Lusotopie Recherches politiques internationales sur les espaces issus de l’histoire et de la colonisation portugaises

XIII(2) | 2006 Le politique par le bas Politics from below A política por baixo

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/lusotopie/1321 ISSN : 1768-3084

Éditeur : Association des rechercheurs de la revue Lusotopie, Brill, Karthala

Édition imprimée Date de publication : 30 novembre 2006 ISSN : 1257-0273

Référence électronique Lusotopie, XIII(2) | 2006, « Le politique par le bas » [En ligne], mis en ligne le 13 septembre 2015, consulté le 28 mars 2020. URL : http://journals.openedition.org/lusotopie/1321

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Lusotopie est une revue comparatiste internationale, dont le but est le développement de la recherche politique sur les espaces contemporains issus de l’histoire et de la colonisation portugaises. Elle entend poser tous les problèmes généraux de l’analyse politique (nationalisme, ethnicité, néolibéralisme, réforme de l’État, fédéralisme, relations de genre, guerres civiles, médias, société civile, élections, etc.) : son originalité est de les “traiter” au sein de cet espace postcolonial et composite, présent sur quatre continents et dans de nombreuses diasporas. Paraissant depuis 1994, Lusotopie a publié des travaux d’auteurs de plus de trente nationalités, souvent originaires de pays du Sud et institué un espace de dialogue égalitaire grâce à son usage systématique de trois langues internationales (français, portugais et anglais). Lusotopie is an international comparatist journal devoted to political analysis of contemporary spaces stemming from Portuguese history and colonization. It deals with general issues in political analysis (nationalism, ethnicity, neo-liberalism, State reform, federalism, gender, civil war, media, civil society, election, etc.): it provides an original approach within this heterogeneous postcolonial space on the four continents and in numerous Diasporas. Founded in 1994, Lusotopie has published a wide range of contributions from researchers of over 30 different nationalities, often from Southern countries. It has brought up an egalitarian dialogue space thanks to use of three international languages (French, Portuguese and English). Lusotopie is an international comparatist journal devoted to political analysis of contemporary spaces stemming from Portuguese history and colonization. It deals with general issues in political analysis (nationalism, ethnicity, neo-liberalism, State reform, federalism, gender, civil war, media, civil society, election, etc.): it provides an original approach within this heterogeneous postcolonial space on the four continents and in numerous Diasporas. Founded in 1994, Lusotopie has published a wide range of contributions from researchers of over 30 different nationalities, often from Southern countries. It has brought up an egalitarian dialogue space thanks to use of three international languages (French, Portuguese and English).

NOTE DE LA RÉDACTION

Ont participé à l’élaboration de ce volume : Maria Benedita Basto, Michel Cahen, Patrick Chabal, Manuela Cok, Dejanirah Silva Couto, Rui Feijo, Mendes Fernandes, Josuah Forrest, François Gaulme, Camille Goirand, Isabel Castro Henriques, Brigitte Lachartre, Igor R. Machado, Marissa Moorman, Alain Morice, Eric Morier-Genoud, Jeanne Penvenne, Victor Pereira, Isabe Raposo, Pierre Salama, Jacqueline Vivès

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SOMMAIRE

Étude

Une lecture symptomale de quelques théorisations récentes des guerres civiles Centre d’études africaines, EHESS, Paris Roland Marchal et Christine Messiant

Mélanges

O envolvimento do Brasil na questão timorense Leandro Leone Pepe et Suzeley Kalil Mathias

Silenced Voices Colonial and Anti-Colonial Literature in Portuguese Literary History Ingemai Larsen

Accent : Le politique par le bas

Coups et coûts d’un échec électoral La défaite du Parti des Travailleurs à Porto Alegre (octobre 2004) Frédéric Louault

Les femmes dans le Parti des Travailleurs (PT) à São Paulo (Brésil) Vers l'émergence d'une oligarchie féminine ? Marie-Hélène Sá Vilas Boas

Kummwangalela Guebuza The Mozambican General Elections of 2004 in Muidumbe and the Roots of the Loyalty of to Frelimo Paolo Israel

Cultura, agri-cultura e cultura política no sul da Guiné-Bissau Uma abordagem orientada para os actores sociais Marina Padrão Temudo

Os sentidos da violência e a educação dos sentidos Gênero, corpo e violência em Timor-Leste independente Daniel Schroeter Simião

La chronique des lectures

A Lusografia africana Jean-Michel Massa

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Les comptes rendus

Atilio Boron, Raul Zibechi, Emir Sader & Francisco Rhon Davila (eds), Mouvements et pouvoirs de gauche en Amérique latine Paris, Syllepse – Centre Tricontinental, 2005, 222 p. (« Alternatives Sud », XII-2). Robert Cabanes

Pedro Ramos Brandão, A Igreja Católica e o « Estado Novo » em Moçambique, 1960-1974 Lisbonne, Editorial Notícias, 2004, 259 p. Éric Morier-Genoud

George E. Brooks, Eurafricans in Western Africa – Commerce, Social Status, Gender, and Religious Observance from the Sixteenth to the Eighteenth Century Athens, Ohio University Press, 2003, 355 p., ISBN : 0-85255-489-3 Alexis Wick

J.P. de Oliveira Martins, Portugal e Brasil Lisboa, Centro de História da Universidade de Lisboa, 2005, 148 p. Joaquim Ramos Silva

Françoise Massa (ed.), Le Portugal et l’Espagne dans leurs rapports avec les Afriques continentale et insulaire Rennes, Université Rennes 2 – Haute Bretagne, 2005, 324 p. Joaquim Ramos Silva

Salim Miguel (ed.), Cartas d’África e alguma poesia Rio de Janeiro, Topbooks, 2005, 188 p. Juliana Santil

Ana Santos, Heróis desportivos : Estudo de caso sobre Eusébio – de corpo a ícone da Nação Lisboa, Instituto do Desporto de Portugal, 2004, 135 p. (« Estudos ») Manuela Raminhos

Jorge Zaverucha, FHC, forças armadas e polícia, entre o autoritarismo e a democracia (1999-2002) Rio de Janeiro, São Paulo, Editora Record, 2005, 288 p. Catherine Prost

Maria Fernanda Afonso, O conto moçambicano, escritas pós-coloniais Lisbon, Caminho, 2004, 495 p. Manuela Cook

Francisco Bethencourt (ed.), La Diaspora des « Nouveaux-Chrétiens » Paris, Publications du Centre culturel Calouste Gulbenkian, 2004, 316 p. (« Arquivos do Centro Cultural Calouste Gulbenkian », XLVIII) David Birmingham

João M. Cabrita, A morte de Samora Machel Maputo, Edições Novafrica, 2005 Michel Cahen

Manuel Pedro Dias, Aquartelamentos de Moçambique. Cabo Delgado 1964-1974 Odivelas (Portugal), éd. de l’auteur, 2006, 138 p. Michel Cahen

João Loureiro, Memórias de Lourenço Marques: uma visão do passado da cidade de Maputo Lisbon, Maisimagem, 2003, 127 p. David Birmingham

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Catherine Prost, L’armée brésilienne : organisation et rôle géopolitique de 1500 à nos jours Paris, L’Harmattan, 2003, 354 p. (« Recherches-Amériques latines »). Gabriel Périès

Jean-Louis Rougé, Dictionnaire étymologique des créoles portugais d’Afrique Paris, Karthala, 2004, (« Dictionnaires et langues »). Michel Cahen

Carlos Alberto Vieira (photos) & Ana Paula Lemos (texte), Recordações de Lourenço Marques ; Pascal Letellier & Jordane Bertrand (textes), Luís Basto (photos), Voyage au , Maputo Lisbonne, Alêtheia Editores, 2005, 168 p. ; Paris, Éditions du Garde-Temps, 2005, 96 p. Michel Cahen

Revue des revues

Accord (Londres, Conciliation Resources) « From Military Peace to social Justice? The Angolan Peace Process », XV, 2004, 100 p. Jean-Pierre Chavagne

Africa Yearbook. Politics, Economy and Society South of the Sahara, 2004, Andreas Mehler, Henning Melber & Klaas van Walraven (eds) Leyde, Boston, Brill, 2005, 496 p. Michel Cahen

Cahiers des Anneaux de la Mémoire, Yvon Chotard (ed.), 2001, III. « La traite et l’esclavage dans le monde lusophone : la révolution française et l’esclavage. Les débats d’aujourd’hui » Revue annuelle publiée par l’association les Anneaux de la Mémoire de Nantes, Nantes, Unesco, 420 p. Richard Marin

Cahiers du Brésil contemporain, 57-58/59-60, 2004-2005 Paris, Maison des sciences de l’homme, 352 p. Michel Cahen

Latitudes. Cahiers lusophones n° 25 Paris, décembre 2005, 128 p. Michel Cahen

Pôle Sud, Revue de Science politique de l’Europe méridionale, 22, mai 2005 « Le Portugal du politique », dossier coordonné par Maria Manuela Tavares Ribeiro, 184 p. Yves Léonard

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Étude

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Une lecture symptomale de quelques théorisations récentes des guerres civiles Centre d’études africaines, EHESS, Paris Uma leitura dos sintomas de algumas teorizações recentes das guerras civis Interpretating New Paradigms of Civil War as Symptoms

Roland Marchal et Christine Messiant

NOTE DE L’ÉDITEUR

Ce texte a été présenté le 6 mars 2001 à la réunion du groupe de recherche conjoint CERI/Centre for Defense Studies, King’s College, sur « les acteurs intérieurs des conflits en Afrique », Paris, CERI. Pour des raisons diverses, il n’avait jamais été publié. Bien entendu, une actualisation bibliographique et problématique aurait pu être faite. Mais, en raison du décès de Christine Messiant le 3 janvier 2006 à Paris, l’idée de publier ce texte, en forme d’hommage, dans sa forme originelle, s’est imposée, d’autant plus qu’il a paru à la rédaction de Lusotopie que son analyse n’avait pas pris une ride. La rédaction de Lusotopie remercie Roland Marchal de l’avoir autorisée à le mettre à la disposition du public. « Le champ d'observation du spécialiste des sciences humaines, la réalité sociale, a un sens et une structure de pertinence spécifiques pour les êtres humains qui y vivent, y agissent et y pensent. Par une série de constructions de sens commun, ils ont présélectionné et préinterprété ce monde qu’ils appréhendent comme la réalité de leur vie quotidienne. Ce sont ces objets de pensée qui déterminent leur comportement en le

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motivant. Les objets de pensée construits par le spécialiste des sciences humaines afin de saisir cette réalité sociale doivent se fonder sur les objets de pensée construits par la pensée de sens commun des hommes qui vivent leur vie quotidienne dans leur monde social. Ainsi les constructions des sciences sociales sont-elles, pour ainsi dire, des constructions du second degré, c’est-à-dire des constructions des constructions faites par les acteurs de la scène sociale ». A. SCHÜTZ, Collected Papers. I, The Problem of Social Reality, La Haye, Martinus Nijhoff, s.d. : 59. « Un regard comparatif sur le développement des sciences sociales permet de poser qu’un modèle visant à rendre compte des variations de l’état de ces disciplines selon les nations et selon les époques devrait prendre en compte deux facteurs fondamentaux : d’une part, la forme que revêt la demande sociale de connaissance du monde social en fonction notamment de la philosophie dominante dans les bureaucraties d’État […], une forte demande étatique pouvant assurer les conditions favorables au développement d’une science sociale relativement indépendante des forces économiques mais également étroitement soumise aux problématiques étatiques ; d’autre part, le degré d’autonomie du système d’enseignement et du champ scientifique à l’égard des forces économiques et politiques dominantes, autonomie qui suppose sans doute à la fois un fort développement des mouvements sociaux et de la critique sociale des pouvoirs et une forte indépendance des spécialistes […] à l’égard de ces mouvements » P. BOURDIEU, Raisons pratiques. Sur la théorie de l’action, Paris, Seuil, 1994 : 106. 1 La fin de la Guerre froide a considérablement modifié la configuration des relations internationales, avec des conséquences sur les guerres dont beaucoup s'étaient inscrites dans cet affrontement bipolaire : elle n'a donc pas manqué de susciter un regain de réflexion sur les conflits. Cela a été notamment le cas pour ceux des analystes qui avaient jusqu'alors mis en avant comme moteur des conflits les aspects idéologiques censés être connexes à cet affrontement des camps à l'échelle mondiale : il leur fallait trouver de nouveaux paradigmes. Mais ils n’étaient pas seuls : comme le remarque S. David1, la nouvelle conjoncture a fait entrer en force dans le domaine de l'étude des guerres civiles, qu'ils avaient jusque-là largement délaissé aux chercheurs

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en sciences humaines, des spécialistes des relations internationales désormais privés de ce qui avait été leur objet privilégié depuis des décennies, l’étude de l'ordre stratégique et nucléaire.

2 En l'espace de quelques années et, aussi, au fur et à mesure que se dissipaient les premières théories ou espoirs messianiques de paix universelle sous forme du « nouvel ordre international » – que notamment des conflits considérés comme typiques de la Guerre froide ne s'éteignaient pas, que d'autres guerres, civiles surtout, naissaient – se sont multipliées les tentatives de penser ces conflits et de les analyser en fonction de la nouvelle configuration internationale, parfois de les situer par rapport aux anciens. Cette réflexion s'est faite surtout, nous semble-t-il, selon deux grandes lignes : l'une proposant une interprétation de tous les conflits selon de nouveaux paradigmes, l'autre insistant au contraire sur la différence qualitative entre anciens et nouveaux conflits. On reviendra en conclusion sur le contexte intellectuel et les perceptions générales de l'ordre mondial (au-delà de la question précise des conflits) qui, comme elles l'avaient fait dans la période antérieure, influencent ces élaborations, de même que sur les trajectoires intellectuelles des chercheurs eux-mêmes et les conditions sociales de leur réflexion. Elles permettent, en effet, d’éclairer tant des thèses que des failles de ces nouvelles conceptualisations. 3 Ce qu'on voudrait montrer ici, à partir d'un choix fondé sur l'examen de nombreux rapports, articles, ouvrages partant de l'analyse de conflits précis ou – et surtout2 – de considérations comparatives voire statistiques sur « les guerres » et plus particulièrement « les conflits civils »3, c'est que s'est constituée sur cette question une sorte de nouvelle problématique légitime, venue prendre la place de la grille d'analyse de la Guerre froide. Elle s’est construite à la confluence de démarches aux origines largement indépendantes, malgré des divergences d'analyse parfois apparentes, parfois profondes, sur certains points, qu'il importe d'analyser précisément elles aussi. Elle forme une problématique légitime dans la mesure où elle tend à constituer un référent, implicite ou explicite, de toutes les analyses des conflits, en offrant comme l’a fait la référence à la Guerre froide des hiérarchies implicites d'intérêt, des thèmes, des concepts censés rendre compte de la réalité. Elle tend à s'imposer à son tour comme un point de débat obligé. 4 On notera d'abord que les questions abordées dans ces travaux sont soulevées aux dépens d'autres. Comme la problématique légitime qui l'a précédée, celle qui se constitue aujourd'hui se fonde sur ou tolère des oublis de réalité, des incohérences d'analyse importantes. Il nous est apparu que ceux-ci renvoient largement à la fois aux difficultés ou aux impasses d'une politique internationale et aux points aveugles d'une période. Et qu'à cela n'est pas étranger le fait que ces nouvelles analyses donnent lieu aussi à des jugements et des prescriptions plus ou moins explicites, et qu'elles viennent légitimer des politiques précises face aux conflits4, même si cela n'est pas, sauf exception, leur objectif. Elles tendent, en effet, malgré leurs quelquefois radicales différences, vers une vision substantiellement commune : la criminalisation de ceux qui recourent aux armes. Et elles débouchent, explicitement ou non, mais dans un même mouvement de pensée et de morale, sur une prescription qui l'est aussi : le « traitement » le plus adéquat à appliquer à ces acteurs « globalement criminels » relève de la justice, et le plus souvent du couple judiciarisation et éradication. 5 Nous avons choisi de considérer ici trois courants, parce qu'ils ont connu ou connaissent une influence remarquable sur le débat universitaire ou plus politique

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concernant les conflits armés sur le continent africain et qu'ils bornent le champ d'une part significative des études produites. Ces trois visions sont d'abord examinées pour ce qu'elles sont : des analyses des conflits ; leurs thèses et leur argumentation sont donc discutées. Nous tenterons de rendre compte des impasses et incohérences et engager la discussion sur les questions – d'analyse et de politique en aval – qui nous semblent les plus gravement défaillantes dans ces approches. 6 Le premier courant est particulièrement représenté par l’œuvre de Robert Kaplan5, et surtout son essai le plus célèbre6 : The Coming Anarchy. Ce titre recouvre une description des maux qui prolifèrent dans le monde actuel et des dangers que leur développement recèle pour la civilisation. Son écho a été relativement faible dans le champ académique ou plutôt négatif : on verra que les deux autres courants le contestent explicitement, quelquefois avec véhémence. Son effet a, en revanche, été tout à fait dévastateur dans les médias et chez les politiques, et il sert souvent encore de référence implicite à de nombreux diplomates notamment à propos de l'Afrique. On verra cependant aussi qu'en dépit de la nette distanciation des chercheurs par rapport au catastrophisme de cette vision (car il s’agit plus d’une vision que d'une analyse) et à son insistance sur le choc culturel ou ethnique, sur plusieurs autres points, on trouve en revanche chez les tenants des deux autres courants des convergences de vues notables. 7 Le second courant est l’œuvre d'universitaires ou d'experts qui revendiquent une scientificité particulière et supérieure à celle des sciences sociales « molles » : celle de l'économie. Ce courant a connu une élaboration assez prolifique à travers surtout les multiples textes de Paul Collier et diverses déclinaisons qui en ont été faites, dans le cadre de la Banque mondiale7. Il trace une coupure radicale qui s'organise autour du couple d'opposés greed/grievance (avidité/doléance) entre rébellion et protestation. Les rébellions armées relèvent d'autres « motivations » – essentiellement l'avidité – que les contestations pacifiques qui, elles, renvoient à des revendications contre des injustices réelles ou perçues. Ce courant s'écarte par deux points analytiquement importants du troisième courant. D'une part, il impute la responsabilité de la guerre aux seules rébellions ; d'autre part, il ne distingue pas d'« anciennes guerres », et pas d'anciennes rébellions qui auraient eu d'autres caractéristiques que celles criminelles, prédatyrices, qu'il analyse. 8 Le troisième courant est plus interne au champ universitaire, même s'il se situe directement à l'interface du monde académique et des institutions internationales8. Il s'est construit autour du paradigme « vieilles guerres/nouvelles guerres » et l'un de ses représentants les plus prestigieux est sans conteste Mary Kaldor qui, avec notamment son ouvrage New and Old Wars 9, trace des différences qualitatives entre les guerres d'avant et celles d'aujourd'hui. Cet aujourd'hui pour Mary Kaldor est explicitement défini par la transformation qualitative représentée par la globalisation tandis que l'avant mentionné par la plupart des nombreux tenants de ce paradigme est la période de la Guerre froide. Le tournant de la nouvelle période n'est, en effet, pas toujours précisément situé et rarement analysé dans ses caractéristiques et ses implications. C'est cependant l'instauration d'une coupure entre les rébellions – motivées, rationnelles, et progressistes – de naguère et celles – irrationnelles, cruelles, prédatrices, etc – d'aujourd'hui qui distingue ce courant. Son principal acquis réside dans sa disqualification des acteurs armés, qu'ils s'agissent d'États parias ou de bandes rebelles.

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9 Ces trois courants ont été choisis parce qu'ils se sont formés précisément sur la question de l'analyse des conflits, tout particulièrement des conflits civils. Ils marquent des positions dans ce champ d'étude et en balisent l'espace, dans lequel s'inscrit évidemment tout un spectre de positions hybrides. Ils ne sont pas les seuls courants intellectuels qui servent de référence aux analyses faites aujourd'hui des conflits, qui importent naturellement des thèses plus générales des sciences sociales ou de la théorie des relations internationales. On ne rendra pas compte ici de façon distincte de telles thèses dans la mesure où elles ont été développées hors du champ des conflits. Mais on doit remarquer que notamment celles sur la globalisation10 ou sur la criminalisation des États11 sont très mobilisées dans nombre d'analyses actuelles des conflits, parfois en contradiction frontale avec tel ou tel des trois courants, parfois, dans bon nombre d'analyses hybrides, et avec une cohérence évidemment faible, en complémentarité avec eux. 10 Cela fonde l'intérêt de notre démarche mais en souligne également les limites. Comme le lecteur s'en rendra compte, nous avons choisi de les aborder dans l'ordre de leur intérêt croissant à nos yeux et en leur consacrant des analyses inégalement détaillées.

Choc des civilisations et nouvelle barbarie

11 Publié en 1994, alors que les espoirs de l'advenue rapide d'un nouvel ordre mondial plus juste et pacifique se sont déjà sensiblement réduits, l'essai de R. Kaplan résonne comme une véritable mise en garde contre l'anarchie qui menace le monde, de l’Afrique à l’Asie en passant par les marges de l'Europe. Celle-ci est sans doute d'autant plus vive qu'elle se conclut sur la constatation que la menace n'est à terme plus seulement extérieure – les hordes des jeunes criminels drogués des périphéries déferlant sur les métropoles du Tiers-monde – mais également intérieure à travers les diasporas ou les mobilisations communautaristes qui refusent l'intégration, et la violence des ghettos qui envahit l’ensemble du corps social dans les pays développés, les États-Unis surtout.

12 Cette menace, globale et irrémédiable, est le produit d’une double évolution. D’une part, elle est l’effet cumulé des dévastations écologiques, des pandémies (du sida à la malaria), d’une croissance démographique exponentielle, d’une socialisation de plus en plus violente de la jeunesse. D’autre part, elle résulte de véritables confrontations ethniques ou religieuses qui n’autorisent aucun accommodement. Plus que la corruption des États, que l'inanité des politiques économiques ou que l’écho que trouvent dans toutes les strates de la société des aspirations irréalistes à une société de consommation globale, ce sont le chaos et l'anomie semés par ces affrontements identitaires qui détruisent par vagues successives les îlots de paix et de consensus social, voire de fragile démocratie, en mettant en évidence le caractère artificiel des États et en exposant leur faiblesse à endiguer la déstabilisation et à rétablir un équilibre dynamique. C'est donc une version radicale de « l'Empire et les barbares » qui nous est offerte – et qui pourrait nous faire regretter le temps béni de la Guerre froide où chaque camp savait maintenir l'ordre chez lui… 13 Cette thèse, à peine simplifiée ici, a eu des échos éminemment contradictoires. Sur les gouvernants – notamment américains –, elle semble avoir eu une réelle influence. Elle est censée avoir directement suscité les hésitations de Bill Clinton sur les Balkans ou encore avoir pesé, à la suite des travaux de Homer-Dixon12 amplement cités dans l'essai de Kaplan, sur la mise en place du groupe de travail sur l'écopolitique et l’écoviolence

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par le vice-président Al Gore. Ces hauts responsables américains ont apparemment trouvé leur inspiration dans la littérature plutôt que dans les épais rapports de leurs experts : ainsi un roman de R. Preston aurait fait plus que toutes les analyses proposées par les scientifiques du Pentagone pour inciter l'ancienne présidence américaine à développer une réflexion sur la guerre biologique13. Le Secrétaire général des Nations unies, Boutros Boutros-Ghali, n’a d’ailleurs pas été lui non plus indifférent à une vision aussi sombre : il a organisé peu après la parution de l’essai de R. Kaplan un séminaire avec l’auteur et certains de ses conseillers pour tenter de définir des contre-feux à cette évolution apocalyptique ! 14 Influente dans les cercles dirigeants internationaux, la vision de Kaplan a été rejetée de manière radicale tant dans la communauté scientifique qu'à la Banque mondiale. Sous réserve d'une analyse qui n'est pas faite ici, on peut mentionner certaines des causes les plus évidentes de cette attitude (au-delà de l'amertume, peut-être, des experts et de scientifiques, devant l’influence d'un tel outsider). Le choc des civilisations a peu de chances de trouver beaucoup d'écho dans la grande majorité des universitaires compte tenu des acquis des études sur la mobilisation ethnique, qui amènent à une vision non figée des ethnies ou des cultures, et autrement moins réductrice et simpliste, plus politique, de cette mobilisation. L'idée de progrès de la civilisation, l'importance accordée à la communauté internationale, à l'idée d'une société des États, la valeur accordée à l'universalisme sont également trop mises à mal par Kaplan. Il affiche en outre sans ambages la supériorité de certaines valeurs dans laquelle beaucoup ne peuvent se retrouver. Ses arguments, ses thèses, sont par trop extrémistes pour le politiquement ou le moralement correct de fonctionnaires internationaux ou pour des universitaires qui aiment à se penser comme les porteurs privilégiés d’une culture cosmopolite. 15 R. Kaplan ne prescrit explicitement aucune solution : son texte est à ses yeux une mise à plat de dynamiques profondes qui dévastent l’ordre du monde en mettant hors jeu les régulations habituelles de la vie internationale et en fragilisant la paix civile. C’est sans doute là aussi l’une des raisons de son succès : ce texte autorise un large spectre de lectures et, donc, de recommandations pour éviter le basculement dans l’anarchie. En outre, en agitant toutes les nouvelles – très vieilles – peurs (car elles y sont toutes) et en mettant l'accent sur les dimensions négatives de la globalisation, il peut valoir comme une défense et illustration de l'Occident comme espace du droit, de la civilisation et de la tolérance tous menacés. Une telle posture n’est certes pas unique et pourrait être retrouvée chez nombre de spécialistes des relations internationales, mais ces derniers ont à cœur de la fonder sur une argumentation, pas de l'asseoir sur une accumulation de grandes peurs14. 16 Malgré des différences sensibles dans l’approche et dans l'énonciation de prescriptions, on peut rattacher à un tel courant deux autres auteurs dont la renommée est sans doute plus grande dans les cercles intellectuels européens, l’historien militaire Martin van Creveld et l’essayiste Hans Magnus Enzensberger. 17 Certes, à bien des égards l’essai de H. Enzensberger15 se différencie des thèses de R. Kaplan, notamment par sa réflexion éthique. Pourtant, la vision qu’il propose des guerres civiles est très proche de celle de son collègue américain sur plusieurs points essentiels. D’une part par une conception indifférenciée de la violence car, pour lui aussi, la guerre civile ne se mène pas seulement dans les quartiers de Sarajevo ou de Kaboul mais a déjà atteint les banlieues des métropoles occidentales et cette violence

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mobilise comme dans la vision de Kaplan au premier chef les jeunes. D'autre part, elle est autiste, privée de tout but et incapable même de différencier entre destruction et auto-destruction et ne vise en dernière instance que le pillage et la mort. La guerre civile encore « moléculaire » subsume ainsi tous les maux de notre période en une terrible maladie. 18 Cette image, Martin van Creveld la reprend en conclusion d’un ouvrage stimulant et qui a eu un réel retentissement. Le lien avec R. Kaplan est plus direct et celui-ci le cite d’ailleurs dans son texte. La célèbre thèse de l’historien israélien sur la transformation de la guerre16, plus ancienne (son livre est publié en 1991), est tout à fait dans la même lignée, même si elle conclut un ouvrage de facture plus savante sur l’évolution des formes de la guerre. M. van Creveld ne s’embarrasse pourtant pas, lui non plus, d’inutiles nuances. Constatant comme d’autres la fin de la guerre clausewitzienne dans laquelle l'identification des acteurs armés et non armés est immédiate, il pronostique comme Kaplan l’avènement d'un nouveau Moyen-Âge, marqué par la fin des guerres inter-étatiques et un foisonnement de conflits ethniques déployant une violence de plus en plus anomique car dépourvue de but stratégique. D’une certaine façon, M. van Creveld apporte bien une caution scientifique à la thèse de Kaplan, et peu de lecteurs, peut-être fascinés par la très grande culture militaire de cet auteur, osent questionner sa vision de l’ethnicité, sa réduction de conflits transnationaux à de simples conflits identitaires, sans parler de l'erreur de son diagnostic sur la disparition des guerres inter-étatiques. 19 Les deux autres courants se nourrissent des mêmes faits, thèmes et questions : le déficit de sens de la violence extrême, la coercition absolue, la prédation dans tous ses modes et l’absence de projets de transformation sociale. Ils tentent aussi de les éclairer, sans vraiment remettre en cause les partis pris de ces auteurs.

Greed versus grievance

20 Pour rendre compte de ce courant, on examinera essentiellement la thèse de Paul Collier, développée dans plusieurs articles17 : elle est en effet la matrice d'une série de productions souvent patronnées par des institutions internationales. Elle en est aussi, on le verra, la version la plus extrémiste dans son analyse et ses conséquences. Nous examinerons surtout son rapport d'août 2000, dans la mesure où il développe moins le modèle que la thèse (les thèses) à laquelle l'établissement de ce modèle est dit logiquement conduire.

21 La base, en effet, est la construction d'un modèle qui se présente comme scientifique, fondé sur une analyse rigoureuse d'indicateurs macroéconomiques. De la manipulation experte de ces indicateurs il résulterait que ce sont les ressources, et au premier chef l'existence de matières premières, qui expliquent les rébellions armées. Il en ressortirait aussi que la rébellion est une forme de crime organisé, dont la prédation est le but. 22 P. Collier met en avant deux distinctions qualitatives. La première est celle entre la protestation pacifique et la rébellion. La protestation est menée pour l’accession à des biens publics, répond à des injustices ou des discriminations, réelles ou perçues (grievances) ; alors que la rébellion l’est pour un gain particulier et la prédation (greed). Tout aussi radicalement défendue est une autre distinction essentielle : celle entre rébellion et gouvernement. Dès lors qu'on parle de prédation, certains peuvent certes

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être tentés de tracer des équivalences entre l'extorsion des rébellions et celle des États, mais aucune comparaison n'est, selon P. Collier, scientifiquement admissible : la taxation des États est légale ; surtout, c'est la rébellion qui introduit la guerre, qui en est la cause, et aucune prédation n'est pire que la guerre. 23 On ne prétendra évidemment pas analyser la construction interne du modèle économétrique : c'est au-delà de notre compétence de non-économistes. Mais, sans nous attarder, nous pouvons cependant noter quelques-unes des faiblesses ou erreurs dans la construction des variables initiales ou dans l’argumentation des conclusions principales, qui sont apparentes même à des non-économistes. 24 Un observateur à peine attentif aux événements en Afrique risque d'être, tout d'abord, un peu affligé par le principal mérite que Collier reconnaît à sa thèse : le succès total de la prédiction à partir de son modèle. « As of 1995, the country with the highest risk of civil war according to our analysis was Zaire with a three in four chance of conflict within the ensuing five years. Sadly, our model predicted this all too accurately »18. Avec deux pays étrangers et leurs armées nationales à l'initiative de l'offensive de 1996, bientôt rejoints par trois autres en 1997, le conflit en République démocratique du Congo (RDC) est ainsi présenté comme la plus typique et prévisible des guerres civiles… 25 Au-delà de cette étrange réduction du champ de vision, qui n'amène chez Collier aucune réflexion sur le concept de guerre civile, on peut aussi être étonné de la désinvolture avec laquelle il passe d'un inventaire de 73 conflits répertoriés à une analyse ne portant que sur 47 d'entre ceux-ci19. Manque de données, est-il dit, mais sans que soit même posé le problème éventuel de la représentativité de l’analyse après une telle amputation20. On reste un peu interdit aussi par l’exclusion de l'Afrique du Sud de l’échantillon21, car on ne peut penser que ce soit du fait d'une absence d'indicateurs… Et on peut s'interroger sur la façon, arbitraire pour le moins, dont sont découpés et comptabilisés certains conflits : pourquoi, ainsi, une seule guerre pour le Cambodge depuis le début du comptage en 1965 et deux pour l’Afghanistan ? Ce comptage renvoie souvent à un problème d'analyse plus général : les guerres y apparaissent, pour être ensuite statistiquement traitées, par leur commencement. La question se pose donc de savoir s'il s'agit d'une autre guerre ou de la même, comme celle des critères retenus pour en décider, mais ni l'une ni l'autre de ces questions ne sont posées. 26 On peut noter encore que la très « objective » périodisation par tranches de 5 ans – de 1965 à 1995 – a l'immense avantage d'éliminer aussi tous ces facteurs non pertinents, trop subjectifs sans doute, que pourrait être, par exemple, pour les différents pays africains, leur passage à l'indépendance (qui s'échelonne d'ailleurs de 1957 à 1980), ou pour les pays de l'Est et pour une série de pays dont les conflits étaient pris dans l'affrontement bipolaire de la Guerre froide, la chute du mur de Berlin. Ce faisant, P. Collier homogénéise donc avant même l'ère de la globalisation les rythmes historiques concrets d'un bout du monde à l'autre. Reste qu’on peut douter de la vertu heuristique d'une telle périodisation… 27 On ne peut que remarquer surtout que, pour soutenir sa thèse « économique », il faille à P. Collier à l'occasion et sans argumentation décréter économiques des indicateurs comme le niveau d'instruction ou le nombre d'années d'enseignement effectuées par classe d’âge scolarisable. Plus généralement et plus gravement, l'argumentation de l'auteur nécessite en effet qu'il « économicise » subrepticement certains facteurs qui ne le sont pas nécessairement ou même pas du tout. On devrait également interroger les

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critères qui font de certaines variables des paramètres de l’avidité et d’autres des paramètres des revendications. 28 On voudrait maintenant en venir à la logique de l’argumentation telle qu’elle est mise en œuvre par P. Collier et relever la multiplication de syllogismes auxquels cette argumentation donne lieu. Sans surprise de la part d'un économiste néo-classique, on est scientifiquement ramené aux ressources (purement économiques, par définition implicite mais irréfragable) et, de plus, aux ressources des seules rébellions. Une telle primauté résulterait de l'application de la méthode la plus objective. 29 P. Collier commence en effet par éliminer comme non pertinente la question de la motivation du conflit : « By contrast, the economic theory of conflict argues that the motivation of conflict is unimportant ». Les faits sont têtus : « What matters is whether the organisation can sustain itself financially. In this case, it is the feasibility of predation which determines the risk of conflict »22. Puis il en vient à sa définition dite économique de la rébellion : « Economic analysis sees rebellion as more like a form of organized crime. Rebellion is large-scale predation of productive economic activities »23. 30 Cet ordre logique d'une argumentation économique rigoureuse est cependant symptomatiquement brouillé dans le texte. En effet, l'élimination des motivations est moins démontrée que postulée par une autre assertion : « The economic theory of conflict assumes that perceived grievances and the lust for power are found more or less equally in all societies ». Cet intéressant postulat, qui ne permet pas de faire la distinction entre les « doléances perçues » sous les régimes de Nelson Mandela, ou d'Hitler, ni entre « l'ambition de pouvoir » du sous-commandant Marcos et celle de S. Milosevic, semble déjàpour le moins peu apte, dans son universalité, à prouver ou invalider quoi que ce soit. En outre la non-pertinence des motivations est assénée ici comme un argument dirimant pour exclure des causes des rébellions la perception possible, même indue, de revendication mais elle ne sera plus, on le verra, scientifiquement requise pour leur imputer l’avidité comme moteur… 31 Les faits têtus qui comptent donnent eux-mêmes lieu à des glissements multiples. On peut ici en citer trois qui jouent un rôle essentiel dans la démonstration de P. Collier. Un premier tient à la confusion entretenue entre le risque qu'une guerre éclate et la cause de cette guerre, car son modèle démontre seulement que les risques de conflit sont maximaux dans les pays à forte exportation de produits primaires, à bas revenu et à faible croissance. Un deuxième syllogisme est le glissement entre le risque de conflit et sa faisabilité, et donc sa capacité à durer. Qu'un conflit armé commence n'implique pas qu'il puisse durer, se structurer en rébellion ; qu'il n'y parvienne pas, par exemple faute de « ressources », n'implique pas qu'il n'ait pas de raison d'être. Un troisième glissement est la réduction de la capacité à se reproduire d'une rébellion à la prédation et au pillage. Nous y reviendrons, mais tant pendant la Guerre froide, grâce aux financements extérieurs des guerres civiles (que P. Collier ignore) qu’après, le rapport des rébellions à la production n'est pas obligatoirement ou uniquement de prédation (sauf si on définit celle-ci comme soustraction au budget de l'État, bien sûr) : peut-on vraiment dire des insurgés nationalistes érythréens, réfugiés dans les montagnes durant des années, qu'ils vivaient de la prédation, celle d'une misérable agriculture incapable de nourrir les familles qui y consacraient pourtant toute leur vie ? 32 On doit également souligner un autre type de glissement présent ici et en fait constant chez P. Collier : celui de faits à des mots qui en donnent une qualification non contrôlée, et même à des jugements. C'est très nettement le cas pour ce que P. Collier

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nous dit être la définition par l'économie de la rébellion que nous avons citée : « Economic analysis sees rebellion as more like a form of organized crime. Rebellion is large-scale predation of productive economic activities ». La deuxième phrase, la plus descriptive, demanderait déjà à être prouvée, mais il n'y a apparemment pas besoin de preuve de la prédation par les faits, même pas les faits économiques, dès lors qu’elle découle de la présence de matières premières… Et cette définition par la prédation est donnée comme simplement équivalente de l'affirmation de la première phrase. 33 Il y a deux lectures possibles d'une définition de la rébellion comme crime organisé. L'une serait une référence éventuelle à Charles Tilly24, mais il n'en est évidemment nullement question. Et cela poserait problème car Tilly suggère que la construction de l’État [en Europe] passe par une phase d’extorsion des ressources et que la différence entre cette économie de la protection organisée par l’État et l’extorsion dans son sens courant s’est construite grâce à la légitimation croissante de ce dernier. Or la question de la légitimité ne se pose pas chez Collier (il n’y a sans doute pas de variable économétrique pour en rendre compte). La lecture ne peut donc être qu'économique. Si la notion de crime renvoie seulement au fait que, par définition, une rébellion est illégale dans son pays, on n'a pas avancé beaucoup dans l’analyse, et si celle d'organisation signifie qu'il ne s'agit pas de bandes conjoncturellement rassemblées de pillards, on peut même être d'accord. Mais ce n'est pas cela que dit P. Collier (il parle d'ailleurs à plusieurs reprises de « bandes » et évacue la politique). Cette qualification tient donc bien surtout lieu de disqualification. 34 Et, de fait, une fois prises en compte les données objectives purement économiques, une fois évacuées ou « économicisées » sans autre forme de procès les données gênantes, jugées marginales et infondées, une fois réduites à l'économie à la fois les causes, les moyens, et la nature – censées découler les autres des unes – des rébellions, toutes les inductions et déductions opérées par P. Collier convergent vers l'idée que les rébellions sont criminelles. On est, alors, très loin de l'analyse économétrique et plutôt en présence d'un dispositif intellectuel, qui passe par des glissements délibérés et par la disqualification aussi peu rigoureuse et très peu économique des autres théories, ou même des interrogations. 35 C'est notamment ce qui est fait quand P. Collier consolide l’équivalence faite entre rébellion et crime organisé par l'établissement d'une irréductible discontinuité entre mouvement de protestation et rébellion25. Pour disqualifier toute hypothèse de continuité ou similitude possibles entre mouvement revendicatif ou protestataire et rébellion armée, l'auteur doit d'abord faire un sort à l'histoire, qui fournit trop de mauvais exemples : « Of course, if we scour history sufficiently thoroughly we will find examples of protest movements which aborted26 into rebellion. If we scour history, we can find everything ». Et il a recours à la sociologie, en l'espèce à l’un des paradoxes de M. Olson27, théorie du choix rationnel oblige. Selon ce paradoxe, d'un côté, dans la quête d'un bien public, il n'est certes pas avantageux pour un individu de s'engager dans une action collective puisqu'il peut être réprimé par le gouvernement alors que, si celle-ci réussit, il bénéficiera de toute façon de cet acquis ; mais d'un autre côté, le risque de répression est d'autant moindre, et la chance de satisfaction d'autant plus forte, que les protestataires sont nombreux. « This [the free-ride paradox] is a problem because the government might punish people who take part unless there are so many people that there is safety in numbers. Further, in order to protest, people will loose a day of income. […] À protest costs little, risks little and offers a sense of citizenship »28. Nous sommes ici dans le domaine

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de la citoyenneté29. Il n'en serait pas du tout de même, selon P. Collier, avec la rébellion car le paradoxe de M. Olson ne serait plus valide : les risques de répression d'un mouvement armé sont en effet bien trop considérables pour que beaucoup s'y engagent, donc ceux qui prennent ce risque ne peuvent le faire que pour un autre objectif : non un bien commun mais un bénéfice pour eux seuls. 36 On peut se demander déjà pourquoi, à l'improviste, la citoyenneté apparaît sous la plume de Collier. Mais on peut noter surtout comment c'est par un passage à des arguments hors de l’économie et extrêmes que se secoure l'analyse économique pour disqualifier en même temps les rébellions et les analyses divergentes de celles de l'auteur qui en sont faites : «… the image of the rebel band as that part of the population which is the most dedicated and self-sacrifying is difficult to reconcile with the facts »30. 37 C'est par des procédés différents mais pareillement non économiques qu'est évacuée la question de ressemblances éventuelles entre gouvernement et mouvement insurgé, pour établir une deuxième différence radicale : entre la rébellion et l'État. Cela prend la forme suivante : «… in some countries government has been described as legalized predation in which primary commodities are heavily taxed in order to finance the government elite. In worst cases, those who are the victims of such predation may not discriminate much between the behaviour of the rebel organization and that of the government31. This does not, however, mean that the rebels are "no wo" than the government. The presence of a rebel organization plunges the society from peace to civil war and the costs of war are likely to outweigh the costs of government predation »32. 38 En peu de mots que de glissements. D'abord, sur ce point aussi, l'introduction intempestive de la morale (worse). Et puis un escamotage pour trancher sans recours non plus sur les raisons économiques du conflit mais sur les responsabilités dans son éclosion et ses conséquences, avec l’induction suivante : c'est l'existence d'une rébellion qui crée la guerre dévastatrice, donc ces insurgés sont responsables de cette chose horrible. Ce faisant est évacuée, sans plus de débat, l'éventuelle responsabilité ou co-responsabilité de l'État, ou plutôt du gouvernement, dans l'advenue d'une rébellion armée. 39 On pourrait multiplier les critiques sur le manque de rigueur intellectuelle de démonstrations douteuses. Le fait est que, malgré l’importance affichée de l'appareil économétrique, les principales thèses de l'auteur ne sont en fait pas démontrées à l’intérieur de son modèle. Mais notre propos essentiel n'est pas là. 40 Nous voudrions surtout mettre en évidence tout ce qui a été éliminé dès le départ par Collier et qu'il nous paraît indispensable de prendre en considération si l'on veut analyser non seulement le risque de survenue d'un conflit, mais aussi ses raisons d'être – sans aucunement prétendre à une étiologie des conflits33 –, sa nature, son déroulement et ses conséquences. Nous voudrions également, en considérant ce qui dans les thèses centrales de P. Collier est présenté comme prouvé alors que cela ne l'est pas, tenter d'en comprendre la signification. Plusieurs points peuvent être avancés ici, qu’on développera dorénavant sans renvoyer aux textes. 41 On a noté en quoi une confusion est systématiquement entretenue par P. Collier, notamment en ce qui concerne sa thèse centrale, entre le fait constaté (l'importance des ressources), le moyen (la nécessité pour une rébellion de trouver des ressources) et le but visé (l'appropriation de ressources). Le fait qu’une guérilla doive se financer est un truisme : que cela soit son objectif unique ou même principal exige une démonstration qui n’est pas faite (et qui ne peut l'être sur la base des indicateurs

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économiques retenus). Le passage à la motivation – à la psychologie (greed) – exigerait lui bien d'autres arguments encore… 42 Même adroitement manié, le modèle de P. Collier ne peut qu’établir la probabilité qu'une rébellion dure assez et soit assez meurtrière – 1 000 morts par an sont requis – pour qu’elle entre dans sa liste de référence. Mais il ne peut plus fournir d’explication sur le fait qu'une guerre éclate à un moment et non un autre, alors que les conditions requises par le modèle sont valables sur une longue période. En outre, l’économique et le marché y sont des réalités en soi, pures de toute valeur et représentation sociale, directement en phase avec le marché international neutre. La mise en forme d'agrégats et leur computation suffisent à livrer le secret de l'économie. Comme on l'a indiqué à propos du modèle, la périodisation se fait sur la base de l'évacuation de l'histoire. Ainsi, à l’inverse des autres courants étudiés ici, la Guerre froide n’est pas un paramètre significatif et le modèle parcourt imperturbablement les années 1965 à 1995. De quoi désespérer non plus seulement les historiens, ces observateurs pointilleux mais brouillons, et pas seulement les sociologues mais même les politistes les plus convaincus de la suprématie de la théorie des relations internationales. L’histoire n’apparaît en fait que sous la forme de… l’évolution du taux de croissance sur les cinq dernières années et de l'existence antérieure d’une guerre civile (sur cinq ans aussi), quand ce n'est pas sous celle de l'histoire des « ethnies » (se déroulant elle à un rythme plus sénatorial : d'au moins 45 ans). Il faut saluer, en effet, ici l’une des incursions de Collier hors de son domaine de scientificité propre ; il s'y démarque en effet nettement des thèses de Kaplan sur les haines ancestrales et l'ethnicité, avec une belle prise en compte de la fluidité des appartenances ethniques : « Of course, ethnic and religious identities are not given, fixed phenomena but social constructions ». Mais il faut raison garder : « However, they are rather slow to change. I measure them as of 1965 and attempt to explain conflict over the ensuing thirty years ; over such a period they have probably changed little »34. Les Banyamulengue en RDC35, les « Nibolek »36 au Congo-Brazzaville et tant d'autres apprécieront ! Quant aux groupes sociaux, ils n’apparaissent pas, sauf sous la forme de ces communautés ethniques ou religieuses, dès lors que toutes les variables utilisées occultent leur statut et les différences dans l’accès aux biens publics, et que l'analyse de systèmes politiques et sociaux dans lesquels ces groupes et leurs mobilisations peuvent être étudiés est « scientifiquement » exclue… 43 Dans la même ligne d'évacuation scientifique du non-pertinent, les États eux aussi sont neutres, légaux et de ce fait toujours légitimes, puisqu’aucune interrogation sur leur origine ou leur fonctionnement réel n'a de pertinence. Alors que P. Collier insiste en revanche sur le fait que la protestation pacifique est radicalement différente de la rébellion armée et relève seule de l'exercice de la démocratie et de la citoyenneté et qu’il déploie pour ce faire une série d'arguments controuvés, la légalité de l'État suffit à son argument : cela vaut pour l'État rwandais sous J. Habyarimana comme sous P. Kagame aujourd’hui, pour l'État sud-africain de l’apartheid comme pour celui de l’ANC, et… devrait valoir pour celui de Saddam Hussein confronté aux rebelles kurdes ou chiites… P. Collier, qui parle indifféremment d'État ou de gouvernement, rejetterait évidemment toute mention de l'existence de « pouvoirs d'État » ou, pire encore, toute velléité d'analyse de systèmes de domination. 44 Quant aux conflits civils qui sont l'objet de l'analyse, ils sont eux aussi pour Collier une catégorie auto-définie : ils sont civils, point. Le rôle des pays voisins pourtant souvent essentiel dans ces guerres, celui, pendant la Guerre froide, des grands parrains des

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conflits dits régionaux, celui multiforme de la communauté internationale, ne sont jamais pris en compte. L'économie de prédation par les rébellions, centrale dans la thèse de Collier, devrait pourtant à tout le moins impliquer également qu'il s’interroge sur les acteurs externes qui permettent la mise sur le marché international des matières premières extorquées, en échange, pour ne prendre qu'un exemple, d'armes, mais il n'en est pas question. 45 La seule analyse jugée nécessaire de la guerre civile est ramenée à ce qu'il dit avoir démontré être ses causes (les matières premières, etc.) et à la politique à suivre pour réparer ses conséquences, éviter le retour de la guerre. Entre-temps, il n'y a ni processus, ni populations, ni vie politique et sociale ; et il semble n'y avoir rien à faire. La guerre n’apparaît jamais dans sa durée, ses lieux délimités, ses protagonistes et ses objectifs éventuellement changeants, elle n'est nullement considérée comme un processus impliquant un système politique, une économie et une société. Le gouvernement, toujours légitime et par essence jamais un facteur de guerre civile, n’est jamais non plus véritablement partie prenante au conflit : il réagit et se défend. L'armée est, elle aussi, toujours conforme à sa définition d'armée nationale obéissant aux ordres du gouvernement, celui-ci étant le représentant du peuple, notamment dans la guerre menée en défense des populations sans défense. La guerre quant à elle ne mobilise fondamentalement que les rebelles et l’État/gouvernement : la population civile subit, paie, meurt, mais elle n’est pas partie au conflit. La population est seulement victime de la guerre et, pour P. Collier, en dernière analyse, seulement de la rébellion. 46 La guerre une fois achevée il faut éviter son retour. Pendant qu’elle se déroule en revanche, la seule chose est de faire qu'elle cesse, c'est-à-dire d'en supprimer la cause, c'est-à-dire de réduire militairement la guérilla. Ce résumé peut paraître caricatural, mais c'est pourtant ce qui ressort des textes de P. Collier. Après l'examen des causes et des objectifs de la guerre, un silence total, dans un argumentaire pourtant tourné vers des recommandations, tient lieu d'examen des moyens propres à contribuer à la fin du conflit. Et, de fait, que peut préconiser P. Collier à l'aide de son modèle, de ses présupposés et de ses thèses ? Rien. Logiquement, puisqu’a été radicalement exclue par la coupure radicale entre contestation pacifique et rébellion l'hypothèse qu'une possible raison des rébellions soit l'existence d'injustices et de discriminations, auquel cas on pourrait, en redressant ces torts réels ou perçus, peut-être y mettre un terme. 47 Notre économiste pense bien pourtant qu’il faut redresser certaines injustices. Il croit, comme la Banque mondiale, à la nécessité de la bonne gouvernance. Mais, étant donné ses thèses, il ne peut y souscrire pour éviter l'éclosion de la guerre avant, pas non plus pour contribuer à y mettre un terme pendant. Seulement après : pour éviter le retour de la guerre. Un lecteur naïf se dirait que cette dernière phase relève pourtant de la catégorie internationalement homologuée de la prévention des conflits. Mais cela ne marche pas avec le modèle : il faut attendre la deuxième guerre (selon les calculs de Collier fortement induite par l'existence d'une première !) pour faire de la prévention… C’est alors qu’il y a des choses à faire, des réformes à conseiller aux gouvernements, ces interlocuteurs de la communauté et des institutions financières internationales, voire à leur imposer par une série de pressions. 48 Une telle théorisation peut surprendre. Son extrémisme est en effet flagrant, et d'autant plus frappant qu'elle prend corps dans une institution internationale qui n’est certes pas une agence onusienne commune mais sait aussi se ménager des consensus.

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On constate d’ailleurs que lors des élaborations faites conjointement avec la Commission économique pour l’Afrique, des auteurs prennent implicitement leurs distances avec une théorie trop simple et qui leur paraît exclure un peu trop l’histoire et des réalités sociales et politiques évidemment essentielles pour qui ne vit pas à Washington ou à Oxford. Pourtant, et c’est sans doute là une grande part de son succès, elle permet de fonder conceptuellement les perceptions occidentales de nombreux conflits, de la Sierra Leone à la Bosnie en passant par l’Angola ou la République démocratique du Congo. Elle assure en outre une espèce de position de repli toujours adoptable en cas de difficulté de la communauté internationale à analyser un conflit et/ ou à se mettre d'accord sur une issue souhaitable. En attribuant sans nuance la responsabilité de la guerre aux rébellions, elle offre en effet une prescription et indique une manière de se comporter pour aider à la recherche de la paix (le soutien aux États) ainsi qu’une série de recettes pouvant définir une politique d’assistance au terme des conflits. L’évolution du débat onusien sur les sanctions visant des acteurs armés dans certains conflits africains est absolument en phase (faut-il s’en surprendre ?) avec une telle construction intellectuelle. En ce sens, cette démarche n’est pas simplement idéologique mais répond aussi à une demande de la communauté internationale.

« Anciennes » et « nouvelles » guerres

49 Le paradigme des « nouvelles guerres » a trouvé sa plus prestigieuse exposition avec Mary Kaldor, inspirée surtout par le Nagorny-Karabakh et la Bosnie, et particulièrement dans son ouvrage37 Old and New Wars, qui présente une thèse générale sur les conflits à l'ère globale. C'est à partir de ce dernier cas qu'elle théorise et analyse tout particulièrement le rôle d'un certain type d'État. Mais les caractéristiques qu'elle attribue aux nouvelles guerres et oppose à celles des anciennes sont identiques à celles d'autres auteurs, eux aussi tenants d'une coupure historique, et qui étudient plutôt les rébellions armées survenues dans les périphéries du monde (Amérique latine et centrale, Asie du sud, Afrique) après la fin de la Guerre froide.

50 Nous suivrons globalement, dans notre lecture, le raisonnement de Mary Kaldor dans la mesure où c'est presque la seule qui bâtit dans son livre une argumentation pour fonder ce paradigme, alors que la plupart des « théoriciens des nouvelles guerres » ne se soumettent pas à cet exercice. Comme le souligne S. Kalyvas38, c'est en effet souvent à partir de références vagues ou de rappels synthétiques, à ces nouveaux conflits ou aux anciens qu’ils procèdent. Mais c'est bien des mêmes thèses qu'il s'agit quant à la nouveauté des conflits. Pour Mary Kaldor les guerres de l’ère de la globalisation, comme pour les analystes de l'après-Guerre froide celles d'après 1989 peuvent en effet être opposées aux anciennes à trois niveaux différents.

Idéologie versus identité ou vide politique

51 Les nouvelles guerres sont fondamentalement basées sur des mobilisations identitaires, en contraste avec les buts idéologiques ou géopolitiques des anciennes. Mary Kaldor ne dénie pas, contrairement à d'autres auteurs, le caractère politique de ces guerres, elle parle d'ailleurs d'identity politics, mais elle oppose ces politiques identitaires à celles fondées sur ce qu'elle appelle des « idées » : « The politics of ideas is about forward-looking projects. This type of politics tends to be integrative, embracing all those who support the idea

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[…] In contrast, identity politics tends to be fragmented, backward-looking and exclusive »39. C'est la même opposition qu'on trouve chez les analystes qui mettent en avant l’événement que constitue la fin de la Guerre froide : alors que les anciennes guerres civiles étaient menées pour des causes bien définies, mues par une idéologie de transformation politique, fondées sur la poursuite du bien commun, les nouvelles sont au mieux – quand elles ne sont pas simplement dénuées de toute idéologie et de tout projet – des mobilisations ethno-nationalistes. Et ces penseurs les dotent des mêmes caractéristiques que Mary Kaldor : fragmentées, rétrogrades et exclusives. Pour le dire dans les termes de celle-ci, alors que les anciennes guerres étaient menées dans l'esprit du cosmopolitisme, les nouvelles le sont au nom du particularisme et de l'exclusivisme ; on pourrait aussi opposer universalisme et fondamentalisme.

Guerres avec et pour la population versus violences contre la population

52 Alors que les anciennes guerres bénéficiaient d’un soutien populaire, les nouvelles sont des guerres sans soutien de la population et sans souci pour elle. Ce qui les distingue est au contraire l'emploi d'une violence extrême contre les civils. Les méthodes des nouvelles guerres constitueraient en effet, pour Mary Kaldor, l’un de leurs signes distinctifs les plus flagrants : elles utilisent un mélange de techniques de guérilla et de contre-guérilla, et donnent lieu à des crimes de masse, des déplacements forcés de population, etc. Elle-même met en opposition la construction d'une nouvelle société modèle dans les zones libérées par les révolutionnaires de naguère et la façon dont les nouveaux faiseurs de guerres établissent un contrôle politique en déplaçant les populations et en éliminant tous les opposants potentiels40. De même, alors que pour les analystes des guerres civiles d'après Guerre froide la plupart des vieux conflits civils étaient des guerres centralisées et disciplinées, où la violence des rébellions aurait été contrôlée, les nouvelles se caractériseraient par une violence à la fois anomique et extrême, et exercée moins contre des armées ennemies que contre des populations.

L'économie des guerres : mobilisation de la production versus illégalité et pillage

53 C'est encore, aux yeux de Mary Kaldor, leur économie qui opposerait les nouvelles guerres aux anciennes. Celle des anciennes était plus autarcique et centralisée, alors que celle des nouvelles est globale, dispersée, transnationale et mobilise tout à la fois le marché noir, le pillage, l’aide extérieure, la diaspora et l’aide humanitaire. Souvent de façon moins précise, on retrouve la même qualification des nouvelles guerres, là encore opposées aux anciennes, chez les penseurs des conflits d'après Guerre froide : alors que les anciens pouvaient survivre « sur leurs propres forces » et sans recours à l'extorsion, les nouveaux se sustentent dans tous les cas du détournement du bien public, du pillage et de la prédation. Et cette prédation est fortement internationalisée, greffée notamment sur les circuits de trafics internationaux.

Une analyse moins simpliste mais contestable

54 Ce courant est nettement plus sophistiqué que les deux précédents dans son approche des conflits et manifeste une sensibilité dans l'analyse des guerres qui est sans aucun

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doute très loin de celle d’un P. Collier, de son économicisme et de sa délicatesse à l'égard des États, et très loin de celle de R. Kaplan, du choc des civilisations et du déferlement des barbares, avec une meilleure prise en compte des dynamiques politiques et sociales, et une vision plus construite des rapports entre les rébellions et les États, dont les fonctionnements sont eux aussi interrogés. Beaucoup des éléments qu'il prend en compte sont effectivement importants pour analyser les conflits. Il n'en souffre pas moins d'inconsistances, de confusions, de généralisations exorbitantes. On s'y attardera pour ces deux raisons.

55 Il ressort d'une lecture de ces auteurs que l'instauration d'une césure entre anciennes et nouvelles guerres résiste mal à un examen. Les qualités distinctives attribuées aux anciennes et nouvelles guerres n'apparaissent pas rigoureusement fondées, et les penseurs des nouvelles guerres échouent à établir vraiment deux types de guerres, que distingueraient leurs caractéristiques, celles-ci pouvant elles-mêmes être renvoyées à des changements de la période dans laquelle elles s'inscrivent. Mais ils présentent plutôt deux syndromes41, c'est-à-dire des ensembles certes bien définis de symptômes, mais qui, pouvant s'observer dans plusieurs états [pathologiques] différents, ne permettent pas à eux seuls de déterminer la cause et la nature de [la maladie], autrement dit, qui ne nous éclairent ni sur leur cause ou sur leur nature.

Des nouvelles guerres civiles si différentes des anciennes ?

56 On notera simplement, en préalable, que ce paradigme est construit en considérant des guerres qui bénéficient d’un intérêt de la communauté internationale. Quitte à mettre hors analyse, comme déjà dans la période antérieure, des conflits qui étaient déjà oubliés pendant la Guerre froide, ou d'autres qui durent encore malgré la fin de cette dernière, ou d’autres plus récents qui semblent d’emblée inclassables. Certes, une telle démarche n’est pas illégitime pour construire un modèle, mais elle exigerait des justifications qu’on ne trouve pas.

57 Nous pensons important de relever ici d'abord, sans reproduire la critique faite par S. Kalyvas thème par thème en prenant de nombreux exemples de conflits dans un texte auquel nous renvoyons42, comment l'opposition des nouvelles aux anciennes guerres repose sur une vision simplificatrice ou mythifiée, parfois même erronée, des unes ou des autres. Cette démarche permettra d’éclairer en creux certaines des transformations des guerres dans la dernière période. Celles-ci, réelles, ne nous paraissent cependant ni bien décrites, ni expliquées, tandis que les facteurs de ces changements sont peu ou mal identifiés.

De l'idéologie universaliste dans les anciennes guerres et de son absence dans les nouvelles

58 Qu’en est-il de ces fameux vieux conflits où l’idéologie guidait la guerre et les transformations sociales et politiques, où une idéologie universaliste de justice et de liberté inspirait les initiateurs et les dirigeants des rébellions comme, à la base, leurs soldats et les populations « libérées » ?

59 Les grands clivages introduits par la Guerre froide et les deux discours de légitimation qui l'ont soutenue ont évidemment eu un rôle important dans le positionnement international de beaucoup d'insurrections et de gouvernements. Nombre des rébellions armées menées pour l'indépendance nationale ou contre des dictatures l'ont été, ainsi,

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au nom d'un idéal universaliste, souvent socialiste ou socialisant quand les dictatures étaient pro-occidentales, de la liberté et de la démocratie quand ces dictatures se voulaient progressistes ou socialistes. Elles l'étaient par des directions souvent convaincues que ces idéologies pouvaient assurer la liberté et le bonheur de leur peuple, et qui ont parfois tenté de mettre en pratique pendant la lutte, voire après leur accession au pouvoir d'État, ces idéaux. Mais l’éventuelle sincérité de cette conviction n'autorise nullement à faire l'impasse, dans l'analyse, sur divers ordres de réalité : 60 – La nécessité pour un certain nombre de mouvements armés de s'aligner dans les camps de la Guerre froide afin d'en recevoir des soutiens indispensables à leur reconnaissance, leur survie et à leur éventuelle victoire, s'est traduite pour des rébellions anti-coloniales ou post-coloniales dans un discours largement stéréotypé, toujours universaliste, alors même qu'au moins de larges fractions des directions de ces mouvements anciens pouvaient être d'abord et essentiellement nationalistes, voire aussi « ethno-nationalistes » que d'autres qu'on catalogue ainsi aujourd'hui. Même s'il ne faut pas voir dans l'adoption d'un tel discours un simple effet d'imposition mais aussi une appropriation pour des besoins de légitimation propres, et même une véritable adhésion, il est clair que nombre de mouvements du Tiers-monde ont employé le langage alors pour eux nécessaire (comme aujourd'hui celui de l'État de droit et de la bonne gouvernance) sans se sentir pour cela obligés de tenter de le mettre en œuvre. Chaque cas requiert en tout cas une démonstration propre, mais on peut déjà noter que ceux de plus grande polarisation internationale ne sont pas gage d'une particulière profondeur de la résonance de ces idéologies au niveau du conflit43. 61 – L'existence toujours, dans les mouvements de mobilisation, d'ordres de discours différents, allant du discours universaliste des relations internationales des organisations armées (ou de gouvernements) à celui tenu à l'égard des guérilleros et des populations, et cela même quand un effort est fait de « politisation » des guérillas. Les grandes idéologies de libération ont le plus souvent fait l’objet d’une traduction dans les idiomes politiques nationaux ou locaux et, sauf à ignorer cet important travail de reformulation, on perd clairement les ressorts de la guerre. 62 – La question des dynamiques « idéelles » de l’adhésion de la population est autrement plus complexe. Elle relève de rationalités multiples qui ont souvent peu à voir avec la référence aux oppositions globales que le conflit est censé exprimer. Même quand le but social et national de la rébellion est indéniable, ce ne sont pas seulement les membres des catégories sociales y ayant intérêt (intellectuels, jeunes, opprimés, cadets sociaux, etc.) qui s'y joignent à l'échelle nationale ou plus locale. Ce sont aussi des communautés, dont les raisons d'entrer en rébellion renvoient moins à l'accord sur les revendications portées par tel ou tel mouvement qu'à la convergence de leurs revendications et espoirs propres avec ceux-là. Outre la question des options concrètes de choix44 qui se présentent localement aux populations, les modes de mobilisation ont toujours été locaux et les conflits pour de grandes causes en ont toujours épousé d'autres qui renvoyaient à des histoires de terroir plus qu’à des mobilisations universalistes, et ce selon notamment la tradition de leurs rapports avec l'État et avec d'autres communautés, particulièrement les communautés voisines. Même quand l’adhésion, volontaire, se fait à des rébellions marxistes-léninistes particulièrement orthodoxes, elle renvoie à la fois à ces autres intérêts concrets et à l'adéquation réelle ou supposée de cette idéologie universaliste – ou simplement de la lutte elle-même, ou de la dissidence qu'elle permet – aux valeurs de l'économie morale45 propre des

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populations46. On pourrait d’ailleurs, comme le suggère S. Kalyvas, faire un parallèle avec les processus de conversion, dont les modalités suivent bien rarement les logiques doctrinales et bien plus des enjeux matériels et sociaux tout à fait concrets, comme l’accès au sol, l’intégration dans une communauté dominante, etc. 63 Sans vouloir réduire à l'identique toutes les idéologies présidant aux conflits civils, il ne semble pas possible de tracer une différence de nature entre les idées universalistes des anciennes guerres et les marqueurs (labels 47) identitaires, ni à la base au niveau des guérilleros et des populations, ni même totalement au niveau des directions. Où d'ailleurs, faut-il la tracer, à quel degré d'universalisme ou d'autochtonisme ? Affirmer une opposition aussi tranchée revient à dénier par un simple moyen sémantique la qualité d'idées à ces idéologies. Cela signifie les renvoyer dans les mêmes ténèbres que les guérillas de pure violence et enlever ainsi arbitrairement à ces marqueurs toute possible légitimité comme expression d'une demande de dignité contre la négation des fondements moraux de leur existence sociale et d'une protestation contre des discriminations. Quid de la situation des Kosovars sous la domination de S. Milosevic dans ce cas ? Une telle disqualification péremptoire est d'autant plus contestable quand une telle légitimité est reconnue aux anciennes rébellions luttant précisément pourtant, au nom du droit à l'autodétermination, pour des objectifs du même ordre contre des pouvoirs coloniaux niant identité et droits des populations dominées. 64 On voit bien, de plus, comment, aujourd'hui même, la qualification de mouvements exclusivistes très similaires peut varier en fonction de considérations qui ne sont pas intellectuelles mais stratégiques, et comment le label d'obscurantisme, de fondamentalisme, est propre à disqualifier l'ennemi. Ce dernier a certes, depuis la fin de la Guerre froide, l'avantage de faire l'unité de tous les nouveaux démocrates que nous sommes, mais il a été utilisé dans de nombreux mouvements de libération par des fractions se disant modernistes, il l'est à l'envi par tous les gouvernements qui, face à leur rébellion, disent se ranger du côté de l'ordre démocratique. Sans évoquer ici l’Algérie, on mentionnera l'impitoyable guerre de nettoyage menée en Tchétchénie contre le « terrorisme fondamentaliste » par Moscou. La communauté internationale est discrète, s'agissant de cette nouvelle grande mais embryonnaire démocratie qu'est la Russie.

Du soutien populaire des anciens conflits et de la violence gratuite ou délibérée des nouveaux

65 Les images horribles d’amputations, de cadavres, apparaissent de manière récurrente sur les écrans de télévision, résumant l’annonce de génocides, d’épurations ethniques, de massacres, d’assassinats barbares. Pourtant les chercheurs doivent faire preuve d’une grande prudence méthodologique. D'abord parce que, malgré les Balkans au cœur de la vieille Europe si civilisée, il y a une tendance très forte à renvoyer l’Afrique à ses ténèbres. Le Heart of Darkness de Joseph Conrad sert d’inspiration sommaire à bien des descriptions brutes de la violence jointes à des considérations sommaires sur les nouveaux barbares48 qui ne s'embarrassent souvent pas d'un examen sérieux de l’usage de cette violence. Ensuite, ce discours sur la violence barbare est aussi, comme celui sur le fondamentalisme, l’un des moyens les plus aisés pour criminaliser à bon compte des acteurs armés, et il a été utilisé, avant et après la Guerre froide, par toutes les propagandes, même démocratiques et universalistes (de Timisoara aux supposées pouponnières du Koweït).

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66 Cette disqualification des nouveaux faiseurs de conflits notamment par la barbarie de leur violence est aussi l’effet d’une euphémisation extrême des violences des guerres anciennes, telles qu’elles se sont concrètement menées même en Europe au XXe siècle. L’inconcevable boucherie de la Première Guerre mondiale49, le génocide des Juifs et des Tziganes50, les morts d’Hiroshima et de Nagasaki, la conduite des guerres coloniales ou quasi-coloniales en Algérie ou en Indochine, ou même les milliers de morts irakiens de la guerre du Golfe devraient nous inciter à plus de recul. Il suffit de reprendre les grandes guerres qui se sont déroulées durant la période de la Guerre froide, que ce soit les guerres entre États (Iran-Irak), les conflits civils (Grèce, Soudan), les guerres dites « régionales » (Vietnam, Afghanistan), pour montrer une fois de plus que les massacres menés par des mouvements insurgés mais aussi par les armées de gouvernements, même démocratiques, sont une pratique bien ancrée. 67 Au-delà de cette « barbarie » naguère encore très partagée, il apparaît qu’il y a tant chez Mary Kaldor que chez les autres analystes des nouvelles guerres une certaine mythification du soutien populaire dont ont bénéficié les anciennes rébellions – en omettant ou minimisant les moyens de coercition et d’encadrement des combattants et des populationsutilisés par celles-ci. Bien des mouvements (pour ne pas parler des États) « révolutionnaires » ont violemment éliminé leurs oppositions, y compris les anonymes partisans populaires de celles-ci, la répression interne étant plutôt la règle que l'exception, et étant souvent impitoyable51. 68 Les mobilisations générales, tant par les gouvernements que par les groupes rebelles, sont rarement conformes à l'image qu'en donnent les drapeaux agités par des foules enthousiastes. États comme rébellions en guerre ont eu naguère comme aujourd'hui recours à la conscription forcée, qui est une réalité majeure de la plupart des conflits avant et après la Guerre froide, comme le sont aussi les désertions et leur répression meurtrière… Cette mobilisation coercitive est aujourd'hui comme hier une des grandes pourvoyeuses de déplacés et de réfugiés la fuyant. La lutte pour l'accès aux populations réfugiées hors des frontières et prises en charge par des organisations humanitaires et leur transformation en terrains d'extorsion et d'enrôlement plus ou moins forcé, l'existence de bras policiers des mouvements de libération chargés du recrutement, souvent avec l'aide des polices des pays alliés, sont une pratique ancienne. Cela n'est pas la nouveauté que découvre avec inquiétude tel mouvement humanitaire ou organisation internationale. Alors que la guerre met radicalement en cause la sécurité et le droit à la vie des populations, le soutien de telle ou telle communauté au gouvernement ou à la rébellion renvoie aussi souvent, avant comme maintenant, outre aux raisons « idéologiques » qu'on a mentionnées, à un calcul de plus grande sécurité ; et les rapports entre guérilla, révolutionnaire ou non, et paysannerie alliées contre un ennemi commun sont loin d'avoir été toujours idylliques52. 69 De plus, la barbarie, l'extrémisme de la violence ne nous semblent pouvoir être érigés en caractéristique des nouvelles guerres par opposition aux anciennes qu'en ignorant l'emploi de la terreur comme politique délibérée avant la globalisation et la fin de la Guerre froide, et pas seulement par les « sauvages à machettes » du Rwanda, les « Rambos drogués à la cocaïne et aux films de kung-fu » de Sierra Leone ou de Brazzaville, ou de sinistres miliciens. Il faut rappeler que de telles pratiques ont été le fait depuis longtemps de forces d'élite avec le consentement ou même à l'initiative tant d'états-majors d'armées même de grands pays démocratiques jugeant nécessaire de « terroriser les terroristes » et les populations qui les soutiennent, que de guérillas

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révolutionnaires voulant ainsi punir les traîtres ou faire choisir le bon camp aux populations. 70 On ne peut non plus négliger complètement de s'interroger sur les aspects culturels différenciés de la violence et de ses usages comme des jugements sur sa barbarie. Les meurtres à la machette sont-ils, déjà, si évidemment plus barbares que les bombardements au napalm ? Au-delà, la vision très rationalisante et uniforme de la violence qui s'exprime dans les qualifications faites des nouvelles guerres ne tient pas compte de ce que diverses études montrent. Celle-ci s’exerce souvent pour contrôler moins le monde du visible que celui de l’invisible et sert à démontrer parfois la maîtrise des esprits et donc l'invincibilité de ceux qui l'emploient53, et elle renvoie dans différents cas à des configurations culturelles particulières. Sans adhérer complètement à ce courant d’analyse, on ne peut ignorer ce que décrivent certains travaux qui lient la violence ethnique à une certaine forme de connaissance, les corps des personnes individuelles étant alors métamorphosés en spécimen d’une catégorie ethnique à laquelle elles sont censées appartenir54, ou au contraire mettent l’accent sur le doute, l’indétermination quant à l'identité de l'ennemi qui mérite la mort, comme le suggère G. Simmel55 et le développe A. Appadurai56. La violence irrationnelle, arbitraire, l'est toujours simplement d'abord de ce qu'on ne la comprend pas, qu'elle est celle de l'autre, même si elle a sa propre logique. 71 Sur cette question de la violence, de ses modes et de ses buts, comme sur celle des « idées », il faut évidemment, on le voit, faire des différences entre les rébellions, mais qui ne peuvent être celles qualitatives entre un avant et un après faites par les tenants de ce courant d'analyse.

Mobilisation des ressources versus informalité des trafics et prédation

72 La vision commune que ces auteurs présentent d'une centralisation, voire d'une autarcie d'une production à la fois intensifiée et orientée vers la guerre dans les anciens conflits peut à un certain niveau correspondre à la situation de pays engagés par exemple dans des guerres internationales où les échanges économiques habituels sont affectés. Encore faut-il, même dans ce cas, ne pas trop simplifier. De telles situations se caractérisaient, elles aussi, par le regain de l'informel et de l'illégal, du dispersé et du transfrontalier, sous la forme de la contrebande et du marché noir, et elles n'excluaient pas la prédation. Le pillage, l'extorsion et la confiscation des biens ennemis sont une caractéristique des guerres de conquête et même des guerres stratégiques centrales57 (les réparations exigées des vaincus ensuite viennent d'ailleurs même légaliser cette extorsion). Et le sac et le pillage des populations du camp ennemi ont jalonné à la base toutes les guerres civiles.

73 De plus, seule une acceptation naïve du slogan « compter sur ses propres forces » repris par nombre de mouvements armés révolutionnaires du temps des guerres d'indépendance ou de la Guerre froide peut faire oublier la très forte implication transfrontalière et internationale dans l'économie de ces conflits, et là encore son informalité et son illégalité. Pour ce qui concerne plus particulièrement les conflits qui s'intégraient dans la Guerre froide (et tandis que d'autres rébellions « oubliées » se sont « débrouillées » par les moyens possibles : production collective, vols et commerce, otages, etc.), les mouvements armés (et réciproquement les États) recevaient des grands parrains ou de leur relais locaux, des pays voisins, des armes, fonds, conseillers, « mercenaires », médicaments, facilités diverses. Cette aide transfrontalière cachée et

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non légale pouvait d'ailleurs permettre à ces rébellions d'alors de ne pas trop vivre sur la population qu'elles encadraient. Mais elle n'empêchait ni l'exploitation et le commerce des ressources des territoires contrôlés au profit des mouvements armés, ni l'imposition d'un impôt révolutionnaire, c'est-à-dire des méthodes de sustentation qu'on appelle aujourd'hui uniment prédation et pillage… 74 La qualification du nouveau dans l'économie des conflits actuels apparaît donc improprement située quand elle met en exergue une transnationalité, une informalité, une illégalité qui ne sont pas en soi nouvelles. Il y a bien des différences à faire entre les moyens économiques des rébellions armées. Mais celles-ci doivent être spécifiées à la fois en fonction des conditions générales de leur apparition – notamment dans les processus d'informalisation et de privatisation de l'économie internationale, et ce dans la paix avant de l'être dans la guerre – et en relation, dans ce cadre, avec les fonctionnements économiques des États eux-mêmes. Là encore, ce ne sont pas un après et un avant homogènes qu'on peut distinguer. Quant à faire de cette informalité un facteur belligène par essence, il y a un pas qu’on ne peut franchir. La fantastique expansion du secteur informel en Italie du Nord à la fin des années 1970 n’a pas conduit à un conflit : peut-être est-ce un autre « miracle italien » ? Même le Zaïre (paradigme de l’informel) d’un Mobutu affaibli par la fin de la Guerre froide n’a connu la guerre civile que par le débordement de la crise rwandaise et l’arrivée d’armées étrangères sur son territoire. 75 Par ailleurs, pour les anciens « conflits régionaux » ou pour les actuelles « petites guerres », le recours à des ressources autres que l'aide extérieure « idéologique », et notamment à l'exploitation intensive de matières premières échangeables contre des armes, qu'il s'agisse du bois, du diamant ou de la coca, ne transforme pas obligatoirement ces ressources en buts de guerre. Or nombre d'analystes des nouveaux conflits passent eux aussi (comme le fait P. Collier) sans ambages du moyen à la fin. Ils n'opposent pas seulement aux anciennes rébellions, nourries volontairement et sans abus par les populations gagnées à la cause, les nouvelles alimentées par la mise au travail forcé de populations venant enrichir non seulement la lutte armée mais les dirigeants rebelles. Ils transforment ceux-ci en « seigneurs de la guerre », en warlords. On ne peut qu'être perplexe sur la façon dont l'usage du terme s'est généralisé dans la communauté scientifique. La référence aux études classiques sur les seigneurs de la guerre chinois58 est obligée, tous les auteurs la font, mais, à l’exception de W. Reno 59, personne ne se préoccupe d'en donner une définition adaptée au terrain africain. Surtout, son usage (y compris chez Reno) est d’autant plus étonnant que les warlords chinois ont certes mené la guerre plus qu’il n’est de raison mais ils ont administré des territoires, les ont quelquefois développés sans commune mesure avec la situation qui leur avait été léguée lors de l’effondrement dynastique chinois. Sous le même emblème, c'est une tout autre thèse que reprennent pourtant les analystes des nouvelles guerres. Celle des nouveaux entrepreneurs militaires, des grands prédateurs (le modèle est inspiré du personal rule) qui ne luttent pas même pour le pouvoir, n'y ont pas intérêt puisqu'ils sont déjà à la tête de quasi-États et en reçoivent autant au moins d'avantages : ils font donc la guerre pour la guerre ou, ce qui est équivalent, la guerre pour la prédation. On reviendra sur les implications d'une telle appellation et de cette analyse, mais on peut déjà noter qu'un paradigmatique warlord des nouveaux conflits, Charles Taylor, a préféré entrer à Monrovia et se faire élire chef d'État, sans qu'on

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sache qu'il ait abandonné ses ambitions prédatrices… ni qu'il ait fait – malgré quelques frémissements de la communauté internationale – un mauvais calcul.

Analyse des conflits ou construction d'un syndrome ?

76 L'idée d'une modification des conditions et de la nature des conflits, notamment civils, dans le monde est évidemment à l'ordre du jour pour les analystes comme pour la communauté internationale, après la Guerre froide et à l'ère de la globalisation. Et des éléments d'analyse, des idées avancées par ce troisième courant présentent un intérêt certain. Cependant, la confrontation de la thèse – l'opposition terme à terme d'anciens et de nouveaux conflits – avec la réalité des rébellions et conflits anciens et nouveaux n'est pas probante. Nous voudrions indiquer brièvement ce qui, à la lecture de ces auteurs, nous apparaît comme les principales défaillances de leurs analyses et raisonnements.

Des objets et des analyses différents pour une même théorie

77 La première remarque est que Mary Kaldor et la plupart des tenants de la nouveauté des conflits de l’après Guerre froide parlent bien dans les mêmes termes des conflits nouveaux et des conflits anciens, mais qu'ils ne parlent pourtant vraiment ni des mêmes guerres anciennes, ni des mêmes nouvelles guerres.

78 Il est clair, d'abord, que ce courant s'est constitué à partir de deux sources disciplinaires, et aussi de deux types de terrains d'étude, différents : celui des études internationales et stratégiques et celui de l'analyse historique, sociologique, anthropologique, des « guerres révolutionnaires » et des États du Tiers-monde. Ces deux types de zones se retrouvent aujourd'hui, à des places non égales certes, à la périphérie de l'Occident moteur du nouvel ordre international, dont ils n'avaient, à des titres divers, pas fait partie : Tiers-monde ex-colonisé et subsumé sous la Guerre froide, ou ex-bloc communiste en décomposition-globalisation. Mary Kaldor fait un parallèle entre ces deux situations et appuie sur celui-ci la validité générale de son modèle, mais il mériterait cependant d'être examiné précisément et non seulement évoqué. 79 Mais, au-delà de ces origines et démarches d'analyse différentes, on voit bien que le socle de la comparaison des conflits actuels n'est pas constitué pour les différents auteurs par les mêmes anciennes guerres. Quand Mary Kaldor oppose leur centralisation économique et leur autarcie à l'informalité et à la transnationalité des nouvelles, elle se réfère à ces États européens engagés dans des guerres internationales qui resserrent leur contrôle sur l'économie alors que les échanges sont en déclin du fait de la guerre et des blocus. Même si elle mentionne les anciennes guérillas révolutionnaires dans sa comparaison, ce n'est pas sur elles que cette thèse est fondée. Les analystes des guerres prédatrices d'aujourd’hui les comparent, quant à eux, à d'autres conflits du Tiers-monde, et plus particulièrement aux guérillas qui se sont inscrites dans le cadre de la Guerre froide et en ont épousé les buts ou le discours. C'est en fait plus précisément aux anciennes guérillas révolutionnaires qu'ils opposent les nouvelles. L'objet ancienne guerre n'est ainsi pas le même pour l'une ou les autres, et les qualificatifs identiques employés pour le caractériser sont d'une part plus ou moins légitimes et, de l'autre recouvrent à l'évidence des réalités trop hétérogènes pour fonder une comparaison rigoureuse.

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80 Mais ces auteurs ne parlent finalement pas non plus des mêmes nouvelles guerres ou, quand ils le font, ils ne les analysent pas vraiment de la même façon, même si l'on s'en tient aux seules guerres civiles. Cette vision des nouvelles guerres regroupe en effet deux variantes de conflits civils qu'il conviendrait, au moins à titre d'hypothèse, de distinguer. Celle de l’identity politics, du fondamentalisme, de l'ethno-nationalisme, c'est-à-dire de guerres politiques, un politique rétrograde et exclusif d'un côté, et de l'autre celle de la fin du politique qu'exprime la guerre sans but sinon elle-même et la prédation. Les exemples en seraient pour la première le conflit dans les Balkans et le génocide des Rwandais tutsis et pour la seconde les guerres au Libéria et en Sierra Leone, où le conflit armé n'oppose pas des camps ethniques ou raciaux. De même conviendrait-il de distinguer a priori entre deux types de cette violence extrême censée être caractéristique des nouvelles guerres : la violence d'élimination, délibérée (version Mary Kaldor), qui découlerait intrinsèquement de l'idéologie rétrograde et exclusiviste, et la violence anomique, gratuite et généralisée, manifestant elle (au contraire) l'absence du politique. Mais de telles distinctions ne sont pas plus faites que celles portant sur les modes économiques précis de sustentation. Une telle coexistence de deux contenus différents pour l'affirmation d'une même thèse montre là encore pour le moins l'insuffisance d'analyse. 81 En outre, ce qui est censé marquer le tournant entre anciens et nouveaux conflits – et donc la signification de cette coupure, ses dimensions et conséquences précises – est rarement spécifié, moins encore analysé. Le fait qu'on renvoie le changement dans la nature des conflits à la globalisation ou à la fin de la Guerre froide entraîne déjà des différences d'échantillon. Tous les conflits des années 1980, anciens pour les tenants de la coupure de la Guerre froide, sont nouveaux pour ceux invoquant la globalisation, sans que cela semble avoir d'importance pour l'analyse, ce qui laisse quand même un peu perplexe… Mais, surtout, il ne s'agit pas là de deux phénomènes du même ordre, même si la fin de la Guerre froide donne un cours plus libre à la globalisation, et ils ne renvoient donc pas, sauf à en parler vaguement, aux mêmes transformations. Ce sont donc les conditions globales et internationales censées contribuer à expliquer le surgissement et les formes différentes des nouveaux conflits qui ne sont pas vraiment les mêmes pour différents auteurs de ce courant. On reviendra plus loin sur cette question, car il nous semble que cette carence d'analyse approfondie de la recomposition en cours internationalement pèse gravement sur l'analyse des conflits. Mais on peut déjà noter des insistances assez distinctes : celle de Mary Kaldor sur certains aspects de la globalisation comme la dérégulation et la fragmentation, la déliquescence des États, et celle d'autres auteurs sur certaines dimensions de la fin de la Guerre froide, qui peuvent aller de la disparition du camp socialiste et de celle des idéologies révolutionnaires, à la disparition du carcan qu'aurait constitué la Guerre froide pour des oppositions ethniques dormantes et désormais réveillées, ou encore, au niveau économique, à la disparition de la rente stratégique pour certains États ou rébellions.

Des amalgames invalidants

82 On a dit que la plupart des auteurs de ce courant ne prennent pas la peine de construire une argumentation et se contentaient d'évoquer voire d'invoquer d'anciens conflits auxquels ils opposent les nouveaux. Ce n'est pas cependant le cas de Mary Kaldor. Son raisonnement général n'en souffre pas moins de deux amalgames qui, joints à une

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impasse sur les acquis de la réflexion classique sur la guerre, nous semblent remettre en cause la validité même de la construction du paradigme ancien/nouveau, et amener à confondre des guerres qui ne sauraient l'être.

