia- l’explosion de l’aviation, de grands boule- Le premier départ : tion, notre camarade évoque les rela- versements technologiques et deux guerres l’hélice Éclair tions particulières entre l’Armée de l’air et mondiales. En 1916, formé à l’École d’électricité Bre- l’avionneur. Ce lien c’est celui qui unit Dassault Avia- guet puis dans la nouvelle École supérieure tion et l’Armée de l’air qui vont vivre en d’aéronautique, a 24 ans. commun l’histoire de l’aviation. Noué dans Son hélice Éclair va être retenue par l’état- le ciel de Verdun en 1916, ce lien est ca- major. C’est aux commandes de son SPAD n 1916, un jeune ingénieur de 24 ans ractérisé aujourd’hui par un chiffre : sur VII « Vieux Charles » équipé de l’hélice passionné d’aéronautique du nom de les 8 000 appareils produits par la société Éclair que Charles Guynemer va s’illustrer EMarcel Dassault, né Marcel Bloch, depuis 1945, près de la moitié ont été des- et inspirer des générations de poussins. crée sa première société pour fabriquer une tinés à l’Armée de l’air. Depuis 1960, Das- L’acte fondateur de la relation naissante hélice. 100 ans plus tard, dans le cadre pres- sault aviation est devenue le fournisseur entre l’Armée de l’air et la société Dassault tigieux et symbolique du Grand Palais, a exclusif de la chasse française. C’est pour- est alors posé. été célébré le premier centenaire de la so- quoi, au fil des ans, des programmes et des Marcel Dassault obtient son premier suc- ciété héritière des « Hé- avions, Dassault Aviation et l’Armée de cès de constructeur d’avion avec la Société lices Éclair », le 9 avril dernier. Un millier l’air vont devenir de véritables partenaires d’études aéronautiques créée avec son ami d’invités ont eu le privilège de découvrir un unis par une volonté commune de donner Henry . Sa première commande de spectacle historique retraçant la conquête à la France une aviation de combat perfor- 1 000 biplaces de combat SEA IV intervient de l’air et l’épopée Dassault. Ouvert ensuite mante et souveraine. en novembre 1918, quelques jours avant au public, 30 000 personnes ont pu revivre Ce n’était pas un hasard si parmi les invi- l’armistice… 115 SEA IV seront fabriqués les plus belles pages de ce roman national. tés d’Éric Trappier, le PDG de la société, et seulement 65 livrés. Ce succès restera une Ce spectacle a mis en valeur un homme l’Armée de l’air était représentée en force immense fierté pour Marcel Dassault. et un lien. Cet homme, c’est Marcel Das- autour du général André Lanata, son chef À la fin de la Première Guerre mondiale, sault, dont le génie et la ténacité ont per- d’état-major, jusqu’à la présence d’une dé- la France possède la première force aérienne mis à l’entreprise qu’il a fondée de survivre légation de poussins de la promotion 2015, au monde. Une politique de désarmement aux vicissitudes d’un siècle qui va connaître symboles de l’histoire qu’il reste à écrire. va entraîner la disparition de nombreuses

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 10 Revue des anciens élèves de l’École de l’air sociétés prestigieuses comme les socié- tés , Nieuport, , Farman ou Morane-Saulnier. La société créée par Mar- cel Dassault va, quant à elle, survivre aux faillites, restructurations industrielles et na- tionalisations qui vont émailler l’histoire de notre aéronautique.

L’envol de la société et les heures sombres Marcel Dassault relance ses activités à la création du ministère de l’Air en 1928. Elle va précéder la naissance de l’Armée de l’air en 1934 qui obtient enfin son indépendance. Eric Trappier, le PDG de Dassault, lors de la célébration des cent ans de Dassault Aviation. Il va dès lors produire des avions civils et militaires, dualité qui constitue toujours l’ADN de la société. Américains, Français et Britanniques commande de 1 000 SEA IV en 1918 reste À l’approche de la Seconde Guerre mon- se lancent alors dans la course au chas- sa plus grande joie, sa plus grande fierté diale, Marcel Dassault, comme tous les seur à réaction. L’industrie française a pris sera le Mirage III, symbole de sa réussite constructeurs français, est sollicité trop tard. beaucoup de retard avec la guerre. Avec la en France et à l’export. Il n’a pas le temps de produire le nombre création de l’OTAN en 1949, la France se À la demande de l’État, Marcel Dassault d’avions qui aurait permis à l’Armée de tourne vers les Britanniques et les Améri- lance en 1957 la construction d’un bombar- l’air de tenir tête aux chasseurs allemands. cains pour s’équiper avec 550 Vampire bri- dier bimoteur à long rayon d’action, capable Entre 1934 et 1939, il réussit l’exploit de li- tanniques, dont l’essentiel sera fabriqué en de voler à Mach 2. Dans un temps record, 62 vrer 1 500 appareils : des bombardiers bimo- France sous licence, et 360 bombardiers Mirage IVA seront livrés à partir de 1964 teurs (MB-200, MB-210), des quadriplaces F-84F, 60 chasseurs F-86K et 100 chas- pour constituer la première composante de de reconnaissance et de bombardement seurs bombardiers F-100 dans le cadre du la force de frappe indépendante décidée par (MB-131), des chasseurs (MB-151, 152 et Military Assistance Program américain ; sans le général de Gaulle. Cette composante sera 155), des bimoteurs de reconnaissance (MB- oublier une flotte de T-33 pour la formation. renforcée par la capacité nucléaire tactique 174) et de bombardement (MB-175). De En quelques années, Marcel Dassault et donnée au Mirage IIIE et au Jaguar A. Le nombreux pilotes s’illustreront au cours de ses équipes rattrapent le retard. Premier Mirage IVP continuera à voler jusqu’en la Bataille de France aux commandes de ces intercepteur à réaction conçu par Marcel 2005 pour des missions de reconnaissance avions. Le 29 mars 1940, le commandant de Dassault, l’Ouragan effectue son premier stratégique. Saint-Exupéry effectuera sa première mis- vol en 1949. 350 appareils seront en service Avec le Mirage IVA, Marcel Dassault sion de guerre à bord d’un MB-174 qui lui dans l’Armée de l’air de 1952 à 1961. Il sera donne au général de Gaulle les moyens de inspirera Pilote de guerre. Un nouvel acte acheté par l’Inde et le jeune État d’Israël. doter la France d’une force de frappe nu- fondateur de la relation entre Dassault et Puis vient le Mystère IV dont 225 exem- cléaire indépendante conférant ainsi une l’Armée de l’air. plaires seront payés par les Américains et dimension stratégique à l’Armée de l’air. Profondément patriote et animé d’un offerts à l’Armée de l’air dans le cadre de Prolongé aujourd’hui par le Mirage 2000N fort esprit de résistance, Marcel Dassault l’US Offshore Procurement Program. Ouragan et le Rafale, cet acte constitue le fondement sera mis en détention avec sa famille par le et Mystère IV équiperont la jeune Patrouille de la relation stratégique qui unit les deux régime de Vichy et déporté à Buchenwald de France. Ce sera ensuite l’arrivée du Super partenaires. pour avoir refusé de travailler pour l’Alle- Mystère B2 livré en 240 exemplaires à l’Ar- Les pilotes d’essais constituent également magne. Échappant à la mort par miracle, mée de l’air (1958-1977). un symbole fort de la relation. Provenant profondément marqué par cette période, il des forces, un grand nombre passera par décidera en 1949 de prendre le nom de ré- La saga du Mirage III l’École de l’air : René Bigand (44-Préziosi), sistant de son frère aîné, le général Darius- et du Mirage IV parrain de la promotion 69, Paul Boudier Paul Bloch : Dassault. Avec un premier vol en 1956, la saga des (37-Mézergues), Jean Coureau (47-Thol- Mirage III va commencer : 1 400 Mirage lon), Alain Tretout (56-Le Cong). Sans ou- Le deuxième départ III vont être construits et équiper 21 pays. blier les deux dernières légendes vivantes aéronautique De 1961 à 1995, l’Armée de l’air en mettra des essais en vol de Dassault : Roland Gla- Dès son retour en France en 1945, il ras- en œuvre plus de 400 de différentes ver- vany1 (40-Steunou) et Jean-Marie Saget semble ses anciennes équipes qui lui sont sions (C, E, B, BE, R, RD, Mirage 5). Pour (49-de Seynes). Les pionniers, Constantin restées fidèles. Le MD 315 Flamant gagne la France, le Mirage III devient le symbole Rozanoff et Charles Monier, ont quant à l’appel d’offres lancé par l’Armée de l’air d’une aviation de combat souveraine et eux donné leur nom aux bases de Mont- pour un bimoteur de liaison, avec un pre- compétitive. Les Américains détachent une de-Marsan et d’Istres. Comme eux, plu- mier vol en juillet 1947. 320 exemplaires équipe de la Rand Corporation en France sieurs ont donné leur vie pour la mise au seront commandés dans différentes ver- pour comprendre comment une entreprise point des chasseurs de l’Armée de l’air. C’est sions, il sera en service dans l’Armée de l’air de cette taille peut connaître une telle réus- toujours un piègeard qui est à la tête des jusqu’en 1982. site. Pour Marcel Dassault, si la première pilotes d’essais2. E

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 11 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Histoire Dassault Aviation : cent ans d’excellence aéronautique au service de l’Armée de l’air

plusieurs missions tout en privilégiant une coopération européenne. De nombreuses difficultés, en particulier concernant le par- tage industriel et la convergence du be- soin opérationnel, conduisent à la décision de produire le Rafale sans coopération. La chute des budgets de la défense dans les an- nées 1990 va avoir des conséquences sévères sur ce programme. En 25 ans, LPM après LPM4, la cible de Rafale pour les armées va passer de 320 Rafale (234 air et 86 marine) à 225 Rafale dans le Livre Blanc 2013 (185 air et 40 marine). Il en sera de même pour le calendrier de livraison. C’est avec dix ans de décalage, au printemps 2006, que l’Armée de l’air déclarera l’entrée en service opé- Le Général, entouré de Marcel et , présentant le Mirage III V. rationnel de son premier escadron Rafale. Pour autant, comme le soulignera la Cour E L’envol du Falcon d’études Dassault… va marquer une géné- des comptes en 2010, le coût du programme Une autre saga va débuter au début des ration de pilotes. Il servira de « camions à ne sera pas impacté. Soumis aux mêmes années 1960 : celle des avions d’affaires bombes » de l’Armée de l’air, en Afrique, contraintes, ce ne sera pas le cas de son Falcon qui vont trouver leur tremplin aux dans le Golfe et dans les Balkans. Progres- concurrent européen dont le coût a explosé. États-Unis grâce à Charles Lindbergh, qui sivement remplacé par le Mirage 2000D à Au-delà des enjeux industriels et financiers, choisira le Mystère 20, baptisé Falcon 20 partir de 1994, il sera retiré du service en quand on compare le niveau de performance pour l’occasion, pour la compagnie aérienne 2005. des deux avions, on ne peut que constater Panam. Aujourd’hui plus de 2 000 Falcon Il faut attendre 1977 avec le retrait des que la France a fait le bon choix. volent à travers le monde. Depuis la chute F-100 américains et du Vautour3 pour que Une nouvelle fois, la LPM 2014-2019 va des budgets de la défense, la société réalise la chasse française vole exclusivement sur mettre de la pression sur le programme 75 % de son chiffre d’affaires avec ces avions avions Dassault. Rafale. Elle fait le choix de suspendre les li- qui sont soumis, eux aussi, à une très rude En 1979, l’Alpha Jet commence à rempla- vraisons à la France pendant quatre ans et concurrence. L’escadron de transport 60 de cer les vieux T-33 de l’École de chasse et les demi en tablant sur un succès de l’export. Villacoublay, dont les cocardes parcourent le Mystère IV de la 8e escadre de chasse. Un Une telle situation est totalement inédite et monde, constitue le plus bel ambassadeur de total de 512 Alpha Jet sera produit pour 16 sans équivalent pour l’Armée de l’air mais la flotte Falcon. pays. La France en reçoit 176. Ils sont tou- surtout pour la société Dassault Aviation. jours en service à l’École de chasse et à la La signature des contrats avec l’Égypte et Du Mirage F1 au Rafale 8e escadre de chasse nouvellement recréée. le Qatar va permettre au « pari export » À partir de 1971, les Mirage F1 seront Depuis bientôt 40 ans, tous les pilotes de d’être remporté. Heureusement. À ce jour construits à plus de 700 exemplaires et ven- chasse ont été formés sur cet avion remar- 142 Rafale ont été livrés aux forces dont dus à 11 pays. L’Armée de l’air en recevra quable. La Patrouille de France, première 98 à l’Armée de l’air (51 Rafale B et 47 246 exemplaires dans les versions C, B, CR ambassadrice de l’Armée de l’air, l’utilise Rafale C) et 44 à la Marine. et CT. Le dernier Mirage F1-CR est retiré depuis 1981. Aujourd’hui, le constat est éclatant : le du service en 2014 après 40 ans de service Les années 1980 marquent l’arrivée du Rafale est le chasseur puissant et polyva- et, de l’Afrique au Golfe, après s’être illus- Mirage 2000, qui va constituer le fer de lent que les forces attendaient. Il permet à tré sur de nombreux théâtres. Un nouveau lance de l’Armée de l’air en attente de l’ar- l’Armée de l’air et à la Marine de rempla- record de longévité pour un chasseur de rivée du Rafale. 315 exemplaires en 5 ver- cer progressivement tous les anciens types l’Armée de l’air. sions différentes seront livrés à l’Armée de de chasseurs en service. Depuis 2007, les En 1971, à la demande de l’État, Dassault l’air entre 1984 et 1995 (M2000C, M2000B, Rafale de l’Armée de l’air sont engagés de et la société Breguet Aviation fusionnent. La M2000N, M2000D et M2000-5). Près de manière quasi continue sur tous les théâtres responsabilité du programme Jaguar, conçu 300 exemplaires supplémentaires seront d’opérations extérieures. Ils démontrent en coopération avec les Britanniques, et de exportés vers huit pays. De la guerre du tous les jours, dans le cadre de ces opéra- l’Alpha Jet, développé avec les Allemands, Golfe de 1991 au théâtre du Levant, le Mi- tions, de la mission nucléaire et de la per- est transférée à la nouvelle société Dassault rage 2000, appareil performant et apprécié manence opérationnelle, que c’est un avion (AMD-BA). Le Jaguar entre en service en des équipages, continue à donner à l’Armée capable de remplir tout le spectre des mis- 1973. Sur un total de 600 exemplaires, de l’air un large éventail de capacités. sions de la puissance aérienne, à partir d’une 200 seront livrés à la France (160 mono- piste ou d’un pont d’envol. Aucun autre places JAG-A et 40 biplaces JAG-E). Avion Le Rafale ou le triomphe avion au monde n’est capable d’un tel ni- « guerrier » par excellence, le Jaguar, dont de la polyvalence veau de polyvalence. les formes « carrées » indiquent au pre- À la fin des années 1970, l’état-major sou- Le potentiel d’évolution du Rafale reste mier regard qu’il n’est pas sorti du bureau haitait un avion bimoteur capable de remplir considérable. Les évolutions des standards

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 12 Revue des anciens élèves de l’École de l’air Photos DR permettent de l’adapter en permanence au besoin opérationnel. En 2018, le Rafale au standard F3R sera livré aux forces. Avec ce standard et son missile Meteor, le com- bat aérien va entrer dans une autre dimen- sion. Le standard F4 se profile déjà. Avec les nouveaux utilisateurs que sont l’Égypte et le Qatar, les perspectives des prospects en cours et la reprise des livraisons à l’Armée de l’air, 30 ans après le 1er vol de son dé- monstrateur, la saga du Rafale est très loin d’être terminée.

Trentième anniversaire Honneurs militaires aux Invalides. du décès de Marcel Dassault La carrière de Marcel Dassault a débuté Dijon dont le leader était le lieutenant-colo- possible de réussir une coopération euro- en 1916 avec l’hélice Éclair. Elle se termine nel Richard Wolsztynski (68-Bigand), futur péenne à condition d’avoir des règles du jeu en 1985 avec le Rafale, 70 ans plus tard. Sa chef d’état-major de l’Armée de l’air. Encore basées sur les compétences. Pour poursuivre dernière apparition publique aura lieu le un symbole fort. dans cette voie, le programme Futur Combat 14 décembre 1985 à l’occasion de la pré- Serge Dassault, entré dans la société à 25 System (FCAS) a été lancé avec les sentation du démonstrateur Rafale, son 92e ans, prendra les rênes de Dassault Aviation Britanniques en 2014. prototype. Il a 93 ans. Il trouve cet avion au décès de son père dont il fera fructifier Au moment où la puissante industrie « trop gros ». Il ne verra pas son 1er vol car l’œuvre. , nommé en américaine a fait du F-35 l’outil de sa domi- il s’éteindra quatre mois plus tard. Le Rafale 2000 après 40 ans passé dans la société, a fait nation totale sur l’industrie aéronautique de série pèsera une tonne de moins… entrer Dassault Aviation dans le XXIe siècle. militaire européenne, l’enjeu de l’avenir de Grand-croix de la Légion d’honneur, titu- Le secret du succès de Dassault Aviation c’est notre aviation de combat n’est pas simple- laire des croix de guerre 14-18 et 39-45 et aussi la stabilité de ses dirigeants. ment capacitaire et industriel. Il est avant de la Médaille de la Résistance, Marcel Das- Plus que jamais, l’avenir de l’aviation de tout stratégique. sault est décédé le 22 février 1986 à l’âge de combat doit se préparer en commun Entreprise française de souveraineté, 94 ans. De l’hélice Éclair au Rafale, la boucle Du SEA IV au Super Mystère B2, la so- Dassault Aviation garantit à l’Armée de est bouclée. ciété Dassault a construit pour l’Armée de l’air, depuis des décennies, une aviation de La longévité de Marcel Dassault a été ex- l’air des avions de plus en plus performants. combat performante et autonome, princi- ceptionnelle : il a traversé trois Républiques Avec le Mirage IIIE, l’avionneur est devenu pale condition de la liberté d’action de la et a connu neuf présidents de la République, également un intégrateur système. Avec le France. La composante aéroportée de la dis- 67 gouvernements, 28 chefs d’état-major de Mirage 2000, et encore plus avec le Rafale, suasion nucléaire en est la marque éclatante. l’Armée de l’air et 52 responsables de l’Avia- Dassault Aviation s’est transformée en ar- Répondre au besoin de l’aviation de com- tion civile. Sa ténacité a été également ex- chitecte de système. La capacité de la société bat française est la mission de Dassault ceptionnelle : sa société va traverser deux à se transformer constitue un atout majeur Aviation. L’histoire de son 2e centenaire guerres mondiales et survivre à deux natio- pour affronter les enjeux du futur. reste à écrire mais une chose est sûre : 100 nalisations. Pour lui, c’est aussi grâce à son Depuis janvier 2013, c’est à Éric Trap- ans après l’hélice Éclair, plus que jamais les trèfle à quatre feuilles, son talisman, qui ne pier, 5e PDG de la société, que revient la destins de Dassault Aviation et de l’Armée le quittait jamais. responsabilité de poursuivre l’œuvre de ses de l’air sont liés. Fait exceptionnel pour un industriel, un prédécesseurs. Celle-ci passe prioritaire- En ces temps agités remplis d’incerti- hommage national et les honneurs militaires ment par le maintien des compétences du tudes, laissons Marcel Dassault, qui en a lui seront rendus le 22 avril 1986 dans la cour bureau d’études dans une approche d’ar- connu d’autres, nous inspirer avec un der- d’honneur des Invalides en présence du Pre- chitecte de système. C’est la condition in- nier mot : « J’aime le silence fécond où naît mier ministre, Jacques Chirac, du Gouver- dispensable pour garantir l’avenir dans le pour moi une autre musique, celle des tâches, nement et des plus hautes autorités civiles domaine civil et surtout militaire. des projets, une musique où naît le futur. » (Le et militaires. L’éloge funèbre prononcé par L’aviation de combat de demain néces- Talisman, 1973) Jacques Chirac laissera des phrases devenues site de maîtriser des technologies nouvelles, célèbres : « La mort de Marcel Dassault fait mal d’être capable d’intégrer des systèmes tou- 1- Son parcours exceptionnel est retracé dans un ou- à notre pays », sa mort constitue « une blessure jours plus complexes et de répondre à un vrage récent, qu’il a rédigé à l’âge de 91 ans avec la col- pour la France dont il a été l’un des plus grands besoin croissant de connectivité. C’est le laboration de Bernard Bombeau : Du bataillon de choc et des plus prestigieux enfants ». cœur de métier de Dassault Aviation. au Mirage (Editions du Taillac, 2013). 2- Philippe Deleume (75-Duthoit) Son cercueil sera porté par 11 capitaines pi- Le démonstrateur européen de technolo- 3-130 exemplaires des versions N et B Vautour, bom- lotes de chasse de l’Armée de l’air. La minute gie de drone de combat nEUROn a permis bardier bimoteur lourd fabriqué par la SNCASO seront de silence et la Marseillaise seront conclues des progrès considérables dans des techno- en service à partir de 1958. par le passage d’une formation en delta de six logies critiques telles que la furtivité ou le 4- Loi de programmation militaire : elle définit un format Mirage 2000C de la 2e escadre de chasse de vol automatisé. Il démontre aussi qu’il est et un budget des forces pour une période de cinq ans.

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 13 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Histoire

Deux frères entre air et mer

Pierre Lorenzi (66 - Audemard d’Alençon)

Notre camarade évoque avec émotion les destins croisés de son père et de son oncle, tous deux pilotes dans l’Aéronavale au cœur du second conflit mondial.

de marine et pilotes, à certains épisodes sou- cation de l’aéronautique à Versailles (pré- vent peu connus, j’ai retenu respectivement curseur de l’École de l’air) de janvier 1933 un épisode lié bien sûr à l’aviation et, indi- à mars 1934, effectuant la formation en vol rectement, à l’École de l’air, pour chacun des sur Morane 138 au camp d’Avord. Il est deux frères. « breveté d’aéronautique » et sera certi- Fils d’un officier d’infanterie blessé du- fié « chasse » en 1933. Il connaît plusieurs rant la Première Guerre mondiale, les deux affectations : la base d’aéronautique navale frères Lorenzi, Jean et Michel, entrent tous de Hourtin, où il est formé sur hydravion, les deux en 1927 à l’École navale après des avant un embarquement en 1937 sur le croi- études au Lycée de Toulon et au Prytanée seur léger Gloire, où il officie comme chef militaire, où ils seront en maths sup/ maths du service aviation. Jean (à gauche) et Michel Lorenzi, oncle et spé, en particulier avec le futur ministre des Il embarque sur le Béarn - premier porte- père de l’auteur, à l’École navale, en 1927. Armées, Pierre Guillaumat. En 1929, leur avions français - où il prend, le 1er septembre promotion embarque sur la Jeanne d’Arc de 1938, la fonction de commandant de l’es- e contenu de cet article puise à plu- l’époque, le croiseur cuirassé Edgard Qui- cadrille de surveillance 7S1. La formation sieurs sources. Tout d’abord me net. Le bâtiment-école s’échoue malheu- est équipée de biplans à ailes repliables Le- Lrevient en mémoire un de mes sou- reusement le 4 janvier 1930 sur les côtes vasseur PL-101 triplaces. Leur armement venirs marquants de l’École de guerre. Au d’Algérie, dans les parages de Mers el-Ké- comprend un lance-bombes sous chaque cours d’une conférence sur l’histoire et bir, près d’Oran, après avoir percuté un récif aile et un jumelage de mitrailleuses Lewis l’aéronautique militaires, le conférencier, non signalé sur les cartes. Les cent quarante de 7,7 mm sur affût mobile au poste arrière. interrogé par un stagiaire sur le rôle de officiers-élèves sont alors rapidement affec- Peu après, la formation change de dénomi- l’Aéronautique navale durant la Seconde tés. Mon père, Michel, est très heureux de se nation et devient l’AB2. Guerre mondiale, en particulier à ses dé- voir muté en Chine, sur le Yang-Tsé-Kiang, À la déclaration de guerre le 3 septembre buts, avait répondu qu’elle « n’avait rien où il passera des années passionnantes à as- 1939, les escadrilles appartenant au porte- fait… » Outre l’ignorance manifeste et in- surer la protection des expatriés (commer- avions Béarn (AB1, AB2, AC1 et AC2) sont quiétante de l’intervenant sur certaines ac- çants, missionnaires…) et établir des relevés débarquées. Toujours équipée de PL-101, tions héroïques des « marins aviateurs », hydrographiques du Fleuve cette réflexion était plus généralement ré- Bleu… vélatrice du silence dont font l’objet les di- zaines de milliers de morts1, pour beaucoup Jean, de la bataille héroïques, que la France a connues pendant de France à l’Indochine la campagne de France. Son frère aîné, Jean, choi- Il y a ensuite le beau livre d’Arnaud sit l’Aéronautique navale Prudhomme qui rapporte les actions des après un court passage escadrilles de bombardiers en piqué Loire- comme chef du service Nieuport de l’Aéronautique navale contre Artillerie sur le Verdun en les colonnes allemandes en mai 19402 et 1930-1931 et commence dont mon oncle Jean avait commandé l’une très tôt une carrière essen- d’elles. tiellement aéronautique. Il y a enfin les récits familiaux. Mon père Il est ainsi désigné pour et son frère ayant participé, comme officiers l’École militaire et d’appli- Michel Lorenzi sur Morane 315 à Toussus-le-Noble en avril 1940.

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 14 Revue des anciens élèves de l’École de l’air l’escadrille est scindée en sections de trois appareils, chacune d’elles recevant à terre une affectation particulière. Le LV Lorenzi, pacha de l’AB2, reste avec la 1re section à Lanvéoc-Poulmic. Le 10 octobre, ils pensent avoir coulé un U-Boot au large de Penmarc’h après l’avoir attaqué à la bombe. Mais après la guerre, mon oncle nous confiait son doute. La seule preuve était l’apparition d’une grande nappe d’huile à la surface de la mer. Les archives de la Kriegsmarine ont depuis prouvé que le submersible, bien qu’endom- magé, était parvenu à rallier sa base en Alle- magne. En novembre, l’escadrille prend ses quartiers à Querqueville et réceptionne, fin Loire Nieuport LN 401 attaquant un motocycliste à Berlaimont. Dessin de J-F. Beutheret. 1939, ses premiers Loire-Nieuport LN-401 à Villacoublay. Spécialement conçu pour l’Aéronautique navale afin de servir sur le porte-avions Béarn, ce monoplan à aile basse dispose d’un système de repliage des ailes. Les jambes principales du train s’escamotent dans des nacelles d’intrados. Les freins aérodyna- miques sont assurés par l’ouverture du train Photos Coll. Arnaud Prudhomme d’atterrissage lors du piqué. La bombe est suspendue sous le fuselage à une fourche, ce qui permet le largage en évitant de heurter l’hélice. En octobre 1939, l’Armée de l’air a refusé les Loire-Nieuport qu’elle avait commandés (en version terrestre Loire-Nieuport 411). Ces avions étaient contestés en raison de leurs performances jugées insuffisantes et Attaqué par des Bf 109, le LN-401 de l’EV Faivre de l’AB2 se pose à Cambrai. de leur utilité… sans avoir jamais été em- ployés ! Comme le rapportera Jean Lorenzi, les d’officier depuis qu’il a pris le commande- Panzerdivision (commandée par le général deux escadrilles AB2 et AB4 « héritèrent ment de cette escadrille de bombardement Erwin Rommel) à Berlaimont, à proximité ainsi des premiers avions étudiés chez nous pour un an auparavant. Neuf Loire-Nieuport de la Sambre. Le commandant de l’AB4, le bombardement en piqué et auxquels leurs ailes chargés d’une bombe I2 de 150 kg attaquent le LV Lainé (de la promotion des deux en W donnaient un vague air de ressemblance en piqué une colonne d’artillerie ennemie frères), est en tête du dispositif avec ses avec leurs antagonistes allemands, les Junkers à Yerseke, à l’est du Beveland (Hollande), neuf LN-4113, suivi par les onze appareils 87 (Stuka) ». escortés par huit Potez 631 de la 1re Flot- de l’AB2 emmenés par le LV Lorenzi. Les L’offensive allemande du 10 mai trouve tille de chasse (F1C). Le lendemain, les neuf pilotes de l’AB2 qui ont vu leurs camarades l’AB2 à Berck (qui y est depuis la fin mars LN-401 de l’AB2 vont attaquer en semi-pi- plonger dans un barrage de Flak impé- en mission de protection de la Manche). Les qué les écluses sud du canal de Beveland nétrable piquent à leur tour sur l’objectif. Allemands bombardent la base sans parve- (région de Hansweert) et le pont de chemin Le LV Lorenzi et ses deux ailiers, les SM nir à détruire trop d’appareils. Plusieurs de fer de la ville de Flessingue. Le 17 mai, Niel et Le Moal, logent leurs bombes I2 E morts à déplorer et la casquette de Jean huit appareils de l’escadrille bombardent la Lorenzi traversée par une balle… digue reliant le Beveland à Walcheren avec 1- Le chiffre des pertes françaises pendant la Bataille Dès lors - et dès les premiers jours - l’AB2 dix bombardiers de l’escadrille AB1 et huit de France, longtemps estimé à 100 000 morts, est au- va exécuter des missions offensives de retar- Potez de la F1C. Dans la nuit du 18, trois jourd’hui compris entre 50 000 et 90 000 hommes. Le dement de l’avancée des armées ennemies. Loire-Nieuport de l’AB2 attaquent une bat- chiffre des « morts pour la France » s’élève à 123 426. Le 15 mai, c’est le baptême du feu pour terie d’artillerie qui canonne les positions 2- Les Bombardiers en piqué Loire-Nieuport, Editions les Loire-Nieuport de l’AB2 conduits par françaises à Walcheren. Missions réussies. TMA, , 2005. 3- Le bombardier Loire-Nieuport LN-411, commandé le LV Lorenzi. Décrit comme un « officier Le 19 mai, les deux escadrilles AB2 par l’Armée de l’air en 1939 puis cédé à la Marine, était calme, réfléchi, de jugement sûr, plein de sang- et AB4 sont engagées dans une mission identique au LN-401, version destinée à la Marine, mais froid et de maîtrise de lui-même », il a plei- d’attaque d’une concentration de blindés avec des ailes non repliables. L’armement fixe différait nement démontré ses qualités de pilote et et motorisés allemands de la 5e et de la 7e légèrement entre les deux modèles.

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 15 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Histoire Deux frères entre air et mer

à basse altitude, fut quittant Karouba, il rejoint le cabinet du réussie mais les ré- ministre. Jean Lorenzi décède brutalement actions ennemies d’un infarctus le 5 avril 1954. très violentes. La DCA et les chasseurs Michel, de la Chine à l’Afrique immédiatement ap- À l’issue de son affectation en Chine, et pelés par les troupes jusqu’à fin 1939, mon père, Michel, aura une au sol firent des ra- carrière essentiellement tournée vers la mer vages dans les rangs en particulier comme officier torpilleur, se- des bombardiers cond du pétrolier ravitailleur Le Mékong, français auxquels chef de service sur le croiseur Gloire. Son dernier embarquement se fera à bord du Le LV Michel Lorenzi (en blanc) devant un aucune protection de Bloch 174 du GR I/55 à Oran-La Sénia. Il chasse amie n’avait pu être concédée. » torpilleur L’Incomprise, en tant que com- commande du 6 juillet au 16 août 1940 le Plusieurs éléments ont empêché une ac- mandant en second. Mais, peut-être influencé Groupe d’aviation Marine de La Sénia. tion plus réussie de l’Aéronavale. La protec- par son frère, il a le sentiment que dans l’Aé- tion aérienne qui devait être assurée par un ronautique navale, il devrait pouvoir être groupe de chasse de la RAF à partir d’Ar- très directement et rapidement utile pour les ras ne s’est pas montrée. Les Loire-Nieu- phases les plus dures qui s’annoncent dans port qui naviguaient à basse altitude (entre la guerre contre l’Allemagne. Faisant preuve 300 et 500 m) ont été repérés et escortés par de ténacité, il obtient, comme lieutenant de un biplan d’observation Henschel 126 qui a vaisseau, une dérogation à la limite d’âge su- transmis leur position aux batteries de Flak. périeure autorisée pour être pilote dans la Un des pilotes de l’AB4 a même été abattu Marine. Cependant, comme ses collègues of- par une pièce de DCA française qui l’a pris ficiers élèves-pilotes rentrés à l’École de l’air pour un Stuka ! de Versailles au début de 1940, il va vivre un Un jour, lorsque j’étais conseiller militaire épisode peu connu, révélateur à la fois de la du Cnes, je suis entré dans un bureau proche complexité des situations auxquelles les ma- du mien et ai eu la surprise de découvrir sur rins et les aviateurs se sont trouvés confron- les murs des photos de Loire-Nieuport. J’ai tés et de la cohésion étroite dont ils ont su ainsi eu le plaisir de faire la connaissance faire preuve à cette occasion. de l’ingénieur informaticien Yvon Klein, fils L’École de pilotage 101 qui se trou- du jeune second-maître Jean Klein, pilote de vait alors à St-Cyr (l’instruction en vol se Le LV Michel Lorenzi devant un NAA-57 l’escadrille AB4 abattu pendant l’attaque de déroulait sur Morane 315 à Toussus-le- d’entraînement à Hyères en 1941. Berlaimont et fait prisonnier. Noble) s’était repliée sur Royan le 17 mai Le rappel rapide de ces actions la plu- 1940. Côté Marine, elle se composait de E de 150 kg à l’entrée du carrefour. Sorti in- part du temps méconnues ou ignorées est la brigade A3, une vingtaine d’enseignes demne de son piqué, Lorenzi regagne Berck. la preuve que les pilotes des formations de de vaisseau déjà brevetés et en instance de Mais les trois autres sections sont touchées. l’Aéronautique navale n’ont pas hésité à quitter l’école, de la Brigade H en cours de Cinq pilotes sont tués ou faits prisonniers. s’engager dans des « missions de sacrifice » formation avec 22 enseignes de vaisseau et L’action des Loire-Nieuport a été extrê- en mai-juin 1940. le lieutenant de vaisseau Michel Lorenzi, et mement meurtrière puisque les Allemands Dans l’immédiat après-guerre, Jean sera enfin de la Brigade F1 constituée de douze ont déploré 300 à 400 victimes en quelques en particulier chef d’état-major « Aéro- aspirants de réserve déjà brevetés et six en minutes. L’action meurtrière des bombar- navale » en Algérie et en Tunisie, chef instance de l’être. À l’issue d’un périple qui diers en piqué de l’Aéronavale – 300 à 400 « aviation » du porte-avions Dixmude en les a fait passer par Royan, Hourtin (où res- victimes en quelques minutes – est passée Indochine en 1946-1947, commandant du teront la Brigade A3 et les « brevetés » de sous silence par les Allemands. On n’en torpilleur Lorrain en 1949-1950. Profes- la F1) et , ils embarquent à Toulon trouve nulle trace dans les journaux de seur à l’École supérieure de guerre navale pour rejoindre l’Algérie. marche des Panzerdivisionen… sans doute (ESGN) en 1951, il partira aux États-Unis Le 26 juin 1940 arrivent donc à Oran vingt par orgueil ! réceptionner le porte-avions Langley, un bâ- et un officiers-élèves et six aspirants de ma- L’AB2 comme l’AB4 sont citées à l’ordre timent qui sera rebaptisé La Fayette et dont rine de l’École de l’air de Versailles. Ils ont de l’Armée de mer le 21 mai 1940 pour « la il deviendra chef « opérations ». Puis, de dé- suivi le cycle complet d’instruction et de pi- hardiesse sublime dont elles ont fait preuve le cembre 1952 à février 1954, il commande la lotage. Il ne leur reste donc plus qu’à satis- 19 mai 1940 sur le front des armées, en pul- BAN de Bizerte-Karouba et l’Aéronautique faire aux épreuves d’examen de fin de cours vérisant à courte portée l’objectif assigné, au navale en Tunisie. pour recevoir leur brevet d’aéronautique. prix de la moitié de leurs effectifs ». Ces très Par décision ministérielle du 21 juillet C’est alors qu’ils apprennent que l’École 101 lourdes pertes sont dues à la Flak et aux 1952, il fait l’objet d’une proposition ex- est dissoute en Afrique du Nord, en dépit du Messerschmitt Bf 109 comme le souligna traordinaire d’avancement au grade de ca- fait qu’une partie de ses appareils a rejoint Lorenzi : « L’attaque, effectuée par surprise, pitaine de vaisseau à titre exceptionnel. En l’Algérie.

