Les Premiers Films Criminels

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panneauxcrimeOK 7/07/04 15:58 Page 1 LES PREMIERS FILMS CRIMINELS (1898 – 1906) Le «cinématographe » ne s’est penché sur le fait divers criminel ou sur les histoires criminelles que quelques années après sa naissance officielle datant de décembre 1895.-

Les premiers films En effet, Ferdinand Zecca, « criminels» commencent après une visite au Musée vers 1898/1899, avec Grévin, frappé par le réalisme quelques petits films des figures de cire qui d’une minute environ, retrace les principaux produits par la Star Film moments du crime d’un de Georges Méliès, rôdeur de barrière, décide l’inventeur de la féérie d’en tirer un film. cinématographique qui ont pour titres : Un vol dans la Ferdinand Zecca, ne se tombe de Cléopâtre (scène contente pas d’animer les • L’histoire d’un crime de Ferdinand Zecca égyptienne), ou Pickpocket figures de cires du Musée 4ème tableau – 1901 et Policeman, (scène Grévin, il leur insuffle une comique)… ou chez Gaumont dramaturgie, celle du genre avec Les cambrioleurs. « criminel », dans le film, qu’il réalise en six La maison Pathé en 1901, tableaux : avec Histoire d’un crime 1 l’assassinat du bourgeois de Ferdinand Zecca jette 2 l’arrestation les bases du film « criminel », 3 la confrontation à la morgue ancêtre du film policier. 4 la sombre rêverie du prisonnier dans sa geôle 5 la toilette du condamné 6 le couperet de la guillotine

• Les Apaches pas veinards • Les Apaches de Paris d’Alice Guy – 1904 de Ferdinand Zecca - 1905

• La civilisation à travers les âges de Georges Méliès - 1907 panneauxcrimeOK 7/07/04 15:59 Page 2 …LES PREMIERS FILMS CRIMINELS (1898-1906)

• Les incendiaires de Georges Méliès – 1906

• Les Malles sanglantes, du fait divers au cinéma (Illustration du Petit Journal du 16 juin 1896 ; fascicule publié • Robert Macaire de 1907 à 1911 ; et Bertrand, premier épisode le roi des de Fantômas de cambrioleurs Louis Feuillade de Georges en 1913) Méliès - 1906

«L’histoire d’un crime tableaux, un fait divers fait date dans l’histoire criminel commis en 1797, du cinéma. Dans un décor sous le Directoire, relaté brossé à la hâte, les bas- par la presse de l’époque, fonds s’y exhalent, au transposé en pièce point qu’ils procèdent de théâtre : L’assassinat du rêve, de l’inconscient… du courrier de Lyon. le cinéma devient le révéla- teur le plus extraordinaire Albert Capellani en fera incendiaires, une nouvelle des fantasmes collectifs, du un remake en 1911 pour version de l’histoire d’un subconscient des foules… » la SCAGL (Société crime en trente tableaux, Henri Langlois. Cinématographique qui détaillent davantage des Auteurs et Gens de encore que Ferdinand Alice Guy, première femme Lettres), fondée par Pierre Zecca, toutes les phases metteur en scène, en 1896, Decourcelle. d’un fait divers criminel. chez Gaumont, met à l’écran quelques faits divers criminels Méliès s’aventurera à nou- Le cinéma criminel qu’elle romance, tel un petit veau dans le genre policier est directement influencé film de 1903 Les apaches pas en 1906 avec deux films : par la presse populaire, veinards ou Rapt d’enfants Un film poursuite, à la fois par le traitement par les romanichels de 1904. une folie burlesque Robert de l’information mais Puis elle adapte la même Macaire et Bertrand, le roi également par la reprise du année à l’écran, en six des cambrioleurs, et Les traitement iconographique.

Le crime à l’écran - 1898 - 1927 panneauxcrimeOK 7/07/04 15:59 Page 3 LE CRIME, LA PRESSE ET LE ROMAN POLICIER A LA BELLE EPOQUE (1900 – 1914)

• Arrestation de Bonnot par l’affaire Caillaux (1912) … le chef de la Les journaux augmentent sûreté Xavier considérablement leur tira- Guichard ge, grâce à la présentation (supplément du Petit journal à la une de crimes sensa- du 12 mai 1912) tionnels, qui passionnent l’opinion.