83 L'impasse est celle sur une distinction parmi les plus solidement classiques de la sociologie et de la philosophie politique et même… des relations internationales. C’est celle établie entre les guerres entre États et les guerres civiles à l'époque moderne, et sur la caractérisation qui y est faite de ces dernières, comme foncièrement inciviles et sans loi60 – ce que montrent par ailleurs les études historiques qu'on a citées. Les guerres entre États ont progressivement donné lieu, au cours des siècles, à l'établissement d'un droit de la guerre61, à des conventions, des normes, des limites qu'a permis d'établir la reconnaissance de l'égale souveraineté des États. Les guerres civiles, rompant elles anormalement l'ordre fondateur de l'État – le monopole effectif de la violence légitime – sont des guerres sans droit et sans loi, sans conventions de Genève protégeant les civils62, épargnant les prisonniers, distinguant les armées et les milices, les uniformes et les grades… Ce sont par définition des guerres inciviles. Sans doute, à l'époque de la globalisation, conviendrait-il de retravailler cette distinction qualitative, d'essence, tracée entre guerres civiles et guerres entre États à l'époque moderne, mais il nous semble qu'on ne peut simplement ni choisir de l'ignorer, ni, surtout, l'ignorer pour prendre le parti de tout confondre. Qu'une telle confusion résulte en partie de l'arrivée soudaine dans le domaine d'étude des conflits civils de spécialistes des relations internationales est possible63. Mais l'on voit déjà combien une telle référence critique aux analyses classiques, nécessaire, aurait été de toute façon fructueuse : pour éviter de baptiser nouvelle une barbarie civile qui est foncière, pour resserrer davantage l'analyse de ce qu'il y a de vraiment nouveau dans les guerres d'aujourd'hui, et aussi pour examiner plus sérieusement ce qui pouvait éventuellement faire la spécificité (peut-être moins barbare ?) des guerres révolutionnaires parmi toutes les guerres civiles – ou plus probablement, aujourd'hui comme hier, de certains types de rébellion. La question d'une typologie est posée de part et d'autre de la coupure instaurée par ce courant. 84 Cette impasse sur la théorie autorise Mary Kaldor à faire un premier amalgame. Elle compare, en effet, aux nouvelles guerres qui lui servent pour construire son modèle (Bosnie et Nagorny-Karabakh) indifféremment ce qu'elle appelle les « anciennes guerres idéologiques ou géo-stratégiques », c'est-à-dire à la fois des guerres civiles, dont les guerres d'indépendance, et des conflits inter-étatiques d'avant la globalisation, dont les deux guerres mondiales et l'affrontement de la Guerre froide. Une telle comparaison dans le temps de deux ensembles non homogènes nous semble franchement indue et ne peut qu'être très malheureuse pour mener l'analyse. Aussi ne peut-on s'étonner que Mary Kaldor ait finalement choisi, au terme d'un examen confus et rapide des autres théories sur les nouvelles guerres, de les qualifier seulement de… nouvelles64. A priori et a posteriori, cet amalgame de guerres mondiales, de conflits géostratégiques, de rébellions identitaires locales, de guerres de pouvoir, etc., ne nous semble ni acceptable scientifiquement, ni heuristique, ni de fait éclairant… Il interdit par exemple d'emblée à M. Kaldor de mener vraiment une comparaison entre anciennes et nouvelles guerres civiles, même si elle prétend en rendre compte par son modèle globalisant et si les tenants des guerres post-Guerre froide peuvent y adhérer. 85 Le deuxième amalgame, qui résulte en partie seulement de l'existence du premier65, est que Mary Kaldor analyse sous l'intitulé de « nouvelles guerres civiles » deux types de

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conflits qui ne sauraient eux non plus être analysés ensemble sans faire la démonstration que ce regroupement est légitime. Le problème de méthode le plus important à nos yeux ici n'est pas de savoir si l'on peut qualifier ces guerres de civiles dès lors qu'elles s'exercent surtout contre les civils, même si cela est évidemment une dimension qu'il faut prendre en considération et qui peut amener à différencier parmi les guerres civiles. Ni même de constater qu'elles ne sont pas seulement civiles, mais qu'elles peuvent déborder ou s'exporter hors des frontières étatiques : il y a là aussi un problème d'analyse concrète d'abord, et la nécessité d'un effort de conceptualisation, en termes de systèmes de conflits (intérieurs et trans-étatiques), peut-on penser. Le problème de méthode est de ne pas dissocier deux types de conflits armés civils qui nous paraissent relever de ressorts, de raisons, de motivations différents, et également présenter des caractéristiques, et avoir sur les sociétés des conséquences très différentes. 86 Le premier type recouvre les conflits que nous qualifierons provisoirement de « guerres de nettoyage », et qui sont menés à l'initiative de pouvoirs d'État, dans leur territoire national ou chez (ou jusque chez) les voisins. C'est d'ailleurs au regard de ces guerres des Balkans que Mary Kaldor singularise parmi tant d'autres ses trois caractéristiques des nouvelles guerres, c'est pour en rendre compte qu'elle s'attache aux changements introduits par la globalisation en termes surtout de dérégulation et d'illégalismes, de déliquescence des États et de discrédit des classes politiques, et c'est à leur sujet précisément qu'elle parle d'identity politics. Mais la généralisation de cette théorie aux nouvelles guerres (et même, chez Mary Kaldor, à toutes les nouvelles guerres, civiles et internationales !) ne nous semble légitime ni en théorie, ni en fait. Il ne paraît pas en effet que de telles guerres lancées par des pouvoirs d'État, et dont la direction serbe de S. Milosevic est l'emblème, relèvent de la même analyse que la grande majorité des rébellions actuelles. Ni, à l'évidence, que la guérilla zapatiste ou que la violence gratuite imputée par les tenants des nouvelles guerres aux « tueurs drogués du RUF », ni que les mouvements armés très actuels qui continuent à se revendiquer par exemple de variantes des idéologies communistes, ni même que ceux dont soit la base sociale, soit même les aspirations, sont « identitaires » parfois sécessionnistes, mais qui sont pourtant l’expression d’une revendication non satisfaite de droits et de reconnaissance dans des États où la contestation pacifique est impossible. Les seules rébellions armées auxquelles on devrait à certains égards comparer ces entreprises guerrières sont celles qui, comme de tels pouvoirs d'État, sont déterminées dans leurs objectifs, engagées dans une guerre de terreur et soudées par une idéologie fondamentaliste (comme celle du GIA en Algérie). Cependant, ces gouvernements et ces rébellions pareillement exclusivistes et « rétrogrades », et qui prennent aussi massivement pour cible les civils, n'ont pas les mêmes moyens et ressources ; et le recours à la guerre ne renvoie pas dans les deux cas aux mêmes ressorts. Ce qui pousse un gouvernement, un pouvoir d'État, à construire par le nettoyage une « Grande » terre expurgée de ses allochtones ou de ceux qu'elle déclare ses ennemis raciaux peut-il être sans autre forme de procès rendu équivalent à ce qui amène la constitution, et l'armement, d'une rébellion fondamentaliste ? Les ressemblances ne seraient-elles pas plus significatives avec les entreprises génocidaires des « États totaux », qui n'auraient, « simplement », pas rencontré d'opposition armée (nécessairement armée…) ? 87 La confusion entretenue nous paraît en tout cas une fois encore interdire que soit rigoureusement menées tant l'analyse de l'évolution des rébellions anti- gouvernementales que celle des États (ceux qui s'engagent dans des guerres de

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nettoyage et ceux contre lesquels se forment des rébellions, éventuellement fondamentalistes), et de leur évolution à l'ère de la globalisation.

Une construction de syndrome

88 Ainsi, en reprenant plus attentivement les arguments développés tant par Mary Kaldor que, de façon moins élaborée certes mais aussi forte, par tant d'autres penseurs des nouvelles guerres, on voit comment ils ne se sont pas attachés, ou ne sont pas parvenus, à construire vraiment deux types de guerre sur la base d'un examen approfondi des facteurs de changement et de l'établissement analytique d'une série de caractéristiques des unes et des autres. On vient de le voir, les facteurs de changement, quand ils sont sérieusement évoqués, ne sont pas les mêmes pour les divers auteurs et certains sont qualifiés de façon insuffisante ou erronée. Les distinctions qualitatives affirmées entre nouveaux et anciens ne résistent-elles pas à l'analyse, alors que beaucoup des caractéristiques attribuées aux anciens conflits ne sont pas avérées, que celles imputées aux nouveaux regroupent souvent, sous des mots communs, des contenus incomparables ; en outre, les trois grandes variables distinguées comme caractéristiques ne vont pas obligatoirement de pair.

89 On est donc bien plutôt en présence de la constitution de deux syndromes. Chacun de ces syndromes est bien défini par les auteurs par un ensemble de symptômes, cependant cet ensemble ne présente pas de lien nécessaire : ainsi, on l'a vu, n'y en a-t-il pas entre l'existence d'une idéologie inclusive et celle d'un soutien populaire, entre cette idéologie et/ou ce soutien et l'absence de coercition, entre les uns et les autres et l'accaparement des ressources existantes pour la guerre… Nous ne sommes pas non plus en mesure, malgré les références à tel ou tel aspect de l'après – Guerre froide ou de la mondialisation, d'établir un lien entre cet ensemble et des facteurs qui expliqueraient son émergence. Et donc, et là encore en dépit des conclusions et conseils qui nous sont prodigués en la matière, nous n'avons pas vraiment les moyens de trouver la cure, le traitement de ces nouvelles guerres. 90 On se retrouve d'ailleurs devant un mode de construction théorique paradoxal. Car l'objet d'étude de tous ces auteurs n'est pas la comparaison entre l'avant et l'après un événement marquant un tournant, et il n'est pas non plus les guerres dites anciennes ; il est manifestement les guerres actuelles – et c'est précisément pour analyser celles-là que des institutions internationales ou des think tanks divers ont fait appel à ces chercheurs (comme d'autres à Paul Collier). Mais ce qui les amène à construire le même paradigme ne se trouve pourtant pas dans l'analyse commune des nouvelles guerres – ils n'analysent pas les mêmes, ne construisent pas leur modèle général à partir d'objets du même type (toutes les guerres, les guerres civiles, les guerres « génocidaires » ou les rébellions, etc.) et ne leur attribuent en fait pas les mêmes caractéristiques principales (fondamentalisme et ethno-nationalisme, ou violence sans but ou prédatrice, etc.). 91 Ce qui, finalement, fait l'unité des tenants de cette thèse apparaît bien ainsi comme la constitution d'un même syndrome des anciennes guerres. Et celui-ci apparaît en fait construit non sur une étude empirique des caractéristiques des anciennes guerres, pas non plus sur un examen des conditions internationales et autres leur ayant donné naissance, mais bien autour d'une caractéristique princeps, de laquelle découleraient toutes les autres. Avant, ce qui était à la source des guerres et des rébellions, menait les soldats comme les guérilleros et leurs chefs, des deux côtés de la Guerre froide et des tranchées des dits conflits régionaux, c'étaient ces idéologies universalistes, inclusives,

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cosmopolites. Même si l'examen historique, on l'a vu, le dément dans tant de cas, il en résultait que la violence était contrôlée, le soutien populaire assuré, les ressources mobilisées sans vol ni contrainte. Et l'on pourrait de fait presque résumer ce syndrome en termes de jugement moral : la légitimité des buts portés par des idéologies universalistes aurait alors impliqué la correction (pas de violence, pas de pillage) des révolutionnaires – ou, au choix, des « combattants de la liberté » – et l'adhésion massive et enthousiaste des populations à la construction de l'homme nouveau dans les zones libérées d'abord, voire ensuite, pour les mouvements arrivés ainsi au pouvoir d'État, dans les États du peuple tout entier. 92 Nous caricaturons, bien sûr, mais c'est bien sans doute cela surtout, cette vision un peu idyllique, citoyenne et rustique à la fois, assez nostalgique, qui rattache dans un même courant cet ensemble de chercheurs venus d'horizons et de disciplines universitaires différents et qui réfléchissent assez différemment en fait sur des genres de conflits actuels eux aussi différents. Et il n'est donc pas improbable que cette communauté de vue renvoie, autant qu'à des convergences d'analyse, à des sensibilités communes, résultant peut-être de trajectoires intellectuelles et exprimant des engagements passés eux aussi proches : de concerned scholars, progressistes, de gauche et, pour les analystes des conflits du Tiers-monde, de sympathisants, voire de compagnons de route d'anciennes rébellions socialisantes. L'attention portée aux facteurs sociaux, politiques, culturels, est en tout cas très différente de celle d'un Collier, ou d'un Kaplan. 93 Il n'en reste pas moins que c'est au bout du compte surtout sur un impensé que repose la cohérence du paradigme des « vieilles guerres/nouvelles guerres » : car ces dites anciennes guerres ne sont pas l'objet, par aucun de ces penseurs des nouvelles guerres, d'une analyse propre, elles viennent en contrepoint pris pour acquis de l'examen des nouvelles. Elles ne sont, en particulier, pas soumises à un réexamen à la lumière du regard éclairé que ces chercheurs jettent sur les guerres d'aujourd'hui. C'est même ce réexamen qui est exclu par la construction d'une telle opposition entre anciennes et nouvelles guerres. 94 Ce faisant, malgré tous ses avantages par rapport à des thèses univoques et lapidaires comme celles de P. Collier, ou polymorphes et catastrophistes comme celles de Kaplan, en dépit de toutes les divergences d'analyse explicites ou sous-jacentes avec celles-ci, cette analyse des conflits ne les interdit pas. Elle ne s'y confronte pas, d'ailleurs, et vient en fin de compte les nourrir dès lors qu'elle met en avant elle aussi le fondamentalisme, la barbarie et la prédation, et penche elle aussi logiquement vers une solution de ces conflits en termes de justice et de police. Certes le chapitre que consacre M. Kaldor à une issue cosmopolite n’épargne pas les États ni une certaine diplomatie de pompier-pyromane. L'action qu'elle propose, portée par les sociétés civiles locales appuyées sur la société civile internationale et mue par des valeurs cosmopolites, est dans l'esprit très différente de celle découlant des positions des deux autres courants. Cependant l’existence des sociétés civiles66 dans l'acceptation homologuée du discours international est postulée par elle dans tous les cas (on y retrouve l'idée du peuple bon, toujours présente dans les idéologies de gauche), mais elle évacue complètement les profondes divisions qui s'expriment dans le conflit et que celui-ci creuse ou provoque dans une société certes « civile » mais pas pour cela dotée de la force et de l'autonomie, voire du désir de paix, qu'on lui prête (et qui n’a pu notamment empêcher la militarisation de la confrontation). Ainsi, sans même évoquer l’aversion assez répandue de diplomates à mener leurs actions dans un tel cadre civil, la thèse de M. Kaldor peut-

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elle, par inadéquation à la réalité, n’offrir d’autre solution que d'en revenir aux pratiques les plus réalistes, dont le renforcement des États.

* * *

95 Lucette Valensi montre67 qu'à partir du XVIIe siècle se profile derrière l’image du Turc la question toute européenne du despotisme et qu'il en résulte une déformation de la réalité et des enjeux proprement ottomans. À lire les théorisations des conflits présentées ici, on perçoit pareillement comment le contexte intellectuel et moral dans lequel elles ont émergé est facteur de distorsions. C’est sur cet aspect que nous voudrions revenir en conclusion, avant de présenter un certain nombre de thèmes de réflexion qui nous paraissent importants.

96 Il peut être utile pour illustrer les perceptions spontanées que ces théorisations mobilisent et les glissements de sens et de qualification selon lesquels elles procèdent, de revenir brièvement sur le cas de la Résistance nationale mozambicaine (Renamo). À bien des égards, la rébellion de la Renamo ressemble aux nouvelles guerres. Surtout, elle a été en son temps décrite sous les mêmes espèces que celles-ci : l'image qu’on en donnait, la renvoyant à un nouveau Moyen-Âge, était celle d’une guerre menée par des « fantoches », des « bandits armés », sans idéologie ni soutien populaire, utilisant une violence et une terreur barbares, la coercition la plus brutale, menant la guerre pour la guerre et ne pouvant survivre que dans sa reproduction. Néanmoins, il s'agit bien d'un « ancien conflit », typique de la Guerre froide. Il est même de ceux qui se sont éteints avec la fin de celle-ci, après qu’un accord de paix fut signé et des élections tenues. Elle est aussi, ce qui n’est sans doute pas indifférent à la représentation faite de sa réalité, l'exemple d'un mouvement armé contre un État « progressiste » issu d’un mouvement de libération nationale. 97 À l’époque pourtant, Michel Cahen68 d'une part expliquait les raisons d'être de la dissidence dans l'agression représentée par la construction de l'État-Frelimo (alors marxiste-léniniste) à la campagne, poussant certaines communautés paysannes à se rallier à un groupe créé par les services secrets rhodésiens et sans la présence duquel il n'y aurait probablement pas eu militarisation de ces contradictions sociales. Christian Geffray69 mettait en évidence en quoi cette politique de l'État représentait un déni de l'existence et de l'identité sociales de la paysannerie, et il étudiait sur place, dans la zone de guerre, la façon dont certaines communautés, en fonction de clivages historiques locaux et de leur relation à l'État, avaient décidé de passer à la dissidence et utilisaient pour ce faire ce groupe armé venu de l'extérieur. Il tenait compte, comme M. Cahen, de l’usage du rapt comme moyen principal de recrutement et de celui de la terreur. Mais il analysait celle-ci : à la fois comme mode de recrutement et de socialisation des jeunes combattants, et comme moyen militaire dans les zones où il n'y avait pas de soutien populaire. Il relativisait aussi cette terreur et la prédation dans les rapports avec les populations ralliées, en décrivant le fonctionnement du système d'administration indirecte mis en place par l'armée Renamo et passant par les chefs traditionnels légitimes. Enfin, il mettait au jour les « idées » de la Renamo, et montrait en quoi celles-ci convergeaient suffisamment avec l'économie morale des populations paysannes pour que celles-ci y adhèrent (avec les malentendus inhérents à une telle rencontre, qu'on a évoqués) et que certaines se rallient volontairement. Ces « idées » n'avaient certes rien à voir avec le discours des lobbies sud-africains ou américains de la

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Renamo qui voulaient en faire (Guerre froide oblige) des tenants de l'économie de marché et de la démocratie parlementaire… Et rien non plus, en effet, avec celle des rébellions progressistes, à l'idéologie universaliste – celle notamment du Frelimo qui avait vaincu un peu plus tôt au Mozambique et avait construit l'État-parti contre lequel la Renamo avait pris les armes, trouvant des soutiens dans le peuple. 98 La Renamo a ainsi, de fait, beaucoup de caractéristiques communes avec les dites « nouvelles guerres », mais pas cependant toutes celles dont on l'a qualifiée, elle n'en est pas pour autant dépourvue de soutien populaire, ni même d'idéologie, si l'on veut bien accorder le statut d'« idées » à d'autres que les nôtres. Pire, devrait-on dire, pour la logique de l'argument, malgré toutes ses indéniables tares et les atrocités commises, son idéologie rétrograde, l'incompétence étatique totale de sa direction, elle a pu négocier et, en 1992, signer un accord de paix, qu’elle a respecté : elle s'est « civilisée », des milliers de jeunes « tueurs » sont rentrés dans leur village. Elle a même obtenu aux premières élections multipartites en 1994 un soutien populaire très significatif, absolument inattendu par ces analystes70. Elle vient d'en retrouver un aussi fort aux élections de décembre 1999. Et si aujourd'hui des risques de remilitarisation ressurgissent, ils ont moins à voir avec la nature de la Renamo qu'avec le maintien, sous multipartisme, par le régime du Frelimo, d'un État-parti confisquant les positions dans l'État et l'économie71. 99 On comprend que les anciens analystes des anciennes guerres, nouveaux analystes des nouvelles, soient mal à l'aise : au-delà même des sympathies ou antipathies qu'on peut avoir à l'égard de la Renamo, c'est bien la construction intellectuelle de la thèse – de l'attribution de caractéristiques « barbares » à l'idée qu'il est impossible de conclure une paix durable, et donc, volens nolens, à des solutions d'aide au renforcement des gouvernements et à l'éradication par ceux-ci des rébellions sans foi ni loi – qui est remise en question par cet exemple… On voit aussi combien serait utile à une analyse des guerres actuelles un réexamen sérieux de cet ancien conflit et des autres. 100 Nous pensons en effet que les guerres civiles ont connu d'importantes transformations. Mais au terme de notre lecture critique de ces différents paradigmes des conflits, il nous paraît essentiel, quitte à désespérer – provisoirement au moins – les généralistes ou les théoriciens, de ne pas répéter sous d’autres modes des erreurs qui ont dans le passé trop gravement affecté l’étude des guerres internes, et donc de ne pas faire l'économie de certaines analyses. Comme le laisse entrevoir la perception qui était naguère dominante de la Renamo, il y a en effet dans les nouvelles théorisations des points aveugles, même s'ils ne sont plus les mêmes.

Trajectoires intellectuelles et nouveaux paradigmes

101 Il nous semble important, au terme de notre lecture, de nous arrêter sur le contexte de la formation de ces trois courants et de l'émergence de la nébuleuse qu'ils forment, qui peut aider à comprendre ses communautés de vue au-delà de désaccords significatifs. Pour disparate qu'il soit, cet ensemble de théories n'en finit pas moins en effet par constituer une nouvelle problématique légitime, opposable à tout analyste. Ce contexte peut aider aussi à comprendre les implications qui en résultent presque naturellement quant à l'attitude à adopter par une communauté internationale qui est aussi, par le biais de divers organismes, le demandeur de ces analyses. Certes, nous ne considérons pas, sauf exception, que ces auteurs sont déterminés par leur position ou seraient en quelque sorte les « intellectuels organiques » du nouvel ordre international ; tel n'est

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pas notre point de vue. Mais il est frappant que, au-delà des divergences d'analyses, des différences de sensibilité, et alors que les politiques de prévention restent souvent non élaborées, il n’y ait de fait pour mettre un terme à la guerre que deux types d'action « nouveaux » qui paraissent efficaces et légitimes à tous ces courants. Ils sont censés correspondre à la nouveauté des conflits, et pouvoir répondre aux désillusions et impuissances de l'action internationale dans ses modes antérieurs : la judiciarisation des responsabilités et l’éradication de la guerre – qui tend à n’être en fait le plus souvent que celle du mouvement rebelle.

102 « La guerre froide est terminée ». Pour certains, elle a été gagnée sur « les forces du mal », aux yeux des libéraux la démocratie, au moins la démocratie de marché, a triomphé, même si son règne tarde à venir dans certaines périphéries, ou si – comme incline à le penser R. Kaplan – le monde démocratique civilisé doit se préparer à l'assaut de nouvelles « forces du mal ». D'autres ont eu une autre trajectoire, plus souvent de gauche et, parfois, après avoir soutenu les mouvements de libération du Tiers-monde, ont tardé à se rendre compte qu'une fois au pouvoir beaucoup s'étaient transformés en dictatures. Ils ne doutent pas aujourd'hui que la dictature même populaire régnant dans le bloc communiste était nocive et qu'elle est inacceptable : ils sont les « nouveaux démocrates ». Contrairement aux premiers, ils regrettent cependant l’éclipse des grandes idéologies de transformation sociale et interprètent ce vide comme un manque de sens. Alors qu'ils ne peuvent plus aujourd'hui voir les mouvements rebelles comme ils les voyaient hier, en libérateurs (dont en outre ils pouvaient partager les idéaux), ils se montrent plus sourcilleux en matière de droits de l'homme et s'attachent d'autant plus, quand ils observent les rebelles, à la violence, à la prédation. 103 Tous, anciens ou nouveaux démocrates, par ailleurs physiquement et mentalement « au cœur du cœur de l'ordre global », sont convaincus que l'utilisation de la violence amène intrinsèquement la perversion d'objectifs même nobles. Ils considèrent en outre qu’il y a toujours de meilleurs moyens que la guerre dans un nouvel ordre international de plus en plus civilisé, où des pays en nombre croissant ont embrassé le modèle démocratique, multipartiste, de gouvernement, reconnu les droits fondamentaux et sont, de plus, désormais sous le regard de la communauté internationale. « Les démocraties ne se font pas la guerre », affirmait le président Clinton et, de fait, l’idéal d’une paix universelle démocratique fait aujourd’hui partie de notre horizon idéologique72. Cette conviction est renforcée par l'idée internationalement acquise de l'importance pour la démocratie et le progrès de la société civile, et le fait que les sociétés civiles locales peuvent aujourd’hui s’appuyer sur une société civile internationale pour que soient satisfaites leurs attentes les plus justifiées. Grâce à la configuration actuelle du système international, sous toutes ses formes (ONU, mais aussi OMC, FMI, ONGs, etc.) on peut peser sur les États, sur lesquels on dispose de moyens de pression, auxquels (contrairement aux rébellions) on peut imposer des conditionnalités qui les obligeront finalement à céder aux revendications démocratiques, voire à soutenir eux-mêmes les fameuses sociétés civiles vibrantes célébrées dans les documents internationaux. 104 Sur la question des moyens combinés (intérieurs et internationaux) de ce progrès de la démocratie, des sensibilités diverses coexistent voire s'affrontent et elles sont en partie le reflet des trajectoires diverses des démocrates que nous sommes. Certains accordent une priorité irréductible aux droits de l'homme, à la liberté de la presse ou aux droits

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sociaux ; certains entendent œuvrer surtout à la construction d'une justice internationale ; certains encore estiment que le marché est « la mère de toutes les démocraties » et les entreprises les principales forces vives de la société civile, et croient plutôt à une collaboration entre États et multinationales dans le sens d'une plus grande gouvernance ; certains, enfin, prônent et préparent la guerre juste contre les nouvelles menaces, notamment les États voyous. Il s’agit donc de plus que de différences de sensibilité. 105 Même si les sociétés occidentales connaissent en la matière des différences encore appréciables, l'évolution qu'a connue la culture de la guerre en Occident, qui a débuté avec la construction de l’arme nucléaire et l’évolution fordiste des sociétés occidentales depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, s'est faite dans le sens d'une débellicisation relative et d'une délégitimation de la violence excessive dans la guerre73. Or cette transformation se situe en exacte contradiction avec celle qui se donne immédiatement à voir dans les nouveaux conflits. Alors que se déroulent en Afrique, en Asie, des massacres de masse qui n'arrêtent pas les guerres, qui sont même intégrés à la vie quotidienne de peuples entiers, la mort de quelques dizaines de soldats peut modifier la politique des États-Unis74. Les exclus du nouvel ordre global sont en cela véritablement d'un autre monde, incompréhensible, barbare. D'où une certaine réceptivité à des solutions certes aussi chirurgicales que possibles mais parfois radicales à leur endroit, dès lors que c'est pour le bien de la démocratie et de l'humanité et que les dégâts humains ne sont que collatéraux75. 106 Nous vivons aujourd'hui, chercheurs comme diplomates ou simples citoyens de l'Occident, dans cette idéologie ambiante. Là encore, on le voit, il s'agit plus d'une nébuleuse que d'une idéologie dominante, et certainement pas d'une pensée unique. Elle tire d'ailleurs sa force de ne pas l'être. Elle laisse notamment à ceux qui adhèrent aujourd’hui à ces mêmes rejets le loisir de ne pas devoir se retourner sur leur passé, de ne pas voir remuer les fers dans les plaies des « vieux massacres » de chacun, et même de cultiver ses propres nostalgies (« il faut sauver le guérillero Fidel » tout comme le « héros de la Corée »). À cet égard, et pour ce qui concerne particulièrement la communauté intellectuelle, on ne peut cependant qu'être consterné par la coexistence très pacifique de deux thèses radicalement différentes, en ce qui concerne les conflits tout récents de la Guerre froide, chez des auteurs qui ne sont pourtant pas des chercheurs isolés mais travaillent les uns et les autres pour telle ou telle institution de la communauté internationale : d’aucuns continuent à voir ces conflits comme mus par des causes progressistes, aspirant au bien commun et utilisant des méthodes elles aussi légitimes et bienveillantes pour les peuples, d’autres, à l’instar d’un P. Collier, ne veulent pas les considérer comme moins criminels que les autres ! Mais « tout cela » n'est pas bien grave, apparemment, entre institutions et chercheurs civilisés… En revanche, cette idéologie est évidemment d'une efficacité redoutable pour tout ce (ceux) qui en constitue le dehors (l'autre, l'ennemi) commun : les idéologies rétrogrades, fondamentalistes, les « seigneurs de la guerre », l'irrationnel, le vol et le crime. 107 Mais la problématique légitime qu'elle informe en matière de conflits repose elle-même sur des impensés. En particulier, qu'elle décide de l'ignorer (Kaplan, Collier) ou qu'elle ne la prenne que très partiellement en compte (Kaldor), elle s'interdit, par les procédés et oublis que nous avons évoqués plus haut, de penser beaucoup de ce qui est intérieur

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au nouveau « camp » (celui de la démocratie et de la loi) qu'elle oppose en commun aux différents barbares qu'elle reconnaît. 108 C'est le cas, avec des conséquences tout particulièrement graves nous semble-t-il pour une éventuelle prévention ou résolution des conflits, pour tout le versant sombre, illicite, voire criminel du nouvel ordre international. On voit pourtant bien, d'une part que ce dernier existe « sous » son versant légal (et avec parfois les mêmes protagonistes : des entreprises, voire des multinationales, des gouvernements), et de l'autre qu'il touche au monde lui stigmatisé et poursuivi des trafics et du crime international. À cet égard le cas angolais venu ces derniers mois sous quelque lumière est pourtant extrêmement intéressant. Contrairement à ce que colporte la grande presse, il n'y a pas une guerre menée du côté gouvernemental avec et pour le pétrole et de l’autre avec et pour les « diamants de sang ». Il y a une guerre qui, avec aujourd'hui d'autres ressources que du temps de la Guerre froide, est toujours une guerre pour le pouvoir. Il y a des diamants illégaux à la fois du côté de l'Unita et du gouvernement, de sa nomenklatura. En outre, tous, dont ceux de l'Unita, circulent par les circuits légaux du commerce mondial du diamant, et sont blanchis et échangés contre des armes par l'intermédiaire de sombres trafiquants mais aussi de chefs d'État (notamment africains et amis de la France). Quant au pétrole, peut-être est-il désormais plus clair que les grandes multinationales (et pas seulement Elf) qui s'engagent par ailleurs ostensiblement dans des efforts de corporate governance ont versé à la présidence angolaise des sommes fabuleuses (comparées aux budgets de nombre de pays africains) sans se préoccuper d'en faire état ou s'inquiéter qu'elles soient versées au budget angolais, en toute illégalité démocratique, au Nord comme au Sud. On sait maintenant que ces sommes ont servi à l'achat d'armements en même temps qu'à l'enrichissement largement illégal, selon les lois nationales et internationales, d'hommes d'affaires étranges, troubles sans doute, mais munis de vrais passeports diplomatiques et de fortes relations gouvernementales, et, à des niveaux moindres mais quand même enviables, de personnes d'influence du Nord (en l'occurrence françaises) ayant occupé des postes gouvernementaux ou internationaux. 109 Le deuxième point aveugle est lié au premier : c'est celui sur l'État, sur les États, ces entités dont la souveraineté est reconnue par le système des Nations unies et qui le composent. Il n'y a certes pas silence, sur ce point, de la part de Mary Kaldor, puisqu'elle construit son modèle à partir précisément du cas de pouvoirs d'État qui mènent des guerres d'élimination contre une partie de leur peuple. On a là un heureux désaveu des thèses de P. Collier sur le caractère toujours relativement bénin de la prédation étatique. Cependant, si elle généralise, à partir de ce terrain, sur « les nouvelles guerres », elle ne le fait pas au sujet des États. Si bien que d’un côté, cette théorie peut servir à disqualifier sans plus de remède que pour Kaplan ou Collier les « nouvelles rébellions » dans la mesure où elle conforte la figure des « seigneurs de la guerre » sans cause, sans foi ni loi. De l’autre, cette analyse tend aussi à consolider la thèse, elle politique plus qu’intellectuelle, des « rogues States », dès lors qu'elle s'arrête à ces États-là, sans prêter attention aux conséquences qu'a la globalisation bien au-delà de ces cas, non seulement en termes d'affaiblissement des États mais plus généralement de leur privatisation et informalisation, voire de leur implication dans la criminalité politique et économique, voire la criminalité banale. Un tel examen sérieux, approfondi et général, est cependant tout à fait indispensable si l'on veut comprendre pourquoi, dans le nouvel ordre global et en voie de démocratisation, des oppositions s'arment face à certains types de pouvoirs, même formellement démocratiques, ainsi que les

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caractéristiques de ces rébellions, éventuellement leur fondamentalisme. Autant, en effet, il apparaît illégitime de confondre États et rébellions pour mener une analyse « des nouveaux conflits », autant une analyse qui les dissocie fait apparaître que le fondamentalisme peut « répondre » à la confiscation réelle du pouvoir par certains groupes, que la prédation et la criminalisation de certaines rébellions sont largement le miroir de celles de l'État auquel elles s'opposent, de même que le type de trafics transnationaux et internationaux dans lesquels elles sont engagées sont en partie homologues à, et se croisent avec, ceux d'États, voire de « leurs » États. 110 Se surajoutent à cela un silence ou un bilan non fait sur les aléas des processus de démocratisation, les échecs, succès, demi-succès, etc., des opérations de maintien de la paix et des ingérences humanitaires comme dispositifs de sortie de crise en Afrique et dans les Balkans notamment. Le mode d’intervention que propose M. Kaldor, fondé sur les valeurs cosmopolites et les sociétés civiles locales, est certes une prescription politique qui contraste avec celles découlant des positions des deux autres courants. Mais il n’intègre pas de bilan sinon le constat d’échec des interventions internationales traditionnelles. De plus, M. Kaldor postule le caractère universel de ces valeurs et l’existence de sociétés civiles unies dans leur opposition au pouvoir des « seigneurs de la guerre ». Que faire, alors ? Dans les cas où le conflit s'exprime dans des termes identitaires, la diplomatie hésite entre les solutions « réalistes » (en substance : arrêter les massacres par la séparation – en d'autres termes possibles : légaliser l'épuration ethnique) et les solutions « de droit » (imposer le droit des minorités et d'autres procédures démocratiques), et trouve le plus souvent le compromis consistant à faire coïncider nationalité et citoyenneté. A fortiori dans les cas où le conflit n'est ni ethnique/racial/national, ni territorial, la seule réponse qui puisse compenser l'impuissance reste celle du droit, des droits de l’homme. Mais cette solution implique, outre une évacuation souvent du politique (ainsi que de l’histoire et du social), une définition du légal et de l’illégal qui n’a rien d’évident76. Et faute de pouvoir imposer ces droits, le recours risque d'être, au-delà des cours pénales internationales, la judiciarisation des conflits. Et comme la justice a besoin d'une police, le dernier recours est celui des « guerres justes ».

Sur quelques questions cruciales

111 Nous n’entendons pas en conclusion de ce texte de lecture critique présenter une nouvelle théorisation. Nous ne pensons pas non plus qu'il soit possible de faire véritablement une étiologie des conflits : toutes choses égales par ailleurs, tel facteur, telle conjoncture, tel événement, peut précipiter la militarisation de conflits dans un cas et pas dans un autre apparemment très semblable. Nous ne voulons pas même proposer un nouvel ordre du jour des recherches à mener sur les conflits. Seulement insister sur quelques points qui, alors qu'ils nous paraissent cruciaux tant pour l'analyse des guerres que pour l'élaboration de solutions menant à la « paix durable » souhaitée par la communauté internationale, ne sont pas ou mal pris en compte par les nouvelles théorisations.

112 • Il faut prendre la mesure générale et exacte des changements de période liés à la nouvelle phase de globalisation et à la fin de la Guerre froide, qui sont bien deux facteurs essentiels affectant le surgissement et les caractéristiques des conflits. Cela dit, ils ne les affectent cependant l'un et l'autre ni de la même manière, ni au même niveau, et surtout pas du tout uniment à l'échelle ne serait-ce que des nouvelles périphéries.

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L'image de la « levée du couvercle » de la Guerre froide nous semble critiquable au moins sur deux plans. Elle est à la fois ambiguë dans ses connotations, celles de vieilles haines identitaires et d'une atavique barbarie humaine contenues par la Guerre froide – comme elles l'auraient été par la colonisation –se donnant dorénavant libre cours. Au- delà, elle fait fi de la mise en place, pendant la Guerre froide et sous la guise universaliste d'États, de systèmes d'inégalité et de domination qui ont souvent entretenu ou configuré, quand ils ne les créaient pas, des discriminations d'ordre identitaire ou culturel. De même l'image répandue de la fin de la rente stratégique nous semble-t'elle fausse dans son utilisation la plus courante. D'abord parce que ce ne sont pas seulement, outre des rébellions, d'« anciennes dictatures » qui ont perdu cette rente, mais aussi nombre de pouvoirs désormais élus, voire démocratiques, dont l'autorité et la légitimité sont par ailleurs minées par certains aspects de la globalisation. Parce qu'ensuite cette rente n'a pas complètement disparu. D'une part, si les anciennes lignes de front ont été abandonnées, d'autres existent et dotent certains États d'un nouvel intérêt stratégique dans la configuration actuelle. Tel est le cas pour les pays utiles pour le containment des rogue States, tandis que les États économiquement stratégiques, notamment pétroliers, sont renforcés. En ce sens, ce changement de période amène surtout une recomposition des places stratégiques des différents pays, et l’instauration entre eux d'autres types d'inégalités, notamment régionales. La marge de manœuvre accrue qui en résulte ouvre la voie, en Afrique par exemple, moins à une « renaissance » en général qu'à une montée en puissance de certains États seulement, dont les politiques d'hégémonie ne vont pas obligatoirement, dans de telles conditions, dans le sens d'une pacification et d'une stabilisation régionale. D'autre part, la rente internationale n'a pas disparu même si ses formes ont changé : la communauté internationale continue par une panoplie de moyens à soutenir tel ou tel pays plus que tel autre, en fonction de critères multiples et pour le moins flexibles en matière de légitimité77. La marginalisation économique et politique fonctionne de manière complexe et contradictoire, et la communauté internationale n'est pas tout à fait absente de l'émergence de conflits, civils ou internationaux, par exemple en Afrique centrale, pas plus qu'elle ne l'est de leur issue : pourquoi une telle épreuve de force internationale pour faire respecter le mandat onusien en Sierra Leone et tant d’hésitations et d’atermoiements en Angola ou en RDC ? Et l'on voit bien aussi comment les « nouvelles » rivalités économiques et stratégiques des puissances mondiales anciennes ou émergentes, elles aussi libérées du carcan de la Guerre froide et exacerbées par la mondialisation, ne jouent pas toujours dans le sens de la démocratisation des périphéries ni de la pacification des conflits politiques et sociaux dans celles-ci. La recomposition profonde résultant de la fin de la Guerre froide doit donc être examinée dans ses aspects non linéaires, paradoxaux, et, surtout, dans ses manifestations singulières dans chaque cas précis. 113 De même le processus de globalisation est-il hétérogène, et pas seulement intrinsèquement paradoxal en ce qu'il produit aussi, dans les marges, de la fragmentation, du local, du communautaire et de l'identité. Ce n'est pas le lieu d'en discuter ici, mais on voudrait au moins relever trois points concernant les conflits. Le rapport local/global qui est souvent une dimension essentielle de la guerre a certes été grandement reconfiguré mais on doit prendre garde de ne pas invoquer le local et le global dans des significations figées et décontextualisées par rapport aux situations de guerre et à l’histoire des sociétés. Ainsi, les notions de local et de global en Somalie ou en Sierra Leone ne renvoient pas aux mêmes types d’espaces, de temporalités, de sujets

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et de fonctionnements sociaux. Délicats à analyser sont également les effets de la mise à disposition de sub-cultures violentes qui, auparavant enracinées dans des terroirs spécifiques, sont aujourd’hui disponibles pour tous les emprunts. Il faudrait réfléchir sur la généralisation de références à des types d’action « génocidaires » depuis 1994, que cela soit (entre milles autres exemples) dans la crise somalienne ou celle pourtant moins dramatique en Côte-d’Ivoire : le génocide sous diverses représentations est entré dans le répertoire le plus banal du discours de la violence, peut-être aussi dans celui des pratiques possibles… Il conviendrait aussi d'analyser la constitution d’un « second marché » des systèmes d’armement où les opérateurs sont de moins en moins liés aux États et à des politiques spécifiques : si la « traçabilité » de systèmes d’armes relativement complexes est possible, la volonté politique des États de reprendre le contrôle de ce marché est douteuse et pour le moins flexible, comme on en a une claire illustration avec l’affaire Falcone-Gaydamak en France. 114 Fin de l'affrontement bipolaire et globalisation constituent ainsi à la fois le contexte pesant, en partie structurant, mais aussi de simples paramètres, d'intensité très variable, dans les dynamiques des conflits singuliers et l’on ne peut les invoquer de manière univoque dans l’analyse. C’est sans doute tout l’enjeu de la réflexion que d’en prendre l’exacte mesure et un réexamen des anciennes guerres selon les nouveaux angles de vue y contribuerait certainement. 115 • Il importe de même de dépasser l'idée vague de la « crise de l’État », évoquée ad nauseam à propos de l’Afrique. On voit bien, d'abord, comment est profond et complexe l'impact des changements au niveau international sur les États – notamment ceux hérités de la colonisation, dont les modalités essentielles demeurent profondément internes et autochtones. En même temps, tout particulièrement en ce qui concerne les conflits, on ne peut sous-estimer la force que donne aux États le fait d'être des composantes du système international, la légitimité et les ressources qu'en tirent ceux qui n'ont pas été décrétés parias. De même est-il indispensable de différencier entre les États, et pas seulement les États rentiers et les autres : il est clair, pour aller vite, que le pétrole off-shore, dont les revenus sont verrouillés par le sommet de l'État, ne donne pas la même importance ni les mêmes caractéristiques au contrôle de celui-ci que les diamants présents dans des provinces périphériques et transportables et négociables par n'importe qui. 116 On ne peut, surtout, pas continuer à confondre – tendance particulièrement lourde de la diplomatie – les États et les pouvoirs qui les détiennent, au risque sinon, sous prétexte de « renforcement de la capacité institutionnelle » des premiers, de prêter la main à un renforcement des pratiques et fonctionnements illicites, voire criminels, que certains pouvoirs développent à l'ombre de l'État, tandis que la libéralisation économique internationalement prônée peut, elle aussi, soutenir une appropriation et une confiscation du bien public. On ne peut faire l'impasse sur ces changements, qu'accélère (et rend moins facilement lisibles) le mouvement de globalisation. Comme on l'a évoqué, ce ne sont pas seulement les rébellions qui sont impliquées dans des échanges illégaux, mais nombre d'États, et pas seulement des États en guerre et à cause du conflit, mais des États en paix et dits démocratiques. L’homologie relative entre États et mouvements armés dans la guerre ne signifie ni qu’ils disposent des mêmes ressources ni qu'ils se comportent de la même manière, mais c’est à l’analyse d’en rendre compte, pas au présupposé implicite. Ce jeu de miroir entre l’État et les organisations insurgées se manifeste notamment dans les formes de

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désinstitutionnalisation du pouvoir, les extorsions arbitraires, les régulations violentes du champ politique et social, les formes de recrutement, les répertoires de violence. De telles pratiques qui pré-existent dans l'État en paix font partie des facteurs de la guerre, elles impriment leur marque aux rébellions, de même qu'elles contribuent à créer un rapport extrêmement ambivalent des populations à la guerre. Une telle analyse des États réels permet aussi de rendre compte de l’indétermination des statuts de plus en plus flagrante dans les conflits, tant entre soldats et rebelles qu'entre civils et gens en armes. Aussi est-il fondamental de se départir dans l’analyse de l’aveuglement ou de l’hésitation méthodologique qui consiste à questionner une des parties sans soumettre l’autre aux mêmes interrogations. Ce rappel devrait aller de soi mais on a vu comment se construit une criminalisation des mouvements armés sans vouloir prendre en considération, sauf dans le cas d'un État génocidaire ou épurateur, les pratiques réelles voire criminelles de pouvoirs d'État. 117 • La guerre ne se réduit ni à ses causes ni à ses conséquences, elle est une durée, un espace, une production sociale, une construction de nouvelles légitimités, et doit donc être analysée comme telle. Elle ne peut être vue seulement comme le moment d’une destruction ou de l’anomie mais également comme celui de la construction de nouvelles formes régulatrices, de statuts sociaux, d’un champ économique spécifique78. Elle ne peut non plus faire table rase de toutes les dynamiques sociales qui avaient pris forme avant le conflit : celles-ci peuvent certes éventuellement disparaître, mais elles sont plus souvent déplacées, affaiblies tandis que d’autres prennent forme ou se renforcent. On doit aussi s’attacher à considérer les fonctionnements sociaux et économiques au regard des subjectivités et de l'économie morale des populations et groupes concernés. Seul un pareil détour permettra d’éclairer les dynamiques de la guerre, le positionnement des populations, l’attitude des gens en armes, et non l’invocation de la théorie du choix rationnel ou celle de la violence absolue purificatrice ou destructrice, ou celle encore de la globalisation. 118 Le statut des populations dans les conflits fait d'ailleurs l’objet d’étranges paradoxes. Ou bien elles sont passives, soumises, taillables et corvéables à merci, ou bien leurs intérêts sont exprimés par les acteurs armés. Si la jeunesse échappe à cette étrange trigonométrie dans les visions contemporaines, c’est parce que les jeunes sont censés ne pouvoir que se battre, être la piétaille des prédateurs, ou au contraire vouloir se défaire par la guerre de leur statut de cadets sociaux. Or il nous semble que les relations des populations, et notamment de la jeunesse, avec les parties armées constituent au contraire l’un des enjeux essentiels de l’analyse du conflit, et qu'elles ne peuvent être subsumées sous l’émergence d’une société civile cosmopolite ou au contraire sous l’adhésion à des idéologies identitaires sur le mode de la fausse conscience. C’est, entre autres, sous cet angle que la question de la généralisation des milices (milicianisation à la fois des armées, et des populations) doit être examinée, en liaison avec les formes de désinstitutionnalisation et dans cette condition essentielle que constitue l'insécurité. Il est important d’explorer le cas des guerres dans des États rentiers où l’État ou, bien plus rarement, le mouvement armé peut faire la guerre pratiquement sans elle, c'est-à- dire soit sans lui imposer un niveau d'extorsion considérable – voire en lui assurant une promotion sociale enviable – soit au contraire en se permettant de la faire contre elle. Cela implique aussi de penser la guerre comme un processus social dont les bénéficiaires ne sont pas forcément ou uniquement les gens en armes et non comme un jeu à somme nulle pour ceux qui décident de la mener. Il faut aussi précisément rendre compte des divisions qui se créent par rapport au conflit et aux camps en guerre au

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sein des populations – et parfois de petites communautés, de villages, d' « ethnies » –, et des trajectoires spécifiques de groupes sociaux qui ne pas sont simplement des classes d’âge ou des groupes ethniques ou religieux. Les formes, les conditions, du soutien ou de l’opposition de populations à la guerre, au gouvernement ou à la rébellion, la question de la coercition qui est exercée contre elles ne sont que les prémisses d’une analyse qui souvent manque dramatiquement dans les analyses proposées ci-dessus. 119 • La question de l'économie est essentielle, et l'on a déjà indiqué l’impact qu’a eu pour certains conflits la fin de la Guerre froide sur le renforcement de la prédation. Mais il faut là aussi répéter que ces pratiques prédatrices peuvent s’inscrire dans une réalité antérieure au conflit et qu’elles sont recomposées par lui, et que, le plus souvent, les comportements des groupes armés ne font que reproduire à l’échelle qui est la leur celles des gouvernements. De même, l'analyse des « économies de guerre » ne doit pas résumer celle de l'économie dans la guerre, tant des États que des rébellions. Autant l'économie politique des États peut différer de l'image qu'en donnent les institutions internationales, autant la pratique économique des rébellions doit être analysée au- delà de la seule criminalisation et non en fonction de sa simple légalité ou illégalité. Les rebelles ne font en outre pas que piller et extorquer mais parfois redistribuent, parfois assurent la sécurité de la production économique, celle de la vie sociale. Comme on l'a dit, la nécessité pour les rébellions d'avoir des ressources n'implique pas que la possession des richesses soit leur objectif, ni que la ressource économique soit le principal capital convoité, l'accession au pouvoir d'État restant, quoi qu'il en soit de la globalisation, la meilleure garantie de stabiliser un mode de répartition des richesses et d'assurer l'impunité d'un ordre injuste et violent. L'État peut également choisir de faire durer le conflit, pour maintenir sa cohésion, accroître ou assurer son impunité, ou encore augmenter sa capacité de manœuvre lorsque la paix sera à l’ordre du jour. Pour des États comme pour des rébellions, la guerre peut à certaines périodes viser très fortement la prédation, et durer pour cela, sans que le problème du pouvoir soit réduit à un statut subalterne pour autant. C’est notamment à ce niveau qu’intervient la caractérisation de la période actuelle, avec de nouveaux réseaux internationaux et transnationaux ainsi que des dispositifs de diffusion du conflit qui sont sans nul doute très modernes. 120 • Nous ne sommes pas entrés dans une période où les guerres inter-étatiques auraient disparu. Mais dans bien des cas ces guerres inter- ou transétatiques sont intimement liées à des conflits civils, avec lesquels elles forment système. On peut en effet parler de système de guerres quand des conflits armés produits de conjonctures nationales distinctes, relevant d’acteurs, de modalités et d’enjeux différents, s’articulent les uns aux autres et brouillent les frontières spatiales, sociales et politiques qui les distinguaient initialement. Ces conflits entrent en résonance et s’imbriquent les uns dans les autres, transformant leurs conditions de reproduction et, surtout, les parties qui s’affrontent, les enjeux de la lutte et les objectifs poursuivis. Une telle intrication de violences armées civiles et internationales fait ainsi système et rend extrêmement complexes les logiques des acteurs, obscurcit le jeu d'alliances qui peuvent paraître, elles aussi, sans logique. Il nous semble que de tels systèmes de conflits, en cours en Afrique centrale et peut-être en voie de constitution en Afrique de l’Ouest autour de la guerre en Sierra Leone, sont des objets nouveaux rendus possibles et fonctionnels par la fin de la Guerre froide et la globalisation79. La guerre en République démocratique du Congo, elle-même « produite » par l'exportation du conflit civil non terminé au Rwanda

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après le génocide, est une très bonne illustration de cette situation. On peut y distinguer au moins trois types de conflits : une guerre inter-étatique, dans laquelle divers pays sont entrés en fonction souvent de préoccupations politiques intérieures, mais qui a pris une autre dimension et vise maintenant aussi à définir de nouveaux rapports de force en Afrique centrale ; une guerre inter-congolaise dont l’enjeu est le pouvoir à Kinshasa ; et une constellation de guerres locales engageant des populations qui s’affrontent pour l’accès à certaines ressources comme la terre, dans des conditions que la politique nationale et la guerre exacerbent et infléchissent. Ces trois niveaux de conflit ont des origines distinctes, des temporalités différentes et des acteurs initialement autonomes, mais se sont imbriqués d'une manière qui les a, les uns et les autres, profondément modifiés. Aussi une solution est-elle rendue extrêmement difficile dès lors qu'elle devra démilitariser des acteurs multiples aux statuts diffèrent et dont les accords et désaccords influent également sur des dimensions du conflit, alors que des liens ont été volontairement ou non tissés entre des enjeux de nature très différente, avec un pouvoir de déstabilisation qui va bien au-delà de leur capacité initiale. 121 Ces quelques points, comme d'autres analysés par certains auteurs cités ou développés dans la discussion que nous en faisons, nous paraissent des éléments cruciaux d’une réflexion qu'il importe de maintenir ouverte, d'un débat qu’il importe de ne pas clore trop rapidement. 122 6 mars 2001

NOTES

1. S. DAVID, « Internal War. Causes and Cures », World Politics, 49, juillet 1997. 2. L'arrivée de très nombreux spécialistes des relations internationales dans l'analyse des conflits civils n'est évidemment pas étrangère à la relative abondance d'études généralistes, construites à partir de (quelques) études de cas, souvent déjà d'indicateurs ou de comparaisons. 3. Des 164 guerres recensées entre 1945 et 1995, 77 % sont des guerres internes. K. HOLSTI, The State, the War and the State of the War, Cambridge, Cambridge University Press, 1996 : 21-23. 4. Du moins ceux qui ne bénéficient pas pour des raisons stratégiques diverses d'un traitement particulier, ou ne sont pas, à l'opposé, relégués à l'insignifiance internationale. 5. R. KAPLAN, Balkan Ghosts : A Journey through History, New York, St Martin’s Press, 1993. 6. R. KAPLAN, «The Coming Anarchy. How Scarcity, Crime, Overpopulation, Tribalism and Disease are Rapidly Destroying the Social Fabric of Our Planet », The Atlantic Monthly, February 1994. 7. Outre les articles cités plus loin, voir le numéro spécial de Journal of African Economies, IX (3), octobre 2000. 8. On doit relever cependant que Mary Kaldor écrit son plus célèbre ouvrage sur la base d'enquêtes menées non à titre d'universitaire mais dans le cadre de consultant de divers organismes internationaux. La trajectoire est cependant différente : elle n'est pas un fonctionnaire international et elle est recrutée sur la base de sa compétence universitaire antérieure et de son implication dans les mouvements pacifistes anti-nucléaires. 9. M. KALDOR, New and Old Wars. Organized Violence in a Global Era, Londres, Polity Press, 1999.

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10. M. SHAW, The Sociology of War and Peace, Londres, Macmillan 1987 ainsi que Post-Military Society : Militarism, Demilitarization and War at the End of the Twentieth Century, Cambridge, Cambridge University Press, 1991, et « The New Wars », New Political Economy, V (1), 2000. 11. J.-F. BAYART, B. HIBOU & S. ELLIS, La criminalisation des États, Bruxelles, Complexe, 1999. 12. Pour une synthèse de cette problématique, voir T. HOWER-DIXON, Environment, Scarcity and Violence, Princeton, Princeton University Press, 1999. 13. R. PRESTON, The Cobra Event, New York, Random House, 1998. Cette nouvelle décrit une attaque biologique sur New York grâce à un virus fabriqué par un groupe terroriste. Pour des commentaires sur cette question, se reporter à R. LIPSCHUTZ, « Terror in the Suites : Narratives of Fear and the Political Economy of Danger », Global Society, XIII (4), 1999. 14. Cf. par exemple l'argumentation cohérente que développe Martin Shaw, qui parle lui aussi depuis le « centre » du « centre » du global, et avec une superbe assurance quant à la supériorité de ces valeurs. 15. H.M. ENZENSBERGER, Civil Wars. From L. A. to Bosnia, New York, The Free Press, 1994. 16. M. van CREVELD, La transformation de la guerre, Paris, Éditions du Rocher, 1998 [publié en 1991 en langue anglaise]. 17. P. COLLIER & A. HOEFFLER, Greed and Grievance in Civil War, Washington, Development Research Group, Banque mondiale, 4 janvier 2000, multigr.; P. COLLIER, Economic Causes of Civil Conflict and their Implications for Policy, Banque mondiale, 15 juin 2000, multigr. ; P. COLLIER & A. HOEFFLER, On the Incidence of Civil War in Africa, Banque mondiale, 16 août 2000, multigr. ; P. COLLIER, « Greed and Grievance » in M. Berdal & D. Malone (eds), Greed and Grievance : Economic Agendas of Civil Wars, Boulder (Co), Lynne Rienner, 2000. Les trois premiers textes sont disponibles sur le site suivant: . 18. P. COLLIER, Economic Causes of Civil Conflict… , op. cit. : 7. 19. Ibid. : 5. 20. En fait, P. Collier procède comme pour les sondages : une proportion assez considérable des interrogés, et ici des conflits – un tiers, en gros – « ne répondent pas » aux sondeurs. Les pourcentages sont ensuite construits entre les « répondants » et les votants. 21. P. COLLIER & A. HOEFFLER, On the Incidence of Civil…, op. cit. Remarque faite en note p. 1. 22. P. COLLIER, Economic Causes of Civil Conflict… , op. cit. : 4. 23. op. cit. : 2. 24. C. TILLY, « State Making and War Making as Organized Crime », in P. Evans, D. Rueschmeyer & T. Skocpol (eds), Bringing the State Back In, Cambridge, Cambridge University Press, 1985, chap. 5. 25. Qu'il y ait discontinuité est pour nous indéniable, et ce sont rarement les mêmes acteurs qui s'engagent, parfois simultanément, dans la protestation pacifique et l'action armée. Mais Collier n'analyse pas les choses ainsi. 26. Décidément, les rébellions ont toujours une origine douteuse : si, par infraction au modèle (!), elles ne sont pas mues par une avidité effrénée, elles sont le résultat d'avortements… 27. M. OLSON, Logique de l’action collective, Paris, Presses Universitaires de France, 1987 [1978]. 28. P. COLLIER, Economic Causes of Civil Conflict… , op. cit. : 8. 29. On peut d’ailleurs s’interroger sur le nombre de pays au monde où les implications d’une grève sont aussi anodines… 30. P. COLLIER, Economic Causes of Civil Conflict… , op. cit. : 9. 31. Les victimes, c'est bien connu, ont aussi souvent le discernement gravement affecté ! 32. P. COLLIER, Economic Causes of Civil Conflict… , op. cit. : 9. 33. Dont les travaux de H. ECKSTEIN, « On the Ethiology of Internal Wars », History and Society, IV (1), 1964. 34. P. COLLIER, in M. Berdal & D. Malone, op. cit. : 95.

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35. J.-C. WILLAME, « Banyarwandais et Banyamulenge. Violences ethniques et gestion de l'identitaire dans le Kivu », Cahiers africains, 25, 1997. 36. R. BAZENGUISSA, « Milices politiques et bandes armées à Brazzaville : enquête sur la violence politique et sociale des jeunes déclassés », Les Études du CERI (Paris), 13, 1996. 37. M. KALDOR, New and Old Wars : Organized Violence in a Global Era, Cambridge, Polity Press, 1999. 38. S. KALYVAS, « "New" and "Old" Civil Wars : Is the Distinction Valid? », Colloque La guerre entre le local et le global. Sociétés, États, systèmes, 29 et 30 mai 2000, Paris, CERI. Disponible sur le site : 39. M. KALDOR, New and Old Wars…, op. cit. : 77-78. 40. Ibid. : 98 : « ... Anyone else has to be eliminated […]. This is why the main method of territorial control is not popular support as in the case of revolutionary warfare, but popular displacement – getting rid of all possible opponents ». 41. On reprend ici mot pour mot la définition du Petit Robert. 42. S. Kalyvas construit un modèle à quatre dimensions en séparant les deux questions du « soutien populaire » et de la violence, que nous avons regroupées en suivant le modèle de Mary Kaldor, mais on voit en quoi les deux constructions se recoupent. 43. On pourrait prendre le cas de l'Angola, où les idéologies très calquées sur l'affrontement des camps de la Guerre froide (Est-Ouest, mais aussi URSS-Chine) adoptées par trois mouvements nationalistes concurrents ont aussi répondu aux besoins et possibilités de légitimation comme représentants « du peuple » de trois élites socio-culturellement distinctes et rivales pour la direction du mouvement nationaliste. Ou celui des mouvements nationalistes d’opposition éthiopiens sous Mengistu Haïle Mariam. 44. Quel mouvement rebelle arrive, dans quelles circonstances pour cette population précise, et avec quel comportement à son égard? 45. Sur cette question, voir notamment les travaux de J. SCOTT, The Moral Economy of the Peasant: Resistance and Subsistence in South East Asia, New Haven – London, Yale University Press, 1976. Ainsi que B. BERMAN & J. LONSDALE, Unhappy Valley, Londres, James Currey, 1992. 46. Le rôle des spirit mediums dans la mobilisation paysanne contre le régime de Ian Smith n'en est qu'un exemple. D. LAN, Guns and Rain. Guerillas and Spirit Mediums in Zimbabwe, Londres, James Currey, 1985. J. YOUNG, Peasant Revolution in Ethiopia, Cambridge, Cambridge University Press, 1997. 47. M. KALDOR, New and Old Wars…, op. cit. : 98.: « allegiance to a label rather than an idea ». 48. Voir l'introduction de P. RICHARDS, Fighting for the Rain Forest, Londres, James Currey, 1996. 49. Neuf à dix millions de morts. En moyenne, pour ne prendre que les deux puissances les plus touchées, près de neuf cents Français et treize cents Allemands sont morts chaque jour entre 1914 et 1918. Voir par exemple S. AUDOIN-ROUZEAU & A. BECKER, 14-18, Retrouver la guerre, Paris, Gallimard, 2001, chap. I. 50. Si l’on suit le politologue américain Rudolf Rummel, les guerres de 1900 à 1985 (y compris les deux guerres mondiales) ont fait 35 millions de morts, alors que le nombre de victimes des génocides, du goulag et des camps de concentration s’élève à 150 millions… 51. T. WICKHAM-CROWLEY, « Terror and Guerrilla Warfare in Latin America, 1956-1970 », Comparative Studies in Society and History, XXXII (2), 1990. 52. T. RANGER, « Bandits and Guerilla : The Case of Zimbabwe » in D. Crummey, Banditry, Rebellion and Social Protest, Londres, James Currey, 1986. T. Ranger y explique notamment que si les paysans ont accepté pendant des années les mauvais traitements et la prédation des « combattants de la liberté », c’était dans l’espoir stratégique que le changement de pouvoir amènerait une réforme agraire aux contours imprécis mais qui leur donnerait les moyens de vivre. Sur la guerre au Zimbabwe, voir aussi N. KRIGER, Zimbabwe’s Guerilla War. Peasant Voices, Cambridge, Cambridge University Press, 1992.

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53. Ainsi la Renamo, forte aussi du fait qu'on lui attribuait une maîtrise des esprits « les plus forts », ceux des Ndau, a-t-elle vu naître contre elle des milices censées être elles aussi liées au monde de l'invisible, les Naparamas (cf. K. WILSON, « Cults of Violence and Counter-Violence in Mozambique », Journal of Southern African Studies, XVIII (3), September 1992. 54. Comme le suggère L. Malkki : « How it could be possible to know a person’s identity with certainty enough to kill », L. MALKKI, Purity and Exile : Violence, Memory, and National Cosmology Among Refugees in , Chicago, University of Chicago Press, 1998. 55. G. SIMMEL, Le conflit, Strasbourg, Circé, 1992. 56. A. APPADURAI, « Dead Certainty : Ethnic Violence in The Era of Globalization », Public Culture, X (2), 1998 : 242 : « As large populations occupy complex social spaces and as primary cultural features (clothing, speech styles, residential pattern) are recognized to be poor indicators of ethnicity, there tends to be a steady growth in the search for "inner" or "conceale" signs of a person’s real identity. The maiming and mutilation of ethnicized bodies is a desesperate effort to restore the validity of somatic markers of "otherness" in the face of the uncertainties posed by census labels, demographic shifts, and linguistic changes, all of which make ethnic affiliations less somatic and bodily, more social and elective ». 57. J. DELARUE, Trafics et crimes sous l’Occupation, Paris, Fayard, 1993. 58. J. SHERIDAN, China in Disintegration : The Republican Era in Chinese History 1912-1949, New York, Free Press, 1975. J. SHERIDAN, Chinese Warlord : The Career of Feng Yü-hsiang, Stanford, California University Press, 1966. J. CH’EN, « Defining Chinese Warlords and their Factions », Bulletin of SOAS, XXXI (3), 1968. 59. W. RENO, Warlord Politics and African States, Boulder (Co), Lynne Rienner, 1998. 60. On pourrait se référer à nombre de travaux classiques. On peut également renvoyer à des œuvres françaises, notamment celle de G. BOUTHOUL : Traité de polémologie : Sociologie des guerres, Paris, Payot, 1991. Pour une vision plus anthropologique, voir par exemple M. ADAM, « La guerre », in M. Abéles & H.-P. Jeudy (eds), Anthropologie du politique, Paris, Arman Colin, 1997. 61. Voir sur ce thème, la très stimulante réflexion de K. NABULSI, Traditions of War : Occupation, Resistance and the Law, Oxford, Oxford University Press, 1999. 62. Même s'il faut noter une préoccupation très récente sur cette dimension par les Nations unies. 63. S. DAVID, « Internal War : Causes and Cures », World Politics, XLVIIII (4), 1997. 64. Voir l'introduction de son ouvrage et son hésitation sur le qualificatif de « post-moderne ». 65. Là encore, on peut penser qu'il peut être influencé par la discipline des « relations internationales » : dans celles-ci, ce sont toujours des États qui sont en guerre, deux entités de même type, qu'il n'y a pas à différencier. 66. Dans son versant officiel facilement manipulable et de plus en plus manipulée par les pouvoirs d’État. 67. L. VALENSI, Venise et la Sublime Porte, Paris, Hachette, 1987. 68. Voir notamment le dossier établi par M. CAHEN : « Mozambique : guerre et nationalismes », Politique africaine, 29, mars 1988. 69. C. GEFFRAY, La cause des armes. Anthropologie d’une guerre civile, Paris, Karthala, 1990. 70. Voir, sur cet aspect, le chapitre sur le Mozambique in R. MARCHAL & C. MESSIANT, Les chemins de la guerre et de la paix, Paris, Karthala, 1997. 71. M. CAHEN, « Mozambique : l’instabilité comme gouvernance ? », Politique africaine, 80, décembre 2000. 72. A. BLIN, Géopolitique de la paix démocratique, Paris, Éditions Descartes & Cie, 2001. 73. Voir l’analyse qu’en proposent B. BOËNE & C. DANDEKER dans l’ouvrage qu’ils co-dirigent : Les armées en Europe, Paris, La Découverte, 1998. 74. C’est la fameuse option double zéro. Pour une analyse dans le cas américain, voir J. VAISSE, « Les États-Unis entre zéro mort, jacksonisme et maintien de l'ordre », Colloque La guerre entre le

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local et le global. Sociétés, États, systèmes, Paris, CERI, mai 2000. Disponible sur le site 75. On devrait évoquer ici le rôle très ambivalent des ONGs internationales qui aujourd’hui se déploient souvent dans les zones de guerres, au moins là où arrivent des réfugiés « au bout de l'horreur », et qui ont une influence considérable sur les représentations des conflits des journalistes et donc sur l’opinion publique internationale. 76. D’autant qu’historiquement (au moins dès la période coloniale) en Afrique, et ailleurs sous d’autres modalités aujourd'hui pudiquement confondues sous l'emblème de la libéralisation, les pratiques de chevauchement entre privé et public, légal et illégal caractérisent le fonctionnement du politique. Voir B. HIBOU (ed.), La privatisation des États, Paris, Karthala, 1999. 77. Cf., entre autres exemples, le qualificatif de « bon élève » des institutions internationales. 78. En ce sens, il nous paraît intéressant de souligner la réflexion entamée par J. ROITMAN, par exemple, « The Garrison Entrepot », Cahiers d’Études africaines, 150-152, 1998. 79. Voir M. Ayoob pour l'analogie à cet égard avec les conflits en Europe dans la période pré- westphalienne. Cet auteur tombe cependant dans son analyse sur un écueil qu'il dénonce par ailleurs : la globalisation d'aujourd'hui ne peut être assimilée à l'anarchie d'antan, et elle constitue une donnée structurante.

RÉSUMÉS

La paix universelle démocratique que certains espéraient au terme de la guerre froide n’est pas advenue. Au contraire, les années 1990 ont été marquées par la récurrence de guerres internes dont les formes ont paru différentes de celles de la période antérieure. Les milieux universitaires, les publicistes et les organismes internationaux ont cherché à rendre compte de cette nouvelle donne. Ce texte analyse trois des paradigmes qui ont eu le plus de succès auprès des décideurs politiques entre la fin de la guerre froide et le 11 septembre. La thèse de R. Kaplan recoupe pour une large part la vision obsidionale d’une civilisation assiégée par les miséreux du monde. Celle de Paul Collier est en conformité avec l’ethos de la Banque mondiale dans le cadre de laquelle il a mené ses travaux : l’apolitisme, la sous-estimation des responsabilités des États dans les crises violentes, l’incapacité aussi à penser les dimensions transnationales et internationales des conflits. L’opposition conçue par M. Kaldor entre anciennes et nouvelles guerres, si elle prend en compte des aspects importants écartés par les autres paradigmes est inacceptable à cause de la réécriture de l’histoire qu’elle implique et le moralisme naïf qui structure sa vision des conflits actuels.

A paz universal democrática que alguns esperavam no fim da guerra-fria não ocorreu. Pelo contrário, os anos 1990 foram marcados pela recorrência de guerras internas cujas formas pareceram diferentes das do período anterior. Os meios universitários, os publicistas e os organismos internacionais procuraram dar conta desta nova distribuição das cartas. Este texto analisa três dos paradigmas que tiveram mais sucesso junto dos decisores políticos entre o fim da guerra-fria e o 11 de Setembro. A tese de R. Kaplan recorta em larga parte a visão obsidional de uma civilização assediada pelos míseros do mundo. A de Paul Collier está em conformidade com o “ethos” do Banco Mundial no quadro do qual efectuou os seus trabalhos: o apolitismo, a subestimação das responsabilidades dos Estados nas crises violentas, também a incapacidade de pensar as dimensões transnacionais e internacionais dos conflitos. A oposição concebida por M.

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Kaldor entre antigas e novas guerras, se tem em conta aspectos importantes afastados pelos outros paradigmas, é inaceitável devido à nova redacção da história que implica e ao moralismo ingénuo que estrutura a sua visão dos conflitos actuais.

The universal democratic peace that some analysts expected as a likely scenario for the post-cold war did not happen. At the opposite, throughout the 1990s many internal wars broke out and their forms essentially appeared more violent and predatory than in the former period. Academics, journalists and international organizations tried to make sense of this new context. This article reviews the three paradigms of internal war that policy makers and international institutions considered the most relevant from the end of the cold war to 9/11. The views of Robert Kaplan are largely rooted in a paranoid vision of the (Western) civilisation that is besieged by all kinks of destitute and sicknesses. The Paul Collier’ s interpretation of war in terms of greed and grievance just reflects the basic ethos of the World Bank in which this work was undertaken: apolitical, denial of the State responsibility in creating internal war, inability to grasp the trans- national and international dimensions of internal conflicts. As framed by Mary Kaldor, the opposition between old and new wars pays more attention to important dimensions of the current civil wars than the two other paradigms. Yet, it is unacceptable as it required rewriting history to preserve political myths and moral naiveties.

INDEX

Mots-clés : guerres internes, guerre froide, apolitisme, responsabilité des États, dimensions transnationales des conflits

AUTEURS

ROLAND MARCHAL

Centre d’études et de recherches internationales, CNRS, Paris

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Mélanges

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O envolvimento do Brasil na questão timorense The Involvement of Brazil in the East Timor Issue L’implication du Brésil dans la question timoraise

Leandro Leone Pepe e Suzeley Kalil Mathias

1 Até 2001, quando aconteceram os ataques em terras norte-americanas, a questão do Timor Leste foi um dos eventos mais importantes das relações internacionais no pós- Guerra Fria, em particular no que concerne à defesa dos direitos humanos. As missões de paz da ONU atuaram por quatro anos no país e se tornaram, reconhecidamente, um caso de sucesso de intervenção internacional em crises humanitárias. Para o Brasil, a resposta aos conflitos timorenses também teve significado especial, pois representou uma das formas de inserção internacional legítima do país.

2 Os principais desdobramentos da questão timorense nos anos 1990, que culminaram no fim da dominação indonésia e abriram caminho para a independência do Timor Leste, coincidiram com uma fase da política externa brasileira de reforço dos laços com paises em desenvolvimento que enfatizou os países que compõem a Comunidade de CPLP. O objetivo brasileiro era aproximar-se de outros países fora do eixo EUA-União Européia, mostrando que o Brasil procurava diferentes formas de reinserção no cenário internacional, não mais moldado pelo conflito ideológico leste-oeste, característico da Guerra Fria. 3 Tendo sempre em mente assumir um novo papel, o envolvimento brasileiro na questão timorense tomou diversas formas, entre as quais, a de mediador entre as partes litigantes (anos 1990) – o que significou abandonar o até então distanciamento brasileiro do caso, passando pelo comportamento pró-ativo nas as diversas operações de paz da ONU – e, em seguida, liderando a cooperação nas mais diversas esferas com o objetivo de contribuir para a viabilização da libertação e uma verdadeira construção da nação timorense. 4 Para avaliar este processo, buscar-se-á neste artigo acompanhar a atuação do governo brasileiro no caso do Timor Leste, verificando quais interesses estavam em jogo e as implicações disso nas relações com outros atores de relevo para a chancelaria

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brasileira, como Portugal, os PALOPs e a Indonésia. Com isso, será possível identificar algumas das diretrizes básicas da política externa brasileira dos anos 1990 e do início de novo século. Igualmente, poder-se-á verificar a real importância do Timor Leste no cálculo externo brasileiro, se o crescimento em importância daquele foi fruto de assumir a causa humanitária de um país que possui fundamentalmente laços lingüísticos, complementado por culturais, com o nosso, ou se houve outras motivações, como a de estimular parcerias na Ásia. É preciso não olvidar que os países, mormente quando pegam em armas, defendem antes de mais nada, seus próprios interesses e, quando estes não são aparentes, é preciso desanuviar o quadro para proceder a uma análise produtiva.

Abreviações Apodeti, Associação popular democrática de Timor ASEAN, Association of Southeast Asian Nations (Associação de Nações do Sudeste Asiático) CDH-ONU, Comissão de Direitos Humanos da ONU CPLP, Comunidade de Países de Língua Portuguesa Fretilin, Frente Revolucionária de Timor Leste Independente Funasa, Fundação Nacional de Saúde Interfet, International Force for East Timor (Força Internacional para Timor Leste) Marminca, Misión de Asistencia para la Remoción de Minas en Centro América Minugua, Misión de Verificación de las Naciones Unidas en Guatemala Minustah, Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (Missão das Nações Unidas para a estabilização em Haïti) Momep, Misión de Observadores Militares en Ecuador – Perú Monua, Missão de Observação das Nações Unidas em Angola ONU, Organização das Nações Unidas Onuca, Observadores de las Naciones Unidas en Centroamerica Onumoz, Operação das Nações Unidas em Moçambique Onusal, Observadores de las Naciones Unidas en El Salvador PALOPs, Países Africanos de Língua Oficial Portuguesa Sebrae, Serviço Brasileiro de Apoio às Empresas Senai, Serviço Nacional da Indústria UDT, União Democrática Timorense Unamet, United Nations Mission in East Timor (Missão das Nações Unidas em Timor Leste) Unavem, United Nations Angola Verification Mission (Missão de Verificação das Nações Unidas em Angola) Unmiset, United Nations Mission of Support in East Timor (Missão de Apoio das Nações Unidas em Timor Leste). Untaet, United Nations Transitional Administration in East Timor (Administração Transitória das Nações Unidas em Timor Leste)

Antecedentes

5 Na década de 1970, quando houve a dissolução do império português com as independências de Angola, Moçambique, Guiné-Bissau, Cabo Verde e São Tomé e

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Príncipe, o Timor Leste também buscou ter o mesmo destino. No processo de definição da situação política da colônia, em meio às incertezas na metrópole, três grupos políticos surgiram no Timor, a UDT, que defendia a manutenção dos laços com Portugal, a Apodeti, que buscava integrar-se à vizinha Indonésia, e a Fretilin, que desejava a independência completa do país. Este último grupo era o mais numeroso e o melhor organizado politicamente.

6 A independência do Timor chegou em 1975, com uma convulsão social dirigida pela Fretilin, que com isto se impôs aos outros dois movimentos e declarou a independência do país. A Fretilin professava ideais marxistas, o que provocava receio na região.

7 A Guerra Fria era o mote das relações internacionais e a vitória da Fretilin era vista como um foco de expansão comunista no sudeste asiático. Deve-se lembrar que o Timor é um território encravado no meio da Indonésia (e esta é o maior arquipélago do mundo, com 18 108 ilhas), e o país foi fonte de disputas entre Portugal e Holanda (colonizadora da Indonésia) por vários lustros. A Indonésia foi reconhecida como país independente logo após a IIa Guerra Mundial, enquanto o Timor permanecia sob bandeira portuguesa. 8 Desde sua independência, a Indonésia buscava aumentar sua influência no Timor, o que foi alcançado com a independência deste em 1975. Naquele momento, o governo de Suharto já estava no poder há dez anos e seu poder tinha por principal pilar as Forças Armadas. Assim, não é de estranhar o temor provocado nas autoridades do país de que a independência do Timor Leste incentivasse movimentos emancipatórios em províncias da Indonésia, como Aceh, Kalimantan e Irian Jaya. 9 A partir de então, obstruir a consolidação do Estado timorense passou a ser encarada como questão de segurança nacional. O objetivo era garantir a frágil unidade política da Indonésia (Vatikiotis 1994 : 185). Em vista disso, as tropas indonésias invadiram o Timor Leste, dando início a vinte e quatro anos de dominação sobre o país. Finalmente, se realizava o objetivo holandês de subordinar todo o território da região ao seu domínio. Agora a Indonésia assumia este papel, pais que havia conquistado sua própria independência pouco mais de 25 anos antes. 10 O processo de anexação do Timor Leste pela Indonésia foi marcado pela violência, pois os interesses e a cultura de ambos os povos eram demasiado diferentes, para não dizer incompatíveis. Os timorenses, que lutaram durante anos por sua própria independência, viam seus objetivos frustrados antes mesmo da comemoração da vitória. Por outro lado, os indonésios, para consolidar sua presença no Timor, entendiam ser necessário destruir qualquer vestígio da antiga presença portuguesa. Assim, os timorenses sempre foram tratados com muita truculência e, ao contrário das expectativas do novo colonizador, isso contribuiu para inviabilizar a integração de fato dos timorenses à sociedade indonésia. As denúncias de abusos na área de direitos humanos foram feitas ao longo dos anos e levaram à sensibilização da opinião pública internacional em torno do que se constituía como « causa timorense ». 11 Desse modo, começou a ressoar nos fora internacionais questões envolvendo os conflitos no Timor Leste. As duas principais eram uma reedição daquilo que compôs a discussão quando do processo de independência do país de Portugal. Primeiro, lembrou-se do direito de autodeterminação do povo timorense que fora cerceado com a invasão do país por seu vizinho insular – conflito que, segundo a ONU, definia-se como « guerra injusta ». A segunda questão foi provocada pela violência da nova ocupação,

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com as crescentes e comprovadas denúncias de violações dos direitos humanos praticadas por forças de segurança da Indonésia. 12 A questão timorense sempre girou em torno destes dois temas. A princípio os partidários da independência levantaram a bandeira da autodeterminação. Porém, o mundo apenas se sensibilizou com o Timor Leste quando vieram à tona as notícias de abusos, desmandos e massacres que o povo timorense sofria. Foi por meio da necessária defesa dos direitos humanos que o caso foi popularizado e passou a exigir uma solução com participação da comunidade internacional. 13 O governo português contribuiu muito para a internacionalização do problema timorense, mormente por denunciar os abusos contra os direitos humanos cometidos pela Indonésia no país vizinho. Lisboa passou a militar de forma cada vez mais incisiva sobre as violações humanitárias praticadas por autoridades indonésias, assim como de defender o direito de autodeterminação do povo timorense. Fator importante para a internacionalização da questão timorense foi a entrada de Portugal na Comunidade Econômica Européia, âmbito no qual Lisboa denunciava a situação insustentável do Timor Leste. 14 Em todo este processo, o governo brasileiro acompanhou atentamente os desdobramentos que pudessem vir à luz. Porém, não se envolveu diretamente na questão. Na época, o país buscava aproximar-se de países do sudeste asiático, pois eles apresentavam altas taxas de crescimento econômico e auspiciosos mercados consumidores. A Indonésia estava entre estes, expunha ao público consideráveis taxas de crescimento econômico e de formação de mercado consumidor profícuo. Não por acaso, a Indonésia estava entre os chamados « novos tigres asiáticos ». 15 Havia, assim, o receio de que uma posição peremptória por parte do Brasil a favor do Timor Leste pudesse azedar as relações com Jacarta. Receio este que esteve presente até o momento da efetivação da independência timorense. A primeira abordagem do governo brasileiro ao tema, segundo Cunha (2001 : 200) foi :« Desde a primeira hora […] a posição brasileira foi de fidelidade ao princípio da autodeterminação, entendido este como direito do povo do Timor-Leste a expressar-se livremente sobre seu futuro, sem prejulgar as aspirações timorenses. Mas não cabia ao país assumir nenhum protagonismo naquele tema específico ». 16 O governo brasileiro não se encontrava, portanto, em situação confortável a respeito da questão timorense. Por um lado, o Brasil buscava, a partir dos anos 1980, incrementar seu comércio exterior e, por isso, promoveu uma aproximação maior com os países da ASEAN, na qual a Indonésia ocupa posição destacada. Nessa direção, « o Brasil, encorajado pelo peso de sua economia [da Indonésia] e por sua crescente inserção num mundo a caminho da globalização, sentia-se apto a disputar, ao lado das potências industriais, nichos de oportunidade naquela promissora região » (Cunha 2001 : 198). Brasília entendia, então, que apoiar explicitamente a causa timorense poderia minar seus objetivos de estreitar laços com a região asiática. 17 No entanto, esse distanciamento estratégico da questão foi rompido já nos anos 1980. Após o fim do regime militar, o Brasil passou a ter papel de maior destaque na ONU. É nessa época que a questão dos direitos humanos entra com mais força na agenda internacional e passa a ter importância renovada também na política externa brasileira.

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Um mundo multiplo

18 Em meados dos anos 1980, com o fim do regime burocrático autoritário e a instalação de um novo governo civil, o Brasil adotou uma nova orientação no cenário internacional, coincidente apenas em suas linhas mestras com aquele que vigorou ao longo dos anos sob os militares. Tal atitude envolveu uma redefinição de postura no âmbito das Nações Unidas e demandou novo posicionamento frente à entrada dos chamados novos temas na agenda internacional. Um desses novos temas era a questão dos direitos humanos. As violações humanitárias passaram a receber maior atenção por parte da comunidade internacional, o que aumentou ainda mais nos últimos decênios do século XX, particulamente em razão do término da Guerra Fria (Bartolomé 1999).

19 Com o fim do regime militar, as questões humanitárias ascenderam na agenda política nacional : « abandonando posições conservadoras e defensivas que vinham caracterizando sua atuação na CDH-ONU, o Brasil inaugurou, em 1985, uma fase de progressivo engajamento nas atividades daquele foro. » (Cunha 2001 : 202). Exemplos desta nova postura brasileira estão no voto a favor das oito resoluções condenatórias à Indonésia pela Assembléia Geral da ONU e no crescente papel assumido na CDH-ONU. 20 Naquele momento, o Brasil seguiu a posição dominante do sistema internacional. O fim da Guerra Fria, com a superação do conflito ideológico leste-oeste, levou a uma postura dos Estados, especialmente dos europeus, de não mais ignorar as arbitrariedades de governantes contra cidadãos de seu próprio país não, que passaram a não ser mais acobertadas. Também contribuiu para isso o aumento de guerras étnicas que assolaram diversas regiões do globo e que chocaram o mundo, aumento este diretamente relacionado ao fim do « conflito improvável, paz impossível » que, segundo Raymond Aron, marcou o período do conflito a frio entre EUA e URSS, fase em que os países centrais estimulavam com menor dissimulação sua interferência nas regiões em conflito. A própria ONU teve a sua atuação renovada no cenário político internacional, conforme aponta uma análise : « A partir de 1988, teve início o período atual de operações multidimensionais. Tanto o fim da Guerra Fria quanto o reconhecimento da necessidade de dar conta de conflitos dentro dos Estados e de emergências humanitárias, reconfiguraram as missões de paz em praticamente todos os seus aspectos. As missões de paz passaram de missões de interposição e segurança para a gestão da segurança e da ordem pública, e de arranjos genéricos para estruturas multi-agências » (Brigagão & Proença 2002 : 119-20) 21 Entretanto, mesmo condenando a Indonésia nos organismos internacionais, rechaçando sua postura colonialista e violenta diante do Timor Leste, Noam Chomsky (1997:125) acredita que países como Estados Unidos, Grã-Bretanha e França apoiaram discretamente Jacarta ao venderem armas ao país.

22 Na prática, a ONU passou a se envolver em um número maior de conflitos, pois, com o fim da Guerra Fria, diminuíram, consideravelmente, os vetos dos membros permanentes do Conselho de Segurança, que tanto emperravam os trabalhos relativos à aplicação de sanções por violação dos direitos humanos, o que redundou não apenas no aumento quantitativos, mas também no próprio número de tarefas realizadas pelas tropas da ONU, como bem sintetiza Simone Pinto (2004 : 295) : « A partir do fim da Guerra Fria, novas operações de manutenção da paz foram sendo empreendidas, com mandatos mais amplos e complexos, como monitoria de eleições, remoção de minas, verificação de respeito aos direitos humanos,

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distribuição de ajuda humanitária, reconstrução de Estados falidos, desarme e desmobilização de combatentes e muitas outras tarefas antes consideradas assunto puramente doméstico dos Estados ». 23 Desejando assumir uma posição de destaque no sistema internacional, era inevitável que a chancelaria brasileira desse espaço crescente ao tema dos Direitos Humanos em sua agenda externa. Isso ajuda a explicar, em parte, a inclinação brasileira para a causa timorense e a busca por uma solução pacífica para o problema. Destaque-se ainda que a importância renovada que adquiriu a temática de direitos humanos na agenda política brasileira, acompanhou as próprias mudanças na sua política interna. O fim do regime autoritário no país exigia uma postura diferente da adotada entre 1964 e 1985. Um posicionamento firme na defesa dos direitos humanos era deveras importante para que ficasse evidente não apenas o interesse do Brasil em construir sua democracia, mas também que a sua política externa estava em sintonia com a ascensão de novos temas na agenda internacional, entre eles, exatamente, os direitos humanos.

24 Pode-se sintetizar a trajetória da temática humanitária na política externa brasileira da seguinte maneira : « A política exterior do Brasil envolveu-se com os direitos humanos de modo distinto, em três fases : ao ensejo e logo após a Declaração Universal dos Direitos Humanos da ONU, de 1948, foi assertiva na promoção desses direitos adquirindo experiência no plano regional (Comissão Interamericana de Direitos Humanos) e global (Comissão de Direitos Humanos da ONU) ; a partir de 1960, em nome do constitucionalismo, mas em razão do regime autoritário, abandonou tal esforço, tomando posições defensivas e isolacionistas nos foros multilaterais ; com o fim do ciclo autoritário, remediou-se e recuperou-se, desde 1985, aquela assertiva original » (Cervo & Bueno 2002 : 466). 25 Tomando outra direção, Celso Lafer (1990) defende que no processo de globalização, as regiões menos favorecidas foram a América latina e a África. Isto porque, por um lado, a prosperidade econômica da Ásia não se repetiu nas citadas regiões, especialmente devido aos graves problemas da dívida externa que ali se apresentavam. Por outro lado, diferente da redemocratização dos países do Leste Europeu, que foi acompanhada da possibilidade de aproximação com a Europa ocidental e lhes abriu caminho para sua entrada na União Européia, na África e América Latina, sobretudo no Brasil, não havia a mesma conjuntura favorável e, portanto, não se traduziram em oportunidades no campo da política internacional. Ao contrário, a interferência dos países mais ricos, notadamente dos EUA, ensejou um afastamento maior das regiões das decisões internacionais.