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 16 Revue des anciens élèves de l’École de l’air Photos Coll. Lorenzi

Le détachement à peine arrivé, le 3 juil- Michel Lorenzi aux com- let 1940, les Britanniques ouvrent le feu et mandes d’un hydravion d’ex- bombardent l’escadre française, provoquant ploration LeO H-470, second de l’escadrille 4E stationnée à le désastre de Mers el-Kébir. Devant cette Dakar (Sénégal). agression à l’origine de la mort de 1 297 de leurs frères d’armes, le Groupe d’aviation Marine de La Sénia est créé le jour même en vue d’une riposte. Son commandement est confié au LV Michel Lorenzi, officier le Jean Lorenzi dans sa combinaison plus ancien dans le grade le plus élevé. Cette de vol en 1935. unité est mise à la disposition de l’Armée de l’air pour assurer les missions de recon- mission de bombardement sur l’escadre. rageusement dans différents épisodes de la naissance nécessaires à la recherche de l’es- Le 11 au matin, des bâtiments légers an- guerre. Parmi eux, plusieurs poursuivront, cadre anglaise jusqu’à son port de recueil glais sont repérés près de l’île d’Alboran. pendant et après la guerre, de brillantes car- probable, celui de l’enclave britannique de L’un d’eux est bombardé mais évite de peu rières dans la Marine ou dans le civil. Tel Gibraltar. Elle doit éventuellement partici- les bombes françaises. Plus de 80 missions fut le cas de Michel Lorenzi qui prolongea per à des opérations représailles en réponse de reconnaissance sur Gibraltar ou en mer sa vocation aéro-maritime d’abord comme au drame que vient de vivre la Marine. sont effectuées mais les missions de bom- ingénieur, chef du programme « électri- Du 4 au 6 juillet, les missions sont assu- bardement - en particulier sur l’enclave bri- cité » du Breguet Deux-Ponts (pour lequel rées par des avions du Centre d’essais en vol tannique de Gibraltar - sont reportées puis il a repris d’une manière originale des plans d’Orléans ou par des avions de l’Armée de annulées. ingénieux du réseau électrique d’avions alle- l’air repliés isolément sur Oran. Puis, vers Les officiers-élèves de ce détachement mands), ensuite comme directeur d’un ar- le 7 juillet, le général Hébrard, commandant poursuivront leur formation de pilote, mon mement naval international à Rotterdam l’Armée de l’air d’Oran, constitue le Grou- père sur North American NAA-57 d’entraî- et Anvers (ses cargos effectuant du tram- pement de reconnaissance de La Sénia avec nement puis sur hydravion à Saint-Raphaël. ping dans le monde entier). Il achèvera sa les GR II/52 (Cdt Gouillon) et GR I/55 Il sera finalement breveté en 1941. Affecté carrière en tant que secrétaire général de (Cdt de Tarlay puis Tuffal), deux groupes à la section des Lioré et Olivier H-470 et Thomson-CSF. équipés de Bloch 174 et 175 récemment comme second de l’escadrille E4 en 1942, il versés en unité et qui permettront les mis- pilotera par la suite différents types d’aéro- Conclusion sions à long rayon d’action. L’École de vol nefs, tel l’hydravion de surveillance Loire Les deux frères marins et aviateurs se à haute altitude (Cdt Sassard puis Michy) 130 ou l’avion terrestre Martin 167F… sont trouvé l’un et l’autre « acteurs » d’une participe à l’opération avant d’être rapide- En 1943, le LV Lorenzi se trouve à Port- situation bien éloignée de celle que retient ment dissoute. Étienne comme commandant de la Défense l’histoire officielle. Chaque reconnaissance commandée par maritime du secteur de Mauritanie (et la Mon oncle, Jean, aura été engagé en l’amiral commandant la Marine à Oran et BAN secondaire de Saint-Louis du Sénégal) mai 1940 dans la brève mais héroïque épo- approuvée par le général « Air » d’Oran, est où sont positionnés des hydravions Short pée de l’Aéronautique navale, dont l’oubli effectuée par un appareil du groupement Sunderland de la RAF, chargés d’effectuer est à la mesure de l’occultation des actions ayant comme observateur (généralement des missions de reconnaissance le long des courageuses des trois armées pendant la chef de bord) un des officiers de marine du côtes de l’Afrique occidentale. Il prendra campagne de France. groupe. Pour les missions de bombarde- part à la protection des convois alliés en Mon père, Michel, aura, lui, vécu une des ment, l’Armée de l’air utilise des LeO 451 Atlantique et en Méditerranée. Il comman- nombreuses situations difficiles auxquelles dont l’observateur est presque toujours un dera ensuite les BAN de Thiersville, puis se sont trouvés confrontés beaucoup d’of- des officiers de marine. Le 8 juillet, un pro- d’Arzew en Algérie. ficiers en corollaire de l’impéritie de l’en- blème de bombes empêche un groupe de La plupart de ces officiers-élèves de semble des politiques et de leur vision à bombardiers LeO 451 de décoller pour une l’École de l’air se trouveront engagés cou- courte échéance.

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 17 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Histoire

Cent ans d’insignes de brevets de spécialité

Éric Bénard (99 - Dumesnil de Maricourt)

Par une loi du 31 décembre 1913, la Direction de l’aéronautique, ou 12e Direction du ministère de la Guerre, est créée. Alors que l’Armée de l’air n’existe pas encore, depuis septembre 1916, les insignes du personnel navigant portés si fièrement par ceux qui ont décroché leur brevet de spécialités ont vu le jour. Ancrés aujourd’hui dans les traditions de l’Armée de l’air, l’auteur nous propose de nous en expliquer la genèse et les significations…

L’aéronautique militaire nant de Tricornot de Rose (1876-1916), issu avant 1914 de la cavalerie, en février 1911.

La Direction du matériel aéronautique est Photos DR Le décret du 19 février 1925 définit le créée par le décret du 10 avril 1910, tan- personnel navigant de l’Aéronautique puis dis que le décret du 22 octobre 1910 place la loi du 30 mars 1928 portant statut du les Services d’aérostation et d’aviation sous personnel navigant, précise que des brevets l’autorité d’un inspecteur permanent de peuvent être accordés à ce personnel sous l’Aéronautique militaire. Cette inspection réserve qu’il remplisse certaines conditions permanente de l’Aéronautique sera suppri- (nombre d’heures de vol, épreuves à effec- mée le 12 février 1914 et remplacée par la tuer…). Direction de l’Aéronautique militaire. Le décret du 27 décembre 1929 définit Le premier projet d’organisation de l’avia- quant à lui « le personnel de l’Aéronautique tion militaire remonte au 27 septembre militaire, qui, pratiquant normalement et ef- 1911. Il est l’oeuvre du général Pierre Au- fectivement la navigation aérienne, consti- guste Roques, issu du Génie et inspecteur tue le personnel navigant de l’Aéronautique permanent de l’Aéronautique militaire qui militaire » et « détermine les brevets qui est le créateur et l’organisateur de l’aviation sont accordés au personnel navigant ainsi militaire française. En 1911, il décide ainsi que les conditions à remplir pour être classé que les « établissements d’Aéronautique » ou maintenu dans ce personnel navigant ». porteront le nom d’« escadrilles » et que les Le personnel navigant est possesseur des « aéroplanes » seront appelés « avions » en Insignes de l’aéronautique militaire en 1912 brevets militaires de navigation aérienne hommage à Clément Ader et au nom choisi suivants : pilote d’avion, pilote d’autogire, par ce dernier pour son propre appareil. observateur en avion, observateur en bal- C’est la loi du 29 mars 1912 qui orga- lon, radiotélégraphiste en avion, mitrailleur nise l’Aéronautique militaire qui comprend rection de l’Aéronautique ou 12e Direction en avion, mécanicien volant et parachutiste alors 7 compagnies d’aéronautique, 1 com- du ministère de la Guerre. de l’infanterie de l’air. pagnie de conducteurs et 10 sections d’aé- En mai 1934, un autre brevet militaire ronautique. Le 1er octobre 1912, elle est Les brevets de spécialités est créé, celui de pilote d’avion « estafette » réorganisée et comprend 4 compagnies Les premiers brevets militaires sont créés (ou BMPAE) encore remis de nos jours au d’aérostation, 3 compagnies d’aviation et en 1889 (brevet simple ou supérieur d’aéro- personnel navigant de réserve de l’Armée 10 sections d’aéronautique. Le 23 no- naute militaire). Suivent ensuite les brevets de l’air. vembre 1913, elle est de nouveau transfor- de pilote de ballon dirigeable (février 1908), Plus tard, d’autres brevets seront créés mée et comprend 1 groupe d’aérostation et de pilote d’avion (février 1911) et de mécani- comme celui de parachutiste d’essais (1947) 2 groupes d’aviation. cien de dirigeable (octobre 1911). Le premier ou celui de pilote d’hélicoptère. La loi du 31 décembre 1913 créée la Di- pilote militaire à être breveté est le lieute-

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 18 Revue des anciens élèves de l’École de l’air Insigne représentant Insigne représentant le brevet de le brevet de pilote militaire. navigateur officier système d’arme militaire.

La tenue des troupes d’Aéronautique daille (ou plaque) réservée au personnel na- gine sur les entoilages des avions et qui, un avant la Première Guerre mondiale vigant et qui serait nettement distincte pour siècle plus tard, sont encore portés (photo Les troupes d’Aéronautique conservent les pilotes d’avions, pour les observateurs en du capitaine Guynemer qui porte l’insigne provisoirement l’uniforme des sapeurs-aé- avion et pour les pilotes de dirigeable. Ces de pilote breveté aviateur militaire et celui rostiers fixé après la guerre de 1870 avec insignes seraient délivrés en même temps de son escadrille, la SPA 3). des modifications destinées à les différencier que le brevet correspondant et numérotés De même, cette année-là, est créée la revue des troupes du génie. Un élément va diffé- comme ce brevet. » La Guerre aérienne, dans laquelle le rédac- rencier le personnel non pourvu du brevet L’évolution ne se fait toutefois que pro- teur en chef, Jacques Mortane, journaliste d’aviateur militaire, de pilote et mécanicien gressivement puisque dans une lettre du spécialiste de l’aéronautique réputé, écrit de dirigeable ou de mécanicien d’aéroplane 25 octobre 1915 du sous-secrétaire d’État dans le numéro du 30 novembre 1916 : « Les de celui qui détient un des susdits brevets : de l’Aéronautique militaire, il est encore insignes de l’Aéronautique viennent d’être sur la patte du collet, à côté du numéro du question, pour l’uniforme des troupes aé- modifiés. Ne me demandez pas pourquoi. Il groupe, est brodé l’insigne du brevet, c’est- ronautiques, d’un « insigne général sur le est à croire que des raisons sérieuses nous à-dire une étoile ailée pour les aviateurs mi- bras droit (hélice ailée pour l’aviation ; ancre y ont incité. Dame, si les intérêts de la dé- litaires, une roue de gouvernail ailée pour ailée pour l’aérostation) » et « des insignes fense nationale étaient en jeu, on a bien fait. les pilotes de ballon dirigeable, une gre- spéciaux, soit sur le collet, soit sur le bras Si c’est simplement pour changer, je suis nade ailée pour les mécaniciens de ballon droit ». Ce qui est précisé ou modifié, ce sont un peu comme celui qui préférait un cheval dirigeable et les mécaniciens d’aéroplane. les conditions d’attribution et de port de ces borgne à un aveugle. Nous ne verrons plus Il existe un insigne général pour le per- insignes. La fin de la lettre précise toutefois les jolies ailes sur les bras. Cet ornement sonnel de l’Aéronautique et des insignes de qu’« une étude est actuellement en cours, léger et délicat, qui fit frissonner nombre de spécialités. Cet insigne était destiné à distin- en vue de modifier les insignes spéciaux des marraines, a été remplacé par des ferblante- guer les unités d’aviation et d’aérostation, différentes catégories du personnel de l’Aé- ries inélégantes qui rappellent un peu trop des autres unités du Génie. ronautique militaire ». ces ornements à bon marché qu’on distri- L’insigne général, une ancre ailée pour C’est l’instruction du 10 septembre 1916, bue contre espèces dans les rues au cours l’aérostation et une hélice à deux branches relative au port des insignes du personnel des journées du Poilu ou des Orphelins. Ce pour les troupes d’aviation, se porte sur la navigant, qui créé les insignes spéciaux ré- n’est pas plus artistique, ce n’est pas davan- manche droite de la tunique, de la veste et servés au personnel navigant de l’Aéronau- tage militaire. […] Mais je n’insiste pas, de la capote. tique, supprime les insignes précédents et j’aurais l’air de faire le procès de l’heureux Les insignes de spécialité, au nombre réglemente le port de ces insignes, de ceux fabricant de ces petites fantaisies qui feront de trois, se portent sur le bras gauche. Ils de collet et de ceux du personnel navigant. sans doute florès avant peu sur les chapeaux consistent en une roue dentée pour les mé- Ces insignes, portés sur la poitrine à la des dames qui s’imaginent que la guerre caniciens, un nœud hongrois pour les autres hauteur du téton, sont au nombre de cinq : doit leur fournir prétexte à ornement. » spécialités (cordiers, tailleurs, voiliers et pilote breveté aviateur militaire, pilote bre- Et, après avoir indiqué la liste des insignes monteurs) et un baraquement en drap bleu veté de ballon dirigeable, élève-pilote avia- de spécialité (pilote breveté, mécanicien bre- foncé avec porte et imposte en fond bleu teur et observateur en avion, élève-pilote de veté, élève pilote, officier non breveté, em- horizon pour les monteurs de hangar (à ballon dirigeable, mécanicien de dirigeable ployé militaire), il finit ainsi : « J’espère avoir compte d’octobre 1915). et observateur en ballon dirigeable, ballon rendu service aux bazars qui vont ainsi pou- captif ou cerf-volant et personnel d’équipage voir alimenter de ces babioles leurs rayons Les évolutions pendant d’avion ou de ballon dirigeable. Ils portent d’articles à bon marché. » la Première Guerre mondiale tous un numéro d’ordre et un poinçon de Dans une dépêche du 27 août 1915, contrôle et sont délivrés par le ministre. Le créateur de l’insigne : Alexandre Millerand, ministre de la « À partir de la date de la présente instruc- Charles Pillet (1869-1960) Guerre, propose la suppression de l’insigne tion, le port des insignes indiqués ci-dessus La création de l’insigne de brevet de pilote des troupes aéronautiques portées au bras. est seul réglementaire. » est confiée par le général Hirschauer, direc- Dans une lettre du 30 août 1915 adres- 1916 marque un tournant puisque en teur de l’Aéronautique militaire, au sculp- sée par le directeur de l’Aéronautique au plus de cet insigne de brevet, commencent teur Charles Pillet qui réalise le dessin de ministre de la Guerre, sont pour la 1re fois à apparaître sur les tenues les premiers in- base. Ce dernier, sculpteur renommé, a rem- évoqués des insignes métalliques : « une mé- signes d’escadrilles, insignes figurant à l’ori- porté le 1er grand prix de Rome en 1890 et E

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 19 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Histoire Cent ans d’insignes de brevet de spécialités (1916 - 2016 ) DR

Aéronautique militaire : écussons de collet et de képi 1912.

E de nombreux autres prix (Médaille d’argent revers de l’insigne. En effet, jusqu’aux an- 10. élève bombardier. de l’Exposition universelle de 1900). Il a nées 1950, tous les insignes sont numéro- 11. élève radiotélégraphiste-navigateur. déjà réalisé des œuvres ayant trait à l’avia- tés dans l’ordre d’attribution. Le numéro 12. élève radiotélégraphiste de bord. tion, notamment la plaquette commémo- est gravé à la main et précédé jusqu’en 13. parachutiste d’essai. rant le virage de Santos-Dumont autour de 1920 de la lettre « B », en anglaise, dans 14. convoyeuse de l’air. la tour Eiffel en octobre 1901. un cadre ovale. Aujourd’hui, seuls sont encore attribués Pendant la Grande Guerre, il réalise des ou portés ceux de pilote, d’élève-pilote, insignes militaires : « J’ai créé, exécuté et fait Les évolutions de 1924 de navigateur et de convoyeuse de l’air. modeler les outillages de frappe ayant servi à nos jours En effet, celui de navigateur est porté par à la frappe de ces insignes qui ont été distri- L’instruction ministérielle du 23 avril les Navigateurs officiers système d’arme bués aux aviations terrestres et maritimes et 1924 sur le port des insignes mobiles spé- (NOSA). Cet insigne est constitué d’une que j’ai fournis un certain temps. Cette four- ciaux au personnel navigant de l’aéronau- paire d’ailes, d’un globe et d’une couronne niture me fut retirée sous prétexte qu’un tique militaire qui abroge l’instruction du de lauriers. Quant à l’insigne de convoyeuse mobilisé estampeur allait s’en occuper. J’ai 10 septembre 1916 confirme l’existence des de l’air, il comprend les éléments suivants : donc remis mon outillage à Nanterre où se cinq insignes : pilote d’avion, observateur feuillage d’un chêne parce que cet arbre est trouvait l’administration militaire à cette en avion, observateur en ballon, membre un des végétaux les plus robustes de la na- époque. » 1 d’équipage d’avions (mitrailleur, radiotélé- ture ; c’est aussi l’arbre emblématique du graphiste…) et élève pilote d’avion. dieu Jupiter ; c’est l’image de la longévité Description de l’insigne L’instruction n° 4200 du 27 juillet 1948 et de la puissance, le chêne symbolise natu- L’insigne de pilote breveté aviateur sur le port des insignes mobiles spéciaux rellement le commandement, l’étoile rap- militaire est constitué d’une paire d’ailes, au personnel navigant de l’Armée de l’air pelle la direction à suivre et l’excellence à d’une étoile et d’une couronne de lauriers. abroge celle du 23 avril 1924 et prévoit, laquelle aspirent les personnels navigants, Il a pour définition héraldique : « Cou- quant à elle, 14 insignes pour le personnel les ailes sont les attributs naturels du per- ronne de feuillage de lauriers d’argent, navigant de l’Armée de l’air : sonnel navigant, la croix de Malte rappelle surmontée d’une étoile d’or à cinq 1. pilote d’avion. le dévouement et l’aide apportée à autrui branches et brochant le tout une paire 2. navigateur. par les convoyeuses de l’air, à l’image des d’ailes déployées d’or. » Et sa définition 3. bombardier. chevaliers de l’Ordre de Malte. symbolique est : « L’étoile les guide, les 4. navigateur-bombardier. Les missions de l’Armée de l‘air se di- ailes les portent et la couronne de lauriers 5. radiotélégraphiste-navigateur. versifiant de plus en plus, de nouvelles les attend. » 6. radiotélégraphiste de bord. spécialités sont apparues au fil des an- Les premiers exemplaires de cet in- 7. mécanicien volant. nées, qui donnent droit à un brevet et à signe sortent des ateliers de fabrication 8. élève pilote d’avion, militaire des ré- l’insigne correspondant (une douzaine de l’armée en novembre 1916 et sont im- serves de l’Armée de l’air titulaire du bre- depuis 1991). médiatement attribués. Chaque récipien- vet militaire de pilote d’avion estafette créé daire reçoit un diplôme dont le numéro par arrêté du 9 mai 1934. 1- Voir Club français de la médaille, bulletin n° 27/28, d’ordre ne correspond pas à celui gravé au 9. élève navigateur. juin-novembre 1970, page 127.

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 20 Revue des anciens élèves de l’École de l’air Trophée AEA 2016 du meilleur article d’un jeune piégeard

L’association des anciens élèves de l’École de l’air organise cette année un concours du meilleur article d’un jeune piégeard, récompensé par un superbe tro- phée.

RÈGLEMENT DU CONCOURS : Qui peut participer ? Comment sera désigné le meilleur article ? Le concours s’adresse aux membres des promotions Le jury, composé des membres du comité de rédaction 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015 de l’École de l’air. du Piège, procédera à la désignation du meilleur article. L’exploitation des articles aura lieu au cours du quatrième En quoi consiste le concours ? trimestre 2016. Le concours consiste à rédiger un article sur le thème Les critères de sélection porteront notamment sur « Pourquoi j’ai intégré l’École de l’air ? ». l’intérêt général de l’article, son originalité, la valeur de la L’article devra avoir une longueur comprise entre démonstration, la qualité d’ensemble de la présentation, la 8 000 et 10 000 signes (espaces et ponctuation compris). richesse du vocabulaire, la syntaxe… Il sera rédigé sous Word, en police Times New Roman corps 12. Quelle est la récompense attribuée au gagnant ? Le vainqueur désigné par le jury aura son article publié Quel est le calendrier du concours ? dans Le Piège n° 227 et se verra remettre le trophée par Les candidats transmettront leur article sous format le président de l’AEA lors d’une petite cérémonie amicale : numérique à l’[email protected] avant le une montre BELL & ROSS BR 123 – Commando. 30 septembre 2016 minuit, en précisant dans l’objet : « Concours AEA article Piège – grade NOM prénom – promotion XXXX ». Les résultats du concours seront proclamés dans Le Piège n° 227.

BELL & ROSS BR 123 – Commando

Mouvement : mécanique automatique. Fonctions : heures, minutes, petite seconde. Date. Boîtier : diamètre 41 mm. Acier finition PVD noir mat. Fond vissé. Cadran : gris. Chiffres, index et aiguilles recouverts d’un revêtement photoluminescent. Verre : saphir ultra-bombé traité antireflet. Étanchéité : 100 m. Bracelet : caoutchouc gris. Boucle : ardillon. Acier finition PVD noir mat.

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 21 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Récits

Félix

Jean-Paul Salini (48 - Brachet)

On ne présente plus Félix, une figure de l’Armée de l’air connue notam- ment pour ses réalisations qui devaient déboucher sur les hélicoptères « Pirate » en Algérie. Le récit qui suit complète à merveille la légende et le portrait d’un homme au caractère bien trempé et imaginatif : il est repris du tout récent livre de notre camarade Dernier virage que nous présen- tons dans la rubrique Notes de lecture.

Une directive surprenante du colonel Brunet : du pur Félix !

e vole en numéro 2 derrière Félix. C’est « Votre radiateur d’huile est fermé ! » la vieille école pour qui un avion se compose une place que j’ai arrachée de haute Et la réponse fuse, immédiate : de quatre éléments : un manche, un palon- Jlutte. Initialement il était prévu que je « Tu pouvais pas le dire, petit con ! » (sic) nier et une manette des gaz. Et un canon ! décolle derrière mon commandant d’esca- Ça, c’est du Félix tout craché ! Si quelque Surtout le canon ! Le reste ce sont des acces- drille. Mais Félix est arrivé et il a pris sa chose va de travers, il lui faut un respon- soires en plus. Tout autre pilote que lui, s’il place. Alors l’autre a essayé de prendre la sable. Et comme ça ne peut pas être lui, c’est faisait les mêmes erreurs, serait viré sur le mienne. Mais je ne suis pas là depuis cinq donc le premier qui est à portée de voix. champ. Mais c’est Félix ! Il est commandant heures ce matin pour me laisser déposséder. On reprend la route vers l’objectif mais de la base. Une base dont il s’occupe assez Alors j’ai un peu rouspété et j’ai fini par gar- j’ai beau surveiller, je ne vois pas bouger le peu, vu qu’il a tout le temps le cul dans un der cette mission. volet du radiateur d’huile. Ça dure encore avion. Je serai sous ses ordres pendant vingt Nous sommes en l’air depuis cinq mi- une minute et je me demande si la com- mois et je crois que je ne le verrai jamais en nutes. Nous allons dégager un poste qui mande du volet n’est pas naze. Mais il me uniforme normal. Je ne me souviens de lui est attaqué par les Viets quelque part dans dit : qu’en combinaison de vol. le delta. Nous en avons bien pour quinze « Et comment on l’ouvre, ce p… de radia- Je le revois encore, Félix. C’est un Bre- minutes de trajet. Pour me distraire j’ai dé- teur ? » ton, puissant, lourd, avec une tronche qui cidé de faire un peu de patrouille serrée. Et Je lui explique. C’est laborieux. Mais ne sourit guère. Il marche avec décision, la je colle sur Félix. Mais comme il vole tout finalement on y arrive. Je ris in petto et je tête baissée. Mais ce n’est pas la tête baissée droit ça manque un peu d’intérêt. me demande à quoi il pense. Est-il confus ? d’un pénitent, d’un modeste ou d’un cou- Tout à coup il me vire dessus. J’ai juste Honteux de cette défaillance profession- pable. Il baisse la tête comme un taureau le temps de pousser sur le manche. Ce qui, nelle ? Tel que je le connais il ne doit plus de combat. Et que ce soit en vol ou au sol, vu que j’ai un peu desserré mes bretelles, y penser. C’est du passé. Et le passé il n’en il recherche le combat. Il a besoin d’un ad- m’envoie sur le plafond. Sa queue passe à a rien à foutre. Pour le moment son souci versaire. Sur sa base il est redouté, adulé, un mètre au-dessus de mon hélice pendant ça doit être, comme d’habitude, de trouver encensé. Il peut tout se permettre. Même qu’il gueule : « On rentre au terrain, j’ai 100 quelque part, quelqu’un, en l’occurrence un ses injustices concourent à sa légende. On degrés à l’huile ! » Viet, pour lui taper dessus. le surveille, on se raconte avec gourmandise Ça m’a bien fait perdre cinquante mètres, Félix en est à son troisième ou quatrième ses foucades, ses colères, ses emportements. sa manœuvre inattendue. Mais je mets les séjour en Indochine. Il a 1 500 ou 2 000 « Tu la connais, la dernière de Félix ? » Toutes gaz et je le rattrape en me doutant bien de ce missions de guerre. Mais il ignore superbe- ces histoires alimentent sa légende. Lui, il qui s’est passé. Et, effectivement, je vois que ment l’emplacement d’une commande qui, s’en fout. Je me demande s’il connaît les gens le petit volet du radiateur d’huile est fermé. avec les températures qui règnent ici, pré- qu’il a sous ses ordres. Il connaît leurs fonc- Et je lui dis : sente un intérêt évident. C’est un pilote de tions. C’est tout !

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 22 Revue des anciens élèves de l’École de l’air Bearcat au point fixe. Photos DR

Félix c’est un personnage. Il paraît qu’il sais pas comment fonctionnait le système de est timide. Si c’est le cas il cache bien son mise à feu. Il faudra me renseigner. jeu. Dans le boulot, que ce soit en vol ou au sol, il gueule, il écume, il menace. « Petit Bidon de napalm con ! Je vais te casser la gueule. » Quelquefois Pour l’heure sa marotte, à Félix, c’est le il le fait. Je l’ai vu coller une paire de baffes lance grenade. Ça fait un mois qu’il nous à un contrôleur d’aérodrome. Un capitaine. emmerde avec ce truc. Il a réquisitionné Un jour il se fera moucher, Félix, malgré tous les mécaniciens armuriers et toute la Félix Brunet et son éternelle cigarette. toute l’aura qui l’entoure. Moi, s’il m’avait journée ça bricole. La nuit aussi, d’ailleurs. fait ça, il aurait volé dans l’azur le Félix, Il a fait couper par le milieu, dans la lon- de fumée qu’un cuirassé. Et lui il ne vou- malgré ses quatre-vingt et quelques kilos. gueur, un bidon de napalm. Dans le demi-bi- lait pas larguer le bidon dans la nature, le Je crois que la rage m’aurait donné assez de don supérieur il a fait installer des alvéoles. fameux bidon qu’il avait eu tant de mal à force. Il faut dire que mes sentiments pour Dans chaque alvéole il y a une grenade à faire confectionner. Il a bien fallu pourtant Félix sont assez divers. D’un côté je par- main fumigène. Ça fait une cinquantaine qu’il s’y résigne, à larguer le total dans une tage le sentiment général d’admiration, et de grenades. En explosant elles produisent rizière. Il l’a fait avec un torrent de malé- presque d’adulation, qu’il inspire. Félix, c’est des fumées bleues, rouges, blanches, Je ne dictions et d’insultes. On écoutait tout ça un baroudeur, un vrai. Il ne vit que pour ça. sais pas où il est allé trouver ces grenades- à la radio. Un vrai régal. Il y en avait pour Le jour, la nuit, il est toujours là. Il cherche là. Dans quel dépôt ? Mystère. Avoir mis tout le monde mais les mécaniciens étaient constamment à améliorer les méthodes, les la main sur ces trucs, c’est déjà une perfor- particulièrement visés. Comme ils ne sont procédures. Il rudoie ses subordonnés. Il mance. Il a fait monter le demi-bidon de pas cons, ils ont parfaitement compris que rudoie les biffins. Il engueule ses chefs. Il napalm sous le ventre d’un avion et il a dé- le premier qui lui tomberait entre les pattes bouscule l’état-major. Il invente des trucs, collé pour les essais. Pas question pour lui allait comprendre sa douleur. aussi, pour faire la guerre. de laisser faire les essais à un autre. Son idée, C’est comme ça que Félix est arrivé dans Au début des opérations, c’était dans le à Félix, c’était de se promener en avion au- un parking complètement vide. Les pom- Sud, il n’y avait pas d’avions de chasse. Seu- dessus du champ de bataille et de le baliser piers avaient réussi à éteindre le feu avant lement des avions de transport. Des vieux à coup de grenades fumigènes. « Là ! Bom- qu’il ne quitte la piste et l’avion n’avait pas Ju 52, des trimoteurs en tôle ondulée, vé- bardez-moi cette fumée verte. Trois salves de grand-chose. On lui avait juste délégué un térans de la bataille de Stalingrad et qu’on 105 sur cette fumée rouge ! » Il s’y voyait déjà, petit gars, le plus naïf ou le plus jeune, je avait fauchés aux Allemands pendant la le Félix. Dirigeant toute la bataille depuis ne sais pas, pour le guider à son emplace- guerre. Félix, il a fait fabriquer du napalm, il son avion de chasse. Tout le monde sous ment et mettre les cales. Dès que l’hélice l’a fait stocker dans des bidons de dix litres, la main. Et lui, de là-haut, insufflant assez s’est arrêtée de tourner, trisse bonhomme ! il a inventé un allumeur et il a fait balan- d’énergie à ses gars pour leur faire faire le Le gars a foutu le camp. Il n’y avait plus que cer le napalm par la portière arrière du Ju. tour de l’Indochine au pas de gymnastique mon Félix, debout sur le siège de son avion, C’est le mécanicien qui était chargé de ça. et baïonnette au canon. « Avance, petit con ! à quatre mètres au-dessus du sol, à vociférer. On lui avait attaché une grosse corde au- Sinon je te fais tirer dessus. » Il l’aurait fait, j’en Tout seul ! Enfin pas tout à fait tout seul. tour du ventre pour qu’il ne parte pas avec suis sûr. Il aurait nagé dans le bonheur. Le Nous tous, bien planqués, on jouissait du sa marchandise. Au début, les pilotes de Ju, malheur c’est que les choses ne se sont pas spectacle. Ça s’est corsé lorsqu’on a vu ar- ils n’aimaient pas trop ça. Trimballer toute passées tout à fait bien. Au début de l’essai river un soldat, un simple soldat, tranquille, cette essence. Ils avaient l’habitude de trans- tout a bien fonctionné. Puis il y a eu une avec un sandwich dans une main et une bou- porter du ravitaillement, à la rigueur des des grenades qui n’a pas voulu se décrocher. teille d’eau minérale dans l’autre. Un petit paras. Puis ils se sont piqués au jeu. Pour En revanche, comme elle était amorcée elle soldat qui marchait innocemment vers les Viets, ça a été une surprise totale. Je crois s’est mise à fumer, puis à brûler, puis à foutre l’avion de Félix. On a appris par la suite que me souvenir qu’il y avait une sorte de rampe le feu aux autres. L’avion de Félix il était la toubiba, la femme de Félix, l’avait chargé de lancement pour guider les bidons… Je ne suivi d’un long panache coloré. Il faisait plus de porter un sandwich à son mari. Le Félix, E

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 23 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Récits Félix DR

E lorsqu’il était dans ses transes, il oubliait facilement de se nourrir. Il fallait y penser pour lui. Mais lorsqu’il a vu ce petit gars se diriger vers lui bien sage et bien tran- quille, le sandwich à la main, le Félix, il a dû le prendre pour un armurier, un mécano, quelque chose comme ça. Il s’est étouffé de rage : « Salaud ! Assassin ! Trois mois de boulot foutus en l’air à cause de connards comme toi ! » Puis, parvenu au paroxysme de la fureur en voyant le sandwich : « Et en plus tu bouffes ! » La toubiba, la femme de Félix, on ne la voit presque jamais. Elle doit exercer à l’hô- pital. Il paraît qu’elle est sympa. Je pense qu’il nous la cache. Peut-être qu’il ressent mal le fait qu’il est le seul à avoir sa femme ici. Tous les autres officiers sont célibataires. Moi, je ne vois pas où est le mal. Félix, ça fait quatre ans qu’il n’a pas quitté le Tonkin. Si je devais rester quatre ans ici je pense que j’aurais le droit à un peu de vie de famille (en supposant que je sois intéressé). Et en plus Pilotes de Bearcat préparant une mission d’appui dans le Nord Tonkin (1954). elle travaille et elle est médecin militaire. Alors… Je ne l’ai vue qu’une fois, la femme une opération qu’on menait en collaboration êtes-vous ? » « Bleu leader, répondez ! » « Où à Félix. Elle est pas mal. C’était au restau- avec les Corsair de la Marine. Les Corsair est bleu leader ? » « Quelqu’un a-t-il vu bleu lea- rant. Par hasard. Félix marchait devant, la vont moins vite que nous. Ils ont décollé der ? » Tout cela enchaîné et sans donner le tête basse. Comme s’il avait eu honte qu’on les premiers. Rendez-vous sur la cible. Mais temps à qui que ce soit de répondre. Soyons le voie avec une femme. Il a fait semblant nous avons dû décoller trop tôt derrière et justes : il ne se pressait pas trop de répondre, de ne pas nous remarquer. C’est peut-être nous nous sommes tous retrouvés au-dessus l’ami Grouiller, mais il a enfin pu attraper un vrai qu’il est timide. D’ailleurs il a quelque- de l’objectif en même temps. Les Corsair et instant de silence pour répondre : « Je suis fois des rougeurs subites qui lui montent les Bearcat. Les marins se sont mis à virer loin. Je bombarderai quand tout le monde sera au visage lorsqu’une question le prend au à droite. Et nous, nous nous sommes mis à parti. » On sentait qu’il était en rogne. Mais dépourvu. Et il craint l’ironie. Celle du pa- virer à gauche. À la même altitude. C’était ce n’était pas ce qu’il fallait dire. L’explo- tron surtout. Félix est colonel. Brunschwig, un peu la panique. Douze avions dans un sion ! Il en a pris pour son grade. Plus peut- le commandant de notre groupe de chasse, sens. Douze avions dans l’autre. Il faisait être car il a dû prendre une partie de ce que n’est que commandant. Il est bien inférieur beau. Aucun problème donc pour étager les Félix destinait au patron des marins et qu’il en grade et en âge à Félix. Il ne commande patrouilles. Mettre les marins plus-haut. avait dû garder par-devers lui. Du coin de que l’un des groupes installés sur le terrain. Ou les aviateurs. Qu’importe ? Il suffisait l’œil je voyais les équipiers, condamnés au Félix commande à toute la base et il aurait de donner un ordre. Au lieu de cela, Félix silence radio, qui exprimaient leur jubilation tendance à faire déborder son commande- a estimé que le plus urgent était de traiter de toutes les manières possibles. En battant ment sur tout ce qui passe à sa portée. Mais les marins de tous les noms. Or il ne faut des ailes, en faisant avec l’avion une sorte de notre patron a obtenu que Félix le considère jamais être impoli avec des marins. Il n’y a danse grotesque. Il y en a même un qui a fait avec une sorte de déférence. Lorsqu’il est là, rien qu’ils apprécient autant que la civilité. Il un tonneau. Avec les bombes sous les ailes ! Félix met une sourdine à ses excès et la dis- n’y a qu’à voir le temps infini qu’ils passent C’est rigoureusement interdit ! Félix a tenu cussion prend un tour plus rationnel. à dresser des plans de table ou à calculer le à rester là pour nous voir bombarder et il nombre de coups de canons qu’ils doivent est rentré au terrain avec notre patrouille. Si tous les colonels... tirer pour saluer telle ou telle personnalité. Comment aurait-il pu tolérer qu’il se passe Je dois reconnaître que si tous les colo- Le patron des marins, qui n’est pas un quelque chose en son absence ? J’ai fait tout nels en Indochine étaient aussi motivés que commode, a répondu sur le même ton. En le trajet du retour en pensant à la rafale Félix on aurait déjà gagné la guerre. Mais moins prolixe et en plus sec. Dans le bordel que Grouiller allait prendre à la descente je dois reconnaître aussi que je n’aime pas qui a suivi, pas moyen de donner un ordre, de l’avion. Mais non ! Rien ! Il avait oublié, voler avec lui. Il gueule. Il fout la pagaille les avions se croisaient dans tous les sens. Félix. Il pensait déjà à autre chose. et il n’est pas précis dans son tir. Pour moi Grouiller a mis les gaz sans rien dire et sa On raconte des tas de trucs sur Félix. Il a la guerre est une chose qu’il faut essayer patrouille, où j’étais numéro quatre, l’a suivi. sa légende. Il n’a rien fait pour la créer. Il ne d’ordonner. Le temps que l’on prend pour Nous sommes allés nous faire oublier en al- fait rien pour l’entretenir. Il ne parle jamais réfléchir est du temps gagné. Félix, lui, il y titude. Là-haut, confortables, nous atten- de lui. Il ne parle même pas de la guerre. va à l’inspiration. Il y a des détails qu’il né- dions les événements. Jusqu’à ce que Félix En fait, en dehors des ordres et des engueu- glige totalement. Je ne lui ai pas pardonné s’aperçoive de notre absence et se mette à lades, il ne dit rien. Ce qui fait qu’on lui fait le bordel qu’il a foutu le mois dernier dans monopoliser la fréquence : « Bleu leader, où dire beaucoup de choses. Qu’on lui fait faire

