Agrée, ô gentil public, l’expansion des sentiments burlesco-comico-poético-musicaux De ton poète rigolo Hervé

Remerciements à Emilio Sala qui a eu l’idée de proposer cette œuvre au Palazzetto Bru Zane.

Image de couverture © Pierre-André Weitz Photos © Mathieu Crescence & Pierre-André Weitz Dessins © Pierre-André Weitz

2-1087107 3-1087054 Le Palazzetto Bru Zane présente

Les Chevaliers de la Table ronde d’HERVÉ avec la compagnie Les Brigands

Création le 22 novembre 2015 à l’Opéra National de Bordeaux Décor fabriqué par les ateliers de l’Opéra de Reims Production déléguée Palazzetto Bru Zane – Centre de musique romantique française Production exécutive compagnie Les Brigands Coproduction Opéra de Reims / Centre des bords de Marne, scène publique conventionnée du Perreux-sur-Marne / La Coursive – Scène nationale La Rochelle Avec le soutien d’Arcadi Île-de-France, de la SPEDIDAM et de l’ADAMI Avec l’aide de la DRAC Île-de-France En partenariat avec Angers Nantes Opéra HERVÉ Avec la compagnie Les Brigands ORCHESTRE Les Chevaliers de la Table ronde Direction musicale Christophe Grapperon Instrumentistes de la Mise en scène Pierre-André Weitz compagnie LES BRIGANDS Opéra-bouffe en trois actes, Assisté de Victoria Duhamel sauf paroles d’ et . Chefs de chant Nicolas Ducloux en novembre 2015 : avec l’Orchestre et Christophe Manien National Bordeaux Aquitaine Musique de Louis-Auguste-Florimond Travail corporel Iris Florentiny en mars 2016 : avec l’Orchestre Ronger dit Hervé (1825-1892). et Yacnoy Abreu Alfonso Symphonique de Bretagne Représenté pour la première fois Costumes et scénographie le 17 novembre 1866 Pierre-André Weitz au Théâtre des Bouffes-Parisiens. Assisté de Mathieu Crescence et Pierre Lebon Transcription de Thibault Perrine Lumières Bertrand Killy pour treize chanteurs et douze instrumentistes. Rodomont, le duc Damien Bigourdan Sacripant, sénéchal Antoine Philippot / Flannan Obé (en mars 2016) Durée approximative du spectacle : Merlin, enchanteur et maître d’école 1h45 sans entracte Arnaud Marzorati Médor, jeune ménestrel Manuel Nuñez Camelino (2015) / Mathias Vidal (2016) Totoche, la duchesse (femme de Rodomont) Ingrid Perruche Angélique, sa belle-fille (fille de Rodomont) Lara Neumann Mélusine, magicienne Chantal Santon-Jeffery Fleur-de-Neige, dame d’honneur Clémentine Bourgoin Roland, chevalier errant Rémy Mathieu Amadis des Gaules, chevalier David Ghilardi Lancelot du Lac, chevalier Théophile Alexandre Renaud de Montauban, chevalier Jérémie Delvert Ogier le Danois, chevalier Pierre Lebon OUVERTURE Il était une fois un pays improbable, entre l’an 800 et l’an 2017, où tout est encore possible et merveilleux.

ACTE I Les chevaliers Amadis, Ogier, Renaud et Lancelot découvrent que leur ancien cama- rade Roland a renoncé à sa vie trépidante à cause de l’enchanteresse Mélusine : folle amou- reuse, elle le tient enfermé chez elle et condamne ce héros à une vie d’oisiveté. Ils veulent profiter de l’annonce faite par Merlin d’un grand tournoi pour l’arracher à ce joug autoritaire. Le duc Rodomont, qui organise la joute, offre la main de sa fille Angélique en prix de conso- lation. Ruiné, il compte sur ce mariage pour redorer son blason. Il s’étonne du luxe qu’affiche sa femme, la duchesse Totoche. Il la soupçonne d’être entretenue par un amant. Rodomont se promet de démasquer le coupable. De son côté Angélique est impatiente de découvrir les plaisirs de l’amour que lui a vantés son précepteur, Médor, secrètement épris d’elle. Roland, tombé lui aussi sous le charme de la jeune fille, est prêt à s’élancer au combat pour la conqué- rir, délaissant pour de bon Mélusine.

ACTE II Totoche, Angélique et Sacripant (Grand Sénéchal, et… amant de Totoche) travaillent aux préparatifs du tournoi. La duchesse s’affole : elle a vendu la couronne de Rodomont, der- nier vestige de sa fortune, pour financer sa garde-robe et plaire à Sacripant. Merlin, chargé d’apporter une imitation en zinc, est introuvable. Or le tournoi commence, Rodomont réclame SYNOPSIS sa couronne. Restée seule avec Sacripant, Totoche lui confie son angoisse. Interrompue par (qui n’a guère d’importance) son mari de plus en plus impatient, elle est à deux doigts d’avouer qu’elle a vendu son bien le plus précieux, quand soudain Merlin arrive, muni du substitut. Rodomont croit reconnaître sa couronne chérie. Le tournoi s’achève, Roland a raflé la main d’Angélique. Au moment de fêter les héros, Rodomont surprend Totoche en train d’embrasser Merlin avec effusion : il croit tenir son rival. Médor et Mélusine, mus par le dépit amoureux, s’introduisent dans le château sous des habits de ménestrels. Ils chantent pour distraire l’assistance. Mélusine en profite pour verser, ni vue ni connue, un somnifère à Roland qui s’effondre. Rodomont cherche des sels pour le ranimer, et tombe sur une liste de factures, toutes acquittées. Persuadé de tenir la preuve de la trahison de Totoche, qui ne peut tenir cet argent que de son amant, il explose. L’assemblée, Sacripant en tête, s’éclipse pour échapper à la colère du duc. Mélusine en profite pour enlever Roland. Rodomont réclame des aveux à sa femme. Cette dernière croit que le duc veut parler de l’affaire de la couronne et finit par livrer le nom de son complice : Merlin. Les cloches du mariage sonnent : Médor apparaît sous l’armure de Roland pour épouser Angé- lique à sa place. Rodomont ordonne qu’on jette Totoche et Merlin, qu’il tient pour son amant, en prison, au milieu de la liesse du mariage.

ACTE III Chez Mélusine : le philtre de l’enchanteresse agit plus qu’elle n’aurait voulu, Roland dort depuis quinze jours. Arrivent trois saltimbanques, en fait Merlin, Totoche et Sacripant déguisés, ce dernier ayant délivré ses deux complices de leurs chaînes. Entre après eux Rodo- mont, qui entend mettre la main sur Roland. Ce dernier a en effet mystérieusement disparu au lendemain de son union avec Angélique, et les quatre chevaliers envoyés à sa recherche ne sont jamais revenus, ensorcelés par les voluptés prodiguées chez Mélusine. Rodomont est suivi d’une Angélique éplorée et du malheureux Médor, obligé de cacher sa véritable identité de mari. Fou d’amour après la nuit passée incognito auprès de la fille du duc, il s’est attaché au service de Rodomont pour ne pas la quitter. Quand Roland se réveille enfin, il n’a aucun souvenir des heures exquises qu’évoque la jeune fille. Et pour cause, il n’y était pas. Tous se de- mandent alors qui se cachait sous l’armure. Pour Rodomont c’est clair, il s’agit de Sacripant, lui aussi disparu sans raison depuis quinze jours. Il tombe sur lui justement, dans son cos- tume de saltimbanque, et lui demande de s’expliquer, prêt à pardonner. Sacripant, interloqué de le voir si bien disposé, lui avoue benoîtement... qu’il est l’amant de Totoche. Rodomont ful- mine, mais une ruse de Totoche le force à ployer pour le dénouement final. Les faux-semblants sont levés et les couples rassemblés. Rodomont, défait, cède Totoche à Sacripant, Angélique s’épanouit dans les bras de Médor et Roland dans ceux de Mélusine. Tout est bien qui finit bien. Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants.

7 « C’est une de mes meilleures partitions, mais le public ne fait pas le succès des meilleures choses... » Ainsi s’exprime humblement Hervé dans ses Notes pour servir à l’histoire de l’opérette, un mémoire qu’il adresse en 1881 au chroniqueur théâtral Francisque Sarcey. Au cours d’une longue carrière marquée par des succès éclatants et des chutes retentissantes, le compositeur a eu maintes occasions de devenir philosophe. La citation précédente concerne son opéra-bouffe Alice de Nevers, mais il aurait pu dire la même chose des Chevaliers de la Table ronde : Alice est un fiasco complet à sa création en 1875, lesChevaliers reçoivent un accueil tiède quand ils voient le jour en 1866. Dans les deux cas, il s’agit d’œuvres qui méritent qu’on les réécoute… Hervé avait donc raison !

Oui, ces Chevaliers qui reviennent aujourd’hui d’un long exil sont dignes de connaître une renaissance. Car il s’agit d’une œuvre plus importante qu’il n’y pourrait d’abord paraître. Pourquoi ? Parce que ces vaillants Chevaliers constituent un jalon, non seulement dans la carrière d’Hervé mais dans l’histoire de l’opérette : celui qu’on appelle le « Compositeur toqué » – et qu’on considère comme le père de l’opérette – écrit là son premier grand opéra-bouffe en trois actes, et il le destine au théâtre des Bouffes-Parisiens, fief de son rival, .

Le chevalier Hervé Quelques explications sont nécessaires pour bien comprendre en quoi la soirée du 17 no- vembre 1866, jour de la première, revêt l’allure d’un événement historique. Il faut opérer un à la conquête petit retour en arrière, au début des années 1850, à une époque où de nombreux interdits pèsent comme une chape de plomb sur les théâtres parisiens et sur les compositeurs. De- des Bouffes-Parisiens puis le début du XIXe siècle, seuls quelques théâtres ont obtenu le droit de jouer des œuvres par Pascal Blanchet lyriques, et les contrevenants s’exposent à des sanctions sévères (Hervé et Offenbach l’ont expérimenté à la dure). Les artistes cherchent désespérément des scènes où leurs œuvres pourront connaître les feux de la rampe. Après des années de suppliques sans résultat aux portes de l’Opéra-Comique, Hervé obtient enfin en 1853 la permission d’ouvrir son propre théâtre : il peut y faire jouer des pièces en un acte à deux personnages. Offenbach décroche le même privilège deux ans plus tard. Dans l’intervalle, Hervé l’a accueilli chez lui avec Oyayaye ou La reine des îles, bouffonnerie musicale dans laquelle le maître des lieux pousse l’obligeance jusqu’à jouer le rôle principal. Offenbach – qui ne lui retournera jamais la politesse – se verra accorder par la suite divers petits élargissements pour son théâtre : un troisième puis un quatrième personnage, des chœurs, et enfin le droit de dépasser l’acte unique. Il écrira une opérette en deux actes, Mesdames de la Halle, avant de frapper un grand coup en 1858 avec Orphée aux enfers. Cet « opéra-bouffon » – ainsi le nomme Offenbach – marque le véritable coup d’envoi d’un genre lyrique léger, qu’on appelle, la plupart du temps, l’opérette.

Pendant ce temps, que fait Hervé ? Il va beaucoup moins bien. Tout en rêvant d’être joué à l’Opéra-Comique, il se démène comme un diable pour faire fonctionner son théâtre. Il a quitté en 1854 son poste d’organiste à Saint-Eustache pour se consacrer à son art (ses arts, plutôt, puisqu’il écrit souvent ses livrets en plus de jouer ses œuvres et celles des autres) et il doit nourrir ses quatre enfants... Voici comment le compositeur décrit son emploi du temps à cette époque :

« 1o J’écrivais les vers, la prose et les scénarios de mes ouvrages. 2o J’en composais la musique. 3o Je l’orchestrais. 4o Je jouais la plupart des rôles principaux de mes pièces ou de celles des autres. 5o Je mettais en scène. 6o Et enfin je m’occupais de la partie administrative, depuis l’achat des étoffes jusqu’à la rédaction des affiches. Je ne parle pas des courses à la Préfecture et au Ministère ; sans

9 compter les génuflexions à plat ventre devant la Censure qui était déjà presque aussi into- La direction des Bouffes-Parisiens a-t-elle demandé à Hervé de « faire » du Offenbach ? Le lérante qu’aujourd’hui… » sujet médiéval, en tout cas, rappelle le Barbe-Bleue d’Offenbach, représenté avec succès aux Variétés dès février 1866 ; et Merlin annonçant un concours absurde dans l’opéra-bouffe Hervé souffrirait donc de ce qu’on appelle aujourd’hui un burn out, au moment où il com- d’Hervé semble un décalque du Popolani d’Offenbach, qui fait de même dans Barbe-Bleue met un crime, le 30 août 1856. Et pas des moindres : un détournement de mineur sur la (avec, dans les deux cas, une « demoiselle en loterie »). L’acte III des Chevaliers propose aussi personne d’un adolescent. Un procès infâmant et médiatisé réduit en miettes sa vie per- une situation proche de celle de Barbe-Bleue, avec des personnages en fuite qui s’intro- sonnelle et professionnelle. Ainsi, au moment où Offenbach se libère de plusieurs carcans, duisent chez leurs ennemis. La pièce elle-même, vaudeville très bien construit, propose des Hervé croupit en prison. À sa sortie, quelques mois plus tard, il doit repartir pratiquement aventures semblables à celles que vivent les héros de Labiche : mari trompé, femme volage, à zéro, tandis qu’Offenbach vole de succès en succès. jeune fille faussement naïve… Le costume constitue alors la principale différence, ce que Félix Clément résume ainsi dans son Dictionnaire des opéras : « La parodie, l’antithèse, Loin de l’agitation parisienne, Hervé parcourt la province française, voire le nord de la vulgarité des détails, qui contrastent avec la noblesse et la grandeur des noms et de la l’Afrique, essayant de se faire oublier un peu. Quand il revient dans la capitale, c’est pour condition sociale des personnages. » Plusieurs mots d’esprit et situations cocasses ponc- tenir la baguette dans un théâtre au prestige bien incertain, les Délassements-Comiques. tuent l’abondant dialogue même si les critiques de l’époque reprochent au texte de Chivot C’est là, en 1862, qu’il fait jouer sa première pièce en deux actes (au lieu d’un seul), Le Hus- et Duru de manquer d’esprit et de se contenter d’un humour fondé presque uniquement sur sard persécuté, « opéra impossible », paroles et musique de lui, dont le ton échevelé et far- des anachronismes. Le procédé, décrié par certains, est en fait classique, comme le rappelle felu annonce celui qui prendra pleinement son essor en 1867 avec L’Œil crevé. Il parvient à Francisque Sarcey : mettre les pieds au Théâtre des Variétés en 1864, à un très bon moment, puisque la « Liberté des Théâtres » est enfin proclamée ; autrement dit, la fin de la réglementation sévère qui « Longtemps auparavant – le 13 juin 1792, s’il vous plaît, on avait joué sur le théâtre avait étouffé tous les compositeurs pendant plus de la moitié du XIXe siècle. des Variétés le Petit Orphée, poème du citoyen Rouhier Deschamps, musique nouvelle du citoyen Deshayes, ballet du citoyen Baupré-Riché. C’était une véritable opérette. Le chœur Dorénavant, toutes les salles peuvent faire de la musique, et aucune ne va s’en priver. Hervé chantait à Orphée : obtient un beau succès d’emblée avec Le Joueur de flûte, opérette en un acte sur un sujet Ah ! le pauvre époux ! antique qui en préfigure un autre… Car Offenbach, jamais bien loin, amène à son tour aux Il se plaint de coups Variétés La Belle Hélène, entamant alors un cycle de grands opéras-bouffes en trois actes, Qui frappent son âme. tous couronnés de succès. Suivront à ce théâtre Barbe-Bleue (1866), La Grande-duchesse Trop heureux époux, de Gérolstein (1867), La Périchole (1868), Les Brigands (1869)… Hervé, dans ses Notes, af- Tu n’as plus de femme, firme, peut-être un peu paranoïaque : « Offenbach, qui ne voyait pas d’un bon œil mon Que ton sort est doux ! » entrée aux Variétés, se brouilla soudainement avec les Bouffes-Parisiens, et vint offrir à (Francisque Sarcey, Le Temps, Chronique théâtrale, « La formation des genres », Cogniard [le directeur des Variétés], La Belle Hélène. » Il est vrai qu’Offenbach éprouvait 25 juillet 1881) des problèmes avec la direction du théâtre qu’il avait fondé, après en avoir abandonné la direction quelques années plus tôt afin de se consacrer à sa carrière de compositeur. En lisant la description qui figure au début du livret, on pense aussi à Orphée aux enfers : Peu lui importait, au fond, puisqu’il régna bientôt sur presque tous les autres théâtres de tout comme dans les Chevaliers, des affiches posées bien en évidence sur des éléments de la capitale. Outre les Variétés, il donne au Palais-Royal un autre succès durable, La Vie décor, établissent d’emblée les règles du jeu et le style d’humour qui va prévaloir. Chez parisienne, avant de s’essayer à nouveau à l’Opéra-Comique avec Robinson Crusoë (pour Offenbach, « Aristée, fabricant de miel, gros et détail, dépôt au mont Hymette. / Orphée, venger l’échec de Barkouf en 1861), tout en préparant une grande féérie pour le Châtelet directeur de l’orphéon de Thèbes, leçons au mois et au cachet » ; chez Hervé, « Château du (qui ne verra pas le jour). sire de Rodomont. / Défense d’afficher sous peine d’amende. / Merlin II, enchanteur, succes- seur de son père. – Pensionnat de demoiselles, éducation de famille. / Mélusine, magicienne, Il ne restait donc plus à Hervé, ironiquement, que les Bouffes-Parisiens, orphelins de leur brevetée s.g.d.g. – Liquidation générale. – Grand rabais ». fondateur. En l’engageant pour Les Chevaliers de la Table ronde, la direction des Bouffes cherchait un remplaçant au compositeur maison. La commande passée à Hervé fait jaser ; Outre ces questions liées à l’esthétique de la pièce, les raisons de son insuccès sont peut-être les attentes sont élevées, comme en témoigne cet article d’Henri Moreno, paru dans Le ailleurs. Comme le rappelle un article de 1872 (au moment de la reprise de l’ouvrage aux Ménestrel six mois avant la création : « Ce compositeur [Hervé], doué d’une verve et d’une Folies-Dramatiques), la situation du théâtre posait problème : « Joués pour la première fois facilité rares, est précisément l’homme qu’il faut aux Bouffes ; et peut-être n’a-t-il tenu qu’à aux Bouffes-Parisiens par une direction chancelante et qui risquait sa dernière partie, in- un caprice du hasard qu’il n’occupât le plus gaillardement du monde la place dont un autre terprétés d’une façon insuffisante, les Chevaliers de la Table ronde n’avaient obtenu qu’un s’est si bien emparé dans la musique bouffonne. » (6 mai 1866). Hervé lui-même apparaît demi-succès. » (Vert-Vert, Chronique théâtrale, Les modes parisiennes, 16 mars 1872). S’il y conscient de l’importance de l’enjeu, quand il écrit, à l’été 1866, au vaudevilliste Siraudin avait des problèmes de distribution, ils ne concernaient certainement pas l’interprète de la pour refuser un livret que ce dernier lui propose : « J’ai eu des succès d’actes isolés et je m’at- duchesse Totoche, Delphine Ugalde, cantatrice confirmée, étoile de l’Opéra-Comique dès ses tends moi-même dans un ouvrage en trois actes. » En étant joué aux Bouffes, Hervé se rap- débuts en 1848, puis du Théâtre-Lyrique dans les années 1850. Elle délaissera les scènes of- proche – au moins géographiquement – de l’Opéra-Comique, lui qui avait toujours œuvré ficielles pour les Bouffes-Parisiens en 1861 et, au départ du fondateur, en deviendra même hors du centre de . Tout un public nouveau, qui ne fréquentait pas les Folies-Nouvelles la co-directrice avec son mari, François Varcollier. Contralto dotée de moyens importants, ou les Délassements-Comiques, va pouvoir le découvrir. elle crée notamment Roland dans Les Bavards, rôle pour lequel Offenbach écrit certaines cadences qui atteignent le contre-ré bémol. Hervé est à peine moins exigeant avec elle, lui réservant un air débordant de traits redoutables, « parodiant le style italien » (dixit la