26 Sendo assim, de certa forma à margem do processo de globalização, o Brasil procurou se inserir no mundo pós-conflito ideológico leste-oeste através de uma atuação mais ativa no seio da ONU. Ganhou força, nesse processo, a idéia de obter um assento permanente no Conselho de Segurança das Nações Unidas. O Brasil, há tempos defende uma reforma no Conselho, que inclua novos membros permanentes, entre eles, países do mundo em desenvolvimento. O governo brasileiro acredita que o país possua as credenciais para ocupar uma das novas vagas e se tornar o representante da América latina na instância decisória máxima da ONU.

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O Brasil nas missões da ONU

27 Se o desejo era exercer papel destacado na ONU, o Brasil teria que adotar uma ação pró- ativa no apoio à agenda mundial, o que foi parcialmente obtido por meio da volta do Brasil, em 1988, ao Conselho de Segurança da ONU como membro não-permanente, depois de mais de vinte anos do país ter-se afastado dessa função (Aguillar 2002 : 47). Envolveu, igualmente, um engajamento maior do país em operações de paz das Nações Unidas. Assim, nos últimos 20 anos, o país apresentou-se nas seguintes missões : Europa : Croácia ; África : Angola, Moçambique, Ruanda/Uganda, Guiné-Bissau, Costa do Marfim ; Ásia : Camboja, Timor Leste ; América latina : Peru/Equador, Guatemala, El Salvador e .

28 Nota-se, pois que o Brasil atuou em todos os continentes, mas, como já foi dito anteriormente, procurou papel mais ativo naquelas operações realizadas em regiões consideradas importantes para o governo brasileiro – América latina e países de língua portuguesa. 29 A importância dada pelo Brasil às ex-colônias portuguesas revelou-se, por exemplo, no conflito angolano, tendo o governo brasileiro enviado 1 200 homens divididos em três missões coordenadas pela ONU : Unavem I, II e III e Monua para o país. Entre os objetivos destas missões figuravam a saída pacífica das tropas cubanas do país, a negociação de um cessar-fogo entre as facções beligerantes, a organização de eleições e implantação de um programa de « desminagem ».1 Em Moçambique, o Brasil colaborou para a pacificação do país participando na Onumoz, que esteve no país entre 1992 e 1994 e que teve por comandante, durante 12 meses, o general brasileiro Lélio Gonçalves Rodrigues da Silva. 30 Na América latina, o Brasil atuou, no pós-Guerra Fria, nas seguintes missões de paz : Onuca (Nicarágua), Onusal (El Salvador), Minugua (Guatemala), Marminca (América Central), Momep (Peru/Equador) e Minustah (Haiti) e, atualmente, está com soldados também na Guiné-Bissau, mostrando maior preocupação para com aqueles países ligados indelevelmente ao país, como seus vizinhos latinos e seus irmãos da CPLP. 31 Conforme vimos discutindo, ao longo dos anos 1990, o país teve um papel mais ativo na causa timorense. Além dos votos em favor da ex-colônia portuguesa nos organismos internacionais, procurou atuar como mediador entre resistência timorense e governo indonésio, sendo diligente no processo que culminou com a independência do Timor. Embora vivendo sérios problemas orçamentários, o Brasil associou-se à ONU nas missões no Timor, tais como Unamet, Interfet, Untaet e Unmiset. Atualmente, vários projetos brasileiros desenvolvem-se no Timor Leste, como, por exemplo, a implantação e ensino da língua portuguesa. 32 Em outubro de 1999, foi organizada a Untaet, com a missão de organizar a entrega do poder ao povo timorense. Para administrá-la, a ONU convocou o brasileiro Sérgio Vieira de Mello – falecido em missão do próprio organismo, no Iraque em 2003 –, cujo papel foi coordenar os trabalhos de reconstrução do país, falido pelo conflito com a Indonésia, e de estruturação do governo e do sistema produtivo no Timor Leste, garantindo um futuro democrático e economicamente inclusivo. Ainda hoje, o Brasil colabora em projetos educacionais e de capacitação profissional em território timorense. 33 Evidencia-se, assim, que a questão da ex-colônia portuguesa na Ásia, passou a estar cada vez mais presente nas relações do Brasil com a Indonésia e também estreitou os

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laços com a Europa por meio de sua relação especial com Portugal. Vale dizer também que uma omissão por parte do Brasil poderia ser mal vista pelos países lusófonos, ardorosos defensores da causa timorense com quem o país procurava manter bom relacionamento. Como procuramos apontar citando as missões nos países africanos das quais o Brasil participou, o interesse brasileiro foi crescente em estreitar seus laços com os países de língua portuguesa, tendo o idioma por principal mediador na promoção de políticas de relacionamento do Brasil junto às nações da CPLP. O posicionamento brasileiro sobre a causa timorense tinha importância nesse processo, uma vez que os PALOPS eram amplamente favoráveis ao direito de autodeterminação do povo timorense. A Fretilin, diga-se de passagem, mantinha escritórios nas cidades de Luanda e Maputo para ajudar a divulgar a sua causa no exterior (Cunha 2001 : 186). 34 Outra razão que levou o governo brasileiro a atuar no Timor foi a oportunidade de participar de uma operação de paz da ONU que esteja em franca sintonia com os interesses nacionais, entre os quais está o de ser alçado a membro permanente do Conselho de Segurança considerando a ampliação deste com a possível reforma daquela. Contudo, talvez o fator determinante tenha sido a própria forma como o Brasil encara seu relacionamento com as demais nações, que se baseia nos princípios do respeito às diferenças e da solução pacífica dos conflitos : « A atuação brasileira em termos de missões internacionais é consistente quando considerada à luz dos princípios de igualdade das nações e apoio a soluções pacíficas que pautam a política externa. Há uma distinção brasileira nessa participação : ao contrário de outros países, o Brasil claramente privilegia as regiões que sua política externa considera prioritárias, como as Américas e a África, emprestando substância da ação ao conceito do entorno pacífico e sua vizinhança » (Brigagão & Proença 2002: 124-125). 35 A questão timorense ganhou importância na percepção brasileira na medida em que o envio de tropas para o Timor representou uma ruptura com o que era feito até então em termos de participação brasileira em operações de paz. Historicamente, o Brasil considera a autodeterminação dos povos como um dos valores maiores nas relações entre os Estados. Dessa forma, o governo brasileiro nunca apoiou explicitamente as chamadas operações de interposição, ou seja, aquelas em que não há anuência das partes envolvidas para a intervenção.

36 Essa mudança de posicionamento apresentou-se nos últimos anos, uma vez que no Brasil sempre buscou respeitar a autodeterminação dos povos, o que lhe obrigava a intervir apenas quando as partes consentiam. Entretanto, no caso do Timor, o país atuou na Interfet, uma missão coercitiva, o que evidencia a importância da questão timorense na pauta externa brasileira, pois representou uma ruptura em relação às justificativas empregadas para atuar em operações de paz. Também revelou uma nova forma de Brasília encarar a política exterior em matéria de segurança internacional. 37 Em síntese, o Brasil contribuiu significativamente no processo de transição política do Timor, tanto ao enviar técnicos eleitorais quanto militares para as operações de paz da ONU. Desde o início dos anos 1990, é consenso que a participação brasileira em operações de paz é importante tanto para os países nos quais atua quanto para atingir seus interesses, mormente o de obter um assento permanente no Conselho de Segurança da ONU. Ainda que a escassez de recursos financeiros seja um obstáculo considerável, o Brasil se envolveu em missões de paz em Angola, Moçambique e Haiti, entre outros. A mesma motivação impulsionou as tropas brasileiras para o Timor.

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38 Reforce-se que o Brasil ainda coopera com o Timor Leste em diversas áreas, mesmo após a independência oficial em 2002, através da Agência Brasileira de Cooperação (ligada ao Ministério das Relações Exteriores), que desenvolve projetos de cooperação bilateral nas áreas de educação (ensino da língua portuguesa), saúde (apoio da Funasa), capacitação profissional (apoios do Sebrae e do Senai) e administração pública. O governo brasileiro, portanto, tem contribuído significativamente para a implantação e consolidação do português como um dos idiomas oficiais do Timor Leste, ao lado da língua nativa, o tétum (Cunha 2001 : 238-240). Além disso, mantém projetos de fomento ao desenvolvimento local com o objetivo de ajudar o país em seu longo caminho rumo à consolidação política e econômica.

* * *

39 Buscamos mostrar ao longo deste texto que a questão do Timor Leste teve papel de destaque na política externa brasileira dos anos 1990. É possível perceber que o envolvimento do Brasil na temática contou como uma série de condicionantes e objetivou diferentes propósitos.

40 Primeiro, temia-se que um posicionamento pendente para um dos lados pudesse prejudicar as relações brasileiras com o outro litigante, temor este que sinalizava a importância que têm a Indonésia e os países de língua portuguesa para o cálculo externo do Brasil. Isso explica o esforço brasileiro para ser um honest broker entre as autoridades indonésias e as lideranças mauberes. 41 Segundo, destacou-se que a causa timorense ganhou força na época em que o Brasil passava pelo período de transição do regime autoritário para o democrático. Essa mudança de regime demandou uma postura diferente do Brasil no concerto de nações, sobretudo na ONU. Foi nesse período, igualmente, que o tema dos direitos humanos entrou com força na agenda internacional e, de certa forma, motivou os formuladores de política externa do Brasil a repensar o tema. Com isso, o governo brasileiro passou a defender com maior ênfase os direitos humanos e, conseqüentemente, uma solução pacífica ao impasse no Timor. 42 Por último, mencionou-se que as operações de paz da ONU no Timor Leste foram uma nova oportunidade de participação do Brasil em empreendimentos internacionais, e que se revelaram de grande importância para a diplomacia brasileira, pois constituem parte da tentativa brasileira no seu pleito uma vaga permanente no Conselho de Segurança das Nações Unidas, caso haja uma reforma. 43 Tudo isso faz parte do objetivo de redefinir o papel do Brasil no mundo pós-Guerra Fria. O envio de militares brasileiros ao Timor – e também a outros países –, bem como estreitar relacionamento com países fora do eixo Europa – Estados Unidos, ampliando sua participação na América latina, na África e na Ásia são desafios importantes para o Brasil do século XXI, que pretende ter papel de maior relevância nas relações internacionais e garantir o seu status de global player. 44 Novembro de 2005

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NOTAS

1. « Desmilhagem » significa a retirada e/ou desmontagem das minas terrestres que mutilaram e ainda mutilam um grande número de pessoas no país.

RESUMOS

Como o processo de desocupação do Timor Leste pela Indonésia, coincidente com as mudanças processadas no cenário internacional em razão do fim da Guerra Fria, redundou em uma nova postura brasileira frente à segurança internacional ? Esta foi traduzida na crescente participação deste em missões de paz dirigidas pela ONU, e como os interesses gerados no Brasil pelo processo de globalização, levou a uma aproximação maior deste relativamente aos países de língua portuguesa. Estará redundando na construção de uma nova política exterior do país para o século XXI ?

How did the process of Indonesian withdrawal from East Timor, which coincided with changes in the international arena resulting from the end of the Cold War, come to be accompanied by a

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new Brazilian stance on international security? This stance has led to the increasing participation of Brazil in UN-led peace missions and, in parallel with the new Brazilian interest in the globalisation process, has produced a rapprochement with other Portuguese-speaking countries. Is it the beginning of a new foreign policy for the country in the 21st century?

Comment le processus de retrait de Timor oriental par l’Indonésie, coïncidant aux changements survenus dans l’arène internationale en raison de la fin de la Guerre froide, a-t-il accompagné une nouvelle posture brésilienne envers la sécurité internationale ? Cette posture s’est traduite par la participation croissante du Brésil dans des missions de paix dirigées par l’ONU, et, parallèlement aux nouveaux intérêts engendrés au Brésil par le processus de globalisation, a produit un rapprochement plus étroit avec les autres pays de langue portugaise. Est-ce les prémisses d’une nouvelle politique extérieure du pays pour le XXIe siècle ?

ÍNDICE

Índice geográfico: Timor oriental, Brésil Mots-clés: politique extérieure timoraise, sécurité internationale, ONU, globalisation

AUTORES

LEANDRO LEONE PEPE

Programa de Mestrado em Relações Internacionais San Tiago Dantas. UNESP-UNICAMP-PUCSP e CNPq

SUZELEY KALIL MATHIAS

Grupo de Estudos de Defesa e Segurança Internacional (GEDES). CELA-UNESP, Franca

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Silenced Voices Colonial and Anti-Colonial Literature in Portuguese Literary History Voix éteintes : considérations sur la position des littératures coloniale et anticoloniale dans l’histoire littéraire portugaise Vozes silenciadas : considerações sobre a posição das literaturas colonial e anti- colonial na História da Literatura portuguesa

Ingemai Larsen

“Não! Estava decidido. Não voltaria. Passasse o que passasse. O Niassa também era terra portuguesa, também era Portugal”1. R. JÚNIOR, O Branco da Motase, Lourenço Marques, África Editora, 1952 : 29. 1 In her contribution to the anthology Rethinking Literary History Linda Hutcheon asks how – in this globalised, multinational and diasporic world – we can explain the continuing appeal not only of the single-nation/single-ethnicity focus of literary histories, but also of its familiar teleological model, deployed even by those writing the new literary histories based on race, gender, sexual choice or any number of other identitarian categories. To this complex question her pragmatic answer is that the national, teleological model works – and that, in spite of its many inherent problems, it is hard to come up with a better alternative2.

2 This probably answers the first of the two central questions formulated in this paper, namely: Why does this model persist in Portugal despite all the problems connected to it, problems relating particularly to the changing borders and conceptions of the size of the nation in the 20th century and thus problems related to Portugal's colonial past and the process of loosing the African possessions?3 3 Linda Hutcheon is doubtlessly right to point out the difficulties of developing other and more satisfying models that would substitute the national mould. However, in the Portuguese case another decisive factor is that Portuguese Literary History, not only before but also after the fall of the Estado Novo, has had problems in dealing with the implication of the history of that same epoch as well as in defining the criteria on

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which to base its work. As for the latter assertion it could also be put in positive terms stating that, with a few exceptions, the relevance of the traditional, national model has never been questioned. This might have to do with the age of the Portuguese nation- state and of its historiography. In any case, the consequences of the national model's dominance are various, and the second question formulated in this paper deals exactly with the specific problems brought about by the adherence to the national model. It will be argued that they relate to the lack of reflection on the criteria – aesthetic, ideological or others – on which each single literary history has been written and that, following from this circumstance, a number of authors, both those referred to as representing colonial and as anti-colonial literature, are either treated inconsistently or, even worse, especially in the case of colonial literature, have simply disappeared from history4. In fact, if we take a look at the most recent Portuguese Literary History, the 2002-edition from Alfa, História da Literatura Portuguesa. As Correntes Contemporâneas5, we will find no mention whatsoever of colonial literature. 4 This article, which derives from an ongoing project on various aspects of colonial literature, is to be regarded as a modest contribution to and inspiration for further research within a field that so far has not attracted much interest. In the first part, examples of the problem of inconsistent treatment of a few well-known authors will be provided. The purpose is not to malign the competences and intentions of the various editors mentioned but to call attention to what we consider an ethical and scientific dilemma. Another point is to demonstrate the potential value of colonial literature for the contemporary study of Portuguese colonialism. In the final part we will therefore present a short example of how the work of the author Rodrigues Junior contains surprising aspects that may be of interest for literary historians and for postcolonial researchers alike.

The National Model in Portugal: Disregarding criteria…

5 With regard to the background and strength of the national model in Portugal, it is sufficient, in this case, to remember that literary history as we know it today grew out of eighteenth-century romanticism, the formation of certain national self-imaginings and cultural self-awarenesses and was thus closely connected to the construction of the citizen and the patriot. However, due to the very long nation-state-building process in Portugal, during which literature and historiography strongly tended to walk hand in hand, the formation of national self-awareness was initiated long before it was recognised by the generation of Romantics6. One of the many virtues of literary history, like historical narrative, is that it has created and continues to create a sense of continuity between past and present, usually with a view to promoting ideological consensus, and in this function of granting authority and creating continuity lies the core of their shared political or interventionist agendas. Furthermore, in the process of creating a national self-representation against the Other, literature is directly related to the specific telos of cultural legitimacy. This is especially relevant when considering the colonial history of Portugal, because to Portugal the imperial self was, to a considerable degree, defined against the colonised Other. Thus Portuguese literary history is filled with “grand narratives”; headed of course by Os Lusíadas and followed by a large number of travel literature that confirms Portuguese cultural identity as well as the Portuguese civilising mission; hence its power and instant appeal.

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6 In other words, the early worldwide experience of the Portuguese, as well as the myths surrounding it and the political-ideological profiting from it, has contributed to the strengthening of the traditional, national model, and even for the second half of the 20th century alternative models have not been considered: nor have Portuguese researchers really felt the need to spell out their priorities or criteria. With a few exceptions the national model has prevailed with its linear, causal, unifying and clear focus on the literature produced in the Metropolis rather than the empire. This must be the reason why Portuguese literary histories or encyclopaedias are generally not concerned with explaining the criteria upon which they base their work. There are, of course, differences of degree ranging from the absence of any reflection whatsoever, which would be the case of the Pequeno Roteiro da História da Literatura Portuguesa published in 1984 by the Portuguese Ministry of Culture, and which is relevant to mention not because of its degree of circulation, but because it provides the official Portuguese discourse on history and literature7. Another example of disregard of methodological considerations would be the Dicionário de Literatura Portuguesa from Presença8 as well as the abovementioned work from Alfa: História da Literatura Portuguesa. As Correntes Contemporâneas. Whether the Verbo-edition História Crítica da Literatura Portuguesa is going to mark a shift in terms of methodological concerns, only time will show. In the first volumes the preface includes considerations on the characteristics of this particular type of history as well as some brief reflection on the very nature of literary history9. However, the volume on the second part of 20th century has not yet been published, and consequently no further reference to this publication will be made. 7 Within the field of classic literary histories, the most visible exception from this rule happens to be the work of Saraiva & Lopes, História da Literatura Portuguesa, now almost 50 years old. In their rendering of the Portuguese literary history we find a rather elaborate preface in which, for instance, the question of the relationship between language, nationality and culture is addressed10. Nevertheless, apart from this cornerstone of 20th century Portuguese culture, almost every other literary history seems not be unconcerned with this issue, notwithstanding its imperative position within a Portuguese context. 8 It is problematic when scholars disregard criteria; or rather work with only implicit criteria, naturally because this leads to the inconsistent treatment of authors, themes and genres. In the present case colonial and anti-colonial literature suffers from the arbitrary inclusion or exclusion of Luandino Vieira, to name just one.

Empire, Myth and Myopia

9 In the Pequeno Roteiro da história da literatura portuguesa, which contains 432 portraits, authors like Rui Knopfli and Castro Soromenho are included; Luandino Vieira is not, although his connection to Portugal is obviously as close as that of Knopli and Soromenho11. In the Dicionário de Literatura Portuguesa, Luandino is considered “funcionalmente angolano” (“Angolan in practise”) 12, whereas in the new Alfa-edition he is simply “um escritor angolano” (“an Angolan writer”) 13. Not a single additional remark on him or his publications is included in this literary history. Vieira has also disappeared from Saraiva & Lopes´ História da Literatura Portuguesa, although he was present in earlier editions14. Pepetela (Arthur Pestana) suffers a similar, silencing, fate.

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He is, admittedly, a borderline case since the first publication of his work took place in 1973; still he is not to be represented in any Portuguese literary history know to us15. In the case of Castro Soromenho, the Dicionário de Literatura Portuguesa has given him quite a lot of space whereas the new Alfa-edition affords him two lines, paradoxically informing the reader that this author wrote the first ‘livro verdadeiramente anticolonialista’ (“truly anti-colonial book”) but providing absolutely no details about the book, the author or the impact of this significant event16.

10 It is not only quite natural but inevitable that the reception of authors changes over time. What also seems to happen in this case, however, relates precisely to the problems of the national model, to its limitations and weaknesses. Bearing in mind that ontologically speaking the nation and the novel share the same status or more precisely, that they must do so if they are to contribute to the teleological project of literary history17, it is obvious why the many literal and/or ideological border-crossings of the anti-colonial authors have caused problems before the fall of the Estado Novo. It is interesting to consider why the problem seems to persist also after the fall of this regime. 11 Perhaps the implicit criteria of the Alfa-edition is that the space devoted to each of the authors should correspond to their perceived national self-identification (the less connected to Portugal they are perceived to feel, the less space they occupy) which in itself may be interpreted as a generous gesture; Soromenho is unconditionally handed over to Angolan Literary History, instantly transferring him from a marginal position to a fundamental one. At the same time, however, this gesture leads to the elimination of a highly important chapter of Portuguese Literary History both from an ideological and aesthetical perspective. Deliberately or not, the Dicionário de Literatura Portuguesa has avoided falling into this trap by simultaneously offering Luandino Vieira to Angolan Literary History and keeping him in that literary history in which, for historical reasons, he grew up. Thus, in the entry on Luandino we learn that “in 1963 in the prison of the Portuguese Secret Police [PIDE] he wrote the three narratives of Luuanda, edited in 1964 and constituting the charter of Angolan Literature”18. 12 These few examples illustrate to an extent that leaves no doubt that “the literary histories (like the social histories) of both former colony and former empire are always intrinsically complex, internally and externally relational, and mutually implicated; these qualities make these histories crucial to their nations' self-understanding”19. 13 Still, if the position of anti-colonial literature is uncertain, the total elimination of colonial literature in all recently published literary histories is even more conspicuous. Francisco Noa has effectively proved that this non-existence is irreconcilable with fact. In his book Império, Mito e Miopia– the only monograph on this literature seen so far – Noa analyses the representation of Mozambique in a number of Portuguese colonial novels that today are completely unknown to the layman as well as to the expert20. Naturally, Francisco Noa wasn't the first to analyse colonial literature. Older and experienced researchers such as Pires Laranjeira, Russel Hamilton and Alfredo Margarido have all examined and for obvious reasons rejected the potential interest of this corpus of texts, due to its often strongly racist and colonialist character21. In 1977, another pioneer within the field of African literature, Manuel Ferreira, referring precisely to this fact, formulated what every sensible person would agree at that time: that many of these works “are condemned to oblivion”22. Ferreiras prediction came

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true, and today, when we plead for these books to be rescued from oblivion, his words and feelings of that time are no less understandable or imposing. 14 Colonial literature was also accounted for in the older editions of Saraiva & Lopes. In the fourth edition we find a chapter on Literatura Ultramarina, which treats a number of the authors analysed by Manuel Ferreira and Francisco Noa. In later editions the designation of this chapter changes to Literatura Colonial (contrary to the official practice brought about with the constitutional change of 1951 when the colónias (colonies) were replaced with the províncias ultramarinas (the overseas provinces). Nevertheless, this chapter has disappeared from the recent editions, and so have all but two of the 16 authors who used to be included. Moreover, the “colonial production” of two remaining authors is no longer mentioned. Thus the historiography of the many editions of Saraiva & Lopes, História da Literatura Portuguesa constitutes in itself a mirror of the political, cultural and mental changes that the Portuguese nation went through from colonial times to the surrender of empire: from the earlier editions of the 1950s in which “literatura ultramarina” (oversea litterature) is commented on without any noteworthy distance and considered a part of “o realismo contemporâneo” (contemporary realism) through the later editions in which the position of Saraiva and Lopes is a bit uncertain, such as in the ninth edition in which the authors euphemistically talk of a literature that developed in “condições muito próprias” (very special conditions) 23, to the newest editions in which this chapter of (literary) history has turned into a taboo to the extend that is has been silenced completely. 15 The situation has remained unchanged. Thus the abovementioned História da literatura portuguesa. As correntes contemporâneas transmits exactly this message: that no such literature has ever existed, not even in the shape of isolated writings. So extensive is the lack of logic that the work still contains an extensive chapter on Regionalistas e panfletários, in which (that is our clear impression) not only aesthetic-literary priorities rule but where also the function of literature as constituting a testemónio, a historic document, has been taken into account24. Consequently, the non-existence of colonial literature can hardly be explained by referring only to aesthetic criteria, although it is true that this type of literature offers very little in that respect. Its continuing existence in Portuguese Literary History would definitely have to be justified by its ideologically and/or epistemologically defined dialogue with a specific historic context: the Portuguese Empire of the Estado Novo.

What Does Colonial Literature Offer

16 What, then, does colonial literature offer in this respect apart from the predictable depiction of stereotypes in a colonial setting? Dwelling for a moment on an aspect of the work of the author and journalist Rodrigues Junior may serve as an example of the surprises and challenges contained in this literature.

17 Rodrigues Junior, the most productive author of colonial literature from Mozambique but today hardly remembered (and not represented in any Portuguese literary history that we know of), published 5 novels, about 20 non-fiction books and a large number of essays during the years 1939-1975. Rodrigues Junior arrived in Mozambique in 1919 at the age of 17. Details of his biography are unheard of to us, but we know that he travelled through Mozambique as a journalist and author, and that even in his very final writings he vigorously defended Portuguese colonial policy. It is worthwhile to

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emphasise what also Rui Knopfli has noted: that his novels represent “an extreme example of pseudo literature” and that they express in a most transparent way the ideal of colonisation of the Estado Novo25. From this point of view, Rodrigues Junior does not represent a marginal voice that might be expected to be erased in the long run; on the contrary, his voice comes from the very centre of imperial power. However, his writing – his colonial discourse – is not without fissures and cracks and that is what makes them interesting and relevant for further literary and postcolonial investigation.

Rodrigues Júnior and miscegenation

18 The typical theme of his novels is the life of the cafrealizado (the Portuguese emigrant who would cut off contact with “civilization” and adapt completely to the local culture)26 whose native partner helps him to survive the harsh life of the colony. In earlier novels by Rodrigues Junior, the civilizsd and paternalistic Portuguese colonist is depicted as being a lonely hero and – due to the “primitive conditions” – deprived of the possibility of living together with his wife. In the novel Sehura, the protagonist reluctantly admits to having sexual relationships with native partners, but excuses himself with his loneliness and with his being a slave of his physical needs, as he repeatedly states. However, he successfully suppresses his temptation to marry an indigenous woman, and after a while, with the help of his more headstrong Portuguese friend, he regrets his sexual escapades and eventually leaves his mistress27. Likewise, but now even stronger, in later novels Junior seeks to excuse and sympathise with the Portuguese cafrealizado, depicting him as a saint whose humanistic spirit and high moral has raised the level of civilization of the natives. That would be the case in Muende in which the protagonist does in fact marry a native woman despite his moral scruples, not to mention the insults he suffers from his Portuguese compatriots28. The right to practise miscegenation is also visible in O Branco da Motase in which the status and way of living of the cafrealizado is not basically questioned 29. Here, we can clearly see an ambivalent attitude in Junior´s treatment of the delicate question of miscegenation. Still, it must be emphasised that the acceptance of the relationship between black and white is only full in the sense that it relieves the Portuguese male of his responsibility and guilt. Miscegenation continues to be a matter of necessity, and the predictable hierarchy, placing the Portuguese male (with all his sexual and other privileges) at the top, is not questioned in any of these writings, nor does the depiction of the natives, including the women, go beyond the stereotype: the Mozambican female is devoted, childish, mild, obedient and sexually fervent. Still, in several of his novels, Junior does in fact offend, if not transgress, the Portuguese attitude to the relationship between black and white people30. This circumstance is reflected in his writing, and a recurrent element especially in the later novels is the criticism of the Portuguese administration. Quite often the Portuguese administrator intervenes as a significant obstacle to the colonist; he does not approve of or even understand the cafrealizado, he doesn't offer any practical or moral support: in fact he goes as far as to obstruct, humiliate and penalise those colonists who have relationships with native women.

19 Thus, a very visible dichotomy rules in the novels of Junior between on the one hand the humanistic Portuguese colonist-emigrant – whether cafrealizado or not – and the grateful, submissive native population comprising the devoted woman, and, on the other hand the greedy colonist, the muslim Asian Mozambican (the monhé) and the

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Portuguese administrator: rather surprising considering that Junior is a true proselyte of the Salazarregime. 20 Needless to say, the ungrateful black is not part of this universe. It also goes without saying, in correspondence with Manuel Ferreira´s point of view, that the writings of Rodrigues Junior do not deserve a laudatory literary afterlife. They do however deserve an afterlife, simply because they are part of Portuguese literary history and are, as such, testemunhos: they witness as Francisco Noa rightly has noted, “uma forma de estar no mundo dos outros” (“a way of being in the world of the other's”) 31. 21 In his analysis of the the specificity of Portuguese colonialism, Boaventura de Sousa Santos asserts that “along with our increasing knowledge of the narratives of the Portuguese cafrealizados comes a more complex understanding of the processes of hybridity which is certainly also different from that provided by those who visited them in brilliant apparitions of imperial, clerical or royal power, otherwise absent”32. Sousa Santos´ argument is well known: Portuguese colonialism is characterised by its deficiency, necessity and ambivalence, especially when compared to British colonialism. The Lusophone miscegenation is the result of a different type of racism, often, claims Sousa Santos, a case of sexual discrimination. And the Portuguese coloniser is himself a colonised person, a circumstance which means that the imitations practised by the colonised are rather chaotic, because they are also taken up by the coloniser – simply in order for him to survive or even for both to survive. Another consequence is that the stereotype of the coloniser is not definitive; rather it is transitory and inconsistent. All this does not signify that those colonised by the Portuguese are less colonised than others but that the ambivalence and hybridity in the Portuguese case goes far ahead the representation, discourse, and practises of enunciation. They are carnal, they are daily experiences that have been lived through centuries. 22 From our point of view, the works of the Portuguese anti-colonial, border-crossing authors as well as those of the colonial writers such as Rodrigues Junior, occupied with the life and position of the cafrealizados, may serve as very good examples of this ambivalence and hybridity and may be of interest both to contemporary researchers working on the exposure of 20th century colonialism and to literary historians. Or, seen in another both scientific and ethical perspective: On the one hand, in a today's world where “partly because of empire, all cultures are involved in one another; none is single and pure, all are hybrid, heterogeneous, extraordinarily differentiated and unmonolithic”, as Edward Said has told us33, this situation must and is inevitably going to influence the writing of national literary histories of both former colonial and former imperial cultures. The Luso-African history evidently constitutes a paradigmatic example of this state of affairs. And on the other hand, despite its continuous and indisputable power the fragile aspects of the national model are becoming ever more visible. Resolution of the literary-aesthetic, ideological and ethic problems mentioned in this article can be found by the inclusion of the postcolonial dimension of Portuguese History in literary history. To write and edit a literary history based merely and only implicitly on the national model is to deny the true value of our history and let down potential listeners of a range of currently silenced voices. 23 January and May, 2006

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NOTES

1. “No! The decision was made. He would not return. No matter what happened. Niassa was also Portuguese land, it was also Portugal”. 2. L. HUTCHEON, “Rethinking the National Model”, in L. Hutcheon & M.J. Valdés (eds), Literary History: A Dialogue on Theory, Oxford, Oxford University Press, 2002: 3-50. Alternatives to the teleological model (that serves the purpose of the nation due to the fact that the political concept of the modern nation-state and the discipline of literary history were born together) would also include the (transnational) comparative model in a number of versions and the framework of what is known as world literature (based on Goethe's theorization of Weltliteratur). 3. See, for instance, F. ROSAS, História de Portugal. VII. O Estado Novo (1926-1974), Lisbon, Editorial Estampa, 1994 [dir. José Mattoso]. 4. The choice of these (discursively defined) designations is partly tentative (which reflects the implications of the lack of attention paid to this group of authors in Portuguese literary history). However, we follow what we consider is consensus: Colonial literature, comprising until 1974 in principle all literature produced in the colonies by authors of Portuguese origin, is the designation we use when referring to a literature translating “a sobreposição cultural e civilizacional dos europeus que se manifesta no silenciamento, subordinação ou na marginalização do elemento autóctone” (a cultural and civilisational superimposition manifested in the silencing, subordination or in the marginalisation of the indigenous element), F. NOA, Império, Mito e Miopia, Lisbon, Caminho, 2002 : 46, whereas anti-colonial literature is the designation used when referring to literature that violates such a discourse of European/Portuguese hegemony. However, also the label “realismo colonial” (colonial realism) has been used for the latter group (Francisco Noa in commenting on Castro Soromenho, F. NOA, op. cit.: 65). 5. Ó. LOPES & M. de F. MARINHO (eds), História da literatura portuguesa. Volume 7. As correntes contemporâneas, Lisbon, Publicações Alfa, 2002. 6. See, for instance, E. LOURENÇO, O Labirinto da Saudade, Lisbon, Publicações Dom Quixote, 1978, B. de Sousa SANTOS, “Onze teses por ocasião de mais uma descoberta de Portugal”, in B. de Sousa Santos (ed.), Pela mão de Alice, Porto, Afrontamento, 1994: 49-68, or M. CALAFATE, Uma história de regressos. Império, guerra colonial e pós-colonialismo, Lisbon, Afrontamento, 2004. 7. Pequeno roteiro da história da literatura portuguesa, Lisbon, Instituto Português do Livro, 1984. 8. Á.M. MACHADO (ed.), Dicionário de literatura portuguesa, Lisbon, Editorial Presença, 1996. 9. C. REIS (ed.), História crítica da literatura portuguesa, Lisbon – São Paulo, Verbo, 1995. 10. “When we prepare ourselves for the study of a literary history, we cannot avoid considering such basic concepts as those of literature and literary work as well as the existing relationships between criticism and the history of literary taste, between literature and language and between literary history and history in general, including the national history”. These are the words by which A.J. SARAIVA & Ó. LOPES open their preface (História da literatura portuguesa, 4 th ed., Lisbon, Porto Editora, n.d.). Later, in the passage Literatura, cultura, nacionalidade : 11-14, they address, for instance, the problem whether Brazilian authors and authors writing in Galician ought to and can be included in a Portuguese literary history. In other words, what Saraiva & Lopes do is precisely to reflect on the inherent problems of the national model, however, without ever questioning the legitimacy of the colonial empire, which at that time constituted the frame of the Portuguese national model. 11. Luandino Vieira (1935-): Grew up in Luanda as a son of Portuguese emigrants. He was imprisoned in 1961 for collaboration with the Angolan nationalists. Today he lives in Lisbon.

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Luandino Vieira's style has been of major importance for Angolan and Portuguese literature. See also note 14. Castro Soromenho (1910-1968): Born in Mozambique, grew up in Angola as a son of Portuguese emigrants. He went to Lisbon where he worked as a journalist and was later exiled in Brazil, for political reasons. His complete ideological shift in 1949 is most visible in the trilogy Terra Morta (1949), Viragem (1957) and A Chaga (1970). Rui Knopfli (1932-1998): Son of Portuguese emigrants, he was born in Mozambique where he lived until 1973 when he moved to London and later to Lisbon. Less political than Soromenho and Luandino he nevertheless contributed to Portuguese as well as Mozambican literary history with a number of important works. 12. Á.M. MACHADO, Dicionário… , op. cit.: 503. 13. Ó. LOPES & M. de F. MARINHO (eds), História…, op. cit.: 367. 14. For instance, in the 9th edition he was depicted in a very precise and contextualised manner, as an author who “was imprisoned during 11 years due to his collaboration with the patriotic Angolans and who began his literary career by denouncing a direct and linear anti colonialism […]; the three short stories of Luuanda, 1964, honoured with a literary prize of the Portuguese Society of Writers (which made Salazar close down the Society in 1965) reveal the fusion of the stylistic inventiveness of Guimarães Rosa, the virtues of the Portuguese spoken in the multiracial districts of the outskirts of Luanda [musseques] and the colonial tensions present there, finding its state of perfection in the ‘estórias’…”, História da Literatura Portuguesa, Saraiva e Lopes: 1129-1130. 15. Pepetela (1941-): Grew up in Luanda as a son of Portuguese emigrants. He went to Lisbon in order to study but returned in 1961 to join MPLA. Exiled in France and Algeria. He started writing in 1969 but was not published until 1973. Today he continues to live in Angola. 16. Ó. LOPES & M. de F. MARINHO (eds), História…, op. cit.: 232. 17. Cf. B. ANDERSON, Imagined Communities, London – New York, Verso, 1991: 22-36. (1st ed. 1983) 18. Á.M. MACHADO, Dicionário… op. cit. : 504. See also note 14. 19. L. HUTCHEON, “Rethinking…, op. cit.: 15. 20. F. NOA, Império…, op. cit., Lisbon, Caminho, 2000. 21. See P. LARANJEIRA, Literaturas africanas de expressão portuguesas, Coimbra, Universidade Aberta, 1995 ; R. HAMILTON, Literatura africana, literatura necessária, I, Angola, Lisbon, Edições 70, 1975 ; A. MARGARIDO Estudos sobre literaturas das nações africanas de língua portuguesa, Lisbon, A Regra do Jogo, 1980. 22. M. FERREIRA, Literaturas africanas de expressão portuguesa, I, Lisbon, Ministério da Educação e Cultura, 1977: 16. 23. A.J. SARAIVA & Ò. LOPES, História…, op. cit. : 1129. 24. Thus, according to the authors of the chapter on Regionalistas, the narrative of a range of their books is considered to be of no interest at all and thus in this respect very similar to colonial literature, História da Literatura Portuguesa. As Correntes Contemporâneas : 145-183. It should also be noted that in this chapter a number of colonial authors are included, such as Julião Quintinha and Brito Camacho who won the Prémio da Literatura Colonial in 1928 and 1926 respectively, but with very peripheral references to their colonial production. 25. Rui Knopfli quoted in F. NOA, op. cit.: 43. 26. Cf. B. de Sousa SANTOS, “Entre Próspero e Caliban”, in M.I. RAMALHO & A. Sousa Ribeiro (eds), Entre ser e estar, Raízes, Percursos e discursos da identidade, Porto, Edições Afrontamento, 2001: 54-55. 27. 25 R. JUNIOR, Sehura, Lisbon, [no editor], 1944. 28. R. JUNIOR, Muende, Lourenço Marquês, [no editor],1960. 29. R. JUNIOR, O Branco da Motase, Lisbon, [no editor], 1952.

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30. Quite an ambivalent position: the Portuguese regime officially accepted miscegenation but unofficially this practice was banned: “Only at one point must we be rigorous in terms of racial separation: concerning intermarriages and accidental crossings between white and black, the souce of serious disturbances in the social life of the Europeans and are indigenous people and motive of serious problems of miscegenation, serious, I say, if not biologically, […] at least sociologically”, M. CAETANO, “Comunicação à Colónia de Moçambique, por intermédio do ‘Rádio Clube local’, 1945”, in A. BARRADAS, Ministros da Noite – livro negro da expansão portuguesa, Lisbon, Antígona, 1993. Junior's ambivalent position is also expressed in the fact that, even in his latest works, he never defends lusotropicalismo: Gilberto Freyre's famous concept claiming the benevolent and cosmopolitanism dimension of the Portuguese colonialism. In Junior's opinion Freyre went too far in his appraisal of the indigenous Brazilian population (R. JUNIOR, Aventura do Mato e Colonizacão Dirigida, Lisbon [no editor], 1946. 31. F. NOA, op. cit.: 28. See also L. HUTCHEON, op. cit.: 20. 32. B. de Sousa SANTOS, op. cit.: 57. 33. E. SAÍD, Culture and Imperialism, London, Vintage, 1994: xxi.

ABSTRACTS

This article, situated within the crossroads of Portuguese Postcolonial Studies and Portuguese Literary History, is concerned with methodological and other problems related to the continuing use of the “teleological, national model”. Among the main arguments are the specific problems arising from the inconsistent treatment of a number of authors normally referred to as representing colonial and anti-colonial literature, such as Luandino Vieira and Castro Soromenho. Another point is to demonstrate the potential value of colonial literature for the contemporary study of Portuguese colonialism as well as for literary historians. This is done by providing a short example of the work of Rodrigues Júnior, an extremely productive author of colonial literature from Mozambique who is today hardly remembered.

Cet article, au carrefour des études postcoloniales et de l’histoire littéraire portugaises, porte notamment sur les problèmes méthodologiques liés au persistant usage du “modèle national téléologique”. Il s’agit en particulier des problèmes spécifiques découlant du traitement presque inexistant de nombre d’auteurs habituellement connus comme représentatifs de la littérature coloniale et anticoloniale tels Luandino Vieira ou Castro Soromenho. Une autre question est la valeur potentielle de la littérature coloniale comme source de l’étude contemporaine du colonialisme portugais ou pour les historiens de la littérature. Ce point est abordé par le biais d’une brève présentation de l’œuvre de Rodrigues Júnior, un auteur extrêmement productif de la littérature coloniale au Mozambique, qui est aujourd’hui pratiquement tombé dans l’oubli.

Este artigo, na encruzilhada dos estudos pós-coloniais portugueses e da História da Literatura portuguesa, incide nomeadamente sobre os problemas metodológicos ligados ao uso persistente do “modelo nacional teleológico”. Trata-se, em particular, dos problemas específicos resultantes do tratamento inconsistente de numerosos autores habitualmente conhecidos como representativos da literatura colonial e anti-colonial tais como Luandino Vieira ou Castro Soromenho. Uma outra questão é o valor potencial da literatura colonial no estudo contemporâneo do colonialismo português ou dos historiadores da literatura. Esta questão é

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abordada através de um pequeno excerto da obra de Rodrigues Júnior, autor extremamente produtivo da literatura colonial de Moçambique, que é hoje dificilmente recordado.

INDEX

Geographical index: Portugal, Mozambique Mots-clés: littérature coloniale, littérature post-coloniale, histoire littéraire portugaise, Rodrigues Júnior

AUTHOR

INGEMAI LARSEN

University of Copenhagen, Institute of English, German and Romance Languages. Department of Portuguese

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Accent : Le politique par le bas

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Coups et coûts d’un échec électoral La défaite du Parti des Travailleurs à Porto Alegre (octobre 2004) Tragos e estragos de um fracasso eleitoral : A derrota do Partido dos Trabalhadores em Porto Alegre (Outubro de 2004) The Costs and Effects of Electoral Failure: The Defeat of the Workers’ Party in Porto Alegre (October 2004)

Frédéric Louault

Deux ans après l’accession de Lula à la Présidence du Brésil, les élections municipales d’octobre 2004 ont vu le Parti des Travailleurs être détrôné dans un de ses fiefs symboliques : la ville de Porto Alegre. Lors du second tour des élections municipales, une alliance de douze partis, menée par le candidat du PPS José Fogaça, l’emporta avec 53,32 % des voix, contre 46,60 % pour le candidat du PT Raúl Pont. Capitale de l’État du Rio Grande do Sul, Porto Alegre était aux mains du PT depuis 1988, durant quatre mandats consécutifs complets. À première vue, ce revers municipal semble être lié à la dynamique pétiste au niveau fédéral. Les électeurs auraient jugé au niveau municipal les actions menées par le gouvernement Lula au niveau fédéral1. Plusieurs secteurs du militantisme pétiste ont repris à leur compte cette explication. C’est le cas des courants liés à l’aile gauche du PT, qui ont profité de l’occasion pour dénoncer la timidité du gouvernement fédéral au niveau social2. Très appréciée de certains auteurs, la théorie du vote-sanction est souvent reprise par les appareils médiatiques. Le cas de la France en fournit de nombreux exemples3. Mais une analyse approfondie du rapport entre les différents niveaux de pouvoir au Brésil (fédéral, étatique et municipal) montre les insuffisances de cette théorie pour comprendre les enjeux électoraux réels de ce pays. À Porto Alegre, les causes de la défaite sont multiples et plus profondes. Elles ne se limitent pas à une simple sanction du gouvernement Lula. On ne cherchera pas à reprendre le débat sur le poids de chaque cause, mais il faut toutefois énumérer quelques facteurs distincts du niveau fédéral pouvant expliquer le désaveu populaire : la bureaucratisation de l’administration pétiste pendant les seize années de gouvernement municipal ; l’usure du pouvoir ; le manque d’innovation politique à Porto Alegre depuis plusieurs années ; la stratégie électorale de l’opposition (« garder ce qui est bon, ne changer que ce qui fonctionne

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mal ») ; la fuite des principaux cadres municipaux du PT vers le gouvernement du Rio Grande do Sul (dirigé par le PT entre 1999 et 2002), puis vers Brasília ; le sentiment pour certains électeurs d’avoir été « trahis » par l’ancien maire pétiste de la ville, Tarso Genro4 ; la publicité des divisions entre les différentes tendances du PT5. Paradoxalement, la défaite du PT à Porto Alegre a masqué une dynamique ascendante de l’implantation municipale pétiste au Brésil. En octobre 2000, lors du 1er tour des élections municipales, le PT avait obtenu en moyenne nationale 14,1 % des suffrages exprimés. En octobre 2004, ce chiffre était de 17,1 %, soit une augmentation de 37 %. Le nombre de municipalités remportées par des candidats du PT est passé de 187 à 411 entre 2000 et 2004. Enfin, le PT est devenu en 2004 le parti recevant le plus grand nombre de votes pour les élections municipales. Des 26 États de la Fédération, le PT s’est renforcé dans 20. Les seuls États dans lesquels son audience électorale a décru sont le Rio Grande do Sul, Rio de Janeiro, l’Alagoas, le Paraíba, le Piauí, et le Rio Grande do Norte6. Le politologue brésilien André Marenco note que la ville de Porto Alegre a eu un poids déterminant dans la diminution des votes obtenus par le PT pour le Rio Grande do Sul. Par ailleurs, le PT de Rio de Janeiro vit depuis plusieurs années une crise interne. Les quatre autres sont de petits États traditionnels du Nordeste où le PT est historiquement peu implanté. L’argument selon lequel la défaite du PT à Porto Alegre aurait pour principal responsable le gouvernement Lula est donc peu convaincant. On l’a dit, cet article, ne cherche pas à reprendre ce débat, mais à évaluer le poids de la défaite en elle-même7. Quelles sont les répercussions d’un tel échec pour l’organisation partisane, ainsi que pour les individus qui la composent ? Comment le Parti des Travailleurs gère-t-il cet aléa politique qu’est la perte de Porto Alegre ? La transition municipale à Porto Alegre génère une déstabilisation du PT à plusieurs niveaux. On examinera tout d’abord comment le parti est sorti de cette bataille électorale affaibli symboliquement, puis comment ses bases organisationnelles locales ont été remises en cause.

Fragilisations symbolique et psychologique : les coups de la défaite

Depuis janvier 1989 et l’entrée en fonction de Olívio Dutra, la municipalité de Porto Alegre symbolisait le volontarisme politique pétiste pour radicaliser la démocratie. Les innovations introduites au niveau local par « l’Administration populaire »8 s’appuyaient sur un nouvel ordre juridique favorable, porté par la Constitution de 1988. Toutefois, la nouvelle équipe héritait d’une situation difficile : entre 1979 et 1987, le nombre de fonctionnaires municipaux avait augmenté de 65 %, et 98 % des recettes courantes de Porto Alegre étaient absorbées par les salaires des fonctionnaires. Rapidement, le nouveau maire et son équipe mirent en place un système novateur au Brésil de formulation et d’accompagnement du budget municipal, appelé « Budget Participatif » (Orçamento Participativo). Ce fut la pièce maîtresse d’une série de mesures visant à créer ou renforcer des structures de participation citoyenne pour la gestion publique du budget. Ce nouveau mode de gestion a contribué à faire connaître Porto Alegre et le Parti des Travailleurs dans le monde entier. Porto Alegre est en effet devenue la vitrine locale des capacités gestionnaires du PT. Plus encore, la ville est devenue un exemple de bonne gouvernance pour de nombreux analystes, alors que l’Amérique latine sombrait dans une nouvelle décennie perdue. Symbole de renouveau démocratique, le

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budget participatif devient peu à peu un modèle, voire une « mode », et il n’a pas échappé aux instrumentalisations politiques9.

Porto Alegre : la prestigieuse vitrine brisée du PT

Au-delà de tout jugement politique, force est de constater que la gestion pétiste a été appréciée par les habitants de Porto Alegre, puisque le PT y fut reconduit trois fois de suite. Sous l’Administration populaire, la municipalité de Porto Alegre a conquis de nombreuses distinctions nationales et internationales, souvent mises en avant par le PT lors de ses diverses campagnes électorales10. Porto Alegre a également été choisie pour accueillir le Forum social mondial (lors de la création du FSM en 2001, puis de nouveau en 2002, 2003 et 2005), devenant la capitale mondiale de l’altermondialisme. Enfin, la ville est devenue un laboratoire d’études pour de nombreux chercheurs venus du monde entier à la quête d’un nouveau modèle de développement. En donnant une dimension internationale à l’expérience menée à Porto Alegre, les dirigeants du PT pensaient avoir fait de la capitale gaúcha leur fief, leur chasse gardée. Le PT parvint à conserver la municipalité jusqu’en 2004 en augmentant à chaque scrutin son score et le nombre de ses conseillers municipaux. Lors des élections générales d’octobre 1998, le PT élargit même son assise, Olívio Dutra remportant l’État du Rio Grande do Sul. L’équipe pétiste tenta alors d’administrer le Rio Grande do Sul à l’image de Porto Alegre. Cette expérience souleva un important problème d’échelle, et de nombreuses critiques vinrent ternir la bonne image que le PT avait forgée au niveau municipal11. Les élections générales de 2002 marquèrent un premier revers fort pour le PT : la perte du Rio Grande do Sul au bout d’un mandat seulement (le candidat pétiste était alors Tarso Genro). La défaite du PT aux élections municipales d’octobre 2004 porta un coup symboliquement et politiquement encore plus violent pour le parti et son personnel. Tout d’abord ce second échec consécutif vient confirmer un certain rejet du PT et de ses propositions par les électeurs. Le fait que Porto Alegre soit médiatiquement perçue comme le laboratoire du PT amplifia la portée de ce résultat. De plus, cet échec vint mettre à jour de nombreuses tensions internes au parti qui étaient jusqu’ici voilées par les enjeux électoraux : pris entre la déception, la colère et la crainte, on chercha des coupables et on règla des comptes au sein du parti. La crise joua un rôle de révélateur. Pour Guy Thuillier,« le jeu politique n’est intéressant que lors des crises », car la crise est « un fusible […], elle révèle le fort et le faible des uns et des autres »12. Aux messages des urnes, s’ajouta une image de désorganisation, voire d’immaturité partisane, qui s’imprègna dans l’esprit des citoyens via le traitement médiatique. Quelques mois avant les élections municipales, la présidente pétiste de la chambre municipale de Porto Alegre, Margarete Morães, écrivait : « La gauche a vécu ce mois-ci un moment de lumière : au terme de la Rencontre municipale du PT […], on avait la certitude que le parti, une fois de plus, faisait preuve de lucidité, unité, démocratie, vigueur et énergie »13. Au lendemain des résultats du second tour, dans l’ombre de la défaite, l’unité avait volé en éclats et les divers groupes mettaient beaucoup de vigueur et d’énergie à se renvoyer la responsabilité de l’échec. Enfin, la mairie de Porto Alegre était la dernière importante ressource d’emplois dont disposait le PT à l’échelle locale ou étatique. Le gouvernement fédéral étant déjà composé, le personnel politique exclu des postes municipaux se retrouva avec peu de

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portes de sortie. Au-delà des aspects matériels, la défaite provoqua de profonds questionnements au sein du parti.

Le temps des remises en question : errances et replis individuels

Certains analystes politiques soulignaient depuis plusieurs années une montée progressive de l’insatisfaction au sein de la population portoalegrense vis-à-vis de l’Administration populaire. Mais les dirigeants du PT ne semblaient pas avoir pris au sérieux la multiplication des marques contestataires. Quelques mois avant les élections municipales, le PT paraissait encore sûr de son implantation, et s’enthousiasmait des sondages d’opinion. Dans le journal PT Informa de mai 2004, la commission exécutive municipale du parti présageait la victoire du candidat pétiste, dans un article intitulé « Les sondages indiquent la position dominante de Raúl Pont à Porto Alegre »14. S’appuyant sur une étude de l’institut Ibope publiée le 2 mai 2004 dans le journal Zero Hora, l’article soulignait deux points : premièrement, que le candidat du PT était largement en tête dès le premier sondage officiel (avec 27 % des intentions de vote, contre 13 % pour José Fogaça) ; deuxièmement, que la gestion du maire sortant João Verle était approuvée par plus de la moitié des électeurs de Porto Alegre (53 %)15. Une défaite du PT à Porto Alegre n’était donc pas prévue. Ce scénario n’était d’ailleurs même pas envisageable aux yeux des militants... En ce sens, le désaveu électoral du 31 octobre a été plus qu’une surprise. Il a constitué un réel choc pour de nombreux militants et dirigeants du PT. La frustration a soulevé des questionnements sur l’utilité des actions réalisées pendant les seize années de gestion pétistes. Ainsi, la plupart des personnes interrogées s’avouaient inquiètes de voir leur travail réduit à néant par l’entrée en fonction de la nouvelle équipe. Plus largement, il s’agit d’un questionnement sur l’utilité de l’action publique démocratique pouvant déboucher sur des replis individualistes, voire parfois sur une remise en cause des règles démocratiques. La durée de l’expérience pétiste à Porto Alegre a amplifié l’impact de la défaite. Le temps joue un rôle capital dans l’action politique. Il est « le principium de la chose publique : c’est un temps souvent brouillé menaçant, hostile, cruel, un temps destructeur. […] Les équipes changent, les personnalités vieillissent, les rêveries s’écroulent »16. S’il donne sens à l’action, le temps introduit la notion de précarité. La politique procure des plaisirs éphémères que l’on cherche à partager, ainsi que des souffrances dont on préfère éviter de parler. Pourtant, la souffrance n’en est pas moins une réalité de la compétition politique. Le Parti des Travailleurs pensait avoir dominé le temps politique à Porto Alegre, en avoir fait son allié. Ainsi, lorsqu’au bout de seize années, le temps s’est retourné contre lui, l’instant de la défaite en a été d’autant plus douloureux, comme l’affirme l’ancien directeur général du département municipal au Logement : « Cette période d’octobre à décembre, après la confirmation de notre défaite, fut une période assez difficile. Il y avait des projets, des plans pour le futur. En novembre et décembre, nous avions déjà lancé des projets importants, que nous avons laissés en cours. Ça a été une période de grande frustration » 17. L’Administration populaire avait planifié ses actions au-delà des échéances électorales d’octobre 2004. Elle avait ralenti l’avancement de ses projets, les adaptant à la conception qu’avait du temps le PT de Porto Alegre : un temps qui dure et ne trahit pas. À cette perception illusoire vint s’ajouter un aspect stratégique que l’on retrouve

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souvent dans une perspective électoraliste de la politique : dompter le temps pour s’assurer un électorat. Un parti programme des actions politiquement ambitieuses au- delà des limites temporelles de son mandat, afin d’inciter les électeurs à le reconduire lors des élections suivantes. Il s’agit d’une stratégie de continuité, qui peut s’avérer risquée. Au lendemain des élections municipales du 31 octobre 2004, le président national du PT José Genoino déclarait avec regrets : « la défaite du candidat Raúl Pont à Porto Alegre a représenté une option pour le changement. Le peuple de Porto Alegre a souhaité faire une nouvelle expérience, et le PT, humblement, doit respecter cette décision »18. Comme le souligne Marc Abélès, le métier politique n’est pas un métier comme un autre. Il « créé une sorte d’excitation, le sentiment de vivre chaque jour une expérience qui rompt avec la monotonie des métiers ordinaires […], mais suscite aussi une véritable angoisse »19. Face à la défaite, l’incertitude se mêle à l’angoisse, qui, en un premier temps écrase le professionnel de la politique : il voit se profiler sa propre mort politique. De même, la défaite porte aussi sur les sensibilités politiques personnelles, et notamment sur tout ce qui concerne l’identité, l’image de soi. Avec elle, l’être politique évolue dans ses auto-représentations. Une image destructrice et inconsistante vient remplacer une image flatteuse et figée. La dimension affective du politique est complexe, difficile à comprendre ou analyser, car elle concerne chaque individu dans sa particularité et ses différences. Si la remise en cause personnelle varie en intensité selon les individus, elle n’est pas sans répercussions sur la relation de ces derniers avec leur parti d’appartenance. Le parti politique est un appareil affectif dont les logiques internes dépassent les calculs strictement stratégiques. Il est un lieu de sécurité et de solidarité affective pour ses adhérents, dans une société où les liens sociaux se détendent. Suivant Pierre Ansart, on peut dire que c’est dans un contexte d’anxiété sociale qu’il faut appréhender l’importance du parti politique. À Porto Alegre, le Parti des Travailleurs s’inscrit traditionnellement dans cette logique de soutien psychologique, offrant un refuge affectif à ses membres. Dans une société brésilienne marquée par le chômage, le sentiment d’insécurité et l’individualisme post-moderne, le parti permet les échanges et rencontres, il devient un milieu de confiance. Il rend possible « tout un jeu inconscient d’introjection et de projection, soutient un système de relations fantasmatiques dont l’effet majeur est d’assurer pour chacun une défense contre la dépression »20. Ce dispositif est intériorisé différemment selon les caractéristiques psychologiques de chaque individu, et selon son rôle au sein de l’organisation partisane (cadre dirigeant, simple militant, etc.). Néanmoins, le cas du Parti des Travailleurs à Porto Alegre montre la fragilité des mécanismes antidépressifs partisans. Si « une phase triomphale peut renforcer les espoirs, les rêves, les dimensions utopiques ; un échec peut, au contraire, ramener les adhérents au principe de réalité en leur faisant faire l’épreuve de la réalité »21. C’est ce que souligne un ancien cadre de l’administration pétiste : « Dans le domaine des politiques publiques, je me suis toujours consacré à ce à quoi je croyais, j’ai toujours été obstiné. Et si j’avais la possibilité… Aujourd’hui je n’ai pas cette possibilité. Il y aurait le niveau fédéral, mais je vais te dire une chose : je suis resté un petit peu blessé. Et après qu’on a perdu les élections, il y a eu une débandade générale, du genre tout le monde s’est lavé les mains, personne n’a aidé personne. Chacun pour soi. Ce qui est assez naturel »22. La conjoncture électorale peut-être considérée comme un révélateur et un amplificateur de sensibilités politiques latentes. Entre 1988 et octobre 2004, la

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domination locale du PT entraînait une euphorie et une certaine cohésion générale malgré la pluralité interne de ses membres. Quand le parti va tout va. La participation aux activités partisanes ou administratives (réunions, projets etc.) est idéalisée car récompensée matériellement et symboliquement. Avec le revers électoral du 31 octobre 2004, la chute est immédiate. Les images du passé et de l’avenir se transforment. Au- delà des effets réels de la défaite, qui ne se feront ressentir que dans un second temps, c’est tout un imaginaire qui s’écroule dans la dépression. Quand le parti sombre tout sombre. La perception de l’organisation partisane s’inverse. Le PT était un instrument d’inclusions, il devient la cible de critiques émanant de ses propres adhérents. Il est tenu pour en partie responsable des malheurs individuels. De nombreux membres du PT ayant travaillé dans l’administration municipale connurent dès l’annonce de la défaite une première phase d’errance psychologique. Une ancienne membre du secrétariat municipal à la Culture raconte ainsi : « La défaite, ici, de la municipalité, ça a été pire que d’avoir perdu mon père. Ce n’est pas parce que j’allais me retrouver sans emploi. C’est bien plus que cela. […] Je n’arrivais pas à parler, je suis allée au lit. Ça a été quelque chose d’horrible. Et je suis déjà passée par des difficultés sérieuses dans la vie. Mais rien de comparable avec cela. Parce que ça a été une fermeture totale. […] Pendant les vingt premiers jours qui suivirent la défaite, on n’y arrivait pas […] on faisait des réunions, et tu pleurais la moitié de la réunion, tout le monde. Et quand l’un arrêtait l’autre commençait. Une chose horrible »23. Plusieurs membres sortants de l’Administration populaire déclarent être entrés en dépression dans les jours qui suivirent la défaite, du fait d’une prise de conscience brutale de leur situation. Leurs positions sont fragiles et le jeu politique s’avère cruel. Ils considèrent avoir beaucoup donné en temps et en énergie pour le bien public, et ne comprennent pas toujours qu’on leur impose de sortir du jeu. Il s’ensuit une réflexion introspective, une considération critique sur sa propre condition d’être politique, bien exprimée par un ancien coordinateur du secrétariat municipal de la Culture : « Les gens se sont dispersés. Tout le monde s’est dispersé, ça a été une lutte pour chercher son espace, batailler. Nous sommes dans une période de… nous souffrons de ce qui est arrivé. […]. Et ainsi, nous sommes dans une phase où nous nous analysons. Qui était ami réellement, qui ne l’était pas. […] Moi particulièrement, je me suis recueilli un petit peu, je suis encore dans une phase où j’ai besoin de m’occuper de moi et de mon travail, de ma profession et de mon futur, de mes filles »24. À quoi bon poursuivre un rôle actif au sein du parti ? N’est-il pas temps de se consacrer plus pleinement à des activités privées, familiales ou professionnelles ? Face à la défaite, le personnel du PT est d’abord tenté par un repli individualiste plus ou moins profond. Ce phénomène a été étudié par Albert O. Hirschman, pour qui « les actes de participation aux affaires publiques, qui sont accomplis dans l’espoir d’en tirer une satisfaction, apportent également déception et insatisfaction »25. Si la déception est un élément central de l’expérience humaine, la défaite électorale constitue l’expérience majeure de déception chez les êtres politiques. Dès lors, il est naturel qu’à l’échec fasse suite une interrogation sur le sens des actions réalisées, ainsi que sur l’évolution des préférences personnelles. Les fragilisations symboliques et psychologiques ont eu un impact direct sur les bases organisationnelles du Parti des Travailleurs. En ce sens, la défaite a entraîné des conséquences graves pour ce parti de masse : la démobilisation militante et la diminution des ressources financières.

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Fragilisation organisationnelle : les coûts de la défaite

La démobilisation militante fut à la fois une cause et une conséquence de la défaite du PT à Porto Alegre. En ce sens, les élections d’octobre 2004 vinrent approfondir un essoufflement du militantisme mettant en péril les bases mêmes du PT portoalegrense. Lorsque le PT administrait la ville de Porto Alegre, il a poussé la plupart de ses cadres et de ses forces vers les programmes de la mairie, se désintéressant peu à peu du travail d’implantation militante. L’ancien secrétaire municipal au Logement avoua que le PT a laissé de côté « de nombreux aspects de son insertion au sein des mouvements sociaux, du réseau plus concret de la ville »26.

« Quand le bateau chavire… » : chronique d’une démobilisation militante

Le PT est historiquement lié à une culture du militantisme. Beaucoup des hommes et femmes de confiance de l’Administration populaire sont venus des mouvements sociaux. Mais le PT avait depuis quelques années de grandes difficultés à opérer un renouvellement militant, à attirer une jeune garde militante… Cette vision est partagée par un ancien secrétaire municipal et étatique de l’administration pétiste : « il n’y a plus de jeunes au PT »27. Ce constat marque-t-il une évolution conjoncturelle liée au rapport entre militantisme et pouvoir ? Ou traduit-il un changement structurel dans la physionomie et le caractère du PT ? Par ailleurs, cet épuisement du vivier militant s’est accompagné d’un processus d’intellectualisation au sein Parti des Travailleurs : ce sont les enseignants et membres des professions intellectuelles qui sont aujourd’hui considérés comme le secteur professionnel le plus important du PT. Ils constituent la catégorie la plus représentée parmi les députés fédéraux, pèsent dans les discussions idéologiques, sont plus facilement présents dans les moyens de communication de masse, et surtout, ils exercent une forte activité syndicale et associative)28. Du fait de cette modification de la composition sociale interne, certains militants de base exprimaient le sentiment de s’être fait « voler le parti ». Les mutations qui se sont opérées et s’opèrent encore au sein du PT ont des conséquences organisationnelles importantes. Elles génèrent d’intenses combats internes relatifs à l’identité du parti, surtout depuis l’accession de Luiz Inácio Lula da Silva à la présidence du Brésil. Pour certaines tendances, le PT aurait perdu son essence originelle. En désaccord de plus en plus profond avec la ligne majoritaire nationale, de nombreux militants (principalement des militants actifs de l’aile gauche) ont préféré quitter le parti. D’autres en ont été exclus. C’est le cas de quatre parlementaires, expulsés en décembre 2003 pour leurs prises de positions publiques jugées trop critiques à l’égard du gouvernement Lula : Heloisa Helena, João Batista Araujo, dit « Babá », João Fontes et Luciana Genro29. Ils ont créé ensuite une nouvelle organisation partisane : le P-Sol (Parti Socialisme et Liberté). Pour les tenants de ce jeune parti, « le peuple a été trahi par le PT »30. L’adhésion au P-Sol donne un nouveau souffle à des militants qui se sentaient de plus en plus étouffés ou délaissés au sein du PT. Ce type de changement de parti s’apparente à un reclassement politique au sens que lui donnent Philippe Garraud31 ou Éric Duhamel. Pour ce dernier, « la plupart des reclassements traduisent moins une évolution idéologique qu’une adaptation réfléchie aux

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circonstances » 32. Pourtant, dans le cas du Parti des Travailleurs, l’idéologie vient se mêler à la conjoncture. La séparation ne découle pas de l’évolution particulière de tel ou tel militant, mais vient sanctionner une mutation idéologique partisane. Il ne s’agit pas non plus d’un reclassement « alimentaire » motivé par la défaite. Au contraire, cette forme de reclassement découle de logiques internes liées à la victoire de Lula en octobre 2002. À Porto Alegre, où le courant Démocratie Socialiste (d’inspiration trotskiste) est majoritaire, les dirigeants du PT ont pris conscience des risques qu’engendrent pour le parti les disputes et démobilisations pré-électorales. Ils ont lancé plusieurs appels à la mobilisation pour « une campagne militante, de masses, et participative », indiquant que pour l’élection de 2004, « la participation effective des militants et des sympathisants sera [it] plus importante qu’à n’importe quel autre moment de notre histoire de batailles » 33. Ce message semble avoir eu un effet quantitatif, notamment dans les derniers mois de la campagne électorale. Selon les chiffres fournis par le parti, le nombre d’adhésions au PT a été de 2 207 en 2004 à Porto Alegre (contre 254 désaffiliations). Sur ces 2 207 adhésions, plus de 200 ont été effectuées en avril, lorsque la campagne électorale a officiellement débuté, et près de 1 300 en septembre, soit durant le mois précédant les élections municipales. Sur les 254 défections enregistrées en 2004, 192 ont eu lieu avant le 31 octobre 2004, et 62 en novembre et décembre. Nous ne savons pas combien de ces 192 défections pré-électorales ont été suivies d’un reclassement politique au P-Sol ou dans un autre parti. Au total, le PT de Porto Alegre a donc gagné 1 953 adhérents en 2004, ce qui est peu pour une année électorale. De plus, les adhésions en période électorale sont le plus souvent des adhésions de circonstance, alors que les défections concernent des militants formés, donc potentiellement plus actifs. Si l’évolution numérique des membres du PT est positive, il en est autrement pour l’évolution qualitative. La défaite a amplifié le mouvement de défections militantes pour le PT. Comme l’affirme Albert Hirschman, « la défense d’une cause, lorsqu’elle s’avère longue mais largement infructueuse, engendrera souvent le découragement, puis l’abandon d’une lutte perçue comme inutile »34. Arrêtons-nous sur quelques données chiffrées.

Tabl. I .— Nombre d’adhésions et de défections au PT de Porto Alegre, après les élections municipales de 2004

Mois Adhésions Défections Évolution nette

Octobre 2004 80 8 + 72

Novembre 2004 48 44 + 4

Décembre 2004 4 19 - 15

Janvier 2005 4 36 - 32

Février 2005 12 32 - 20

Mars 2005 28 17 + 9

Source : Chiffres fournis par le siège municipal du Parti des Travailleurs, Porto Alegre.

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Entre novembre 2004 et janvier 2005, les adhésions au PT ont littéralement chuté, pour ne remonter qu’à partir de février. Le total cumulé des adhésions entre novembre 2004 et mars 2005 est de 96. A l’inverse, les chiffres des défections demeurent importants (bien qu’inégaux selon les mois) sur toute la période. Le total cumulé des défections est de 148. L’évolution nette des adhésions pendant les cinq mois qui suivirent la défaite du PT est donc de -52 personnes. L’échec électoral a été un choc à court terme : cela a découragé de potentiels adhérents et démobilisé des membres du parti. Ces chiffres traduisent un double impact : un impact symbolique de la défaite sur la population puisque le PT attire moins ; un impact psychologique sur les militants, en termes de déceptions. Toutefois, une analyseplus fine semble montrer que la perte d’adhérents est passagère et réversible. Depuis le début de l’année 2005, les adhésions reprennent progressivement alors que les défections diminuent. L’impact de la défaite ne semble durer que quelques mois. Mais indirectement, les résultats d’octobre 2004 confirment le mouvement plus profond de démobilisation militante. Les militants qui désiraient quitter le parti pour des raisons idéologiques mais hésitaient encore furent influencés et confortés dans leur désir de défection. En effet, puisque le PT n’était plus en mesure de rétribuer ses militants, ces derniers auraient moins à perdre s’ils abandonnaient le parti. Leur coût de sortie serait amoindri. Ainsi, le samedi 16 juillet 2005, tout un courant décida de rompre avec le PT pour intégrer le P-Sol. En présence de 87 militants, l’Alternative Socialiste mit fin au dilemme et opta pour la défection. Pour Doug McAdam, si la dissolution d’un groupe est assez rare, il est « en revanche assez fréquent que tel ou tel groupe ou réseau affilié à un mouvement plus large décide d’arrêter sa participation à la mobilisation. […] Le turn over semble être la norme plutôt que l’exception »35. L’auteur souligne trois mécanismes clés influençant le désengagement : « la perception de menaces ou d’opportunités », « la ré-appropriation sociale » (les membres redéfinissant les buts du groupe au détriment des objectifs de mobilisation), et « l’action routinière » (qui vient mettre un terme au processus). Dans de tels cas, la sortie collective se substitue à la démobilisation individuelle. Mais pour le groupe Alternative Socialiste, la défection traduit cependant moins un désengagement qu’une délocalisation d’engagement. Elle s’apparente donc principalement au premier des mécanismes précités. Si les répercussions de la défaite se firent visiblement ressentir au niveau des ressources partisanes humaines, elles n’en ont pas moins été profondes en ce qui concerne les ressources financières du PT.

Une grave diminution des ressources financières partisanes

Max Weber considérait le financement des partis politiques comme « le chapitre le moins transparent de l’histoire de ceux-ci », mais pourtant comme « l’un des plus importants »36. Le Parti des Travailleurs ne fait pas exception. Les logiques officielles de financement sont connues, mais les pratiques sont floues et les chiffres rares. Ce fut le cas pour le financement de la campagne électorale de Raúl Pont en 2004 à Porto Alegre37. De plus, il convient de souligner le coût croissant des campagnes électorales, au niveau local comme national. Pour Olivier Ihl, la hausse des dépenses électorales tient à plusieurs transformations dans l’art et la manière de se faire élire. L’argent mobilisé sert à acheter les services de professionnels qui exercent leur savoir-faire dans de nombreux domaines (sondages, publicité politique, management, publi-postage, recherche de fonds) »38. À travers l’intervention de la célèbre agence Duda Mendonça

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Marketing Político, le cas de Porto Alegre montre bien la prégnance de ces nouvelles façons de battre campagne au Brésil. Un responsable local du PT, actuellement en poste à l’Assemblée législative du Rio Grande do Sul, confie ainsi : « Maintenant le parti passe par des difficultés […] parce que les deux campagnes (2002 et 2004) ont coûté très cher, et nous avons perdu. Nous avons perdu les contributions des personnes de confiance du gouvernement d’État. L’année dernière nous avons perdu la ville et ça a été aussi une élection très chère. Une élection à deux tours est une chose… matériel, télévision etc. J’ai déjà fait une vidéo, ça a coûté trois ou quatre mille reais »39. En ce qui concerne l’échelon local, il serait cependant exagéré de comparer l’ampleur des financements des campagnes électorales au Brésil avec les cas nord-américains présentés par Olivier Ihl40. De même, l’impact du marketing politique semble avoir été faible en ce qui concerne les dernières élections municipales brésiliennes. Pour Cynara Menezes et Monica Weinberg, l’électeur brésilien est plus mature, « privilégie la rationalité au détriment du spectacle. Et, il faut le dire également, [il] semble chaque fois moins sujet à l’influence des artifices publicitaires. Ce n’est pas par coïncidence que cette élection a été mauvaise pour deux des plus grands gourous de la publicité politique : Duda Mendonça et Nizan Guanães. Le premier a perdu quatre des six campagnes pour lesquelles il a travaillé, et le second a vu son candidat, le pétiste Jorge Bittar, occuper une déshonorante cinquième place aux élections cariocas »41. Quoi qu’il en soit, la campagne municipale de Porto Alegre a coûté financièrement cher au PT. Mas la lutte pour le pouvoir soulève d’autres enjeux, mis en avant par Philippe Garraud dans une filiation wébérienne, dans une étude sur la carrière politique des maires urbains en France : « […] La conquête du pouvoir municipal offre l’occasion de contrôler des ressources financières et stratégiques, des réseaux d’influence et de relations, des emplois, des champs d’activités liés à l’institution bref de se doter d’un ensemble de moyens qui peuvent être utilisés à diverses fins. […]. Le contrôle d’une mairie et d’une machine municipale […] détermine directement l’acquisition de moyens matériels importants (subventions, locaux, secrétariat, etc.) qui, éventuellement et pour partie, peuvent être mis à la disposition de la formation politique à laquelle appartient l’élu ou utilisés lors des campagnes électorales »42. Dans le cas du PT à Porto Alegre, cette chasse aux emplois était bénéfique à la fois pour les adhérents et pour le parti. Le partage du gâteau administratif permettait aux adhérents d’occuper un poste rémunéré. En ce sens, « les partis apparaissent de plus en plus aux yeux de leurs adhérents comme une sorte de tremplin qui leur permettra d’atteindre cette fin essentielle : assurer l’avenir »43. Les salaires des militants qui occupaient depuis plusieurs années des postes publics étaient assez élevés, si on les compare avec la moyenne salariale du marché du travail portoalegrense. Pour le PT, le fait de placer ses adhérents aux postes administratifs génèraient une importante source de revenus. En effet, chaque homme ou femme de confiance* contribuait mensuellement en reversant une part de son salaire au parti. Les finances partisanes étaient donc fortement dépendantes des échéances électorales. L’organisation de ces versements est complexe mais montre bien la structure hiérarchique du PT : « En termes de ressources [la défaite] est conséquente parce que depuis que nous avons fondé le PT, nous contribuons mensuellement à l’organisation. […] Le parti est en grande difficulté. Il y a une partie qui revient au PT municipal, une autre à l’étatique, et une autre au national. Il y a quelques formules mathématiques qui ont fait la division. Parce que c’est comme ça : l’individu, l’adhérent, la personne de confiance, paie une contribution à la direction municipale du parti. La direction de

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la ville paie une contribution à la direction de l’État. Et la direction de l’1Etat paie une contribution à la direction nationale. Il y a ce lien hiérarchique ainsi »44. La part du salaire reversée au parti dépend des fonctions occupées par les adhérents. Selon les chiffres officiels, la contribution mensuelle des adhérent(e) s qui exercent des fonctions publiques – électives et de confiance – au nom du PT dans le législatif et l’exécutif varie entre 2 % et 20 % du salaire (de 2 % à 10 % pour les personnes « de confiance » ; de 6 % à 20 % pour les postes électifs, suivant l’importance du salaire)45. Selon les chiffres fournis par une étude universitaire de Mauro Gaglietti, un adhérent parlementaire reverserait jusqu’à 30 % de son revenu salarial au parti. Les secrétaires de la municipalité contribueraient à hauteur de 20 %. Les autres personnes de confiance de municipalité ainsi que de la chambre municipale* cèderaient 10 % du salaire46. Pour les simples adhérents, le parti suggère une contribution équivalant à 1 % du revenu, qui peut être versée annuellement ou semestriellement en plus du coût de l’adhésion. Les contributions sont également un mécanisme efficace pour rappeler aux militants élus ou indiqués qu’ils sont à ce poste pour représenter le parti, et particulièrement la tendance qui a appuyé leur candidature ou leur nomination. En 1996 et 1997, 60 % des recettes du PT portoalegrense provenaient ainsi de ces transferts salariaux (adhérents travaillant pour l’Administration populaire ou la Chambre municipale). 27 % provenaient des contributions d’adhésions, et les 13 % restants correspondaient à diverses autres formes de contribution (vente de matériel – chemises, casquettes etc. –, dons de personnes physiques ou juridiques, contributions spontanées de sympathisants)47. Les sources de revenu du PT municipal étaient donc fortement liées à l’administration municipale d’un côté, et aux adhésions dans une moindre mesure. On comprend dès lors mieux l’impact financier de la défaite d’octobre 2004 sur ce parti. La perte des emplois publics fut effective à compter du 31 décembre 2004 (date de démission du « personnel de confiance »). Il s’agit d’une coupure radicale qui assécha le principal canal de revenus du PT. Les défections militantes constituèrent un risque de diminution des ressources financières moins visible à court terme (car progressif) mais également important. Si le PT avait enregistré plus de 2 200 nouvelles adhésions en 2004, il n’en comptaient que 44 pour les trois premiers mois de 2005…48

L’articulation entre les niveaux de pouvoir

Il convient de revenir sur le caractère hiérarchique de l’organisation pétiste, afin de souligner la répercussion de la défaite à Porto Alegre sur le PT étatique et national. Notamment d’un point de vue matériel. Le Parti des Travailleurs est organisé selon une imbrication financière ascendante : une part des ressources remonte du niveau local vers le national. Le PT du Rio Grande do Sul faisait jusqu’alors remonter des flux financiers importants, ce qui en faisait un des principaux contributeurs pour le PT national. Entre 1989 et 1998, le PT municipal transférait quant à lui au niveau supérieur une partie des ressources apportées par la gestion de Porto Alegre. Entre 1999 et 2002, le PT régnait à la fois sur Porto Alegre et sur le Rio Grande do Sul, ce qui permit d’amplifier la contribution pour la direction nationale. Pendant cette période, le Rio Grande do Sul était la poule aux œufs d’or du PT, ce qui augmentait le poids des dirigeants pétistes gaúchos dans la vie partisane nationale. Les élections générales de 2002 marquèrent un premier tournant. Le PT prit une dimension nationale nouvelle grâce à la victoire de Lula aux élections présidentielles. Dans le même temps, l’État du

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Rio Grande do Sul échappa au PT. À partir de 2003, la puissance financière du PT gaúcho diminue. Avec la perte de Porto Alegre, la crise financière s’approfondit aux niveaux local et étatique, réduisant les capacités d’organisation et de gestion du personnel. À titre d’exemple, le Parti des Travailleurs dut licencier, fin 2004, 14 des 17 membres permanents du siège municipal. La défaite soulèva donc pour le PT des enjeux auxquels il n’avait encore jamais été confronté dans la ville de Porto Alegre. Par ailleurs, les élections d’octobre 2004 ont entraîné une profonde reconfiguration de l’administration municipale : selon le maire sortant de Porto Alegre, João Verle, plus de 700 « personnes de confiance » durent quitter leurs fonctions le 31 décembre 2004, victimes du « système des dépouilles » (spoil system). La grande majorité de ces individus travaillant jusqu’alors au nom du PT, leur éviction créa un nouveau défi pour l’organisation partisane : le reclassement des sortants. Pourrait-il absorber les perdants de Porto Alegre dans d’autres sphères du pouvoir (gouvernement fédéral, instances étatiques, autres gouvernements municipaux etc.) ? Comment le personnel circule-t-il d’un niveau à l’autre ? Est-il possible de passer directement de l’échelon municipal à l’échelon fédéral, et si oui selon quelles modalités ? Ces questions soulèvent de nouveaux enjeux liés au maillage exercé par le Parti des Travailleurs sur le territoire brésilien, notamment en ce qui concerne l’articulation entre les divers niveaux de pouvoir (existence ou non d’une perméabilité entre les instances du pouvoir). Le tableau ci-dessous décrit les potentialités de reclassement en fonction de l’organisation du système administratif brésilien.

Tabl. II. — Organisation de l’espace du pouvoir politique au Brésil

Pouvoir Exécutif Pouvoir Législatif

Congrès National Présidence de la République (1) (Chambre des Députés + Sénat) (4)

Étatique Gouverneur (2) Assemblée Législative (5)

Câmara dos Vereadores Municipal Prefeito (Maire) (3) (Chambre des députés municipaux) (6)

Note : Les numéros entre parenthèses représentent l’échelle de valeur accordée par le PT aux postes de confance politique, du plus important (1) au plus faible (6).