• Illustration du Le PETIT JOURNAL depuis feuilletons de Gaston Petit parisien sa création en 1863 a fondé Leroux (créateur du du 2 octobre son succès sur l’exploitation reporter-détective : 1892 des faits divers criminels et Rouletabille) et de Léon sur les romans feuilletons, Sazie (créateur du héros La presse de la Belle confectionnés à partir de criminel : Zigomar.). époque s’enflamme pour la Gazette des tribunaux, le fait divers criminel, et qui donnent naissance aux Ces quatre grands journaux relate abondamment dans premiers romans-feuilletons auront des tirages de plus ses colonnes les affaires « judiciaires » d’Emile d’un million d’exemplaires criminelles : Casque d’or Gaboriau (Monsieur Lecoq) à la veille de la guerre de et les Apaches (1902) ; (1868). 1914. Jeanne Weber, l’ogresse de la Goutte d’Or (1905), Le PETIT PARISIEN (fondé Le roman-feuilleton dont les les chauffeurs de la Drôme en 1876) , son rival, se crée aventures sont à « suivre » (1907), les Bandits sur les mêmes bases. au prochain numéro, dans d’Hazebrouck (1908) ; Surgissent alors deux la presse populaire, trouve Marguerite Steinhel et les autres titres au tournant un concurrent redoutable assassins en cagoule noire du XXème siècle : qui vient d’Allemagne. (1909) ; la bande à Bonnot LE JOURNAL et LE MATIN et son auto grise ( 1911) ; qui publient les romans panneauxcrimeOK 7/07/04 16:00 Page 4 …LE CRIME, LA PRESSE ET LE ROMAN POLICIER A LA BELLE EPOQUE (1900 – 1914 )

• Le mystère de la chambre jaune • Le mariage de Fantômas • Les confidences d’Arsène Lupin Ed. Pierre Lafitte Ed. Fayard (Musée Gaumont) Ed. Pierre Lafitte

En effet l’éditeur basé Les aventures de Nat à Dresde, Alfred Eichler, Pinkerton, par contre, importe d’Amérique les sont inspirées de la vie plus grands succès de la d’un détective américain presse pour la jeunesse qui existe : Nathaniel et inonde dès 1907 l’Europe Pinkerton. Eichler les édite de fascicules, qui racontent en France en mars 1908. les aventures de Buffalo Bill, de Nick Carter, de Nat Une contre-offensive Pinkerton et de Morgan française voit le jour avec le Pirate. Chaque fascicule les Editions de Pierre Laffite de 32 pages contient qui publie en fascicules à un récit complet, paraît bas prix, les aventures de façon hebdomadaire, d’Arsène Lupin (Gentleman- • Nick Carter et et reprend la publication cambrioleur) de Maurice Morgan le Pirate américaine d’origine, Leblanc, ainsi que les aven- fascicule Eichler traduite dans chacune tures extraordinaires de des langues européennes. Joseph Rouletabille, célèbre Nick Carter, édité depuis reporter-détective issu de 1891 aux Etats-Unis, fait l’imagination de Gaston l’objet d’un vaste lancement Leroux dont les titres font publicitaire auprès de la rêver : Le mystère de la jeunesse et arrive en chambre jaune (1907), France le 22 mars 1907, Le parfum de la dame c’est le succès immédiat. en noir (1908)… avec les aventures de Nick Carter, le grand détec- Fantômas, écrites au fur tive américain (création de D’autres éditeurs français et à mesure par Pierre l’écrivain John Russell vont tenter de contrecarrer Souvestre et Marcel Allain, Coryell) devient un héros l’éditeur de Dresde sur le en 32 fascicules, au prix de légende et va nourrir marché du fascicule à bas de 65 centimes, livrés au l’imaginaire de plusieurs prix. La maison Fayard public à raison d’un par générations. frappera un grand coup mois de 1911 à 1913. Le crime à l’écran - 1898 - 1927 panneauxcrimeOK 7/07/04 16:00 Page 5 NAISSANCE DU FILM POLICIER : 1908 Le règne des détectives (1908 – 1911)

Victorin Jasset et les films Eclair.