10 11 partition). Le compositeur prévient d’ailleurs que cet air « peut se supprimer, ayant été En proposant une farce sur un sujet légendaire, Hervé et ses collaborateurs se heurtent composé en vue du talent exceptionnel de Madame Ugalde ». Hervé écrit pour une troupe à deux difficultés : une partie des critiques (et du public) s’est déjà lassée des pièces paro- de premier ordre, il sent qu’il peut exiger beaucoup de ses interprètes, tout en mettant en diques sur des thèmes anciens (Offenbach avait déjà essuyé un demi-échec en essayant avant ses ambitions de compositeur. de reproduire le succès d’Orphée aux enfers avec Geneviève de Brabant, en 1859), tandis que certains puristes continuent de crier au sacrilège. Les mêmes qui avaient dénoncé les Ce désir de prouver son habileté explique peut-être que la virtuosité se retrouve un peu profanateurs de la mythologie grecque (dans Orphée et Hélène) poussent des cris d’orfraie partout dans la partition. L’interprète de Mélusine, elle aussi, affronte des intervalles re- en voyant ridiculiser les héros de la Table ronde : « Triste ! Triste ! L’opérette a tué les dieux, doutables et des aigus difficiles. Dans le final de l’acte II, elle et Totoche doivent vocaliser elle a tué les héros, elle a tué les barons du Moyen-Âge, elle s’apprête à tuer ce soir, aux à vive allure pendant plusieurs pages d’affilée, Hervé – bon prince – donnant le choix à Bouffes-Parisiens, les chevaliers de la Table ronde. Perdus à jamais dans le respect des l’interprète du rôle d’Angélique de se joindre à ses deux collègues si le cœur lui en dit – et si populations Médor, Amadis, Lancelot, Ogier et Renaud ! Perdue comme la belle Angélique ses moyens le lui permettent. Médor a droit aussi à ses aigus et doit atteindre le contre-ré et la fée Mélusine ! […] Soyez maudit, M. Hervé ! Soyez maudit, M. Duru ! Soyez maudit, lors de certaines cadences. L’interprète du rôle de Rodomont, lui, doit posséder une excel- M. Chivot ! » lente diction, son grand air de colère de l’acte I (« Mon œil est assez vif ») déchaînant une (X. Feyrnet, Le Temps, 18 novembre 1866). avalanche de syllabes mitraillées qui rappelle le débit rapide des basses bouffes d’opéra italien. On pourrait aussi mentionner les instruments de l’orchestre qui (dans la version Malgré les censeurs, le genre de l’opéra-bouffe continuera de fleurir mais en s’éloignant originale, du moins) doivent faire preuve d’une grande habileté technique. Ainsi, dès l’ou- de la parodie littérale des sujets anciens. Offenbach a montré le chemin avec la satire des verture, la flûte doit roucouler comme une vraie soprano colorature, en plus d’exécuter mœurs contemporaines (La Vie parisienne) ou du pouvoir militaire (La Grande-duchesse de un autre morceau de bravoure en introduction à l’acte III. Le prélude de l’acte II revient Gérolstein), voire en s’essayant à une sorte d’opéra-comique nouveau genre (La Périchole). à la clarinette, qui se voit attribuer à son tour une véritable pièce de concours. Toutes ces Hervé, lui, s’affranchira en débridant plus encore sa folie, qui lui est si personnelle, dans ce exigences n’étaient pas courantes dans les partitions du même genre (une comparaison qu’on pourrait appeler sa « Tétralogie des Folies-Dramatiques (le théâtre où il élit domicile avec celles d’Offenbach, beaucoup plus raisonnables, le prouve) et pourraient expliquer en à partir de 1867) : L’Œil crevé (1867), Chilpéric (1868), Le Petit Faust (1869) – le succès le plus partie que l’œuvre n’ait pas été montée fréquemment, notamment dans les provinces, qui durable – et Les Turcs (1869) – le chef-d’œuvre le plus oublié. Hervé est son propre librettiste ne disposaient pas, bien souvent, de troupes si aguerries. dans les deux premiers cas ; pour les deux derniers, il s’est assuré du concours d’Hector Crémieux, un des auteurs d’Orphée aux enfers, avec la collaboration d’Adolphe Jaime. La distribution avait donc fort à faire, et peut-être, effectivement, n’a-t-elle pas suffi à la tâche. Le seul reproche précis est adressé à l’interprète du rôle de Rodomont : Hervé a fait La question du livret apparaît d’une importance primordiale dans la survie d’une œuvre. engager Joseph Kelm, son vieux complice du temps des Folies-Nouvelles, dont le jeu outran- Là où Offenbach pouvait compter sur le génie de ses librettistes Henri Meilhac et Ludovic cier détonne peut-être avec celui des membres de la troupe des Bouffes. Quoi qu’il en soit, Halévy, Hervé ne peut bien souvent se fier qu’à lui-même. Son triple talent d’auteur, de les critiques de 1866 sont nombreux à louanger plusieurs morceaux de la partition, par musicien et de comédien-chanteur, loin de le favoriser, semble malheureusement lui avoir exemple Delphin Balleyguier, dans La Semaine musicale du 22 novembre, qui affirme : « La nui. Il se renie même un jour en écrivant à Émile Perrin, directeur de l’Opéra-Comique : musique de M. Hervé est plus de la musique que celle de M. Offenbach […]. Le refrain des « J’ai complètement abandonné le chant que j’avais employé comme moyen de me produire Chevaliers, sorte de Marseillaise bouffonne, sera répété bientôt par tout Paris, et la ballade au point de vue du compositeur. J’ai fait fausse route, et je suis rentré dans la vraie voie, je « Isaure était seulette » pourra être redite dans tous les salons, sans faire rougir ni mère crois, en reprenant d’abord mes anciennes attributions de chef d’orchestre, et en ne vou- ni fille. M. Hervé soigne bien son orchestre, et son ouverture est pleine de verve. » D’autres lant plus que m’occuper exclusivement de composition » (lettre du 30 janvier 1862). Il ne suggèrent même que la musique serait un peu trop bien faite, tel Albert de Lasalle dans Le tardera pas à se renier à nouveau, dans l’autre sens, pour interpréter les rôles principaux Monde illustré pour qui « la partition des Chevaliers de la Table ronde affiche des préten- de Chilpéric et du Petit Faust… tions au sérieux qui sont hors de propos. On nous cite bien l’ariette chantée par Mlle Castello [Angélique], l’entracte exécuté avec charme par le flûtiste de l’orchestre, et encore un air À l’occasion des Chevaliers, en tout cas, pour avoir l’air sérieux – et peut-être pour travail- habilement détaillé par Mme Ugalde ; mais il paraît que l’ensemble de cette musique, qui ne ler moins et se concentrer sur la musique –, Hervé bénéficie de deux librettistes qui, sans rit point, est mal approprié au ton burlesque des paroles. » avoir le génie de Meilhac et Halévy, n’en sont pas moins talentueux. Leurs nombreuses (1er décembre 1866) réussites avec tout ce que l’époque compte de musiciens à succès en témoignent. Henri Chivot et Alfred Duru en sont encore aux débuts de leur collaboration, qui va véritablement Le plus gros obstacle que devront franchir les Chevaliers sera la compétition, mais pas celle donner tous ses fruits quelques années plus tard avec (musique de Lecocq, dont parle le livret. Le public est ailleurs en ce mois de novembre 1866 : il est d’abord à 1872), et La Mascotte (musique d’Audran, 1877 et 1880), l’Opéra-Comique, où le succès de Mignon d’Ambroise Thomas bat son plein. Le critique et La Fille du Tambour-major (musique d’Offenbach, 1878 et 1879), pour ne nommer que Albert de Lasalle avoue même qu’il n’a pas vu les Chevaliers, ayant préféré aller entendre les les titres les plus connus. On devine quand même qu’Hervé, infatigable ou incorrigible, met vocalises de Philine (« Je suis Titania la blonde… ») plutôt que celles de la duchesse Totoche. sérieusement la main à la pâte, même quand il ne signe pas le livret. À ce sujet, son pre- Le public se rue aussi au Palais-Royal où Offenbach triomphe avec La Vie parisienne, la mier biographe, Louis Schneider (généralement bien informé), cite la réplique de Crémieux pièce que tout le monde veut voir, un opéra-bouffe différent, basé sur des personnages à Hervé, le jour où ce dernier lui avait apporté quelques vers destinées au Petit Faust, contemporains et non plus sur des héros mythologiques ou historiques. Louis Roger, dans recommandant de les modifier au besoin : « Que veux-tu que nous changions? Tu fais les La Semaine musicale, résume ainsi la situation théâtrale à ce moment-là : « Mignon est un vers et les couplets mieux que nous ! » (Le Petit Marseillais, 22 juin 1925). C’est dans Le Petit grand succès ; Freyschütz [au Théâtre-Lyrique] est un grand succès ; […] la Vie parisienne est Faust, justement, qu’on trouve ces vers grandiloquents, placés dans la bouche de Valentin un grand succès. Mais Les Chevaliers de la Table ronde ne font que se traîner lourdement. » mourant et faisant des reproches à sa sœur : « L’honneur est comme une île escarpée et

12 13 sans bord, / On ne peut plus rentrer quand on en est dehors », vers dans lesquels on est Dans ce même passage, plus loin, Médor chante une onomatopée étonnante, « Tra la la tenté de voir une invention comique de l’auteur. Pourtant, ce distique sévère ne vient pas you piou », qui caricature on ne sait trop quel instrument (la grosse caisse est imitée plus de la plume d’Hervé, mais de celle de Boileau (Les Satires, X). Et avant de se retrouver là, en loin à grands coups de « boum boum boum »). Ces syllabes font encore plus rire quand elles 1869, elle avait été chantée dans Les Chevaliers de la Table ronde par la duchesse Totoche. accompagnent une allusion sinistre : « … dont il mourut ! Tra la la you piou ! ». Il y en a Hervé devait tenir à cette phrase, lui dont l’honneur avait été bien malmené au moment de d’autres, comme les terrifiants « tri la ti ta ta, tri la ti ta ta » de Rodomont. Mais les ono- son procès en 1856, et pour qui l’Opéra-Comique apparaissait comme la plus escarpée des matopées préférées d’Hervé restent certainement celles qui servent à imiter la tyrolienne. îles… Quand il retravaille les Chevaliers en vue de la reprise de 1872, il fait disparaître le Chaque fois qu’il en a l’occasion, le compositeur fait « décrocher » ses personnages, qui dé- distique, désormais trop associé au Petit Faust, dont le succès ne se démentait pas. laissent brusquement la situation pour se lancer dans des « tralala-itou » débridés, incluant des changements de registre vocal, de l’aigu au grave. Ce chant issu des montagnes, qui Hervé est donc toujours, au moins un peu, l’auteur des livrets qu’il met en musique. Parmi semble vouloir rappeler l’Allemagne – plutôt que la Suisse – sera presque en situation dans les façons d’écrire qui lui sont propres, on remarque cette manie – très drôle au demeu- Le Petit Faust, alors qu’un certain trio patriotique – le « Chant du Vaterland » – fera appel à rant – de s’adresser directement au public, avec une désinvolture qui confine à l’effronte- de vaillants « trou la ou la ou ». Mais il est tout à fait hors de propos (et donc hilarant) dans rie. Ainsi, Médor stoppe dès son entrée l’action, s’avançant vers le public pour « ouvrir une le finale des Chevaliers, après des paroles simili-glorieuses, de lancer « Laïtou ! Laïtou ! Trou large parenthèse », dit-il. On voit souvent des apartés dans le théâtre de cette époque, mais la la ! ». Notons au passage deux autres manies douces d’Hervé, le goût de la mise en scène cette manière de fracasser radicalement le quatrième mur appartient à Hervé. De même, à même la partition (dans la Ronde des chevaliers les « un, deux, trois… » jusqu’à dix sont Rodomont, plus loin, semble donner au public la recette pour un bon final d’opéra : « Allé- marqués : « Criés, et accompagnés de gestes exprimant une évolution chevaleresque et gresse et tristesse : mêlons artistement ce double sentiment ! ... » Chivot et Duru écriront comique ») et la prosodie volontairement malmenée : « la table ron-on-de », les deux « on » bien d’autres livrets au cours de leur longue et fructueuse carrière mais n’iront jamais fortement marqués. Hervé joue donc de toutes ces ficelles pour surprendre son auditeur, et aussi loin avec les autres musiciens. Hervé les a-t-il poussés à écrire spécifiquement pour faire dérailler l’intrigue, l’amenant au bord de l’éclatement, du chaos : il révèle la nature lui, ou porte-t-il la responsabilité de nombreux vers ? fictive du récit, alors que chez Offenbach, le comique sert à pimenter l’intrigue, sans com- promettre l’illusion, l’évasion du spectateur. Le procédé de comique musical (ou de comique en musique, si on veut) qu’Hervé utilise le plus fréquemment dans ses œuvres consiste en une grande variété de ruptures de ton. À Hervé devait croire en sa partition, puisqu’il en propose une nouvelle version au public plusieurs reprises dans les Chevaliers, il installe un climat comparable à celui d’une œuvre en 1872. On vante la distribution, à la tête de laquelle brille Mme Sallard dans le rôle de lyrique de genre sérieux, puis le brise brusquement au moyen d’une surprise, de l’appari- Mélusine, cantatrice émérite, à peine inférieure à Mme Ugalde. Le rôle de Rodomont revient tion brutale d’un élément qui détonne vivement avec l’atmosphère créée. Pour évoquer le à l’excellent Milher, un des interprètes de prédilection d’Hervé, qui avait brillé en Gérômé genre sérieux, rien de tel que le récitatif, grandiloquent ou élégiaque, exprimant des senti- (L’Œil crevé), en Ricin (Chilpéric) et en Valentin (Le Petit Faust). Dans le rôle de Médor, le ments élevés, qu’on fait exploser au moyen d’un mot ou d’une expression familière. Ainsi fils d’Hervé,E mmanuel Ronger (qui fait carrière sous le nom de Gardel-Hervé), reçoit sa de Roland, qui lance au beau milieu d’un récitatif jusque-là convenable : « Que vient faire part de louanges. On remarque aussi la fantaisiste Mathilde Lasseny qui offre une nouvelle ici ce crampon ? » (en parlant de Mélusine). Ou encore le grand concertato du finale de l’acte incarnation de la duchesse Totoche. Hervé la connaît bien, ayant écrit pour elle le rôle de II, dont la musique qui ne déparerait pas, pendant quelques mesures, un finale de Verdi (« Il Fleur-de-Bruyère, alias Chapotarde, dans Le Hussard persécuté dix ans plus tôt. (Indiscret, connaît le mystère / Et surprend mon secret / Évitons sa colère… ») est aussitôt contredit Hervé confie même dans ses Notes qu’elle a été sa maîtresse, au début des années 1860, par un désinvolte « … et faisons notre paquet ». C’est aussi le cas dans la romance que avant de l’abandonner : « [U]n riche banquier lui ayant offert un engagement supérieur au chante Totoche, un des grands succès de la partition (bissé et remarqué par les critiques), mien, après un léger vacillement, elle se décida à sacrifier le si bémol pour la bank-note de où la musique résonne comme dans une des véritables romances qu’Hervé écrivait par ail- l’homme du Sud. ») Elle effectue en 1872 un retour à la scène, amenant avec elle un petit leurs (voir Le Temps des roses), mais dont les paroles inconvenantes (« Si ce n’est pas pour vent de scandale tout à fait bienvenu… ton mari, fais-le au moins pour ta famille ! ») viennent tout briser. On a l’impression de voir un peintre dessiner de jolies Joconde et s’amuser à leur ajouter aussitôt des moustaches. Notre époque ironique, éprise de parodie autant que de Moyen-Âge (voir le succès de Kaa- melott), friande de découvertes musicologiques, donnera-t-elle sa chance aux Chevaliers Pour surprendre son public, Hervé s’amuse également à jouer avec les mots, parfois à les d’Hervé ? Les exemples de surprises heureuses dans l’exploration des répertoires oubliés répéter jusqu’à l’ivresse (le « gar’gar’gar’gar’ » que mitraille Rodomont dans l’air déjà cité, abondent, à commencer par toutes ces œuvres d’Offenbach, mal reçues pour de mauvaises d’abord en croches puis en doubles-croches, finit par ressembler à une onomatopée illus- raisons liées au climat politique (voir le plus récent, Fantasio, dont la création a souffert trant un gargarisme particulièrement vigoureux). Les mots sont saucissonnés pour le plai- de la proximité de la défaite contre la Prusse). La folie d’Hervé, sa démesure et ses excès, sir, notamment dans la Ronde à succès de la fin du premier acte : « Jamais plus joli métier / pouvaient désarçonner ses contemporains ; elle pourrait bien plaire aux spectateurs d’au- Ne fut dans le monde ! / Que celui de cheval, que celui de chevalier… », ou encore avec une jourd’hui, qui en ont vu bien d’autres. On pourrait alors entendre de nouvelles versions des variante dans les couplets de Mélusine, lorsque Médor répète certaines fins de phrases de sa grands titres d’Hervé (les enregistrements anciens, pour délicieux qu’ils soient, ne sauraient partenaire avec des résultats surprenants : suffire), ou bien redécouvrir Les Turcs, déjà nommés, Le Trône d’Écosse, ou même Alice de « Mélusine : Qui pourrait dire ? Nevers – toutes œuvres victimes de circonstances défavorables, et avec lesquelles Hervé Médor : …rait dire ? » croyait avoir atteint le chef-d’œuvre. Et qui sait ? Peut-être Hervé avait-il encore raison !