Tous les postes n’ont pas la même valeur au sein d’une même sphère de pouvoir. D’un point de vue quantitatif, et à titre indicatif, le nombre de postes alloués de manière discrétionnaire à des « personnes de confiance » était en 2004 d’environ 700 pour la ville de Porto Alegre, et de 21 197 au niveau de la Présidence de la République. Toutefois, il est capital de noter l’amorce d’importantes évolutions en ce qui concerne la pratique du spoil system au Brésil. Lors de notre travail de terrain en avril et mai 2005, il y avait encore 21 197 postes fédéraux octroyés légalement mais à la discrétion des dirigeants (cargos de livre provimento). Ces postes pouvaient être occupés par n’importe quels citoyens brésiliens, qu’ils soient fonctionnaires ou non. Mi-août 2005, la nouvelle ministre de la Casa Civil, Dilma Roussef a annoncé une importante diminution du nombre de postes dépendant du libre vouloir des dirigeants. Ils seraient dorénavant 6 939, soit une réduction de près de 70 %. Les autres postes seraient réservés à des fonctionnaires fédéraux ayant réussi le concours. Ce sont donc 14 168 postes qui

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passèrent aux mains des fonctionnaires de carrière. Cela diminua d’autant les possibilités de reclassement par le haut du personnel politique49. Les différentes sphères du pouvoir peuvent s’ouvrir ou se refermer. Elles constituent un éventail des possibilités de reclassement. Dans le cas du Parti des Travailleurs à Porto Alegre, la conjoncture électorale devint défavorable. L’éventail s’était ouvert en 1989 avec la conquête de la ville par Olívio Dutra. Il s’était agrandi en 1998 avec la victoire au niveau étatique. En octobre 2002, la question des reclassements refit surface au sein du PT riograndense avec la perte de l’État. Mais l’éventail était large (niveaux 1, 3, 4, 5 et 6), et les opportunités nombreuses du fait de la victoire de Lula au niveau fédéral. De nombreuses personnes bénéficièrent même d’une « prime à la défaite », se faisant appeler à Brasília pour y occuper un poste dès janvier 2003. L’éventail se referma progressivement, et en 2005 les possibilités de reclassement au sein de l’espace du pouvoir politique devinrent relativement faibles. En effet, le PT ne disposa plus de l’échelon étatique, tandis que les places étaient de plus en plus chères au niveau fédéral. Les possibilités d’un reclassement par le haut furent donc limitées, d’autant plus qu’elles supposaient un saut du niveau 3 au niveau 1 difficilement réalisable par la voie partisane. Néanmoins, ce saut restait possible en mobilisant des réseaux affectifs intra-partisans. Certaines personnes pouvaient aspirer à un reclassement horizontal au sein du pouvoir politique : rester dans la sphère du pouvoir exécutif municipal en intégrant l’administration d’une autre ville contrôlée par le Parti des Travailleurs ; intégrer la sphère du pouvoir législatif municipal d’une autre ville. Quant aux opportunités de reclassement par le bas, elles étaient également restreintes, puisqu’elles concernaient les trois instances du pouvoir législatif, qui sont quantitativement pauvres en postes à pourvoir. En janvier 2005, le PT comptait 8 députés municipaux à Porto Alegre (Câmara de Vereadores), 12 députés étatiques pour le Rio Grande do Sul (Assemblée législative) et 105 congressistes à Brasília (91 députés fédéraux et 14 sénateurs). La plupart des postes « de confiance » de ces organes avaient déjà été distribués. Les sortants de Porto Alegre qui désiraient se faire reclasser dans l’espace du pouvoir politique durent donc s’en remettre à des évolutions possibles de la conjoncture politique. Dans un tel contexte, les enjeux soulevés par les prochaines échéances électorales d’octobre 2006 prennent une dimension stratégique de première importance pour le Parti des Travailleurs50. Cette perception « alimentaire » de la vie politique permet d’appréhender différemment les moyens et énergies mis en œuvre lors des campagnes électorales. Dans le cas du PT à Porto Alegre, on a souligné divers effets de la défaite d’une formation politique au niveau municipal (symboliques, psychologiques, militants et financiers), ainsi que certaines des articulations entre ses organisations locale et nationale. Les élections brésiliennes de 2006 étant d’ordre national, les enjeux qu’elles soulèvent s’annoncent donc beaucoup plus amples, et leurs résultats pourraient être décisifs pour le parti de l’actuel Président Lula. Décembre 2005

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NOTES

1. De nombreux articles ont été publiés sur ce point dans la presse brésilienne après les élections. Voir par exemple « Esquerda petista prepara documento com críticas ao governo Lula e ao PT », Folha de São Paulo, 19 nov. 2004 ; « Todo mundo quer provar o PT, e quem provou não gostou, diz Tasso », ibid., 1er nov. 2004. 2. Ce sont notamment les positions prises par certains responsables de la tendance d’inspiration trotskiste Démocratie Socialiste, majoritaire dans la ville de Porto Alegre. Sur le Parti des Travailleurs, son histoire et sa composition, retenons trois ouvrages centraux : M. KECK, A lógica da diferença. O PT na construção da democracia brasileira, São Paulo, Editora Ática, 1991 ; R. MENEGUELLO, PT : a formação de um partido (1979-1982), Rio de Janeiro, Paz e Terra, 1989 ; B. Tadeu CESAR, PT : A contemporaneidade possível. Base social e projeto político (1980-1991), Porto Alegre, Editora da Universidade, 2002. 3. Voir par exemple P. HABERT, P. PERRINEAU & C. YSMAL (eds), Le vote sanction, les élections législatives des 21 et 28 mars 1993, Paris, Presses de Sciences Po, 1993, 352 p. 4. Élu maire PT de Porto Alegre en octobre 2000, Tarso Genro avait démissionné de ses fonctions en avril 2002 (au profit de João Verle) pour briguer le poste de Gouverneur du Rio Grande do Sul en octobre 2002. Si le PT a perdu l’État du Rio Grande do Sul en 2002, Tarso Genro est devenu dès janvier 2003 ministre du gouvernement Lula (d’abord secrétaire d’État au Conseil économique et social, puis ministre de l’Éducation). 5. À Porto Alegre, le PT comptait 17 tendances en 2004. 6. Pour les résultats complets des élections d’octobre 2004 dans les 5 562 municipalités brésiliennes, se référer au site internet suivant : 7. Ce travail repose sur une étude de terrain réalisée à Porto Alegre en avril et mai 2005, lors de laquelle nous avons interrogé 26 personnes (8 entretiens théoriques avec des universitaires et journalistes, ainsi que 18 entretiens empiriques de type qualitatif, réalisés sur la base d’un échantillon représentatif d’anciens membres de l’administration municipale (PT) de Porto Alegre). Afin de conserver l’anonymat des personnes interrogées, leurs noms ont été remplacés par des codes (par exemple « EE1 » pour « Entretien empirique n° 1). 8. « Administration Populaire » est le nom donné à l’administration dirigée par le PT dans la municipalité de Porto Alegre entre janvier 1989 et décembre 2004. 9. Sur le budget participatif de Porto Alegre, voir notamment (en langue française) : T. GENRO & U. DE SOUZA, Quand les habitants gèrent vraiment leur ville. Le budget participatif : l’expérience de Porto Alegre au Brésil, traduit et annoté par E. Costa Guerra, J.B. Picheral et M. Toulotte, Paris, Charles Leopold Mayer, 1998, 103 p. Voir également la présentation faite par M. GRET & Y. SINTOMER, Porto Alegre, l’espoir d’une autre démocratie, Paris, La Découverte, 2002, 134 p. 10. Parmi les distinctions reçues par la ville de Porto Alegre sous l’administration du PT, notons par exemple : titre de capitale culturelle du Mercosul, ville brésilienne la plus verte, la mieux équipée en crèches, ville pionnière pour son Statut de l’enfant et de l’adolescent, prix national de la Qualité des transports publics en 2000 et 2001, mention d’honneur du prix national en matière d’assainissement, et référence nationale en matière de collecte des déchets. Par ailleurs, Porto Alegre a été reconnue au niveau international, lors de la conférence Habitat II d’Istanbul (1996), comme une des quarante innovations urbaines les plus notables dans le monde. L’efficacité gestionnaire du budget participatif a enfin été récompensée par la Banque mondiale, par l’octroi de prêts avantageux. 11. La question de l’échelle du budget participatif a notamment été étudiée par M. GRET. Voir L’expérience de démocratie participative de Porto Alegre. Étude comparative de pratiques de gouvernance en Amérique latine, thèse de doctorat, Paris, IHEAL, janvier 2003, 590 p. ; également « La

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démocratie participative à l’épreuve de l’échelle », inJ. Picard (ed.), Le Brésil de Lula. Les défis d’un socialisme démocratique à la périphérie du capitalisme, Paris, Karthala, 337 p. 12. G. THUILLIER, Le jeu politique, Paris, Economica, 1992 : 172. 13. M. MORÃES, « A construção do nosso futuro já começou », PT Informa, Boletim da Comissão Executiva do PT – Porto Alegre – RS, I, mai 2004. 14. « Pesquisas mostram liderança de Raúl Pont em Porto Alegre », PT Informa, Boletim da Comissão Executiva do PT – Porto Alegre – RS, I, mai 2004,. 15. Le sondage avait été réalisé entre le 25 et le 29 avril 2004, à partir d’un échantillon de 406 électeurs. 16. G. THUILLIER, Le jeu..., op. cit. : 155. 17. Entretien avec l’auteur (EE6). 18. Zero Hora, 1er nov. 2005. 19. M. ABÉLÈS, L’échec en politique, Paris, Circé, 2005 : 8. 20. P. ANSART, La gestion des passions politiques, Lausanne, L’Âge de l’Homme, 1983 : 114. 21. Ibid. : 115. 22. Entretien avec l’auteur (EE10). 23. Entretien avec l’auteur (EE13). 24. Entretien avec l’auteur (EE10). 25. A. HIRSCHMAN, Bonheur privé, action publique, Paris, Fayard, 2002 : 26. 26. Entretien avec l’auteur (EE6). 27. Entretien avec l’auteur (EE18). 28. L. Martins RODRIGUES , « La composition sociale des cercles dirigeants du Parti des travailleurs », Problèmes d’Amérique latine, 93, 1989 : 289. Notons que les associations et les syndicats d’enseignement constituent au Brésil un tremplin important pour démarrer une carrière politique. 29. Luciana Genro est la fille de l’ancien maire Tarso Genro, devenu par la suite ministre du Développement économique et social, puis ministre de l’Éducation. En juillet 2005 Tarso Genro est sorti du gouvernement pour devenir directeur national du PT, à la suite de la démission de José Genoíno, mêlé à des affaires de corruption. Tarso Genro occupera le poste de directeur national jusqu’aux élections internes du PT d’octobre 2005. 30. L. GENRO, Discurso na Câmara Federal, 22 juin 2005, disponible sur le site internet du P-Sol . 31. P. GARRAUD, Profession : homme politique. La carrière politique des maires urbains, Paris, L’Harmattan, 1989 («Logiques sociales»). 32. É. DUHAMEL, « Les reclassements. Analyse d’un objet », in G. Le Beguec & D. Peschanski (eds), Les élites locales dans la tourmente. Du Front Populaire aux années 50, Paris, CNRS Éditions, 2000 : 108. 33. « Uma campanha militante, de massas e participativa », PT Informa…, op. cit. 34. A. HIRSCHMAN, Bonheur privé, action publique, Paris, Fayard, 2002 : 162. 35. D. MCADAM, « Pour dépasser l’analyse structurale de l’engagement militant », in O. Filleule (ed.), Le désengagement militant, Paris, Belin, 2005 : 71. 36. M. WEBER, Économie et société, Paris, Agora, Vol. I, 1995 : 376. 37. Il convient de noter ici que des accusations de fraude ont éclaboussé a posteriori la campagne du PT à Porto Alegre (voir « Campanha de Pont é alvo de suspeita », Zero Hora, 20 juillet 2005). Officiellement, les ressources totales du PT pour le second tour de la campagne à Porto Alegre s’élevaient 437 112 reais (près de 125 000 euros). La dénonciation de l’existence d’une caisse noire (Caixa 2), dont le montant n’est pas connu, est intervenue en juillet 2005 dans le journal Já. Une semaine auparavant, le président du PT pour le Rio Grande do Sul, David Stival, avait admis lors d’un entretien à Radio Bandeirantes que le parti recevait de l’argent non déclaré pendant les campagnes. Le trésorier du parti, Delúbio Soares, a aussi parlé de l’existence d’une caisse noire au

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niveau national. Le président du Brésil lui-même, Luiz Inácio Lula da Silva, considère qu’en recourrant à cette seconde caisse, la direction du PT « a fait ce qui se fait systématiquement dans le pays ». Ces accusations sont venues approfondir les différents scandales de corruption qui touchent les plus hautes instances du Parti des Travailleurs (au niveau national), et qui ont poussé plusieurs dirigeants à la démission. Elles ont d’autant plus d’impact au sein de la population brésilienne que le parti du président Lula avait fait de la lutte contre la corruption un de ses étandards de campagne… Au-delà des questions électorales, ces scandales risquent également de déstabiliser les militants de base du parti, qui peuvent se sentir trahis par certaines personnalités leur propre organisation. 38. O. IHL, « "Deep Pockets". Sur le recrutement ploutocratique du personnel politique aux États- Unis », in M. Offerle (ed.), Profession politique : XIXe-XXe siècles, Paris, Belin, 1999 : 344. 39. Entretien avec l’auteur (EE15). 40. Il convient toutefois de noter qu’au niveau national, la campagne présidentielle de Fernando Henrique Cardoso en 1994 avait coûté presque autant que celle de Bill Clinton en 1996 (respectivement 41 et 43 millions de dollars, en dollars constants de 1998). Sur ce sujet, voir l’article de D.J. SAMUELS, « Money, Elections and Democracy in Brazil », Latin American Politics and Society (Miami), XLIII (2), 2001 : 27-48. 41. C. MENEZES & M. WEINBERG, « Pouco sal, muitos votos », Veja, 8 nov. 2004. 42. P. GARRAUD, Profession : Homme politique..., op. cit. : 101-102. 43. M. WEBER, Le Savant et le Politique, Paris, Plon, 2004 : 143. (1e éd. 1959) *. Note de la rédaction : dans la tradition politico-juridique portugaise, un « poste de confiance » est un poste dont le titulaire est nommé officiellement selon des critères politiques, en dehors des règles normales de la Fonction publique. 44. Entretien avec l’auteur (EE15). 45. Partido dos Trabalhadores, O PT faz história. Caderno de formação, São Paulo, Secretaria Nacional de Formação Política do PT – Fundação Perseu Abramo, déc. 2001 : 30. *. Note de la rédaction : dans la tradition portugaise, le pouvoir municipal est divisé entre un organe exécutif (la câmara, chambre) et législatif (l’assembleia assemblée). Les deux organes sont élus simultanément, mais séparément. 46. M. GAGLIETTI, Transformações e ambivalências nos padrões de engajamento. Um estudo da militância no PT de Porto Alegre, mémoire de master, Porto Alegre, Universidade Federal do Rio Grande do Sul, 1998 : 97. 47. Chiffres tirés de l’étude réalisée par M. GAGLIETTI, Transformações e ambivalências..., op. cit. 48. Chiffres fournis par le siège municipal du PT. 49. Ce récent changement n’entre pas dans le cadre temporel de notre travail. Il mériterait pourtant d’être étudié plus profondément, puisqu’il remet en cause un construit important de la culture politique brésilienne. 50. En octobre 2006, les électeurs brésiliens devront choisir le Président de la République, les députés et sénateurs du niveau fédéral, ainsi les gouverneurs et les députés des États fédérés (soit les niveaux 1, 2, 4 et 5 du tableau II).

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RÉSUMÉS

Quelles sont les conséquences de la défaite du Parti des Travailleurs (PT) à Porto Alegre (Brésil), lors des élections municipales d’octobre 2004 ? Il s’agit non seulement d’un enjeu essentiel de la vie politique brésilienne mais de la politique en général : quels sont les effets de l’accès au pouvoir, au niveau national, d’une formation sur son implantation locale ? Quelles peuvent être les déconnections entre le niveau national et le niveau local ? Une question peu travaillée en science politique est alors abordée : quel est l’effet de l’échec électoral sur les militants et sur l’organisation d’un parti ? Ce texte par ailleurs, démontre l’importance du local dans l’organisation d’un parti et dans la perception des enjeux de pouvoir par ses militants. À travers une approche dynamique mêlant des données qualitatives et quantitatives, les impacts de l’échec sont donc mesurés au niveau de l’organisation partisane et des individus qui la composent, selon quatre dimensions : symbolique, psychologique, militante et financière.

Quais são as consequências da derrota do Partido dos Trabalhadores (PT) em Porto Alegre (Brasil) nas eleições municipais de Outubro de 2004 ? Trata-se, não apenas de um desafio essencial da vida política brasileira, mas também da política em geral : quais são os efeitos do acesso ao poder, ao nível nacional, de uma formação sobre a sua implantação local ? Quais podem ser as desconexões entre o nível nacional e o nível local ? Uma questão pouco trabalhada em ciência política é, pois, abordada: qual é o efeito do fracasso eleitoral sobre os militantes e sobre a organização de um partido ? Este texto demonstra, por outro lado, a importância do local na organização de um partido e na percepção dos desafios de poder por parte dos seus militantes. Através de uma abordagem dinâmica que entremeia dados qualitativos e quantitativos, os impactos do fracasso são assim medidos ao nível da organização partidária e dos indivíduos que a compõem, segundo quatro dimensões: simbólica, psicológica, militante e financeira.

What were the consequences of the defeat of the Workers’ Party (PT) in Porto Alegre (Brazil) in the municipal elections of October 2004? This is an essential issue not only in Brazilian political life, but also in politics in general: what are the effects of coming to power on the national level on the local implantation of a political formation? In what ways are the national and local levels not connected together? This leads us to another question that has received little attention in political science: what is the effect of electoral failure on party activists and organisation? This text also demonstrates the importance of the local level in party organisation and in the perception of issues of power among its activists. Through a dynamic approach combining qualitative and quantitative data, the impacts of failure are measured on the level of the party organisation and the individuals who form it, on four dimensions: symbolic and psychological, activism and finances.

INDEX

Index géographique : Brésil, Porto Alegre Mots-clés : Parti des Travailleurs, élections municipales, militants, échec électoral

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AUTEUR

FRÉDÉRIC LOUAULT

Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence. Centre de Science politique comparative

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Les femmes dans le Parti des Travailleurs (PT) à São Paulo (Brésil) Vers l'émergence d'une oligarchie féminine ? As mulheres no Partido dos Trabalhadores (PT) em São Paulo (Brasil) : rumo à emergência de uma oligarquia feminina? Women in the Workers' Party (PT) in São Paulo (Brazil): Towards an Emerging Female Oligarchy?

Marie-Hélène Sá Vilas Boas

1 Le développement des études traitant du militantisme féminin contribue à mettre en lumière les rapports de pouvoir entre les sexes au sein des mouvements sociaux et organisations politiques. Rompant ainsi avec une image androcentrée du militantisme, elles tendent, pour certaines d’entre elles, à se concentrer sur l’hétérogénéité des pratiques, alimentant l’idée selon laquelle « les femmes font de la politique autrement ». Mon étude sur le Secrétariat national des femmes (SNF) du Parti des Travailleurs (PT), à São Paulo était ainsi motivée par la volonté d’analyser les variations de pratiques militantes, selon le genre, au sein d’un parti politique1. Aussi ai-je été surprise de constater qu’au lieu de distinctions, je rencontrai, tout d’abord, une déconcertante similarité entre l’évolution de la structuration du PT et celle de l’organisation des femmes dans ce dernier.

2 Deux niveaux d’analyse ont été privilégiés pour cette étude. Tout d’abord, j’ai appréhendé le PT comme une entité collective. Les analyses réalisées dans les années 1980 insistent sur la singularité de ce parti tant sur la scène politique brésilienne, qu’en rapport à la littérature sur les partis politiques. Ce parti « pas comme les autres » selon Orlando Fals Borda2, permettait de questionner la distinction traditionnellement établie entre l’arène sociale institutionnalisée et l’espace des conflits sociaux3, la distinction entre ces deux champs étant particulièrement ténue dans le cas du PT. Étudier cette même organisation en 2004 ne conduit bien évidemment pas aux mêmes conclusions : en investissant le champ institutionnel et en privilégiant progressivement ce dernier, le PT s’apparente de plus en plus à un parti politique classique. Il confirme l’existence d’une « loi d’airain de l’oligarchie »4, liée à un processus de

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professionnalisation et de bureaucratisation partisane, évolution allant de pair avec une loi d’airain de la patriarchie. 3 Ensuite, le PT est analysé comme une relation sociale, une « sociation » selon la terminologie wéberienne, afin de considérer les dynamiques de pouvoir à l’échelle interne. En tant qu’« association complexe de groupements en interaction et en concurrence pour l’imposition de modèles légitimes des pratiques et des comportements »5, le PT connaît un ensemble de processus différenciés selon les groupes, tendances et courants. En effet, le phénomène d’institutionnalisation et de bureaucratisation ne revêt pas la même ampleur et ne suit pas la même temporalité selon les groupements intra partisans. Une étude du PT, depuis sa formation, aboutit à la mise en lumière de « vagues d’institutionnalisation ». 4 L’introduction de la notion de genre dans la littérature traitant des partis politiques s’est révélée particulièrement heuristique. Joan Scott est, selon moi, celle qui définit le mieux la portée de ce concept. Selon cette auteure, le genre est un « élément constitutif des rapports sociaux fondés sur des différences perçues entre les sexes et […] une première façon de signifier les rapports de pouvoir »6. 5 L’objectif de cet article consiste bien plus à proposer des pistes de recherche qu’à formuler de fermes conclusions7. Mon hypothèse est la suivante : en réaction à l’« oligarchisation » de l’organisation partisane, réalisée au profit d’une élite masculine, le setorial8 aux femmes du PT se mobilise pour une institutionnalisation des problématiques de genre et une remise en question des rapports de pouvoir partisan. Ce processus mène à la naissance d’une oligarchie féminine, dont la légitimité fait l’objet d’une forte remise en question. 6 Similarité des processus, disais-je en début d’introduction, ou peut être que le terme le plus approprié serait analogie9, puisqu’il s’agit de la reproduction genrée d’un « mécanisme » observable au sein d’une variété d’organisations politiques. En tant que « même dans l’autre ou autre dans le même »10, cette analogie permet, en outre, de mettre en lumière les distinctions entre élite féminine et masculine. 7 Une dernière précision méthodologique s’impose quand au choix de São Paulo comme terrain d’étude. En raison des origines du PT, de la présence de la direction nationale et de l’ampleur du mouvement féministe dans cette même ville lors de la création du parti, São Paulo semblait être le terrain privilégié. Les hypothèses présentées dans cet article sont difficilement généralisables au-delà du cas étudié du fait de la diversité des dynamiques politiques régionales et de l’hétérogénéité du parti. L’utilisation du terme PT, dans cet article répond à un souci de simplification mais n’élude pas le caractère localisé de cette étude. 8 Nous considérerons, dans un premier temps l’évolution de la structuration du PT : l’investissement progressif de l’arène classique institutionnalisée s’accompagne d’une bureaucratisation du parti au profit d’une oligarchie masculine. Puis, la dynamique interne du PT sera l’objet de notre attention : l’institutionnalisation des problématiques de genre suscite une « oligarchisation » féminine, cependant peu légitime.

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De la mobilisation multisectorielle à l’institutionnalité politique : panorama à deux voix de l’évolution de la structuration du PT

9 Les mutations de la structuration partisane du PT, en tant qu’organisation ou entreprise collective, traduisent l’évolution des priorités du parti. L’arène institutionnelle est aujourd’hui privilégiée, au détriment de l’arène des conflits sociaux.

10 La création du PT, le 14 octobre 1979, polarise une grande partie des forces d’opposition à la dictature militaire durant laquelle le bipartisme artificiellement créé ne traduisait que très peu les clivages socio-économiques de la société brésilienne11. Les partis politiques étant traditionnellement créés « par le haut », le PT se distingue par son assise sociale. La naissance de ce dernier repose sur le développement du mouvement ouvrier autour du nouveau syndicalisme12 ainsi que sur le soutien de plusieurs composantes sociales13 : les parlementaires de la Gauche du MDB (Movimento Democrático Brasileiro) marginalisés au sein de leur parti, plusieurs intellectuels, des organisations d’extrême gauche ainsi qu’un nombre significatif de mouvements populaires urbains, en grande partie créés sous la tutelle des secteurs progressistes de l’Église catholique. Parmi ce dernier type d’acteurs, les mouvements de femmes furent particulièrement actifs. Selon Sonia Alvarez, les organisations féminines ayant été relativement épargnées par le pouvoir militaire, en raison d’une perception stéréotypée des femmes reposant sur leur caractère prétendument apolitique, elles purent se développer et s’implanter au sein de l’arène des conflits sociaux14. En 1979, alors que le PT est en formation, le mouvement féministe connaît son apogée, en particulier à São Paulo, et tente de réaliser une unité avec les divers mouvements de femmes, c'est-à-dire les mouvements populaires et de lutte pour la démocratisation15. À la différence des partis socialistes et communistes d’Europe occidentale, le PT est créé alors que les femmes ont massivement investi l’espace public. 11 L’importance des mobilisations féminines dans la ville de São Paulo et dans ses alentours (Santos et Agudo notamment) pour la consolidation locale du PT16 est une variable à prendre en considération si l’on veut comprendre l’introduction des thématiques de genre dans le projet du parti et l’organisation des femmes au sein de ce dernier. 12 Le projet du PT est fortement influencé par l’expérience du nouveau syndicalisme et sa volonté de redéfinir des liens entre la société et l’État avec comme horizon la socialisation de la politique. Une structuration complexe est envisagée reposant sur les principes d’organisation et de participation des bases et à l’origine d’une décentralisation de la prise de décision. À cette fin, des Nucleos (Noyaux) de deux sortes – mixtes et strictement féminins – sont envisagés. Par ailleurs, les féministes du parti, formant d’abord un collectif à São Paulo, repoussent l’idée de créer une structure propre au sein du PT pour ne pas reproduire la dichotomie classique entre thématiques « particulières » de genre et thématiques « générales », les premières devant être constamment intégrées aux secondes : « Nous ressentons la nécessité de discuter de la participation des femmes dans le PT : c’est-à-dire que nous sommes peut-être le seul parti sans département féminin. […] En premier lieu, la femme doit travailler au coude à coude avec les hommes du parti […] En second lieu, il y a un mouvement qui grandit, il serait absurde d’avoir

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un département féminin ou une autre instance qui engloutisse le mouvement au lieu de la soutenir »17. 13 Bien qu’une autonomie statutaire soit laissée aux syndicats et aux mouvements sociaux, et ce afin de rompre avec l’encadrement historique et l’utilisation stratégique de ces derniers, le PT entretient des liens très étroits avec plusieurs organisations politiques si bien que dans un premier temps, de sa création à 1985, il se définit comme un instrument de participation aux mains des travailleurs pour l’accès aux institutions politiques. Le revers électoral des premières élections libres, à l’échelon municipal en 1982, ainsi qu’une division au sein du mouvement syndical à l’origine de la Central Unica de los Trabalhadores (CUT), contribue en outre à un mouvement de « retour aux bases » durant lequel l’activité syndicale et sociale constitue l’essentiel du travail des militants. Les mouvements sociaux représentent une source de légitimité partisane et renforcent la crédibilité d’un parti encore en voie de consolidation. Des tensions entre la direction partisane et les élus parlementaires apparaissent néanmoins à cette époque, lesquelles s’accentueront par la suite avec la croissance du parti et les victoires électorales18. À São Paulo, les expériences de gestion municipale coïncident avec une institutionnalisation du parti et un investissement progressif de l’arène politique. Dans le même temps, la structure partisane s’« oligarchise » et se professionnalise, confirmant l’existence d’une loi d’airain de la patriarchie.

Une « loi d’airain de l’oligarchie » et de la patriarchie

14 L’implantation du PT sur la scène politique brésilienne s’accompagne d’une évolution du profil du parti, corroborant l’existence d’une loi d’airain de l’oligarchie mise en lumière dès 1911 par Roberto Michels19. Selon cet auteur, le principe de délégation, inévitable et nécessaire dans une organisation, aboutit à la création d’une élite dirigeante, dont les intérêts se distinguent progressivement de la base militante. À mesure que le parti s’accroît, la bureaucratie se consolide et se professionnalise au bénéfice des militants dotés d’une formation intellectuelle qu’ils peuvent mettre à profit au sein de l’organisation. On observe bien une évolution de la composition des instances de direction en faveur des classes moyennes20, ainsi qu’une professionnalisation d’un noyau dur de dirigeants21 entretenant d’étroits liens avec les organisations syndicales. Cette évolution ne doit pas être surestimée : soumis à un certain contrôle de la part des « bases », les dirigeants nationaux connaissent une réelle autonomisation à partir de 199522. La réforme des statuts de 200023 accroît le rôle des militants pour la sélection des dirigeants au détriment des tendances internes. Il est encore trop tôt pour analyser les conséquences d’une telle réforme. On peut néanmoins se demander si, en redéfinissant les modalités de la compétition interne, jusqu’alors fortement institutionnalisée au profit d’une concurrence entre tendances et, partant de cela, favorisant une certaine rotation des élites, l’« oligarchisation » ne va pas s’en trouver renforcée.

15 Cette tendance confirme également l’existence d’une « loi d’airain de la patriarchie » : avec l’« oligarchisation » du parti, les possibilités d’ascension des femmes se réduisent. Au début des années 1980, la structure partisane étant encore lâche, le PT fait appel aux initiatives individuelles et collectives offrant davantage d’opportunités aux candidatures féminines. Ainsi en 1982, le PT est le deuxième parti en terme de féminisation des listes et le premier en matière de candidates issues des mouvements

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de femmes. Dans la ville de São Paulo, trois candidates sont élues alors que le nombre de vereadoras petistas24 s’élève à cinq : Irede Cardoso, dont le programme était centré sur les problématiques féministes, Teresa Lajolo et Luiza Erundina, toutes deux militantes de mouvements populaires de femmes. Aujourd’hui, le pourcentage d’élues petistas, à l’échelle nationale, avoisine les 15 %. 16 Les facteurs d’explication de la reproduction d’une élite partisane – reposant sur l’accumulation de privilèges statutaires, d’information et de notoriété selon Philippe Braud25 – nous éclairent, imparfaitement néanmoins, sur l’existence d’un « plafond de verre » au sein des organisations partisanes. 17 La commission nationale provisoire créée en 1979, était composée d’acteurs en mesure de mobiliser des ressources variées. Certains dirigeants bénéficiaient d’une forte légitimité découlant de leur rôle durant les grèves des métallurgistes de 1978-1979 (Lula) ainsi que de leur expérience syndicale (Lula, Olivier Dutra, Jacó Bittar étaient présidents de syndicats), expérience leur conférant des compétences précieuses reconverties en capital politique au sein du PT. L’exercice d'une responsabilité parlementaire (Edson Khair, ancien député du MDB) ou la détention de titres universitaires (Firmo Trinidade, économiste) constituent également une source de légitimité. Dans cette perspective, seules quelques femmes, ayant des ressources de pouvoir comparables, réussirent à intégrer le noyau dirigeant lors de la phase de constitution du parti : Irma Passoni, ancienne députée du MDB de l’État de São Paulo, Clara Charf, militante communiste et féministe exilée durant la dictature et veuve du révolutionnaire Marighella, et l'avocate Helena Grecco. 18 Toutefois, ces cas représentent bien plus l’exception que la règle : l’investissement au sein de mouvements sociaux est inégalement converti en ressources politiques. Arguant d’un sentiment d’incompétence, plusieurs des militantes rencontrées, ayant eu une expérience significative de militantisme au préalable, au sein de mouvements sociaux urbains notamment, ont préféré acquérir de solides connaissances politiques avant de s’engager dans la compétition politique. « Éternelle administration de la preuve »26, conduisant les femmes à s’astreindre à un sur-travail avant d’affronter leurs compères masculins ou réel manque de formation politique, il est souvent difficile de déterminer quelle variable est la plus significative. L’entremêlement entre caractéristiques de genre et insuffisantes ressources politiques est fort27 : l’engagement dans le parti avec des ressources peu valorisées et converties en capital politique explique que les femmes du collectif agissent comme si elles étaient des outsiders souhaitant changer les règles du jeu et se repliant sur les problématiques de genre, contribuant, en outre, à l’institutionnalisation de ces dernières.

L’institutionnalisation des problématiques de genre au sein du PT

19 Si le PT intègre, à l’origine, dans son discours et son programme le principe de l’enchevêtrement des problématiques de genre et de classe, l’engagement du parti en la matière décroît à mesure que ce dernier s’implante sur la scène politique brésilienne. On assiste en effet, à une baisse du nombre de femmes au sein des instances de direction, en particulier à la fin des années 1990. Les revendications des mouvements féminins connaissent également un écho moins important dans le programme du parti28. Afin de contrebalancer cette évolution, les femmes petistas s’organisent autour

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de deux revendications : l’adoption de quotas de 30 % de représentation féminine pour les instances de direction ; la création d’un secrétariat des femmes.

20 L’adoption de quotas en 1991 découle, en premier lieu, d’une forte mobilisation des féministes petistas et fut, progressivement soutenue par la grande majorité des militantes du parti. Ces quotas sont approuvés alors que le taux de représentation féminine interne est de 6 % et sont strictement respectés depuis lors. 21 Le processus d’institutionnalisation de l’organisation des femmes suit, en second lieu, une évolution progressive : il existait tout d’abord un collectif de femme à São Paulo abrité par le secrétariat des mouvements populaires. À partir des années 1990, apparaît un sous-secrétariat des Femmes, devenu SNF en 1996. Celui-ci est créé alors que la structuration partisane se complexifie et reconnaît l’existence de divers setoriais. En 1994 sont formés les secrétariats de combat contre le racisme et le secrétariat pour la protection de l’environnement. Cette « vague d’institutionnalisation » mérite notre attention. Elle met en lumière l’existence de processus différenciés au sein du parti. Le secteur femmes est caractérisé, durant ses premières années d’existence, par une évolution distincte des instances les plus influentes du parti. Les phénomènes de bureaucratisation et de professionnalisation semblaient bien moins caractériser cette structure, pour le moins jusqu’aux victoires électorales locales et nationales du PT au début des années 2000. 22 Le SNF décide, d’abord, de définir ses propres règles de fonctionnement, dérogeant en partie aux statuts du parti : l’élection d’une représentante siégeant à la Commission exécutive nationale était réalisée par les membres du secteur femmes, afin de préserver le principe de non « oligarchisation » de la structure29. « En 1995, il [collectif de femmes] se détache des mouvements populaires et se constitue en secrétariat. Au début il y avait une philosophie quasi innocente… Personne ne devait prendre la direction du secrétariat, toutes les décisions devaient être prises au consensus, il devait toujours exister une horizontalité du pouvoir… » (Membre de la Coordenadoria da mulher30 de São Paulo). 23 De plus, les oppositions entre tendances n’étaient pas inexistantes au sein du SNF mais ne constituaient pas une source de division ou de positionnement distinct. Ce fonctionnement collégial était assorti d’une priorité accordée au renforcement des mouvements de femmes, alors que, dans le même temps, la Direction nationale (DN) tendait à privilégier l’investissement de l’espace institutionnel31. « Dans le PT, on considère que les collectifs de femmes sont encore des domaines très militants, très volontaires, qui mobilisent beaucoup de personnes, car le reste est très lié aux cabinets, aux députés, aux conseillers municipaux… » (Secrétaire aux femmes de l’État de São Paulo). 24 Les mouvements sociaux de femmes représentent une ressource pour le SNF. En effet, la création de structures proprement féminines augmente les capacités d’action des militantes en favorisant l’émergence d’une identité commune, en fournissant un accès aux instances de pouvoir32 et des fonds propres pour la réalisation de projet. Néanmoins, le SNF n’exerce qu’une influence secondaire au sein de la dynamique partisane. Du fait de cette faiblesse, l’appui des mouvements sociaux permet de pallier l’illégitimité interne. Ce soutien est d’autant plus important qu’il s’inscrit dans la logique du projet du parti : l’utilisation du discours partisan sur lui-même – une organisation créée par et pour les travailleurs –, permet aux féministes petistas de légitimer leurs revendications.

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25 L’organisation des secrétariats ainsi que les relations entretenues avec les mouvements sociaux corroborent-elles l’idée qu’il existe des pratiques politiques « genrées » ou découlent-elles de l’investissement d’arènes « socialement dominées » au sein desquelles les rétributions sont faibles ? Existent-ils des différences de pratiques selon le genre lorsque les arènes investies par les femmes sont l’objet d’enjeux de pouvoir ? Les victoires électorales du PT à l’échelle municipale en 2000 et nationale en 2002 et l’intégration, certes limitée, des problématiques de genre sur l’agenda politique des nouveaux gouvernements, coïncident avec la naissance de tensions au sein des secrétariats et une certaine « oligarchisation » féminine.

Quelle légitimité pour une oligarchie féminine ?

26 Faire l’hypothèse de la naissance d’une oligarchie féminine suppose quelques précautions : les femmes ne détiennent pas l’autorité partisane et restent largement sous-représentées au sein du PT. Néanmoins, ce que je souhaite mettre en lumière est l’existence d’une « loi d’airain de l’oligarchie » distincte selon le genre, l’élite féminine naissante étant soumise à une double remise en question de sa légitimité.

27 Deux facteurs ont contribué à la naissance d’une oligarchie féminine au sein du parti : l’adoption de quotas et la mise en place de structures chargées d’élaborer des politiques publiques en faveur des femmes. 28 Tout d’abord, l’adoption d’un quota de 30 % de représentation féminine au sein des directions partisanes mène à un renouvellement des cadres partisans, au profit de militantes généralement dotées de capitaux culturel et politique élevés. Ils semblerait qu'à São Paulo, les élites féminines soient relativement diplômées et travaillent majoritairement dans l'éducation ou les métiers du « social »33. Bien que les femmes profitent inégalement de leur expérience au sein des instances de direction, cette mesure permet à quelques-unes de s’implanter durablement au sein de ces arènes : les cas d’Arlete Avelar Sampaio, Clara Ant et Iriny Lopes34, entre autres, sont révélateurs car leur entrée à la DN en 1993 est suivie d’une triple ou quadruple reconduction de leur mandat, ainsi que pour certaines, d’une participation à la Commission exécutive. 29 Ensuite, la victoire électorale municipale, à São Paulo, en 2000 et nationale en 2002 s’accompagne de la mise en place d’un féminisme d’État, concrétisant l’engagement du parti en matière de genre ainsi que l’influence de la communauté internationale sur la mise en œuvre de pratiques de « bonne gouvernance ». Ainsi la Coordenadoria da mulher, créée en 1988 sous l'administration municipale petista de Luiza Erundina mais mise en sommeil durant les mandats de Celso Pitta et Paulo Maluf, est réactivée. Un Secretaria especial de políticas para as mulheres35 ayant le statut de ministère, voit le jour en mars 2003. Cette inclusion des thématiques de genre au sein de l’arène institutionnelle classique convertit le SNF en réserve éventuelle de cadres administratifs. Deux féministes historiques du parti, Tautau Godinho et Maria Luiza Da Costa, ont ainsi été appelées à présider la Coordenadoria da mulher à São Paulo. 30 De nombreuses défections de militantes féministes suivent la prise de pouvoir, municipale et nationale, du PT : contestation de la politique appliquée et/ou déception de ne pas avoir été rétribuée pour l’engagement au sein du parti ? Plusieurs militantes petistas expliquent leur désengagement en mêlant ces deux variables : « J’ai été secrétaire dauxes femmes au niveau municipal, national. J’ai été l’une des fondatrices du PT dans ma ville, dans le Minas Gerais… il y avait beaucoup de

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femmes dans les années 1980, 1990 au PT […]. Mais progressivement, on s’est rendu compte que l’on était juste là pour balayer le sol… Donc on s’est mobilisé pour les quotas. Mais qu’est ce qui a changé ? Le parti s’engage-t-il concrètement sur le thème des femmes ? Et dès qu’il y a un enjeu de pouvoir, les femmes restent à la traîne… donc à force d’être exclues, on va ailleurs… aujourd’hui, il y a plus d’espace pour les femmes dans les mouvements que dans le parti » (Membre de Fala Preta, mouvement de femmes noires). 31 Si l’on assiste, depuis quelques années, à la constitution d’une élite féminine, celle-ci est l’objet d’une forte remise en cause tant par l’oligarchie consolidée et majoritairement masculine, que par les femmes du parti.

32 En premier lieu, l’accession aux postes de direction, facilitée par l’adoption des quotas, soulève le problème de l’individuation : l’identité sexuée qui est renvoyée aux dirigeantes est souvent vécue de manière discriminante : est-ce « la place qui confère du pouvoir ou le pouvoir qui confère la place »?36 Les femmes élues sont sommées de donner la preuve de leur compétence afin de justifier le renouvellement des cadres dirigeants perçu comme artificiel par une grande partie des élites masculines. De plus, si cette mesure répond à une volonté d’élargir aux femmes l’accès aux instances de direction, elle n’a pas été accompagnée d’une redéfinition des conditions sociales de l’exercice du pouvoir. Par exemple, les revendications tenant au réaménagement de l’emploi du temps politique, destinées à prendre en compte les contraintes rencontrées par les militantes, n’ont pas été retenues. Les quotas ont donc permis aux femmes ayant déjà une certaine assise dans le parti de renforcer leur légitimité. 33 En second lieu, la contestation de l’« oligarchie » féminine naissante par les femmes du parti, repose sur deux types de critères : leur faible influence sur le programme petista ; le manque de représentativité des multiples identités des femmes. Les femmes élues sont, tout d’abord, l’objet d’attentes de la part des féministes du parti, fondées sur un l’idéal de « représentation-figuration », selon lequel seuls les membres d’un groupe peuvent représenter les intérêts de ce dernier37. Dans cette perspective, une présence féminine devrait contribuer à accroître les politiques dirigées en faveur des femmes. Cependant, la naissance d’une élite féminine ne semble pas se traduire, nécessairement, par une inclusion des revendications de genre au sein du programme petista. 34 Puis, la représentativité des femmes politiques est fortement questionnée en raison des multiples identités des acteurs38. L’hétérogénéité des femmes a conduit la science politique à les considérer comme un groupe nominal, c'est-à-dire comme un ensemble d’individus partageant un caractère commun – le sexe. Néanmoins, l’identité de genre n’étant pas réductible aux identités sociales ou ethniques, pour ne citer qu’elles, les gender studies ont montré qu’elles méritaient une représentation politique propre. Il ne s’agit pas de remettre en question ce postulat, mais de l’approfondir. On observe, dans le cas du PT, que l’identité de genre des femmes politiques n’est pas suffisante pour fonder leur représentativité : celle-ci ne peut être pensée qu’en relation avec d’autres rapports de pouvoir. C’est parce que les élites féminines constituent un groupe relativement homogène, ne rendant pas compte des multiples identités des femmes, qu’elles sont contestées. Les principales critiques sont les suivantes : 35 – la sur-représentation des femmes blanches : les 15 et 16 avril 2004, j’ai assisté à la première rencontre nationale des femmes noires du PT. Celle-ci constitue l’amorce d’une autonomisation et d’une institutionnalisation de l’organisation des femmes noires au sein du parti. Ces dernières revendiquent tant un accès aux instances de directions partisanes et aux postes gouvernementaux, que l’engagement du parti sur

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un ensemble de thématiques ; – la sur-représentation des membres du courant majoritaire, l’Articulação (Articulation). Le secrétariat national connaît depuis quelques années une opposition croissante entre deux courants féministes : l’un défendant un « féminisme pratique », plus populaire et lié à la Marche mondiale des femmes, l’autre, un « féminisme stratégique39 », et proche du mouvement Articulação das mulheres brasileiras. L’homogénéité partisane jusque-là en vigueur au sein des secrétariats tend à s’estomper ; – le désengagement des élues hétérosexuelles à l’égard des problématiques liées à l’homosexualité féminine. 36 L’analyse de R. Michels, certes quelque peu datée, met en lumière la nécessaire reconnaissance, par les militants des partis, de la légitimité des dirigeants, cette dernière étant une condition de leur maintien au pouvoir. Les élites féminines naissantes doivent, quant à elles, continuellement démontrer le bien-fondé de leur présence : elles sont d’autant plus contraintes de fournir la preuve de leur compétence, lorsqu’elles accèdent à un poste de direction, que leur élection se fait au détriment de dirigeants bien implantés, dont la légitimité n’est plus à prouver. Elles sont, en outre, l’objet d’attentes en matière de représentation des intérêts ; la réalisation partielle de ces dernières étant à l’origine de fortes critiques de la part des femmes du parti. Cette double remise en question symbolise les difficultés que les femmes rencontrent lorsqu’elles prétendent représenter l’universel.

* * *

37 Si les organisations politiques semblent ne pas pouvoir échapper à la loi d’airain de l’oligarchie, celle-ci doit être considérée de manière dynamique selon les arènes partisanes. Les groupes en interaction s’institutionnalisent et se professionnalisent de manière variable, ces processus n’étant néanmoins ni systématiques ni nécessaires.

38 L’organisation des femmes au sein du PT à São Paulo, en étant de plus en plus intégrée dans l’action institutionnelle du parti, suit l’évolution globale de ce dernier. On observe une certaine professionnalisation des militantes des secrétariats aux femmes ainsi que la naissance d’une élite féminine restreinte. Cependant, bien que ce phénomène symbolise une évolution des rapports de pouvoir entre les sexes au sein du parti, les femmes politiques restent soumises à une présomption d’illégitimité. Être femme représente bien une transgression en politique : les élues ne semblent pas pouvoir représenter l’universel, à la différence des élites masculines. Dès lors, si l’on peut parler de la création d’une élite féminine, celle-ci s’inscrit dans une reproduction des catégorisations binaires, caractérisant le masculin et le féminin, entre l’identique et le différent40 et dans le cas du PT du légitime et de l’illégitime. 39 Enfin, l’analyse de l’évolution des structures proprement féminine au sein du PT permet d’interroger les pratiques militantes de genre. Si le comportement des femmes petistas au sein du SNF corrobore d’abord l’existence de pratiques « genrées », et notamment moins compétitives, les distinctions tendent à s’atténuer lorsque ces mêmes espaces deviennent l’enjeu de position de pouvoir. Ce phénomène est-il seulement le fait de contraintes structurelles, les arènes partisanes et institutionnelles reposant sur un ensemble de normes reproduisant les discriminations de genre ? Les pratiques distinctes des militantes du PT, particulièrement notables lors des premières

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années d’existence des secrétariats, doivent-elles être interprétées à l’aune d’une identité féminine particulière ou d’une position de dominées au sein de la structure partisane ? N’existe-t-il pas également un certain « autoritarisme »41 chez les femmes, permettant de comprendre l’évolution des secrétariats ? Une telle recherche permettrait d’alimenter les discussions théoriques sur le mode féminin de « faire de la politique ». 40 Mai et septembre 2005

NOTES

1. Cet article est une partie de mon mémoire de DEA, réalisé sous la direction de M. Daniel van Eeuwen, pour lequel j’ai effectué une étude de terrain durant cinq semaines à São Paulo en avril-mai 2004. 2. O. FALS BORDA, « Mouvements sociaux et pouvoir politique : développement en Amérique latine », in A. Alvarez Bejar et al. (eds), Amérique latine, démocratie et exclusion, Paris, l’Harmattan, 1994 : 210. 3. Erik Neveu met en garde contre les dangers d’une dichotomie simplificatrice entre arène sociale institutionnalisée et arène des conflits sociaux. Cette distinction reste, toutefois, intéressante si l’on adopte une conception relationnelle du pouvoir. E. NEVEU, Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La Découverte, 2002 : 17-20. (« Repères »). 4. R. MICHELS, Les Partis politiques, essais sur les tendances oligarchiques des démocraties, Paris, Champs Flammarion, 1984, 341 p. [Leipzig, 1911] 5. J. LAGROYE, Sociologie politique, Paris, Presses de Sciences Po et Dalloz, 1997 : 273-274. (3e éd.) 6. J. SCOTT, « Genre : une catégorie utile d’analyse historique », Les cahiers du GRIF, « Le Genre de l’histoire », 37-38, 1988 : 125-153. 7. Cet article représente en effet un premier essai de conceptualisation, susceptible d’évoluer à l’issue de nouvelles recherches. 8. Les setoriais ou secteurs désignent les groupes thématiques constitués au sein du PT. 9. Philippe Corcuff propose de s’émanciper de l’opposition figée « Même/Autre » par laquelle on envisage les phénomènes sous l’angle de l’identité et de la différence, à travers la figure de l’Analogue. P. CORCUFF, Philosophie politique, Paris, Nathan Université, 2000, 128 p. (Col. « 128 »). 10. P. CORCUFF , Philosophie politique, op. cit. : 15. 11. Sous la dictature militaire, seuls deux partis étaient autorisés : l’Arena (Alliance rénovatrice nationale), parti du gouvernement et le MDB, parti d’opposition. Il devient PMDB en 1979. 12. Le syndicalisme classique brésilien, né au début du siècle est rapidement encadré et contrôlé par le gouvernement Vargas. Le « nouveau syndicalisme » se distingue de ce dernier par les secteurs qu’il mobilise (grandes entreprises modernes de métallurgie, d’automobile) ainsi que par une attitude d’autonomie à l’égard des forces politiques. 13. R. MENEGUELLO, PT : A formação de um partido, 1979-1982, São Paulo, editora Paz e Terra, 1989 : 45.

14. S. ALVAREZ, Engendering Democracy in Brazil. Women’s movement in transition, Princeton N.J., Princeton University Press, 1990 : 60.

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15. Cette classification des mouvements de femmes, en Amérique latine, est proposée par Bérengère Marques-Pereira et Florence Raes. B. MARQUES-PEREIRA & F. RAES, « Trois décennies de mobilisations féminines en Amérique latine : une évaluation des avancées, limites et des futurs enjeux de l’action collective des femmes », Cahiers des Amériques latines, Paris, Institut des hautes études de l'Amérique latine, 39, 2002/1 : 17-36. 16. F. MAC CAULAY, « The purple in the Rainbow : Gender Politics in the PT », in G. Baiocchi (ed.), Radicals in Power. The Worker’s Party and Experiments in Urban Democracy in Brasil, Londres, Zed Books, 2003 : 176-201.

17. COMISSÃO DE MULHERES, A participação do PT no III congresso da mulher Paulista, 1981, multigr.

18. M. KECK, The Worker’s Party and Democratisation in Brazil, New Haven, Yale University Press, 1992 : 180-190.

19. R. MICHELS, Les Partis Politiques, …, op. cit. 20. La progression des classes moyennes, en particulier des enseignants et des banquiers au sein de la CUT, joue un rôle non négligeable dans cette évolution. Cf. D. SAMUELS, « From Socialism to Social Democracy. Party Organisation and the Transformation of the Worker’s Party in Brazil », Comparative Political Studies (Thousand Oaks, Sage Publications), XXXVII (9), November 2004 : 999-1024. 21. R. MENEGUELLO, « The Dilemmas and limit of Transformation : a Commentary », in G. Baiocchi (ed.), Radicals in Power…, op. cit. : 217.

22. D. SAMUELS, « From Socialism… », op. cit.: 1019. 23. Celle-ci modifie le mode d’élection de la direction nationale au profit d’une élection directe par les adhérents, d’un allongement des mandat (trois ans au lieu de deux) et d’une limitation à trois mandats. 24. Ce titre est l’équivalent de conseillère municipale du PT. 25. P. BRAUD, Sociologie politique, Paris, LGDJ, 2003 : 449-442. (6e éd.)

26. M. SINEAU, Des femmes en politique, Paris, Economica, 1988 : 109 (« La Vie Politique »). 27. Cette corrélation est mise en lumière par Catherine Achin et Marion Paoletti pour le cas des élues municipales à la suite de l’adoption de la loi sur la parité. Cf. C. ACHIN & M. PAOLETTI, « Le salto du stigmate », Politix (Paris), l’Harmattan, 60, 2001 : 31-45. 28. La question de l’avortement est à ce titre significative : le PT défendait en 1982 la légalisation de l’avortement, position qui a, ensuite, fait l’objet d’engagements bien plus nuancés voire contradictoires selon les déclarations. 29. Selon l’article 112 §1 des statuts du parti, il revient à la direction nationale d’élire les représentants des divers secrétariats, notamment des secteurs du parti, « en accord avec ses membres ». Cette dernière précision justifie, pour le secteur femmes, l’élection d’une représentante par ses propres membres. 30. Coordination de la femme. 31. La « distanciation de la direction à l’égard de ses bases » est reconnue dès 1987, dans la résolution « La construction du PT », Partido dos Trabalhadores, resoluções e congressos. 1979-1998, São Paulo, Fundação Perseu Abramo : 349. 32. Une déléguée siège au sein de la Commission exécutive nationale avec un pouvoir de consultation. En 2001, elle acquiert un droit de vote au sein de cette instance. 33. Dix-huit femmes ont été interrogées : il s’agissait d’élues ou de membres de l’administration petista ayant intégré le parti dès sa formation et participant aux divers secrétariats de femmes. Sur cet échantillon, 77 % des femmes rencontrées avaient au minimum un diplôme de second cycle, 57 % travaillaient dans l’enseignement et 25 % dans les métiers du « social », c'est-à-dire de la santé ou de l’éducation.

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34. Arlete Avelar Sampaio est député estadual du district fédéral, Clara Ant est aujourd’hui une proche collaboratrice de Lula, Iriny Lopes est députée féderal. 35. Secrétariat spécial aux politiques pour les femmes. 36. B. MARQUES-PEREIRA, « Enjeux et écueils de la représentation politique des femmes » in B. Marques-Pereira & P. Nolasco (eds), La représentation politique des femmes en Amérique latine, Paris, l’Harmattan–GELA-IS, 2001 : 7-17. 37. Pour une analyse des arguments justifiant la représentation des « minorités », cf. A. PHILIPS, The Politics of Presence, Oxford, Clarendon Press, 1995, 159 p.; I. YOUNG, Inclusion and Democracy, Oxford, Oxford University Press, 2000, 304 p. et H.F. PITKIN, The Concept of Representation, Berkeley– Los Angeles, University of California, 1972, 297 p. 38. Sur la multiplicité des identités du sujet, cf. C. MOUFFE, « Féminisme, citoyenneté et démocratie plurielle », in T.H. Ballmer-Cao et al. (eds), Genre et politique, Paris, Gallimard, 2001 : 176-197. 39. Maxyne Molyneux distingue les revendications pratiques découlant des conditions concrètes d’attribution des rôles dans la division du travail en fonction du genre, et les revendications stratégiques découlant de l’analyse des rapports sociaux de sexe. Cité par S. ALVAREZ, Engendering democracy…, op cit. : 54. 40. Cf. F. HÉRITIER, Masculin/Féminin II. Dissoudre la hiérarchie, Paris, Odile Jacob, 2002, 448 p. 41. Le terme « autoritarisme » est ici pris dans le sens, très large, de reproduction des comportements de domination. Il fait référence au cycle de séminaire animé par le CSPC d’Aix- en-Provence, sur l’autoritarisme.

RÉSUMÉS

L’organisation des femmes au sein du PT, à São Paulo, suit une évolution comparable à celle que connaît le parti dans son ensemble. On assiste en effet à une professionnalisation et une bureaucratisation du PT contribuant à la création d’une oligarchie partisane masculine. À l’échelle interne, l’institutionnalisation des problématiques de genre, destinée à redéfinir les rapports de pouvoir entre les sexes, aboutit à la naissance d’une oligarchie féminine restreinte, dont le manque de légitimité symbolise les difficultés que rencontrent les femmes politiques lorsqu’elles prétendent représenter l’universel.

A organização das mulheres no seio do PT, em São Paulo, segue uma evolução comparável à que conhece o partido no seu conjunto. Assistimos com efeito a uma profissionalização e a uma burocratização do PT, contribuindo para a criação de uma oligarquia partidária masculina. No seio do partido, a institucionalização das problemáticas de género, cujo objectivo é a redefinição das relações de poder entre os sexos, resulta na criação de uma oligarquia feminima restrita, cuja falta de legitimidade simboliza as dificuldades que as mulheres políticas enfrentam quando pretendem representar o universal.

The organization of women within the Worker's Party shows an evolution which is analogous to the changes that have occurred in the party as a whole. Its bureaucratization and professionalisation have indeed led to the creation of a masculine oligarchy. The institutionalization of gender claims, aimed at reshaping the sexual relations of power at an internal level, have given rise to a restricted female oligarchy whose lack of legitimacy

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symbolizes the difficulties encountered by political women in their claim to a universal representation.

INDEX

Index géographique : Brésil, São Paulo Mots-clés : bureaucratisation, Parti des Travailleurs, oligarchie, genre

AUTEUR

MARIE-HÉLÈNE SÁ VILAS BOAS

Institut d’études politiques d’Aix en Provence. Centre de Science politique comparative

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Kummwangalela Guebuza The Mozambican General Elections of 2004 in Muidumbe and the Roots of the Loyalty of Makonde People to Frelimo* Kummwangalela Guebuza. Les élections mozambicaines de 2004 à Muidumbe et les racines de la loyauté du peuple maconde envers le Frelimo Kummwangalela Guebuza. As eleições moçambicanas de 2004 em Muidumbe e as raizes da leadalde do povo maconde para com a Frelimo

Paolo Israel

Vicente Ululu Ululu, my friend Came with a nice helicopter: nguru-nguru He landed in the city of Muidumbe The people ran away To call Chissano When he arrived to the field The people stoned him He’s not Chissano! He is on some mission with Renamo Shimakonde song1 1 Afonso Dhlakama, President of the Renamo (Resistência Nacional de Moçambique) party and leader of the opposition in Mozambique, visited the Muidumbe district only once, the 13th of October 1994 (Cahen 2002: 118-119), as he was campaigning for the first general elections to be held in the country, after almost 15 years of civil war. Muidumbe is a rural district of northern Mozambique that spans over the south- eastern portion of the Makonde plateau and the neighbouring lowlands. It was the cradle of the independence struggle (Luta Armada de Libertação Nacional) led by Frelimo (Frente de Libertação de Moçambique) against the Portuguese (1964-1974), and it is the heartland of the Makonde people, who have been staunch supporters of Frelimo ever since.

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2 In the course of many months of anthropological fieldwork conducted in and around Muidumbe2, I heard the story of the visit of Dhlakama a dozen times. True or not, it has become a local legend, and as such it is worth telling. 3 Dhlakama – so the story goes – arrived on a helicopter, accompanied by his crew, with the objective of holding a political meeting. With him was Vicente Ululu, then number two of Renamo, native of the seat of Muidumbe district, Mwambula. Muidumbeans did not allow Dhlakama to finish the meeting. In October mangoes just begin to give fruits. As the outraged villagers gathered, they found that the stone-hard unripe fruits were most suitable projectiles to hurl at the undesired visitor. Policemen arrested the most riotous, just to release them around the corner with words of encouragement. As Mr. Dhlakama was trying to speak, his wife needed to relieve herself. She asked a woman living in a house around the field for permission to use her latrine. Out of hospitality, the woman allowed her in. When Dhlakama’s wife was finished, she found out that her husband and his crew were just about to leave, the helicopter pelted by a hard rain of mangoes. 4 As exaggerated as this story can be3, it is nevertheless true that the woman who opened up her house to Dhlakama’s wife (or whoever the woman who asked for permission might be) was thereafter harassed and threatened. An Italian nun living in the local mission of Nangololo publicly defended the woman’s behaviour as charitable and Christian. The local government had to intervene in order to appease a group of female Frelimo supporters that wanted to teach a lesson both to the overgenerous woman and to the moralistic nun. Ever since, both women have been labelled as Renamo supporters in Muidumbe. 5 Frelimo has won all the elections in Muidumbe since 1994, with results embarrassing for the opposition, and almost hardly compatible with what is usually understood as democracy. At the same time, the district has been the stage of acts of political violence against representatives of the Renamo party.

6 Some political analysts have stressed the unbalance in the country’s development under Frelimo’S rule 4. The economy of the southern region of the country boosted, because of the eccentric position of Mozambique’s capital city and of the proximity with , whereas the northern provinces were all but forgotten. Muidumbe is located in the northern half of the northernmost province of the country, more than 2500 km away from Maputo. It is a third-category district, with almost no infrastructure, and its inhabitants struggle daily with poverty and sometimes hunger. Many Makonde are war veterans, and Makonde people ever since the war have held important positions in the army. However, given the state of tremendous underdevelopment of the district, one cannot imagine that the loyalty of Muidumbeans is based on a relationship of patronage with the Frelimo elites based in Maputo. 7 What is it then, that makes Muidumbeans such staunch followers of Frelimo? Could this phenomenon be understood in terms of “ethnic loyalty”? In this paper I will address the issue of the political loyalty of the Makonde people to the Frelimo party with a multifaceted approach, taking into account history and the postcolonial configurations of identity, belonging and construction of the social self.

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Muidumbe 2004, Election Time

8 Ten years after the infamous visit of Dhlakama to Muidumbe, elections approached once again5. In the elections of 1999 Muidumbe had ranked as the single district in the country most loyal to Frelimo, boasting an impressive 94.1% of preferences expressed for Frelimo and a 97.8% for Chissano.

Chissano, have a rest!

9 Having completed two mandates as a president, Chissano decided to make room to another candidate. During the 8th Congress of the Frelimo party, held in 2002, Armando Emilio Guebuza was appointed Executive Secretary of the Party and candidate to the presidency. Frelimo promoted the image of the new candidate with a government- sponsored national festival of popular dance6 and through the distribution of pictures, calendars, and capulanas (kanga) bearing his image. Starting in June 2002, in a few months Muidumbeans were thoroughly familiar with the idea that Guebuza would now be the candidate to presidency and the new leader of Mozambique. They accepted it with no apparent trauma or discontent.

10 Chissano organised a triumphal journey all over Mozambique as a form of farewell to the nation7. He didn’t go to Muidumbe, but he hit the nearby town of Mueda on the 16th of July 2004. There he held a meeting with the main objective of announcing his retirement and affirming his complete support for Guebuza’s candidature. A song that was sung during this occasion is expressive of the mood of the participants to the meeting. Chissano ulota kupumula Chissano, you told us that you are tired to rule Litala lyakupumula undapata You will have time to rest then Guebuza kwela! Gebuza rise! Langalela kenga mujo Chissano Take the lead like your colleague Chissano did8

“Dabusha!”

11 Less than a month later, Guebuza travelled to the north of the country to assess the functioning of the structures of the Frelimo party. He planned a stop in Muidumbe the night of the 11th of August.

12 At that time, the electoral campaign had not started, and Guebuza was visiting the district as the leader of the Frelimo party. The visit, however, turned out to be a sort of pre-campaigning. Guebuza was welcomed at the border of the district by local political and government officers and by crowds of Muidumbeans wanting to see their future president [Fig. 1]. The crowd waited, standing and singing, the whole afternoon. Guebuza only showed up at nightfall. Wherever his caravan of cars passed through the villages, headed to the centre of the district, it was greeted by crowds of people, cheering, applauding and chanting the name of the President: “Dabusha! Dabusha!”9. 13 During the political meeting that followed, the village of Mwambula was overcrowded with people coming from all over the district. Muidumbeans were offered a presentation of Guebuza’s curriculum vitae, and of his political programme. Finally, the candidate reunited in a separate place with the local notables to discuss the concrete political problems of the district.

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Campaigning for glory

14 Guebuza would not visit the district again during the campaign proper, which started the 17th of October. However, Frelimo’s electoral machine was put into motion. A small truck was sent from Pemba, coming from the Provincial Direction of the War Veterans, to transport Frelimo activists. In the district, the distinction between the government and the party is all too thin, and nobody made much fuss about the party using a governmental car. Actually, since the truck was identical to the administrator’s, people often could not tell the difference between the two.

15 The truck visited every single village in the district, carrying along some Frelimo activists, as well as one dance group at a time. It was provided with megaphones, that blasted in the villages of Muidumbe the official tape of Guebuza’s campaign, produced in Maputo and sung mostly in Chichangana10. 16 Frelimo’S campaign in Muidumbe was devoid of any political content. The meetings in the villages amounted to no more than a detailed explanation of the right place to put a mark on the ballot paper [Fig. 2]. People did not have to be convinced to vote for Frelimo, they had to be instructed to vote properly. Programs and policies were not discussed at all. From a political point of view, the campaign in Muidumbe was actually a pointless exercise. Nobody ever doubted for a moment that Renamo would receive more than a few hundred votes in the whole district. For the dance groups, being involved in the campaign was an important recognition of their affiliation to the party. For villagers, it amounted to a form of identitary celebration. 17 The real political stake of the elections in the northern part of the province was the city of Mocimboa da Praia, tradionally a Renamo stronghold. In late November, trucks full of dance groups, politicians and electoral materials (t-shirts, bandanas, kangas) left Mueda, Nangade and Muidumbe, headed to Mocimboa, where an enormous meeting was being held. The support of Makonde people was deemed necessary to win the city and to secure victory in the province11. The Mocimboa meeting was a demonstration of muscle of the Frelimo’s electoral machine.

And Renamo?

18 Renamo in Muidumbe is almost inexistent. Muidumbe was the area in the Makonde plateau that was more vulnerable to Renamo warfare during the civil war, because of the proximity with the districts of Macomia and Meluco, inhabited by Makua people. The Makonde people did not support Renamo, except for a few isolated individuals who had suffered violence from Frelimo, directly or indirectly. Towards the end of the war, Renamo militias attacked, plundered and burned villages in the lowlands on the south-eastern slope of the plateau. Those militias were mainly composed of Makua people coming from other districts. As a form of retaliation, Makonde popular militias were sometimes carried around in cars and ordered to kill presumed Renamo supporters in villages far away from their homes12. In 1991 Renamo troops occupied and held the mission of Nangololo in the seat of Muidumbe for a few days.

19 The majority of the votes for Renamo in Muidumbe come from some three hundred people living in the proximity of Lake Nguri, in the lowlands. Those people are not

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Makonde, and were displaced in the 1980s in the context of the infamous operação produção. In the plateau, an average of 15 villagers for each village vote for Renamo13. 20 Being labelled as a Renamo supporter in Muidumbe is almost equivalent to social death14. The two district representatives for Renamo are systematically harassed and threatened, so they do not tend to publicize their affiliation. They were even reluctant to show up at STAE and at the district level commission for electoral transparency, that were factually led by Frelimo members. Muidumbe, an otherwise obscure district, won a place in the national press because of acts of violence committed against a Renamo representative15. 21 The unbalance in political power, prestige and consensus between Frelimo and Renamo in Muidumbe is overwhelming. There is no surprise that Frelimo won the district with about 90.4% of the votes, and that Guebuza defeated Dhlakama and the other candidates with 93.2%.

The Intermingling of Ritual and Politics

22 In Muidumbe, the end of the year is not only the time of elections and mangoes. It is the time when initiation rites are held. These rituals are among the foremost social institutions of the Makonde people in particular, and of the matrilineal peoples of Central–Northern Mozambique in general16. From November to January, boys and girls in their puberty pass through several rituals meant to open the doors to adulthood and eventually marriage. Initiation rituals are the single most powerful, albeit waning, cultural institution in Makonde society, the one that defines belonging, affiliation and completeness of the individual.

23 For the entire duration of the ceremony, both boys and girls are secluded from the uninitiated and from opposite gender peers and elders. The girls are hidden in the houses, allowed to walk around only wrapped in capulanas (kangas). The boys live in a special hut constructed in the bush around the village (likuta). During this time, and afterwards before they marry, they are given the name of mwali (pl. vali). Boys and girls undergo several rites of passage, often connected to sexual growth, and are disclosed the gendered secrets concerning masquerades and initiation. 24 After the boys and the girls pass the final rituals of the initiation, they are ready to come back to the village as new persons. This is called “coming out” of the initiation (kujaluka). To symbolize the joy and the importance of this moment, vali are dressed as elegantly as their parents can afford, generously anointed and drenched in overabundant quantities of perfume. Then they are presented to the village in a public ceremony, during which they dance and sing. When they return to their homes, they are reintegrated in society as accomplished women and men. 25 During the ritual, the mothers and fathers of the young boys and girls must comply with a number of interdictions, concerning food, daily life and sexuality. They wear a special collar that indicates their status as a parent of a mwali. The act of tying this collar is called kwangalela. Kummwangalela is the form that this verb takes when it refers to somebody, and it has the additional meaning of: taking in charge, protecting17.

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Kummwangalela Guebuza

26 Two weeks before the elections, a group of approximately 30 women in Muidumbe decided to hold a ritual to propitiate the victory of Frelimo’s candidate18. They pretended that Guebuza was a child going to the bush in order to pass the initiation rites. They performed all the necessary rituals and they laced the collar that symbolised their commitment to the ceremony. By doing so they recognized him as their son and they took upon themselves all the ritual restrictions connected to this act. In shimakonde they expressed it in this way: “tundimmwangalela Guebuza”, we took in charge Guebuza.

27 The women that composed the group were by all standards notable women in the district: war veterans, leaders of the party, leaders of the Mozambican Women Organisation (OMM). The district leader of OMM headed the group, and all the ceremonies were held at her place. 28 The results of the elections were supposed to be divulgated the 17th of December. However, due to technical problems, the public announcement was only made the 21st of December. All the district was quietly waiting for the final results. The group of women who had joined together to perform the ritual waited for the results near the Frelimo building. As expected as the victory was at this stage of the process, the outburst of joy and exultation was impressive. The women danced, sang and enacted a little theatre representing Guebuza in triumph and Dhlakama crying [Fig 3]. The Party recommended to postpone the partying the day after, so that it could be organized properly. 29 The women of the OMM group had no physical mwali to present to the village (kujalula). They thought of performing the coming-out ritual either on the district administrator Seguro or the district secretary of Frelimo, Shivavi. Neither of them would have refused to go through the ritual, although as one might understand they were not particularly enthusiastic about it. Word of this reached the women, and this part of the ceremony was skipped. 30 The morning of the day after, the women removed the collars and made them disappear by burying them. They prepared, then, for the final stage of initiation rites: announcing to the neighbours the coming out of their children. The whole group of women dressed in Frelimo flags and Guebuza t-shirts and caps, which were offered by the party, and set out by foot to the nearby village of Mwatide, reputed to be a Renamo stronghold19. When arrived in Mwatide, they knocked on the doors of dozens of houses and stores, bringing the good news and asking for food or a small amount of money, that they were unstintingly offered. The spree ended at the house of one of the most venerable war veterans of the district, who had been a member of the first group of soldiers trained in Algeria. The group passed by the house of the deputy representative of Renamo. The house was closed. When the man was spotted, sneaking away, some of the women proposed to follow him and give him a lesson on the spot. Finally, peacefulness prevailed and the man was left alone, as the women set to return to their homes. 31 Guebuza was not only president of Mozambique. He had been ritually integrated in the social body of Muidumbeans as a Makonde initiate, albeit in absentia.

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The Transformation of Initiation Rites

32 The political adaptation of likumbi, or in other terms the spelling of politics in a ritual idiom, is not at all foreign to Makonde culture.

33 After the war of independence, initiation rites underwent a radical transformation. Inspired by a modernist marxixt-leninist ideology, the Party was keen in condemning initiation as well as other traditional practices as obscurantist and antirevolutionary. The Makonde people resisted strenuously against the eradication of initiation rites and gendered secrets20. However, they spontaneously adapted the ritual to the post-war setting. The rituals were set in the rainy season to accommodate the school calendar. 34 Moreover, their content was radically reshaped. During pre-war times the boys practiced Mapiko masquerade and the girls women’s dances such as Shinyala. Since the end of the war and up to now, the main cultural specific content of the training imparted during the rituals has been the learning of the makwaela dance. This dance originated among migrant workers from Southern Mozambique in the South African mines, some 2 500 km. away from Muidumbe. It consists in harmonized choral singing and foot-stamping. Because of its socially progressive nature and of its simplicity, it was chosen already during the war as the favourite cultural activity in the new Frelimo schools and training centres. After the war, it became a sort of new national icon, the revolutionary dance par excellence. 35 Initiation rituals are about instilling into boys and girls the qualities, attitudes and competences that make of them full-grown members of the society. The inclusion of makwaela dance and revolutionary songs into initiation rituals responded to a change of perception of what adulthood was about in rural Makonde post-war society. 36 The transformation of the ritual suggests a radical change in the shared definition of what being a full-grown Makonde woman or man is about. After the war of liberation, this came to include: a bodily experience of the construction of the nation through dance; the absorption of the mythology of the war of liberation through the learning of songs about its heroes, dates and events; the interiorization of its symbology through the use of flags and tissues.

The Ritualization of Politics

37 Initiation rites were not the only traditional item that had been given new political meaning. Makonde masquerades, Mapiko, incorporated the symbology of the Party in their masks and in the paraphernalia (arms, flags, etc.) used by the dancers. Moreover, new revolutionary songs replaced the old colonial time songs based on provocation and local lore.

38 At the same time, when ritual was politicized, the political life of the nation was increasingly being ritualized. This happened mostly on account of the Leninist-inspired policies of communication and mass organisation adopted by Frelimo. Mapiko masks and dance groups started to participate in meetings and political events well before independence. The intermingling of politics, popular culture and ritual was experimented early in the revolutionary process, in the camps and bases of Frelimo in northern Mozambique and Tanzania (Siliya 1996).

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39 The ritual being politicized and politics ritualized, the distinction between the two spheres became all too blurred. This explains the formal aspect of the propitiatory likumbi organized for Guebuza. It does not, however, pose the ultimate question. Why in the first place did the Makonde people allow Frelimo symbols, myths and ideology to be a defining factor of adulthood in their initiation rites and an identitary milestone at large?

Makonde and Frelimo: Social Palingenesis

40 Ethnicities (particularly in Africa) are not timeless and static, but very often are the product of recent socio-political events, sometimes a reflection of the external gaze, whether of neighbours, of the colonial agents or of the brokers that cooperated with them21. However, ethnicities often reflect real social, cultural and linguistic differences, that should not be underestimated in an all-constructivist approach. Ethnogenesis and ethnic identity are not local phenomena, and ethnicities should be apprehended in the widest context of the chain of societies that they are embedded in (Amselle 1990).

41 I assume that ethnic identity is structured around the reciprocal interaction of two components: “cultural identity”, which is ideology-driven and constructed, influenced by representations of the self and the society (both internal and external), and by the position of the society within a local and global system (Friedman 1994)22; and “hard” traits of the society, which include language in the first place, and then material culture, mode of production, and social organization (kin, etc.). Cultural identity can select and reorganize these hard traits to make them express different configurations of inclusion, exclusion and self-representation23. 42 For instance, clusters of languages can be analysed more or less objectively through lexicology and grammar. However, local linguistic taxonomies do not necessarily correspond to objective differences between languages, but are determined by linguistic ideology. Each single variant in a continuum can be classified differently as a “dialect” or a wholly different language to defend dynamics of inclusion, exclusion or differentiation that are driven by linguistic ideology. The same might apply to other important cultural institutions, that might or might not be assumed as cornerstones in the definition of a particular identity. 43 This implies that not all identities have the same “thickness”. Some ethnic identities shape the hard traits that make their social institutions into more inclusive or cohesive ensembles24. Some ethnicities have a longer history, some are structured around more distinctive hard traits that make them more cohesive, some are fragile and tending to desegregation. The world is nothing similar to a puzzle of identities with the same status and depth of embedment. On the contrary, ethno-scapes are about different levels of relief, profile and thickness of identitary affiliation.

Makonde Ethnogenesis

44 The precolonial history of Northern Mozambique suggests that the Makonde people were splinters of the Maravi people, who were organised in an empire that extended its influence from the south of Lake Malawi to the region of Kilwa (Dias 1964, Kingdon 2002, West 2005). Together with and the people of the Rovuma river they share important linguistic and cultural similarities with the Chewa ethnicities of

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Malawi. It might be guessed that some of the people of northern Mozambique and Tanzania, whose languages bear resemblance with Maravi languages like Chichewa, are the descendants of groups of Maravi people that settled over the course of time around a commercial route linking Tete to Kilwa (Hamilton 1954, Rangeley 1954, Newitt 198225. Those people’s languages (Shimakonde, Chiyao, Kindonde, Shimatambwe), on the contrary, have no close links with the Emakhuwa linguistic group that spreads from the to the Rovuma river.

45 Makonde ethnic identity emerged as a response to the slave trade somewhere in the first half of the 19th century26 (West 1997; 2004). The Yao people had reorganised as a semi-patrilineal, Islamic society, taking the lead of the slave caravans in the regions27. People living around the Rovuma river started to retire on the high plateaux to flee the slave raids. Eventually, those refugees came to call themselves Makonde, which is a geographical name linked to those plateaux28. 46 In the late 19th century, the Makonde people were refugees living on the brink of destruction, partly engaging in and mostly defending themselves from the slave trade29. They lived in independent fortified villages, occasionally trading with the coast and neighbouring people (O’Neill 1885; West 2004). Eventually, they came to be feared in the region because of their aggressiveness and savagery, which was probably also an form of defence against the trade. That renown earned them the depreciative name of Mavia (“the nervous”). 47 I argue that this shared historical experience of resistance to slave trade forged a collective consciousness of insoumission (un-submission), craving for freedom and independence that the Makonde people took with them once they were pacified by the Portuguese in 1917. As the slave trade was put to an end, the Makonde people started to expand again in the lowlands around the plateau and to travel in neighbouring Tanzania in search of work30.

Luta Armada

48 Frelimo was founded in 1962 by a group of people coming from three pre-existing political organisations31. One of them was the Makonde African National Union, organised by Makonde emigrates in Dar-Es-Salaam. Makonde people had emigrated massively to Tanzania, where they had come to know the benefits of freedom and independence. When the option of armed insurrection was chosen, it seemed natural to chose the plateau of Mueda as one of the centres of military operations, because of the support that Makonde guerrillas could have enjoyed, because of its proximity to the Tanzanian border, and because of its thick bush that would have helped the guerrillas to hide.

49 These reasons do not account for the massive participation of Makonde people in the war of independence. Whole villages were abandoned, as people left to live in the bush to support the war with their work. In spite of the political violence that marked the first years of the formation of Frelimo, the bulk of the Makonde people stayed faithful to its leaders through thick and thin. People endured hard life, military discipline, war with the Portuguese, the risk of being caught by Pide (Polícia Internacional e de Defesa do Estado) or either to be sent to one of the infamous Frelimo re-education camps32. I cannot but see a connection between this extraordinary collective enterprise and a

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long tradition of resistance that had been built up during the slave trade. Colonialism simply could not be endured, and Frelimo was ostensibly the only way to fight it.

50 The dramatic, collective experience of the war and its aftermath left a deep mark on a whole generation and had the result of transforming wholly and radically the Makonde society. If there is any place in Mozambique where Frelimo engendered a real revolution, this is the Makonde plateau. In order to give a general idea of the scope of these radical and enduring transformations, I have tried to summarize them under the most important headings. Each single item in the list that follows could be (and in some cases has been) the object of an in-depth study. 51 Change of the residential patterns. The Makonde people lived in kin-based matrilineal small settlements, with population ranging from a few nuclear families to some hundred people. During the war, they lived in conglomerates of small huts hidden under the trees of the bush, mainly in the lowlands. At the end of the war, they embraced the project of collective villages promoted by Frelimo, building hundreds of organised villages that gathered people from different settlements and clans (West 1998). 52 Unification. Until 1964, Makonde society was acephalous, segmentary and subject to inter-clan warfare. The war effort led to the unification under Frelimo, not without problems in the very first phase. Ever after, Makonde guerrillas stayed loyal to the Frelimo leadership throughout the war, in spite of massive internal strife in its leadership in 1967-68 and widespread political violence in the military bases in Cabo Delgado. 53 Education and nationalization. During the first years of war the Makonde people were exposed to the education system put in place by Frelimo in its liberated zones, which was based on the idea of the construction of a Mozambican nation and the merging of Mozambican ethnicity in a new social body (Alpers 1983, Siliya 1996). 54 Militarization. Makonde people were widely trained in the use of weapons and modern war techniques. 55 Regional prestige. During pre-colonial times, the Makonde people had mostly played the part of the losers and refugees in the regional networks of slave-trading33 (West 2004). At the end of the war of independence, they were re-cast in a dominant role in the regional equilibrium of power between different ethnicities. 56 Collectivisation. After independence, the Makonde people experienced the ideology and the implementation of projects of collectivization promoted by Frelimo: cooperatives of production, collective farming, etc. 57 Waning of traditional power. The new structures of power of the Party tended to replace authority based on kinship in the communal villages. Kin-based leaders still play a role in the resolution of familiar disputes and in the managing of questions linked to the “invisible realm” (West 1998, 2005). 58 Empowering of a new generation. The war empowered a generation of young people that took arms sometimes in opposition to their elders. Young people were authorised to threaten and even kill their elders if they refused to ally with Frelimo, which was unthinkable in previous times34. 59 Transformation of gender relationships. Women participated in the luta armada as soldiers and as commoners. The ideology of Frelimo defended gender equality, opening

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stunningly new opportunities to girls, who were widely empowered in the process (Isaacman & Isaacman 1984; West 2000). In the communal villages, the male-centred structure of the pre-independence settlements disappeared. 60 Internationalization. Makonde people travelled far abroad to be trained militarily: Israel, Algeria, URSS, China. Those experiences broadened the horizons of many people who later returned to live in their rural villages. 61 Scattering. At the end of the war, Makonde war veterans were scattered in the main cities of Mozambique, to promote Frelimo policies with people who had not been exposed to them, and also to prevent the concentration of militarily trained people in a single area of the country. Today, Makonde people own and often distribute land in zones far-away from the Makonde plateau. 62 Devalorisation of tradition. Following the anti-traditional, modernist policies of Frelimo, “traditional” practices and rituals were de-valorised as superstition or obscurantism (West 2005). 63 Valorisation of culture as national heritage. Some items of Makonde culture, in particular blackwood sculpture and masquerades, were valorised in the country as part of an inalienable national heritage (Alpers 1989; Mkaima 1997). 64 National prestige. At the end of the war, the Makonde people came to be known in the whole country as fierce warriors and fine artists, broadcasting a renown that did not go far around their area of settlement before of the war. 65 Common epos35. The war of independence was a sort of epic tale for a whole generation. A number of individuals constructed their personal identity during those dramatic years, transmitting historical knowledge to the new generation in the form of art, songs, stories and masquerades [fig. 4].

66 The war and the post-war revolution did transform Makonde ethnic identity from the point of view of social organisation, ideology and identity. Frelimo was at the heart of all these transformations: the social changes, the nationalist and revolutionary ideology and the new epos of liberation were all novelties brought by the war and by the reorganisation propelled by Frelimo.

67 A commonplace saying in Shimakonde goes: “Frelimo ni shinu shetu wetu”. (Frelimo’s our own thing). This implies not only an affirmation of the purest pedigree in the genealogy of the nation, based on historical deeds36. It conveys also the reverse idea: the interiorization of Frelimo as a fundamental component of what makes “our own thing”. If factually Frelimo isn’t Makonde’s “own thing”, it contributes heavily to shape what is Makonde’s “own thing”, what Makondeness is about. In other words, the saying suggests that Frelimo is at the heart of the definition of Makonde ethnic identity.

68 The Frelimo which is Makonde “own thing” is not the real political party as a historical entity. It is a construct of the imaginary – built upon factual and dramatic socio- political changes; on an ideology of modernism, universalism, socialism and well-being spelled in vernacular idioms; and on a identitary epos conjugated in an amazing spectrum of popular expression.

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Renamo: the enemy within

69 Frelimo in Muidumbe is not only a political party. It is a figure of the imaginary embedded into the very foundations of society. Under such conditions, to criticize it amounts to a painful distancing from the myths that Makonde society is founded on.

70 Looking on the other side, what does Renamo represent at large in Muidumbe? Why does it appear heinous to Muidumbeans to such an extent that every public representation of sympathy for this political party is considered as an act of subversion and wickedness, eventually leading to social exclusion or physical threat? Could this be attributed only to the memories of the times of war? Why then should resentment linger on in the Makonde plateau, whereas in other parts of the country where the damage caused by the civil war was much more severe, people are more willing to forget and forgive?

Songs of provocation

71 Popular songs are an excellent entry point to analyse collective political representations, because of the peculiarity of their creative processes. Popular songs are often the creation of a single individual, who either rearranges pre-existing materials or creates wholly new idioms. However, the spread of the song is due to the capacity that it has to channel collective feelings and representations into a single idiom37.

72 Starting from the 60s, Shimakonde popular singing turned political in content and form. Shimakonde popular songs constitute a precious political commentary of the socialist project in Mozambique. 73 Many of these widespread political songs refer to Renamo.

74 In songs, as well as in common language, Renamo is never referred to directly. A number of euphemisms are used to identify its followers: mashanga (from the name of Renamo’s leader, André Matsangaissa); nanamu (which is the name of a stinking worm); lyakogwe (another kind of worm); vanambili (the animal which is the symbol or Renamo). The most widespread of all nicknames is matunu (sing. litunu), which refers to the ugliest of the African animals: the nocturnal, treacherous, scavenging hyena. 75 We can divide the songs that refer to Renamo in three main categories: songs of remembrance; songs that intend to raise political consciousness; electoral songs. 76 Songs of the first category refer to the hideous acts committed by Renamo during the civil war. Sometimes they refer to precise events (a song has been composed on the invasion of the plateau); sometimes they paint a general portrait, like this one: 77 Ndikwamba wako Dhlakama I am referring to you, Dhlakama Ikadi yako akata nyani? Who is going to tear apart your card? Mulo’ vitendo vyamushitenda mudialudeya Look at all the things that you did in the villages Kunkodya munu washitumbu Find a pregnant woman Kutwa’ shipula kumbavola Take a knife, desembowel her Kummumya mwana ndikidiki Take out a little child Kunjanikila Roast him on a broach

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78 The second category of songs aim to prevent the infiltration of Renamo in social and political life. Renamo members are depicted as treacherous, sneaking and dangerous people, wolves in sheep’s clothing. The one that is the heading of this paper fits into this category, as well as the following: 79 Pamwidumbi tulilaledye matunu We have to be careful in Muidumbe with hyenas Digabinete vandibabola pa Mwatide They have shut down their office in Mwatide Vandyuka naikala pa Myangalewa And went to stay in Myangalewa Pa Lutete mulilaledye In Lutete we have to pay attention Matunu andyumbalanga apa It is full of hyenas 80 Songs referring to elections are in a wholly different style: playful, brave and provocative. Sung before and after the elections, they defy Renamo to win the election and mock it when it loses them. They ofter personify Renamo in its leader, depicting him in the most embarrassing and ridicolous situations. 81 Jakama ajó Dhlakama, this one Jakama nelo Dhlakama, today Jakama alya uwangu kumaundu-ko Dhlakama eats cowhage 38 in an abandoned field Tundimmwima wetu dikula dyetu We refused to give him our votes Tundimmwima aikele We refused so he sat down 82 Jakama kulila: paushagushi mungutandole Dlhamaka is crying: vote me at the elections! Aíí! Wetu atutamwa No! We don’t want to Aíí! Wetu atutamwa tundintandola baba Guebuza No! We refuse! We have voted papa Guebuza 83 Jakama nnambele jó Dhlakama, go and search for him Mpaka mukankodye palila po Until you find him where he’s crying

The cultural roots of competition

84 In pre-1964 Makonde society, acts of provocation were seen as a test of courage for a young man willing to show his bravery in the face of his own kin. Provocation (ushaka) could amount to kidnapping women of a different clan, taking hold of goods, or even provoking inter-clan warfare.

85 Mapiko masquerades were also a ground for provocation and taunting. Pre-1964 popular songs connected to Mapiko masquerade and other dances were either related to the lore of elderly people, or to the taunting of adversaries and people from the neighbouring settlements. All too often this taunting was quite successful, and Mapiko competitions ended up in bloodshed. Traditional taunting songs could be extremely provocative, often referring to the moral and physical qualities of the women of the nearest village, to the lack of bravery of their men, or to their artistic inconsistence. Winning or losing a Mapiko competition was a way to assert the superiority of one’s likola (clan) against another. 86 The war and independence brought a new spirit of solidarity and unity (upamo). This applied also to dancing, where taunting songs were banned more often than criticized. Taunting was not anymore considered an act of bravery and provocation (ushaka) but an anti-social habit of language (iyanje, that could be translated as “idiom of envy”). Taunting is still moderately allowed in two forms: asserting one’s artistic mastery (ulanda) and imputing to other people bad speech habits (iyanje).

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87 Competition between dance groups was slowly brought into a less violent context. Soon after independence, Frelimo started to organise dance festivals (mashindano), in which groups could confront each other on the grounds of artistic mastery, being judged by a competent jury. Although losers never accept publicly the results (somebody has always been robbed) they conform themselves to them. Spontaneous competition between dance groups is based on the cheering of the crowds, and rarely ends up in violent confrontations. 88 Starting in 1994, elections became a politically acceptable ground in which taunting practices could be resurged. The ideology of national unity prevented the Makonde from despising and criticising other people because of their ethnicity or their kinship. However, despising and having fun at the expense of Renamo was not only accepted, but also encouraged by local authorities39. Taunting songs were revived, refined and reinvented to suit the new enemy – Renamo. The electoral competition (ushagushi, shitandola) turned into a gigantic competition (mashindano) in which the identity of the Makonde people as a whole is at stake. There is no wonder that dance groups participate spontaneously and enthusiastically in such an event.

Relatives, villagers and wicked people

89 During colonial times, competition between Mapiko groups was a way to assert one’s likola superiority over someone other’s. People lived in settlements that were affiliated by ties of kinship, but often competing for land and riches.

90 The war and the nationalist ideology of Frelimo brought to an end intra-kin rivalries. In Shimakonde, a new word was forged to describe citizenship: venentete. Mitete (sing. ntete) was a term used to describe a foreign settlement, as opposed to likaja, one’s own settlement. Venentete indicated then the people living in foreign settlements. After independence, all people turned into venentete (“the people”, in a Marxixt-Leninist idiom), participating in an abstract national community. In Shimakonde, that suggests that nobody had a home any longer – everybody turned into “people of foreign villages”. 91 The palingenesis of Makonde society was not without deep trauma and violence. Even though the process of villagisation was on the whole well received in Makonde plateau, it did lead to confrontation and strife (Oficina de História 1986). The blame of it all this was cast, following Frelimo’s rhetoric, upon counterrevolutionaries and “enemies of the people”, symbolised by the popular character of xiconhoca, the lazy traitor of the revolution. Traitors of the party were branded in this category. The experience of summary executions during the war was not easily digested, and counterrevolutionaries were seen as deserving death. A bunch of people were subsumed in the local category of malambi (scoundrels): the early traitors of Frelimo such as Nkavandame and Simango, petty thieves and criminals, and, as one might expect it, Renamo followers.