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 24 Revue des anciens élèves de l’École de l’air aussi beaucoup de choses. On prétend qu’à l’époque où nous n’avions pas d’hélicop- tères, Félix avait entrepris de résoudre le Un officier hors-normes problème de la récupération des pilotes qui avaient sauté en parachute dans les zones Le colonel Félix Brunet est un personnage extraordinaire. Il a participé à la ennemies. Avant l’arrivée des hélicoptères le campagne de France en 39-40, puis aux opérations de Tunisie, de Corse (où gars qui sautait au-delà de nos lignes n’avait il obtient sa première victoire aérienne), de Provence, puis à la libération de aucune chance de s’en tirer. Au mieux il fi- la France et il continue à combattre jusqu’à la victoire finale. Il est blessé en nissait entre les mains des réguliers Viets. 1944, lors d’une escorte de bombardiers. Au pire… L’esprit inventif de Félix avait Dès 1945, il rejoint l’Indochine où il continuera de se battre jusqu’à l’armis- travaillé là-dessus et avait trouvé une so- tice. lution. Il ne restait plus qu’à l’essayer. On Dès son retour en métropole il part au combat en Algérie. C’est là qu’il in- demanda un volontaire pour jouer le rôle vente le concept de l’hélicoptère armé, le «Pirate», un Sikorski H 34 armé du pilote perdu en zone hostile. Comme d’un canon de 20 mm et de trois mitrailleuses de 12.7 en sabord. Ce système toujours dans l’Armée il s’en trouva un. Au fait preuve d’une efficacité redoutable. Il aura par la suite de nombreux jour prévu pour l’essai on rassembla les in- émules, en particulier aux États-Unis, en Union soviétique et en Israël… grédients nécessaires. C’est-à-dire le volon- Felix bricole tout seul un règlement de manœuvre de l’hélicoptère armé taire en question, un avion de liaison avec (que, malheureusement, je n’ai pas lu). son pilote, un câble de deux cents mètres, un équipage pour haler sur le câble et un Le colonel Félix Brunet totalise 10 000 heures de vol, dont 4 238 heures de pavé. Un gros pavé. J’exagère peut-être en vol de guerre en 2 292 missions. Il a été blessé quatre fois et avait obtenu disant un pavé. Mais je n’étais pas là et c’est deux victoires aériennes pendant la Seconde Guerre mondiale. Il était titu- comme ça qu’on me l’a raconté. Disons plu- laire de 26 citations. tôt un siège lesté. Ah ! J’oubliais ! Il y avait Il est très possible qu’il soit le pilote qui détient le record mondial du aussi, sous les ordres de Félix, une équipe de nombre de missions de guerre. Mais je ne saurais l’affirmer. galonnés chargés de surveiller l’expérience. L’idée de Félix était simple mais géniale. Il est mort d’une crise cardiaque en 1959. Il a été érigé sur la base d’Oran La L’avion décollait avec son pilote, son équi- Senia une stèle à sa mémoire. C’était, ce qui convient bien à son personnage, page, le câble et le pavé. (La commission de une sorte de menhir en granit. La base aérienne de Brétigny porte son nom. galonnés et Félix lui-même restaient au sol et surveillaient les opérations). Une fois en Il est parfaitement inconnu du grand public. Mais il avait toujours été indif- vol le pilote de l’avion repérait son collègue férent à toute sorte de publicité et ne s’inquiétait nullement de son image en détresse. On larguait alors le pavé par de marque. Il repose dans le cimetière de Quiberon. la porte. Le pavé restait attaché à la corde par un bout. L’autre bout de la corde était relié à l’avion. L’avion à ce moment-là vo- au lieu que ce soit l’avion qui tourne autour jours pas de radio air-sol valable. lait assez bas pour que le pavé touche le sol. de lui, c’est lui qui s’est mis à tourner au- Enfin nous voilà au parking. Mon moteur Dans l’idée de Félix c’était limpide. Une fois tour de l’avion. J’imagine que le pilote avait est à peine arrêté que je vois que Félix est le pavé par terre, il suffisait de faire décrire dû prendre de l’altitude. Et j’imagine aussi descendu de son avion et qu’il s’en va. Pas à l’avion des cercles assez serrés et assez que les erreurs du pilote aggravées par les de débriefing ! Il m’a déjà oublié. Il a déjà ou- bas pour que le pavé reste immobile sur le imprécations de Félix à la radio ont accéléré blié cette mission qui est derrière lui. Il s’en sol. Cette immobilité devait permettre au ce mouvement de fronde géante. Toujours va. Il traverse la rizière qui nous sépare des volontaire de s’asseoir commodément sur le est-il qu’on prétend, mais c’est trop beau bâtiments. On a disposé des caisses à muni- siège ainsi offert. Il suffisait alors à l’avion pour être vrai, que le paveton, cherchant à tion le cul en l’air et ça fait comme une sorte de prendre de l’altitude pour faire décoller épuiser sa hargne, a aperçu le groupe des de diguette. Chaque fois que le pas lourd de le siège avec le pilote dessus. Ensuite, à force galonnés et s’est précipité dessus. La com- Félix écrase une caisse, l’eau gicle de chaque de bras (ou avec un treuil. Vive le progrès !), mission d’expertise, Félix en tête, a détalé au côté. Il marche vigoureusement, le front en on hissait le rescapé jusqu’à l’avion. Ça n’a pas de course et a fini dans la rizière. « Se avant, le visage fermé, carrure puissante qui pas marché. Moi, je pense que ça aurait pu non e vero…» foule au pied la diguette et qui s’éloigne, qui marcher. On a vu des trucs plus tordus que Voilà ! La mission est finie. Nous avons fonce vers un autre problème, vers un autre ça donner satisfaction. Mais là ça n’a pas largué notre napalm et nettoyé les abords ennui, une autre guerre. Une force qui va. marché. Il paraît que le volontaire (gloire à du petit poste au canon. Je ne sais pas si le Est-ce qu’il lui arrive d’avoir peur, à Félix ? lui) n’a jamais réussi à rejoindre le siège. Il poste s’en tirera. On tire un peu au hasard Est-ce qu’il est fatigué ? Est-ce qu’il a faim ? a couru à travers tout le terrain sans jamais parce que les Viets sont les rois du camou- Est-ce qu’il a chaud ? Est-ce que ça lui pose le rattraper. De temps en temps, c’est vrai, flage et qu’on ne les voit pas. J’espère que des problèmes de tuer des hommes ? Est-ce le pavé restait immobile, encore qu’agité ça suffira. Le patron du poste pourrait nous qu’il a de la peine lorsqu’il perd un de ses de soubresauts inquiétants. Mais, dès qu’il renseigner mais nous n’avons pas de contact copains ? Est-ce qu’il peut perdre ? Est-ce voyait arriver le type, il foutait le camp. À radio avec lui. Ça fait cinq ans qu’on fait la qu’il peut mourir ? Est-ce qu’on peut perdre la fin même il a piqué une rage, le pavé, et guerre au Viêt Nam et nous n’avons tou- lorsqu’on est avec Félix ?

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 25 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Récits

Cursus de formation sur... Me 262

Jean-Pierre Dussurget

Rédacteur en chef de la prestigieuse revue Icare, ce commandant de bord sur Boeing 777 à Air France avec 22 000 heures de vol au compteur, nous raconte son rêve d’adolescent : avoir un jour la chance de piloter le mythique Messerschmitt 262.

utorisé décollage piste 17L. » J’ai rection, eut finalement lieu à la fin de 2002. bijoux : A-4J, T-33, F-100, tous maintenus 2 700 m d’asphalte devant moi. Ma Fin 2012, la Collings Foundation, de- en état de vol grâce à une équipe de béné- A« main gauche pousse avec précaution venue propriétaire d’un des deux biplaces voles très motivés. les manettes des gaz. L’accélération, franche construits, laisse espérer la possibilité, en Et surtout, sur le parking, sous un su- mais pas violente, me colle gentiment le cas d’accord de la Federal Aviation Admi- perbe ciel bleu, le choc : un magnifique dos dans le fond du baquet. Le ciel est bleu nistration (administration de l’aviation ci- Me 262, immatriculé N262AZ, prêt à s’en- azur, la température extérieure n’est que de vile américaine), non seulement de pouvoir voler. Le contact avec Rick Sharpe, l’instruc- 26 °C, mais des gouttes de sueur me coulent voler à bord pour un baptême, mais égale- teur de la Collings Foundation, est des plus déjà le long des tempes. J’y suis… mon rêve ment de suivre un cursus complet de for- chaleureux. Ce monsieur est qualifié sur d’adolescent prend vie. mation… Un rêve pour moi, qui me pousse une multitude de warbirds, entre autres : Bien des nuits passées à rêver de cet avion, à prendre contact avec eux en me déclarant P-47, F4-U, P-51, T-33, Skyraider, MiG-15, des journées aussi, des milliers d’heures ; plus intéressé. MiG-17, MiG-21 et autres B-17, B-25 et une obsession. Je vis mon rêve mais suis en B-26. Calme, vraiment très pédagogue, il même temps hyper concentré. Mon corps Licence de pilote saura, durant les vols à venir, me trans- et mon esprit sont dans l’instant présent, Les prérequis exigent, entre autres, une mettre une partie de son expérience dans tendus au pilotage de cette machine d’ex- licence de pilote américaine ; il me faudra un climat professionnel et amical. ception dont j’ai enfin le contrôle. La vision patienter de nombreux mois avant de rece- J’ai bien sûr droit à un briefing complet fugace de ce profil si caractéristique décou- voir ma private pilot license multi-engine land sur la machine, alliant l’aérodynamique vert dans un magazine il y a maintenant (licence de pilote privé pour avions terrestres d’origine de 1944 à des réacteurs General quarante ans laisse instantanément place à multi-moteurs). Les autres exigences, une Electric CJ610 (version civile du J85, mon- la réalité du moment… il vole et il vole bien ! attestation d’aptitude médicale de classe 3 et tée entre autres sur les LearJets 23/24/25 Le Messerschmitt 262 fut un avion révo- 1 000 heures de vol au total, dont 500 sur et Rockwell Jet Commander) et une avio- lutionnaire à son apparition en 1944 dans multi-moteurs, ne me poseront pas de pro- nique moderne. Un manuel de vol d’une le ciel d’Allemagne, alliant une propulsion à blème, ayant un carnet de vol affichant quelque centaine de pages me permet de prendre réaction et une aile en flèche, la combinaison 22 000 heures. Une période prolongée d’im- connaissance du descriptif, des procédures des deux étant devenue par ses perspectives mobilisation de la machine pour cause mé- normales et de secours. Point non pas im- le standard de l’aviation militaire et civile. canique durant le deuxième trimestre 2013 portant mais essentiel : il s’agit d’un exem- Cette machine me captive, au point d’accu- ne fera qu’augmenter ma motivation à avoir plaire unique, de très grande valeur, avec muler moult documentations à son sujet et accès à cette machine de légende. interdiction pour nous de l’endommager. Au de courir le monde pour pouvoir en admirer C’est avant les grosses chaleurs de l’été vu de mon passé de pilote civil, Rick insiste les quelques exemplaires survivants dans la texan que je me retrouve finalement à El- sur le fait qu’il s’agit là d’un avion d’origine pénombre des musées ayant réussi à en sau- lington Field, au sud de Houston, après militaire, donc intrinsèquement instable, vegarder. avoir eu l’assurance que le Me 262 était en opposition aux appareils civils stables Tout à fait logiquement, le projet débuté ready to fly (apte à voler) et que l’instructeur de par leur conception. J’apprends à cette en 1993 au Texas d’en construire ex nihilo était disponible pour ma formation. L’éche- occasion qu’avant moi, seuls sept pilotes une série très limitée de cinq reproductions lon local de la Collings Foundation, qui met américains d’origine militaire ont pu voler ne pouvait qu’attirer mon attention. Après en œuvre la Korean War and Vietnam War sur cette réplique de Me-262. Je suis donc le le transfert du projet en 1999 dans la région Jet Aircraft Collection, m’offre un superbe premier civil et le premier non-Américain à de Seattle, le premier vol, en forme de résur- accueil. Dans leurs installations, des petits suivre cette formation. Histoire de prendre

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 26 Revue des anciens élèves de l’École de l’air Photos © S.Dussurget

Vue du Me 262 trois quart avant. place arrière portera principalement sur la gestion des manettes des gaz, la planche de bord plus réduite (nous y reviendrons) avec l’ensemble des instruments primaires de pilotage, les instruments moteurs et les L’auteur dans le cockpit communications VHF/intercom. du biréacteur. Des flammes de plus la mesure du mot challenge (terme purement Enfin, le moment tant attendu de mon d’un mètre jaillissent des tuyères anglo-saxon)… premier vol… je suis concentré mais aussi, Verrières avant et arrière fermées ver- Le cursus est théoriquement donné (c’est ne le cachons pas, excité à l’idée de vivre ce rouillées, mise en route du réacteur gauche une image…) pour neuf vols, avec possibi- qui représente à mes yeux un grand mo- puis du droit depuis la place avant : les allu- lité de faire plus court, en fonction de la ment d’aviation. L’accès au poste de pilo- meurs cliquettent, et des flammes de plus compétence du pilote. Deux à trois vols en tage se fait à l’identique de l’original, par des d’un mètre jaillissent des tuyères, le tout place arrière sont prévus pour commencer, trappes de pied escamotables sur le côté du avec un niveau sonore… élevé. Il est vrai le temps pour le stagiaire que je suis de sen- réacteur gauche et le flanc du fuselage. Le que ce réacteur simple flux, de conception tir la machine, au sol et en vol. La météo cockpit se révèle exigu en largeur, avec le désormais ancienne, ne respecte plus du est parfaite : ciel bleu et température sup- danger annoncé en place avant de basculer tout les normes antibruit actuelles. Sur- portable, même sous la verrière et le casque. par erreur un des nombreux interrupteurs veillance des paramètres moteurs, avec une La visite prévol extérieure poussée me fait de circuits au niveau des consoles latérales. attention particulière de l’EGT (Exhaust réaliser le souci d’authenticité de fabrication En revanche, la visibilité est superbe une Gas Temperature, température en sortie de de cette reproduction, à l’instar des trappes fois la verrière abaissée, ce qui avait été salué turbine) atteinte et de la pression d’huile. du train avant, en bois laminé, à l’identique à l’époque par les pilotes de la Luftwaffe qui Après contact sur la fréquence sol, un des originales. De même, l’intégration des arrivaient du Me-109 ou du Fw-190. mécanicien retire les cales du train avant ; il réacteurs CJ610 (plus compacts que les L’installation à bord est facile : d’abord faut alors maintenir l’avion immobile avec Jumo 004) dans les nacelles aux dimensions mettre les bretelles de parachute puis la les freins aux pieds… car il n’y a pas de frein d’origine a été superbement agencée. Néan- ceinture et le harnais cinq points, et enfin de parc. Le contrôle directionnel au rou- moins, leur masse plus faible et l’absence de verrouiller la manette de blocage. Point lage ne m’enthousiasme pas, la roue avant canons dans la pointe avant du fuselage ont plus surprenant : il n’y a quasiment pas de n’étant pas conjuguée et ne possédant pas nécessité de placer, pour raison de centrage, réglages des palonniers, d’où une position de frein propre, contrairement à la machine un lest conséquent de 230 kg de plomb, invi- repliée des jambes, avec genoux relevés, ce originale de 1944. De plus, la vision depuis sible, sous le capotage avant de chaque na- qui m’apparaîtra peu confortable. la place arrière est principalement latérale, celle moteur. Pour ces premiers vols, l’amphi cabine en ce qui ne facilite pas la tenue de trajectoire. E

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 27 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Récits Cursus de formation sur... Me 262

Exercice de décrochage virage franche : le taux de roulis s’amplifie le long de la côte de Galveston. soudain brutalement sans raison apparente et nécessite alors de contrer instantanément au manche. Il est déjà temps de rentrer. Nous pre- nons le cap retour, descente à 72 % de N1 pour intégrer le tour de piste à 1 600 pieds avec interdiction de survoler un immense complexe de la NASA abritant la piscine d’entraînement des astronautes pour – in- croyable… – ne pas générer de vibrations dans le bâtiment ! Allumeurs sur « on », 185 kts, train sur « sorti » avec affichage immédiat de 75 % de N1 pour contrer la décélération franche, puis, à 160 kts, sortie des volets vers 20°, E Le mieux est de prendre un peu de vitesse, étaient affectés du même défaut. leur position étant contrôlée visuellement et, surtout, de procéder en souplesse par Les becs de bords d’attaque rentrent par des repères de peinture sur le volet de impulsions de faible amplitude en bout de d’eux-mêmes progressivement puis complè- l’aile gauche. Là encore, l’emploi du com- palonniers, avec le risque non théorique de tement à 200 kts sous l’action de la pression pensateur est impératif pour contrer le mo- braquage immédiat. Il est vrai que les freins aérodynamique alors que nous virons cap ment de tangage. Étape de base à 150 kts, constituaient à l’époque un des points faibles à l’est, direction Galveston sur le golfe du virage en finale, sortie des volets à 50° et de l’avion ; pour y remédier quelque peu, des Mexique. L’altitude est limitée initialement réduction progressive pour se retrouver sta- freins à disques ont ici été installés. Une à 2 000 pieds à cause de la zone de contrôle bilisé à 130 nœuds avec 75 % de N1. Il est fois sa trajectoire stabilisée sur le taxiway, d’Hobby, aérodrome très actif, distant de préconisé une approche un peu plate, avec la poussée importante avec les manettes de 5 nautiques seulement. Le pilotage au vario- trois lumières rouges/une blanche au PAPI gaz sur « ralenti » a tendance à accélérer mètre en montée – donnée à + 6 500 pieds/ (Precision Approach Path Indicator, indicateur la machine, avec, là encore, la nécessité de minute lors des essais ! – est impératif ; anti- de pente d’approche). douceur dans les corrections. cipation est le maître mot sur cet avion à la On sent là aussi un comportement sain Le trafic est peu dense sur ce terrain uti- fois fin et surpuissant. pour cette plate-forme et une aérodyna- lisé principalement par les militaires et la En vue de la côte, nous montons au nou- mique fine. En revanche, la hauteur d’ar- NASA ; nous obtenons sans attendre l’au- veau plafond de zone à 6 000 pieds, et le rondi diffère sensiblement de celle que je torisation de nous aligner en piste 17L. Me-262 est alors mis en palier à 250 kts pratique dans ma vie professionnelle – ce Les pieds sur les freins, j’amène progres- avec 80 % de poussée. Nous n’aurons pas point-là avait été bien briefé au préalable. sivement la poussée vers 90 % de N1 ; les l’occasion de pousser la vitesse au-delà, les Une fois au sol, décélération linéaire sur réacteurs sont très réactifs, puis vers 94 %, exercices se succédant : virages à 30° d’in- cette piste non limitative, sans velléité de je relâche les freins et pose les pieds sur le clinaison, puis 60°, quelque peu délicats par toucher aux freins (machine unique… no- plancher avec interdiction désormais d’agir manque de visibilité depuis la place arrière ; tion assimilée !), puis retour au parking avec sur les freins. À partir de 40 kts, la direc- la machine est particulièrement « chatouil- nouvel entraînement aux virages à 90° et tion commence à être active. L’accélération leuse » en tangage. 180° au sol, pas si évidents. Cales en place, est franche, due à un rapport poids/poussée Les décrochages se révèlent très sains : coupure des réacteurs ; place au silence avec très favorable, de 5,7 t au MTOW (Maxi- réduction, sortie automatique des becs de la pleine conscience de la chance d’avoir pu mum Take Off Weight , masse maximale au bord d’attaque, quasiment pas de vibrations voler un jour sur Me-262. décollage) pour 2 x 1,2 t de poussée, à com- aérodynamiques à l’approche du décrochage Le lendemain, le deuxième vol me permet parer aux 6,1 t et 2 x 0,98 t de la machine qui intervient vers 120 kts en configuration de mieux sentir la machine, et de procéder à originale. lisse, et vers 105 kts train sorti et volets à la coupure réelle (non simulée) d’un réacteur Rotation vers 120 kts ; pas le temps de sa- 50°. L’abattée est très douce, et la perte en vol. La dérive paraît sous-dimensionnée vourer ce premier décollage, train sur « ren- d’altitude faible est de l’ordre de 300 pieds dans la mesure où, pied à fond du côté du tré » (en hydraulique) puis, sans attendre, maximum après récupération. Nouveauté moteur vif, il n’est pas aisé de garder le cap, rentrée (électrique) des volets, avec un pour moi, pilote civil, le décrochage dyna- le tout à la vitesse optimale (N-1), vitesse couple cabreur important qui me surprend mique est obtenu par un virage sous facteur minimale de contrôle avec un réacteur en par son amplitude – le trim de profondeur, de charge… il se contre sans mauvaise sur- panne en vol stabilisé, de 210 kts. Nous en- aussitôt positionné sur « plein piqué », est prise, en ramenant au préalable l’inclinai- chaînons les tours de piste, encore une fois très efficace. Le but premier est de dépas- son à zéro. bien aidés par le trafic réduit, évitant ainsi ser au plus vite la VMCA (vitesse minimale toute perte de temps : remise de gaz à très de contrôle en vol) en dessous de laquelle Écoulement d’air parasite faible hauteur, rentrée des volets vers 20°, la machine n’est pas contrôlable en cas de au niveau des ailerons variomètre positif, train sur « rentré », im- perte de poussée sur un réacteur. Cette Rick me présente ensuite un « piège aé- médiatement compensateur de profondeur VMCA est de 165 kts avec 94 % de poussée, rodynamique » surprenant, rencontré en plein piqué, configuration vers lisse, accé- soit un « trou » de 45 kts depuis la vitesse de phase initiale d’essais dans les années 2001- lération, virage en gardant le bâtiment de rotation, qu’il s’agit d’évacuer au plus vite… 2002, en l’occurrence un écoulement para- la NASA à l’œil. Le programme est dense, Les Mosquito et Beaufighter britanniques site au niveau des ailerons lors d’une mise en mais je me sens de plus en plus confiant de-

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 28 Revue des anciens élèves de l’École de l’air et non pas constante, en raison de la zone de danger entre la VMCA et la vitesse de 125 nœuds que l’on doit avoir en courte fi- nale. Pour cela, il est préconisé de se pré- senter en très longue finale à 1 500 pieds et Photos © S.Dussurget 185 kts, de sortir le train au moment oppor- tun (car il génère de la traînée qui freine l’avion…), puis de continuer à décélérer pour viser 155 kts à 500 pieds. Puis réduire à 140 kts et se présenter en configuration lisse. En cas de décision de remise de gaz à 500 pieds, sacrifier l’altitude, continuer à des- cendre, rentrer le train et, seulement en- suite, afficher 95 % sur le moteur vif pour accélérer jusqu’à obtenir cette fameuse VMCA critique de 165 kts. Alors seulement, afficher en douceur une assiette de montée pour accélérer à 210 kts, meilleure vitesse en monomoteur. L’atter- Un poste de pilotage bien agencé, mais étroit. rissage vent de travers, quant à lui, néces- site de ne pas se poser en crabe pour ne pas puis la place arrière. vol en place avant. Après un complément créer d’efforts de torsion excessifs sur les Après la pause déjeuner, mon instructeur, de briefing sur la technique d’approche et trains, et une fois le contrôle latéral au sol apparemment satisfait des deux premières d’atterrissage dans ces conditions, nous re- assuré, de rentrer les volets tout en gardant séances, décide de m’installer en place avant, fermons les verrières, les check-lists sont le manche au vent durant la décélération. Le non sans un amphi cabine joufflu. Il est vrai effectuées et les réacteurs mis en route, en lendemain, mon quatrième vol voit les exer- que le pilote à cette place a l’entière res- liaison interphone constante, le tout avec un cices se succéder sans aucun temps mort, ponsabilité de devoir gérer tous les circuits, sentiment de grande concentration. mon expérience accumulée en 40 ans de vol depuis la procédure de mise en route des me permettant d’être « devant la machine », réacteurs, la mise en œuvre des allumeurs et Roulage facile d’assimiler le programme et de me sentir autres pompes carburant, le compensateur La visibilité frontale est cette fois-ci to- de plus en plus à l’aise. À titre anecdotique, décollage, la manœuvre du train et des vo- tale et, avec l’expérience des deux vols j’ai la surprise de me retrouver en étape de lets, les voyants d’alarme, jusqu’à la gestion précédents, le roulage me semble de suite base derrière un WB-57F2, plate-forme de éventuelle des breakers (coupe-circuit). À ce bien plus aisé, 10 à 15 kts de vitesse facili- la NASA volant à 70 000 pieds, en finale à sujet, le plus important est celui susceptible tant le tout. Au point d’attente, un jet mi- Ellington… chouette ! Grâce à la collabora- de contrer un déroulement non commandé litaire d’entraînement et un monomoteur tion du contrôleur, nous aurons l’occasion du compensateur de profondeur, breaker tel- me laissent supposer un délai de quelques également de nous présenter verticale piste lement critique qu’il est muni d’un cordon et minutes – déjà 40 gallons de consommés pour un break à haute vitesse et un circuit d’une poignée rouge pour action immédiate. (150) l – mais nous obtenons notre autori- court – que du bonheur ! C’est aussi en place avant que se gère la ges- sation d’alignement et de décollage devant Lors du cinquième vol, entre deux exer- tion des transferts de carburant entre les eux. cices, nous profiterons d’une trouée dans la différents réservoirs, gestion rendue essen- Mise en poussée progressive, surtout couverture nuageuse pour passer au-dessus, tielle au vu de la consommation « certaine » pas d’action sur les freins – la machine est et réaliser, cerise sur le gâteau, deux ton- de JP4 militaire de ces réacteurs simple flux unique, les consignes bien ancrées… Dé- neaux sur le golfe du Mexique, là encore un (ma carte bleue s’en souvient encore !). collage et virage immédiat vers le secteur privilège et un grand souvenir d’avoir pu le Avec deux pilotes à bord, la procé- d’évolutions, la visibilité vers l’avant rend faire en Me 262. Retour vers le terrain, puis, dure, pour des raisons de centrage, est de le contrôle de la machine bien plus facile, à la suite du débriefing, Rick m’annonce que consommer en premier les réservoirs n° 3 et je suis heureux de ma sensation aux com- l’ensemble du programme a été passé en n° 4 interconnectés entre eux (169 gallons, mandes, en gardant toujours en tête la no- revue et réalisé en cinq vols (seulement) et soit 640 l) situés à l’arrière du fuselage, puis tion d’anticipation et de souplesse. Panne 5 heures 12 minutes de vol. le réservoir n° 1 à l’avant (41 gallons, 155 l) simulée de volets puis d’un réacteur en Triple satisfaction d’avoir pu concrétiser pour finir le vol sur le réservoir principal approche. Les exercices en altitude s’en- ce rêve de pilote, inconcevable il y a encore (231 gallons, 875 l). Des voyants ambre si- chaînent puis retour vers Ellington pour deux ans, d’y avoir pris un plaisir infini, et, tués en haut de la planche de bord indiquent, de la maniabilité en tours de piste. Exercice accessoirement, d’être le premier Français à le moment venu, la basse pression du ré- de panne simulée de volets, le manuel donne voler sur Messerschmitt 262 depuis le der- servoir utilisé afin de déclencher la mise en 135 kts en finale. Rick me suggère plutôt nier vol de Jean Sarrail en octobre 1948, soit œuvre du transfert nécessaire ; un voyant 140 kts, vitesse semblable à celle d’un avion il y a plus de 65 ans. rouge signale en fin de vol qu’il ne reste que de ligne en finale. 1- Vitesse de rotation du compresseur, paramètre pri- 900 livres (130 gallons, 492 l) dans le réser- Autre exercice : l’approche avec panne si- maire de conduite des moteurs. voir principal. Entre-temps, un vent travers mulée sur un moteur impose une approche 2- Il s’agit de la version américaine du célèbre Cam- établi à 10 kts s’est levé, ce qui fait hésiter dynamique non stabilisée, c’est-à-dire berra britannique dont trois exemplaires sont encore mon instructeur à partir pour ce premier avec une vitesse en régression continue utilisés par la NASA.

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 29 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Récits

Demande au sommet

Philippe Ouvrard (71 - Blanckaert)

Il ne faut pas hésiter à prendre de la hauteur pour prendre la bonne décision.

n jour de septembre au-dessus de la vallée du Louron. Il y a encore DR Ubeaucoup de vacanciers sur la sta- tion. Ainsi, randonneurs, familles en villé- giature ou amoureux de la nature sont venus apprécier cette magnifique arrière-saison où le soleil déjà plus bas sur l’horizon donne aux sommets environnants encore plus de relief et de majesté. La météo est calme, pas d’aérologie. Nom- breux sont les avions et ULM qui font le spectacle sur l’altiport à défaut d’activités programmées sur la station. Assis face à Pène de Soulit, délicate (!) altisurface pyrénéenne située à quelques centaines de pieds au-dessus, je profite, aux cotés de Michel, notre bénévole résident, de cette journée bénie d’Hélios et épargnée par Paysage pyrénéen. Éole… « Tiens, voici les personnes dont je t’ai parlé », père m’a posé la question avant que je mette « C’est un moment de rêve, c’est très beau et me glisse-t-il. le moteur en route (…). inoubliable ! Je voudrais profiter de ce paysage Un jeune couple s’approche de nous. La piste s’efface rapidement. Par un large et de ces instants sublimes pour… te demander : Leurs filles de deux et quatre ans regardent virage vers la gauche, au-dessus du GR10, veux-tu m’épouser ? » l’avion stationné sur le parking avec curio- nous franchissons le col d’Esquierry pour Interloqué je me tourne vers l’arrière. Je sité. basculer vers la vallée d’Oô et survoler les vois la dame serrer ses deux filles dans ses « Nous sommes en vacances et on aimerait lacs d’Espingo et de Saussat. L’atmosphère bras et, les yeux emplis d’un immense bon- bien voler dans les montagnes. C’est la première est d’une rare tranquillité à cette heure de la heur, leur dire : fois ! » journée. Petites et grands ont les yeux rivés « Vous avez entendu ce que vient de dire Quelques instants plus tard, après un à ce relief si proche et les cris de surprise papa ?... Il m’a demandée en mariage !… » court exposé sur les caractéristiques de au décollage ont cédé la place à une douce Je ne sais si ce genre de demande se fait l’avion et le vol que nous allons entre- contemplation pendant que je décris les pics souvent dans de plus gros avions. Peut-être ! prendre, voici tout ce petit monde à bord. du Luchonnais qui surplombent le lac du Dans ce cas, le ciel reste encore un lieu de La maman, tenant la petite dans ses bras, Portillon et dominent la vallée du Lys. rêve et d’espoir. Pour ma part, ce fut la seule est assise avec la sœur aînée à l’arrière de Survolant la station de Superbagnères et fois que j’en fus le témoin aussi proche. l’avion. Le papa est monté devant, impres- revenant vers le point d’entrée du circuit L’homme sait encore être romantique et sionné par le tableau de bord mais visible- d’aérodrome, nous jetons un dernier coup surprendre. C’est rassurant. ment heureux de partager cette « première » d’œil vers l’Aneto avant de commencer la avec les siens. descente vers le col de Peyresourde. Et j’ajouterai avec un brin de chauvinisme, Les jeunes têtes disparaissent sous les Je m’apprête à envoyer le message de po- qu’entre le ciel pyrénéen et celui de Las casques radio mais tout le monde s’entend sition lorsque j’entends la voix de mon pas- Vegas, en matière de légèreté et de sublime, bien et peut communiquer au besoin. Le sager tourné vers la maman : il n’y a aucune commune mesure !...