L’année 1908 est l’année Avec Nick Carter, Il attire et où le cinématographe veut fidélise la clientèle populaire, attirer dans ses salles une qui retrouve chaque semaine, clientèle bourgeoise, celle dans les salles de cinéma qui va au théâtre et se veut de quartiers, les exploits respectable. Pour cela, du grand détective qui il lui faut faire dans le bon triomphe du mal dans • Affiche Eclair goût, puiser ses sujets un univers où s’opposent des premières dans la « vraie » littérature justiciers et assassins. aventures de et attirer dans ses studios, De septembre à novembre Nick Carter les grands de la scène 1908, Jasset adapte une théâtrale… première série de six aven- A contre-courant, Victorin tures de Nick Carter le Roi Jasset, metteur en scène des Détectives dont la chez Eclair (fondée en durée est de 10 à 14 minutes 1907), surréaliste avant par histoire complète et l’heure, absolument indépendante les unes non-conformiste, passionné des autres. Jasset propose de littérature populaire, l’année suivante une suite : fasciné comme les enfants, Les nouvelles aventures de ou les grands enfants par Nick Carter qui comprennent les fascicules édités par trois bandes : Nick Carter Eichler, décide de les en danger, Le sosie, adapter à l’écran. Il créé Une mission périlleuse. à l’écran les aventures Il continue avec Les du célèbre Détective merveilleux exploits de américain : Nick Carter. Nick Carter qui comprennent Jasset invente ainsi un également trois bandes : nouveau genre cinémato- Le club des suicidés, graphique : LE FILM POLICIER Les dragées soporifiques et reprend la formule de la et Nick Carter acrobate. série développée par les Pierre Bressol incarne Fascicules Eichler. à l’écran Nick Carter dans ces 12 films. Il pratique tous les sports et possède l’art du déguisement qu’apprécie Jasset chez • Un des films tous ses acteurs. de la 3ème série des Nick Carter : Un jour, au début de l’année Nick Carter 1910, Jasset se fâche avec Acrobate Eclair et part tourner pour la société Raleigh et Robert une série qu’il tire de son imagination. panneauxcrimeOK 7/07/04 16:01 Page 6 …NAISSANCE DU FILM POLICIER : 1908 Le règne des détectives (1908 – 1911) Les sociétés

cinématographiques • Affiche de Nick Eclipse, Pathé Winter réalisée et Gaumont par Adrien Barrère Pierre Bressol rejoint Eclipse (fondée en 1906), • Guet-apens, la quatrième grande maison un film de Louis de production, pour réaliser Feuillade. et jouer Les exploits du Production Détective Nat Pinkerton, Gaumont 1913 adaptés également des éditions Eichler. • Affiche de Main de fer de Léonce Perret – 1912 Le premier film policier de la maison Eclipse est donc réalisé par un transfuge La maison Gaumont très d’Eclair. Les rats d’hôtels soucieuse de sa réputation, (260 m.) sort en salle ne fait pas dans les Bas- le 18 janvier 1911 ; la série Fonds. Elle ne peut cependant comprendra trente-quatre rester insensible à la bandes jusqu’en 1914. manne que procure à Eclair, le genre policier. Pathé, qui règne en maître Gaumont, veut rattraper sur le marché mondial, le temps perdu et lance accueille avec dédain les en 1912 deux détectives à succès de Jasset et lui l’assaut du marché : Main oppose une série parodique de Fer (Main de fer, Main Nick Winter interprété par de Fer contre la bande des l’acteur Georges Vinter, qui gants blancs) que met en comprendra une trentaine scène Léonce Perret, et le de numéros de 1910 à 1914, Jean Dervieux de Feuillade, la plupart seront réalisés incarné par l’acteur René par Gérard Bourgeois. Navarre (Le proscrit, Pathé toujours sur le mode L’oubliette, La course aux • Max Linder parodique, sort en 1912, millions, Le guet-apens, Mais, sur les écrans du contre Nick un film comique Max Linder L’écrin du Radjah). monde entier, triomphe Winter réalisé contre Nick Winter avec A partir du quatrième film depuis 1911 le bandit par René René Le Prince dans le rôle Le guet-apens (février Zigomar de la maison Le Prince - 1912 de Nick Winter. Puis en 1913), « Feuillade a mis en concurrente Eclair ! Car 1913, un Nick Winter plus place tous les ingrédients Jasset, de retour chez Eclair fort que Sherlock Holmes du film policier : au début de l’année 1911, qui sera suivi en 1914 par «Dervieux, à partir d’un avec le titre de Directeur un Sherlock Holmes roulé fragment de buvard, mène artistique, s’est emparé de par Rigadin. Rigadin est une enquête à la Sherlock Zigomar et réalise un coup un des grands comiques Holmes et démasque un de maître à l’écran. de la maison Pathé. intrigant doublé d’un assassin ». Francis Lacassin. Le crime à l’écran - 1898 - 1927 panneauxcrimeOK 7/07/04 16:01 Page 7 Le Règne des bandits : ZIGOMAR, FANTOMAS, ROCAMBOLE