14 15 Louis-Auguste-Florimond Ronger, dit Hervé, est un compositeur, auteur dramatique, acteur, chanteur, metteur en scène et directeur de troupe français, né le 30 juin 1825 à Houdain et mort le 3 novembre 1892 à Paris. Il est généralement considéré comme le père de l’opérette, bien que ce titre soit parfois attribué à son rival, Jacques Offenbach, dont la carrière est parallèle à la sienne. Orphelin de père à dix ans, Florimond Ronger s’installe à Paris où il devient choriste dans la maîtrise de l’église Saint-Roch. Ses dons musicaux lui valent d’être présenté à Daniel-François-Esprit Auber, alors au sommet de sa popularité, qui lui donne des leçons de composition. Nommé organiste à la chapelle de Bicêtre, c’est là qu’il compose un pre- mier opéra-comique, L’Ours et le Pacha, qui sera joué par les patients de ce qu’on appelle encore un « asile d’aliénés ». Bientôt, il décroche un autre poste d’organiste plus prestigieux, à Saint-Eustache. En plus de ses fonctions à l’église, il entreprend une carrière théâtrale, d’abord figurant et choriste dans différents théâtres de banlieue.I l prend alors le pseudo- nyme d’Hervé. Il écrit en 1847 une pochade, Don Quichotte et Sancho Pança, considérée comme la pre- mière « opérette », créée dans une petite salle du boulevard Montmartre, mais bientôt jouée sur la scène plus prestigieuse de l’Opéra-National, que vient de fonder Adolphe Adam. Chef d’orchestre de l’Odéon puis du Palais-Royal, il ouvre en 1854 un théâtre sur le boulevard du Temple qu’il baptise Folies-Concertantes puis Folies-Nouvelles et où il présente des opé- Louis-Auguste-Florimond rettes de sa composition (Le Compositeur toqué, La Fine Fleur de l’Andalousie, Un drame en 1779...), mais aussi l’une des premières opérettes d’Offenbach (Oyayaye ou la Reine des Ronger dit Hervé (1825-1892) îles, 1855), et la toute première de Léo Delibes (Deux sous de charbon, 1856). En 1856, des dé- mêlés avec la justice le forcent à se retirer, et il cède la salle en 1859 à la comédienne Virginie Déjazet qui la rebaptise de son nom. Grand voyageur, il se produit en province comme chanteur avant de se réinstaller à Pa- ris. Il prend la direction musicale des Délassements-Comiques où il fait jouer une œuvre dont l’excentricité frappe le public, Le Hussard persécuté. Il donne ensuite aux Variétés Le Joueur de flûte, opérette un acte dont le thème préfigure La Belle Hélène, mais c’est aux Bouffes-Parisiens que sont représentés Les Chevaliers de la Table ronde, le premier de ses grands opéras-bouffes en 3 actes. Par la suite, en plus d’être chef d’orchestre à l’Eldorado, il devient le compositeur maison du théâtre des Folies-Dramatiques où il obtient de très grands succès avec L’Œil crevé (1867), Chilpéric (1868) et Le Petit Faust (1869). Avec ces deux derniers titres, Hervé entame une fructueuse carrière anglaise, puisqu’il va lui-même les jouer à Londres. Les nouvelles pièces qu’il écrit pour Paris connaissent moins de succès (Le Trône d’Écosse, 1871; La Veuve du Malabar, 1873; Alice de Nevers, 1875). En 1878, il tient le rôle de Jupiter dans une reprise d’Orphée aux enfers, sous la direction d’Offenbach, lui-même puis débute le cycle des vaudevilles-opérettes qu’il compose pour Anna Judic, l’étoile du théâtre des Variétés : La Femme à papa (1879), La Roussotte (1881), Lili (1882) et enfin Mam’zelle Nitouche (1883). Cette dernière œuvre s’inspire de ses débuts, alors qu’il était organiste le jour et compositeur d’opérettes le soir. En 1886, Hervé quitte Paris pour Londres et y compose une série de ballets pour l’Empire Theatre. Il rentre en France en 1892 où il donne un ultime opéra-bouffe, Bacchanale, peu de temps avant sa mort, le 3 novembre 1892.

17 Les Chevaliers de la Table ronde, créés en 1866, sont PERSONNAGES boudés par le public. Hervé leur donne une seconde vie en 1872, dans une version augmentée de nouveaux Rodomont, le duc airs et dotée d’un livret plus explicatif, où l’acte III notamment perd son irrésistible grain de folie. Nous Sacripant, sénéchal avons pris le parti, en accord avec les lois du genre bouffe – où réécriture et adaptation sont les jalons Merlin, enchanteur et maître d’école habituels de la carrière d’une œuvre – de présenter « notre » version des Chevaliers. Médor, jeune ménestrel Nous suivons la trame de 1866, à laquelle nous avons intégrés quelques uns des savoureux ajouts musicaux Totoche, la duchesse (femme de Rodomont) de 1872 : l’air de Merlin à l’acte I ; les couplets de Mélusine que nous avons placés en interlude avant Angélique, sa belle-fille (fille de Rodomont) l’acte II ; les couplets de Roland à l’acte III. Notre final de l’acte II est chanté dans la version 1872, à laquelle nous Mélusine, magicienne avons aussi emprunté la scène dite du « rasage » (début de l’acte II). L’air « en ique », alors chanté par Roland, Fleur-de-Neige, dame d’honneur se voit distribué chez nous à Médor, qui l’interprète dès son entrée à l’acte I. Sacripant n’ayant pas grand air Roland, chevalier errant les chevaliers à se mettre sous la dent, nous lui avons donné deux couplets qu’il partage désormais en duo avec Totoche. Amadis des Gaules, chevalier de la table ronde Certains chœurs et interludes musicaux qui campaient trois actes copieux ont été coupés pour mieux Lancelot du Lac, chevalier livret correspondre à la dynamique voulue par notre équipe. Renaud de Montauban, chevalier Victoria Duhamel et Pierre-André Weitz Ogier le Danois, chevalier

19 ACTE PREMIER MÉLUSINE du demi-monde ! … Quel danger pour la société ! j’ai rencontré une femme aimable. Sous le guerrier, il y avait Oui, je suis l’enchanteresse ; l’homme… Sous la cuirasse, il y avait le cœur… ce cœur, elle Scène première Autour de moi qu’on s’empresse, OGIER l’a pris… J’ai ôté ma cuirasse… j’ai ôté mon casque… et si Au lever du rideau, le théâtre est garni de monde. Et chacun pour un peu d’or Notre devoir est de l’arracher de ses mains. j’ai gardé mes éperons, c’est parce que j’en avais l’habitude. BOURGEOIS, BOURGEOISES, GENS DU PEUPLE, ÉCUYERS, Va posséder un trésor. PAYSANS et PAYSANNES AMADIS LANCELOT CHŒUR Il y va de l’honneur de toute la Table ronde ! Comme il est dégénéré, grand Dieu ! Suivons, suivons cette enchanteresse, N° 1 – CHŒUR ET COUPLETS Autour d’elle qu’on s’empresse, OGIER ROLAND Et chacun pour un peu d’or Oui ! … oui ! … Je coule ici une existence bien tranquille, allez ! … Je me lève CHŒUR Va posséder un trésor. sur les dix heures, dix heures et quart… Je mange… Pour la vente qui se prépare, RENAUD un petit chocolat à la crème… Le coiffeur arrive, il me met Amis, accourons en ces lieux, Pour la vente qui se prépare, Mélusine est sortie… mes papillotes… Vous voyez… Je devise avec cet industriel Et que chacun de nous s’empare Amis, accourons en ces lieux, de choses et d’autres… et j’arrive comme cela jusqu’à midi… De quelque trésor merveilleux. Et que chacun de nous s’empare OGIER Je mange… et je dors une heure… Je m’occupe de quelques De quelque trésor merveilleux. Roland est seul… travaux d’aiguille, j’ourle une douzaine de mouchoirs, je fais C’est Mélusine, la voici ! du tricot ou de la tapisserie… ça me conduit jusqu’à quatre C’est elle qui va vendre ici RENAUD heures… Je mange, et je dors une heure… Je retire mes Tous ses secrets Scène 2 Saisissons le joint… Amadis, frappez à l’huis. papillotes ; je fais un bout de toilette et je vais fumer une Au grand rabais ! AMADIS DES GAULES, LANCELOT DU LAC, cigarette dans le jardin… Je compose quelque madrigal, et RENAUD DE MONTAUBAN, OGIER LE DANOIS LANCELOT tout doucement j’atteins huit heures. Je mange… et je me Revoir ce preux ! … Ah ! je suis ému malgré moi. couche… Voilà ma vie ! … COUPLETS DE MÉLUSINE AMADIS DES GAULES Mélusine est partie… profitons du moment… (Appelant.) AMADIS AMADIS MÉLUSINE Lancelot ! Roland ! Roland ! Alors vous ne faites que manger et dormir ? … Oui, je suis l’enchanteresse ! Autour de moi qu’on s’empresse, LANCELOT OGIER ROLAND Et chacun pour un peu d’or Me voilà ! C’est lui ! Et aimer ! … (les chevaliers reprennent en chœur) aimer ! Va posséder un trésor ! Écoutez et profitez ! AMADIS AMADIS Bien… appelez Renaud de Montauban et Ogier le Danois… Scène 3 Oh ! les femmes ! … les femmes ! … (À Roland.) Elle est Poudre qui donne aux imbéciles LES MÊMES, ROLAND donc bien séduisante, cette Mélusine ? De l’esprit LANCELOT, appelant. Et rend aux estomacs débiles Eh ! là-bas ! ROLAND ROLAND L’appétit ! Qui est-ce qui m’appelle ? Elle a des qualités et des défauts… une jalousie féroce… J’ai Prenez, prenez tous mes secrets, RENAUD et OGIER eu bien des fois envie de lui dire : va te promener ! … mais Je les donne au grand rabais ! Nous voici ! OGIER comme elle crie plus fort que moi, j’ai préféré me taire ! … Ah ! comme il est changé ! CHŒUR LANCELOT RENAUD, avec force. Prenons, prenons tous ses secrets Nous sommes au complet… Vous pouvez parler, Amadis… AMADIS Est-ce bien le neveu de Charlemagne qui parle ainsi ? Qu’elle donne au grand rabais ! Roland, nous reconnaissez-vous ? AMADIS AMADIS, de même. MÉLUSINE Chers collègues et amis… la chevalerie errante… dont nous ROLAND Roland… ne vous encroûtez pas davantage ! … Au nom Voici l’eau qui rend à tout âge sommes la crème… est menacée d’un coup funeste. Le plus Amadis, Lancelot, Renaud et Ogier… des intimes… de saint Dunstan, notre patron, endossez le harnois et venez Amoureux ! Amoureux ! célèbre d’entre nous, le preux d’entre les preux, l’illustre des copains… La santé ? … bonne… Allons, tant mieux… avec nous ! La chevalerie vous réclame ! Et qui procure du courage Roland, est tombé dans les filets de Mélusine. Moi, comme vous voyez… ça ne va pas trop mal. Aux peureux ! Aux peureux ! OGIER Prenez, prenez tous mes secrets, RENAUD AMADIS Oui, la chevalerie vous réclame ! Je les donne au grand rabais ! C’est vrai, depuis plus de six mois, cette femme insinuante C’est donc bien vrai, confrère… vous avez renoncé aux le tient captif dans des chaînes de fleurs… aventures… aux combats ? ROLAND CHŒUR La chevalerie… la chevalerie ! … noble état ! … où l’on Prenons, prenons tous ses secrets LANCELOT ROLAND s’abîme le tempérament, et où l’on ne fait pas souvent ses Qu’elle donne au grand rabais ! Oh ! ces enchanteresses de marbre ! … ces magiciennes Mon Dieu, oui ! qu’est-ce que vous voulez, mes enfants ? … quatre repas par jour ! … noble, noble état ! … (Changeant

20 21 de ton.) Mais j’ai pris d’autres habitudes, ça ne me dit plus instituons une grande poule pour chevaliers de vingt à trente Droguiste, dentiste, maître d’école, parfumeur. ROLAND rien du tout… ans, et disons qu’il sera décerné trois prix aux vainqueurs… Légiste, chimiste, avocat, barbier, enchanteur. Mélusine ! nom d’un pépin ! 1er Prix : une paire de flambeaux en plaqué ; 2e Prix : une Je suis un peu de tout cela. AMADIS, avec désespoir. montre en or à répétition ; 3e Prix dit prix de consolation : la Parlez, demandez et me voilà, MÉLUSINE Ah ! il est perdu pour la patrie ! main de la princesse Angélique. NOTA BENE. On reprendra la Me voilà, me voilà, me voilà, me voilà, me voilà, me voilà, Qui t’a permis de sortir ? … Rentre à la maison ! rentre montre pour quinze francs, mais on ne reprendra la main de me voilà, me voilà. sur-le-champ ! (On entend au dehors une fanfare brillante et un roulement la princesse à aucun prix. » de tambour.) Je suis Merlin, je suis Merlin ROLAND, vexé. RENAUD Successeur et fils de son père. Madame ! … (À Amadis.) Si je l’envoyais promener ! LANCELOT C’est trop juste ! Mon père était un gros malin, Qu’est-ce que cela ? Je suis malin comme mon père. AMADIS AMADIS En tous lieux moi-même j’opère ! Certainement… ferme, là, ferme ! AMADIS La propre fille de Rodomont… Allons, le duc fait bien Je suis Merlin, je suis malin, Une aventure peut-être… en arrêt ! … les choses… Merlin malin, malin Merlin. ROLAND, à Amadis. Je suis malin comme mon père. Ferme ! … (Très fort.) Madame, je suis sorti, parce que… OGIER LANCELOT En tous lieux moi-même j’opère. En arrêt ! messieurs, en arrêt ! … C’est un gentleman ! MÉLUSINE, le regardant fixement. REPRISE EN CHŒUR Parce que… MERLIN Il est Merlin, il est Merlin Scène 4 Et un homme de goût… c’est à moi qu’il a confié l’éducation Successeur et fils de son père, ROLAND, faiblissant. LES MÊMES, MERLIN, DES HÉRAUTS D’ARMES, GENS DU PEUPLE, de sa fille… une charmante enfant… vous allez voir… Son père était un gros malin, Parce que j’avais besoin de prendre l’air. BOURGEOIS, BOURGEOISES, PAYSANS et PAYSANNES. exposition publique des lots… Retournez la mécanique… Il est malin comme son père, Des Gens du peuple, des Bourgeois, des Bourgeoises, Et lui-même en tous lieux opère. MÉLUSINE des Paysans et des Paysannes se précipitent sur le théâtre ROLAND, regardant le portrait. Oui… oui… je vois ce que c’est… des amis… des mauvaises de tous côtés. Oh ! cette jeune fille… qu’elle est belle ! connaissances qui veulent vous entraîner… Et tu les écoutes, Scène 5 Roland ? tu consentirais à me quitter… moi ! moi, qui t’ai AMADIS, regardant la montre. MERLIN, ROLAND, AMADIS, LANCELOT, RENAUD et OGIER, tout sacrifié ! N° 2A – CHŒUR ET RÉCIT Le superbe chronomètre ! puis MÉLUSINE. ROLAND CHŒUR LANCELOT, admirant les flambeaux. ROLAND Tout ? Entendez-vous ? c’est la trompette, Et que ces deux flambeaux sont beaux ! Qu’elle est belle ! … Ah ! j’aimerais à gagner cette poule ! C’est la trompette et le tambour, MÉLUSINE C’est pour annoncer quelque fête MERLIN, lisant. MERLIN Apprends donc que si j’ai liquidé ma maison, c’est pour me Qui va se donner à la cour. « Avis essentiel : on s’inscrira chez Merlin… » (Il met la Le registre est là, chevaliers. (Il montre sa maison.) consacrer entièrement à toi ! … Apprends que je viens de C’est la trompette et le tambour proclamation dans sa poche.) Chez moi, et à ce propos, Qui veut s’inscrire ? faire bâtir un superbe château avec des glaces et des tapis C’est pour annoncer quelque fête honorable assistance, permettez-moi de profiter de l’occasion partout… un palais que je te destine et où tu mèneras une Qui va se donner à la cour. pour vous rappeler que je suis le seul et unique successeur du LES QUATRE CHEVALIERS existence princière au milieu du luxe et du plaisir. fameux Merlin, dont le nom est célèbre dans le monde entier. Moi ! MERLIN Allez, la musique. ROLAND Écoutez, assistance, ROLAND Alors, c’est un hôtel que vous m’offrez ? Mon discours amical ; Je suis remué, décidément, je suis remué ! … (S’avançant.) Vous y prendrez, je pense, N° 2B – AIR DE MERLIN Et moi aussi ! MÉLUSINE Un plaisir colossal ! Demain, nous y pendrons crémaillère… et c’est ce Je suis Merlin, je suis Merlin, AMADIS moment, ingrat, c’est ce moment que tu choisis pour MERLIN parlant sur la musique. Successeur et fils de son père. Roland ! À la bonne heure ! m’abandonner ! … Ah ! tu n’y penses pas ! … Noble assemblée, moi Merlin, investi de la confiance du Mon père était un gros malin, Tu m’appartiens, Roland, tu m’appartiens et je ne te noble duc Rodomont, notre maître… (Au tambour.) Un Je suis malin comme mon père. ROLAND lâcherai pas ! … petit roulement… (Le tambour fait un roulement.) Je suis En tous lieux moi-même j’opère ! Oui, je suis des vôtres ! … Oui, je disputerai ce prix ! … chargé de vous donner connaissance de la proclamation que Je suis Merlin, je suis malin Je renonce à la tapisserie ! … Je suis électrisé ! À moi, à moi ROLAND voici ! … (Tirant une affiche de sa poche et lisant.) Merlin malin, malin Merlin la main de la princesse ! C’est de la glu, cette femme-là. « Nous, Rodomont, duc de Machicoulis, haut et puissant Je suis malin comme mon père. seigneur de Mouille-fontaine et autres lieux, désirant faire En tous lieux moi-même j’opère. MÉLUSINE, qui vient de paraître. MÉLUSINE quelque chose pour l’amélioration de la chevalerie errante, Qu’est-ce que tu dis ? Allons ! ton bras, mon chéri ! Et viens déjeuner !

