MAROC diplomatique L’INFORMATION QUI DÉFIE LE TEMPS

10 DH - 1 € - MENSUEL - 32 pages www.maroc-diplomatique.com N° 6 SEPTEMBRE 2015

SUCCÈS DU SOMMET MOHAMMED VI-HOLLANDE Khalid Safir reçu au CDS , Barcelone ou Calcutta ? e Conseil de développement et de solidarité (CDS) a accueilli pour sa session d’ouverture annuelle un invi- Après la «brouille», vers Lté de marque : Khalid Safir, wali du Grand Casablanca, qui a fait un exceptionnel expo- sé sur le programme de développement du Grand Casablanca. Ce programme a mobilisé un partenariat «intime» la bagatelle de pas moins de 40 milliards de dirhams, recouvrant les infrastructures, les pôles de croissance économique, les axes de développement, la promotion culturelle, les secteurs des transports, de la santé, de l’édu- cation, du tourisme et de la sécurité. Exposé d’autant plus pertinent qu’il a donné lieu à un débat intense et riche. Khalid Safir, tout à son sens de la pédagogie, a livré pour la première fois les pièces du dossier de Casablanca, ses ambitions et ses difficultés. Lire en pages 10, 11, 12 et 13

El Ouardi, l’épreuve de feu des futurs médecins Entre le ministre de la Santé El Houcine El Ouardi et les étudiants des cinq facultés de mé- decine du Royaume, le torchon brûle de plus en plus. Et pour cause, un projet de loi dont la pre- Dimanche 20 septembre. Les deux chefs d’Etat ont lancé l’Appel de Tanger.. mière mouture a été publiée le 9 septembre par le ministère de la Santé. Ce projet de loi N° 28.15 re- ision partagée sur l’Afrique et tant accord bilatéral pour la formation lures d’une réunion de famille. C’est latif au service médical obligatoire pour les futurs les problèmes de la région, vo- d’Imams français au Maroc, visite du d’une «complicité» qu’il convient de médecins était, apparemment, la goutte qui a fait lonté réaffirmée de combattre complexe portuaire Tanger-Med… parler, tant l’intimité a parfois suppléé déborder le vase dans les rangs de celles et ceux Vla main dans la main le terrorisme, lan- C’est une intense activité à laquelle se au protocole. qui ont choisi l’un des métiers les plus nobles. cement de «l’Appel de Tanger » sur le sont livrés le Roi Mohammed VI et le La délégation ministérielle qui ac- En effet, ceux-ci brandissent en étendard leur réchauffement climatique dans la pers- Président François Hollande, lors de compagnait le Président français n’a pas colère quant au SMO (service médical obligatoire) pective des COP 21 à Paris et COP 22 sa visite à Tanger, du samedi 19 au di- tari d’éloges sur l’accueil chaleureux et refusent catégoriquement de s’y plier exigeant un dialogue avec le ministre de la Santé. à Marrakech, hommage au Royaume du manche 20 septembre. qu’elle a reçu. Ce dernier, quant à lui, dit être ouvert à toute suggestion à condition que les futurs méde- Maroc pour sa stratégie énergétique, Outre le tour d’horizon auquel ils Une nouvelle ère est désormais née cins proposent une alternative. Le bras de fer entre les deux parties semble rédhibitoire : inauguration du Centre de maintenance ont procédé dans leurs entretiens, les et, pour ainsi dire, l’esprit de Tanger d’un côté, les étudiants continuent à boycotter l’année universitaire et déclarent qu’ils des rames du TGV marocain, lancement séances de travail élargies, les deux prédominera entre les deux chefs d’Etat sont prêts à faire une année blanche. De l’autre, dans l’entretien qu’il nous a accordé, des travaux de construction de l’Institut chefs d’Etat ont conféré au Sommet de et les deux pays. El Houcine El Ouardi manifeste sa détermination à ne pas faire marche arrière. de formation aux métiers des énergies Tanger une dimension exceptionnelle Hassan Alaoui Lire en pages 23, 24 et 25 l’entretien réalisé par renouvelables, signature d’un impor- qui a vite fait aussi de prendre des al- Lire en pages 6 et 7 Jamal Hafsi

HOMMAGE ENQUÊTE DANS CE NUMÉRO L’héritage EDITORIAL démantelé Les réseaux sociaux, Le vertueux de Abderrahman chemin du PJD El Youssoufi pour un monde sans frontières ? Lire en page 2 ncien Premier ministre de 1998 Par Souad Mekkaoui à 2002, ancien premier secré- l’ère où la communication s’ins- COUP DE GUEULE taire de l’USFP, Abderrahman crit dans un esprit de proximité L’autre journalisme ou «la morale» AEl Youssoufi est aujourd’hui un «re- dans l’immoral Pages 4 et 5 et d’instantanéité, à l’heure où le traité», mais jamais en retraite poli- Àpublic est submergé d’informations et de CASABLANCA tique totale. L’homme qui a conduit nouvelles de toutes sortes, au moment où Forum d’experts mondiaux sur sous le Roi Hassan II l’alternance la guerre des tweets et des posts investit l’insécurité et le terrorisme tenait l’USFP en bonnes mains. Il en le quotidien de tout un chacun, les réseaux Page 8 était le rassembleur et le fédérateur, sociaux s’enracinent, de plus en plus, dans PORTRAIT La façade du siège avant d’assister – de loin, non sans vi- la vie des citoyens et des communautés de TGCC sera signée gilance – aux multiples crises qui l’ont tissant ainsi leur toile autour des quatre Abdallah Sadouk Page 19 frappée et l’ont conduite à une scis- coins du monde. Ces pivots jouent un LIVRES sion qui semble irréversible. L’USFP rôle crucial dans la formation des idées «Quand Adam a décidé de vivre» a commencé à perdre du terrain depuis notamment là où se trouvent des acteurs de Rachid Khaless les élections de 2007, sa cohésion ayant clés de l’opinion, à savoir Twitter qui s’en et «Les territoires de Dieu» été fissurée et son unité a volé en éclats. remet à un simple éclair pour réveiller son de Abdelhak Najib Pages 22 et 23 L’héritier de Abderrahim Bouabid, audience. ANALYSE Sincérité des élus, pas formé dans le sérail de Mehdi Ben En effet, le monde entier est presque tout à fait au rendez-vous Barka, ne peut pas ne pas assister au connecté à Internet à tel point que le pou- Page 26 spectacle mortifère que connaît sa for- voir des réseaux sociaux, comme Face- TOUR D’HORIZONS - Mariées, mation politique… L’héritage qu’il a book, s’imposent, petit à petit, comme des violentées et condamnées à se taire laissé est démantelé. intermédiaires entre les médias et leurs pour rester en France Page 27 Souad Mekkaoui lecteurs jusqu’à faire trembler, désormais, - Estocade finale au général Lire pages 30 et 31 ces outils d’information, autrefois, indé- Mohamed Medine, alias Toufiq trônables sur leur socle. Lire notre dossier pages 14, 15, 16, 17, 18… Page 28 MAROC 2 SEPTEMBRE 2015 ????? diplomatique

ÉDITORIAL Le vertueux chemin du PJD es dernières élections communales qu’ils constituaient il y a seulement quelques et les compétitions prochaines. Des forma- et régionales – pour la première fois années les piliers de la Koutla avec le PPS, tions comme l’Istiqlal, l’USFP notamment, L au suffrage universel direct - ont, disons même la majorité gouvernementale, l’Union constitutionnelle aussi, ébranlées à la surprise générale, fait émerger deux les voilà relégués au rang des grands per- voire laminées pour certains, devraient reve- forces sur l’échiquier marocain : le PJD et le dants. A telle enseigne que l’on est en droit nir de loin pour reconquérir leurs électeurs PAM, tous deux étant ce qu’on peut appeler de s’interroger sur leur capacité de faire et grignoter un tant soit peu sur ce qui serait de « nouveaux et jeunes partis » ! Au plan face à l’érosion qui les gagne, tandis que cette année le champ des potentiels déçus communal, le premier a arraché la majorité le PJD renforce son ancrage et monte en des nouveaux élus. On leur voue des champs des mairies des grandes villes, notamment puissance et le PAM lui emboîte le pas. Sans d’embûches et d’obstacles, on ricane même Casablanca, Marrakech, Agadir, Salé, Fès doute, le scrutin du 4 septembre dernier n’est dans les chaumières sur leur inexpérience et Tanger et le deuxième la quasi-majorité qu’un scrutin local et régional aux yeux de et leur dogmatisme récurrent – idéologique des autres villes du Maroc profond. Au ni- beaucoup, et n’est pas de nature à détermi- s’entend. veau régional, le PAM arrive en tête avec ner les enjeux nationaux. Il reste que tous Un an, donc ! Mais la géométrie électo- cinq régions sur douze, ce qui le positionne les partis en ont fait une épreuve politique, rale d’aujourd’hui ne laisse aucune chance, immanquablement dans le leadership poli- une sorte de test pour mesurer à la fois leur jusqu’à nouvel ordre, à un parti comme l’US- tique. Quant aux autres formations, mises en poids dans la réalité quotidienne et celui de FP qui, des années durant, avait été la force difficultés, elles suivent cahin caha, peinant leurs adversaires. d’attraction des agglomérations urbaines et à résister au courant du changement et aux Le PJD et le PAM, puisqu’il s’agit de deux de leurs populations. Il s’est fait progres- humeurs d’un lectorat qui, dans l’ensemble, principaux adversaires, ont « ratissé large » sivement phagocyter entre 2007 et 2011 a tenu à sanctionner les uns et à conforter en investissant des candidats sur la quasi-to- par un PJD vorace et coriace, nous dirions les autres. Fidèle à sa promesse, Mohamed talité du Royaume, soucieux qu’ils étaient de pédagogue, qui a su dépouiller la gauche Hassad, ministre de l’Intérieur avait fourni marquer leur présence. Le PJD en particu- traditionnelle de ses bases urbaines, grâce le soir même des résultats tangibles : le PJD lier a doublé sa mise en termes de candidats, à une communication des plus modernes. a obtenu 174 sièges sur 678 dans les conseils alors qu’aux dernières élections de 2009 il Entre le scrutin législatif de novembre 2011 régionaux, soit 25,6% ; le PAM, son rival avait préféré, non sans cesser de le procla- et les élections communales et régionales principal 132 sièges, soit 19,4% et le Parti mer, s’en tenir à quelques circonscriptions de septembre 2015, c’est une véritable hé- de l’Istiqlal, 119 sièges, soit 17,5%… Cette pour ne « pas faire le plein » ! Aujourd’hui, morragie qui a vidé les rangs de la gauche configuration devait en réalité connaître par il s’en réjouit, doublement conforté d’être au profit du PJD. C’est dire que ce dernier la suite des réaménagements, notamment à la fois au gouvernement et désormais en a su capitaliser sa « virginité » politique, après les alliances et des renversements inat- première ligne sur le plan local. Il ressort conquérir les cœurs et pervertir les anciens tendus qui ont donné à ce scrutin un relief des élections locales et régionales une autre mécanismes où, entre corruption et irrégu- particulier. carte politique, nouvelle à coup sûr, mais larités, les scrutins étaient confectionnés Pour les communes où 31503 sièges, peu ou prou incertaine encore. Pour beau- d’avance et les résultats bradés au gré des étaient à pourvoir, le PAM l’a remporté coup, elle devrait déterminer la vision – et têtes et des intérêts. haut la main, notamment en milieu rural en donc la stratégie -- des partis à l’approche L’interrogation vaut ce qu’elle vaut, mais recueillant 21,1%, soit 6655 sièges, suivi de l’échéance électorale prochaine, celle elle nous interpelle : le PJD est sorti gagnant du Parti de l’Istiqlal avec 16,2%, soit 5106 des législatives prévues plus ou moins en du scrutin communal du 4 septembre 2015, sièges et le PJD qui a obtenu 15,9% et 5021 octobre-novembre 2016. en accaparant 17 grandes villes, il sera sièges. Là aussi, le paysage issu des élec- Il convient de souligner que, désormais et confronté donc à la gestion des villes, avec tions changera, car les Conseils communaux jusqu’à cette échéance, tous les partis poli- leur lot de problèmes domestiques mais non des villes les plus importantes passeront au tiques rentreront dans une phase d’électo- accessoires: l’électricité, la voirie, l’école, PJD. On espérait, à la lumière du battage ralisme, ils battront le pavé et n’auront de la santé, la culture, etc Tout ce qui est ro- médiatique et d’une communication tous cesse de conquérir leur crédibilité et d’as- turier et populaire en somme, incarnant la azimuts que le taux de participation serait seoir leur stratégie à l’horizon de cette date philosophie de l’engagement du PJD, « plus plus important que les 53,6% obtenus, mais fatidique, susceptible – nous dit-on – de dé- près du peuple »… Le PJD est-il devenu un il n’a pas été possible d’aller au--delà de ce terminer le cours des dix prochaines années parti banalisé ? Il ne faut pas oublier l’ad- chiffre fatidique qui ne bouge pas depuis des ! A savoir si le Maroc s’inscrira dans l’op- hésion d’une classe moyenne de plus en plus années, malgré les campagnes lancées sur tique du PJD et de l’islamisme ou s’il chan- significative à ce parti qui entend incarner la les chaines de télévision et de radio. gera de couleur politique… A l’évidence, le vertu, la lutte anticorruption, la moralisation La première leçon est que des partis comme scrutin du 4 septembre dernier, fût-il le plus de la vie publique et qui veut réconcilier les l’USFP ou même l’Istiqlal voient leur in- local dans sa finalité, a constitué une ma- citoyens avec eux-mêmes… fluence et leur poids démantibulés. Alors nière de répétition générale pour les luttes Hassan Alaoui

RÉDACTION : Directeur Technique et artistique : SOCIÉTÉ : Journalistes & Collaborateurs : IMPRESSION Directeur de la publication : Abdeltif Chakir MAROC Maroc diplomatique SARL Hassan Alaoui E-mail : [email protected] Bouthaina Azami, Tél : 05 22 45 20 04 E-mail : h.alaoui [email protected] Secrétaire de la Rédaction Hassan Riad, diplomatique 42, Avenue des FAR El Hassane Rakou Mohamed Malki, [email protected] Directrice de la rédaction : [email protected] Yassine Ben Ali, Dépôt Légal : 2014/59 Souad Mekkaoui Reporter photoghraphe Abderrahim Bourquia (Al Ahdath ) E-mail : [email protected] Bachir Annoub MAROC diplomatique SEPTEMBRE 2015 3 MAROC 4 SEPTEMBRE 2015 HUMEUR diplomatique

COUP DE GUEULE L’autre journalisme ou « la morale » dans l’immoral tions sont «dévastatrices». L’entrevue se termine sur une conversa- Par Souad Mekkaoui tion hallucinante révélée par Le Journal du Dimanche, le 30 août : « J’ai un chiffre. Je veux trois. arce que la France qui a porté dans ses entrailles des journa- Trois quoi, trois mille ? » listes de la trempe d’Hubert Beuve-Méry et les prestigieuses En guise de réponse à un rire nerveux du journaliste, l’avocat signatures de François Mauriac, Paul Gordeaux, Antoine répond : « C’est ce que valent vos prétendues révélations sur l’OCP, Pde Saint-Exupéry, Blaise Cendrars, Pierre Lazareff, Françoise Gi- non ? roud et bien d’autres, parce que la France qui a abrité l’affaire de Non, 3 millions. Dreyfus et puis celle de Calas, défendues bec et ongles par des Trois millions de dirhams ? hommes consciencieux et honnêtes prêts à se sacrifier pour des Non, 3 millions d’euros » causes nobles, cette même France ne pouvait tolérer que deux de Après quelques négociations, et selon les transcriptions auxquelles ses rejetons souillent un métier noble, une profession de foi. Oui, Le Monde a eu accès, l’avocat résume : « Donc pour vous, l’objectif, le journalisme n’est pas un métier comme les autres. C’est un mode en cas d’accord (…), vous prenez l’engagement avec Catherine de vie et une religion, celle de la véracité, de l’intégrité, de l’impar- Graciet d’oublier, d’oublier de façon absolue de parler de tout ce tialité, de l’honneur professionnel et de l’éthique. Mais dès qu’on qui peut toucher de près ou de loin [au Maroc] ». « Oui, tout à fait se sert de cette profession en tant que pouvoir, avec l’intention d’accord », répond Laurent. délibérée de nuire, c’est qu’on porte préjudice aux fondamentaux et aux règles de la déontologie journalistique. Toutefois, la France «Fontaine, je ne boirai plus de ton eau» n’est pas la seule concernée dans cette affaire, il s’agit bien de la Qui sont ces journalistes par qui arrive le scandale ? valeur morale universelle d’une mission dont il faut s’acquitter Eric Laurent, journaliste de 68 ans, est l’auteur de plus d’une solennellement. D’entrée de jeu, la presse française ne devrait pas dizaine de livres où le sujet dominant est presque toujours l’argent, tirer d’affaire. Pour cela, ils nient catégoriquement le chantage et se laisser affecter dans ses relations avec la presse marocaine juste le pouvoir et les affaires louches, mots de prédilection pour ce évoquent un « traquenard » devant les enquêteurs lors de la garde par un excès de solidarité obligée et que les deux commencent à se journaliste porté sur les écrits-thrillers en usant de sensationnalisme à vue. A prendre leur paroles pour vraies, on croirait que le Palais a faire des croche-pieds. Certains journalistes s’improvisent avocats dans ses investigations. En 2004, il publie La Face cachée du 11 tout manigancé pour qu’à la fin, on fasse du tapage sur le livre dont du diable et défendent l’indéfendable allant jusqu’à imbiber leurs septembre, « le livre de la conspirosphère » qui catégorise l’auteur on ne voulait pas qu’on parle ! De l’insensé pur et dur ! articles de hargne et de haine à l’égard du Maroc mis dans le colli- du côté des complotistes, selon L’Obs. Eric Laurent est présent sur tous les plateaux de télévision pour mateur depuis quelque temps. Ceci dit, Eric Laurent qui est quand même un grand journaliste se défendre et se justifier. Interrogé par iTélé, le journaliste-écrivain L’honnêteté étant l’étendard de ce métier, il faut bel et bien se d’investigation depuis une quarantaine d’années ne serait-il pas maintient que les enregistrements audio ont «été modifiés avec des mettre du côté de la raison quelles que soient les parties. donc ce professionnel intègre ? Avait-il plutôt des moyens malsains moyens techniques élaborés ». pour avoir ses informations chaque fois qu’un intérêt quelconque Sur la parution du livre qui devait s’intituler « Affaires de fa- Une affaire des plus troublantes stimule son esprit ? mille », il promet sa sortie chez un autre éditeur, dès que la justice En tout cas, en 1993, il publie « La Mémoire d’un Roi », un leur accordera l’autorisation de se voir, Catherine Graciet, sa co-au- dans l’Histoire de la presse française entretien avec Feu le roi Hassan II, où le journaliste se montre élo- teure, et lui. Et pour cause, Le Seuil, l’ancienne maison d’édition de D’après le journal Le Monde, tout démarre au mois de juillet, le 23 gieux. En 2000, il récidive avec la publication d’un nouveau livre l’écrivain, avait mis fin au contrat pour « crédibilité insuffisante » exactement, lorsque le secrétariat particulier du Roi reçoit un coup d’entretiens toujours avec Sa Majesté Feu Hassan II et qu’il intitule et que « la relation de confiance » entre les deux parties était bel de fil d’Eric Laurent. Au téléphone, une assistante prend un message Le Génie de la Modération. Il faut bien reconnaître que ces deux et bien « dissoute ». aux accents inquiétants : « Merci à M. Majidi de me rappeler. J’ai écrits mettent en emphase la personne dudit journaliste-écrivain vu Sur le plateau d’iTélé, Eric Laurent déclare : « Je n’ai pas de- des éléments d’une extrême gravité à lui communiquer. » C’est que le souverain d’alors n’accordait pas ses entrevues au commun mandé de l’argent, on m’a proposé un accord pour ne pas publier alors l’avocat attitré du secrétariat, Maître Naciri, qui se chargera de des journalistes. Mais dix ans plus tard, celui-ci change d’angle le livre. Je n’ai pas été à l’origine de cet accord comme le prétend l’affaire. Dans un premier temps, Eric Laurent refuse de lui parler d’attaque et publie avec Catherine Graciet (41 ans) « Le Roi préda- l’avocat du clan Moretti ; c’est lui qui est à l’origine de cela. (…) mais il rappelle après s’être renseigné et dit qu’il préfère parler de teur : Main basse sur le Maroc ». Le 23 juillet, j’ai appelé le palais royal pour dire que nous avions vive voix avec l’avocat (extrême vigilance ?). Suit alors un premier D’ailleurs, son entourage fait l’objet d’une enquête qui déjà s’ar- des documents sensibles sur la famille royale et que nous voulions rendez-vous le 11 août, à Paris au bar du Royal Monceau où les rête sur le profil de son fils Samuel Laurent, auteur d’ouvrages discuter avec Mounir Majidi. (…) Il ne s’agit pas d’un chantage mais deux hommes parlent d’argent pour qu’un livre à charge ne soit pas controversés sur l’Etat islamique ou Al Qaïda. Celui-ci, inconnu d’un accord transactionnel (…) Quand même, c’est une transaction publié. Mais le journaliste-écrivain était à mille lieues d’imaginer où –d’après Libération – jusqu’à 2013, a écrit trois livres, en l’espace privée et ça ne regarde que moi ! ». Alors qu’il avait reconnu avant le mènerait la scène d’exposition qu’il était en train d’improviser. d’un an, publiés au Seuil et « peine toutefois à justifier ses approxi- avoir « suggéré à Naciri dès le premier rendez-vous une somme Il était loin d’imaginer qu’il mettait en scène une tartufferie dont mations » et « donne des chiffres qu’il est incapable de sourcer», en contrepartie de la non-parution du livre dont le contenu nous la scélératesse est si scandaleuse qu’elle porte atteinte à toute une selon L’Obs. inquiétait Catherine et moi ». « Il m’a semblé que ce livre était carrière et à l’âme d’une mission des plus nobles. très sensible et qu’au fond il serait préjudiciable à la stabilité du En effet, et immédiatement après, une plainte est déposée, le 20 Maroc », justifie-t-il.« La justice française a voulu faire plaisir au août, par Ralph Boussier, avocat du Maroc en France auprès du D’entrée de jeu, la presse française Roi du Maroc et cela passait par notre mise en garde. (…) C’est le parquet de Paris, et la police entre en jeu. Le 21 août, une deuxième ne devrait pas se laisser affecter dans ses premier paquet cadeau qu’on a envoyé à pour dire : Voilà réunion où la police est discrètement présente a lieu. Les propos relations avec la presse marocaine juste Majesté, on a satisfait vos desiderata. (…) La France s’est pliée de Laurent sont enregistrés et des photos sont prises. Le journa- aux caprices d’un monarque qui avait peur de ce que nous allions liste maintient le montant qu’il avait déjà avancé antérieurement: par un excès de solidarité obligée révéler dans le livre. Nous avons été piégés. C’est un traquenard 3 millions d’euros contre la non-publication du livre. Seulement, et que les deux commencent à se faire dès le début », ajoute-t-il en s’enfonçant davantage et en disant sur Eric Laurent n’est pas seul dans l’affaire, Catherine Graciet fait des croche-pieds. Certains journalistes le plateau iTélé qu’il était venu « dénoncer un dysfonctionnement de partie de la fête et partage avec lui la névrose du scandale. Jeudi la justice française pour faire plaisir au Roi du Maroc ». 27 août, à l’hôtel Raphaël – que Graciet a choisi pour sa discrétion s’improvisent avocats du diable Tout est clair dans les propos du journaliste qui avait pourtant –, on reparle d’argent, et le couple accepte de baisser son tarif à et défendent l’indéfendable allant jusqu’à sorti deux livres d’entretiens avec Feu le Roi Hassan II. Mais force deux millions d’euros. Le journaliste confie à l’avocat : « Pour le imbiber leurs articles de hargne est de rappeler que depuis l’accession de Sa Majesté Mohammed VI paiement, on a besoin d’environ huit jours, c’est soit Singapour ou au trône, le journaliste-écrivain n’a plus accédé au palais. plus sûrement Hong Kong ». L’idée d’un habillage avec un faux et de haine à l’égard du Maroc mis dans Et comble de l’ironie, William Bourdon, l’avocat d’Eric Laurent, contrat de consulting est émise. Et pour signer le contrat, Laurent et le collimateur depuis quelque temps. souligne que la preuve qu’il n’y a pas eu de chantage est le climat Graciet demandent une avance de 40.000 euros chacun. détendu où s’est déroulée la réunion ! Graciet, quant à elle, avoue qu’ « en acceptant cette somme et Une mise en scène qui tourne mal Catherine Graciet, elle, est journaliste indépendante. Elle a tra- en signant cet accord, je ne voyais pas le mal, et je respectais la Et comme ce n’est pas un simple fait divers, les deux journalistes vaillé, au Maroc, pour . Elle semble ne déontologie journalistique de la protection des sources, car celles-ci sont mis en examen pour chantage et extorsion de fonds à l’encontre puiser la matière de ses ouvrages que dans le Maghreb. Son livre ne risquaient rien. ».Et comble de l’effronterie : « Je ne comprends du Roi Mohammed VI. Après une garde à vue de plus de 30 heures « Quand le Maroc sera islamiste » est paru en 2006. En 2009, elle pas que Me Naciri fasse ouvertement une proposition de corruption dans les locaux de la Brigade de répression de la délinquance contre publia « La Régente de Carthage. Main basse sur la Tunisie » qui à des journalistes français ». la personne, les accusés sont déférés, vendredi soir, devant un juge aurait fait aussi objet de chantage, suivra « Le Roi prédateur » avec d’instruction qui les a mis en examen pour « chantage » et « extor- Eric Laurent en 2012, puis « Sarkozy-Kadhafi. Histoire secrète Des faits dignes d’un thriller sion de fonds ». Une information judiciaire est ouverte par le parquet d’une trahison » sorti en 2013. Les titres dispensent, bien entendu, Jeudi 3 septembre, Le Monde dévoile l’identité du « service de de Paris et trois juges sont chargés de l’affaire. Les deux «suspects» de tout commentaire. renseignements » qui aurait fourni à Laurent ce qu’il dit être des sont relâchés samedi sous contrôle judiciaire. Finalement, on ne fait bien que les livres que l’on veut bien vendre informations compromettantes. Il s’agirait de Kroll, un service spé- Selon Le Monde Afrique, et comme l’a relaté Maître Naciri à peu importe le moyen utilisé. Les livres à scandales étaient appa- cialisé dans le renseignement économique qui aurait remis au jour- l’entourage de Mounir Majidi, Eric Laurent lui aurait dit : «Avec ma remment la passion partagée des deux journalistes emportés par la naliste son rapport d’audit sur le Maroc ! Cette compagnie fondée collègue Catherine Graciet, nous avons signé pour la publication fougue d’en faire plus. par un sioniste communautaire Jules Kroll surnommée « la CIA de au Seuil d’un «Roi prédateur N°2». (…) Nos informations sont Wall Street » et dont le PDG d’alors, Michael Cherkasky, a collaboré explosives. La monarchie ne peut pas se permettre le scandale que La version des journalistes avec le Mossad, la CIA ainsi qu’avec l’AIG, véritable pépinière causerait un tel livre. » Voyant la réaction plutôt décontractée de «Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent d’ex-espions. Pas étonnant puisque cette liaison dangereuse avait l’avocat qui trouve que les sujets dont lui parle Eric Laurent « sont les mots », Jean Jaurès ne pensait pas si bien dire. Et c’est le cas déjà tissé ses liens lors des événements du 11 septembre. plus qu’épuisés par la presse», celui-ci maintient que ses informa- de le dire à propos de ces deux journalistes qui tentent tout pour se HUMEUR SEPTEMBRE 2015 5

COUP DE GUEULE

La mauvaise foi est flagrante à partir du moment où le journaliste a contacté le palais royal pour solliciter un rendez-vous. Il a beau dire qu’il voulait que Mounir Majidi s’explique sur des faits, il est clair que les intentions étaient autres. Et puis, l’avait-il fait avant d’écrire « Le Roi prédateur » « pour croiser ses informations avec celles du palais » comme il a prétendu ?

terdits dans le Royaume, plusieurs d’entre nous les ont lus sans que cela ne nuise à la stabilité du pays. Que des sujets consommés et épuisés par la presse internationale et même nationale ! Le Maroc n’a plus rien à cacher. Alors s’ils détiennent vraiment ces informa- tions « dévastatrices » et « apocalyptiques » comme ils aiment le répéter, qu’ils sortent leur livre pour voir quel impact cela aurait sur le pays !!! D’ailleurs, Eric Laurent change de registre et opte pour le pathé- Le blog ou site officiel d’Eric Laurent et le profil Facebook que ce n’est pas la première fois que la journaliste est accusée de tique. Lors de l’une de ses dernières « sorties » où il était extrême- de Catherine Graciet sont l’électroencéphalogramme d’un couple de chantage et d’extorsion de fonds avant la publication d’un livre. ment confus devant les journalistes de France 5, il n’a pas hésité à journalistes qui font du Maroc ou plutôt du Roi du Maroc une fixa- Et dans tel cas, comment pourrait-on qualifier des journalistes jouer une autre fausse note : il sortirait son livre si toutefois il ne tion et qu’ils sont prêts à faire sauter la planète pour que tremble le qui se font payer pour se taire, des journalistes qui font de leur lui arrivait un malheur… Royaume sur son socle. Or, cette affaire crapuleuse leur apprendra écrit un outil pour aller monnayer leur silence ailleurs ? Il semble Lorsqu’on croit fermement à la justesse de l’objectif visé, on qu’il est inébranlable et que ce n’est pas leur prétendu brûlot qui bien que l’appellation appropriée dans une telle situation est se prémunit contre tout ce qui pourrait entraver notre parcours. allait perturber le Maroc. On en a vu bien d’autres. « maîtres chanteurs » puisqu’on doit bien poser sur chaque nom Dire qu’on détient une ou des vérités qu’on jette à la « poubelle de Interrogé par Yves Calvi s’il y a eu chantage ou pas, Eric Laurent une « fonction » maintenant que l’honneur est jeté aux chiens. l’Histoire » moyennant de l’argent est la pire des trahisons de la répond du tac au tac : « Certainement pas ! On me l’a proposé de Des journalistes qui attentent au plus haut symbole du pays non part d’un journaliste qui doit faire de la sincérité et de l’honnêteté façon insidieuse, ce n’était pas pour dealer avec moi, c’était pour pour « éclairer le peuple » comme ils prétendent le faire mais sa religion. Céder à la tentation, c’est s’y soumettre délibérément. me piéger ». N’est-ce pas là le comble de la dérision quand on a pris pour faire dans la provocation, des journalistes qui cèdent à la ten- Tous les mots du dictionnaire auxquels on pourrait faire appel ne connaissance de la « lettre contractuelle manuscrite » rédigée par tation délaissant toute valeur professionnelle et déontologique ne changeraient rien à la vérité qui domine l’acte. Quand on est en la journaliste Catherine Graciet le 27 août 2015, au bar de l’hôtel sont pas dignes de respect ni de confiance. Et l’éthique en a pris un quête de vérités, le chemin peut être entravé d’embûches. Le mal Raphaël à Paris et signée avec son confrère Eric Laurent, publiée coup fort ! La mauvaise foi est flagrante à partir du moment où le est aux aguets et seul le bien vainc. exclusivement par la chaîne de télévision BFM TV. Lettre dans la- journaliste a contacté le palais royal pour solliciter un rendez-vous. Il est évident qu’il s’agit d’attaques vénéneuses qui ciblent, de- quelle ils s’engageaient à « ne plus rien écrire sur le Maroc, à ne plus Il a beau dire qu’il voulait que Mounir Majidi s’explique sur des puis quelque temps, le Maroc, donc il est légitime de se poser la s’exprimer publiquement sur ce pays directement ou indirectement faits, il est clair que les intentions étaient autres. Et puis, l’avait-il question : A qui profite tous ces complots et coups bas dont le seul ou par personne interposée ni à faire quelque révélation que ce soit fait avant d’écrire « Le Roi prédateur » « pour croiser ses infor- objectif est déstabiliser le Royaume ? n sur le sujet et à se taire définitivement et à ne partager avec qui que mations avec celles du palais » comme il a prétendu ? ce soit tout document ou information en leur possession ». Dans la Il est vrai que quiconque peut céder à la tentation, mais quand même lettre écrite de sa main, Graciet ajoute : « Nous confirmons il s’agit d’un journaliste qui monnaye ses écrits, cela est inconce- avoir reçu à ce jour une avance de 80.000 euros ». En plus, dans vable et impardonnable. Encore plus quand celui-ci tient tête et Le Journal du Dimanche, Catherine Graciet se montrera prête à invente les prétextes les plus farfelus pour se trouver une excuse jeter aux oubliettes cet ouvrage « Une enquête qui finira dans la peu convaincante. poubelle de l’Histoire », dira-t-elle selon le JDD. Eric Laurent – qui n’a pas de leçon à apprendre comme il ne Me Eric Moutet, avocat de Catherine Graciet, a confirmé vendredi cesse de le répéter – a beau faire le tour des plateaux de télévision, 28 août l’existence d’un « deal financier » dans « un contexte très il a beau nier l’intention du chantage, il a beau dire qu’une partie troublant » et évoque « un piège » tendu. Sa cliente, quant à elle, des enregistrements était modifiée, il ne peut nier les faits qui sont a reconnu au Parisien que c’était « un accès de faiblesse », avant là. Il est là l’écho des discussions assez longues qui n’ont pas été d’ajouter : « C’est humain, non ? Chacun se demande ce qu’il ferait inventées, qui sont retranscrites et qui scellent les négociations et de sa vie avec deux millions d’euros ». Les dissonances ne tardent les modalités de la transaction financière. Sachant d’ailleurs que pas à résonner. Catherine Graciet avoue que tout était organisé par ce sont des pièces à conviction qui dérangent la défense, celle-ci a Laurent au moment où celui-ci déclare qu’ils étaient « d’accord réclamé l’annulation d’une partie de ces enregistrements. sur tout depuis le début jusqu’à la fin. Il n’y a pas eu la moindre Comme l’a relevé notre confrère HuffPost Maroc, à travers le divergence de l’épaisseur d’une feuille de cigarette entre nous ». communiqué publié le 3 septembre sur le site de l’Observatoire de la déontologie de l’information (ODI), « Un journaliste digne de Une affaire qui a fait le tour de la presse ce nom ne saurait payer une information ou un informateur (…) et D’après le JDD, Eric Laurent a avoué à leur interlocuteur (l’avo- ne saurait se faire payer par une source ou un tiers intéressé pour cat) qu’il préparait sa retraite alors que lors de sa garde à vue, il publier, retenir ou supprimer une information ». Eric Laurent, invité brandira un mobile humain celui du cancer généralisé de sa femme. sur le plateau de France 5 pour se défendre lors de l’émission « C à Par contre, Graciet ne se gênera pas à justifier une telle somme par vous », prétend avoir voulu donner la parole au Roi Mohammed VI un projet d’équitation dont elle avait toujours rêvé. Et les deux « parce qu’il y avait des risques que ce pays implose » ! Intention complices finissent par envisager le remboursement de leur maison louable ! Pourtant en rédigeant « Le Roi prédateur », n’avait-il d’édition qui leur coûterait aux environs de 200.000 euros. Un des- pas la forte intention de déstabiliser le Royaume ? Seulement, il sein plausible pour justifier la somme faramineuse demandée ! Le sous-estime l’intelligence des Marocains qui, il est vrai, curieux de Journal du Dimanche mentionnera qu’à la question de Me Naciri tout savoir, ils savent tout de même prendre du recul et recoupent qui demandait à savoir comment leur était venue l’idée de renoncer l’information sans se laisser ébranler dans leurs convictions. Bien à la rédaction de ce livre, Graciet répondra : « J’ai eu peur des d’autres livres ont été écrits par d’autres journalistes ou écrivains conséquences », puis de rajouter « ça partira dans la poubelle de dans ce sens et bien qu’ils aient été in- l’Histoire, c’est tout ». Et on ose parler de « coup monté pour les discréditer de leur lectorat public » comme le prétend Graciet ! Le site Barlamane.com citera des extraits de l’enregistrement clandestin auquel il a eu accès. Graciet aurait chargé plusieurs de ses confrères qui n’ont pas échappé à sa mauvaise grâce. Pour Seulement, elle, « Pierre Tuquois est un homme fini qui ne représente plus il sous-estime rien, alors que l’Espagnol Ignacio Cembrero se croit une star l’intelligence des mondiale mais n’est en réalité qu’un tonneau vide. Quant à Abou Bakr Jamaï et son père Khalid Jamaï, ils ne sont à ses yeux que Marocains qui, il est de pseudo-opposants ». vrai, curieux de tout savoir, ils savent Degré zéro d’éthique ? tout de même prendre Qu’ils sortent un livre sur le Roi Mohammed VI, on en est du recul et recoupent peu heurtés, par contre qu’ils en fassent l’objet d’un chantage ou l’information sans se de « négociation », cela choque la conscience de tout un cha- cun. Cela dénote un univers à forte densité malsaine. On ne peut laisser ébranler dans jouer aux coupeurs de cheveux en quatre puisque les faits sont là. leurs convictions. D’ailleurs, Olivier Ravanello explique à une chaîne de télévision MAROC 6 SEPTEMBRE 2015 NATION diplomatique

La France et le Maroc scellent leur nouvelle amitié

S.M. le Roi Mohammed VI accueillant le Président français, François Hollande, à Tanger.