1910. Le journal LE MATIN Jasset a introduit Nick • Fascicules publie un feuilleton en 164 Carter dans les aventures des aventures épisodes de Léon Sazie, le de Zigomar ! L’auteur, de Zigomar créateur du Bandit ZIGOMAR, Léon Sazie, indigné intente bientôt regroupés et vendus un procès à la maison Eclair. en 28 fascicules à 10 puis Les recettes des films ECLAIR, à 20 centimes pièce. grâce au film policier, se Chaque fascicule fait le rappel hissent à la troisième place de l’épisode précédent, du box office mondial, juste c’est donc à suivre… derrière Pathé et Gaumont. Zigomar est le premier de tous les criminels masqués. La maison Pathé, maintenant, Zigomar défie la justice et face au succès phénoménal nargue le policier Paulin de Zigomar sur les écrans Broquet. du monde entier, veut entrer Zigomar est le chef dans la danse, et cherche de la bande des « Z », une un bandit à mettre à l’écran. mystérieuse organisation Un matin de 1913 Pierre dont le mot de passe est Souvestre arrive essoufflé, « Z’a la vie ! Z’a la mort » en trombe, chez Marcel Allain : « Pathé offre 2000 Jasset a choisi l’acteur, francs pour les droits Alexandre Arquillière pour d’adaptation cinématogra- • Affiche incarner Zigomar à l’écran phique de Fantômas ! ». de Zigomar dans les trois films qu’il Marcel Allain raconte : de Victorin Jasset tourne : Zigomar, roi des « J’ai décroché mon télé- 1911 voleurs (1911), Zigomar phone et fait part de l’offre contre Nick Carter (1912) et de Pathé à Monsieur Il m’a répondu : conclu. Zigomar, peau d’anguille Gaumont, tandis que Pierre, Et voilà comment Feuillade (1913) par de grands gestes a fait Fantômas. » désespérés, me conseillait L’acteur, René Navarre quitte la modération. J’ai proposé le rôle du détective-justicier à Gaumont de traiter avec Dervieux pour endosser lui pour six mille francs. celui de Fantômas, le Maître de l’Effroi. « Aux personnages mondains, aux décors bourgeois et aristocratiques fréquentés par Dervieux succèdent banlieues, bas-fonds et faubourgs peuplés • Les différents visages de René Navarre d’apaches, de receleurs, dans Fantômas (Musée Gaumont) de chiffonniers, de prostituées et d’escrocs. »

(Maître des lions et des vampires, Louis Feuillade par Francis Lacassin. Ed. Pierre Bordas & fils) panneauxcrimeOK 7/07/04 16:02 Page 8 …Le Règne des bandits : ZIGOMAR, FANTOMAS, ROCAMBOLE