22 23 ROLAND, abattu, se laissant conduire. N° 3 – COUPLETS de MÉDOR MÉDOR ANGÉLIQUE Oui, ma poule ! (Il entre chez Mélusine.) Elle est rarement exacte… Je soupçonne cette fille d’avoir De l’amour ! I quelque attachement dans la troupe. MÉLUSINE, poussant Roland. Puisque j’y suis autorisé, Mais va donc ! (Aux Chevaliers.) Vous en serez pour vos frais, Apprenez donc, belle Angélique, ANGÉLIQUE N° 4 – DUO messeigneurs ! (Elle disparaît.) Que mon cœur est tout embrasé, Vous dites ? Des feux d’un amour volcanique. ANGÉLIQUE Ce cœur brûlé, carbonisé MÉDOR, à part. Amour ? quel mot doux et touchant ! Scène 6 Par votre beauté mirifique, J’ai fait un impair ! (Haut.) Rien… princesse… Monsieur Médor, je vous en prie, MERLIN, AMADIS, LANCELOT, RENAUD et OGIER Aurait besoin d’être arrosé… je plaisantais… Soyons sérieux, et en attendant votre Expliquez-moi donc sur-le-champ C’est une fleur de rhétorique. bonne, prenons une petite leçon de mathématiques. Ce que ce mot-là signifie ? AMADIS Allons, décidément, c’est un homme rasé ! Belle, à ma supplique ANGÉLIQUE, pensive. MÉDOR Soyez sympathique. Dites-moi, monsieur Médor, savez-vous ce que c’est qu’une Princesse, ce sentiment-là MERLIN Si je prends la rime en ique, nique, nique, nique, jeune fille qui s’ignore ? Qui vous charme et qui vous étonne, Chevaliers, vous savez que le registre est là… si vous voulez C’est qu’elle s’applique Vous l’avez éprouvé déjà. y coucher vos noms… Au nom d’Angélique MÉDOR Est-ce que vous n’aimez personne ? Lequel s’harmonise avec votre beauté magique. Une jeune fille qui s’ignore, princesse… mais ça n’a pas de OGIER Elle s’harmonise avec votre beauté magique. rapport avec les mathématiques. ANGÉLIQUE, naïvement. À l’instant… Allons signer… (Ils entrent chez Merlin.) J’aime maman, j’aime papa… II ANGÉLIQUE Voyez, je suis de frais rasé, Eh ! qu’importe ? J’ai entendu papa qui disait l’autre jour MÉDOR Scène 7 De peur que ma barbe ne pique. à maman : Angélique est une jeune fille qui s’ignore… son J’aime maman, j’aime papa, MERLIN, puis MÉDOR J’ai l’œil bleu, le cheveu frisé, cœur n’a pas encore palpité… Ça m’a bien intriguée. Cherchez, cherchez ! ça n’est pas ça ! J’ai des charmes dans le physique. MERLIN Si je ne suis pas écrasé MÉDOR ANGÉLIQUE Allons ! ça roule, ça roule ! … Mais n’oublions pas que j’ai Par un rival trop énergique, Je le conçois. J’aime les fleurs et les dentelles. plusieurs branches à mon commerce et qu’il est l’heure de Vous aurez un époux bronzé, renvoyer mes élèves. (Appelant.) Médor ! Médor ! Parfait, complet… et mélodique. ANGÉLIQUE MÉDOR Expliquez-moi donc un peu, monsieur Médor, ce que c’est Ça n’est pas ça, ça n’est pas ça. MÉDOR, sortant du pensionnat. Belle, à ma supplique qu’un cœur qui palpite. Vous m’appelez, patron ? Soyez sympathique. ANGÉLIQUE Si je prends la rime en ique, nique, nique, nique, MÉDOR J’aime mes blanches tourterelles. MERLIN C’est qu’elle s’applique Un cœur qui palpite, princesse… Vous me posez là une Sonnez la cloche ! Au nom d’Angélique question… Je ne sais pas ! … MÉDOR Lequel s’harmonise avec votre beauté magique. Ça n’est pas ça ! MÉDOR Elle s’harmonise avec votre beauté magique. ANGÉLIQUE Ah ! ça n’est pas ça ! Oui, patron. (Merlin entre chez lui ; Médor sonne la cloche Ah ! vous ne savez rien… vous voyez bien que je ne demande et s’avance sur le devant de la Scène.) Ouvrons une large MÉDOR qu’à m’instruire… Ce n’est pas de ma faute si je ne fais pas ANGÉLIQUE parenthèse. Médor est un troubadour, ou, si vous aimez Mais la voici, fermons la large parenthèse. de progrès… Vous connaissez au moins la valeur des mots Ça n’est pas ça ! mieux, un ménestrel… Un jour le ménestrel vit la belle que vous employez… Tout à l’heure vous avez dit que ma Ça n’est pas ça ! Angélique, et crac ! le ménestrel l’aima… Une place de bonne avait un attachement… ça m’a bien intriguée… Quel est donc ce sentiment-là ? professeur ou si vous aimez mieux de pion, était vacante Scène 8 Ça n’est pas ça ! chez monsieur Merlin. Le ménestrel s’offrit, et, depuis ce MÉDOR, ANGÉLIQUE MÉDOR, à part. Ça n’est pas ça ! temps, il apprend la gamme à la fille du noble duc. La fille du Tout l’intrigue, quelle innocente ! Ah ! Quel est donc ce sentiment-là ? noble duc unit son soprano aigu au ténorino du ménestrel… MÉDOR nous marions nos registres… Acre volupté ! … Pardon, princesse, je vous croyais partie avec ANGÉLIQUE MÉDOR vos compagnes… Qu’est-ce que c’est que cela, dites-moi, un attachement ? Non non non Ça n’est pas ça ! ANGÉLIQUE MÉDOR Ce n’est pas ce sentiment-là ! J’attends ma bonne. Un attachement… dame… princesse… un attachement, Non non non c’est… c’est de l’amour… Ça n’est pas ça… … ce sentiment-là !

24 25 ANGÉLIQUE ANGÉLIQUE Scène 9 MÉDOR C’est vous qui devez m’instruire, Son cœur battait battait battait… LES MÊMES, RODOMONT, suivi de SACRIPANT, puis MERLIN Monseigneur, croyez bien… Parlez donc sans hésiter… MÉDOR RODOMONT, les apercevant. RODOMONT, d’une voix tonnante. MÉDOR Sans trop savoir pourquoi c’était. Ventre-Mahon ! Qu’est-ce que je vois ? Paix ! vassal ! Non, je n’ose pas le dire, Mais je veux bien le chanter. ANGÉLIQUE MÉDOR SACRIPANT … Quoi c’est cela. Le duc ! Je suis pincé ! … Paix, vassal ! ANGÉLIQUE Faites comme il vous plaira, MÉDOR (Parlé.) ANGÉLIQUE MERLIN Mais instruisez Angélique. Le second couplet est plus fort, et le troisième dit tout… Tiens ! c’est papa ! Bonjour, papa ! Paix, vassal !

MÉDOR II MÉDOR RODOMONT RODOMONT Admettons que ce sera De la gente fillette Papa… papa ! Prenons-le d’un peu plus haut, mademoiselle. Qu’on me laisse m’abîmer dans mes réflexions amères ! … Votre leçon de musique. Cet escolier fringant Saisit la main blanchette MERLIN ANGÉLIQUE Qu’il pressa doucement ; Qu’y a-t-il donc, monseigneur ? N° 5 – AIR DE RODOMONT Admettons-le… pas de délai… Puis sur son frais visage Qu’ardeur vint embraser, RODOMONT Mon œil est assez vif, ma figure est sereine, MÉDOR, prenant sa guitare. Hardi comme un beau page, Il y a que je trouve ma fille, une fille de race, causant en plein Et pourtant dans mon cœur tout est en désarroi, Écoutez bien ce petit lai ! Il prit un long baiser ! air avec un jouvenceau. (Criant.) Ça n’est pas convenable ! Car depuis bien longtemps je tiens une déveine, Et tout semble en ces lieux conspirer contre moi ! ANGÉLIQUE ANGÉLIQUE SACRIPANT, criant plus fort. … pas de délai. Un long baiser… Ça n’est pas convenable ! Roi, je suis dans la détresse, Ah… Et je n’ai pas dans ma caisse ANGÉLIQUE, faisant la moue. Le plus léger monaco. COUPLETS MÉDOR Ah ! papa… vous êtes toujours à la pose, vous… Père, mon enfant unique, Ah… Et le petit cœur d’Isaure Sous prétexte de musique, I MÉDOR Battait, battait… RODOMONT Se développe au galop. Isaure était seulette Mais du surplus point encore À la pose ! Qu’est-ce que c’est que cette expression ? Époux, la reine ma femme, Sous un grand marronnier Ne se doutait. Je le dis du fond de l’âme, Près de la bachelette SACRIPANT Me chagrine énormément ; Survint un escolier ; ANGÉLIQUE C’est risqué ! Il s’ensuit qu’époux ou père, Il s’assit auprès d’elle, Quoi c’est cela ? Je n’ai pas sur cette terre Et ses yeux dans ses yeux, Ah ! Ah ! RODOMONT, à Merlin. Pour quinze sous d’agrément ! Lui dit : Je veux, ma belle, Quoi ! C’est cela. C’est ça que vous appelez une éducation de famille ? Je veux t’ouvrir les cieux ! La reine surtout ! sa toilette est splendide ! ANGÉLIQUE MERLIN Ce luxe étourdissant… qui donc le lui fournit ? ANGÉLIQUE Son cœur battait battait battait… Évidemment, seigneur. Assurément pas moi… puisque ma poche est vide, T’ouvrir les cieux… Et que dans nul endroit on ne me fait crédit. MÉDOR ANGÉLIQUE MÉDOR Mais du surplus, ne se doutait. C’est bien simple, papa… Monsieur Médor me donnait une Qui donc alors ? Patience, Ah… Et le petit cœur d’Isaure leçon… il m’apprenait un lai d’amour… Bientôt, bientôt ! je le saurai, Battait, battait… ANGÉLIQUE Et dans des flots de vengeance, Sans trop s’expliquer encore Son cœur battait battait battait… RODOMONT, furieux. Ah ! je m’abreuverai ! … Pourquoi c’était. Un lai d’amour ! Voilà ce que je n’aime pas ! Par la mordieu ! MÉDOR Gare au mossieu ! ANGÉLIQUE Mais du surplus, ne se doutait. ANGÉLIQUE Son cœur battait battait battait… Nous en étions au troisième couplet… celui qui dit tout ! Gar’, gar’, gar’, gar’, gar’, gar’, gar’, gar’ ANGÉLIQUE Gare gare gare gare gare gare gare gare MÉDOR …Quoi c’est cela. RODOMONT, encore plus furieux. Sans trop savoir pourquoi c’était. Qui dit tout !

26 27 Qui donc alors ? Patience, RODOMONT du tout la duchesse, elle a un bon coffre ! ANGÉLIQUE, simplement. Bientôt, bientôt ! je le saurai, Avec le vainqueur du tournoi. (Surprise d’Angélique.) Ah ! Oh, n’importe qui, papa, pourvu que je sache ce que c’est que Et dans des flots de vengeance, c’est que tu ne sais pas… c’est une combinaison à moi… MERLIN d’aimer… Ah ! je m’abreuverai ! … Voici ce que je me suis dit : Ma fille a dix-huit ans, et Un coffre-fort ! personne, il n’y a pas à dire, personne ne me la demande en RODOMONT, vivement. Qu’il soit blond, brun, long, gras ou mince, mariage… Pourtant elle est blonde ! RODOMONT Vas-tu te taire ? (À part.) C’est effrayant ce qu’elle se Si jamais je te vous le pince, La diète ne peut que lui faire du bien ! (S’attendrissant de développe ! On verra ce que peut un prince SACRIPANT, appuyant. nouveau.) Mais si je redoutais la misère, c’était pour ma Qui rugit, qui rage et qui grince ! Blonde comme Vénus sortant de l’onde ! fille… Alors je me suis dit : Marions-la ! … Ça fera une MERLIN Trila ti ta ta qu’il soit blond, brun, long, gras ou mince, bouche de moins à nourrir… J’ai vu bien des développages, mais jamais une pareille Trila ti ta ta si jamais je te vous le pince RODOMONT, furieux. développation ! On verra ce que peut un prince Ne m’interrompez pas. SACRIPANT Qui rugit, qui rage et qui grince ! Moi, j’avais une autre idée… RODOMONT Trila ti ta trila ti ta trila ti ta trila ti ta trila ti ta trila ti ta ta SACRIPANT Merlin, tu m’as été d’un grand secours, et je ne sais comment On verra ce que peut un prince Je disais seulement… RODOMONT, sèchement. te remercier… Qui rugit, qui rage et qui grince Elle ne pouvait pas valoir la mienne ! Qui rugit, qui rage et qui grince RODOMONT MERLIN Ah ! Vous manquez à votre maître ! (Il lui donne un soufflet.) SACRIPANT, vexé. Pas de remerciements, monseigneur… (Changeant de ton.) C’est à savoir ! Vous me donnerez six pour cent sur la dot… voilà tout. (Parlé.) J’ai fini de m’abîmer ! As-tu fait l’annonce ? Aurons- SACRIPANT, avec dignité. nous des amateurs ? Je prierai Votre Seigneurie d’accepter ma démission. (Tirant RODOMONT, furieux. RODOMONT, à part. un cahier de sa poche.) Voici la note de ce qui m’est dû ! Vous dites ? Il a tous les vices ! (Haut.) Et maintenant, ma fille… MERLIN maintenant que je vous ai mise au courant de la situation… Beaucoup ! RODOMONT, le prenant. SACRIPANT rentrez au château… (À Merlin.) Merlin, la clef de la petite Onze cent vingt francs… Je t’ai froissé, Sacripant, oublions Je dis : C’est à savoir ! porte ? RODOMONT tout, et… (lui tendant son manteau) baise mon pan. Beaucoup ! Alors, je puis démasquer mes batteries… Merlin, RODOMONT, avec hauteur. MERLIN un siège, que je démasque mes batteries ! … On se croirait SACRIPANT, le baisant. Vous manquez à votre maître… (Il lui donne un soufflet.) Voilà, seigneur ! dans un salon… Je démasque… Angélique, je vous retire de Vous me comblez ! pension aujourd’hui même. SACRIPANT, avec dignité. MÉDOR RODOMONT, à Angélique. Je prierai Votre Seigneurie d’accepter ma démission, et de Plus d’espoir ! Ah ! si j’avais quelque chose de pointu ! … ANGÉLIQUE Pour en revenir à toi… Je désespérais donc de te pourvoir, liquider ma pension de retraite. je me le ficherais dans l’estomac ! Oh ! tant mieux ! et ça se comprend, nous ne recevons personne… par économie… car il est inutile de finasser, ma caisse est ce qui RODOMONT, lisant. MÉDOR, à part. s’appelle à sec. Six cent francs de rentes… Scène 10 Oh ! tant pis ! MERLIN, TOTOCHE et sa dame d’honneur puis RODOMONT SACRIPANT SACRIPANT RODOMONT Complètement à sec. C’est mon droit, ou un débit de tabac. MERLIN, se frottant les mains. Et je vous marie demain ! Ça roule ! ça roule ! Mais je ne me trompe pas, c’est la RODOMONT RODOMONT, mettant le cahier dans sa poche. duchesse Totoche ! comme elle paraît agitée ! … Et son noble ANGÉLIQUE Je suis obligé d’habiller mes hommes d’armes avec des vieux J’ai été un peu vif… oublions tout… (lui tendant son époux qui est là ! Vous me mariez ! Ah ! papa, papa, que vous êtes gentil ! rideaux de croisées… Je n’ai plus de cuisinier… manteau.) et baise mon pan ! Je vais donc enfin savoir ce que c’est que d’aimer. (Avec sentiment.) C’est la duchesse qui, de ses nobles mains, met le pot au feu le dimanche. (S’attendrissant.) Vous voyez SACRIPANT, le baisant, à part. N° 6 – AIR DE TOTOCHE RODOMONT, vivement. ma position, et encore il faut que je jette de la poudre aux Il commence à m’embêter avec son pan ! Ma fille ! il y a de la société. yeux. Oh ! la misère en habit noir ! (Il pleure.) Ah ! Dans ma poitrine palpitante RODOMONT Mon cœur saute comme un cabri, SACRIPANT MERLIN Renchaînons. C’est alors que l’idée me vint d’offrir un grand Et l’effroi qui me rend tremblante Comme elle se développe ! Calmez-vous, monseigneur ! tournoi dont tu seras le prix… Ta main appartiendra à celui À chaque instant m’arrache un cri ! Ah ! qui aura tombé tous ses adversaires… Je ne sais pas qui tu À chaque instant, m’arrache un cri ANGÉLIQUE RODOMONT auras pour mari, mais, à coup sûr, ce sera un homme fort… Ah ! m’arrache un cri ! Et avec qui me mariez-vous, papa ? Oh ! moi, je suis fort ! je suis trempé ! … La duchesse ne C’est toujours quelque chose… m’inquiète pas ! … (Négligemment.) Elle ne m’inquiète pas