ntre la première visite en avril 2013 que la continuité l’a emporté sur la rupture, la une volonté partagée des deux chefs d’Etat de dirhams, cet atelier fait partie intégrante de François Hollande, Président de continuité historique qui est aux deux pays ce de renforcer un partenariat qui évolue, qui du projet de ligne à grande vitesse (LGV) la République française, au Maroc et que l’acte de foi fondateur est à une alliance. passe de « stratégique » pour reprendre une Tanger-Casablanca qui prévoit également la Ecelle du 19 septembre 2015, il se sera passé Et de fait, la France et le Maroc sont des alliés, formule consacrée à celui de l’exception, réalisation d’une ligne nouvelle Tanger-Ké- quelque 29 mois. Un temps significatif dans l’engagement de l’un et l’autre pour affermir confortant à vrai dire la pérennisation d’une nitra de 200 km en double voie électrifiée, la relation singulière entre le Maroc et la chaque jour un peu plus leur communauté de histoire commune qui remonte à loin. Si elle la construction de bases travaux à Kénitra France, marqué au sceau d’une volonté réd- destin, leur solidarité au-delà des conjonc- est présentée comme une redynamisation du et Tnine Sidi El Yamani, le réaménagement hibitoire de part et d’autre de transcender les tures, soucieux qu’ils sont de préserver le lien partenariat, articulée sur des projets et des de deux installations terminales (gares de difficultés, de surmonter les obstacles qui, ici sacré même, les incitent à redoubler d’efforts. chantiers comme celui de l’énergie, de la Kénitra et de Tanger), l’acquisition de 12 et là, surgissent de manière quasi anodine La France, on ne l’a que trop dit, est le pre- lutte contre le terrorisme, de la coopération Trains à grande vitesse et l’aménagement pour prendre de graves dimensions. Entre mier partenaire du Maroc depuis la nuit des technique comme l’illustre le choix par le de nouvelles gares LGV à Tanger, Kénitra, le Maroc et la France existe une relation à temps, quand bien même l’Espagne l’aurait Maroc du Train à grande vitesse (TGV) , la Rabat-Agdal et Casa-Voyageurs. double détente : il y a l’amitié multiséculaire devancée. En termes de présence économique formation des Imams français sur le modèle Le nouveau Centre de maintenance, im- qui transcende les régimes et les hommes, et financière, de coopération technique et marocain, le climat dans la perspective de planté à quelques kilomètres de la Gare ter- qui n’est à la merci d’aucun régime ou d’une culturelle, militaire même et, ce n’est pas le la COP21 où le Maroc joue d’ores et déjà minus de Tanger, assurera, dans un premier conjoncture. Et il y a aussi, concomitam- moindre détail, au niveau politique. un rôle significatif , de la COP22 qu’il abri- temps, le remontage des éléments de trains à ment, le cycle des crises, des animosités et On n’en veut pour preuve que le soutien tera en 2016, la migration, les réfugiés, les grande vitesse en provenance des usines Als- des querelles justifiées. C’est peu dire que irréversible, nuancé en langage selon les problèmes régionaux, la visite de François tom de La Rochelle (France), via le port de les deux chefs d’Etat, non contents d’aller de époques et les conjonctures françaises, à Hollande a pris une dimension symbolique, Tanger Méditerranée. Il se chargera, dans un l’avant, expriment leur volonté de renouve- la cause marocaine du Sahara sur lequel la celle d’une amitié scellée, inscrite dans la deuxième temps, notamment lors de la phase ler leur entente et renforcer la convergence France ne transige nullement. Le délégué durée pour ainsi dire. d’exploitation, des opérations de contrôle et nécessaire de leur coopération. Toute à sa de la France aux Nations unies ne s’est ja- « Je voulais que la France et le Maroc de réparation des Rames à Grande Vitesse. lucidité, François Hollande n’a pas hésité mais départi de l’appui français au Conseil puissent entrer dans une nouvelle phase L’atelier de M’Ghogha a, d’ailleurs, déjà «Nous avons une d’emblée de réaffirmer « la solidité de la re- de sécurité, et l’actuelle majorité socialiste de partenariat », a déclaré François Hol- reçu deux trains à grande vitesse (TGV), lation bilatérale après une période difficile ». ne le cède en rien en termes de solidarité lande à son arrivée à Tanger, avant d’indi- le premier en juin dernier et le deuxième volonté commune d’agir Pour autant, la dernière crise qui a secoué sur ce dossier, eu égard aux gouvernements quer : « Nous avons une volonté commune au début du mois en cours. L’assemblage en Afrique et également pendant onze mois les rapports entre le Ma- précédents. La France réitère donc son appui d’agir en Afrique et également de lutter contre des composantes de ces trains a débuté dès de lutter contre roc et la France – de février 2014 à janvier et joue un rôle de premier plan au Conseil le terrorisme qui reste notre plus grande prio- réception. Réalisé conformément aux stan- 2015 – suite à une plainte déposée à Paris par de sécurité à cet égard. Peut-être, devrait-on rité » ! On relèvera le terme de « nouvelle dards internationaux par un groupement le terrorisme qui reste une association chrétienne pour une tentative mettre en exergue ce positionnement qui phase de partenariat », qui traduit donc la d’entreprises nationales, cet atelier est doté notre plus grande d’interpellation de , conforte le Maroc dans une logique élargie volonté de transcender les crises et les ma- des installations et outillages de pointe pour priorité» ! directeur de la DGST à l’époque, a été maî- sur le principe d’une solidarité qui n’a jamais lentendus et inaugure aussi la voie d’un ave- effectuer les différents niveaux de mainte- trisée par les deux gouvernements. Après été altérée, politique, économique, culturelle nir que les deux pays ont décidé de tracer. nance. Ceux-ci peuvent porter aussi bien sur de longs mois marqués par l’interruption et géopolitique. Ensuite, celui de l’engagement en Afrique, des opérations de surveillance en exploita- – d’aucuns diront le gel – de la coopération Les événements qui déchirent la région continent de prédilection pour le Maroc et tion que sur des révisions périodiques des or- judiciaire entre le Maroc et la France, pré- du Sahel, notamment les tentatives de dés- la France, potentiel relais de croissance bien ganes ou des examens mécaniques réguliers férant raison garder, un accord laborieux a tabilisation de pays comme le Mali, ont entendu, mais dont l’instabilité est devenue et des remplacements de pièces. été finalement négocié en décembre 2014 poussé la France et le Maroc à une coopé- chronique. Les deux pays exercent une sorte D’une capacité de 30 rames, l’atelier pour aboutir en fin de compte à la signature ration de facto, d’autant plus affirmée que de condominium partagé en Afrique, ils sont (14 ha) comporte notamment des bâtiments solennelle d’une nouvelle convention judi- le Mali constitue un allié de taille pour les déterminés néanmoins dans leur volonté de techniques et administratifs (20 000 m2), 14 ciaire le 30 janvier par la Garde des Sceaux, deux pays, l’avant-poste d’une Afrique sub- lutter contre le terrorisme. voies électrifiées d’une longueur de 10 km Christiane Taubira et le ministre de la Justice saharienne où, en dehors des intérêts divers, Hassan Alaoui avec une signalisation centralisée munie d’un et des libertés, Mustapha Ramid. il y va de la défense de la liberté face aux poste d’aiguillage informatique, une station En février 2015, le Roi Mohammed VI a obscurantismes. La diplomatie déployée par La coopération de lavage au défilement et des ateliers spé- rendu visite au président de la République l’un ou l’autre partenaire se conjugue, sans cialisés. Pour l’exploitation de l’atelier et française, François Hollande, qui l’a reçu contradiction, avec une volonté partagée de ferroviaire bien la réalisation de la maintenance des trains chaleureusement. Du long entretien que les préserver le principe sacro-saint d’intégrité sur les rails à grande vitesse, l’Office national des che- deux chefs d’Etat avaient eu, il en est sorti une territoriale et de souveraineté nationale du Le Roi Mohammed VI et le Président de mins de fer (ONCF) a créé une joint-venture déclaration commune plus ou moins tacite Mali, deux notions auxquelles la France et la République française, François Hollande, avec la Société nationale des chemins de fer qui ne dit, ni plus ni moins, que le conten- le Maroc demeurent fort attachés et dont ils ont procédé, samedi 19 septembre 2015, au (SNCF-France). L’objectif des deux parte- tieux franco-marocain était désormais apuré ! font, de toute évidence, leur credo ! quartier M’Ghogha à Tanger, à l’inaugura- naires est de capitaliser sur l’expertise SNCF, Que la mésentente était enterrée ! Une pro- La visite « d’amitié et de travail » de tion de l’atelier de maintenance des Trains de contribuer à assurer, de façon durable, fession de foi partagée, elle a mis un terme vingt-quatre heures que François Hollande à grande vitesse, un projet structurant fa- une exploitation fiable et régulière des trains à ce que les commentateurs n’avaient pas vient d’effectuer à Tanger sur invitation du vorisant le transfert de technologies et de à grande vitesse, et de permettre à l’ONCF hésité à qualifier et continuent de qualifier Souverain consacre effectivement une ami- savoir-faire entre les deux pays. Réalisé pour de monter progressivement en compétence de « brouille » ! On peut en effet affirmer tié traditionnelle, parce qu’elle s’inscrit dans un investissement global de 640 millions dans ce domaine. MAROC diplomatique NATION SEPTEMBRE 2015 7

Le Souverain et le Président français inaugurent à Tanger l’atelier de maintenance des TGV

A fin août 2015, l’avancement global Il nous faut agir vite, bien et collectivement. veur d’actions de lutte contre le changement réduire la consommation de sources d’éner- du projet de ligne à grande vitesse était de 75 Les décisions que nous prendrons au plan climatique dans les pays en développement. gies conventionnelles. %, alors que la mise en service commerciale international doivent aller de pair avec les Les institutions financières internationales, La réalisation de cet institut s’inscrit dans de la ligne est prévue au cours du premier se- initiatives tangibles et rapides sur le terrain. régionales et nationales devront être davan- le cadre de l’application de la convention de mestre 2018. Ce projet d’envergure s’inscrit Alors que la communauté internationale tage encouragées à favoriser le financement partenariat signée le 31 mai 2011 sous la pré- dans le cadre du schéma directeur des lignes s’apprête à adopter en septembre dans le des projets ayant un bénéfice pour le climat sidence du Roi Mohammed VI entre l’Etat à grande vitesse qui vise la construction d’un cadre des Nations Unies des objectifs du et à intégrer la prise en compte des risques et les professionnels du secteur des énergies réseau d’environ 1 500 km, composé de développement durable, il est impératif de climatiques dans leurs décisions. Nous en- renouvelables et de l’efficacité énergétique, l’axe atlantique Tanger-Casablanca-Aga- saisir les occasions des conférences de Pa- courageons un renforcement des partenariats et portant sur la mise en place et la gestion dir et de l’axe maghrébin Rabat-Fès-Oujda. ris et de Marrakech pour accélérer la transi- internationaux de recherche et développe- de trois instituts de formation aux métiers Mobilisant d’importants investissements, le tion vers une ‘économie mondiale verte’’, ment et de transfert de technologies, ainsi que des énergies renouvelables et de l’efficacité projet de Ligne à Grande Vitesse Tanger-Ca- conciliant les aspirations légitimes au déve- des programmes de renforcement de capaci- énergétique à Oujda, Tanger et Ouarzazate. sablanca constitue la première étape de ce loppement avec les impératifs de durabilité tés, afin d’accélérer la diffusion dans les pays Ces instituts (285 millions DH), dont celui schéma directeur et consiste à améliorer des ressources et de réduction des risques en développement des technologies propres. d’Oujda qui est déjà construit et équipé, ont l’offre de service en réduisant les temps de environnementaux. Pour être crédibles, les engagements qui pour mission la formation des opérateurs, parcours et en permettant plus de confort La bataille contre le dérèglement clima- seront pris par les Parties au plan internatio- des techniciens et des cadres intermédiaires et de sécurité aux usagers du train. Ainsi, tique est une bataille pour le développement. nal devront s’appuyer sur des actions vo- dans des métiers ayant trait aux énergies la LGV Tanger-Casablanca permettra une Elle peut et doit être intégrée dans les poli- lontaristes à l’échelle mondiale et locale. A renouvelables et à l’efficacité énergétique, réduction importante du temps de parcours tiques nations de développement durable, cet égard, une mobilisation encore plus forte notamment la maintenance et l’exploitation (Tanger-Rabat en 1h20 au lieu de 3h45 et que ce soit sous l’angle de la sécurité alimen- des autorités locales, des entreprises, des des parcs éoliens, l’installation et la mainte- Tanger-Casablanca en 2h10 au lieu de 4h45), taire, de l’accès aux énergies renouvelables organisations non gouvernementales et des nance du matériel solaire, thermique et pho- l’accroissement du nombre de passagers sur ou de la lutte contre la précarité. Le clivage individus et un complément indispensable à tovoltaïque, la maintenance et l’exploitation cet itinéraire de 3 millions par an actuelle- Nord-Sud n’est pas une fatalité. La lutte l’action des Etats. Une mobilisation durable de l’électricité solaire thermodynamique et ment à 6 millions à terme, le rapprochement contre le dérèglement climatique peut être et efficace contre le changement climatique la valorisation et l’exploitation de gisement et la mise en synergie des deux régions les un combat commun si elle est appréhendée implique un meilleur accès à l’éducation et de biogaz. plus dynamiques de l’économie marocaine, sous le sceau de la responsabilité commune, à l’information en matière d’environnement. Ils auront également pour objectif la for- Le Maroc et la France le pôle historique de Casablanca-Rabat et le mais différenciée de la solidarité et de l’en- Plus grande est la connaissance des problé- mation continue des salariés des entreprises sont engagés pôle émergent autour de Tanger. Cette ligne gagement de tous à agir. matiques environnementales, meilleure est du secteur des énergies renouvelables et de à n’épargner aucun ef- à grande vitesse permettra aussi d’améliorer Le Maroc et la France sont engagés à la compréhension des enjeux qui leur sont l’efficacité énergétique. D’une superficie de le niveau de sécurité routière, d’éviter l’émis- n’épargner aucun effort pour œuvrer en fa- liés et plus entreprenante est l’action contre 19 735 m2, le futur Ifmeree de Tanger sera fort pour œuvrer sion de 20 000 tonnes de dioxyde de carbone veur de l’adoption lors de la Conférence de le dérèglement climatique. réalisé par le ministère de l’Education natio- en faveur de l’adoption par an, outre la libération des capacités de Paris d’un accord universel, global, durable, Conjugué à l’accroissement démogra- nale et de la formation professionnelle dans lors de la Conférence la ligne existante pour le trafic ferroviaire équilibré et juridiquement contraignant, s’ap- phique, le dérèglement climatique exerce une un délai de 18 mois et devra assurer des for- de conteneurs entre Casablanca et le port de puyant sur les objectifs et les principes de pression grandissante sur les écosystèmes mations en maintenance et exploitation des de Paris. Tanger-Med. Grâce à la construction de cette la Convention-cadre des Nations Unies sur déjà vulnérables et des agricultures déjà parcs éoliens, en installation et maintenance première ligne pour trains à grande vitesse, les changements climatiques et permettant fragiles en Afrique. Un appui additionnel et du matériel solaire, exploitation du gisement le Maroc sera le premier pays d’Afrique et de limiter le réchauffement climatique en rapide est indispensable pour accompagner du biogaz, valorisation du biogaz, efficacité du monde arabe à se doter d’un système de deçà de deux degrés Celsius et de parvenir les pays africains dans leurs efforts de déve- énergétique (bâtiment, industrie, transport), transport ferroviaire d’un très haut niveau à une économie décarbonée. Au regard de loppement durable. Le Maroc et la France des spécialités très demandées en raison de technologique qui ouvre la voie à des réali- cet objectif, un rehaussement régulier de nos sont pleinement engagés dans ce sens et prêts la vocation de la région et des projets éner- sations futures à grande portée. efforts nationaux et de notre effort collectif à renforcer encore leur soutien, y compris gétiques qui y sont installés. est nécessaire. La Conférence de Marrakech dans le cadre de la coopération triangulaire. La mise en place du réseau des Ifmeree L’Appel de Tanger constituera une étape importante dans ce Convaincus que les conférences de Pa- est le fruit d’un partenariat entre, d’une part, sens. Cet effort de long terme passe par la ris et de Marrakech doivent être des étapes le ministère de l’Education nationale et de et le Maroc publication par tous les pays de contributions complémentaires au service de l’avancement la formation professionnelle, le ministère de en avant-poste nationales d’ici la Conférence de Paris et par de la lutte contre le changement climatique, l’Energie, des mines, de l’eau, et de l’en- Voici le texte intégral de ‘’l’Appel de l’élaboration de plans nationaux de dévelop- nous sommes convenus de travailler, main vironnement, le ministère de l’Economie Tanger’’ lancé dimanche par SM le Roi pement sobres en carbone et d’adaptation à dans la main, pour la réussite de ces deux et des finances, l’Agence marocaine de Mohammed VI et le Président français, long terme. Une grande attention doit être rendez-vous, dans l’esprit de coopération, l’énergie solaire (Masen), l’Office national SEM. François Hollande: portée aux pays en développement, y com- de solidarité et d’excellence qui a toujours de l’électricité et de l’eau potable (ONEE), « Le changement climatique constitue pris les pays les moins avancés et les petits marqué le Partenariat d’exception entre le l’Agence nationale pour le développement l’une des plus graves menaces pour l’Huma- Etats insulaires en développement, qui sont Royaume du Maroc et la République Fran- des énergies renouvelables et de l’efficaci- nité dans son ensemble. Le Maroc et la France les plus vulnérables face au dérèglement cli- çaise’’.(MAP). té énergétique (Aderee), la Fédération des sont gravement préoccupés par ses impacts matique. Il conviendrait d’accorder la même industries métallurgiques mécaniques et négatifs croissants sur l’environnement, sur importance à l’adaptation aux impacts du Un Institut pour électromécaniques (Fimme), la Fédération le développement économique et social, ainsi changement climatique et à l’atténuation des nationale de l’électricité, de l’électronique que sur la paix et la sécurité internationale. émissions de gaz à effet de serre. L’efficacité optimiser les énergies et des énergies renouvelables (Fenelec), et A la veille de la 21ème Conférence des par- et le niveau d’ambition de l’action menée par renouvelables d’autre part, l’Union européenne, l’Agence ties à la Convention-cadre des Nations Unies les pays en développement contre le chan- Mobilisant des investissements de l’ordre française de développement, et Deutsche sur les changements climatiques qui se tien- gement climatique sera d’autant plus forte de 95 millions de dirhams, ce projet pilote Gersellschaft Fur Internationale Zusamme- dra à Paris à la fin de l’année 2015 et dans que des moyens complémentaires, consé- permettra d’accompagner la mise en œuvre narbeit (GIZ). la perspective de la 22ème Conférence des quents et stables seront mobilisés en leur de la stratégie énergétique nationale lancée Pour leur assurer plein succès, la gestion parties, que le Maroc se propose d’accueil- faveur. Nous appelons les pays développés en 2009 et qui ambitionne, à travers le dé- des instituts de formation aux métiers des lir en 2016 à Marrakech, nous lançons un à préciser le soutien financier qu’ils apportent veloppement de projets d’énergies solaire et énergies renouvelables et de l’efficacité appel à la communauté internationale pour déjà et apporteront dans les prochaines an- éolienne, de porter à 42% la part des énergies énergétique est confiée aux professionnels amplifier la lutte contre le dérèglement cli- nées afin d’atteindre l’objectif de mobiliser renouvelables dans la puissance électrique du secteur (Masen, ONEE, Aderee, Fenelec matique. L’urgence requiert de notre part une 100 milliards de dollars par an à compter de totale installée à l’horizon 2020, de limiter et Fimme) qui se sont constitués en une so- action solidaire et forte en faveur du climat. 2020, de sources publiques et privées, en fa- les émissions des gaz à effet de serre et de ciété de droit privé ‘’Ifmeree-SA’’. (MAP) n MAROC 8 SEPTEMBRE 2015 NATION diplomatique

ORGANISÉ PAR LES THINK-TANKS, ATLANTIS ET FITS Casablanca abritra un forum d’experts mondiaux sur l’insécurité et le terrorisme Hassan Alaoui

frica Security Forum 2015»! Aussi limpide et concis que l’intitulé pa- «Araisse, il recouvre une dimension singu- lière et continentale. C’est le thème qui a fait l’objet, vendredi 11 septembre à Casablanca, d’une importante conférence pour annoncer l’organisation de deux journées d’étude sur le thème de la sé- curité. Cette conférence a regroupé Driss Benomar, président du groupe Alomra, spécialisé dans la sécurité, et d’Atlantis (Centre marocain d’études géostraté- giques), Alain Juillet, président du FITS (Forum international des technologies de la sécurité), accompagné d’André Viau, La vague de migrants préfet de la République française et an- en milliers de personnes cien président de FITS… Du lundi 12 au mardi 13 octobre 2015, Casablanca qui déferlent vers abritera donc un important événement l’Europe, après avoir qui regroupera des experts nationaux et traversé le détroit de internationaux de la sécurité.Cet événe- ment survient à un moment où les pays Gibraltar ou les côtes du monde entier s’interrogent, non sans italiennes et grecques, inquiétude, sur le phénomène de l’ins- Driss Benomar, président du Groupe Alomra, spécialisé dans les stratégies de sécurité et du Think Tank «Atlantis» prononçant son semble reposer tabilité, effet d’un terrorisme rampant, discours lors de la conférence de presse du 11 septembre. Derrière lui les partenaires français : Alain Juillet et le Préfet André où les gouvernements et les États sont Viau du Think Tank français FITS ( Forum international des technologies de la sécurité). le problème interpellés chaque jour par son extension. de l’émigration Comment coordonner les actions et les sa volonté de s’inscrire dans l’esprit verrouiller les frontières au motif que personnes. Comme aussi celle de la sé- ou d’immigration ripostes, quelle analyse opérer, quelle novateur des espaces de débats et de la vague d’émigration se fait menaçante, curité des lieux publics et privés. Aucun réflexion engager, quelle conclusion réflexion transverse portée par les nou- ou les garder ouvertes sous peine d’être continent, aucun pays n’est aujourd’hui de manière cruciale partager enfin? Le thème est si prégnant velles technologies de l’information. Il «submergées» par un phénomène au- à l’abri des actions malveillantes lancées et plus qu’impérative. qu’il ne cesse de faire l’objet d’étude et développe des réflexions professionnelles quel on ne sait pas encore donner une par des groupes ou des individus. De plus de recherche. relevant de la Sûreté-Sécurité, avec un réponse juste et pragmatique? Comment en plus, l’actualité sur nos écrans et nos Il n’est plus l’affaire des seuls gouver- large champ d’expertise comme celui de concilier le devoir humanitaire et la ré- tablettes nous interpelle quotidienne- nements et des États, il est devenu une la défense, de la cyberdéfense, de l’intel- alité économique et sociale des pays ment : en Afrique notamment, le groupe préoccupation partagée par les sociétés ligence stratégique ainsi que la sécurité réceptifs?C’est la question centrale, BokoHaram continue de sévir et défier civiles et les Centres spécialisés qui industrielle. elle concerne aussi les flux financiers les États et gouvernements ; au Moyen- fleurissent de par le monde. Think-tank Rappelons encore que l’Africa Secu- qui transcendent depuis longtemps les Orient, le spectre de Daech continue de indépendant, basé à Casablanca, Atlan- rity Forum 2015 est organisé en parte- frontières transnationales et fleurissent défier la communauté mondiale avec ses tis organisera en effet un forum sur le nariat avec FITS (Forum international parfois dans une illégalité plus qu’in- exactions et ses assassinats collectifs. thème de la sécurité des frontières, des des technologies de la sécurité), basé quiétante. Les mouvements financiers Les frontières transnationales sont me- flux financiers et de l’identité numérique, à Paris et présidé par Alain Juillet qui franchissent impunément les frontières nacées ou violées, le risque d’attentats est en partenariat avec le groupe FITS (Fo- a dirigé, développé et réorganisé plu- et bénéficient du secret des banques omniprésent. Les gouvernements révisent rum international des technologies de la sieurs grandes entreprises, avant que ne et des institutions financières. Ils ali- et renforcent leurs lois et leur système de sécurité), basé à Paris. Cette rencontre lui soient confiées des missions pour le mentent des opérations dont le moins renseignement. Ils créent de nouveaux interdisciplinaire, intitulée Africa Se- compte du Premier ministre et du mi- que l’on puisse dire est qu’elles sont fichiers et consolident les mécanismes curity Forum 2015 sera marquée par la nistère de la Défense. Les problèmes douteuses et frôlent même les délits! de contrôle d’Internet et des réseaux présence de plusieurs ministres africains, de sécurité, collective ou individuelle, sociaux, ainsi que les déplacements, marocains, d’experts, de chercheurs, de nationale et internationale sont au centre Comment organiser les passages aux frontières, les circuits spécialistes de la défense et de la sécurité, des politiques publiques. La sécurité des d’argent qui sont au cœur du financement d’universitaires et de décideurs divers, États est au cœur de cette préoccupation, la parade à cette du terrorisme. Cette situation inédite in- tous préoccupés – autant que les États et d’autant plus que leurs frontières font propension dévasta- cite les États à réfléchir sur les mesures les gouvernements – par la problématique l’objet d’une vigilance accrue. trice? nécessaires et une politique de concerta- de la sécurité dans toutes ses formes. tion. Elle donne lieu à une réflexion qui Plus de vingt pays, notamment du La crise de migration Les nouvelles technologies sont de dépasse le cadre officiel et interétatique. continent africain, seront représentés à ce plus en plus mises à contribution aus- Des think-tanks se sont créés pour suivre forum, par de hauts responsables. La pro- bouleverse l’Europe si bien par les réseaux mafieux que par cette évolution et réfléchir à un accom- blématique de la sécurité sera déclinée en La vague de migrants en milliers de les pouvoirs publics pour combattre ces pagnement résolu des gouvernements, plusieurs sous-thèmes qui seront traités personnes qui déferlent vers l’Europe, derniers. Cette problématique renvoie en offrant à ces derniers le fruit de leurs avec pertinence et l’exhaustivité requise. après avoir traversé le détroit de Gibral- au concept d’identité numérique qui, en recherches et de leurs travaux, et parfois L’Africa Security Forum 2015 mobilise tar ou les côtes italiennes et grecques, principe, demeure inviolable. Cependant, des recommandations. plusieurs institutions nationales et inter- semble reposer le problème de l’émi- elle n’est pas à l’abri de manipulations, Ces thématiques sont à présent l’objet nationales et responsables concernés par gration ou d’immigration de manière d’usurpations et de violations à des fins de recherches et d’études, menées par des ces thématiques. Des experts internatio- cruciale et plus qu’impérative. Autant de délit. Comme l’affirmera Driss Beno- groupes, des instituts publics et privés, naux de divers horizons interviendront gouvernements et États sont pris de mar, lors de la conférence de presse du des centres de recherches, des think-tanks pour donner une image la plus juste et court depuis quelques semaines, autant vendredi 11 septembre, «les questions et des cercles divers. D’où l’intérêt pour précise sur l’état actuel des problèmes ils restent aussi paralysés et en quête de sécurité liées aux conflits, avec leurs Atlantis et Fits de les aborder au cours et des menaces. d’une concertation qui reste difficile à répercussions sur les frontières, les dif- de deux journées d’échange les 12 et L’Africa Security Forum 2015a pour trouver.Il y a lieu désormais de souligner ficultés rencontrées en matière d’identi- 13 octobre prochain lors du forum. Les ambition d’apporter une réflexion origi- que l’émigration constitue un révélateur fication et d’enregistrement des réfugiés participants à ce forum, experts interna- nale et pertinente sur les problèmes liés à la fois des politiques laxistes de part et constituent autant de problématiques tionaux reconnus : outre Driss Benomar, à la sécurité, aussi bien au niveau des d’autre de la Méditerranée et de la néces- connexes d’insécurité aujourd’hui que Alain Juillet et André Viau, les grands Etats que des grandes entreprises.At- sité impérieuse de trouver une solution centre de nos préoccupations»! spécialistes mondiaux du crime organisé, lantis est unthink-tank dirigé par Driss commune et coordonnée à ce nouveau L’identité numérique sera l’objet de du terrorisme et de la traque des mafias Benomar,qui est aussiprésident d’Alomra phénomène. L’ampleur qu’il prendra à conflit en permanence entre les pouvoirs diverses, comme Alain Bauer, crimino- Group. Sa mission est de répondre aux coup sûr dans à l’avenir, si elle n’est pas publics qui s’efforcent de la préserver logue, Steven Fleichmann, spécialiste des nombreux questionnements qui se font prise en compte, mettra à la fois l’Afrique et la défendre et les groupes malinten- risques sur les investissements ; Michael de plus en plus jour désormais : quelle et l’Europe entières dans une posture plus tionnés, voire mafieux, qui s’efforcent de Braun, du DEA américain ; Helmut Leo- politique de prévention proposer aux que critique. s’en emparer.La lutte contrele terrorisme pold, spécialiste autrichien des réseaux, différentes menaces? Quelle techno- La problématique des frontières et est devenue par ailleurs un impératif pour Mohammad Mahmoud OuldMohame- logie recommander pour maîtriser les de leur sécurité interpelle donc tous les tous les États et les gouvernements.C’est dou de Mauritanie, Gilles de Kerchove, menaces proférées? Quelles sont les Etats, les gouvernements, les institu- aussi la lutte contre l’instabilité des so- le juge antiterroriste connu, Jean-Louis expertises proposées pour coordonner tions, les partis politiques, les sociétés ciétés, des institutions, des entreprises, Bruguière, et le grand Jim Wayman pour Driss Benomar. les efforts communs? Atlantisaffiche civiles et l’opinion publique. Faut-il des communautés, des familles et des ne citer que ces derniers.n MAROC diplomatique TRIBUNE LIBRE SEPTEMBRE 2015 9

Les MRE et la face cachée de la lune l y a quelques jours, la transhumance les lieux publics. pour scander «vive le Roi, le Roi a dit…, le tions réalistes et réalisables, tout en tenant des Marocains de l’étranger a repris Pendant la période estivale, le séjour Roi a rappelé…, le Roi a fixé…». Chacun compte de la spécificité marocaine. Un tra- le trajet inverse. Larmes, tristesse et des MRE au Maroc est également une plaide sa cause par une série de doléances, vail piloté par un chercheur universitaire Ispectre de l’exil ont fait office d’épilogue aubaine pour les économies formelles ou plus au moins, mal élaborées, mal hiérar- marocain enseignant dans une université d’un psychodrame propre au sentiment de informelles liées à leur présence massive chisées, confondant, au passage, ce qui est prestigieuse, qui s’inscrit dans le temps de déracinement. Chacun a repris le chemin du et socialement ostentatoire. Le commerce, purement politique avec ce qui relève de retour vers la réalité de toujours. La rentrée les services réalisent une grande partie de l’administration (ici et/ou là-bas), ce qui est scolaire, les piles de courriers anxiogènes leurs chiffres d’affaires. En témoigne l’ex- économique, ce qui est culturel, ce qui est et les factures impayées. Le retour vers la citation des bijoutiers, des traiteurs, des res- identitaire et ce qui est religieux. Les pays d’accueil l’ont dure réalité de la relégation territoriale, de taurateurs, des hôteliers occasionnels, des Au bout de la course, une fragmentation bien compris et mettent la marginalité sociale et du racisme or- mécaniciens, des gardiens d’automobiles, thématique se dessine dans le ciel orageux en place des mécanismes dinaire. En franchissant le Détroit ou en des joutiya (bric-à-brac) qui regorgent de des associations des expatriés rajoutant prenant place dans l’avion, un fort senti- produits (…) transportés par les véhicules la confusion à la confusion. Une multi- d’enracinement progres- ment de déclassement social est à peine des «vacanciers» bordés par les fameuses plication d’institutions «MRistes» dont sifs par le rouleau com- voilé. Les vacances ont pris fin, synonyme bâches bleues. Les supermarchés se frottent personne ne sait exactement qui fait quoi presseur de l’assimilation, de trêve éphémère et de réhabilitation, de les mains. Les opérateurs de téléphonie mo- (exécutive, représentative, consultative, ad- courte durée, d’une image écornée, par bile excellent par des offres ciblant cette ministrative, distributive). Une juxtaposi- de l’effectivité de l’érosion du temps, mais réconfortée cir- niche, trop habituée aux bavardages et aux tion de doléances, dont personne ne connaît l’ascenseur social, constanciellement par le discours royal, en forfaits illimités… En amont des vacances la véracité, la pertinence, la proportionnali- de l’approche genre, l’occurrence celui d’août 2015. et en profitant du contexte d’une demande té, la hiérarchie. Une inflation associative Pendant le séjour au pays des ancêtres, tendue, la Royal Air Maroc pratique des dont personne ne peut certifier le niveau de la parité homme/ les MRE se sont livrés, bon gré mal gré, à tarifs prohibitifs, pénalisant les familles de représentativité et/ou de transparence. femme, de la laïcité et des rituels insupportables, insoutenables et nombreuses et modestes expatriées qui, Une guerre larvée inter-institutions dont de l’intégration politique.

la recherche académique, et non dans un temps politique et/ou financier, dixit celui des bureaux d’études. Le secrétaire général du CCME a récem- ment répondu favorablement au principe de la création d’une structure de recherches, autour d’universitaires, adossée à l’insti- tution, intitulée Prime (Prospective et re- cherches sur l’immigration des Marocains de l’étranger). L’objectif est la mise en place d’un laboratoire incubateur d’idées et indépendant, dont la mission est triple : évaluation des politiques publiques en gé- néral et en particulier celles qui touchent nos compatriotes expatriés; expertise, fruit d’approches comparatives et de recherches autour de concepts opérationnels et effi- caces, potentiellement transposables dans les rouages de la bonne gouvernance dans les institutions de tutelle; et prospective sur la base de simulations et de projections de la matrice globale de la diaspora dans dix, quinze ou vingt ans. En définitive, la dépolitisation de l’im- migration, la prise de conscience de la tra- gédie qui lui est propre et l’appropriation des enjeux futurs sont le pare-feu contre tragiques. Les uns écœurés par le va-et-vient souvent, renoncent au voyage faute de personne ne comprend les motivations, le risque de rupture du lien de près de 4,5 dans les couloirs sombres des administra- moyens. En fin du séjour, les aéroports les instigateurs, ni à qui profite le crime. millions de nos compatriotes avec le pays tions pour l’obtention d’un document ba- comme les ports sont pris d’assaut par des Un enlisement constitutionnel et politique des ancêtres. Le mythe du retour au «Bled», sique. Les autres dans les tribunaux, dans les voyageurs déprimés, à l’idée de quitter un dont personne n’est en capacité de proposer l’immuabilité de l’allégeance et l’intangibi- conservations foncières ou dans les banques pays aussi envoûtant. Bref, une véritable un texte consensuel, de définir les modali- lité de l’amour pour le Maroc dépendront, pour obtenir une solution aux contentieux économie, à haute valeur ajoutée, se met tés, les quotas, le découpage, la faisabilité. désormais, de la volonté ou pas de ceux liés à l’acquisition d’un bien immobilier, en place pendant cette période. D’un côté, En toile de fond, des énièmes diagnostics qui ont la charge du dossier MRE de le certains se sont donné rendez-vous dans les on enregistre un foisonnement économique biaisés, bâclés ou orientés pour définir sortir des trois stéréotypes, en l’espèce Pendant la période cimetières pour se recueillir sur la tombe significatif, et d’un autre côté, une tragédie la matrice sociopolitique des MRE, dont «l’immigré est synonyme de vache à lait», d’un parent décédé, donnant un spectacle humaine, entachée de mal-être appelé «Mo- personne, au demeurant, ne peut certifier «l’immigré est intellectuellement limité», estivale, le séjour déchirant. D’autres aussi ont fait leurs va- hajir devenu Mohajjar». le caractère scientifique, académique ou «l’immigré est docile et manipulable». des MRE au Maroc est lises après avoir été saturés et tartinés par En parallèle, les institutions de tutelle objectif. Que de l’improvisation, que de la Sans en faire l’apologie, l’immigration, également une aubaine les problèmes familiaux ou par les déchi- (ministère chargé des MRE, CCME, Fon- posture, que de la manipulation, et, au bout dans sa composante intellectuelle, est un rements liés à l’héritage. D’autres se sont dation Hassan II) saisissent cette fenêtre du compte, que de la «Com» modélisée par atout pour le Maroc. Les pays d’accueil pour les économies fait rapatrier par leur société d’assistance, de tir et d’opportunité pour dérouler des des technocrates ou politicards qui n’ont l’ont bien compris et mettent en place des formelles ou informelles suite à une panne, un accident de voiture ou programmes sur fond d’overdose commu- jamais vécu en immersion réelle et durable mécanismes d’enracinement progressifs liées à leur présence suite à une survenance médicale imprévue. nicationnelle et de boulimie pour l’évé- dans le monde complexe de l’expatriation. par le rouleau compresseur de l’assimila- D’autres terrorisés par le regard haineux et nementiel. La presse s’agite et cristallise Le CCME a le mérite d’avoir valorisé tion, de l’effectivité de l’ascenseur social, massive et socialement par les insultes pour le motif qu’ils sont des les polémiques en rappelant, comme par la première étude scientifique, supervisée de l’approche genre, de la parité homme/ ostentatoire. nantis par rapport à la misère environnante, enchantement, la place particulière des par une équipe d’universitaires franco-ma- femme, de la laïcité et de l’intégration po- Le commerce, les en se faisant traiter de «zmagrias». D’autres MRE sur le plan économique, stratégique et rocaine, conduite sur une durée de deux litique. Pendant ce temps, le pays dont elle tiraillés entre les administrations marocaines politique. Évidemment, l’occasion est trop ans et sur la base d’un panel représentatif est originaire ne lui propose que tutelle services réalisent une et les autorités consulaires, des pays de la belle et la fenêtre de tir est optimale pour de mille ménages marocains résidents en étouffante, exclusion et instrumentalisa- grande partie de leurs résidence représentées au Maroc, suite à remettre sur la table les débats houleux, France. Les conclusions sont terrifiantes tion. Viendra-t-il le temps un jour où des chiffres d’affaires. des pertes de papiers. D’autres, les jeunes fratricides et récurrents autour de la partici- sur le plan social, sociétal, sociologique, MRE, hautement formés selon le standard filles en particulier, agacées par les agres- pation politique des MRE. Les associations, économique et politique. Cette étude a international, seront promus au rang de sions verbales, par le harcèlement pesant en représentatives ou pas, s’approprient le cré- utilisé les moyens méthodologiques les consuls du Royaume, de gouverneurs de vue de propositions de mariages «blancs», neau et mobilisent les moyens modernes de plus pertinents, à savoir l’enquête par provinces, et pour rêver ou provoquer, de arrangés ou, dans certains cas, forcés par communication (Internet, YouTube, Face- questionnaires, par le recoupement des ministres du gouvernement de Sa Majesté. des gens sans scrupules. D’autres trop dé- book) pour faire valoir leurs doléances. résultats avec d’autres études de l’Insee, Telles sont les faces cachées de la lune phasées, car ne parlant que peu l’arabe et Bien, entendu, encore et toujours, tout le et, surtout par les standards et techniques de ce que la sémantique usuelle appelle subissant, de plein fouet le poids de la tra- monde attend le discours du Trône, les uns des sondages. Une approche moderne qui les MRE. dition et de l’ordre sociétal, notamment au pour s’y agripper bec et ongles, dans une restitue une photographie précise de l’opi- Dr Youssef Chiheb, sujet de la tenue vestimentaire, des mœurs transe patriotique, les autres pour tirer à nion, quantifie les phénomènes, hiérarchise Professeur-Associé, et de la rigueur religieuse ou puritaniste dans boulet rouge sur les institutions, les autres les priorités et formule des recommanda- Paris XIII-Sorbonne. MAROC 10 SEPTEMBRE 2015 VILLES EN DÉVELOPPEMENT diplomatique