• L’affiche du film Fantômas est la première Feuillade réussit à déjouer affiche du cinéma français par une subtile auto-censure censurée. Le héros tenait les foudres de la censure dans sa main droite de son patron Gaumont un poignard, comme ainsi que la censure des sur la couverture du livre Maires qui peuvent interdire de Pierre Souvestre et selon la Loi de 1884, tout Marcel Allain. Jugeant film menaçant l’ordre et cela trop violent, on imposa à la Gaumont la moralité publiques. de le supprimer. Feuillade réalisera cinq Fantômas de mai 1913 à mai 1914. 1913, L’année du triomphe La Maison Pathé, qui n’a de Fantômas sur les écrans pu saisir « l’insaisissable est aussi l’année de la mort Fantômas » opte pour de Victorin Jasset, le père le célèbre malfaiteur fondateur du film policier, Rocambole, imaginé par mais aussi du film fantas- Ponson du Terrail, que met tique (avec l’adaptation en scène Georges Denola du roman Balaoo de au sein de la filiale SCAGL Gaston Leroux) , du film de Pathé. de contre-espionnage L’acteur Gaston Silvestre (avec la création de PROTEA, joue Rocambole dans • La jeunesse de Rocambole de Georges Denola – 1913 la femme espionne (déjà la série de trois films : en collant noir en 1913), La jeunesse de Rocambole, interprétée par l’athlète Les exploits de Rocambole Josette Andriot), trois genres et Rocambole et l’héritage majeurs au cinéma mais du Marquis de Morfontaine. mineurs en littérature ! Presse et cinéma, vecteurs La maison Eclair, après la de « La propagande du crime mort de Jasset, adapte en par l’image et le journal » 1914 trois autres romans sont dénoncés tant par de Gaston Leroux. Chéri-Bibi les milieux catholiques est réalisé par Charles de la Bonne Presse, Krauss. Maurice Tourneur, conservateurs de droite, assistant puis metteur en que par la gauche radicale • Gaston Silvestre scène à l’ACAD et socialiste. dans Rocambole de Georges • Josette Andriot (Association cinématogra- Même les anarchistes Denola - 1913 dans Protéa 1913 phique des auteurs drama- dénoncent : « cette pâture tiques) filiale d’Eclair, dépravante du feuilleton adapte à l’écran Le mystère qu’on a le cynisme de de la chambre jaune et Le baptiser littérature », ainsi (L’Encre parfum de la Dame en noir, que Fantômas, Nick Carter et le sang après avoir fait ses premières « et autres produits débités de Dominique armes avec Monsieur par tranches chaque Kalifa. Lecoq, le célèbre roman soir dans les cinémas Ed Fayard). policier d’Emile Gaboriau. des faubourgs ». Le crime à l’écran - 1898 - 1927 panneauxcrimeOK 7/07/04 16:02 Page 9 La censure : offensive de printemps 1912

Jasset en avril et mai 1912, met en scène Les Bandits en automobile, inspirés des exploits de la Bande à Bonnot, qu’il a puisés dans les faits relatés par la presse. Les deux films, L’Auto grise (300 m.) et Hors la loi (420 m.) ont un cachet d’authenticité d’actualités reconstituées. Le premier, L’Auto grise sort en salle le 13 avril 1912 et comprend des scènes de meurtre, de vol et de ENFIN , « l’initiative est gravure ou photographie • La bande à pillage. prise par le maire de Belley, «représentant des scènes Bonnot prend Le deuxième film les Hors qui suspend par arrêté la de morts ou de crime réel- la fuite (L’illustration la loi qui est interdit de projection des Bandits en les ou imaginaires »). En du 30 mars 1912) sortie, relate la suite des automobile, « un spectacle novembre c’est au tour du crimes et la chute de la démoralisant au premier Préfet de Gironde d’interdi- Bande à Bonnot, retranchée chef, qui ne pouvait que re « sur tout le territoire du dans un pavillon de Choisy satisfaire les curiosités les département … les repré- le Roi, pris d’assaut par plus malsaines ou éveiller sentations par le cinémato- les forces de police. les pires instincts ». graphe de scènes d’anar- Jasset est accusé de faire Applaudi par les milieux chie et de banditisme ». du cinéma une « ECOLE catholiques, l’exemple est du CRIME », pire que celle rapidement suivi à Lyon où (L’encre et le sang de Dominique que propage la presse à Edouard Herriot promulgue Kalifa. Ed. Fayard) sensation ! un arrêté similaire le 14 juin, à Bordeaux, La Rochelle, Toulon, Lille, Rouen, Le Mans et, bien sûr Dreux, la cité de Maurice Viollette (auteur d’un pro- jet de loi en 1908 pour interdire la publication de toute illustration, affiche, • Victorin Jasset

• Carte postale publiée après l’arrestation de Jules Bonnot.