92 With democracy, this kind of ideology disappeared at national level. In the Makonde plateau, it is lingering on. However, xiconhocas and counterrevolutionaries are but ghosts of the past that one can evoke with a nostalgic smile. The accusation of being uncivilised was transferred solely and entirely to Renamo. In popular songs, Renamo followers are not represented as people, but as animals of the worst type (hyenas,

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worms) that scavenge, sneak, crawl, destroy for the sake of evil. They are enemies of society, and as such should not be allowed to participate in the political life40. 93 Probably a society that was deprived of all kinds of social antagonism in the name of a project of construction of a socialist nation, still needs a imaginary enemy embodying all the fears and negative feelings connected to otherness.

New generations

94 The experience of the Luta Armada has reshaped the whole Makonde society, embedding Frelimo in its very social and ideological foundations. At the same time, it has concretely empowered a single generation of then young men who are now in their 50s and 60s41.

95 This experience has not been shared by the new generations. During the last visit of Chissano to Mueda that I described earlier, a young student loudly voiced his discontent for the lack of opportunities of employment; the deficiencies of the hospital in Mueda (“we get cloroquine for everything”) and for a school system where “only the sons of the ministers go to College”. The boy was at once reprimanded and reassured by the president. 96 The new generations seem not to discard the symbolic place that Frelimo had in their father’s achievement of freedom from oppression, and social revolution. They are often able to identify and point out discrepancies between the promises and the facts, the “imaginary Frelimo” and the real one, but they are still able to connect to the ideals that Frelimo represented for their fathers. Will this endure the test of time?

97 Youths have no spaces in which to express and channel their political disarray, and they do it often in popular culture, be it singing or masquerading. Naupanga is a new youth Mapiko masquerade that has been raging in Makonde villages since 2001, and has asserted itself as the most successful new masquerade ever in the plateau (Israel 2005). 98 Naupanga commented on Guebuza’s rising to power with these enigmatic and ironic verses: 99 Guebuza tundinkodya Guebuza, we found him Aikele mulukoma Sitting in a porch42 Wetu tunditwala We took him Alangalele Moshambiki And put him to lead Mozambique 100 Kwalala kwalala It’s beautiful Kulamulila Naupanga Naupanga rules Kwalala kwalala It’s beautiful 101 November, 2005

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Fig 1. Crowds wait for the passage of Guebuza in the village of Miteda, as the sun begins to set, 11th of August 2004

Paolo Israel©

Fig 2. Campaigning in the village of Namande amounts to explaining how to vote, 11th of November 2004

Sandra Lourenço©

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Fig 3. Women of the OMM in Mwambula (Muidumbe) enact the victory: Guebuza sings, Dlhakama sits down and cries, 21st of December 2004

Sandra Lourenço©

Fig 4. Anti-aerial combat during the Luta Armada

Matias Ntundu©, xilogravure

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NOTES

*. Research for this article was carried in the District of Muidumbe between November 2004 and January 2005, in the context of a Ph.D. on Makonde masquerades that I am doing at EHESS, Paris, under the direction of Jean-Loup Amselle («Mapiko : création et révolution. Danses masquées du people Makonde du Nord du Mozambique»). During these months, I shared the thrill and the burden of fieldwork with Sandra Lourenço, a photographer working on Makonde female initiation rituals. We experienced the intermingling of politics and ritual in our work as well as in our daily routine. At the time, my house had been rented to the District Commission for Electoral Transparency, and the very room where we slept served as a bureau from 7 to 15. Sandra has documented photographically the political engagement of Makonde women during the electoral campaign. This work owes enormously to the support, care, enthusiasm, insightfulness and

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friendship that she provided on the field. I also thank heartily Pedro Justino Seguro, administrator of Muidumbe and his wife Josina, who came to be my Makonde family in Muidumbe; and all the staff of the electoral campaign in Muidumbe that have allowed me to follow through the campaign, often in the back of their truck; in particular Nshonyo and Paulo Ntumbati. As usual, I thank my friends and field assistants Mario “Mali Ya Mungu” Matias; Evaristo “Angelina” Januario and Fidel Suka Mbalale. I thank Edward A. Alpers, Michel Cahen and Harry G. West for their precious comments on the first version of this paper. 1. In Shimakonde: “Vicente Ululu / Ululu nyagwe / Kwaloka mulikapito shana ngru-ngru. / Andida nawikila njini pamwidumbi / Venenentente kuntukutila /Vanshema Chissano baba / Muwakati wawikile pashuwanja / Venentente vandinjalanga majanga /Anava Chissano jó /Au mwanda umwe Renamo”. I recorded this song in Muidumbe, the 26th of July 2004, with the group Ntoji na Lijele of Namande. 2. Eight months in 2002, four months in 2003, seven months in 2004. 3. Cahen gives a totally different version, in which the helicopter leaves after the end of the meeting. However, he relates incidents between Muidumbeans and Dhlakama’s crew. He also relates that the helicopter left “after being hit by a big stone” (CAHEN 2002:199). 4. M. Cahen insists particularly on this (CAHEN 2000: introduction to the chapter on Mozambique). 5. All accounts that follow are based on field notes taken over the electoral process. I had a very close look at the functioning of the electoral machine, as I was having intense contacts with the administration of the district and the campaigning team, that allowed me and Sandra to follow the electoral process when we were not busy with other research activities. 6. The Eight Congress was given most importance through a National Festival of Popular Dance, that served also as a political tool to present to the rural population the results of the Congress and the new candidate to the Presidency. 7. Somehow reminding of the triumphal journey of Samora Machel from Rovuma to Maputo, right after the independence. 8. I have not recorded this song, I quote it by heart. 9. This is the way that Guebuza’s name sounds in Shimakonde. 10. The title of the tape/CD, produced by FRELIMO and interpreted by various artists, was: Armando Emilio Guebuza, A força da Mudança (Maputo, 2004). 11. The importance of Mocimboa has been dramatically revealed in the riots and confrontations that occurred in this city in 2005. In late November 2005 Pedro Justino Seguro, former administrator of Muidumbe, informed me that the confrontations had led to ethnic tensions between Makonde and Mwani people. Six houses of Renamo followers have been burned in the village of Nshinga in 2005, and Mwani people that used to grow crops in the lowland areas in Muidumbe are not anymore allowed in by Makonde residents. 12. This piece of information comes from a testimony that for obvious reasons I keep anonymous. 13. Villages vary in size from 500 to 7 000 people. In the field I had the possibility of glimpsing the preliminary data, divided by village, of the elections. 14. Mr. Shuluma, war veteran and owner of a public service car was suspected of being connected with Renamo just because he participated once in a funeral ceremony in Maputo with the Renamo leader Vicente Ululu. This label stuck on him for years, and people became unwilling to use his car. He had to retire for some time in Maputo until the rumour lost momentum. Shuluma volunteered his car for the general elections of 2004 as a way to definitely remove this stigma. 15. He was provoked and insulted by a couple of youngsters in his native village. As he pursued the insulters, other people were setting fire to his house, other again luring him into a trap. He could only save his child that was suffocating from the smoke, and take temporary refuge in Pemba. The district government took no stance to protect him.

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16. On Makonde initiation rituals, see DIAS & DIAS 1970. 17. The added “m” is the object infix. 18. West describes the making of Chissano into a umu (clan counsellor, pl. vaumu) during the election of 1994 (West 2005: 259-261). During the campaign day in Mocimboa da Praia, white “umu” bandanas were distributed to all Frelimo supporters (see note 11). 19. Which means that Renamo takes there more than a handful of votes. Actually, often a village is singled out as a Renamo stronghold because of petty crime, because people identity all criminal activity with Renamo. 20. Josina Machel was particularly keen in promoting gender awareness in the guerrillas. However, oral testimony indicates that the people were not open to allow the party to intrude in these questions during the war. 21. It is out of the scopes of this paper to give a bibliography on ethnicity. For a general compendium, see POUTIGNAT & STREIFF-FENART 1999. For constructivism, see Amselle & M’BOKOLO 1985, VAIL 1989. For a very even-handed approach to the question of ethnicity, see LENTZ & NUGENT 2000. 22. Following Friedman, I argue that definition of cultural identity must take into account the position of the society in the world-system in which it is embedded, and the civilization cycle of the same global system. 23. “Ce qui relève du domaine de l’ethnicité, ce ne sont pas les différences culturelles empiriquement observables, mais les conditions dans lesquelles certaines différences culturelles sont utilisées comme des symboles de la différenciation entre in-group et out-group” ( POUTIGNAT & STREIFF-FENART 1999:141). 24. “[…] l’ethnicité ne se définit pas comme une qualité ou une propriété attachée de façon inhérente à un certain type d’individus ou de groupes, mais comme une forme d’organisation ou un principe de division du monde social dont l’importance peut varier selon les époques et les situations” (POUTIGNAT & STREIFF-FENART 1999:136). 25. I am indebted to Malyn Newitt for this observation (personal communication). 26. E. Alpers pointed out the existence of early reference to the name “Makonde” in the historical records, that might suggest that a core of people living in the plateau existed before the 19th century and called themselves “Makonde” (personal communication). 27. On Yao shift from a pure matrilineal system to a mixed one, see VERDON 1995. On the role of the Yao in the slave trade, see the classic ALPERS 1975. 28. Yao too is a geographical name. 29. See WEST 2004 for the way that Makonde were cast in the roles of victims of the slave trade by the British consul E. O’Neill. 30. I do not deal here with the period of “consolidation” of Makonde ethnic identity during the colonial time. I will treat this theme, through the analysis of Mapiko masquerades, in two chapters of my doctoral dissertation in progress. About the migration of Makonde people, see KINGDON 2002, ALPERS 1984. 31. Bibliography on Frelimo and the Luta Armada is vast. For references, see NEWITT 1995, HENRIKSEN 1983, ISAACMAN & ISAACMAN 1983. For Makonde participation, see ADAM 1993 and CAHEN 1999. 32. In constructing, as I try to, a genealogy of the fidelity of Makonde people to Frelimo, one should not underestimate the importance of political violence exerted by Frelimo since the times of war and well after. Gathering evidence of this violence is not easy. It often comes in the form of half-muttered anecdotes referring to someone else, when it comes at all. In most of the cases, “bad guys” in the Party are stigmatized for the violence, and not the Party itself. 33. The retreat to the plateau was actually a successful strategy against slave trade.

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34. The demise of the elder Lazaro Nkavandame was made possible by a strategic alliance between the group of southerners that was at the head of Frelimo and young Makonde leaders, such as Chipande, Pachinuapa and Lagos Lidimu (for Nkavandame, see GENTILI 1991). 35. I use this term in the sense of given by the Wordnet dictionary of the Princeton University: “A body of poetry that conveys the traditions of a society by treating some epic theme”. In this context, “poetry” must be intended as including different genres of creativity: masquerade, popular song, dancing. 36. Often the saying is used to underscore the imbalance between the role that Makonde people played in the war and their actual state of political forsakenness. One could say Frelimo shinu shetu, when faced to the abuse of an official from Pemba, for instance, as a way to intimidate him. 37. For instance, see Joan Baez’s commentaries on the capacity that Bob Dylan had to channel the spirit of the civil rights movement of the 60s, in spite of his apolitical personal stance (in Scorsese, No Direction Home, film documentary, 2005). 38. Mucunia pruriens, an urticating inedible species of bean. In Portuguese: Feijão-macaco (Feijão maluco). 39. Local radios, however, are forbidden to record and broadcast this kind of song. 40. In 2003, I travelled to Pemba with my field assistant Mali Ya Mungu, a 36-year old man, son of an important Frelimo leader, and of a woman guerrilla fighter (DF). Mali Ya Mungu had travelled a lot with his father until he died, in the 80s. He had not been to Pemba since 1989. When we passed near the Renamo seat in the city, he startled: “There is no law nowadays. How it is they allow bandits to have offices in the city?” He insisted that we pass on the other side of the road. He was even more disappointed when he visited his mother in a village near Pemba, after 13 years, and found out that she had turned to Renamo because she was not receiving a pension as a war veteran! He made her remove all symbols and pictures of Dhlakama on the wall before accepting to sleep at her place. 41. Curiously enough, it is the same generation that empowered itself in Europe with the May 1968 revolutionary movement. Those same people still hold pre-eminent positions of power in the European governments and intellectual establishment. 42. To sit in the porch is the epitome of idleness and the lack of any purpose.

ABSTRACTS

For strategic reasons, Makonde people were the backbone of the Frelimo army during the Mozambican war of independence. Since then, Makonde people are almost fanatically devoted to Frelimo. During the Mozambican general elections of December 2004, the people of the district of Muidumbe enthusiastically supported the candidature of Armando Emílio Guebuza throughout a massive electoral campaign, during which members of the other parties were often threatened and harassed. The elder women of Muidumbe organised a special ceremony to propitiate Guebuza’s candidature, as if he were a boy undergoing initiation (likumbi). This shows how politics and ritual are deeply intertwined in Makonde society. This paper addresses the issue of Makonde “ethnic” loyalty to Frelimo, through a description of the 2004 elections in Muidumbe, and historical analysis. It will try to show how Frelimo became a cornerstone of Makonde identity because of the processes of radical transformation that the Makonde society underwent during the war of liberation and in its aftermath.

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Pour des raisons stratégiques, les Makonde ont participé massivement à la lutte de libération nationale au Mozambique. Depuis, les Makonde sont des partisans farouches du Frelimo. À l’occasion des élections générales tenues en décembre 2004, les gens du district de Muidumbe ont soutenu avec enthousiasme la candidature de Armando Emílio Guebuza. Au cours de la campagne électorale, les sympathisants des autres partis politiques ont été menacés et agressés. Certaines femmes âgées de Muidumbe ont organisé une cérémonie spéciale en faveur de l’élection de Guebuza, en agissant comme s’il était un garçon soumis aux rituels d’initiation (likûmbi). Cet épisode témoigne de l’entrelacs entre les domaines du politique et du rituel dans la société Makonde. Cette étude pose la question de la fidélité « ethnique ” des Makonde au Frelimo, dans la description des élections de 2004 à Muidumbe nourrie d’analyses historiques. Il retrace les facteurs qui ont fait du Frelimo un pilier de l’identité Makonde, et notamment les processus de transformation radicale qui s’enchaînèrent dans la société Makonde pendant et à la suite de la guerre de libération.

Por razões estratégicas, os Makondes participaram maciçamente na luta de libertação cacional em Moçambique. Desde então os Makondes são ferozes partidários da Frelimo. Na altura das eleições gerais realizadas em Dezembro de 2004, o povo do distrito de Muidumbe apoiou com entusiasmo a candidatura de Armando Emílio Guebuza. Durante a campanha eleitoral, os simpatizantes dos outros partidos foram ameaçados e agredidos. Algumas mulheres idosas do distrito organizaram uma cerimónia especial a favor da vitória de Guebuza, agindo como se ele fosse um rapaz submetido a rituais de iniciação (likumbi). Este exemplo mostra o entrelaçado entre as áreas do político e do ritual na sociedade Makonde. Este estudo levanta a questão da fidelidade « étnica » dos Makondes à Frelimo, através da descrição das eleições de 2004 em Muidumbe, alimentada por análises históricas . Retraça os factores que fizeram da Frelimo um pilar da identidade Makonde, e nomeadamente os processos de transformação radical que se encadearam na sociedade Makonde durante a guerra de libertação e na sequência da mesma.

INDEX

Geographical index: Mozambique, Muidumbe, rituel d’initiation, identité ethnique Mots-clés: Frelimo, Macondes, élections, liberation nationale, Armando Emílio Guebuza

AUTHOR

PAOLO ISRAEL

École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Centre d'études africaines (Paris)

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Cultura, agri-cultura e cultura política no sul da Guiné-Bissau Uma abordagem orientada para os actores sociais Culture, Agri-culture and Political Culture in the South of Guinea-Bissau: An Approach in Terms of Social Actors Culture, agri-culture et culture politique dans le Sud de la Guinée-Bissau : une approche à partir des acteurs sociaux

Marina Padrão Temudo

1 A guerra civil que ocorreu em 1998-99 na Guiné-Bissau foi maioritariamente uma guerra entre militares e manteve-se relativamente circunscrita à capital do país. O apoio dos exércitos dos dois países vizinhos (Guiné-Conakry e Senegal) foi também determinante na transformação de um levantamento militar numa guerra civil prolongada. Dificilmente poderá assim ser explicada quer à luz das correntes que dominam os debates sobre as chamadas « Novas Guerras » – que Richards (2005 : 6-11) agrega sob os títulos de « Malthus with guns », « New barbarism » e « Greed, not grievance » 1 –, quer em função de argumentos de autoctonia defendidos por Bayart, Geschiere & Nyamnjoh (2001)2. No caso de um país vizinho da costa ocidental africana – a Serra Leoa, cuja guerra adquiriu proporções alarmantes e cujas implicações regionais se fazem ainda sentir –, as motivações dos conflitos enraízam, segundo autores como William Reno (1995, 1998), num conjunto de factores que agregam variáveis macro- económicas (existência de recursos naturais valiosos) e outras variáveis identificadas nomeadamente por Paul Richards (1996, 2004). Adoptando uma abordagem etnográfica e uma análise da guerra como processo, Richards fala de uma « crise do Estado patrimonial » (2004 : 34-37), que por sua vez dá origem a uma « crise da juventude » (2004 : 1) – nas zonas rurais maioritariamente resultado de um conflito inter- geracional, no qual o acesso à terra e a mulheres é a variável central numa oposição entre linhagens donas da terra (landlords) e linhagens dependentes (newcomers e ex- escravos domésticos). É assim que a defesa de uma « revolução agrária » se torna um dos factores de mobilização dos jovens rurais pela Revolutionary United Front (RUF) ou,

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dito de outra forma, « food security, not diamonds, was the motivation claimed by the RUF » (Richards 2004 : 3).

2 Agricultura, política e cultura são dimensões sociais que têm sido, no geral, objecto de estudos realizados por especialistas de cada uma das matérias. A relevância da questão agrária em geral e da segurança alimentar em particular foi trazida por Richards para o debate sobre as motivações subjacentes aos conflitos violentos em África após o fim da Guerra Fria, que sublinha também a sua centralidade na fase de consolidação da paz e reconstrução (Richards 1996 e 2004 ; Richards & Ruivenkamp, 1997 ; Richards, Bah & Vincent 2004). Para compreender a crise que atravessam muitos dos países africanos torna-se assim necessário ultrapassar as barreiras disciplinares e olhar holisticamente para as sociedades, sobretudo para as sociedades rurais que se podem tornar verdadeiros reféns de conflitos manipulados por actores a elas externos ou, se bem que em casos raros, manter-se neutras ou numa atitude de colaboração ambígua e criar « ilhas » em que a reprodução social, económica e política continua a ser assegurada (Geffray 1991 ; Temudo & Schiefer 2003 ; Temudo 2004). 3 É a agencialidade (do inglês agency) das sociedades rurais que vamos apresentar num estudo de cariz etnográfico sobre a forma como a guerra de 1998-99 e a instabilidade político-militar subsequentes foram vividas e os conflitos negociados pela população multi-étnica de Cubucaré. Os pressupostos de que partimos são seis : 4 (i) a cultura política local dos « donos da terra » (landlords) faculta iguais direitos a « autóctones » e « alóctones », criando um contexto coeso e estável de longa duração3 ; (ii) após a independência, os mais velhos souberam conceder uma crescente liberdade e independência económica aos jovens e como tal, na ausência de uma tensão intergeracional forte, os cadetes não se sentiram incentivados a aderir à guerra ; (iii) os balantas foram talvez o grupo étnico mais marginalizado e explorado pelas políticas e práticas de dominação coloniais, tendo continuado a sentir-se excluídos após a independência, o que explica a sua forte adesão às guerras de libertação e de 1998-99 ; (iv) a mensagem política de Amílcar Cabral constitui ainda hoje um factor de coesão nacional e de estabilidade, que se reflecte especialmente em situações de conflito como a que se vive desde a guerra de 1998-99, muito embora este legado represente já uma tensão entre os mais velhos e os jovens ; (v) esta tensão foi revelada pelo multi-partidarismo, passando os partidos a ser analisados não como um referente ideológico (caso dos « velhos » do PAIGC), mas como « comércio » (caso dos jovens) ; (vi) num ambiente multi-étnico e multi-cultural, a complementaridade funcional dos sistemas de produção agrícola e a capacidade de diversificação de estratégias produtivas – garantia de segurança alimentar –, bem como a cultura de solidariedade e reciprocidade têm constituído factores de estabilidade política a nível local e nacional. Pelo contrário, a crise agrícola actual está a conduzir a um maior individualismo e a uma perda de coesão social que se poderá repercutir de forma dramática, caso um conflito político de grandes dimensões venha a surgir na sequência das próximas eleições presidenciais.

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As raízes de uma sociedade multi-cultural em contínua negociação

5 A península de Cubucaré, bem como toda a região de Tombali do Sul da Guiné-Bissau, é vulgarmente conhecida por "Chão Nalú". Segundo a tradição oral de todas as etnias da região, os primeiros habitantes foram caçadores nalú, que possuíam capacidades (pauta) de ver e comunicar com os espíritos. Considera-se que Cubucaré se encontra dividido em diferentes territórios (chãos ; n'fóth em nalú) e o acesso à terra e aos restantes recursos naturais é controlado, em cada um deles, pelo chefe da linhagem (djagra) que primeiro o povoou. O poder destes, como gestores reais do território, advém do contrato que estabeleceram com entidades sobrenaturais (irãs donos do chão), consideradas os verdadeiros proprietários desses « chãos ». Os grupos domésticos nalús, bem como os de outras etnias que subsequentemente se instalaram em cada território, solicitaram a concessão de terrenos para habitação (cáu de sinta) e de terrenos de trabalho (cáu de tarbalho) aos chefes da linhagem fundadora, que por sua vez realizaram rituais que pretendiam averiguar a aceitação dos novos « hóspedes » pelo espírito « dono do chão ». Sempre que solicitado, e enquanto a pressão fundiária não se fez sentir, era concedido terreno suficiente para fundar uma nova aldeia (tabanca), cujos limites eram definidos de forma precisa. Ao chefe da linhagem fundadora era transmitido o poder de distribuir terra pelos grupos domésticos que posteriormente se viessem instalar na nova aldeia. De acordo com a tradição, qualquer grupo doméstico que se instale na região tem o direito a aceder a uma parcela de terreno suficientemente grande para assegurar o seu sustento. O investimento em trabalho do primeiro que desmatou garante o usufruto e a transmissão por herança, enquanto que as benfeitorias permanentes permitem a transmissão por venda. Contudo, a terra não é considerada uma mercadoria e o preço de venda é calculado em função das benfeitorias (como pomares e diques) realizadas (Temudo 1998, I).

6 A hegemonia política estabelecida através do poder de gerir os recursos naturais do território é uma das determinantes da identidade social étnica, dividindo os habitantes entre « donos do chão » – os nalú – e « hóspedes ». No « paradigma cosmológico

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regional » da população de Cubucaré, a própria criação do Estado guineense radica de contratos que os principais comandantes do exército estabeleceram com os irãs « donos do chão » (intermediados pelos chefes das linhagens fundadoras), contratos esses que lhes « fechavam o corpo » contra as armas inimigas4 e que permitiram a criação das «zonas libertadas » e mais tarde a própria independência do país5. Repare-se que, quando Amilcar Cabral (1974a : 70,71) – na sua estratégia pragmática de mobilização política e de legitimação da guerra de libertação – afirmava que « o irã é nacionalista », por forma a convencer a população a refugiar-se nas florestas sagradas, não tinha em conta a importância vital do apoio que viria a ser facultado à guerrilha pela população rural através da esfera cosmológica. 7 Com uma organização político-social segmentária, os nalús da actual Guiné-Bissau vieram, à semelhança do ocorrido entre a sub-divisão étnica instalada no então território da Guiné Francesa (Camara 1999 ; Frazão-Moreira 1999), a adoptar a estrutura de regulado em finais de 1800. Porém, segundo os nossos interlocutores, o régulo não é mais do que um entre os « homens grandes » das linhagens fundadoras, sendo proposto por estes e empossado pelo espírito (irã : c) « dono do chão » – que tem o poder de vetar essa nomeação – através de determinados rituais. Na indicação feita pelos « donos do chão » é também tomada em conta a aceitação pelas restantes etnias6, visto que o papel atribuído ao régulo é o de intermediário entre a sociedade que representa (neste caso multi-étnica) e o mundo exterior (Temudo 1998, I). 8 Pouco antes do fim das chamadas « campanhas de pacificação », os « donos de chão » nalús – preocupados com a crescente ameaça que representava a etnia fula, a quem mais tarde os portugueses agradecidos pelo apoio militar prestado, irão mesmo entregar parte do território nalú7 – realizam cerimónias a pedir a vinda de « hóspedes ». Nas primeiras décadas de 1900, vão ocorrer vagas sucessivas de emigração de outras etnias, das quais a primeira terá sido a sosso, oriunda da então Guiné Francesa, que irá contribuir de forma decisiva para a islamização dos nalús e o desenvolvimento da fruticultura. A etnia balanta – proveniente da região de Mansoa à procura de terrenos de cultivo de arroz – começou a invadir Cubucaré no início dos anos vinte do século passado8, seguida depois por pequenos grupos de manjacos, pepeis e bijagós, atraídos pela abundância de palmares (Carvalho 1949 : 312). A transformação de toda a região de Tombali no celeiro de arroz da Guiné-Bissau está associada à migração da etnia balanta para esta região, a qual introduziu o sistema de cultivo em mangal (bolanha salgada)9. Até essa altura, o arroz era cultivado em sequeiro (sistema itinerante de derruba e queimada) e em regime de alagamento nas zonas baixas interiores (bolanha doce). Na progressão da etnia balanta para o Sul foi relevante o papel desempenhado pelos ponteiros (concessionários de terras, nomeadamente mestiços e cabo-verdianos), que noutras regiões da Guiné foram responsáveis pela difusão da cultura do amendoim e da cana do açúcar (Mota 1954, II : 160 ; Drift 2000a : 158-160). 9 Os sistemas de produção de arroz estão intimamente associados à matriz étnica. Se a etnia balanta concentra tradicionalmente a sua actividade no cultivo de arroz em bolanha salgada e na criação de gado bovino, as restantes etnias, pelo contrário, cultivam sobretudo arroz de sequeiro e desenvolvem uma produção diversificada, e as suas mulheres dedicam-se à produção e transformação de um grande número de produtos agrícolas e a actividades de comércio que desenvolvem através de uma rede local de troca directa. Após a independência, as políticas agrícolas e de preços e mercados adoptadas deram origem a uma re-orientação da etnia balanta para a produção de cajú,

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em detrimento da produção de arroz, a qual está dependente não das zonas de mangal que solicitaram aquando da sua vinda para o Sul, mas dos solos de savana e de floresta. 10 Ao contrário do sistema de produção orizícola de bolanha salgada – único capaz de criar excedentes comercializáveis –, o sistema de sequeiro é hoje deficitário em cereais. Actualmente, se a região de Cubucaré, analisada segundo uma perspectiva nacional, é considerada excedentária em arroz, a um nível de análise local verificamos que, embora ainda existam muitos produtores cujos excedentes são vendidos para fora da região, grande parte dos grupos domésticos debate-se anualmente com um período de escassez alimentar daquele cereal. Este período é, contudo, reduzido no tempo e atenuado na intensidade através de um complicado sistema inter-étnico de troca directa de produtos e de trabalho por arroz e ainda de empréstimo de alimentos, que assenta numa relativa especialização e complementaridade étnicas ao nível do sistema produtivo. As mulheres são os principais actores sociais no mercado local de troca directa, contribuindo através do arroz que adquirem desta forma para a auto- suficiência da maioria dos grupos domésticos nas etnias islamizadas10 (Temudo 1998, I). 11 Algumas trocas são diferidas no tempo – assentando em relações de confiança –, traduzindo o desfazamento entre as colheitas do arroz de sequeiro e de mangal. O amendoim é o produto mais importante da troca e é o caso mais típico, pois é entregue aos produtores balantas em Outubro, os quais só devolvem o arroz em Abril/Maio, depois da debulha. O empréstimo está envolvido numa teia de relações de solidariedade e reciprocidade, tornando-se muito difícil cobrar um bem que se emprestou a familiares e amigos, sobretudo quando se trata de pequenas quantidades (que atingem, no entanto, um montante elevado quando multiplicadas por inúmeras pessoas). 12 A base da estrutura social de todas as etnias é a morança, conceito local que significa área residencial (com uma ou várias casas, no geral, rodeadas por uma cerca), mas também grupo doméstico extenso, constituído por um ou mais agregados nucleares. Neste trabalho, por agregado nuclear deve entender-se o grupo doméstico restrito formado por um homem casado com uma ou várias esposas e respectivos filhos. Cada morança, independentemente do número de agregados nucleares que a integram, é constituída por um ou vários fogões, que são as principais unidades de organização da produção, da transformação, do consumo e da distribuição11. Os membros de uma morança participam em actividades colectivas que asseguram a reprodução económica e social do sub-grupo principal (grupos de filiação paterna e materna), dos grupos elementar (morança ou fogão) e alargado (linhagem, povoação) e em actividades individuais, que executam com vista ao alcance dos seus próprios objectivos. As moranças estão a perder a sua coesão em relação à capacidade de mobilização de mão- de-obra e de criação de rendimentos destinados a investimentos produtivos de apropriação colectiva. Consoante o seu prestígio e a sua capacidade de negociação, o chefe de morança/fogão consegue mobilizar em maior ou menor grau o trabalho e os diferentes rendimentos individuais (e de sub-grupos) para os objectivos colectivos. 13 Os chefes de morança/fogão têm vindo a adoptar estratégias tendentes a captar os jovens e a desincentivar a sua emigração sazonal ou definitiva. No caso das etnias muçulmanas, estas estratégias têm consistido maoritariammente na concessão de uma crescente autonomia económica, na extensão do período sazonal em que essa autonomia funciona e das áreas em que se exerce e ainda no pagamento do dote da primeira e por vezes mesmo da segunda esposa. A diminuição da autoridade dos mais velhos sobre os jovens manifesta-se também no desaparecimento de certas formas de

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aplicação da justiça em relação à prática do roubo, o que tem permitido o seu incremento. 14 Tradicionalmente, na etnia balanta a organização em classes de idade (madjuandades) conferia uma rigidez intrínseca na capacidade de mobilização da mão-de-obra intra- morança : um homem adulto só podia casar-se e fundar o seu fogão depois de passar por um ritual de iniciação (fanado), cuja data dependia essencialmente das condições sócio- económicas da morança a que pertencia. A guerra anti-colonial e a emigração abalaram profundamente as regras sociais e o poder dos mais velhos, e hoje muitos jovens não iniciados casam-se e possuem o seu próprio fogão. Os rituais de iniciação são hoje também menos traumáticos. Um outro aspecto prende-se com a alteração nos hábitos de consumo de álcool – outrora privilégio dos mais velhos e limitado a ocasiões especiais (Drift 1990 : 102) –, favorecida pelo incremento da cultura do cajú12. Contrariando a tradição – que interditava a dedicação a outras actividades para além da produção de arroz e da criação de gado – nos balantas é hoje aceite que alguns filhos emigrem ou se dediquem ao comércio e, como tal, os pais apoiam a sua escolarização. São frequentes comentários do tipo : « Dantes, as vacas e as bolanhas é que eram o banco dos balantas, mas agora o desenvolvimento chegou e nós já abrimos os olhos » ou « Os meninos de agora não se podem obrigar a trabalhar, porque fogem e vão para Bissau ou para a La Guiné* ». 15 Apesar das relações de solidariedade e reciprocidade atravessarem transversalmente o tecido social inter-étnico, as comunidades estudadas não são consensuais, existindo numerosos pontos de tensão13. Os principais conflitos ocorrem em relação ao maneio do gado bovino, opondo balantas às restantes etnias e no plano da gestão dos recursos naturais, opondo nalús (donos do chão) aos restantes grupos (Temudo 2005). Os balantas são a única etnia em Cubucaré que possui gado bovino e após a independência deixaram de o pastorear. Este facto dá origem a constantes litígios, pois o gado andando em pastoreio livre destrói as culturas e, segundo os costumes locais, se uma cabeça de gado for apanhada a comer uma produção, o prejudicado tem o direito de matar o animal e de ficar com metade ou a totalidade da carne, consoante a dimensão dos danos. Outro motivo recorrente de conflitos enraíza na tentativa balanta de violar as regras de gestão dos recursos naturais, o que se exerce a dois níveis. Segundo a tradição, os balantas só teriam direito a terrenos de mangal, porque exclusivamente sobre eles incidiram os pedidos dos seus antepassados, quando emigraram para Cubucaré. Porém, hoje muitos balantas desejam terrenos de floresta para o cultivo de arroz de sequeiro e de cajueiros e frequentemente ocupam-nos sem cumprirem os rituais de acesso ao fundiário. A destruição dos povoamentos de palmeira de leque, pela extracção da sua seiva para o fabrico de uma bebida alcoólica, é ainda outra fonte permanente de problemas entre balantas e nalús. A tensão entre nalús e etnias não balantas (sobretudo as mais islamizadas) no que respeita a um mais livre acesso aos recursos naturais, sobretudo à terra, poderá traduzir-se pelo seguinte testemunho de um « homem grande » (ancião) djacanca : « Essa coisa dos donos do chão é nada, porque chegar primeiro é nada. Nós damos- lhes o respeito, mas os nalús quando cá chegaram eram muito poucos e se não fossem as outras raças [etnias] eles não eram nada ! ». 16 São precisamente estas tensões inter-étnicas, não só em termos de hegemonia político- social, mas também em termos de fundiário que vão ser amplificadas pelos acontecimentos a que deu origem a guerra de 1998-99.

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A guerra não presta

17 « Guerra ka bali » (a guerra não presta) é uma expressão continuamente repetida pela população de Cubucaré, revivendo as memórias traumáticas de perda e de violência durante a guerra anti-colonial, ainda presentes fisicamente nos seus corpos e na paisagem – fragmentos de bombas napalm, obuses e granadas, trincheiras, entre outros – e que adquiriu um novo lugar no discurso quotidiano após o conflito armado de 1998-99.

18 Em Cubucaré, a população começou a « entrar no mato » a partir de 1963 e esta foi uma das primeiras regiões libertadas, sendo ainda hoje um dos baluartes da implantação do PAIGC. Os balantas foram o grupo que a nível nacional mais contribuíu com combatentes. Para Amílcar Cabral (1974b : 86), este facto estaria relacionado com a sua forma de organização sócio-política mais igualitária e descentralizada e com a sua longa resistência ao poder colonial, enquanto Cunningham (cit. in Chabal 1983 : 69, 70) – a partir dos resultados de uma pesquisa realizada nas regiões de Quínara e Tombali – refere a exploração a que os balantas eram sujeitos nas pontas e ainda que as suas estruturas sócio-políticas « were conducive to the envolvement of young men in modern political action ». O antropólogo Roy van der Drift (2000a : 153, 161-163), a partir da análise da estrutura social, apresenta uma tese original argumentando que a forte adesão de jovens balantas logo na primeira fase da guerra anti-colonial (tal como a anterior emigração desta etnia para Quínara e Tombali) teve origem na conjugação de dois factores : as tensões entre jovens e anciãos e o surgimento de novas possibilidades facultadas pelo mundo exterior. Nos testemunhos recolhidos entre balantas, a violência do trabalho forçado na construção de estradas ressalta porém como a pior lembrança do colonialismo português. Interlocutores de outras etnias apresentam uma explicação multi-facetada da forte adesão à « luta » pela etnia balanta, que pode ser sintetizada pelo seguinte testemunho de um « homem grande » nalú : « No tempo colonial os balantas é que sofreram mais com as bofetadas e a palmatória, porque não queriam vestir-se, nem lavar-se, nem fazer o trabalho forçado nas estradas. Os cipaios batiam-lhes e dormiam com as suas mulheres, mas não faziam o mesmo aos muçulmanos. Nas pontas ficavam como cativos14 e os comerciantes também os enganavam porque eles não conheciam o dinheiro ». 19 Um aspecto relevante mencionado por outro interlocutor também nalú prende-se com a obrigatoriedade de venda semanal de gado bovino e suíno destinado ao abastecimento dos talhos das povoações onde existia administração portuguesa15. Assim e citando Chabal (1983 : 194) : « There is no simple explanation of why the Balante […] were […] favourably disposed towards nationalist opposition to colonial rule […] It is clearer why the Fula opposed the nationalists in Guinea : they had done so elsewhere in West Africa ». 20 Num Estado colonial « bifurcado » (Mamdani 1996), a população da região estudada conseguiu, no entanto, exercer direitos de cidadania, através da agencialidade das chamadas autoridades tradicionais. Tal como Bayart (1999 : 43) argumenta, as sociedades africanas não foram nunca objectos passivos da sua sujeição, muito embora a aptidão para retirar proveito das consequências da ocupação estrangeira tenha sido variável. Tendo observado o impacte social, económico e em termos de autonomia política a que tinha conduzido a introdução de pontas (concessões de terra) em outras

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zonas do « chão nalú », as autoridades tradicionais contestaram o poder colonial. O actual régulo de Cadique relatou da seguinte forma a avaliação que « os grandes » nalús então fizeram e a forma como agiram : « Nem todos os ponteiros eram maus como Brandão 16, mas nas pontas a população ficava cativa. Os ponteiros pagavam a taxa [imposto] pela população, mas depois a população era obrigada a vender-lhes toda a produção. Eles também emprestavam arroz, mas depois quando colhias tu pagavas o dobro ou até mais e às vezes nunca mais conseguias pagar a dívida. O régulo Aliu Camará, meu irmão, foi pedir ao chefe de posto de Cacine – naquele tempo era Jordão – para não ter pontas aqui, que ia dar guerra, que Cubucaré ia ficar dividido. Lojas a população queria, porque era desenvolvimento, mas pontas não ! Os tugas [portugueses] aceitaram e não tivemos pontas aqui em Cubucaré ! ». 21 Após a independência, a desilusão dos balantas com o PAIGC prendeu-se com o afastamento dos seus principais quadros da luta, mas terá atingido um climax com a acusação de uma alegada tentativa de golpe que conduziu à morte de Viriato Pã e de Paulo Correia (Forrest 1992 : 59-60). Por outro lado, a política económica seguida até 1986 de fixação do preço do arroz e de obrigatoriedade de troca nos armazéns estatais afectou de maneira extrema a capacidade de reprodução social e económica balanta (Temudo 1996), muito mais do que a qualquer outra etnia. Nas primeiras eleições, realizadas em 1994, emerge um novo partido de raíz étnica – o Partido da Renovação Social (PRS) –, no qual a etnia balanta votou em bloco. O PRS e o seu presidente Kumba Yalá surgem nestas eleições como os principais opositores a Nino Vieira e ao PAIGC. O facto de ter havido suspeitas de fraude eleitoral gerou na etnia balanta uma revolta acrescida, que em Cubucaré se traduziu por uma guerra surda do poder contra os apoiantes do partido vitorioso, através de um bloqueio temporário das trocas directas de produtos agrícolas e de uma subida do preço do arroz.

22 Estas eleições vieram ainda a revelar uma nova atitude política nos cadetes não balantas com maiores conexões a Bissau, que se inscrevem nos partidos políticos de oposição (exceptuando o PRS) manifestando abertamente o seu descontentamento face à falta de investimentos sociais e em infra-estruturas a que o PAIGC votou uma das regiões que mais contribuiu para a luta armada. Esta demarcação crítica do partido que conduziu o país à independência não se faz sem tensões, por vezes fortes, entre jovens e mais velhos militantes do PAIGC. A adesão aos partidos da oposição de alguns mais velhos, que durante a luta armada estiveram do lado do poder colonial, é realizada em segredo. Assiste-se assim ao início de uma cristalização partidária em dois grandes grupos : por um lado os velhos do « PAI », que continua a constituir um aglutinador étnico de cariz nacionalista, e por outro os balantas, que aderem em massa ao PRS, muito embora os antigos « Comités »17 de aldeia continuem a afirmar-se representantes locais do PAIGC, por forma a não perderem as prerrogativas materiais inerentes ao cargo e o próprio acesso a informação política. Pelo contrário, a base eleitoral dos restantes partidos, cujo número vai sucessivamente aumentando após a liberalização política18, mostra-se de uma grande mobilidade. 23 Em Junho de 1998 eclodiu na Guiné-Bissau um conflito político-militar, que, na origem, se tratou de um levantamento militar19 na sequência do contencioso entre duas figuras políticas – o brigadeiro Ansumane Mané e o Presidente Nino Vieira –, acerca da venda de armas aos rebeldes do Casamança20. A entrada quase imediata no país, de mil e setecentos soldados do Senegal e da Guiné-Conacry provocou a adesão da grande maioria de militares e civis à causa da Junta Militar recém formada, pondo a nú um

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profundo descontentamento social com a política seguida pelo então Presidente da República – em especial dos antigos combatentes21 – e lutas intestinas no seio do próprio PAIGC. Nino Vieira ficou assim isolado politicamente e sem o apoio da quase totalidade dos militares do seu próprio país (Rudebeck 1998 : 26). A guerra assumiu um cariz marcadamente urbano, muito embora esporadicamente os confrontos se tenham alastrado a algumas áreas rurais. 24 Durante a guerra o território nalú (não só Cubucaré, mas também Quínara e Tombali) foi protegido ritualmente para evitar que o conflito o atingisse (mangido para « fechar o chão »). Mais uma vez os espíritos (irãs) foram convocados a participar numa guerra em defesa do território nalú, mas também contra um exército estrangeiro que se considerou pôr em risco a soberania nacional. As protecções rituais só foram retiradas pouco antes das eleições, o que demonstra que este mecanismo democrático ocidental foi percebido como um sinal de que a paz tinha sido finalmente instaurada. 25 Como defende Richards (2005 : 4), uma guerra tem que ser organizada e não acontece simplesmente porque existem as condições « certas ». Segundo alguns dos nossos interlocutores, cerca de dois meses antes do início do conflito, Ansumane Mané chamou muitos dos antigos combatentes desmobilizados que lhe eram mais próximos, preparando-os para um possível levantamento caso Nino Vieira o tentasse prender ou matar e avisando-os de que se deviam apresentar quando recebessem uma carta sua. A mobilização dos antigos combatentes para um levantamento militar foi feita com base no esquecimento a que Nino os tinha relegado. Um antigo combatente da tabanca de C. – onde Ansumane foi acolhido na altura em que, depois de tentar encontrar um tio que tinha vindo da Gâmbia para a Guiné, descobre que este tinha sido morto pelas tropas portuguesas e por essa razão pede aos « grandes » para entrar na luta de libertação – descreve assim a forma como tentou aconselhar Ansumane : « Ansumane não queria aceitar a demissão de Chefe das Forças Armadas e dizia que Nino o queria prender e por isso chamava todos os antigos combatentes para lutar contra Nino. Eu disse-lhe para desistir, porque ele tinha sido sempre sua escolta desde o tempo da luta, que já tinha sido chefe das Forças Armadas e agora devia dar lugar a outro. Disse-lhe que ele não tinha nascido na Guiné, embora no bilhete [B.I.] estivesse que tinha nascido em Cadique e que muita gente não gostava que Nino lhe tivesse dado couro [posto alto] ». 26 Relatos semelhantes foram feitos por outros antigos combatentes não balantas, que da mesma forma foram chamados por Ansumane. Pelo contrário, a adesão dos antigos combatentes balantas ao chamamento para se apresentarem nos quartéis quando a guerra começou foi muito grande. A percepção local é de que nesta guerra participaram essencialmente voluntários balantas e felupes, muito embora se tenha também observado a adesão (sem consentimento dos familiares) de alguns jovens de outras etnias. Ao contrário da etnia balanta, a restante população manteve-se no geral numa atitude de « não alinhamento », acusando Ansumane de ter iniciado uma guerra e criticando Nino por pôr em causa a soberania nacional ao chamar tropas estrangeiras.

27 De salientar que localmente é feita uma distinção entre a guerra anti-colonial, designada sempre « luta » e « esta guerra de agora », como se através da designação se atribuisse uma legitimidade diferente. Um comentário ilustrativo realizado por um « homem grande » djacanca : « Esta foi uma guerra entre duas pessoas, foi uma guerra de militares, não foi uma guerra da população ». Com efeito, se a mensagem de Amílcar Cabral foi votada ao esquecimento pela então vanguarda que hoje constitui grande parte da elite política do país, ela permanece intacta na mente de muitos elementos da

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população rural. Não se trata de uma repetição mecânica de um discurso ideológico, mas da memória de uma ética e de uma visão política que os marcou para o resto das suas vidas22. Nas palavras de um antigo combatente nalú : « Agora todos querem gratificação de antigo combatente, mas Cabral dizia que a gratificação não era o dinheiro, mas o melhor futuro dos filhos. A guerra de libertação foi uma guerra pela indepêndencia […], mas agora temos vergonha dos brancos, porque estas guerras de agora em África são guerras de ódio de etnias contra etnias. Cabral dizia : « não é o gatilho que nos vai trazer a independência, é o tribunal ! Por isso, ponham os vossos filhos na escola ! » Ai Cabral, nós perdemos um Homem ! ». 28 Um outro « homem grande » nalú comentou ainda durante esta conversa : « Cabral um dia perguntou-nos : "O que é que vamos fazer quando a guerra acabar aos que estão do lado dos tugas [portugueses] ?" E nós todos dissemos : Vamos matá-los ! Então Cabral perguntou-nos : "Qual de vocês não tem parentes do lado dos tugas ?" Nós calámo-nos completamente ! Nós envergonhámo-nos muito ! »23. 29 Na opinião dos restantes antigos combatentes, os balantas são considerados « ingratos », porque « foi Cabral que os tirou do escuro [atraso, ignorância] » e esta mesma memória parece não existir.

30 Durante a guerra de 1998-99, a elite urbana refugiou-se no estrangeiro, mas a maioria da população dirigiu-se para as zonas mais afastadas da capital. Em Cubucaré a maior parte das moranças/fogões inquiridos (70 %) recebeu deslocados, muitos dos quais eram simples vizinhos dos seus familiares, que habitavam em Bissau e que correram para o campo. A economia das moranças/fogões é assim extremamente afectada, tendo ainda em conta os dois anos anteriores de más colheitas e a ineficiência da ajuda externa (Temudo & Schiefer 2003). 31 No final da guerra e das eleições que levariam ao poder o Partido da Renovação Social (PRS) de caríz étnico (balanta)24, todas as etnias mostravam apreensão sobre o facto de a Junta Militar ter prometido grandes aumentos de salários aos militares e de durante e após a guerra o contingente militar ter aumentado substancialmente, tendo em conta que o país não tinha capacidade económica para assumir esses encargos – sobretudo numa situação de reconstrução nacional – e que o incumprimento da promessa poderia gerar revolta25. A apreensão e mesmo a noção de « perigo » estendia-se ainda ao facto de a Junta ter aceite a incorporação de alguns rapazes demasiado jovens e sem maturidade (sentidu ka kumpleta), que sairam de casa fugindo às obrigações domésticas, desconhecendo que o exército tem uma disciplina mais rígida e uma alimentação muito pior (kuntão limpu puss) e que agora poderiam causar grandes problemas. Outros pontos de apreensão enraizavam no facto de os balantas – agora ocupando os mais altos cargos ao nível do aparelho político-militar – serem considerados muito violentos. Referindo- se aos acontecimentos que deram origem ao Congresso de Cassacá em 1963 (Chabal 1983 : 72, 73, 78, 79) era frequente ouvir comentários do tipo : « Eles [os balantas] são ruins uns para os outros. Se tu vês que eles têm má reinança [governação] é isso. No tempo da luta fizeram muito dano, mataram muitos que eram bons e quando o partido deu conta já era tarde ! » ; « Aqueles nossos parentes [balantas] começaram a matar régulos e chefes de tabanca [aldeia], mas não era nada, era só inveja, porque tinham mais vacas ou mais família ou porque prendiam os que roubavam. Tinham raparigas nas barracas e depois apontavam nomes. Nino estava contra e levou isso a Cabral e por isso se fez o Congresso de Cassacá ».

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32 Contrapondo-os aos fulas, que no início da « luta » se foram oferecer como voluntários para o exército português (integrando os chamados Comandos Africanos) e que cometeram as maiores atrocidades em aldeias vizinhas de outras etnias, utilizam este caso para afirmar que os balantas foram o único grupo que se virou contra a sua própria etnia durante a luta e que agora se « vão matar uns aos outros [nas lutas pelo poder na cidade] ». A afirmação de Nino Vieira – « Se eu sair [do poder] vocês vão-se comer uns aos outros » –, proferida numa época em que não suspeitava que isso iria acontecer, é muitas vezes lembrada após os sucessivos assassinatos. Outros comentários realizados por interlocutores de diferentes etnias e estratos etários referiam-se explicitamente ao grau de corrupção esperado, considerando que os balantas praticam o roubo ritual e ainda à sua falta de experiência de governação, mas também ao comportamento e discursos desconexos de Kumba Yalá : « Nino podia não ser doutor, mas este [Kumba] não tem água na cabeça [bom senso] e a sua conversa varia » « Agora a etnia que tem a regulandade [poder, chefia] é uma etnia de furtadores [ladrões] de verdade » « A Junta tirou um santcho [Nino], para pôr um con [Kumba Yalá] ! »26. 33 De notar a opinião de interlocutores da população fula, etnia de estrutura política centralizada : « Os balantas são cativos e uma etnia de cativos não pode ter a regulandade ». Afirmam ainda que os balantas nunca tiveram régulos e que portanto não possuem conhecimentos e experiência para governar um país.

34 A nível de Cubucaré, os principais conflitos surgidos na sequência da guerra exercem-se no plano da gestão dos recursos naturais, que pressupõe o respeito pela estrutura política local, opondo balantas a nalús (sendo afirmado que « o chão não tem dono » e que « os régulos era coisa do PAI e agora o PRS acabou com eles27 ») e no plano do maneio do gado bovino, opondo balantas às restantes etnias. Por imposição dos mais velhos, os mecanismos costumeiros de compensação dos estragos provocados pelos bovinos foram desactivados – tendo decidido « sufri » (sofrer, resignar-se) e « entregar os balantas a Deus » –, sendo referido que os balantas interpretavam essa atitude como um sinal de medo, passando mesmo alguns a instigar os seus animais para os campos dos outros produtores. Os balantas tentam também recusar-se a realizar as trocas directas e alterar em seu favor as relações de troca entre produtos estabelecidas, bem como a trabalhar para as outras etnias28. A palavra « greve » passou a fazer parte do vocabulário local para expressar esta nova atitude balanta. Por outro lado, mercê das más colheitas que sucederam à guerra, as dívidas em amendoim contraídas nesse período não foram e nem irão ser pagas – « as dívidas não envelhecem », é dito por aqueles que emprestaram –, mas os devedores balantas não poderão voltar a ter a confiança e portanto a pedir empréstimos aos mesmos produtores das outras etnias. 35 Após a vitória nas eleições, o PRS começa a organizar-se fortemente no campo. Em cada aldeia são eleitos os « Comités de Tabanca » entre os membros mais antigos e activos do partido, alguns dos quais mulheres. De notar que em muitos casos observados as pessoas nomeadas são parentes próximos (sobrinhos ou irmãos) do anterior representante balanta do PAIGC, numa lógica que reproduz a da hegemonia associada à antiguidade no povoamento. Nas aldeias mais « modernizantes », os representantes do partido são eleitos entre os jovens mais escolarizados e com maior capacidade de mobilização, grandes trabalhadores agrícolas com fogões bem organizados, que podem portanto constituir um motor de desenvolvimento social. Repare-se que os balantas

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foram desde o tempo colonial considerados uma das etnias mais « atrasadas » e daí a grande importância que assume hoje o facto de terem alcançado os postos mais altos da hierarquia do Estado. Observa-se actualmente um orgulho em ser balanta, cuja maior manifestação se traduz num esforço de « modernização ». Começam a aparecer escolas privadas em aldeias balantas, fala-se de conversões às religiões católica e muçulmana (segundo alguns interlocutores, a conversão foi mesmo sugerida por Kumba Yálá) e as tradicionais interdições de dedicação ao comércio e de venda de gado bovino para investimento noutras actividades entram em processo acelerado de extinção. Foi mencionada a permissão de matar bovinos com o objectivo de criar um negócio, pôr os filhos a estudar na cidade ou até de cobrir as casas com folhas de zinco. Nota-se, porém, uma mudança no sentido de um maior individualismo e de uma maior monetarização das relações sociais. 36 Muito embora a coesão entre os balantas seja reconhecida localmente como grande e superior à das restantes etnias – com comentários do tipo : « os balantas, quando tocam o bombolon [tambor], têm uma única fala, mas nós os muçulmanos estamos divididos » –, alguns dentre eles quando não concordam com decisões tomadas pelo seu grupo vêm contar àqueles com quem construíram relações de amizade, confiança e respeito ao longo de muitas décadas. Da mesma forma, nos períodos em que foi « decretada » uma interrupção das trocas directas de arroz, observou-se que alguns balantas continuavam a fazê-lo de noite às escondidas. 37 Progressivamente, muitos jovens de outras etnias oferecem-se aos delegados do PRS para ficar como representantes do partido nas suas povoações, passando a afirmar-se em público como militantes29. Quando inquiridos em privado, justificam esta atitude com o seguinte argumento : « votar é uma coisa, outra é ser o representante do Estado na tabanca e nós precisamos de ter um, senão vamos ter um blufu [não iniciado] balanta a mandar em nós ». A transição da fase de partido único para o multi-partidarismo não destrói a sobreposição existente entre estrutura partidária e administrativa estatal. Os representantes do partido no poder, eleitos a nível de aldeia, são considerados os representantes locais do Estado, sendo inclusivamente conservada a designação de « Comité de Tabanca », criada durante a luta armada. Este facto conduz ao desenvolvimento de estratégias nos aderentes de outros partidos, que tentam encontrar um meio de não perder a sua ligação ao Estado e aos seus recursos, o que se tornou de extrema importância numa situação em que ocorreu uma etnicização do partido que ganhou o poder. A nova conjuntura política criada após a guerra introduz dois fenómenos : a « balantização do aparelho de Estado »30 e uma imiscuição crescente do poder militar no político. 38 Os conflitos de poder entre Kumba Yalá e Ansumane Mané, que se manteve como figura incontornável na qualidade de comandante da Junta Militar, foram progredindo em crescendo31 e vão culminar com a morte do segundo em Novembro de 2000, por alegada tentativa de golpe militar (um mecanismo igualmente usado no tempo de Nino Vieira para afastar possíveis opositores). 39 A morte violenta32 sofrida por Ansumane Mané causou a nível local mais consternação e medo do que espírito de vingança. No entanto, parecia que se tinha tratado de uma morte anunciada, dado que Ansumane tinha chamado a Bissau um marabout seu amigo desde a luta e tinha-lhe confidenciado que o iam matar, mas que ele não queria mais guerra, que « ia entregar a sua vida como esmola [no sentido muçulmano] ». Esta mesma mensagem foi relatada por militares e familiares de militares que lhe eram fiéis,

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a quem Ansumane pediu que, se fosse morto, não pegassem em armas para o vingar, porque não queria outra guerra na Guiné-Bissau. 40 A « Paz negativa » (ausência de conflito) após o assassinato de Ansumane Mané e seus guarda-costas (um dos quais filho classificatório do régulo de C.) e a prisão dos mais altos cargos militares de etnia não balanta podem traduzir-se numa expressão crioula – « Nô sinta, nô cala, nô péra son ! » (nós sentamo-nos, nós calamo-nos, nós só esperamos) –, que segundo a entoação dada pode expressar uma atitude passiva de observação ou uma ameaça velada. Neste caso, a expressão representava a atitude de esperança dos mais velhos numa alteração das relações de poder com as próximas eleições : « uma camisa, por mais nova que seja, [um dia] vai-se romper ! Ou não é assim ? Ninguém pensava que Nino iria ser tirado, mas foi ! O PRS também pode ser tirado nas eleições ! ». Um outro aspecto desta atitude em relação à morte de Ansumane Mané tem a ver com a dimensão espiritual da aplicação da justiça, expressa na afirmação : « Nós entregamos os balantas a Deus ». Na fase anterior à islamização ou ainda hoje em situações graves em que os tribunais costumeiros não conseguem chegar a uma conclusão (sobretudo nos casos de roubos em que há dúvidas sobre o autor), a aplicação da justiça era solicitada aos espíritos « donos do chão » ou « donos dos matos » e nos casos extremos (mangiduras) acredita-se que pode dizimar linhagens inteiras. 41 Pelo contrário, os jovens de etnia nalú menos islamizados, aliando-se às mulheres (guardiãs da prática religiosa desta etnia, pela sua menor islamização), tentam exigir um regresso às cerimónias tradicionais – i.e., ao poder e instrumentos de dominação do mundo invisível –, contestando a « falta de respeito » dos balantas, que se manifestava no incumprimento das regras tradicionais de acesso ao fundiário e de gestão dos recursos naturais, mas sobretudo no aumento dos roubos e na impossibilidade de exercer as sanções costumeiras33 em relação aos danos nas culturas causados pela divagação do gado bovino balanta, que estava a causar graves problemas de segurança alimentar em algumas tabancas. Os mais velhos contestam esta exigência respondendo : « Fomos nós que fomos à baloba [altares dos espíritos donos do chão] pedir hóspedes e agora não os podemos cercar [correr com eles]. O desenvolvimento é assim : tem sempre coisas boas e más ! ». 42 As mulheres, muito embora no geral sejam consideradas actores passivos devido à fraca politização, participaram na arena política local a dois níveis de grande importância : através das trocas directas em que de forma ambulante colocam (culcam) os seus produtos estabelecendo uma rede de relações de solidariedade, reciprocidade e confiança34; no caso específico das mulheres nalús, através da sua maior ligação às práticas religiosas tradicionais (facto reconhecido por todas as restantes etnias). No quadro de conversas informais, em que a relação com a/o entrevistada/o era de grande confiança35, foi referido que após a morte de Ansumane Mané, numa altura em que o discurso da « força balanta » tinha atingido um clímax, que se repercutia a nível das relações locais, foi realizada uma cerimónia para « o mal se virar contra quem o desejou [a outros] » e para que em caso de nova guerra ou conflito local os nalús pudessem de novo « virar onça ou cobra ou leão ou […] todas aquelas limárias [alimárias] com que dantes os nalús brabos [bravios] lutavam »36. Porém, a ausência de uma atitude de força por parte dos « donos do chão » em relação àquilo que é considerado « falta de respeito » dos balanta, nomeadamente os conflitos em torno dos estragos provocados pelo gado bovino, é utilizada estrategicamente pelas outras etnias para minimizarem o seu poder e em consequência melhorarem em seu favor a relação de forças local.

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43 Segundo os nossos interlocutores não balantas, ao longo dos anos, estes vão ficando « envergonhados » com o comportamento do seu partido, nomeadamente com as constantes mudanças de ministros que impedem a execução de qualquer plano, mas também com o facto do Sul continuar no esquecimento e não ser alvo dos investimentos prometidos. A demissão do Primeiro Ministro Alamara e o posterior afastamento do Presidente da República Kumba Yalá faz com que muitos balantas afirmem que perderam a confiança no partido. O descontentamento reside também no facto de os balantas do Norte e da cidade continuarem a afirmar que os do Sul não são espertos (djiros), tentando marginalizá-los. Um último aspecto interessante prende-se com a interrupção de uma prática política de fortalecimento das relações interpessoais clientelares – usual no tempo de Nino, que recebia no « palácio » todos os antigos combatentes e membros da população com quem tinha convivido no tempo da luta –, tendo sido referidos casos em que ministros ou secretários de Estado não concederam audiência a agricultores balantas seus conhecidos, que pretendiam apresentar os « problemas do Sul ». 44 Quando Kumba Yálá é afastado do poder e colocado em prisão domiciliária por uma facção de dentro do seu próprio partido (Setembro de 2003), os balantas de Cubucaré defendem que ele não era corrupto – dado que quando vinha do estrangeiro mostrava na televisão o dinheiro que os governos dos países lhe tinham oferecido e o distribuía pelos ministros – e afirmam ter perdido a confiança no partido. De igual forma, para os velhos do « PAI », Nino Vieira desconhecia que os seus colaboradores e ministros eram corruptos e os bens que possui fora do país foram fruto de ofertas que os governos estrangeiros lhe fizeram durante visitas oficiais. O anterior afastamento, por alegada corrupção, do Primeiro Ministro Alamara – um balanta do Sul que iniciou os seus estudos na escola do mato de Cadique durante a luta armada e que tem a estima de todas as etnias –, a que se seguiu o afastamento de todos os balantas do Sul da sua confiança, como foi o caso do Presidente da Região de Tombali – é entendido de igual forma como um golpe dos « balantas do Norte » e dos « balantas da praça [Bissau] » para afastar os do Sul do poder. Interessante notar que a percepção sobre a intensidade da corrupção tem uma dimensão temporal associada à permanência no poder, sendo dito por não balantas que a elite do « PAI » já tinha a barriga cheia e portanto a sua greed seria menor do que a da elite dos outros partidos que estão ávidos (ôcos), atribuindo-se a uma mudança de partido no governo um correspondente aumento da corrupção. 45 Um outro factor importante no atenuar de tensões inter-étnicas relaciona-se com os mecanismos de empréstimo e de troca directa diferida no tempo a que os balantas foram de novo obrigados a recorrer na sequência de vários anos de más colheitas. Em paralelo, o cumprimento das regras costumeiras de compensação dos estragos provocados pelo gado bovino foi de novo imposto pelo Presidente da Região de Tombali atrás referido. Porém, quando a data das eleições se começou a aproximar era comum ouvir jovens balantas comentarem a amigos muçulmanos : « Meu irmão, nós ganhámos a regulandade [chefia] com a guerra, se a perdermos, é com as armas que a vamos voltar a tomar ». O medo das restantes etnias justificava-se tendo em conta que, se depois da independência, os antigos combatentes que saíram do exército foram obrigados a entregar as armas – mesmo quando as solicitavam para poder proteger as culturas contra as grandes pragas (javalis e babuínos) –, aquelas que foram distribuídas no meio rural durante o conflito de 1998-99 por antigos combatentes balantas não voltaram a

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ser devolvidas aos quartéis. Se, por um lado, parecia possível que aquilo que tinha começado como uma guerra urbana entre militares se pudesse vir a reproduzir agora através de múltiplos conflitos inter-étnicos no campo protagonizados pelos jovens, por outro, entre alguns « homens grandes » balantas o discurso podia ser bem diferente. Dois exemplos : « Se voltar a haver guerra eu já não vou pegar em armas outra vez, porque não vou defender ricos. Sabes, agora não se diz "Comité Militar", mas "Cumê té na Militar" [comer até ao nível dos militares] »37; « Porque é que os grandes [mais velhos] na praça [Bissau] de todos os partidos não se juntam e fazem um governo para compôr o chão ? ». 46 Este último comentário revela a cultura política local (decisão colegial em conselho de anciãos)38 e a ideia de que é possível (e desejável) a sua transposição para o governo do próprio país.

47 Um ano antes das eleições, a prática de uma ONG que entra na campanha por um novo partido – o Partido Unido Social Democrata (PUSD) – de forte implantação urbana, vem alterar as relações entre balantas (partidários do PRS) e membros das restantes etnias (considerados globalmente partidários do PAIGC pelos balantas), visto que agora o adversário é este novo partido que beneficia dos recursos da ONG (incluindo uma rádio comunitária que continua a ser manipulada pela ONG e se dedica exclusivamente à campanha eleitoral) e da clientela desta – os « courtiers du développement » (Sardan & Biershenk 1993), localmente designados djidios (griots em francês). As ofertas que são feitas aos régulos pela ONG39 e o facto de eles terem aceite é interpretado, até por membros da sua propria etnia, como atitude geradora de « falta de respeito », porque « os régulos representam todos e as pessoas vão falar ». São feitas também acusações de que os alimentos do Programa Alimentar Mundial (PAM), destinados a acções de desenvolvimento, estão a ser utilizados na campanha eleitoral. A agressividade com que a campanha é conduzida, centrando-se segundo os nossos interlocutores mais em ataques aos dois partidos maioritários (PRS e PAIGC) do que na apresentação de um programa político e proclamando o « bridging capital » que a osmose ONG-Estado poderia criar40, gerou uma revolta acrescida. 48 Esta nova campanha eleitoral vai ainda revelar que o multi-partidarismo é visto pelos jovens não balantas como um sistema de recursos e oportunidades desligado de qualquer ideologia ou vinculação étnica – « política é comércio » – e correspondendo a uma imposição do ocidente : « Os brancos é que têm a culpa, porque trouxeram a democracia para aqui, mas nós só nos damos bem com um partido ! » Pelo contrário, os mais velhos, embora comprometidos com o PAIGC – « o primeiro filho, mesmo que erre, nunca o negamos » –, passam a aceitar as « estratégias de extraversão » (Bayart 1999) dos jovens, da mesma forma que em outros tempos colocavam um filho na escola « de branco » (oficial) e outro na de marabout (corânica). É assim que numa mesma família podemos encontrar os homens adultos divididos entre os três partidos mais importantes (PAIGC, PRS e PUSD), o que é defendido com argumentos do tipo : « Se vier caneta ou camisola ou rádio ou bicicleta ou... nós recebemos ! Mas o voto é secreto ! Nas urnas cada um sabe em quem é que confia ! ». Uma atitude inovadora prende-se com a vontade de intervir directamente para mudar o destino, afirmando alguns jovens escolarizados que irão candidatar-se a deputados nas próximas eleições. Quando inquiridos sobre por qual partido concorrerão, respondem prontamente : « aquele que eu vir que vai ganhar ! ». Trata-se no fundo da aplicação da estratégia de minimização de riscos e multiplicação de oportunidades excepcionalmente desenvolvida no plano

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agrícola (Temudo 1998, I), aquele que põe em risco a segurança alimentar e portanto a sobrevivência física do grupo. 49 Os actores sociais no campo mostram assim uma grande agencialidade, quer face às estratégias de manipulação política pelas elites urbanas nacionais, quer face ao projecto hegemónico do Norte de imposição de uma democracia multi-partidária e de um modelo único de desenvolvimento (Temudo 2005). 50 Desde 1994, tornando-se mais visível após a guerra, a oposição a nível local não é feita entre « donos do chão » e restantes etnias, mas entre balantas e os outros grupos. Pelo contrário, a nível nacional, os balantas são considerados como não sendo uma única etnia, mas três, como atrás referido : « balantas da praça [Bissau] », « balantas do Norte » e « balantas do Sul ». O que se torna interessante nesta classificação geográfica, que atravessa transversalmente as próprias sub-divisões tradicionalmente aceites da etnia balanta – baseadas na língua e em aspectos culturais e até agrícolas (Handem 1986 : 10-18) –, é que ela expressa a percepção, por dentro, de diferentes níveis de desenvolvimento (escolarização, domínio da língua crioula) e de acesso ao poder do Estado. Os balantas do Sul são os que mais contribuíram para a luta de libertação nacional e que mais contribuem também para a produção nacional de arroz (a base da alimentação), mas são contudo considerados os menos desenvolvidos e até alvo de troça pela sua vaidade (ronco) no vestuário. Porém, são exactamente os balantas do Sul, em paralelo com os da capital, os que nas suas palavras « menos aguentam a tradição » (aspectos mais duros dos rituais de iniciação). 51 Os argumentos de autoctonia são utilizados dentro de um mesmo « grupo » de solidariedade : pelos próprios muçulmanos contra as pretensões de Ansumane Mané (caso da guerra e da oposição posterior a Kumba Yálá) ; em relação a candidatos a deputados, num caso, pelos muçulmanos contra um técnico de uma ONG não nascido em Cubucaré (PUSD), noutro, pelos balantas contra um professor nascido em Quínara (PRS). Porém, a nível da sociedade central e da sua elite política, se, como dissemos de início, a oposição entre « autóctones » e « alóctones » não constituíu a nosso ver uma causa da guerra, a luta pelo poder quando a paz se instala vai explorar este argumento (SILVA 2000 : 116).

52 Citando Patrick Chabal (1983 : 194), « It is not ethnic diversity per se which causes divisions at the political level but the political use of ethnic allegiance […] Ethnicity is not a natural phenomenon which under similar circumstances leads to similar outcomes ».

Segurança alimentar, guerra e reconstrução : a conexão escondida

53 As guerras envolvem dinâmicas sociais que encobrem múltiplas interfaces de poder, de conflito, mas também de negociação e de consenso. Face a explicações reducionistas (e.g. Kaplan 1994 ; Collier & Hoeffler, 1998), a complexidade dos processos sociais torna- se evidente com esta « etnografia da guerra e da paz » (Richards 2005). A guerra da Guiné-Bissau durou quase um ano e foi no essencial uma guerra urbana entre militares, na qual a população rural assegurou a recepção dos deslocados, o que a torna única no contexto actual dos conflitos existentes no continente e na sub-região. Tratou-se de uma guerra em que os factores políticos (nomeadamente o descontentamento dos

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antigos combatentes, o conflito do Casamança e lutas internas no PAIGC) tiveram um papel preponderante e em que a intervenção de outros Estados foi vital.

54 Ao longo do trabalho demonstrou-se que, muito embora coexistam numerosos conflitos inter-étnicos, intra-étnicos e inter-geracionais – que as elites urbanas tentam manipular em seu favor –, o tecido social local manifesta uma considerável coesão e resiliência. Através da agricultura é estabelecida uma teia de relações de reciprocidade e inter-dependência que unifica os diferentes grupos étnicos. A flexibilidade dos sistemas de sustento (do inglês livelihood systems) das sociedades em estudo confere-lhes a possibilidade de recriar modelos autárcicos em que a segurança alimentar é garantida em caso de guerra, gerando bolsas de estabilidade a nível rural – aquilo a que Kaldor (1999) chama « islands of civility ». A segurança alimentar e a cultura de solidariedade e reciprocidade configuram-se como vitais na manutenção da estabilidade política local e como um travão a qualquer tipo de mobilização político-partidária de cariz étnico pelas elites urbanas. Pelo contrário, uma crise agrícola prolongada transforma-se numa causa de erosão do capital social e num catalizador de conflitos. 55 Este estudo de caso conduz-nos assim a discordar das conclusões apontadas por Silva (2000 : 121), que defende que o povo guineense está em « crise d’identité » e por isso se refugia « dans des constructions de type ethniciste que les élites lui ont inculquées ». A forma como a população aderiu (activa ou passivamente) à Junta Militar na guerra de 1998-99 demonstra que existe uma identidade nacional, que não aceitaria qualquer tipo de integração pelos Estados vizinhos. Por outro lado, se a manipulação étnica pelas elites foi possível no caso dos balantas devido a raízes históricas, a nível local a capacidade de negociação dos conflitos inter-étnicos manifestou grande resiliência. 56 O legado de Amílcar Cabral em termos dos valores humanistas que defendeu e da unidade nacional que criou ao longo da guerra anti-colonial continua vivo na memória dos mais velhos e representa ainda um factor de estabilidade social. Não devemos contudo sacralizar um homem cuja vida foi subitamente truncada sem ter podido realizar o sonho por que tanto lutou. Cabral era um agrónomo e um político nacionalista do seu tempo e de origem urbana. Como agrónomo, numa época em que não se valorizavam os saberes locais, nem se tinham em conta preocupações de ordem ecológica, defendia a « modernização » da agricultura dita de « subsistência » através da mecanização, da utilização de agro-químicos e também da produção colectiva. Como político apoiou-se, durante a fase de mobilização da população rural, nas autoridades tradicionais e não combateu de forma frontal aspectos da cultura que considerava retrógrados, aliando-se mesmo aos espíritos (irãs) em que não acreditava na luta contra contra o colonizador. Mas será que se tivesse sobrevivido teria sido capaz de conduzir a elite política do seu partido a cometer o « suicídio » enquanto classe (Cabral 1978 : 212-213) e simultaneamente compreenderia a tempo o poder desestruturante das políticas estatais de socialização do campo, que geraram crises sociais profundas em países como Angola, Moçambique ou mesmo a vizinha Guiné-Conakry ? 57 A guerra de 1998-99 veio revelar de forma mais aguda o descontentamento da etnia balanta – traduzido já nos resultados eleitorais de 1994 – e mobilizá-lo em torno de um partido de raíz étnica, através do qual esta etnia se vai apropriar do aparelho de Estado, até então nas mãos do partido que conduziu o país à independência. A esfera militar vai também etnicizar-se e a fidelidade política deste corpo transitará do PAIGC para o PRS. No campo, as relações inter-étnicas são visivelmente afectadas, mas ao longo dos anos de « governação balanta » as tensões vão progressivamente atenuar-se e dar origem a

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um novo equilíbrio na relação de forças entre os diferentes grupos estratégicos da arena política local. Para a população rural, feitas as contas, a elite política de todos os partidos quando atinge o poder « só pensa em compôr a sua família » e, se os governos do PAIGC foram acusados de corrupção e Nino Vieira de ter sujado as mãos com sangue ao eliminar opositores, agora foi a vez do PRS e de Kumba Yalá. Os grandes esquecidos são sempre os pequenos agricultores das zonas rurais mais periféricas. Assim sendo, a sua margem de manobra consiste em manter as formas de organização social que lhes são próprias e os seus sistemas de sustento – adaptando-os como um camaleão às mudanças de contexto – e desenvolver estratégias que lhes permitam tirar o máximo partido das disputas entre os diferentes actores externos, sejam eles os partidos políticos, as ONGs, o Estado ou mesmo os representantes dos doadores nas suas erráticas visitas ao campo. 58 O resultado das eleições legislativas de 2004 devolveu o poder ao PAIGC. Porém, a ingerência dos militares na vida pública e o domínio balanta neste sector do Estado persistem e constituem uma ameaça tendo em vista as próximas eleições presidenciais. A guerra poderá surgir de novo e, nesse caso, temos esperança que se reproduza uma outra vez como uma guerra urbana entre militares. Porém a segurança alimentar no campo foi fortemente abalada pela recepção de refugiados, pela quase ausência de ajuda alimentar e por uma sucessão de maus anos agrícolas motivados pela irregularidade das chuvas e por graves ataques de pragas cujo combate não recebeu ajuda eficaz de qualquer organização externa. Fica assim comprometido um novo apoio a deslocados de guerra, mas sobretudo a própria entre-ajuda local baseada em relações de confiança, que foram fragilizadas não só pelas tensões político-partidárias e pela tentativa (escondida) de manipulação de rivalidades étnicas por parte dos principais líderes do PRS e cúpulas militares, mas também pelas dívidas crescentes dos balantas em relação às outras etnias e pelos conflitos em torno do gado bovino e da gestão dos recursos naturais. Os tão em moda programas de desmobilização, reinserção e reintegração de combatentes – altamente financiados pela ajuda internacional – são teoricamente uma peça central para a consolidação da paz, mas a eficácia da sua aplicação tem sido fraca (e.g. Richards 2004 ; Hanlon 200441). A (re) construção de infra- estruturas (nomeadamente estradas, mas também postos de saúde e escolas) através de programas de « alimentos ou ferramentas por trabalho », o fornecimento de medicamentos para as doenças endémicas e um apoio no combate às pragas das culturas e na reposição dos stocks das variedades de arroz mais cultivadas surgem como medidas tão ou mais eficientes e são estas as reinvindicações da população de Cubucaré que o Estado, as ONGs e os doadores se recusam insistentemente a ouvir. 59 A declaração de esperança que este trabalho tenta transmitir, a partir de uma análise da sociedade rural e de uma guerra que se manteve praticamente urbana, está no entanto ensombrada pela crescente instabilidade política, resultante das eleições presidenciais em curso. Na primeira volta da eleições, com as candidaturas de Kumba Yalá e Nino Vieira, as elites políticas e as próprias bases de apoio dos dois principais partidos (PRS e PAIGC) vão fragmentar-se. Se Kumba Yalá emergiu de novo como o candidato oficial do PRS, o vice presidente deste partido (Yaia Djaló) candidatou-se como independente. No PAIGC as fidelidades vão também dividir-se entre o candidato oficial Malan Bacai Sanhá e Nino Vieira. 60 Se razões históricas, a recente descoberta de reservas petrolíferas em regiões contíguas da Guiné-Bissau e Guiné-Conakry (para além das existentes na fronteira com o Senegal)

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e a própria instabilidade política do regime de Lansana Contê podem explicar o apoio deste a Nino Vieira (que chega ao país para se candidatar às eleições em helicóptero militar do país vizinho), a questão do Casamança é determinante no posicionamento do Presidente do Senegal. Se Abdou Diouf outrora apoiou Nino Vieira a entrar na União Monetária da África Ocidental e lhe facultou também apoio militar na guerra de 1998-99, o actual presidente Abdoulaye Wade parece agora colocar-se do lado de Kumba Yalá que durante o seu mandato o ajudou a controlar os rebeldes do Casamança expulsando-os do país. 61 Os recursos económicos extremamente elevados de que Nino Vieira dispõe para a sua campanha eleitoral (e as alegadas pressões de alguns países doadores para que a sua candidatura fosse aceite pelo Supremo Tribunal da Justiça), bem como o referido papel dos presidentes dos dois países vizinhos torna explicito aquilo a que Ferguson (2004 : 392) chama « transnational apparatuses of governmentality » 42, que « does not replace the older system of nation-states […], but overlays it and coexists with it ». 62 Os resultados da primeira volta das eleições (19 de Junho de 2005) mostram um eleitorado essencialmente dividido entre três candidatos : Malan Bacai Sanhá (35,45 %), Nino Vieira (28,87 %) e Kumba Yalá (25 %), que fica eliminado da segunda volta apesar do apoio do eleitorado balanta43. A maioria do eleitorado parece assim apostar na estabilidade, duma forma que reflecte duas perspectivas em confronto : a propiciada pela aliança entre Malan e o governo democraticamente eleito e a facultada por uma memória da governação de Nino e pela crença na sua capacidade de controlar a ingerência dos militares na vida pública, apesar da sua vitória implicar a queda do governo e portanto uma acrescida instabilidade política no imediato. Muito embora Kumba Yalá não aceite inicialmente os resultados eleitorais da primeira volta e o seu partido tenha mesmo organizado uma manifestação violenta em que morreram três jovens, ele passa subitamente a apoiar Nino na segunda volta – a ter lugar a 24 de Julho de 2005 – após conversações com o Presidente do Senegal. Assim, o resultado das eleições irá em muito depender da capacidade de Kumba Yalá mobilizar o eleitorado balanta em torno de um líder que eles próprios ajudaram a criar e que depois os abandonou*. São também os balantas o único grupo que, por razões já demonstradas, parece ser capaz de se organizar rapidamente para uma guerra. 63 Em conclusão, as eleições presidenciais e a forma como os seus resultados irão ser manipulados pelas elites políticas e militares e percebidos pela população rural poderão desencadear uma nova guerra de contornos mais complexos, tendo em conta a introdução de variáveis macro-económicas, a avidez da elite política cada vez mais dividida e tentando instrumentalizar a etnicidade, a erosão do tecido social rural após a guerra de 1998-99 e a intervenção de outros Estados. 64 9 de Julho de 2005

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NOTAS

*. A investigação empírica foi desenvolvida na península de Cubucaré (região de Tombali) de 1993 a 1996 (22 meses) e em 1999, 2000, 2001, 2002, 2003 e 2004, em diferentes períodos de curta duração (total de 11 meses). Os principais instrumentos de recolha de informação foram a observação directa e as conversas informais (individuais e em grupo) conduzidas em crioulo pela investigadora sem o recurso a tradutor. A investigação sobre as questões políticas foi sempre subsidiária de uma pesquisa etno-agronómica mais vasta, que abrangeu 45 aldeias e interlocutores de todos os grupos étnicos presentes nos regulados de Cadique, Cabedú e Iemberem. Dado o cariz delicado das informações e podendo muitos dos nossos principais interlocutores ser facilmente identificados por alguns dos actuais dirigentes políticos e militares

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do país que combateram nesta região durante a guerra de libertação, optou-se por omitir certos dados (e.g., grupo étnico, aldeia) em detrimento do rigor científico. De 2000 a 2003 a pesquisa foi financiada pela FCT, no quadro do projecto « A desintegração das sociedades agrárias africanas e o seu potencial de reconstrução ». Os dados recolhidos ao longo de uma década são agora analisados no âmbito do projecto « Política, actores sociais e cidadania em África », igualmente financiado pela FCT e coordenado pelo CEA/ISCTE. Uma versão preliminar foi apresentada na Conferência Internacional « Politics and social actors in Africa », Lisboa, CEA/ISCTE, 10 de dezembro de 2004. A autora agradece a Harry West, Wilson Trajano Filho, Ramon Sarró, João Vasconcelos, Augusto Bock, Cláudia Ramos e aos dois avaliadores anónimos da redacção de Lusotopie, as enriquecedoras críticas e sugestões tecidas. Muito especialmente, agradece também a todos os agricultores de Cubucaré que durante tantos anos a albergaram nas suas casas e partilharam os seus conhecimentos e opiniões, os seus sonhos, a sua revolta. 1. … que sobrevalorizam como causas das guerras actuais a competição pelos recursos naturais não renováveis (Malthus with guns), a cultura e etnicidade (New barbarism) e a competição entre grupos rivais pelo controle de recursos naturais valiosos (Greed, not grievance) respectivamente (RICHARDS 2005). 2. Estes autores defendem que se tratou de um movimento de defesa « de la paysannerie balante et de ses anciens combattants nationalistes contre l’élite métisse d’origine cap-verdienne et ses alliés locaux » (BAYART, GESCHIERE & NYAMNJOH 2001 : 179). 3. Situações opostas podem ser encontradas entre outros grupos étnicos da Guiné-Bissau (RIBEIRO 1987a : 55 ; KONHERT 1988 : 162-163), o que chama a atenção para a necessidade de realizar múltiplos estudos de caso comparativos. 4. R. SHAW (2003) analisa ao longo da história o papel desempenhado por aquilo que apelida de « rituals of clousure and darkness » na Serra Leoa. 5. LAN (1987) apresenta um trabalho pioneiro sobre o papel das cosmologias tradicionais no apoio às guerrilhas nacionalistas do Zimbabwe. Como FILHO (1994) enfatiza, os contratos com os espíritos fazem parte de um idioma cultural pan-africano e são importantes no contexto da construção simbólica da nação guineense. 6. A chefia não se herda numa base puramente biológica, i.e., mecanicamente em favor do mais velho com o grau mais elevado, mas do que apresenta o melhor perfil entre os candidatos possíveis. Um exemplo : o filho mais velho do régulo A. C., irmão do actual régulo de C. que lhe sucedeu, afirmou um dia que seria ele o próximo régulo. Quando o comentei com alguns « donos do chão », foi-me respondido que não seria ele o escolhido como sucessor, porque « os balantas nunca o iriam aceitar », dado que ele combateu do lado dos portugueses durante a guerra de libertação e cometeu « muito dano contra a população ». 7. Ver CARVALHO 1949 e FRAZÃO-MOREIRA 1999. 8. Tornando-se maioritária a partir de 1949 (CARVALHO 1949 : 311). 9. Cultivo em solos, conquistados à influência da água salgada de rios e braços de mar, através da construção de um sistema complicado de diques e comportas. 10. Nos balantas, pelo contrário, o fornecimento do arroz para a alimentação da morança/fogão é inteira obrigação masculina e o seu não cumprimento dá às mulheres o direito de abandonar o marido. Porém, quando as esposas consideram que este não foi responsável pela falta do cereal, dirigem-se à morança do pai ou irmãos que tiveram boa colheita e apropriam-se do arroz que conseguem transportar. Este é considerado um mecanismo que as indemniza pelo facto de não herdarem terra. 11. As grandes moranças constituídas por um único fogão são hoje quase inexistentes. 12. A partir do sumo do falso fruto do cajueiro é confecionada uma bebida alcoólica. *. « La Guiné » : os guineenes de Guiné (Bissau) chaman « La Guiné » à Guiné (Conakry).