Khalid Casablanca,Safir Barcelone reçu ou Calcutta ? au CDS e CDS ( Conseil pour le développement et la de patrimoine de l’humanité à Casablanca, en matière solidarité) présidé par Mohamed Benamour , d’arts déco ; un autre chantier est en cours pour la mise à l’instar de quelques rares Think Tanks maro- en valeur du parc archéologique de Sidi Abderrahman Lcains, est une association indépendante dont l’ambi- qui sera livré au milieu de 2016 et qui permettra de dé- tion est de mettre à l’agenda des pouvoirs publics le ré- couvrir des grottes où l’on peut voir des ossements très sultat de ses réflexions et des propositions innovantes. anciens .Ce sont là quelques exemples de rénovation et Réservoir à idées , vivier d’experts et de talents ,le mises à niveau de chantiers , il y en a d’autres comme le CDS travaille en intelligence collective pour améliorer vélodrome , le marché central ,le Sacré cœur … toutes formes de recherche opérationnelles , pour in- Pour enrichir notre réflexion et positionner l’offre cultu- former , influencer les politiques et agir dans l’intérêt relle et d’animation sur un plan national et international général . Les différents séminaires et forums organisés , une étude a été confiée à un bureau d’études grâce à un sur la Ville, l’enseignement préscolaire , la société de la financement de mécènes et de la Fédération nationale connaissance vont dans ce sens. Fonction d’animation des assurances, ce qui témoigne de l’intérêt porté par les , de médiation, de mise en intelligence des membres opérateurs privés à l’effort de mise en valeur de Casa- de différents horizons privés, ONG, administration, blanca. Selon les premières conclusions de l’étude, l’offre le CDS s’est ouvert à l’international en organisant culturelle doit être populaire, moderne et innovante. Nous un grand forum sur l’Afrique , des déjeuners-débats ne ferons pas de musique sacrée, ni de gnaouas mas une avec les ambassadeurs de l’Union européenne et des musique innovante comme celle produite par le groupe Etats-Unis, et le mercredi 16 septembre une rencontre Boulevard. avec la ministre du Commerce de l’Italie . Mohamed Benamour dirige l’Observatoire de Ca- Leviers de développement sablanca qui présentera ses travaux le 21 Octobre présentée en septembre dernier à Sa Majesté le Roi ( culturelles. Concernant le volet sécurité, fondamental . Il a convié le mardi 15 septembre Khalid Safir, 2014) et qui a pour objectif de faire de Casablanca un hub pour une ville comme Casablanca, un effort important a et mesures d’accompagnement Wali du Grand Casablanca qui a présenté devant international connecté et inclusif , en un mot un espace de été consenti pour l’équipement des services de sécurité et Pour accompagner ces pôles d’investissement, il faut les adhérents du CDS le plan de développement de vie, de prospérité et de divertissement capable de produire l’équipement de la ville de Casablanca et pour l’équipe- des mesures concrètes .Quatre leviers ont été définis, une Casablanca. de la convivialité et de l’innovation. Notre pays a besoin ment en système de caméras de surveillance qui serviront meilleure gouvernance qui permet aux acteurs de la Ville, d’une métropole performante et attractive qui assume son aussi à la gestion automatique de la circulation. Le marché élus , administration , secteur privé , ONG de travailler «Le Plan de développement rôle international, qui rayonne dans la région. a été adjugé pour 60 millions de DH et les travaux vont en synergie , de voir comment mobiliser les financements Quatre pôles stratégiques d’investissement et quatre démarrer dés le mois d’Octobre pour accompagner cet effort de développement .On se de Casablanca, un levier de leviers de développement en constituent l’ossature. Le Le deuxième pôle stratégique concerne la mobilité demandera ensuite quelle peut être l’offre de services transformation de la métropole» premier pôle est le cadre de vie dont l’ambition est de .Casablanca doit être doté d’infrastructures d’aménage- qui sera faite aux citoyens et aux entreprises et quelle Voici le texte intégral de l’exposé que Khalid Safir, réconcilier les habitants avec leur ville, en offrant à l’en- ment aux standards internationaux en matière de voierie, est l’identité , le Branding de Casablanca qu’il faudra Wali du Grand Casablanca, a fait devant les membres semble des casablancais le même niveau de prestation en de transport publics. Ce pôle va consommer plus de la mettre en valeur ! du CDS, mardi 15 septembre. matière de santé , d’éducation , de sécurité. Le deuxième moitié de l’enveloppe budgétaire allouée dans le plan de L’adoption des dernières lois organiques des Collec- «Je remercie sincèrement le Conseil pour le Dévelop- pôle est relatif aux infrastructures ,transport public , voie- développement et destinée au volet des transports publics, tivités territoriales qui a pris en compte le point de vue pement et la Solidarité ,le CDS, pour m’avoir invité à rie , l’objectif étant d’optimiser la mobilité des habitants expansion tramway, mise en place de parkings et d’un de Casablanca, a facilité la mise en place d’ outils de partager avec ses membres,l’état d’avancement du plan en terme de coût et de temps avec des moyens de transport système de gestion du stationnement payant .En matière gouvernance qui permettent aux citoyens et au privé de développement de Casablanca qui par son ampleur de qualité .Le troisième pôle , c’est l’ADN de Casablanca de voierie , les anciennes voies seront mises à niveau , de participer à la gestion de la ville .L’observatoire de la et ses objectifs devrait transformer la ville. Casablanca qui lui permet d’attirer les investissements , les entreprises création de passage à niveau et restructuration des grands ville de Casablanca a été relancé , il sera notamment une est une grande métropole en devenir, à l’instar d’autres et les talents .La ville doit être enfin attractive et doit faire carrefours qui vont fluidifier la circulation entre Casa plateforme pour le privé pour participer à la définition , à grandes villes en transformation dans le monde qui ré- une offre culturelle, sportive ,d’animation à la fois diffé- Finance City et l’Aéroport .Les chantiers sont actuelle- l’élaboration des plans de développement et à la politique agissent aux mutations du contexte économique, social renciée et de qualité pour les habitants et pour les touristes. ment en préparation et les travaux vont durer jusqu’en publique et à son évaluation . Une Commission régionale et technologique. Les projections réalisées par le cabinet Ce sont là les axes d’investissement pour lesquels une 2019 ! Nous allons vivre une longue période de travaux de l’amélioration de l’environnement des affaires a été Mac Kinsey prévoient que dans un futur proche , 80% enveloppe conséquente a été consacrée et qui seront ac- avec des perturbations de la circulation dans le quartier créée qui permet aux opérateurs de donner leurs avis du PIB mondial sera réalisé par les villes et que 47% de compagnés par des mesures relatives à la gouvernance, à Sidi Mâarouf , le quartier Sidi Othman , les deux bouts dans le cadre de réunions trimestrielles . Une instance de ce PIB sera réalisé par les villes émergentes ,véritables l’optimisation de la gestion des finances, à l’organisation étant constitués par la Mosquée Hassan II et le grand coordination a été mise en place au niveau de la Willaya moteurs de développement . Casablanca fait partie de ces des services et au marketing qui permet au niveau local et rond point jouxtant les hôtels . Mais à terme, et selon la pour assurer le suivi et la cohérence de l’ensemble . La villes émergentes qui concentrent les classes moyennes international d’attirer les investissements et les touristes. formule consacrée, le meilleur sera pour le futur proche ! nouvelle loi organique a également identifié un respon- source de création de richesses au niveau international . Une enveloppe budgétaire a été mobilisée en 2015 pour Le troisième pôle est relatif à la performance écono- sable administratif au niveau de la mairie .Pour réussir En faisant des benchmarking grâce aux études réalisées le plan de développement de la métropole de Casablanca mique qui permet à Casablanca d’être la locomotive du la métropolisation de Casablanca ,il est prévu la création par les cabinets Roland Berger et Mac Kinsey, on constate qui s’élève à 33,6 milliards de DH qui a fait l’objet de dix Maroc. Un effort conséquent va être consacré aux entre- du groupement d’agglomérations qui réunit l’ensemble que les villes qui ont réussi leur changement sont celles conventions signées devant Sa Majesté le Roi et auxquels prises casablancaises qui vont défendre l’image d’une des communes pour une mutualisation de moyens dans qui ont adopté un certain nombre de démarches et de il faut ajouter les 2 milliards mobilisés en 2014. ville prospère et attractive .En matière de zones d’activités la gestion des transports , des réseaux d’électricité et dispositifs pour ce faire : vision ambitieuse et pragmatique C’est un très grand effort budgétaire qui a été consenti économiques, un travail est en cours pour la mise à niveau d’eau , traitement de déchets. Les SDL ( Sociétés de , structuration de l’espace , gouvernance concertée avec le par l’Etat et par les collectivités territoriales de Casa- des cinq grandes zones industrielles de Casablanca et la développement local) constituent quant à elles des en- secteur privé et la société civile , inclusion du développe- blanca. Il s’agit aujourd’hui de maitriser les évolutions, création de nouvelles zones et d’instituts de formation. tités de réalisation qui concrétisent un objectif commun ment durable , planification intégrée des infrastructures, d’anticiper les expansions spatiales et démographiques Avec le ministère du commerce et de l’industrie , nous d’un ensemble d’acteurs c’est le cas de Casa transport qui profilage et ciblage des projets ,innovation notamment pour répondre aux besoins en logements, en équipements, travaillons à mettre en place un nouveau parc industriel réalise le tramway , Casa patrimoine, Casablanca évents pour l’inclusion des citoyens ,amélioration de la qualité de en services de base, en transports, en zones d’activités, locatif de quelques 140 hectares et réfléchissons sur la animation , Casablanca prestations . Les SDL peuvent vie , branding de ville , formation des talents ,connectivité en un mot d’améliorer la qualité de vie des citoyens en création d’une « offre jeune » sur la zone commerciale aussi prendre en charge des équipements publics comme aérienne , connectivité électronique , avènement de la maitrisant le futur urbain, un immense chantier qui appelle de Ben Msick .Une zone attractive doit être aussi une zone les abattoirs ou marchés de gros pour moderniser leur culture comme pilier de développement … à l’engagement de tous. de paix sociale et de relations apaisées avec les partenaires gestion .Ces sociétés permettent de réunir et de mutualiser Qu’en est-il pour Casablanca, quel est le chemin qui sociaux et pour cela une Charte régionale sociale a été les moyens et d’être plus efficace en terme d’exécution . doit être parcouru par cette métropole qui compte 4, Développement inclusif, signée avec la CGEM et les grandes centrales syndicales Mieux dépenser, avoir des recettes, faire appel à des 300 000 habitants, qui représente 20% du PIB national, en août 2015 visant à mettre en place une plateforme financements innovants notamment à travers les Parte- qui fait face à des problématiques financières et sociales ? mobilité, sécurité d’échanges et un dispositif d’anticipation et de résolution nariats publics privés ou le Naming (entreprises privées La ville, comme vous le savez, ne génère comme capa- et animation culturelle des conflits. Ce dispositif a été expérimenté avec succès donnent leurs noms à un équipement public moyennant cités d’autofinancement que 200 millions de Dhs et elle Quel est aujourd’hui l’état d’avancement des différents et les syndicats jouent le jeu dans un esprit de partenariat . son financement ) constitue un autre levier. Pour maitri- accuse un fort taux de chômage qui risque d’augmenter chantiers ? Le premier pôle est celui du cadre de vie qui Le dernier pôle concerne le volet animation culturelle, ser les dépenses, une opération de départ volontaire sera si la croissance n’est pas au rendez vous. vise à faire de Casablanca une référence nationale au les loisirs, la mise à niveau du patrimoine architectural , les lancée .Nous sommes également en discussion avec la Une chose est sûre, si nous voulons inverser la courbe, niveau du développement durable inclusif. Ce pôle in- bassins sportifs et l’organisation des grands événements. Banque mondiale pour un emprunt à un taux d’intérêt il faut passer à un autre palier de croissance et atteindre tègre plusieurs thématiques , la santé tout d’abord avec Casablanca a un nom, un patrimoine qui méritent d’être intéressant qui permettra à Casablanca de faire face à les 8% par an, soit le double de la moyenne actuelle qui les centres de santé de la ville et de l’ensemble de l’agglo- mis en valeur pour donner lieu rapidement à une offre de ses besoins d’investissement en attendant d’améliorer sa est de 4% et c’est là un de nos défis majeur ! La capi- mération qui vont disposer de 550 millions de DH grâce divertissement de qualité .Un grand théâtre est en cours rentabilité fiscale . Pour moderniser la gestion , l’orga- tale économique doit dans ce sens renforcer à la fois ses à une convention signée avec le ministère de la Santé .En de construction ,les études pour la rénovation du Parc de nisation de l’administration communale doit être revue fonctions de production et ses fonctions d’intermédiation matière d’habitat et d’urbanisme , un grand effort est en la Ligue arabe sont terminées ,les marchés sont lancés et pour intégrer sa transformation numérique . On prévoit et de communication , de « hub » régional . cours aux niveau des quartiers sous équipés à Casablanca les travaux vont démarrer pour rouvrir ce parc aux Casa- aussi la mise place d’une police municipale pour veiller et dans toute la région . Ce sont 90 quartiers construits de blancais. Le marché des travaux du Zoo d’Ain Sbâa est sur l’application des lois et règlements et la modernisa- Peut-on inscrire Casablanca dans manière anarchique qui ne bénéficient pas de services de lancé, la rénovation du est en cours tion de la gestion des équipements publics appartenant base d’eau , d’électricité , d’assainissement ,mais aussi .Une enveloppe de 700 millions de Dh a été dédiée à la à la ville .Un audit global des ressources humaines est l’armature urbaine mondiale ? d’écoles et de dispensaires , qui ont été recensés . 20 000 mise à niveau de la Corniche dont celle d’Ain Diab . La lancé pour étudier les voies et moyens d’améliorer la Casablanca a été l’objet d’un discours royal fondateur ménages bidonvillois vont être relogés cette année. Il y a forêt de Bouskoura est dans le pipe . productivité des quelques 15000 fonctionnaires de la ville qui a crée un grand déclic pour que cette ville prenne une décennie, nous comptions plus de 110 000 ménages En terme d’animation, plusieurs projets sont en cours dont certains peuvent être redéployés vers des missions conscience à la fois des ses atouts, de sa position en tant bidonvillois , la moitié a été relogée et nous travaillons sur de montage On prévoit la nuit blanche de Casablanca, en d’accompagnement social des populations précaires , des que locomotive de l’économie nationale et en tant que ca- le reste afin d’éradiquer ce phénomène. Une enveloppe de partenariat avec la ville de Paris ,un événement avec la personnes à mobilité réduite …Un effort sera fait pour la pitale régionale et africaine, mais aussi de ses faiblesses. 360 millions de DH a été allouée pour un programme de Smart Cities Events Casablanca s’inscrivant dans le club transformation numérique de la ville qui permettra d’offrir Après ce discours, une large concertation a été organisée lutte contre la précarité et 80 millions pour le développe- restreint des villes intelligentes ,un festival des anciennes aux citoyens des services dématérialisés . avec plus de 600 élus, représentants de l’administration, ment d’activités génératrices de revenus (AGR) dans les Médina qui mettra en valeur notre médina .Les manifesta- Le dernier levier c’est celui de l’intelligence et du mar- du secteur privé, de la société civile qui ont posé le socle quartiers périphériques. Une convention a été également tions qui ont fait leurs preuves vont se poursuivre comme keting territorial qui nous permet de définir l’identité de d’une ambition partagée après avoir fait un diagnostic signée avec le ministère de l’Education nationale pour la par exemple le marathon international de Casablanca . En la ville .Dans ce sens un appel d’offre est en cours pour et mené une réflexion sur les voies et moyens de réali- généralisation préscolaire, la mise à niveau d’établisse- termes de patrimoine , la ville est sur la liste indicative de choisir un cabinet pour al définition de cette identité pour ser cette ambition. Le plan que je présente aujourd’hui, ments scolaires et l’utilisation d’une vingtaine d’entre l’UNESCO .L’étude du dossier sera effectuée en 2016 et construire notre offre de branding et accompagner tous élaboré durant une année est le résultat de cette réflexion eux pour de nouvelles vocations sociales, éducatives, nous sommes confiants de voir attribuer le label UNESCO les plans d’action de la ville . MAROC diplomatique VILLES EN DÉVELOPPEMENT SEPTEMBRE 2015 11

Le« Comment débat sortir des impasses après et faire de Casablanca l’exposé une métropole conviviale du et performanteWali ? »

ans un souci de transparence, nous repro- duisons ici l’essentiel du débat qui a suivi l’intervention du wali, dans le cadre d’une Dconférence donnée au CDS, le mardi 15 septembre à la CGEM. Au-delà des différentes responsabilités qu’il aura occupées en tant que grand commis de l’Etat, Khalid Safir s’est beaucoup impliqué en tant que président de l’association « Prospective » sur le terrain des idées, de l’analyse et de l’anticipation. Ses réponses, son parler vrai, sans langue de bois, ont permis au cours de la rencontre organisée par le Conseil de développement et de la solidarité de passer au crible les différents points noirs qui empoisonnent et désespèrent la vie des Casablancais : l’enfer de la circulation, les infrastructures saturées, l’état des transports publics, les nuisances dues au bruit, à la pollution avec leurs effets induits d’augmentation du stress, des maladies chroniques, l’inefficience de l’aéroport Mohammed V, de la foire de Casablanca, les problèmes dramatiques des décharges et les consé- quences des dualismes sociaux, culturels… tous ces dysfonctionnements qui avaient conduit aux émeutes de 1981. Le plan de développement de Casablanca pré- senté par le wali apporte en partie des réponses. Le renouveau de cette métropole est également porté par l’arrivée de nouvelles équipes, par la modernisation et la gouvernance de la gestion publique, par une mise à niveau institutionnelle qui permet, comme le souligne le wali, « une vraie séparation des missions et attributions entre la sphère politique représentée par le Conseil et l’exécution opérationnelle pilotée Quelques memtbres du Conseil de développement et de solidarité autour de Mohamed Benamour, président aussi de l’Observatoire de Casablanca. par des managers choisis pour leurs compétences ». En tirant aussi les leçons du passé qui privilégiait l Yasmine Benamour, DG HEM : Pour une meil- difficulté est de savoir comment coordonner l’ac- pas encore trouvé de solution pour transcender les une vision davantage sécuritaire, Casablanca pour- leure compréhension des enjeux de la ville, pour- tion et donner un rythme de marche cohérent pour blocages rencontrés avec l’actuel concessionnaire de ra jouer son rôle de capitale économique régionale riez-vous résumer le rôle du wali, du président de plus d’efficacité et de résultats. la gestion des bus dont la concession court jusqu’en mettant en avant ses fonctions productives et d’in- région et du maire ? 2019. Nous sommes en discussion avec le concession- termédiation en matière de transport aérien, du sec- - Khalid Safir : Les rôles sont bien définis et l Fathia Bennis : directrice générale de Maro- naire pour pouvoir racheter sa concession et trouver teur financier, des télécommunications… car dans chaque instance a ses prérogatives et son rôle. La clear : Le Maroc organisera en 2016 la COP 22 et des solutions. Il y a aussi un projet de transformer tous le contexte actuel de Casablanca a tout le potentiel commune s’occupe des services et les prestations devra accueillir plus de 30 000 participants, pen- les parkings en surface dans les rues et boulevards en pour être une métropole performante à l’échelle de de proximité comme l’éclairage public, la propre- sez-vous que l’aéroport sera prêt en termes d’ac- parkings payants. Cela pousserait les automobilistes l’Afrique pour peu qu’elle intègre les nécessaires té, la voierie, le transport public.. La région quant cueil ? à prendre les transports en commun, ce qui permet- mutations relatives à l’expansion urbaine, au déve- à elle a une vision économique de développement - Khalid safir : Le chantier de l’extension a repris, trait de fluidifier la circulation, de mieux respecter loppement de l’économie et de la société. Casablanca en termes de création de richesses, d’emplois et de car l’aéroport qui ne peut accueillir que 6 millions l’environnement et de donner une vie économique à est d’abord un port qui nécessite une transforma- réalisations de grandes infrastructures intercommu- de voyageurs a atteint un niveau de saturation. Nous nos artères étouffées par des voitures ventouses qui tion en tant que port urbain mais qui fut, il faut le nales. La région Casablanca-Settat regroupe 160 avons accueilli cette année 8 millions de voyageurs et occupent les places. Je suis d’accord avec vous pour rappeler, dès le début du siècle, le premier port du communes et doit avoir une vision sur l’ensemble nous sommes en surcapacité. Un travail est en cours la décharge de Médiouna, nous avons perdu beau- pays. L’historien André Adam dans son ouvrage sur de ces territoires. Elle agit comme un mini-Etat qui pour permettre une extension rapide qui permettra de coup de temps et aujourd’hui la réhabilitation de la Casablanca rappelle le déterminisme géographique a les mêmes reflexes qu’un Etat en matière de -fi recevoir jusqu’à 16 millions de voyageurs en 2017. décharge demande beaucoup d’argent et de temps. Les qui reste son premier atout : « Casablanca, écrit-il, nances publiques, d’économie, de développement.. communes refusent de recevoir les décharges, fussent- est le débouché naturel de vastes régions et de régions La willaya, c’est la représentation de l’Etat central l Fatima Zahra Ouriaghli, directrice de « Fi- elles modernes et équipées d’usines de traitement de fertiles, elle est à égale distance de Fès et de Mar- au niveau territorial. Le wali est le représentant de nances News »: Il existe un autre point noir, celui déchets. Je retiens votre proposition de hub financier rakech et apparaît comme le lieu géométrique des l’Etat qui communique avec la région et la commune de la Foire de Casablanca, quels sont vos projets pour le climat qui pourrait intéresser Said Ibrahimi qui trois grands groupes de plaines qui font la richesse et qui agit en interaction avec l’ensemble des acteurs. pour cet espace ? préside aux destinées de Casa Finances City. et la supériorité du Maroc occidental : la bassin du Il assume un rôle de coordination, de régulation et de - Khalid Safir : L’un des objectifs du plan de déve- Sebou, le littoral atlantique, les dépressions subatlas- contractualisation vis-à-vis des communes, un rôle loppement de Casablanca est de créer pour 2017 une Innover et travailler siques, ce sont d’ailleurs les directions des trois lignes d’intermédiation avec le gouvernement, à côté des offre à l’international pour l’organisation de grands de chemin de fer qui partent de Casablanca : vers le missions régaliennes que sont les missions de sécuri- événements. L’Office de la foire, le ministère des pour préparer le futur Gharb, vers le Haouz, vers le Tadla ». La géographie té. Vis-à-vis des communes, il s’agit plus d’un travail Finances, la Caisse de dépôt et de gestion travaillent l Mohamed Kabbaj, fiscaliste: Ayant fait moi- qui a permis la réalisation d’un grand port qui doit de régularisation et de contractualisation qu’assume ensemble pour mettre en place un opérateur unique même l’expérience, je puis témoigner que nous être transformé vers plus d’activités de croisière et le wali. La présentation devant Sa Majesté le Roi du qui puisse gérer et mutualiser toute l’infrastructure qui avons à Casablanca d’excellents techniciens et répa- de tourisme est le premier atout, mais le potentiel de plan de développement de Casablanca a été suivie de permettrait d’avoir une offre intéressante pour notre rateurs des outils et nouvelles technologies. N’y a-t-il cette capitale est immense. la signature de plusieurs conventions qui sont autant métropole. Une offre qui doit être aussi accompagnée pas un projet de réaménagement de Darb Ghellaf qui Pour peu que se renforce la volonté des nouvelles de contrats entre les différents acteurs locaux pour par des hôtels, des restaurants qui sont en voie de ne dispose ni d’électricité ni d’égouts pour en faire, équipes de travailler en intelligence collective pour la mise en œuvre du plan. réalisation. en partie, un espace dédié à l’électronique à l’instar transcender la crise urbaine et la crise de gouver- de ce qui se passe au grand bazar d’Istanbul ? On a nance. La vision impulsée par Sa Majesté le Roi est Points noirs l Said Mouline, directeur de l’Adree : Si la qualité évoqué l’idée de budget participatif à l’instar de ce claire, le chantier défini : faire de Casablanca une de l’air n’est pas bonne à Casablanca, cela est dû qui se fait à Paris où 5 000 projets citoyens ont été grande plateforme d’industrie, d’innovation techno- et dysfonctionnements en partie à l’état des transports en commun. Au- proposés, 600 ayant été sélectionnés. Peut-on mettre logique, de logistique mais aussi une ville attractive, l Karim Hajji, directeur de la Bourse des va- jourd’hui, des transports en commun de qualité sont en place un tel projet à Casablanca ? Le dernier conviviale où la culture, « ce supplément d’âme », a leurs de Casablanca : Vous avez évoqué l’attrac- nécessaires dans toutes les villes pour permettre aux point que je voudrais évoquer, c’est la difficulté de toute sa place et où il fait bon de vivre. Une gageure ? tivité de la ville. Force est de constater que l’aéro- citoyens une bonne mobilité. Deuxième point noir, traverser à Casablanca et de trouver des passages port de Casablanca n’est pas au niveau pour une la décharge de Mediouna. Peut-on espérer une mise piétons. Peut-on trouver des solutions, peut-on espé- Débats métropole comme la nôtre et qu’il constitue un à niveau avant la COP 22 qui se tiendra au Maroc rer la création rapide d’une police municipale pour point noir. Qu’est-ce qui est envisagé pour amélio- et qui est une carte à jouer pour le Maroc qui peut assumer certaines tâches et services ? l Hassan Alaoui, journaliste, politologue : Nous rer ce qui est censé constituer un Hub régional ? devenir un hub pour le financement climat ? Cela - Khalid Safir : L’une des difficultés que nous avons avons aujourd’hui une nouvelle cartographie po- - Khalid Safir :Dans le groupe de réflexion, nous permettrait de mobiliser des financements pour pour réaménager Darb Ghellaf, c’est la difficulté fon- litique au niveau des régions et des villes avec no- c’est une thématique qui est revenue très souvent aider notamment les pays du Sud à lutter contre les cière. Le foncier de Darb Ghellaf est privé et les pro- tamment un nouveau maire pour la ville de Casa- en termes de diagnostic et de propositions. Il faut changements climatiques. priétaires demandent l’évacuation du terrain. En fait, blanca. Quel est, M. le wali, votre ressenti face à cependant rappeler que l’aéroport de Casablanca - Khalid Safir : Je partage avec vous votre analyse tout a été construit dans l’anarchie sans réseau d’eau, ces changements ? n’est pas inclus dans le plan de développement sur les transports en commun. Nous avons le tramway d’assainissement ou d’électricité. Il y a deux ans, nous - KHALID SAFIR : La nouvelle configuration est le et qu’il est géré par une entité nationale, l’Office qui répond à une forte demande mais qui ne couvre avions essayé de doter cet espace d’un éclairage pu- résultat des élections démocratiques. Ce sont les élec- national des aéroports (ONDA). Nous avons par pas l’ensemble des quartiers. Le plan d’extension pré- blic et de le brancher à l’électricité, mais la Lydec a teurs qui se sont exprimés par la voie des urnes et qui contre engagé des discussions avec l’ONDA pour voit un réseau qui couvre tous les grands quartiers, refusé d’intervenir pour cause de danger et de risques ont fait leur choix. Le wali est le représentant de l’Etat en accélérer la mise à niveau. La difficulté tient au mais cela ne suffira pas à couvrir les besoins en mobi- d’incendie. Je ne vous cache pas que nous avons un et il travaille avec les élus choisis démocratiquement. Je fait que nous avons affaire à deux logiques diffé- lité de la population. Pour le moment, nous travaillons vrai problème avec ce site et la contribution de tous soulignais en introduction que Casablanca est en train de rentes et que nous n’avons pas la main sur ce projet. à trouver une solution juridique pour avoir un réseau est souhaitée pour trouver des solutions. Concernant devenir une grande métropole avec une classe moyenne En évoquant cette question, vous mettez en avant de bus qui soit complémentaire avec le tramway le budget participatif, nous le pratiquons depuis long- qui vote différemment d’auparavant. Ses électeurs ont les contradictions et les difficultés du travail terri- avec un système intégré de billetterie qui permet à temps notamment dans le cadre de l’INDH et le Maroc voté pour un projet, pour un renouveau et pour des élus torial, avec notamment la multiplicité des acteurs un usager de voyager avec le même ticket en tram est pionnier dans ce domaine. qui ont une vision d’avenir pour construire la ville. qui ont souvent des logiciels différents. Toute la et en bus. Je ne vous cacherai pas que nous n’avons MAROC 12 SEPTEMBRE 2015 VILLES EN DÉVELOPPEMENT diplomatique

Des associations proposent des projets de quartiers du réaménagement devront intégrer dans leur cahier des les régler. Parmi ces points, il y a la circulation devenue - Khalid Safir : Nous avons beaucoup de chantiers et l’Etat finance avec les collectivités territoriales qui charges le volet communication. Les sociétés qui inter- infernale. Il faudra prendre comme on le fait en Europe, qui ne sont pas menés de manière professionnelle, car interviennent dans une moindre mesure. L’effort qui sera viennent dans les chantiers devront mettre en place la en Grande-Bretagne en particulier, des mesures pour les cahiers des charges ne sont pas clairs notamment au fait à l’avenir est de pousser ces collectivités à participer signalétique nécessaire et mener des campagnes d’infor- pousser les automobilistes à abandonner leurs voitures. niveau des prestations de sécurité qui doivent accompa- davantage aux projets dans les quartiers. Pour les pas- mation à travers les médias et l’affichage autour des sites Les rues du centre-ville sont taxées et il faut payer pour gner le travail ou même les lieux de vie des ouvriers qui sages piétons, j’ai moi-même fait l’expérience avec mon pour signaler les déviations. Nous avons l’expérience les traverser. C’est une idée qui mérite d’être étudiée. vivent très souvent dans des conditions infrahumaines ! enfant dans une poussette et je puis vous assurer qu’il est d’un grand chantier, celui du tramway qui a duré plus - Khalid Safir : Contrairement à ce que certains Personnellement, j’ai exigé pour le chantier du Grand impossible de faire 100 mètres linéaires à Casablanca. de 30 mois qui a mené une bonne communication pour pensent, Casablanca est une ville très animée. Il y a des théâtre, géré par une SDL de Casablanca, le respect des Aujourd’hui, il y a des normes d’accessibilité pour des faire accepter les nuisances et contrariétés. spectacles tous les soirs, les théâtres sont bien fréquentés, standards internationaux en matière de logements des personnes à mobilité réduite qui sont respectées dans les instituts culturels étrangers, français, espagnol, italien, ouvriers, des bureaux pour les ingénieurs... Il faudra être les nouveaux aménagements dans les boulevards d’An- l Hassan Chami, ex-président de la CGEM : Je allemand… sont très actifs. Mais là où le bât blesse, c’est tout aussi exigeant pour les entreprises qui ouvrent des fa, Kennedy, : une personne à mobilité voudrais apporter un témoignage personnel. J’ai le le manque de communication. L’un des objectifs serait chantiers. Je retiens votre idée des Smartphones mais je réduite sur chaise roulante peut circuler le long de ces souvenir des années 56 lorsque, jeune bachelier, je suis de créer un officiel des spectacles, un « Casa news » qui n’ai pas pu convaincre les opérateurs télécoms de mu- boulevards au niveau des traversées. Pour le reste de la venu ici à Casablanca au lycée Lyautey pour faire math sortira régulièrement et qui donnera toutes les informa- tualiser leurs efforts pour installer dans les boulevards ville, il y a encore beaucoup d’affaires à faire, et dans sup. J’ai donc vécu dans cette ville avant qu’elle ne tions sur les spectacles et les lieux d’animation que nous en rénovation des goulottes pour les passages de câbles. tous les boulevards qui seront rénovés, ces normes seront devienne ce qu’elle est. La ville était propre, la circula- souhaitons de plus en plus nombreux et variés. Nous Dans les grandes villes développées, c’est la ville qui appliquées. La police municipale qui sera mise en place tion fluide, les rues étaient animées et il existait un réel sommes une ville ouverte et nous comptons le rester. prend en charge ces travaux de génie civil. y veillera en verbalisant les contrevenants. Un embryon souci du bien-être et du bien-vivre dans les relations. Pour la question relative à la fiscalité, il faut une reprise A Casablanca, nous n’avons malheureusement pas de cette police municipale vient d’être créé et nous avons Il y avait à la Willaya une direction technique avec des en main de l’administration fiscale actuelle pour que les les moyens de faire des goulottes dans la ville et d’im- lancé un appel à candidature. Sur les 15 000 candidatures, ingénieurs municipaux qui réalisaient les travaux et particuliers et entreprises paient leurs impôts avant de poser aux opérateurs un loyer pour utiliser ces points de nous avons ciblé une centaine de demandes parmi les- les relations avec les élus étaient préservées. Il existait mener une réflexion pour en améliorer le fonctionnement. passages. Je partage votre proposition sur les camions. quelles on compte quelque 17 agents qui présentent des une convivialité qui a malheureusement disparu, car Nous avons des habitants de quartiers entiers qui ne paient Notre réglementation date des années 60, à l’époque où aptitudes. Le chemin est, on le voit, encore très long ! durant ces 40 dernières années, nous sommes revenus pas d’impôt, car ils n’ont jamais été déclarés ! Il y a aussi le périmètre de Casablanca était très limité, le centre- en arrière. Aujourd’hui, vous recréez cette direction les taxes sur terrain non bâtis ! Vous évoquez les taxes ville de Casablanca s’arrêtait à Derb Omar ! L’Agence l Farid Bensaid, promoteur du concert philharmo- technique, c’est une bonne initiative et je m’en réjouis. institués pour les automobilistes qui pénètrent le Centre marocaine de développement de la logistique est en train nique et DG de société : Le grand théâtre de Casablanca Khalid Safir : Nous partageons le constat que vous de Londres, c’est une idée intéressante mais il faudrait de réaliser une étude sur la logistique urbaine de Casa- sera fin prêt en 2017, réalisé par des architectes de re- faites sur l’évolution de la ville de Casablanca. Une forte installer des systèmes de surveillance appropriés comme blanca avec une analyse géographique et par filière éco- nommée mondiale. Il reste que s’il est facile d’édifier un inflexion dans le sens que vous décrivez a été donnée par les caméras et surtout il faudrait des transports publics nomique (légumes, textile…) pour faire des propositions espace, il est plus difficile, à mon avis, de le faire vivre. les changements institutionnels, notamment par la Charte efficients afin d’améliorer la mobilité des usagers. de redéploiement des centres de logistiques et proposer Comment va-t-on occuper les 300 jours et comment communale de 1976. Celle-ci était certes nécessaire en une réglementation de circulation. Pour la proposition va-t-on gérer ses activités ? termes de décentralisation et beaucoup de prérogatives Propreté, civisme du travail de nuit des équipes de propreté, ce sont les - Khalid Safir : Ce que je peux vous dire, c’est qu’en de l’Etat ont été dévolues à la commune. Les élus ont syndicats qui représentent le personnel communal qui parallèle de la construction du théâtre, une étude a été géré les services et la ville a été divisée en de nombreuses et communication s’y opposent. Nous espérons, cependant, faire évoluer les lancée avec un cabinet international pour définir à la fois communes qui sont devenues autonomes. La nature et l Karim Baina, DG société : je voudrais aborder discussions. Sur la question du civisme, permettez-moi la programmation et le mode de gestion, car les seules re- l’ampleur des pouvoirs transférés ont entrainé une ra- un sujet relatif à la sécurité des voieries. On voit des de penser que le civisme s’impose et que parfois il faut cettes ne suffiront pas à financer les activités. La réflexion pide transformation qui n’est pas toujours allée dans le chantiers éventrés, des blocs de béton meurtriers et des un système coercitif, des sanctions et des pénalités. Je est initiée et nous allons faire appel à l’expertise nationale bon sens, en l’absence d’un organe de coordination des chefs de chantiers qui quittent les lieux sans s’assurer pense à ce qui se fait à Singapour ou à New York ou à pour nous aider à avancer dans ce chantier. communes et de l’arrivée en masse d’élus à la faveur de la sécurité des citoyens ou même la sécurité de leurs Paris où des polices particulières veillent au respect de des élections de 1992. C’était là le signe d’une montée ouvriers. N’y a-t-il pas un moyen d’obliger les entre- la loi. L’incivisme a atteint un niveau insupportable ! Je Quelle stratégie spatiale ? en puissance de la préoccupation locale, mais cela a posé prises concernées à respecter les délais, à informer les passe tous les soirs par un boulevard bordé de grandes l Youssef Chraibi, DG de la société Intelsia : Ne problème quant l’efficacité de la gestion de l’action pu- citoyens des délais des travaux pour les informer de villas qui est la continuation du boulevard Bir Anzarane. pourrait-on pas, M. le wali, intéresser le privé à la réa- blique. Dans les petites communes, tout était confondu et l’état d’avancement. Pourquoi ne pas développer les Malgré la présence d’un grand container, il y a tous les lisation, exploitation et gestion de parkings publics que ce sont les élus qui géraient directement. Cette répartition applications Smartphone pour la circulation à Casa- soirs des déchets, des sacs en plastique d’immondices qui l’on pourrait construire en sous-sol des jardins publics ? a souvent causé des tensions, une insuffisance de réalisa- blanca, pour informer des déviations ? Dans les pays sont déposés au pied des arbres qui jouxtent de grandes -Khalid Safir : Nous sommes en train d’identifier des tion des projets publics et beaucoup d’incohérence. Nous développés, il y a une radio dédiée à la circulation qui villas ! La question du civisme touche, on le voit par cet sites et des terrains pour les mettre à disposition de futurs essayons aujourd’hui de corriger les dysfonctionnements, alerte quant il y a lieu, informe des accidents ou inci- exemple, tous les segments de la population. investisseurs. Il y aura un appel à manifestations d’intérêt d’améliorer les conditions institutionnelles pour une meil- dents. Je voudrais aussi que vous abordiez la question qui sera lancé pour recruter des investisseurs nationaux et leure prise en charge des besoins et des attentes. C’est de la connectivité. Si l’on veut que Casablanca soit une l Jawad Hamri, président du conseil BMCI: Après internationaux qui réaliseraient et géreraient ces parkings. ainsi qu’il y a aujourd’hui une vraie séparation des mis- grande métropole, il faut veiller à la fois à la logistique une écoute attentive des questions et des réponses où sions et attributions entre la sphère politique représentée des transports en offrant les meilleurs moyens de mobi- l’on reconnait parfois les limites et les contraintes de l Leila Mamou, présidente-directrice générale de par le Conseil et l’exécution opérationnelle pilotée par des lité et en interdisant la circulation des camions le jour et l’exercice, je me pose une question : n’y a-t-il pas moyen Wafasalaf : Vous avez évoqué, M. le wali, une période managers. Les choses sont plus claires et ces adaptations en ville et à la logistique de la fibre optique. Il faudrait d’imaginer un bigbang qui puisse soit faire rupture avec « de galère », difficile sur le plan de la circulation des institutionnelles nous permettront d’avancer. offrir en tous lieux l’Internet. Il y a aussi cette question un projet fédérateur, soit permettre à l’autorité de l’Etat automobilistes compte tenu des grands travaux de de la propreté de la ville, pourquoi ne pourrait-on pas de s’exercer de manière plus coercitive dans la rue et réaménagement de boulevards et carrefours qui vont l M. Belmadani : Je voudrais évoquer la question penser à l’instar de Paris ou de New York à des équipes prendre des sanctions à l’encontre des comportements être lancés. Comment va-t-on anticiper, accompagner de la fiscalité locale qui doit être visible pour attirer les qui travailleraient la nuit et ceci est aussi valable pour inciviques ? et apaiser les Casablancais durant cette période géné- investisseurs. Nous voulons faire de Casablanca une les équipes des différents chantiers ? Pourquoi ne pas - Khalid Safir : La question de rythme et vitesse de ratrice de stress intense, avec quels moyens de commu- ville attractive avec une politique d’animation, avec des penser à des campagnes de sensibilisation des citoyens mise en œuvre que vous évoquez interpelle celle des nication et avec quels nouveaux circuits ? entreprises compétitives, mais pour cela il faudra se pen- sur la question du civisme, du respect d’autrui, de la moyens mis en œuvre pour la déclinaison et la réalisation - Khalid Safir : Toutes les sociétés qui seront en charge cher sérieusement sur tous les points noirs évoqués et propreté ? des projets. 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qui permettent de les mobiliser autour d’idées, de projets et ces techniques ont donné des résultats. - Khalid Safir : Oui, Casablanca a une identité et une âme qui lui avaient donné dans les années 50 et 60 un rayonnement international ! Il nous faut redécouvrir cette âme et la mettre en valeur. Au cours des réflexions qui ont accompagné ce plan de développement, cette thématique a été traitée notamment par des artistes, des intellectuels qui ont fait des propositions dont nous tiendrons compte.