28 29 Fatal et cruel remords, MERLIN RODOMONT, ironique. TOTOCHE Tu me ronges, tu me mords ; Il est là ! C’est un peu tard… Oh ! Casimir… une pareille pensée ! Quand je mange ou bien quand je dors. J’entends une voix de Stentor. TOTOCHE MERLIN, vivement. RODOMONT Et qui rend le son du cor. Il est là ? La duchesse paraît un peu souffrante ! Je plaisante. (À part.) Elle a pâli ! (Haut.) Je sais que votre Écoutez la voilà, elle me crie : halte-là vertu est d’un calibre au-dessus de l’ordinaire… (À part.) J’ai Mon pouvoir est le plus fort, MERLIN TOTOCHE, pâle et tremblante. eu tort de me remarier… (Haut.) Ah ! un détail dont j’avais Arrête ! ou crains la mort. Derrière nous. Mon déjeuner qui ne passe pas… oublié de vous parler… Nous marions notre fille demain. Fatal remords, Tu me ronges, tu me mords TOTOCHE MERLIN, vivement. TOTOCHE L’honneur est comme une île escarpée et sans bords : Derrière nous… il m’épie… il a des projets que j’ignore… Si j’allais préparer un loch ? Demain ! On n’y peut plus rentrer quand on en est dehors ! Il a fait nettoyer les carreaux. Il attend peut-être du monde, Fatal remords, fatal remords et alors il voudra mettre sa… RODOMONT, à Merlin, avec intention. RODOMONT Tu me ronges, tu me mords Vous semblez vous intéresser beaucoup à ma femme… Oui. Il faudra faire épousseter la salle de gala, passer les Ah ! Tu me mords fatal remords, fata-a-a-al remords MERLIN, vivement. armures de nos ancêtres au tripoli, et accrocher des tableaux Chut ! Sans doute il voudra la mettre… MERLIN, vivement. de fruits aux endroits de la tenture où il y a des taches (Parlé.) Mais bah ! … pourquoi se chagriner… (Gaiment :) Moi ! pas du tout ! d’huile… quelques pots de fleurs aussi, dans les escaliers. Après tout… TOTOCHE L’avez-vous, sa… ? RODOMONT, avec colère. TOTOCHE, bas à Merlin. Si l’existence est de ces choses Vous ne vous intéressez pas à votre suzeraine ? Demain… demain… Merlin, je suis perdue si tu ne me Qu’il faut subir, MERLIN, de même. l’apportes pas… Sachons la parsemer de roses Chut ! non, pas encore. MERLIN et de plaisir ! Beaucoup, au contraire. MERLIN, bas. Les chagrins, les pleurs et le reste, TOTOCHE Je vous l’apporterai. En vérité Vous me l’aviez promise pour ce matin. RODOMONT Il n’est rien qui soit plus funeste Laissons cela. (À la duchesse qu’il examine…) Mais quelle RODOMONT, saisissant ce jeu de scène. À la beauté ! MERLIN toilette ! quelle toilette ! Madame, c’est encore une robe Encore !!! Je suis sur une piste. (Haut.) Vous êtes fatiguée, Fuyez, soucis, L’ouvrier m’a manqué de parole. neuve, ceci ? Angélina, retournons au château. Car moi je dis Ah ! Pourquoi donc, quand on est jolie ? RODOMONT, paraissant à la porte du fond. TOTOCHE, troublée. Ne pas aimer Ma femme avec Merlin ! … (Sombre.) Comme elle paraît Une occasion… dans les prix doux… Scène 11 Le seul bonheur dans cette vie agitée ! LES MÊMES, SACRIPANT, HOMMES et FEMMES DU PEUPLE, Est de charmer ! RODOMONT entrant au fond. C’est une folie TOTOCHE, avec désespoir. Dans les prix doux ! (Tâtant la robe.) On ne le dirait pas. Que de gémir ; Mais s’il ne la trouve pas, il découvrira tout. C’est fait de LE PEUPLE, se précipitant en scène en se bousculant. Oui, donnons la vie moi ! c’est fait de moi ! TOTOCHE, bas à Merlin. C’est le duc ! c’est le duc ! Vive le duc Rodomont ! Toute au plaisir. Il a des doutes ! il a des doutes ! C’est une folie MERLIN RODOMONT Que de gémir ; Vous l’aurez demain ! RODOMONT, saisissant ce jeu de scène. Nous sommes reconnus… je vais faire un discours… Oui, donnons la vie Encore !… (Examinant les dentelles de la duchesse.) De la (S’adressant au peuple.) Vassaux et vassales, je suis Toute au plaisir. TOTOCHE valencienne, je crois ! heureux de me trouver au milieu de vous et de pouvoir vous Ah ! ah ! ah ! ah ! ah ! Sans faute, n’est-ce pas ? Dites qu’on se presse… qu’on se annoncer que je donne demain une grande fête… Les portes Toute au plaisir hâte… il y va de mon honneur ! Ah ! que Rodomont ne se TOTOCHE, vivement. du château vous seront ouvertes… vous pourrez circuler Oui donnons la vie doute de rien ! (Apercevant Rodomont qui est descendu.) De la frange de serviettes… Ça trompe l’œil ! partout… Je n’ai qu’une recommandation à vous faire… Toute au plaisir ! Silence le voici… tâchez de ne pas monter sur les meubles ! RODOMONT TOTOCHE RODOMONT, amèrement. Merlin, je donne à la duchesse soixante-quinze francs par LA FOULE Ah ! Merlin, vous voilà ! Deux mots… ne parlez pas, C’est vous, Angélina ! … Par quel heureux hasard ? … mois pour sa toilette, et vous voyez comme elle s’habille ! Vive le duc Rodomont ! laissez-moi dire… Mon mari a des doutes… il a fourgonné Soie, velours et dentelles ! Sur ma parole, ce serait à croire ce matin dans ma commode… Ah ! mon Dieu ! que vais-je TOTOCHE, troublée. que quelque banquier mystérieux se plaît à parer en elle la SACRIPANT, à Rodomont. devenir ? … Je venais chercher ma belle-fille ! femme aimée ! Vous savez joliment parler au public, vous !

30 31 RODOMONT, modestement. MERLIN, de même. LES CHEVALIERS TOUS C’est un don… c’est de naissance… Ogier ! … Renaud de Montauban ! Allons cueillir des lauriers ! Ce n’est que par les femmes !

SACRIPANT OGIER et RENAUD TOUS AMADIS Vous avez été pris jeune… Présent ! Mais avant chantons la ronde Et nous portons sur nos écus… Des fils de la table ronde, RODOMONT, à Totoche. MERLIN Oui, oui, chantons la ronde ROLAND Votre main, madame… Messieurs, chacun, je pense, Des fils de la table ronde. Le chiffre de ces dames. Est de mon sentiment : TOTOCHE Je regrette l’absence OGIER Oh ! mon Dieu ! je flageole malgré moi ! (À Merlin.) Demain ! Du chevalier Roland. N° 7B – RONDE DES CHEVALIERS Nous consommons un nombre affreux…

RODOMONT ROLAND, paraissant à la fenêtre grillée à droite. TOUS TOUS Encore ! Présent ! Toujours par voie et par chemin, De blondes et de brunes. Nous battons la campagne… LE PEUPLE TOUS RENAUD Vive Rodomont ! Vive Rodomont ! Tiens, c’est lui ! OGIER Si l’on nous appelle des preux… En France on nous voit le matin… ROLAND, essayant d’ébranler les barreaux de la fenêtre sans TOUS Scène 12 y parvenir. RENAUD Ce n’est pas pour des prunes ! MERLIN, LE PEUPLE, puis LANCELOT, AMADIS, RENAUD Je suis en cage ! Et le soir en Espagne. Jamais plus joli métier et AUGIER, suivis de leurs ÉCUYERS, puis ROLAND. Ne fut dans le monde On entend une fanfare brillante. TOUS, raillant. LANCELOT Que celui de chevalier Descends donc ! Dans cet état plein d’agrément… De la Table ronde !

N° 7A – CHŒUR ROLAND, de même. ROLAND REPRISE EN CHŒUR Quel outrage ! Tout rempli d’aventures… Jamais plus joli métier Écoutez, ils vont venir On m’a mis sous les verrous ! Ne fut dans le monde Ils arrivent tous en masse, AMADIS Que celui de cheval, que celui de chevalier Rangeons-nous sur cette place, TOUS, raillant. Ce qu’on gagne le plus souvent… De la Table ronde ! Et nous les verrons partir. Tu n’auras pas été sage. Écoutez, ils vont venir TOUS Un ! deux ! trois ! quatre ! cinq ! six ! sept ! Ils arrivent tous en masse, ROLAND, d’un ton piteux. Ce sont… des engelures ! Huit ! neuf ! dix ! Rangeons-nous sur cette place, Je n’ai plus d’espoir qu’en vous ! Jamais plus joli métier Laïtou, laïtou, Et nous les verrons partir. Ne fut dans le monde Troula la ah ! Oui nous les verrons partir. AMADIS Que celui de chevalier Par ma foi, c’est bien facile ! De la Table Ronde ! LANCELOT, AMADIS, RENAUD et OGIER Comme de simples roseaux, INTERLUDE Me voici, / Me voici, Comme une paille fragile REPRISE EN CHŒUR Me voici, / Me voici, Je vais ployer tous ces barreaux. Jamais plus joli métier. Au rendez-vous fidèles. (Il tire les barreaux, qui s’allongent énormément et laissent Ne fut dans le monde N° 8 – AIR DE MÉLUSINE C’est ici, / C’est ici, passer Roland, qui saute à terre et arpente la scène.) Que celui de cheval, que celui de chevalier C’est ici, / C’est ici, De la Table ronde ! Voulez-vous que je vous dise Que l’honneur nous appelle. ROLAND, humant l’air. Quelques couplets en l’honneur de Roland, Je suis libre… instant magique ! Un ! deux ! trois ! quatre ! cinq ! six ! sept ! L’heureux vainqueur de mon cœur ? MERLIN Je respire à pleins poumons Huit ! neuf ! dix ! Êtes-vous tous au grand complet ? (Aux chevaliers avec force.) Laïtou, laïtou, I Répondez, s’il vous plaît ! Pour conquérir Angélique, Troula la ah ! Ô grand Roland, orgueil de notre France, Amadis, Lancelot ! Ça, partons chez Rodomont ! Je veux chanter ta gloire et tes exploits ! LANCELOT Ton bras puissant et ta rare vaillance LANCELOT et AMADIS MERLIN Si nous sommes parfois vaincus… Ont fait courber tes rivaux sous tes lois. Présent ! Allez, braves chevaliers, Allez cueillir des lauriers !

32 33 Des chevaliers, ô toi, le vrai modèle ACTE II TOTOCHE SACRIPANT Dans les champs clos tu fus toujours le roi ! À propos de ceci, Collons ! Et quand tu fais des serments à ta belle, Scène première De la coiffure du mari, Oh ! non, jamais tu ne trahis ta foi ! TOTOCHE, ANGÉLIQUE, SACRIPANT Écoute bien, ma douce amie, TOTOCHE Roland, Roland, je bois à toi ! Ah ! Écoute bien, je t’en supplie ! Travaillons, travaillons.

Que le vin pétille N° 9 – TRIO ANGÉLIQUE Que sa flamme brille, COUPLETS Cousons, cousons. Flamboie et scintille ENSEMBLE Dans le pur cristal ! Travaillons, travaillons, travaillons ! I TOTOCHE TOTOCHE Liqueur enivrante, Je dois, en essuyant un pleur, Repassons Ta couleur brillante, TOTOCHE, repassant. Te donner ici, c’est l’usage, Ta chaleur ardente Repassons pendant que le fer est chaud ! Quelques conseils partis du cœur, ANGÉLIQUE Des joyeux plaisirs donnent le signal. Concernant ton futur ménage. Cousons, cousons, Ah ! Des joyeux plaisirs donnent le signal. SACRIPANT, collant du papier. Angélique, écoute ce cri : Travaillons, travaillons. Collons, collons, collons, Ah ! que toujours ta vertu brille ! REPRISE DU CHŒUR Collons encore ce rouleau ! Si ce n’est pas pour ton mari, SACRIPANT Que le vin pétille Fais-le du moins pour ta famille ! … Collons Que sa flamme brille, TOTOCHE Travaillons, travaillons. Et du plaisir soit le signal ! Repassons, repassons ! TOTOCHE (Parlé.) Oh ! oui, sois toujours bonne mère, chaste épouse ! … TOTOCHE II ANGÉLIQUE et jamais autre chose… parce que… Travaillons, travaillons. Jamais, Roland, ne commets d’infamie, Cousons ! Ne ternis pas ton illustre blason, SACRIPANT, qui s’est trop approché du fer à repasser, retirant Car, tu le sais, pour la femme trahie SACRIPANT vivement ses mains. Scène 2 Ah ! Tous les moyens sont bons : fer ou poison ! … Collons ! Ça brûle ! LES MÊMES, RODOMONT, FLEUR-DE-NEIGE, puis ROLAND

Ne tremble pas, puisque ton âme est pure, TOTOCHE II SACRIPANT RODOMONT, entrant. Lève ton front sans honte et sans effroi, Travaillons, travaillons. Ton époux un jour t’ennuiera, Eh bien ! avançons-nous par ici ? N’oublions pas que le Mais si jamais tu devenais parjure, Je dois t’en prévenir d’avance. tournoi a lieu à midi, heure militaire… Nous n’avons plus Ah ! Si jamais tu manquais à ta foi ! ANGÉLIQUE Ton cœur alors soupirera que vingt-cinq minutes… Activons, activons, mes enfants. Roland, Roland, prends garde à toi ! Ah ! Cousons, cousons. En rêvant une autre existence ! (À Totoche.) Ma fraise est-elle repassée, madame ? Ton foyer, voilà ton abri. Que le vin pétille TOTOCHE Fuis les amours de pacotille. TOTOCHE Que sa flamme brille, Repassons Si ce n’est pas pour ton mari, Je crois bien, je suis sur les dents ! Flamboie et scintille Fais-le du moins pour ta famille ! Dans le pur cristal ! ANGÉLIQUE RODOMONT Liqueur enivrante, Cousons, cousons, REPRISE DE L’ENSEMBLE Sacripant ! As-tu convoqué les musiciens de ma musique Ta couleur brillante, Travaillons, travaillons. Travaillons, travaillons, travaillons ! ordinaire ? Ta chaleur ardente Des joyeux plaisirs donnent le signal. SACRIPANT TOTOCHE, repassant. SACRIPANT Ah ! Des joyeux plaisirs donnent le signal. … Collons Repassons pendant que le fer est chaud ! Seigneur ! Ils se sont mis en grève… ils demandent de Travaillons, travaillons. l’argent ! REPRISE DU CHŒUR SACRIPANT Que le vin pétille TOTOCHE Collons, collons, RODOMONT Que sa flamme brille, Travaillons, travaillons. Collons encore ce rouleau ! Eux aussi… des troubadours ! Mais qu’est-ce qu’on veut que Et du plaisir soit le signal ! je fasse ? Faut-il donc que je vende ma couronne ? ANGÉLIQUE TOTOCHE Pour orner le front du vainqueur, Repassons, repassons ! TOTOCHE Vivement je confectionne Ah mon Dieu ! Avec du papier de couleur ANGÉLIQUE Une magnifique couronne. Cousons ! RODOMONT Que dites-vous, madame ?

34 35 TOTOCHE de repasser un autre jour… Nous ne sommes pas visibles… ROLAND, se jetant à son cou et l’embrassant. ça… Vous voyez bien qu’il n’y a pas de danger. Rien, je repasse ! (Elle repasse avec fureur.) Ah ! merci… (Il l’embrasse sur sa joue pleine de savon FLEUR-DE-NEIGE et s’en remplit la figure.) Ah ! pouah ! … qu’est-ce que TOTOCHE RODOMONT Bien, seigneur ! … (Allant au fond.) Entrez, chevalier ! … c’est que ça ? Je le sais bien… ne pas aimer son mari, c’est affreux ! mais Elle est en or massif ! … c’est le dernier vestige de mon enfin, ça se voit quelque fois… aussi si ça n’était que ça… ancienne splendeur. RODOMONT RODOMONT, l’essuyant avec sa serviette. je ne serais pas si tourmentée…. Et d’ailleurs, suis-je si Imbécile ! … Voilà comme on est servi ! … C’est du savon… ça n’est pas mauvais… c’est hygiénique… coupable ? TOTOCHE, à part. Pardon, chevalier, pardon… Vous nous surprenez au milieu On était en train de me barbiffier… Allez, allez. Je défaille… Et Merlin qui n’arrive pas ! d’occupations les plus triviales… Le ménage n’est pas encore fait… (À Totoche.) Cachez votre fourneau… (À Roland.) Nous ANGÉLIQUE N° 10 – COUPLETS DE TOTOCHE RODOMONT sommes tout sens dessus dessous… (À Sacripant.) Cache ton Tenez, chevalier, prenez cette écharpe, elle vous portera Vous dites, madame ? pot à colle… Vous nous excuserez… (À lui-même.) En me bonheur. (Elle détache l’écharpe qui est à sa ceinture et la I TOTOCHE présentant comme ça, il ne verra pas le savon… donne à Roland). Mon époux est désagréable, TOTOCHE Il est rageur, il est bougon ! Rien, je repasse… (Elle repasse avec rage.) ROLAND ROLAND, prenant l’écharpe, l’embrasse et la met autour de lui Son caractère est détestable, Comment donc ! comment donc ! … Je connais ça… moi, le en sautoir. Il est têtu comme un dindon ! RODOMONT matin dans ma chambre c’est un fouillis… Ne vous gênez Ah ! merci, princesse, maintenant je suis invincible. Eh bien ! cet homme prosaïque Ça sent le roussi… Madame, vous brûlez ma fraise… pas, je vous en prie… Ma visite est un peu sans façon… (Fanfares en dehors.) À qui je suis de par la loi, mais j’ai tenu à venir vous dire ceci : dans la grande joute Je voulais en femme héroïque, TOTOCHE qui va avoir lieu, je ne vise pas la montre, je ne vise pas les UNE VOIX, au dehors. L’adorer comme je le dois… Ça n’est rien… c’est l’empois… flambeaux… Numéro un ! Eh bien, non ! c’est plus fort que moi ! Roland, Rodomond et Angélique sortent. Pas moyen ! … c’est plus fort que moi ! RODOMONT RODOMONT De sorte que la musique va nous manquer, Sacripant. Alors, vous visez ma fille. II SACRIPANT Scène 3 Alors, je fis ta connaissance, SACRIPANT ROLAND SACRIPANT, TOTOCHE Tes yeux étaient pleins de douceur ! Oh ! que non pas, que non pas ! je me suis entendu avec Oui ! Je sentis, (TOTOCHE : c’est de la démence), Merlin… C’est un homme de ressources… il nous enverra SACRIPANT, apercevant Totoche à moitié évanouie. Que l’amour entrait dans mon cœur ! son sous-maître, l’ex-ménestrel. ANGÉLIQUE, à part. Qu’avez-vous, Angélina ? Depuis lors vingt fois par semaine Puisse-t-il être adroit ! Je me dis, en pensant à toi : RODOMONT TOTOCHE, se relevant et d’un air effaré. Remplaçons l’amour par la haine ! Ah oui, l’homme au lai… Tu es convenu du prix ? ROLAND Sacripant ! Avez-vous quelquefois sondé la profondeur de Rendons mon cœur à qui de droit. Je vise votre fille et avant de descendre dans la lice et de l’abîme que nous avons creusé sous nos pas ? Eh bien, non ! c’est plus fort que moi ! SACRIPANT combattre pour la conquérir, je viens vous demander la Pas moyen ! … c’est plus fort que moi ! Il ne demande rien. permission de lui faire une déclaration d’amour ! SACRIPANT, froidement. Jamais ! je ne suis pas un sondeur. UNE VOIX, au dehors. RODOMONT ANGÉLIQUE, avec joie. Numéro deux ! Très bien ! C’est ce que je donne habituellement. D’amour ? TOTOCHE Sacripant, depuis trois ans, je jongle avec ma conscience… TOTOCHE SACRIPANT RODOMONT, à Roland. Déjà le numéro deux ! Il a même promis d’amener un de ses collègues… Devant tout le monde ? SACRIPANT Mais, madame, je vous trouve bien étrange. Est-ce que depuis SACRIPANT RODOMONT ROLAND cette époque, je ne jongle pas avec la mienne ? Qu’avez-vous donc fait, Angelina ? Parfait ! deux troubadours… Nous les annoncerons comme Devant tout le monde. deux jumeaux… ça fait bien. TOTOCHE TOTOCHE, avec égarement. RODOMONT Ce baiser que vous m’avez dérobé… car vous me l’avez volé ! Ah ! Quand on dégringole l’escalier du devoir, il est bien FLEUR-DE-NEIGE Voulez-vous vous débarrasser de votre pardessus ? oh ! ce baiser… il me pèse là comme un remords ! il me difficile de se retenir à la rampe. Tenez, regardez ce monceau Seigneur… le chevalier Roland est là qui demande à vous brûle ! de papiers… ce sont les factures de mes fournisseurs… vous parler… ROLAND vous demandez comment j’ai fait pour les payer… vous Je n’en ai pas. SACRIPANT allez le savoir… vous avez entendu tout à l’heure le duc qui RODOMONT Où est le mal ? Le duc ne s’est jamais aperçu de rien. Hier demandait sa couronne, n’est-ce pas ? Le chevalier Roland… impossible ! … Sacripant qui colle… RODOMONT encore, il me disait : « Mon ami, je suis jaloux de tout le ma barbe qui n’est pas faite… ma femme qui repasse, dis-lui Allez-y ! … je n’y vois pas d’inconvénient ! monde, excepté de toi… » Les maris sont toujours comme