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13. Num artigo de referência nos estudos sobre conflito, o pensador alemão Simmel (1950 : 15) sugere que « there probably exists no social unit in which convergent and divergent currents among its members are not inseparably interwoven. An absolutely centripetal and harmonious group, a pure « unification » (Vereinigung), not only is empirically unreal, it could show no real life process ». 14. MOTA (1954, II : 159) critica o facto dos concessionários de terras (ponteiros) tentarem reproduzir « em pleno século XIX, o sistema de trabalho da "casa grande e sanzala", procurando criar pequenos feudos em que se alçavam como suseranos absolutos ». 15. Ora este facto era talvez a maior afronta que se poderia fazer à sociedade balanta. Repare-se que os suínos constituem já um nível muito elevado de uma cadeia de acumulação em animais domésticos que termina nos bovinos, destinados ao abate em ocasiões cerimoniais (em especial funerais) e cuja venda estava interdita ritualmente até há poucos anos. A decisão de abate ou de venda de bovinos envolve toda a linhagem e não aquele que os possui. 16. GALLI & JONES (1987 : 44) reportam um testemunho de Luís Cabral, segundo o qual « the brutal relationship between the concession of Manuel Pinto Brandão on Como island and the islanders was at the basis of their heroic resistance to the Portuguese siege in 1964 ». 17. Nas « regiões libertadas » durante a guerra anti-colonial foram criados pelo PAIGC os chamados « Comités de Tabanca », que constituíam o elemento básico da organização política nas aldeias e cujos membros eram eleitos pela população. Esta estrutura foi mantida após a independência. 18. Mais de duas dezenas de partidos registados antes das eleições de 2004. 19. Ou mesmo de um golpe de Estado, na medida em que uma das exigências iniciais da Junta consistia na resignação de Nino Vieira e na realização de eleições imediatas (FERREIRA 2001 : 149). Repare-se porém que, quer Ansumane Mané, quer Nino Vieira parecem ter tentado mutuamente assassinar-se (ver Rudebeck 2001 : 19), informação que foi reforçada por diferentes testemunhos em Cubucaré que relataram estas tentativas com algum pormenor. Para uma melhor compreensão sobre as causas profundas deste conflito, ver CARDOSO (2000), DJALÓ (2000), DRIFT (2000a, 2000b), GAILLARD (2000), JAO (2000), KOUDAWO (2000 e 2001 : 141-151), e RUDEBECK (1998 e 2001 : 18, 19). 20. Os rebeldes do Movimento das Forças Democráticas de Casamança (MFDC) vão dar apoio militar à Junta, tendo depois sido violentamente expulsos da Guiné-Bissau após a morte de Ansumane Mané. 21. RICHARDS et al. (2003 : 4) referem, exemplificando com o caso do Zimbabwe, que « the alienated "veteran" can endure and replicate itself as an oppositional category over many years ». 22. Como CHABAL (1983 : 66, 67-68) nota : « The emphasis was on the men, not on the machine. He sought to elicit in each one of the men he trained trust in and commitment to his fellow party workers rather than adherence to a set of ideas or to political organization […] His policies rested in two broad principles : that national liberation was first and foremost a political, not a military, struggle; and that the nationalist struggle must be conducted entirely from within the country, not from outside ». 23. Confrontar com os textos de A. Cabral (CABRAL 1979 : 23). 24. O PRS ganha as eleições também com o voto da etnia fula que pretende afastar o PAIGC do governo e da Presidência da República, muito embora não tenha alcançado a maioria absoluta e entre em coligação com o Movimento Bafatá para constituir governo. 25. Com efeito, tal viria a suceder repetidas vezes, a última das quais em Outubro de 2004, da qual resultou o assassinato do general Veríssimo Seabra, Chefe do Estado Maior das Forças Armadas e do coronel Domingos de Barros. 26. Esta analogia com duas pragas das culturas é elucidativa da centralidade da agricultura a designação de santcho encobre diferentes espécies de macacos que embora sejam pragas das culturas, não provocam muitos danos, pois só destroiem o que consomem; pelo contrário o con [babuíno] é um animal que destrói muito mais do que consome. A articulação entre política e

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agricultura é também traduzida nos nomes atribuídos a novas variedades de arroz, como « Partido [PRS] yá n’bóin » (O partido fez bem) e « Minlhor na Nino [Vieira] » (Melhor no tempo de Nino). 27. Nas palavras de alguns dos nossos interlocutores nalús, « No tempo dos portugueses, os donos do chão eram muito respeitados e a justiça [tradicional] tinha força. Nas zonas libertadas era nomeado um representante do partido, um Comité de tabanca, um controlo, seguranças, milícias, e responsáveis pela aplicação da justiça, mas todos trabalhavam em colaboração com os donos do chão, que eram também muito respeitados »; « A falta de respeito [pelos donos do chão] veio com esta bandeira [independência] ». Citando o antropólogo guineense Rui Ribeiro (1987b : 8), "na constituição da República da Guiné-Bissau não se deu enquadramento às estruturas políticas tradicionais. Nem se lhes fez referência. Foram ignoradas". Nino Vieira, após o golpe de Estado que o levou à Presidência da República, iniciou um novo processo de reconhecimento das « autoridades tradicionais ». Os régulos nalús de Cadique e de Cabedú são empossados em 1992 por Nino Vieira (após a realização das cerimónias tradicionais), daí a percepção dos jovens balantas. 28. Repare-se que os balantas são especialistas no cultivo em bolanha salgada, sendo frequente a sua contratação para a lavoura, mas sobretudo para a reparação dos diques e a construção de barragens. 29. A performance dramatúrgica – no sentido em que pode ser interpretada como uma representação teatral – é mesmo fonte de prestígio individual e é exercitada sempre que possível como um jogo. A proeza de um carismático líder djacanca (partidário histórico do PAIGC), que consegue fazer-se aceitar como representante do PRS e com isso recebe 4 bicicletas e uma viagem a Meca e que mais tarde faz campanha pelo PAIGC é elogiada pelos jovens como o exemplo de « esperteza » (djireza) a seguir. 30. Como anotou em 2000 Eduardo Costa Dias, em artigo publicado no jornal Público (5 de dezembro de 2000). Porém, como este mesmo investigador defende, nenhum partido em ocasião alguma se afirmou como partido étnico e o próprio PRS usou de diversas estratégias para esconder a sua base social de apoio permanente balanta (DIAS 2004). Pelo contrário, SILVA (2000 : 114-117), analisando o período de transição que precedeu as eleições, defende ter ocorrido uma manipulação dos « discours ethnicistes » pelas elites políticas, os partidos e a imprensa. 31. Com efeito, a Junta Militar não é dissolvida após as eleições e Ansumane Mané mantém o seu gabinete de co-presidente (cargo extinto), recusando-se a aceitar o lugar de conselheiro militar (RUDEBECK 2001 : 76, 77). 32. Segundo alguns dos nossos interlocutores, que pertencem ao grupo dos familiares e amigos próximos que prepararam os corpos para as cerimónias funerárias, Ansumane e os seus guarda- costas foram mortos à paulada, supostamente depois de lhes terem sido retirados os « guardas » [protecções rituais usualmente penduradas ao pescoço, presas à cintura e/ou nos braços] – foram devolvidos aos parentes sem eles e acredita-se que os « guardas » lhes « fechavam »os corpos, impedindo a sua morte – e posteriormente mutilados (sapal machuandade [cortaram-lhes os orgãos sexuais]). 33. Pelo contrário, a aplicação de justiça costumeira (chicotadas em pessoa amarrada com cordas) no caso de roubo de gado bovino entre balantas tornou-se mais violenta, neste contexto em que o poder do Estado não lhes é contrário. A. CABRAL 1979 : 12 proibia este tipo de penas e a sua aplicação depois da independência foi muito reduzida. 34. A maioria das trocas não são imediatas e grandes quantidades de produtos (amendoim, sabão, malagueta, tabaco, etc) são deixados pelas mulheres muçulmanas à guarda de uma mulher balanta que de forma faseada vai realizando as trocas com pessoas da sua etnia, sem no entanto, cobrar pelo trabalho que desenvolve. 35. Porém, quando pretendi confirmar com outros interlocutores, a atitude era de negação ou de questionamento (« Quem é que te contou isso ? ! »).

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36. Ver ALMADA (1964 [1594] : 113). 37. Numa alusão à generalização aos próprios militares daquilo a que BAYART (1999) chamou a « política do ventre ». 38. Em Janeiro de 2001 ocorreu um confronto físico entre mulheres nalús e balantas que se encontravam reunidas em torno de uma máquina descascadora de arroz, em que uma nalú foi atacada por um grupo de balantas sob a acusação de se ter apropriado do farelo da mulher que anteriormente tinha descascado. Depois de ouvir as mulheres nalús, o régulo enviou representantes para apurar as causas do conflito e concluiu que se tratava de um problema entre mulheres, desvalorizando a hipótese de um conflito inter-étnico. Assim decidiu que as mulheres nalús ficariam daí em diante proibidas de descascar o seu arroz na máquina situada no bairro balanta, por forma a evitar que futuros conflitos pudessem ter consequências em termos das relações inter-étnicas já fragilizadas. Porém, o chefe do bairro balanta manda-o chamar e afirma que não é justo cansar as mulheres nalús, que aquilo foi um problema entre mulheres – cujo « juízo não está completo » (sentido ka kumpleta) – e que a solução melhor seria introduzir um sistema rotativo em que cada bairro descascaria o seu arroz num dia fixo da semana. Como o comprova este caso, entre os mais velhos persiste ainda uma cultura política de consenso e negociação que ultrapassa quaisquer manipulações partidárias. 39. Que incluem colchões de espuma (e promessa de camas) para todos os membros da morança, sacos de arroz e açúcar e gasóleo para iluminação. 40. Expressa pelas promessas : « se o nosso partido ganhar, tal… e tal… vão ser ministros de… e de… e prometemos… ». Repare-se que quer na cidade, quer no campo é dito que o PUSD é « o partido da ONG… ». 41. Ver também os relatórios do International Crisis Group (e.g. 2004) sobre a Libéria e a Serra Leoa. 42. Que inclui o papel que podem vir a desempenhar empresas multi-nacionais (neste caso petrolíferas), como ilustrado por RENO (1998) para outros países da sub-região. Em notícia do jornal português Público (17 de julho de 2005) é afirmado que a campanha eleitoral de Nino Vieira conta com o apoio de empresários portugueses, da república de Taiwan e da petrolífera francesa Elf (ver também, DRIFT 2000b : 45). 43. Em Tombali (região a que Cubucaré pertence), onde os balantas detêm a maioria, Kumba fica em primeiro lugar, Malan em segundo e Nino em terceiro. *. Nota da redacção : na segunda volta, com uma participação de 78,55 % (menor que na primeira volta : 87,63 %), Nino Vieira venceu Malam Bacai Sanha (47,65 %) com 52,35 % dos sufrágios.

RESUMOS

Neste trabalho*, centrado num estudo de caso da península de Cubucaré, pretende-se demonstrar, através da análise da percepção local dos diferentes grupos estratégicos sobre as causas da guerra e os desenvolvimentos políticos a que ela deu origem, porque é que o conflito armado de 1998-99 na Guiné-Bissau permaneceu no fundamental uma guerra urbana e as zonas rurais serviram de hinterland, onde os deslocados encontraram refúgio, alimentação, solidariedade e confiança. Analisa-se ainda a forma como a instabilidade político-militar e a « etnicização » do aparelho de Estado são percebidas a nível local e as tensões inter-étnicas resultantes são negociadas.

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Conclui-se sobre as condições necessárias para que um novo conflito encontre uma base social de apoio rural e sobre o tipo de intervenção externa que, pelo contrário, poderá ajudar a manter a estabilidade política e social a nível local.

Focusing on one case study in the Cubucaré Peninsula, and analysing local stakeholders’ perceptions on the roots of the war and the political developments to which it gave rise, this study intends to show why the 1998-99 armed conflict remained mostly an urban one and why the rural areas could function as a hinterland where internally displaced people were given shelter, food, solidarity and trust. It also discusses the ways in which the political-military instability and the “ethnicization” of the state apparatus are perceived, and the ways the resulting inter-ethnic tensions are negotiated at a local level. It concludes with a discussion on the necessary conditions for a new conflict to find a social base of rural support and on the kind of external intervention that will help to keep a social and political stability at a local level.

Ce travail centré sur une étude de cas dans la péninsule de Cubucaré cherche à démontrer pourquoi le conflit armé de 1998-99 en Guinée-Bissau est fondamentalement resté une guerre urbaine. Il prétend également montrer pourquoi les zones rurales ont rempli la fonction d’un hinterland où les populations déplacées trouvaient refuge, alimentation, solidarité et confiance. C’est ainsi que sont analysées la perception locale de l’instabilité politico-militaire et l’« ethnicisation » de l’appareil d’État, et la manière dont sont négociées les tensions inter- étniques qui en résultent. L’étude conclut sur les conditions qui pourraient donner une base sociale d’un appui rural à un nouveau conflit, et sur le type d’intervention externe qui, à l’inverse, pourrait aider à maintenir la stabilité politique et sociale au niveau local.

ÍNDICE

Mots-clés: Conflit armé, guerre urbaine, hinterland, zone rurale, etnicisation, multi- culturalisme Índice geográfico: Péninsule de Cubucaré, Guinée-Bissau

AUTOR

MARINA PADRÃO TEMUDO

Instituto de Investigação Científica Tropical

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Os sentidos da violência e a educação dos sentidos F0 Gênero, corpo e violência em Timor-Leste independente 2A Senses of Violence and the Education of Senses: Gender, Body and Violence in the Independent East Timor Sens de la violence et éducation des sens : Genre, corps et violence à Timor-Leste indépendant

Daniel Schroeter Simião

1 Quando se fala em violência em Timor-Leste, pensa-se de imediato na violência política que marcou os vinte e quatro anos de ocupação indonésia e no banho de sangue que encerrou este período em 1999. A história política recente do sudeste asiático insular está marcada por exemplos deste tipo de violência. Na Indonésia ainda se tenta entender os massacres de Bali em 1965 e 1966 e a violência entre aldeias de Celebes, de 1998 a 20001. Estes casos contribuem para a pintura de um cenário em que violência, política e religião parecem se articular intimamente, fazendo da violência uma forma de linguagem comum entre as culturas locais. É este cenário que alimenta o imaginário de muitos expatriados em Dili, por exemplo, que costumam comentar, nas mesas dos bares e restaurantes, o quanto os timorenses, mesmo sendo um povo ordeiro, podem, de um momento a outro, perder totalmente a razão e comportarem-se como bárbaros violentos e cruéis.

2 De fato aquilo que tendemos a chamar de violência e adjetivar negativamente no imaginário moderno ocidental ganha um outro estatuto em algumas situações do sudeste asiático2. O uso de comportamentos agressivos e a prática da punição corporal são, de várias maneiras, encorajados como formas de socialização. Estas marcas positivas da violência, menos do que sinais de um povo « bárbaro e imprevisível », devem ser entendidas como expressões de diferentes formas de compreensão do corpo e de sua função socializadora. Esta relação pode não estar muito clara nas explosões ocasionais de violência, como os acontecimentos de 1999, mas fica bastante evidente em

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um tipo de violência que se reproduz quotidianamente nas relações interpessoais : a chamada « violência doméstica ». 3 A violência entre pais e filhos e, especialmente, entre cônjuges inscreve-se em corpos marcados por gênero e por geração. Estudar a violência doméstica em Timor-Leste nos leva a ver com mais detalhes os conflitos entre diferentes sentidos de violência, de corporalidade e mesmo de gênero. É também este tipo de violência, ligada de modo menos evidente à história recente de Timor, que vem ganhando espaço na cena política contemporânea daquele país. À medida que os conflitos políticos se estabilizam e institucionalizam-se, os surtos de violência deixam de ser o tema das preocupações públicas e a violência doméstica ganha espaço nas campanhas e programas do governo, da cooperação internacional e das organizações da sociedade civil em Timor-Leste. 4 Neste texto, resultado de material produzido ao longo de um ano de pesquisa de campo em Timor-Leste, exploro o encontro entre um conjunto de ações do poder público e da sociedade civil, preocupados em combater aquilo que chamam de « violência doméstica » em Timor-Leste, com algumas formas locais de viver e pensar sobre o corpo e a violência. Começo por indicar o que já se sabe sobre a violência doméstica em Timor-Leste e suas relações com modos de ver e pensar sobre corpo, família e educação. Em seguida enfoco algumas das políticas públicas que o Estado timorense e organizações da sociedade civil vêm implementando no sentido de criar uma sensibilidade contrária à violência doméstica no país. Ao chocar-se com muitos dos saberes locais sobre corpo e gênero, estas políticas criam reações curiosas, de oposição e síntese, expressivas da dialética da modernização naquele país. Entender melhor como estes choques operam é uma forma de lançar luzes sobre dilemas mais gerais da recriação do Estado em Timor-Leste.

Abreviações Apec, Asian Pacific Economic Cooperation, Cooperação econômica Ásia-Pacífico Asean, Association of Southeast Asian Nations, Associação das Nações do Sudeste asiático Cedaw, Convention on the Elimination of All Forms of Discrimination against Women, Convenção para a eliminação de todas as formas de discriminação contra as mulheres Fnuap, Fundo das Nações Unidas para a População GPI, Gabinete para a Promoção da Igualdade IRC, International Rescue Committee, Comité internacional de socorro OCAA, Oxfam Comunity Aid Abroad (Oxfam Australia) OMT, Organização da mulher timorense ONGs, Organizações não-governamentais ONU, Organização das Nações Unidas OPMT, Organização popular da mulher timorense Oxfam, Oxford Committee for Famine Relief, Comité de Oxford contra a Fome PNTL, Polícia Nacional de Timor-Leste Unicef, United Nations Children's Fund, Fundo das Nações Unidas para a infância UNPOL, United Nations Police, Polícia das Nações Unidas Untaet, United Nations Transitional Administration in East Timor, Administração de transição das Nações Unidas em Timor-Leste UPV, Unidade de Pessoas Vulneráveis (da PNTL)

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Yayasan HAK, Yayasan Hukum, hak Asasi, dan Keadilan, Associação Lei, Direito e Justiça

Uma perspectiva histórica : a invenção da violência doméstica em Timor-Leste

5 A atenção às diferenças de gênero no território timorense é um fenómeno bastante recente. Entre os documentos produzidos no período português (relatórios da administração colonial, conferências e estudos) poucas são as referências às desigualdades de gênero. Em um estudo de 1942 sobre o trabalho dos indígenas de Timor, Álvaro da Fontoura (1942), ao se referir às « várias modalidades do trabalho dos indígenas », faz apenas uma breve menção a um recorte de gênero quando diz : « As mulheres indígenas muitas vezes acompanham os maridos e pais nos trabalhos agrícolas, mas também os acompanham na sua imprevidência, arrastando vida miserável. Habilidosas como os homens, são elas que mais trabalham na tecelagem, principalmente na zona Oeste da colónia, e quando educadas nas escolas missionárias, aprendem fàcilmente trabalhos de costura e bordados e principalmente os artísticos trabalhos de "desfiados", que são apreciadíssimos. » (Fontoura : 31). 6 Dois anos mais tarde, em um estudo sobre os aldeamentos indígenas, José Martinho (1945) acentua as cores de uma certa divisão sexual do trabalho. Referindo-se à efemeridade de suas plantações : « A horta não se faz, ou dela não se colhe o produto suficiente. Não possuem um pé de café, um coqueiro ou um animal doméstico de valor. […] Enquanto o pai busca a sombra da palmeira que lhe dará, com o mínimo de trabalho, alguns copos de "Tua Akal" [o vinho de palma], a mulher andrajosa e os pequenos nus colhem, pelo mato, algumas raízes e, na horta, degenerada batata doce que engana o estômago vazio » (Martinho : 17). 7 São, pois, referências à uma divisão de trabalhos que indicam as mulheres em posições de produção, mas não constituem isso em denúncia ou objeto de crítica, a não ser dentro dos limites dos preconceitos próprios da época.

8 Um olhar mais atento para tais diferenças surge, a partir da segunda metade do século XX, quando Portugal envia sua « missão antropológica a Timor ». Os estudos, então capitaneados por Antônio de Almeida, mudam o foco da antropologia feita até então em Timor – da medição de crânios e classificação de raças para a ênfase em questões como a onomástica tabu, cultura material, etnozoologia e etnobotânica. 9 É nas últimas três décadas do século XX, contudo, que as etnografias dos grupos étnicos do então Timor Português se inscrevem em um conjunto regional mais amplo, organizado em dois tipos de sociedade : um mais igualitário em termos de gênero e outro marcado por dualismos estruturais. No primeiro tipo, característico do chamado « arquipélago centrista » (península malaia, Kalimantan, Java, Celebes, Mindanao, as Visayas, Luzon e outras ilhas das Filipinas), o acesso a espaços de poder tende a estar localizado, na teoria local, não no nível das características marcadas por gênero intrínsecas à « pessoa », mas nas práticas sociais (Atkinson 1990 : 88). Este princípio parece se inverter na região que Errington (1990) chama de « arquipélago da troca » (a Indonésia Oriental e partes de Sumatra). Nesta região, todo o sistema de trocas matrimoniais está fortemente ancorado em distinções entre masculino e feminino e na

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prescrição para que a mulher deixe sua casa natal de modo a casar com homens que não sejam seus irmãos. Aqui, a construção dos sistemas simbólicos por pares de oposição deixa sua marca na elaboração cultural das diferenças de gênero. 10 Assim, ao contrário da aparente igualdade de gênero entre muitos povos da região, nos grupos étnicos timorenses as diferenças de gênero prestam-se a um sistema dualista de organização social, fato observado por etnografias como as de Clamagirand (1980) sobre os Kemak, de Shepard Forman (1980) sobre os Makassae, de Claudine Friedberg (1980) sobre os Bunak ou de Elizabeth Traube (1986) sobre os Mambai. 11 A atenção à violência interpessoal como um fenómeno marcado por gênero – e traduzido pelo conceito de « violência doméstica » – contudo, é algo muito mais recente. Embora organizações locais já venham, desde os anos 1990, atuando no sentido de evidenciar situações de violência às quais as mulheres timorenses estavam sujeitas, especialmente em função da resistência à ocupação indonésia, é com o processo de transição para a independência e com a presença das missões das Nações Unidas, que um universo de valores e instituições pautadas pela igualdade de gênero entra na vida política timorense. 12 Com as recentes missões das Nações Unidas, uma parcela da elite local foi chamada a mobilizar e coordenar outros atores de um campo em formação. Jovens educadas em universidades em Bali ou Java aglutinaram-se, na última década, em torno de organizações locais voltadas à defesa e promoção dos direitos humanos, como Fokupers e Yayasan HAK (Associação Lei Direito e Justiça). Outras, apoiadas por projetos específicos de institutos e ONGs internacionais, organizaram-se em torno de temas pontuais, como a Caucus (Women's Caucus in Politics), em torno da participação das mulheres na política, e a Feto Foin Sa'e, em torno da participação juvenil). Mulheres que desempenhavam nas aldeias papéis de liderança local, em função de seu pertencimento a casas de chefia, organizaram-se, durante o período de resistência à ocupação indonésia, em torno de organizações altamente capilarizadas, mas sem nenhuma profissionalização, como a OPMT e a OMT. Ao lado destas organizações, ONGs internacionais como a Oxfam-GB, OCAA e IRC desenvolviam, com equipes mistas de funcionários locais e estrangeiros, projetos pontuais na área de gênero e desenvolvimento. 13 Por este processo, uma geração de timorenses que se envolveram com um projeto nacional desde o fim do período português e agregaram, a partir daí, discursos fundados nos valores da igualdade de gênero e dos direitos das mulheres, passa a dialogar com atores transnacionais como a ONU e grandes ONGs e com parcelas de uma juventude urbana engajada em um projeto modernizante. É por meio deste diálogo que se vem construindo um discurso específico sobre as categorias de gênero, igualdade e justiça, organizado em torno do combate de um fenómeno categorizado como « violência doméstica ».

Violência doméstica em Timor-Leste : o que pensamos saber

14 Entre os atendimentos feitos pela PNTL, os casos de violência doméstica ocupavam o quinto lugar em 20013, representando 8 % das ocorrências em todo o país. No ano

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seguinte esta participação praticamente dobrou, chegando a 15 % e empatando com « furto » no segundo lugar do ranking de ocorrências policiais4.

15 Tanto a polícia quanto as organizações de mulheres em Timor reconhecem, porém, que as queixas que chegam a ser registradas são apenas uma pequena parte dos casos que poderiam ser classificados como « violência doméstica » (Untaet 2002 ; GPI 2003). Isto ocorre tanto porque a maior parte dos conflitos tende a ser resolvida por mecanismos tradicionais de mediação e justiça5 quanto pelo fato de que muitas mulheres não vêem a agressão física como ofensa a algum direito (por exemplo, à integridade física) e, portanto, como motivo de queixa. 16 Conhecer a situação da violência doméstica em Timor-Leste exige, portanto, dar um passo atrás em relação às estatísticas. Antes de buscar a incidência deste tipo de violência é preciso observar o que se define, localmente, como tal : que percepções existem sobre o ato de agressão interpessoal e como isto se relaciona com os sentidos de justiça. Algumas pesquisas conduzidas por organizações não governamentais (ONGs) nos últimos quatro anos trazem dados importantes sobre este aspecto.

A violência em si não é um problema

17 No relatório final de uma pesquisa qualitativa sobre justiça tradicional que ouviu em profundidade relatos de 25 mulheres que passaram por experiências variadas de violência doméstica, o IRC aponta uma particularidade das formas tradicionais de adjudicação. Segundo o texto, « um administrador de justiça resolve os casos focando nos eventos que ocorreram antes do ato de violência. Seja quem for que seja visto como culpado durante aquele período será então culpado pela violência […] poderá ser o acusado, a vítima ou ambos » (IRC 2003b : 3). A preocupação de um lia na’in, o operador da justiça tradicional, ao ouvir os relatos das partes é a de recuperar as atitudes anteriores à agressão e colocá-las em seu contexto original, buscando entender quem provocou o quê até chegar ao ato de agressão em si6. Assim, o agressor não é, de antemão, culpado pelo gesto de violência.

18 Tal atitude das formas locais de justiça é criticada no relatório do IRC por nelas não se utilizar o princípio, orientador da justiça de Estado, de que a violência doméstica é crime independentemente de seu motivo. Assim, enquanto para o direito positivo uma determinada atitude de violência é sempre condenável, para a sensibilidade jurídica de grande parte das aldeias timorenses uma atitude violenta não é em si motivo para condenar alguém7. Se para a justiça de Estado « vítima » e « agressor » são duas categorias fixas e opostas, isso não acontece necessariamente nos processos alternativos de resolução de disputas. Em lugar de um sistema classificatório dual (vítima X agressor), os operadores destas formas locais de justiça utilizam um sistema de ao menos quatro categorias (agredido X agressor – vítima X culpado) em que, a depender do histórico do relacionamento entre as partes, o culpado pode ser o agredido. 19 Entre outras coisas, isto nos diz que, para muitas aldeias, o ato de violência não tem em si uma conotação negativa, não se constituindo em problema para o grupo. Agredir não é uma ofensa por si só, mas pode, se colocada no contexto adequado, ser até mesmo um dever de quem agride8. Na recuperação do contexto da agressão, o que é visto como problema passa a ser a ruptura de uma ordem anterior9. Aquele que for responsável

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pelo rompimento desta ordem (e que pode ter, com isso, levado alguém a uma reação violenta) é quem será considerado culpado. 20 A violência passa assim a ser vista como mecanismo de reposição da ordem no domínio das relações interpessoais. Pode ser, portanto, uma ferramenta legitimada socialmente para regular relações na comunidade e seu uso legítimo está longe de ser visto como monopólio do Estado.

Violência e gênero : visões do corpo

21 Outra pesquisa, conduzida por uma ONG australiana com grupos focais em todos os subdistritos do Distrito de Covalima e da qual tive a oportunidade de participar, traz informações importantes sobre como a lógica da violência justificada opera em conjunto com algumas representações de gênero naquele distrito (OCAA, 2003).

22 Em dois dos subdistritos os grupos focais foram unânimes em concordar que « um homem pode bater em sua mulher para ensiná-la » (mane bele baku nia fe’en atu hanorin nia fe’en). Na média geral do Distrito esta frase chegou a 50 % de aceitação, tanto entre homens quanto entre mulheres. Esta tendência é confirmada por outra pesquisa, um survey estatístico realizado entre outubro de 2002 e fevereiro de 2003 com mulheres de todo o país (IRC 2003a). Segundo o survey, 84 % das mulheres concordam que casos de violência doméstica são assunto para ser resolvido dentro da família, e 51 % consideram que um marido tem o direito de bater em sua esposa se esta o desobedecer. 23 O relatório da pesquisa em Covalima afirma ainda que « em geral, tanto homens quanto mulheres tendem a considerar certas formas de agressão como normais e, por conseqüência, não vêem tais formas de agressão como situação de risco, mas como parte normal de um relacionamento. » (OCAA, 2003: 12). As formas geralmente aceitas de agressão estão relacionadas à punição (física ou não) como forma de castigar um malcomportamento anterior, visto como inadequado10. As mulheres participantes da pesquisa enfatizaram que não aceitam uma agressão gratuita, mas a análise do contexto que gerou a agressão pode resultar na validação do gesto. Neste sentido, também as mulheres costumam castigar seus maridos, rasgando suas roupas ao lavá-las ou propositadamente errando a mão na hora de preparar uma refeição. 24 O grau de tolerância para com o que seria uma agressão justificada costuma estar relacionada a excessos visíveis no corpo. Agressões que resultem em sangramento ou seqüelas físicas visíveis tendem a ser menos toleradas11. A agressão ao corpo, de certa forma, só é percebida como violência injustificável caso materialize-se em marcas sensíveis que extrapolam certos limites. Esta sensibilidade relativa para com a integridade do corpo também é evidenciada na pesquisa de Covalima. Ao indagar sobre os riscos de sucessivas gestações para as mulheres – estas costumam ter em média 7,5 filhos (Unicef 2002 : xi), mas é comum encontrarmos famílias de até 12 irmãos – a pesquisa revela que os participantes não fazem necessariamente a ligação entre a atividade reprodutiva e a saúde do corpo. O risco de uma mulher ter muitos filhos está em não conseguir completar o serviço doméstico por ter que cuidar das crianças, o que justificaria uma agressão por parte do marido. 25 O saber médico que na modernidade ocidental construiu uma sensibilização para os cuidados com o corpo como condição para o bem-estar físico e mental parece não operar em muitas aldeias de Timor. O corpo e seus sentidos parecem ter, mais do que um papel para o bem-estar individual, uma função na socialização da pessoa. É pelo

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castigo corporal que se educa. Isto é evidente nos relatos acerca da notória utilização de violência física nas escolas timorenses12. O que chamaríamos de violência doméstica não está, portanto, apenas relacionado à posição das mulheres na estrutura familiar, mas a certas concepções sobre a punição corporal como forma de educação e à educação do corpo como um instrumento a serviço da produção de subjetividades.

Gênero e diversidade étnica

26 Se é verdade que a violência contra mulheres não se orienta apenas por uma questão de gênero, por outro lado a posição das mulheres na estrutura familiar e a referência a uma « cultura patriarcal » são argumentos constantemente evocados nos discursos e práticas de ONGs e governo acerca da violência doméstica (Untaet 2002). Algumas observações devem ser feitas com relação a estes argumentos. Falar da posição das mulheres na estrutura familiar é complicado por vários motivos. Do ponto de vista analítico, várias autoras já indicaram que não há muita utilidade em falar em uma posição de sujeito fixada por uma identidade de gênero, uma vez que na dinâmica das relações sociais os sujeitos não estão congelados em identidades fixas (de gênero ou outras), mas articulam identidades variadas, evocadas situacional e relacionalmente (Butler 1990 ; Costa 1994). No caso timorense, em função da diversidade étnica da ilha, criar uma abstração aplicável a todo o país é tão ilusório quanto inútil. Mesmo em Covalima, um Distrito relativamente pequeno, as situações em que gênero faz alguma diferença nas relações sociais variavam bastante entre os subdistritos conforme predominassem grupos Bunak, matrilineares, ou Tétum e Kemak, patrilineares. Ainda assim, alguns traços gerais da organização social dos grupos timorenses podem ser reconhecidos e relacionados às formas como diferenças de gênero são evocadas para justificar tratamentos diferenciados a homens e mulheres.

27 Timor-Leste possui cerca de 30 grupos étnicos diferentes13. Todos adotam um sistema de descendência unilinear, majoritariamente patrilinear e virilocal – apenas dois são matrilineares (em alguns lugares utilizando-se virilocalidade, em outros a matrilocalidade). O dote (barlaque) existe entre todos estes grupos, mas é especialmente importante entre os grupos patrilineares. Entre estes, o pagamento do barlaque permite ao casal fixar residência entre o grupo do homem. O barlaque, porém, não é condição para que haja o casamento. É comum que jovens casais morem juntos por algum tempo sem o pagamento do barlaque. Mas neste caso, chamado de kaben tama (literalmente « cônjuge entra »), devem morar junto à família da mulher, somente podendo fixar residência própria, junto ao grupo de origem do homem, depois de acertado o pagamento do dote. Isto implica que a jovem esposa é geralmente « estrangeira », recém-chegada em sua nova casa, devendo prestar obediência às mulheres mais velhas do grupo familiar. Alguns vêem nisso um fator de vulnerabilidade da mulher frente ao cônjuge, que, por ter « pago » o dote, sentir-se-ia « dono » da esposa e, portanto, no direito de tratá-la como bem entendesse. Podemos, porém, fazer a interpretação inversa, e dizer que o pagamento do barlaque cria uma rede de proteção à esposa. Por ser um compromisso entre famílias (o dote é pago pela família do noivo à família da noiva), o barlaque enquadra o relacionamento entre cônjuges em um contexto que vai além da díade formada pelo casal, obrigando os cônjuges a reponderem por seu comportamento perante as famílias. A vontade do marido estaria assim limitada por uma obrigação social. O que algumas organizações de mulheres

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afirmam é que esta seria a intenção original do barlaque, que hoje teria sido corrompida pela primeira interpretação. (GPI 2003a : 15). 28 A hierarquia entre gerações é um princípio altamente observado e, certamente, mais importante que as diferenças de gênero no nível doméstico das aldeias. Assim, a mulher mais velha da casa tem um poder considerável sobre homens e mulheres das novas gerações. Em um grupo de mesma geração a mulher mais velha pode usar os serviços de suas irmãs mais jovens para execução das tarefas domésticas enquanto estas não se casarem. Deste modo, embora a jovem esposa tenha, a princípio, um baixo prestígio na casa, à medida que o tempo passa e ela envelhece novas mulheres entram na casa (incluindo as filhas do casal) e assumem a manutenção da rotina doméstica. Não é por acaso que os mercados timorenses costumam estar repletos de mulheres idosas negociando principalmente produtos agrícolas – são elas aquelas que não precisam passar todo o dia envolvidas com as atividades domésticas ou de colheita. 29 É neste sentido que nas relações de poder por trás de gestos de violência doméstica, gênero não opera sozinho e, talvez, seja um fator menor diante de outros marcadores, como o geracional. Além disso, embora gênero faça diferença em muitos aspectos da vida social, as diferenças étnicas são muito mais marcantes nas relações quotidianas. A grande diversidade étnica desta metade de ilha produziu uma história de pequenas e grande batalhas e uma tradição de piadas e provérbios que evocam conflitos ente as identidades locais. Assim, não penso que possamos dizer que gênero estabeleça uma diferenciação crucial nos discursos e práticas sociais em Timor-Leste. Isto depende de que aspecto da vida social se está focando. 30 Nas representações sobre a constituição do corpo, porém, vê-se que gênero é um marcador operante e em alguns casos pode ser base para discriminação e violência. O comércio local, por exemplo, costuma ser visto como uma atividade na qual as mulheres são bem-vindas, desde que não implique grandes deslocamentos14. A preocupação com o deslocamento indica já uma percepção diferenciada sobre a constituição corporal de homens e mulheres. Neste sentido, as mulheres são vistas como não tendo força suficiente para carregar e utilizar armas (a katana) e são, por isso, tidas como vulneráveis nos deslocamentos, não sendo autorizadas a se distanciar de suas aldeias natais. 31 Ainda no campo das representações sobre o corpo e a atividade reprodutiva é importante notar que a reprodução é vista como responsabilidade das mulheres – mais do que simples responsabilidade, costuma ser tida como dever. Apesar dos protestos da Igreja, ainda é comum a idéia de que se uma mulher não der filhos ao marido, este está socialmente autorizado a buscar outra esposa. A infertilidade é, assim, sempre um problema da e para a mulher.

As coisas começam a mudar

32 O cenário acima é bastante característico das regiões rurais do país, onde vive 76 % da população timorense (Unicef 2002 : vii). O ambiente urbano de Dili, porém, tem trazido constantes desafios para muitas das características descritas acima. Uma história que chegou a meu conhecimento em Dili, em finais de 2002, é bastante expressiva disto. Um timorense, técnico de impressão em uma gráfica local, estava casado havia onze anos e sempre batera em sua mulher. Ela sempre sentira a dor física, mas nunca se incomodara com isso. Até o momento em que pediu a separação. O marido não

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compreendeu. Não via motivos, afinal aquele vinha sendo o padrão de conduta do seu relacionamento há mais de uma década, e nunca a incomodara. A novidade era que agora a sua mulher trabalhava no escritório local da Cruz Vermelha, junto com vários funcionários estrangeiros. O marido convenceu-se de que os estrangeiros estavam « colocando coisas » na cabeça de sua mulher. Certamente, de algum modo, é isso que aconteceu. A dor física que ela sentiu durante anos agora se somava a uma dor moral. De alguma forma aquela mulher agora se sentia envergonhada por apanhar do marido, e esse novo tipo de dor ela não suportava. Em grande parte por força do convívio com os expatriados, a violência doméstica ganhou um novo significado, motivo de vergonha e humilhação.

33 Mas estas idéias não vêm apenas de funcionários internacionais ou do sistema ONU. Há importantes atores locais agindo para colocar a igualdade de gênero na agenda nacional e dar um novo sentido à violência contra mulheres. Além de diversas ONGs timorenses de defesa dos direitos das mulheres15, o governo possuiu um gabinete de assessoria ao primeiro-ministro para promoção da igualdade de gênero (GPI), posição ocupada por uma ativista do movimento de mulheres timorense, envolvida com esta causa desde 1975. 34 O GPI, em projeto conjunto com o Fundo das Nações Unidas para a População (Fnuap) vem, desde 2002, capitaneando uma série de eventos – campanhas, consultas, elaboração de legislação, programas de rádio e televisão – que vão aos poucos consolidando, especialmente no ambiente urbano de Dili, a expressão « violência doméstica » como definidora de uma nova moralidade que torna inaceitável a agressão física dentro da família, especialmente às mulheres. Esta nova moralidade vai também mudando a forma como as pessoas procuram resolver o que passam a considerar uma disputa – ou um conflito a ser resolvido. Esta nova categoria engloba diferentes atitudes que antes tinham também diferentes estatutos localmente. Um exemplo disso é a agressão física entre cônjuges. Em tétum, ela é definida por um verbo reflexivo : baku malu (bater-se, confrontar-se). Isto indica uma percepção da violência em que esta não é praticada por um agressor e sofrida por uma vítima, mas é um ato de desentendimento recíproco, o que faz com que os esforços do mediador tradicional sejam para remediar este desentendimento, mais do que para punir um agressor. Enquanto « baku malu » não caracteriza uma disputa, « violência doméstica » sim. A primeira é desarmonia que precisa ser harmonizada. A segunda, é conflito em que há um lado certo e um errado, e o errado deve ser punido. 35 A preocupação em consolidar a ideia de que violência doméstica é crime, independente das motivações do agressor, levou o Gabinete para a Promoção da Igualdade (GPI) a propor uma legislação específica sobre o tema, instituindo o crime de violência doméstica e dando amparo legal para os operadores do direito de Estado. Assim, entre 2002 e 2003 um projeto de lei foi elaborado por um grupo de consultores e ativistas de direitos humanos e uma consulta a nível nacional foi realizada para discutir o projeto com as comunidades locais (GPI 2003b). A proposta de lei resultante deste processo é totalmente orientada por padrões internacionais de direitos humanos e de respeito à igualdade de gênero, preocupando-se em criar mecanismos de suporte à vítima e reeducação dos agressores. Além da nova legislação, GPI e Fnuap desenvolveram, em conjunto com a Procuradoria Geral de Timor-Leste, um manual de procedimentos para a ação dos procuradores públicos nos casos de violência doméstica (Guia… 2003).

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36 Se estas ações visavam fortalecer a ação dos operadores de direito nos tribunais timorenses, por outro lado o Fnuap e o Gabinete para promoção da Igualdade trataram de fortalecer também a outra ponta do sistema legal : a polícia. Neste sentido um módulo sobre violência doméstica foi incluído no treinamento de cadetes na academia de polícia de Dili, fazendo com que todos os policiais formados para os quadros da PNTL tenham tanto noções básicas de atendimento às vítimas quanto alguma familiaridade com termos como « direitos humanos », « direitos das mulheres », « igualdade de gênero », etc. Além disso, um trabalho conjunto com o gabinete nacional da UPV da PNTL tratou de realizar sessões de treinamento em todos os distritos para as unidades locais da UPV, capacitando policiais para atendimento a casos de violência sexual e doméstica. 37 Em paralelo ao governo, projetos de ONGs e grupos com maior capilaridade no interior do país também têm tratado da violência contra mulheres. Oficinas de formação de treinadores sobre violência sexual foram realizadas pela Caritas australiana em vários distritos. Em outros Distritos, ONGs de defesa dos direitos das mulheres, como a Fokupers, conduziram oficinas de mobilização comunitária para grupos locais16. 38 Este conjunto de ações tem impactado sobre a forma como as mulheres dão sentido às agressões que sofrem. Com isso podemos entender o incrível aumento das queixas de violência doméstica à polícia (de 8 % em 2001 para 15 % das queixas em 2002) como uma expressão de que algo está mudando de fato na forma como corpo, gênero e violência são significados em Timor-Leste. Neste processo, conceitos locais encontram-se com idéias e valores emprestados da modernidade ocidental, produzindo sínteses curiosas. Um exemplo disso foi uma campanha, iniciada em 25 de Novembro de 2002 (não por acaso o dia internacional de combate à violência contra as mulheres), cujo slogan, em tétum-praça, era : « violensia basea ba gender la’os kultura Timor-Leste nian ». Mais do que o significado da frase (« violência de gênero não é parte da cultura de Timor-Leste ») – um esforço para responder às críticas de que a instituição de uma nova moralidade poderia ameaçar a cultura local – chama a atenção o empréstimo de palavras de outras línguas – violensia, do português, e gender, do inglês. O empréstimo lingüístico é prática comum no tétum falado em Dili e utilizado como língua veicular em todo o país. Neste caso em particular, o emprego de palavras como violência e gender expressa a referência a conceitos que, mesmo podendo ter alguma forma em tétum que se aproxime do sentido internacional, vem claramente de um outro universo conceitual. Durante a cerimônia de lançamento da campanha o uso da palavra inglesa gender provocou algumas críticas, obrigando o GPI a defender este uso em dois momentos do evento sob o argumento de que, mesmo estando em inglês, o termo se referia a uma problemática existente em Timor-Leste.

Conflitos

39 Obviamente este encontro entre diferentes universos conceituais e suas diferentes sensibilidades para a violência não se dá de maneira tranqüila. Durante o processo de consulta para a elaboração da lei sobre violência doméstica, por exemplo, era comum que os grupos (especialmente lideranças tradicionais) não aceitassem a idéia de que toda violência é um crime. Os grupos tendiam a estabelecer diferentes níveis de violência, considerando a agressão leve, ou feita com a intenção de educar, como parte normal do relacionamento.

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40 Em Oecussi, enclave no lado indonésio da ilha e um dos distritos mais isolados do país, este descompasso entre expectativas era mais evidente. Na discussão sobre a criminalização da violência doméstica, o grupo começou a estabelecer diferentes níveis de violência, como ocorrera nos outros distritos. A presença de um advogado de Dili impôs uma lógica jurídica que não permitia tais nuances. « É crime ou não ? ». Os policiais presentes à consulta foram os que mais enfaticamente responderam « sim ». Os lia na’in claramente discordavam. 41 Dois casos observados por mim em Oecussi exprimem bem o tipo de dificuldade que o saber técnico-ocidental por trás da lei encontra para mobilizar as sensibilidades locais. Durante as discussões em grupo focal, um caso interessante foi levantado por um chefe de aldeia. Ao mediar um caso de estupro, um chefe local estabeleceu uma multa de cinco búfalos a ser paga pela família do agressor à família da vítima dentro de um determinado prazo. Findo o prazo, contudo, a multa não havia sido paga e o chefe de aldeia chamou o agressor para um encontro. Como ele não compareceu, o chefe de aldeia foi à polícia e prestou queixa contra o agressor por não pagamento do débito. O caso foi apresentado como uma forma possível de conexão entre a justiça tradicional e a justiça de Estado. A polícia seria, neste caso, uma espécie de « plano B » para os momentos em que a autoridade dos líderes locais não fosse suficiente para impor a justiça. A discussão no grupo prosseguiu acerca dos limites das autoridades locais, mas o que me chamou a atenção neste relato foi o fato impressionante (para mim, por certo) de que fora o débito, e não o estupro, o motivo relevante para a queixa do chefe de aldeia à polícia. 42 Em outro momento o grupo foi convidado a discutir o suporte econômico às vítimas de violência e uma discussão sobre herança surgiu. Estavam discutindo sobre quem deveria ter os direitos sobre as propriedades do casal se o marido fosse preso. Uma senhora, já viúva, sugeriu que a propriedade fosse dada aos filhos do casal. Um jovem funcionário de uma ONG acrescentou que, se as crianças fossem ainda muito jovens, a propriedade poderia ficar nas mãos da família da mulher. Nisso, um velho lia na’in que falava apenas baikeno, a língua local, opôs-se furiosamente. « A propriedade não pode ir para a família da mulher, pois o homem já pagou o barlaque (o preço da noiva) ». Para complicar as coisas ainda mais a senhora viúva acrescentou : « Acho que a propriedade deve ir diretamente para os filhos, mas, claro, não para as filhas. » 43 De qualquer forma, por mais resistências locais que os valores por trás da legislação proposta encontrem no interior do país, a lei vem se impondo em muitos lugares e os saberes locais vão encontrando maneiras de juntar estas diferentes sensibilidades e seus conceitos no quotidano das aldeias. Em um dos treinamentos à UPV, no distrito de Manufahi, um dos policiais apresentou uma situação curiosa, à qual estavam sendo cada vez mais expostos. Segundo o policial, em muitos dos casos de violência sexual contra jovens, após prender o jovem acusado e prosseguir com as investigações, a policia descobria que a situação era um tanto quanto diferente. Em muitos destes casos o jovem casal decidia morar junto sem que a família do rapaz tivesse pagado o barlaque. Assim, para forçar o pagamento, a família da jovem ia à polícia e apresentava uma queixa de violação sexual contra o rapaz. O policial não sabia como agir17. 44 A primeira impressão que tive foi a de que a população parecia ainda não ter clareza de qual era o papel da polícia. Quando e para quê se deve acioná-la ? Esta pergunta ainda não era feita, ou não se tinha clareza da resposta. Discutindo a situação em campo, porém, pareceu-me mais interessante interpretar o caso de outra maneira. Muitas

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pessoas sabem, sim, que neste tipo de situação não há crime algum à luz da lei. Vão, contudo, à polícia por ser este mais um expediente que pode resultar em pressão junto à família do rapaz para forçar o pagamento do barlaque. Neste caso, teríamos as pessoas manipulando um instrumento da modernidade ocidental (a polícia, instituição do Estado moderno) para assegurar um direito tradicional – ou melhor, visto como legítimo à luz da tradição local, mas sem nenhum amparo legal na moderna estrutura de Estado ou no sistema de justiça formal. Mais ainda, teríamos a população local manipulando um conceito novo e próprio da modernidade ocidental (« violação ou violência sexual ») com a finalidade de equacionar uma disputa relacionada a costumes locais.

* * *

45 Recentemente vários autores têm analisado a maneira pela qual imagens e discursos marcados por gênero desempenharam e desempenham um papel importante na construção nacional de países do sudeste asiático de independência recente. Ong & Peletz (1995), por exemplo, analisam discursos em competição pela instituição de narrativas de gênero na construção nacional da Malásia e da Indonésia. Jayawardena (1994), analisando o movimento de mulheres na Indonésia, mostra a centralidade de uma narrativa que identifica a nação à uma certa imagem de mãe. Roces & Edwards (2000), por outro lado, problematizam a maneira como as mulheres têm mobilizado desenvolvimento e globalização para suas próprias causas feministas nacionais. Buscando ferramentas em discussões sobre os dilemas da relação entre globalização e saber local, as autoras constroem perguntas do tipo : « Como essas mulheres têm negociado pela diversificação nos traços do ícone da mulher moderna, tão evocado no discurso nacionalista ? Como as mulheres na Ásia usam as narrativas da globalização – desenvolvimento e modernidade – para criar novas possibilidades e expandir suas oportunidades ? ». São tais questões que as levam a afirmar que, de « tão diversas que são as imagens e experiências da modernidade é mais frutífero explorar as múltiplas modernidades das mulheres asiáticas, ou, nos termos de Maila Stivens, suas ‘modernidades divergentes’ » (Roces & Edwards 2000: 1).

46 Esta bibliografia analisa processos que levam à criação de várias narrativas de gênero possíveis, competindo por ganhar hegemonia em determiados campos. Processos cujas complexidades, contradições e ambivalências acabam muitas vezes materializadas em figuras como Wan Ismail, a ativista malaia, líder do movimento reformasi, considerada o alter-ego de seu marido, principal líder oposicionista ao primeiro-ministro nos anos 1990, mas também uma médica que abandonou sua profissão para assumir seu papel de mãe e esposa e, como tantas outras, usa o véu como símbolo de oposição à modernidade ocidental. Para Roces e Edwards, « a tensão entre uma narrativa de gênero oficial e as outras múltiplas narrativas de gênero é um tema central que permeia a experiência das mulheres entre 1970-2000 » na região. Assim, o paradigma dos discursos oficiais é dado por idéias-valores que vêm de fora, « como parte das idéias globalizadas do feminismo liberal e dos direitos humanos », fortemente incentivados por organizações como as Nações Unidas – com declarações como a da Cedaw, e as conferências sobre mulheres e populações – e os fóruns regionais asiáticos – Apec e Asean. Contudo, em uma estratégia semelhante ao que parece acontecer em Timor-Leste, as ativistas asiáticas « têm sido bastante proativas em ajustar o foco dos argumentos para longe da percepção de um caráter alienígeno ou desestabilizador do feminismo liberal ocidental, enfatizando o

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aspecto "nacionalista" de tais princípios ao liberar as mulheres para o "desenvolvimento" ». Desta estratégia surgem composições locais epitomizadas por discursos pelos quais não pode haver desenvolvimento sem a igualdade de gênero – « a igualdade nos direitos de divórcio, de mulheres refugiadas, de legislações de combate à violência contra as mulheres e de pagamentos iguais ». Assim, « quando enquadrado dentro de uma rubrica nacionalista, o desenvolvimento das mulheres torna-se um ato patriótico, mais do que contra os homens » (Ibid. : 4). 47 A incorporação, porém, de tais ou quais aspectos dos princípios de igualdade de gênero não se faz sem um sem-número de efeitos colaterais imprevisíveis. Na Coréia, por exemplo, muitas « mulheres, ao buscar a educação superior, o fazem com o intuito principal de adquirir melhores maridos » (Ibid. : 8). Gestos ou atitudes que nos padrões internacionalizados da modernidade ocidental têm um significado derivado do ideal da igualdade de gênero podem ganhar, nas modernidades locais, um significado por vezes contrário àquele espírito original. Da mesma forma, o gesto dos pais que procuravam a polícia em Manufahi para prestar queixas de violência sexual contra suas filhas não significava exatamente uma adesão aos valores apregoados pelas campanhas de combate à violência doméstica no país. Padrões da modernidade ocidental são, nestes processos, constantemente subvertidos pelos saberes locais. 48 Mais do que um embate entre moderno e tradicional, estas situações representam o resultado da interação de sujeitos sociais com um repertório ampliado de narrativas de gênero que pode ser evocado de maneiras mais ou menos limitadas, conforme a arena em que ocorra e as redes de pertencimento em que os sujeitos estejam envolvidos. Assim, se por um lado Ong & Peletz acertam ao dizer que no final do século XX « identidades de gênero são construídas não apenas de acordo com conhecimentos locais, mas em geografias de produção, comércio e comunicação cada vez mais abrangentes »18, é também verdade que, no caso timorense, as aldeias representam redes fortes o bastante para limitar e subverter os usos possíveis dos discursos produzidos pela geografia globalizada. 49 Neste sentido, as disputas por esferas legítimas para resolução de conflitos e construção da justiça têm sido, em Timor-Leste, um espaço privilegiado para compreender os dilemas envolvidos na negociação de diferentes narrativas de gênero. Em sua dimensão mais visível, aquela dada em torno de um discurso sobre a « violência doméstica », estas disputas envolvem, com a mesma centralidade, princípios e categorias vindas tanto de geografias de produção bastante restritas quanto amplamente globalizadas. Por razões históricas, formas locais de organização social mantém-se tão operativas quanto as mais globalizadas estruturas do Estado. Temos assim que Timor-Leste abriga, a um só tempo e com a mesma centralidade, os Mambai de tal ou qual aldeia, os Bunak de tal ou qual distrito, e os princípios de tal ou qual projeto patrocinado pelas Nações Unidas na construção da estrutura de um Estado moderno. 50 Timor-Leste tem sido há séculos um espaço de encontros de diferentes povos, diferentes formas de organização social e de valores culturais. Esta tradição de espaço fronteiriço parece se repetir neste momento no processo de combate a violência doméstica, em que se encontram diferentes sensibilidades não só para o tema da violência doméstica mas para o próprio sentido deste conceito. Neste encontro, os desencontros são o mote. Ora o que a lei define como crime não é assim percebido no imaginário das comunidades locais, ora o que se percebe localmente como crime não é assim definido pela lei.

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51 Mais do que um conflito entre diferentes concepções sobre violência doméstica (uma visão moderna versus outra tradicional), o material observado parece indicar conflitos entre saberes locais (também eles múltiplos e contraditórios) e um saber técnico e político próprio da modernidade ocidental. Este encontro de saberes sobre corpo, família, gênero e violência, mediado pelas intencionalidades de um jogo político e manipulado localmente por homens e mulheres, é o que caracteriza grande parte do processo dialético de modernização timorense, um processo produtor de situações nas quais diferentes sensibilidades para o corpo, a justiça e as relações de gênero interagem, produzindo respostas diferentes a cada momento. 52 Além disso, por articular tanto representações mais gerais sobre corpo, violência e educação quanto vivências localizadas de uma dor quotidiana em corpos marcados por gênero e geração, a violência doméstica pode ser vista como um tema particularmente importante para se compreender alguns dilemas da modernização timorense. Ao mesmo tempo em que falam de conflitos privados, encarnados em corpos e relações particulares, as contradições do processo de combate à violência doméstica falam de mudanças em curso na sociedade timorense em nível mais geral, articulando diferentes noções de direito, justiça e indivíduo19. 53 Este artigo procurou destacar a riqueza deste momento de transformações a partir de alguns dos conflitos que emergem hoje no processo de combate à violência doméstica em Timor-Leste. Não creio que seja possível prever que rumo tomará este processo no futuro. As bem articuladas iniciativas do poder público e da sociedade civil organizada têm alterado significativamente os sentidos da violência em certas áreas do país. Dirigidas a reeducar as sensibilidades locais para o corpo e o direito, estas iniciativas tem provocado efeitos. As formas locais de expressão destes efeitos, porém, resultam sempre de uma equação imprevisível em que elementos tradicionais e novos se sobrepõem na configuração de casos concretos. O final desta história, se há algum, somente se conhecerá com o tempo. 54 7 de Setembro de 2005

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NOTAS

F0 2A . Este texto é resultado de parte de minha pesquisa de doutoramento, para a qual contei com bolsa de estudos da CAPES (Coordenadoria de Aperfeiçoamento de Profissionais de Ensino Superior) e CNPq (Conselho de Desenvolvimento Científico e Tecnológico). Agradeço ainda a meu orientador, Prof. Dr. Luís Roberto Cardoso de Oliveira e a minha colega Kelly Cristiane da Silva pela constante interlocução de que resulta o material aqui apresentado. 1. Sobre os massacres de Bali e sua relação com os jogos políticos da época ver ROBINSON 1995. Sobre os conflitos recentes entre cristãos e muçulmanos em Celebes, ver ARAGON 2001. Ver também, no mesmo volume ACCIAIOLI 2001. 2. Recentemente um colega que regressava de sua pesquisa de campo em Java Ocidental contou- me que um filme de luta norte-americano que, nos Estados Unidos, retratava a batalha entre um herói e um bandido, recebera em Java a tradução de « Os dois heróis ». 3. A Polícia Nacional de Timor-Leste foi formalmente instituída em maio de 2002, com a restauração da independência. Antes disso, porém, o atendimento policial e registro de ocorrências já era feito pela polícia das Nações Unidas (UNPOL) em conjunto com timorenses. Os dados de 2001 referem-se, pois, aos atendimentos feito pela UNPOL, mas que constam do histórico de estatísticas da atual PNTL. 4. Em 2001, segundo relatório da PNTL, de um total de 4 917 ocorrências, 382 foram de violência doméstica. Em 2002, as queixas de violência doméstica chegaram a 853 de 5 576 ocorrências. 5. Timor-Leste possui apenas quatro tribunais de justiça em todo o país, o que torna difícil o acesso físico à justiça de Estado. Embora a polícia tenha uma penetração maior no país, a população tem receio de levar casos familiares às delegacias uma vez que durante os vinte e quatro anos de ocupação indonésia a polícia esteve majoritariamente na mão de indonésios. 6. Um lia na’in de Dili relatou-me um exemplo deste tipo de atitude em relação a um caso de conflito entre vizinhos. Um morador levara o caso à sua presença acusando o vizinho de ter matado um porco seu. O vizinho explicou que o porco estava destruindo sua roça e que advertira anteriormente o acusador para que este prendesse seu porco. Como o porco não fora preso e continuou a destruir sua roça, o vizinho matou o porco. No julgamento feito pelo lia na’in, a reação do vizinho fora justa e, portanto, não lhe cabia culpa pela morte do porco. O porco fora morto pela negligência de seu dono, e não cabia neste caso multa ou reparação. 7. Sobre a noção de sensibilidade jurídica e de como ela constitui diferentes sentidos de justiça em diferentes culturas, ver GEERTZ 1998. 8. A questão de como um gesto pode ser tornado como ofensa diz muito a respeito das sensibilidades jurídicas em causa. Se nos casos vistos aqui a agressão física nem sempre ofende, Cardoso de Oliveira aponta para situações que poderíamos definir com o reverso desta medalha, ao analisar casos de ofensa moral em que atitudes que não deixam sequelas físicas podem ser tomadas pelas partes como formas de ofensa. Sobre isso ver OLIVEIRA 2002.

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9. Vários autores recuperam o sentido da justiça tradicional timorense como um ritual de reposição da ordem social e de uma harmonia quebrada que precisa ser restaurada (SOARES 2002 ; HOHE & OSPINA 2003). Para Soares, por exemplo, os rituais para resolução de conflitos são « apenas parte de um grande processo que busca ligar passado e futuro, trazendo a sociedade para um estado último de estabilidade social no qual a paz, tranqüilidade e honestidade prevaleçam ». 10. Exemplos de malcomportamento das mulheres estão geralmente relacionados ao não cumprimento das tarefas domésticas, enquanto que malcomportamentos masculinos são associados à perda de dinheiro com apostas e embriaguez. 11. Uma senhora que entrevistei no tribunal distrital de Dili e que havia sofrido agressão física forte por parte de seu marido disse-me literalmente : « bater para ensinar é uma coisa, isto aqui (apontando para a cabeça enfaixada) é outra ». 12. Algumas professoras portuguesas que, a serviço da missão portuguesa em Timor, atuaram durante vários meses em escolas timorenses, costumavam expressar grande constrangimento com o que consideravam castigos despropositados que seus colegas locais aplicavam aos alunos. Eram comum relatos de meninos obrigados a manter-se em pé debaixo do sol durante horas, ajoelhados sobre grãos de milho ou simplesmente tratados a tapas por pequenas desordens em sala de aula. 13. O número exato de línguas e grupos étnicos em Timor-Leste é motivo de alguma polémica. Sobre isso ver SCHOUTEN 2001. 14. Homens e mulheres participam dos mercados quase que em mesmo número, mas comercializando produtos diferentes. Normalmente as mulheres vendem vegetais, ovos e produtos industrializados, importados (ou contrabandeados) da Indonésia, enquanto os homens lidam com carne (búfalos, gado, frangos, porcos e cabritos) e bebidas alcoólicas (o vinho de palma, tua mutin, e seu destilado, tua sabu). 15. O movimento de mulheres em Dili conta com dezasseis organizações. Duas ONGs se destacam no atendimento a mulheres vítimas de violência : Fokupers, conduzida atualmente por jovens ativistas educadas em universidades indonésias e Etwave, fundada e dirigida por uma militante dos direitos das mulheres. 16. É interessante notar, porém, que organizações de mulheres como OPMT e OMT, históricas e de massa, têm estado relativamente distantes do tema da violência doméstica, desenvolvendo predominantemente atividades relativas a geração de emprego e renda. 17. A instrução dada pelos treinadores, adequada aos procedimentos formais, era para que o policial não recebesse este tipo de caso, uma vez que se a relação sexual fora consentida, não havia crime nenhum em causa. O que ele poderia fazer era sugerir que a família entrasse com um processo civil no tribunal distrital. 18. Quanto a isso, dizem ainda que, em relação ao sudeste asiático, « os processos de formação do Estado e da Nação, a reestruturação econômica global e migrações de mão-de-obra para além- mar criaram geografias fluidas de gênero, raça e classe que cruzam fronteiras nacionais. Como conseqüência, do mesmo modo que os sujeitos pós-coloniais dificilmente conseguem equilibrar as forças descentradoras e recentradoras das reviravoltas cultural e nacional, assim também os entendimentos culturais do que seja ser masculino e feminino estão se tornando cada vez mais borrados, variados e problemáticos » (EDWARDS & ROCES 2000). 19. Para uma compreensão detalhada dos diferentes projetos em disputa na construção de um Estado moderno em Timor-Leste, ver SILVA 2004.

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RESUMOS

O combate à violência doméstica em Timor-Leste tem envolvido cada vez mais iniciativas do Estado, da cooperação internacional e de organizações da sociedade civil daquele país. Este artigo analisa o impacto destas iniciativas sobre representações locais da violência, buscando identificar alguns dilemas da modernização timorense expressos nos conflitos entre diferentes sentidos de violência, de corporalidade e de gênero. Ao mesmo tempo em que falam de conflitos privados, encarnados em corpos e relações particulares, as contradições do processo de combate à violência doméstica falam de mudanças em curso na sociedade timorense em nível mais geral, articulando diferentes noções de direito, justiça e indivíduo.

The fight against domestic violence in East Timor involves a growing set of projects from the government, international aid and local organizations. This paper analyses the impact of these activities on local meanings of violence, trying to clarify some of the dilemmas of modernization in East Timor which may be seen in the conflicts between different senses of violence, body and gender. The contradictions of the process of prevention and education against domestic violence tell us about both private conflicts embodied in particular relations, and the current changes in Timorese society on a more general level, putting together different meanings of law, justice and the individual.

La lutte contre la violence domestique à Timor-Leste a chaque fois plus été l’objet d’initiatives du gouvernement, de la coopération internationale et des organisations locales de la société civile. Ce texte analyse leur impact sur les représentations locales de la violence, en mettant en évidence quelques dilemmes de la modernisation du pays, manifestes dans les conflits entre différentes significations de la violence, du corps et du genre. En même temps que l’on parle de conflits privés, incarnés dans les corps et les relations entre particuliers, les contradictions du processus de lutte contre la violence domestique parlent, elles, de changements en cours dans la société timoraise en général, dans les notions du droit, de la justice et de l’individu.

ÍNDICE

Mots-clés: violence domestique, éducation, coopération internationale, conflits privés Índice geográfico: Timor-Leste

AUTOR

DANIEL SCHROETER SIMIÃO

Universidade Federal de Minas Gerais (UFMG). Departamento de Sociologia e Antropologia

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La chronique des lectures

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A Lusografia africana

Jean-Michel Massa

1 Não é no encontro de hoje, aqui, no Rio de Janeiro, que eu pretendo explicar e esclarecer o que se entende por complexidade – ou melhor por complexidades da língua portuguesa. Sabemos que a língua portuguesa foi uma língua em constante expansão e que, numericamente, cada ano, a língua dos portugueses é um idioma mais intercontinental, internacional, universal.

2 A expansão desse idioma simboliza um dos maiores desafios da história ocidental. Fugiria do nosso tema lembrar e inventariar as etapas, peripécias históricas, culturais, religiosas dessa expansão pluricontinental, na África, na Ásia e na América : expansão da língua oral, isso é da lusofonia. A lusofonia gera a lusografia, que diz respeito não à fala mas à escrita em português. 3 Cito o título do presente colóquio : A língua portuguesa no mundo da lusofonia. O neologismo português « lusofonia » nasceu há uns vinte anos, réplica do conceito, da palavra francesa francophonie. Na França foi o geógrafo Onésime Reclus que, em 1880, criou as palavras francophonie e francophone. Ele definia os falantes, os cultores da língua francesa. Até aos anos 30, o termo é raro. Valéry Larbaud, grande escritor francês, com visões internacionais, o democratiza. Mais perto de nós, Raymond Queneau e Léopold Sedar Senghor o internacionalizam. Hoje a francophonie, recuperada pelos políticos, define um espaço mais político, o de países, o de nações, que têm o francês como língua oficial ou utilizada no país. Por exemplo, o Senegal. 4 Mas Cabo Verde, a Guiné-Bissau entraram na comunidade francófona formada por cerca de quarenta outros países total ou parcialmente francófonos. Hoje em dia, francophonie abarca o espaço da língua oral e escrita. A palavra francographie nunca vingou no meu pais. Não aparece nem no Robert1, nem no Trésor de la Langue Française 2. 5 Em Portugal, a lusofonia é uma réplica recente da francophonie, aliás pouco fiel à realidade. Com efeito, nem todos os lusófonos falam português. As estatísticas incluem toda a população dos países que têm o português como língua oficial. Sabemos que são por ordem alfabética : Angola, Brasil, Cabo Verde, Guiné-Bissau, Moçambique, Portugal, São Tomé e Príncipe, Timor. Cinco pertencem a os chamados PALOPs (Países Africanos de Língua Oficial Portuguesa). No dicionário clássico de José Pedro Machado

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(10 volumes, 1964) encontramos, além dos clássicos vocábulos : luso-africano, luso- brasileiro, luso-ibérico, geograficamente corretos, lusófilo, lusófobo e um curioso lusitanófilo. Lusófono e lusofonia estão ausentes. A palavra lusofonia não entra tampouco no Novo Dicionário da Língua Portuguesa 3, em 1976, o famoso Aurélio. Mas no Dicionário da Língua Portuguesa Contemporânea4 da Academia das Ciências de Lisboa, em 2001, entram lusofonia, lusófono (adjetivo e substantivo) e dezanove palavras compostas com luso- como nome de uma terra ou país, além dos lusófilos e lusófobos e o clássico luso-descendente e para não esquecer o Brasil e Gilberto Freire, o luso- tropicalismo. 6 Mas falta ainda o luso-falante, presente aliás no dicionário do meu falecido amigo Antônio Houaiss5 onde estão presentes lusófono, lusofonia mas não luso-descendente. Em nenhum dos dicionários consultados se registra lusógrafo ou lusografia. Há uns vinte anos, depois da independência nos anos 1975 das ex-colônias portuguesas, comecei a utilizar este neologismo e a defini-lo.

* * *

7 Para compreender a situação e definir a lusografia, conceito que se aplica com muito proveito à África, é preciso evocar a primeira colônia que se desligou de Portugal e conquistou a sua independência, ou seja o Brasil.

8 É preciso lembrar que, quando se fala de língua « brasileira », ninguém duvida que o idioma ao qual se faz referencia seja a língua na qual estou falando hoje e aqui. Até aos anos 1830-1840, quando se aludia à língua « brasileira » ou língua « brasílica » não se tratava nem da língua do Brasil nem da língua falada no Brasil mas sim de uma das línguas dos índios (tupi, língua geral ou outras línguas indígenas). Eram falares desprezados, sem F, sem L, sem R por serem sem Fé, sem Lei, sem Rei. Só os missionários ou colonizadores conheciam, utilizavam, ou faziam estudos sobre os referidos idiomas, meio de comunicação oral. O exemplo mais significativo e inteligente é o do jesuíta Anchieta que catequizou através do teatro, utilizando nos autos as duas línguas, portuguesa e indígena. 9 No Brasil reinava o multilingüismo : falares indígenas, regionais, línguas diferentes, incluindo o português. O Marquês de Pombal, com uma decisão autoritária, drástica, suprimiu essa rica diversidade. Foi o Diretório dos Índios (1757) decisão política contra os jesuítas, mas que impunha também a língua portuguesa como língua exclusiva, proibindo o uso da chamada língua geral. Lentamente, a língua portuguesa se alastrou. Lentamente, pois quase não existiam escolas mas progressiva e, duma certa maneira, definitivamente, a língua portuguesa foi conquistando o campo da escrita. 10 Atualmente, com exceção de alguns poucos espaços, onde sobrevivem idiomas de origem, reina o monolingüismo da língua portuguesa, que alguns chamam de língua portuguesa do Brasil ou língua brasileira, mas não vamos abrir esta polêmica. 11 Localmente, no Brasil, há também alguns falares africanos, porém em números reduzidos, ilhas ou melhor ilhotas em espaços limitados. Pensamos em estudos recentes, por exemplo, os de Vogt6, ver também Yeda Pessoa de Castro7 e Nei Lopes8 (já na segunda edição). As línguas africanas entram igualmente no ritual das religiões afro- brasileiras como o latim entrou no ritual da religião católica.

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12 O exemplo do Brasil era necessário para definir a lusografia, e mais concretamente, a lusografia africana. Da nossa análise vamos excluir a Ásia, Macau, Timor e os numerosos crioulos de origem portuguesa apesar de muitas interferências e paralelismos. Trata-se de um outro sistema lingüístico.

13 Na África encontramos cinco países, ex-colônias portuguesas, que apresentam três casos muito diferentes. Os mais simples são os dois maiores em extensão e população : Moçambique e Angola. Cada um com uma presença forte de línguas africanas indígenas chamadas línguas nacionais. São quarenta em Moçambique e seis reconhecidas oficialmente em Angola. De Norte a Sul : kikoongo, kimbundu, cokwe, umbundu, mbunda, kwanyama. O kikoongo está presente também no Zaire, o kimbundu é a língua da capital Luanda, o cokwe está presente também no Zaire e ocupa o oeste do país, o umbundu (Benguela, Huambo, Bié) situa-se no centro, o mbunda encontra-se presente também na Zâmbia, o kwanyama também na Namíbia. As seis línguas apresentadas, escolhidas como línguas nacionais e reconhecidas oficialmente não cobrem a totalidade do país (um milhão e meio de quilómetros quadrados). A situação lingüística de Angola apresenta algumas complicações : as seis línguas reconhecidas se estendem fora do território nacional mas não cobrem todo o espaço angolano e há espaços interiores com outras línguas não reconhecidas nem nacionais. Não vamos entrar nas complicações moçambicanas, lembraremos apenas que as línguas africanas e dialetos totalizam mais ou menos quarenta. É obvio que cada língua alimenta uma diversidade cultural e, às vezes, religiosa. 14 Devido à complexidade lingüística, não só de Angola e Moçambique mas também dos outros três países, logo depois das independências, as nações evocadas desenvolveram um imponente programa de escolarização, de alfabetização da juventude e dos adultos que fez crescer o número de luso-falantes e de luso-escreventes. Mas não anticipemos. 15 Para Angola e Moçambique, o peso da língua portuguesa cresceu, conseqüência da guerra civil, de um importante êxodo rural, do aumento espectacular da população das cidades, especialmente Luanda e Maputo. Como Lisboa, Luanda possui um milhão e meio de habitantes. Por isso, a língua portuguesa adquiriu o estatuto de língua necessária também para a comunicação entre os vários grupos lingüísticos, sem ter aliás um estatuto jurídico definido. Nenhuma das ex-colônias reconhece um estatuto à língua portuguesa. É um problema nunca evocado nas constituições das novas repúblicas. Só para lembrar, no Brasil, só na constituição de 1988 é que a língua portuguesa foi reconhecida como língua nacional. 16 Outra originalidade de Angola é que a concentração urbana em Luanda gerou uma língua específica, uma espécie de gíria ou calão, que uma marginalidade importante ajudou a cristalizar. Embora seja um tema de interesse para a pequisa universitária, tal gíria por enquanto quase não foi estudada. 17 Angola e Moçambique, países de grande extensão geográfica e multilingüismo plural, procuraram utilizar a língua portuguesa como fator de unificação política. Samora Machel, que foi Presidente até a sua morte trágica em 1986, sempre clamava nos comícios : « um só povo, uma só língua, uma só nação ». Lutava também contra o « retrógrado tribalismo », símbolo das trevas africanas, para ele talvez tão perigosas como as trevas do colonialismo. Moçambique tem não só a diversidade lingüística evocada mas três outras diversidades : duas religiosas e uma geográfica. O Islão é forte e

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ativo em certos setores do território nacional. De outro lado, pode-se notar uma impregnação protestante desenvolvida pelas missões desde o século passado. Além disso, vindo da Índia e de Goa, enraizou-se uma presença asiática antiga e profunda.

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18 Os três outros países, apesar de terem uma superfície muito mais reduzida, apresentam características distintas e originais. A Guiné-Bissau, com os seus 30 000 quilômetros quadrados, espalhada numa pletora de ilhas, tem mais de quinze línguas africanas, uma forte islamização e dois crioulos. É um país marítimo, essencialmente agrícola, pouco urbanizado, com três pequenas cidades : Bolama – antiga capital – Cacheu e Bissau, mas um milhão de habitantes e uma grande diversidade religiosa, étnica e cultural. Foi por este motivo, tipológico, de país pequeno e complicado, que o escolhemos para realizar o nosso primeiro dicionário das peculiaridades da língua portuguesa escrita da Guiné- Bissau (1996). Infelizmente, o dicionário já se esgotou. O pais é o exemplo mais evidente da ignorância dos colonizadores, não só portugueses mas ingleses e franceses no final do século XIX. Na conferência de Berlim em 1885, fixaram as fronteiras, com linhas rectas, desprezando ou melhor negando os fatores identitários : língua, religião, esquecendo o animismo e as etnias.

19 Totalmente à parte encontram-se as duas últimas nações. São verdadeiramente nações, enquanto os três outros países citados são estados e futuramente nações. Cabo Verde e São Tomé e Príncipe, arquipélagos no meio do mar, respectivamente a 500 e 1 000 quilômetros do continente africano não conheciam a presença do homem – ao que parece. Terras virgens, como a Madeira e os Açores. Por isso, colonizados por portugueses e por escravos, construíram logo um sistema novo, original. Não havia línguas africanas com base escrita e tão diversas e faladas por um número reduzido e movediço de falantes que não chegaram a se enraizar. Organizou-se, paralelamente a uma presença lingüística portuguesa fraca, e também essencialmente oral, uma nova língua : o crioulo, ou melhor os crioulos. Dois, se nos referimos a regiões geográficas, norte e sul (Barlavento e Sotavento). Dez, se considerarmos o número das ilhas povoadas. Em São Tomé e Príncipe, um crioulo para cada ilha, e o angolar com base bantu na região oriental de São Tomé. 20 « E agora José », como dizia o meu amigo Carlos Drummond de Andrade, e a lusografia ?

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21 Bem se vê que a presença da lusofonia é complexa, diversa e de certa maneira limitada nos PALOPs. Aliás, os interessados utilizam mais a denominação de « os Cinco » em vez de PALOPs. Os Cinco têm línguas nacionais que não são a língua

22 portuguesa. Recentemente, Cabo Verde decidiu fazer do crioulo a língua nacional e ensinar em crioulo. Mas qual crioulo ? ainda é um problema a resolver. Assim a língua portuguesa tornou-se primeira língua estrangeira em muitos casos. O seu estatudo gera conflitos, controvérsias, polémicas. É também um problema quente, político além de linguístico. Nos Cinco, constatamos uma pletora de falares e bilingüismo, polilingüismo ou diglossia, sem esquecer o peso modesto mas efetivo do inglês em Moçambique (país que aderiu ao Commonwealth) nem do francês nos outros quatro países com a proximidade fronteiriça da língua francesa através das ex-colônias francesas e belga

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(Senegal, Guiné ex-francesa, Republique democratique du Congo, Gabon). Por isso, a lusofonia como língua falada, usual, quotidiana, maioritária não cobre os espaços todos. Durante a colonização, o português era essencialmente a língua de uma minoria, os portugueses e os assimilados. A rede escolar era fraca e mais aberta aos metropolitanos do que aos indígenas. Em contrapartida, a lusografia tem outro estatuto, outra presença, que vamos definir agora. 23 Nesse setor, Portugal foi verdadeiramente revolucionário e pioneiro entre todas as outras nações colonizadoras. Com efeito, a partir de 1842, em Cabo Verde, foi criado o Boletim Oficial da referida colónia, e importada uma tipografia. Nascia a lusografia na África. As outras colônias, alguns anos mais tarde, tiveram também os seus Boletins Oficiais. Decisão e criação pioneiras, já que nas outras colônias francesas e inglesas, as publicações em línguas européias são muito mais tardias, quase meio século depois. Em 1849, aparece também, em Luanda, o primeiro livro nacional, Espontaneidades da minha alma, de José da Silva Maia Ferreira9 que evoca a realidade angolana. Nasce a lusografia literária e começa a existência de literaturas que não direi autónomas mas já diversificadas. 24 Na série do Almanaque Luso-brasileiro de Lembranças10, desde 1851, além de textos produzidos por portugueses, brasileiros, macaenses ou goeses, aparecem também escritores nacionais que mandam das diversas regiões da África textos em prosa e verso para o Almanaque. São contistas, poetas, funcionários amadores das letras que propõem textos e depoimentos, quase reportagem sobre costumes… É um património lusógrafo que na nossa universidade de Rennes a nossa equipe de pesquisa vem recolhendo e vai republicar nos próximos anos. Vão entrar numa coleção nossa chamada PLA isso é Património Lusógrafo Africano. A lusografia existe como sistema, quase como estatuto. E vai existir com um conteúdo próprio e com uma criação lingüística. Não popular, obviamente, um pouco elitista, mas através dos lusógrafos que são os escritores. No século XIX, mais de uma centena e a pletora de escritores do século XX, já que muito raramente as línguas africanas ou os crioulos foram escolhidos como línguas de criação ou expressão literária. 25 Os nossos dicionários (são três : Guiné-Bissau e São Tomé e Príncipe esgotados e Cabo Verde disponível) nasceram do estudo e da análise de textos escritos nos referidos países : imprensa, revistas, exercícios escolares, cartas… e ainda mais do depoimento de obras literárias de escritores nacionais. Excluímos os traços característicos do estilo próprio de um autor criador de palavras (Luandino Vieira e Mia Couto) e os seus neologismos. No Brasil, pensaríamos em Guimarães Rosa. Mas é de lembrar que, vamos vê-lo, a lusografia africana é evolutiva e criativa. 26 Podem imaginar que não vamos, hoje e agora, esgotar uma riqueza bissecular de uma língua e literatura escritas no continente africano. Antes do trabalho dos escritores é preciso indicar a presença natural e obrigatória das realia de cada país, são os termos que definem a flora, a fauna, os costumes, que existem só no pais em questão e que raramente aparecem nos dicionários portugueses ou brasileiros. 27 Utilizamos os trabalhos científicos dos pesquisadores portugueses ou não portugueses. Recolhemos centenas de palavras. Ninguém imagina que oitenta ornitólogos, só para Cabo Verde, estudaram as aves e registaram os nomes locais. As bibliografias dos nossos dicionários apresentam obras de naturalistas que a partir do século XVIII – Século das Luzes – pesquisaram e publicaram textos agora esquecidos por muitos deles. É uma lusografia que podemos chamar de científica, patrimônio dessas nações.

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28 Descobrimos um outro setor. São termos portugueses do Português metropolitano que evoluíram semanticamente. Não são neologismos mas empréstimos. Eis um exemplo cabo-verdiano : « carinha » : é a fotografia para passaporte ou bilhete de identidade. Os nossos dicionários são também enciclopédicos : recolhem e explicam termos que fazem parte da identidade da terra. Por exemplo, no caso de Cabo Verde, uma palavra como « milho » é um sésamo para compreender a nação. Tem uma presença em muitíssimos aspectos da vida que não tem em outros países e que tem de ser explicada e comentada. 29 Todos os vocábulos inventariados nos nossos dicionários foram levantados de textos documentados. Correspondem muitos deles a realidades da vida quotidiana : agricultura, pesca, culinária, utensílios e instrumentos, música, cultura, sentimentos – como a famosa morabeza cabo-verdiana – etc. É preciso lembrar de novo uma característica e um limite dos nossos dicionários. Por motivos evidentes, a modéstia dos nossos meios financeiros – já que recebemos somente um apoio do Centre National de la Recherche Scientifique que ajudou e apoiou as pesquisas da nossa equipe – impediu que a língua falada, a língua de rua, da televisão, do rádio, fosse contemplada. Já era difícil reunir a documentação escrita, espalhada nos Cinco, com os conflitos e guerra civil que conheciam alguns deles. A nossa universidade reuniu no Fonds Africain Bernadino Chiche11 aproximadamente 10 000 volumes, e dezenas de coleções de revistas antigas e mais recentes, incluindo a coleção completa do Almanaque Luso-brasileiro de Lembranças (1851-1936). 30 Não tinha a pretensão de esgotar uma matéria tão rica. O tempo falta para ir além e aprofundar mais sobre nosso trabalho e metodologia, mas espero que o debate possa continuar a presente exposição, rápida e forçosamente incompleta. 31 Fevereiro de 2006

NOTAS

1. Le Robert, Dictionnaire de la langue française, Paris, 9 vol., 1985. 2. Trésor de la langue française, Paris, CNRS-Gallimard, 19 vol., 1992. 3. Aurélio Buarque de Holanda FERREIRA, Novo Dicionário Aurélio da Língua Portuguesa, Rio de Janeiro, Nova Fronteira, 1976. 4. João Malaca CASTELEIRO, Dicionário da Língua Portuguesa Contemporânea, Lisboa, Academia das Ciências de Lisboa, Verbo, 2001, 2 vols. 5. A. HOUAISS, Houaiss da Língua Portuguesa, Rio de Janeiro, Objetiva, 2001. 6. C. VOGT, Cafundó : a África no Brasil, linguagem e sociedade, São Paulo, Companhia das Letras, 1996. 7. Y. Pessoa de CASTRO, Falares africanos na Bahia: um vocabulário afro-brasileiro, Rio de Janeiro, Academia Brasileira de Letras/Topbooks, 2001. 8. N. LOPES, Novo Dicionário Bantu do Brasil, Rio de Janeiro, Pallas, 2003. 9. Luanda, 1849 [última reedição : J. da Silva Maia FERREIRA, Espontaneidades da minha alma, Lisboa, Imprensa Nacional-Casa da Moeda, 2002, pref. Salvato Trigo (« Escritores dos países de língua portuguesa », 30)].

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10. Lisboa, 1851-1936. 11. Nome de um estudante nosso, moçambicano, tradutor de Samora Machel, que morreu com ele no crash do avião.

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La chronique des lectures

Les comptes rendus

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Atilio Boron, Raul Zibechi, Emir Sader & Francisco Rhon Davila (eds), Mouvements et pouvoirs de gauche en Amérique latine Paris, Syllepse – Centre Tricontinental, 2005, 222 p. (« Alternatives Sud », XII-2).

Robert Cabanes

RÉFÉRENCE

Atilio Boron, Raul Zibechi, Emir Sader, & Francisco Rhon Davila (eds), Mouvements et pouvoirs de gauche en Amérique latine, Paris, Syllepse – Centre Tricontinental, 2005, 222 p., ISBN : 2-84950-044-5 (« Alternatives Sud », XII-2).