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 30 Revue des anciens élèves de l’École de l’air Les Papy’s font de la résistance

Denis Turina (62 - Martin)

Notre camarade nous raconte le retour en vol d’une patrouille un peu spéciale

APY”, c’est l’indicatif de la patrouille Le numéro 2 est Robert. Instructeur peu moins de trois quintaux en masse, pour de l’Aéroclub Alpin. Formée au « montagne » de l’aéroclub, c’est un ancien les trois pilotes qualifiés patrouille. Pdébut des années 2000, elle était de la Royale. Lâché sur Hellcat à Kouribga Le programme : tombée en sommeil après avoir animé le dans les années cinquante, il a continué sur • Décollage en patrouille serrée à trois, ciel de Gap-Tallard à l’occasion de fêtes Vampire, Aquilon, Etendard et Crusader, • virage de présentation et passage en aériennes. Remise en état de vol et amélio- avant de pouvoir, enfin, quitter le porte- flèche, rée parce que ses pilotes qualifiés arrivaient avions et piloter des avions de l’Armée de • virage en vent arrière, formation en co- en bout de potentiel, elle a pu honorer la l’air. Il a formé plusieurs lots de pilotes à lonne et nouveau passage, cérémonie de remise de la médaille de l’aé- Tours sur T-33 et sur Mystère IV, puis à • dégagement vers le nord, mise en éche- ronautique à Serge Boichot, le chef pilote Salon sur . À ses côtés, depuis que le lon refusé à droite, de l’aéroclub. CMAC lui a interdit de voler seul : Béatrix • présentation au peel-off à 100 pieds et Robert pilote le DR 400 120 cv immatri- 200 km/h, Regardons-la de plus près pour ce vol his- culé F-BTZP • peel-off à trois secondes, atterrissage du torique du 16 mai 2015. leader et remise de gaz en très courte finale Le numéro 3 est Denis, votre serviteur. pour 2 et 3, Le leader est Alain, le président de l’Aéro- Gamin qui peut revoler en solo depuis que • patrouille serrée à droite, tour de piste et club Alpin. Pour le conseiller, à la voix de- le CMAC lui en a redonné l’autorisation. atterrissage en patrouille serrée pour 2 et 3, puis que le CMAC lui a interdit de piloter : Lâché sur Mirage III en 1968 par Vincent, • retour au parking des trois avions, en Vincent, Formé au Canada dans les années il n’a pas encore 75 ans. Il pilote le DR 400 colonne. Arrêt des moteurs au top du leader. cinquante, moniteur sur T-6 à Marrakech, de 160 cv immatriculé F-GEIU. Si les circonstances s’y prêtent et le per- pilote de reconnaissance sur Mirage III R mettent, cette patrouille sera peut-être en- puis instructeur à Dijon sur Mirage III B, il Caractéristiques cumulées : core réactivée. Son indicatif pourrait être a longtemps été chef pilote de l’aéroclub et • 420 cv, dont 135 “à mazout” sur l’Ecof- alors : les “Criqués” ? vient de fêter ses 80 ans. Alain pilote l’Eco- lyer, pour la puissance des avions. flyer immatriculé F-HCPL. • un peu plus de deux siècles en âge et un 1- Conseil médical de l’aviation civile

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 31 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Récits

Élections gagnées... course perdue

Michel Bénard (70 - Delfino)

Où le bel « aspi », élu play-boy de la soirée, se montre bien piètre athlète le lendemain…

cole de l’air, vers septembre 1971, nous voilà donc, de la Delfino, nom- Émés aspirants et en 2° année. Entre le séjour de remise en forme à Ancelle et l’arrivée de nos poussins de la 71, nous avions décidé qu’une sortie nocturne le mer- credi - le jour a son importance - s’impo- sait peut-être, d’autant que nous pouvions désormais le faire en tenue civile. Nous voilà donc partis, quelques bons copains et moi-même, pour cette boîte de nuit, le Zin- zin, dont les patrons, sorte de jeunes snobs, issus d’une certaine aristocratie salonnaise et, au demeurant, fort sympathiques, nous accueillaient toujours avec une gentillesse non feinte d’autant que nous n’étions pas très riches. Et lors de nos fins de mois dif- ficiles, ils avaient le bon goût de nous offrir Une soirée à jouer à Saturday Night Fever à Salon... le verre de l’amitié, n’ignorant rien de notre statut d’élève-officier et des soldes liées. silhouette élégante et racée d’une illustre autres candidats, écouter l’animateur et dan- Bref, nous voilà dans le Zinzin et, Ô sur- inconnue, notre Néné préféré faisait le tour ser avec la belle amazone entrevue et qui prise, sur la piste de danse officiait un ani- de la fine équipe de l’École afin d’effectuer, s’avérait être Miss quelque chose. Enfin, le mateur à la petite réputation d’individu ce que je compris être, mais un peu tard, le plus simple serait, à l’issue du vote dont ils sympathique sur la Côte d’azur. Jacquie, choix du meilleur candidat parmi nous. Son se chargeraient de suivre le bon déroule- le plus jeune des deux propriétaires de la regard se posa sur moi, s’éloigna et, hélas, ment, car ils allaient tous voter pour moi, boîte, nous accueille d’un « Hello ! What do revint. de recevoir une liste de cadeaux allant de you drink ? ». Seuls mots d’anglais, peut-être, « C’est toi qui y vas », affirma-t-il, péremp- la lampe de chevet à un costume de velours qu’il devait posséder mais cela faisait partie toire. et surtout, surtout de consommer gratuite- de son petit snobisme. Il nous sert un verre « Où et pour quoi faire ? », rétorquai-je, ment jusqu’à plus soif et/ou la fermeture de et nous signale qu’il est enchanté de nous alors que je commençais à deviner une la boîte. Ce qui leur laissait le temps d’avaler voir ce soir-là car, justement, va avoir lieu mainmise sur ma petite personne, pour une un nombre non négligeable de coupes de l’élection du play-boy du Zinzin et il serait mission dont j’ignorais encore les tenants champagne ou d’autres boissons de notre de bon ton que la grande École de Salon soit et aboutissants. choix. Le Zinzin avait de la ressource et moi représentée pour l’occasion. « Tu nous représentes ce soir ici même pour j’en étais démuni face à ce piège qui se refer- Pendant ce temps, je scrutais la salle dans l’élection du play-boy du Zinzin. Ne discute mait sur moi. la pénombre pour y dénicher, sinon l’oiseau pas. L’affaire est entendue : tu es bronzé, élé- Cette perspective de me jeter en pâture rare, du moins quelques connaissances fémi- gant, souple, sportif, souriant... tu as donc tout devant un public me contrariait au plus haut nines pour nous tenir compagnie. Si bien pour réussir. » point et j’arborai un sourire un peu niais que je ne suivis pas la conversation entre Tout cela était mal engagé et j’eus beau bien loin de celui, carnassier, d’Alain Delon Jacquie et mes copains de promo. Lorsque protester, on me rétorqua illico-presto que je dans Le Guépard. Pourvu, en plus, que cette je revins vers eux après avoir entraperçu la n’avais qu’à suivre le mouvement avec les affaire ne traîne pas en longueur. Car il

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 32 Revue des anciens élèves de l’École de l’air Un relayeur adverse me dépassa. J’essayai de m’accrocher à sa foulée mais je piochai la

Photos DR cendrée dans le vide, désespérément, comme un goéland englué dans la mélasse. Un deu- xième relayeur me passa, lui aussi, aisément et je commençai à me crisper : j’étais en cycle inverse et il n’y avait rien à faire lorsqu’un troisième, un quatrième, un cinquième et un sixième me laissèrent, eux aussi, sur place. Notre relais était, dès lors et par ma faute, en avant-dernière position. Je ne sais com- ment je réussis à m’accrocher à cette place car, de surcroît, j’avais le sentiment d’être ridicule, observé par tout un stade qui devait ... et plus personne sur la se demander ce que j’étais venu faire dans cendrée le lendemain. cette galère. Le ridicule ne tue pas, dit la vox populi, de même qu’un moment de honte est s’agissait pour moi, d’ores et déjà, de me tin et d’assurer le résultat en « bourrant vite passé. Sur moi, ils ont laissé des traces libérer de cette corvée au plus vite et sans les urnes ». Ces monstres avaient donc et mon honneur en prit un coup surtout en anicroche. On me poussa vers une arrière- voté plusieurs fois « pour la bonne cause ». pensant aux copains qui s’étaient préparés salle dans laquelle l’animateur nous indiqua Pourvu que cela ne se sache pas en plus… et « défoncés » pour le renom de l’École et le processus à suivre, à savoir : défilé avec La soirée se poursuivit et la jeune Miss pour le sport tout simplement. un costume prêté par un couturier de Mar- vint me demander de la raccompagner à son Je passai le témoin, en bout de course, seille, défilé suivant en maillot de bain - la hôtel, ne connaissant pas bien la ville. Je le à bout de souffle et usé par ce combat im- catastrophe -, enfin, retour sur scène avec fis de bonne grâce et rentrai à l’École vers possible, inégal et imprévisible car perdu nos propres habits et promulgation des ré- les 4 heures du matin pour dormir un peu. d’avance. Mes trois derniers camarades- sultats du vote. Le public avait des bulletins, Après nos cours du matin, un de nos relayeurs eurent un sentiment de révolte, nous avions des numéros et la fête pouvait cadres vint dans notre chambre et, pointant n’étant pas à leur place et, in fine, remon- commencer. son doigt vers moi, me dit : « Mettez votre tèrent, la foulée rageuse et conquérante, un Pour une fête, c’en fut une sauf pour moi tenue de sport, prenez votre sac et vos pointes à un des adversaires mais il était trop tard car sur la piste on ne voit rien ; on subit la car, à la sortie du mess, vous monterez dans le et la cause était entendue. Et c’est les mains diatribe de l’animateur et on entend, en bus directement : vous participez aux interclubs sur les hanches et la tête basse que je les sourdine, les chuchotements des votants. Je d’athlétisme ce jeudi à Marseille avec le relais 8 vis terminer à la troisième place, laquelle passai donc en costume et ce fut relative- fois 200 mètres. » Ma foi, un 200 mètres n’est nous barrait la route pour la suite des In- ment simple. Le plus difficile fut donc ma se- guère méchant et je fis comme convenu, terclubs. Nous repartîmes pour Salon et conde apparition en maillot de bain avec, en après le repas, en compagnie de mes cama- je m’installai à l’arrière du bus sans qu’ils prime, l’esquisse de quelques pas de danse rades athlètes. Et nous voilà en route vers me reprochent quoi que ce soit et seul l’un d’un slow langoureux avec la bimbo de ser- Marseille. d’eux me soulagea d’un : « Tu dois couver vice, Miss je ne sais quoi qui se collait à moi quelque chose. » C’est ça aussi la camarade- comme une moule à son rocher. Mon cal- Cinquième relayeur rie et l’esprit de corps. Notre entraîneur vaire prit fin lors de notre apparition finale, Nous arrivâmes au stade d’athlétisme, des- compta ses sportifs alors que je regardais à huit ou dix candidats réunis sur la piste. cendîmes du bus et commençâmes l’échauf- obstinément le vide sidéral à l’extérieur. J’osai espérer une fin de mon supplice, ra- fement classique. Jusque-là, je ne me rendis Arrivé à ma hauteur, il me toucha l’épaule pide, discrète et de bon ton. Las ! compte de rien car je devais être encore sur et lâcha, lugubre avec son fort accent du Vinrent les résultats et, sous les hurle- mon petit nuage. Les dossards distribués, je midi : « Le playboy du Zinzin… Charlot, ments hystériques de mes camarades, ce fut gagnai ma place de cinquième relayeur, très va ! » Je n’ai rien eu à rajouter. Et le retour mon prénom qui sortit de l’urne. Je consi- confiant car nous n’étions pas loin d’être les à l’École fut long et pénible. dérais cela comme une brimade supplémen- meilleurs sur le papier. Le départ fut donné Il est indéniable que le bourrage des urnes taire. Mais mon chemin de croix touchait et mes quatre prédécesseurs se chargètent de pour l’élection d’un playboy du Zinzin est à sa fin. Je rejoignis mes copains au bar en mettre notre relais sur la bonne voie : je reçus un procédé que la morale réprouve. Pour ma maugréant, en dépit de l’habituelle question le témoin en deuxième position et me rabatis part, cependant, je n’aurais jamais dû rester de Jacquie : « What do you drink, Mike ? » Eux vers le premier couloir. L’adversaire devant dans ce relais du lendemain car la sanction avaient commencé à consommer comme devait être vite avalé. Et cependant, je sentis, fut claire, nette et sans bavures. Même si prévu, gratuitement et, après les applau- dès mon départ, que rien ne se passait plus on croit savoir et pouvoir faire au mieux. Il dissements, je commençai à me poser la comme prévu : j’étais littéralement en perte est vrai aussi que mes amis asiatiques, dans question de savoir pourquoi moi ? Mes co- d’énergie et donc de vitesse. J’avais beau y leur grande sagesse ancestrale et cultivée, pains, mes amis, les fourbes, ne mirent pas mettre toute ma volonté, je me rendis vite disent également et souvent : « Demain, on longtemps à m’avouer qu’en dépit de mes compte que la course m’échappait : j’étais bel ne peut pas savoir ! » chances certaines de l’emporter, ils avaient et bien dans de sales draps et la suite devait, Tant ils ont admis que demain est une cru bon de forcer un peu la main du des- hélas, le confirmer. tout autre histoire.

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 33 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Récits

Opération «Kaboul, ça roule»

Gérard Pons (71 - Blanckaert)

Notre camarade, qui occupe le poste de conseiller Défense à Air France depuis janvier 2009 après une riche carrière dans le transport aérien militaire, raconte le pont aérien mis en place par Air France pour évacuer le matériel militaire de Kaboul à partir de 2012.

ngagée en Afghanistan depuis 2001, l’armée française a débuté le retrait Ede ses personnels depuis plusieurs mois et la plupart d’entre eux auront quitté l’Afghanistan avant la fin de l’année 2012. Pour l’énorme quantité de matériel qui a été acheminé sur place, l’équation est beaucoup plus complexe : le pays est loin de la mer et les routes qui y mènent sont dangereuses, souvent fermées. Pour rapatrier les équipe- ments qui représentent une certaine valeur, il ne reste que la voie aérienne. Les moyens de transport stratégique de l’armée française étant limités, le Centre mul- timodal de transport (CMT), commandé par le général Philippe Boussard (80-Saint-Hil- lier), fait largement appel à l’externalisation pour rapatrier le fret vers les Émirats arabes unis ou la métropole. Les Antonov An-124 affrétés par ICS (International Chartering Premier équipage d’Air France à Kaboul, en présence de l’auteur (deuxième à droite). System) sont ainsi fortement sollicités. Pour compléter la panoplie des moyens de cette sous-traitant d’ICS pour opérer sur l’Afgha- Défense met à notre disposition des gilets société, nous décidons, avec quelques collè- nistan. pare-éclats, les équipages ont accès aux fré- gues d’Air France, de lui proposer les ser- Une fois ce principe acquis, il ne reste plus quences de Circus Diamant, le CCO, ICS et vices de nos cargos. qu’à résoudre les très nombreux problèmes le CPCO coopèrent pour les plans de vol L’An-124 est parfaitement adapté pour le que pose ce projet audacieux. On exclut ra- et s’entendent sur les chargements. Pour fret « hors gabarit » mais ses performances pidement d’évoluer à partir de Bagram, les trouver des pilotes et des « rampants » au départ de l’aéroport de Kaboul, situé à services français nous en dissuadent. Nous volontaires, ce n’est pas un problème ; au 10 80 m d’altitude, baissent très sensible- nous limiterons à Kaboul. contraire, on refuse du monde (les pilotes ment lorsque la température s’élève. De son Avec le chef de la division 747 et le di- sont presque tous des civils à 100 %). Quant côté, le 747-400 cargo a des performances recteur de l’exploitation du cargo, nous aux organisations syndicales, nous mettons exceptionnelles, même à Kaboul par temps créons une sorte de PME qui rassemble tout en œuvre pour leur prouver que ces chaud. Avec 70 tonnes dans sa soute, il re- tous les corps de métier concernés par ces vols ont fait l’objet d’une étude approfondie joint la France d’un seul coup d’aile alors vols particuliers. Rien n’est laissé au hasard, et qu’aucun détail n’a été négligé. À l’issue que l’An-124, moins chargé, doit faire escale notre objectif étant de conduire cette opéra- d’une réunion CHSCT un peu tendue, nous à Bakou. En revanche, l’An-124 est entière- tion en toute sécurité. Il n’est pas question obtenons sa clearance. ment autonome pour le chargement qui ne que l’avion et l’équipage passent la nuit à Après avoir fait plusieurs missions en prend pas plus d’une heure ; il faut au moins Kaboul ; nous ne serons que quelques-uns Afghanistan entre 2004 et 2008 et par- trois fois plus de temps pour le 747. D’une (non PN) à avoir cette chance. Les mili- tagé avec les forces spéciales les plaisirs façon générale, les deux appareils sont com- taires français s’engagent à nous accueil- du camp de Spin-Boldak, me voici de re- plémentaires. Compte tenu des marchés lir, à nous fournir le clos et le couvert, et tour en Afghanistan, le 23 octobre 2012. existants, Air France se positionne comme à assurer notre sécurité. Le ministère de la Pour préparer l’arrivée du premier vol, je

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 34 Revue des anciens élèves de l’École de l’air suis accompagné de deux spécialistes du Photos G.Pons cargo, très heureux de sortir de la routine. Nous prenons Air France jusqu’à Istanbul et Turkish Airways pour la dernière étape. Le général Philippe Adam (78-Pineau) nous accueille à l’aéroport de Kaboul. Sur le par- king, un Transall me fait un clin d’œil. Sou- venirs, souvenirs ! Nous prenons possession de nos quartiers (les célèbres suites du Kaia Palace), et nous nous mettons au travail. Deux heures à peine après notre arrivée, les sirènes retentissent : une roquette vient de tomber à proximité du parking et l’aéro- Chargement d’un véhi- port est fermé. « Damned ! », comme aurait cule blindé à bord d’un dit le CEMAA de l’époque, Denis Mercier 747 cargo d’Air France. (79-Caroff de Kervezec). sance avec les héros de Kaboul Kitchen ! conséquences fatales sur le centrage. Nous J’estime alors qu’il est urgent de laisser du Avec mes deux collègues, nous avons considérons que ces explications nous auto- temps au temps et surtout de ne rien dire de droit à un dîner à la sauce américaine, sui- risent à reprendre les vols. rédhibitoire, mais je me demande comment vie d’une folle nuit sur le camp. Le lende- Le 10 juin 2013, un An-124 affrété par cet accueil sera interprété au niveau de la main, nous organisons une réunion avec le ICS est bloqué au point de manœuvre, suite compagnie. J’attends un peu mais le direc- chef OPS pour faire le point. À l’exception à une attaque du camp par des terroristes. teur de la sûreté d’Air France ne tarde pas à des animations, nous sommes plutôt satis- C’est très chaud mais ce jour-là, l’avion d’Air me téléphoner car le général Adam a rendu faits de ce qui s’est passé jusqu’à maintenant, France n’est pas à Kaboul. Les tirs sont compte au CPCO qui a informé les opéra- lorsqu’une rafale de fusil d’assaut retentit nourris, ce qui contraint l’équipage de l’An- tions d’Air France. Cependant, compte tenu dans la pièce voisine. L’officier qui m’accom- tonov à couper les moteurs et à se réfugier de la zone d’où a été tirée cette roquette, pagne verrouille la porte et on se fait tout dans la soute. Fort heureusement, la guerre les services de renseignement considèrent petits. Après quelques minutes d’attente, on froide est terminée depuis longtemps et ce qu’il s’agit d’un cas isolé et non pas d’une vient nous rassurer : il s’agit d’une mauvaise sont des éléments des forces spéciales amé- attaque délibérée. Nous prenons la décision manipulation d’un militaire rentrant de pa- ricaines qui exfiltrent l’équipage russe ! de maintenir le premier vol. Inch Allah ! trouille. Je veux bien mais pour le bizutage, « Thank you guys ! » je pense que ça suffit ! Un an après le début de l’opération, c’est Ground Attack ! Le premier atterrissage sur la base d’Istres le général Olivier Taprest (84-Guernon) qui Le 24 octobre au matin, le capitaine sera « musclé » : le mistral souffle à plus de nous accueille à Kaboul. Il a fort à faire car la Thierry Bellot pose son 747 à Kaboul. On 50 kts et, en théorie, le terrain est fermé. phase finale du désengagement d’une force respire ! L’équipage est très fier d’avoir pu Mais le Jumbo a des ressources et l’équipage est probablement aussi compliquée que sa faire ce vol et heureux de nous retrouver maîtrise parfaitement le retour sur terre. mise en place. En ce qui nous concerne, le sur le parking. Mais alors que les opérations Pour le roulage, il faut prendre quelques dernier vol nous conduit à Évreux. de chargement débutent, les haut-parleurs précautions mais la « bête » n’est pas très En partant, nous admirons des paysages de la base se mettent à hurler « Ground at- sensible au vent. En revanche, il n’est pas somptueux. Quel drôle de pays où les habi- tack, Ground attack… ». Est-ce bien raison- question de sortir de l’avion comme d’ha- tants sont aussi rudes que les montagnes nable ? Heureusement que nous sommes bitude, le mistral déchaîné n’autorisant pas qui les entourent ! Un drôle de pays qui n’a « fluent in english ». Mes amis d’Air France la mise en place de la passerelle. Qu’à cela pour ainsi dire jamais connu la paix. Quel ne sont pas habitués à ce genre de mes- ne tienne, l’équipage évacue l’appareil par la dommage ! sage. Que faire ? Après le tir de roquette soute technique… et on attendra une météo Les 17 vols opérés par Air France au dé- de la veille, on se méfie. On se réfugie dans plus calme pour décharger l’avion ! part de Kaboul ont permis de transporter l’avion en lorgnant du côté des gilets pare- Après ces débuts mouvementés, les rota- plus de 1 000 tonnes d’équipements divers. éclats, lorsqu’un militaire vient nous pré- tions s’échelonneront sur plus d’un an, sans Chaque mission a été particulière et nous venir qu’il s’agit d’un exercice. Le préavis incident notable en ce qui nous concerne, ce n’avons jamais connu la routine. Avec les ayant été diffusé sur le réseau informatique qui ne nous empêchera pas d’avoir quelques militaires français et les personnels d’ICS, du camp, nous ne pouvions pas être au cou- frayeurs. Le 29 avril 2013, un B747 de la les personnels d’Air France (pilotes, méca- rant. C’est beau le progrès ! compagnie Air National Cargo qui fait la niciens et « cargonautes ») ont travaillé en Sur la route qui me conduit chez notre même mission que nous, s’écrase après le équipe, à l’instar de ce que les aviateurs de ambassadeur, Bernard Bajolet, je croise le décollage de Bagram. Quel drame ! Quelles l’Armée de l’air pratiquent en OPEX. La 747 qui s’aligne et décolle pour Al Dafrah, images ! Nous connaissons bien cet avion coopération avec le MINDEF a été exem- trois heures après son atterrissage. Il monte qui était dans la flotte d’Air France il y a plaire : merci à tous ceux qui nous ouvert droit dans le ciel et ne revient pas. Et d’un. quelques années. Le 24 octobre 2012, on les portes. Enfin, cette opération a mis À la tombée de la nuit, une tentative de prise partageait le même parking. Bien entendu, en évidence, en dépit de la mise en ser- d’otages visant des personnels de l’OTAN est on pense tout de suite au tir d’un missile vice de l’A400M et de l’arrivée annoncée conduite à l’aide d’une voiture-bélier à l’en- sol/air. Mais très vite, on obtient la confir- du MRTT, la nécessaire complémentarité trée de la base. Elle est rapidement déjouée mation que le crash a été provoqué par qu’il faut construire et entretenir entre mais ce n’est pas ce soir qu’on fera connais- le désarrimage d’une charge qui a eu des moyens civils et militaires !

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 35 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Récits

L’oral de l’École de guerre : un exercice à risque !

Georges Dreyssé (65 - de Tricornot de Rose)

L’histoire de l’Armée de l’air est pavée de chefs qui ont vu leur carrière rabotée pour avoir trop su défendre leurs convictions. Dans ce récit, qui ne manque pas de piquant, le rabot n’est pas passé loin !

e reviens sur la place réservée au person- apparaissait parfois de réels problèmes dans laquelle mes connaissances sur le Moyen- nel féminin dans notre Armée de l’air. la disponibilité des équipes. Puis, en guise de Orient avaient impressionné les membres JDans les premières années de ma car- conclusion, j’affirmai qu’il me semblait que du jury, mais il embraya rapidement sur la rière, il n’y avait aucune polémique car seuls notre Armée de l’air menait pourtant un com- fin de l’entretien où, selon lui, j’avais raconté quelques postes administratifs leur étaient bat d’arrière-garde et qu’un jour ou l’autre n’importe quoi ! réservés. Puis, très lentement, l’évolution nous aurions des pilotes de chasse féminins. Je jouai un peu l’amnésique et lui dit que suivit celle du monde civil. L’Armée de l’air Subitement, le général devint tout rouge et ne je ne me souvenais pas avoir particulière- fut même à la pointe de cette réelle évolution. prononça qu’un seul mot : « Dehors ! » ment raconté des inepties. « Si, me dit-il, à Lors du passage de mon oral d’entretien un moment donné vous avez affirmé qu’un jour au concours de l’École de guerre, je tirai un Fin de parcours ? ou l’autre nous aurions des pilotes de chasse fé- petit papier qui devait servir à préparer mon J’étais catastrophé, persuadé d’avoir com- minins . » Je retrouvai très vite ma mémoire premier sujet pour lancer cette épreuve que plètement raté cette épreuve importante qui et, malgré la présence de mon colonel, je je redoutais entre toutes. Le sujet était : « La était censée conditionner la suite de ma car- persistai une seconde fois dans mon affir- situation politique et militaire au Moyen- rière. Je retournai tout penaud à Toulouse, mation… et me retrouvai hors du bureau, Orient ». Or, je revenais de passer quelque reprendre le commandement de mon unité dans les mêmes conditions qu’à Paris… six mois dans le Sinaï comme commandant et attendre, sans trop d’illusions, les résul- mais moins inquiet tout de même ! de l’élément français de la MFO (Multi- tats du concours. Quelques années plus tard, l’Armée de national Force and Observers, une force Quelques semaines plus tard, je reçus un l’air recruta sa première pilote de chasse multinationale mise en place dans le Sinaï appel téléphonique du chef d’état-major de féminine. Sans esprit de vengeance, mais après le retrait des troupes israéliennes suite l’Armée de l’air en personne qui m’annonça avec beaucoup de satisfaction, je rédigeai aux accords de Camp David). C’était donc ma réussite malgré, selon ses dires, quelques une courte lettre à mon général, mainte- un sujet que je connaissais sur le bout des errements dans mon épreuve d’entretien ! nant à la retraite, pour lui signifier ma fierté doigts car, avec notre position en Égypte et Je repris bien vite confiance, et préparai d’avoir, pour une fois, eu raison de maintenir notre proximité avec le Liban et la Syrie, il avec sérieux l’évaluation de mon unité par une position à laquelle je croyais. faisait l’objet de comptes rendus quotidiens le nouveau commandant de région aérienne L’histoire ne s’arrête pas là, car l’ave- à notre quartier général. J’abordai donc qui n’était autre que… le président du jury nir nous réserve toujours des surprises. Je l’épreuve en toute confiance et, à la vue des d’entretien de l’ESGA. présidais, à mon tour, un jury d’entretien à réactions des membres du jury, je constatai L’évaluation se passa de la meilleure des notre prestigieux concours. Parmi les can- que je marquais de nombreux points posi- manières et je n’eus aucune remarque ni didats, je vis arriver un lieutenant-colonel, tifs… Le général qui présidait le jury de aucun reproche sur la situation ou la ges- brillant chasseur et qui était le fils de mon cet entretien me laissa exposer toutes mes tion de mon unité. général examinateur… idées avec beaucoup d’attention, puis, pour Lors du repas de midi, le général Son entretien se passa de la meilleure des conclure, me proposa d’évoquer la féminisa- m’adressa des félicitations officielles puis manières, mais je ne pus résister à lui poser tion dans l’Armée de l’air. m’invita à le suivre dans le bureau de mon une dernière question : « Que pensez-vous, J’exposai brièvement quelques idées gé- commandant de base pour me débriefer de mon colonel, de la féminisation dans l’Armée de nérales sur les quelque 14 % que les femmes mon entretien à l’ESGA. Je redoutais le pire, l’air ? » Autre période, autres mœurs, évolu- représentaient alors dans nos effectifs, mais je suivis le mouvement avec une appré- tion des mentalités, sa réponse parfaitement j’ajoutai que parmi les contrôleurs aériens hension compréhensible. La discussion dé- justifiée me rendit confiance dans l’avenir de où la plus forte féminisation était constatée, il marra sur ma performance initiale, lors de notre armée.

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 36 Revue des anciens élèves de l’École de l’air DR Souvenir de Salon de 1965 à 1976

Jacques Humblot (55 - Gouachon-Noireaut)

Le général St Cricq passant en revue la promo 70.

Il n’y a pas que les poussins qui gardent un souvenir impérissable des années de Salon. Ce récit d’un long retour à l’École, côté instructeurs, ravivera à de nombreuses promos le souvenir de leurs avions, de leurs autorités, des croi- sières effectuées et du passage inoubliable de rares hautes autorités.

e témoignage du général Saint-Cricq week-ends, emmenaient les élèves alsa- l’Amérique du Sud en 1956 sur deux Arma- sur son commandement de notre ciens à Strasbourg, les Bretons à Rennes, gnac, magnifiques quadrimoteurs français. LÉcole est paru dans Le Piège n° 223. etc. Bonnes occasions pour les brigadiers Fêter ses vingt ans à Rio de Janeiro, quelle Le général y raconte les changements qu’il et autres cadres de longs vols de nuit aller- chance à l’époque ! promut en 1969 et 70 pour l’enseignement. retour. Tous ces avions faisaient de Salon J’ai ensuite eu l’honneur d’être l’aide de Cependant il ne cite pas un changement le paradis des « crevards », dont j’étais ; le camp du colonel Pineau (parrain de la 78) notable concernant les élèves pilotes EA et champion dont je me souviens était le colo- qui menait une croisière en Afrique noire en EMA en 3e année, ainsi que les élèves pilotes nel Michel Maerten (50 - Schloesing) com- 1966 sur DC-6. Nous faisions, lui et moi, les de l’Armement, IA et IETA. Il s’agissait de mandant la base et second de l’École. visites, avec cadeaux de courtoisie aux auto- leur faire passer les épreuves théoriques du Sur Fouga, c’étaient toujours les mêmes rités, en DS climatisée de l’ambassade. Il fait PP-l, pilote professionnel de 1re classe. axes de voltige que nous astiquions déjà chaud sous ces latitudes. Étant moi-même titulaire du PP-1 et du en 56-57. Les vols basse altitude se succé- Enfin le général Chesnais, ayant eu vent, PL (pilote de ligne) théoriques, j’ai « rem- daient sur le Massif central, les Alpes, la par deux officiers de l’École de l’air sué- pilé » à Salon où j’étais instructeur depuis Côte d’Azur. Avec les « gros bidons » dont le doise en visite (avec plusieurs Saab L-29), 65. J’échappais ainsi à un exil insulaire pétrole baissait à vue d’œil, je me « caillais » que je les avais très bien reçus à Pélissanne dans le Pacifique. Une section d’instruc- à 30 000 pieds en direction de Metz, Tours, en famille, me convia sur la croisière qu’il tion du personnel navigant, la SIPN, fut Bordeaux, Rennes, « Zara», pour y amener conduisit vers l’Indonésie. En 1972, deux alors créée par Jacques de Labarrière (= ; 53 un commissaire ou un mécanicien en mission. DC-6 nous transportèrent en Iran, du Shah - Brunschwig), rattachée et logée à la divi- J’ai deux souvenirs particuliers. Le pre- avec présence américaine marquée, Bombay sion des vols (DV) dont les baraques Fillod mier est un vol d’essais sur un Fouga aux puis Calcutta, Singapour, Djakarta (c’est me rappelaient l’Algérie. couleurs de la PAF : en vol j’admirais mes bath avia). L’École de l’air indonésienne Les anciens d’une bonne douzaine de ailes bleues. Le second c’est à l’occasion nous accueillit à Yogyakarta avec une im- promotions se souviennent certainement d’une revue aéronavale du Président Pom- pressionnante drumm party. L’étape suivante encore des vitesses V1 et VR, des distances pidou, en place arrière du commandant Jean était Bali. Nous y apprîmes que la route vers accélération/arrêt ou des calculs de per- Foltzer= ( 55), leader de 32 Fouga au-dessus Nouméa nous était barrée par l’Australie, formances sur les courbes Caravelle. Yves de la rade de Toulon. fâchée par un récent essai nucléaire. Adieu Tronquet (= ; 38), professeur à l’ENAC, me À propos de Président en revue, le géné- donc la Nouvelle-Calédonie mais à nous les fut d’une aide précieuse. ral de Gaulle sur la Pelletier d’Oisy reste Balinaises en attendant le retour, qui se fit Dans ces années, la flotte aérienne ins- inoubliable. Et, pour des inspections j’ai par Ceylan et Djibouti. tallée à Salon était importante. Outre les vu dans mon modeste bureau le général Encore un souvenir notable quand, en Fouga Magister Marboré 2 puis 4 tout Delfino et le général Mitterrand. 1974, le général Archambeaud mène une neufs, on comptait une demi-douzaine de L’affectation à Salon-de-Provence offre visite sur le porte-avions Clémenceau. Mon Dakota, remplacés par des Noratlas, des l’avantage d’une région dans laquelle on a ami le L.V. Sabas, ancien commandant d’un Mystère IV, des Broussard, et un aéroclub envie de s’installer. Je l’étais déjà, mais le escadron de la DV de Salon, me propose un avec des Morane 500 (Fieseler Storch) re- Fouga m’a permis quelques reconnaissances vol sur Breguet Alizé. Le catapultage et l’ap- morqueurs de planeurs. N’oublions pas la aériennes sur mes terres du Var, largement pontage entrecoupés d’un survol des côtes PAF sur Fouga - et plus tard sur Alphajet - survolées par l’aéronavale de Hyères : HSS bretonnes sont saisissants. Vu d’en haut, un et l’équipe de voltige acrobatique. La PAF se frère de mon cher H-34, Étendard, Aquilon, porte-avions en pleine mer c’est tout petit. réservait l’espace local de midi à 13 heures, etc. Un Magister chez ses cousins Zéphyr. En 1976, je m’envole, tel un biplace, de spectacle aérien quasi-quotidien. L’École de l’air permet aussi un autre tou- la place Pelletier d’Oisy vers la place Ba- Dans les années soixante les promotions risme long range intitulé voyage d’études. lard. Douze des trente glorieuses à l’École PN s’exerçaient au « tracé air » de navi- Elle m’a donné trois fois cette chance. Une de l’air, il y avait des idées et du pétrole, du gation sur les Dakota qui, pour certains première qu’a eue ma promo de visiter sup-air.

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 37 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Récits

Comment le Casa CN235 a conquis l’Armée de l’air

Paul Menon-Bertheux (04 - Cardot)

Chef pilote du Vercors, notre camarade évoque l’arrivée et le rôle du CN235 dans l’Armée de l’air.

Retrait du Nord 262 et vieillissement Military Aircraft), fait son premier ment : le 28 février 1991, le premier CN235, du Transall vol en 1983. C’est un appareil léger, pouvant le n° 43, se pose au CEAM de Mont-de- En 1985, le retrait achevé des Noratlas transporter une quarantaine de passagers, Marsan. Le n° 45 le suit le lendemain. et celui, futur, des Nord 262 (prévu dans les et ayant une capacité de poser sur terrains Le Casa fait l’objet d’une campagne d’essais années 2000) laissent entrevoir un risque de non préparés. Il offre déjà la possibilité de pour lui permettre de remplir les missions surdimensionnement de la bête de somme larguer hommes et matériels. Il est choisi dites « basses » de son illustre cousin, le C160 : de l’Armée de l’air, le Transall, pour une par de nombreuses armées, essentiellement missions logistiques, aérolargage de routine et partie des missions du Commandement du pour son faible coût à l’heure de vol et pour largage de petits colis. Pour la première fois, transport aérien militaire (COTAM). Il est ses nombreuses options. il se pose au Tchad et au Mali, pour réaliser donc décidé de mener des études pour un des essais « temps chaud » et pour vérifier sa appareil de même gabarit que le Nord 262. L’offre espagnole capacité à se poser sur des terrains sommaires, Trois avions se disputent le secteur du bi- Les Espagnols, achetant pour le compte puis il va se mesurer aux froids extrêmes de la turbopropulseur robuste : de leurs forces terrestres un grand nombre base de Thulé, au Groenland. L’Armée de l’air - le DHC-5 Buffalo canadien, petit avion d’hélicoptères français, demandent une le cantonnant aux missions les plus simples de particulièrement adapté aux terrains som- compensation industrielle par l’achat de son transport aérien, un équipage de conduite maires, n’est pas pressurisé et son avionique CN235 au début des années 1990. Ainsi, le à deux est jugé suffisant, et le mécanicien est dépassée. Il est rapidement écarté ; Casa français est la résultante à la fois de « navigant » devient « mécanicien soutier » : - l’ATR 42 « militarisé », plus grand, plus besoins identifiés et de nécessités d’exporta- il est éloigné de la partie « conduite », tout moderne, bien pressurisé, s’impose assez ra- tion industrielle. Cependant, le consortium en conservant des prérogatives de remise en pidement, mais nécessite une modification ATR développe l’ATR 42N, qui possède une œuvre, indispensables pour conserver la sou- substantielle : l’ajout d’une rampe sur sa porte sur le côté, solution qui ne convient plesse d’emploi de l’avion. Il faudra attendre tranche arrière ; toujours pas aux forces armées. Le projet 1993 pour voir arriver les exemplaires sui- - enfin, le Casa CN235, issu d’un consor- d’ATR est donc abandonné au profit du vants : les numéros 65 et 66 en mars 1993, les tium ibéro-indonésien (aujourd’hui chez Casa et les livraisons commencent rapide- 71 et 72 en septembre.

