Tome Soixante Et Un / 1 Volume Sixty One / 1 2002
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VIE OBLATE LIFE TOME SOIXANTE ET UN / 1 VOLUME SIXTY ONE / 1 2002 OTTAWA, CANADA Les années du père Fernand Jetté, Vicaire général, puis Supérieur général (1972-1980) Témoignage1 -- Albert Schneider, o.m.i. SUMMARY – The Author was General Councillor for Europe from 1972 to 1980 in the Oblate General Administration. For this reason, he collaborated intimately with Fr. Fernand Jetté who first became Vicar General (1972), then Superior General (1974). He tells us how he came to know and appreciate a man who, at the beginning of his term, did not manifest his true personality nor the richness of his heart and temperament because of his apparent timidity. He then describes the simplicity and the humility of the man who, despite the great difficulties the Congregation had to face, remained calm and serene. His kindness showed through in all he was, as well as his capacity of discernment, in situations which at first seemed inextricable. The Author then speaks of Father Jetté, the Oblate who had an unequalled knowledge and love of the Founder and of the history of the Congregation. None could welcome the Beatification of Eugene de Mazenod in 1975more then he did. During his time as Vicar and Superior General, Fr. Jetté assumed his responsibilities with courage and faith. In short, he was the man of the hour whom the Providence sent to the Congregation at a time of great difficulties. «Il n’y a que les montagnes qui ne se rencontrent jamais.» En effet, dans la société actuelle, les facilités de déplacements sont telles, que souvent, loin de chez soi, on est stupéfait de rencontrer des personnes avec lesquelles on a des connaissances communes. Bien souvent, j’ai fait cette expérience dans mes nombreux voyages. Pourtant rien ne laissait prévoir qu’un jour je rencontrerais le Père Fernand Jetté. Il avait étudié à Paris pendant deux ans et malgré mes passages a la Procure de la rue de l’Assomption, je ne l’avais jamais vu. C’est le Chapitre de 1972 qui en a été l’occasion. Le Père Jetté était membre du Chapitre, comme délégué de la Province Saint-Joseph du Canada. Moi-même je terminais mon second mandat comme provincial de France-Midi. Parvenant au terme de mes six années, j’avais entrepris une démarche auprès du P. Léo Deschâtelets, le Supérieur général d’alors, lui demandant de ne pas venir au Chapitre, préférant laisser la place à un autre Oblat de la Province, qui serait peut-être appelé à me succéder. Les Constitutions d’alors prévoyaient et admettaient une telle démarche. Le P. Deschâtelets n’a pas accepté ma requête, me demandant d’être présent au Chapitre. Ce Chapitre de 1972 a été difficile. C’était l’après-Concile (1962-1965) et après les événements de mai 1968 en France, événements qui ont eu des prolongements plus ou moins marquants dans d’autres pays. Deux groupes s’affrontaient dans les échanges durant ces semaines de réflexions et de discussions. Les uns souhaitaient une modification des structures de gouvernement et d’animation de la Congrégation. D’autres ne voulaient rien changer. Aussi, c’est au cours de ces échanges, soit en séances plénières, soit dans les couloirs que j’ai commencé à découvrir et à apprécier la qualité de réflexion du P. Jetté. Il commençait à sortir de l’ombre. 1. L’homme. Son extérieur pouvait tromper, en raison d’une certaine réserve, d’une certaine timidité, d’un manque de spontanéité. Je disais de lui: «Il a tous ses défauts – ou plutôt ses limites – à l’extérieur et toutes ses qualités à l’intérieur». Il le savait et il riait de cette boutade. Il fallait l’approcher, converser avec lui pour découvrir ce bel ensemble de riches sentiments dont son cœur était porteur. On dit parfois: «Pour connaître un homme, il faut manger un sac de sel avec lui». Ce sac de sel, je l’ai mangé avec le P. Jetté pendant ces huit années au Conseil général. C’était un homme de cœur. C’est là l’image la plus simple et la plus riche à la fois qu’on puisse avoir de lui. Car, nous le savons, c’est par ses qualités de cœur qu’un homme est grand – de la véritable grandeur. On peut concéder à un homme toutes les qualités de l’intelligence et du savoir, s’il n’a pas de cœur c’est un monstre. Et malheureusement notre monde au cours du siècle qui s’est terminé – et aujourd’hui encore – a été gouverné bien souvent par ces hommes orgueilleux, froids, brutaux et sans cœur. S’il n’est pas facile de présenter toutes les qualités de cœur du P. Jetté, on peut du moins en retenir quelques-unes: Sa simplicité, son humilité Jamais sans doute il n’avait songé qu’un jour, il serait propulsé