1 L’article de Bernard Duterme, « Conditions formes et bilans du retour de la gauche en Amérique latine », analyse le contexte des dynamiques de gauche dans neuf pays : cinq où le pouvoir politique a été conquis par la gauche, Venezuela, Brésil, Bolivie, Argentine, Uruguay et quatre où il pourrait l’être : le Mexique à travers une possible alliance entre le Parti de la Révolution démocratique et l’Armée zapatiste de libération nationale, l’Équateur où le mouvement indigène n’a pas dit son dernier mot, le Nicaragua et le Salvador du fait du poids électoral que représentent encore les anciennes gauches révolutionnaires. Pas d’examen des pays où ces dynamiques sont absentes ou faibles et sur les raisons de ces faiblesses (République dominicaine, Haïti, Paraguay, Pérou, Colombie, Costa-Rica, Honduras, Guatemala, Panama, Belize) ; pas d’examen non plus du Chili qui a récemment confirmé son évolution à gauche, ni de Cuba. On peut le regretter mais c’est néanmoins un panorama très stimulant que nous livre la revue autour des questions suivantes :

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2 – l’hégémonie réelle et symbolique du néolibéralisme aurait-elle fait long feu après deux décennies d’applications pratiques qui ont laissé intactes ou ont aggravé la pauvreté et l’inégalité ? – est-ce que l’abandon de responsabilités sociales et politiques des États est devenu à ce point insupportable qu’il serait contraint à une intervention de type nationaliste dans l’économie ? – comment qualifier les nouveaux acteurs qui, souvent à la place des partis et mouvements classiques (ouvriers, paysans, étudiants) agissent dans cette direction ? Sous-prolétariat urbain, femmes, sans-terre, mouvements indigènes ? Ces derniers pourraient incarner la nouveauté politique majeure car ils associent à une résistance culturelle une revendication moderne (révolutionnaire ?), de justice sociale. 3 Certes, comme les autres mouvements de chômeurs urbains ou de sans-terre, ils oscillent entre une tradition anarcho-syndicaliste et une inspiration sociale-démocrate, mais le problème n’est-il pas qu’ils sont souvent minoritaires au sein de leur propre milieu social ? Les bilans de leurs premières expériences sont encore incertains au Mexique ou en Équateur. Et les nouvelles configurations de la gauche au pouvoir en Argentine, au Brésil, au Venezuela, en Uruguay (en Bolivie et au Chili après la parution de l’ouvrage) sont trop hétérogènes pour être analysées globalement. 4 Atilio Boron, secrétaire exécutif du Conseil latinoaméricain de Sciences sociales (CLACSO), traite des « défis de la gauche latino-américaine à l’aube du XXIe siècle » et note la contradiction entre une consolidation du néolibéralisme au plan économique et politique et son affaiblissement, depuis 1995 environ, au plan de la culture et de la conscience civique et politique. Les mouvements sociaux qui illustrent cet affaiblissement et l’échec des capitalismes démocratiques de la région (piqueteros argentins, sans-terre brésiliens, « indigènes » mexicains, équatoriens et boliviens) et qui ont pu entraîner avec eux des classes moyennes en voie de paupérisation, trouvent cependant mal leur expression politique dans les partis et syndicats traditionnels. Comme si les « classes » avaient disparu, du fait de l’impossibilité de leur expression dans le travail, avec le langage d’un XXe siècle révolu ; comme si elles étaient seulement capables de s’exprimer, grâce à la crise du néolibéralisme dans la culture et les consciences, de manière déviée, à travers des conditions ou des identités toujours spécifiques ou segmentées (ethniques, linguistiques, de genre, d’âge, de sous- prolétariats divers), parfois prises en relais par des organisations mondialisées. Syndicats et partis sont en difficulté pour prendre en charge ces changements et les synthétiser d’abord à chaque niveau national. En même temps, pour faire face à l’ampleur de la crise, la reconstruction des États et des marchés intérieurs, et l’adoption de politiques fiscales frappant les riches paraissent inévitables. Le Brésil, principal pays qui présente les conditions politiques économiques et culturelles favorables à la mise en œuvre de ces politiques, reste encore timide après deux ans et demi de pouvoir : a-t- il dit son dernier mot ? L’actuel gouvernement argentin semble encore capable de susciter l’imagination, publique et populaire, par-delà le « possibilisme des marchés », parce qu’il est issu d’une crise politique et sociale longue et cruelle. Cuba et le Venezuela peuvent offrir, ouvrir, des voies, même partielles. L’auteur en conclut que sans un volontarisme de tous les instants de la part des pouvoirs politiques élus, il n’y a pas d’avancée. 5 Quel volontarisme ? C’est cette question qui intéresse Beatriz Stolowics, professeur à l’UNAM de Mexico : « La gauche latinoaméricaine entre épreuve du pouvoir et volonté

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de changement ». Elle note la montée des forces électorales de gauche depuis 2000 dans toute l’Amérique latine et le développement de mouvements sociaux de résistance, dispersés mais clairement opposés à la mondialisation, en appui de l’État national. Leurs capacités d’action restent cependant limitées, même lorsque des alliances de gauche accèdent au pouvoir, parce qu’elles ne savent répondre ni aux défis « du haut » (présenter des alternatives aux processus de mondialisation) ni aux défis « du bas » (articuler et synthétiser des actions sociales dispersées). Elle en trouve l’explication dans le souci de « la gauche au pouvoir » de conforter les libertés durement acquises après les dictatures en mettant en attente le souci d’égalité pour lequel elle a été aussi élue. Ainsi pourrait-on expliquer que nombre d’expériences de développement et d’administration locales, où les formes d’autogestion populaires alternatives ont pris une réelle ampleur, en restent au plan « pédagogique » en l’absence d’un processus national qui les valorise et les démultiplie. L’idée de gouvernabilité se substitue alors à celle de démocratie, image d’un consensus « post-libéral », nouvel habillage du consensus de Washington. 6 Emir Sader (Université de Rio de Janeiro) note de son côté trois séries de causes dans l’échec des luttes contre le néolibéralisme : la frilosité des gouvernements de gauche au pouvoir, le manque d’articulation politique des mouvements sociaux, ou à l’inverse la perte d’autonomie de ces derniers. L’articulation vertueuse entre mobilisations populaires, plateformes alternatives, alliances sociales hégémoniques et directions politiques capables d’insuffler une politique nationale fondée sur l’affirmation de droits universels n’est encore réalisée nulle part mais elle apparaît par bribes et semble possible à un horizon peu éloigné. Horizon que Teotónio dos Santos (Université de Rio de Janeiro) voit également de manière assez proche puisqu’il ne s’agit, au fond, que de réactualiser l’agenda « développementiste » des années 1960 et 1970, dans le contexte de nouvelles conditions économiques internationales où la compétition entre nations mettra nécessairement à nu les racines inégalitaires et autoritaristes de chaque société nationale (on peut se demander par quels processus ?). 7 Hernan Ouviña, sociologue de l’Université de Buenos-Aires s’attache à décrire la nouveauté de quelques-uns de ces mouvements sociaux, zapateiros mexicains, piqueteiros argentins et sem terra brésiliens. Leur nouveauté résiderait dans le fait que la protestation sociale dépasse la problématique de la production et du travail en y associant la reproduction (logement, alimentation, écologie, services publics, droits de l’homme, valeurs traditionnelles). Se substituant en quelque sorte aux partis qui ont accepté le processus de recul de l’État, ils associent à leurs formes d’organisation non autoritaires des objectifs de transformation radicaux. Ils diffèrent, selon l’auteur, des nouveaux mouvements sociaux des pays capitalistes du centre (féminisme, écologisme, altermondialisme), parce qu’ils sont issus de la périphérie et des « exclus » de faible niveau éducatif et non de classes moyennes, parce qu’ils rejettent le processus électoral et le parlement comme instance décisionnelle prioritaire (à la différence des Occidentaux), et enfin parce qu’ils mettent en pratique « ici et maintenant » une transformation concrète de la vie par leurs coopératives rurales, industrielles ou urbaines. Marginalités des acteurs, pratiques assembléistes, autogestion productive, souci exigeant de dignité sans nul besoin d’autoproclamation d’une avant-garde, ne facilitent pas les médiations avec les régimes de démocratie représentative de chaque pays. La principale perspective devient, dès lors, internationaliste, malgré les difficultés dues aux différences avec les mouvements occidentaux

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8 L’examen des conjonctures pays par pays mélange doutes et espoirs. Maristella Svampa (Université General Sarmiento, Buenos Aires) montre la grande diversité des origines des mouvements piqueteros, syndicale, politique, locale, corporatiste, et leur efficacité pendant l’année 2001 qui vit le renversement de deux gouvernements en l’espace de six mois. Ensuite, la réponse de l’État, plans sociaux et assistance alimentaire dans un premier temps, stratégies d’intégration, de cooptation, d’isolement, de canalisation dans un second, porta ses fruits : elle fit apparaître l’ensemble du mouvement, avec le temps, comme un simple expert en clientélisme, avant de porter devant la justice certaines de ses actions illégales. Le mouvement piquetero se divisa alors entre ceux qui faisaient allégeance au populisme du pouvoir, ceux qui continuaient à croire à la mobilisation permanente, et ceux qui entreprirent un projet de formation politique dans une perspective de plus long terme. 9 Gilberto Lopez y Rivas (Institut national d’Anthropologie et d’Histoire de Mexico) examine les raisons de l’isolement du mouvement zapatiste au sein des gauches mexicaines et les possibilités d’extension de l’idée de peuple-nation qu’il incarne. Comment les gauches, toutes les gauches, pourraient-elles prendre en compte, outre les contradictions et luttes économiques, les nécessités d’une démocratie pleine où les acteurs les plus faibles ou ignorés doivent prendre place (enfants, femmes, immigrants, minorités sexuelles) ? N’est-ce pas l’abandon de ces prémisses théoriques égalitaires au profit de modèles hypertrophiés de commandement, avec leur cortège de corruptions en tous genres, qui explique la perte des références morales, qu’en revanche l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) conserve encore, fournissant des stimulants de résistance à toute gauche qui, au Mexique ou dans le monde, se respecte ? Outre l’administration d’un territoire qu’elle gère au mieux de ses principes démocratiques, l’EZLN repousse ou détourne les projets nationaux capitalistes issus de l’État national qui touchent sa région ; cette autonomie concrète n’est pas négligeable même si la pensée de sa généralisation paraît incertaine. Serait-elle réalisable dans le cadre d’une alliance des gauches qui accéderait au pouvoir national ? 10 En Uruguay (Raul Zibechi, Université Franciscaine), trois décennies d’hégémonie culturelle de « la » gauche se sont enfin terminées en hégémonie politique aux élections de 2005. Chacun s’attend au renforcement de l’État, à la fin des privatisations, à une participation politique populaire accrue. Chose attendue également, avec plus de pessimisme, au Brésil (Plinio de Arruda Sampaio, directeur du Correio da Cidadania) où le gouvernement de gauche arrivé en 2003 poursuit une politique économique libérale pour garder la confiance nationale et internationale, et tarde à se lancer dans les politiques sociales et civiques annoncées. 11 En revanche, la Bolivie, après quinze ans d’hégémonie néolibérale et une succession de pactes bancals entre gouvernements de droite et forces syndicales en déclin (mineurs en particulier) ou en développement (les cocaleros), voit la gauche se recomposer à l’occasion de luttes de résistance nationales (contre la privatisation de l’eau en 2000, celle du gaz en 2003) en même temps que naissent partis politiques et leaders de gauche « indigénistes », plus nationalistes qu’indigénistes semble-t-il si l’on en juge par leur désir de mettre un terme à l’enfermement dans le consensus néo-libéral. 12 Désirs pas si faciles à réaliser au regard de l’histoire récente de l’Équateur qui après une décennie de dictature (années 1970) et une décennie démocratique (années 1980), voit se développer simultanément l’insertion néolibérale et le mouvement indigène. Ce dernier se constitua au cours de la réforme agraire et de la transition qui vit la

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décomposition de l’hacienda privée dont les Indiens étaient dépendants, en paysanneries autonomes ; il est issu de la démocratie chrétienne des années 1970 présente dans certaines régions rurales, de l’action plus récente des évangélistes organisés en une fédération d’Églises qui entretient des liens étroits avec les gouvernements, des organismes nés de l’extension de la sécurité sociale en milieu rural, et il fut couronné, depuis 1986, par la Confédération des nationalités indigènes d’Équateur (Conaie). C’est dans les luttes de cette transition que le mouvement se forge, dans les différences régionales, et qu’il prend une dimension nationale (prise de position contre les privatisations). D’emblée inséré dans les politiques publiques, il doit faire face aux changements de tendance et de majorités politiques, à l’intervention des militaires, aux manipulations de l’ethnicité, tout en portant l’expression d’une population qui sort d’un quasi-esclavage, et dont personne ne connaît l’exacte importance (entre 10 et 35 % de la population totale), bien qu’elle soit devenue un acteur politique incontournable. 13 Selon Edgardo Lander (Université centrale du Venezuela), le président Chavez, élu en 1999, met en œuvre une politique économique mesurée fondée sur la nationalisation de l’industrie pétrolière, le développement de l’industrie de substitution d’importations et une politique sociale publique de visée universaliste. L’orientation internationale de la politique économique est orthodoxe : remboursement de la dette et ouverture à l’investissement étranger. Mais l’affichage politique est ouvertement nationaliste et indépendantiste : le risque-pays augmente, la fuite des capitaux aussi, l’investissement et le PIB chutent, le chômage monte. Au lieu de battre en retraite le gouvernement fit approuver des lois garantissant l’exploitation à des fins sociales de la pêche et de l’aquaculture, de la terre et de l’agriculture (amorce d’une réforme agraire), la troisième mesure stimulant la formation de capital national pour le développement aval de l’industrie pétrolière (50 % de capital national minimum et redevance participative de 30 % pour l’État). Autant d’orientations opposées au néolibéralisme dominant ; la tentative de coup d’État du capital international et des classes moyennes locales, ostensiblement appuyée par les EUA en avril 2002 tourna court et se termina par un plébiscite électoral et l’approfondissement des politiques mises en œuvre avant le coup d’État en matière de santé, éducation et participation populaire à la gestion publique. Si la fragilité de ce système renvoie à la fragilité des relais sociétaux (partis, syndicats, organisations) entre le peuple et le président, il n’en reste pas moins que cet exemple illustre la capacité de la sphère politique à s’imposer face aux « lois » de l’économie, dans un contexte il est vrai où l’État contrôle la principale ressource nationale. 14 Mars 2006

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Pedro Ramos Brandão, A Igreja Católica e o « Estado Novo » em Moçambique, 1960-1974 Lisbonne, Editorial Notícias, 2004, 259 p.

Éric Morier-Genoud

RÉFÉRENCE

Pedro Ramos Brandão, A Igreja Católica e o « Estado Novo » em Moçambique, 1960-1974, Lisbonne, Editorial Notícias, 2004, 259 p., ISBN : 972-46-1567-7, note scientifique de António Costa Pinto, préface de José Capela.

1 Quelles furent les relations entre l’Église catholique et l’État au Mozambique durant les dernières années du régime colonial ? Voilà un sujet passionnant qui n’avait pas encore été traité systématiquement et encore moins à l’aune des évolutions historiographiques de ces dernières années. La période est particulièrement intéressante au Mozambique dans la mesure où le Concile Vatican II remuait alors les esprits catholiques et que les cas de dissidence religieuse, voire politique, se multipliaient au sein de l’Église. On mentionnera ici le cas des Pères Blancs qui finirent par quitter le Mozambique pour protester contre la collusion entre État et Église. On mentionnera aussi le cas de l’évêque de Nampula qui, avec les Pères Comboniens, dénonça publiquement la guerre et le colonialisme, appela à une décolonisation immédiate du Mozambique, et fut expulsé avec ses missionnaires juste avant la chute du régime. La période 1960-1974 est donc une période riche en événements et en retournements, une période que Pedro Brandão analyse en 259 pages. L’ouvrage n’a pas de prétention universitaire, nous dit l’auteur dans l’introduction (quoique ce soit le fruit de son travail de thèse de doctorat en cours). Tout au plus veut-il faire connaître le sujet au grand public et mettre à jour des faits nouveaux.

2 Le livre de Pedro Brandão est structuré en dix chapitres, dont trois introductifs. Le premier présente l’histoire de l’Église catholique romaine dans le système politique

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international entre 1940 et 1974 – en particulier autour de la Seconde Guerre mondiale et de Vatican II. Le second chapitre traite des relations entre Église et État dans l’Outre- mer portugais, et au Mozambique plus particulièrement, durant la même période. Le troisième chapitre reproduit des cartes géographiques de l’Annuaire catholique de l’Outre-mer de 1975 et offre des graphiques comparatifs ainsi qu’une rapide analyse des statistiques catholiques de 1960 à 1975. Suivent quatre chapitres qui portent sur le premier évêque du diocèse de Beira (le « libéral » Dom Sebastião), le « cas de l’évêque de Nampula et des Pères Comboniens », le « cas des Pères Blancs » et le « cas des Pères de Macuti » (jugés par les Portugais pour anticolonialisme). Deux chapitres terminent l’ouvrage avec des extraits du journal intime de l’évêque de Beira et deux documents d’archives – malheureusement sans commentaires et sans croisement avec ce qui est dit dans le texte, et d’une utilité par conséquent limitée. En résumé et autrement dit, après trois chapitres liminaires, l’auteur nous parle des cas de dissidence ou de rébellion du clergé contre l’ordre colonial. 3 Cette organisation de l’ouvrage pose un premier problème. Dans l’introduction et dans le deuxième chapitre, l’auteur démontre de manière classique mais correcte que l’Église catholique et l’État colonial au Mozambique collaboraient activement – un Concordat et un Accord missionnaire cimentaient légalement leurs relations. Or, dans les quatre chapitres qui suivent, l’auteur abandonne ce sujet pour ne plus discuter que des évêques et des pères qui résistèrent ou s’opposèrent à cette collaboration entre Église et État. L’introduction ne disant rien de l’argument de l’auteur, le livre n’ayant pas de conclusion et l’auteur ne revenant pas sur la question de la nature des relations entre Église et État après son analyse des cas de « dissidence », le lecteur ne sait pas ce que Pedro Brandão veut nous dire. Veut-il corriger l’idée que l’Église aurait seulement collaboré avec l’« État Nouveau » ? Veut-il dire que, si collaboration il y a bien eu, cela n’empêchait pas certains secteurs de l’Église de résister sur le terrain ? Ou veut-il réhabiliter l’Église coloniale portugaise qui aurait été accusée injustement de compromission avec le colonialisme ? La dernière question se pose d’autant plus qu’il n’y a strictement aucune analyse ou discussion dans l’ouvrage des missionnaires favorables au colonialisme (qui constituaient la majorité du clergé). Même si on peut imaginer que l’auteur vise la nuance historique plutôt que la réhabilitation de l’Église, le lecteur est laissé dans le flou et on peut craindre qu’une partie du grand public (à qui le livre est adressé) ne conclue l’inverse. 4 Un deuxième problème dans ce livre est l’approche de l’auteur et son manque de connaissance de l’Église catholique. Tout d’abord, la lecture de Pedro Brandão est purement politique. Il résume tout à « être pour » ou « être contre » le colonialisme et il omet ainsi de nombreuses nuances quand il ne comprend pas certaines dynamiques de manière simplement erronée. Par exemple, il présente Jorge Jardim comme le défenseur du statu quo (p. 200) ; et il affirme que le succès (numérique) de l’évangélisation du diocèse de Beira est le fruit du libéralisme politique de son évêque (p. 112). Pourtant, c’est exactement l’inverse dans les deux cas. Ensuite, Pedro Brandão connaît mal l’Église catholique. Il prend ainsi l’Institut espagnol des Missions étrangères (IEME) des Pères de Burgos (auquel il consacre un chapitre entier !) pour l’Institut catholique de Relations internationales de Londres (CIIR). De même, il ne comprend pas la dynamique « ultramontaine » d’une partie du clergé, dynamique qui fait que beaucoup de missionnaires, et Dom Sebastião Soares de Resende lui-même, s’opposèrent parfois à l’État sans être pour autant contre le colonialisme. Enfin, Brandão ignore superbement la théologie, s’empêchant ainsi de comprendre les

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motivations des missionnaires. Pour ne donner qu’un exemple, l’auteur ne sait visiblement pas que les Pères de Burgos sont adeptes de la théologie de la libération. Du coup, il parle de leur engagement aux côtés des nationalistes du Frelimo en brodant sur leur orientation en faveur de la « démocratisation au sens large », de leur « attitude extrêmement volontariste et généreuse » et de leur « esprit de groupe très fort […] qui leur donna une force unique, créant des problèmes complexes aux autorités portugaises » (p. 75). 5 Un troisième aspect problématique concerne l’usage des sources – un problème qui n’est pas spécifique à cet auteur, mais qui est particulièrement aigu chez lui. Il est vrai que Pedro Brandão avertit le lecteur dans son introduction que le livre n’est pas destiné au monde universitaire. Toutefois, si cela peut expliquer la quasi-absence de notes de bas de page, cela ne peut pas justifier que l’auteur reproduise des informations sans aucune critique et qu’il ne recoupe pas ses sources. En effet, Pedro Brandão reproduit les chronologies de la Pide telles quelles, sans critiques ni altération, nous présentant du coup une histoire singulièrement colonialiste et policière. Plus grave, prenant les affirmations de la Pide ou de personnes « interviewées » (sans les mentionner) pour argent comptant, l’auteur en arrive à dire des contrevérités et même des choses tout simplement scandaleuses. Pour ne citer que l’exemple le plus choquant, Brandão avance, sur la base de témoignages de « gens présents à cette date dans cette zone du Mozambique » (sic) que la « responsabilité morale » du tristement célèbre massacre de Wiriyamu ne peut être imputée directement aux militaires portugais ! En effet, selon lui (sur la base des dires d’un seul militaire portugais impliqué…), si les soldats ont bien tué tout le monde, l’ordre de massacrer la population dans ce village aurait été donné par un agent de la Pide – africain et mort depuis longtemps… (p. 176). 6 Ce compte rendu de lecture pourrait continuer sur d’autres points. Il y a des erreurs typographiques et de sens : l’auteur appelle « colombiens » les Pères Comboniens (p. 61) ; il confond diocèse et mission (p. 171) ; il fait des abus de langage – les Portugais auraient commis « des génocides » durant la guerre (p. 210) ; il fait une utilisation et des interprétations hasardeuses des statistiques (chapitre 3), etc. Mais ces quelques commentaires suffisent pour dire que ce livre a été publié très prématurément. D’une part, l’auteur était en plein dans sa recherche doctorale et son travail d’enquête comme d’analyse était visiblement loin d’être abouti. D’autre part, son travail de rédaction a été précipité au point d’oublier d’adjoindre une conclusion et, surtout, d’expliciter la thèse du livre. On veut bien croire que l’auteur ait été motivé par des intentions honorables. Il n’en reste pas moins que son travail pose plus de problèmes qu’il n’en résout et qu’il introduit au moins autant (si non plus) d’erreurs qu’il n’amène de nouveautés. Par ailleurs, sa perspective étroitement politique est peu appropriée au sujet et historiographiquement dépassée. Avec un tel éditeur et avec l’appui d’historiens aussi prestigieux et compétents que José Capela et António Costa Pinto (préface et note scientifique), Pedro Brandão aurait pu faire mieux. Il aurait dû faire beaucoup mieux. 7 Février 2005

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George E. Brooks, Eurafricans in Western Africa – Commerce, Social Status, Gender, and Religious Observance from the Sixteenth to the Eighteenth Century Athens, Ohio University Press, 2003, 355 p., ISBN : 0-85255-489-3

Alexis Wick

RÉFÉRENCE

George E. Brooks, Eurafricans in Western Africa – Commerce, Social Status, Gender, and Religious Observance from the Sixteenth to the Eighteenth Century, Athens, Ohio University Press, 2003, 355 p., ISBN : 0-85255-489-3

1 Cet ouvrage provient de la mûre réflexion d’un historien d’Afrique occidentale, complétant (chronologiquement et thématiquement) son livre précédent Landlords and Strangers : ecology, society, and trade in Western Africa, 1000-1630, Boulder, Westview Press, 1993) qui couvrait la période entre l’an 1000 et 1630, et annonçant un troisième volume sur la période des dix-neuvième et vingtième-siècles. Puisant dans sa spécialité – les communautés hybrides de la côte atlantique –, l’historien montre que l’expansion coloniale ne se résumait pas au contrôle des « Africains » par des « Européens ». Bien au contraire, les dynamiques commerciales et sociales de la côte étaient en général soumises aux coutumes et habitudes locales (jusqu’au XIXe siècle au moins) plutôt que l’inverse, et ce livre fait donc écho à d’autres recherches récentes qui suggèrent que les termes « Européens » et « Africains » eux-mêmes devraient être compris comme un produit de ce long processus, plutôt que comme son point de départ. Ce livre contribue donc à briser le mythe de l’omnipotence des colonisateurs (ou plus tard de « l’État colonial »), en montrant que la colonisation était en fait une affaire bien plus complexe

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que l’image issue de l’idéologie arrogante de l’Europe hégémonique du dix-neuvième siècle, impliquant médiation et conciliation constantes plutôt que conquête et subjugation perpétuelles. Le groupe qui personnifie cette médiation et qui fait ressortir le plus fortement la vulnérabilité des Européens est sans doute celui des Euro-Africains (d’abord Luso-, puis Franco- et Anglo-Africains), un nom sciemment composé de deux termes inégaux pour souligner l’apport prépondérant du second. Ceux-ci jouaient un rôle essentiel dans le commerce de la côte avec les Européens, ayant un avantage considérable sur ces derniers précisément de par leurs liens organiques avec les sociétés locales. Le statut d’« homo economicus » n’est ainsi plus le monopole d’une quelconque rationalité occidentale : États et individus « africains » participent activement à l’histoire qu’écrit Brooks, jouant un rôle déterminant dans l’accroissement des échanges commerciaux dans la région.

2 Les communautés intermédiaires côtières apparaissent tout au long de ces trois siècles d’histoire comme fermement ancrées dans leur milieu local, « africain », ce qui ne les empêche pas de se démarquer par certaines caractéristiques (« européennes ») dans leurs modes vestimentaires, alimentaires, ou de logement. La catégorie des « Euro- Africains » devrait ainsi être comprise comme un « groupe » parmi d’autres qui participait à la régulation de la vie socio-économique locale, plutôt qu’une greffe allogène. Le détachement des « Euro-Africains » d’une Europe prématurément hégémonique permet également à l’auteur de montrer le rôle crucial qu’ils jouèrent dans la continuité et la persistance des réseaux commerciaux avec l’Afrique de l’Ouest malgré les nombreuses guerres dévastatrices entre États européens. 3 L’analyse débute par un large panorama des paramètres écologiques, culturels et sociaux de la région. Brooks l’insère ainsi directement dans le cadre historique et géographique locaux – ce qui paraîtrait relever de l’évidence méthodologique méritant à peine une mention, sauf que le paradigme dominant eurocentrique tend à l’ignorer – et adopte une approche méthodologique à la fois régionaliste et spécifique. Cette approche synthétique, alliant une ambition totalisante avec un style accessible au lecteur non spécialiste, est poursuivie tout au long du livre, ce qui n’empêche pas l’auteur d’y intégrer une multitude de détails précis et incisifs – signe supplémentaire, s’il en fallait, de sa maîtrise du sujet. 4 De plus, le centrage sur une histoire sociale (au sens le plus large) plutôt que sur une simple histoire politique, qui se focaliserait sur « l’État » et ses opérateurs comme agents d’une Histoire hégélienne, lui permet de montrer le dynamisme de la région et de ses différents acteurs. Le résultat est percutant, s’agissant par exemple des femmes euro-africaines, actrices principales de la trame tracée par Brooks. Nous les trouvons en effet faisant preuve d’un dynamisme commercial et politique tel que leurs voix se font entendre par-dessus les obstacles d’archives généralement antipathiques à leur égard (et qui sont produites presque entièrement par des hommes européens). 5 L’historien fait également ses preuves dans le plus délicat des critères de sa discipline : une habileté et une versatilité dans la découverte et le dépouillement de sources historiques multiples. Si ces sources sont à l’évidence extrêmement problématiques – l’auteur lui-même l’admet dès la préface – l’usage qui en est fait n’en est que plus impressionnant. 6 Une faiblesse théorique de ce livre est l’utilisation répétée de catégories coloniales, encore courantes et toujours problématiques, comme l’idée de sociétés « acéphales », « animistes », ou « segmentaires ». Mais l’aspect le plus déconcertant du volume est la

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présence-absence de l’, alors que le rôle d’institutions et de coutumes chrétiennes y est subtilement intégré. En effet, l’islam apparaît dans de multiples détails de la narration historique que présente Brooks, mais demeure remarquablement absent de son analyse systématique. Un exemple typique est l’affirmation de la constitution, à un moment donné, d’un « État fondé sur des principes islamiques » (p. 200) sans explication et sans approfondissement. L’islam est présent de façon centrale dans l’histoire de la région, et d’ailleurs cette présence va croissante au cours du livre, mais les modalités de son introduction, le rayon de son influence, les sources de son dynamisme ne font presque jamais l’objet d’une analyse : l’index en fin de volume ne recense d’ailleurs même pas de manière systématique les mentions de cette religion dans le texte. Brooks affirme en fin de compte que « l’expansion de l’islam s’avéra incompatible avec les intérêts des Luso-Africains » (p. 249) – rien de plus central, donc, et rien de moins discuté… 7 Enfin, le dénouement de ce livre remarquable se clôt malheureusement de manière brusque et abrupte – les derniers mots annoncent un âge d’or pour les Euro- Africains ! – ce qui laisse le lecteur sur sa faim, que l’annonce d’un prochain volume peine à pallier. 8 Juin 2006

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J.P. de Oliveira Martins, Portugal e Brasil Lisboa, Centro de História da Universidade de Lisboa, 2005, 148 p.

Joaquim Ramos Silva

REFERÊNCIA

J.P. de Oliveira Martins, Portugal e Brasil, Introdução e notas de Sérgio Campos Matos (fixação do texto de Bruno Eiras & Sérgio Campos Matos), Lisboa, Centro de História da Universidade de Lisboa, 2005, 148 p., ISBN : 972-99298-7-4.

1 Há desde logo dois motivos que nos levam a saudar vivamente esta nova publicação dos onze originais vindos a lume na Revista Ocidental, em 1875, entretanto esquecidos e difíceis de obter. O primeiro reside no próprio autor, pela importância determinante que o pensamento e acção de Oliveira Martins (1845-1894) tiveram na cultura e na vida portuguesa, designadamente ao nível da elite política, que ultrapassaram em muito o seu tempo e se repercutiram até aos nossos dias ; mais, embora as suas posições tenham sido objecto de muita e desejável controvérsia, como poucas vezes aconteceu, nem sempre o foram nos melhores termos. O segundo prende-se com o próprio título, Portugal e Brasil, isto é, um dos tópicos mais centrais e duradouros da agenda portuguesa de relações externas, aqui analisadas pouco mais de meio século depois da independência de jure da nova nação e na época em que se estava ainda nas décadas iniciais da chamada « primeira vaga da globalização » (se tomarmos como marco do seu começo o Tratado Franco-Britânico de Comércio Livre de 1860, período que se estenderá grosso modo até 1913).

2 Na presente recensão, seguiremos esta ordem de análise, pois como observa o organizador dos textos Sérgio Campos Matos, o tema Portugal e Brasil do título, acaba por ser relativamente ofuscado nestas crónicas, e, embora elas tenham contribuído para a presença do Brasil na obra posterior de Oliveira Martins, foram mais utilizadas para divulgar as suas posições sobre política interna (relações entre Estado e Igreja a propósito da agitação levantada pelo clero ultramontano no Brasil e em Portugal,

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questões sobre o parlamentarismo e a reforma eleitoral, política de ensino, críticas à política de transportes do governo fontista, em particular no domínio da construção de caminhos-de-ferro – um dos temas mais constantes –, etc.)1. No entanto, deve-se desde já sublinhar que apesar do Brasil ser uma referência relativamente menor, já não o era na importância que Oliveira Martins lhe atribuía para Portugal, apresentando a sua matriz desta relação na terceira crónica : « Lembremo-nos ainda de que, financeira e até economicamente a nossa existência depende da do Brasil. É ele quem nos cota os nossos fundos, quem nos compra a máxima parte dos nossos produtos, quem alimenta boa porção das nossas indústrias. O mínimo desarranjo da máquina de lá, desorganiza logo a máquina de cá… » (p. 75)2. Aliás, ele volta várias vezes à ideia da vulnerabilidade de portuguesa face a acontecimentos que possam ocorrer no Brasil. 3 Seguidamente, respigamos alguns exemplos que achamos representativos, numa perspectiva de actualidade, das teses fundamentais de Oliveira Martins, embora com o ónus de perdermos toda a diversidade do seu pensamento, e que, ao mesmo tempo, ilustram o seu modo ver a relação entre Portugal e o Brasil : empréstimos externos/ construção de caminhos-de-ferro, emigração/agricultura e pequenas/grandes nações. 4 Aparentemente, a sua grande reserva quanto aos empréstimos externos (principal meio de financiamento do relativo crescimento que Portugal conheceu nas décadas de sessenta e setenta de oitocentos ; prática também seguida por outros países nesse tempo, que nem correu da melhor maneira) pode de um ponto de vista histórico fazer algum sentido na medida em que os que foram contraídos pelo Estado português inscreveram-se numa sucessão de desequilíbrios financeiros tendencialmente incontroláveis ao longo das décadas seguintes. No entanto, em termos teóricos, não há nada que desaconselhe o recurso aos financiamentos externos quando a poupança interna, e em particular pública, se revela insuficiente, desde que o produto futuro gere rendimento necessário para o seu reembolso em condições normais. Porém, Oliveira Martins mostra-se extremamente cauteloso : « oxalá que o governo, aceitando o mais prudente e racional dos alvitres, começasse a construir de conta própria a linha da Beira Alta, e fosse levantando os capitais de que necessita para o caminho, preferindo à fantasmagoria a realidade das finanças. As empresas temerárias trazem consigo tristes consequências ; um nada transtorna os mais bem arquitectados planos » (sublinhados nossos, 4º texto, pp. 83-84). Esse « nada », como explica, pode muito bem ser uma « complicação » no império brasileiro do qual no seu entendimento, e tal como referimos mais atrás, Portugal estava de todo dependente. O mecanismo funcionava na medida em que os brasileiros (« como nós lhes chamamos », escreve) eram os grandes compradores dos títulos de dívida pública, mas Oliveira Martins não coloca a questão da diversificação das fontes de financiamento3, de forma a evitar o tipo de risco que constata existir. 5 À margem, note-se que, sendo a história financeira portuguesa do último século e meio uma oscilação entre dois pólos extremos, o do descontrolo e da imprudência e o da ortodoxia mais rígida, Oliveira Martins alinhou claramente pelo último4, favorecendo a lógica dos extremos em vez de procurar uma via realista que acelerasse o desenvolvimento dentro de desequilíbrios que se podem gerir (um país mais rico é também um Estado que tem ao seu alcance mais recursos). Não se pense que esta dicotomia está assim tão ultrapassada pois, apesar do Tratado da União Europeia, ter- lhe posto algum travão nos anos 1990, Portugal seria o primeiro país a violar os

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critérios ditos de Maastricht em 2001 e o que até agora o fez com um valor mais expressivo em 2005 (défice público de cerca de 6 % do PIB). 6 O seu pouquíssimo entusiasmo, para não dizer pior, face ao lançamento das redes de transportes modernos tinha como contrapartida a sua veneração pela agricultura salvadora, pretendendo que « pelos caminhos-de-ferro, esquecemos a terra, mãe omnípara de toda a riqueza »5. Assim, na primeira crónica, chamando a atenção para as desvantagens que a emigração para o Brasil comportava para Portugal6, Oliveira Martins escrevia « nós portugueses, que aramos apenas dois quintos da superfície do nosso solo, consentimos numa exportação de braços talvez proporcionalmente maior do que a da Inglaterra onde, à falta do chão produtivo, se criam artificialmente campinas sobre o que antes foram rochas escalvadas » (sublinhado nosso, pp. 46-47). Em 1700, já a Holanda tinha apenas cerca de um terço da sua população activa na agricultura, e uma percentagem semelhante foi alcançada pela Grã-Bretanha em 18207, é assim estranho que Oliveira Martins, que escrevia numa época que esta tendência era já patente, desde há várias gerações, em diversos países do Norte da Europa, ainda sonhasse com uma agricultura absorvendo a oferta excedentária de trabalho8 (através da utilização das terras de menor produtividade marginal !). Isto é, só via saída dentro da agricultura para um problema que já tinha sido ou estava a ser historicamente resolvido na Europa de outro modo (indústria e depois serviços). 7 Ao mesmo tempo, tirando conclusões talvez demasiado apressadas da unificação tardia de países como a Alemanha e a Itália, ou então, da existência do Império Austro- Húngaro, Oliveira Martins enredou-se nas malhas de uma teoria dos « grandes conjuntos regionais médios » e subestimou o papel das pequenas nações. Em particular, cultivou um iberismo que, na perspectiva europeia, não conduzia nem conduz a parte alguma, a não ser acentuar o provincianismo e a periferização portugueses, senão mesmo a votar o país à impotência estratégica. Assim, ele escreveu : « Muita gente pensa, e eu conto-me entre esses… que para o equilíbrio (europeu) nada contam as pequenas nações » (sublinhado nosso, 4ª crónica, p. 77). Ora, como mostrou Paul Bairoch, na sua obra de referência sobre o desenvolvimento económico europeu no século XIX, várias pequenas nações com estratégias de internacionalização diversas, mas em geral modernizando-se e concorrendo, tiveram excelentes resultados e convergiram com os países mais avançados9, enquanto Portugal divergia10. Aliás, como mostraram Alesina e Spolaore, a estratégia mais ampla, não regional é especialmente recomendável para as pequenas economias abertas no contexto das « globalizações »11. Assim, não surpreende que países como a Noruega e a Suécia que, quando Oliveira Martins nasceu, se podiam considerar mais « atrasados », não se deixaram cair nas teias da dependência regional e integraram-se plenamente nas correntes europeias e mundiais, convergindo com os países dianteiros e ultrapassando Portugal12. Aliás, o pouco caso que fazia das pequenas nações, também era visível no seu entendimento da relação Portugal Brasil, escrevendo com aprovação : « Já é hoje felizmente vulgar esta opinião de que a nossa vida económica depende organicamente das condições da sociedade brasileira » (p. 145). Em termos puramente lógicos é óbvio que uma pequena nação deve diversificar o seu relacionamento internacional e não concentrá-lo. No entanto, este parece não ser um problema para o nosso autor, quando muito o da troca de uma dependência por outra. 8 Não surpreende assim que a sua curta passagem pelo governo em 1892 tenha resultado num forte aumento das tarifas aduaneiras, num movimento que havia de ter efeitos

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durante mais de meio século e atravessar três regimes políticos13. Se levarmos em conta que a elevada pauta martiniana, surgiu logo após o abandono do padrão-ouro (em 1891)14, estas medidas contribuíram para que a economia portuguesa se isolasse das correntes mundiais em aspectos decisivos, com as consequências duradouras que todos conhecemos. 9 Isto é, Oliveira Martins fazia propostas para a economia portuguesa, sem considerar o núcleo duro dos ensinamentos da economia política clássica e dos seus avanços posteriores (especialização internacional, abertura à concorrência, desenvolvimento industrial na base da divisão de trabalho, inovação), nem sequer das suas excepções mais notáveis como o argumento do proteccionismo educador (isto é, como forma de apoio às « novas indústrias », com potencial competitivo esperado, e não aos sectores em declínio, com procura em abrandamento e fracos efeitos tecnológicos, como a agricultura em geral), neste último caso, a exemplo do que fizeram por essa época, os grandes países em ascensão, em particular os Estados Unidos e a Alemanha. Estas objecções podiam não fazer sentido quando dirigidas a outro tipo de autor da « Geração de 70 », mas não certamente para Oliveira Martins que almejava ter uma palavra influente a dizer no domínio da regeneração económica portuguesa. 10 A nossa crítica ás concepções martinianas, não quer dizer que não reconheçamos muito valor e mérito ao seu autor, até pela sua clareza invulgar no contexto português (o que facilita a crítica e o debate aberto), ou que consideremos que ele não levasse a sério a busca de soluções para os graves problemas nacionais da 2ª metade do século XIX. Aliás, as posições concretas que assume são muitas vezes justas e bem observadas, como por exemplo quando chama a atenção dos brasileiros que promoviam sentimentos anti- portugueses (aqui, ele distingue este grupo das autoridades brasileiras) para o facto dessas actuações terem como consequência o retorno a Portugal dos emigrantes ricos, e representarem portanto uma perda para o Brasil. 11 Através de alguns exemplos vimos o grande interesse que há em examinar, numa perspectiva actual, as teses martinianas fundamentais, designadamente expressas nestes crónicas. Aliás, um dos maiores enigmas portugueses do último século é sem dúvida a incrível boa fortuna da abordagem extremamente tímida e reticente do desenvolvimento económico moderno, e ao funcionamento do capitalismo em geral que Oliveira Martins tão bem representa (a aversão à especulação aflora em várias passagens, por exemplo, p. 108, e o receio dos efeitos de falências como a do Banco Mauá no Brasil). Quando, ainda hoje, um amigo ou colega estrangeiro chega a Lisboa e, restrições ambientais à parte, nos pergunta porque discutimos tão apaixonadamente e durante tanto tempo a construção de um algum novo aeroporto, duma nova barragem ou de uma ponte um pouco mais extensa, parecendo impossível chegar a consensos em torno destas iniciativas, talvez seja difícil explicar-lhe imediatamente toda a história, mas sentimos o eco longínquo da grande resistência de Oliveira Martins às estradas e caminhos-de-ferro, da sua linguagem proteccionista15 e financeira extremamente cautelosa, e da sua aversão geral a riscos e à mudança. 12 Março de 2006

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NOTAS

1. Não faltam sequer referências à falta de água e às secas em Portugal, p. 126-127, e noutras passagens. 2. As citações cujas páginas que não têm outra referência são tiradas de Portugal e Brasil. 3. Por outro lado, não propondo que fossem os capitais privados a fazer as obras ou qualquer outra alternativa do género, Oliveira Martins, indirectamente, sugere que fosse o Estado a arranjar mais recursos próprios, e portanto a aumentar o seu papel, estando-lhe mesmo vedada a ida ao mercado financeiro. 4. Aliás, não sem fundamento A. TELO considera Oliveira Martins como precursor de Salazar e da sua « ditadura financeira » nos finais dos anos 1920 (ver « A obra financeira de Salazar: a "ditadura financeira" como caminho para a unidade política, 1928-1932 », Análise Social (Lisboa), 4ª série, XXIX (128/4), 1994). 5. Citado a partir de M.F. MÓNICA, Fontes Pereira de Melo, Afrontamento/ Assembleia da República/ Caminhos-de-Ferro Portugueses, Lisboa 1999 : 179 (« Colecção Parlamento »). 6. Este é um tema recorrente nas crónicas, por exemplo, mais adiante escreve: « Não há dúvida que a emigração portuguesa para o Brasil é por todos os lados um mal para nós, e um bem para o rico império americano » : 104. 7. I. ADELMAN, « The Genesis of the Current Global Economic System », Handbook on the Globalization of the World Economy, Cheltenham (UK), Amnon Levy-Livermore–Edward Elgar, 1998 : 9. 8. Na década de 1870, cerca de dois terços da população activa portuguesa ainda trabalhava na agricultura. Neste domínio, uma percentagem semelhante à da Holanda no início do século XVIII só será atingida por volta de 1970, o que dá bem a ideia da lentidão com que todo o processo se desenvolveu em Portugal (para já não falar da fraca produtividade na agricultura que ainda hoje persiste). 9. Para detalhes, ver deste autor Commerce extérieur et développement économique de l’Europe au XIXe siècle, Paris, École des Hautes Études en Sciences Sociales/La Haye, Mouton, 1976. 10. Estep onto está detalhado em A. MADDISON, L’économie mondiale 1820-1992, Paris, OCDE, 1995. 11. Ver A. ALESINA & E. SPOLAORE, The Size of Nations, Cambridge (MA), MIT Press, 2003. 12. A importância dos pequenos países no equilíbrio europeu e não de nebulosos regionalismos peninsulares foi aliás bem entendida por Andrade Corvo, exactamente ministro dos Negócios Estrangeiros na altura em que as crónicas foram escritas, mas a sua posição mais subtil e elaborada não teve o eco da de Oliveira Martins. A principal obra de Andrade CORVO neste domínio, data de 1870 e foi republicada recentemente : Perigos : Portugal na Europa e no Mundo, Porto, Editores Fronteira do Caos, 2005. 13. Ao ponto do industrialista J.N. Ferreira DIAS, Jr., secretário de Estado do Comércio e Indústria em 1940-1944, na sua obra principal Linha de Rumo, escrita em 1945 (ver deste autor a colectânea de Linha de Rumo I e II e Outros Escritos Económicos, 3 vols, Lisboa, Banco de Portugal, 1998), lamentar a pauta excessivamente elevada que tinha herdado dos « homens de 1892 » e o seu desinteresse pela tecnologia. 14. Ver E. MATA , « Exchange Rate and Exchange Rate Policy in Portugal 1891-1931 Revisited », Estudos de Economia, XII (1), Out.-Dez., 1991. 15. Prolongando as posições manifestadas nestas crónicas, no preâmbulo que elaborou para a Lei de Fomento Rural de 1887, Oliveira Martins escreveu: « Quando nós em Portugal acordámos para a vida económica, despertou-nos o silvo agudo da locomotiva, e, estonteados por ele, supusemos que todo o progresso económico estava em construir estradas e caminhos-de-ferro. Esquecemos tudo o resto. Não pensámos que as facilidades da viação, se favoreciam a corrente de saída dos

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produtos indígenas, favoreciam igualmente a corrente de entrada dos forasteiros, determinando internacionalmente condições de concorrência para que não estávamos preparados e para que não soubemos preparar-nos… », in M.F. MÓNICA, op. cit. : 179.

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Françoise Massa (ed.), Le Portugal et l’Espagne dans leurs rapports avec les Afriques continentale et insulaire Rennes, Université Rennes 2 – Haute Bretagne, 2005, 324 p.

Joaquim Ramos Silva

RÉFÉRENCE

Françoise Massa (ed.), Le Portugal et l’Espagne dans leurs rapports avec les Afriques continentale et insulaire, Rennes, Université Rennes 2 – Haute Bretagne, 2005, 324 p., ISBN : 2-911257-07-3.

1 Cette publication présente les actes du colloque international organisé par l’équipe de recherche ERILAR (Équipe de Recherches en Langues Romanes) à Rennes, en 2001, sur les rapports du Portugal et de l’Espagne avec l’Afrique, ou mieux, avec certaines de ses parties continentales et insulaires, au cours de divers contextes historiques. De nature interdisciplinaire, ce colloque avait réuni des chercheurs de diverses nationalités, historiens, linguistes, géographes, économistes, etc., ayant abordé une vaste gamme de sujets. Il est toujours difficile de faire un compte rendu complet d’un ouvrage réunissant trente communications d’une grande diversité. Quoi qu’il en soit, il s’est agi d’une initiative extrêmement louable, fournissant un tour d’horizon sur un aspect important, mais souvent négligé, des rapports euro-africains, celui des liens entre les deux pays ibériques et les régions africaines avec lesquelles ils ont eu un contact étroit au cours de l’histoire, tel que le soulignent Françoise Massa dans sa brève introduction aux textes (p. 7) et le maire de Rennes, Edmond Hervé, dont l’intervention d’ouverture est reproduite (p. 9-11). En même temps, quelques contributions examinent des aspects triangulaires avec la France, ou d’après des sources françaises (Jean-Marc Delaunay, « La complicité africaine de l’Espagne et de la France, 1900-1962 » : 31-42 ; René Burguera, « Expérience éducative et socioculturelle franco-capverdienne à l’île de Sal » : 67-70 ; et Françoise Massa, « L’image du Cap-Vert au XIXe siècle à travers le regard

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d’un lieutenant de vaisseau français » : 163-172). C’est donc justement dans la diversité et dans le croisement des champs et des perspectives nationales que réside l’intérêt principal de cet ouvrage.

2 Deux régions sont particulièrement visées dans l’ensemble des communications : l’Afrique du Nord et les archipels et les petits pays, surtout de la côte atlantique comme les Canaries, le Cap-Vert, la Guiné-Bissao, São Tomé et Príncipe. Le Cap-Vert et São Tomé et Príncipe sont, chacun, l’objet principal de cinq contributions. En ce qui concerne le premier, outre les textes de Burguera et Massa que l’on vient de mentionner, signalons Victor Reis (« Cabo Verde, desenvolvimento e integração na economia mundial » : 61-66), Roberto Francavilla (« Pós-colonial. Neo-colonial. Reflexões sobre o caso caboverdiano » : 105-113) et Maria Turano (« La Commission mixte à Boa Vista (Cap-Vert, 1843-1851) » : 157-162). À São Tomé sont consacrées les contributions de Maciel Santos Morais (« La rentabilité du cacao de São Tomé e Príncipe : hypothèses d’explication » : 115-135), de Iolanda Trovoada Aguiar (« Mondialisation, circulation des plantes et production des espaces locaux » : 137-148), de Ezequiel Baptista de Sousa (« São Tomé et Principe, colonie sans état d’âme face à l’invasion hollandaise de 1641 » : 173-183), Jacques-Dominique Benoist (« Loyaux sujets, vassaux turbulents, esclaves révoltés : les rapports des santoméens avec la couronne portugaise jusqu’en 1820 » : 185-203), et enfin Arlindo Caldeira (« Podemos falar de protonacionalismo em São Tomé e Príncipe nos séculos XVII e XVIII ? » : 205-217). Aux travaux précédents centrés sur ces deux territoires, il faut encore ajouter des références secondaires et des approches générales comme dans Jean-Michel Massa (« Leonardo Fea, un naturaliste italien éclairé en Afrique » : 149-155) et António de Almeida Mendes (« Éléments pour l’histoire socio-économique de la "Guinée du Cap- Vert" aux XVe-XVIIe siècles » : 229-237).

3 L’importance accordée à ces petits pays est d’autant plus remarquable que, de par leur dimension, ils sont souvent marginalisés dans nombre d’ouvrages et analyses abordant les rapports euro-africains. Pourtant le cas du Cap-Vert et de São Tomé furent hautement représentatifs, bien que pour des raisons différentes, des vicissitudes de la colonisation portugaise. Les travaux ici publiés permettent d’analyser des questions essentielles telles que les premiers temps de l’implantation coloniale, la traite des esclaves et son abolition, les révoltes anticoloniales et l’émergence du nationalisme, l’insertion mondiale de ces petites économies dans la longue durée (le cacao pour São Tomé, les transports maritimes pour le Cap-Vert), l’évolution postcoloniale et leur position à l’égard de la mondialisation. Des sujets non proprement politiques ou économiques ne sont pas non plus oubliés comme l’intérêt pour le naturalisme (deux articles). 4 Dans le même sens, mais peut-être, à plus forte raison, on doit souligner un courageux article sur la décolonisation du Sahara espagnol vue par la presse de ce pays plus d’un quart de siècle après la « Marche verte » (1975-1976) et son annexion par le Maroc. Cette affaire est devenue assez incommode en termes de realpolitik, et pour cela même sa présence dans l’ouvrage était tout à fait justifiée du point de vue de la recherche (François Malveille : « La décolonisation du Sahara espagnol : une perception de la "Marche verte" en 1975 et une approche de la conscience du problème sahraoui en 2001 » : 13-29). 5 Une autre question incontournable est le rôle de l’influence religieuse dans les rapports ibéro-africains. Elle est au centre de trois contributions, celles d’Youssef El Alaoui

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(« L’Afrique dans la stratégie jésuite de prise à revers de l’Islam » : 219-227), de José Júlio Esteves Pinheiro (« A visão do africano na obra de António Vieira » : 239-248), et d’Yvette Cardaillac (« De la péninsule Ibérique à l’Afrique du Nord : musulmans et chrétiens, conflits et cohabitations, XVIe-XVIIe siècles » : 249-255). En effet, ces auteurs revisitent quelques-uns des grands thèmes sur ce point fondamental et il faut souligner l’analyse de l’œuvre du Père António Vieira (également un jésuite et, sans aucun doute, une des plus grandes références de la culture du Portugal et du Brésil pendant le XVIIe siècle, qui a perduré jusqu’à nos jours) et de sa vision de l’Africain, où José J.E. Pinheiro soutient l’idée que les historiens n’ont pas toujours bien compris son attitude à l’égard des esclaves parce que, peut-être, ils ignorent les textes de Vieira et font des critiques sur la base de préjugés idéologiques (p. 240). Je dois rappeler que la discorde sur ce point consiste dans l’idée que, Vieira ayant unanimement été reconnu comme un très ferme défenseur des populations autochtones du Brésil, il le serait relativement moins des esclaves africains. 6 Au-delà des contributions déjà évoquées, les relations avec l’Afrique du Nord, sous plusieurs perspectives, sont encore l’objet de Catherine Gaignard (« La fin du rêve héroïque de Sébastien du Portugal en terre d’Afrique : la défaite d’Alcazar-Quivir » : 257-263), Ana Maria Binet (« Voyages interinsulaires dans l’imaginaire luso-maghrebin (VIII-XVIe siècles) » : 287-297) et Jane El Kolli (« Interférences Maghreb/Al Andalus, architecture et arts décoratifs XIe siècle » : 299-307). Dans un contexte un peu plus large et de contacts plus anciens, on compte Paul Fabre (« Les origines antiques des expéditions maritimes ibériques en Afrique » : 309-318) et Albert Foulon (« Aux confins de la mythologie et de la géographie : évocation de l’Atlas (ou d’Atlas) [sic] par les auteurs anciens » : 319-324). 7 Il s’agit d’un ouvrage opportun qui tire d’un oubli trop fréquent de petits pays et régions, et relance le débat sur quelques thèmes majeurs de la présence portugaise et espagnole en Afrique. Cependant, on regrettera une faiblesse dans l’analyse comparative des rapports actuels des anciens colonisateurs ibériques avec les pays africains, c’est-à-dire, dans le nouveau contexte de rapports entre États indépendants (mais non point égaux, compte tenu de leurs possibilités et ressources disponibles). On aurait aimé, par exemple, une comparaison de la politique extérieure des deux pays ibériques membres de l’Union européenne envers leurs partenaires africains, notamment les petits pays insulaires, enclavés ou voisins d’autres plus puissants. Il serait également intéressant d’approfondir les possibles différences entre les approches portugaise et espagnole de l’Afrique, un peu comme l’a fait le sociologue brésilien Sérgio Buarque de Holanda, il y a plus d’un demi-siècle, sur l’Amérique latine (voir Raízes do Brasil, Rio de Janeiro, J. Olympio, 1936 ; Visão do Paraíso, São Paulo : Saraiva, 1958). 8 24 avril 2006

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Salim Miguel (ed.), Cartas d’África e alguma poesia Rio de Janeiro, Topbooks, 2005, 188 p.

Juliana Santil

RÉFÉRENCE

Salim Miguel (ed.), Cartas d’África e alguma poesia, Rio de Janeiro, Topbooks, 2005, 188 p., ISBN : 85-7475-110-3.

1 Au Brésil, ainsi qu’en Afrique, l’histoire demeure trop souvent enfouie dans les cartons oubliés de caves poussiéreuses de maisons de particuliers. Dans ces pays qui manquent de musées, d’archives, de centres de recherches, voire d’universités, et qui restent exposés aux mythes produits par des historiographies imposées, l’histoire se cache dans des lettres, des photos, des objets, des récits oraux, bref, dans des documents en général sensibles à l’érosion du temps car dépourvus de moyens de préservation. L’importance du livre Cartas d’África e alguma poesia réside justement en ce qu’il représente pour la conservation de l’histoire d’un épisode des relations entre le Brésil et les anciennes colonies portugaises d’Afrique, qui a été largement oublié. Pourtant il peut transformer la vision que nous avons habituellement de ces relations.

2 Cartas d’África e alguma poesia est un recueil de documents, organisé par l’écrivain brésilien Salim Miguel, à propos du contact établi entre des écrivains d’Angola, du Mozambique et de São Tomé e Príncipe et un mouvement de jeunes intellectuels de la ville de Florianópolis, au Sud du Brésil, dans les années 1950. D’un côté, des écrivains importants comme António Jacinto, Luandino Vieira, Viriato da Cruz et Augusto Abranches. De l’autre, le groupe Sul, formé par des intellectuels comme Salim Miguel (chargé par le groupe d’établir les liens avec l’étranger), Eglê Malheiros, Walmor Cardoso da Silva, Aníbal Nunes Pereira, Ody Fraga, entre autres. Pendant plus d’une décennie, des lettres ont été échangées, des discussions littéraires ont été tissées, des originaux ont été envoyés pour publication de part et d’autre et des amitiés se sont construites. Le livre se compose donc d’une sélection de soixante-deux de ces lettres

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écrites entre 1952 et 1964 (et conservées « à la maison » par Salim Miguel et son épouse, Eglê Malheiros), de quatorze poèmes d’écrivains africains qui ont été publiés par la revue culturelle du groupe Sul, d’un conte, resté inédit en Angola ou en Europe, de Luandino Vieira également publié à l’époque par cette revue (« O homem e a terra », daté de 1957), et de quelques témoignages sur cette relation. En ce qui concerne les lettres proprement dites, celles en provenance d’Angola sont d’António Jacinto, Luandino Vieira (à ce moment appelé encore José Graça), Américo de Carvalho, Mário Lopes Guerra, Viriato da Cruz, Garibaldino de Andrade ; celles en provenance du Mozambique ont été envoyées par Augusto dos Santos Abranches (leur ont été adjointes celles qu’il envoya de São Paulo, quand il partit vivre Brésil en 1955), par Orlando Mendes, Manuel Filipe de Moura Coutinho, Domingos de Azevedo, Domingos Ribeiro Silveira, Dulce dos Santos ; celles en provenance de São Tomé e Príncipe sont de Fernando Reis. 3 L’importance de ce contact s’éclaire à la lecture de ce matériau composite. En premier lieu, les lettres envoyées à Florianópolis dans les années 1950 démontrent la maturité de la réflexion politique de certains de ces jeunes écrivains africains, qui étaient déjà conscients du potentiel de l’action culturelle pour la transformation politique nécessaire à l’émancipation de leurs peuples, notamment, l’urgence de l’indépendance envers le Portugal. Luandino Vieira, redécouvrant ces lettres presque quarante ans après les avoir écrites, a ainsi déclaré : « Je me souvenais les avoir écrites, je gardais en mémoire cet épisode historique. Mais je m’attendais à des lettres bien plus naïves. Les premières sont très formelles. Mais ensuite, à partir de 1957, j’ai commencé à recevoir la revue et à lire les livres de Salim. Je vois que j’écrivais alors ces lettres avec beaucoup de précaution. Derrière ce discours culturel, il y avait une préoccupation politique. À première vue, il semble qu’il s’agit de jeunes qui veulent une place dans le monde des lettres. Mais dans l’une de ces lettres j’ai trouvé une référence qui m’a étonné à "l’asphyxie du monde colonial". Dans une autre, j’ai trouvé les termes suivants : "des jeunes qui veulent chanter les thèmes de leur terre et de leur peuple". Je ne m’attendais pas à ce que cette conscience fût déjà insérée dans une pensée de lutte nationaliste, qu’il ne s’agissait pas seulement d’une lutte littéraire. […] J’ai été surpris par la présence de cette conscience politique dans les lettres envoyées au Brésil. »1. 4 Effectivement, les discours émaillant ces lettres permettent déjà de percevoir la formation de la conscience politique d’une génération qui plus tard, et spécialement en Angola, prendra la tête du mouvement indépendantiste apparu dans les villes côtières. Leur analyse aide à la compréhension de la manière dont leur idéal de nation s’est construit.

5 En deuxième lieu, ces lettres nous apprennent comment ces jeunes intellectuels africains construisaient leur conscience politique, quelles étaient leurs sources de documents et de bibliographie, où ils puisaient du matériel pour développer leurs idées politiques. Dans cette correspondance, nous retrouvons des demandes explicites de matériel marxiste à Salim Miguel, qui essayait de trouver les exemplaires souhaités et de les envoyer par courrier. António Jacinto écrivait : « Une fois de plus, je viens solliciter votre aide aimable. J’ai besoin de Trente ans du parti communiste chinois, de Hou Kiao-Mou et de How the tillers win back their land de Hsiao Chien » (p. 27). 6 Dans une lettre de 1953 de Viriato da Cruz demandait aussi certains ouvrages : « Je me suis permis de vous envoyer un chèque dont la valeur doit être d’environ deux cents et quelques cruzeiros. C’est pour que vous me rendiez le service

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d’acquérir auprès de l’agence Farroupilha les livres suivants (classés ici par ordre d’intérêt pour moi) : Dialética de la naturaleza, d’Engels ; O marxismo e o problema nacional e colonial, de Staline ; El metodo dialetico marxista, de Rosental (Iudin), Diccionário filosofico marxista (idem) ; Sobre os fundamentos do leninismo, de Staline ; Lenin e o leninismo léninisme (idem) ; Sobre o problema da China (idem) ; Marxismo e liberalismo (idem), Lénine, Stalin e a paz (idem) ». (p. 42) 7 En troisième lieu, les lettres laissent transparaître l’environnement politique de répression auquel les intellectuels des colonies portugaises en Afrique étaient soumis. On y voit la détresse d’Augusto Abranches (p. 62) devant l’environnement de persécution politique (qui finit par l’emmener au Brésil, où il vivra jusqu’à sa mort), les recommandations de Viriato da Cruz pour que Salim Miguel prenne soin de masquer les indices de littérature marxiste dans les paquets envoyés en Angola (p. 43) ou même le sentiment de découragement exprimé par l’écrivain Fernando Reis, de l’île de São Tomé à propos des difficultés trouvées dans sa lutte culturelle : « Je coordonne ici à São Tomé, une page littéraire dans notre hebdomadaire, me heurtant sans cesse à l’incompréhension de beaucoup de gens qui ne voient notre Afrique qu’avec des yeux mercenaires ». (p. 137) 8 Finalement, les lettres montrent que le contact avec le groupe Sul constituait un véritable échange entre le Brésil et l’Afrique. Si, d’un côté, les écrivains africains envoyaient des originaux pour publication au Brésil, demandaient l’envoi de matériel littéraire et politique à partir du Brésil et cherchaient dans ce contact un moyen d’ouverture culturelle, de l’autre, pour les jeunes intellectuels brésiliens, le contact avec les Africains était aussi une source d’enrichissement. Salim Miguel envoyait aussi des originaux des écrivains du groupe Sul pour publication dans des journaux culturels du Mozambique et d’Angola. Il demandait à ses interlocuteurs africains des ouvrages, des exemplaires de magazines et des journaux. Il cherchait aussi dans ce contact de l’épanouissement culturel des écrivains de Florianópolis.

9 C’est en ce sens, que le rapport entre Sul et les écrivains africains subvertit le paradigme des relations établies entre le Brésil et les pays colonisés par le Portugal en Afrique au long de leur histoire. Le Brésil a toujours été vu par ces pays comme modèle d’indépendance, d’autonomie culturelle, comme un frère aîné à copier. De même, le Brésil a toujours propagé cette « auto-image » pompeuse. Or, dans le contact avec Sul, il n’y avait pas de rapport de supériorité : il s’agissait de deux groupes de jeunes intellectuels en quête d’ouverture, d’auto-affirmation, d’épanouissement. 10 L’absence de rapport de supériorité, habituellement présent dans les liens entre le Brésil et l’Afrique mène à une interrogation qui vient à l’esprit quand on lit Cartas d’África e alguma poesia : pourquoi cette liaison s’établit-elle avec Florianópolis ? Dans le livre, Salim Miguel présente cette interrogation dès l’introduction « Reflexos de um intercâmbio » : « Pourquoi Florianópolis, ville de faible présence africaine, et pas Rio ou, plus spécialement, Bahia ? » (p. 8). Effectivement, Florianópolis, bien qu’étant une des villes les plus importantes du Brésil, ne fait pas partie de l’axe culturel central (São Paulo, Rio de Janeiro et Salvador). De plus, c’est une ville qui se situe dans un État ayant eu peu de liens historiques avec l’Afrique : sa population a été largement formée d’immigrants allemands, italiens et açoriens, installés dans un régime de colonisation de peuplement, très différent de la colonisation d’exploitation qui a implanté des monocultures de canne à sucre (et plus tard, de café) à grande échelle au Nord et au Sud-Est du Brésil, et pour lesquelles les esclaves africains avaient été amenés. Pourquoi

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cette relation avec l’Afrique s’est-elle établie justement avec un groupe de jeunes intellectuels de Florianópolis ? 11 Dans les années 1940 et 1950, le Brésil voit une multiplication de groupes culturels et l’apparition de plusieurs revues culturelles, semblables à la revue Sul. Les plus célèbres parmi elles étaient naturellement celles produites dans les centres culturels, tels que Rio et São Paulo. Ces revues plus connues ne cherchaient pas de contacts avec l’extérieur – cela ne les intéressait pas, elles n’en avaient pas besoin pour attirer l’attention. La revue Sul dans sa quête d’affirmation dans le paysage des mouvements intellectuels brésiliens, a trouvé dans le contact avec l’étranger un moyen d’autolégitimation. Le contact avec l’Afrique, quoique le plus long et le plus fructueux, n’a pas été le seul. Salim Miguel conserve aussi des lettres échangées avec l’Espagne, la Chine, la Tchécoslovaquie, l’URSS, les États-Unis, l’Uruguay, l’Argentine, le Portugal. 12 Leur condition périphérique dans l’environnement culturel du Brésil a conduit ces jeunes de Sul à l’ouverture à l’extérieur. De plus, elle a façonné un comportement d’égalité envers les interlocuteurs africains : le groupe Sul avait aussi soif de ce qu’il pouvait apprendre dans ce contact. Sa condition périphérique a ainsi produit un renversement des paradigmes de relations entre le Brésil et l’Afrique. La partie brésilienne n’a pas agi comme si le Brésil était le centre du monde, comme s’il était un pays où la littérature était plus développée, où la politique était plus démocratique, où il y avait des exemples à copier. Leur Brésil était une entité en formation, qui voulait apprendre des expériences racontées par des Africains. 13 Cette liaison entre Florianópolis et l’Afrique synthétise ainsi tout le potentiel de la relation entre deux entités périphériques et, en dernière analyse, entre deux entités du Sud. Il est vrai, d’un côté, que la condition périphérique peut provoquer un comportement très propice à la domination : à force de subir autant de violences, l’être périphérique est contraint de reproduire les structures de la violence. Ce mécanisme de reproduction de la violence est ce que Pierre Bourdieu a appelé « violence symbolique » 2. Mais inversement, quand cette condition est profondément radicale ou quand elle est exercée avec radicalité (ce qui peut vouloir dire liberté, créativité, fraîcheur ou sagacité), une rupture par rapport au centre s’opère, les positions du centre deviennent peu importantes, elles perdent le caractère de « référentiel » et la condition périphérique peut devenir vecteur d’une subversion profonde envers les paradigmes de comportement. C’est pourquoi la périphérie a un potentiel de renouvellement, ce qui fut largement démontré par les acteurs sociaux qui firent partie de ce contact entre Sul et les intellectuels africains. 14 Cela ne veut pourtant pas dire qu’il s’est agi d’une relation complètement détachée des paradigmes des relations paternalistes entre le Brésil et l’Afrique. On lit, par exemple, en filigrane de certains discours des interlocuteurs de Salim Miguel, des images rêvées du Brésil, très semblables aux visions chargées d’idéologie qui propagent un Brésil « plus mûr » et « plus développé » que l’Afrique. On voit un enchantement inconscient pour le Brésil, ainsi qu’une vision selon laquelle le Brésil de l’époque était un lieu de liberté et de bonheur. La position occupée par les interlocuteurs africains de Salim Miguel au sein de leurs sociétés d’origine peut nous aider à expliquer et à comprendre certains traits de mythification dans les discours de ces lettres. Qui étaient les personnes qui, au sein des sociétés des colonies portugaises en Afrique, pouvaient écrire des lettres pour discuter de littérature avec des intellectuels brésiliens ? Dans la plupart des cas, il s’agit de personnes liées aux élites de ces sociétés, parfois des

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intellectuels issus des familles créoles, parfois de Portugais tout court (des immigrés enracinés dans les colonies), parfois tout simplement des personnes qui, pour une raison quelconque, avaient bénéficié d’un processus d’enrichissement et acquis une culture portugalisée. Cela veut dire que cet échange relaté par le livre Cartas d’África e alguma poesia ne représente pas un échange entre « le Brésil » et « l’Afrique », mais entre un Brésil très spécifique (élitaire, en quelque sorte, même si périphérique culturellement) et une Afrique très spécifique (celle constitué par une élite portugalisée, qui, bien que n’ayant pas d’autre patrie que l’Afrique, ne pouvait synthétiser en tant que telle, en dépit des prétentions de cette élite elle-même). 15 Malgré ce conditionnement socioculturel, ces jeunes intellectuels africains exprimèrent dans ces lettres une grande ouverture à l’autre. La jeunesse de ces interlocuteurs, les espoirs qu’ils nourrissaient dans leurs esprits, la distance qui les sépare les uns des autres et qui séparaient chacun de ces jeunes du « centre du monde » (soit l’Europe ou les États-Unis, soit Lisbonne ou São Paulo), la fraîcheur de leur trajectoire artistique, la fraîcheur de leur trajectoire existentielle – tout cela contribua à ce qu’ils entretinssent, pendant ces échanges de correspondance une relation d’égal à égal. 16 On parle surtout de littérature dans cette correspondance. De Guy de Maupassant à Graciliano Ramos, de Miguel Torga à Louis Aragon, de Noêmia de Sousa à Machado de Assis. Mais, en réalité, les choses dites ont une signification profondément politique, car nous sommes devant des personnes qui cherchent le droit de s’exprimer sur ce qu’ils souhaitent pour leurs sociétés. Des deux côtés, en dépit des différences de contextes politiques, il s’agit de personnes en quête de légitimité avec leurs propres mots. 17 Le recueil de Cartas d’África e alguma poesia est précieux parce qu’il informe et préserve la mémoire de cette relation. Salim Miguel et Eglê Maheiros étaient déjà habitués à faire des photocopies de leurs archives personnelles pour les rares chercheurs qui arrivaient à avoir des informations sur cet échange et qui se penchaient sur cette histoire. Maintenant, avec ce petit livre-musée, ces documents sont accessibles à tous. Désormais, nous pouvons tous y entrer et connaître les pièces rares et précieuses qui y sont – précieuses parce qu’elles portent la mémoire d’un passé qui peut changer l’avenir des relations entre le Brésil et l’Afrique. 18 17 février 2006

NOTES

1. Entretien de Juliana Santil avec Luandino Vieira, le 2 et le 4 février 2004 à Lisbonne, et le 5 mars 2004 à Vila Nova de Cerveira.

2. P. BOURDIEU, Langage et pouvoir symbolique, Paris, Editions du Seuil, 2001.

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Ana Santos, Heróis desportivos : Estudo de caso sobre Eusébio – de corpo a ícone da Nação Lisboa, Instituto do Desporto de Portugal, 2004, 135 p. (« Estudos »)

Manuela Raminhos

REFERÊNCIA

Ana Santos, Heróis desportivos : Estudo de caso sobre Eusébio – de corpo a ícone da Nação, Lisboa, Instituto do Desporto de Portugal, 2004, 135 p., ISBN 972-8460-76-7 (« Estudos »).

1 Em Heróis Desportivos, Eusébio é um estudo de caso. A autora fixa o olhar na sua etnografia e a partir dela traça o percurso que o tornou num herói desportivo e num ícone da nação. O sucesso de Eusébio, a sua elevação de campeão desportivo à condição de herói dos nossos dias acontece porque, escreve a autora, « continua a existir uma relação muito forte entre o seu sucesso e um público que continua a admirá-lo » (p. 24). Trata-se de uma etnografia construída a partir da observação das performances dos adeptos de futebol nos lugares de emoção partilhada, de entrevistas feitas a campeões desportivos e de uma vasta pesquisa realizada na hemeroteca, centrada nos artigos escritos sobre Eusébio e publicados em revistas e jornais desportivos. A tese desenvolve-se em torno do ideal da nação que é suportado pelo corpo dos heróis desportivos.

2 No primeiro capítulo a autora procura, através das ideias que circulavam na imprensa escrita na década de 1960, dar resposta à função do desporto, questionando o seu papel no estabelecimento da ordem do mundo. O desporto é visto como um agente civilizador e muito útil num Portugal ultramarino. A sua função é consolidar a coesão nacional em torno da disciplina e da organização por ele imprimidas e veicular valores morais e éticos.

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3 A prática desportiva está ao alcance de todos, mas a heroicidade só é acessível a alguns. Os heróis desportivos são os eleitos que se impõem « pelo seu brilho perturbante » (p. 24). na medida em que cada herói desportivo tem uma dose de sobre-humanidade que faz com que cada um deles seja capaz de se exceder a si próprio. Aplica-se esta singularidade a Eusébio. Ele excede-se a si próprio. Para além de bom no que faz, ultrapassa os seus próprios limites. Foi difícil a Eusébio chegar ao topo. Excedeu-se e sofreu. É com o sofrimento infligido ao seu copo pelo trabalho realizado que Eusébio atinge o olimpo dos heróis. De origem humilde, ele consegue, através dos seus feitos desportivos, alcançar a fama e o prestígio. 4 A heroicidade de Eusébio assenta num vastíssimo feixe de boas virtudes : trabalhador, humilde, possuidor de robustez física, próximo da natureza, capaz de chutar a bola com a força de um de uma pantera « negra », qualidades inatas de um herói. Em Eusébio até a sua cor é uma mais valia num Portugal colonizador, de costas para a Europa, mas orgulhoso em ter um herói de origem africana. 5 Na década de 1960 o desporto passa a ser visto como um espaço social capaz de ordenar hierarquias sociais. Mas paradoxalmente Eusébio coloca em causa uma hierarquia social estabelecida, colocando-se como agente de fractura. Eusébio promove uma nova ordem social baseada em valores morais e éticos e, porque não, raciais, bem úteis na década de 60. Eusébio chega ao topo sem possuir uma origem social desafogada. Torna-se um homem de sucesso sem ter grandes conhecimentos académicos. Os seus atributos são a força, a habilidade e a entrega e com isso ele consegue ficar muito próximo do ideal de perfeição e por isso mesmo, do ideal de nação. 6 No segundo capítulo a autora desenvolve a ideia central da obra, a antropomorfização da ideia da nação, ilustrando etnograficamente o comprometimento do desporto com os projectos do estado, desde a sua função moral (Brohm 1974)1 ao exercício do auto controlo individual (Elias 1989)2, desde o seu poder de disciplinar (Foucault 1986)3 à sua implicação com os processos de cidadania e de identidade nacional (Bourdieu 1994)4, que alimentam de igual forma um eventual processo de antropomorfização da ideia de nação. (p. 57). Escreve a autora, « deste modo, o corpo do herói desportivo tende a ser visto como um projecto nacional que pode ser trabalhado e acabado como parte de uma auto-identidade nacional » (p. 61). O seu corpo « serve, muitas vezes, de alegoria à boa "boa forma" e saúde da nação » (p. 51) e, por isso mesmo, imprescindível na antropomorfização da ideia de Nação. 7 Daqui a necessidade da criação de exemplos, os heróis desportivos, mas no seu sentido mais estético, o da libertação. Eles passam a ser também uma representação da cultura de massas que, com escreve autora citando Leal (2000)5, é suportada por « uma das vertentes mais fortes da objectificação da cultura popular, os jornais desportivos » (p. 75). 8 A ideia de comunidade imaginada é realçada através de encontros desportivos internacionais, na medida em que a equipa nacional é vista como uma representação fidedigna da nação. Através dos jogadores em campo a ideia de nação incorpora o perfil psicológico do estereótipo português e para além disso « ganha corpo físico e as respectivas qualidades salutares de força e garra que são os genes herdados dos grandes heróis, outros, fundadores e descobridores, dos quais a Pátria tanto se orgulha » (p. 75). 9 O terceiro capítulo construído a partir da imprensa desportiva, evidencia a função do futebol enquanto agente disciplinador, comprometido com a construção da ideia de

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nação, uma vez que é nos momentos de competição que as pessoas têm mais a noção da nacionalidade (Archetti 1994)6. Particularmente, o futebol exibe em simultâneo a nação, fazendo-a emergir do perímetro simbólico do relvado para onde todos olham e uma moldura humana que manipula os símbolos de identidade nacionais (p. 88). 10 Também a partir dos registos escritos da época é mais uma vez mostrada a forma de construção de um herói, neste caso, Eusébio, e a forma como a sua identidade se confunde com a ideia de nação portuguesa. A sua biografia evidencia os seus momentos de glória, a sua pedagogia, o seu amor a Portugal, a África e ao Mundo. Para Malheiro (2000)7, Eusébio « irrita-se com as fronteiras. Com as guerras. Com a fome. Faz rígido apelo à liberdade. Eusébio ganhou para o futebol, para Portugal, para si próprio, o direito à imortalidade » (p. 109). 11 Para Ana Santos a força de Eusébio continua. A sua transformação em ícone nacional torna-o atemporal. Ele representa um passado glorioso, mas para além disso ele continua a ser um intermediário que consegue fazer a reconciliação entre um Portugal Colonial e um Portugal Europeu, deixando a ideia que esta passagem só é possível através do futebol (p. 120). 12 Abril de 2006

NOTAS

1. J.M. BROHM, Corps et politique, Paris, Jean-Pierre Delarge éditeur,1974. 2. N. ELIAS, O processo civilizacional, Lisboa, Dom Quixote, 1989. 3. M. FOUCAULT, Vigiar e punir – história da violência nas prisões, Rio de Janeiro, Vozes, 1986. 4. P. BOURDIEU, « Le sport et le sacré », Actes de la recherche en sciences sociales – Le commerce des corps, Paris, Seuil, 1994 : 102-104. 5. J. LEAL, Etnografias portuguesas (1870-1970), Cultura popular e Identidade nacional, Lisboa, Dom Quixote, 2000. 6. E. ARCHETTI, « Masculinity and Football: the Formation of National Identity », in Sugden & Tomlinson (eds), Hosts and Champions, Aldershot, Arena, 1994. 7. J. MALHEIRO, Obrigado Eusébio, Lisboa, Estar, D.L., 2000.

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Jorge Zaverucha, FHC, forças armadas e polícia, entre o autoritarismo e a democracia (1999-2002) Rio de Janeiro, São Paulo, Editora Record, 2005, 288 p.

Catherine Prost

RÉFÉRENCE

Jorge Zaverucha, FHC, forças armadas e polícia, entre o autoritarismo e a democracia (1999-2002), Rio de Janeiro, São Paulo, Editora Record, 2005, 288 p., ISBN : 85-01-07449-7.

1 Jorge Zaverucha poursuit avec ce livre l’examen des rapports civils-militaires au Brésil, initié lors de l’analyse de la transition démocratique exceptionnellement longue entre régime militaire et civil. Le présent ouvrage présente d’emblée un intérêt dans un pays où les forces armées, pourtant historiquement importantes dans la politique nationale, constituent l’objet d’études trop peu nombreuses. La situation de paix depuis plus d’un siècle et demi et l’absence de menaces externes expliquent en partie ce désintérêt. Vingt ans après le « retour aux casernes » des militaires, la consolidation de la démocratie brésilienne semble faire l’objet d’un consensus dans la communauté scientifique nationale et internationale, les médias et la classe politique. Zaverucha ébranle ce consensus en qualifiant cette affirmation de mythe : comment affirmer que la démocratie brésilienne est consolidée, si une enquête d’opinion réalisée en 2003 en Amérique latine révèle qu’à peine 37 % des Brésiliens voient en la démocratie le meilleur système de gouvernement ? L’auteur s’attache alors, par le biais de l’analyse des relations entre civils et militaires, à démythifier cette représentation.

2 Le politologue met tout d’abord en garde quant aux ambiguïtés du terme démocratie. Se pose le défi de concilier démocratie formelle – ou de droit – et démocratie de contenu – ou de fait. Cet avertissement initial s’impose en raison de la situation politique dans le tiers-monde où ce terme est évoqué par les médias seulement pour qualifier le bon déroulement des scrutins électoraux. Pour comprendre cette vision

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minimaliste, l’auteur renvoie à Schumpeter qui ne concevait la démocratie que comme une méthode. Cependant, en fondant l’idée de liberté politique aussi simplement que celle de liberté économique, Schumpeter ignora les nombreux cas où existe un gouvernement de par la loi (rule by law) au lieu d’un gouvernement de la loi (rule of law). En d’autres termes, l’existence de lois ne garantit pas une situation d’État de droit ; sans l’assurance d’exercice des droits civils, les droits politiques ne peuvent qu’être fragilisés. Or au Brésil, de nombreux droits ne sont de fait assurés que pour une minorité. On peut alors tout au plus parler de semi-démocratie. 3 Après avoir éclairci ces divergences sémantiques, Zaverucha s’attache alors à analyser l’état de la démocratie au Brésil sous l’optique des relations entre civils et militaires. La fragilité de la démocratie brésilienne est révélée sous ses aspects normatifs, institutionnels, fonctionnels et géographiques, résultat illustré par d’abondants exemples concrets. 4 Sur le plan normatif, plusieurs questions soulignent des contradictions constitutionnelles. Comment la Constitution votée en 1988 et qualifiée de « citoyenne » peut-elle entendre l’armée à la fois comme responsable du maintien des institutions gouvernementales et soumise à ces dernières ? Un lobby militaire spécialement bien organisé se chargea de convaincre un nombre suffisant de parlementaires de maintenir intactes certaines clauses héritées du régime antérieur. Rappelons que la transition démocratique se déroula lentement et graduellement pour assurer le maintien d’une marge de manœuvre politique à l’armée pour les questions relatives à la défense nationale (Zaverucha 1994). 5 Par ailleurs, l’auteur dévoile comment l’indéfinition de certains concepts dans les textes de loi se traduit par des risques sérieux pour la démocratie : en raison de la polysémie du terme « ordre » dans la Constitution, les limites de la loi et de l’ordre ne sont pas définies. Ce vide peut laisser cours à une interprétation selon laquelle l’armée est chargée de définir quand l’ordre est en danger, ouvrant ainsi l’hypothèse d’un coup d’État militaire… constitutionnel ! Cette indéfinition se retrouve aussi dans le statut de l’Agence brésilienne de renseignement (Agência brasileira de inteligência, ABIN) en ce qui concerne le concept d’« intérêt national », concentrant en la seule personne du chef de l’État la compétence pour le définir. En outre, la notion de renseignement (inteligência) n’est pas non plus définie, ce qui entraîne la prise en charge tant du renseignement civil que militaire, ainsi qu’une confusion entre information et renseignement, activités qui ne sauraient être exécutées par une même organisation dans un souci de démocratie. 6 L’auteur souligne également des absences normatives lourdes de conséquences : sans loi fédérale concernant les crimes politiques, la Loi de Sécurité nationale (LSN), promulguée pendant le régime militaire, est restée en vigueur sous les gouvernements civils ultérieurs et s’applique tant aux militaires qu’aux civils, et ce, même pour des crimes ordinaires. Certains exemples d’actions à l’encontre du Mouvement des Paysans sans terre (MST) illustrent le maintien en vigueur de la thèse de l’« ennemi intérieur » dans la doctrine militaire. La LSN apparaît donc comme un instrument utilisé par l’armée pour conserver ses activités d’espionnage en raison de « forces adverses » – associations et mouvements sociaux –, comme l’illustrent ses actions dans la région de l’Araguaia pendant des décennies après la liquidation de la guérilla des années 1970. Pour une majeure protection de l’armée, un décret, promulgué en 2002, prolongea le caractère confidentiel des documents de sécurité nationale au-delà du délai de 30 ans –

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mesure typique des dictatures. Plus récemment, le gouvernement Lula a rétabli le délai de 30 ans pour l’ouverture de ces archives et a créé une commission de vérification des processus d’indemnisation des familles des victimes du régime militaire. Pendant ce temps, l’armée entrave toujours la transmission aux familles des informations sur les corps des disparus, informations qui leur sont nécessaires pour obtenir réparation. 7 Sur le plan institutionnel, Zaverucha analyse plusieurs organisations liées à l’armée. En conservant la police militaire (PM), la Constitution de 1988 homologua l’exercice d’activités de police par une organisation militaire, bien que celle-ci soit source potentielle de danger explosif en cas de conflit entre États fédéral et fédérés, puisqu’elle est placée sous le contrôle de ces deux niveaux de pouvoir. L’armée est certes considérée comme une force de réserve de la police, mais l’auteur met en garde contre des lectures trop rapides et optimistes car la PM continue d’être étroitement soumise au contrôle de l’armée et sa structure fortement militarisée. 8 Quant à l’ABIN, le président F.H. Cardoso a réalisé un recul institutionnel en transférant son contrôle de la Présidence de la République au Cabinet de sécurité institutionnelle, dirigé par un général. Cet acte allait contre l’esprit de la loi, puisque l’organisme de collecte des informations était désormais celui-là même qui décidait des mesures à prendre, illustrant le maintien d’une optique de type « ennemi intérieur ». L’auteur met l’accent sur les risques démultipliés, pour la démocratie, en raison de la forte concentration de l’information : les États fédérés sont indirectement obligés de collaborer à la fourniture d’informations sous peine de se voir supprimer des subventions fédérales. 9 L’auteur signale d’un œil critique le manque d’intérêt de la classe politique pour les questions militaires et de défense nationale. Plusieurs dénonciations de la presse sur des cas d’espionnage politique ont été nécessaires pour provoquer la création d’une commission parlementaire de surveillance des activités de l’ABIN. Cette innovation tardive positive n’a pas fonctionné dans la pratique. L’auteur propose alors la création d’une commission permanente formée de parlementaires spécialisés dans les thèmes de défense nationale, incluant la surveillance des services d’information des trois branches des forces armées et de la police. Sans cela, les gouvernements brésiliens ne pourront que continuer à confesser, à l’instar de celui de F.H. Cardoso, le manque de contrôle de l’État sur l’Agence. 10 Une autre innovation institutionnelle introduite par le président Cardoso a résidé dans la création du ministère de la Défense (MD), saluée comme indicateur de consolidation démocratique. Elle est pourtant insuffisante en soi pour assurer le progrès du contrôle civil sur les forces armées. L’état-major des Forces Armées (EMFA), organisme chargé de son élaboration, imprima une vision militaire, mais en marqua aussi les limites : hiérarchiquement inférieur aux anciens ministres militaires, il n’a pas le commandement des trois branches. Malgré l’intronisation d’un civil à la tête du MD, les commandants respectifs ont ainsi gardé leur statut de ministre et siègent dans les instances gouvernementales majeures qui traitent de la défense nationale. L’absence d’une personnalité forte dans les ministres civils a déjà engendré plusieurs crises, certaines d’entre elles tout à fait sérieuses. Le choix d’hommes politiques sans envergure fut ressenti par les états-majors comme une expression de la carence d’intérêt des civils pour les questions militaires, d’où la conclusion (dangereuse) que l’armée est de fait la plus à même de s’occuper directement des questions la concernant. Enfin, d’autres éléments comme l’inexistence d’une politique de défense

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nationale claire et le maintien du cumul de l’opération et du contrôle de certaines activités d’ordre civil, tel le contrôle de l’espace aérien et de la flotte maritime, prouvent encore la difficulté d’établir un équilibre démocratique dans les relations civils-militaires. 11 Du point de vue du fonctionnement de l’armée, un rapide examen sur les effectifs des troupes et les budgets annuels fait apparaître des chiffres surprenants. Dans la décennie 1990, alors que la majorité des États voisins diminuait le nombre de leurs soldats respectifs en raison de la disparition de l’hypothèse de la menace d’un ennemi intérieur, le Brésil augmentait le sien, même en l’absence de menaces extérieures. Je fais observer que les états-majors brésiliens justifièrent leur refus de se soumettre à la volonté des autorités américaines de réduire les troupes et de ne les orienter que vers des missions internes comme la guerre contre le narcotrafic et le combat anti-guérilla afin de ne pas compromettre le devoir de garantie de la souveraineté nationale et la professionnalisation. Toutefois, Zaverucha nous apprend que l’armée est encore organisée pour une guerre conventionnelle, signe de la représentation durable par l’armée de son rôle de maintien de l’ordre interne. 12 Sur le plan financier, l’image véhiculée auprès de l’opinion publique transmet une armée bien mal en point, pénurie de fait manifeste dans son précaire état d’équipement Toutefois, comment expliquer que l’institution militaire ait joui d’une remarquable régularité dans ses dotations budgétaires dans la seconde moitié des années 1990, bien que le pays traversât une sérieuse crise fiscale ? La majeure partie du budget sert à payer les soldes et les retraites, trop peu restant effectivement pour l’équipement et l’armement, d’où, selon l’auteur, un manque de professionnalisation et de mobilité stratégique. Ainsi l’armée dispose d’une logistique non seulement onéreuse, mais de surcroît lente et très peu efficace. 13 Enfin, du point de vue géographique, Zaverucha met l’accent sur les déséquilibres de la distribution militaire avec une concentration autour des grandes villes côtières, montrant le souci de préserver l’influence interne de l’armée auprès de la majorité de la population brésilienne. Le poids de l’histoire est ici visible, puisque les troupes d’élite se situent à Rio de Janeiro, à des milliers de kilomètres de l’Amazonie, région pourtant présentée par les états-majors comme vulnérable face à des menaces d’ordres divers. 14 On peut regretter de ne pas lire plus de considérations d’ordre géographique. Bien que l’auteur soit politologue, la dimension du territoire brésilien méritait que l’on s’y arrêtât quelque peu. Il serait juste par exemple d’informer que le déséquilibre géographique des troupes demeure certes en faveur du littoral, et en particulier de Rio de Janeiro – mais aussi du Rio Grande do Sul en raison d’une histoire particulière de conflits. Toutefois, depuis que l’Argentine est devenue un État allié au sein du Mercosul, l’organisation géographique de l’armée a subi une évolution. Le chiffre de 25 % des troupes en Amazonie reste faible, mais il représente une augmentation de 15 % depuis le début des années 1990. L’auteur note avec pertinence la localisation d’unités stratégiques comme les troupes d’élite, mais il est bon de n’omettre ni l’ampleur de la distribution nationale de l’armée ni le redéploiement en cours des troupes vers l’Amazonie, obéissant une fois de plus à une stratégie de contrôle du territoire national. 15 Les priorités et les actions de l’armée en Amazonie auraient mérité plus d’exemples puisque ce thème revient avec fréquence dans les prises de position des militaires pour justifier notamment un rééquipement et une professionnalisation accrue. Sur le plan opérationnel, les problèmes de logistique déjà cités s’aggraveraient dans un théâtre

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amazonien plus difficilement pénétrable et d’autant moins contrôlable. Certes, la responsabilité de l’armée dans la résolution des problèmes aux frontières doit être relativisée puisque nombre d’entre eux sont de la compétence de la police fédérale et du Trésor (Receita Federal). En revanche, en raison de la logique de l’ennemi intérieur, les décisions de l’armée dans la région méritent d’être examinées. L’Amazonie se distingue des autres régions brésiliennes de par la situation, plus que fragile de l’État de droit qui y prévaut. Rappeler que la moitié des assassinats dans les conflits de terre se passent dans l’État du Pará donne une idée de la fragilité de la démocratie. 16 Zaverucha conclut en affirmant que la notion de consolidation démocratique comme troisième phase d’un processus de démocratisation – après la libéralisation et la transition – pèche par manque de rigueur scientifique puisque les deux premières phases ne fondent l’idée de démocratie que comme compétition électorale. Plusieurs faits empêchent en effet de considérer cette notion limitée de la démocratie comme satisfaisante : l’application de l’État de droit est rendue plus difficile avec le maintien de clauses autoritaires dans la Constitution de 1988 ; il n’existe toujours pas de claire séparation entre l’armée de terre et la police militaire ; enfin, le ministère de la Défense agit plus comme agent de l’armée que comme représentant du gouvernement et concepteur de la politique de défense. Ces conditions rendent alors possible la militarisation d’institutions et de politiques gouvernementales, telle que Zaverucha l’illustre abondamment dans un chapitre consacré au gouvernement Cardoso. L’auteur conclut donc sa recherche par une mise en garde : se satisfaire d’une démocratie minimaliste revient à accepter une apparence de démocratie, ce qui constitue une menace pour la démocratie elle-même. 17 Le livre est donc aussi un appel à la citoyenneté, que la classe politique brésilienne devrait prendre en compte. Cependant, une telle mutation semble peu probable dans l’équation actuelle des forces politiques représentées au parlement. Même si Lula a été élu président, le Parti des travailleurs ne regroupe qu’environ le quart des parlementaires. Le manque manifeste de volonté politique du gouvernement Lula pour approfondir le contrôle de l’armée par les civils a éloigné la perspective d’un changement sensible et rapide issu d’une initiative gouvernementale. Reste, pour les citoyens intéressés, cette lecture d’un des aspects les moins commentés de la démocratie au Brésil, afin que l’on ne puisse pas dire que l’on ne savait pas. 18 6 mars 2006

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Maria Fernanda Afonso, O conto moçambicano, escritas pós-coloniais Lisbon, Caminho, 2004, 495 p.