l Représentante de Valyans : Ma préoccupation es- sentielle, c’est l’éducation. Qu’est-ce qui est prévu au niveau de l’éducation des Casablancais ? - Khald Safir : Cette problématique complexe de l’éducation est gérée au niveau national et il n’y a pas de stratégie locale. Les opérations qui nous ont mobi- lisés sont celles dédiées aux populations précaires dans les périphéries et quartiers populaires, là où il n’y a pas de préscolaire. Or, le passage par le préscolaire est une nécessité pour la réussite de la scolarité.

l Raja Aghzadi, médecin chirurgien : Dans cette transformation de Casablanca, il est aussi important de tenir compte de la facture santé qui sera très lourde. Les maladies chroniques se sont multipliées, le taux de suicide a augmenté, le nombre des dépressions a explosé, en partie pour cause de stress intense, mais aussi du manque de vigilance. Il faudrait réfléchir à ce niveau à des solutions et je pense par exemple à cer- Mohamed Benamour et Khalid Safir. taines propositions de covoiturage, de mise en place de La création du groupement d’agglomérations - Khalid Safir : La création d’une société de recouvre- l Samir Sahraoui : Casablanca est la troisième desti- velolib, il faudrait aussi exiger lors des recrutements de permet de mettre en commun un ensemble de théma- ment des recettes et SDL est possible, cela se justifie finan- nation du Maroc, après Marrakech et Agadir en termes chauffeurs de bus, des tests psychologiques ! tiques telles que les transports, la gestion des déchets cièrement. A propos des échanges intervilles, Casablanca de nuitées. C’est la première destination touristique en - Khalid Safir : Les chauffeurs de bus sont aussi stressés et autres problèmes pour pouvoir les gérer en intelli- est déjà jumelée avec plusieurs villes, mais il faudrait sans termes de recettes, ce qui dénote d’une performance que les autres chauffeurs et je peux vous dire que passer gence collective. La création de cette entité permet de doute approfondir les échanges et les partenariats. réelle de la ville. Imaginez ce que serait cette métro- une journée à Casablanca dans une voiture ou dans un bus mutualiser les recherches de solutions sur l’ensemble pole quand les chantiers présentés seront réalisés ! Je n’est vraiment pas une sinécure ! Nous avons pour projet du territoire de la métropole. La décharge de Mediouna l Fathia Bennis, DG Maroclear : Merci de nous voudrais dire un mot sur cette question du civisme. Le de réaliser une trentaine de kilomètres de couloirs de bus dont la commune est membre de ce groupement d’ag- donner plus d’information sur le concept « naming ». Casablancais n’est ni moins ni plus civique ou éduqué pour qu’ils puissent rouler tranquillement, car ce que l’on glomérations en est un exemple, car dorénavant cette Je voudrais aussi suggérer aux nombreux bâtisseurs que le Fassi ou le Rbati. En fait, le manque de civisme, remarque aujourd’hui, c’est que l’on ne laisse même pas commune est aussi concernée par les problèmes des des mosquées qu’ils seraient aussi les bienvenus pour c’est la manifestation d’une colère, les Casablancais tourner en ville ! Concernant les problèmes de santé que déchets de Casablanca. Les SDL (Sociétés de dévelop- construire des écoles et des dispensaires. sont toute couche confondue en colère. Sans doute, vous évoquez, je ne peux que partager votre constat en pement local) ont permis la création de véhicules qui - Khalid Safir : Le « naming » c’est donner un nom faudrait-il s’interroger sur les raisons de cette colère regrettant la réduction des postes budgétaires alloués au exécutent de manière efficace et mutualisée un certain d’une entreprise à un établissement, un équipement pu- pour trouver les remèdes ! ministère de la Santé. nombre de projets. Vous évoquez les moyens de coer- blic, un jardin, une gare ferroviaire ou autre. Emirates a - Khalid Safir : Je suis d’accord avec vous sur ce cition pour régler les problèmes de manque de civisme par exemple réalisé un stade à Londres. Nous réfléchis- constat, reste à trouver ensemble les solutions ! Jawad Kerdoudi, président de l’IMRI : Après la ou d’indiscipline. Il s’agit là d’une question complexe. sons dans ce sens à un projet de réalisation de stations nouvelle loi sur les collectivités territoriales, le pré- Certains d’entre vous ont évoqué avec raison la frustra- de Tram. l Raphael Mergui, journaliste : Si j’applaudis au sident du Conseil régional est devenu ordonnateur du tion, la colère, le sentiment d’oppression ressenti par les plan de développement de Casablanca, je ne peux cepen- budget et le wali en est le contrôleur. En tenant compte habitants, le stress intense que l’on ne retrouve pas dans l M. Omari : Les Partenariats publics privés se dé- dant m’empêcher de ressentir une certaine frustration, des erreurs du passé, ne craignez-vous pas qu’avec les autres villes. Les solutions à la fois technocratiques veloppent. J’aimerais savoir comment ces PPP sont-ils car cette vision est trop économique et technocratique. Il cette nouvelle loi on puisse perdre en efficacité ? et soft doivent tenir compte de tout cela après avoir contrôlés ? Quel est le rôle des autorités délégantes ? A manque tout cet aspect culturel qui donne ce supplément Khalid Safir : Sur beaucoup de dossiers, nous avons identifié les raisons. propos des problèmes de sécurité qui ont été évoqués à d’âme à une ville. Ne faudrait-il pas dans les cahiers des appris du passé. Les mécanismes qui sont mis en place plusieurs reprises, je voudrais rappeler que ce sont les charges obliger les investisseurs à tenir compte des im- aujourd’hui offrent un cadre de sécurité et nous avons, l Fassi Fihri, directeur la société des parkings femmes qui sont le plus en butte à l’insécurité. pératifs culturels, car une ville se définit aussi et surtout il faut le reconnaitre, de plus en plus d’élus formés à (CDG) : Ne pensez-vous pas, M. le wali, que la créa- - Khalid Safir : Le contrôle est incontournable. Au par « son âme » ! L’âme de la ville est un préalable et ce la hauteur des enjeux actuels. J’étais à l’élection du tion d’une société de recouvrement des recettes serait Maroc, nous avons beaucoup évolué et appris sur ces ne sont pas les cabinets conseils chargés du branding président du conseil et j’ai eu l’occasion de voir les une bonne chose ? Mon autre proposition concerne le questions. Au cours de ces deux dernières décennies, il qui sont en mesure de contribuer à la renaissance de CV des élus et ceux qui seront au bureau. Je puis vous développement de partenariats avec de grandes villes y a eu beaucoup de concessions à Casa, Rabat, Tanger Casablanca. Il faudrait à l’instar du travail réalisé par assurer qu’il y a lieu d’être optimiste. Autour de Mus- comme Lyon ou Istanbul pour mieux sérier les pro- en matière de gestion de déchets, de réseaux d’électricité, M. Benamor pour réunir économistes et chefs d’entre- tapha Bakkoury, de Abdelaziz Omari, nous aurons de blèmes évoqués dans une approche comparative. On d’eau et d’assainissement. Il y a eu beaucoup de PPP et prise de l’Observatoire, réunir les artistes créateurs pour bonnes équipes ! Le wali de son côté a une mission constate d’autre part une cherté progressive à Casablan- aujourd’hui le cumul des expériences permet aux adminis- réfléchir sur ce sujet. On a beaucoup parlé de civisme, d’accompagnement de la mise en place de la région qui ca qui empêche les salariés de vivre dans des conditions trations et collectivités de mieux négocier et de mieux gérer de sanctions contre l’incivisme. Beaucoup de pays ont aura à créer son agence de développement. La willaya décentes… les contrats d’autant qu’il existe une loi qui les encadre. expérimenté des techniques participatives des citoyens sera impliquée dans sa mise en place. n

RÉUNION DU 15 SEPTEMBRE 2015 À LA CGEM Le mot d’accueil du président du CDS au Wali du Grand Casablanca ermettez-moi de vous exprimer tout le plaisir de vous retrouver à l’oc- cessé de déployer de grands efforts en vue d’œuvrer et accélérer la mise à au plan de régionalisation avancée, comme à la Constitution, a relancé l’Ob- casion de cette nouvelle session de rencontres du CDS pour 2015/2016. niveau de la capitale économique dont les premiers résultats sont papables. servatoire du Grand Casablanca créé en 2004 sans aucune activité réelle J’en suis d’autant plus heureux que la première personnalité de Il a ainsi doté la métropole d’une vision et d’une feuille de route, comme jusqu’à maintenant. Pmarque que nous recevons pour inaugurer ce cycle de rencontres n’est autre d’un plan stratégique qu’il avait présenté devant Sa Majesté le Roi le 26 M. le wali m’a fait l’honneur et l’amitié de me confier la présidence de qu’un grand commis de l’Etat, pour lequel je porte estime et considération. septembre 2014. cet observatoire, pour fédérer toutes les bonnes volontés et constituer ainsi Il s’agit de Si Khalid Safir, wali de Sa Majesté sur le Grand Casablanca. A cet effet, nous pourrions rappeler les quelques étapes marquant cette un think-tank régional à même de mener des études et des propositions aux M. Khalid Safir, est polytechnicien, père de 4 enfants. Il a occupé différentes prise de conscience pour impulser à cette capitale économique une dynamique élus, comme aux autorités, car une bonne décision passe nécessairement par responsabilités dont nous vous remettons un résumé dans le CV retraçant le nouvelle et relever les défis, notamment par rapport à une population jeune une bonne information. parcours remarquable et riche de cette grande personnalité. et en chômage, et de renforcer sa croissance et son développement au profit Ces quelques éléments illustrent d’une façon sommaire le cheminement M. le wali vient de présider ce matin même l’ouverture de la séance de ses habitants comme de son monde entrepreneurial. d’une action endurante, réfléchie, planifiée et mobilisatrice de toutes les forces d’élection du Président du Conseil de la ville de Casablanca (maire), au siège Je me permets de vous rappeler quelques étapes qui ont caractérisé la dé- de la ville qu’a su insuffler notre hôte. de la Wilaya à 10h00. marche depuis le Discours Royal au Parlement, le 11 octobre 2014, centré en M. le wali est connu pour sa grande compétence, ses qualités humaines Nous nous réjouissons par ailleurs de l’élection de notre ami Mustapha grande partie sur la ville de Casablanca ; et qui a constitué sans aucun doute exceptionnelles et sa détermination pour faire aboutir tous les objectifs qu’il a Bakkouri, à la tête de la région de Casablanca/Settat. un acte politique fort sur la nécessité de doter Casablanca d’une vision et lui-même tracés en concertation avec les élus, la société civile et les opérateurs Aujourd’hui, Monsieur le wali va nous entretenir sur les axes importants d’une gouvernance appropriée. économiques, sachant que le chômage des jeunes et la faible croissance de de son Plan de développement stratégique de la métropole, comme de ses Dès sa prise de fonction, le wali a initié une démarche vertueuse, celle Casablanca sont deux indicateurs auxquels il faut immédiatement remédier réalisations, et de ses actions futures. de la concertation élargie en mettant en place un think-tank élargi de neuf pour permettre que Casa retrouve son aura d’antan au bénéfice du citoyen J’espère que la gouvernance de Casablanca, grâce aux compétences, groupes de travail lesquels ont assuré une production et des pistes de réflexion comme au monde de l’entreprise. comme à l’intelligence qui caractérisent ses autorités et ses élus, permette à de grande qualité Nous écouterons M. le wali avec beaucoup d’intérêt, car grâce à cette métropole de jouer le rôle qui devra être le sien, en tant que modèle de Cette démarche a éclairé l’action du wali pour élaborer un véritable plan son expérience, comme aussi son sérieux dans son action, il a su lever développement tant au niveau national qu’international. stratégique de développement tel qu’il l’a présenté à Sa Majesté. des fonds auprès de la Banque mondiale pour permettre à la Capitale Comme vous le savez, Monsieur Khalid Safir a été nommé wali du Grand C’est ce que j’appelle le temps de la décision et de l’action. économique de faire face au financement de son propre modèle de Casablanca au lendemain du discours royal d’octobre 2013. Depuis, il n’a Ainsi, ayant défini ses objectifs, et tracé son plan, le wali, conformément développement. n MAROC 14 SEPTEMBRE 2015 ENQUÊTE diplomatique Les réseaux sociaux, pour un monde sans frontières ? Souad Mekkaoui après, les moteurs de recherches, la presse publicité. En effet, le plus grand réseau électronique et les sites de partage de vidéos. social planétaire reste Facebook puisque es nouvelles technologies se sont glis- dans le monde, plus d’un milliard de per- sées dans nos pratiques quotidiennes à Le partage : mot clé sonnes abonnées, soit un humain sur sept, telle enseigne que de nouveaux com- des réseaux sociaux l’utilisent gratuitement pour échanger et lier Lportements se sont installés dans la vie de des amitiés. tout un chacun. Les médias sociaux, les plate- Ces groupements de gens ou d’organi- formes interactives et l’utilisation massive sations qui instaurent un dialogue au sein Comment expliquer des smartphones et des tablettes, qui mènent d’une communauté (ensemble d’individus la danse des temps actuels, ont chambardé les développant des échanges thématiques, des un tel engouement parangons de la communication tradition- interactions sociales, des discussions autour et dépendance nelle jusqu’à instaurer de nouveaux codes et d’un personnage, d’un produit ou d’un centre aux réseaux sociaux? de nouveaux langages. Les contraintes des d’intérêt quelconque sur l’ensemble des mé- ordinateurs portables ou de bureau cèdent dias sociaux) et partagent un contenu par Désormais, délaissant tout autre outil de allègrement la place aux mobiles surtout eu l’intermédiaire du web constituent ce qu’on contact traditionnel, dans un contexte numé- avaient égard à l’optimisation des sites web conçus appelle des réseaux sociaux. Ceux-ci, d’une riqueenvahisseur, les réseaux sont devenus choisi afin pour ces supports plus pratiques, à la grande quantité impressionnante, dépassent les 200 la nouvelle réalité qui réponde aux besoins d’atteindre autonomie offerte par les appareils mobiles sites et se répartissent, voire s’arrachent, les actuels et suivent un rythme de vie deve- leurs objectifs et à la standardisation des routeurs Wi-Fi internautes dont le nombre augmente de fa- nu de plus en plus effréné. D’autant plus et de remuer ciel dans les maisons et lieux publics. D’ailleurs, çon hallucinante. Grâce à eux, on peut garder que les réseaux sociaux permettent d’être et terre pour renver- de plus en plus de personnes y centralisent le contact avec une personne ou un groupe et «soi-même» et de s’exprimer sans limite ser des chefs d’État ayant toutes leurs activités multimédias et profes- communiquer à tout moment même en situa- ni réserve. Certaines applications comme longtemps usé de leur despo- sionnelles. Les nouvelles technologies sont tion de mobilité. Les smartphones, Androïd Snapchat, Secret ou Ask.fm drainent un pu- tisme. En Tunisie, en décembre 2010, devenues indispensables dans la vie actuelle et tablettes aidant, les «amis» ou «contacts» blic jeune qui peut écrire n’importe quoi et l’immolation d’un marchand ambulant avait si bien que ne pas y adhérer représente un sont constamment connectés et les yeux rivés sur n’importe quel sujet sans qu’il ne soit déclenché, comme une traînée de poudre, arabe, est plutôt surprenant allant en déficit et nous fait décaler des autres. Cepen- sur leurs écrans comme par crainte de rater identifiable parce que personne n’a de vrai l’indignation d’un pays puis du monde entier crescendo avec une progression de 50% dant, pour les utiliser à bon escient et de façon une information vitale. nom ni de visage et les tweets ou les textos sur Facebook où les publications et photos se d’utilisateurs en seulement une année. efficace, il est nécessaire d’en connaître le Les internautes marocains, tout comme ne sont pour autant liés ni à un nom ni à relayaient en force afin de toucher un maxi- Le rapport publié confirme que le Maroc mécanisme, la nature, l’utilité et les dangers. ailleurs dans le monde, utilisent internet un numéro. Sauf que Twitter est au point mum de gens. Et pour preuve, le 14 janvier, est fan de Facebook (près d’un Marocain Ceci favorise la présence quasi constante pour avoir des informations, lier des amitiés, mort au Maroc, bien qu’il soit un service après la chute de l’ex-président Ben Ali, sur quatre est inscrit sur ce réseau), mais sur les médias et réseaux sociaux. Par ail- échanger des idées et des avis, partager des social gratuit de microblogging (l’échange l’avenue Bourguiba, en plein centre de Tu- continue à délaisser Twitter. Le Maroc est leurs, force est de rappeler que nombre de photos et des vidéos, et c’est ainsi que les de messages rapides à une communauté nis, s’ornait d’un graffiti «Merci Facebook». désormais classé le troisième pays arabe personnes confondent médias sociaux et réseaux sociaux constituent pour eux le meil- d’utilisateurs). Ciblant un public de tech- Le 25 janvier 2011, c’était au tour des en nombre d’utilisateurs de Facebook der- réseaux sociaux, or ces derniers ne consti- leur lieu de «pèlerinage» surtout Facebook nophiles,il fait encore peur aux néophytes militants égyptiens d’avoir recours à Face- rière l’Égypte et l’Arabie saoudite. tuent qu’une partie des premiers cités. Et les qu’ils se sont approprié et adopté. qui n’osent pas l’appréhender et le trouvent book pour appeler au soulèvement. En médias sociaux sont donc incontournables Il existe plusieurs «groupes» de réseaux so- «intellectuellement» moins accessible avec février 2011, on brandissait une pancarte La face cachée à l’heure de la communication digitale afin ciaux notamment personnels (qui permettent ses «tweets, retweets, hashtags, etc.» qui per- sur laquelle était écrit «Facebook à tous les d’être à jour et suivre le rythme d’un monde de faire connaissance, échanger, partager mettent tout de même une forte puissance tyrans». Les régimes autoritaires sont allés des réseaux sociaux frénétique. des photos et des vidéos), professionnels de communication, en temps réel, pour une même jusqu’à bloquer l’accès à internet en Si le monde virtuel offre une ouverture À cet effet, le monde entier est presque (pour toucher un maximum de collègues, certaine élite composée de leaders d’opinion, Égypte, en Syrie et au Liban après avoir me- et des horizons sans limites, il faut savoir connecté à internet et les chiffres donnent le de partenaires d’affaires ou de fournisseurs et influenceurs, journalistes, ministres et chefs suré la forte menace des réseaux sociaux. que les zones d’ombre de la vie numérique tournis. Tant et si bien que donner des sta- promouvoir ses activités), et aussi de diver- d’Etat même, célébrités, fans d’émissions de Ceci dit, si Facebook n’a pas été le vrai restent considérables. Passé le moment de tistiques précises n’est pas chose aisée. Tou- tissement (utilisés pour partager des vidéos et télé, radio ou cinéma. Aussi la préférence de déclencheur du printemps arabe, sa forte découverte et la phase d’émerveillement tefois, des chiffres clés prononcés sont, tout de la musique. Ces espaces permettent aussi la population, en général, va vers Facebook, contribution est à souligner puisque cet es- devant ce monde magique, l’addiction de même, significatifs. Ainsi, sur les 3,025 aux artistes de se faire connaître). Parmi les le leader incontesté, puisque l’accès est plus pace virtuel a été une agora prompte à nourrir est aux aguets. Elle nous prend au nez. milliards d’internautes, soit 42% à travers plus visités, Facebook tient la première place. simple et «la maîtrise» moins compliquée. la liberté d’expression, aux échanges d’idées Des personnes qui restent accrochées à le monde, 2,060 milliards sont actifs sur les Et sur ce point encore, c’est déjà prouvé : les En plus, il y est plus aisé de cibler son ou ses et d’opinion et surtout un moyen pour faire cette fascination initiale et manifestant un réseaux sociaux, soit 68% des internautes et Marocains sont de plus en plus connectés interlocuteurs et contacts puisque les infor- entendre la voix révolutionnaire. intérêt exagéré peuvent basculer, insensi- 28% de la population mondiale. Le Maroc, à tel point que la rapidité avec laquelle le mations concernant les membres sont signa- blement, dans les méandres et enfers du lui, est classé parmi les premiers pays arabes marché virtuel évolue est des plus surpre- lées sur leur mur, à savoir le sexe, la tranche Un outil professionnel revers de la médaille. L’anonymat, quant quant à la progression en nombre d’utilisa- nantes. Et parmi les réseaux les plus utili- d’âge, le nombre d’amis et de suiveurs, les à lui, permet de se lancer dans des discus- teurs des réseaux sociaux avec ses huit mil- sés, Facebook s’est imposé, et avec force, goûts et centres d’intérêt, les publications et efficient sions libérées de toutes contraintes. Mais lions et demi d’utilisateurs de Facebook et dans le quotidien des internautes marocains commentaires, etc.. Sans oublier la rapidité Bien gérés, un compte Facebook ou il ne présente aucun moyen pour vérifier seulement 120 mille sur Twitter. jusqu’à devenir incontestablement le plus des partages, ce qui développe très rapide- Twitter peuvent être un outil de diffusion l’identité ou l’authenticité des échanges Ainsi, en termes d’usage d’internet, les populaire. En revanche, d’autres plateformes ment d’ailleurs sa notoriété. d’informations très efficace qui peut per- partagés qui peuvent faire l’objet d’une réseaux sociaux restent indétrônables et émergent également tels YouTube, Twitter, De ce fait, Mark Zuckerberg a annoncé mettre à l’utilisateur de mesurer la portée certaine colonisation de l’intimité puisque gardent, sans conteste, la première position. LinkedIn, Viadeo, WhatsApp, Snapchat, non sans fierté, sur son profil Facebook, de sa popularité sur le web. Cela permet finalement ce qu’on peut croire être intime Viennent MySpace, Instagram et bien d’autres pour jeudi 27 août, que le lundi 24 août 2015, un de nouvelles activités de collaboration, devient public. Son utilisation peut s’avé- ne citer que les plus connues. Celles-ci four- milliard de personnes se sont connectées sur de découvertes et un accès à une banque rer dangereuse, voire virer au cauchemar nissent à leurs utilisateurs des outils le roi des réseaux sociaux, c’est-à-dire un de données très importante. La prise de puisqu’elle peut être instrumentalisée pour et interfaces d’interaction humain sur sept! Hallucinant quand on se contact ouvre aussi des perspectives dans corrompre, tromper, induire en erreur, et de communication rappelle que trois ans auparavant, en octobre la manière qu’on a de penser l’autre, le manipuler et harceler, et les techniques et constituent aus- 2012, on avait annoncé qu’au moins un mil- collectif ou encore le monde. numériques maléfiques sont nombreuses si des supports liard de personnes se connectaient chaque Viadeo ou encore LinkedIn ou ce qu’on dans ce sens. En effet, le «revenge porn» de marke- mois sur Facebook. Un tel engouement ne appelle encore les médias sociaux de ré- dont les victimes sont majoritairement des ting et peut que surprendre, toutefois les routards seautage sont des réseaux sociaux dont femmes consiste à publier en ligne des d e du web n’y voient qu’un prolongement de l’orientation est plutôt professionnelle photos suggestives d’une personne qu’on tout canal de discussion permettant peut-être pour des activités B to B. C’est un réel cherche à détruire. Alors que le «black le privilège libérateur de discuter sous pseu- outil qui permet de créer un vrai réseau de hat» est le fait qu’un hacker s’introduit donyme. Ce contexte dans lequel se libère partenaires et de collègues afin d’échanger dans un système afin de causer des dégâts. la parole est beaucoup plus facilité par les des expériences, des recommandations et Des jeunes et moins jeunes ont fait preuve applications conçues spécialement pour des propositions tout en élargissant, consi- de la pire autodestruction qui puisse exis- smartphones et donc à portée de main à dérablement, l’horizon professionnel en ter allant même jusqu’au suicide pour tout moment et n’importe où. entrant en contact avec des milliers de avoir fait l’objet de manipulation et de cadres, de dirigeants et de décideurs du harcèlement. Les familles subissent une Une plateforme même secteur dont le centre d’intérêt est sorte d’éclatement et le vivre ensemble le même. Ils peuvent même être porteurs s’avère plus difficile à maintenir avec la de réflexion et de de nouvelles affaires ou de nouveaux multiplicité des écrans qui rapprochent liberté d’expression axes de développement notamment des leurs propriétaires de personnes se trou- Au-delà de l’information, les ré- partenariats. vant à des milliers de kilomètres, mais les seaux sociaux se sont avérés et à plus Au Maroc, LinkedIn connaît une éloignent de personnes qui sont juste à d’une expérience être des éclaireurs importante évolution, ces dernières an- quelques mètres d’eux. et éveilleurs de conscience. N’est-ce nées, avec 9 fois plus de Marocains Vous l’aurez donc bien saisi : les mé- pas eux qui ont tracé les contours qu’en 2014. Les chercheurs de la Mo- dias sociaux ont une force de frappe ex- d’un nouveau monde arabe qui a hammed Bin Rashid School of Govern- ceptionnelle et une importance capitale longtemps rêvé de révolution? Face- ment de Dubaï «Arab Social Media dans la vie moderne, mais sont à manier book a, en effet, été l’outil d’informa- Report» soulignent que l’emballement avec des pincettes si on ne veut pas en tion et d’organisation que les militants pour les réseaux sociaux, dans le monde faire un outil de destruction massive. n MAROC diplomatique ENQUÊTE SEPTEMBRE 2015 15 Entretien avec Jean Zaganiaris Enseignant-chercheur à EGE Rabat

Jean Zaganiaris est en- comprendre de quelle façon ils les ré- seignant-chercheur à EGE ceptionnent et quels usages diversifiés Rabat. Son dernier essai s’in- ils font de l’information. On n’inter- titule «Un printemps de désirs. prète pas uniquement la communica- Représentations des genres tion en fonction de son contenu, mais dans la littérature et le cinéma également de ce que nous sommes, de marocains à l’heure des prin- nos caractéristiques sociales, de nos temps arabes» (La Croisée des trajectoires de vie et de nos sociabili- Chemins, 2015). Il a également tés. On peut aller sur des sites de clubs publié son premier roman «Le de foot parce que l’on est pris dans le périple des hommes amou- cadre de sociabilités amicales. C’est reux» (Casa Express, 2015). d’ailleurs ainsi que s’est créée la page Facebook du FUS, grâce à des suppor- l Maroc Diplomatique : Qu’est-ce ters fidèles qui ont voulu donner une qu’un réseau social? Pourquoi tant bonne image de leur club, soutenir en d’engouement et de succès auprès des ligne leurs joueurs et se lancer entre internautes? copains dans cette aventure. Les usages - JEAN ZAGANIARIS : Les réseaux que l’on fera de cette page ne dépendent sociaux peuvent être définis par la na- pas uniquement de son contenu, mais ture des interactions existant entre des des propriétés sociales de ceux qui la individus ou des groupes d’individus. lisent. David Fincher montre cet aspect dans son film «Social Network» consacré à l Comment les jeunes et les enfants la création de Facebook. Il y a un jeu s’emparent-ils de ces réseaux? Quel qui se met en place entre les différents discours tenir à ses enfants sur les ré- acteurs et la mayonnaise prend. C’est seaux sociaux dans leur quotidien? Ne sans doute l’engouement pour les so- peuvent-ils pas avoir un impact négatif ciabilités combiné avec l’exaltation du sur l’identité des jeunes? Comment les virtuel qui créent leur succès auprès des prémunir contre le monde virtuel? internautes. C’est aussi l’idée que les - Dans son fameux texte «Encodage/ réseaux sociaux permettent d’acquérir Décodage», écrit en 1973, le chercheur de nouveaux types de capitaux symbo- d’origine jamaïcaine Stuart Hall a mon- liques (reconnaissance sociale, amis...) seaux sociaux. Après, les plateformes tré que le fonctionnement des médias ne qui contribue à leur notoriété. l Cette technologie s’est glissée de discussion en ligne peuvent aussi pouvait être limité à une transmission Pour certaines dans nos pratiques quotidiennes. être le moyen de faire des rencontres mécanique et linéaire entre l’émetteur personnes, les réseaux l Passé la phase de découverte et Comment les réseaux sociaux ont-ils dans la vraie vie. et le récepteur . Il y a ce que les médias d’émerveillement, l’utilisateur peut influencé la vie en communauté? font aux gens et ce que les gens font des sociaux sont l’occasion passer facilement à l’addiction. Com- - Je pense qu’ils s’y insèrent très l Les réseaux sociaux comme médias. Les processus d’encodage des de faire des rencontres, ment expliquez-vous la dépendance bien. C’est parce qu’il y a vie en com- Facebook s’imposent de plus en plus messages, c’est-à-dire l’utilisation par des sorties, des amitiés, aux réseaux sociaux? munauté qu’il y a eu à un moment don- comme intermédiaire entre les médias l’émetteur de codes, de références, de - Il faudrait déshomogénéiser les né des conditions sociales qui ont ren- et leurs lecteurs. Quel impact peuvent- symboles, de langage afin d’élaborer le voire des relations dépendances et les relier à une dés- du possibles, de manière contingente, ils avoir sur l’information? message à diffuser, sont distincts des amoureuses. Plutôt que homogénéisation des réseaux sociaux les réseaux sociaux. Déjà à la fin du - Aujourd’hui, n’importe qui peut processus de décodage, c’est-à-dire des porter une vision (Facebook, Viadéo, etc.). Il y a une XIXème siècle, le sociologue Emile devenir journaliste, ou du moins se pratiques hétérogènes des récepteurs différence entre l’usage pathologique Durkheim s’interrogeait sur les fonde- faire un relais de l’information. Nous mises en œuvre dans un contexte social moralisante en parlant de des réseaux sociaux lié à des troubles ments du lien social. Il constatait que la vivons dans l’ère des désacralisations pour interpréter ou utiliser le message. dépendance aux réseaux psychologiques et l’usage effréné que conscience collective n’empêchait pas et les réseaux sociaux sont embléma- C’est en ce sens que je suis très scep- sociaux, regardons l’on a à l’égard d’instruments techno- l’existence d’individus très différents, tiques de ce phénomène. Auparavant, tique sur les thèses simplistes parlant logiques qui se posent comme étant dotés d’une position sociale précise, et être journaliste était un véritable sta- de la manipulation des médias ou de sociologiquement indispensables, notamment pour la pris dans un jeu d’interdépendances. tut et un titre réservé à une catégorie l’impact péjoratif des films violents de quelle façon la vie elle- recherche d’emploi. Ce n’est pas tant Nous pourrions dire que ces techno- spécifique, légitimée bien souvent sur les jeunes. Il ne faut pas prendre même devient virtuelle et la dépendance qui pose problème que logies se rattachent à ces interdépen- par un titre scolaire ou par la recon- les spectateurs pour des imbéciles étant leur omniprésence, admise sur le mode dances, qui ont toujours existé au sein naissance d’un milieu professionnel. influencés par ce qu’ils voient et étant s’ancre dans de nouveaux de l’allant de soi. Certains médias so- d’une société, et qui se reproduisent Aujourd’hui, il me suffit d’avoir un incapables de faire la part des choses. codes sociaux inexistants ciaux se posent comme des données in- de manière plus ou moins décalée sur blog, de faire mes investigations, de L’encodage et le décodage peuvent être il y a une dizaine contournables de notre quotidienneté. la Toile. Les réseaux sociaux donnent filmer avec mon iPhone tel et tel évé- liés, mais chacun garde sa particularité Pour certaines personnes, les réseaux l’illusion à certaines personnes ex- nement et de le mettre sur le Net avec et ses formes spécifiques. d’années. sociaux sont l’occasion de faire des clues des sociabilités de la vie réelle des commentaires pour prétendre faire rencontres, des sorties, des amitiés, d’exister dans des univers virtuels qui du journalisme. Est-ce inquiétant? Oui, l Faut-il absolument être présent voire des relations amoureuses. Plutôt leur préexistent ou qu’ils construisent car on peut faire n’importe quoi sans la sur les réseaux sociaux? que porter une vision moralisante en eux-mêmes. Je n’ai aucun ami autour moindre éthique. Mais en même temps, - Disons que c’est une donne qui fait parlant de dépendance aux réseaux so- de moi, mais par contre sur Facebook, ce phénomène de démocratisation me partie de l’existence. Après, je connais ciaux, regardons sociologiquement de j’en ai 1 000. Est-ce une bonne chose plaît bien. Le fait que n’importe qui des personnes qui n’y vont pas, car elles quelle façon la vie elle-même devient de vivre ainsi? je n’en sais rien ; ça puisse avoir accès à des corps de métier n’en éprouvent pas le besoin. Il y a aus- virtuelle et s’ancre dans de nouveaux dépend de la façon dont les gens sou- qui se décloisonnent, en ayant le moyen si des gens qui ont créé des comptes codes sociaux inexistants il y a une di- haitent mener leur vie. de montrer qu’il peut faire mieux que dans les réseaux sociaux qu’ils n’uti- zaine d’années. Pourquoi des gens es- les gens qui occupent symboliquement lisent jamais. Ce qui me plaît bien sur timent qu’il est important de mettre sur l Quels effets les plateformes de la position légitime de dire ce qu’est la Toile, c’est l’idée que quelqu’un FB une photo d’eux en train de boire discussion en ligne ont eu sur les re- la «bonne information», peut être sain d’ordinaire puisse vivre des choses un café sur une terrasse et d’avoir un lations privées? pour la société. Certains blogueurs ma- extraordinaires. Je mène actuellement maximum de like? - Aujourd’hui, la frontière entre le rocains ont mieux couvert l’information une recherche sur des auteurs en au- public et le privé est à repenser. Tout durant les printemps arabes que nombre to-édition ou publiant dans de petites l Qui utilise le plus les réseaux comme la notion d’identité et d’indi- de journaux européens. maisons d’éditions, et je rencontre sur sociaux? vidu. On ne peut ignorer la pluralité Facebook des écrivains fascinants. Les - De manière globale, ce serait plutôt des modes de vie et de pensées ainsi l Sachant qu’ils sont majoritai- réseaux sociaux permettent à ces per- les personnes entre 18 et 35. Toutefois, que les formes d’hybridités omnipré- rement gratuits et facilement acces- sonnes de «devenir des écrivains» et il n’y a pas de catégories spécifiques sentes de plus en plus. Aujourd’hui, on sibles, ces réseaux sociaux sont de- d’être reconnues en tant que telles par sur laquelle nous pourrions focaliser. peut être une femme mariée, affichant venus si populaires. Leur utilisation leur entourage. J’ai vécu moi-même Les usages sont tellement diversifiés une certaine respectabilité, voire une présente de nombreux avantages que cette expérience, notamment grâce à aujourd’hui. On utilise les réseaux so- certaine piété, et aller secrètement le ce soit sur le plan personnel, profes- Guillaume Jobin, qui a publié mon pre- ciaux pour faire des rencontres, par- soir sur les réseaux sociaux faire des sionnel, marketing ou politique. La mier roman à Casa Express, et aussi à ler de son entreprise, faire de la pub rencontres et s’inventer une nouvelle question qui se pose est comment bien Philippe Broc, qui m’a invité à envoyer pour son dernier roman (que l’on soit existence débridée, quitte à ne jamais les utiliser, les maîtriser et qu’est-ce une nouvelle avec de grands noms de la un écrivain connu ou bien publiant en franchir le pas dans la vie réelle. La qu’ils nous apportent? littérature marocaine dans son recueil auto-édition), parler de son programme virtualité offre des possibilités expé- - Dans mon livre «Ce que communi- Auteurs à 100%. Celle-ci évoque d’ail- politique ou bien affirmer son opposi- rimentales immenses au sein de la vie quer veut dire» (Afrique Orient, 2012), leurs une rencontre amoureuse grâce tion à un parti, évoquer ses dernières privée. On se construit un personnage j’évoque les travaux sur la sociologie à des sociabilités qui se créent sur in- vacances, annoncer un grand concert qui n’existe pas et l’on vit de fabuleuses de la réception des messages de com- ternet. Ces thématiques me fascinent ou bien signaler un petit restaurant in- histoires dans un monde imaginaire. munication. Il ne s’agit pas de savoir vraiment... n connu dans lequel nous nous sommes Madame Bovary ne se serait peut-être si les gens interprètent bien ou mal les Propos recueillis par régalés. pas suicidée si elle avait connu les ré- messages de communication, mais de Souad Mekkaoui MAROC 16 SEPTEMBRE 2015 ENQUÊTE diplomatique

