Cardinal De Granvelle
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CORRESPONDANCE Dll CARDINAL DE GRANVELLE, 1 5 6 5 — f 5 8 3 , PUBLIÉE PAR M. CHARLES PIOT, ARCHIVISTE GÉNÉRAL DU ROYAUME, MEMBRE DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE, MEMBRE DE LA COMMISSION ROYALE D'HISTOIRE. FAISANT SUITE AUX PAPIEIiS D’ETAT DU CARDINAL DE GRANVELLE. PUBLIÉS DANS LA COLLECTION DE DOCUMENTS INÉDITS SUR L’HISTOIRE DE FRANCE. BRUXELLES, K. MAYEZ, IMPRIMEUR DE L’ACADÉMIE ROYALE. 1 8 8 6 PRÉFACE. I. L’édition du tome V de la Correspondance de Granvelle, à laquelle nous avons mis la main en 1885, comprend les lettres des années 1574 et 1575. Elles sont au nombre de cent quatorze, se décomposant comme suit : trois lettres du cardinal au roi; deux lettres de celui-ci au cardinal; une lettre de l’empereur Maximilien II; deux lettres de l’impératrice Marie; une lettre d’Anne, princesse de Pologne; une lettre de l’archiduc Charles d’Autriche; quatre lettres de Guillaume, prince de Bavière; une lettre du prince deClèves et de Juliers; une lettre de Don Ferdinand de Lannoy; une lettre de Berlaymont; une lettre du cardinal Alciat; quatre lettres de Yiron; une lettre à Anne, princesse de Pologne; une lettre à l’archiduc Charles; une lettre au duc de Soria; quatre lettres au duc d’Urbin; une lettre à Marguerite de Parme; trois lettres à Don'Juan de Çuniga; quatre lettres au prieur de Bellefontaine ; une lettre à] François d’Achey; une lettre au secrétaire ldiaquez; soixante-jieuf lettres de Morillon; instruc tions données à Don Pedro d’Avila, marquis de Las Navas, et au licencié Don FYancisco de Vera. envoyés à Rome par le roi Philippe II. A la rigueur, ce document n’aurait pas dû figurer dans notre volume, confor mément aux principes émis dans la préface du'tom e IV. Cependant nous avons cru devoir le publier à cause des renseignements qu’il renferme sur T omf. V. t II PRÉFACE. la nature des relations si intimes entre le roi et le S^Siège, relations qui intéressent à la fois l’Espagne, l’Italie et notre pays. Toutes ces missives ne traitent pas des événements politiques du temps. Sous ce rapport les lettres au roi, celles que ce monarque adressait au cardinal, les lettres à Çuniga et celles de Morillon ont seules un intérêt incontestable. Les autres dépêches renferment des recommandations, des renseignements sur la famille et les affaires particulières de Granvelle. Elles appartiennent toutes à l’époque pendant laquelle le cardinal résidait en Italie. Dans quelques-unes de ces missives on voit poindre l’idée de faire bientôt passer le cardinal à la cour de Philippe; mais rien n’est encore lixé sur ce point. A l’appendice figurent cent septante et une lettres, extraits de lettres ou documents se rapportant aux années 4574 et 157o. Ce sont des correspon dances et des rapports adressés à Requesens sur les événements du jour; des lettres de celui-ci au roi, au Sr d’Hierges, au duc de Lorraine, à Gérard de Groesbeek, évêque de Eiège, au magistrat de Gand, aux États de Namur, au comte de Berlaymont, au marquis d’Havré, aux bourgmestres d’Amsterdam, au duc d’Aerschot; des représentations des États de diverses provinces; des lettres d’Hopperus au roi; des rapports nombreux sur les mouvements des Huguenots en France, en Allemagne, en Suisse et sur les frontières de Bourgogne. Ces documents expliquent et complètent la correspondance de Granvelle. II. Philippe II est, pendant les années 1574 et 1575, tel que nous l’avons décrit dans notre volume précédent. Toujours mal conseillé, constamment mal inspiré, il persiste dans l’idée de réduire les provinces insurgées par la force, il veut bien admettre jus- PRÉFACE. ni qu’à un certain point l’abus de la trop grande violence exercée par le duc d’AIbe, il désire y substituer un régime moins despotique; mais l’emploi de la force armée lui semble toujours le moyen le plus pratique. Jamais lo roi n’a pu comprendre le caractère du Néerlandais, ennemi du despotisme, adversaire déclaré de tout gouvernement autoritaire. A toutes les époques celui-ci a voulu être conduit par la persuasion et d’une manière pater nelle. La force et la violence lui répugnent; elles l’irritent. En dépit de l’insuccès du gouvernement despotique inauguré par le duc d’Albe dans nos provinces, le conseil du roi à Madrid ne veut essayer d’autres moyens pour arrêter l’insurrection aux Pays-Bas (p. 29). C’est une idée fixe profondément enracinée en Espagne. « Quand les Espagnols, dit Morillon, se mettent quelque choseen tête, ils ne veullent en démordre et prennent