36 37 SACRIPANT RODOMONT, s’avançant. Scène 5 TOTOCHE, à Rodomont. Oui… eh bien ? Qu’est-ce que vous faites là, tous les deux ? LES MÊMES, MERLIN puis ANGÉLIQUE À nettoyer, mon ami…

TOTOCHE SACRIPANT, vivement. MERLIN RODOMONT Eh bien ! je ne l’ai plus… pour vous plaire, Adolphe, pour Seigneur ! voilà ce que c’est… la duchesse prétendait que La voilà ! Alors, c’est une surprise… vous plaire… j’ai voulu briller et miroiter entre toutes… pour courir plus vite, il faut étendre les bras en avant… moi, j’ai voulu rehausser l’éclat de mes charmes naturels par des je soutiens le contraire… et, en effet, la force active étant SACRIPANT TOTOCHE, MERLIN, SACRIPANT parures ad libitum… avec soixante-quinze francs par mois, en sens inverse de la raison motrice, il en résulte que plus La voilà ! Surprise ! ça n’était pas possible… alors… une de ces idées comme il on donne d’importance à la machine, plus la résistance est ne nous en vient qu’une fois tous les dix ans, une idée fatale faible ! et plus la résistance est faible, moins elle est forte… TOTOCHE TOTOCHE traversa mon cerveau… la couronne du duc était là… cet or de sorte que… englisch spoken… ejusdem farinae… Ça me La voilà ! Que je vous ménageais… Oui, Casimir ! … massif m’a fascinée… je me suis dit : il ne la met jamais… semble très clair… c’est une cinquième roue à un carrosse… Je l’ai prise dans RODOMONT SACRIPANT, à Merlin. mes mains fiévreuses et je l’ai vendue ! …Oui, vendue ! TOTOCHE, à part. Comment, la voilà ! Vous me dites : Je ne l’ai plus… et vous Le patron l’a gobée ! … (Très naturellement.) J’en ai eu cinq mille francs. Elle pesait, Cet homme est adroit comme un singe. (Haut.) Du tout… ajoutez : La voilà ! … Vous moquez-vous de moi ? fichtre, bien quinze cents grammes ! … je m’appuie, moi, sur les naturalistes qui ont observé le vol MERLIN des oiseaux et notamment celui de l’autruche… MERLIN Parbleu ! il la gobe toujours… (Fanfares et hourras SACRIPANT Dépliez. prolongés au dehors.) Mazette ! Mais vous deviez bien penser qu’un jour ou SACRIPANT, vivement. l’autre… Ah ! pardon ! je vous arrête ! L’autruche n’est pas un oiseau… SACRIPANT RODOMONT c’est un bipède à plumes… je m’en rapporte Dépliez. Le tournoi est fini… sapristi ! et je n’étais pas là ! TOTOCHE à Votre Seigneurie. J’ai prévu cela… Aussi en ai-je fait faire une toute pareille TOTOCHE ANGÉLIQUE, entrant vivement. en zinc qui me coûtera dans les trente-sept à trente-huit RODOMONT, étourdi. Dépliez. Papa, papa, on amène les vainqueurs ! … C’est Roland qui francs… Mais… sera mon époux ! … RODOMONT SACRIPANT SACRIPANT, vivement. Déplions ! Mais oui ! c’est elle ! c’est bien elle ! … RODOMONT, mettant sa couronne. Au point de vue financier, cette combinaison ne manque pas Je sais ce que vous allez dire. Mes enfants, plaçons-nous vite ! … d’habileté… Que craignez-vous alors ? MERLIN RODOMONT Reluisante… TOTOCHE, profitant de ce que Rodomont ne la regarde pas et TOTOCHE Je… sautant au cou de Merlin. Mais je ne l’ai pas ! je ne l’ai pas ! Merlin me l’avait promise pour SACRIPANT Ô mon sauveur, merci ! … ce matin… et Merlin n’arrive pas. (On entend une fanfare.) SACRIPANT, idem. Reluisante ! … Ne le dites pas… (On entend une fanfare.) RODOMONT, qui s’est retourné et a saisi ce jeu de scène. UNE VOIX, au dehors. TOTOCHE, machinalement. La duchesse qui embrasse Merlin ! … Je suis toujours sur ma Numéro trois ! UNE VOIX, au dehors. Reluisante ! piste ! Contenons-nous plus que jamais ! … Ma fille, à ma Numéro quatre ! gauche ! … Vous, duchesse, à ma droite. L’armée au fond. TOTOCHE, avec désespoir. RODOMONT, l’admirant. Sacripant, au pied de l’estrade. Et vous, Merlin, garnissez la Déjà le numéro trois ! Que dire au duc ? que lui dire ? SACRIPANT, s’essuyant le front. Une glace ! … on se mirerait dedans… droite… Allons, ça a de l’œil, je suis content ! … Trois minutes de gagnées ! MERLIN Scène 4 RODOMONT Elle était terne… Scène 6 LES MÊMES, RODOMONT Numéro quatre ! corne de cerf ! et vous êtes là à me conter RODOMONT, TOTOCHE, ANGÉLIQUE, assis à gauche, des balivernes… Ma couronne, madame, ma couronne. SACRIPANT SACRIPANT, au milieu, MERLIN, à droite, ROLAND, AMADIS, RODOMONT Les armoires sont humides… LANCELOT, LEURS PAGES et LEURS VALETS, HOMMES D’ARMES, Eh bien ! et cette couronne ? TOTOCHE, avec désespoir. BOUGEOISES, PAYSANS, PAYSANNES, se précipitant sur la scène. Allons, il n’y a pas moyen d’y arriver… il faut avouer. MERLIN TOTOCHE, à Sacripant. (Se jetant aux pieds de Rodomont.) Casimir, tuez-moi… Et la duchesse l’avait donnée… Comment gagner du temps ? je ne l’ai plus… N° 11 – CHŒUR SACRIPANT SACRIPANT RODOMONT, abasourdi. À nettoyer… Honneur, honneur au grand vainqueur ! Attendez, j’ai une idée… Qu’est-ce que vous dites ? D’estoc, de taille, comme il ferraille ! Ce guerrier plein de hardiesse,

38 39 Gagne la main de la princesse ! RODOMONT MÉLUSINE Dzin la boum boum boum ! Honneur, honneur au grand vainqueur ! Touchante naïveté ! Tiens coiffe-le toi-même… Bravo ! mon aspect les chagrine ! MÉLUSINE RODOMONT, les regardant s’avancer. ROLAND ROLAND Il y a d’quoi rire, de quoi rire ! Ils sont démolis ! Oh ! la ! la ! l’épaule ! C’est bien elle ! c’est Mélusine ! Il n’y aurait-il pas, oui-dà ! Que vient faire ici ce crampon ? Quelqu’un qui pourrait dire… ANGÉLIQUE, regardant Roland. ANGÉLIQUE, douloureusement. Ah ! papa, comme on m’a abîmé mon futur ! Papa, il est en morceaux. MÉLUSINE MÉDOR Je les chagrine ! Rait dire… RODOMONT RODOMONT C’est le sort des armes… Avec un peu d’eau sédative, il Ça ne fait rien, quand les morceaux sont bons ! Pour ranimer ROLAND, MERLIN et LES CHEVALIERS MÉLUSINE n’y paraîtra plus… Jeunes preux, je vais procéder à la ces braves chevaliers, qu’on leur verse les vins les plus C’est Mélusine… Le nom de ce chevalier-là ? distribution des prix que vous avez si bien gagnés… Premier généreux. Je crois qu’il nous reste un peu d’anis ! Preux et prix : les flambeaux… le chevalier Lancelot du Lac… vassaux, pour que cette fête eut un certain vernis, je me suis MÉLUSINE CHŒUR fendu pour vous donner un divertissement. Attention ! je commence ! Quelqu’un qui pourrait dire… Rait dire… LANCELOT, s’avançant en trébuchant. Musique pendant Écoutez cette romance… Le nom de ce chevalier-là ? le couronnement. TOUS Elle narre les malheurs Me voici… Vive Rodomont ! D’une pauvre amante en pleurs. MÉDOR (Parlé) Ça y est ! Deuxième couplet ! RODOMONT, lui donnant les flambeaux. RODOMONT CHŒUR Continuez, mon ami, vous serez l’orgueil de votre famille… Qu’on fasse entrer les ménestrels ! Ce sont deux jumeaux, Écoutons bien les malheurs II MÉLUSINE La duchesse va vous embrasser… (Totoche l’embrasse je ne vous dis que ça ! De la pauvre amante en pleurs ! Ne songeant plus qu’à la vengeance, à plusieurs reprises.) Assez, madame, assez ! (À Lancelot.) Rosalinde après lui courût Allez, jeune homme. Deuxième prix : la montre… Et lui verse avec abondance le chevalier Amadis des Gaules. Scène 7 DUO Un poison sûr dont il mourut. LES MÊMES, MÉDOR et MÉLUSINE AMADIS, se traînant péniblement. I MÉLUSINE MÉDOR Aïe ! … voilà ! … aïe ! … Rosalinde, la forte brune, Dont il mourut N° 12 – CHŒUR puis DUO puis ENSEMBLE Adorait un illustre preux, Tralala you piou ! RODOMONT, lui donnant la montre. Qui lui fit au clair de la lune Conservez avec soin cette orfèvrerie… J’en ai cassé le grand CHŒUR Les serments les plus chaleureux ! MÉLUSINE ressort, pour qu’elle vous rappelle toujours cette heure Qu’ils sont coquets ! qu’ils sont charmants ! C’était son but ! mémorable… À vous, madame. (Totoche l’embrasse à Leur mine est vraiment sans pareille ; MÉDOR plusieurs reprises.) Assez madame… assez donc ! Il n’y a que Ils vont tous deux par leurs doux chants Plus chaleureux, MÉDOR les bébés qu’on embrasse comme ça. (À Amadis.) Allez, jeune Ravir et charmer nos oreilles. Tralala you piou ! Son joli but. homme ! (Amadis se retire en poussant des cris à chaque pas.) Troisième prix, la princesse Angélique, ici présente… MÉDOR MÉLUSINE MÉLUSINE et MÉDOR le chevalier Roland ! Nous avons des refrains joyeux C’était un gueux ! Tralala ! Tralala ! you piou ! Qui vont, je crois, vous satisfaire. ROLAND, démarrant avec peine. MÉDOR MÉLUSINE Oh ! la ! la ! les reins ! (S’avançant.) Présent… Oh ! la ! la ! MÉLUSINE, près de Roland. Un affreux gueux ! Et désormais la belle, heureuse la jambe ! Et nous ferons de notre mieux, Et sans chagrin Braves chevaliers, pour vous plaire. MÉLUSINE et MÉDOR Entonna de sa voix joyeuse RODOMONT Tralala ! Tralala ! you piou ! Son gai refrain. Chevalier, à vous la main de ma fille. (À Angélique.) Donne ROLAND la main, mon enfant. (Continuant.) Et plus tard, dans un Grand Dieu ! je reconnais ce son ! MÉLUSINE MÉDOR avenir lointain, ma couronne… elle est en or… vous la C’est Mélusine ! Qui, sans tambour ni trompette, Boum ! boum ! boum ! boum ! transmettrez à vos mâles. À vous, madame. Le galopin ! Tzin la boum boum boum ! MERLIN et LES CHEVALIERS Prit la poudre d’escampette ANGÉLIQUE, faisant la moue. C’est Mélusine. Un beau matin ! MÉLUSINE, grinçant des dents C’est toujours maman qui embrasse… c’est ennuyeux ! Il y a d’quoi rire, de quoi rire. MÉDOR, bas à Mélusine. MÉDOR Il n’y aurait-il pas, oui-dà Préparez votre poison. Boum ! boum ! boum ! boum ! Quelqu’un qui pourrait dire…

40 41 MÉDOR CHŒUR CHŒUR RODOMONT Rait dire… Qu’a-t-il donc lu ? Oh ! Pouvez-vous envisager sans rougir la coiffure dont vous La colère l’exaspère avez orné mon front ? MÉLUSINE TOTOCHE Mais qui connoit le pourquoi ? Le nom de ce chevalier-là ? Il connaît le mystère, Quel mystère pour lui plaire TOTOCHE, à part. Et surprend mon secret, Au galop sortons tôt La couronne… il sait tout ! … Il connaît l’histoire de la CHŒUR Évitons sa colère Oui, la colère l’exaspère couronne… (Haut.) Eh bien ! oui, je suis coupable ! Quelqu’un qui pourrait dire… Rait dire… Et faisons notre paquet Oui mais qui connoit donc le pourquoi ? Le nom de ce chevalier-là ? RODOMONT RODOMONT MÉLUSINE et MÉDOR Vous l’avouez enfin ! … Le nom de votre complice, TOTOCHE Cet essaim qui m’environne La colère l’exaspère madame ! … le nom de votre complice ? Voyez donc Roland, comme il bâille ? Rit je crois de ma personne Mais notre exploit est adroit. Je ne la trouve pas bonne TOTOCHE ROLAND, s’endormant. Par mes yeux ! C’est odieux ! TOTOCHE et ANGÉLIQUE N’accusez que moi seule ! Il ne voulait pas, lui ! Je sens… comme un… je ne sais quoi ! … La colère l’exaspère il hésitait beaucoup ! CHŒUR Dieu quel effroi ça me fait froid. MÉLUSINE, à son oreille. Quel est donc ce mystère ? RODOMONT C’est ma liqueur qui te travaille. Oui quel est ce secret ? CHŒUR Ah ! Il paraît en colère, La colère l’exaspère, qui connoit le pourquoi ? ROLAND, faiblement. Grand dieu que va-t-il faire ? Quel mystère ! Pour lui plaire au galop sortons bientôt. TOTOCHE À la garde ! au secours ! à moi ! Il avait des scrupules… Quelle colère, que va-t-il faire ? RODOMONT TOTOCHE Et quel est son projet ? La colère m’exaspère, votre roi sait pourquoi. RODOMONT Quelle étonnante aventure ! Mon affaire est bien claire et mon lot n’est pas très beau. En vérité ? Voilà Roland qui s’abat ! RODOMONT C’est sans doute une blessure Ah je n’ai pas de projet. MELUSINE et MÉDOR TOTOCHE Qu’il reçut dans un combat ! La colère l’exaspère, notre exploit est adroit C’est moi qui ai aplani toutes les difficultés. TOTOCHE et SACRIPANT Bonne affaire, du mystère, notre lot sera très beau. CHŒUR Faisons notre paquet RODOMONT, furieux. Quelle étonnante aventure ! Faisons, faisons, faisons notre paquet. C’est vous qui avez aplani… et vous osez me le dire en face ? Voilà Roland qui s’abat ! Scène 8 C’est sans doute une blessure RODOMONT RODOMONT, TOTOCHE TOTOCHE Qu’il reçut dans un combat ! Qu’à l’instant, on ferme la porte ! J’ai ordonné… son devoir n’était-il pas d’obéir ? Quant à mon gendre, qu’on l’emporte ! TOTOCHE RODOMONT Que va-t-il me dire ? RODOMONT Vite des sels ! … MÉLUSINE Non, madame, pas pour ces choses-là ! On a des exemples Vos clés, Madame ! J’ai réussi. RODOMONT, regardant les papiers qu’il tient à la main. de gens qui ont résisté… (À lui-même.) C’est même à cela (Il fouille dans la poche de la Duchesse.) Note de la couturière : quinze cents francs ; idem du coiffeur, que Joseph doit son immense réputation. (À Totoche.) RODOMONT douze cents francs, idem, idem, idem, et tout est acquitté. Décidément, voulez-vous me dire son nom ? TOTOCHE Vous madame restez ici. Ah ! le monsieur fait bien les choses… c’est un homme calé, à Flambée ! … Ah ! malheureuse femme ! La colère m’exaspère, ce qu’il paraît. Voilà donc à quelles extrémités peut entraîner TOTOCHE J’en connois pourquoi. le luxe effréné des femmes ! Vous l’exigez ? RODOMONT Son affaire est bien claire Ciel ! qu’ai-je lu ! Et son lot n’est pas beau. TOTOCHE RODOMONT Casimir, que voulez-vous dire ? Je le désire. TOTOCHE, bas à Sacripant. TOTOCHE Tout est perdu ! La colère l’exaspère, RODOMONT TOTOCHE J’en connois le pourquoi Je connais la source de ce luxe, madame… Eh bien !… c’est Merlin. SACRIPANT, effrayé. Mon affaire est bien claire Tout est perdu qu’a-t-il donc lu ? Et mon lot n’est pas beau ! TOTOCHE, à part. RODOMONT Je fléchis… Merlin !