à une telle responsabilité dans la Congrégation, et dans un premier temps aux côtés du P. Hanley, nouveau Supérieur général. C’étaient deux hommes au tempérament bien différent, ce qui veut dire que, de prime abord, la collaboration n’était pas évidente. Mais en toute simplicité et avec tout son cœur, le P. Jetté a fait face à cette situation, ne voulant pas autre chose que la volonté du Seigneur exprimée par le vote du Chapitre. Qu’il me soit permis de rapporter ici un fait qui illustre bien sa simplicité et son humilité. Au cours de son mandat comme supérieur général, on avait organisé entre les membres du gouvernement général – 10 personnes – et avec le Procureur auprès du Saint-Siège et l’Économe général, quatre équipes de «révision de vie». Je ne me souviens plus du nom de la personne qui avait fait cette proposition. On avait mis les douze noms dans un vase, tirant ainsi au sort la composition de chaque groupe. Il y avait donc trois groupes de quatre personnes. On se retrouvait ainsi, à chaque session plénière du Conseil général, pour une révision de vie. Chacun alors, à tour de rôle, était invité à s’exprimer sur sa manière de vivre sa responsabilité, étant entendu que ce que l’on partageait avec le groupe restait secret et ne devait pas être colporté à l’extérieur, la rencontre terminée. Pendant plusieurs années, nous sommes restés fidèles à cet exercice de partage. Et quand son tour venait, le P. Jetté s’exprimait avec sa simplicité habituelle, nous confiant ses soucis, ses interrogations, ses peines aussi, dans la marche de la Congrégation; il soulignait aussi ses joies quand des nouvelles encourageantes lui parvenaient. En conclusion, il faisait appel à notre aide, dans la prière surtout, pour l’aider dans l’exercice de sa charge. Un jour, il s’est même laissé aller à une confidence pour évoquer un fait que personne ne connaissait. Il était au juniorat. Que s’est-il passé, et à la suite de quelles circonstances? Il a écrit à son père de venir le chercher. Il ne voulait plus rester. Le père est venu avec des valises vides pour ramener le petit Fernand à la maison. Quelle a été la conversation entre le père et le fils? Toujours est-il qu’au moment de partir, le papa pose la question: «Alors, tu rentres avec moi?» Et Fernand, après quelque hésitation répond: «Non, je reste». Étonnante réponse sans doute éclairée par l’Esprit Saint. Oui, bien souvent, toute une destinée se joue à un moment, apparemment anodin, mais pourtant décisif et capital, non seulement pour la personne mais aussi pour tout l’environnement, en l’occurrence pour la Congrégation et l’Église. Tant de simplicité, tant de confiance nous touchaient tous. Son calme, sa sérénité Calme dans sa démarche, avec toujours le même pas mesuré, il gardait ce même calme dans la conduite de sa vie et de ses lourdes responsabilités. C’était, chez lui, une affaire de tempérament. Mais quand il faut faire face à des conflits difficiles à solutionner, connaître des situations délicates à gérer, garder son calme, la tête froide, cela devient une vertu. Comme chacun de nous, il a connu des impatiences, des agacements, des contrariétés multiples et, dans son for intérieur, un certain bouillonnement de sentiments divers, mais jamais il n’en a rien laissé paraître, agissant et intervenant toujours en responsable. On pouvait deviner le beau travail de l’Esprit Saint en lui. Qui pourra jamais décrire la peine qui a été la sienne au moment de la démission du P. Hanley? J’étais de «permanence» à Rome ce mois de juin 1974. La session plénière qui s’était terminée quelques semaines plus tôt, avait été pénible, le P. Hanley nous ayant fait part de sa probable démission. Et voilà que, quelques semaines après la session, le courrier apporte trois lettres du P. Hanley, l’une destinée au Pape, la seconde aux membres du Gouvernement général, le troisième enfin à l’ensemble de la Congrégation. C’est la consternation. Commence alors pour le P. Jetté toute une série de démarches pénibles et humiliantes: avertir les autorités romaines et les Supérieur des Instituts religieux. Il fallait surtout préparer la Congrégation à «encaisser un tel choc», voir comment l’amortir ... enfin convoquer le plus rapidement possible un nouveau Chapitre général. Ce furent des journées «lourdes» pendant lesquelles le P. Jetté nous a demandé de prier le Fondateur, nous rappelant que, lui aussi, dans les débuts de la Congrégation, a connu épreuves et déboires. Sa peine était immense, il la partageait quelquefois avec ses proches collaborateurs, tout en gardant son calme, un calme s’appuyant sur sa foi et sa confiance au Christ Sauveur et à la Vierge Immaculée.