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 38 Revue des anciens élèves de l’École de l’air L’arrivée dans les forces Le 1er août 1993, l’escadron de trans- port léger Vercors est recréé sur la base Photos © Airbus Military aérienne 110 Guy de la Horie de Creil, ré- veillée pour l’occasion (elle avait été mise en sommeil pendant une dizaine d’années). Il met en œuvre trois CN235 et également trois hélicoptères Fennec. La prise de com- mandement a lieu le 28 septembre 1993. Le général Alain Bernier (58-Blériot), com- mandant le COTAM à l’époque, utilisera pour la première fois le surnom de « Tran- sallito » (petit Transall) pour le Casa, sobri- quet qui lui colle à la peau depuis ! Quelques missions sont effectuées pour le COTAM à Deux CN-235 du CEAM en vol de formation. partir de septembre, mais l’escadrille avion est considérée opérationnelle au 1er jan- mois et passent les 10 000 heures de vol en ture est également renforcée, ce qui per- vier 1994. À ce moment, elle met en œuvre novembre 1997. Cette même année, Casa met d’augmenter la masse maximum au six avions Casa CN235-100. L’histoire opé- stoppe la fabrication de la version -100, et décollage de 15,8 t à 16,5 t, opération qui rationnelle du Casa peut alors commencer. ne propose plus qu’une version améliorée, nécessitait auparavant une dérogation du -200. Deux ans plus tard, une troisième ver- commandement. La charge offerte maxi- Un changement de profil, pour un sion du Casa est conçue, la -300, qui sera mum gagne donc 700 kg. changement de cap présentée aux experts français en 1999. L’avionique est également modifiée : le Le CN235-100 acquis par la France est la La version -200, plus performante, pose véritable changement est OMEGA1 et seconde version de l’appareil. À l’étranger le problème d’une double flotte au sein de l’installation d’une centrale à inertie reca- (et particulièrement en Espagne), le CN235- l’escadron. Le rétrofit est donc enclen- lée par GPS. Cette modification permet de 100 est utilisé sur l’ensemble du spectre des ché et se termine pour les six premiers se conformer aux exigences de précision missions de logistique tactique : parachu- avions en décembre 1999. Trois nouveaux du ciel européen. Les deux premiers avions tisme, aérolargage de palettes par tranche CN235-200 auront été livrés à cette période. perçus (le 43 et le 45) possédaient déjà cette arrière, capacité de surveillance maritime, Les pilotes passent leur première quali- centrale, qui n’avait pas été installée sur les poser sur terrains non préparés, voire som- fication en simulateur, sur une version de autres machines. La centrale est d’ailleurs maires… Le Transall et l’Hercules cou- CN235-100, dernier vestige de sa présence identique à celle du C-130 Hercules et elle vrant déjà toutes ces missions, le Casa dans nos forces. Puis, en vol, ils apprennent est toujours utilisée aujourd’hui sur les français n’étend pas son périmètre pendant à piloter sur CN235-200. La différence entre CN235-200. ses premières années dans les forces fran- le CN235-100 et le CN235-200 est fla- çaises. grante. Le train avant est renforcé, et le pro- De l’ETL à l’ET fil d’aile est modifié, ce qui permet d’abaisser L’escadron de transport léger Vercors Le Casa CN235-200 les vitesses d’approche et par conséquent la est placé, comme ses homologues, sous le En 1994, et jusqu’en 1998, les six Casa longueur nécessaire pour l’atterrissage et le commandement du COTAM pour assu- mis en œuvre par l’ET Vercors assurent une décollage. En revanche, l’avion est un peu rer des missions de transport logistique, activité régulière d’environ 250 heures par moins maniable et moins réactif. Sa struc- d’évacuation sanitaire « secondaire » et de l’entraînement. Il n’est pas encore question de missions de guerre, leur périmètre res- tant à définir. Quant à l’aérolargage, seul le para dit de « routine » est prévu pour le mo- ment, et « en isolé » (c’est-à-dire avion seul). L’alerte à six heures est activée dès 1994, et n’a jamais été levée depuis. Le 1er novembre 1996, le Vercors perd son

Photos © Anthony Air Jeuland/Sirpa qualificatif « léger » pour devenir escadron de transport à part entière. Ses missions ne s’étoffent pas pour autant, mais quelques détachements sont organisés (Tahiti, où le E

1- OMEGA est un système de navigation développé dans les années 1960 et qui reposait sur l’utilisation des basses fréquences. Il offrait une précision d’envi- ron 4 nm, et était surtout utilisé pour les traversées océaniques et le guidage des bombardiers nucléaires américains… Le système s’appuyait sur des stations sol interrogées par le récepteur qui fonctionnait ensuite par Un Casa du Vercors au Niger lors de l’opération Serval. triangulation. Il a été abandonné à la fin des années 1990, remplacé par le GPS.

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 39 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Récits Comment le Casa CN235 a conquis l’Armée de l’air

E Casa est attendu pour remplacer la Cara- Turquoise, velle, Djibouti, etc.). le baptême du feu En 1998, le périmètre des missions Pourtant, son bap- s’élargit enfin aux missions « au voisinage tême du feu s’est dé- immédiat des opérations », et le Casa peut roulé dans ce qui fut larguer des petits colis par les portes laté- sans doute une des

rales sur ces théâtres. Ce mode d’action OPEX les plus dif- Photos © Anthony Air Jeuland/Sirpa permet de ravitailler des troupes avec des ficiles de l’armée colis légers, maniables par deux hommes française de ces 30 der- en soute ; il n’est en revanche toujours nières années : l’opéra- pas question de larguer des palettes par tion Turquoise. De fin la tranche arrière, comme sur Transall. juin à fin août 1994, Cette dernière technique est employée par trois détachements se de nombreuses forces aériennes possédant succéderont à Goma le Casa mais un accident aérien en Indo- puis Bukavu, dans des nésie en 1997 pendant un entraînement conditions déplorables Préparation pour une Evasan lors de l’opération Serval au Mali. de largage douchera pour longtemps les sur le terrain et dans velléités d’emploi dans les forces fran- l’environnement que l’on sait. Le Casa fera partent donc de Creil vers leur nouvelle çaises. Les équipages entretiennent tout office de PC volant au profit des Jaguar dé- affectation. Le convoyage est magnifique : de même leur capacité de poser sur ter- collant de Kisangani et effectuera des mis- Le Caire, Mascate, Colombo, Singapour, et rains non préparés, en se posant sur la sions d’évasan. Fin juillet 1994, suite aux Bali en sont les principales étapes. piste sommaire de la base de Bricy le 20 bombardements par le Front populaire Le 13 juin 1995, Jacques Chirac prend août 1998. Mais le Casa montre un avan- rwandais de l’aérodrome de Goma, les solennellement la parole et décide de… tage de taille en se posant sur le terrain équipages se relocaliseront sur Bukavu et reprendre les essais nucléaires français. de l’île d’Yeu en 1999, après le naufrage y termineront leur détachement. Le Casa L’Australie en prend ombrage et, lorsque de l’Erika : le terrain est trop souple pour renouera avec l’Afrique dix ans plus tard, les deux CN235 se posent à Bali, elle an- supporter le poids du Transall. pour ses premiers détachements au Gabon, nonce à la France que « la sécurité des avions mais il n’ignorera plus jamais le turquoise. militaires français posant sur son sol ne sera pas L’évasan, la mission principale. garantie ». En réalité, elle leur interdit son Le domaine de l’évacuation sanitaire (éva- OPEX et déploiements espace aérien… L’incident ne se réglant san) est un domaine privilégié pour le Casa. Si l’expérience et la logique prééminence pas, il est décidé, après une semaine à Bali, Contrairement au Transall, cet avion béné- du Transall sur les terres d’Afrique com- de faire faire demi-tour aux deux avions… ficie de son propre circuit d’alimentation pliquent la donne pour le Casa en métro- C’est donc un premier convoyage avorté qui électrique déporté, ce qui lui permet d’as- pole et en OPEX, il en va tout autrement inaugure la carrière ultramarine des Casa ! surer l’alimentation d’appareils médicaux en outre-mer. Le Casa en devient LE spé- Deux Transall sont envoyés sur place pendant de longues heures. En outre-mer, cialiste, ce qui lui permettra de prétendre au pour faire la jonction entre le retrait des cette capacité conjuguée au vol longue dis- titre d’avion le plus déployé de toute l’his- Caravelle et l’arrivée des Casa. Ils y reste- tance et à l’atterrissage court sur des pistes toire récente de l’Armée de l’air… mais cela ront six mois. L’Australie n’offrant toujours non balisées de nuit, l’ont depuis longtemps ne s’est pas fait sans aventures. pas les conditions suffisantes pour le survol rendu indispensable, en particulier en Poly- de son territoire aux avions français, seule nésie française. De Tahiti à la Réunion : le turquoise, la voie du Pacifique est désormais possible, Dès 1997, le Casa participe à ce titre à des l’autre couleur du Casa avec un écueil de taille : le Casa ne peut théo- exercices de coopération interalliés d’éva- L’outre-mer est le cadre naturel du riquement pas effectuer une si longue tra- cuation massive, comme Cooperative bear, CN235 français. Son faible coût d’exploita- versée. En effet, les deux étapes Los Angeles qui mettent en œuvre de nombreux avions tion en regard de ses capacités en ont fait le - Hawaï, puis Hawaï - Papeete, sont d’envi- de transport en version sanitaire venant de choix naturel pour armer les sites ultrama- ron 2 200 nm en direct ! Les enjambées du pays de l’OTAN et d’ailleurs. rins, à commencer par Tahiti. Casa étant limitées à 1 500 nm, il faut trou- ver une solution. Un bac souple contenant Du tactique sur Casa ? Une arrivée rocambolesque à Tahiti 3 000 lbs (1 700 l) de kérosène, et relié au cir- Dès ses débuts au sein du COTAM, le L’ETOM 0082 Maine de Tahiti assure le cuit carburant de l’avion, est alors conçu en Casa est sollicité sur les théâtres d’opération ravitaillement des sites nucléaires français à crash program afin de permettre la traversée. de l’armée française, au titre de transpor- l’aide des Caravelle, avions de ligne à réac- Les deux avions sont convoyés en même teur léger ou de moyen d’évacuation sani- tion des années 1950, achetés en 1976. L’ar- temps, à travers l’Atlantique, le continent taire (évasan), et ce malgré le flou sur sa rivée des CN235 leur permet de prendre nord américain puis le Pacifique : Istres, doctrine d’emploi en opérations. Il est éga- une retraite bien méritée et le convoyage Dakar, Recife, Fort-de-France, La Nouvelle- lement utilisé lors d’exercices au Sénégal, de deux appareils vers la Polynésie est prévu Orléans, Los Angeles (international !), Hilo (Guidimakha 98) en Turquie ou en Égypte pour le mois de juin 1995. au sud de l’archipel d’Hawaï, puis Papeete. (Bright Star en 2001), mais ne sera asso- Le jeune avion possède un rayon d’ac- Un Transall d’accompagnement est dé- cié que très tard aux exercices majeurs en tion de 1 500 nm (2 780 km) environ, ce qui clenché pour suivre cette épopée, servir de France : il participe à son premier exercice exclut évidemment le passage par le Paci- soute de maintenance en cas de problème en tant qu’observateur en 2005 ! fique. Le 12 juin 1995, les avions n° 65 et 72 (une équipe de mécaniciens accompagne les

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 40 Revue des anciens élèves de l’École de l’air Photos © Airbus Military comme EXIA ou PAR. L’exercice français annuel Croix du Sud, qui mobilise la totalité des forces de Nouvelle-Calédonie, est aussi un bon moyen de présenter l’avion sous son meilleur jour. Sans concurrence directe, le Casa peut ainsi démontrer l’ensemble de ses capacités… Largages de matériel et de pe- tits colis sont donc effectués sur place. Comme dans tous les sites d’outre-mer, les Casa basés à Nouméa sont en première ligne pour intervenir sur les catastrophes humanitaires qui sont malheureusement fréquentes en zone tropicale et la multipli- cité de leurs interventions fait vite oublier leurs débuts limités en Papouasie. Parmi les Largage de petits colis par les portes latérales. plus notables, on peut citer le pont aérien vers le Vanuatu suite au cyclone Pam en équipages) et d’aide à la navigation. En effet, sion de SURMAR et des exercices de coo- 2015 et le détachement aux Fidji après le la traversée se fait encore à l’OMEGA, assez pération dans la région. La région couverte passage de Winston en 2016. peu précis… Des récepteurs GPS sont tout est tellement gigantesque que les avions Enfin, la mission de surveillance maritime de même utilisés. peuvent également faire office de PC vo- Surmar fait là-bas partie du panel des mis- Cette deuxième tentative de traversée, lant, voire de relais radio pour les services sions du Casa. Les traversées entre les îles couronnée de succès, a été cette fois-ci mar- maritimes ! Trois CN235 sont appelés à lui permettent d’ailleurs de faire de la sur- quée par une succession de dépannages remplacer les deux C-160. Les avions sont veillance d’opportunité, voire de sauver des du… Transall ! Dès la deuxième étape, le convoyés entre février et mars 1998. Mais vies : en 1999, au cours d’une liaison de rou- convoi se déroute à Agadir. Puis le C-160 ces convoyages, particulièrement prisés par tine, un équipage repère des silhouettes sur doit couper un moteur au beau milieu de les pilotes de Transall (ils avaient lieu tous un îlot inhabité. Il en informe le « Cross », l’Atlantique. Enfin, concluant le triomphe les six mois), deviennent, à l’instar de Ta- le PC marin. Surpris, car n’ayant pas reçu du jeune challenger, c’est bien le Casa qui hiti, choses très rares sur Casa, où la mainte- de message de détresse, celui-ci dépêche une se posera en premier sur Papeete, laissant nance est en totalité assurée sur place. Ainsi, vedette sur place. Un second Casa larguera l’honneur à l’équipage du Transall de payer les avions n° 66, 105 et 107 n’ont jamais un message aux naufragés pour les rassurer l’apéritif sur le sol tahitien… Le départ du revu le territoire métropolitain depuis leur et leur dire qu’ils seront secourus… Ces Ro- Transall de remplacement se fait peu après, départ ! Les modifications vers le format binsons avaient chaviré et attendaient, sans et le Casa peut alors assurer son sacerdoce. -200 ont été effectuées sur place dès 1999. avoir pu prévenir les secours, depuis trois La liaison avec les sites nucléaires fran- Le Casa arrivant hors période de relève jours sur leur îlot ! çais reste la mission principale de l’ETOM de personnel, les équipages et équipes tech- 82 Maine, avec un taux de remplissage bien niques présents sont formés sur leur nou- La dotation du Ventoux plus élevé, et une appréciable économie de velle machine. Comme à Tahiti, l’économie L’augmentation du nombre de machines fonctionnement grâce au nouveau venu. Le est substantielle entre un C-160 très gour- s’accompagne d’un déploiement déjà bien CN235 permet également de poser sur les mand et souvent surdimensionné, et le petit entamé des CN235 vers l’outre-mer, mais petites pistes des atolls voisins et assure ainsi Casa sobre et rapidement disponible, avec également en métropole : l’escadron de le ravitaillement ou l’évacuation des équipes une maintenance de proximité. Toutefois, transport et d’entraînement Ventoux, réac- sur place, dans le cadre des missions de sou- il montre rapidement ses limites sur les tivé à Mont-de-Marsan en 1999, est alors veraineté. C’est notamment le cas lors des terrains non préparés. Un énorme cyclone retenu pour recevoir la nouvelle machine. passages de cyclones. Cette capacité, bien ravage la Papouasie en octobre 1998 et le Cependant, si le Vercors a été réveillé spé- qu’assez appréciée, est en réalité peu utilisée : Casa, fraîchement arrivé, est mandaté dans cialement pour l’arrivée du Casa, le Ven- environ 85 % de l’activité de l’ETOM ont le cadre de NOTOU 98 pour rayonner sur toux est déjà présent depuis trois ans sur pour client la Direction des centres d’expé- les terrains sommaires de l’île depuis Port la base de Mont-de-Marsan lorsqu’il per- rimentations nucléaires (Dircen). Moresby, la capitale. Le Casa se contente çoit les trois premiers de ses huit avions. Les Casa tahitiens sont intégralement de poser sur trois terrains seulement, lais- Ces nouvelles machines côtoieront pendant maintenus sur place ; des contractuels lo- sant aux Caribou australiens ou américains, quelques années les N262 qui seront inté- caux assurant la maintenance la plus lourde, les posers sur les terrains les plus abîmés. gralement retirés du service en 2004. tandis que l’entretien régulier est assuré par La critique est rude pour le nouveau venu, L’escadron Ventoux aura par ailleurs, un les mécaniciens militaires. d’autant que les sites français disséminés sur peu plus tard, la complexe tâche d’accueil- les îles autour de Nouméa ont mis quelque lir la troisième version du Casa CN235, la La confirmation d’une vocation : temps pour s’habituer à une plus petite -300, au début des années 2010. Mais en l’arrivée à Nouméa soute et ne l’ont pas caché aux pilotes et 1999, il se cantonne encore au -200, comme À Nouméa, les missions de l’ETOM 52 soutiers ! son homologue picard… tout en préparant Tontouta sont plus variées qu’à Tahiti, et Toutefois, les équipages sont régulière- les détachements et sites ultramarins futurs, deux Transall assurent le ravitaillement de ment sollicités pour participer à des exer- à commencer par la Martinique. cette partie de la Polynésie française, la mis- cices tactiques interalliés de grande ampleur (à suivre)

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 4 1 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Récits

Les tribulations d’un poussin de la 65 du temps de la guerre froide

Roger Le Doaré (65 - de Tricornot de Rose)

… Ou quand les événements internationaux ont raison d’une carrière de naviga- teur Mirage IV pour lui donner une suite plus diplomatique et non moins riche.

’était vers le mois de décembre 1967, lement sur C135, la vision d’un splendide comme Saint-Exupéry, « nous étions Mirage IV reluisant dans sa livrée d’argent Cde jeunes barbares que nos jouets neufs d’alors, mon choix de partir navigateur dans émerveillaient encore ». Les PN de la promo les FAS devint inéluctable. Pour me remon- avaient commencé leur lâcher sur Fouga ter le moral j’avais quelques pensées conso- depuis quelques semaines. Ce vendredi-là latrices du genre : on parle plus des grands ce fut mon tour. navigateurs que des grands pilotes. J’aurai Le temps, en ce milieu d’après-midi, com- un chauffeur de maître, etc. mençait à changer mais le QFU (la piste Ainsi une nouvelle carrière commença. en service) restait face au nord pour mon S’il fut déconcertant et démoralisant décollage, comme à l’accoutumée depuis d’être le premier à quitter la promo, l’arri- quelques semaines. Tout se passa correcte- vée à l’école de navigation de Toulouse, dans ment pendant le vol et le feu vert me fut les semaines qui suivirent, de quatre autres donné pour le lâcher. Le temps de refaire collègues, me permit de supporter avec plus le plein et je tournerais enfin seul autour d’abnégation cette forme de désillusion qui du terrain. Au moment de repartir le QFU ne prendrait fin que le jour de mon lâcher changea. Le moniteur me posa la question sur Mirage IV. L’auteur en équipage. de confiance : « Vous le sentez ce QFU ? » Un autre moment de gloire fut, quelques La piste face au sud était un peu inhabi- mois plus tard, ma première prise d’alerte. la bombe. L’implosoir d’un côté et le cœur tuelle à Salon où le mistral soufflait depuis En bout de piste, dans cette cathédrale à part (heureusement !) sur son chariot, la trois mois. Je préférai finalement refaire un voutée éclairée d’une irréelle lueur trop bombe ainsi écorchée n’était pas moins me- tour en double avec ce QFU. blanche, mon premier Mirage IV armé naçante et impressionnante. Ceci se passait Je le fis sans trop d’encombres mais la m’attendait. L’appareil semblait immense sur la base au DAMS (dépôt d’armes et mu- nuit commençait à tomber et la semaine dans son écrin. Sous lui un long cylindre le nitions spéciales). s’acheva ainsi. Ce QFU rébarbatif et l’ab- distinguait de tous ceux sur lesquels j’avais Dix ans de ma vie se passèrent ainsi entre sence momentanée de mon moniteur atti- volé : l’AN 22. Il y avait là de quoi détruire les vols et les alertes réelles en 15 minutes, tré aboutirent à une série de vols en double quatre fois Hiroshima. environ une semaine par mois, jusqu’à ce de moins en moins satisfaisants au fur et Exercice Rami (sortie de l’abri avec la que les sous-marins nucléaires viennent al- à mesure que les moniteurs prenaient du bombe jusqu’au décollage…) léger cette mission de dissuasion. galon. Un jour, conscient de mon pilotage La semaine précédente j’avais moi-même, Pendant des jours nous apprenions par approximatif, je décidai d’arrêter malgré dans un rituel quasi-maçonnique, revêtu un cœur, en salle de guerre, ces runs vers l’ob- les encouragements réels de la promo et de tablier spécial et transporté à bout de bras jectif comme si nous préparions un im- l’encadrement, mais le vent avait tourné… une boule cuivrée contenant quelques kilo- probable mais possible voyage au-delà du grammes de plutonium pour préparer la rideau de fer, comme une routine et sans Dernier vol, future bombe d’alerte. Cela semble irréel et état d’âme, certains de la réalité de notre dernier clin d’œil à Salon artisanal et pourtant chaque équipage par- dissuasion. Nous ne savions pas que cette En me rappelant, lors d’un vol de ravitail- ticipait alors à ses débuts au montage de posture aboutirait un jour à la fin de l’URSS

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 42 Revue des anciens élèves de l’École de l’air et que, d’une façon tout aussi improbable, le point zéro de notre mission deviendrait une attraction touristique aujourd’hui intacte. Bientôt ces mêmes sous-marins allé- gèrent tellement nos missions que les neuf escadrons Mirage IV commencèrent à fermer et les avions se regroupèrent sur quelques bases, laissant peu de chances au navigateur direct que j’étais de prendre le commandement d’un escadron. Le vent venait de tourner pour moi, une nouvelle fois. Je partis dans la RAF poursuivre une carrière plus prometteuse. Mon passé de navigateur bombardier m’of- frit le privilège royal de faire mes heures d’abonné sur Vulcan, jusqu’au jour où les Argentins décidèrent de reprendre les Ma- louines aux Anglais. Contraints de riposter ceux-ci envoyèrent (sans moi !) mon esca- e dron (le 44 ) bombarder la piste de Port Le joyau dans sa livrée d’argent. Stanley, mais ceci est une autre histoire que j’ai déjà racontée. Quelques semaines plus tard l’un des at- matin, le point Zéro. J’occulte mon DOA. En- tachés soviétiques à Helsinki nous annonça suite tout s’accélère : le voyant de cabrer s’allume, Sur Vulcan résigné : « Everything is out of control ! » La l’avion passe à 4G. Neuf secondes plus tard, une Cet intermède international me valut de guerre froide venait de fondre brutalement. certaine décharge, au propre comme au figuré, revenir à Londres comme attaché, quelques Bientôt un nouvel écusson apparaissait sur nous signale que la bombe est partie. Nous pas- années plus tard. La guerre froide semblait sa manche « POCCNR »(Russie). sons sur le dos et redescendons le plus bas pos- alors éternelle. Mon affectation étant alors sur le point de sible en accélérant. Quelques secondes plus tard De retour en France dans la FATAC se terminer, l’heure était venue de réaliser un grand flash, mais aucune turbulence ; nous comme chef des moyens opérationnels, puis mon rêve le plus fou : aller jusqu’à mon ob- sommes à près de 600 kts et le souffle a du mal à second de la base de Nancy-Ochey, je revi- jectif par tous les moyens. En fait ce fut par nous rattraper à cette vitesse. vais cette ambiance guerrière lors de tous la mer que je me retrouvai un beau matin Une vérification du carburant restant les exercices (Datex et autres). Je m’impo- de juin sur la passerelle d’un ferry finno- confirme nos craintes. Le ravitailleur qui nous sais de croire à notre invulnérabilité en vi- russe sur la Baltique. À quelques dizaines attend (peut-être) au large de la Norvège est bien sitant les bases de Pluton et d’Hadès, ces de mètres sous l’altitude prévue de mon run trop loin. Je sors l’enveloppe de secours, des coor- armes nucléaires tactiques du champ de ba- initial vingt ans plus tôt, je revivais le pay- données, une mini carte avec un lieu en finnois. taille censées soulager les fantassins enga- sage appris par cœur. J’ai déjà vu cet endroit mais c’était dans gés en premières lignes dans un nuage de À gauche sur l’île de K, j’effectue mon dernier une autre vie. Mais c’est bien sûr… le vieux radiations propres… recalage radar, en allumant celui-ci furtivement. monsieur qui parlait si bien le français et Mais un jour de novembre 1989, l’im- Le pilote augmente la vitesse au-delà des 500 kts venait à l’ambassade le 14 juillet à Helsinki, pensable arriva. Le mur de Berlin venait de et compense la correction du dernier recalage. habitait là… s’ouvrir. Je pris le train des Forces françaises Sur la console de droite, je vérifie que le voyant La boucle était bouclée… Mon rêve ne à Strasbourg et allai enfoncer mon bout de armé est allumé. En ayant décodé le boîtier après fut jamais aussi irréel que lorsqu’il devint mur à Berlin. La lézarde ressemblait à une la transmission de l’ordre gouvernemental, j’ai réalité. fissure du rideau de fer. Irai-je vraiment un armé la bombe en arrivant aux lignes hostiles. Ne cherchez pas mon objectif : il a été rayé jour jusqu’à mon objectif ? Comment alors À 20 nautiques, le pilote bascule l’autorisation de la carte après la chute de l’URSS. orienter ma carrière vers ce but : partir en de tir, le voyant paré s’allume. Nous occultons Finlande comme attaché. nos rideaux anti~flash. Seul le DOA (dispositif Ainsi s’achève l’odyssée d’un poussin de optique asservi) me donne une idée de la vision la 65 qui, à son petit niveau, gagna la Paix En Finlande, à extérieure. Sur le réticule apparaît bientôt une en feignant de faire la Guerre... la frontière soviétique superbe flèche dorée reluisant dans le soleil du Mon passé diplomatique m’offrit cette af- fectation inespérée. Une fois sur place je me

rendis compte que la guerre froide n’était Photos DR pas finie. Quand je voulus voir enfin la fron- tière russe, les Finlandais ne me permirent pas d’aller au-delà. Pourtant, à l’ouest d’Hel- sinki, les pays Baltes retrouvaient un brin d’indépendance. L’état-major des armées, dans sa grande bonté, m’offrit la création du poste d’attaché de défense en Estonie, au milieu des troupes soviétiques en repli. Je mettais ainsi un pied en URSS, l’objec- tif n’était plus qu’à quelques centaines de En Finlande, la tenue AA kilomètres ! légèrement modifiée.

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 43 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Récits

Une aventure extraordinaire : la traversée de l’Himalaya à moto (suite et fin)

Alain Esmilaire (63 - Deshayes)

Le périple motocycliste de notre camarade s’achève à Manali, non sans quelques émotions et ultimes incidents.

La route vers Manali : un empilement de virages en épingle à cheveux. Une chute à moto, heureusement sans gravité.

n quittant Sarchu le lendemain matin tant mitigée : les constructions sont sans très fort courant nous attend un peu plus nous apprécions le beau temps qui recherche, les finitions inexistantes. Est-ce loin. Trahi par une grosse pierre plate in- Enous accompagne car la piste est par manque d’argent ? De motivation ? Sans visible et glissante, Gérard s’offre un bref plutôt sévère sur une dizaine de kilomètres. doute aucune de ces deux raisons mais plu- bain de siège dans l’eau fraîche. Sa Bullet ne Pour nous réveiller sans doute. L’ascen- tôt par manque de moyens logistiques. semble pas plus émue que lui si on en croit le sion du Baralacha la est éprouvante mais Dans le hameau où nous stoppons pour doux ronron de son moteur qui ne s’est pas le décor est grandiose avec les glaciers que déjeuner la vie s’organise autour de mi- interrompu. Tout le monde repart aussitôt nous pouvons apercevoir au-dessus de nous. nuscules boutiques. Il y a là tout le né- en rêvant (surtout Gérard) au bon thé bien Les machines souffrent mais grimpent sans cessaire : restaurants, épiceries, boucherie, chaud qui nous attend à Keylang. rechigner, sauf celle de Thinless qui, au col, coiffeur, etc. Dans les cuisines des restau- La descente continue ensuite sur une belle requiert les soins attentifs de Raja dont les rants les chefs s’affairent pour nous ré- route qui rappellerait presque le Val d’Aoste mains expertes procèdent au changement galer… Nous repartons très optimistes ou la route de Falzarego dans les Dolomites. express de la couronne arrière qui a perdu après cette pause déjeuner réussie pour Il y a des sapins, il n’y a plus de poussière ni quelques dents dans la bataille ! attaquer les derniers kilomètres qui nous de fumée de camions… Le bonheur absolu Nous redescendons sur une route beau- séparent de Keylang. en quelque sorte ! Nous rejoignons enfin coup plus tranquille. Imperceptiblement le Une fois traversée la passerelle au-dessus Keylang qui prépare la fête du village. paysage change et devient plus alpin au fur de la Bhaga nous déchantons assez vite. La Il y a de l’animation avec quelques et à mesure que nous perdons de l’altitude. piste redevient mauvaise et traîtresse. La chaudes rencontres sportives (volley) La végétation réapparaît. Nous quittons le poussière très abrasive est omniprésente, les entre des équipes bruyamment supportées monde minéral. Dans la vallée de la Bhaga, camions paraissent au bord de l’apoplexie par leurs fans, le montage d’un manège vers le fond de laquelle nous nous dirigeons, dans les nuages de fumée noire qu’ils nous manuel (l’électricité est rare dans ces zones la densité des habitations est en nette pro- crachent à la figure, les trous d’eau sont reculées) que les enfants semblent attendre gression. L’impression générale est pour- nombreux et profonds. Un radier avec un avec une grande impatience. Toutes les bou-

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 44 Revue des anciens élèves de l’École de l’air Scènes de la vie dans la vallée de la Bagha : une porteuse de four- rage, un dentiste très affairé. Photos DR

La descente est technique. Les épingles succèdent aux épingles ultra serrées. On arrête de les compter, il y en a trop. La pente de la route est importante et le frein moteur de la Bullet est extrêmement effi- cace. Finalement la pente faiblit et les vi- rages s’élargissent enfin. Nous arrivons à Manali. Notre hôtel nous paraît somp- tueux. Nous allons pouvoir faire une belle toilette. Nous serons malgré tout obligés de ramener la poussière incrustée dans nos vêtements. tiques sont ouvertes, ainsi que les bistrots. pour la sortir de ce chaudron. Elle finira par Nous profitons de la fin de journée pour Le tout est extrêmement pittoresque et ra- nous rejoindre dix minutes plus tard. aller faire une visite à l’atelier de Raja dans fraîchissant. La rue principale nous réserve Plus nous montons plus nous nous enfon- les hauteurs du village. Dernière occasion de quelques scènes cocasses… çons dans les nuages qui bouchent l’horizon profiter de nos Bullet dans les rues étroites Nous approchons de la fin du voyage. maintenant. La température a brusquement virevoltantes et ascendantes qui y mènent. Demain c’est la dernière étape, nous aurons chuté et il pleut. Mais, bonne surprise, la L’exercice est une revigorante récréation. On rejoint Manali. Les sentiments sont parta- route devient un vrai billard. Voilà bien en profite au maximum. Raja est tout heu- gés entre l’envie de poursuivre ce fabuleux longtemps que nous n’avions pas glissé sur reux de nous accueillir dans son temple de voyage et le besoin de rentrer au bercail. On un tapis volant… c’est très agréable. la mécanique. Nous le félicitons très chaleu- parle déjà de revenir un jour ! En avons-nous fini avec les épreuves ? reusement pour sa compétence technique et Après une nuit confortable nous repre- On verra. Nouvelle bonne surprise en arri- sa gentillesse aussi. Il nous a montré tout au nons la route. L’itinéraire de départ très vant au col malgré la circulation intense : le long de notre trip qu’il connaissait son sujet prometteur nous emmène quelques kilo- restaurant qui nous accueille a très bonne par cœur comme on pouvait connaître nos mètres au-dessus de Keylang, sur une route mine ! Nous allons pouvoir reprendre des récitations lorsque nous étions à l’école ! Au- très « fréquentable ». forces pour affronter la dernière tranche, cune virgule ne lui échappe ! L’illusion n’est que de courte durée. Nous tranche de choix s’il en est, la descente La cérémonie de clôture que nous réserve voilà soudainement plongés au purgatoire. du Rothang… Nous sommes à près de notre team accompagnateur en soirée est Nous baignons dans un nuage de poussière 4 000 mètres. Il y a beaucoup d’animation. très émouvante et c’est les larmes aux yeux opaque soulevée par les innombrables ca- On pourrait presque se croire au som- que nous recevons nos écharpes blanches, mions qui arrivent en sens inverse. La vi- met d’un des grands cols des Alpes en été témoignages des liens d’amitié que nous sibilité est très faible, la route parfois très (Falzarego, Pordoï, Stelvio, Albula, Furka, avons tissés tout au long des kilomètres par- étroite est en mauvais état. Nous avançons Grossglockner…) où l’on a souvent du mal courus. Merci Sanu, Merci Thinless, Merci avec la plus extrême prudence dans cette à trouver une petite place pour se garer, Raja, Merci Karma, Merci aussi à tous ceux ambiance hostile en écarquillant autant que même en moto. Aussitôt le dernier naan dont j’ai eu l’imprudence de ne pas noter possible les yeux pour distinguer les véhi- avalé nous basculons de l’autre côté du col, le nom. Vous avez été adorables. Nous ne cules devant nous. Loin devant je distingue versant Manali. Rapidement nous compre- vous oublierons pas et surtout nous espé- ce qui semble être un embouteillage. La nons que la réputation de cette route n’est rons vous revoir un jour prochain. poussière et la fumée des camions rendent pas usurpée. Bien qu’il y ait quelques por- Avant de prendre, le lendemain, le bus qui les lumières blafardes… Est-ce l’enfer ? tions en parfait état (à quel prix !), le revête- nous ramènera à New Delhi nous profitons Derrière un poids lourd arrêté, que je ment souffre beaucoup avec le trafic intense du reste de temps libre pour visiter le char- passe prudemment par la droite, je distingue des poids lourds. Certains reportages font mant et très coloré village de Manali. une moto par terre avec deux silhouettes état d’accidents fréquents. Il ne doit pas faire s’affairant à la redresser. En arrivant plus bon s’approcher du bord qui a tendance à Conclusion près je reconnais Marilyne et Gérard, venu s’effondrer… Par ailleurs la vue plongeante Dans l’avion qui me ramène en France à son secours ; pas de bobo… Ouf ! Décidé- sur l’empilement des épingles à cheveux je repense avec une grande émotion à ces ment ce sera chaud jusqu’au bout. n’incite personne à tenter le moindre excès familles nomades des hauts plateaux qui Dans de telles conditions la moyenne ho- de vitesse. Nous croisons un camion en dé- nous ont accueillis avec fierté et générosité, raire a pâle figure. Nous faisons une pause en tresse dans le sens montant, en équilibre je repense à ces innombrables chauffeurs de fin de matinée avant d’attaquer l’ascension côté vide. Une de ses roues a dû mordre un poids lourds qui sillonnent par tous temps du col du Rothang. Le soleil veut bien nous peu trop le bas-côté qui s’est effondré. Des les dangereuses pistes de haute altitude faire un amical salut à cet instant. Comme le secouristes peu sujets au vertige tentent de pour ravitailler les villages perdus. Leurs panorama est envoûtant nous apprécions… le stabiliser à l’aide de pieux en bois fichés cabines sont leurs résidences principales ; et nous faisons bien car ce qui nous attend dans le sol juste en dessous. Le chauffeur, ils voient leurs familles rarement mais y après c’est du solide, mais nous ne le savons sans doute au bord de la jaunisse, doit at- pensent sans cesse. Ici pas d’honneurs, pas pas ! Avec le flux ininterrompu des camions tendre avec angoisse que la grue puisse le de costume, pas de cravate, chacun travaille qui descendent du Rothang, le départ est sortir de là. Nous poursuivons sans nous at- très dur pour tous les autres, la solidarité délicat. Sabine, qui en a ras le bol de se faire tarder en jetant un coup d’œil lorsque nous est bien réelle. frôler, pose sa moto par terre en attendant passons dessous un peu plus loin pour nous Un grand merci à tous pour cette leçon qu’une âme charitable vienne à son secours assurer que les pieux en bois tiennent bon ! de vie !

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 45 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Idées

Un piégeard à la tête d’une chaire «Défense et Aérospatial» à Sciences Po Bordeaux

Daniel Bastien (71 - Blanckaert)

À travers cet article, l’auteur souhaite informer les lecteurs du Piège d’une initiative ori- ginale (dans un pays où les centres de réflexion sur les questions de Défense sont très peu nombreux et concentrés sur la capitale), celle de la mise sur pied, au sein de Sciences Po Bordeaux, d’une chaire « Défense et Aérospatial », fait unique en province, avec, qui plus est, l’un de nos camarades comme responsable exécutif.