TÉMOIGNAGES Comment vivent-ils les réseaux sociaux ? Yasmina Sbihi Architecte et écrivaine Hilmi Benjelloun on utilisation depuis 4 ans des réseaux sociaux se limite à Coach certifié en développement Facebook, je ne me pronon- personnel et professionnel Mcerais donc que là-dessus. Mes travaux de recherche et mes choix de vie m’ont et hypnothérapeute contrainte à me fixer une grande partie de la e me souviens que mon fils, qui avait alors 15 ans, m’avait proposé journée devant 3 fenêtres, Google, emails de m’inscrire sur le réseau social Facebook, celui que j’utilise au- et Facebook. FB s’est très vite érigé en fe- Jjourd’hui en majorité! Au début, je ne savais même pas comment nêtre sur un monde dont on a tout loisir de m’en servir et quel en serait l’utilité! Au fur et à mesure, je finis par délimiter le périmètre et l’impact dans notre être conquis et, à certains moments, addictif. Je travaillais à l’époque vie par un simple clic. Un monde virtuel, dans un secteur professionnel assez particulier ne permettant pas beau- nous dit-on, mais où souvent les gens se coup le contact en raison de sa nature et en tout cas pas de relations livrent plus facilement. On dépasse sa ti- comme je les souhaitais! Je commençais à me faire des ami(e) s. Et je midité derrière un écran. On tisse des liens, proposais souvent que nous puissions nous voir. Je ne trouvais aucun par messagerie, on s’identifie à une com- intérêt à me faire des amis si c’était pour rester dans la virtualité. Nous munauté par les «groupes»... On apprend la avons créé une association pour la défense des droits des femmes, liberté d’expression. Les sujets d’actualité nous faisons des soirées, nous nous mettions d’accord pour aller à qu’on y croise sont souvent graves, parfois des vernissages, à soutenir des causes, à participer à des événements drôles... On fidélise aussi ses «amis» quand politiques et apolitiques. En dehors de l’aspect amitié, Facebook m’a on publie régulièrement avec une charte permis de libérer mon style d’écriture, d’être plus prolixe, plus créatif. bien définie, on se crée alors son propre Lorsque j’ai dû procéder à ma reconversion professionnelle, il m’a été réseau. Certains, plus discrets, nous lisent d’une grande utilité pour les échanges avec des confrères, pour me faire et nous le font savoir lors d’une rencontre. connaître : création de ma page professionnelle qui draine beaucoup de Et, la magie opère, quand certaines per- clients, pour étoffer mon expérience professionnelle par des échanges. sonnes sortent du virtuel pour venir vous Enfin, quand je voyageais dans mon pays ou à l’étranger, je rencontrais voir, chez vous. C’est ainsi que j’ai appris à souvent lors de mes voyages mes ami(e) sfacebookiens! Le courant passait en faire une plateforme de communication très vite, certains m’ont même proposé un logement pour la période de sur mes «pérégrinations» et un sondage de façon accélérée, comme si le temps nous rien à cacher, bien au contraire, et si on a mes vacances. d’opinion sur les sujets qui me tiennent à était compté. Libre à nous d’approfondir des secrets, autant les garder pour soi, il cœur. Mieux, j’arrive à identifier parfois les et de remonter aux sources citées et aux me semble.» Et enfin, quand je croise sur attentes des gens, leurs questionnements, liens suggérés. Mais parfois on peut haus- mon fil d’actualité des informations, de leur détresse parfois. J’ai aussi pu faire, par ser le «ton», recadrer, quand le langage presses variées ou des publications de mes petites publications successives, un exer- devient familier ou les règles de respect et «amis», je suis libre de lire et de commen- cice d’écriture, qui aujourd’hui m’a don- de tolérance outrepassées. Quand on est ter, de partager ou pas. Mais dès l’instant né le courage de publier un ouvrage. C’est inquiété par un simple clic, on supprime où une publication porte atteinte à ce que dire que le partage est réel, on donne et on ou on bloque définitivement la personne je considère comme des valeurs sacrées, reçoit, on est à l’écoute et on s’exprime. qui se sera sournoisement immiscée sous je n’hésite pas à intervenir, même si on On apprend des choses, on se cultive. Par- une fausse identité, ou pour l’intention de ne s’adresse pas à moi directement. C’est fois de façon superficielle sur des sujets nuire. Quand par ailleurs on me dit que aussi cela un réseau social, à mon sens, on de fond, mais peu importe, on se tient au sur FB on est «espionné», je réponds tout se protège contre la désinformation, et on courant, et on diversifie ses points de vue, simplement «grand bien leur fasse, je n’ai devient solidaire. n

Alain Faucon Philosophe, enseignant et consultant n herméneute a dit un jour : «Ne demande jamais ton chemin à qui le connaît, car tu ne pourras pas Ut’égarer». Pour parler des réseaux sociaux, il existe différents chemins balisés. Celui qui nous intéresse res- semble plutôt à un chemin de traverse où tout paraît possible, car rien n’est vraiment figé : il y a de l’impermanence et de l’imprévisible, du discontinu et de l’étonnement. S’égarer est l’une des vertus principielles pour qui ose transformer les réseaux sociaux en autant de chemins forestiers au tracé toujours imprévu ou chaotique. Voilà bien ce qu’est la sérendipité grâce aux réseaux : ils autorisent l’impensable, les rencontres fortuites qui se métamorphosent en belles amitiés, les ouvertures qui trans- ngressent les frontières du réel et favorisent cette magie qui, C’est totalement époustouflant la puissance de cet outil. Mais, me au gré des circonstances, permet le vagabondage, guidés que direz-vous, il ne peut exister que des avantages, il existe bien sûr de nom- nous sommes par la curiosité, l’empathie et/ou l’intuition. breux problèmes et des inconvénients, lesquels peuvent être dangereux : Il convient de penser les réseaux comme matrices d’évé- tomber sur des gens malveillants lors de rencontres ou sur des gens sans nements très enrichissants, même s’il arrive que nous éprou- scrupules qui veulent profiter de vous. Le fait de rester essentiellement vions parfois, au détour d’un commentaire, de la déception. dans le virtuel est profondément démoralisant à terme et peut entraîner Les réseaux permettent de conjuguer le hasard et la né- des troubles. Le fait d’être totalement addictif éloigne de la vraie vie et cessité, les relations professionnelles et le vivre-ensemble, nous empêche de nous occuper de nos vrais problèmes au quotidien en d’autres façons d’être au monde et l’entre-soi des apparte- nous faisant vivre dans une bulle. nances, des amitiés partagées ou des sensibilités dévoilées. Ce virtuel distant le lien social lorsqu’il reste dans cette sphère de Un jour, en ville, sur un trottoir, avaient été inscrits ces virtualité. Rien ne peut plus se faire, ni rencontres ni échanges et pour- quelques mots : «cherche encore tu n’es pas mort» : une belle tant nous avons du lien social pour nous définir, pour nous représenter, invite à toujours s’abandonner à la nouveauté, à ne jamais nous jauger, nous confronter! J’ajouterai les usurpations d’identité, les se fermer sur soi, à ne point considérer l’existence comme arnaques au téléphone de quelqu’un qui est coincé dans une ferme! On une simple évidence. Voilà pourquoi, malgré l’addiction en vient à mourir de rire tellement c’est devenu loufoque. Facebook qui peut devenir l’une des aliénations engendrées par les pour m’en tenir à cette expérience nécessite de la pondération dans son réseaux, l’accoutumance reste néanmoins une ouverture : utilisation! Tout excès peut être désastreux pour son utilisateur! Utilisé rêver sa vie est l’une des manières de la supporter quand les à bon escient, il joue l’effet d’un levier tant pour les relations profes- jeux sont déjà faits et que rien ne va plus. «Cherche encore sionnelles que personnelles! Pour ce qui est des enfants, ils seront plus tu n’es pas mort», telle pourrait être l’une des devises ma- à même d’évoluer dans ce monde s’ils sont accompagnés par un adulte tricielles des réseaux sociaux pour qui les imagine comme et à horaires fixes et sans abus.n autant de chemins forestiers. n MAROC diplomatique ENQUÊTE SEPTEMBRE 2015 17

Karima Skalli Chanteuse out d’abord, il faut dire que les réseaux nos expériences actuelles et nos horizons futurs. sociaux sont la suite logique et néces- Ainsi, on se lance dans de belles explorations, saire de la révolution communication- qui enrichissent surtout la beauté de la commu- Tnelle qui était et qui reste l’esprit même de la nication et du partage. modernité. Ils sont un pendant technologique de La beauté à laquelle aboutit notre expression l’esprit démocratique visant à vulgariser la ren- est un bonheur concret produit par des amitiés contre et l’opinion. Les réseaux sociaux tiennent virtuelles qui deviennent essentielles dans ma vie, dans leur fonctionnement spontané et naturel à leur dire bonjour ou leur raconter un souvenir, promouvoir et élargir le cercle de la communi- les écouter dans les pires et les meilleurs des cation sociale. Sa spontanéité n’empêche pas le situations, cela pour moi est le plus grand des fait qu’il soit un acte très complexe qui doit être réconforts et la plus sûre des convictions. élaboré avec prudence et mesure. Dans des cas, De par ma nature très optimiste et de par ma il se révèle libérateur et enrichissant, et dans confiance innée, je me suis tenue dans l’expression d’autres, inhibiteur et menaçant. de ma vision à n’évoquer que les aspects positifs Cela vient sans doute de la complexité de la de cette communication et je n’ai fait que suggérer communication elle-même, et certainement aussi les dérives que peut prendre une telle expérience. de son ouverture qui dépasse souvent les mesures Oui dans la beauté que j’ai vécue et sentie profon- normales de la communication ordinaire, celle dément il y a eu aussi la participation et l’apport d’une amitié par exemple entre voisins… Dans des irresponsables qui sont immatures pour une cette communication toujours surprenante et in- expérience de ce genre et de cette ampleur, des contrôlable, il y a eu une évolution trop complexe irresponsables qui certes ne détruisent pas le ta- faite par une diversité de visions et de compor- bleau, mais qui parfois apportent des coups sévères tements aussi vastes que le monde. Il y a eu et fatals à la confiance, ce principe fondateur de une évolution qui exprime en fait les différents toute amitié et de toute communication. comportements des adhérents, leurs penchants Je pense ici spécialement à ceux qui deviennent complexes, leurs désirs avoués ou inavoués, leurs dépendants et du coup harcelants et surtout à ceux ambitions légitimes ou illégitimes… et, du coup, malintentionnés qui fomentent les scandales : ces réseaux sont devenus un monde, une société à ceux qui n’ont d’intérêt que pour une photo d’expression ou l’on trouve, pour ne retenir et prise ou une fausse information orientée pour citer que la valeur positive, la promotion authen- le buzz scandaleux ou pour la consommation tique et distinctive de l’esprit, de l’individu, de la illégitime de l’intimité propre, de la banalité, société, de la culture, de la création, bref tous les ceux qui désirent séduire l’écho et laissent la indices de la construction de la volonté collective substance de l’expression et de la participation, tournée vars la solidarité et vers l’humanisme… ceux qui se réjouissent des malheurs des autres Personnellement, je suis présente en tant qu’ar- par incapacité de réussite ou par haine, je pense tiste et cela me permet au moins une couverture à ces haineux qui font des réseaux sociaux des médiatique et communicationnelle, en écho et prisons antisociales… en interaction, pour mes productions, mais aussi Je souhaite profondément qu’il y ait un éveil des rencontres assez intéressantes tant sur le plan éthique pour une communication saine gardant le humain que sur le plan professionnel, et je suis respect des valeurs humaines et des civilisations plus présente avec mes amis pour des échanges pour enfin réussir la grandeur libre et éthique de et des partages qui enrichissent mutuellement l’expression. n

Abdelmalek Kettani Entrepreneur, acteur associatif et politique engagé uel rôle occupent les réseaux so- politiques, économiques et culturels pour sur son présent ou son avenir. Les réseaux vernance. On a bien vu le rôle de ces ré- devenus un «thermomètre» immédiat ciaux dans votre vie? Depuis leur promouvoir leurs idées ainsi que leurs po- sociaux permettent également la mobili- seaux dans la période dite du «’Printemps et incontournable de l’opinion publique Qlancement et leur développement sitions par rapport à des faits de société, sation de l’opinion publique contre l’in- arabe»’ et les conséquences de la mobili- que les gouvernants seraient bien avisés fulgurant, ils prennent une place de plus incidents, polémiques, ou tout autre fait justice, les dé++rives sociétales, les abus sation sans précédent qu’ils ont contribué de prendre en compte dans leur processus en plus importante dans notre vie. Les intéressant la société et ayant un impact de tout ordre, ou encore la mauvaise gou- à créer. Enfin, ces réseaux sociaux sont décisionnel. Et dans quelle mesure leur raisons de cette prépondérance croissante utilisation devient dangereuse? Les dan- sont multiples. À mon sens, la première gers que peuvent représenter les réseaux raison, et la plus importante, est que l’hu- sociaux sont, à mon sens, de deux types. main, aussi moderne et aussi individualiste Le premier a trait à la «virtualisation» du soit-il, reste foncièrement grégaire, et a lien social avec la déshumanisation qui un besoin vital de liens sociaux réels, ou pourrait en résulter. En passant des heures de plus en plus virtuels, pour se sentir en sur les réseaux sociaux, les individus, et communauté. Avec la vie «’moderne»’ c’est plus préoccupant en particulier pour et son corollaire inévitable, la disloca- les jeunes qui débarquent dans «la vraie tion graduelle du lien social au sein de vie», peuvent établir un lien social vir- plusieurs pays avancés, et cette tendance tuel, donc plus ou moins factice, avec des est en voie de développement de par la personnes ou des communautés, mais en planète, dans le milieu urbain principa- même temps cela peut les pousser à se lement, le rattachement aux réseaux so- recroqueviller sur cette nouvelle «réalité» ciaux permet de continuer à «’exister»’ désincarnée et déshumanisée, vivre dans dans sa communauté, élargir ses horizons une «réalité» déformée par le prisme de à d’autres personnes ou groupes, et sa- leurs écrans et développer des rêves, des tisfaire la dimension sociale absolument attentes et des aspirations déconnectées nécessaire à un relatif équilibre psycho- de la vie réelle avec toutes les angoisses, logique. Que nous apportent-ils? Outre frustrations, déséquilibres et violences le facteur psychologique décrit plus haut, éventuelles que cela pourrait engendrer. utilisés intelligemment, les réseaux so- On a vu le rôle de ces réseaux dans la ciaux apportent désormais beaucoup. En «fascination» suscitée par les terroristes effet, sur les «’fils d’actualité»’ transitent de Daech auprès de certains jeunes qui en permanence connaissances, informa- abandonnent leur vie et leur avenir pour tions, débats, échanges, vidéos, films, suivre des chimères morbides… Le se- jeux, publicités, etc. qui contribuent de cond danger des réseaux est la manipula- façon accrue à façonner la perception des tion de masse que les utilisateurs peuvent individus et citoyens que nous sommes subir avec la déformation de l’informa- par rapport aux questions politiques, éco- tion (avec la prolifération des sites plus nomiques, sociales, culturelles ou autres, ou moins crédibles), et les angoisses et qui animent ou taraudent nos sociétés. déséquilibres générés par des événements Les communautés virtuelles deviennent plus ou moins sortis de leur contexte et de de plus en plus incontournables et per- leurs dimensions réelles. Cette désinfor- mettent de tisser des liens avec des en- mation et manipulation de masse est bel treprises, des individus ayant les mêmes et bien réelle et il est impératif de former centres d’intérêt, les mêmes passions, et nos jeunes à avoir un esprit critique pour aussi les mêmes valeurs. Les réseaux so- que nous vivions à l’avenir dans une so- ciaux jouent également un rôle de vecteur ciété connectée, certes, mais équilibrée majeur de communication pour les acteurs et sereine. n MAROC 18 SEPTEMBRE 2015 ENQUÊTE diplomatique

Dr Mohamed Kohen Docteur en chirurgie générale omme nos arrière, arrière-grands- grossir un trait, nourrir une rumeur, diffu- pères devaient être subjugués par ser une nouvelle, travestir la vérité, farder, l’invention du téléphone par Gray embellir et enjoliver. Un fait divers peut Cou Bell permettant de converser avec un devenir un événement, un immolé par le individu physiquement absent, par le feu devient martyr et enclenche une révo- biais du câble électrique, certains d’entre lution, une faute de goût devient un inci- nous aujourd’hui sont émerveillés par la dent diplomatique, l’escroc embusqué est transmission électronique et le virtuel. Les vite démasqué, le malade démuni trouve inventeurs du téléphone n’ont jamais ima- de l’entraide, le publicitaire en manque giné de rendre l’absent aussi présent et le d’inspiration trouve son compte et le so- lointain aussi proche. Le virtuel est né et litaire trouve sa compagnie. avec lui mille et un avantages et mille et Ce rapprochement virtuel engendre un un déboires. éloignement certain, on parle moins à son Les réseaux sociaux s’imposent à nous voisin, on partage moins avec sa famille, dès lors comme une évidence, ils ont infil- la parole est remplacée par le pianotage, tré les bureaux, les foyers, les lieux publics, les émoticônes ont pris la place du clin les salles de cinéma et peut-être même les d’œil, du geste de complicité, du regard théâtres avec une suprématie sans pareille, affectueux voire de la caresse et du câlin. comme un appendice humain, prolongement Le virtuel a donc confisqué la chaleur de de la pensée. Devenu presque un élément l’âtre, les jeux de société, les histoires des vital pour les petits et les grands, les pauvres grand-mères, voire la télévision. Non pas et les riches, les cultivés et les incultes, les parce qu’on s’aime moins, ou on s’ennuie, éduqués et les malveillants, les profession- mais parce que l’éventail de connivence nels et les particuliers. d’affinité et d’intérêts qu’ils offrent est Quinquagénaire ayant l’âge de mes ar- beaucoup plus large et ajoute certainement tères, lecteur assoiffé, chercheur, chirur- à l’excitation de l’inconnu une anse de gien confirmé et curieux de la vie et des curiosité. choses, j’ai subi la domination de l’in- En contrepartie, la distance que l’on formatique, puis de l’internet et enfin de voudrait entre la vie privée et publique se Facebook. Et je m’en réjouis! minimise et s’amincit, la discrétion perd Une addiction esclavagiste, mais heu- ses atouts, les égos risquent de se gon- reuse, conduisant à augmenter les doses et fler, le nihilisme peut y avoir droit de cité, rapprocher les prises comme un drogué, l’escroquerie, la triche, la malveillance mais avec allégresse et consentement. Je trouvent un espace protégé par l’anony- suis épaté par la puissance, la rapidité et mat, l’usurpation des identités, les faux l’efficacité du réseau. Une information, profils. Espace propice à toutes les dérives, une photo ou une conversation à Bali est aux vols, aux arnaques, aux perversions, instantanément récupérée à Boston en un dès que la vigilance baisse et la confiance clin d’œil. Un événement peut être vécu s’installe. simultanément par plusieurs personnes Les réseaux sociaux sont pour une dans les quatre coins du monde. Un baiser grande partie de la population ce que la donné à Pékin suscite un sourire à Ams- caféine est au café et la nicotine à la ciga- terdam. Un réseau omniscient, omnipré- rette. Agréables et nocifs, ouverture sur sent et omnipotent qui fait partie de la vie le monde et emprisonnement volontaire, quotidienne au même titre que le journal liberté et asservissement. des années précédentes aujourd’hui dé- Mais, la philosophie de Facebook et trôné, ou les informations télévisées de autres se trouve plus dans le réseau que 21 heures. dans les textes qui la disent. Faites donc Les réseaux sociaux sont capables de votre expérience. n

Jacques Baloge Enseignant

es réseaux sociaux et moi ? Je n’ai pas de télé- phone portable ni de carte bancaire, car je pense que ces outils modernes ne me sont pas indispen- Lsables. Par contre, j’utilise un ordinateur depuis près de 20 ans, pour les mails. C’est par extension de cet usage que j’ai pris un compte Facebook il y a 6 ans. FB représente pour moi un bouleversement par l’extraordi- naire facilité qu’il procure de contacter immédiatement des milliers de personnes et de sujets, y compris par phot+os et vidéos, et souvent «en direct», ce qui en fait un outil de communication sans égal. Je ne me suis pas privé de l’utiliser, et je ne le regrette pas : sans lui je n’aurais sans doute pas retrouvé plusieurs personnes auxquelles je tenais, et bien sûr j’aurais eu plus de mal à découvrir de nombreuses questions et développements qui m’intéressaient. L’organisation générale de FB me semble utile et pra- tique. Il en va autrement de l’usage qu’en font les uns et les autres. Certains y étalent leur vie quotidienne comme on fait lors d’un bavardage entre parents, d’autres s’y consacrent à développer des sujets qu’ils jugent très im- portants. Si les premiers considèrent leur «mur» comme leur demeure (ceux qui s’y expriment étant entrés chez eux), les seconds ont de leur «mur» une conception plutôt comme le pas de leur porte, c’est-à-dire déjà dans la rue où tous sont à égalité. La facilité qu’offre FB de s’ouvrir plus ou moins à certaines personnes ne change pas signi- ficativement cette «opposition» entre les 2 pratiques, qui se télescopent sur la notion du «like» et de la demande de certains du «j’aime pas». Je ne connais pas Instagram, Twitter et les autres. Je considère FB comme une sorte de service public international qui devrait donner lieu à une gestion collective aussi démocratique que possible, comme devraient l’être par exemple les transports mari- times internationaux. Faute d’évolution dans ce sens, il est à craindre une accentuation de la dérive commerciale, avec publicités agressives, omniprésence des jeux, etc. n MAROC diplomatique PAYSAGES CULTURELS SEPTEMBRE 2015 19

La façade du siège de TGCC sera signée Abdallah Sadouk GCC a un projet d’envergure qui se résume ni plus ni moins à la avec lui-même, Fekhar avait une approche bien à lui de la pédagogie, à en construction d’une véritable ville apte à accueillir quelque 150000 croire Abdallah Sadouk : «J’ai détruit quantité de dessins quand je suivais ses Thabitants qui bénéficieront de toutes les commodités dont aiment à cours. Il nous faisait dessiner un objet, et nous demandait ensuite de déchirer jouir les citadins, dont des centres commerciaux, des cinémas… Et si TGCC le papier tant que nous n’avions pas atteint le niveau qu’il attendait de nous. voit les choses en grand, elle voit aussi les choses en beau, pourrait-on dire. Je me souviens du jour où nous devions représenter une vache. Je ne sais Mohamed Bouzoubaa, son fondateur, a ainsi décidé, en esthète et grand combien de croquis j’ai dû détruire, ce jour-là, jusqu’à lui donner satisfac- admirateur d’AbddallahSadouk, de confier à l’artiste la mission de faire de tion». Et ce dessin qui a plu au professeur est donc le dernier des survivants. la façade du bâtiment de TGCC, dans le quartier Oasis, à Casablanca, une Le jeune étudiant aura de même pour le professeur DadThami qui «nous œuvre d’art qui vous interpellera depuis la gare. Une grande première. La a, quant à lui, surtout transmis une technique», déclare-t-il, une technique façade, dont nous vous livrons en avant-première l’esquisse du projet, portera qui s’avèrera précieuse. Quant à «Mohamed Serghini, directeur à l’époque véritablement la griffe de l’artiste dont chacun reconnaîtra les silhouettes de l’École des Beaux-Arts de Tétouan, je l’adorais», confie avec enthou- des mondes. Un artiste qui a su s’adapter aux matériaux et à l’architecture siasme Abdallah Sadouk. «Il était magnifique. Il régnait, dans cette école d’un bâtiment conçu a priori et qu’il vient magnifier d’une fresque aussi une chaleur qui n’existe plus, une complicité et une connivence uniques. colossale qu’aérienne où aimeront à jouer les lumières. Les professeurs étaient proches des élèves. Nous étions considérés comme Né à Casablanca en 1947, de parents tous deux originaires du sud du Ma- de futurs artistes et non comme des étudiants. Ainsi, alors même que je ne roc, Abdallah Sadouk a commencé par entreprendre en 1965, dans sa ville suivais pas leurs cours, je fréquentais Saâd Ben Cheffaj et MekkiMeghara, natale, des études de sciences expérimentales, en arabe, au lycée Moulay qui étaient devenus des amis». Abdellah. Des études à l’issue desquelles il se sent pris dans «une impasse», Des amis, le peintre s’en fera aussi et surtout parmi ses camarades dont dit-il, ne sachant quelle voie emprunter. «Quand j’étais au lycée, dans cette nombre comptent aujourd’hui parmi les représentants les plus prestigieux de fameuse classe de sciences expérimentales qui était apparemment la seule l’art pictural marocain : Ahmed Benyessef et Mohamed Drissi, qui étaient là au Maroc où tout se faisait en arabe, il n’était pas facile de trouver des livres, une année avant lui, El HachmiAzza, avec lequel il se liera aussi d’amitié et des références. De plus, même une fois le bac décroché, il fallait repasser qui vit aujourd’hui en Allemagne, NouarAbdesselam, devenu professeur à par Rabat pour une année de rattrapage de langue afin de pouvoir poursuivre l’École de Tétouan, AbdelkarimElwazzani, venu un peu plus tard et actuel L’artiste Abdallah Sadouk à l’oeuvre. ses études en français. Cela m’a d’autant plus découragé que ce type de directeur de l’École des Beaux-Arts de cette belle ville du Nord. «Aux Beaux- ture!» «Il est toujours le plus grand, il a tout anticipé…», disait de lui Edgar formation n’était pas ma tasse de thé. D’ailleurs, j’aimais tant l’art et étais Arts de Tétouan, bien avant Paris, on apprenait toutes les techniques, ce qui Degas vers 1883, comme Claude Monet disait, vers 1897 : «Il y a un seul déjà si habile de mes mains que j’ai même réussi à amadouer le plus terrible ne se fait plus maintenant. Nous faisions tout, absolument tout. Il fallait être Maître, Corot. Nous ne sommes rien en comparaison, rien»», déclare ainsi de mes professeurs, une femme iranienne, qui traumatisait tous les élèves habile de ses mains, préparer son châssis, monter et préparer sa propre toile, Abdallah Sadouk. tant elle était dure et sévère, grâce à mes présentations du corps humain, de préparer sa poudre pour faire ses couleurs. Et ce n’est donc qu’après toute Durant ces dix années d’études à Paris, le jeune étudiant ira de même, l’anatomie. Je suis rentré ainsi dans ses bonnes grâces. J’ai joué sur mes une préparation que nous pouvions commencer à peindre. Nous touchions comme beaucoup d’autres, poser son chevalet dans les rues de la capitale d’ailleurs à tout : peinture, sculpture, aquarelle, dessin… C’était une époque dans l’espoir de vendre quelques toiles : «Je me revois lorsque je faisais séduisante, bien que faite de frustrations en tous genres, car tout a été remis des portraits dans les cafés de Montparnasse ou dans le Quartier latin, pour J’aimais tant l’art et étais déjà si habile en question dès l’année 1965, avec les grandes émeutes de Casablanca. On gagner ma vie. Il me fallait du cran pour ne pas décevoir. Je n’avais pas de mes mains que j’ai même réussi sentait déjà venir l’ère soixante-huit. D’ailleurs, je suis arrivé à Paris à la fin droit à l’erreur. Et, par chance, les gens étaient compréhensifs et patients. Il à amadouer le plus terrible de mes de l’année 1969, et ça sentait encore le pavé et le chaos», se souvient l’artiste. m’est arrivé aussi d’accrocher sur la grille de l’église de Saint-Germain des Puis, il y aura le rêve parisien «l’ambiance de Montparnasse, Sartre, le prés des aquarelles et des dessins représentant des lieux de Paris empreints professeurs, une femme iranienne, qui Café de la Paix, la Coupole, le Quartier latin», poursuit-il. «J’ai une grande d’une imagination qui surprenait les passants quand ils redécouvraient le traumatisait tous les élèves tant elle était nostalgie de cette époque fascinante où peintres, poètes, musiciens et phi- pont neuf, la tour Eiffel ou l’Arc de triomphe enroulés dans une étrange dure et sévère, grâce à mes présentations losophes se côtoyaient, tout comme d’une certaine époque où, au Maroc, il atmosphère, pris dans le chaos de ruines exprimant une certaine nostalgie, y avait encore une innocence et une véritable émulation». voire une mélancolie!», se souvient Abdallah Sadouk. du corps humain, de l’anatomie. Dans la belle capitale française de l’art et de la culture, Abdallah Sadouk Car c’est bien une nostalgie dont s’enveloppe le spectateur, sans pour Je suis rentré ainsi dans ses bonnes grâces. intègre l’École nationale supérieure des arts décoratifs pour y décrocher, autant en cerner vraiment le visage, tantôt se noie dans les brumeux effluves J’ai joué sur mes talents et j’ai réussi en 1972, un diplôme de décorateur spécialisé en sculpture. Mais le jeune argentés, tantôt reçoit à bout portant les frappes assénées d’une spatule étudiant ne s’arrêtera pas là. Désireux de toucher à toutes les facettes du possédée, prise dans une transe aussi tourmentée que jouissive, que l’artiste à la charmer». monde de l’art pour parfaire sa formation, il continue sur sa lancée pour exprime, comme malgré lui, secoué par quelque force sismique insondable ajouter d’autres cordes à son arc, notamment un diplôme d’arts plastiques à travaillant ses entrailles, pardeçà sa propre conscience du monde. Une nos- talents et j’ai réussi à la charmer». l’École nationale supérieure des Beaux-Arts en 1979, et une licence d’arts talgie qui vibre dans ses œuvres, les habille d’une atmosphère singulière, Le jeune étudiant se sent donc déjà habité, embarqué par un monde qui plastiques à la Sorbonne en 1980. Et, de l’école des Beaux-Arts de Tétouan venue d’ailleurs, de la perle de larme à la fois fluide et grosse de luminosités l’interpelle, tremble, bouillonne, dans son âme et sa chair et demande à parler, à la prestigieuse université de la Sorbonne, Abdallah Sadouk aura des pro- originelles qui flambent sous la peau, la débordent et déferlent sur la toile à jaillir du bout de ses doigts impatients. Et le talent du lycéen n’échappe fesseurs aussi renommés que passionnés. Abdellah Ferkhar et Jean-Marie rhabillée de moirures d’enfance ; de coulées d’une terre gorgée de soleil pas à ses professeurs. C’est d’abord l’artiste-peintre Mustapha Ressam qui Garnier l’auront fait entrer dans l’univers riche et enchanteur du dessin, et vernissée de pigments cuivre pourpre turquoise épandus sur les façades commencera, en 1962, par repérer le jeune homme. «Ressam, tombé dans ThamiDad et Emmanuel Auricoste dans celui, passionnant et charnel, de la superposées d’une géographie urbaine aussi construite que déstructurée, l’oubli, était le professeur de Cherkaoui, le grand maître, reconnu surtout de- sculpture, tandis que Michel Ragon l’invitera à découvrir l’architecture et insaisissable, où l’œil et les sens s’égarent, cherchent en vain leur chemin. puis sa mort après laquelle tout le monde s’est appuyé sur lui pour constituer les arts décoratifs, et que Jean Rudel et Alexandre Papadopouplo lui feront Reflux de palimpsestes souvenances immergées, encavées, qui remontent, l’histoire de l’art marocain alors que, de son vivant, personne ne lui serrait retraverser, pour l’un, l’Histoire de l’art, et pour l’autre, le voyage dans la fusent, et se répandent, diluviennes, sur le monde sublimé, patchwork de même la main», s’indigne l’artiste avant d’ajouter : «Ressam créait l’enchan- somptuosité de l’art musulman. Assoiffé de tout ce qui a trait à l’expression fragments essaimés, savante harmonie d’un fascinant chaos comme pièces tement, tant il était porté par un élan et un enthousiasme qu’il communiquait artistique, Abdallah Sadouk a de même suivi les cours, à la Sorbonne, du dispersées d’un puzzle éclaté avec une fascinante géométrie. Cubes, super- aux jeunes en leur donnant des crayons, en mettant à leur disposition des concepteur-photographe Paul Armand Gette et se découvre un véritable talent posés, enchevêtrés d’une modernité foisonnante, bruyante, lancée vers le couleurs. Il enseignait, à l’époque, au lycée Lahlou». et une passion, qui ne l’a jamais quittée, pour le maniement de l’objectif dont temps imprenable du progrès, croulant tour de Babel sous trop d’informa- Des souvenirs qui resteront à jamais gravés dans la mémoire de l’artiste. il a fait un véritable complice tant il lui permet de happer l’instant magique tions croisées, confusion, parée, à présent, de lueurs et nuances familières, Un peu plus tard, au lycée Moulay Ben Abdellah, Monsieur Bost, son profes- des frissons des mondes qui s’offrent à ses yeux. «C’est grâce à l’Europe rassurantes, celles de maternelles étreintes, labyrinthiques ruelles, telluriques seur de dessin, finirapar le convaincre d’opter pour des études artistiques en que j’ai appris à exploiter divers éléments et à réfléchir à ceux qui marquent brasiers, océanes céruléennes fragrances. «Mes paysages abstraits me ren- le dirigeant vers l’École des Beaux-Arts de Tétouan. Là, il aura l’inoubliable la culture marocaine, comme la lettre arabe et le signe berbère. Grâce à mes voient à l’enfance, une époque lointaine. D’où cette nostalgie qui m’envahit bonheur de suivre les cours de Abdellah Fekhar qu’il considère comme «le professeurs surtout, qui étaient dans une recherche permanente sur les multi- au plus profond de mon être… J’aime toute la période impressionniste, celle meilleur professeur et le plus grand dessinateur du Maroc». Un professeur qui ples approches de l’art, le masque africain, l’art océanique… Donc, comme du paysage dans lequel le peintre traduit sa sensibilité et son émotion qu’il l’aura marqué par son talent, sa créativité et sa «personnalité exceptionnelle». je venais du Maroc, ils étaient curieux de voir ce que je pouvais exprimer de partage avec le spectateur. Le côté abstrait, dans le paysage, selon moi, Perfectionniste et soucieux de transmettre à ses élèves l’exigence qu’il avait ma propre culture. Ce sont ces professeurs qui m’ont marqué. Car d’autres, est une manière de dédramatiser la nature pour qu’elle ne soit pas figée et peu nombreux, heureusement, censuraient par anecdotique. L’homme est au centre de cet univers, mais il est tout petit maladresse, sans se rendre compte de la portée de face à cette nature. Mon paysage évoque des silhouettes en méditation ou leurs mots. Ils considéraient, par exemple, que le en mouvement qui semblent en errance», déclare ainsi l’artiste. nu n’existant pas dans ma culture, je n’avais pas à Abstraction, délicate sensibilité rappelant les symphonies impression- en faire et me conseillaient ainsi d’aller vers l’abs- nistes, flagrant attrait pour le cubisme dans la construction et déconstruction traction et de laisser tomber le figuratif. Mais c’est de l’espace… Il n’est pas facile de définir, de classifier, la geste artistique en touchant à tout que l’on peut parvenir à faire une du plasticien. Il est surtout inutile et absurde de s’y atteler. Sadouk fait synthèse intéressante et, heureusement, j’ai eu un du Sadouk. Il a son univers, son appréhension du monde, et les outils de professeur qui m’a laissé cette liberté, d’autant que création dont il s’est doté en étudiant l’art et son histoire n’ont fait que j’aime tous les mouvements artistiques, l’abstrait, lui permettre de mieux projeter au-dehors les mouvements intérieurs qui le naïf, le baroque... Chaque chose a son histoire». l’habitent à l’épreuve des espaces qu’ils traversent et des mémoires qui le Le séjour à Paris ne sera pas limité aux espaces hantent, gravées fêlures d’un volcan impatient qui gronde sous la peau. des diverses écoles et universités que fréquentera L’artiste le dit lui-même : «Le paysage est, à mon sens, une vision subjec- l’artiste. Comme le confiait l’artiste plus haut, il tive et transcendée d’un monde intérieur». Et ce paysage, dont il affirme se confrontera là à l’art dans une ville riche de qu’il ne doit être ni «figé», ni «anecdotique», Abdellah Sadouk travaille, musées, de places mythiques où venaient s’ins- à contre-courant de toute école ou mouvement artistique, à l’investir et taller de grands peintres, de grands noms qui ont se l’approprier pour le libérer des frontières qui obstruent son âme, son marqué l’histoire de l’art. Il s’en abreuve jusqu’à corps, libéré, dans ce nouvel espace qui lui appartient, à présent, qu’il a la lie, l’œil affûté, l’âme avide, le corps grand fait sien dans la transfiguration, dans l’édification d’une autre géométrie du ouvert à toutes les émotions. «Après le génie de «réel». Et, effectivement, il y a «dédramatisation» dans ce qu’on pourrait Nicolas Poussin, j’ai découvert, plus tard, le grand qualifier de déterritorialisation de l’espace, à la fois révélé à lui-même et Jean-Baptiste Camille Corot… j’étais subjugué déporté vers autre chose. n Un projet artistique hor du commun. par la profondeur de son âme à travers sa pein- BouthaïnaAzami MAROC 20 ????? 2015 ???? diplomatique

