DU CARDINAL DE GRANVELLE. 335 LXXI. Monsieur Le Prévost : Par Mes Dernières Je Vous Advertiz De La Réception De Voz Lettres D
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
DU CARDINAL DE GRANVELLE. 335 LXXI. LE CARDINAL DE GRANVELLE AU PRÉVÔT MORILLON (Bibliothèque de Besançon. — Lettres de Morillon, t. IV, fol. 72 à 75. — M. F.) Rome, le 2 avril 1807. Monsieur le prévost : Par mes dernières je vous advertiz de la réception de voz lettres du dernier de febvrier, et hier je reçeuz celles des trois et quinziesme de ce mois; et par les dernières je veoiz que le lendemain vous debviez estre à Bruxelles, et ne vous plaignez de vostre bras, que me donne espoir que tout se porte bien, ou que du moings vous trouvez que le temps vous y donne allégement. Si seroit-il bien de faire venir vers vous le maistre de Herenthals 1 afin qu’il vous donne quelque chose qui peu à peu fortiflie les nerfz et resculle et resolve les humeurs que pour- roient avoir couru celle part. La deffaicte du Sr de Toulouse pourra beaulcoup servir, et si le second 5 estoit avec le premier (s’il ne se veult recognoistre) se seroit mieulx pour luy et pour sa maison à laquelle il pourroit faire plus grande honte. Et si l’on continue le chemin de envoyer sur les assemblées quant elles com- mancent, afin que l’on ne leur donne temps pour croistre, tout yra bien. Mais si l’on leur laisse prendre pied et qu’ilz viennent une fois à avoir la main dessus, tout yroit mal et sans remyde. Dieu doinct bon succès à ceulx qui sont sur Valenciennes; d’iceluy despend beaulcoup, et si est de très-grande impourtance la déclaration qu’a faict Monsr d’Egmond. Vous vous souvenez de ce que je vous en ay tousjours escript, et de l’opinion que j'en avoye. Il est maintenant plus que temps de rompre la lighe, et le ’ Un long fragment de cette lettre a déjà été imprimé dans Groen, Archives, Supplément à la lre série, pp. 42, 4-5, avec une erreur dans l’interprétation du signe qui désigne Mol le Borgne. 1 Le médecin d'Hcrenthals dont il a déjà été question, à diverses reprises, dans le présent tome et dans le tome Ier. * Marnix de Sl'-Aldegonde. 336 CORRESPONDANCE sèrement que l’on prend des fieffez tend à ce. Dieu doincl bonne vye a celluy qui l’a mis en avant! Je ne sçay pour quoy en Brabant l’on n’y a employé le borgne de Mol peult estre est-ce pour ce que l’on le tient pour espie du prince d’Orange, et peull-estre non sans cause. Aulcungz dient que Monsr le prince al envoyé sa femme et enffans en Allemaigne, et qu’il suyvra tost. Jaymeroye mieulx qu’il se recongneust, et qu’il prinst la mesme résolution que Mr d’Egmond de servir syncèrement à Dieu et au Maistre, que seroit le vray chemin pour regaigner la grâce et confidance du Maistre, et ne pourroit faire pis pour soy que de demourer incertain et de vouloir nesger entre deux eaues; car il se rend par ce boult suspect et odieux aux deux parties, tesmoing ce que disoit Licurgus de ceulx qui sont neutraulx aux républicques. Et s’il ne se veult bien déclairer pour le Roy, pleust à Dieu qu’il fust déjà en Aile— maigne; je craindroye peu le secours que de là il pourroit amener sans argent, et je sçay ce que du présent y peullent les princes. II feroit peu de mal si, incontinant qu’il seroit party, l’on s’attaclioit vifvement à ses gens et à ses parliaulx qui seroient toutz deffaictz devant que le secours luy vinst. Et qu’il voise en Allemaigne quant il vouldra,quoy que y puisse avoir faict son frère et son beau-frère *, le secours n’arriveroit de deux mois. Cependant se peulvent faire beaulcoup de choses; et m’esbaye que, puisque les choses sont venues si avant que de venir aux mains, que l’on ne cite pas Iedictz Brederode et Straelen, pour procéder contre eulx et contre ceulx qui leur vouldroient adhérer, executans particulièrement les confiscacions et contre eulx et contre ceulx de Valenciennes, s’aydant de l’argent des ventes et de celluy deheu aux marchantz, qui se déclairent contre le Maistre, pour ayder à pourter les fraiz, et faisant don d’aulcunes confiscations à ceulx qui bien servent. Les choses sont trop déclarées pour y procéder si mollement, et ne sçay à quoy sert ces te dissimulation et pusillanimité. Si l’on prenoit ce chemin, l’on hosteroit aux adversaires le moyen, et tost se recongnoistroient plusieurs, quant ilz verroient telle procédure contre aulcungz, pour non se perdre aussi; et feroit l’on par ce boult grand chemin à la clémence. Je suis bien marri que Brederode se 1 Voir plus haut, p. 509, note 3,ne. * Le comte Louis de Nassau et le comte Gunther de Schwartzbourg. DU CARDINAL DE GRANVELLE. 