42 43 Scène 9 TOTOCHE, avec douceur. RODOMONT TOTOCHE et MERLIN LES MÊMES, MERLIN Il a raison, Casimir… ça ne se voit pas du tout. Ça va bien vous gêner… Enfin, n’importe… (Criant.) Quelle tristesse ! Tout le monde sur le pont ! MERLIN, entrant. MERLIN, doucement. ANGÉLIQUE et MÉDOR On m’appelle ? Ah ! si ça se voyait… mais il est venu beaucoup de monde Douce allégresse. aujourd’hui… eh bien ! est-ce que quelqu’un s’en est aperçu ? Scène 11 RODOMONT RODOMONT, TOTOCHE, ANGÉLIQUE, MERLIN, MÉDOR, AMADIS, RODOMONT Lui ? … j’en étais sûr ! RODOMONT, à lui-même. LANCELOT, OGIER, RENAUD, Seigneurs et dames de la Cour, Allégresse et tristesse ! Oh ! non ! … oh ! ça passe toute idée… l’effronterie n’a bourgeois, paysans, pages, hommes d’armes. Mêlons artistement ce double sentiment. MERLIN, s’avançant. jamais atteint cette apogée… Je n’ai qu’un parti à prendre, Qu’y-a-t-il, seigneur ? c’est d’être froidement cruel. CHŒUR N° 13 – FINAL Mêlons mêlons mêlons mêlons… TOTOCHE, bas à Merlin. MERLIN, à Totoche. La couronne ! … Je crois qu’il a entendu raison… (On entend des cloches CHŒUR MÉDOR, ANGÉLIQUE et le CHŒUR sonner au dehors.) Entendez-vous les cloches ? On vous C’est la cloche de la chapelle, Ah ! quel plaisir, on nous appelle MERLIN, de même. attend à la chapelle… Entendez-vous ? Dans le plus frais des frais séjours, Hein ? C’est la cloche qui vous appelle, Nous allons, ô joie éternelle ! RODOMONT Jeunes époux ! Passer gaîment nos heureux jours. TOTOCHE, s’oubliant. Ah ! oui… le mariage ! … je n’y pensais plus… Vengeance Il sait tout ! d’un côté… hyménée de l’autre… Bonheur et douleur… tout RODOMONT MERLIN et TOTOCHE ça va marcher de front ! … Quel méli-mélo ! … Allons-y ! Je crois qu’au milieu de l’allégresse, Affreux destins, RODOMONT Où est le futur ? Il est temps de jeter un froid ! Douleur mortelle ! Oui, je sais tout. Ta complice a fait des aveux. Dans le plus noir MERLIN, au fond. LE CHŒUR Des noirs séjours. MERLIN Pourvu qu’il soit réveillé… C’est votre droit, Seigneur, mon excuse est bien simple… ce que j’ai fait, c’était Jetez un froid ! CHŒUR pour obliger la duchesse. Par un gai refrain Scène 10 RODOMONT Allons mettons nous en train RODOMONT, furieux. LES MÊMES, MÉDOR et FLEUR-DE-NEIGE Où donc est Sacripant ? Montrons au beau suzerain Pour obliger ! … (Se contenant.) Va, va, continue… Il n’est pas là dans un pareil moment ? Notre front bien serein. FLEUR-DE-NEIGE, annonçant. À son défaut, guerriers pleins de valeur, Bientôt dans un gai festin MERLIN Le chevalier Roland… Avancez tous… qu’à l’instant on enchaîne Attablés, le verre en main, Je sais qu’elle ne vous était d’aucune utilité… Ma noble épouse et l’enchanteur, Nous boirons jusqu’à demain. MÉDOR, entrant par la gauche, sous les habits de Roland, Et qu’en prison on les entraîne. En l’honneur de ce bel hymen, TOTOCHE, vivement. casque en tête. C’est pourquoi sans façon C’est vrai ! Présent ! (Au public, levant sa visière.) C’est moi… Silence ! TOTOCHE Aimons en toute saison ! (Il rabaisse vivement sa visière.) Grâce ! Et chantons, oui, chantons ! RODOMONT, vexé. Madame ! TOTOCHE MERLIN MERLIN et TOTOCHE Mais il me semble plus petit que tout à l’heure… Grâce ! Ah ! MERLIN De cet affreux destin C’est ce qui m’a décidé… RODOMONT LE CHŒUR Quand viendra la fin ? Il a tassé… Tous les deux fourrés en prison, RODOMONT Nous comprenons, Ah ! C’est ce qui vous a décidé… MERLIN Nous saisissons. C’est l’effet du combat. Bon, bon, bon, bon ! MERLIN, avec bonhomie. Bon, bon, bon, bon ! Et puis, franchement, du moment qu’on ne le sait pas, TOTOCHE, à Médor. Rodomont, vous avez raison. ça ne fait pas grand-chose. Mais pourquoi ce casque ? TOTOCHE RODOMONT, se contenant avec peine. MÉDOR En prison ! ô ciel ! en prison ! Ah ! vous trouvez… C’est un vœu… j’ai fait le serment, si j’étais vainqueur, de le garder pendant deux semaines.

44 45 ACTE III Adieu ! futiles caprices ! LANCELOT SACRIPANT J’entrevois un sort plus doux ! Mais l’amour nous a retenus. Quant à moi, je n’ose m’annoncer comme dompteur, CHEZ MÉLUSINE Je veux un titre qui sonne, car j’ai eu le malheur de perdre Napoléon, mon phoque, Roland sera mon époux, FLEUR-DE-NEIGE il y a huit jours. Cela vaut bien une couronne ! Vous en plaignez-vous ? Scène première MÉLUSINE MÉLUSINE, ROLAND endormi, AMADIS, LANCELOT, RENAUD, LES QUATRE CHEVALIERS Vous aviez un phoque… OGIER, FLEUR-DE-NEIGE AIR DE MÉLUSINE Oh ! non ! … oh ! non ! … SACRIPANT Roland, mon idole, MÉLUSINE Je comblerai le vide laissé par ce chien de mer en exécutant N° 14 – ENSEMBLE puis AIR DE MÉLUSINE De toi je suis folle, Roland se réveillera aujourd’hui… les cartes me l’ont dit… quelques exercices de dislocation… et enfin (montrant Ô mon beau vainqueur, C’est pour cela que je donne une fête splendide dans mon Merlin), monsieur terminera cette brillante soirée par CHŒUR des QUATRE CHEVALIERS et FLEUR-DE-NEIGE Car je t’aime avec flamme castel. Je veux qu’à son réveil il soit fasciné, ébloui… et qu’il l’enlèvement d’un ballon plus lourd que l’air… Dévidons la soie, Et je veux que ton âme se roule à mes pieds en me suppliant de porter son nom. Et passons nos jours dans la joie ! Partage même ardeur. MERLIN Ô Vénus, déesse puissante, FLEUR-DE-NEIGE Première expérience publique… si toutefois vous avez un CHŒUR et MÉLUSINE Toi qui m’embrases de tes feux, Mélusine ! gazomètre… Autour du preux semons les fleurs, Écoute ma voix frémissante. Le lis et la rose vermeille, Sur moi daigne abaisser les yeux. MÉLUSINE MÉLUSINE Afin que leurs fraîches couleurs, Ah ! … Ah ! … Ah !… Qu’est-ce ? J’en ai deux… C’est entendu, je vous retiens… allez faire Charment ses yeux, s’il se réveille ! Sur moi daigne abaisser les yeux. vos préparatifs… Daigne abaisser les yeux… FLEUR-DE-NEIGE LES CHEVALIERS Roland, mon idole, Des saltimbanques, qui viennent de s’arrêter devant la grille, TOTOCHE, à Sacripant. Dévidons la soie. De toi je suis folle, demandent si on veut les laisser entrer… Avec tout cela elle nous retient… mais pas à dîner. Et passons nos jours dans la joie ! Ô mon beau vainqueur, Car je t’aime avec flamme MÉLUSINE SACRIPANT LES FEMMES Et je veux que ton âme Des saltimbanques… qu’on leur ouvre les portes. Ça viendra… allons nous installer… Semons les fleurs, Partage même ardeur. Le lis et la rose vermeille ! Que leurs couleurs charment ses yeux, Ah ! (vocalises) Scène 2 Scène 3 S’il se réveille. SACRIPANT, MERLIN, TOTOCHE, en saltimbanques, MÉLUSINE, RODOMONT, ANGÉLIQUE, MÉDOR à toi, toujours, toujours… ROLAND, AMADIS, LANCELOT, RENAUD, OGIER, FLEUR-DE-NEIGE MÉLUSINE Roland, mon idole, RODOMONT Il dort toujours … quel narcotique ! De toi je suis folle, MÉLUSINE Merci bien… Ouf! nous y voici… Respirons un peu. J’en ai trop mis… c’est évident. Ô mon beau vainqueur, Soyez les bienvenus. (Donnant son parapluie à Médor.) Tiens, débarrasse-moi Car je t’aime avec flamme de ça ! ROLAND Et je veux que ton âme TOTOCHE, à Sacripant. Qu’elle est belle, mon Angélique ! Partage même ardeur. Elle va nous inviter à dîner. MÉDOR Ah ! Vénus, Vénus, je t’implore ! Oui, monseigneur… MÉLUSINE Fais qu’il m’adore ! MÉLUSINE. Toujours ce nom, c’est chagrinant ! Reine immortelle des amours, Justement, je donne une grande fête… que pouvez-vous RODOMONT C’est taquinant ! Fais qu’il soit à moi pour toujours. m’offrir pour récréer mes invités ? Ne m’appelle donc pas monseigneur, puisque je voyage incognito sous le nom de Richard Wagner. Ma fille, ton FLEUR-DE-NEIGE MÉLUSINE SACRIPANT mari s’est conduit comme un vagabond… Il a disparu le C’est taquinant ! Voilà quinze jours qu’il dort ainsi ! Décidément, Les choses les plus variées… D’abord, madame commencera lendemain de la cérémonie… or, rien dans sa conduite… j’en ai trop mis. par des exercices de haute voltige sur la corde raide. n’avait pu te faire prévoir cette désertion… LES CHEVALIERS Dévidons, dévidons la soie ! AMADIS TOTOCHE ANGÉLIQUE Je me demande ce que doit se dire le duc Rodomont. Avec ou sans balancier. Oh ! non ! MÉLUSINE Je renonce à mes beaux jours, OGIER MÉLUSINE RODOMONT Je renonce aux artifices ; Nous nous étions chargés de venir chercher son gendre ici Bien. Il avait été galant ? Adieu ! légères amours ! et de le lui ramener.

46 47 ANGÉLIQUE MÉDOR, regardant Angélique. Scène 5 MÉDOR Oh ! oui ! Et je ne vous quitterai jamais ! … (Avec force.) Jamais ! ROLAND, au fond, ANGÉLIQUE, MÉDOR, sous son costume Oui, votre mari est ici… et non seulement il est ici… mais de ménestrel. il est près de vous… à vos côtés… et… MÉDOR, appuyant. RODOMONT, d’un ton ému. Oh ! oui ! Il m’attendrit ! … (à Médor.) Ne m’attendris pas… j’ai besoin ANGÉLIQUE ANGÉLIQUE, apercevant Roland et courant à lui. de tous mes moyens pour agir vigoureusement… Je vais te Ah ! quelle scène ! … Cette Mélusine ne veut rien entendre… C’est vrai… le voilà ! … RODOMONT repêcher ton époux… Allons ! … (Ils sortent.) elle refuse de me rendre mon époux. De quoi se mêle-t-il, celui-là ? (à Médor.) Veux-tu bien… MÉDOR, stupéfait. (Médor s’éloigne. à Angélique.) Et toi, de ton côté, tu n’as MÉDOR, arpentant le théâtre. Roland ! … que le diable l’emporte ! à te reprocher aucun mauvais procédé ? … Scène 4 Son époux… mais c’est moi son époux… Et je ne peux ROLAND, sortant du pavillon. rien dire… quelle position ! ROLAND, surpris. ANGÉLIQUE La princesse ! … Aucun, papa… ANGÉLIQUE, surprise. N° 15 – AIR DE ROLAND Qu’avez-vous donc, Médor ? ANGÉLIQUE, embrassant Roland. MÉDOR, même jeu. Ah ! mon petit chéri ! quel bonheur de te retrouver… Au contraire… Où suis-je ? … Et quel est donc le jardin que voici ? MÉDOR, même jeu. embrasse-moi donc ! … Depuis combien de temps dormais-je en ces lieux-ci ? Non, ça ne peut pas durer comme ça… j’aime mieux tout RODOMONT. Ah ça ! j’ai donc rêvé ! … Mais, oui, c’était un rêve ! … lui avouer avant que la bombe n’éclate… MÉDOR, rageant. Qu’est-ce qui te parle ? … (Médor s’éloigne.) Comme s’il Cristi ! j’aurais donné dix sous pour qu’il s’achève ! … Devant moi… Ah ! pouvait savoir ! … (Roland écarte le rideau du kiosque et se détire.) Je me voyais assis à table, ROLAND, très surpris. ANGÉLIQUE. C’était un superbe festin, ROLAND Comment, elle me tutoie… Permettez, princesse ! Il est donc ici ? Le service était confortable, Ah ! brrrrou ! … Les mets choisis et le vin fin ! ANGÉLIQUE. RODOMONT Le xérès à pleine bouteille ANGÉLIQUE, à Médor. Princesse ! Ce n’est pas ainsi que tu m’appelais il y a quinze Il doit y être… Et pourquoi te le cacherais-je ? … Répandait sa liqueur vermeille, Quelle agitation ! jours… souviens-toi… Les compagnons de Roland me l’ont avoué… avant de On entendait de vagues cris, t’épouser il avait une chaîne… Nous étions, je crois, un peu gris ; MÉDOR ROLAND, cherchant. Bref ! pour couronner cette agape, Oui, je suis agité… (Avec force.) Angélique, j’ai quelque Je me souviens… que je me suis endormi… voilà tout. ANGÉLIQUE Nous allions rouler sous la nappe. chose d’intime à vous dire… Une chaîne ! ANGÉLIQUE Tout à coup… moment plein d’ivresse ! ANGÉLIQUE D’abord… mais ensuite, tu t’es réveillé… tu m’as conduite RODOMONT Au bruit d’instruments enchanteurs, Une confidence… j’adore ça ! à la chapelle… Ces braves chevaliers m’avaient même promis de me le Je vis paraître une déesse ramener… mais ne les voyant pas revenir, je me suis mis Exhalant le parfum des fleurs. ROLAND, se levant. ROLAND en route, et nous sommes chez la chaîne en question. (Avec Sa voix rendait le son des merles J’ai rudement dormi. À la chapelle… C’est drôle… ce détail m’échappe… j’ai une force.) Oh ! … ces amours de contrebande ! … On croit les Son costume, rien qu’un collier de perles. lacune… Alors, nous sommes mariés ? avoir arrachés de son cœur, mais ça repousse toujours… MÉDOR, à Angélique. Alors, par des pas agaçants Il s’agit de vous. ANGÉLIQUE, baissant les yeux. ANGÉLIQUE Bientôt elle enivra mes sens ! Mais oui… Ah ! papa, ce que vous me dites là me fait bien de la peine ! Puis enfin dans ma chevelure ROLAND Je sentis sa main douce et pure. Où suis-je, ici ? ROLAND, appuyant sur les mots. RODOMONT J’étais bien heureux ! Complètement mariés ? Allons donc ! … sois forte, ma fille… vois, moi, je suis MÉDOR très fort… tout me manque… tout me craque… Ma Mais hélas ! sort affreux ! Et de votre mari. ANGÉLIQUE femme enfuie ! … ma couronne en zinc ! … Roland Mon bonheur n’était qu’un rêve ! Complètement. parti ! … et jusqu’à Sacripant… un ami, celui-là… un ami Et maintenant il s’achève ! ANGÉLIQUE véritable… disparu sans qu’on sache pourquoi… Tout, tout Hélas ! les plus belles amours De mon mari, parlez vite. ROLAND m’abandonne… (Montrant Médor.) Excepté ce garçon… que Sont celles qu’on rêve toujours ! Vous me le dites… enfin. j’ai trouvé là le lendemain, et qui m’a supplié de le prendre à Ah ! pour couler d’heureux jours ROLAND, sortant du kiosque et se frottant les yeux. mon service… Que ne peut-on rêver, rêver toujours ! C’est drôle ! … je ne connaissais pas cette partie de MÉDOR, à part. l’habitation du papa beau-père… Comment, il croit… diable ! (S’avançant.) Permettez…

48 49 ROLAND ANGÉLIQUE ANGÉLIQUE RODOMONT Qu’est-ce que ce bouffon ? Ensuite… vous m’avez … chanté une romance. Il n’est plus dans cette vie Permettez… ma fille m’a certifié… De plaisir ! ANGÉLIQUE ROLAND MÉLUSINE Notre domestique… Une romance ? MÉDOR C’est impossible… J’ai enlevé Roland avant la cérémonie… Qu’il est doux ce mot : Je t’aime ! ROLAND ANGÉLIQUE. RODOMONT, surpris. Éloignez-vous, serf, vous devez comprendre que vous êtes de Oh ! la jolie romance ! … et comme vous la chantiez ANGÉLIQUE Avant la cérémonie… Cependant cet homme soigneusement trop… bien ! … (Lui passant les bras autour du cou et d’une Qu’il est doux ! casqué qui l’a conduite à l’autel et l’a accompagnée dans la voix suppliante.) Ah ! mon petit mari, je t’en prie, chante chambre nuptiale ? MÉDOR, à part. encore… MÉDOR De trop ! Aimer c’est le bien suprême MÉLUSINE ROLAND Aimons-nous. Ce n’était pas lui. ANGÉLIQUE C’est incroyable… je ne me souviens pas du tout… Oui, Médor, oui… allez-vous-en… vous nous gênez… ENSEMBLE RODOMONT ANGÉLIQUE, vexée. Aimer c’est le bien suprême Pas lui ! (Vivement.) En effet… j’y songe maintenant… il MÉDOR, à part. Comment ? Aimons-nous. était plus petit… j’attribuais cela au tassement… mais alors Je les gêne… et c’est ma femme qui me dit ça. quel est donc le gredin qui a abusé… ? ROLAND ANGÉLIQUE ROLAND, impatienté, lui faisant signe de sortir. J’ai une lacune… dites-moi seulement le premier couplet… C’est étrange, Roland est là… Et la voix de ce côté… Oh ! MÉLUSINE Eh bien ! serf… je renchaînerai… je renchaînerai… je saurai quel est ce chanteur. Vous le saurez bientôt. (Elle sort en courant par la droite.) (Elle sort par le fond.) MÉDOR, à part. ANGÉLIQUE, un peu vexée. Serf ! … Il m’agace avec ce mot… (Haut.) Je m’éloigne… je Soit… mais je vous préviens que si vous continuez à ne vous ROLAND, sortant de ses réflexions. m’éloigne… (à part.) Mais je n’irai pas loin… oh ! non ! … souvenir de rien, je me fâcherai… Écoutez : Ah ! je le tiens, je le tiens ! Eh bien… elle est partie. Scène 7 RODOMONT, seul. ANGÉLIQUE, à Roland. Voyons, monsieur, d’abord sachez que je vous pardonne N° 16 – ROMANCE Scène 6 RODOMONT vos torts envers moi et votre fuite incompréhensible… ROLAND, RODOMONT, puis MÉLUSINE Quelle aventure ! … quelle aventure ! … ma fille mariée à ANGÉLIQUE un casque inconnu… mais qui donc, qui donc s’était fourré ROLAND, étonné. Il est un mot qu’on répète RODOMONT sous cette carapace ? J’ai beau chercher… je ne vois pas (Se Ma fuite ? … Chaque jour, Mon gendre ! … (Courant à lui.) Enfin, je vous retrouve… frappant le front tout d’un coup.) Mais si ! … Sacripant ! … Un mot aimé du poète, Sacripant disparu juste au moment de la cérémonie… sans ANGÉLIQUE, vivement. C’est l’amour ! ROLAND. qu’on sache pourquoi… Sacripant introuvable depuis… Oui, oui, n’en parlons plus… j’oublie tout… mais à une Qu’il est doux ce mot : Je t’aime ! Bonjour, papa beau-père. Je n’ai pas le temps… Angélique, Voilà l’explication… c’est clair… c’est limpide… et condition, c’est que vous allez être aussi aimable qu’il y a Qu’il est doux ! Angélique, attends- moi. Angélique ne s’est aperçue de rien… le scélérat a profité de la quinze jours… Aimer c’est le bien suprême ! (Il disparaît par le fond.) situation à l’abri de cette ferblanterie opaque… Ah ! j’aurais Aimons-nous ! dû m’en douter… Cet homme se livrait depuis quelque temps MÉDOR, derrière le massif d’arbres. Aimer c’est le bien suprême ! MÉLUSINE à la lecture des romans à bon marché… Ça ne pouvait finir Sapristi ! Aimons-nous ! Roland ! Il est réveillé ? autrement… Mais où le retrouver, maintenant ? Où ?