Manuela Cook

REFERENCES

Maria Fernanda Afonso, O conto moçambicano, escritas pós-coloniais, Lisbon, Caminho, 2004, 495 p., ISBN 972-21-1634-7.

1 With Lusophone African studies gaining significant prominence in academe, this volume is a welcome addition to the field. It contributes a debate on short story writing in Mozambique within the framework of the country’s internal tensions, social and political.

2 The book is divided into three sections. Part I, “O conto: espaços e linguagens”, opens with a brief account of the emergence and evolution of the short story in Europe and South America, and then concentrates on an assessment of the propitious ground this genre enjoys in Africa, including Mozambique, a land where story telling is deeply rooted. Part II, “O conto moçambicano: as margens do texto”, focuses on Lusophone short story production in Mozambique as a continuum in a hybrid combination of European and African elements, in which the former provide literary expression through which the latter’s oral tradition is revisited and highlighted. Part III, “O conto moçambicano: memórias e discursos”, looks at the Mozambican short story as a tool for cogitation on both colonial times and a post-independence experience marked by hope, disenchantment and search for national identity. 3 Two principal themes run through the different sections of the book. The first encapsulates the notion that narrative is at the core of the Mozambican way of life, with a didactic function. Mythical tales of primordial eras are the preferred means for the transmission of group heritage and values. The other main theme spanning the book’s sections is articulated around the notion of the Portuguese presence and its

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European impact in an African context. It considers biological and cultural miscegenation. In addition to these two overarching themes, a number of other threads weave through the leading argument, as diverse as political unrest or the penetration of local popular speech into the Portuguese linguistic norm. 4 This volume is a commercial version of a doctoral dissertation. Despite skilful editorial work, there is a certain amount of repetition and redundancy, as often is the case in a text that was originated in another format. Notwithstanding, most pages make interesting reading, notably those on Mia Couto and Lília Momplé, amongst other writers. A particularly effective component is the reference section at the end of the book, where readers are offered a choice of trajectories. For example, one may track an itinerary through an index of authors or an index of topics. There is also an extensive classified bibliography, which provides a wealth of suggestions for additional reading on related issues. Overall, this is a unique contribution to Lusophone African studies, which also contains many pointers inviting scholars to pursue further the investigation of short story writing in Mozambique and its socio-cultural and political significance. 5 March 2006

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Francisco Bethencourt (ed.), La Diaspora des « Nouveaux-Chrétiens » Paris, Publications du Centre culturel Calouste Gulbenkian, 2004, 316 p. (« Arquivos do Centro Cultural Calouste Gulbenkian », XLVIII)

David Birmingham

REFERENCES

Francisco Bethencourt (ed.), La Diaspora des « Nouveaux-Chrétiens », Paris, Publications du Centre culturel Calouste Gulbenkian, 2004, 316 p. (« Arquivos do Centro Cultural Calouste Gulbenkian », XLVIII)

1 In a forthcoming volume of essays (Empire in Africa: Angola and its Neighbours) the present reviewer is heard to complain that not enough is known about the role of Jews in the Portuguese African empire. Such shameful ignorance is brought to light by the brilliant volume of essays which Francisco Bethencourt edited before he ended his distinguished term of office as director of the Gulbenkian centre in Paris. This stunning tome is a dense, scholarly, wide-ranging, path-breaking collection written by specialists for specialists. But it is also a book for those, like the present reviewer, who are woefully ignorant about the diaspora of Jews, New-Christians, Marranos, New-Jews and all the other restless migrants and asylum-seekers that left Portugal, or left Spain via Portugal, in the early modern era. There is matter here to engage everyone, intellectual history, cultural history, musical history, artistic history. There are also essays on all the regions touched by the diaspora, Mexico, Morocco, India, Brazil, the Netherlands, Arabia, France, and not least Tuscany where the port of Leghorn had 3000 Portuguese émigés in the mid seventeenth century, almost as many as the 4000 in Amsterdam. But the chapter which most vividly drew the attention of this reader was the one relating to Hamburg by Michaël Studemund-Halévy and Jorum Poettering.

2 In the early seventeenth-century the Van Dunem family of traders in Angola – ancestors of the ruling families of the twenty-first century – claimed that they had come from North Germany. With their Dutch-sounding name they wished to avoid

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being linked to the rebellious city of Amsterdam which was at war with Angola’s imperial Habsburg masters. The Sephardic Jews of Hamburg were, at the time, one of the largest communities of Portuguese émigrés in Europe and their sphere of influence stretch from Emden in East Friesland to Danzig and Copenhagen in the Baltic. When they began arriving in the 1590s Hamburg (unlike Amsterdam) was at peace with Portugal. The man-in-the-street, and the Lutheran pastors, did not appreciate the new strangers, but the city Senate enthusiastically welcomed the arrival of men with scarce skills. The “Portuguese”, unlike German Jews, were given permission to settle within the city walls and many of them built fine residences adjacent to their commercial premises. Local neighbors were deeply shocked to see Jews riding high in smart carriages driven by Christian coachmen and foot-lackeys, but the ruling class needed Jewish administrative skills to help run their bureaucracy – just as Christian governors in the Portuguese colonies needed Jewish book-keepers to manage their exchequers. The trades open to Portugal’s New Christians, and to its New Jews who had openly reverted to their ancestral faith or even been converted from Christianity, were banking and insurance but they also deal in colonial produce and above all – from the point of view of a city harboring families of noble and even royal refugees – jewelry. 3 By 1652 Hamburg – like Angola – had secret synagogues and the three for which records survive had 1,212 adherents. Education was one of the strengths of the members of the diaspora and medical education was especially prized. Officially Hamburg, like Amsterdam, frowned on Christians who resorted to Jewish surgeons and pharmacists though many were French-trained. In 1631 Hamburg officially condemned persons who frequented Jewish or Egyptian (Gypsy) medical doctors but the city élite insisted that “Portuguese” practitioners be exempt from any ban. In addition to practicing the professions the Portuguese were permitted a limited freedom of worship. Preaching was not permitted lest it should subversively lead to the conversion of good Christians, but Jews were allowed to read the Psalms and also the writings of the prophets in the Old Hebrew Testament. 4 One day it might be possible to find out more about the religious practices of the Jewish diaspora in Portuguese Africa. The Van Dunems of Emden, for instance, seem to have been active in their new Christian practices in Africa and were at times in dispute with the Catholic church as to whether or not their mestiço children should be allowed to ride in the funeral hearse of the Christian brotherhood when being taken to the Luanda cemetery. 5 22 March 2006

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João M. Cabrita, A morte de Samora Machel Maputo, Edições Novafrica, 2005

Michel Cahen

RÉFÉRENCE

João M. Cabrita, A morte de Samora Machel, Maputo, Edições Novafrica, 2005, xx + 82 p., glossaire des termes techniques, index des noms et thèmes, pas d’ISBN.

1 Ce petit livre de João Cabrita est, parfois, d’une technicité déconcertante pour le profane. En effet, afin de tenter de démêler le vrai de l’incertain et l’incertain du faux, dans un drame hautement polémique – la mort du président Samora Machel dans l’accident d’avion de Mbuzini, à 150 mètres de la frontière sud-africano-mozambicaine, du côté sud-africain, le 19 octobre 1986 – l’auteur est avant retourné aux éléments matériels de l’histoire du vol. Il n’en reste pas moins que l’accident est survenu alors que la situation politico-militaire du Mozambique était très difficile, avec l’extension de la guérilla à presque tout le territoire mozambicain et des divisions croissantes au sein des cadres moyens et supérieurs du Frelimo, comme le montra la « Lettre des Anciens Combattants », et alors que l’URSS déjà gorbatchévienne avait signifié la diminution de son aide à des pays comme le Mozambique. À propos du contexte politique de l’époque, curieusement, J. Cabrita n’aborde pas du tout la fameuse alerte donnée, quelques jours avant le drame, par Carlos Cardoso, le meilleur journaliste mozambicain (plus tard assassiné), qui avait voulu prévenir le président qu’il était désormais une « cible ». La presse officielle n’avait pas considéré son article comme crédible et ne l’avait pas publié, le faisant seulement après le drame (sur cet épisode, cf. par exemple l’article de Claúdio JONE, « "Les gauchistes" orphelins. Presse et pouvoir dans le Mozambique indépendant (1975-1990) », Lusotopie 2005 : 281-294). Cependant, si les dangers politiques qui s’accumulaient certainement autour de Samora Machel, et si l’hypothèse que sa personne même pouvait être en danger, sont des facteurs parfaitement plausibles, cela

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n’en fait nullement une cause directe de l’accident et encore moins une preuve qu’il s’est agi d’un attentat.

2 L’auteur ne conclut d’ailleurs pas et l’essentiel du livre (si l’on fait exception de l’introduction, pp. xi-xx) ne « parle pas de politique ». Quand il le fait, c’est sous forme de question. L’auteur a fouillé quatre types de sources : celles de la commission internationale d’enquête, les sources sud-africaines, mozambicaines et soviétiques. Outre la reconstitution critique du déroulement du drame, il analyse aussi son instrumentalisation politique ultérieure, avec les diverses rumeurs qui coururent – et courent encore : l’existence d’un faux phare radio volontairement allumé par les Sud- Africains pour augmenter la dangerosité du vol ; d’un faux phare, mais qui aurait été monté sur le sol mozambicain, par des acteurs inconnus ; d’un complot dans lequel le futur président, Joaquim Chissano, aurait été mêlé, etc. 3 De tous ces éléments, l’ouvrage penche quand même implicitement en faveur d’une hypothèse : loin de tout complot (y compris interne au Mozambique), il s’agirait de l’accumulation d’une suite atterrante d’erreurs humaines de la part de l’équipage soviétique, pourtant formé de pilotes expérimentés mais, semble-t-il peu concentrés sur ce vol qui était pourtant par excellence VIP, et – ce que l’auteur du livre ne dit pas mais que je tiens d’un ancien coopérant soviétique – fortement alcoolisés… De ce fait, on pourra toujours « accuser » João Cabrita d’exonérer l’Afrique du Sud raciste et de mettre sa position en rapport avec son hostilité connue au Frelimo. Ce serait un bien mauvais procès. L’histoire reste toujours à faire, certainement, mais ce petit livre y contribue très honnêtement. 4 Mai 2006

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Manuel Pedro Dias, Aquartelamentos de Moçambique. Cabo Delgado 1964-1974 Odivelas (Portugal), éd. de l’auteur, 2006, 138 p.

Michel Cahen

RÉFÉRENCE

Manuel Pedro Dias, Aquartelamentos de Moçambique. Cabo Delgado 1964-1974, Odivelas (Portugal), éd. de l’auteur, 2006, 138 p., nombreuses photos, préface de Germano de Jesus Barge Rio Tinto, ISBN : 972-99921-0-X.

1 Cet ouvrage fait partie de tous ces livres nostalgiques non point tant de la guerre coloniale, mais du Mozambique colonial. Il n’y a aucune critique envers le Frelimo ni envers les Africains en général (la guerre est finie !), mais le conflit est présenté simplement comme une lutte entre « braves ». Le préfacier présente cependant une vision nettement plus connotée et « légitimante » du conflit : «… a valorosa presença dos militares portugueses em terras macondes, permite evidenciar a nobreza desse Opositor, por excelência não muçulmano, digno herdeiro do contributo missionário católico em terras de Cabo Delgado ». La lutte anticoloniale menée par les « nobles Macondes » – nobles parce que non musulmans ? – est ainsi faite produit de l’action missionnaire catholique (dont le préfacier omet de dire qu’elle fut hollandaise et point portugaise !). Il pousse plus avant le raisonnement, considérant que tous (Portugais et Macondes) luttaient pour leur patrie, mais de patries elles-mêmes « filhas da Mãe-Pátria ». Le planalto maconde, ou même le Mozambique en général, patries filles du Portugal ? La captation d’héritage est plaisante. Elle n’est d’ailleurs pas tout à fait fausse, c’est bien le colonisateur qui a créé l’espace « Mozambique », non pertinent (au moins au départ) pour les peuples africains ! Mais le lien ne vient donc pas du « conteudo criador da presença lusitana », mais à l’inverse de l’opposition à ce « lien créateur » (p. 7) !

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2 L’ouvrage, après cette envolée lyrique du préfacier lusotropicaliste, passe en revue les casernements et les installations des divers bataillons présents au Cabo Delgado de 1964 à 1974. Il constitue ainsi lui-même une source primaire pour l’histoire technico- militaire. Dommage que l’auteur, qui a travaillé à l’Arquivo Histórico-Militar, n’ait pas utilisé ces sources pour aborder aussi la vie quotidienne des soldats, leur mentalité, leur vision de la guerre et de l’ennemi. Néanmoins, ce « catalogue » des cantonnements portugais au cœur de la terre africaine révoltée n’est pas sans intérêt. 3 Mai 2006

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João Loureiro, Memórias de Lourenço Marques: uma visão do passado da cidade de Maputo Lisbon, Maisimagem, 2003, 127 p.

David Birmingham

REFERENCES

João Loureiro, Memórias de Lourenço Marques: uma visão do passado da cidade de Maputo, Lisbon, Maisimagem, 2003, 127 p. illustrated.

1 For those who frequent the internet there is alleged to be a site called postaisultramar.com.pt which tells of João Loureiro’s eleven thousand postcards which photographically span the Portuguese empire from the final days of the last Saxe- Coburg king through to the insurrection of the army captains and the subsequent decolonisation of 1975. Samples of this visual record have already been published dealing with Luanda City, with Mozambique Island, with the Atlantic archipelagos, even with little Guinea. Now Loureiro has brought out a volume of photographs, each telling a story, each with a minimal explanatory captison, on the late-colonial railway port of Maputo, then known to Mozambicans and their South African clients as Lourenço Marques. One of the first pictures shows and electric streetcar cruising past the rickshaws down Prince Miguel Avenue which (after the revolution of 1910) became October the Fifth Avenue and (after the revolution of 1974) changed again to Patrice Lumumba Avenue. In 1904 the trams reached the ocean shore on which the massive shanks of the Polana Hotel were raised to serve as residence for generations of spies, revolutionaries and secret agents. The trams continued to serve the city’s people until 1936.

2 At the other end of the town the Transvaal railway arrived in 1894 and by 1910 the temporary goods sheds had been replaced by a massive monumental passenger station and the square fronting the edifice had been named in honour of Mac Mahon, the

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French veteran of the Crimean War who caused much fluttering in the imperial dovecotes by deciding that Delagoa Bay should be Lusitanian rather than Britannic. Another highly ornate building which celebrated the rise of Lourenço Marques to city status was a mosque topped at each corner with triple-decker minarets and lit by single-arched and double-arched fan windows. The mosque was frequented by the Indian merchant community while the Chinese had their own pagoda just off what is to-day Samora Machel Avenue. An even more interesting postcard features the Wesleyan Methodist chapel, the Presbyterian Swiss mission church, and a small snap of Lourenço Marques’ apparently newly-built synagogue as it appeared in 1929 with a square-columned frontage and a rose window. It raises interesting questions as to who built a synagogue on Portuguese soil and who frequented it. 3 By the 1960s Lourenço Marques had become the exotic lure for South Africans wishing to escape the puritanistic strictures of the Dutch Reformed Church and the fanatical ideologies of apartheid. A poster of 1965 makes so bold as to picture a beach damsel in a bikini at a time when the metropolitan beaches of Portugal often required even gentlemen to wear full, two-piece, swim suits providing cover not only for the torso but also for the arms. Such bold advertising drew attention not only to “golden mornings” on the beach but in one of Loureiro’s 1940s posters also hinted at “silver nights” with the lace-trimmed silhouette of a slim female figure. 4 9 March 2006

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Catherine Prost, L’armée brésilienne : organisation et rôle géopolitique de 1500 à nos jours Paris, L’Harmattan, 2003, 354 p. (« Recherches-Amériques latines »).

Gabriel Périès

RÉFÉRENCE

Catherine Prost, L’armée brésilienne : organisation et rôle géopolitique de 1500 à nos jours, Paris, L’Harmattan, 2003, 354 p., ISBN : 2-7475-5192-X, (« Recherches-Amériques latines »).

1 Catherine Prost a livré un travail original basé sur une recherche doctorale réalisée sous la direction d’Yves Lacoste. Original, puisque l’auteur tout en se basant sur un travail d’érudition couvrant la longue durée d’une institution aussi spécifique que les forces armées brésiliennes, dépasse l’étude structuro-fonctionnaliste des latino- américanistes classiques. En effet, elle propose au lecteur averti une recherche des articulations entre l’histoire du développement de l’armée, son rôle politique et la définition même du territoire national brésilien. Or, il apparaît que ce triptyque repose pour une large part sur l’intégration, puis sur la production d’un dispositif théorico- pratique très spécifique : la géopolitique ratzelienne, reprise et reformulée par les intérêts spécifiques de l’institution militaire, représentés par des grands intellectuels prétoriens de la période de la Guerre froide, tels que le général Golbery do Couto e Silva.

2 Ce projet, Catherine Prost en signale tant les origines que ses réalisations pratiques qui marquent la particularité de l’armée brésilienne par rapport aux autres institutions sœurs d’Amérique latine, en particulier l’armée argentine – du moins telle qu’elle se positionne après son rôle de conquête territoriale entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, avec la Conquista del desierto, qui voit la modernité technicienne occidentale

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avancer sur des territoires contrôlés par des caudillos, des Indiens et des métis, voire, les lambeaux de la société coloniale. Ce que met en relief Catherine Prost est que, contrairement à sa rivale argentine, l’armée brésilienne n’a jamais abandonné sa vocation « impériale », de conquête interne du territoire brésilien qu’elle entend, tout au long du XXe siècle, encore modeler et moderniser selon des critères qui in fine, ont somme toute vocation à faire perdurer une tradition technicienne et autoritaire en son sein. 3 L’originalité réside, comme le démontre l’auteur, dans la projection territoriale et administrative militairement contrôlée de ce projet. Celui-ci est par ailleurs, il faut le souligner, porté à la connaissance du public français dans une description précise des deux grandes projections élaborée par des militaires brésiliens dans les années 1970 : celle de la modernisation du Nord brésilien (projet « Calha Norte ») et surtout celui de surveillance et de protection de l’Amazonie (SIVAM/SIPAM). Catherine Prost, y décèle une sortie évidente du projet idéologique de la geopolítica des années de la dictature, qui définissait l’ennemi intérieur (le communisme international) et celui de l’extérieur (l’armée argentine), au profit d’un redéploiement vers l’intérieur du pays qu’elle contenait également. C’est sans doute pour cela que cette modernisation continue à s’inscrire sous le mode autoritaire. Ainsi, si l’accent est mis sur les ruptures entre les différentes périodes, en particulier les plus récentes, telles que la sortie de la Guerre froide, Catherine Prost pointe aussi les continuités. On ne se débarrasse pas aussi facilement des ressources doctrinales qui légitiment l’action et les pratiques. Surtout celles qui apparaissent comme des ressources de légitimation importantes constructivistes et volontaristes, car, assurant la cohésion et la mobilisation internes de l’institution. C’est ce « noyau dur », que le travail de Catherine Prost rapporte : l’armée brésilienne se situe toujours à l’intérieur du projet géopolitique brésilien qui, au demeurant montre, en tant que ressource idéologique, une forte plasticité. C’est ainsi que relativement à l’organisation territoriale, administrative spécifiquement militaire, mais également technicienne – en particulier lié aux différents projets de voies et de systèmes de communication trans-amazoniens – la géopolitique, au-delà des conjonctures, continue à proposer une praxis de la projection d’une institution dont on aurait pu croire que la fin de la Guerre froide marquerait le déclin, comme dans le cas argentin par exemple. Ceci pour dire que Catherine Prost éclaire de façon documentée et précise ce qui constitue aujourd’hui un pan des interrogations relatives à la vie politique du continent américain, du nord au sud, à savoir : l’intégration dynamique du projet national brésilien et sa modernité, dans lequel les Forces armées, non sans tensions intrasectorielles, jouent leur rôle de ressource d’autorité sur des territoires déterminés. 4 Le projet idéologique d’une certaine géopolitique ne rejoindrait-il pas, par ce canal, les interrogations, si ce n’est les convictions de Max Weber, en montrant que l’État brésilien est toujours en construction ? Ce stimulant ouvrage permet de s’interroger et affûte le regard sur une institution qui reste, malgré les avancées récentes et fragiles de la démocratie, toujours autoritaire. Une inconnue tout de même : qu’en est-il aujourd’hui de la coordination continentale des forces armées latino-américaines ? Si elle perdure, au-delà de la Guerre froide, a-t-elle adopté d’autres formes que le système de la Junta Interamericana de Defensa ? Et quelle place spécifique y occuperaient les forces armées brésiliennes ? Ce sont des questions que nous posons à Catherine Prost en la remerciant pour son travail.

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5 14 avril 2006

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Jean-Louis Rougé, Dictionnaire étymologique des créoles portugais d’Afrique Paris, Karthala, 2004, (« Dictionnaires et langues »).

Michel Cahen

RÉFÉRENCE

Jean-Louis Rougé, Dictionnaire étymologique des créoles portugais d’Afrique, Paris, Karthala, 2004, préface d’Alain Kihm, ISBN : 2-84586-493-0 (« Dictionnaires et langues »).

1 Voici un nouveau dictionnaire créole-français, bien précieux. D’une part parce qu’il aborde trois grandes familles de luso-créoles (les créoles capverdiens, guinéens et santoméens) sans sous-estimer leur diversification interne respective ; d’autre part, parce que, comme son titre l’indique, il s’agit d’un dictionnaire étymologique. L’auteur le dit lui-même, ce n’est pas une somme achevée, et cela apparaît dans la structure même de l’ouvrage puisque toute une sous-partie porte sur les mots d’étymologie inconnue.

2 L’ouvrage est cependant étrangement construit. En effet, au lieu de procéder comme dans un dictionnaire étymologique ordinaire – liste des mots, sens, explications, étymologies –, l’auteur a divisé les entrées en deux grandes parties : celles d’étymologie portugaise avérée, celles d’étymologie non portugaise (surtout africaine) ou inconnue. On peut déjà questionner cette division, qui divise la liste des mots en deux grands registres et ne facilite donc pas la recherche. Mais au sein du premier registre (mots d’étymologie portugaise), les entrées ne sont pas les mots créoles, mais les noms portugais, avec leurs correspondances dans les divers créoles étudiés. Certes, l’auteur a ainsi évité d’avoir à lister, en entrées successives et fort proches dans les divers créoles, une même étymologie (par exemple, ce sera le mot portugais « cabeça » qui sera une entrée, et il sera indiqué ce qu’il a donné dans les divers créoles, et non le casamançais « kabesa »). Mais on a, pour la moitié du dictionnaire, non point une démarche

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étymologique, mais « contre-étymologique » (ce que l’origine portugaise a donné dans les divers créoles). Ainsi, pour trouver l’étymologie d’un mot créole, il faut déjà connaître son… étymologie ; ou alors, il faudra aller, en annexe, dans les lexiques qui, eux, donnent l’ordre habituel. Je comprends d’autant moins cette démarche que, pour les mots dont l’étymologie n’est pas portugaise, c’est la démarche habituelle qui est adoptée. L’auteur a sans doute eu ses raisons, mais il ne les explique pas dans l’introduction, pourtant fort détaillée (p. 11-35). 3 Malgré ces réserves quant à une certaine lourdeur de maniement, reconnaissons très volontiers qu’il s’agit d’un gros travail, ainsi mis à la disposition du public, un public qui n’a pas besoin d’être spécialisé pour l’utiliser. 4 16 mai 2006

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Carlos Alberto Vieira (photos) & Ana Paula Lemos (texte), Recordações de Lourenço Marques ; Pascal Letellier & Jordane Bertrand (textes), Luís Basto (photos), Voyage au Mozambique, Maputo Lisbonne, Alêtheia Editores, 2005, 168 p. ; Paris, Éditions du Garde- Temps, 2005, 96 p.

Michel Cahen

RÉFÉRENCE

Carlos Alberto Vieira (photos) & Ana Paula Lemos (texte), Recordações de Lourenço Marques Lisbonne, Alêtheia Editores, 2005, 168 p., ISBN : 989-622-022-0. Pascal Letellier & Jordane Bertrand (textes), Luís Basto (photos), Voyage au Mozambique. Maputo, Paris, Éditions du Garde-Temps, 2005, 96 p., très nombreuses photos, ISBN : 2-913545-36-X, traduction en portugais d’Ana de Carvalho.

1 Voici deux ouvrages en principe opposés, puisque portant, l’un sur la Lourenço Marques coloniale et constitué de photographies tout autant coloniales, l’autre sur la Maputo indépendante avec textes et photos post-coloniaux, et qui finalement se ressemblent à plus d’un titre…

2 Pour le premier, on pourra dire : « encore un livre de souvenirs coloniaux ! ». En effet, ces toutes dernières années se sont multipliés, à un rythme jamais connu auparavant au Portugal, des ouvrages d’anciens militaires ou civils des colonies, racontant, désormais sans l’inhibition que la Révolution des Œillets avait produite, la vie qu’ils eurent dans l’

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Ultramar. Il y aurait toute une étude à faire sur cette nouvelle littérature. Le cas présent est un peu différent car Carlos Alberto Vieira, bel et bien photographe de la vie coloniale, est toutefois resté au Mozambique jusqu’à sa mort, acceptant le nouveau cadre politique et social. Par ailleurs, à la différence des ouvrages désormais bien connus de João Loureiro (Lusotopie 2003 : 520-522 et supra dans ce volume la note de David Birmingham), il s’agit ici non point de cartes postales, mais de photographies d’auteur. Carlos Vieira, né à Xai-Xai (pardon !… João Belo !) est décédé à Maputo en 1995. Comme nous en prévient Ana Paula Lemos, les photos à présent publiées ne représentent qu’une très petite partie de son œuvre, qui fut multiforme : des grandes entreprises à la faune sauvage, des projets sociaux aux villages de brousse, de la guerre coloniale à la guerre civile, des portraits de Samora Machel à ceux des caniços (« quartiers du roseau ») laurentins. Les photos sont ici toutes en noir et blanc et – il n’y a pas tromperie sur la marchandise – représentent « Lourenço Marques », la ville coloniale. « Aqui é Portugal », rappelle d’ailleurs la vue de la place Mouzinho de Albuquerque (p. 15). Les voitures sont omniprésentes dans le livre – peut-être plus nombreuses que les êtres humains ! Est-ce pour rappeler que Lourenço Marques était la « ville portugaise » au plus fort taux d’automobiles pour 100 habitants dans les années 1960 ? Les Portugais prennent des consommations aux belles terrasses des cafés, les Africains cirent leurs chaussures (p. 29, p. 158), le béton envahit la ville et donc les photos de Vieira… Le petit peuple africain n’apparaît que pour le carnaval (p. 84), les quartiers du caniço sont à peine évoqués (p. 79). Il s’agit bien de souvenirs de la vie coloniale, charmante et insupportable ! Pourquoi ne pas publier un ouvrage parallèle avec des photos du même C.A. Vieira, mais sur la ville africaine, en croissance rapide des années 1960 et jusqu’en 1974 ? On peut se demander si le choix exclusivement colonial de la teneur des photos était vraiment justifié, surtout quand on connaît l’engagement ultérieur de l’auteur dans le Mozambique indépendant. Mais admettons que tout, dans cet ouvrage, et jusqu’à la typographie de son titre, nous replonge dans l’atmosphère d’une modernité des années 1950-1960 qui était bel et bien celle d’un autisme colonial enkysté au cœur d’un pays africain. 3 Après la vie coloniale, la vie post-coloniale. L’ouvrage Voyage au Mozambique. Maputo, qui a bénéficié de l’aide de la Coopération française, est un cri d’amour lancé à Maputo, par deux Français, P. Letellier et J. Bertrand, et le photographe Luís Basto. Les textes sont bilingues français-portugais grâce à la traduction d’Ana de Carvalho. On sent encore, dans la patte photographique des vues sensibles et réalistes de L. Basto, l’école de Cartier-Bresson naturalisée au Mozambique par Ricardo Rangel. Un superbe ouvrage assurément. Cela dit, le titre est, cette fois-ci, trompeur. Non seulement il ne s’agit pas du Mozambique mais de Maputo, mais, de celle-ci, presque exclusivement de la « ville de ciment ». Les immenses caniços ne sont pas abordés et le petit peuple de la périphérie (soit 80 % de la population), n’est entrevu – cité dans les textes ou photographié – que lorsqu’il vient dans la ville de ciment. L’ouvrage est ainsi une ode à la créolité mozambicaine et à cette charmante petite-bourgeoisie urbaine qui est le cœur de la base sociale du Frelimo. Cela n’enlève rien à la beauté du livre, mais en souligne l’angle de vue. 4 Population coloniale dans le premier ouvrage, monde social créole et urbain du cœur de la capitale post-coloniale de l’autre, les deux livres montrent avant tout le rêve d’un Mozambique diversement mondialisé, mais point bantou. Ce Mozambique (post-)

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colonial existe et il est superbement photographié. Cependant, on attend que l’autre aussi le soit ! 5 Mai 2006

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La chronique des lectures

Revue des revues

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Accord (Londres, Conciliation Resources) « From Military Peace to social Justice? The Angolan Peace Process », XV, 2004, 100 p.

Jean-Pierre Chavagne

RÉFÉRENCE

Accord (Londres, Conciliation Resources), XV, 2004, « From Military Peace to social Justice ? The Angolan Peace Process », 100 p., ISSN : 1365-0742.

1 Ce numéro de la revue Accord pose la question de l’avenir de l’Angola après le mémorandum de Luena signé en 2002, après les accords de paix faillis de Bicesse et de Lusaka. Cette revue est spécialisée dans les initiatives de paix. Elle a déjà, en 1998, étudié la dynamique de paix au Mozambique. Elle décrit et analyse, en anglais (une version papier en langue portugaise de ce numéro est disponible), les processus de paix et les situations particulières de conflits armés dans le but de constituer un outil de réflexion pour la construction de la paix dans le monde. La totalité du texte se trouve sur Internet en anglais et en portugais à l’adresse . En 100 pages d’un format A4, il s’agit d’un dossier consistant et bien fourni sur la question angolaise, et constitue un document autonome par ses annexes : une carte, un répertoire des sigles, une chronologie à partir de 1884-85, des notices sur les mouvements et les principaux acteurs angolais et internationaux du conflit, des extraits significatifs des textes des accords de paix, et une vingtaine de photos en noir et blanc qui illustrent le texte avec pertinence.

2 Le premier article est une rétrospective essentielle pour qui connaît peu l’histoire de l’Angola. Suivent des articles couvrant des domaines particuliers de la société angolaise et permettant de comprendre l’œuvre de destruction des années écoulées et l’incertitude de la situation actuelle. L’échec des accords de Bicesse (1991) et de Lusaka (1994) sont analysés sans complaisance par Christine Messiant et Manuel Paulo qui y mesurent aussi l’engagement de l’ONU. L’histoire du conflit armé et des échecs

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diplomatiques répétés en Angola est longue et complexe, et il n’est pas évident qu’on puisse dire que l’Angola connaisse aujourd’hui une paix véritable, d’autant que Cabinda se trouve encore une situation de guerre ou plutôt de « non-paix » comme le décrit ensuite Jean-Michel Mabeko-Tali. Les contributions de Fernando Pacheco et de Tony Hodges démontrent dans les articles suivants comment les ressources naturelles angolaises ne pourront être un tremplin pour le développement que dans un pays gouverné de façon participative, transparente et responsable. L’espoir principal est ainsi mis dans la dynamisation de la société civile, qu’on imagine soutenue par des médias libres et compétents, puisque l’Angola a aussi des ressources humaines, culturelles et sociales, tout aussi mal exploités que ses ressources naturelles. La série d’articles d’Ismael Mateus, de Michael Comerford, de Carlinda Monteiro, et de Henda Ducados, nous en convainquent et donnent des pistes pour l’instauration d’un nouveau climat de réconciliation. 3 On ne sort pas aussi facilement une société de tant d’années de guerre. Filomeno Vieira Lopes et Imogen Parsons nous aident enfin à prendre la mesure des efforts qui doivent être faits pour la préparation d’élections sérieuses et pour la restructuration d’une société au fort taux de réfugiés et d’anciens combattants. 4 Mars 2006

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Africa Yearbook. Politics, Economy and Society South of the Sahara, 2004, Andreas Mehler, Henning Melber & Klaas van Walraven (eds) Leyde, Boston, Brill, 2005, 496 p.

Michel Cahen

RÉFÉRENCE

Africa Yearbook. Politics, Economy and Society South of the Sahara, 2004, Leyde, Boston, Brill, 2005, 496 p., Andreas Mehler, Henning Melber & Klaas van Walraven (eds), ISBN : 90-0414462-5, ISSN : 1871-2525.

1 L’Africa Yearbook publié à partir de 2005 par les éditions Brill prend la suite de l’Afrika Jahrbuch publié depuis 17 ans par l’IAJK (Institut d’études africaines de Hambourg). La différence, outre la langue, est que la nouvelle série est le fruit de la coopération entre l’IAK, l’ASC (Centre d’études africaines de Leyde) et le NAI (Institut scandinave d’études africaines d’Uppsala). Les trois centres, membres du réseau AEGIS (Africa-Europe Centre for Interdisciplinary Studies), ont par ailleurs bénéficié de nombreuses collaborations prises dans ce réseau et ailleurs. La facture du livre est classique : après deux introductions, l’une sur l’Afrique subsaharienne en général (par les trois éditeurs, p. 1-14) et l’autre sur les relations euro-africaines, qui n’oublie pas le Portugal (par Sven Grimm, p. 15-25), quatre grandes parties abordent successivement l’Afrique occidentale, l’Afrique orientale et l’Afrique australe, chacune étant introduite par un article mettant l’accent sur les organisations et problématiques sub-régionales (respectivement par Klaas van Walraven, p. 27-38, Andreas Melhler, p. 175-184, Rolf Hofmeier, 247-258 et Henning Melber, p. 375-386).

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2 Les cinq Pays africains de langue officielle portugaise (PALOP) sont traités respectivement par Carlos Lopes (Cap-Vert), Carlos Lopes et Martim Faria e Maia (Guinée-Bissau), Gerhard Seibert (São Tomé e Príncipe), Steve Kibble (Angola) et Joseph Hanlon (Mozambique). 3 Dans la fiche « Cape Verde » (p. 55-58), Carlos Lopes insiste sur l’avertissement donné au gouvernement du PAICV par les élections locales de 2004 (ce qui, notons-le, n’a pas empêché le président Pedro Pires d’être réélu en 2006), sur le maintien de liens étroits avec l’ECOWAS et le Portugal, et sur la décision historique prise par l’ONU de retirer le Cap-Vert de la liste des pays les moins développés. Si celui-ci garde une économie au haut degré de vulnérabilité, son revenu moyen per capita et l’indice du développement humain ne justifiait plus cette « catégorisation ». Afin d’éviter que ce progrès ne se concrétise par une aide diminuée, la Banque mondiale et le PNUD ont renouvelé leur soutien au plan de réduction de la pauvreté. Dans un pays paisible, quelques problèmes de sécurité urbaine, dus notamment au trafic de drogue, ont suscité une certaine préoccupation. 4 Dans la fiche « Guinea-Bissau » (p. 95-99), Carlos Lopes et Martim Faria e Maia brossent rapidement l’évolution depuis la brève guerre civile de 1998 ayant écarté du pouvoir Nino Vieira et notamment sur la gestion chaotique généralisée du pays sous la présidence de Kumba Yala menant au coup d’État du général Verissimo Seabra du 14 septembre 2003, à la présidence transitoire de Henrique Rosa et enfin aux législatives de mars 2004. Celles-ci instaurèrent un pacte entre le PAIGC et le PRS, fort instable, troublé par la mutinerie du 6 octobre et l’assassinat de Verissimo Seabra par des soldats mécontents face à une hiérarchie corrompue. Les élections présidentielles de 2005 ont commencé à se préparer dans un climat de tension (qui devait mener, en 2005, à la surprenante alliance entre Kumba Yala et Nino Vieira et à la victoire de ce dernier, sept ans après avoir été chassé par la révolte militaire et civile !). L’image internationale du pays reste déplorable, et sa situation économique et sociale désastreuse. 5 Dans la fiche « São Tomé and Príncipe » (p. 241-246) Gerhard Seibert signale la persistance des scandales de corruption et l’instabilité, que la découverte du pétrole n’a évidemment pas amoindrie. Malgré le Forum national pour la réconciliation (ouvert le 16 juin 2004), les accusations de corruption, atteignant le Premier ministre Maria das Neves lui-même, démis par le Président Menezes… Une nouvelle loi sur les revenus du pétrole a été votée, sous la pression du FMI. Les États-Unis accordent une attention croissante à São Tomé, stratégiquement placé au cœur du Golfe de Guinée. Les 26 et 27 juillet, le pays reçut le VIe Sommet de la CPLP, en présence du président Obiang de Guinée équatoriale, invité d’honneur malgré ses atteintes aux droits de l’homme. La perspective du pétrole stimule les investissements touristiques haut de gamme et la multiplication des banques. Il n’est pas précisé si cela est de l’intérêt des paysans des anciennes roças… 6 Dans la fiche « Angola » (p. 387-431), Steve Kibble souligne qu’en 2004, l’Angola jouissait seulement de sa deuxième année de paix, après la défaite militaire de l’Unita. il considère que l’Angola est un bon exemple du « désordre comme instrument politique » au service de l’accumulation au profit de l’élite. Le président José Eduardo dos Santos a gardé tous les pouvoirs, y compris sur le parti. L’Unita, maintenant parti civil légal, a réussi sa réunification et a fait quelques tentatives de lien avec la société civile. le FNL souffre de ses luttes internes. Le 2 juillet, le leader d’un petit parti, le

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Partido democrático para o progresso, Mfulumpinga Lando Victor, a été assassiné, alors qu’il avait dénoncé des… assassinats préalables d’opposants. L’opposition a boycotté la commission de révision constitutionnelle, dont le pouvoir s’est servi pour repousser les élections (ces dernières devant se tenir après la révision). De son côté le PNUD a poursuivi son programme de déminage, même si le retour des réfugiés sur leurs terres d’origine ne se fait pas à la hauteur voulue. On signale toujours des violations des droits humains à Cabinda, et contre certaines sections de l’Unita. Cela n’empêche pas les États-Unis d’Amérique de renforcer leurs liens avec le pays en raison de leur intérêt géostratégique pour le Golfe de Guinée. Les relations financières internationales du pays restent freinées par le manque de transparence. Le taux de diffusion du SIDA est très sous-estimé (de 5 à 10 %) et, d’une manière générale, les services de santé et sociaux restent à des années lumière des besoins… 7 Dans la fiche « Mozambique » (p. 434), Joseph Hanneton note évidemment que le fait marquant de l’année a été l’élection d’un nouveau président de la République, Armande Gueuler (1-2 décembre). La Renamo a perdu plus d’un million de voix (sans que, notons- le même si J. Hanlon ne fait pas la remarque, le Frelimo n’en gagne de son côté) dans un contexte d’abstentionnisme croissant. Une tentative de troisième force a complètement échoué. J. Hanlon note que le Mozambique est devenu « un État de parti unique élu ». Auparavant, les municipalités élues en nombre 2003 ont été intronisées les 5 et 10 février 2004. La Constitution a été révisée, même si la Justice reste une préoccupation constante. En 2002 et 2003, le principal suspect du meurtre de Carlos Cardoso, « Anibalzinho », réussit à s’échapper deux fois de suite de la prison de… haute sécurité [il n’a été ramené dans le pays, expulsé du Canada, qu’en 2005]. En dépit de cela, le Mozambique reste un pays considéré comme bon élève par les donateurs internationaux. Le Mozambique garde une politique étrangère éclectique (Portugal, Brésil, Chine, Afrique du Sud, Zimbabwe). Les investissements extérieurs restent concentrés dans les secteurs énergétique et des minerais, ainsi que dans le sucre (Maurice). Le chômage continue de croître et le sida touche 15 % des personnes de 15 à 49 ans. Même si le PIB augmente, la consommation per capita diminue. 8 Est-ce qu’un annuaire tel que Africa Yearbook est une bonne solution pour suivre l’actualité africaine ? Si l’on en croît les éditeurs, chaque volume contiendra des analyses entièrement renouvelées chaque année. Mais une année n’est pas, bien souvent, une unité de temps satisfaisante pour comprendre des phénomènes politiques. Les fiches pays ressemblent de ce fait à de simples chroniques assez peu analytiques. Une périodicité par exemple tri-annuelle ne serait-elle pas plus féconde ? Je laisse ici la suggestion. En attendant, profitons de ce nouvel outil, écrit par des chercheurs en direction d’un public élargi. 9 21 mai 2006

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Cahiers des Anneaux de la Mémoire, Yvon Chotard (ed.), 2001, III. « La traite et l’esclavage dans le monde lusophone : la révolution française et l’esclavage. Les débats d’aujourd’hui » Revue annuelle publiée par l’association les Anneaux de la Mémoire de Nantes, Nantes, Unesco, 420 p.

Richard Marin

RÉFÉRENCE

Cahiers des Anneaux de la Mémoire, Revue annuelle publiée par l’association les Anneaux de la Mémoire de Nantes, Nantes, Unesco, 2001, III, « La traite et l’esclavage dans le monde lusophone : la révolution française et l’esclavage. Les débats d’aujourd’hui », Yvon Chotard (ed.), 420 p.

1 Cette livraison déjà ancienne, outre deux articles consacrés à la Révolution Française et à l’esclavage, contient un riche et volumineux dossier sur la traite et l’esclavage dans le monde lusophone. C’est ce dernier dossier, composé de douze contributions abordant principalement trois grandes thématiques, qui a retenu notre attention.

2 Une première série d’articles met en avant la capacité d’initiative que surent préserver les sociétés africaines face aux Portugais. À partir de l’étude de la traite dans le golfe de Guinée, aux XVe et XVIe siècles, Joseph B. Ballong-Wen-Mewuda (« Africains et Portugais : tous des négriers aux XVe et XVIe siècles dans le Golfe de Guinée ») montre que, loin de passer d’emblée sous la coupe des Portugais, les différentes entités

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africaines disposent d’une réelle marge de manœuvre. Ainsi, dès leur arrivée sur la côte de l’actuel Ghana, les Portugais, se contentent de s’insérer, en le faisant changer d’échelle, dans un trafic d’esclaves que les sociétés Fanti pratiquent de longue date dans la région. 3 John K. Thornton (« Les premiers contacts entre le Portugal et le royaume d'Angole »), quant à lui, prend le contre-pied de la thèse traditionnelle selon laquelle le royaume du Congo serait passé sous la domination des Portugais, dès les premiers contacts, au XVIe siècle. Au contraire, il considère que, jusqu’au XVIIe siècle, on est en présence d’une monarchie forte, centralisée et indépendante qui résiste aux Lusitaniens. Selon lui, de telles erreurs d’interprétation s’expliquent par l’usage exclusif des sources portugaises qui tendent naturellement à faire la part belle à la suprématie précoce des colonisateurs. 4 De son côté, Roger Botte (« Le Portugal, les marchés africains et les rapports Nord-Sud (1448 ca-1550) ») considère qu’à partir du XVe siècle, et une partie du suivant, les Africains sont encore maîtres de leur propre histoire et maîtrisent parfaitement leurs relations avec l’Europe. Préservant souverainement leur contrôle des marchés et de leurs profits, ils ne sont des partenaires ni subalternes ni dépendants, et les Européens n’ont pas les moyens de les contraindre à participer à quelque type de commerce que ce soit. Ce sont bien les États et les sociétés africaines qui, en fonction de leur dynamisme interne et de leurs intérêts commerciaux, décident de participer à la traite aussi longtemps que les prix sont attractifs. 5 L’article de Zacharie Saha (« De l'esclavage coutumier à la traite transatlantique dans la région de Dschang au Cameroun : un aspect des circuits terrestres en amont du Golfe de Guinée aux XVIIIe et XIXe siècles ») invite, au contraire, à fortement nuancer cette continuité entre traite africaine et européenne. Étudiant la transition de l’esclavage coutumier à la traite transatlantique dans la région de Dschang (Cameroum), il incite à ne pas mettre sur le même pied d’égalité l’esclavage coutumier, qui prévalait en Afrique avant l’intrusion arabe et européenne, dont la fonction était essentiellement sociale, et la dimension manifestement économique de la traite transatlantique. Alors que les traites externes, tant arabes qu’européennes, avaient pour objet de réduire l’esclave au rang de marchandise, l’esclavage coutumier, écrit-il, intégrait les individus, à plus ou moins long terme. 6 Le second groupe de contributions éclaire la question de l’esclavage et de la traite vus du côté luso-brésilien. Didier Lahon (« L'esclavage au Portugal. Utopie et réalité ») met l’accent sur un aspect en général peu connu : la présence d’esclaves africains au Portugal. Débarqués principalement dans les ports de Lagos (Algarve) et Lisbonne, dès les années 1440, ces captifs supplantent en quelques décennies ceux provenant des razzias effectuées sur les côtes d’Afrique du Nord. En 1550, la population totale de Lisbonne (100 000 hab.) comptait 10 % d’esclaves presque tous noirs ou mulâtres. Jusqu’au début du XIXe siècle, les récits de nombreux voyageurs étrangers attestent de leur pénétration croissante dans le tissu social de la capitale et de certaines provinces. 7 On sait l’antériorité et la primauté des Portugais en matière de traite transatlantique, au moins jusqu’à la fin du XVIe siècle. Nicolas Ngou-Mve (« São Tomé et la diaspora Bantou vers l'Amérique hispanique. ») aborde le thème à partir d’une étude de cas : celle de l’île de Sao Tomé, au large du Gabon, dont le rôle fut important dans la traite négrière, dès le XVe siècle. Les recherches d’archives menées par l’auteur, tant à Vera

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Cruz qu’à Carthagène, montrent qu’au début du XVIIe siècle, peu avant son déclin, São Tomé, approvisionnait encore généreusement le marché américain. 8 Premiers acteurs de la traite transatlantique, les Portugais furent aussi parmi les derniers à y renoncer, dans les années 1860, ce que nous rappelle fort opportunément João Pedro Marques (« Le Portugal et la traite illégale, une affaire de complaisance »). Au titre des facteurs susceptibles d’expliquer cette attitude très complaisante et « tolérante » de la métropole, il retient l’existence d’une forte communauté portugaise résidant au Brésil, l’activité des trafiquants portugais fixés sur les côtes d’Afrique, la complicité et la corruption des autorités coloniales portugaises. Au point que Lisbonne, un demi-siècle durant, résiste de mille manières aux injonctions britanniques auxquelles elle se contente d’acquiescer sans jamais beaucoup œuvrer pour les mettre en application. 9 La stratégie brésilienne, face aux pressions britanniques, telle que la décrit Oruno D. Lara (« La traite luso-brésilienne après l'abolition anglaise de 1807 »), n’est pas sans similitudes. Les autorités du Brésil indépendant, en dépit de tous les traités signés avec Londres, ferment continûment les yeux sur la poursuite de la traite clandestine. Ainsi, le traité signé en 1826 entre l’empereur Dom Pedro et le roi Georges d’Angleterre, portant sur la suppression de la traite négrière, ne fait guère obstacle au maintien de la traite brésilienne. Encore entre 1846 et 1849, malgré une efficacité croissante de la chasse britannique aux navires négriers, débarquent chaque année au Brésil de 50 000 à 60 000 esclaves. Si, en 1850, la loi Eusebio de Queiroz abolit définitivement la traite, en dépit de la forte opposition de l’oligarchie esclavagiste, celle-ci se poursuit encore clandestinement pendant la décennie suivante, il est vrai à moindre échelle. 10 Un troisième groupe d’articles évoque, tout particulièrement, certaines identités héritées de l’esclavage. Ainsi, Shihan de Silva Jayasuriya (« Le rôle des esclaves africains dans les comptoirs portugais du Sri Lanka et de l'Extrême-Orient ») ramène-t-elle à l’existence les Cafres de Ceylan, cette minorité oubliée dont les ancêtres vinrent d’Afrique, il y a quatre siècles et s’établirent dans l’actuel Sri Lanka. Longtemps, leur l’adhésion au catholicisme romain qu’ils partagent avec les descendants de Portugais, les distingue du reste de la population. Le créole portugais de ces populations d’origine africaine devient même une véritable lingua franca de l’île et sert de moyen de communication entre les différentes autorités coloniales (portugaises, hollandaises et anglaises) et la population de Ceylan. Aujourd’hui, les Cafres forment une communauté en voie d’extinction d’à peine quelques dizaines de familles dont les enfants ont cessé de parler le créole portugais mais n’en participent pas moins aux prières et aux psalmodies. 11 Tania Risério d’Almeida Gandon (« L'Indien et le Noir : une relation légendaire au Brésil »), qui s’intéresse aux pôles indiens et noirs de l’identité métisse brésilienne, en relève deux aspects fondamentaux. Le premier tient à la contradiction qui se fait jour au lendemain de l’indépendance entre, d’un côté, l’exaltation de la figure mythique de l'Indien, transformé en emblème de la libération et du nationalisme autochtones et, de l’autre, le mépris à l’endroit de l’Indien en chair et en os, en voie d’extinction. Le second aspect insiste sur la situation actuelle d’effervescence afro-brésilienne qui, tout à sa célébration de l‘Afrique et de la négritude, tend à oublier la forte ascendance matrilinéaire indienne de très nombreux Brésiliens. 12 Pour sa part, Maria Inês Côrtes de Oliveira (« La grande tente Nagô : rapprochements ethniques chez les Africains de Bahia au XIXe siècle ») a analysé, à Salvador, les

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processus de construction identitaire de la « nation » nagô, terme qui désigne en fait l’ensemble des groupes yoruba culturellement dominants dans la ville. Les dénominations ethniques attribuées aux Africains, nous rappelle l’auteur, proviennent d’appellations issues de la traite et ne correspondent jamais aux désignations courantes en Afrique. Toutefois, en partant de ces assignations qu’ils assument les esclaves réussissent à promouvoir des identités bien spécifiques, avec leurs frontières, par l’appropriation d’ethnonymes ayant cours en Afrique. 13 Carine Durand (« Mémoires et oublis des résistances esclaves au Brésil. Vers une réinterprétation théâtralisée des processus de domination »), qui a aussi choisi Salvador comme terrain, s’interroge sur la réactualisation de la mémoire de l’esclavage dans la période récente marquée par une forte revalorisation de l’identité afro. Elle le fait à partir de l’étude d’un vecteur bien particulier de cette mémoire : les projets éducatifs théâtraux développés dans les communautés noires à partir des années 1990, à destination des enfants et des adolescents. Elle relève combien cette démarche est inspirée du Théâtre Expérimental du Noir crée par Abdias do Nascimento en 1944 et souligne la place essentielle qu’y occupent quelques figures héroïques promues en quelques années en références de la négritude. Entre toutes, celle de Zumbi, qui dirigea le quilombo de Palmares au XVIIe siècle, est de très loin la plus populaire.

14 Au total, ce dossier sérieux, solide et distancié, loin de la vaine polémique, apporte très utilement sa pierre à la connaissance des spécificités de la traite portugaise et de quelques-unes de ses conséquences. 15 Avril 2006

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Cahiers du Brésil contemporain, 57-58/59-60, 2004-2005 Paris, Maison des sciences de l’homme, 352 p.

Michel Cahen

RÉFÉRENCE

Cahiers du Brésil contemporain, Paris, Maison des sciences de l’homme, 57-58/59-60, 2004-2005 (publ. janvier 2006), 352 p., ISSN : 0989-5191, dossier édité par Letícia Canêdo et Marie-Claude Muñoz, « Le Brésil et la marché mondial de la coopération scientifique ».

1 Voici un numéro quadruple (3e et 4e trimestres 2004/1er et 2e trimestres 2005) qui s’est bien fait attendre, mais est notable. Il s’agit de la publication d’une partie des travaux élaborés dans le cadre des projets de recherche « Internationalisation des échanges scientifiques et recomposition des élites nationales (1970-2000) » (2001-2004) et « Circulation internationale des universitaires et transformation de l’espace culturel (1945-2004) » (2005-2007). Côté français, outre le CRBC, plusieurs autres équipes de l’École des hautes études en sciences sociales (Centre de sociologie européenne, Centre d’études des mouvements sociaux, Centre de recherches interdisciplinaires sur l’Allemagne) ou de l’université de Paris V (Centre de recherche sur les liens sociaux) ont été associées à la recherche ; côté brésilien, des chercheurs des universités, estadual de Campinas (Unicamp), et federal de São Carlos (UFSCAR), du Rio Grande do Sul (UFRGS), de Minas gerais (UFMG), fluminense (UFF) et enfin de Rio de Janeiro (UFRJ) ont participé. L’objectif était de comprendre « le rôle joué par le séjour à l’étranger dans la formation intellectuelle des élites brésiliennes : comment cette forme spécifique et temporaire de migration internationale – celle de groupes sociaux à fort capital culturel qui vont se former et se perfectionner à l’étranger – contribue-t-elle au renouveau des élites intellectuelles et politiques, et aux transformations de l’espace public de la nation ? » (p. 5).

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2 Les contributions du recueil traitent donc de la circulation internationale des étudiants vers les « puissances scientifiques et culturelles » d’Amérique du Nord et d’Europe (principalement la France), sur la base de séries statistiques complètes des étudiants brésiliens boursiers du CNPq, de la FAPESP et de la CAPES (les trois principales agences brésiliennes d’aide à la recherche). Elles sont classées en deux catégories : les premières traitent des trajectoires des doctorants, chercheurs et artistes stagiaires brésiliens à l’étranger (France, Europe, États-Unis) et les secondes étudient les effets de cette circulation internationale sur l’activité scientifique au retour au Brésil. 3 Dans son article d’« Introduction » (p. 9-17), Monique de SAINT-MARTIN tente une difficile synthèse des recherches menées. Difficile, parce qu’il « n’y a pas d’effet mécanique d’un processus d’internationalisation des activités scientifiques ou des échanges sur l’activité scientifique » (p. 14), qui peuvent aller d’une rupture avec le « narcissisme » brasilo-brésilien à la production d’« une forme de nationalisme et de ressentiment à l’égard de [l’]institution d’accueil » (p. 14). Déjà complexe, le tableau est encore alourdi par le fait que ce ne sont pas, statistiquement, des étudiants issus des mêmes milieux sociaux qui vont dans tel ou tel pays : les enfants des professions libérales moyennes ou supérieures vont plutôt en France, au Royaume-Uni ou aux États-Unis, tandis que les enfants d’agriculteurs petits ou moyens se dirigent plutôt vers l’Italie, l’Allemagne, la Belgique et le Portugal (p. 15). 4 La première partie du dossier (« Les doctorants brésiliens à l’étranger : politiques de soutien et politiques d’accueil » : 19-148) réunit cinq contributions. Celle de Letícia CANÊDO & Afrânio GARCIA (« Les boursiers brésiliens et l’accès aux formations d’excellence internationales » : 21-48) aborde les étudiants boursiers (du master au doctorat) de 1987 à 1998, mais replace la problématique dans la « formation de haut niveau à l’étranger comme question d’État » depuis le début des années 1950 et incluant les effets (non mécaniques) de la dictature militaire. L’évaluation des candidats a été de plus en plus le fait de la communauté scientifique, diminuant l’emprise du clientélisme politique (p. 33) : « la politique ininterrompue de soutien à la formation de nouveaux scientifiques pour plus d’un demi-siècle, malgré les contrecoups de l’hyper-inflation et les crises politiques de différents ordres, a sans doute permis la formation d’une nouvelle composante du champ du pouvoir brésilien, fondée sur les investissements intellectuels et la professionnalisation de la condition de chercheur » (p. 33). Dès 1951, la destination vers les États-Unis est la plus importante parmi les boursiers brésiliens des institutions brésiliennes – boursiers brésiliens de fondations nord-américaines non inclus. De 31 % sur la période 1987-1991, la proportion passe à 39 % pour 1995-1998. Les destinations allemande, canadienne et japonaise croissent également au détriment de la Grande-Bretagne et de la France (p. 37), ces pourcentages variant avec les disciplines. Le Portugal ne reste notable qu’en histoire et, dans une moindre mesure, en droit et communication. En sciences sociales et humaines, la suprématie française des débuts des universités de São Paulo et de Rio de Janeiro a été balayée, le nombre des professeurs docteurs d’universités nord-américaines y étant supérieur à celui des « Français ». La France reste dominante dans le Nordeste et le Sud, c’est-à-dire hors du Sud-Est où se trouvent les centres « les plus performants ». 5 L’article de Marie-Claude MUÑOZ (« De la coopération Nord-Sud à la logique de marché. Les politiques françaises d’accueil des étudiants étrangers » : 49-74) part du fait que la formation des élites étrangères constitue un enjeu de la politique extérieure de la France. Le nombre d’étudiants étrangers en France a plus que doublé de 1976 à 2005,

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mais leur proportion sur le total n’a que faiblement cru (de 12 à 14,2 % entre ces deux dates, avec un creux à 8,5 en 1997-98 : 53). 51 % de ces étudiants sont originaires d’Afrique (Maghreb inclus) et 23,5 % d’Europe. L’évolution de la politique française, notamment sur le plan migratoire, a fait diminuer, toutes nationalités d’origine confondues, la proportion des étudiants débutants et augmenter celle des étudiants de 3e cycle d’origine plus élitaire (p. 58). 6 L’évolution du cas brésilien ne confirme pas cette tendance générale, même si elle ne l’infirme pas non plus. Angela Xavier de BRITO (« Transformations institutionnelles et caractéristiques sociales des étudiants brésiliens en France » : 75-105) montre, en essayant de ne pas se restreindre aux boursiers, que les « étudiants » brésiliens en France dans les années 1980 étaient en réalité déjà des enseignants (titulaires d’un mestrado et au moins assistants en université), qui revenaient ainsi, parfois avec difficulté, à la catégorie d’étudiants pour préparer un doctorat. Ils étaient « pour la plupart le produit d’une stratégie de maintien ou d’ascension sociale par la voie scolaire » (p. 78). Depuis le développement des « bourses sandwichs », il y a eu un rajeunissement, notamment féminin, qui ne signifie pas pour autant formation initiale : mais la destination n’est plus seulement universitaire, les boursiers constituant un vivier pour les entreprises. Ceux qui sont universitaires n’envisagent pas de quitter le Brésil quatre années, afin de garder un pied dans leur université. La féminisation s’accroît, notamment parmi les non-boursier(e) s osant venir avec leurs seules économies. La proportion des étudiants originaires des régions moins favorisées (Nordeste) s’est accrue – même si São Paulo reste dominant –, en particulier vers des universités non parisiennes – même si Paris reste dominant. Certains Nordestins avaient déjà préalablement migré vers l’axe Rio-São Paulo. En 1975, près de 80 % des étudiants brésiliens étaient à Paris, il n’y en avait plus « que » 59 % en 1988 et probablement 45 % en 2004. Les non-boursiers, libres de tout accord interuniversitaire, se concentrent en revanche massivement à Paris. La majorité des étudiants ne forment plus vraiment une élite, seule une minorité étant rompue au contact avec l’étranger et s’intégrant à la communauté scientifique internationale. 7 Marie-Claude MUÑOZ & Afrânio GARCIA (« Les étudiants brésiliens en France (2000-2001). Parcours intellectuel et inscription académique » : 107-128) explorent les conditions matérielles du séjour en France. 57 % (88 % des boursiers) sont inscrits en 3e cycle et 60,5 % sont des femmes (p. 111). Les Lettres et Sciences humaines regroupent 40,2 % de l’effectif (64,7 % si l’on inclut le Droit et l’Économie), 38,5 % les Sciences et 6 % la Santé (p. 117). 8 Anita Clémens P. SABOÏA (« Vingt ans de thèses françaises sur le Brésil. Normalisation et vitesse de croisière (1985-2004) » : 129-148) étudie les soutenances de thèses en sciences sociales et humaines sur le Brésil en France depuis… 1823. Le bond en avant est spectaculaire depuis 1975 et a grandement renforcé la vitalité des études brésilianistes en France (p. 133). Malgré une amorce de décentralisation, les soutenances restent fortement parisiennes (73,8 % en 1985-89, 66,5 % en 2000-2004 : 135). Au sein des sciences humaines et sociales, sur toute la période 1823-2004, l’économie/gestion domine, suivie de la géographie, de la sociologie, de la littérature et de l’histoire, les différences s’étant amoindries depuis 1985 (p. 141). 9 La seconde partie du dossier (« Recomposition des champs disciplinaires » : 149-302) est de nature très différente. Elle réunit six contributions qui, sans abandonner l’analyse des dossiers statistiques, relatent plutôt des trajectoires et histoires de vie scientifique.

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Maria Rita LOUREIRO (« Circulation internationale des économistes brésiliens » : 151-175) aborde les tenants d’une discipline particulièrement soumise au marché concurrentiel des diplômés. L’auteur suit les anciens étudiants économistes dans leurs carrières au sein des institutions fédérales (Banque nationale de développement économique, etc.), mais aussi régionales (Commission économique pour l’Amérique latine de l’ONU) ou internationales. Le passage par l’étranger semble bien avoir produit un effet de levier sur leur progression (p. 163) et constitué un atout dans les luttes internes (p. 167). 10 Fabiano ENGELMANN (« La redéfinition de l’enseignement et de l’espace juridique brésilien » : 177-201) présente une analyse sociologique de l’espace juridique brésilien dans les années 1990. Cette période est celle d’affrontements relativement aux conceptions du droit et de l’action professionnelle. Les bacharéis, héritiers des grandes familles de juristes et d’hommes politiques s’affrontent à une constellation hétérogène de juristes cherchant la légitimation dans l’affrontement même avec la tradition (p. 177). La proportion entre les deux groupes dépend aussi fortement de l’origine régionale (p. 191-192) et se retrouve dans les affiliations politiques (partis de droite ou du centre, ou PT). Le développement des formations doctorales a favorisé un nouvel espace de productions de définitions de droit, que certains dénoncent, ou encensent, comme « politisation du droit » ou « droit alternatif » (p. 199). 11 Maria Helena Bueno TRIGO (« Les chemins de l’internationalisation et les stratégies de légitimation des psychologues au Brésil » : 203-222) étudie le parcours de la psychologie au Brésil, depuis les préoccupations hygiénistes de la République naissante jusqu’à nos jours. Le dégagement à partir des départements de philosophie a été difficile (p. 209), se doublant d’une rivalité hommes (philosophes)-femmes (psychologues), les premiers cours apparaissant en 1957 même si la psychanalyse était implantée dans le pays depuis le début du siècle. (p. 213). Le champ « psy » reste très concentré à São Paulo, formé de gens aux trajectoires disciplinaires fort diverses (médecins psychiatres, neuropsychiatres, psychologues, psychanalystes), traversé de luttes pour des positions et dominé par les femmes (p. 222). 12 Odaci Luiz CORADINI (« Formation et insertion professionnelle des professeurs de sciences humaines et sociales au Rio Grande do Sul » : 223-259) montre que le diplôme obtenu à l’étranger est une « composante fondamentale des conditions d’existence des professeurs concernés » (p. 223) : plus de 57 % de l’échantillon étudié sont dans ce cas, avec de claires répercussions sur le cursus. 13 Ana Paula Cavalcanti SIMIONI (« Le voyage à Paris. L’Académie Julian et la formation des artistes peintres brésiliennes vers 1900 » : 261-281) revient sur l’histoire originale des femmes artistes brésiliennes formées à Paris au XIXe siècle et début du XXe. Ana Paula HEY (« Les débats sur l’enseignement supérieur. Disputes académiques ou querelles politiques » : 283-302) aborde les débats des vingt dernières années sur l’enseignement supérieur au Brésil. Elle constate que les lieux de recherche sur l’enseignement supérieur. Le NUPES, centre de recherche sur l’enseignement supérieur, de São Paulo, ou le CEBRAP, Centre brésilien de recherches, de la même ville, ont produit des dirigeants politiques de tendance assez homogène (PMDB, PSDB) qui ont à leur tour influencé l’université et la CAPES (p. 288), notamment dans le cadre de colloques internationaux et de commissions de réforme (1985). À partir de 1995, un groupe concurrent, proche du PT, se développe, accusé par les premiers de donner trop de pouvoirs aux syndicats (p. 299). Mais l’« analyse des débats autour de l’évolution de l’enseignement supérieur montre que les questions examinées sont complètement

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tributaires des polémiques proprement politiques, où la concurrence du monde universitaire n’est jamais autonome des projets de réforme et des modalités d’accumulation de reconnaissance politique » (p. 301). 14 À cet ensemble sur le Brésil, les éditeurs ont ajouté, à titre comparatif, une étude d’Abdoulaye GUEYE (Université d’Ottawa), « Sacre ou sacrifice. La condition des chercheurs africains dans la mondialisation universitaire » (p. 305-318), extrêmement intéressante. Cependant la comparaison est rendue difficile du fait que la réflexion n’est pas basée sur des données statistiques, tant sur le plan des origines géographiques (bien que l’auteur se restreigne aux Africains francophones), que des critères sociaux et des parcours ultérieurs. Il n’en reste pas moins que l’identité de l’étudiant africain en France est particulièrement contrainte, en particulier dans les Sciences humaines et sociales, au sein desquelles il paraît « évident » que ces étudiants doivent étudier leur continent, si ce n’est leur pays ou leur village. Ce « nationalisme méthodologique » serait renforcé par l’institution française, particulièrement fermée aux recrutements d’Africains, pour des raisons complexes et qui ont « fait l’objet d’un débat passionné dans le milieu africaniste français au milieu des années 1990 » (p. 311). L’Amérique du Nord serait bien plus accueillante : il reste à savoir si c’est en raison de son fonctionnement même, ou simplement de ses plus grands moyens. A. Gueye ne prend pas en compte le fait que les données ont été recueillies auprès d’Africains francophones ayant obtenu des positions dans les universités américaines, en nombre absolu effectivement croissant, et non point auprès de tous ceux qui n’ont pas obtenu ces positions. Les jeunes universitaires africains ont parfaitement raison de jouer la concurrence entre pays « développés » rivaux, mais le fait que les États-Unis attirent plus d’Africains francophones que la France relève d’abord de l’importance respective des deux pays et est plutôt bon signe : la vieille métropole coloniale s’éloigne… Il aurait, alors, été intéressant d’étudier l’entrée, modeste mais croissante, d’étudiants africains anglophones (nigérians, notamment) et lusophones, en France. A. Gueye ne décrit pas les États-Unis comme une destination idyllique : les études africaines y souffrent d’une marginalité parfaitement similaire à ce que l’on trouve en France relativement aux disciplines « centrales » (cf. une saisissante citation, p. 314). Il n’en reste pas moins des données brutes inquiétantes pour la France. Une étude du SSRC sur un échantillon de 541 Africains ayant soutenu leur doctorat aux États-Unis ou au Canada en 1986-96 indique que 35 % d’entre eux occupaient un poste universitaire dans ce pays (p. 317) : d’une part, je n’ai connaissance d’aucune étude similaire qui ait été tentée en France (ce qui est déjà une indication…), mais l’évidence indique que la proportion serait très considérablement inférieure : pourquoi ? Le déclassement de la France n’est pas que numérique et social, mais aussi symbolique : un universitaire africain formé en France cherche consécration et visibilité aux États-Unis. La crise des universités européennes (françaises, anglaises, belges, et j’ajouterai portugaises) dans le contexte néolibéral impose plus que jamais aux Africains de « consolider leur inscription dans la dynamique mondiale de recherche, pour autant qu’ils tiennent à la préservation de leur identité de chercheur ou aspirent à l’excellence », tous impératifs qui restent « encore déterminés hors de leur propre continent » (p. 318). On aurait quand même aimé que l’auteur aborde la question du type d’universités américaines où ces Africains trouvent, statistiquement parlant, le plus facilement un poste : c’est évidemment plus facile à Howard qu’à Harvard. N’y aurait-il pas là une autre forme de marginalisation, interne mais efficace ? L’auteur n’aborde pas du tout cet aspect.

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15 Dans le même ordre d’idées, ce dossier sur les étudiants brésiliens à l’étranger et notamment en France appelle d’autres questionnements. Par exemple, au moment même où le gouvernement de Lula a institué une politique de quotas pour favoriser l’accession à l’université d’étudiants noirs ou métis, la question de la proportion des étudiants brésiliens noirs en France était intéressante. Il n’était certainement pas facile d’y répondre (données statistiques probablement muettes), mais plusieurs articles sont fondés sur des échantillons construits et des entretiens approfondis : ils pouvaient donc inclure les données phénotypiques dans la recherche. Il est saisissant de constater qu’aucun auteur n’a pensé ne serait-ce qu’à poser la question de la discrimination de couleur. Le mythe de la démocratie raciale brésilienne aurait-il encore frappé ? 16 Par ailleurs, un article également comparatiste sur la présence d’étudiants étrangers (en particulier africains) au Brésil aurait été très intéressant. Dans l’attente d’une telle étude, on pourra se reporter au témoignage du Sénégalais Alain Pascal KALY : « O Ser Preto africano no "paraiso terrestre" brasileiro : Um sociólogo senegalês no Brasil », publié dans Lusotopie 2001 : 105-121 (et disponible sur le site internet de la revue). 17 Terminons en rappelant que le site du CRBC contient la liste exhaustive des thèses sur le Brésil soutenues en France (). 18 Janvier 2006

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Latitudes. Cahiers lusophones n° 25 Paris, décembre 2005, 128 p.

Michel Cahen

RÉFÉRENCE

Latitudes. Cahiers lusophones (Paris), 25, décembre 2005, 128 p., ISSN : 1285-0756

1 Ce volume inclut notamment un dossier « Regards sur le Mozambique » (p. 2-91), à la fois extrêmement diversifié et… limité dans ses approches. L’éditorial de Manuel dos Santos JORGE (p. 2) est aussi lyrique (et lusotropicaliste) que favorable au parti au pouvoir, le Frelimo. Le pays, « orienté à la brise d’un rêve jadis » et qui « déploie sa dignité devant les autres peuples, à l’aune de la langue portugaise commune », a certes connu une « guerre civile horrible » qui fut aussi une « grande épreuve, lors de l’adolescence identitaire nationale vers l’unité communautaire » mais bénéficierait aujourd’hui d’« assises fiables […] vers le consensus ». Voici ainsi ignorées les graves tensions sociales, régionales et ethniques dans le pays provoquées notamment par une politique hypertrophiant l’extrême sud et la capitale, la perpétuation de la fusion État- parti, ainsi que les graves soupçons de fraude électorale en 1999 et 2004. Voici aussi validée la vision frelimiste de la construction de la nation homogène, fondée essentiellement sur la répression/résorption des identités ethniques des sociétés paysannes (ladite « adolescence identitaire »). Notons encore que, selon l’éditorialiste, l’« essor inventif d’une nation, récemment confirmée apparaît en contrepoint des mines déconfites [souligné par moi] ». Or, que s’est-il passé, « récemment », si ce n’est l’élection d’Armando Gubebuza à la présidence de la République ? Si l’on avait encore quelque doute sur la nature de l’« essor inventif », la phrase suivante nous éclaire, relevant « au passage » que sont publiés dans le dossier (mais c’est le premier article !) les « apports éclairés d’Armando Guebuza, actuel président de la République ». Bien que l’éditorial soit signé et n’engage donc pas entièrement la rédaction, Latitudes nous avait habitués, au long de ses numéros d’excellente vulgarisation et réflexion culturelles, à une indépendance plus sourcilleuse…

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2 L’article de Armando GUEBUZA, « A nossa missão : o combate contra a pobreza » (p. 3-7) est présenté par la rédaction juste comme « um discurso prográmatico da sua acção » alors qu’il s’agit de son discours-cadre de campagne électorale. Il est toujours tristement amusant de voir que le nouveau Président, immensément enrichi depuis son accession au ministère des Transports dans l’après-Nkomati (1984), axe son action sur le « combat contre la pauvreté ». Il est vrai que c’est l’orientation officielle de la Banque mondiale et du FMI… 3 Suit une intéressante entrevue avec l’historien Elikia M’BOKOLO (« Les problèmes de l’Afrique et du Mozambique dans la perspective d’Elikia M’Bokolo » : 7-11), qui nous ramène heureusement à une vraie réflexion sur le long terme et replace le Mozambique comme pays non point tant « ex-portugais », que, depuis toujours, africain et bantou ; un pays qui n’a pas encore réussi à enclencher un « cercle vertueux où les ressources humaines sont suffisamment fortes pour produire une économie moderne » (p. 9). Restera à définir la modernité… E. M’Bokolo parle aussi de la nation, mais dans une approche critique : « Il existe une espèce de discours national au Mozambique où les gens considèrent que le seul parti légitime est le Frelimo, [qui] conduit à décrédibiliser complètement les autres » (p. 10). Pour gérer la diversité, il se fait l’avocat d’un fédéralisme modéré. Il relève les potentialités du pays, et notamment de son université. On est cependant étonné de le voir espérer un essor de l’UFICS (Unidade de formação e investigação em Ciências sociais), alors que cette initiative universitaire a été dissoute depuis cinq ans… À noter enfin une erreur factuelle (mais courante) de F. de Mira et D. Lacerda interrogeant E. M’Bokolo : ils parlent sans nuance d’un « plus grand renforcement du Frelimo » en 2004. S’il est vrai que le Frelimo a vu son nombre de députés augmenter, en raison de la hausse de son pourcentage des suffrages validés, le trait le plus important est, qu’à l’inverse, il n’a jamais eu aussi aussi peu de voix : moins qu’en 1999, moins qu’en 1994, pour ne point parler de la période du « parti de tout le peuple ». Sa victoire provient de la chute encore plus prononcée de l’électorat de la Renamo et d’un fort abstentionnisme dans les régions favorables à cette dernière. Victoire institutionnelle, mais fragilité de sa base sociale, telle est la contradiction, dangereuse pour la stabilité, dans laquelle se trouve placé le Frelimo. 4 Retour à une voix officielle, avec l’entrevue de Fernanda LICHALE, ambassadeure du Mozambique à Paris (« Moçambique procura abrir novos horizontes através da acção diplomática » : 12-13), qui est, cependant, intelligemment « titillée » par les questions de Feliciano de Mira sur la coopération française. Puis on passe aux « vrais articles ». À noter principalement : 5 – Alfredo MARGARIDO « A sombra dos Moçambicanos na casa dos estudantes do Império » (p. 14-16), met en exergue l’activité de Mozambicains, moins connue que celle des Capverdiens ou Angolais, de la Maison des étudiants de l’Empire, dans les années cinquante et soixante. – Feliciano de MIRA, « Processos de transição económica e responsabilidades políticas em Moçambique » (p. 17-20) brosse l’évolution économique du pays depuis le début du XXe siècle et jusqu’en 1992 (date des accords de paix), dans l’espoir du « futuro melhor que merece ». L’auteur reprend ainsi, sans doute au second degré, ce slogan électoral du Frelimo (« Futuro melhor ») pour terminer d’une manière aussi compliquée qu’ambiguë : « Não duvido que a elite dirigente está consciente que, apesar do imperdoável tempo, fará tudo para […] concretizar o bem comum ». Ne « pas avoir de doute » sur le fait que l’élite dirigeante « est consciente » qu’« elle fera le bien

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commun », voilà une vision optimiste des choses. Dommage que, dans la bibliographie citée, soient ignorés les plus importants travaux sur la transition économique, surtout de langue anglaise mais aussi française (par exemple le dossier de Lusotopie 1995 sur les « transitions libérales en Afrique lusophone »). – Filimone MEIGOS, « Ensaio sobre a mentira e a inveja. O caso moçambicano » (p. 21-25), tente, à la manière d’un essayiste, une analyse de certaines tensions internes à l’intelligentsia mozambicaine. – Manuel ROBERTO, « L’émigration des Capverdiens vers le Mozambique dans les années 40 » (p. 26-29) aborde l’aspect le moins connu de la diaspora capverdienne, s’appuyant notamment sur les travaux de Augusto Nascimento. On regrettera que soit abordée seulement l’émigration économique consécutive aux grandes famines des années 1940 dans l’archipel, et non point l’utilisation, par le colonisateur, de Capverdiens dans l’administration coloniale, notamment à la toute fin de la période. Un Capverdien ne fut-il pas maire de Nampula avec la bénédiction du parti salazariste ? – Aníbal FRIAS « Les étudiants mozambicains à l’Université de Coimbra » (pp. 30-35) aborde la difficile vie des étudiants africains aux bourses intermittentes… – António GARCIA, « Por terras d’África : memórias do Chiveve » (p. 36-42), raconte la ville coloniale de Beira, par petites touches qui évitent le saudosismo colonial mais exprime la nostalgie de la terre africaine… 6 D’autres articles abordent prioritairement la littérature (António Jacinto PASCOAL, « Craveirinha : existência, literatura e culturas » : 51-56 ; Daniel LACERDA, « O conto, género superior da literatura moçambicana », à propos de la thèse récemment publiée de M. Fernanda Afonso : 84-86), y compris orale (Américo Correia de OLIVEIRA, « Acerca das adivinhas moçambicanas » : 45-50), ou dans une approche « genrée » (Paula FERRAZ, « A(s) voz (es) do feminino pelo feminino da voz » : 57-62) ; et enfin l’architecture et le patrimoine (Luís de Sousa MORAIS, « O património arquitectónico da cidade de Maputo » : 63-69 ; Antónia GENCHI, « Júlio Carrilho : entre poesia e arquitectura » : 70-71). Dommage que ne soit pas abordée la thèse de Maria-Benedita BASTO, A guerra das escritas. Literatura e nação em Moçambique (Lisbonne, Universidade Nova, 2004), sans doute l’analyse la plus approfondie sur le sujet depuis des années. Un index des articles publiés sur le Mozambique par Latitudes depuis sa création (p. 87) et un recueil de poésies mozambicaines terminent ce dossier. Le reste de la revue contient, comme d’habitude, une masse d’informations culturelles et critiques. 7 Outre un parti pris surprenant en faveur de la formation au pouvoir dans les premières pages du dossier (mais qui se dissipe par la suite), ce que l’on peut regretter est que Latitudes n’ait pas pris la mesure des déséquilibres du Mozambique. Le Frelimo n’est pas qu’un parti, c’est un « monde social », la trajectoire d’une élite (surtout sudiste) et de la sphère de l’État moderne. Une partie de la population est intégrée à cette sphère, mais une autre ne l’est pas et c’est dans cette autre que se recrute principalement le « monde social » de la Renamo – que seul Elikia M’Bokolo aborde indirectement. On aurait aimé un ou des articles étudiant les 40 % de Mozambicains qui ne se reconnaissent pas dans le Frelimo, et, plus généralement, des textes portant plus sur le pays réel que sur le microcosme culturel de la capitale. 8 Il n’empêche : Latitudes occupe une place fort originale dans le paysage des publications « lusophones » : à mi-chemin entre activisme culturel, vulgarisation de bon niveau et recherche, la revue s’est affirmée comme le phare intellectuel de la communauté portugaise, et plus généralement des lusophiles, en France.

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9 Janvier 2006

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Pôle Sud, Revue de Science politique de l’Europe méridionale, 22, mai 2005 « Le Portugal du politique », dossier coordonné par Maria Manuela Tavares Ribeiro, 184 p.

Yves Léonard

RÉFÉRENCE

Pôle Sud, Revue de Science politique de l’Europe méridionale, n° 22, mai 2005, « Le Portugal du politique », dossier coordonné par Maria Manuela Tavares Ribeiro, 184 p., ISSN 1262-1676, rés. français et anglais.

1 Après « L’Espagne du politique « (n° 16, mai 2002) ; « La Grèce du politique » (n° 18, mai 2003) et « L’Italie du politique » (n° 19, nov. 2003), Pôle Sud nous livre, selon la même facture, dans son numéro 22 (mai 2005), un dossier en forme de numéro spécial sur « le Portugal du politique ». Composé de dix articles exclusivement rédigés par des universitaires portugais – historiens, politologues, sociologues, économistes, juristes, géographes, urbanistes – et tous publiés en français, ce dossier coordonné par Maria Manuela Tavares Ribeiro aborde les principales mutations du Portugal contemporain, grâce notamment à la variété des points de vue et à l’approche interdisciplinaire. Pour autant, il ne s’agit pas toujours de nouveautés, certains articles étant, au sens strict ou à peu de choses près, des reprises de textes déjà publiés au Portugal. Certains débats, qui font l’objet de controverses sérieuses entre historiens sont par trop escamotés, comme celui sur la nature du régime politique portugais sous l’Estado Novo. Nul doute cependant que ce numéro spécial de Pôle Sud sera très utile au public francophone.

2 On y trouve les articles de Maria M. Tavares RIBEIRO, « Le Portugal entre l’Atlantique et l’Europe » (p. 3-9) ; Pedro Tavares de Almeida & António Costa PINTO, « Les ministres portugais, 1851-1999 : origines sociales et voies d’accès au pouvoir » (p. 11-37) ; Luís Reis TORGAL, « L’Etat Nouveau portugais : esquisse d’interprétation » (p. 39-44) ; António REIS, « L’organisation du pouvoir politique » (p. 49-62) ; Nuno Severiano TEIXEIRA, « La

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politique extérieure de la démocratie portugaise » (p. 63-74) ; José Manuel PUREZA, « Le Portugal et le nouvel internationalisme : le cas de la commission indépendante pour les océans » (p. 75-88) ; João Gomes CRAVINHO, « Les relations post-coloniales portugaises » (p. 89-100) ; José REIS, « Etat, marché et communauté : l’économie portugaise dans les réseaux de la gouvernance contemporaine » (p. 101-114) ; Fernando RUIVO & Daniel FRANCISCO, « Entre centre et périphéries : pour une esquisse des pouvoirs locaux au Portugal » (p. 115-125) ; Carlos FORTUNA & Paulo PEIXOTO, « Politiques patrimoniales et réhabilitation urbaine au Portugal » (p. 127-141) ; et enfin, Adriano MOREIRA, « Sur le réseau universitaire » (p. 143-156). Contact : Pôle Sud, 3 Bd Ledru-Rollin, 34000– Montpellier, France, courriel : . 3 Mars 2006

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