’est en septembre 2014, lors de l’uni- La chaire, adossée à Sciences Po Bordeaux seau interdisciplinaire et interprofessionnel versité d’été de la Défense qui s’était en partenariat avec l’université de Bordeaux, entre les acteurs impliqués dans les ques- tenue à Bordeaux, qu’a été annoncée n’aurait pu voir le jour sans l’adhésion et tions de défense, qu’ils soient universitaires, Cla création d’une chaire « Défense et Aéros- l’implication de grands mécènes indus- industriels et, bien entendu, issus de l’ins- patiale » à Sciences Po Bordeaux. Cette triels (Dassault Aviation, Safran et Thales). titution de défense. L’objectif, à terme, est chaire est opérationnelle depuis le 1er dé- Ils ont immédiatement apporté leur sou- que cette initiative donne naissance à un cembre 2014. Installée en province mais tien au projet alors porté par la fondation véritable pôle de ressources sur la défense à dimension nationale, elle n’est pas sortie Bordeaux Université, opérateur unique du dans l’esprit de la démarche du ministère du néant ; elle est l’aboutissement d’une dé- mécénat pour le campus bordelais. Très na- de la Défense, et plus particulièrement de marche originale de notre camarade Jean- turellement, c’est notre camarade, initiateur la DGRIS2, en la matière. Marc Laurent (79 - Caroff de Kervezec)1. du projet, qui s’en est vu confier l’animation, Si la chaire est adossée à Sciences Po Bor- Celui-ci a en effet souhaité, à l’issue de sa en tant que responsable exécutif. deaux et si elle bénéficie directement de la carrière dans l’Armée de l’air, partager son dynamique de l’agglomération bordelaise et expérience avec de futurs cadres en forma- Objectifs de l’Aquitaine en matière de forces, de ser- tion et le monde de l’enseignement supé- de la chaire vices étatiques et d’industries du secteur de rieur, tout en poursuivant une réflexion sur Cette chaire s’attache à développer une la défense et de l’aérospatial, elle coopère la défense et son volet aérospatial. Cette meilleure connaissance et une meilleure avec plusieurs composantes de l’univer- dynamique s’inscrit dans le cadre d’une compréhension globale du domaine de la sité de Bordeaux, et entretient une relation collaboration entreprise avec Sciences Po défense et de l’aérospatial, aussi bien auprès avec l’Institut national polytechnique de Bordeaux alors qu’il était à la tête du Com- des étudiants, des chercheurs, des profes- Bordeaux dont, en particulier, son École mandement du soutien des forces aériennes sionnels civils et militaires du secteur, que nationale supérieure de cognitique. à Mérignac, et qu’il assumait, en parallèle, du grand public. Pour cela, elle met en Elle a aussi un partenariat avec le CEAM les fonctions d’officier général de la Zone de place des actions pluridisciplinaires de re- de Mont-de-Marsan où Jean-Marc Laurent défense et de sécurité sud-ouest. Cette coo- cherche, de formation, et de diffusion des intervient régulièrement sur la stratégie au pération avec Sciences Po Bordeaux avait savoirs. L’initiative s’attache à favoriser, par profit des auditeurs de cet Air Warfare Cen- initialement pris la forme d’un cours sur ces actions, le développement du savoir ter3 français, des officiers des forces qui la défense que Jean-Marc Laurent propose sur les questions politiques, stratégiques, viennent y suivre un cours tactique de très toujours, mais élargi depuis à l’économie opérationnelles, économiques mais aussi haut niveau. et à l’industrie de défense, et qu’il dispense sociologiques en matière de défense, avec, Enfin, elle s’est ouverte à l’international, par ailleurs à l’université de Bordeaux et à notamment, un focus sur son volet aéros- d’abord avec l’Allemagne, dans le cadre l’École nationale des arts et métiers de Bor- patial. Au-delà, cette chaire a l’ambition de d’une réflexion préalable au futur Livre deaux. contribuer à la création d’un véritable ré- blanc allemand, puis avec le Canada, à tra-

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 46 Revue des anciens élèves de l’École de l’air Photos DR

Ouverture de la chaire « Défense et Aérospatial » avec les princi- Le général Laurent anime une séance de travail. paux mécènes.

vers un partenariat étroit sur les relations de demain et d’actualiser les connaissances de compréhension du secteur « Défense et internationales entre Sciences Po Bordeaux des cadres actifs. Aérospatial » à un large public (étudiants, et l’université Laval de Québec. À l’heure actuelle, la chaire a accompagné entreprises du secteur, acteurs institu- Fruit d’une démarche collaborative, cette le service formation continue de Sciences tionnels…), la chaire s’est fixé pour objec- chaire entend contribuer à fédérer la com- Po Bordeaux sur le développement et la tif de publier ses travaux de recherche et munauté universitaire, le monde de la Dé- mise en place d’un Cycle d’études supé- d’organiser des rencontres (conférences, fense et l’industrie aéronautique et spatiale, rieures défense et aérospatial (CESDA), ou- colloques, interventions dans les médias) en leur offrant un outil permettant de croi- vert à des auditeurs industriels et militaires. pour échanger avec des publics variés, à ser les regards sur le contexte sécuritaire, Elle travaille désormais avec l’université de différents niveaux de confidentialité (com- selon une approche globale. Elle entend Bordeaux sur le développement d’un cycle munauté scientifique, étudiants, profes- aussi être un vecteur de diffusion de la de formation initiale. D’autres « formules » sionnels…). À cet égard, l’année 2015 a fait connaissance sur les questions de défense. de formation sont en réflexion, comme des l’objet de plusieurs rencontres organisées ou « écoles d’été ». Dans tous les cas, il s’agit de co-organisées par la chaire avec des parte- Pourquoi une chaire croiser les idées dans une logique interpro- naires comme l’université d’été de la dé- sur la défense et… l’aérospatial ? fessionnelle, et de donner aux participants fense, la chaire « Économie de défense » de Pourquoi donc associer l’aérospatial à les clés de compréhension du secteur « Dé- l’IHEDN-Paris ou des centres d’études et de cette chaire qui aurait pu se satisfaire du seul fense et Aérospatial ». recherche politique français ou étrangers. vocable « défense » ? Parce que l’aérospatial est à la convergence de tous les milieux opé- Les études et la recherche Saluons le caractère innovant de cette rationnels : terre, air, mer, espace mais aussi Sur le plan de la recherche, la chaire en- chaire universitaire pluridisciplinaire et in- cyberespace, qui s’appuie largement sur le tend contribuer, sans prétention, à son ni- terprofessionnelle consacrée à la défense et segment spatial. Nul doute, dans ces condi- veau et avec les moyens qui sont les siens, à l’aérospatial, et souhaitons bonne chance tions, que les grands enjeux de la défense à l’effort national de recherche stratégique, et plein succès à notre camarade qui a réussi du futur passeront par la maîtrise encore dont les travaux du Livre blanc sur la dé- à convaincre un large panel de partenaires plus étendue de l’espace aérien, confins at- fense et la sécurité nationale ont rappelé sur la pertinence de son ambitieux projet, et mosphériques compris. Le secteur aérospa- l’impérieuse nécessité. à les fédérer pour mettre sur pied un centre tial est par ailleurs le porteur des grandes Elle s’investit ainsi dans des travaux de de réflexion sur la défense et l’aérospatial en dynamiques de recherche et de développe- recherche prospectifs et stratégiques sur région, mais à dimension nationale, voire ment d’avenir de la défense, en Europe, aux les grands enjeux sécuritaires du moment internationale. Puisse cette excellente ini- États-Unis mais également dans les grands et sur les concepts de défense innovants, tiative en susciter d’autres de même nature pays émergents. Par ailleurs, et ce n’est pas en particulier dans le domaine aérospatial. dans d’autres « grandes » capitales régio- la moindre des raisons d’associer l’aérospa- Parallèlement, elle soutient les activités de nales... tial à « défense », l’aérien et le spatial sont recherche et d’études d’étudiants et de cher- au cœur de la quasi-totalité des initiatives cheurs du campus universitaire bordelais. des coopérations européennes sur le plan Ces travaux de recherche servent aussi à 1- Qui avait dirigé le Centre d’études stratégiques aé- industriel. Enfin, la chaire prospère au cœur alimenter les modules de formation, qu’elle rospatiales et avait travaillé à l’ex DAS (Délégation aux affaires stratégiques). du Pôle défense d’Aquitaine dont le volet aé- contribue à développer, et à nourrir ses dé- 2- Direction générale des relations internationales et rospatial, opérationnel ou industriel, consti- marches de diffusion. de la stratégie. tue l’essentiel des activités. Actuellement, la chaire travaille sur l’anti- 3- Le sigle CEAM, désormais, signifie Centre d’expertise cipation stratégique. Plus précisément, elle aérienne militaire (c’est-à-dire, pour les Anglo-Saxons : Une formation initiale et continue explore les processus de surprise et de rup- Air Warfare Center). Sur le plan pédagogique, la chaire tures stratégiques dans le but d’identifier 4- L’Ingénierie de formation comprend : les méthodes concentre ses efforts sur l’ingénierie de for- une méthode de scénarisation prospective et pratiques de l’analyse de la demande et des besoins 4 de formation, la conception d’un projet de formation, la mation . Il s’agit notamment d’accompagner sur le plan sécuritaire. définition des méthodes et moyens à mettre en œuvre, les établissements dans l’impulsion et le dé- la coordination et le suivi de la formation, l’évaluation veloppement de nouvelles formations, ini- La diffusion des savoirs de la formation ainsi que les modes de validation envi- tiales et continues, afin de former les cadres Afin de fournir un outil d’information et sagés.

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 47 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Idées

L’Europe spatiale à la recherche des ondes gravitationnelles

Marius Le Fèvre (54 - Héliot)

L’auteur, ancien chercheur à l’Agence spatiale européenne, revient sur la découverte des ondes gravitationnelles et évoque les recherches européennes sur le sujet.

ans ses travaux sur la relativité gé- nérale, Einstein considère que la NASA Dmasse des astres courbe l’espace qui les environne. Dans ces conditions, la lumière qui passe à proximité de ces corps très mas- sifs va suivre un parcours plus long que si elle s’était déplacée en ligne droite. Elle mettra donc un temps plus long pour parvenir à un observateur lointain. Pour Einstein, l’espace et le temps sont liés. Si un astre massif est soumis à une forte accélération, l’espace temps autour de lui va subir des modifications qui vont se traduire par de légères perturbations. Celles-ci vont se déplacer à la vitesse de la lumière. Ce sont les ondes gravitationnelles qu’Einstein a pré- dites dans sa théorie sur la relativité générale publiée en 1915. Les sources d’émission de ces ondes gravitationnelles sont des astres très massifs comme les trous noirs ou les étoiles à neutrons. Elles sont aussi à l’ori- gine des évènements les plus violents que l’on puisse trouver dans l’Univers.

Prix Nobel En 1974, deux astrophysiciens américains, Joseph Taylor et Russell Hulse, étudient un couple d’étoiles à neutrons en orbite l’une au- tour de l’autre. Ils constatent que la période orbitale entre ces deux étoiles diminue légè- rement d’un millième de seconde par an. Le mouvement de ces deux étoiles très massives, doit donner lieu à une émission d’ondes gra- vitationnelles représentant une très grande dépense en énergie. La perte de cette énergie se traduit par une diminution de la distance entre les deux étoiles et donc par une dimi- nution de leur période orbitale. Les calculs prouvent qu’il y a bien une correspondance entre la diminution de la vitesse orbitale et l’énergie nécessaire pour créer des ondes gra- Expérience eLISA : trois satellites espacés de 50 millions de kilomètres pour détecter les ondes vitationnelles. La preuve de l’existence de ces gravitationnelles par interférométrie laser.

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 48 Revue des anciens élèves de l’École de l’air ondes est ainsi apportée de façon indirecte. qui ne peuvent pas être étudiés par les détec- jectoire des satellites de l’ordre de quelques Ces deux physiciens reçoivent le prix Nobel teurs traditionnels. C’est pourquoi l’Agence nanomètres ! Pour se faire une idée de la per- en 1993. Spatiale Européenne (ESA) a décidé de réali- formance recherchée, il suffit de la comparer Il est très difficile d’observer directement ser un programme ambitieux pour observer, à la taille d’un atome d’hélium qui est de 62 ces ondes car les perturbations qui en ré- depuis l’espace, ces ondes gravitationnelles. picomètres. Le projet eLISA doit travailler sultent sont extrêmement faibles. Les labora- C’est le projet eLISA comme evolved Laser dans une bande de fréquences complémen- toires construits sur Terre pour les détecter Interferometer Space Antenna. taires de celles des laboratoires terrestres et sont des interféromètres géants. Une source Il se compose de trois satellites en orbite avec une sensibilité comparable. émet un rayonnement laser qui est divisé en héliocentrique, formant un triangle équila- deux faisceaux. Ceux-ci sont dirigés dans téral d’un million de km de côté. L’un des LISA Pathfinder lancé en 2015 deux directions perpendiculaires et réfléchis satellites joue le rôle de « père » et les deux Le développement d’un tel projet nécessite par des miroirs. Au retour, les deux faisceaux autres celui de « fils ». Les liaisons entre de bien maîtriser un certain nombre de nou- sont recombinés. Le signal obtenu est ana- père et fils sont assurées par des faisceaux velles technologies, en particulier les accélé- lysé et permet de savoir si la durée de propa- laser infrarouge. Le centre du triangle suit romètres capacitifs, les micro-accélérateurs, gation dans les deux faisceaux a légèrement la Terre avec un retard de 20°, soit environ les compensateurs de traînée des satellites. varié ou non. Ces détecteurs comportent des 50 millions de kilomètres. Le plan formé par La mise au point de toutes les technologies bras perpendiculaires énormes de plusieurs ce triangle est incliné de 60° par rapport à nécessaires s’annonce longue et le lancement kilomètres. l’écliptique. Ces dispositions lui permettent de ces satellites est programmé pour 2034. Le laboratoire américain LIGO (Laser de faire un tour complet en une année. Le L’ESA a développé un programme prépa- Interferometer Gravitational-wave Obser- satellite principal comporte la source d’émis- ratoire avec le satellite LISA Pathfinder, lancé vatory) a enregistré le passage d’une onde sion et les moyens pour analyser le faisceau depuis Kourou le 3 décembre 2015 par une gravitationnelle en septembre 2015. C’est une fois recombiné. Les deux satellites secon- fusée Véga. Le satellite est à poste, en orbite une première mondiale. Cet évènement, daires jouent le rôle de miroirs. autour du point de Lagrange L1, à 1,5 mil- d’une durée de 2 dixièmes de seconde, a per- Une des principales difficultés est d’élimi- lion de km de la Terre. Les opérations pré- mis d’identifier la source qui est à l’origine de ner toutes les forces extérieures qui inter- vues ont débuté. cette onde. Il s’agit de deux trous noirs mas- viennent sur chaque satellite, comme le vent L’objectif principal est de mesurer la po- sifs entrés en collision, situés à 1,3 milliard solaire et la pression de radiation. La réfé- sition relative des deux masses étalons de d’années-lumière. C’est la première fois qu’un rence de la mesure interférométrique est un 1,96 kg chacune. Elles sont séparées seule- signal nous parvient d’un trou noir, la force cube, en or et platine, de 46 mm de côté. Elle ment de 38 centimètres au lieu du million d’attraction d’un tel astre est si importante fait office de masse inertielle. Un dispositif de km pour la mission eLISA et sont main- que même la lumière ne peut s’en échapper. complexe permet de s’assurer que chaque tenues en position grâce à un faible champ satellite reste bien positionné. électrostatique. Ce champ, contrôlé avec Programme européen eLISA Le passage d’une onde gravitationnelle une grande précision, va être progressive- Les scientifiques cherchent à détecter ces perturbe les distances des deux bras d’eLISA. ment réduit puis complètement annulé. En ondes car elles doivent leur apporter des Pour être à même de déterminer ces pertur- effet, en phase opérationnelle, les masses ne informations encore inédites sur les trous bations minimes, la précision de la mesure doivent subir aucune force le long de l’axe noirs, les pulsars ou encore sur les premiers de la position de la masse de référence doit qui les relie. Elles devront alors être parfai- instants de l’Univers, autant de phénomènes être de l’ordre du picomètre et celle de la tra- tement immobiles.

Parlons français – Piqûre de rappel n°41 Lucien Robineau (51-Jeandet)

Tribune de la gourmette des mâles, on féminise tout ce qui passe, ignorant que le neutre Au JORF du13 avril cette cascade magnifique de singuliers est masculin chez nous. Il fut déjà dit ici qu’il y a des limites féminins : « Mme (…), magistrate lieutenante-colonelle, cheffe du au ridicule. Ce que Bernard Pivot illustre en demandant com- bureau (…)». On sait, depuis la Gaule romaine, qu’une langue ment traduire en féminin moderne la phrase : « Ce tribun est évolue et que ses transformations, patientes, réfléchies et lo- un fin gourmet ». giques, se font selon l’usage. Celui des bons auteurs, des sa- vants et des érudits, suivant la progression de la science, des Supplément gratuit techniques, de l’industrie et des mœurs, pas celui des analpha- Diable ! Sous le titre : « L’Église en mode start-up », on a pu bètes ou des voyous. En tout cas jamais, jusqu’à ce siècle, par lire le 4 février 2016, dans une revue jusqu’à présent respec- décret. Le français de Voltaire n’était plus tout à fait celui de table : « Une soirée suivie en direct, tweetée par une autre start-up et Ronsard, lequel ne ressemblait que de loin à celui d’Éginhard retransmise en live sur KTO ». Le Diable s’habillerait en soutane ? ou de Villehardouin. En ce temps de repentance à tout va, on semble regretter d’avoir lu dans une comédie que « du côté de la barbe est la toute-puissance » et, par excessive culpabilisation 1- Bernard Pivot, Au secours, Les mots m’ont mangé, Allary Éditions, 2016.

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 49 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Idées

Russie/États-Unis : vers une nouvelle guerre froide ?

Charles Mainguy (49 - de Seynes)

Président du Cercle d’études et de réflexion sur la Défense (CERD), l’auteur nous livre une analyse pertinente sur l’état des forces militaires des deux puissances et les nouvelles tensions qui surgissent entre elles.

tablir un bilan comparatif entre les dont il a su se maintenir au pouvoir en 70 %. En fait, le T50, le futur avion de com- puissances nucléaires américaines contournant la constitution. Dans ce do- bat furtif, n’apparaîtrait au plus tôt que vers Éet russes ne serait pas pleinement maine de la décision, en cas de confronta- la fin de la décennie. Et l’avenir du bombar- significatif, les deux pays n’ayant pas la tion grave avec les États-Unis, l’avantage dier PAK-DA semblerait incertain. Le gros même stratégie. Contrairement à ce qui serait au président russe. de la flotte actuelle, fixée à 1 000 avions se passait du temps de la guerre froide, la Il faut cependant nuancer. Actuellement, (selon Air&Cosmos, après élimination des Russie considère qu’elle n’a plus la supé- les Américains dépensent neuf fois plus que appareils anciens), serait composé essen- riorité dans le domaine des forces conven- les Russes pour leur défense. Politiquement, tiellement de Su-27 et de Mig-29 rénovés. tionnelles et que ses forces nucléaires le seul moyen pacifique de pression dont dis- L’Armée de terre devrait être réduite de doivent compenser cette infériorité. Les pose l’Occident, ce sont les sanctions finan- 1,2 million d’hommes à environ un million trois composantes de la triade nucléaire cières dont souffre actuellement la Russie, et l’effectif du corps des officiers divisé par font l’objet de rénovations importantes et, couplées au faible prix du pétrole et à la mé- deux. La priorité est donnée à l’entraîne- de surcroît, les forces nucléaires tactiques vente des matières premières. La chute du ment d’un corps de sous-officiers, qui peine rarement évoquées, indépendantes des ac- rouble qui en résulte (près de 50 %) ne laisse à se mettre en place. La conscription est cords START, seraient calculées pour faire pas insensible le citoyen russe et encore maintenue, mais l’armée doit devenir pro- face aussi bien à la Chine qu’à l’Europe ? moins les nombreuses minorités de l’empire. fessionnelle à 40 %. Dans ce pays sous-peu- Un exemple de disparité est donné par les La récession s’aggrave : dans le 2e trimestre plé, le recrutement de 60 000 recrues valides 10 porte-avions des USA, aux ambitions 2015, en données annuelles, le PNB a perdu par an s’avère difficile et l’effectif de l’Armée mondiales, alors que la Russie dispose 4,6 % de sa valeur, après un pourcentage de de terre serait plus proche de 700 000 que d’un seul, mais sa flotte de bombardiers croissance annuelle aussi élevé dans les pre- d’un million. lourds stratégiques est plus importante en mières années 2000. Au premier semestre Enfin, la pression financière augmentant, nombre que celle des États-Unis. de l’année 2015, les ventes d’automobiles le budget général programmé pour 2016 di- Au plus haut niveau, les deux présidents ont diminué de 36 %. La production indus- minue. Seul le budget de défense serait aug- ont une vision différente de leur mission. trielle, en perte de vitesse depuis six mois, a menté d’un très modeste 0,8 %. Le nombre Barack Obama s’est présenté aux élections, chuté de 4,7 % dans le seul mois de juillet. des bombardiers stratégiques, proche de avec une volonté pacifique déterminée, al- Les entreprises les plus touchées réduisent 200, est supérieur à celui des États-Unis, lant jusqu’à soutenir la suppression totale sévèrement les salaires. Seules les dépenses mais des lacunes significatives sont signa- des armes nucléaires, ce qui lui a valu le militaires sont maintenues à niveau, à plus lées par la presse russe. Notamment, il n’y prix Nobel de la paix. Cette haute distinc- de 20 % des dépenses de l‘État ou 4 % du aurait qu’une vingtaine d’avions ravitail- tion semble plus généralement attribuée PNB prévus pour 2015, mais déjà réduites leurs ll-78 en service. La trentaine d’avions à de grands réalisateurs, qu’à des auteurs de 5 % en cours d’année. supplémentaires commandée montre la li- de grands projets. Mais elle pourrait lier mite des ambitions russes en matière d’in- plus fortement le président américain à ses Doublement du budget tervention à grande distance et l’intérêt louables intentions. Le président Vladimir de la défense russe porté à l’implantation de bases extérieures. Poutine a une politique qui semble plutôt C’est en 2007 que Poutine a décidé de ré- Les États-Unis ont plus de 450 ravitail- viser à redonner la stature de l’empire sovié- nover sa défense nationale. Selon le Jane’s, leurs en service, sans compter quelque 175 tique à la Russie. Poutine est aussi réputé le budget militaire a déjà doublé (+18,4 % appareils affectés aux forces de réserve. La pour son aptitude à prendre des risques. Il pour la seule année 2014). Les équipements Russie a des drones utilisés dans l’Armée l’a prouvé, ne serait-ce que dans la façon modernes doivent passer de 10 % du parc à de terre (500 ?), mais pas de drones MALE

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 50 Revue des anciens élèves de l’École de l’air Les États-Unis viennent de lancer un successeur au bombardier furtif B-2. Photos DR

Des Tu-160 basés à Mourmansk effectuent régulièrement des missions de bombardement sur la Syrie en contournant les îles britanniques. ou HALE. Un budget de10 G€ sest prévu Depuis 2007, les Américains ont pris de sé- pour compenser cette lacune. rieuses précautions pour parer aux risques La démonstration russe en Syrie, à partir identifiés, mais en l’absence de nouvelles de fin septembre, a surpris les Américains agressions spectaculaires, le Pentagone par l’ampleur des progrès accomplis en ma- s’interroge sur leur efficacité. La destruc- tière d’armes de précision lancées d’avion. tion d’un grand nombre de centrifugeuses Mais la Marine resterait largement « une en Iran par le virus Stuxnet, montre qu’il collection de reliques de la guerre froide », réfléchit aussi aux moyens de riposte et de guidage laser ou la bombe guidée Ka 500S sauf en ce qui concerne les sous-marins. dissuasion. guidée par satellite Glonass. Vingt-six mis- Citons un exemple. Le sous-marin SNLE Les États-Unis estiment avoir acquis une siles de croisière ont même été tirés par la Typhon, lancé en 1981, est le plus gros grande expérience dans la guerre hybride flotte de la mer Caspienne : il s’agit bien sous-marin du monde (> 25 000 tonnes en à laquelle ils sont confrontés, mais recon- d’une démonstration. Parmi les bombes plongée). Remarquablement silencieux et naissent que l’avance dont ils bénéficient non guidées, on note l’usage de bombes à rapide, il est de la classe des SNLE amé- actuellement, diminue. fragmentation antipersonnelles OFAB-100 ricains Ohio. Il a été construit à six exem- et OFAB-200, des bombes cargos RBK-500 plaires et un seul reste en service. Il est en L’intervention russe en Syrie dotées de sous-munitions SPDE-D et des cours de remplacement par le SNLE Borei, Après trois semaines d’intervention en bombes thermobariques ODAB-500PMB. prévu à huit exemplaires. Mais il est diffi- Syrie, la Russie peut déjà se féliciter des ré- Elles n’ont attiré les foudres d’aucun des dé- cile de faire un point précis, car nombre de sultats acquis. Elle a démontré qu’avec des fenseurs au secours des populations civiles. nouvelles unités sont abandonnées en cours moyens limités, elle était capable d’obtenir Elles ont pourtant été utilisées sans souci de construction, ou ne sont achevées qu’en des résultats spectaculaires. La trentaine de la convention de 1980, sur l’interdiction très petit nombre. Le Yasen, ou projekt d’avions de combat engagés et une ving- ou la limitation de certaines armes conven- 885 (SNA de 9 800 tonnes), dérivé du SNA taine d’hélicoptères ont accompli un nombre tionnelles. Selon la déclaration du général Akula, également un engin très moderne, a de missions d’attaques spectaculaire. Le seul Andreï Kartopolov, chef des opérations à été transféré à la Marine russe en 2014, 20 12 octobre 2015, elle aurait fait 88 sorties et l’état-major général, le 16 octobre 2015, les ans après sa mise en chantier. frappé 85 cibles, obligeant Daech à revoir forces aériennes russes auraient attaqué 456 Autre supériorité russe, la défense aé- son dispositif en repli et en dispersion. Elle objectifs de l’État islamique, dont 272 points rienne qui, comme sa flotte de sous-marins aurait aussi permis à l’armée syrienne de fortifiés, depuis le début des opérations le nucléaires ou comme ses armements tac- faire quelques conquêtes, ce qui est moins 30 septembre. tiques, missiles de croisière ou balistiques, certain. Ce message clair sur les capacités des ar- est nombreuse et variée. Autre talent qui Non seulement elle a montré une dispo- mées russes, a été accompagné d’une autre impressionne les Américains, ce sont les ca- nibilité excellente, supérieure à 90 %, mais démonstration, l’attaque des forces d’oppo- pacités russes de nuisance dans le domaine surtout, pour la première fois, elle a utilisé sition syriennes, dites modérées, et aidées de la guerre électronique, non seulement des armes guidées de précision, montrant par les Américains. La Russie prétendant dans le brouillage des radars, des commu- les progrès technologiques acquis depuis ne faire aucune distinction entre Daech et nications ou des missiles, mais également le début de la modernisation de la Défense, ces opposants. Faut-il en déduire le peu de dans la perturbation des activités civiles, à décidée par Poutine en 2007, et le rattra- considération que la Russie attache à la stra- l’instar de la démonstration faite en 2007, page des forces américaines, qui étaient tégie américaine ou, vis-à-vis de Daech, que en Estonie : attaque des réseaux électriques, très en avance dans ce domaine. Même si l’objectif principal poursuivi par la Russie réseaux bancaires et autres commodités de la majorité des bombes tirées étaient des est la défense du régime de Bachar el-Assad la vie moderne. Contre toute évidence, la bombes ordinaires, la variété des armes gui- et non l’État islamique ? Russie, comme la Chine, a toujours nié toute dées employées, témoigne de la volonté de La population musulmane de la Russie responsabilité dans ce type d’agression. faire une démonstration : le missile Kh-25 à est de l’ordre de 20 millions, principale- E

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 51 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Idées Russie/États-Unis : une nouvelle guerre froide?

E ment répartis dans des « républiques » plus le lendemain de l’attaque terroriste du 13 en Russie par une voie plus directe, soit un ou moins autonomes, comme la Tchétchénie novembre à Paris, cette opération avait été trajet de 13 000 km. Les Américains ont ou le Tatarstan, la plupart des États du Cau- télécommandée de Syrie. bien compris le message et ont aussi battu case et, plus loin, les anciennes républiques Témoignage ultérieur d’une volonté de un record en novembre avec 3 000 missions soviétiques de l’Asie centrale, où l’État isla- démonstration spectaculaire de force, la en Syrie et en Irak. mique doit faire l’objet d’une certaine faveur, Russie a fait décoller de la région de Mour- Nous sommes au début d’une nouvelle qu’il s’agirait de ne pas trop heurter. mansk deux bombardiers stratégiques phase de l’affaire syrienne. Si l’intervention Dernière information, c’est le 9 novembre Tu-160 (275 tonnes), dont il lui resterait en Syrie se confirmait comme une victoire 2015 que des Mirage 2000 français ont dé- environ 15 exemplaires (?), les a achemi- russe, Daech ne manquerait sans doute pas truit un centre de distribution du pétrole nés autour de la Norvège et des îles britan- d’activer ses partisans dispersés en Russie passé aux mains de Daech. Hasard ou coïn- niques et les a fait entrer en Méditerranée ou dans ses approches, pour soulager la cidence ? Dans les déclarations entendues par le détroit de Gibraltar, pour attaquer pression exercée sur l’État islamique dans de personnalités interrogées à la télévision des objectifs en Syrie, avant de retourner la région de Damas.

Les aveugles pilotent !

Marcel Poulet (52 - Dartois)

Notre camarade, ancien président de la commission humanitaire et solidaire de l’Aéroclub de France, nous présente l’association des Mirauds volants qui permet aux malvoyants de connaître les joies du pilotage.

ous savons que le pilotage d’un dente. Ce Soundflyer n’appartenant pas à la

avion est accessible aux personnes DR structure de l’appareil peut s’adapter à tout Nparaplégiques. Ceci leur est pos- avion, planeur ou ULM. Un simulateur de sible grâce aux appareils équipés d’un cet appareil permet l’entraînement au sol. malonnier1. Les médias nous informent fré- Toutes ces réalisations sont dues à l’action quemment de leurs performances, à un tel d’une personne aveugle, Patrice Radiguet : niveau qu’elles sont aptes à exécuter de la le président fondateur de l’Association eu- voltige. De plus, un arrêté du 24 décembre ropéenne des pilotes handicapés visuels, 2003 leur accorde la qualification de pilote plus connue sous le nom des Mirauds professionnel. Volants. Les objectifs de cette association Ce que nous savons moins, est la possi- sont globalement de permettre aux per- Une stagiaire malvoyante au simulateur bilité donnée aux personnes aveugles ou Soundflyer. sonnes handicapées de la vue d’accéder à la amblyopes profondes d’avoir la satisfaction culture aéronautique : conférences, visites, de piloter un avion, un planeur, un ULM. a conçu le dispositif Soundflyer, véritable ta- bibliothèques, modélismes, et bien sûr à Certes, elles ne peuvent jamais être seules à bleau de bord sonore et vocal. C’est un appa- des stages de pilotage. Ceci fait que les Mi- bord et sont donc accompagnées d’un pilote reil informatisé transmettant aux pilotes les rauds Volants totalisent actuellement près assurant la sécurité. Car si le ciel peut appa- éléments nécessaires au vol : des notes de de 2 400 heures de vol, dont un pourcentage raître comme un grand espace de liberté, musique donnent les indications d’attitude de participation féminine bien supérieur à ont y est rarement tout seul ; même avec de l’avion (assiette, inclinaison). Quant aux celui des voyants. C’est aussi la seule asso- beaucoup de douceur, chacun sait comment informations concernant le cap, les vitesses ciation au monde proposant d’apprendre à se termine un câlin entre deux avions. aérodynamique et ascensionnelle, elles sont piloter aux personnes aveugles ou profon- La pratique de ces vols particuliers a évo- communiqueés verbalement par le système. dément malvoyantes. Depuis sa création, lué depuis une dizaine d’années. Au début, Depuis peu, des ingénieurs de la société Sy- en février 1999, l’association a participé à un instructeur transmettait « à la voix » les Next ont fait évoluer cet équipement d’une la formation de 167 pilotes handicapés de informations de vol et de navigation. Un version à l’autre en y incluant notamment la vue. code permettait de les donner avec rapidité des dispositifs sonores et vocaux de guidage et précision tout en laissant au pilote han- au décollage et à l’atterrissage. Autre amé- 1- Commande de vol supplémentaire, permettant dicapé de la vue la plus grande liberté pos- lioration, et non des moindres, la diminution l’usage du palonnier avec une main, par un pilote ne sible concernant les décisions à prendre en du poids de 6 kg à 770 g, pour des perfor- pouvant pas se servir de ses jambes (nom composé de vol. Puis un groupe d’ingénieurs de Thales mances bien supérieures à la version précé- « main » et « palonnier »).

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 52 Revue des anciens élèves de l’École de l’air Veillée des poussins à Ancelle

Pierre Grand’Eury (53 - Brunschwig) DR Bien connu pour ses nombreux recueils de poèmes, notre camarade nous livre cette pièce de prose tout aussi poétique que nostalgique.

a veille du départ, la promo des pous- détente des nerfs bandés fut effroyable, doulou- sins qu’il était chargé d’encadrer lui reuse comme une naissance. C’était à en hurler. Lpropose d’organiser une veillée aux Ce soir là, au mess, c’était une extraordinaire abords du chalet. veillée funèbre. Les pilotes étaient affalés sur leur Le temps est particulièrement serein. Ja- siège – pas une conversation, pas un chant. mais le ciel ne lui a semblé autant chargé Vers onze heure du soir, Bay brancha la radio. d’étoiles, l’air aussi léger et pur. Regroupés La BBC transmettait un reportage sur les rues autour d’un brasero, les poussins répètent de Londres et de Paris où la foule bruyante don- leur chant tradi, Les Rapaces. Puis un grand nait libre cours à sa joie… silence se fait, comme si chacun ressentait Tous les yeux se tournèrent vers l’appareil et le besoin de se replier sur soi-même, de dans ces yeux il y avait comme de la haine. se rendre disponible à accueillir dans son C’était si clair et si nouveau pour moi que, sur- cœur cette sérénité qui tombe des étoiles : pris, j’interrogeai Ken du regard. J’entends alors un profond recueillement, inattendu, devant un choc et une cascade de verre brisé. Quelqu’un la beauté du lieu. avait lancé à toute volée une bouteille vers tout ce un ton plus grave – pour ne pas réveiller les En bon organisateur de stage, Bertrand a bruit, vers tous ces gens qui venaient sans pudeur autres. » prévu de leur lire quelques pages de Pierre nous imposer les manifestations de leur soulage- Pendant un très long moment, une chape Clostermann extraites de son livre Le Grand ment et de leur délivrance. » de plomb tombe sur l’esplanade du chalet – Cirque – livre que tout le monde devrait lire Sautant quelques lignes, Bertrand en- Ô temps ! suspends ton vol. Un Poussin se et qui a largement contribué à la naissance chaîne : glisse discrètement dans la nuit et revient de sa vocation à l’École des Pupilles de l’Air. « Je levai à nouveau les yeux vers Ken. Point quelques secondes plus tard, portant reli- Toujours ce besoin de perpétuer le souvenir besoin de paroles, nous nous comprenions. Une gieusement jusqu’au pied du mât le drapeau de ceux qui ont donné leur vie pour la libé- demi-heure – une heure peut-être – passa. Et prévu pour le lever des couleurs du matin. ration de la France. Non, nous n’avons pas alors, je le jure, j’ai soudain senti qu’ils étaient Après l’avoir accroché aux deux anneaux de le droit de les oublier. Nous avons choisi le là, autour de nous dans l’ombre et la fumée de fixation prévus à cet effet, il le hisse, lente- même métier, nous avons la même passion cigarettes comme des gosses – des gosses que l’on ment, suivant des yeux sa montée vers le du vol qui fut la leur ; ce sont, au sens littéral a punis injustement et qui sont tristes… ciel d’un regard extraordinairement em- du terme, des frères d’arme. Mackensie, Jimmy Kelly, Mouse Manson, le prunt de respect, à la limite des larmes. Ouvrant le livre au dernier chapitre, Ber- petit Kid, Bone, Sheperd, Brooker, Gordon et Les autres poussins et Bertrand saluent, au trand, transcendé par la conscience qu’il a aussi des uniformes sombres, aux galons ternis : garde-à-vous, le pavillon aux trois couleurs de parler au nom de tous les aviateurs morts Mouchotte, Mezillis, Béraud, Pierrot Degail- des cocardes des fuselages de leurs glorieux pour la Patrie, en entame solennellement la tous, tous ceux qui étaient partis un beau matin anciens. lecture : avec leur Spitfire, leur Tempest, et qui n’étaient Profitant du recueillement de ses cama- « Puis ce fut l’armistice, comme une porte qui pas revenus. rades, un poussin s’éclipse discrètement, se se ferme. Huit jours incompréhensibles – un in- Well, Pierre, that’s the end of it… they won’t dirige vers la salle de repos où il sait trouver définissable mélange de joies et de regrets. Ma- need us anymore. le piano dont il joue à la perfection. Alors nifestations bruyantes coupées de grands calmes Nous partîmes nous coucher et je refermai qu’une faible brise venant du Nord déploie intermittents, et, surtout, ce silence inaccoutumé, doucement la porte, pour ne pas réveiller le bar- le drapeau, perle de la profondeur de la nuit, épais, pesant sur l’aérodrome, sur les avions bâ- man qui dormait sur son tabouret et aussi – Ber- pour se perdre dans l’infini du cosmos, la chés, les escadrilles mortes et les pistes vides. La trand ralentit le rythme de sa lecture, prend sonate Clair de lune !