• Article du Petit Parisien du 8 avril 1912 Le crime à l’écran panneauxcrimeOK 7/07/04 16:02 Page 10 La guerre des serials (France - Amérique) ( 1915 – 1919)

• Les mystères de New York de Louis Gasnier

• Affiche des Vampires de Louis Feuillade

1915, les salles de cinéma 1915 à mars 1916. IRMA ont réouvert leurs portes. VEP, l’héroïne du film, La filiale américaine de moulée dans son collant Pathé, Pathé-Exchange noir est incarnée par produit à la chaîne des l’actrice MUSIDORA. films à épisodes racontés simultanément dans la Les Mystères de New-York presse de William Hearst. de Pathé-Exchange, réunion • Premier épisode Le succès aux Etats-Unis de 22 épisodes de différents des Mystères de est énorme. sérials : Perils of Pauline , New York publié The Exploits of Elaine, dans LE MATIN Gaumont face au danger The new exploits of Elaine de l’arrivée imminente réalisés par le français qui révolutionne, du même d’Amérique, des films à Louis Gasnier émigré à coup deux professions : épisodes de son concurrent New-York, dont l’héroïne après sept feuilletons Pathé, a demandé à Feuillade, est la ravissante blonde publiés en rez-de-chaussée démobilisé, de faire la suite Pearl White, sont prêts à de ce journal, tous les ven- des aventures de Fantômas. débarquer sur la France. dredis de chaque semaine, Mais René Navarre a décliné Pierre Decourcelle (roman- jour de changement d’affi- l’offre de la firme à la cier populaire et fondateur che des cinémas, le film qui Marguerite et a créé sa de la SCAGL en 1908) est fait revivre ces sept feuille- propre maison de production chargé par Pathé-Frères de tons apparaîtra sur l’écran et y restera jusqu’au vend- «Les Films René Navarre » synchroniser le rythme • Affiche des Vampires qui arbore un trèfle à quotidien d’écriture du redi suivant…Et ainsi de de Louis Feuillade quatre feuilles et commence feuilleton dans Le MATIN, suite, jusqu’à la fin … ». à produire des films au rythme hebdomadaire patriotiques ! de sortie du film dans les Gaumont contre-attaque salles, comme cela se fait (Les Mystères du Rez-de-chaussée. avec « Les Vampires » en Amérique. Bibliothèque Nationale /Société ( 10 épisodes) que Il explique à la une du Des Gens de Lettres. Brochure de Feuillade invente au fur et à MATIN le principe de « cette l’Exposition. Emmanuelle Toulet. mesure en 6 mois, d’août idée hardie et sensationnelle, 1987). panneauxcrimeOK 7/07/04 16:03 Page 11 La guerre des serials (France - Amérique) ( 1915 – 1919)

Alors que Pathé vante par De fin novembre 1915 à fin voie d’affiches les exploits juin 1916, les français sont de La main qui étreint (1er tenus en haleine par les épisode des Mystères de dangers courus par la blonde New-York), Gaumont Pearl White et sont fascinés devance Pathé et sort, le 13 par la vénéneuse Musidora. novembre 1915, les deux 1er épisodes des Vampires (La Gaumont a résisté à Pathé- tête coupée et La bague Exchange. La deuxième qui tue). Musidora est manche oppose, au cours intervenue personnelle- de l’année 1917, les 15 ment auprès du Préfet de épisodes du Masque aux • Judex de Louis Paris pour qu’il n’interdise dents blanches de Pathé- Feuillade – 1917 pas les Vampires à l’écran. Exchange aux 12 épisodes Il n’a rien pu lui refuser ! de Judex que Feuillade «Le 4 décembre, Pearl réalise et co-scénarise White finit enfin par offrir avec Arthur Bernède. sa blondeur coiffée d’un Judex bénéficie du couplage béret et son innocence avec un concurrent du aux coups de l’homme au MATIN : LE PETIT PARISIEN. mouchoir rouge. Le même Après le personnage jour, dans Le Cryptogramme du détective et du bandit, rouge (troisième épisode le héros-justicier fait son des Vampires), Musidora apparition sur les écran lui opposait son charme avec Judex, dont le rôle pervers. A la cagoule titre est tenu par René et au collant de soie noire, Cresté. la brune et pulpeuse Le succès de Judex est Musidora ajoutait une touche énorme. LE PETIT PARISIEN érotique que la sportive, demande une suite Le crime à l’écran - 1898 1927 Josette Andriot, n’avait pas au feuilletoniste Arthur su donner à cet uniforme Bernède. Ce sera La nouvelle de travail quand elle l’arbora mission de Judex qui paraîtra la première, dans Protéa… » en 12 épisodes au cinéma et 84 feuilletons dans les (Maître des lions et des vampires, colonnes du PETIT PARISIEN • Parodie du premier Louis Feuillade par Francis en 1918, dernière année de épisode des Lacassin. Ed. Pierre Bordas & fils) la guerre. Mystères de New York, La main qui étreint : Le pied qui étreint de Jacques Feyder – 1916 • Publicité du PETIT PARISIEN annonçant la publication de • Musidora (Musée Judex dans ses Gaumont) colonnes panneauxcrimeOK 7/07/04 16:03 Page 12 La vague des CINEROMANS (1919 – 1927)