Ensemble, posons les bases d’une finance durable sur le continent africain

Au cœur d’un continent porteur d’opportunités, le Groupe BMCE Bank poursuit son essor, s’appuyant sur l’extension continue du groupe BANK OF AFRICA, contribuant avec confiance au développement des affaires et du progrès social. Avec ses 11.000 collaborateurs mobilisés dans 19 pays africains, son assise financière, son positionnement de banque universelle soutenu par les synergies d’un groupe multi métiers aux ambitions internationales, et ses valeurs de tolérance et de partage, BMCE Bank et BANK OF AFRICA ouvrent la voie d’une finance durable sur le continent africain. MAROC diplomatique PAYSAGES CULTURELS SEPTEMBRE 2015 23

Rachid Khaless, la plume hurlante de militantisme Souad Mekkaoui aussi ses états d’âme et ses nombreux ques- inspirent, de prime abord, ses interroga- tionnements quant à la vie et à la mort. tions existentielles qui constituent le socle achid Khaless s’acquitte C’est ainsi que son dernier recueil (sorti en de cette œuvre. Ecrit dans un style sobre de cette tâche par un tra- 2014, à la suite de la perte éprouvante de sa et dépouillé, ce roman d’analyse dresse vail original sur sa propre mère) se présente comme une radioscopie le portrait d’un homme qui a tout perdu «Rvoix. De l’aigu au grave, de la mélodie du cœur. « Dans le désir de durer » suivi de jusqu’à son identité : « Qui suis-je sans au hurlement, il en déploie toutes les to- « Vols, l’éclat », paru aux Editions Publica- mon nom dans le chaos de la vie ? Avoir nalités pour nous livrer son propre acte tions de la Maison de la poésie au Maroc, ou ne pas avoir un nom, en quoi cela de naissance à la parole ». C’est ainsi que annonce une nouvelle étape dans l’écriture pouvait-il changer le sens de notre exis- Abdellatif Laâbi entame sa préface pour du poète, celle de l’expression intimiste qui tence ?», se demande-t-il. Ce malheureux le premier recueil du jeune poète. Sous rappelle « l’Humain » dans l’être humain et soldat, pressé par l’urgence d’exister, de forme d’un poème narratif, Cantiques du écrit l’ « Etre » et le « Moi » sans fards ni vivre, tente tout, soutenu par Abdelalim, désert est sorti chez L’Harmattan en 2004. artifices en interrogeant la vie. Sa poésie au un ami avocat, mais qui manque d’effi- Période très significative puisque le Maroc goût de l’âme et du cœur illumine le chemin cience. Il passera vingt ans de sa vie dans instaurait le processus Equité et Réconci- de la finitude en atteignant la plénitude. des procédures administratives inutiles liation pour la réhabilitation des anciens afin de recouvrer son identité et être « un détenus politiques afin de rompre défini- Quand un nom citoyen à part entière », lui qui a toujours tivement avec les années de plomb. Ce servi et défendu fidèlement sa patrie. Or, recueil où les mots tiennent lieu d’actions équivaut une vie parce qu’il se nomme Adam, parce qu’il est une ode à la liberté et à l’insoumission Avec « Quand Adam a décidé de est né le 18 novembre 1956 (date capi- mais aussi une épitaphe et un hommage vivre », le poète se convertit en écrivain tale dans l’Histoire du Royaume) et qu’il aux martyrs des émeutes populaires du 14 de talent. Par ce livre ou « fable » comme portait plainte contre l’Etat qui lui est re- décembre 1990. il préfère le qualifier, paru aux Editions devable d’une chose qui n’a pas de prix : Né en 1966, Rachid Khaless est poète, La Croisée des Chemins en 2015, Rachid son nom, on suspecte une machination et peintre et traducteur. Il a fait ses études Khaless dénonce certaines conventions so- on lui mène la vie dure. Que de violences supérieures à Kénitra. Et comme certaines ciales et administratives en leur opposant et d’humiliations Adam devait essuyer et rencontres marquent la vie à tout jamais, des vérités profondes, voire existentielles, tout cela dans un combat perpétuel contre celles d’Edmond Amran El Maleh, Ab- ce qui suscite des prises de conscience soi afin de ne pas céder ses valeurs qui delhak Serhane et Mohamed Loakira tra- chez le lecteur. D’emblée, l’ouverture se justement faisaient partie de son identité. ceront le parcours au jeune homme qui fait in medias res pour projeter le lecteur, Le comble du désespoir est frappant dans décroche son diplôme de l’Ecole normale sans préambule, au cœur de l’action et sa phrase : « Dans l’ombre d’un cercueil, supérieure de Meknès en 1992. Il a entamé souligner la détermination du protago- on respire mieux qu’ici ». Ses tribulations sa mission de professeur à Safi où il pas- niste à « vivre », annoncée dès le début vaines finissent par le décourager et dé- Rachid Khaless sera cinq ans avant d’obtenir son diplôme à travers le verbe « décider » qui résonne cide de troquer sa véritable identité contre de professeur agrégé de Lettres françaises. dans le titre. celle de « personne ». « Oh mon Dieu ! Le roman est aussi l’échec de la vie, Enseignant à l’université Mohammed V L’histoire se passe entre la fin des années Donne-moi la force d’exister en dépit de ai-je l’habitude de dire. En s’écrivant, le de Rabat, il a traduit les textes du poète de plomb et les années 90. Le personnage l’anonymat », se résoudra-t-il finalement à roman épelle, avec plus au moins de suc- Pour moi, le roman naît bahreïni Ahmed Alajmi (Je vois la mu- central, Adam Maârouf, réussit à s’enfuir prier. De désespoir en désespoir, il sombre cès, une possibilité de vie. C’est le sujet de la nécessité. sique, 2007). et revient d’une longue captivité chez le dans l’endoctrinement d’un groupe d’is- dans Quand Adam a décidé de vivre (La Nulle inspiration donc En 2009, un deuxième recueil intitulé polisario, mais à son grand malheur, il lamistes qui le désigne pour perpétrer un Croisée des Chemins, 2015) et dans Pour Dissidences confirme le talent du poète en s’avère qu’il a été déclaré officiellement attentat dans la capitale lui promettant la qu’Allah aime Lou Lou (Marsam, 2015) à l’œuvre dans le projet accrochant les critiques qui ont vu dans mort. Ce destin invraisemblable fait de lui restitution de son identité mais un monde Le roman ne se contente donc pas romanesque, à moins son écriture une renaissance de la poésie un antihéros qui se débat pour que la socié- meilleur, éternel. Il se retrouve alors au d’explorer une réalité quelconque, mais d’être un prophète ! engagée, où les mots sont plutôt des cris té reconnaisse son existence. « Je n’ai pas cœur d’un dilemme cornélien : pris entre d’interpeller toute l’existence. C’est qui secouent et bousculent les clichés de rêvé cet héroïsme. Je l’ai choisi. On est ce l’ingratitude de ses semblables, la folie pourquoi l’interrogation est sa marque Et je n’en suis pas un. la poésie marocaine. qu’on veut… Seuls les actes décident de des hommes et l’amour d’une prostituée, la plus fondamentale. Ainsi, pas de ro- C’est un acte physique Ecrivain de langue française, sa plume ce qu’on a voulu. » Ces propos de Sartre Adam devra faire un choix. man sans ce constat de la vie qui vient à dans lequel je mobilise traduit la révolte qui l’anime mais dépeint qui inaugurent le projet de l’écrivain nous Ce livre n’est pas seulement une histoire manquer. Ecrire s’apparente donc pour qui se tisse autour d’une intrigue, mais moi à un acte de survie. » mes muscles, mon es- c’est un écrit philosophique qui contraint prit et mon imaginaire. le lecteur à s’arrêter à chaque question Une fable des temps posée en filigrane. L’errance qu’impose la quête de son identité est aussi une quête modernes vingt ans, sous Hassan II et l’actuel roi, de de soi dans une société en mouvance. Et parce que l’écrivain est témoin de recouvrer son identité. Il faut l’imaginer son époque, Rachid Khaless nous trans- vivre toutes les humiliations possibles dans porte dans des lieux et des temps variés un Maroc indifférent à ses hommes. Adam L’art d’écrire avec une extrême adresse et maîtrise de est un être dans la proximité des choses de Dans l’écriture de Rachid Khaless, la cet outil que représentent les mots-maux la nature. Il apprend la vie au contact de puissance évocatrice est démultipliée. La pour nous plonger dans les univers des ses semblables. Toute l’onomastique a été douce puissance des mots nous happe personnages. Force est de dire que dans savamment choisie. J’ai sciemment baptisé pour nous bousculer puis nous apaiser par l’écriture de l’auteur rien n’est laissé au mon personnage Adam. Premier homme, la bonne prose usant des formes les plus hasard à commencer par les noms des il n’a aucun trait saillant pour le caracté- simples d’artifices pour nous rappeler que personnages ! Si « Adam » nous rappelle riser. C’est archétype, pas une personne. toute la beauté du style est justement dans le premier homme de la terre, son pré- Méconnu, ignoré, ce bonhomme dont sa fluidité et sa simplicité. nom de famille « Maârouf » (qui veut dire l’identité a été ravie s’appelle Maârouf. « Ecrire, pour moi, est un acte de vie. Il connu) est paradoxalement l’antithèse de L’antiphrase du nom fait de lui un antihé- ne s’agit pas d’une pratique ludique bien son état puisque vivant dans l’anonymat ros qui vit un drame ! Il est à l’image de que je conçoive que d’autres écrivirent total. Sa bien-aimée elle, se nomme tous les Marocains qui, pour vivre, doivent par plaisir et, parfois, par divertissement. Wissal (lien) et c’est le fil d’Ariane qui exercer pleinement leur citoyenneté. On Pour moi, le roman naît de la nécessi- le ramène à la vie et le réconcilie avec en est évidemment loin. Derrière la ques- té. Nulle inspiration donc à l’œuvre dans son existence. Le roman s’apparente à tion du nom, il y a la question majeure de le projet romanesque, à moins d’être un une pièce théâtrale (tragi-comique) si on l’identité. Le sujet de cette fable moderne prophète ! Et je n’en suis pas un. C’est se tient aux nombreux chapitres qui se est grave, mais le ton y est léger. J’ai choisi un acte physique dans lequel je mobilise suivent ou encore à un scénario de film l’humour pour mieux servir cette histoire mes muscles, mon esprit et mon imagi- qu’il nous donne à voir même si la des- rocambolesque, pleine de rebondissements. naire. Sur le plan pratique, il s’agit d’une cription n’est pas très présente mais la Mais ce personnage nous donne une belle véritable guerre avec les mots. Si, avec le variété des thèmes nous propulse dans leçon de tolérance par les temps difficiles point final, le romancier semble triompher un contexte réel et bien familier, à sa- que traverse le Maroc. » dans cette guerre, vite il se rend compte voir la prostitution, l’injustice, l’abus de Rachid Khaless peut se vanter d’avoir qu’il porte les stigmates de cette empoi- pouvoir, les procédures administratives sa propre façon à lui de colorer ses écrits et gnade avec les mots, son arène familière. contraignantes et abusives des fois, la de les rendre uniques. Sa plume poétique Les mots, son matériau de prédilection, corruption, la situation des soldats au est trempée dans l’encre de la réalité qui ne sont pas son unique cible : l’écrivain Sahara, la montée des islamistes. interpelle. livre un combat sans merci avec lui-même « Quand Adam a décidé de vivre ra- Quand Adam a décidé de vivre est sé- au travers des mots. Un roman n’est conte les tribulations d’Adam Maârouf, un lectionné parmi les cinq finalistes à la si- qu’une intention de guerre désirée, portée ex-soldat naïf pris pour mort et qui finit par xième édition du Prix littéraire la Mamou- l’oeuvre de Rachid Khaless. plus au moins à sa perfection. revenir en terre marocaine. Il tente pendant nia qui aura lieu le 19 septembre 2015. n MAROC 22 SEPTEMBRE 2015 PAYSAGES CULTURELS diplomatique «Les territoires de Dieu», un réquisitoire contre l’injustice Abdelhak Najib, journaliste, chroni- tées, qui ont malgré tout leur cohérence queur et animateur télé, a signé son livre dans le démembrement, dans l’expérience à la librairie Carrefour des livres, le 3 partagée d’une existence où l’innocence juillet 2015. Une occasion de revenir avec n’a pas sa place. Peut-être le reflux de lui sur ce roman à la fois irrévérencieux mémoires, toujours désordonné, parti- et férocement ancré dans l’actualité. cipe-il aussi de ce parti pris d’écarteler la langue et de figurer l’éclatement dans l Maroc Diplomatique : Vous dres- le tumulte d’un récit se refusant à toute sez dans votre roman le tableau social linéarité. Une telle mise en scène demande effervescent d’un «territoire de Dieu» cependant la mise en place d’un disposi- Abdelhak Najib. oublié de Dieu, où l’on se lève pour tif narratif, d’une structure d’autant plus «défier Dieu et son monde de colère». solide qu’ils ont pour charge de rendre Dans cette fiction qui plonge ses racines intelligible un espace du morcellement. dans des mémoires d’enfance, la plume, Absolument. Vous avez tout dit dans fiévreuse et acérée, semble vouloir ex- votre question. «Les territoires de Dieu» caver les remous palimpsestes d’une n’est pas un roman classique. Il n’y a pas lancinante, bouillonnante absence au de trame, ou plus exactement, il y en a plu- monde, exorcisée dans des effusions sieurs, avec des va-et-vient entre plusieurs de vie qui opèrent leurs trouées dans le périodes et plusieurs espaces limités dans texte. Pouvons-nous dire que, ce faisant, des géographies humaines variées. Avec vous restituez, quelque part, lieu et Dieu plusieurs niveaux de lecture et de narra- à ce tronçon de monde et de mondes? tion qui laissent de côté toute tendance ABDELHAK NAJIB : Ce serait un mi- d’écriture linéaire avec un début et une fin. justement être embarqué dans un monde femme qui tend une main, qui offre son racle de restituer Dieu dans ses absences. Mon écriture dans ce roman est éclatée tout où il évolue et qu’il se doit de façonner, corps comme un havre de paix contre les est une allégorie Surtout par les temps qui courent où Dieu comme la vie dont je parle et dont je rends coûte que coûte. Tout comme René Char, intempéries de la vie. Et du côté de Hay du pays, de la région est servi à toutes les sauces. Chacun l’as- ici compte l’est. Dans ce morcellement, si je devais être engagé, je le ferai le jour Mohammadi, les problèmes climatiques saisonne à sa guise. Chacun lui donne le les histoires se chevauchent. Elles s’im- où mon pays affrontera une guerre et là, je étaient nombreux et constants, avec leur et du monde. visage et les traits qui peuvent servir son briquent et apportent chacune sa part de cesserai d’écrire, d’être journaliste et écri- lot de tornades, d’ouragans, de typhons et Ce n’est qu’un ancrage idéologie, sa vue de l’esprit, et une certaine vérité à ce grand fleuve par des affluents de vain et j’irai sur le front défendre mon pays, autres tsunamis balayant dans leur sillage physique pour donner cause, mais Dieu dans Les territoires a sur- vie et des anecdotes entre comédie et tragé- en soldat, pour un temps, mais en homme ce qui nous restait d’espérance. tout régné par l’absence. N’étant pas là, il a die. La langue comme la forme suivent ici d’engagement. Par contre, écrire est une corps à une histoire imprimé à ces espaces une forme de déni, ces sinuosités complexes. C’est un exercice manière de refuser la réalité, de lui impri- l Le roman est sans concession et, tout sans concession aucune. de refus, de colère et d’absurdité. Le propos assez délicat qui devait épouser toutes les mer notre vision des choses, d’infléchir le comme vos personnages, on n’en ressort D’où la scène finale de ce roman n’est pas de faire le procès de ramifications narratives. Et chacun des pro- cours de l’histoire pour la forcer à nous pas indemnes. Traîtrises des temps, effri- Dieu qui a abandonné ses sujets, mais de tagonistes prend à son compte une partie suivre au lieu de rester dans son sillage. tement des mémoires, désarroi, rages de de la mort et de cette dire que l’on peut trouver d’autres voies de de cet éclatement pour offrir du champ à C’est cela l’écriture pour moi. Un acte qui vivre inassouvies, avortées. La mort sur amnésie généralisée salut, d’autres chemins de rédemption, loin une histoire limitée dans son espace mais puise la vie dans la vie, pas dans un encrier laquelle se ferme le livre a un goût d’al- et volontaire qui frappe des endoctrinements de tous genres. «Les ouverte sur le monde. Même l’écriture de- comme l’a précisé un autre auteur embar- légorie. Y a-t-il là quelque chose d’une territoires de Dieu» est un roman contre vient espace de liberté, comme les terrains qué, Blaise Cendrars. Quand je traite de allusion à un macabre destin social, avec le pays. les extrémismes, quelles que soient leurs de jeu des mômes dans ce texte. Tout est politique dans ce roman, le réquisitoire est tout ce que cela nous évoque, par-delà visées et leur essence. Pour moi, il est ici prétexte à ne pas se conformer à une vision ironique, drôle… il appelle au rire pour ne l’anéantissement, de terribles métamor- question de dépassement de soi, par l’es- préétablie, ou à une quelconque volonté pas tomber dans l’emphase des politiciens phoses? poir à toute épreuve, sans jamais se laisser d’emprisonner le récit, les personnages et et des slogans d’une certaine littérature On ne peut pas dire que ce roman se écrabouiller par ce rouleau compresseur leurs vies dans un schéma prévisible. Au dite justement engagée. Les «Territoires ferme en happy end. Loin s’en faut. Les nommé fatalité. Vous le voyez à travers final, les histoires finissent chacune à sa de Dieu» est un roman de résistance par le temps sont durs. Les jours sont noirs et une l’histoire des quatre gamins, qui sont l’os- manière offrant plus de profondeur aux corps, par le désir charnel, par l’érotisme, pluie de rage s’abat sur les uns et les autres, sature de ce roman. Ils refusent de plier, territoires des uns et des autres. comme suprêmes réponses à la démagogie dans un monde sans repères. Hay Moham- d’abdiquer, de s’avouer vaincus. Alors, politicienne, dans un monde sans valeur madi est une allégorie du pays, de la région ils multiplient les trouvailles et les astuces l Seriez-vous d’accord pour dire, pour aucune, que celles d’écraser les gens, leur et du monde. Ce n’est qu’un ancrage phy- pour survivre. Ils redoublent d’ingéniosité reprendre ce terme d’Albert Camus et au bouffer ce qui leur reste d’énergie et de sique pour donner corps à une histoire sans quand d’autres cèdent à toutes les formes vu de cette expérience d’écriture, que force pour tenir et ne pas courber l’échine. concession aucune. D’où la scène finale du vice. Qui devient fou de Dieu, juste- l’écrivain est plus «embarqué» qu’enga- Le corps devient le rempart final face à de la mort et de cette amnésie généralisée ment ; qui cède aux effluves de la drogue ; gé? Comment avez-vous vécu l’écriture de l’injustice. et volontaire qui frappe le pays. Comme qui renie son âme et assume sa criminalité ; ce roman qui, certes, soulève des questions vous l’avez précisé, la mémoire se meurt, qui se noie dans l’alcool pour oublier sa politiques, mais le fait sur le mode d’une l La femme est très présente dans votre elle se décompose lentement. Toute fureur vie… Mais eux s’accrochent à tout et ne combustion charnelle, d’une incandes- roman. Elle est une conscience autre du de vie est condamnée d’avance dans un es- cèdent à rien. Ils font front contre tout le cence sanguine, plus que sur le mode de monde dans «la ronde cruelle des jours». pace de plus en plus réduit où l’existence monde, le destin, la fatalité, la religion et la dénonciation? Elle est aussi cet espace du désir qui ra- s’alourdit et pèse de tout son poids sur les défient Dieu dans son absence si criarde Je ne suis pas un écrivain engagé. Je mène l’homme à la conscience de son corps flétris des gens. Puis, il y a l’inertie dans un monde complètement fou. n’aime pas ce vocable qui ne veut stricte- propre corps. La femme, une présence ambiante, les génuflexions face à l’inéluc- ment rien dire. Albert Camus l’avait bien qui compense l’absence de Dieu? table, qui, en définitive, ne l’est pas, pour La langue se fait miroir d’un univers compris à une période où l’intellectuel La femme est le salut. Et ce n’est ni du peu qu’on ose se prendre en main et refuser Un roman contre toutes les formes éclaté, écho d’un chaos d’identités écla- devait prendre ses responsabilités pour féminisme de circonstance ni un machisme de se laisser guider comme du bétail que d’extrêmisme. déguisé (car comme on le sait, prendre une l’on emmène aux abattoirs des jours. Le fin attitude paternaliste à l’égard de la femme mot de l’histoire est clair : va-t-on nous en pour soi-disant la défendre est en soi très sortir? Y a-t-il des voies d’issue pour ne pas réducteur). Mais dans «Les territoires de être annihilés? C’est cela la vraie question Dieu», la femme occupe une grande place. à poser aujourd’hui dans un Maroc où les Elle est l’amie, la mère, l’amante, la copine, scissions sociales deviennent graves, où le premier amour, la femme soumise aussi, l’on se permet de lyncher les autres dans la femme perdue dans le carcan des jours, la rue, d’interdire au nom d’un groupe de mais elle reste la mère courage. Dans ce se lever face à un autre groupe, de lancer périmètre de vie qu’est Hay Mohamma- des fatwas, de se positionner en détenteur di, elle incarne le désir, la force charnelle, unique d’une certaine vérité sur le monde, l’érotisme, la naissance du beau, l’oubli, la vie et les destins. Quand on meurt dans l’ivresse des sens. C’est elle qui guérit du les territoires, le seul salut qui reste est de mal. C’est elle qui offre des alternatives récupérer sa mémoire, qui est l’histoire, le au marasme ambiant, au désespoir et à la vécu, un référentiel commun pour toute une folie. Les Alia, Aziza, Amal, Malika et les nation, au-delà du mensonge, de l’hypocri- autres sont des déesses, qui nous ouvrent sie et de toute forme de traîtrise politique ou les portes du paradis, alors que Dieu nous économique. C’est là que réside le piège. a abandonnés. Elles refusent que nos vies C’est là le réel front pour l’intelligentsia soient gâchées, alors elles apportent le ré- marocaine qui est aujourd’hui sommée confort, l’amour, la passion, la volupté et de prendre ses responsabilités pour ne pas teintent tout ce monde noir par des couleurs rater un réel rendez-vous avec l’avenir.n d’arc-en-ciel. C’est simple, pour tous les Propos recueillis par personnages du roman, il y a toujours une Bouthaïna Azami MAROC diplomatique SOCIÉTÉ SEPTEMBRE 2015 23 Service sanitaire obligatoire : un bras de fer et des zones d’ombre Jamal Hafsi étaient ceux qui parlaient alors de gageur tout, à dispenser des soins de santé de qua- nisations professionnelles qui ont rejeté la et réussi à arracher au lobby des industriels lité pour le moins acceptable. Revers de la mesure de la mise en place d’un service l’intention du ministre de la et importateurs pharmaceutiques, que l’on médaille : l’image de ce système de santé sanitaire obligatoire, en arguant que cette Santé d’assujettir les lauréats sait très puissant, la réduction des PPM bascule rapidement de l’enchantement à la mesure n’est en fait qu’ « un camouflage À des facultés de médecine à un (Prix public Maroc) de 1500 spécialités consternation dès lors que l’on va dans les que veut apposer le ministre à la réalité du service sanitaire obligatoire, les étudiants pharmaceutiques (médicaments) ? Un zones reculées du Maroc profond. Là où secteur de la santé au Maroc, pour détour- disent Non ! Un Non qui, après avoir processus qui, promet-il, ne s’arrêtera pas l’accès aux soins, y compris parfois ceux ner l’opinion publique des réels problèmes été exprimé, en juin dernier, de manière là. Des baisses de prix à venir toucheront de base, est souvent inaccessible, faute de dont souffre le secteur ». À cette asser- conventionnelle, si l’on peut dire, dans les d’autres médicaments, a-t-il annoncé. N’a- ressources humaines et d’équipements. Les tion est venue s’ajouter un communiqué enceintes des cinq facultés de médecine t-il pas secoué le cocotier en exigeant des structures, elles, étant parfois existantes du Syndicat indépendant des médecins du que compte le Maroc (Casablanca, Rabat, médecins exerçant dans le public plus de mais cadenassées. Souvent absentes. secteur public (SIMSP), lequel assène sur Marrakech, Fès et Oujda), est aujourd’hui présence dans les hôpitaux et moins dans un ton de la même raideur qu’ « à travers traduit dans la rue par le biais de manifesta- les cliniques privées? Un dossier que l’on cette décision, le ministre souhaite dire au tions pour le moins amusantes, mais néan- sait délicat, au vu du poids de la corporation « Cela pourrait prêter citoyen marocain que le médecin refuse moins étranges. Chronique d’un bras de des professeurs et autres médecins spécia- à sourire dans les rangs d›exercer dans les régions reculées, ce fer où se sont curieusement invités sceaux listes du secteur public, mais qui n’est pas qui est faux, vu que la majorité des mé- d’eau et boîtes de Kleenex... totalement fermé. N’a-t-il pas amélioré sen- des habituels pessimistes. decins du public exercent ou ont exercé À l’origine de ce bras de fer qui, depuis siblement la situation dans les hôpitaux par Néanmoins, il n’est pas dans lesdites régions ». Et au même syn- plusieurs mois, oppose les étudiants en mé- l’affectation de plus de moyens matériels, de sourire qui résisterait dicat de marteler qu’il s’agit là d’ « une decine au ministre de la Santé, Houcine notamment de nouveaux équipements de décision aux dimensions politiciennes El Ouardi, un projet de loi, en préparation dernière technologie, et de dotations plus à la force des chiffres, si la (...) en contradiction avec l’article 24 de L’Alliance des lauréats par ce dernier, qui vise à établir un service importantes en médicaments ? Un chantier peine est prise de calculer la Constitution, qui garantit aux citoyens et des étudiants des civil, lequel ferait obligation aux lauréats dans lequel, il va sans dire, beaucoup reste l’IDH dans le Maroc des marocains la liberté de circuler et de s’éta- des facultés de médecine d’effectuer une à faire. N’a-t-il pas accéléré de manière no- blir sur le territoire national ». facultés de médecine au période de deux années d’exercice dans table la mise en place du Régime d’assis- zones urbaines. » L’Alliance des lauréats et des étu- Maroc (Alefm) a pour sa les zones rurales ou périurbaines. Là, où tance médicale (Ramed) ? Lequel permettra diants des facultés de médecine au Ma- part estimé qu’une «telle le déficit en ressources humaines sanitaires à la population économiquement démunie Les deux facettes de ce système de santé roc (Alefm) a pour sa part estimé qu’une tant en médecins qu’en auxiliaires de santé de bénéficier d’une couverture médicale aux antipodes l’une de l’autre ne sont pas « telle décision dénote d’un manque de décision dénote d’un - infirmiers - est dramatiquement ressenti de base qui offrira la gratuité des soins et uniquement pour troubler ou étonner. Elles respect et de considération envers les manque de respect et de par les populations locales. Mais là aussi des prestations médicales disponibles dans faussent aussi le classement du Maroc au médecins ». Et de rappeler que « le ser- considération envers les où d’autres médecins, quand il en existe, les hôpitaux publics, les centres de santé et titre de l’indicateur du développement hu- vice sanitaire obligatoire fait déjà partie passent parfois cinq ou six années, voire les services sanitaires relevant du secteur main (IDH). Lequel est calculé, comme des mœurs et des pratiques, car les futurs médecins». Et de rappe- davantage, avant de se voir affectés dans public, aussi bien en cas d’urgence que lors on le sait, sur la base de paramètres qui médecins exercent dans les régions recu- ler que «le service une structure de santé en milieu urbain. Une d’une hospitalisation. Un chantier, celui-là intègrent, entre autres, la dimension Santé. lées du Royaume durant l’année de leur sanitaire obligatoire fait situation qui n’est pas pour enchanter Hou- grand ouvert, à travers lequel le ministère C’est pour dire, sans exagération aucune, doctorat ». déjà partie des mœurs cine El Ouardi, lequel avait, dès la prise de de la Santé ambitionne d’assurer aux Ma- que si l’IDH était calculé sur la base d’in- ses fonctions à la tête du département de la rocains une meilleure équité devant l’accès dicateurs qui ne prendraient en compte que Un bras de fer et des pratiques, car Santé, en janvier 2012, annoncé la couleur aux soins. Un «gros morceau» où tout est les petites, les moyennes et les grandes les futurs médecins de ses ambitions et promis de faire le né- encore, ou presque, à faire, convient le mi- villes, les zones urbaines en somme, le Ma- aux allures d’une exercent dans cessaire pour que les Marocains puissent, là nistre lui-même. roc se classerait en un bien meilleur rang échauffourée où ils se trouvent, bénéficier de prestations Deux priorités : le déploiement harmo- que celui qu’il occupe aujourd’hui (129ème politique les régions reculées du sanitaires aux meilleurs standards. nieux des ressources humaines et la réduc- rang) au titre du développement humain, Royaume durant l’année La barre des ambitions placée trop haut? tion des inégalités territoriales en matière indépendamment des autres déficits qu’il Aussi les étudiants en médecine, actuel- Que nenni ! rétorque Houcine El Ouardi d›offre de soins accuse, notamment dans le secteur de l’édu- lement en grève générale, ont-ils repris à de leur doctorat». D’aucuns avaient alors estimé que Hou- Aujourd’hui, sur la feuille de route de cation. Cela pourrait prêter à sourire dans leur compte, pour s’opposer à la mise en cine El Ouardi avait placé la barre de ses Houcine El Ouardi figure au rang de priori- les rangs des habituels pessimistes. Néan- place du service sanitaire obligatoire, les ambitions pour le système de Santé national tés la question du déploiement harmonieux moins, il n’est pas de sourire qui résisterait mêmes arguments que ceux sur lesquelles trop haut par rapport aux moyens budgé- des ressources humaines sanitaires à travers à la force des chiffres, si la peine est prise s’adossent les syndicats et organisations taires alloués à son département. Aussi, l’ensemble des régions du Maroc, et la ré- de calculer l’IDH dans le Maroc des zones professionnelles pour contester le projet nombre d’observateurs de la scène poli- duction des importants déficits qui affectent urbaines. Facile à vérifier pour les initiés. de loi. Ce qui donne visiblement au bras de tique nationale avaient-ils estimé qu’il lui les régions reculées en matière d’accès aux Il suffit de prendre sa calculette et un peu fer qui les oppose au ministre de la Santé serait impossible de réussir les objectifs soins. Et sur ce registre, tout le monde aura de son temps. autour de cette mesure toutes les allures qu’il s’est fixés. Mais c’était mal connaitre constaté cet anachronisme qui caractérise le Tout cela, c’est pour dire qu’il s’agit d’une échauffourée politique. Certains l’entêté de Rifain qu’est Houcine El Ouar- système de santé marocain. Lequel système pour le ministre de la Santé de résoudre à d’entre ceux que Maroc Diplomatique di. Lequel est en train de prouver au fil des présente dans les villes en termes d’offres travers le texte de loi qu’il espère pouvoir a interrogés en vue de recueillir leurs mois que l’on peut tordre le cou à «impos- de soins une offre qui répond aux standards faire promulguer, l’un des plus grands pro- impressions au sujet de ce bras de fer y sible», pour peu que l’on y mette la mesure internationaux les plus pointus. Notamment blèmes structurels dont pâtit le système de voient carrément une velléité de «casser» de foi et de hargne nécessaires. Aussi et de par le nombre important des structures hos- santé marocain. À savoir celui de l’harmo- El Ouardi. « Cette grève tout comme cette l’avis de tous, y compris de celui de ses ad- pitalières privées (cliniques) et par la qua- nisation de la couverture sanitaire du pays, mobilisation des étudiants et ces mani- versaires politiques, de la foi, dans ce qu’il lité de leurs équipements et des soins qui tant en ressources humaines qu’en équi- festations ridicules qui font dans un mi- entreprend, et de la hargne, avec laquelle il y sont prodigués. Mais aussi par le nombre pements, et de la réduction des effarantes sérabilisme de mauvais aloi (allusion est le fait, Houcine El Ouardi en a à revendre. relativement important des structures hos- inégalités territoriale en matière d’offre de faite aux étudiants qui munis de sceaux N’a-t-il pas tenté ce que nombreux pitalières publiques qui arrivent, malgré soins. Et à ce titre, force est de souligner d’eau proposent dans la rue de laver les que, depuis toujours et jusqu’au jour d’au- voitures à 10 DH. À défaut, ils proposent jourd’hui, ces disparités sont anormalement à la vente des sachets ou des boîtes de importantes, comme en attestent d’ailleurs Kleenex, ndlr) sont le signe évident d’une les chiffres facilement consultables par le manœuvre hautement suspecte et basse- public, dès lors que nous passons d’une ment politicienne », nous a déclaré un ville à un bourg du Maroc profond, voire banquier sous le sceau de l’anonymat. Et parfois d’une ville à sa zone périphérique. de nous citer, comme pour nous dire que la Force est de souligner aussi que cette manipulation est grossière, le nom d’une grande inégalité territoriale en matière formation politique, laquelle serait, selon d’offre de soins vient s’ajouter à la pro- ce banquier, l’instigatrice de la polémique blématique de la pénurie globale des res- faite autour de ce projet de loi. Nous ne sources humaines dont souffre le secteur citerons évidemment pas le nom de cette de la santé (voir encadré). formation politique, ni y faire la moindre allusion. Des réactions hostiles Pour en savoir davantage autant sur ce projet de loi qui fait polémique que sur la pour un projet qui n’est position de chacun des protagonistes, nous qu’au stade avons interviewé le ministre de la Santé, de mouture brute... Houcine El Ouardi, lequel s’est prêté avec une grande disponibilité à l’exercice des Ce projet de loi a soulevé, dans les jours questions-réponses. Aussi avons-nous qui ont suivi la diffusion de sa mouture également recueilli les explications qu’ont brute, en avril dernier, un certain nombre bien voulu nous livrer les représentants de réactions pour le moins hostiles. No- des étudiants en médecine, tenants du tamment celles des syndicats et des orga- boycott du projet de loi n MAROC 24 SEPTEMBRE 2015 SOCIÉTÉ diplomatique