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 53 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Idées

La France d’aujourd’hui et de de- main : un défi et non une crainte

François Rivet (70 - Delfino)

Le bel article «La France» de Jean-Paul Salini (cf. Le Piège n°224) n’a suscité que des commentaires admiratifs. François Rivet prend cependant le contre- pied de son pessimisme sur l’immigration et nous montre qu’on peut ne voir que le verre à moitié plein.

e voudrais redonner espoir à notre Et ce n’est pas non plus une question de camarade Jean-Paul Salini (48-Bra- nombre d’immigrés car ces deux pays en Jchet) qui s’est exprimé avec beaucoup ont accueilli bien plus que le nôtre. de culture et beaucoup de franchise sur la Alors il ne faut pas, bien sûr, nier la réalité France, dont il parle avec une affection com- comme le dit notre camarade et pour cela il plice dans le numéro 224 du Piège. faut la reconnaître. Nos difficultés sociales Notre pays a connu, depuis l’épopée gau- et politiques d’aujourd’hui comme d’hier loise combattue par Jules César, de trop n’ont certainement pas pour cause l’arrivée nombreuses guerres, parfois au détriment de personnes étrangères qui viennent sou- de nos voisins européens, de peuples colo- vent faire les travaux ou les métiers dont nisés mais aussi pour défendre notre sol nous nous détournons : regardons dans nos et notre population. La France a donné au rues, regardons les personnes qui rendent monde la Déclaration des droits de l’homme les services à la personne, de l’aide-ména- tégrer l’Europe ; regardons comment nous et du citoyen, elle est à l’origine du concept gère à la nourrice. Et dès lors que la chance traitons les populations roms originaires de l’État-nation qui reste un modèle encore de s’intégrer leur est donnée, à eux ou à de pays européens comme la Roumanie, vivant aujourd’hui, elle continue à être une leurs enfants, elles réussissent dans tous les la Bulgarie et la Hongrie. Cette discrimi- des principales puissances mondiales, tant secteurs de notre société. Notre école a un nation pour l’étranger n’est pas originale du point de vue économique que politique. rôle fondamental et tout doit être fait pour et existe dans tous les pays quel que soit Ce sont des Français qui ont été les prin- les accueillir au mieux d’où qu’ils viennent. leur niveau de développement politique. Ce cipaux artisans de la création de l’Europe La richesse créée par le travail de leurs pa- qui mine notre pays c’est cette schizophré- dont les institutions et le fonctionnement rents, dès lors qu’ils ne sont pas exploités nie qui nous fait avec justesse revendiquer sont très fortement issus des nôtres. par des personnes qui ne les déclarent pas1, notre devise nationale : « Liberté Égalité Fra- Ce ne sont pas les attentats brutaux, financent cet accroissement de capacités ternité », léguée par la révolution française et sanglants et criminels récents commis sur scolaires. officialisée après la révolution de 1848 puis notre sol envers nos compatriotes qui ar- La majeure partie des immigrés n’a pas l’avènement de la troisième république, tout rêteront sa marche en avant. L’arrivée de la nationalité française mais le nombre de en ayant peur de l’appliquer aux étrangers, personnes étrangères venant travailler ou personnes nationalisées augmente forte- réfugiés, immigrants qui viennent dans se réfugier dans notre pays a toujours été ment ces dernières années malgré des pro- notre pays. une source d’enrichissement social, écono- cédures rendues plus contraignantes2. Ce C’est ce qui fait sans doute qu’aujourd’hui, mique et culturel. Et il ne s’agit pas là de qui montre cette volonté d’intégration. certains s’en réjouiront, notre pays n’est « choc des ethnies » car, que ce soit l’assi- La France qui se revendique avec fierté certainement pas le plus attractif pour milation ou l’intégration, c’est la volonté pays des droits de l’homme a toujours eu l’immigration ; nous sommes loin derrière politique qui permet de vivre ensemble, tendance à discriminer l’étranger au vil- le Royaume-Uni pour lequel les migrants d’avancer ensemble vers un mieux-être so- lage, à la région, au pays, et aujourd’hui cette s‘entassent à Calais, l’Allemagne qui, outre cial. Regardez les maires de grandes villes discrimination s’exerce aussi en Europe ; sa forte proportion de personnes issues de européennes comme celui de Rotterdam, souvenons-nous de l’épisode du plombier l’immigration, s’est ouverte au réfugies sy- qui est fils d’immigrant marocain, et celui polonais3 qui allait venir prendre le travail riens et éthiopiens, l’Italie et l’Espagne pour de Londres, fils d’immigrants pakistanais. des Français dès lors que son pays allait in- ne parler que de nos voisins. Nous connais-

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 54 Revue des anciens élèves de l’École de l’air sons tous ces villages français qui se pro- personnes de milieu français comparable et droits de l’homme et son article 1 : « La noncent contre l’immigration et où aucun qu’ils font preuve d’un légitimisme très fort France est une République indivisible, laïque, étranger ne réside… vis-à-vis des institutions républicaines. Mais démocratique et sociale. Elle assure l’égalité Alors pourquoi ce pessimisme exprimé il est vrai que le passage au renfermement devant la loi de tous les citoyens sans distinc- par notre camarade qui, après un para- confessionnel, voire à la révolte, peut arri- tion d’origine, de race ou de religion. Elle res- graphe où il décrit avec nostalgie mais avec ver rapidement, dès lors que l’on contrarie pecte toutes les croyances... » Ce n’est pas tâche bonheur les petits riens qui enjolivent notre cette envie de participer sur un pied d’éga- facile mais quel plus beau défi pour notre vie, nous fait part de sa grosse inquiétude : lité à l’avenir de la collectivité nationale, en pays et pour les Français ? « Si nous ne parvenons pas à franciser toutes ces discriminant à l’embauche (soulignons là populations étrangères, que va-t-il advenir de l’exemplarité républicaine de nos armées), 1- Il faut rappeler que l’accès au RSA, comme à la sécu- tout ce que j’ai aimé ; de notre civilisation, de en les reléguant dans des quartiers « réser- rité sociale, n’est possible que si la personne dispose nos amours, de nos écrits, de nos idéaux, de nos vés » par un refus de toute mixité sociale d’un logement et d’un travail déclaré. Il paye alors croyances… » de l’habitat dans tous les quartiers comme des cotisations et des impôts finançant ces dispositifs Il est une autre façon de voir l’avenir de le font beaucoup de villes qui n’appliquent comme tout Français. notre pays en constatant que ces immigrés pas la loi. 2- En 2015, le flux annuel des acquisitions de la natio- (à ce propos il s’agit pour nos compatriotes, Notre histoire, évoquée avec justesse nalité française par décret et par mariage avec 86 608 ne nous le cachons pas, de personnes de par notre camarade, nous montre que la nouveaux Français est en hausse de 12,0 %. Les acquisi- tions par décret augmentent de 6,9 % et les acquisitions religion musulmane), dans leur immense France est d’abord un projet politique de par mariage de 27,0 %. majorité, viennent en France pour travail- rassemblement de ses habitants dans le 3- Il faut noter que la forte immigration polonaise entre ler, avec des enfants qui vont à l’école de cadre d’un contrat social apaisé garanti les deux guerres a permis à notre pays de reconstituer la République apprendre notre civilisation, hier par la royauté et l’empire, aujourd’hui son agriculture et ses mines ; bien que de religion ca- pour contribuer à notre littérature. Toutes par la République et sa constitution. Il nous tholique, ils pratiquaient leur culte de manière séparée les études montrent qu’ils sont encore plus faut la respecter et la faire respecter, en par- et avaient leur propre clergé, et ont eu à souffrir de ce attachés à la réussite individuelle que des ticulier son préambule faisant allusion aux qu’on appelle aujourd’hui des « ratonnades ». Un mémorial pour les aviateurs

André Mérola (54 - Héliot)

Notre camarade fait le point sur le projet de mémorial pour les aviateurs dont il est l’initiateur.

e voudrais, à ce jour, remplir une pro- messe faite il y a quatre ans ! Vous avez Jbien sûr oublié. Je n’ai même pas la pré- tention de croire que vous l’aviez remarquée

à l’époque. Photos Musée Air + Espace Dans le numéro 208 du Piège paru en mars 2012, sous le titre de « Mémorial », je vous invitais à réfléchir sur une idée, parta- gée avec quelques camarades de la « 54 », concernant la création d’un mémorial dédié au souvenir des disparus de l’Armée de l’air en service aérien commandé. Il faut noter que nous avons fait partie de ces promotions sensibilisées et particulièrement touchées par ces trois drames, de la guerre froide, de l’Indochine et de l’Algérie, accompagnés de Le mémorial sera érigé au Musée de l’Air et de l’Espace (ici la salle des cocardes). Photo MAE nos camarades ORSA, sous-officiers, pilotes, mieux pleurés par une famille et entourés d’amis brutalement effacés après une der- navigateurs, mécaniciens. de leurs camarades bien sûr, dans un han- nière plaisanterie, un dernier sourire, un L’époque - plutôt antimilitariste - n’incitait gar décoré de bleu blanc rouge, triste et gla- dernier regard. pas à s’apitoyer et les remises de décorations cial. Mais ce pouvait être à jamais perdus Bref, à la fin de l’article je vous avais promis posthumes aux Invalides n’étaient pas dans dans le trou improbable d’une forêt indo- de vous tenir au courant de l’évolution de ce l’air du temps. Nos pauvres amis disparais- chinoise, dans les rochers de quelque djebel, projet. Quatre années ont passé ; n’est-il pas saient, discrètement, presque sans gloire, au ou sur une sombre colline teutonne. Que grand temps de tenir ma promesse ? E

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 55 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Idées

L’association du Mémorial

Je voudrais revenir en arrière pour répondre à la question que vous vous posez certainement : pourquoi quatre ans d’attente ? Nous venons de voir qu’une association était nécessaire. Le général Denis Mercier avait souhaité et donné son aval à sa création. Mais celle-ci a bien tardé. La difficulté, décevante, a été longtemps d’en trouver un président. En septembre 2014, au cours d’une cérémonie à Cognac, j’ai eu la chance de croiser le général Yvon Goutx (EMA 73). Ancien du La Fayette, de la 7, du 1/33 cher à Saint-Ex et… à moi-même, investi dans le monde associatif, volant sur « son » Fouga Magister, (5 500h de vol,) auteur de deux livres remarquables1 dont l’un préfacé par le général Job, ancien CEMA. Passionné par l’histoire de l’aéronautique, il était le candidat idéal ! J’ai tremblé qu’il ne refuse, comme d’autres, mais il n’a pris que quelques jours pour accepter cette lourde, lourde charge. Dès lors, tout s’est accéléré ! Avec le général Perret et quelques amis, et bien que président virtuel d’une association encore infor- melle, il a su redonner, par sa passion, un élan qui faiblissait. Leur ficher Excel comprend déjà 4 000 noms. Enfin, officiellement, l’association du Mémorial des Aviateurs est née le 15 février 2016. Créée pour « assurer dans le temps, les recherches historiques et la mise à jour de la borne mémorielle, elle contribuera à l’anima- tion et à l’entretien du Mémorial des Aviateurs morts en service, ayant appartenu à l’Armée de l’air et aux unités aériennes créées avant le 2 juillet 1934 dont elle est héritière ». C’est cette association qui sera cet « essentiel » du Mémorial. Sans elle le monument ne serait qu’un objet de plus sur l’esplanade du Musée de l’air. Elle lui donnera une âme, en un mot, la vie. Elle aura la charge de garder et d’entretenir le souvenir de nos amis disparus. À ce titre, elle doit devenir nôtre. Nous devons nous sentir tous concernés ; elle ne doit pas être une association issue de la décision de quelques chefs. Elle doit sortir de nos souvenirs, de notre cœur. Nous devons nous l’approprier. Mais aussi, elle ne sera vivante et crédible que si nous sommes nombreux à participer ! Que puissent s’organiser des rencontres de promo, d’unités, des cérémonies officielles mais aussi l’accueil de familles, pour ne pas oublier. Tout est imaginable… à condition que vous vous engagiez ! Allez, dans un tiroir de votre bureau il y a certainement une carte de visite qui traîne, une enveloppe, un timbre et un chèque de 10 euros (somme ridicule choisie simplement pour vous montrer que ce n’est pas votre argent qui compte). En une minute vous notez votre nom, prénom, adresse postale et mail, numéro de téléphone (pour ceux, prêts à donner de leur temps, un peu, beaucoup, on vous recontactera)… et vous adressez le tout à : Association du Mémorial des Aviateurs2, 5, rue Christophe Colomb, 75008 Paris. N’attendez pas demain, vous auriez déjà trouvé un argument pour attendre, réfléchir, oublier. Notre président (pas celui-là, ce serait trop facile il en donne à tout le monde, l’autre, le nôtre) m’a assuré que les dix premiers adhérents auraient droit à un selfie. Moi j’ai pris le premier, dépêchez-vous pour les neuf autres ! À vous de jouer ! Adhérez !

1- Auteur de Le ciel est mon désir et L’Envol du Qatar aux éditions Lavauzelle 2- Courriel : [email protected]

E Car tout est en train d’aboutir et va main- sans grande certitude à environ 100 000 différentes clefs, grâce à un logiciel à créer. tenant, je l’espère, vous intéresser plus di- noms) va être un travail considérable sur Vaste, vaste programme qui ne sera pro- rectement. de nombreuses années. Ce mémorial va bablement, comme toute recherche histo- À l’époque, grâce au général René Perret comprendre : rique, jamais terminé. (63-Deshayes), président des Ailes brisées - le monument lui-même, situé sur l’espla- Voilà, en gros l’affaire ! Ai-je oublié et dès le départ passionné par l’idée, notre nade du Musée de l’air et de l’espace au quelque chose ? projet fut présenté directement au chef Bourget. Son financement est acquis et il Oui, le principal : vous passez probable- d’état-major. Le général Stéphane Abrial a déjà fait l’objet d’un appel d’offres en jan- ment cent fois par an devant le monument (73-Marchal) l’a fait sien immédiatement et vier. Cinq artistes sont en compétition et le aux morts de votre ville ou village. Qu’est-il en a confié l’étude à son cabinet juste avant gagnant sera retenu cet automne. Le monu- alors plus qu’un bloc de pierre ou de métal son départ en été 2012. Puis, reprise par ses ment doit être sobre, d’une grande moder- qu’on ne regarde plus et qui même, souvent, successeurs Jean-Paul Paloméros, Denis nité, avec l’épitaphe suivante : « L’Armée de fait sourire par sa naïveté ? Mais voilà que, Mercier et maintenant André Lanata, l’af- l’air, en hommage à tous les aviateurs décédés quelquefois, un groupe d’anciens combat- faire a considérablement évolué. L’Armée de en service. » L’inauguration est envisagée à tants vient se pencher sur lui, et alors tout l’air a choisi finalement une approche beau- l’été 2017 ; s’anime, l’émotion est là, il est brutalement coup plus ambitieuse et fédératrice que je - la borne mémorielle. Elle sera installée justifié. vous résume rapidement. au Musée de l’air et de l’espace dans le L’Armée de l’air a voulu un mémorial ; le Le Mémorial des Aviateurs est dédié à hall de la cocarde. Ambition : une base de principal, l’essentiel, est, maintenant, à tra- l’ensemble des aviateurs morts en service, données estimées à plusieurs dizaines de vers une association, de lui donner une âme, depuis les débuts de l’aéronautique mili- milliers de nom et le maximum de rensei- de faire de cette chose qui va se construire, taire. La constitution de la base de données gnements sur chacun d’eux. Noms acces- le symbole vivant des valeurs dont nous répertoriant tous ces disparus (estimés sibles à partir d’un site ou de la borne, par sommes fiers.

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 56 Revue des anciens élèves de l’École de l’air Carnet de vol 2016

Vecteur de communication accompagnant le gala d’entraide de l’AEA et de l’AEMA, le Carnet de vol 2016 s’intitule Les aviateurs de Verdun et d’aujourd’hui.

Verdun est la première bataille de l’histoire qui com- mença par une lutte pour la supériorité aérienne et 1916 est une année charnière qui consacra l’aviation militaire dans la préparation et l’exécution des com- bats.

Cette évolution dans l’art de la guerre a permis d’af- firmer la responsabilité des aviateurs, combattants d’une aéronautique militaire naissante, de prendre conscience de leur spécificité et de leur identité au sein de l’armée française.

La conclusion logique de cette reconnaissance du rôle primordial du facteur aérien débouchera quelques années plus tard sur la création de l’armée de l’air. Depuis et grâce à la démonstration des pionniers de la grande guerre, le combat pour acquérir la maîtrise de l’air est devenu le gage indispensable de la victoire.

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Adresse : Vie des promotions

La promotion 65 rend hommage à son parrain

Gérald Chaber (65 - de Tricornot de Rose)

Le 12 mai dernier, à l’occasion du centenaire de sa disparition, l’Armée de l’air rendait hommage au commandant de Tricornot de Rose. Une importante représentation de la promotion 65, qui l’avait choisi comme parrain, était présente. Le texte qui suit a été lu lors de la cérémonie à laquelle assistaient, outre nos camarades de la 65 et leurs épouses, le général Philippe Lavigne (85-Houdemon) commandant la BAAC, Mme le sous-pré- fet de Reims, le colonel Sébastien Michel (92-Majoureau) commandant la base

de Saint-Dizier, le maire de Jonchery, ainsi que le général Charaix (78-Pineau), Photos DR ancien commandant des FAS.

Silence et recueille- ment devant la stèle.

oici 100 ans la France en Visionnaire dans le temps toires aériennes. C’est l’époque qu’un déluge de feu fracasse le guerre perdait un de ses d’une aviation militaire nais- du tir à travers l’hélice blindée front, une nuée de croix noires Vplus illustres combat- sante, dont bien peu imaginent avec Roland Garros sur mo- bouscule les 36 avions défen- tants du ciel qui avait uni son le développement, Charles de noplace Morane N puis l’avion dant Verdun. Dans son QG de destin à des millions d’autres Tricornot de Rose concep- de chasse biplace armé, le bébé Souilly, à la tête d’une infanterie dans une Union sacrée où cha- tualise très tôt le combat aé- Nieuport 11, amélioré ensuite écrasée mais toujours combat- cun engageait la destinée du rien. Or, ici même, dans le ciel avec la synchronisation Alkan tante, d’une artillerie réduite et pays à l’aune de son existence. de Jonchery-sur-Vesle, la pre- en mars 1916. d’une aviation moribonde, le gé- Charles de Tricornot de Rose, mière victoire aérienne de l’his- Mais voici Verdun où se cris- néral Pétain, défenseur de Ver- saint-cyrien, officier de cavale- toire remportée par le pilote tallise la volonté allemande dun, appelle le commandant de rie, premier breveté aviateur Frantz et son observateur Qué- d’écraser l’armée française au Rose, le seul aviateur capable de militaire en 1911, pilote d’es- nault, le 5 octobre 1914, valide moyen d’une artillerie démesu- lui « balayer le ciel » et de lui sais, spécialiste des armements ses conceptions sur le combat rée que protège une puissante rendre les moyens de se battre. aériens, est mobilisé ici, à Jon- aérien. flotte aérienne de 280 appareils. En cet instant, Charles de chery-sur-Vesle, en août 1914, La guerre n’a pas un an au Choc de deux pays, choc de deux Tricornot de Rose reçoit entre d’où il dirige ses escadrilles tout moment où il crée, à Rosnay, à armées, choc de deux volontés ses mains le destin de Verdun. en effectuant de multiples mis- 6 km d’ici, la MS 12, première et pour la première fois choc de Ou il reprend possession du sions dans les batailles de 1914 escadrille de chasse qui rem- deux aviations en masse. ciel, guide l’artillerie française et de 1915. porte rapidement plusieurs vic- En ce 21 février 1916, alors et permet aux renforts d’arriver,

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 58 Revue des anciens élèves de l’École de l’air Détente et sourires après les minutes de gravité.

clier aérien le train et le camion montent au front, l’artillerie se dépense, le poilu tient, Verdun ne tombe pas. Mais voici que le 11 mai 1916 le commandant Charles de Tri- cornot de Rose se tue au cours d’un vol de démonstration à Villemontoire, au sud de Sois- sons. Il laisse à l’aviation fran- çaise des concepts stratégiques et tactiques qui sont adoptés par le Grand Quartier Général puis par le Royal Flying Corps bri- tannique et mis en œuvre, avec ou alors, dominé, il ne peut que 270 navigants. De Rose les lance pertes sévères, mais peu à peu succès, pendant la bataille de la couvrir un nécessaire abandon immédiatement dans la bataille elle s’impose. Somme de juillet 1916. de Verdun, ce qui serait pour la aérienne en groupes de chasse La chasse repousse… Elle Voici 100 ans… En ces jours France, plus qu’une défaite, une de 6, 12 ou 24 appareils, étagés contient l’ennemi, puis reprend dramatiques où s’est joué le sort humiliation. Verdun, symbole en plusieurs altitudes, occupant la maîtrise du ciel de Verdun à du pays, le commandant Charles national dont de Rose en porte le ciel en permanence par rou- la mi-mars 1916, protège l’avia- de Tricornot de Rose a été l’un alors le bouclier. lement avec un ordre clair : l’of- tion de campagne et redonne à des acteurs décisifs d’une vic- D’abord c’est le poilu hé- fensive à outrance. l’artillerie française son effica- toire chèrement payée par les roïque, accroché à son « cer- À Verdun, en pleine bataille, cité. forces vives de la France. Chef cueil de vase », qui donne à de il forge un nouvel outil aérien, La chasse dissuade… Son as- aérien, combattant courageux, Rose le temps de rassembler en la chasse, dont l’action offen- cendant sur l’aviation allemande esprit novateur, il a affirmé le quelques jours le meilleur de sive combat, repousse, dissuade dissuade celle-ci de bombarder rôle de l’aviation militaire et l’aviation française : 70 avions l’aviation allemande. les arrières et la Voie sacrée par ouvert la voie vers une future de chasse, 15 escadrilles, les As La chasse combat… Les af- où renforts et munitions ar- Armée de l’air indépendante. de l’aviation française, en tout frontements sont intenses, les rivent en continu. Sous ce bou- Voici 100 ans.

Horizontalement : I - A un homonyme plutôt gai. II - Prendre sous le charme - Comme un félidé nocturne. Mots croisés III - Coup dur pour un Japonais - Ne vaut rien - Est en Al- lemagne. IV - Trop la faire est dangereux - C’était la fille Paul Platel (49 - de Seynes) du Roi. V - Au bord du quai - Thérèse ou Bernadette - Bien exposée. VI - Faisait pipi chez les Grecs - Sa piste est ex- 1 2 53 64 78 9 10 11 12 13 ceptionnellement longue - Pour une voiture de sport. VII - Ypres pour les Flamands - Charlemagne y allait à I la chapelle - Son poil est roux. VIII - Célèbre Mancelle - II Blancs pour les cadres. IX - Sorte de vieille vache - On y fait des enchères. X - Collés avant la mise en boîte. III Verticalement : 1 - A un homonyme plutôt triste. IV 2 - Investie. 3 - Marque une association - Religion dange- V reuse pour le peuple. 4 - Territoires grecs - Donne le temps ou le lieu. 5 - Interrogatif - Se sert d’une arme ou d’un car- VI net de chèques. 6 - Tout au bout - Ils sont à moi - Un être décapité. 7 - Ses objectifs sont précis - On y a passé la main. VII 8 - Excès de vertu. 9 - À l’origine du caoutchouc - Fait VIII avec. 10 - Quand on l’entend, c’est la mer - La maison de Mistral - Accusés d’être des matraqueurs. 11- Lumière di- IX vine - Ne pourra donc pas conduire. 12 - Se prend dans les voiles. Son niveau a été atteint. 13 - Rend beau. X Solutions page 68

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 59 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Vie des régions

Napoléon, de la légende à l’anti-légende

Daniel Bastien (71 - Blanckaert)

Jusqu’en 1870, le peuple français a admiré l’œuvre napoléonienne puis a, par la suite, tout fait pour l’oublier. La conférence à laquelle a assisté notre camarade explique cette démarche.

e 4 avril 2016, près de avait dicté sa loi à toute l’Eu- votre empereur, reconnaissez-moi ! roulé comme prévu. Il est même 95 membres, conjoints rope, se trouve un peu à l’étroit S’il en est un parmi vous qui veuille à Paris avec 10 jours d’avance, Let amis de l’AEA, ont sur l’île d’Elbe. Il s’est convaincu tuer son empereur, il peut le faire, il n’a pas tiré un seul coup de assisté, sur la base de Méri- que « le pays l’attend ». Il réus- me voilà. » Le panache du geste feu, et il a rallié toute la po- gnac, à une conférence de très sit le tour de force de déjouer la a raison de la retenue discipli- pulation d’un pays qu’il avait haute volée donnée par le gé- surveillance dont il fait l’objet naire… Instantanément, la quitté en vaincu et en proscrit. néral (Terre) D. Caussou, sur pour quitter l’île, et débarquer à troupe le porte en triomphe. La Mais il n’était pas tout à fait la légende napoléonienne. En Golfe-Juan. Sa conduite tient en première unité constituée qui a seul ; le peuple était avec lui et préambule, le conférencier s’est trois points : aller vite, contour- été portée au-devant de l’empe- sa légende le précédait partout. attaché à souligner, nombreux ner les obstacles, et surtout ne reur pour l’arrêter, se rallie. Il Légende qui date du siège de exemples à l’appui, le paradoxe pas faire feu. Au départ, tous en sera de même pour les sui- Toulon où, en 1793, un jeune selon lequel la légende napoléo- ceux qui voient arriver Napo- vantes. capitaine convainc les respon- nienne est encore très vive dans léon sont stupéfaits. sables politiques que la façon de nombre de pays, alors qu’elle a La population, passés les pre- Appel au maréchal Ney faire de son général est ineffi- quasiment déserté le nôtre. La miers moments de surprise, ac- Louis XVIII comprend que cace et que lui, en revanche, sait question était de savoir com- clame cette légende vivante qui seul le maréchal Ney, rappelé ce qu’il faut faire… et le prouve. ment nous en étions arrivés là. a réussi à débarquer et qui, c’est au service, est en mesure d’en- Cette légende a, ce qui n’était Avant d’y répondre le confé- certain, va rabaisser leur caquet rayer l’hémorragie de la troupe. pas prévu, laissé les Invalides ac- rencier est revenu sur trois des aux nobles et aux membres du Ney promet d’ailleurs au roi de cessibles pendant 8 jours après principaux épisodes qui ont le clergé ! Quand Napoléon atteint ramener Napoléon « dans une la cérémonie (s’y pressent plus plus participé à conforter la lé- Digne, le 4 mars 1815, c’est du cage de fer ». Mais, rapidement, de 200 000 personnes par jour !). gende : le retour de l’île d’Elbe délire. À Sisteron, il est porté en Ney comprend que s’il deman- Mais le retour des cendres fait en 1815, le retour des cendres triomphe. La ferveur populaire dait à la troupe d’ouvrir le feu apparaître, encore une fois, un en 1840, et le retour d’un Bo- est à son comble. Pour la suite sur « le petit caporal », elle ne le fossé entre le peuple et les élites ! naparte au pouvoir en 1848. de ce périple, l’effet de surprise suivrait pas. Aussi, le 14 mars, Ce retour des cendres va, en fait, aura disparu. Les comporte- à Auxerre, Ney rallie-t-il Na- raviver la légende et contribuera Le retour de l’île d’Elbe ments vont toutefois être assez poléon. La route de Paris est pour partie à un événement Si, après la défaite de Water- tranchés : la population va don- donc ouverte et, désormais, les tout à fait surprenant : l’élection loo, la majorité des Français ner libre cours à l’enthousiasme, choses vont très vite. Napoléon, d’un inconnu, Louis-Napoléon apprécie une paix enfin reve- mais les autorités militaires, in- apprenant la fuite du roi, brûle Bonaparte (le futur Napoléon nue, l’exil forcé de l’Empereur crédules elles aussi mais dis- les étapes. Quand, le 21 mars, III), à la présidence de la Ré- décontenance une partie de la ciplinées, ont reçu des ordres il se présente vers 21 h 00 aux publique, et le retour de l’em- population, les plus humbles pour l’arrêter et sont résolues Tuileries, c’est une bousculade pire. Depuis la mort de l’Aiglon notamment, qui voient en Louis à obéir. Mais au col de Laffrey, indescriptible. Napoléon vient en 1832, Louis-Napoléon se XVIII un regrettable retour en peu avant Grenoble, Napoléon, assurément de remporter sa considère comme l’héritier de arrière… comme si la révolu- seul, face au 5e de ligne du gé- plus belle campagne. Son pro- l’empereur. Après une période tion n’avait servi à rien. Napo- néral Marchand, venu l’arrêter, jet, considéré comme fou par d’exil en Angleterre, élu à l’As- léon, alors âgé de 45 ans, qui leur dit : « Soldats du 5e ; je suis tout autre que par lui, s’est dé- semblée, piètre orateur, il s’ex-

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 60 Revue des anciens élèves de l’École de l’air prime peu et prend rarement part aux votes. Mais la « Napo- Photos DR léon mania » se développe dans le pays. Après la révolution de février 1848, qui met fin à la monarchie de Juillet, pour les élections présidentielles qui se profilent, la classe politique fait l’impossible pour lui interdire l’accès à la présidence ; mais il se déclare candidat et est élu triomphalement… sur son seul nom ! En 1851, Louis-Napoléon arrive au terme de son mandat et il faudrait une révision de la constitution pour qu’il puisse prétendre à un second mandat. Pour cela, il lui faudrait les 2/3 des voix du Parlement, ce qui est quasiment impossible. Et pourtant, cette révision sera ra- tifiée par la rue à une très forte majorité. Le peuple a court-cir- cuité les élites ; la légende est à Napoléon retour de l’île d’Elbe au col de Laffrey. son sommet. Un an plus tard, à la suite d’un autre plébiscite, le second Empire est établi, et conservé dans son principe mais imposée, est celle d’un Napoléon générations, alors que peu Louis-Napoléon devient Napo- le chef de l’État, lui, sera élu « boucher de l’Europe », qui au- d’hommes dans l’histoire de léon III, empereur des Français. par les chambres2. Le recours rait porté, lui aussi, un coup ma- l’Humanité ont suscité autant au référendum3 sera considéré jeur à la démographie française. d’admiration que Napoléon, à L’anti-légende comme suspect puisque Napo- Enfin, au lendemain de la qui notre pays doit une multi- À travers ces trois pages léon Ier, comme Napoléon III, Seconde Guerre mondiale, la tude d’institutions5 qui se sont d’histoire, le conférencier a dé- y a eu recours pour asseoir sa légende va subir les effets néga- imposées à ses successeurs et montré la force exceptionnelle légitimité . Mais, au-delà de tifs dus à l’émergence d’un nou- qui, aujourd’hui encore, as- du phénomène, son impact sur ces mesures défensives, on pas- veau regard sur l’histoire. N’en surent, pour l’essentiel, la pé- la vie politique au XIXe siècle sera à l’offensive, et c’est à la sommes-nous pas arrivés (les rennité de l’État, on soit passé et sa durée étonnante. On a pu légende elle-même qu’on s’en médias, certains intellectuels d’une légende napoléonienne aussi assister à un divorce entre prendra. La légende, par na- et la classe politique aidant) bien ancrée dans la population, l’immensité de la population et ture, fait la part belle au « posi- à considérer comme suspect à une anti-légende carrément la classe dirigeante, cette der- tif » de l’homme ; désormais, on tout ce qui pourrait être pré- institutionnalisée. nière ne se retrouvant pas dans s’attachera à réduire Napoléon texte à la fierté nationale. C’est, la légende ; elle se sent même à la dimension d’un « capitaine aussi, l’émergence d’une sen- victime de la légende qui lui a heureux » à qui on imputera sibilité politique qui considère 1- C’est le général de Gaulle qui, après la Seconde Guerre mondiale, mettra un imposé le retour de l’île d’Elbe, d’ailleurs la responsabilité ex- comme suspecte l’idée même terme à une telle exclusion. le retour des cendres et le re- clusive des guerres post révolu- d’un homme providentiel. Dans 2- C’est le général de Gaulle qui, en tour de l’empire. Cette dernière tionnaires. tous les cas, tout ce qui est à 1962, rendra au chef de l’État la légiti- retrouve le pouvoir en 1870, et L’après Grande Guerre. La consonance napoléonienne est mité du suffrage universel. va tout faire pour que cela ne se IIIe République, à travers la donc à rejeter. Pour arranger le 3- C’est encore le général de Gaulle qui reproduise plus. L’anti légende guerre 1914-1918, se trouve tout, le temps consacré à l’en- rendra ses lettres de noblesse à la pra- va dès lors se développer et associée à la plus grande ca- seignement de cette période tique du référendum. 4- Près de 1,7 million de morts et plus de aussi se nourrir de deux pages tastrophe démographique de de l’histoire, dans nos écoles, a 4,2 millions de blessés pour une popula- 4 tragiques de notre histoire : la notre histoire . Certains estime- été et continue d’être réguliè- tion de 39,6 millions. Grande Guerre et la Seconde ront utile, pour l’éducation des rement raboté. En ce début de 5- Ne lui doit-on pas, pour n’en citer Guerre mondiale. masses, de noircir le bilan et la XXIe siècle, dans notre pays tout que quelques-unes : le Sénat, le conseil L’après 1870. La classe diri- responsabilité de Napoléon. Do- au moins, la légende napoléo- d’État, l’administration préfectorale, la geante, qui avait été court-cir- rénavant, les Français, marqués nienne a vécu… Banque de France, les chambres de cuitée par le peuple, décide que par les horreurs de la guerre, commerce, le Code civil, les conseils de Prud’homme, la Cour des comptes, les familles « ayant régné sur la porteront un regard plus sé- Cette conférence a permis aux les juges d’Instruction, le baccalauréat... France » seront condamnées à vère et moins romantique vers auditeurs de comprendre com- mais qui, chez les plus jeunes notam- l’exil1. Le suffrage universel sera l’empereur. L’image, désormais ment, en l’espace de quelques ment, le sait ?