• Tih Minh de Louis Feuillade – 1919

Gaumont a les mains libres, mais la concurrence améri- caine est encore plus sévère après la guerre. Feuillade est bien esseulé pour tenir • Roman cinéma tiré du Stigmate (Musée Gaumont). tête à cette invasion. Il réalisa encore quelques films à épisodes d’inspiration policière comme Tih Minh (ciné-roman hebdomadaire en 12 épisodes – 1919), Barrabas (Ciné-roman hebdomadaire en 12 épisodes – 1920) ou encore • Roman cinéma de Barrabas Le stigmate (en six chapitres (Musée Gaumont) – 1925) publié par les Editions J. Ferenczi et fils Charles Pathé au tout en romans à épisodes. début des années 20, s’est désinvesti de la production René Navarre, de son côté a et a vendu sa filiale de réussi à produire La nouvelle production Pathé-Exchange aurore en 15 épisodes, aux capitaux américains, sur un scénario de Gaston ainsi que ses studios, sa Leroux, mis en scène par maison de production et de Edouard-Emile Violet, distribution française à un paraissant en feuilleton groupe de repreneur français dans LE MATIN et distribué Navarre fort de ce succès • Barrabas de sous l’enseigne concédée par Eclipse sur 15 semaines favorise la création de la Louis Feuillade de Pathé–Consortium. d’avril à août 1919. « Société des Cinéromans » 1920 en septembre 1919, par Serge Sandberg et Charles Zibell, en s’appuyant sur LE MATIN, qui a pris sous contrat exclusif Gaston Leroux et Arthur Bernède. panneauxcrimeOK 7/07/04 16:04 Page 13 La vague des CINEROMANS (1919 – 1927)

De 1919 à 1922, René et L’Echo de Paris, contrôlés Navarre supervise en tant par le consortium qu’a créé que Directeur artistique la le directeur du MATIN : société des « CINEROMANS ». Jean Sapène. Il met en chantier une série En 1922, Jean Sapène, prend de films policiers à épisodes, le contrôle de la Société qui seront tournés à Nice et des Cinéromans et remplace • Belphégor de adaptés de Gaston Leroux : René Navarre par Louis De leur côté, à Montreuil, Henri Desfontaines Tue -la-mort, Le Sept de Nalpas à la direction les émigrés russes sous 1927 Trèfle et Il était deux petits artistique des Cinéromans. la conduite de Joseph enfants et d’ Arthur Bernède : Il produira de grands films Ermolieff puis d’Alexandre L’Homme aux trois masques. policiers à épisodes : Kamenka lancent quelques Le secret d’Alta Rocca, film Rouletabille chez les films à épisodes à caractère

qui comporte 12 épisodes, Bohémiens, sur un scénario policier, mais ne bénéficie Le crime à l’écran - 1898 1927 permet de suivre les aven- de Gaston Leroux, Vidocq aucunement d’un couplage tures du romancier-détective en 1923 (10 épisodes) avec la presse : La Maison Octave Bernac. Ce film sera réalisé par Jean Kemm du Mystère en 10 épisodes publié en feuilleton dans et Belphégor en 1927 (4 réalisé par Alexandre Volkoff LE MATIN, et dans les trois chapitres) sur un scénario en 1922 et un truculent autres grands quotidiens, d’Arthur Bernède et réalisé Robert Macaire que réalise Le Petit Parisien, Le Journal par Henri Desfontaines. en 1926 Jean Epstein.