ENTRETIEN AVEC LE MINISTRE DE LA SANTÉ, HOUCINE EL OUARDI «Je suis un homme de dialogue et

je reste ouvert« Le projet de loi fait l’objet aujourd’hui à du toutesprocessus électoral. Ce à quoi j’ajouterai les la vie, parce suggestions»qu’il n’y a pas de médecin qui 2 300 et enfin à 3 900 postes. Aussi, faut-il d’une polémique dont on pouvait largement que la période des vacances n’est en général aurait pu la lui sauver, souvent d’un geste que soit souligné le grand effort qu’a fourni faire l’économie, parce que celle-ci est nour- pas ce qu’il y a de mieux comme «saison» très simple, dans un rayon de plusieurs ki- le gouvernement pour répondre à la demande rie par de nombreux mensonges » de dialogue. lomètres. Ce n’est pas digne du Maroc que de mon département à ce niveau. Et preuve en est, autant par rapport à ma nous construisons. Aussi, la composante res- - Pour pouvoir affecter du personnel mé- bonne volonté qu’à ma disponibilité quant à sources humaines est-elle la pierre angulaire dical dans ces zones reculées, il faut impéra- discuter de ce projet de loi avec les étudiants, de cette problématique. Nous n’avons pas tivement le doter des moyens qui lui seraient qu’une première réunion a eu lieu, à cet effet, suffisamment de médecins, à peine 6,2 mé- nécessaires pour accomplir son travail dans vendredi 11 septembre. Lors de cette réunion decins par 10 000 habitants. Et nos 5 facultés les meilleures conditions possible. Ce à quoi à laquelle ont pris part, d’un côté, le ministre nous produisent un peu moins d’un millier de nous nous sommes attelés, armés de notre de l’Enseignement supérieur, de la recherche médecins par an. Ce qui n’est pas suffisant, courage et de notre persuasion. Dieu merci, scientifique et de la formation des cadres, même sur le long terme, pour nous mettre au nous avons fini par obtenir gain de cause, Lahcen Daoudi, et le secrétaire général du niveau des standards minima fixés par l’Or- puisque le gouvernement alloue à mon dé- ministère de la Santé, en leur qualité de repré- ganisation mondiale de la Santé. Ce à quoi partement un milliard de DH pour équiper sentants du gouvernement. Et de l’autre, des j’ajouterai les grandes inégalités territoriales les petits hôpitaux en matériel performant, membres de la Coordination représentant les en matière d’offre de soins de santé. 45% des notamment en scanners. étudiants en médecine ainsi que des représen- médecins exercent dans le couloir qui va de - Et enfin, la mise en place d’un service tants des médecins internes et des médecins Casablanca à Rabat. sanitaire national, un projet qui fait l’objet au- résidents. Lors de cette réunion, donc, ont été jourd’hui d’une polémique dont on pouvait posés les premiers jalons du débat autour du l Voudriez-vous nous préciser, avec largement faire l’économie, parce que celle-ci projet de loi. Mais ont également été abordées quelques détails, les grandes lignes de ce est nourrie par de nombreux mensonges : un d’autres questions en rapport avec les problé- projet de loi et ses retombées sur le système salaire de 2 000 DH, sans prime aucune, pas matiques auxquelles est confronté le système de santé national ? d’assurance, l’existence de moyens pour sup- de Santé national qui reste un énorme chantier - Voilà une question que j’aurai aimé qu’elle primer aux assujettis la possibilité de passer où beaucoup de choses restent à parfaire ou soit posée par les étudiants. Certes, ils ne l’ont les concours... l Maroc Diplomatique : Les étudiants en à réaliser. pas fait, faute d’avoir pu me rencontrer pour La promulgation de la loi portant création médecine semblent avoir engagé un bras Oui, mais pourquoi n’y avez-vous pas as- les raisons que j’ai citées tout à l’heure, mais du service sanitaire national aura pour autres de fer avec vous au sujet du projet de loi vi- sisté, comme vous le reprochent d’ailleurs je reste persuadé qu’ils ont lu mes déclarations conséquences heureuses : la mise dans le sant à établir un service sanitaire obligatoire les étudiants dans des déclarations que nous faites à la presse, notamment au sujet de cer- circuit de 8 400 infirmiers, l’ouverture des d’une durée de deux ans. Un projet de loi avons recueillies ?... Ils ont été jusqu’à dire tains points insuffisamment détaillés dans le Centres de santé fermés, la dotation en res- que vous souhaitez ardemment voir promul- que vous avez l’air de les snober… projet de loi. Je pense en particulier à la ques- sources humaines de tous les hôpitaux, la gué. Quelle est votre réaction par rapport à (Il esquisse une amorce de sourire dont on tion de leur rémunération, aux indemnités réussite à 100% du Ramed, l’acquisition ce mouvement de contestation et à la grève ne sait si elle traduit une légère amertume ou d’éloignement et de risque, à l’assurance, à la d’expérience par les assujettis au SSO, générale suivie par l’ensemble des étudiants un profond désappointement).Vous voyez possibilité, qui doit leur rester toute ouverte, de d’éviter le chômage aux médecins nouvelle- des cinq facultés de médecine du Royaume? ! Les représentants des étudiants assènent participer aux concours auxquels ils souhaitent ment diplômés, l’établissement d’une équité - HOUCINE EL OUARDI : Je tiens à comme un arrêt que je les snobe. Je ne se présenter, notamment celui du résidanat... Et entre les médecins... Et tout ça n’est pas peu. préciser que ce mouvement de contestation comprends pas pourquoi ils n’ont pas pris je dirai, à ce sujet, qu’à l’inverse des fausses ru- Pensez-vous qu’il pourrait y avoir une par- en général et cette grève en particulier sont la peine de demander pour savoir que j’étais meurs que l’on a galvaudées ici et là, je ne sais tie étrangère à ce débat qui aurait un intérêt à pour le moins difficiles à comprendre. Dans la tout simplement en mission à l’étranger ? Ils dans quel dessein, autour de la rémunération faire capoter ce projet ? Si oui, quel serait cet mesure où le projet de loi n’est encore qu’au se sont suffit de constater mon absence à cette des médecins assujettis au SSO, ces derniers intérêt et pourquoi faire capoter ce projet ? stade d’une mouture qui n’a pas encore fait réunion, à laquelle a pourtant pris part pour percevront le même salaire, au dirham près, Vous terminez avec de bonnes questions l’objet de discussions. Et comme son nom me représenter le secrétaire général du minis- que celui que perçoit un médecin non assu- que je ne peux malheureusement pas com- l’indique, cette loi n’est encore qu’au stade tère, puis ont décrété leur arrêt : «El Ouardi jetti à cette mesure. Et non 2000 DH comme menter encore moins leur apporter des ré- de projet, donc susceptible d’être amendée nous snobe !». Voyons ! C’est un peu léger. le laissent croire les colporteurs de fausses ponses. Et cela parce que je suis quelqu›un et d’être modifiée. Mais encore faut-il pour Et c’est d’autant plus curieux qu’ils savent rumeurs. À cette rémunération, s’ajouteront d›assez sage et suffisamment prudent pour ne pouvoir le faire que des propositions d’amen- presque tous que je les considère un peu des indemnités d’éloignement et de risque. pas bâtir des théories sur des échafaudages dement soient clairement formulées par les comme mes enfants. Quand on a été doyen C’est dire que j’ai tout fait pour qu’ils soient faits pour l’essentiel de supputations et de étudiants au département de la Santé, dans le d’une faculté de médecine pendant plusieurs équitablement rétribués. Mieux encore, et cela doutes. Aussi, quand bien même mes doutes cadre de concertations entre les deux parties. années, on développe forcément à l’endroit nombre d’entre eux ne le savent visiblement comme certainement ceux de nombreux ob- Et je ne cesse de dire à ce sujet que je suis de ses étudiants un sentiment qui n’est pas pas : les deux années qu’ils passeront au titre servateurs avertis auraient presque les allures un homme de dialogue et je reste ouvert à loin de ressembler à celui d’un père à son du SSO compteront double dans le décompte d’une certitude, je m’interdirais pour l’heure toutes les suggestions. Ma culture fait une fils ou à sa fille. Comment pourrai-je alors de l’ancienneté. Soit comme s’ils auront tra- de formuler quelque accusation que ce soit à large place au respect de l’avis de l’autre. Ce les snober ? vaillé quatre années. Curieusement, s’agissant l’encontre de quiconque. pourquoi je réitère ma disponibilité totale et de ces avantages liés à ce statut d’assujettis au Cela dit, je sais que le travail que nous entière à écouter ce que les étudiants ont à l À l›issue de cette réunion qui a duré SSO, personne ne parle au sein de la coordina- sommes en train de faire et les résultats que proposer comme amendement au projet de cinq heures, les représentants des étudiants, tion. Et j’aimerai bien savoir pourquoi. nous commençons à glaner, aussi modestes loi. des médecins internes et des médecins ré- soient-ils, dérangent certains de nos adver- sidents ont déclaré que celle-ci n’a finale- l Qu’en est-il des autres grandes lignes saires politiques. l Les représentants de la Coordination ment abouti à rien de concret. Aussi, ont-ils du projet de loi et de ses retombées sur le Un dernier mot sur le lavage des voi- des étudiants en médecine que nous avons publié, immédiatement après la fin de cette système de santé ? tures et la vente de boîtes de Kleenex par interrogés sur le pourquoi de cette grève réunion, un communiqué commun qui ne - Le projet de loi ambitionne d’atteindre, les étudiants dans la rue… Une forme de Bio-express qu’ils ont déclenchée voilà plusieurs jours laisse aucun doute sur les intentions des étu- sur le moyen terme, une harmonisation de la manifestation qui vient en appui au mouve- nous ont déclaré avoir formulé à cinq re- diants quant à poursuivre leur mouvement répartition des ressources humaines à travers ment de grève des étudiants et qui a créé le prises une demande d’audience pour dé- de grève et sur celles des médecins internes le territoire national. À tout le moins, de pou- buzz. Et «c’était là l’objectif», comme nous Issu d’une famille relativement battre de ce projet de loi. Et de préciser, et des médecins résidents qui annoncent voir améliorer et généraliser l’offre de soins l’a déclaré une des étudiantes proche de la pauvre, Houcine El Ouardi est né en qu’ils n’ont reçu de réponse à aucune de qu’ils entreront dans une «grève ouverte» dans les régions enclavées ou reculées du Coordination… 1954 dans la petite bourgade de Midar leurs cinq demandes. Ce qu’ils ont consi- à partir du 1er octobre sur l’ensemble du Royaume qui souffrent aujourd’hui d’un dé- J’ai trouvé amusante cette forme de mani- dans le Rif oriental. déré comme une absence de bonne volonté territoire national. C’est dire que vous serez ficit aigu en matière de ressources humaines. festation. Néanmoins, comme moyen de com- Il est d’abord infirmier avant de se pour discuter de ce projet de loi. Que leur soumis à un tir croisé. Quel commentaire Ce déficit aussi bien en qualité qu’en quantité, munication, à même de sensibiliser sur une lancer dans les études de médecine. Il répondez-vous ? apportez-vous par rapport au contenu de nous n’y sommes pour rien. Nous l’avons hé- cause dont se revendiquent de jeunes étudiants décrochera, non sans brio, son doctorat - Je crois qu’il y a une méprise, à tout le ce communiqué qui semble augurer d’une rité et nous travaillons dans la mesure de nos qui dans quelques mois seront des médecins, en médecine générale avant de se spé- moins une incompréhension, de leur part. escalade ? moyens pour le résorber progressivement. En je la trouve complètement déplacée. J’éprouve cialiser par la suite en anesthésie-réani- Autant sur ma bonne volonté et ma disponi- - Je ne ferai pas de commentaire par rap- attendant, nous devons faire avec ce que nous trop de respect pour mes confrères jeunes mation et en médecine d’urgence. bilité quant à engager des discussions avec port à ce communiqué. Je fais confiance à avons, en optant pour une gestion rationnelle médecins pour accepter de les voir recourir Après quoi, il décroche son titre de eux autour du projet de loi, que sur l’aspect la sagesse des uns et des autres. Et je reste des ressources humaines disponibles et de à cette forme de misérabilisme. Ceux qui leur professeur à la faculté de médecine de procédurier des choses. Je m’explique : cela persuadé que la raison finira par l’emporter. celles qui vont arriver. ont soufflé l’idée saugrenue de s’exhiber, qui Casablanca, puis sa nomination en fait cinq mois environ que le projet de loi a Le processus de dialogue vient à peine de Une fois promulguée, après sa discussion un sceau, qui une boîte de Kleenex à la main, qualité de Doyen à la même faculté. été rendu public. Il a fait l’objet de premières commencer, j’espère qu’il se poursuivra pour et l’apport d’éventuels amendements évidem- ce sont eux qui n’ont visiblement aucun respect Proposé pas son parti, le PPS, dont contestations dans le courant du mois de juin. aboutir au meilleur compromis possible. Un ment, la loi établissant le SSO va permettre, pour ces jeunes médecins. Un respect qu’ils il est membre du bureau politique, il Après quoi, l’ensemble des acteurs politiques, compromis qui conciliera entre les intérêts par ailleurs, la réouverture des 143 Centres comptent manifestement sacrifier sur l’autel est désigné en janvier 2012 à la tête du membres du gouvernement compris, se sont des lauréats des facultés de médecine et les de santé actuellement fermés en raison de de leurs manigances politiciennes. département de la Santé dans le gouver- engagés dans l’inévitable engrenage du pro- impératifs liés à mon souci d’établir une équi- l’absence de ressources humaines pour les Pour terminer, je profite de la circonstance nement Benkirane. Poste qu’il occupe cessus électoral sur lequel on est à peine en té en matière d’accès aux soins. Aujourd’hui, faire fonctionner. pour lancer, à travers vos colonnes, un appel à ce jour. train de baisser le rideau. C’est pour dire que il n’est pas de raison qui puisse justifier qu’un En gros, la solution que nous suggérons aux étudiants médecins les invitant à mieux Il est l’auteur de plusieurs publica- les conditions pour que le dialogue autour Marocain habitant un bourg éloigné soit privé pour pallier le déficit de l›offre de soins dans réfléchir à tout ce qui est en train de se pro- tions et travaux de recherches sur la de ce projet de loi puisse se dérouler dans d’accès aux soins, à tout le moins aux soins les régions reculées peut être déclinée en 3 duire autour de ce projet de loi. Beaucoup de médecine d’urgence au Maroc. les meilleures conditions de disponibilité et de base. Et c’est là un chantier qui me tient niveaux : choses n’ont rien d’innocent... n de sérénité n’étaient pas réunies pendant les particulièrement à cœur. Je ne peux, en ef- - Augmenter le nombre de postes qui pas- Propos recueillis par trois derniers mois, du fait comme je l’ai dit fet, concevoir qu’un Marocain puisse perdre seront de 5 à 6 aujourd’hui, à 1 000, puis à Jamal Hafsi MAROC diplomatique SOCIÉTÉ SEPTEMBRE 2015 25

Le système de santé par quelques chiffres

Pour une population d’un peu plus de 34 mil- Le Maroc est l’un des 57 pays souffrant d’une et à Casablanca. Et c’est dans ces deux villes que Draa. Ce ratio est de 1 médecin pour 8 111 habitants lions d’habitants, le Maroc compte un peu moins pénurie aiguë en professionnels de santé avec un l’on retrouve la plus forte densité médicale, avec en milieu urbain et de 1 pour 11 345 en milieu rural de 20 000 médecins. Soit un ratio de 6,2 médecins ratio de 1,86 pour 1 000 habitants 20,3 médecins pour 10 000 habitants à Rabat et L’accessibilité aux soins de santé de base de- pour 10 000 habitants. Ce qui est très en deçà du La densité du personnel paramédical formé aux 16,1 médecins pour 10 000 habitants à Casablanca. meure très difficile pour près de 24% de la popu- standard de l’OMS fixé à 1 médecin pour 650 ha- soins liés à l’accouchement est inférieure au seuil 143 centres de santé sont actuellement fermés lation résidant à plus de 10 km du premier ESSB. bitants. de 2,28 pour 1 000 habitants, défini comme seuil faute de médecins et d’infirmiers Le déficit en médecins est estimé à 7 000. Et en Le nombre de médecins exerçant au sein des critique par l’OMS Le ratio médecins/habitants va de un médecin auxiliaires de santé - infirmiers - à 9 000 établissements de soins de santé de base (ESSB) La répartition du personnel soignant est très pour 1 916 habitants à Casablanca, à un médecin Les universités ne forment que 900 médecins est d’environ 1 pour 10 000 habitants. inégale. Les médecins sont concentrés à Rabat pour 5 378 habitants dans la région Souss-Massa- par an. n

Dossier bras de fer étudiants en médecine-ministre de la Santé La parole aux étudiants Amine Haddad (porte-parole du Conseil des étudiants restera toujours une fierté pour nous mais dans le cadre de pel au dialogue, il fallait bouger! Surtout après l’accueil à de la faculté de médecine et de pharmacie de Casablanca) l’intégration de la fonction publique. coups de bâtons devant le ministère de la santé qu’ont reçu En tant que porte-parole des étudiants de la fMPC (Fa- Communiqué des étudiants les représentants des étudiants lors du sit-in du 23 Juillet culté de médecine et de pharmacie de CASABLANCA) je de la faculté de médecine en répondant à l’invitation du directeur du cabinet. Entre confirme que nous ne sommes par contre le service civil mais et de pharmacie de Casablanca temps, Monsieur le ministre Pr. El Ouardi enchaîne interview nous sommes contre l’obligation du travail. Dans une atmosphère d’indignation de tous les étudiants après l’autre expliquant que le projet sera maintenu coûte Les médecins avaient l’habitude de travailler dans les en médecine au Maroc vis à vis de la politique médicale du que coûte et se dit ouvert au dialogue (?!) La décision a été régions enclavées mais dans le cadre de l’intégration de pays en général et de la situation de la formation du futur prise: prochaine étape, boycott de la rentrée universitaire et la fonction publique, ce service qui est obligatoire nous ne médecin surtout, le projet de loi en question fut l’étincelle de toutes les activités de formation (à l’échelle nationale) permet plus ce droit qui est légitime. qui entraîna une foule de protestations et LA RÉVOLUTION jusqu’à obtention de nos revendications établies selon un Cher(e)s citoyen(e)s, avant de boycotter pour nos droits DU STÉTHOSCOPE, révolution de l’étudiant en Méde- dossier revendicatif complet où le service médical obligatoire les plus légitimes, nous boycottons pour un Maroc meilleur, cine pour un avenir meilleur. Sit-in après sit-in et marche n’est qu’un point parmi d’autres, je cite, à titre d’exemple: une bonne médicalisation, une médecine et santé correctes, après marche, et devant l’indifférence des responsables du L’amélioration des conditions de formation ( avec une pa- et servir le citoyen dans les régions les plus reculées était et ministère en charge après 5 demandes d’audience et ap- noplie de propositions), l’ouverture de plus de postes en médecine générale et résidanat (spécialité) pour compenser le manque cruel de médecins au Maroc et surtout dans les zones rurales, l’augmentation des indemnités que reçoivent les étudiants (fixé à 110dhs par mois depuis 1972)... Sans trop tarder, sachez que tous les étudiants en Méde- cine au Maroc adhérent à 100%( et 70% à Rabat à cause de la présence des étudiants en Médecine militaire) à cette décision de boycott qui en est à sa deuxième et bientôt troisième semaine à Casablanca par exemple. En attendant l’implication des résidents et internes avec un grève illimitée à partir du premier octobre. Pourquoi les étudiants en médecine condamnent ce projet? Maintenant que les choses se sont officialisées, je peux dire : Les étudiants en Médecine au Maroc ne sont pas contre le principe de servir les citoyens marocains dans les zones enclavées ( la majorité des affectations des nouveaux lauréats se fait dans ces zones), on est contre le principe de L’OBLI- GATION sans engager les positions concernées dans le dia- logue! C’est une loi (une fois sortie) qui touchera une grande partie de Marocains, un tel projet nécessite l’ouverture d’un dialogue national et non des propositions discutées par mail (comme cité dans la préface du projet de loi). Revenons-en aux faits et je me baserais à présent unique- ment sur ce le projet publié; -Article 1: La propagande qui accompagné ce projet de loi mettait en avant les zones enclavées, et pourtant aucune mention à ce sujet; l’article reste ambigu et ouvert à toute insinuation.. Conclusion, servir les marocains dans les zones enclavées n’était qu’un prétexte pour faire passer la loi, le but étant d’arrêter les affectations dans le secteur public et ainsi le condamner à mort... -Article 3 et 6, le texte stipule que le médecin travaillera sous un contrat et non un contrat de travail ce qui met en doute le statut du médecin concerné qui plus est sera payé en «bourse» comme cité un peu plus bas dans l’article 10. -L’article 8 ne prévoit pas le droit syndical des médecins une fois dans ce service au contraire, bonjour l’esclavage et l’injustice surtout avec l’établissement d’un comité de discipline et des sanctions disciplinaires (toujours selon le texte du projet de loi) -Les articles 15 et 17 déclarent : Aucune garantie d’emploi après ces deux ans... Et comment ?! 3000 lauréats par an seront distribués dans tous les coins du Maroc, pourquoi ouvrir des postes (sachant qu’en tant normal 15 postes ont été ouverts pour 1500 l’année dernière) -Article 11: pas de couverture médicale et uniquement une assurance qui couvre ces deux ans et seulement ces deux ans. Qu’en est-il des maladies et accidents de travail qui vont accompagner le médecin après ces deux ans? -Article 20 : Les étudiants dans les facultés de médecine privées ne sont pas concernés par le projet alors que ATTEN- TION, c’est un DEVOIR NATIONAL (comme cité au tout début) Est ce que les étudiants dans les facultés publiques sont les les seuls concernés par le patriotisme et le devoir? Si eux payent leurs études, la gratuité des nôtres est un droit constitutionnel historique et les étudiants en Médecine ne sont pas les seuls à en bénéficier.. Conclusion, le projet de loi n’est qu’un pas ( et un grand) parmi d’autres pour condamner le secteur public A MORT une bonne fois pour toute dans le but de servir l’agenda des banques mondiales et concrétiser un plan de capitalisation du secteur de la santé et ainsi étrangler tout citoyen modeste! n

n MAROC 26 SEPTEMBRE 2015 ANALYSE diplomatique Sincérité des élus, pas tout à fait

Par Dr Mustapha Dalil* procurer une majoritéau d’élus, en montrantrendez-vous ne peut que transformer l’assemblée du ! un sens mercantile affirmé. C’est un pro- Conseil de la Collectivité territoriale en e discours royal à l’occasion du blème épineux à propos duquel S.M. le Roi un simple organe d’enregistrement au lieu 62ème anniversaire de la Révo- a tiré la sonnette d’alarme, tout en démon- d’être un vrai endroit où se rencontrent et lution du Roi et du peuple a été trant l’impact néfaste de tels agissements se confrontent les idées. À leur sens, le Ll’occasion pour Sa Majesté de mettre en sur le devenir des citoyens, électeurs et conseil est loin d’être un creuset d’entente exergue la question de la sincérité des élus non-électeurs. Indéniablement, le manque et de coopération entre les sensibilités poli- vis-à-vis des citoyens, qualité considérée de sincérité des élus vaut un mépris déme- tiques élues. Il n’est pas non plus un lieu de comme une condition sine qua non pour la suré des électeurs. participation à la prise de décision fondée «révolution que nous entamons» au Maroc, Plus encore, certains élus considèrent sur la discussion libre et démocratique et pour reprendre les termes de S.M. Faute de leur présence au Conseil de la Collecti- partant aucun reproche ne devait leur être quoi, «nombre de citoyens ne s’intéressent adressé, estiment-ils. L’élection n’est pas pas beaucoup aux élections, et... n’y par- une fin en soi, mais c’est un moyen pour ticipent pas». C’est au moment où servir les habitants et l’ensemble des ac- La cause principale de l’antipathie poli- teurs de la société. tique ou comportement apolitique des ci- le pays tente de mettre Aussi, la passivité des élus locaux a-t- toyens faisant fi des moindres exigences de en place les mécanismes elle trait à leur rapport avec les institutions la citoyenneté tant réitérée réside dans le fait de la représentativité représentatives. Ce rapport est marqué que «certains élus ne remplissent pas leur par une sorte de désintéressement, voire devoir comme il se doit», du moment que que l’on enregistre de méfiance à l’égard des institutions lo- conseil, si celui-ci n’honore pas ses en- toyens. C’est au moment où le pays tente l’élu «est responsable des intérêts des gens la défaillance cales. Dans ces conditions, un conseiller gagements vis-à-vis de ses collègues, en de mettre en place les mécanismes de la et n’exerce pas pour son propre compte» des modalités qui doit se mettre, en principe, au service l’occurrence les élus qui le soutiennent, représentativité que l’on enregistre la dé- la fonction élective. À vrai dire, c’est «un de la population juge indifféremment l’ac- de sérieux handicaps pourraient entraver faillance des modalités d’information et manque de respect à l’égard des électeurs» d’information tion locale en la prenant comme un moyen sa gestion des affaires locales. Des bud- de communication des structures locales aptes à voter en faveur des candidats mé- et de communication. de promotion politique et sociale, pour gets et des comptes administratifs seront avec les citoyens en raison non seulement ritants et compétents, bien que ce vote, en ne pas dire d’enrichissement illicite. Les rejetés et des majorités se feront et se dé- de la méthode bureaucratique encore do- tant que tel, ne soit pas de nature à écarter partis politiques eux aussi assument une feront au gré des intérêts personnels des minante, mais aussi en raison des attitudes ultérieurement le recours à la pratique de la part de responsabilité dans cette dérive. élus. La Collectivité territoriale plongera passives des élus locaux. La plupart d’entre reddition des comptes. Ils ne s’impliquent pas dans le proces- alors dans des luttes internes, en s’éloi- eux adoptent des pratiques antidémocra- Dans ce contexte, le législateur a placé vité territoriale comme une fin en soi, ni sus de sensibilisation des élus. Ils ne les gnant des attentes chères aux électeurs. tiques et des comportements paternalistes la présidence du conseil communal, pré- plus ni moins, et non une responsabilité préparent pas aux futures responsabilités L’élection cesse, en effet, de devenir un envers les citoyens. Car ils sont plus attirés fectoral, provincial ou régional à un niveau intrinsèque à la confiance leur ayant été d’administration locale, ne les initient pas instrument de participation à la vie locale. par le prestige lié au titre d’élu local que de considération élevé et tellement stra- accordée ou une opportunité à saisir pour à s’imprégner de la moralisation de la vie D’autant plus que les gestionnaires locaux par une quelconque mission de promotion tégique, auquel sont attachées de larges faire des propositions d’intérêt général et politique locale. En effet, dans des Col- se replient sur eux-mêmes au mépris des de la vie locale et des intérêts suprêmes compétences qui ne cessent d’ailleurs de être en fin de compte à la hauteur des at- lectivités territoriales notamment commu- promesses qu’ils ont faites aux habitants des citoyens. n s’élargir. Néanmoins, dans une atmosphère tentes des populations. Certes, la passivité nales, il y a une méfiance des élus vis-à-vis lors des campagnes électorales. * Docteur en droit public, professeur va- politique malsaine, la présidence revien- des élus locaux, découlant de la méprise des institutions locales. Pire encore, on remarque un compor- cataire à l’université et expert en «décen- drait généralement à celui qui pourrait se des obligations liées à la fonction élective, S’agissant du président du tement paternaliste des élus envers les ci- tralisation et gouvernance territoriale».

Le cas Chabat à la lumière du succès du PJD rois semaines après le scrutin du 4 es qu’il ait pu être formulé ! Il reste que d’une politique de conquête, se préparant septembre qui a constitué une dé- rien ne saurait nous étonner, venant d’un à l’échéance majeure des élections com- faite meurtrière pour lui et son par- homme qui joue au « va-tout » , se fait une munales qui sont, en somme, la répétition Tti, digérant mal son calvaire Hamid Chabat idée particulière de sa personne et surtout générale de celles de 2016… fait parler de lui, et avec superbe, il attaque une piètre image de ses adversaires. En Le PJD a opposé une stratégie de pré- le ministre de l’Intérieur et remet son titre témoignent les aménités fielleuses sur un sence face à Chabat et à conquis Fès , il en question! C’est peu dire qu’il mesure , traité de tous les noms, ne s’en cache point, place ses hommes aux aujourd’hui le poids d’une décision qu’il cité à tout de bout de champ… postes dévolus et prévus pour les confron- entend assumer jusqu’au bout : s’imposer C’est la deuxième fois dans l’histoire tations stratégiques futures…On ne soup- ou se démettre ! Car, une fois passé l’ef- de l’Istiqlal que Hamid Chabat , candidat çonne point à quel degré d’ambivalence fet de surprise, il reste à gérer désormais malheureux à la mairie de Fès, met le feu son discours, qui relève du manichéisme l’équation d’une petite crise, peut-être une à la baraque avec la volonté affichée de la le plus rédhibitoire, peut bercer les uns et tempête, provoquée au débotté de tout le faire imploser ! Du respect des procédures, les autres. Tel directeur de cabinet , un monde, mais qui interpellait et interpelle il n’en a cure ! De l’attachement au prin- certain responsable de ministère est nom- encore le petit Landerneau politique de cipe constitutionnel, il n’en a rien à « ci- mé « illico presto » secrétaire général et la Rabat et de Casablanca. Le mérite de rer » ! C’est un homme blessé, désireux gestion des fonds lui revient, qui lui per- l’annonce spectaculaire de Hamid Chabat d’en découdre à la fois avec la majorité met d’accorder tous les soutiens financiers est de nous révéler, en définitive, que la en place depuis janvier 2012, et avec une aux associations islamistes ! Hamid Chabat. majorité gouvernementale - configurée à certaine ambiance où, disons-le, le faux travers les communales - est aussi para- semblant se substitue à une réalité de plus fragilisée par les maigres résultats, écono- évanouie dans les sables des promesses… doxalement fragile qu’elle ne paraissait ! en plus déviée et chaque jour inquiétante. A chaque étape miques et sociaux, dominée surtout par les Il pouvait également fédérer autour de Avant son élection à la tête du parti , Chabat serait-il aussi populiste que son de sa tournée, il écorche contradictions de langage et les velléités lui les élites, vieilles qui ont voté pour le Hamid Chabat a décidé de parcourir les rival principal qu’il n’a cessé de fustiger ? les uns et les autres, des hommes qui gouvernent, il n’épargne PJD et les nouvelles, récupérées sur les routes du Maroc profond ! C’est une ma- Abdelilah Benkirane ? Oui, sans doute, pas ses propres « camarades » du parti, ruines des anciennes majorités, il pouvait nière de réponse aux cancans qui se dé- mais il ne joue pas sur le même registre distribue les propos fiel- et ne verse pas dans le favoritisme ! Sauf enfin susciter les énergies et rassembler les veloppent ici et là, à ce jeu d’exégèse qui et cette cantique de la démagogie, il en leux, se positionne surprise d’ultime minute, Hamid Chabat jeunes autour d’un programme de réformes tient lieu de discours politique. A chaque développe ses propres rythmes ! Il prend et frappe l’imagination continuera à tenir la dragée haute à un gou- ambitieuses et porteuses, il s’est contenté étape de sa tournée, il écorche les uns et le contre-pied du gouvernement , dont vernement qui incarne la sinistre image de de raviver les césures et , tout compte fait, les autres, distribue les propos fielleux, pourtant il a fait partie, jusqu’à ce que des populations « cautère sur une jambe de bois » ! Abde- de séparer plus que de raison… se positionne et frappe l’imagination des ses ambitions le coulent ! Hamid Chabat en recourant lilah Benkirane pouvait devenir un leader Le PJD installe ses troupes et ses mé- populations en recourant à des anathèmes a compris d’une certaine manière que le à des anathèmes ! et fonder un modèle , comme le premier thodes à Fès, dans une ville qui a rejeté en qui feraient pâmer d’envie un certain… PJD n’est pas la petite formation que son ministre turc, appuyé sur une réelle assise bloc l’ancien tonitruant maire. Celui-ci, Jean-Marie Le Pen en France ! Il aurait charme destructeur pourrait anéantir. A populaire ! Il s’est contenté de privilégier pour peu que l’on regarde son pédigrée, cependant proclamé que , dans le cas où il ses dépens aujourd’hui plus qu’hier ! Il a le populisme qui , la perfidie aidant, s’est accepterait-il le verdict des urnes au point n’obtiendrait pas gain de cause, autrement mesuré que, face à l’inertie caractérisée Hamid Chabat n’a pas seulement mesuré transformé en un arrogant procès de ses de se plier à la raison ? Troquerait-il dit si le Roi n’accédait pas à ses desiderata de l’opposition libérale, en prenant à ses les articulations d’une certaine évolution adversaires. Il n’a pas su restaurer la re- son masque de fondeur contre celui de , il partirait, démissionnerait…On ne sait aises, le PJD s’active en profondeur et subreptice et de plus en plus affichée. S’il lation entre le gouvernement et le peuple Ponce-Pilat ? n quel crédit accorder à ce propos, si tant presque en catimini, labourant les sillons met en cause le principe d’une coalition qui, n’en déplaise aux thuriféraires , s’est Yazid Ghali MAROC diplomatique TOUR D’HORIZONS SEPTEMBRE 2015 27