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 61 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Vie des régions

Conférence sur l’Atlantide DR

Daniel Bastien (71 - Blanckaert)

Le mythe de l’Atlantide a donné naissance à un grand nombre d’interpréta- tions, dont certaines cherchent à en faire un lieu qui aurait réellement existé. Cette conférence à laquelle a assisté notre camarade apporte des arguments au débat. L’île de Santorin.

e 14 mars 2016, 90 mem- qu’en fait Platon, certaines in- partagent entre deux écoles : correspond assez bien au phé- bres, conjoints et amis de vraisemblances : sa taille, « plus ceux qui pensent que Platon nomène cataclysmique ayant Ll’AEA ont assisté, sur la grande que la Lybie (l’Afrique du fait une pure description philo- marqué l’île de Santorin quant base aérienne de Mérignac, à Nord) et l’Asie (l’Asie Mineure) sophique et politique, fruit de sa à son enfoncement, sinon total, une conférence donnée par M. réunies », très fortement exagé- seule imagination, et ceux qui comme dans le mythe, au moins Des Courtils, professeur d’his- rée ; le niveau de civilisation : estiment qu’il y a un fond de partiel. toire de l’art et d’archéologie à le récit de Platon place cette vérité dans ses écrits, basés sur À quelques détails de data- l’université de Bordeaux-Mon- cité 10 000 ans plus tôt, or, à une réalité ancienne en partie tion et de degré de civilisa- taigne. Il s’agissait de savoir si l’époque évoquée, l’humanité rapportée oralement, et donc tion près, les archéologues l’Atlantide, ce royaume mer- sortait tout juste de l’âge de la très certainement déformée. s’accordent généralement à veilleux décrit par le philosophe pierre taillée et ne pouvait avoir dire que les caractéristiques et grec Platon vers 360 av. J.-C., est atteint un degré de civilisation L’hypothèse Santorin l’histoire de cette île coïncident surtout un mythe, fruit de son aussi avancé que celui décrit ; Parmi les différents lieux étu- assez largement avec la cité imagination, ou si, au contraire, sa localisation : « devant les Co- diés par les archéologues pou- merveilleuse du mythe. Aussi, cette « histoire » reposerait, en lonnes d’Hercule », est une façon vant correspondre, ou tout au si l’Atlantide est bien un mythe, fait, sur une certaine réalité. de parler qui renvoie l’Atlantide moins s’approcher de l’île mer- Platon, sans qu’il s’en soit for- Une île magnifique, immense, dans des régions alors inexplo- veilleuse ainsi décrite, il en existe cément douté, pourrait très peuplée de fiers marins, avec rées par les Grecs, une donnée un qui focalise leur attention3 : bien s’être appuyé sur une ca- des villes à l’architecture somp- invérifiable. Tout converge donc il s’agit de l’île de Santorin, en tastrophe ayant effectivement tueuse, située « devant les Colonnes pour dire qu’il s’agit d’un mythe. mer Égée, constituée des restes existé en mer Égée bien avant d’Hercule [Gibraltar] », sur la- Ce n’est d’ailleurs pas le seul du cratère d’un volcan émer- lui. Il est cependant clair que quelle s’était formé, il y a plus mythe (ou allégorie) que l’on geant de l’eau, dont nombre dans sa description de la cité de 10 000 ans, « un empire grand doit à Platon : on lui doit celui de caractéristiques concordent du mythe, il a largement fait et merveilleux » et qui, à la suite « de la Caverne1 » et celui « d’Er assez largement avec la descrip- appel à son imagination pour en d’un violent cataclysme, s’en- le Pamphylien2 ». tion de l’île du mythe. Sous les enjoliver les caractéristiques, et fonça sous la mer… C’est ainsi De nombreux auteurs strates constituées d’accumu- faire de ce monde merveilleux que le pourtant sérieux Platon pensent que Platon a eu re- lations de cendres volcaniques, le modèle idéal dont Athènes, décrit l’Atlantide dans Le Timée. cours au mythe de l’Atlantide on a en effet trouvé sur cette île dans son esprit, aurait large- Pour son récit, il se réfère à Cri- pour faire passer un message : les traces d’une civilisation raf- ment gagné à s’inspirer. tias l’ancien, un contemporain de alors que la cité d’Athènes, au finée datant, non pas de 10 000 1- Dans lequel il expose sa théorie de Solon (640-560 av. J.-C.), homme IVe siècle av. J.-C., est en crise, ans avant Platon, certes, mais de l’acquisition des connaissances. politique athénien, lequel lui au- Platon, penseur politique, est 1 500 à 2 000 ans av. J.-C., donc 2- Considéré comme le premier témoi- rait confié avoir appris cette désespéré de voir Athènes se bien avant lui tout de même. gnage d’expérience de mort imminente, histoire d’un prêtre égyptien satisfaire d’un régime démocra- Les vulcanologues, après des et qui participe de la croyance dans la rencontré en Égypte, lui-même tique en crise. Il décrit donc, au études poussées sur ce volcan, réminiscence et la transmigration des l’ayant découverte dans les ar- travers de la cité des Atlantes et s’accordent à dire que celui-ci a âmes. chives d’un temple ! de son organisation politique, fait l’objet d’une éruption d’une 3- D’autres sites situés notamment dans les Açores, les Canaries, sur la dorsale Dans l’hypothèse où cette un idéal qu’il conviendrait d’at- extrême violence vers 1630 av. Atlantique, et même en mer du Nord île aurait bien existé, on relève teindre… une utopie… J.-C., c’est-à-dire 1 300 ans avant (île d’Heligoland)... on été également toutefois, dans la description Les historiens, toutefois, se Platon. La description de Platon étudiés, mais sans résultat probant.

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 62 Revue des anciens élèves de l’École de l’air Vie de l’AEA

Les activités du deuxième trimestre 2016

Jean-Pascal Delcourt (83 - Fleischel)

11 mai 2016 10 juin 2016 Une rencontre des anciens présidents de l’association a eu lieu à l’initiative de Jean- Le gala 2016 de l’association des anciens Marc Denuel, président de l’AEA, au siège de l’association. Cette réunion a été l’occasion élèves de l’école de l’air et de l’école militaire d’échanges fructueux sur les évolutions futures de l’association. de l’air a eu lieu le 10 juin 2016 au Théâtre du Merveilleux des Pavillons de Bercy. Le numéro 226 du Piège reviendra sur cet événement traditionnel et vous proposera quelques photographies. Ci-dessous les ré- sultats du tirage de la tombola :

n° n° du du lot billet 1 Séjour d’une semaine 204 pour 2 personnes 2 Aller-retour deux personnes 877 pour les Antilles ou la Réunion 3 Aller-retour deux personnes 359 pour les Antilles ou la Réunion 4 Montre de luxe Bell & Ross 245 De gauche à droite : Pierre Wiroth (63), président AEA 2002-2004 ; Pierre Niclot (71), boîtier noir sport président AEA 2010-2013 ; Jean-Marc Denuel (77), président en titre depuis 2014 ; 5 Montre de luxe Frédéric Constant 664 Pascal de Chassey (51), président AEA 1989-1993 ; Jean-Claude Lebrun (55), président AEA 1993-1997 ; Michel Forget (46), président AEA 1985-1989. 6 Prestation de loisir haut de gamme 643 7 Téléviseur Samsung 121 cm 991 8 Séjour de prestige Relais & Châteaux 263 9 Tablette tactile iPad 227 24 mai 2016 10 Séjour de luxe Relais & Châteaux 424 L’assemblée générale de l’AEA s’est Séjour de luxe Relais & Châteaux tenue à l’École militaire. Après les ques- 11 287 tions budgétaires, deux sujets touchant 12 Séjour Relais & Châteaux 037 de près notre association ont été abor- 13 Séjour Relais & Châteaux 375 dés : la mise en place au second semestre 14 Carte cadeau 342 d’un nouveau site Internet et les pre- mières orientations du groupe de travail 15 Carte cadeau 968 sur l’avenir de l’AEA. Le compte-rendu 16 Carte cadeau 112 complet sera publié dans le numéro 226 17 Carte cadeau 313 du Piège. 18 Maquette d’avion 099 Livre de collection Airbus Jean-Marc Denuel (77) et Dominique Clavier 19 398 (81), nouveau vice-président « Reconversion ». 20 Livre de collection Airbus 058

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 63 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Livres

Les livres de l’été

de conter un accident aérien, litaires, historiens ou universi- jusque dans les détails les plus taires, qui veulent approfondir durs, mais l’absence de conces- leurs connaissances sur l’évo- sion nous rappelle avec acuité lution des armées françaises au que le quotidien des pilotes de cours des 50 dernières années. l’époque de la Guerre froide RdG comprenait les pertes en ser- vice aérien. Comme le dit l’auteur en der- Aventures aériennes en nière couverture du livre : « Les Nouvelle-Calédonie morts ne s’en vont jamais seuls. Antoine Sadoux (91-Koenig) Chaque fois qu’on perd un être Amicale de l’aéronautique cher il emporte avec lui une par- militaire calédonienne tie de nous-mêmes. On meurt 35 cm x 25 cm, 140 pages, 35 € chaque fois un peu avec ceux-là Actuel commandant de la qu’on aime. Et de leur côté, ils BA186 à La Tontouta, notre survivent un peu tant qu’on se camarade publie un superbe Derniers virages souvient d’eux… C’est pour que cutées sans restriction majeure ouvrage sur une histoire fort Jean-Paul Salini (48-Brachet) ce souvenir dure un peu, un tout et les équipements étaient re- méconnue : le développement Jérôme Do Bentzinger Éditeur petit peu, que j’ai écrit ce livre. » nouvelés comme prévu. À par- de l’aviation civile et militaire 8, rue Roesselmann 68000 Nul doute qu’avec ce beau livre tir de la présidence de François dans le Pacifique sud en géné- Colmar (03 89 24 19 74) ; ou ils vivent encore. AD Mitterrand, la défense n’a plus ral et en Nouvelle-Calédonie en 27, rue du Fossé des Tanneurs été protégée. Elle a plutôt servi particulier. Ouvrage superbe, ce 67000 Strasbourg (03 88 35 de variable d’ajustement et a livre l’est à plusieurs titres. 91 16)15,5 x 24 cm, 280 pages, Nos armées au temps vu ses crédits diminuer au pro- Tout d’abord par la forme, avec 25 euros de la Ve République fit d’autres secteurs. Les lois le parti pris d’utiliser un papier Nous sommes nombreux à ap- Général Michel Forget de programmation militaire se à fort grammage dans un for- précier la plume alerte et libre (46-Saint-Exupéry) succédaient à un rythme sou- mat à l’italienne qui met en va- de notre camarade qui nous Éditions Economica tenu pour prendre en compte leur les admirables aquarelles donne à réfléchir ou à sourire et 24x15cm 194 pages, 27 euros les grandes évolutions géopoli- de Tiennick Kérével. Car plu- nous conte souvent des épisodes Depuis qu’il a quitté le service tiques et les crises économiques tôt que d’utiliser des photos, tragiques ou épiques de notre actif en 1983, le général Michel et financières. Nos armées se l’auteur a fait appel à ce talen- Armée de l’air. À cet égard, ce Forget se consacre à des études sont cependant adaptées pour tueux peintre de l’air, qui ap- livre est du Salini pur jus. sur la défense. conserver tout leur savoir-faire, porte une touche de poésie sans On entre dedans sans tambours Son dernier ouvrage présente leur expérience et leur efficacité céder au réalisme des dessins. ni trompettes : pas de préface, ni l’évolution des armés au temps Mais la situation est mainte- Ensuite par le fond, car le co- d’avant-propos, ni même d’in- de la Ve République. C’est l’oc- nant très difficile car le format lonel Sadoux nous raconte en troduction puisqu’on met tout casion d’évoquer les événements défini par le Livre Blanc de 2013 19 chapitres, la passionnante de suite les pieds dans le plat de majeurs qui ont eu lieu tant en ne permet plus de répondre à aventure de la « colonisation » résistance, en l’occurrence l’In- France que dans le monde et toutes les sollicitations, tant de ce lointain continent par une dochine. Toute la suite est récits, qui ont eu une influence sur le au niveau des hommes que des poignée de pionniers de l’avia- anecdotes, réflexions et invita- format de nos armées : fin de matériels. En effet, depuis une tion au long cours. Du premier tions à la réflexion. Et régal de la guerre d’Algérie, montée en dizaine d’années, nos armées hydravion Vought VE-7H de revivre des tranches oubliées, puissance de la dissuasion nu- ont subi des abattements consi- entendues ou vécues quand cléaire, fin de la guerre froide, dérables dans une indifférence elles sont écrites avec couleurs professionnalisation des armées, quasi générale tandis qu’elles et légèreté, qu’il s’agisse de nous lutte contre le terrorisme. ont été soumises à l’influence de parler des taxi-girls de Cao- Jusqu’à la fin des années gestionnaires et de comptables Bang ou de décrire ce monstre soixante-dix, alors que la crois- soucieux d’obtenir des écono- à piloter qu’était le Bearcat. sance atteignait 6 %, nos armées mies à tout prix. Il n’est plus question ni de régal ont connu une période faste. Les Cet ouvrage, très documenté, ni de légèreté quand il s’agit lois de programme étaient exé- sera très utile à tous ceux, mi-

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 64 Revue des anciens élèves de l’École de l’air l’USS Milwaukee à survoler le être un exceptionnel docu- par deux appelés du contin- « Caillou » en septembre 1923 ment de référence sur cette gent au sein du prestigieux à l’A400M qui y fit une escale période de l’histoire de l’Ar- CPA 20 commandé par notre en mars 2015, il détaille tous mée de l’air. Ouvrage de mé- camarade Claude Lajoux les événements aéronautiques moire, les anciens navigants (54-Héliot) qui en a écrit la concernant l’aviation militaire, et mécaniciens de ces unités postface. Ils nous décrivent commerciale ou légère, les hé- y retrouveront l’ambiance par le menu la dure vie des licoptères ou les compagnies opérationnelle des années appelés de l’époque (un mois aériennes. Les grandes figures passées sur le sol africain. de permission en métropole comme le capitaine Max Dévé, Il contentera également les pour 26 mois en Algérie), loin le héros du raid Paris-Nouméa amateurs curieux. JB des obsessions troubles des sur le Couzinet 33 , politiques. Entraînements, et bien sûr, le lieutenant Paul crapahuts dans le djebel, hé- Klein, parrain de la BA 186, ne Appelés et volontaires liportages et sauts en para- sont pas ignorées. en Algérie pour les chutes sont le quotidien de ces Au final nous avons là un ma- Commandos de l’air jeunes qui servent la France gnifique ouvrage qui enthou- Jean Guigon & Pierre Aubin sans arrière-pensée. Au fil des siasmera tous les amateurs La guerre d’Algérie à pages ils nous font revivre les de « beau livre » et d’aviation 20 ans (témoignage d’un embuscades, les fouilles, don- et sera la fierté de leur biblio- appelé observateur-mitrail- nant des bilans détaillés, tout thèque. Cet ouvrage est en vente leur sur T-6) en rendant hommage aux en ligne sur le site : http://www. Daniel Cadet morts et aux blessés. Cet ou- boutiquedesartistes.fr/aven- Xénophon Atelier Fol’fer vrage, qui comporte une riche tures-aeriennes-en-nouvelle- 16 cm x 24 cm, respective- iconographie d’une centaine caledonie.html ment 216 et 144 pages, 20 € de pages, passionnera tous Renseignements antoine.sa- Cette originale maison d’édi- ceux qui ont vécu ces années [email protected]. JPC tion publie deux ouvrages sur de feu. la guerre d’Algérie qui ont la Le second ouvrage est plus particularité d’être écrits par ambigu en ce sens qu’il mé- L’Armée de l’air en Après un rappel des événe- des appelés qui ont participé lange témoignage sur des Afrique du Nord ments de juin 1940 et no- à ces combats au sein d’unités opérations aériennes et pam- (Tome I et II) vembre 1942, le premier de l’Armée de l’air. phlet politique. Alain Crosnier tome est consacré à la réor- Le premier porte sur les 27 En effet l’auteur ne cache pas Histoire et Collections ganisation de l’Armée de l’air mois de service militaire effec- ses sympathies pour les par- Tome I : 240 pages, 44,95 €; en Afrique du Nord afin de tués entre mai et août 1958, tisans de l’Algérie française, E tome II : 192 pages, 39,95 € reprendre le combat contre les deux tomes reliés au for- les forces de l’Axe. Un re- mat 21,5 x 30,7 cm gard approfondi est porté en- Publié en deux tomes, cet suite sur les écoles et centres ouvrage fait l’inventaire des d’instruction avant de déve- unités aériennes présentes lopper les unités de chasse au Maroc, en Algérie et en renaissantes. Tunisie de juin 1940 à l’été Le second tome est, lui, lar- 1967. gement dédié à l’aviation Au cours de cette période, ce légère d’appui, au bombarde- sont des centaines d’appareils ment et à la reconnaissance, à de l’Armée de l’air qui ont été l’aviation de transport et aux basés en Afrique du Nord hélicoptères pour finir sur les pour protéger ces territoires, formations de soutien. que ce soit au cours de la Se- Ces deux ouvrages, riche- conde Guerre mondiale ou de ment illustrés (plusieurs mil- la guerre d’Algérie. liers de photos), se révèlent

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 65 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Livres

E au point de consacrer à leurs thèses contestables, plus de la moitié de son ouvrage. En revanche la partie « aé- ronautique » est tout à fait digne d’intérêt. Affecté sur T-6 à l’EALA 6/72 de Ken- chéla, notre observateur-mi- trailleur détaille par le menu la vie de cette escadrille, ses missions quotidiennes les tactiques d’attaque, les rapports entre appelés et militaires de carrière, les accidents, qui ne manque- ront pas de rappeler de bons (et moins bons) souvenirs à beaucoup de nos camarades. sième dimension a apporté à la gloire (justifiée) de nos Agrémenté de nombreuses à la conduite des opérations camarades de l’ALAT. Au- photos de l’auteur, ce livre de militaires et au développe- delà de la chronologie de ces José Falco mémoires aurait dû se limiter ment de l’armement air-air combats de nuit menés par Pilote de chasse à cet aspect, sans aborder les ou air-sol, de la mitrailleuse sa « meute » d’hélicoptères, Dernier as de la guerre d’Es- options politiques très équi- au missile. l’auteur met en avant sa vi- pagne dans le ciel catalan voques qu’il défend. JPC Nous vibrons également sion originale du combat aé- Pierre Challier avec ces héros qui font roterrestre et sa complexité, Éditions Privat, 15 x 24 cm, preuve de qualités remar- ses initiatives de chef de 180 pages, 19,50 € Ciel de gloires quables : « Comme autre- guerre, parfois ses doutes et Ce livre était l’un des 35 Histoire des as au combat fois dans le Colisée, c’est le souvent ses craintes de ne concurrents pour le prix Pierre Razoux combattant le plus habile, pas voir rentrer ses hélicop- Guynemer cette année. Son Éditions Flammarion le plus chevronné, le plus tères au petit matin. Le co- héros, as aux huit victoires, 15x24, 384 pages, 23 € agressif et le plus audacieux lonel Verborg, (surnommé est décédé en mai 2014 à 97 Historien et directeur de re- qui l’emporte. L’inconscient, « Grizzli ») n’est pas le co- ans. Officier républicain, il a cherche, expert du Moyen- même le plus courageux, lonel Kilgore d’Apocalypse connu la guerre civile dans Orient et auteur de plusieurs ne survit jamais très long- now ! son pays puis, après la dé- ouvrages de référence sur les temps. » Dans une seconde partie, il faite des « rouges », le camp conflits contemporains dans Le récit est tout à fait réa- revient sur d’autres opéra- d’internement de Gurs en lesquels la guerre aérienne a liste. Tout pilote de chasse tions, d’autres combats dans France, dont il s’esquivera joué un rôle majeur, l’auteur s’identifiera aisément à l’un lesquels les hélicoptères de pour rejoindre le reste de sa nous retrace, en 17 tableaux, des personnages évoqués. l’ALAT ont toujours su faire famille, réfugiée en Algérie. l’histoire des as au combat. RdG la différence : Kosovo, Côte Il y deviendra Français en Chaque tableau a pour d’Ivoire et bien sûr Mali. Au 1953 et travaillera comme toile de fond une phase de passage, on y apprend beau- mécanicien civil dans la ma- guerre au cours de laquelle Envoyez les hélicos ! coup sur les règles d’enga- rine à Oran. Contraint en des avions ont été engagés, Pierre Verborg (EMIA-92) gement, les fameuses ROE 1964 à s’abriter de nouveau depuis la Première Guerre Éditions du Rocher qui s’imposent désormais à en France, il est embauché mondiale jusqu’à un conflit 14,5 cm x 21,5 cm, 228 tous les combattants occi- par l’Armée de l’air à Tou- hypothétique entre la Chine pages, 18,90 € dentaux. louse. En 1975, à la mort de et l’Inde. Les pilotes présen- Le colonel Pierre Verborg, Reste que les lecteurs vi- Franco, il est promu colonel. tés sont imaginaires mais charismatique « patron » gilants que nous sommes La guerre aérienne en Es- ils côtoient tous les grands du 5e RHC aux 3 300 heures pourront être frustrés par pagne fut, on le sait, un noms des as de guerre : le de vol, nous raconte ses l’absence d’explication sur champ de manœuvre pour Baron Rouge Manfred von guerres, ou plutôt « sa » le contexte politique et les les matériels nouveaux des Richtofen (80 victoires), guerre en Libye de mars à raisons de ces guerres, tout années trente : chasseurs, René Fonck (75 victoires), octobre 2011. Les mois d’in- comme le manque d’infor- bombardiers et appareils de les pilotes du Normandie tervention contre les forces mation sur les objectifs trai- transport. Il est aussi inté- Niemen, ou encore Giora de Kadhafi menées par les tés et les bilans. En dépit ressant qu’utile pour tout Epstein, as israélien qui a hélicoptères de combat fran- de ces réserves mineures, officier pilote d’en connaître obtenu 17 victoires en oc- çais à partir du BPC Ton- ce bel hommage aux pilotes le déroulement grâce aux tobre 1973. nerre navigant au large de d’hélicoptères est à lire, à souvenirs d’un acteur expert Au fil des épisodes, nous dé- la Libye constituent en effet déguster en écoutant la Che- et franc. couvrons tout ce que la troi- le cœur de cet ouvrage écrit vauchée des Walkyries. JPC P. de Chassey (51-Jeantet)

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 66 Revue des anciens élèves de l’École de l’air Pilotes du Normandie- prime, les conditions de vie terme d’une incroyable traver- Niemen difficiles dans le froid hiver- sée d’ouest en est de l’Afrique. D’après le journal de Roger nal, les relations parfois ten- Accueilli par les FAFL, Pou- Penverne dans l’armée russe dues avec les Russes. liquen est nommé comman- Maryvonne et René Gaudart Nous vivons au fil des mois le dant du groupe de chasse Éditions JPO destin de ces volontaires par- « Alsace ». Peu de missions 24x15 cm 491 pages, 24,35 € fois bien seuls sur le front de de guerre pour lui vu son âge Neveu et nièce de Roger Pen- l’est. Passionnant ! RdG et sa spécialité, mais ses su- verne, un des pilotes du Nor- bordonnés Tulasne, Ezanno mandie-Niemen, les auteurs et d’autres sauront faire. Les relatent les opérations de Un monde en paix campagnes en Libye sont cette unité au cours des an- Une utopie réaliste ? meurtrières mais victorieuses. nées 1944 et 1945. Général Jean Cot (Cyr-54) Il est ensuite chargé de la mise Selon la volonté du général Éditions Charles Léopold sur pied de l’escadron Nor- de Gaulle d’instaurer des rela- Mayer mandie en Russie qu’il re- tions directes avec les Russes, 11,5 x 16,5 cm, 180 pages, de l’auteur, on ne peut, après joint, après escale en Iran, fin le groupe de chasse N° 3 10 euros lecture, que se sentir plus 42. Les Russes sont difficiles à Normandie est créé le 1er sep- Après une vie militaire de plus instruit et mieux armé pour apprivoiser, mais Joë saura ga- tembre 1942. Il est composé de 40 ans, particulièrement comprendre notre monde et gner leur confiance. Remplacé de 60 volontaires, des méca- riche en parcours et en postes la géopolitique. AD en mai 1943 par Tulasne à la niciens et 15 pilotes, qui vont occupés, notre ancien chef de tête de l’escadron, il quitte s’installer au nord-est de la 1re armée puis commandant Ivanovo pour l’Angleterre et Moscou en novembre 1942. de la FORPRONU nous pro- Lt-colonel parvient à être affecté comme Il portera le nom de Nor- pose un petit livre particuliè- Joë Pouliquen second du groupe de bombar- mandie-Niemen sur décision rement surprenant puisqu’il se Compagnon de la Libération dement « Lorraine » sur Bos- de Staline le 31 juillet 1944. veut volontairement optimiste René Lamouroux ton. Il est alors autorisé à des Une centaine de pilotes au- sur l’avenir. Un pari à contre- Édité par l’auteur missions de guerre comme ront combattu sur le front courant de tout ce que nous (06 58 25 13 99) mitrailleur ! germano-soviétique durant offre l’actualité de ces der- 24 x 32 cm, 310 pages, 45 € Joseph Pouliquen a quitté les années 1943, 1944 et 1945. nières décennies. Plus de 300 illustrations l’Armée de l’air en 1946, En remerciement, Staline fera Plus que des faits et des idées, dont 80 pleines pages avec 56 missions de guerre don à chaque pilote d’un avion ce livre - version actualisée Joseph Pouliquen, dit Joë, et 675 heures de vol. Il était Yack 3 avec lequel il rentrera de Parier pour la paix, paru en (1897-1988) a vécu les deux juste de rendre hommage à cet en France en juin 1945. 2006 - nous offre un ensemble guerres mondiales. Engagé à homme indestructible, aussi Roger Penverne, arrivé à la de réflexions sur la guerre et 17 ans, il est successivement modeste que tenace. Le livre fin de 1943 au sein du régi- la paix qui s’inscrit dans la artilleur dans les Dardanelles, de René Lamouroux, établi à ment de chasse, notait quoti- continuité des grands pen- fantassin dans les Balkans et partir des carnets de guerre diennement ses impressions. seurs Machiavel, Nietzsche, grièvement blessé au Chemin du héros et de ses photos per- À partir de ces notes, les au- Clausewitz… jusqu’à Teilhard des Dames en 1917. Remis sonnelles, rassemble les sou- teurs nous font ainsi décou- de Chardin. mais déclaré inapte à l’infan- venirs de ses compagnons vrir, au jour le jour, la vie des Assurément, ce petit livre est terie, il réussit à devenir pilote autour d’un texte sobre. C’est membres de cette unité : les un grand livre qui répond au et rejoint en juillet 1918 l’es- en même temps un livre su- opérations aériennes, les vic- challenge suivant : montrer cadrille de bombardement BR perbe et passionnant sur cette toires mais aussi les pertes, qu’un monde en paix est pos- 128 sur Breguet 14. À l’armis- épopée les moments de joie et de dé- sible. La chute du mur de Ber- tice, sergent, avec vingt mis- P. de Chassey (51-Jeantet) lin étant le premier signal fort sions de guerre, il est envoyé dans ce sens même si, depuis, en Slovaquie pour aider les les conflits prennent d’autres Tchèques face aux Hongrois, formes dont celle de l’Islam ajoutant une quinzaine de radical. Tout l’intérêt du livre missions à son palmarès. est donc dans l’originalité et En 1939, vu son âge, il a le l’anticonformisme du propos, plus grand mal à retrouver un mais il est aussi dans l’ana- rôle opérationnel. Il finit par lyse des derniers conflits du obtenir le commandement de xxe siècle, des différentes ins- la base de Palmyre ce qui lui titutions mondiales (ONU, permet de voler comme pilote FMI, OMC, FSM, HCR et ou observateur sur Potez 25 autres ONG) et de la transfor- jusqu’à sa démobilisation en mation de la société par l’infor- novembre 1940. Ne pouvant mation. rejoindre l’Angleterre, il se Qu’on adhère ou non aux idées retrouve à Beyrouth fin 41 au

Revue des anciens élèves de l’École de l’air 67 Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 Carnet

• Colonel François FELIX (62), le 25 mars 2016 Nominations • Colonel Jean DAGAIN (39), le 27 mars 2016 • Général Henri GUILLOU (39), le 29 mars 2016 Au grade de général de brigade aérienne pour prendre rang du 1er juin 2016 • Commissaire général Jacques NOËL (55), le 3 avril 2016 • M. le colonel du corps des officiers de l’air Stéphane MILLE (86) • Colonel Georges VARIN (52), le 9 avril 2016 • M. le colonel du corps des officiers de l’air Éric CHARPENTIER (86) • Commissaire lieutenant-colonel Jean-Pierre DABROWSKI (63), le 2 mai 2016 Au grade de commissaire général de 2e classe pour prendre rang du 1er août • Commissaire colonel Jean BRUNEL (55), le 6 mai 2016 2016 • Lieutenant-colonel Jean CLAUSS (57), le 9 mai 2016 • M. le commissaire en chef de 1re classe du corps des commissaires des • Capitaine Alain DURIF (57), le 19 mai 2016 armées Christian PITIOT (83), nommé sous-directeur « métiers » de la • Colonel Max SIMON (58), le 2 juin 2016 direction centrale du service du commissariat des armées à la même date. • Lieutenant-colonel Jean PLANTIER (46), le 2 juin 2016 • Colonel Jean CHAUVIN (47), le 3 juin 2016 • Capitaine Pierre LAFARGUE (46), le 6 juin 2 016 Élévation • Colonel Edmond BLANCHE (37), le 8 juin 2016 Les rang et appellation de commissaire général hors classe sont conférés dans la 1re section des officiers généraux du service du commissariat des armées pour prendre rang au1re juillet 2016 à M. le commissaire général de 1re classe • Mme Gabrielle MILANDRE, veuve du lieutenant Joël MILANDRE (51), Yves REYMONDET (77). le 11 janvier 2016 • Mme Jacqueline DERELY, veuve du capitaine Jean DERELY (42), * * le 14 mars 2016 * • Mme Marie-Pierre FLAMENT, veuve du lieutenant-colonel Daniel FLAMENT (61), le 21 mars 2016 • Mme Jacqueline BOURDET, veuve du lieutenant Pierre BOURDET (40), Naissances le 22 avril 2014 • Jules, fils de M. et Mme Bruno BUGLIO, petit-fils du général Jean-Paul PICCO • M. Thierry AUZEPY, fils du général Christian AUZEPY (63), le 16 avril (59) et Mme, le 28 janvier 2016 2016 • Marie, fille de M. Patrice et Mme Quitterie BOER, petite-fille du commandant Arnaud DELAVAL (68) et Mme, le 16 février 2016 • M. Patrick Facon, le 29 mai 2016. Docteur en histoire, il a fait toute sa carrière • Raphaël, fils de M. Lilian JAILLET et Mme Sophie BRISSET, petit-fils du général au SHAA et au CESA. Ses travaux ont porté essentiellement sur l’histoire de Jean-Vincent BRISSET (69) et Mme, le 28 février 2016 l’Armée de l’air. • Lucas, fils de M. Patrick et Mme Martina DELAHODDE, petit-fils du lieutenant-

colonel Alain DELAHODDE (65) et Mme, le 18 mars 2016 L’AEA se joint à la peine des familles et les assure de son soutien amical. • Éline, fille de M. Thomas GUYOT et Mme Margaux CASAMAYOU, petite-fille du lieutenant-colonel Jean-Pierre CASAMAYOU (70) et Mme, le 5 mai 2016 • Gabriel, fils de M. et Mme SOULA, petit-fils du colonel Jean-Philippe BRIBET

(76) et Mme, le 10 mai 2016 Solutions des mots croisés de la page 59

thétise. thétise.

Mas - CRS. 11 - Uriel - Boit. 12 - Ris - Égalée. 13 - Es - 13 Égalée. - Ris - 12 Boit. - Uriel - 11 CRS. - Mas L’AEA adresse ses félicitations aux heureux parents et grands-parents. -

7 - Iéna - Tâtés. 8 - Pruderie. 9 - Latex - Co. 10 - EG - - EG - 10 Co. - Latex - 9 Pruderie. - 8 Tâtés. - Iéna - 7

Opium. 4 - Nomes - En. 5 - Qui Tireur. 6 - Ut - Mes - Tre. Tre. - Mes - Ut - 6 Tireur. Qui - 5 En. - Nomes - 4 Opium.

: 1 - Jean qui rit. 2 - Entourée. 3 - Avec - - Avec - 3 Entourée. - 2 rit. qui Jean - 1 : Décès Verticalement

• Colonel Louis DENOIX de SAINT-MARC (38), le 23 février 2014

• Lieutenant-colonel Claude LABBE (54), le 31 juillet 2014 Timbres-poste. - X Criée. - Ure - IX Cols. - Reinette -

• Colonel Georges RIVORY (38), le 12 août 2014 VIII Bai. - Aix - Ieper - VII GT. - Istres - Uro VI- Étalée.

• Général Xavier SIRGANT (44F), le 21 décembre 2015 - Ste - Qu V- -Madame. Noce - IV Ist. - Nul - Atemi - III

: I - Jean qui pleure. II - Envoûter - Gris. Gris. - Envoûter - II pleure. qui Jean - I : • Lieutenant Franck ESCLAPEZ (91), le 25 février 2016 Horizontalement

Le Piège n° 225 - 3e trimestre 2016 68 Revue des anciens élèves de l’École de l’air CHECK LIST

CASQUE L’ENTRAIDE GILET DE COMBAT PARACHUTE

SOLIDAIRE GMPA, COUVERTURE un accompagnement concret GMPA en cas d’accident de la vie

L’entraide et la solidarité font partie intégrante des valeurs associatives du GMPA. Au-delà des contrats d’assurances proposés à ses adhérents militaires, policiers et pompiers, le dispositif d’entraide et d’accompagnement de l’association peut leur venir en aide en cas de grandes difficultés. CO LA SUITE &

EN QUOI CONSISTE L’ENTRAIDE COMMENT LES AIDES SONT-ELLES SOLIDAIRE ? ALLOUÉES ? L’entraide solidaire est un dispositif d’accompagnement social Tous les mois, une commission dédiée, composée de adapté à chacune des situations difficiles rencontrées par les représentants des adhérents, étudie les dossiers des personnes militaires et leurs familles. fragilisées et décide des aides à mettre en place.

L’accompagnement des adhérents et de leurs Au-delà du soutien financier, le GMPA, convaincu de l’efficacité familles, touchés par un événement en opération du modèle partenarial, peut orienter ses adhérents vers l’un C’est la mission première du GMPA. Cet engagement se de ses nombreux partenaires, associatifs ou privés, experts traduit par des aides financières, médico-sociales, un soutien dans leurs domaines respectifs en matière d’entraide et des enfants et du conjoint en cas de décès, des aides à la d’accompagnement médico-social. reconversion.

L’accompagnement en cas d’aléa de la vie ENTRAIDE SOLIDAIRE GMPA Le GMPA soutient ses adhérents et leurs familles touchés par un accident de la vie qui les a entraînés dans une situation PRENDRE SON ENVOL précaire : maladie, perte d’emploi, accident, divorce... • 7 000 bénéficiaires en 7 ans d’existence allouées en 2015 L’accompagnement des jeunes • 1,7 M€ d’aides Votre enfant débute ses études supérieures, Le GMPA soutient les moins de 30 ans, parfois fragilisés par le • 20 associations subventionnées contexte social et économique, en les aidant financièrement à • Plus de 600 orphelins aidés chaque année poursuivre leurs études ou dans le cadre d’une reconversion. Unéo continue à prendre soin de lui • Aide aux seniors : un accès prioritaire L’accompagnement des seniors à 120 établissements spécialisés et Pour vous, une tranquillité assurée. Pour lui, une protection complète. Le GMPA propose à ses adhérents confrontés à la perte 85 places réservées par an aux adhérents Ensemble, choisissez la complémentaire santé adaptée à sa nouvelle vie. d’autonomie un accès prioritaire à près de 120 établissements ou à leurs parents. spécialisés répartis dans toute la France. Unéo s’engage pour faciliter l’accès à des soins de qualité pour ses adhérents, tout en maîtrisant leur budget. Votre enfant commence des études supérieures, vous devez obligatoirement l’inscrire à la Sécurité sociale étudiante. Mais pour sa complémentaire santé, c’est vous et lui qui choisissez. Votre enfant peut continuer à être bien protégé par Unéo en adhérant en son nom. Avec la garantie Unéo-Utile, pour un tarif attractif, il bénéficie en plus d’une protection adaptée à sa nouvelle QUI EST CONCERNÉ ? vie, d’un accompagnement avec des services d’assistance à domicile et domestique et de la confidentialité totale des Décès, invalidité, dépendance, accident de la vie, perte remboursements même si les cotisations restent, si vous le souhaitez, à votre charge. d’emploi... L’entraide solidaire est destinée à tous les

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