337 déclaire si avant, s’y estant miz à la persuasion des plus grandz ennemyz qu’il aye en ce monde; mais puisqu’il les a plus estimé que ses vrayz amyz, son adventure luy vaille! Je ne suis pas délibéré de m’en plus rompre la teste. Sa Majesté, comme vous aurez veu par mes lettres, in’escript que sans faulte elle vient, et m’esbays que le duc d’Alve ne soit jà en ltalye, où François d’Yvarra 1 at jà fort préparé ce que sert à son passaige, afin qu’il ne se destienne, et se préparent fort bonnes gens. De les appercevoir il n’at esté que bien pour, comme j’ayjà cy devant escript, faire perdre l’envye à qui se fust voullu déclairer; mais ce seroit à mon grand regret que tout cela enlrast au pays pour la grande ruyne que cela causeroit, et n’y voul- droye veoir tant d’estrangiers. ny qu’y succédast ce que aulcungz persua dent par delà pour commouvoir les subgectz : Sed mulfi ad fatum venere suum, dum fata liment; et l’on ne procède pas par le chemin qui convien- droit pour réparer contre le mal. Combien de fois m’avez-vous ouyz dire, moy estant là, que s’ilz voulloient tenir intelligence avec moy pour soubs- tenir la liberté du pays et les privilèges, je y meltroye la propre vie mieulx et plus voulentiers que plusieurs d’eulx Doibz icy je ne puis ce que en présence; et ne me semble pas qu’ilz ont prins le chemin que convenoit, pour exclure les Espaignolz des affaires de par delà, de compourter une si absolute auctorité et tant contre raison de Armenteros, qu’a faicl, oiillrc aultres choses, les despesches en Espaigne, dont ny Monsr le président par delà, ny Mr dcTisnacq, n’ont lieu part. Et comme voulez-vous que par ce boult les affaires voisent bien? Et de ce se peult veoir ce que peult l’aveuglement de i’ambicion, et où ilz fondoient l’espoir qu’ilz avoient mis sur aulcuns qui en Espaigne leur correspondoient; et Dieu, qui con fond les desseingz pernicieux des hommes, a rétorqué ce qu’ilz prétcn- ’ Don Francisco d’Ybarra, munitionnaire général des armccs et escadres du Hoi, avait clé chargé d’aller en Italie, de régler les étapes de l’armée du duc d’Albc, «le pourvoir chacune d’elles de vivres et de munitions, et même de préparer pour le passage des troupes deux ponts de bateaux, l’un sur le Rhône et l'autre sur l’Ain. On parlera encore souvent de ce personnage qui vint dans les Pays-Bas avec le duc. Il était parti de Madrid pour Milan, le 18 février, avec trois cent mille écus. Voir Slrada, édition citée, t. Il, p. 65; Gachard, Don Carlos et Philippe II, t. II, p. 369; Gachard, La Bibliothèque nationale à Paris, t. Il, p. 250; Commentaires de Bernardino de Mendoça, t. Ier, p. 52, ctc. ’ Voir t. I", p. H2, et p. H3, note i". T ome II. 43 ii 338 CORRESPONDANCE doient à leur propre ruyne et du pays \ Et cecy soulïict pour voslre intelligence, avec ce que j’en ay si souvent escript, et que par aultres miennes vous aurez jà entendu la cause pour quoi le Seigr don Garcia est retourné à Putzol, et est jà arrivé avec les gallères le seigneur Joan Andréa* à Barcelone. De l’emprinse d’Argel a, pour ceste année, ce sont fables à ce que j’ay entendu du seigr don Garcia mesmes, et de ce que Sa Ma'4 m’en a res- pondu, luy ayant touché sur ce poinct il y a plus de quatre moys. J’ay heu grand plaisir d’apprendre que ceulx d’Amsterledam se soient si bien pourté, rejectant le mis en avant de Brederode et le priant de sortir de leur ville; et est fort bien aussi que Ulrecht et le chasteaul soient pour- veuz, et que les villes de l’isle de Walchren d’elles-mesmes se soient si bien pourtées contre les vains desseings de Toulouse, et que Madame y aye despuis mieulx pourveu, y envoyant gens; et je vous asseurc que, si j’es- toye là, et que Madame voullust croire, je craindroye fort peu, avec les gens qu’elle ha, secours que de quattre mois peult venir aux sectaires. Cecy souiïira pour ce coup pour responce ad ce que touche les affaires publicques, le conjoignant avec ce que j’ay cy-devant escript. Et de vous mesmes, selon que les occasions s’addonneront, en pourrez dire divisant des affaires comme pour voslre advis, au président Viglius, ce qui vous semblera.