Mariées, violentées et condamnées à se taire pour rester en France… eci est le fruit d’une enquête grand frère qui se lamentait le plus sur de terrain menée auprès de mon sort. C’est lui qui a donné son ac- femmes maghrébines violen- cord après mon consentement bien sûr Ctées par leurs conjoints (avec un focus pour contracter le mariage. Quelques sur les femmes marocaines). Elle a pour mois plus tard, j’ai découvert que mon cadre une dizaine de femmes venues en mari était divorcé et avait déjà trois France en tant que conjointes de Fran- enfants ». D’après Habiba, son mari la çais et victimes de violences conjugales battait presque quotidiennement. Elle ou provenant de leurs proches, en 2012 n’a jamais pu déposer plainte. Sa voix et 2013. Au début de l’année 2014, une devient soudain à peine audible. Elle se loi-cadre a été votée. Les doléances des perd dans les mauvais souvenirs. Son associations qui militent pour défendre rêve s’est transformé en cauchemar de- les femmes étrangères battues et humi- puis le premier jour où elle a posé les liées ont été enfin entendues. Cepen- pieds à Lyon. « Les étrangères sont vic- dant, cette trop lente évolution n’a pas times de leurs époux, des Français venus été sans conséquences : elle a laissé des les épouser chez elles et les ayant ra- séquelles chez les victimes. menées ensuite en France, où elles sont Les victimes ont deux choix qui traitées comme des esclaves. « Nous s’imposent à elles : parler et quitter le ne sommes pas considérées comme des territoire ou se taire et subir. Dans les victimes mais des femmes qui cherchent deux cas, elles doivent faire face à un à obtenir la carte de résidence et divor- porter plainte. J’ai fait plusieurs mains elles ont déposé plainte. Par ailleurs, les parcours difficile et à une souffrance cer. A la Préfecture, ils pensent que tout courantes et déposé plainte en vain. Mais femmes étrangères se trouvent vulné- sans nom. ce qui m’intéresse, ce sont les papiers. à la Préfecture, ils ne voulaient pas renou- rables et prises au piège. Ceci malgré le Victimes de violences conjugales, Je ne comprends pas, comment peut- veler ma carte de séjour. La présence du fait que le gouvernement de Jean-Marc elles ne peuvent porter plainte par on penser que je voulais vivre ainsi ? conjoint est obligatoire. Je ne voulais pas Ayrault a promulgué des textes renforçant crainte d’être mises à la porte et par peur J’étais bien avec ma famille au Maroc. quémander à mon bourreau quoi que ce la protection des femmes victimes de vio- de ne pouvoir renouveler ensuite leur Mon chez-moi me manque. » soit. La procédure est claire. Je ne peux lences, particulièrement les étrangères. En titre de séjour de conjoint de Français pas rester en France ». novembre 2012, la circulaire de Manuel et d’être obligées de quitter le territoire OQT : Obligation Valls sur les conditions de régularisation français. Ces femmes migrantes se re- de quitter le territoire Chantage aux papiers des sans-papiers demandait très clairement aux Préfets de porter la plus grande atten- Les doléances trouvent coincées, car l’impossibilité de L’histoire de Mina, 25 ans, diffère un Certains maris violents et sans scrupule, prouver la « vie commune » bloque le peu de celle de Habiba. Elle a connu son de nationalité française, peuvent demander tion aux dispositions relatives à l’admis- des associations qui renouvellement du titre de séjour. L’ad- mari sur un site de rencontres. « Le grand le divorce dès que leur épouse étrangère sion au séjour des victimes de violences militent pour défendre ministration (les Préfectures de région) amour », ajoute-t-elle ironiquement. Elle porte plainte ou dépose une main courante. conjugales, qu’elles bénéficient ou non les femmes étrangères applique ses règles avec rigueur. On a pensé que les portes de la vie s’étaient Le mari a le pouvoir de fait de bloquer son d’une ordonnance de protection. Ces peut parler ici d’une double violence. enfin ouvertes. Mina voulait continuer ses droit de renouvellement au séjour. Samira femmes subissent des violences morales battues et humiliées ont Ces femmes battues font le choix – ou études. Une licence de lettres en poche, souffre le martyre depuis deux ans. Son et physiques auxquelles s’ajoute ensuite été enfin entendues. n’ont d’autre choix que de subir et de l’idée de faire des études plus poussées mari la menace toujours de ne pas l’ac- la violence administrative. Les associa- Cependant, cette trop souffrir en silence pendant une durée l’a motivée. Mais, à son arrivée, tous ses compagner à la Préfecture. Elle subit son tions se sont impliquées davantage pour au moins égale à 5 ans, temps néces- rêves se sont effondrés comme un châ- sadisme sans dire un mot. « Les coups renforcer les dispositifs existants des lois lente évolution n’a pas saire pour obtenir un titre de séjour de teau de cartes. Mina est devenue la «bo- étaient mon lot quotidien, avec ou sans pour la protection des victimes et surtout été sans conséquences : 10 ans. Témoignages et explications des niche» de la famille de son mari. Ce der- raison. Je n’ai pas pu parler ni à ma fa- pour garantir leur application. elle a laissé associations qui les accompagnent dans nier lui a promis monts et merveilles alors mille au Maroc ni à ma sœur qui habite en leur détresse. qu’il n’a jamais travaillé ; il s’adonne à la France. C’est difficile d’en parler surtout des séquelles chez Habiba se souvient très bien de son consommation de l’alcool et fume du can- que j’ai défié tout le monde pour être avec Les femmes étrangères les victimes. calvaire. « Cela a duré plus de trois nabis à longueur de journée ; et de surcroît lui. Une histoire à distance qui a duré une ans. Un jour, une voisine sensible à ma il est très violent. Il ne vit que de l’aide année avant qu’il vienne nous rendre visite victimes de violences détresse et à mes cris jour et nuit m’a sociale et du soutien de sa famille. « Je ne pour enfin demander ma main le plus tôt conjugales seront proposé de téléphoner à une association. m’attendais pas à vivre ce cauchemar. Ces possible », se souvient-elle. Samira parle exonérées des taxes J’ai pris mon courage à deux mains. Je rêves de nouvelle vie que j’ai nourris se d’un mari qui quitte son domicile sans pré- voulais en finir avec ce cauchemar », sont transformés en horreur quelques jours venir ni dire combien de temps il va s’ab- et des droits de timbre souligne-t-elle en guise d’introduction à après mon arrivée en France. Je n’avais senter. Et quand il est de retour, souvent lors de la délivrance son histoire. Habiba a 39 ans, son mari pas le droit de sortir. Je n’ai jamais pu « bourré », les insultes raciste surgissent, a été présenté par son cousin qui vit en et le renouvellement faire les courses. Je laissais passer mes les gifles et les coups sont les scènes de France. Une opportunité pour une trente- jours à la maison. Seuls le téléphone et nos retrouvailles. « Il me disait que si je e leurs titres de séjour. naire qui voit le train passer... L’homme internet me consolaient. Ma famille m’a portais plainte, je n’aurai pas de titre de sé- de 50 ans se présente comme un com- prié de patienter. Mais au bout de quelques jour. Il me forçait à accepter sa perversité merçant. Une bonne situation financière. mois, je n’en pouvais plus. Il me battait et son mauvais traitement. Il vantait que Un appartement et une voiture en son Que prévoit la loi-cadre de l’année chaque soir. J’étais entre le marteau du ma vie était entre ses mains et qu’il avait le nom. Ce dont rêve nombre de femmes 2014 ? mauvais traitement de ses sœurs et de sa droit de vie ou de mort sur moi. Et ce n’est vivant dans la précarité. Il cherche à se De nouveaux droits pour protéger les mère et l’enclume de son agressivité. Je que grâce à des réseaux sociaux que j’ai marier avec une femme du pays d’ori- femmes étrangères victimes de violences : ne savais pas quoi faire. Il m’a mise à la pu enfin parler de mon calvaire et briser gine de ses aïeux. La famille, composée porte une fois. Et il a toujours refusé de Les femmes étrangères victimes de l’omerta. Une femme m’a guidée vers une de ses deux grands frères et de ses trois divorcer en me traitant de tous les noms. violences conjugales seront exonérées association qui m’a bien expliqué ma si- sœurs, a donné son accord. « C’est mon Ma cousine qui habite en France m’a dit de des taxes et des droits de timbre lors de la tuation en tant qu’étrangère conjointe d’un délivrance et le renouvellement de leurs mari violent. J’ai pu enfin porter plainte titres de séjour. et avoir l’aide de l’association dans les Délivrance de plein droit d’une carte démarches pour pouvoir renouveler mon de résident aux victimes de la traite des titre de séjour après plusieurs demandes êtres humains ou du proxénétisme en cas appuyées par des certificats médicaux et de condamnation définitive de la personne des témoignages, car il faut pouvoir prou- mise en cause. ver notre statut de victime ». Clarification du droit des étrangers afin de permettre le renouvellement de la carte Ordonnance de séjour d’un étranger victime de vio- de protection lences conjugales, quelle que soit la cause Ces femmes sont en situation de rup- de la rupture de la vie commune. ture de vie commune. Ce fait change leur Par ailleurs, la loi interdit de fonder le droit au séjour. Tout renouvellement du refus de délivrer une carte de résident à titre de séjour d’un conjoint étranger est une victime de violences conjugales sur la conditionné par la communauté de vie. rupture de vie commune ; elle prévoit le Sans «ordonnance de protection» prise par renouvellement de plein droit de la carte les juges en cas de violences conjugales, de séjour délivrée aux victimes de la traite l’obtention d’un titre de séjour demeure des êtres humains jusqu’à la fin de la pro- très difficile. En effet, ces femmes doivent cédure pénale. n vivre avec leurs bourreaux contre lesquels Abderrahim Bourqia MAROC 28 SEPTEMBRE 2015 TOUR D’HORIZONS diplomatique Algérie : Estocade finale au général Mohamed Mediene, alias Toufiq Jamal Hafsi mandats. Du menu fretin, des généraux sans la République. La Direction centrale de la a été mis sous l’autorité d’une commission envergure, disait-on à cette époque. Il l’avait sécurité de l’armée (DCSA) a pour sa part composée des ministères de la Défense, de endu aveugle, sourd et assis sur fait néanmoins avec la prudence qu’exigeait été placée, en septembre 2013, sous l’auto- l’Intérieur, des Télécommunications et de une coquille vide par le clan du le rapport de forces qui tantôt penchait de rité directe du général Ahmed Gaid Salah. la Gendarmerie. président Bouteflika, l’énigmatique son côté, tantôt plus souvent du côté de la Depuis, elle s’est progressivement appro- Aveugle, sourd et assis au sommet d’une Ret obscur général de corps d’armée, Moha- grande muette et de son pendent sécuritaire, prié la presque totalité des prérogatives du coquille vide, le général Toufiq s’est finale- med Lamine Mediene, dit «Toufiq», celui le DRS. Le modus operandi était presque DRS. Le général Djebbar, un d’entre les fi- ment résolu à admettre qu’il n’avait d’autre que les Algériens appellent «Rab Dzayer» toujours le même : le général est progressi- dèles du général Toufiq, qui jusque-là était, choix que celui de composer et de négocier (dieu de l’Algérie), a finalement été «mis vement isolé, parfois confondu pour avoir depuis 2005, à sa tête sera évincé pour être avec le clan présidentiel pour s’aménager à la retraire». Retour sur une opération de trempé là ou trempe presque tout le monde, remplacé par le général Lakhdar. une sortie, en s’assurant une protection «restructuration» des services de renseigne- puis mis en quarantaine avant de l’être dans contre d’éventuelles poursuites. ment algériens. un placard fourre-officiers. Suivait généra- Les tentacules coupés L’information fusa comme une traînée lement un communiqué laconique annon- L’affaire du général de poudre, en cette matinée du dimanche çant sa mise à la retraite. Les observateurs un à un 13 septembre, pour faire, en peu de mi- avertis comprenaient alors qu’il s’agissait L’opération d’élagage du DRS se pour- Hassan nutes, le tour des rédactions en Algérie. Le pour Bouteflika de s’affirmer «non comme suit de plus belle et à un rythme soutenu. Comme il fallait mettre plus de pression conditionnel était de mise pour certaines un 3/4 de président, mais comme un pré- La Direction de la documentation et de la sur le général Taoufiq pour l’amener, le mo- d’entre elles, pendant que d’autres prenaient sident à part entière». Une réflexion qui re- sécurité intérieure (DDSE) tombe elle aus- ment venu, à négocier dans des conditions la liberté de s’en affranchir pour annoncer venait souvent dans la bouche du Raiss au si dans le giron du clan présidentiel. Elle où il n’aurait d’autre choix que de dire oui que celui que les Algériens appellent «Rab début de son «règne» long aujourd’hui de est à son tour rattachée à l’état-major en à tout, le clan présidentiel trouva en le gé- Dzayer» (dieu de l’Algérie), l’énigmatique seize ans. Ils comprendront plus tard qu’il septembre 2013, et le général Bouzit est néral-major Hassan, le chef du Service de et obscur général de corps d’armée Moha- ne s’agissait pas simplement d’une question nommé à sa tête. Une unité d’élite du DRS, coordination opérationnelle et de renseigne- med Mediene, alias Taoufiq, a été mis à de proportion. Bouteflika ne pouvait accep- le Groupe d’intervention spécial (GIS), bas- ment antiterroriste (Scorat) et l’un des plus la retraite. ter ou tolérer que l’Algérie puisse avoir sur cule elle aussi sous la tutelle de l’état-major. proches du patron du DRS, l’occasion qui Tenue en haleine, l’Algérie attendait ce terre un autre «Dieu» que lui. Et que lui seul Et comme pour couper le dernier tentacule allait permettre de porter l’estocade finale «filet» de l’APS qui, midi passé, ne tom- pouvait être un «Rab Dzayer». qui rattachait le DRS à la présidence, la au général Toufiq. bait toujours pas. Détracteurs et soutiens de Des généraux, il en a dégommé d’autres Direction générale de la sécurité et de la Le général-major Hassan, de son vrai «Rab Dzayer» craignaient les premiers qu’il plus récemment. Ceux-là, de plus grande protection présidentielle (DGSPP), qui dé- nom Abdelkader Ait-Ouaârab, est démis Et c’est à partir du s’agisse juste d’un canular ou d’une rumeur. envergure. Une démarche qui relève de pendait du DRS, est également rattachée de ses fonctions et mis à la retraite au début Eux qui ne cessent d’espèrer et d’attendre la volonté de Bouteflika de démanteler à l’état-major de l’armée en juillet 2015, de l’année 2014 et remplacé par le colonel 16 juillet 2013, date du depuis des lustres que l’Algérie sorte de l’un les puissants services de renseignement et placée sous l’autorité directe du général Youssef. Avant sa mise à l’écart, le général retour de Bouteflika en de ses plus grands cauchemars. Qu’elle se de l’armée algérienne pour en prendre le Ahmed Gaid Salah. Toufiq est presque nu... Hassan était le véritable patron de l’antiter- Algérie après une longue libère de l’emprise tentaculaire de la «Sécu- contrôle. Cette volonté, d’abord affichée Parallèlement à sa volonté d’extraire de rorisme. Et à ce titre, il jouissait de pouvoirs rité militaire». La «SM» comme appellent plus ou moins timidement par le locataire la zone d’influence du DRS et de son patron énormes. Aussi jouait-il du rôle de «faci- hospitalisation de 80 toujours mômes et vieux cette machine qui, du palais d’El Mouradia tout au long de ses l’ensemble des départements qui lui don- litateur» dans le monde des grandes, des jours en France pour des en Algérie, décide de qui fait quoi. De quoi trois premiers mandats, est devenue plus naient sa puissance, le clan présidentiel a très grandes affaires. Placé sous contrôle raisons médicales, que doit être fait, comment... De qui grignote ou franche et plus incisive, quelques mois également tenu à dissoudre certaines direc- judiciaire depuis sa mise à la retraite, il est mange dans quoi. De qui doit être placé là avant la présidentielle d’avril 2014, avant tions. Tel fut le cas du Service central de la arrêté chez lui le jeudi 27 août avant d’être le coup d’envoi d’une et qui doit être évincé de là-bas... Jusqu’à de s’accélérer soudainement depuis le début police judiciaire du DRS, qui avait notam- transféré à la prison de Blida. Sur les raisons vaste opération menée décider de qui n’ont plus le droit de vivre. de cette année pour prendre les allures d’une ment mené les enquêtes sur la corruption, de son arrestation, il y a eu deux sons de par le clan présidentiel Les seconds, Batalguia et suppôts du ré- véritable mise à mort des derniers officiers dont l’affaire de la Sonatrach. Il fut dissous cloche. Pendant que ses partisans parlaient gime, voleurs patentés, profiteurs de la rente du précarré resté encore fidèle au mythique par décret présidentiel en septembre 2013. d’un règlement de comptes, les médias les a été donné, dans le but institutionnalisée, délateurs et zélateurs, général Taoufiq, au sein du DRS. Il sera remplacé quelques mois plus tard par mieux informés d’Algérie, eux, assuraient de déstructurer quelques «repentis» aussi de cette décennie Et c’est à partir du 16 juillet 2013, date un service d’investigation judiciaire créé et que les charges pesant contre le général-ma- et de vider de tout son rouge sang que d’aucuns appellent décennie du retour de Bouteflika en Algérie après placé sous la tutelle de la DSI, désormais jor Hassan sont très sérieuses et de citer : noire, eux, redoutaient, en ce dimanche, que une longue hospitalisation de 80 jours en dans le giron de la présidence. détentions d’armes, rétention d’information substrat le DRS. la SM ne soit réellement décapitée au plus France pour des raisons médicales, que le et insubordination. Deux ans et quelques haut de son sommet. Là, où, traditionnel- coup d’envoi d’une vaste opération menée Un ricochet Officiellement, il est entendu depuis semaines après, lement, un président ne touche jamais, au par le clan présidentiel a été donné, dans le plusieurs jours par un juge d’instruction. risque de s’y brûler les mains. Ou d’y laisser but de déstructurer et de vider de tout son par le Maroc Et, il serait, selon une source algérienne la «restructuration» carrément la peau, comme l’avait appris à substrat le DRS. Deux ans et quelques se- Plus récemment, à la fin du mois d’août généralement bien informée, qui a accepté a pris fin. ses dépens feu Boudiaf, exécuté comme on maines après, la «restructuration» a pris fin. 2015, le service de l’intelligence écono- de se confier à nous, passé à table et aurait s’en souvient en «live». Retour sur deux années de purge qui ont mique dépendant du DRS est lui aussi dis- «donné» le général de corps d’armée Tou- transformé le DRS en une coquille vide sous. Une dissolution qui a été curieuse- fiq. Donné comment? Notre source n’en a Et l’Algérie souffla !... Le coup d’envoi de cette grande purge, ment précédée par la publication, quelques pas dit davantage. appelée, comme il est d’usage de le faire semaines auparavant (fin juin), par certains Néanmoins, notre source a précisé que Qui l’aurait cru? sous certaines latitudes, «restructuration», organes de la presse algérienne, dont Al c’est fort des informations recueillies au- Il aura fallu attendre jusqu’à 14 h 44 pour qui porte la signature de Bouteflika, mais Khabar, d’une information pour le moins près du général Hassan, lesquelles seraient voir enfin tomber la dépêche de l’agence également celles de son frère Said et du gé- saugrenue. Cette information «soufflée» par hautement compromettantes pour «Rab officielle Algérie Presse service (APS) an- néral Ahmed Gaid Salah, le chef d’état-ma- une source, désignée par Al Khabar comme Dzayer», que le clan présidentiel a précipi- nonçant ce communiqué de la présidence al- jor de l’armée algérienne, a été donné le 16 étant «un haut responsable sécuritaire», té les choses et décidé la mise à la retraite gérienne : «Conformément aux dispositions juillet 2013. disait en substance ceci : «Après la fuite du général Taoufiq plutôt que programmé. des articles 77 (alinéas 1 et 8) et 78 (ali- Le premier officier à être passé dans la d’informations sur trois grands projets éco- La même source a ajouté que le général de néa 2) de la Constitution, Monsieur Abde- moulinette de cette «restructuration», dès nomiques, l’Algérie recherche activement corps d’armée Taoufiq a néanmoins eu toute laziz Bouteflika, président de la République, le retour de Bouteflika du Val de Grace, des espions œuvrant pour le Maroc». Les la latitude pour préparer sa mise à la retraire ministre de la Défense nationale, a mis fin est le colonel Faouzi, le chef du Centre de observateurs, dont votre serviteur, je dois et de nous dire que ce dernier à «de concert ce jour aux fonctions de chef du Départe- communication et de diffusion (CCD), le le reconnaître, en avaient presque ri. Mais avec le clan présidentiel préparé son départ» ment du Renseignement et de la Sécurité, service de presse du DRS. Ce centre sera le fait est que pendant que l’on pensait que non sans «avoir accompagné le processus exercées par le général de corps d’armée, transféré à l’état-major après son limogeage les services algériens cherchaient, à travers de mise à vide du DRS pendant les derniers Mohamed Mediene, admis à la retraite». Et avant qu’il ne soit tout simplement dissous. la diffusion de cette information, encore une mois. Troublante révélation ! l’Algérie souffla... Qui l’aurait cru? Aujourd’hui, la gestion des enquêtes pour fois, des noises au Maroc, il s’agissait en Troublante aussi est la nomination du Mohamed Lamine Mediene, Des généraux, Bouteflika en a déboulon- les accréditations des journalistes algé- fait d’une argutie savamment distillée pour général Athmane Tartag, dit Bachir, à la dit «Toufiq», né quelques-uns pendant ses trois premiers riens travaillant pour les médias étrangers, atteindre par ricochet le service de l’intelli- tête du DRS, en remplacement du général qui relevait des prérogatives du CCD, est gence économique du DRS et de justifier un Toufiq. En effet la nomination de cet of- confiée à la Direction centrale de la sécu- peu plus tard la décision de le dissoudre. Ce ficier éradicateur, accusé et cité plusieurs rité de l’armée (DCSA). Deux mois après, qui ne met pas beaucoup de temps pour se fois dans des affaires de massacres de ci- soit en septembre, le général Tartag, à la produire. On y avait vu que du feu... toyens civiles, notamment le massacre de tête de la Direction de la sécurité intérieure Beni-Messous et celui plus horrible encore (DSI, contre-espionnage) depuis 2011, est Après les yeux, de Bentahla, tous deux opérés en septembre démis de ses fonctions. Il sera remplacé 1997 et attribués aux Groupes islamiques par le général Bendaoud. S’en suivra un les oreilles armés. Plusieurs sources, notamment des jeu de chaises musicales : Tartag rejoint la Outre le fait d’avoir fermé au général officiers du DRS, ayant travaillé sous les présidence de la République en septembre Toufiq la majeure partie des yeux qui lui ordres du général Tertag, aujourd’hui exi- 2014, en qualité de conseiller du président permettaient d’être au fait de ce qui se passe lés en Europe, ont soutenu que c’est une Bouteflika en charge des Affaires de sécu- un peu partout dans le pays, le clan prési- unité du DRS - l’Unité 192 - commandée rité, pendant que Bendaoud , lui, se verra dentiel décida de lui fermer également les par le général Tertag qui aurait opéré ces limogé en juillet 2015. Entre-temps, la DSI oreilles en le privant de la gestion logistique massacres... est passée dans les mains de la présidence de du service d’écoutes téléphoniques. Lequel On y reviendra... n MAROC diplomatique SEPTEMBRE 2015 29 MAROC 30 SEPTEMBRE 2015 HOMMAGE diplomatique L’héritage démantelé de Abderrahman El Youssoufi Souad Mekkaoui Glaoui, féodal aux ordres du pouvoir colonial. L’ambiance régnante suscite l est des hommes dont le nom s’im- chez le jeune homme une grande prise brique à tout jamais dans l’Histoire de conscience qu’il mettra en œuvre une de toute une nation, en caractères d’or fois à Rabat. Au collège Moulay Yous- Ipour se graver de façon infrangible dans sef, il fait preuve d’un grand engagement la mémoire du peuple. Des hommes qu’il politique qui n’échappe pas au grand di- faudrait créer s’ils n’existaient pas, si- rigeant Mehdi Ben Barka, de quatre ans non il manquerait une case dans le puzzle son aîné et dont il restera toujours un du pays. Abderrahman El Youssoufi est proche. Celui-ci l’introduit dans le parti l’une de ces figures emblématiques, ac- de l’Istiqlal en lui faisant prêter serment, teur essentiel, militant au long cours du la main sur le Coran comme il était de mouvement indépendantiste au Maroc, coutume dans le temps, il adhère donc au dont le patronyme à lui seul évoque un parti de l’Istiqlal et participe au combat parcours exceptionnel et un pan de l’His- pour la libération, à dix-neuf ans. Force toire entier du Maroc. Étrange et admi- est de rappeler que Mehdi Ben Barka, rable destin que celui de ce grand homme le leader dont le dynamisme était légen- de gauche qui, qu’on le veuille ou non, daire, a pu faire du collège Moulay Yous- Partout des aura assuré le succès de la gauche et de sef une vraie pépinière de nationalisme l’alternance et qui a conduit les socia- qui repose sur le don de mobilisation et manifestations, dans Abderrahman El Youssoufi. lesquelles les élèves du listes au pouvoir. le talent d’organisation de l’âme qu’il C’était donc en février 1998, une an- représentait. au sein de la classe ouvrière dont il s’est l’UNFP revendiquait la responsabilité collège Moulay Youssef née avant la disparition du Roi Hassan particulièrement chargé depuis son ad- du gouvernement face au peuple et non sont en première ligne, II, après de longues années d’exil, dans Parmi les meneurs, hésion au parti. devant le Roi. Le parti est accusé de vou- la salle principale du Palais, la Salle du font écho aux massives Une vraie conscience loir renverser la monarchie et les ennuis Trône, il est aux côtés du défunt Roi et il récolte son lot s’enchaînent alors. Au prix d’un procès arrestations qu’a entouré de la nouvelle équipe gouverne- de châtiment politique retentissant, plusieurs condamnations à connues le Maroc. mentale, composée pour l’essentiel de Le 11 janvier 1944 restera à jamais une Comme tout Marocain qui, piqué par mort sont annoncées. En 1963, El Yous- Incontestablement, ministres affiliés à l’USFP. Une photo date critique dans l’Histoire du Royaume le désir d’apprendre, devait s’envoler en soufi est condamné, par contumace, avec de famille qui bouscule le paysage poli- du Maroc, célébrée après l’indépendance France qui représentait un passage obli- l’ensemble des membres de la commission Abderrahman tique de l’époque, marqué jusque-là par comme le premier combat contre le pou- gé, Abderrahman El Youssoufi fait, pour administrative de l’UNFP à deux ans de El Youssoufi compte la méfiance entre pouvoir et opposition, voir colonial. En effet, 32 ans après le la première fois, le voyage à Paris, où il prison avec sursis pour avoir comploté parmi les meneurs celle-ci ayant été des décennies tenue à Traité du protectorat imposé au pays, un compte faire des études supérieures. À contre le régime. l’égard, voire marginalisée. À vrai dire, groupe de jeunes nationalistes dont beau- vingt-cinq ans, El Youssoufi est conscient et récolte son lot l’échiquier politique était comme anémié, coup appartenaient à l’Istiqlal présente qu’il faut séduire et convaincre l’autre de châtiment. une «majorité gouvernementale» poussée le Manifeste de l’indépendance, ce qui France de la Révolution et des droits de Leader de la résistance Le 29 janvier 1944, à bout et une société en attente… Lors- engendre une réaction brutale de la part l’homme. Là-bas, une forte antenne de sous toutes ses formes qu’il est nommé Premier ministre par le des autorités coloniales. Ainsi, partout l’Istiqlal rassemblait une partie de l’élite Après mars 1965, des émeutes éclatent il est renvoyé du collège Roi Hassan II, le premier secrétaire de des manifestations, dans lesquelles les marocaine pensante, celle qui dirigerait le à Casablanca et sont sauvagement ré- et rayé de l’ensemble l’USFP (Union socialiste des forces po- élèves du collège Moulay Youssef sont Maroc indépendant plus tard. Il s’active primées. Plus tard, Feu le Roi Hassan II des établissements pulaires) a alors 74 ans… Sa mission? en première ligne, font écho aux mas- donc au milieu de cette ruche du mouve- décrète l’amnistie des leaders de l’oppo- Conjuguer, marier le pouvoir avec la sives arrestations qu’a connues le Ma- ment national qui comprenait Abderrahim sition, ce qui redonne à la politique ses de la ville. stabilité… roc. Incontestablement, Abderrahman El Bouabid, Moulay Ahmed Alaoui, Abdel- droits. Mais l’enlèvement puis l’assassi- Un homme, une vie Youssoufi compte parmi les meneurs et lah Ibrahim, Mohamed Hassan Ouazzani, nat, en 1965, du fondateur de l’UNFP dont Né à Tanger, le 8 mars 1924, Abder- récolte son lot de châtiment. Le 29 jan- Ahmed Balafrej, Abdelmajid Benjelloun, il partageait les idées, Mehdi Ben Barka, rahman El Youssoufi est un homme po- vier 1944, il est renvoyé du collège et Mohamed Cherkaoui, époux de la Prin- rendra impossible toute collaboration litique marocain de grande envergure. rayé de l’ensemble des établissements de cesse Malikapour ne citer qu’eux. entre la gauche et le Palais. El Youssoufi Né en pleine guerre du Rif, il germera la ville. Bien entendu, il va chercher re- Mais ce groupe d’intellectuels investis se voit dans l’obligation de quitter le Ma- dans un climat de résistance et de militan- fuge sous d’autres cieux en faisant appel ne se limite pas juste à l’action parmi les roc pour Paris afin de participer à l’orga- tisme familial. Son frère aîné, Abdeslam, à l’hospitalité de ses amis. De Safi, il ira étudiants. Ce mouvement de nationalistes nisation du procès. Contre toute attente, n’hésitait pas à exprimer publiquement à El-Jadida et finira par s’installer à Ca- touche aux émigrés, aux commerçants et il ne rentre pas au pays, mais entame un ses opinions et finit par être enlevé par sablanca comme aimanté par les appels aux ouvriers et plaide aussi auprès des exil volontaire de quinze ans qu’il pas- la police spéciale franquiste. La famille des dirigeants du parti qui étaient à sa partis politiques français. Il va même sera en France. Ayant bien saisi très tôt ne le reverra plus jamais. Le berbère et recherche. Ceux-ci lui confient la mission jusqu’à envahir les rédactions parisiennes l’importance et la dimension des droits de le français étant les langues utilisées de l’alphabétisation au sein d’usines du où il tisse des liens avec de grands journa- l’Homme dans la lutte pour la démocratie, dans sa famille, c’est à l’école qu’il ap- quartier industriel afin d’approcher les listes et écrivains, tels François Mauriac, il en fera son bâton de pèlerin et ne cessera prendra l’arabe. Une fois son certificat ouvriers et leurs familles. Il arrive non Charles-André Julien, Jean Daniel, Jean pas de plaider pour les droits de l’Homme Hassan II et Abderrahman El Youssoufi. d’études en poche, en 1936, il rejoint le sans peine à former un réseau du parti Lacouture et bien d’autres. Leur engage- au Maroc que ce soit à New York ou à collège de Marrakech, le fief du pacha grâce à une forte organisation syndicale ment était l’image d’une position admi- Paris et pour ce faire, il intègre un certain rablement intelligente du Maroc à travers nombre d’ONG, notamment l’Union des ses jeunes qui œuvrent constamment avocats arabes dont il a été le secrétaire sans s’incliner. El Youssoufi séjourne en général adjoint de 1969 à 1990, puis l’Or- France de 1949 à 1952 où il obtient un ganisation arabe des droits de l’Homme, DES en Droit et sciences politiques. En SOS torture et l’Institut arabe des droits de 1952, il rentre à Tanger et devient avocat l’Homme, il est également vice-président puis bâtonnier de l’Ordre des avocats de du Comité spécial des ONG pour les droits sa juridiction. de l’Homme. Mais durant cette période, Au début des années 60, le destin du le procureur requiert contre lui la peine Royaume bascule sous divers événements de mort lors du procès qui s’est déroulé à qui ont éclaté et qui ont façonné l’histoire Marrakech entre 1969 et 1975. du pays. Abderrahman El Youssoufi par- En revanche, c’est en 1975, après le ticipe à l’organisation et à la direction du congrès exceptionnel du parti de l’UNFP, mouvement de résistance et de l’armée qui change de nom pour écarter tout amal- de libération. Il est ainsi appelé à parti- game, que l’USFP (Union socialiste des ciper à la constitution de l’UNFP (Union forces populaires) voit le jour. Il est alors nationale des forces populaires), parti de désigné comme délégué permanent à l’ex- gauche issu d’une scission de l’Istiqlal térieur du Maroc avant de devenir membre survenue à Agadir – qui marquera la vie du bureau politique du parti, trois ans plus politique marocaine jusqu’à nos jours – tard. avec Mehdi Ben Barka, Fquih Mohamed La grâce royale étant prononcée, il re- El Basri, Mahjoub Ben Seddik, Abder- gagne son pays en août 1980 où il pour- rahim Bouabid et Abdallah Ibrahim, et suit ses activités. Ce retour sera toutefois devient l’un des principaux opposants mouvementé puisqu’il fallait affronter au régime. Et la même année, il est ar- les conséquences de 1981, de la grève rêté avec Mohamed El Basri suite à la générale, de la répression et surtout des publication dans le journal Attahrir (qui arrestations des leaders politiques et à leur fut saisi) d’un communiqué dans lequel tête Abderrahim Bouabid. MAROC diplomatique HOMMAGE SEPTEMBRE 2015 31

Abderraman El Youssoufi, serait-il le dernier rassembleur et fédérateur des socialistes au Maroc ?

où le Souverain manifeste son soula- régime, El Youssoufi vivait un dilemme. Douze ans après, en 1992, la mort de gement et sa joie. Il parle même d’un Et par conséquent, son pouvoir limité a Abderrahim Bouabid donne une autre moment historique «d’une alternance fini par décevoir une grande partie des Le grand homme tournure à l’histoire du parti. En effet, que nous avons tant espérée», rendue Marocains. à qui Hassan II disait Abderrahman El Youssoufi devait s’ac- possible grâce à un «Premier ministre Un socialiste pour une année après quitter d’une mission : le testament poli- pragmatique et nationaliste».À 74 tique laissé par le défunt et qui contenait ans, Abderrahman El Youssoufi était assurer la transition sa nomination : toutes les réformes constitutionnelles et l’homme de la situation pour le grand monarchique «Maintenant je peux politiques nécessaires pour le redresse- tournant dans l’histoire du pays. Un an et demi plus tard, le Maroc est dormir tranquille» ment du pays pour lesquelles il fallait secoué par une triste nouvelle : le Roi œuvrer. Qui d’autre qu’Abderrahman El succombe à une longue maladie le 23 Youssoufi, alors numéro deux du parti, Homme aux principes juillet 1999. Mais bien que l’après-Has- Yazghi entre 2003 et 2007 a redonné es- pouvait prendre les rênes de l’USFP ? Il inébranlables et d’une san II ait été appréhendé, la transition poir aux militants et aux sympathisants en devient alors le premier secrétaire. monarchique se fait dans la sérénité et sans pour autant ranimer la flamme à Seulement, et comme le militantisme humilité hors pair, Abderrahman El Youssoufi est mainte- laquelle le parti nous avait habitués. est sa deuxième nature, il récidive et il n’avait pas le goût nu à la tête du gouvernement, alors que En 2007, est arrivé Abdelouahed Radi, quitte le Maroc pour protester contre la du pouvoir, lui qui quelques mois plus tard, Driss Basri, notable s’il en est de la politique, au machination électorale qui a arraché la le puissant ministre d’État, ministre parlement depuis… 1963, loin de faire victoire à la Koutla(Istiqlal, USFP, PPS, est connu pour sa de l’Intérieur depuis 1979, est finale- avancer le parti, il a précipité sa chute. OADP) lors des législatives de 1993. discrétion, toutefois ment limogé par le Roi Mohammed En témoignent les résultats aux diverses En 1992, la mort de Pressé par ses camarades, il rentre au la principale motiva- VI. Contre toute attente, Abderrahman élections : si en septembre 2002 l’USFP pays, s’active dans la perspective de El Youssoufi organise une réception obtient 50 sièges aux élections légis- Abderrahim Bouabid nouvelles réformes démocratiques et tion qui l’animait à cette d’adieu dans son logement de fonction latives et se présente comme la force donne une autre tour- reprend son poste de premier secrétaire. époque-là était la stabilité en l’honneur de Basri, ce qui lui vaut de majoritaire, il n’en recueillera cinq ans nure à l’histoire du parti. Deux défis s’annoncent : organiser la de la monarchie et l’inté- bruyantes manifestations devant chez plus tard, en septembre 2007, que 38 campagne pour la réforme constitution- lui de la part des militants de gauche et sièges à la Chambre des représentants, En effet, Abderrahman nelle et les élections anticipées. grité territoriale des défenseurs des droits de l’Homme. soit la 5ème place, largement devancée El Youssoufi devait Par ailleurs, en 1996, Hassan II fait du Royaume. Homme aux principes inébranlables par l’Istiqlal, le RNI, le MP et l’UC… s’acquitter d’une voter un nouveau texte constitutionnel et d’une humilité hors pair, il n’avait Cette «maudite» 5ème place, il la gar- qui accorde de plus grandes préroga- pas le goût du pouvoir, lui qui est connu dera aux élections législatives du 25 no- mission : le testament tives à l’institution parlementaire et au Il accède enfin à la Primature et s’en- pour sa discrétion, toutefois la principale vembre 2011 qui a vu arriver au pouvoir politique laissé par le Premier ministre. Les partis de la Kout- gage à apporter les solutions nécessaires motivation qui l’animait à cette époque- le Parti de la justice et du développe- défunt et qui conte- la (excepté l’OADP) applaudissent et au développement du pays malgré les là était la stabilité de la monarchie et ment (PJD). Il rejette la proposition de participent en masse aux élections lé- obstacles qui le guettaient, à savoir l’intégrité territoriale du Royaume. Abdelilah Benkirane de faire partie de nait toutes les réformes gislatives du 14 novembre 1997. Les l’éclatement de la carte politique. Ab- Cette lourde responsabilité est alors la coalition gouvernementale et choisit constitutionnelles socialistes connaissent un franc succès derrahman El Youssoufi apporte donc un assumée et assurée jusqu’au lendemain de faire l’opposition pour, avait-on af- et politiques nécessaires et arrivent en tête. nouveau souffle d’ouverture et d’espoir des élections législatives du 27 sep- firmé, mieux asseoir sa crédibilité et, Et le 4 février 1998 était le dernier à un Maroc qui découvre de nouveaux tembre 2002 qui, au lieu de reconduire surtout, prévenir l’exsangue descente pour le redressement rendez-vous à ne pas manquer pour visages et se réconcilie petit à petit l’USFP, mènent à la Primature, le tech- en enfer… du pays pour lesquelles le Maroc. Une rencontre devait avoir avec la politique. Même si au cœur de nocrate , nommé par le Roi Le départ de Abdelouahed Radi de la il fallait œuvrer. lieu. Après un long exil de Abderrah- la même coalition Driss Basri menait la Mohammed VI. Nomination qui a forte- tête de l’USFP, baron contesté en interne, man El Youssoufi, Feu le Roi Hassan vie dure au nouveau Premier ministre. ment contrarié les membres de l’USFP a ouvert les portes à des ambitions af- II, conscient, non sans enthousiasme, Les premiers mois s’avèrent difficiles qui la jugent abusive et même contraire fichées : Fathallah Oualalou, Habib El qu’une page de l’histoire allait être tour- pour l’homme discret qui devait faire à la «méthodologie démocratique». Ain- Malki, Driss Lachgar se sont échinés née, fait appel au chef de l’opposition face aussi aux actions sournoises de ses si, la parenthèse aura duré quatre ans et pour en prendre le contrôle… Sans comp- socialiste pour former et diriger le gou- alliés de l’Istiqlal et au mécontentement demi, époque charnière dans l’histoire ter le malheureux Ahmed Zaidi qui avait vernement. Et c’est l’ère d’un Premier de la jeunesse et du syndicat de l’USFP. contemporaine du pays, durant laquelle créé son propre groupe, et qui incarnait le ministre pas comme les autres. Lui qui Il sera par excellence le Premier ministre le gouvernement de l’alternance a été re- renouveau démocratique, décédé dans un a toujours combattu pour la démocratie le plus critiqué et sévèrement par une manié à quatre reprises sous deux Rois. accident de voiture. En 2012, le IXème allait mieux la servir, au cœur de l’État. presse jeune et indépendante qui occu- Le grand homme à qui Hassan II di- Congrès de l’USFP élit, au deuxième C’est ainsi qu’après de laborieuses né- pait déjà le terrain. L’homme, mis dans sait une année après sa nomination : tour, Driss Lachgar en même temps qu’il gociations, l’alternance est sur les rails. le collimateur, encaisse les coups et ne «Maintenant je peux dormir tranquille» ouvre une ère de contestation et une crise Il parvient à former quarante jours plus réagit pas. démissionne de son poste du premier meurtrière du parti… tard un gouvernement «d’alternance», Le chef de gouvernement s’attelle et secrétaire de l’USFP, le 28 octobre Aux élections communales et régio- constitué pour plus de la moitié (22 sur mène le Maroc à de grands progrès en 2003, et quitte la scène politique. L’an- nales du 4 septembre 2015, l’USFP re- 41) de ministres de la «Koutla», le re- matière de respect des droits de l’Homme cien Premier ministre coule des jours cueillera 48 sièges régionaux, soit 7,5%, groupement des partis d’opposition. Le malgré la relation très tendue avec le mi- tranquilles entre Cannes – sa retraite –et alors que les grandes villes urbaines ont 14 mars 1998, les 41 ministres représen- nistre de l’Intérieur d’alors Driss Basri Casablanca loin de la politique qui n’est été son fief et sa base politique, happée tant 9 partis (de sensibilités politiques dont la présence dérange les bases. plus ce qu’elle était. et arrachée par le PJD qui semble séduire contradictoires, des communistes à la Mais face à un Palais qui n’était pas Comment un tel destin pourrait-il mieux un électorat urbain et «ouvrier» ! droite modérée en passant par les socia- prêt à lâcher son emprise et une nou- s’accommoder de l’évolution en déclin Le plus significatif est la perte du fief du listes et les nationalistes) sont reçus en velle «majorité» qui s’était vite embal- que l’USFP connaît depuis son départ? Souss, région et ville… sous la coupe de grande pompe au Palais royal de Rabat lée aspirant à une libération absolue du Son remplacement par Mohamed El l’USFP depuis 40 ans… n