ROLAND ANGÉLIQUE, à Roland, parlé. RODOMONT Ah ! … il y a quinze jours, j’étais… À votre tour maintenant ! Quel drôle de gendre ! … Il fuit toujours… Scène 8 RODOMONT, SACRIPANT ANGÉLIQUE ROLAND MÉLUSINE, à Rodomont. Vous étiez bien gentil… bien gentil. Vous vous mettiez Attendez… Chantez-moi seulement le deuxième couplet ! Où court-il donc ainsi ? SACRIPANT à mes genoux en vous écriant : « Cher ange, je t’aime… Ça va venir ! ça va venir… Ça va bien… ça va bien… (Il se cogne contre Rodomont.) je t’adore… ». RODOMONT, gravement. Pardon ! MÉDOR Après sa femme… madame ! … ROLAND Vivre loin de son amie, RODOMONT Bon… bon… et ensuite ? … Quel martyr ! MÉLUSINE Faites donc… (Le reconnaissant.) Sacripant… Lui ! lui ! en Sa femme ! … Elle ne l’est pas encore ! ouistiti ! …

50 51 SACRIPANT SACRIPANT abruptes des monts Krapacks… Vous savez qu’elle a peur du TOTOCHE, s’avançant. Le duc ! … Saprelotte… J’étais si loin de m’attendre que ça flatterait Votre Seigneurie, tonnerre… Tout à coup ! … (S’arrêtant.) Dois-je continuer, Qu’allez-vous faire ? (Il veut s’esquiver.) ça sort tellement des habitudes… monseigneur ? … RODOMONT RODOMONT RODOMONT RODOMONT Je vais tuer votre galant, madame ! Un instant… nous avons un petit compte à régler ensemble. J’ai des idées très larges sur ces choses-là… pas d’amour- Puisque je te dis que ça m’attache ! propre ridicule… tu l’aimes, n’est-ce pas ? rends-la heureuse, TOTOCHE, avec force. SACRIPANT c’est tout ce que je te demande. SACRIPANT Ah ! c’est une bonne idée, Casimir ! … Un petit compte. (à part.) Aurait-il pincé ma Tout à coup la foudre éclate… éperdue… tremblante… elle correspondance ? … (Haut.) Vous voulez me donner SACRIPANT, surpris. cherche des yeux un refuge… j’ouvre machinalement mes SACRIPANT, stupéfait. de l’argent ? … Soyez persuadé que… (à part.) Comment ! il m’encourage, bras… elle s’y précipite machinalement… le thermomètre Hein ? comment ! … une bonne idée ! maintenant. marque cinquante-deux degrés… Je dépose un baiser sur RODOMONT, avec force. son… RODOMONT, ricanant. De l’argent… pour qui me prends-tu ? … De l’argent ! … RODOMONT Vous trouvez ? à toi qui as porté le trouble dans mon intérieur… à toi qui Seulement, je désire savoir comment cet amour est né, RODOMONT m’as abusé à dire d’expert… comment il a grandi… enfin, je réclame quelques détails… Bon… Bon… je vois la scène… TOTOCHE, à Sacripant. Enfin, je vais être délivrée de cet être cauteleux et SACRIPANT, à part. SACRIPANT SACRIPANT, se levant. pusillanime, il y a assez longtemps qu’il m’obsède de ses Décidément il sait que j’ai fait la cour à sa femme… (Haut.) Vous voulez des détails… Voilà ma faute. Voilà monseigneur, voilà comment j’ai aimé grotesques déclarations… Puisque vous êtes au courant de la situation, je crois inutile la duchesse Totoche… de dissimuler. RODOMONT SACRIPANT Ça me fera plaisir… RODOMONT, bondissant. Qu’est-ce qu’elle dit ? RODOMONT, se calmant tout à coup et à lui-même. La duchesse ! comment… c’était la duchesse ? Une réflexion… si je fais du scandale, ma fille est SACRIPANT, s’inclinant. TOTOCHE compromise… soyons conciliant. Du moment que ça vous est agréable… monseigneur, ça SACRIPANT, très surpris. Il m’a fait passer bien des journées sans fermer l’œil ! … date de votre dernier voyage… C’était par une de ces belles Vous ne le saviez pas… que croyiez-vous donc alors ? … SACRIPANT, à part. matinées de printemps. (S’interrompant.) Mais pardon… SACRIPANT Je ne suis pas à mon aise… ça sera peut-être un peu long… si nous nous asseyions… RODOMONT, furieux. Parbleu ! … Et tu oses me l’avouer en face ? … RODOMONT RODOMONT TOTOCHE, à Sacripant. écoute, Sacripant… un autre à ma place entrerait dans une Asseyons-nous. SACRIPANT Silence. (À Rodomont.) Oui, j’ai mouillé bien des mouchoirs colère violente… j’en aurais le droit… mais… (D’un ton Vous m’avez demandé des détails… de poche, va ! et c’est pour un pareil histrion que je débonnaire.) Voilà ce qu’il faut se dire : ça ne remédierait à SACRIPANT tromperais l’homme le plus noble, le plus délicat, le plus rien… Après vous, monseigneur. C’était donc par une de ces RODOMONT, tirant son sabre. magnanime, car tu est tout ça, Rodomont ! … et bien belles matinées de printemps… les hannetons étaient en Sacripant… tu vas mourir… d’autres choses encore. SACRIPANT, vivement. fleurs… de jolis petits nuages roses couraient à l’horizon… Oh ! à rien évidemment… (à part.) Où veut-il en venir… ? le thermomètre centigrade marquait trente-cinq degrés SACRIPANT RODOMONT au-dessus de zéro… elle m’avait demandé mon bras pour Je proteste. Madame ! … RODOMONT, de plus en plus bonasse. faire un tour dans le parc… tout à coup ! (S’arrêtant.) Dois-je Ce qui est fait est fait, et en définitive puisque, ça devait continuer, monseigneur ? RODOMONT TOTOCHE arriver… j’aime autant que ce soit toi qu’un autre. C’est ton droit… le mien est de t’embrocher. (S’avançant sur Maintenant, je puis le dire, je le déteste… Tiens, venge-moi… RODOMONT lui.) Et je t’embroche. venge-toi… ou plutôt non, ce n’est pas de ta noble main SACRIPANT, s’inclinant, à part. Certainement… ça m’attache beaucoup. qu’il doit périr, passe-moi ton sabre et laisse-moi cette âpre Allons, il prend bien la chose. volupté de me faire justice à moi-même. SACRIPANT Scène 9 RODOMONT Tout à coup, des gouttes d’eau d’un diamètre insensé se RODOMONT, SACRIPANT, TOTOCHE RODOMONT Seulement j’aurais préféré beaucoup que tu vinsses tout mettent à tomber… nous nous réfugions dans un kiosque Voilà un bon mouvement, Angélina. (Lui tendant le sabre.) m’avouer toi-même et que tu me dises… là… franchement : naturel tapissé de verdure… Rien de joli comme un kiosque TOTOCHE, voyant la scène. Eh bien soit… à vous l’honneur ! … C’est ça, ça, ça et ça… j’aurais vu là une marque de tapissé de verdure par une belle matinée de printemps, Grand Dieu ! confiance qui m’aurait beaucoup flatté… lorsque de jolis petits nuages roses courent à l’horizon et TOTOCHE, prenant le sabre. que le thermomètre centigrade marque trente-cinq au- RODOMONT, apercevant Totoche. Merci ! (Avec amour.) Oh ! vous avez raison d’avoir confiance dessus de zéro… On entendait au loin de sourds roulements Ma femme… en sauteuse ! … c’est complet ! en moi… (Courant vivement à Sacripant et lui donnant précurseurs d’un de ces orages si imposants dans les gorges le sabre.) Tiens ! il est sans armes… en voici une…

52 53 débarrasse-moi de lui… il y a assez longtemps qu’il nous Scène 10 N° 18 – FINAL OGIER gêne ! … RODOMONT, SACRIPANT, TOTOCHE, ROLAND, AMADIS, Huit ! LANCELOT, RENAUD, OGIER, MERLIN, MÉLUSINE, Les Dames, RODOMONT RODOMONT, anéanti. Paysans et Paysannes, puis MÉDOR et ANGÉLIQUE Pour notre fille à marier, TOUS Je suis refait ! … (Aventure fantasque) Neuf ! dix ! Laïtou laïtou trou la la la ! SACRIPANT, joyeux. N° 17 – CHŒUR SACRIPANT et TOTOCHE À la bonne heure ! … Le bonheur veut qu’au chevalier Amis, accourons en ces lieux, On ait soustrait son casque. TOTOCHE, à Sacripant. Où pour nous le plaisir s’apprête. Mais va donc ! Déjà ce château merveilleux ANGÉLIQUE et MÉDOR Retentit du bruit de la fête. Or ceci prouve encore un coup RODOMONT, vivement. Que s’il est dans la vie… Je proteste. ROLAND, entrant par la droite. Impossible de rejoindre Angélique… MÉLUSINE et ROLAND SACRIPANT Une chose qui mène à tout C’est ton droit ! le mien est de t’embrocher, et je MERLIN, accourant par le fond. C’est la chevalerie ! t’embroche ! … Monseigneur ! monseigneur… voici votre fille qui s’avance au bras de Roland… LES CHEVALIERS RODOMONT Jamais plus joli métier Un instant… je demande à parlementer… Sacripant, ROLAND, stupéfait. Ne fut dans le monde tu as sapé ma réputation, tu as sapé mon bonheur… tu as À mon bras… comment ? Que celui de chevalier tout sapé… mais l’existence de ton maître est sacrée. De la table ronde. MERLIN SACRIPANT Hein ! … Mais je viens de vous voir là-bas, en chevalier… TOUS Rien n’est sacré pour un… (Totoche lui impose silence.) avec votre casque… et tenez, tenez… vous voilà ! Jamais plus joli métier, Ne fut dans le monde RODOMONT ROLAND Que celui de cheval, Transigeons… je suis le plus faible… transigeons… J’en ai C’est trop fort ! Que celui de chevalier, assez de cette existence… la grandeur ne m’a offert que des De la table ronde. déboires… je vais donner ma démission… Le mariage ne RODOMONT m’a procuré que des ennuis… je divorcerai… Mes vassaux, Quel est donc ce Roland de contrebande ? ANGÉLIQUE mon castel, ma femme… je te fais un bloc du tout, et je te Un ! cède mon fonds, moyennant une pension de retraite de douze MÉLUSINE cents francs… Ça te va-t-il ? Vous allez le savoir… regardez ! … MÉDOR (Elle ôte le casque à Médor.) Deux ! SACRIPANT Ça me va… (Lui tendant les basques de son vêtement.) TOTOCHE, RODOMONT et SACRIPANT TOTOCHE Baise mon pan… Le Ménestrel ! … Trois !

RODOMONT ANGÉLIQUE SACRIPANT J’aime mieux ça… j’élèverai des vers à soie… ce sera ma Oui, le Ménestrel, mon époux ! Quatre ! consolation. MÉDOR MÉLUSINE Les quinze jours sont écoulés ! … mon vœu est accompli… et Cinq ! si quelqu’un veut me disputer ma femme… qu’il s’avance ! ROLAND ROLAND, furieux. Six ! Ah ! il faut que je fasse un malheur… Mélusine, je vous épouse… FLEUR-DE-NEIGE Sept ! TOTOCHE Allons, c’est d’un noble chevalier ! …

54 55 Biographies Le Palazzetto Bru Zane Centre de musique Les Brigands Thibault Perrine transcription romantique française En 2000, Loïc Boissier ouvre avec le pianiste Nicolas Ducloux la Violoniste de formation, Thibault Perrine a étudié l’harmonie avec partition du Barbe-Bleue d’Offenbach et propose à quinze de ses Jean-Claude Raynaud, l’écriture avec Thierry Escaich, l’orchestration collègues du Chœur des Musiciens du Louvre d’en monter une avec Jean-François Zygel, la direction d’orchestre avec Nicolas Brochot Le Palazzetto Bru Zane – Centre de musique romantique française a pour voca- version légère sur la Scène Nationale de Montbéliard. L’équipe et la direction de chœur avec Catherine Simonpietri. Depuis douze tion de favoriser la redécouverte et le rayonnement international du patrimoine s’organise en 2001 pour faire tourner ce spectacle en France. Elle ans, il a réalisé les arrangements musicaux de nombreux spectacles musical français du grand XIXe siècle (1780-1920). Installé à Venise dans un palais s’intitule Les Brigands, du nom d’un ouvrage d’Offenbach. Benjamin lyriques, notamment pour la compagnie Les Brigands (du Docteur de 1695 restauré spécifiquement pour l’abriter, ce centre, inauguré en 2009, est Lévy dirige et Stéphan Druet met en scène : Geneviève de Brabant, Ox et de Ta Bouche à La Grande Duchesse), le Théâtre du Châtelet une réalisation de la Fondation Bru. Du plus intime au plus populaire, c’est un pan entier de la production musicale Le Docteur Ox puis Ta Bouche en 2004, dont les représentations à (Le Chanteur de Mexico) ou plus récemment pour l’Académie de française qu’il se charge d’étudier et de faire entendre, proposant ainsi un nou- l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet leur valent un succès considérable. l’Opéra de Paris (Iphigénie en Tauride, Les Temps aventureux). Des veau regard sur ce répertoire, dépassant les normes esthétiques établies au dé- Les distributions se régénèrent sans cesse et le baryton Christophe orchestrations lui ont été commandées pour divers enregistrements but du XXe siècle. Grapperon devient en 2007 directeur musical de la compagnie. De (avec Marie-Nicole Lemieux, Anne Gastinel…), événements (Concert Afin de mener à bien sa mission, le Palazzetto Bru Zane développe de nombreuses 2008 à 2011, la compagnie collabore avec le Théâtre musical de de Paris 2014) ou films documentaires (Ils ont libéré Paris en actions complémentaires : Besançon et s’ouvre à de nouvelles collaborations : les 26000 couverts, 2014 ; Verdun : ils ne passeront pas à diffuser en 2016). Soucieux • La production de concerts et de spectacles présentés à Venise – au sein d’une Johanny Bert, Pierre Guillois. Partenaire important de la compagnie, de pédagogie, il collabore régulièrement avec Jean-François Zygel saison alternant événements musicaux et conférences –, à Paris – chaque année la scène nationale de La Rochelle accueille en 2013 la création de La dans le cadre de ses émissions Les Clefs de l’orchestre ou La Boîte au mois de juin dans le cadre du Festival Palazzetto Bru Zane – et dans le monde Grande-Duchesse. Depuis 2012, Les Brigands sont associés au Centre à musique, ainsi que pour ses spectacles au Théâtre du Châtelet. entier, en partenariat avec de nombreuses salles et festivals. des Bords de Marne du Perreux-sur-Marne. Il enseigne l’écriture au Conservatoire à rayonnement régional de • La production et la publication d’enregistrements qui fixent l’aboutissement www.lesbrigands.fr Paris et l’arrangement au Pôle supérieur d’enseignement artistique artistique des projets développés : trois collections de livres-disques, « Prix de Paris Boulogne-Billancourt. Rome », « Opéra français » et « Portraits » et de nombreux partenariats avec des Pierre-André Weitz mise en scène labels tiers. Pierre-André Weitz fait ses premiers pas sur scène au théâtre du peuple de Bussang à l’âge de 10 ans. Il y joue, chante, fabrique et • La coordination de chantiers de recherche en collaboration avec des musico- logues, des institutions internationales et des descendants de compositeurs du conçoit décors et costumes jusqu’à ses 25 ans. Parallèlement, il XIXe siècle. étudie à Strasbourg l’architecture et rentre au conservatoire d’art lyrique. Pendant cette période, il est choriste à l’Opéra National • Le catalogage et la numérisation de fonds documentaires et d’archives pu- du Rhin. En 1989, il rencontre Olivier Py. Il réalise depuis tous bliques ou privées en lien avec le répertoire défendu : fonds musical de la Villa ses décors et costumes. De cette collaboration décisive va naître Médicis, livrets de mise en scène de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris, archives Pleyel/Érard/Gaveau de la Cité de la musique, archives privées liées au une pensée de scénographie où les changements de décor sont violoniste Pierre Baillot… dramaturgiques et revendiqués comme chorégraphie d’espace. Il signe plus de 150 scénographies depuis ses 18 ans avec divers • L’organisation de colloques en collaboration avec différents partenaires : Centro metteurs en scène au théâtre comme à l’opéra (Jean Chollet, Michel Studi Opera Omnia Luigi Boccherini, Bibliothèque nationale de France, Opéra Co- Raskine, Claude Buchvald, Jean-Michel Rabeux, Ivan Alexandre, mique, Conservatoire national supérieur de danse et de musique de Paris, CNRS… Jacques Vincey, Hervé Loichemol, Sylvie Rentona, Karelle Prugnaud, • La réalisation de partitions inédites et la publication d’une collection de livres Mireille Delunch, Christine Berg...). Cette recherche sur l’espace et le en coédition avec Actes Sud − ouvrages collectifs, essais musicologiques, actes temps le pousse à se produire comme musicien ou comme auteur de colloques, écrits du XIXe siècle ou livres de poche. sur certains spectacles. À l’Opéra de Paris dans Alceste de Gluck, il • La mise à disposition de ressources numériques sur la musique romantique dessine pendant trois heures tous les décors en direct affirmant ainsi française via la base de données bruzanemediabase.com. une esthétique picturale de l’éphémère ; métaphore de la musique. • Des actions de formation à destination de jeunes musiciens professionnels Sa première mise en scène à Strasbourg est une recherche de l’espace grâce à l’organisation de master-classes avec le Jeune Orchestre Atlantique (dé- et du temps, jouant trois fois de suite la Sœurinette d’Olivier Py marche d’interprétation sur instruments anciens) et au sein de l’Académie Ravel dans trois dispositifs différents et trois esthétiques différentes créés (interprétation du répertoire chambriste et lyrique). avec vingt scénographes. Il prouve ainsi que la scénographie peut • L’attribution de Prix Palazzetto Bru Zane dans le cadre de concours internatio- changer le sens et l’essence d’une œuvre sans la trahir. Il enseigne naux afin de récompenser l’interprétation d’œuvres rares du répertoire roman- cette discipline depuis vingt ans à l’école Supérieure des Arts tique français (Concours international de musique de chambre de Lyon). Décoratifs de Strasbourg. • Des actions en direction du jeune public grâce au programme Romantici in erba, en lien avec les écoles maternelles et primaires de la Vénétie, et à un cycle de concerts pour les familles à Venise.

56 AUTOUR DES CHEVALIERS DE LA TABLE RONDE

CD en vente uniquement Hervé par lui-même à l’issue des représentations Écrits du père de l’opérette présentés par Pascal Blanchet Morceaux choisis Il ne suffit pas d’inventer un genre musical compagnie Les Brigands pour atteindre l’immortalité : Hervé en Christophe Grapperon donne un cruel exemple. Ce livre de poche se propose de ranimer un intérêt pour 10 euros Production Palazzetto Bru Zane l’œuvre du véritable père de l’opérette. 9,50 euros Collection Actes Sud / Palazzetto Bru Zane

Palazzetto Bru Zane Centre de musique romantique française San Polo 2368 30125 Venise - Italie [email protected]

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