en suspicion ceux qui leur donnent un bon conseil (p. 21). » Plus loin , il ajoute encore : « Ceux d’Espagne sont si écervelés qu’ils disent qu’il vaut mieux perdre les Etats du roi que d’avoir recours à la clémence (p. 45). » Selon ce prélat le mal est « que le roi demande et prend avis de tous cotés et de toute part, sans les suivre. Les Espagnols lui dissimulent tout, et par leurs dissimulations ils ont alïblé les sujets; et eux n’y gagnent guère. Ils ont perdu tout crédit par suite de leurs stratagèmes et de leurs boutades; le roi lui-même en est moins estimé. » Morillon pense aussi que Philippe est, à la vérité, plus ou moins obligé de sui\re les avis de son conseil; mais il devrait examiner de qui il les prend (p 253). C’était précisément celle perspicacité qui laisail souvent défaut au roi. Quand il s apercevait, un peu trop tard, du mauvais succès des affaires, il en accusait son conseil. Ce qui fait dire par Morillon : « L’on prétend qu’il remet souvent sur le tranchoir de son conseil les mauvais avis quil lui donne, et qu’il a suivis malgré lui et contre son opinion. » Point de doule : si Philippe était parfois en désaccord avec ses conseillers, IV PRÉFACE. il ne suivait pas moins leur opinion parce quelle émanait d’Espagnols ou des gens de leur bord. « Il me souvient, dit Morillon, que le feu empe reur, excellent appréciateur du caractère des Espagnols, les avait tenus en bride; et au moment d’abdiquer le trône en faveur de son fils, l’Espagne dressa immédiatement les cornes, en disant que son tour était venu de s’emparer du gouvernement. Ce qu’elle mit à exécution maqno suo el nostro malo. » L’idée des Espagnols, continue-t-il,était celle de réduire les Pays-Bas en province. L’évêque de Cuença. si dévoué à notre pays, avait beau rappeler au duc d’Albe ce qu’il lui avait prédit sur le résultat de sa conduite, sur l’impossibilité de pouvoir réussir dans ses vues, sur le péril dans lequel il mettait la royauté; tous ces arguments ne produi sirent aucun résultat. Le parti pris de combattre à outrance les insurgés par la force armée était tellement enraciné à la cour de Philippe malgré les conseils de Granvelle et de l’évéque de Cuença, que celui-ci résolut de quitter le roi. Le secrétaire Çayas l’ayant interrogé sur les motifs d’une semblable résolution, le vénérable prélat, ami de la paix et de la clémence, déclara qu’à la cour on ne « traitait un seul mot d’équité, ni de vérité (p. 599). » Malgré le désir de suivre l’exemple du duc d’Albe, Uequesens finit par insister auprès du roi sur la nécessité de publier une amnistie nouvelle. Il ne put rien obtenir. Au dire du Grand-Commandeur, plusieurs personnes prétendaient que le roi ne voulait pas se presser pour souscrire à un pareil acte; il désirait d’abord connaître le résultat de l’attaque projetée par mer contre les rebelles '. Si la victoire appartenait aux Espagnols « tous nous devons désirer que l’on traitât les sujets virga ferrea (p. 55). » Ce n’était pas seulement l’espoir d’une victoire future à remporter par la flotte espagnole qui empêchait Philippe de publier un acte de clémence; 1 Voir, sur l’arm em ent de la (lotte espagnole, G acuard, Bibliothèque nationale des manuscrits à P aris, t. II, p. M o , et Uopperi Epislolœ ad Viylium, p. 594. PREFACE. v les succès éphémères de l’armée du roi au Walerland l’arrêtèrent dans la bonne intention d’avoir recours à la générosité : Çayas annonçait même que la dépêche en était prête. Du moment où le roi apprit ces événements, tout fut arrêté (p. 400). Au mois de février 1575 le vent était, d’après de St-Gouard, à l’amnistie; mais la prise de quelques villes arrêta cet élan de générosité '. Morillon n’en était pas étonné. Il l’avait prédit lorsque la nouvelle de ces succès lui parvint. Il avait compris que la clémence aux yeux du roi était un pis-aller, jamais un mouvement spontané parti du cœur. Ces retards étaient en général très mal vus. « El ce n’est pas à croire, dit Morillon, combien les bons sujets et ceux qui ont à perdre sont malcontents et atterrés pour l’opinion qu’ils ont tous en général que le roi est malcon tent et défiant d’eux, et que partout il les met en proie, et que la promesse d’abolir le dixième denier est vaine (p. 45). » Puis il ajoute: Si le roi tenait le pays en paix et en repos, comme le faisait son père, il commanderait au lieu que l’on veut lui commander actuellement (p. 4a). Ces lenteurs et ces tergiversations, un des caractères distinctifs de Philippe, continuèrent toujours en ce qui concerne l’expédition des affaires.