Découvertes Culture l Livres l Festival | Critique Danse Pina Bausch en Belgique Pour quatre soirs, le Singel à Anvers a la chance d’accueillir le Variations Tanztheater de Wuppertal, la compagnie de Pina Bausch qui y Tibet, la beauté menacée joue “Ten Chi”, créé en 2004 lors d’un séjour au Japon. Hélas, toutes les places sont vendues depuis longtemps. Dans “Ten Chi”, des flocons de neige descendent en virevoltant sur les 17 “à la française” danseurs, qui explorent avec beaucoup d’empathie et d’humour le Tibet millénaire, il y a le drame que les stéréotypes et paradoxes de la société japonaise actuelle. La P Très beau livre sur le vit ce peuple depuis 50 ans. Il est soumis danse, comprenant un grand nombre de solos sensuels, est “Tibet, histoires du Toit du à un véritable génocide culturel de la truments, de la technique, des nez, des gorges – rythmée par le kodo japonais, mais aussi par les chants Chine des Han. Et on reste stupéfait que P De Franck à Fauré, tous silence total), d’entrée dans la pure énergie, et la mélancoliques de Robert Wyatt. Malgré sa mort en 2009, monde”. malgré cela, il résiste. Le peuple aux générosité. Bonheur. l’œuvre de Pina Bausch continue à faire salle comble. “Ce succès joues rouges garde même le sourire, les les genres défilent, débutants Mercredi, après un concert du Quatuor Her­ persistant est très encourageant, nous expliquait Dominique P Par Sabine Verhest, traditions perdurent, des moines habi­ ou vedettes aux manettes. mes (auquel nous n’avons pas assisté) qui laissa Mercy, le danseur mythique devenu co-directeur de la tent encore les monastères. Ils résistent. le public en extase, le Brussels Philharmonic di­ compagnie. Cela démontre que le théâtre de Pina est loin d’être reporter­photographe, qui a Toute la culture tibétaine n’est pas en­ rigé par Michel Tabachnik donna les trois “tu­ devenu muséal et qu’il ne devient pas hors de propos. Cela montre passé sept mois au Ciel. core exilée en Inde ou en Europe. i la “musique française” peine encore bes” de Ravel: la Valse, chic mais un peu froide, aussi qu’en continuant à jouer ses pièces, nous ne faisons pas que La révolution culturelle faillit tout dé­ (parfois) à attirer les foules, il suffit qu’elle Tzigane – avec la subtile Maria Milstein, lauréate notre devoir mais nous répondons à un vrai besoin du public.” truire. Les grands monastères, comme S se joue pour que son charme, sa profon­ du dernier Reine Elisabeth – et le Boléro, épous­ G.Dt ui a été un jour au Tibet, sur le celui de Ganden, furent réduits à des tas deur, sa liberté fassent mouche. A preuve, le fes­ touflant de concentration, de rigueur, et, par­ “Toit du monde”, en reviendra de pierres et les moines emmenés. On tival “A la française” produit par la Chapelle tant, de brûlante passion. Entre les coups, deux Q différent pour le reste de ses n’en est plus là, mais le danger est sans Musicale et Flagey, qui, depuis mardi, bat son concertos: celui pour violoncelle de Camille Chanson jours, surtout s’il a sillonné l’Hi­ doute plus grand encore. Il dépasse la plein. Le coup d’envoi fut lancé par des “jeunes Saint­Saëns, avec Adam Krzeszioviec, souverain malaya seul, loin des groupes trop orga­ question du retour du Dalaï­lama et du solistes en résidence” (on ne parle plus d’“étu­ d’autorité malgré ses airs de jeunot bien sage, et Roberto, le gagnant de “”, sera nisés. C’est l’expérience arrivée à Sabine droit à afficher son image. Pékin a en­ diants”) quatre chanteuses – Diana Gouglina, celui pour piano de Poulenc, donné avec brio, le candidat belge à l’Eurovision Verhest, journaliste­reporter à “La Libre voyé massivement des Han peupler le Camille Merckx, Julie Mossay et Kinga Bo­ esprit, virtuosité – et ampleur, voilà qui est nou­ , gagnant de la première édition du Belgique”. Elle fut si marquée par cette Tibet, bouleverser les équilibres de po­ rowska, la “valeur sûre” – accompagnées par veau – par Julien Libeer. Deuxième belle soirée. télé-crochet “”, a été choisi par la RTBF pour rencontre avec un pays, un peuple et pulation et exploiter ses richesses natu­ Philippe Riga, dans les plus belles mélodies du Jeudi, après un concert du Trio Liya Petrova, représenter la Belgique au prochain concours de l’Eurovision, une culture qu’elle y retourna cinq fois relles. Le train qui arrive maintenant à répertoire, dont celles de Duparc, où Julie Mos­ Pau Codina Masferrer et Lilit Grigoryan, la soi­ qui se tiendra à la mi-mai à Malmö, en Suède. Le jeune homme et y passa sept mois au total. Lhassa inonde le pays de cohortes de say fit valoir une voix allégée, arrondie, réchauf­ rée d’ouvrit sur une évocation d’Erik Satie mise vient de sortir l’album que sa victoire dans l’émission “The Dès qu’on arrive au Tibet, c’est touristes à qui on offre une folklorisa­ fée par rapport au dernier Reine Elisabeth, une en scène par le Français Jean Bellorini: un mo­ Voice Belgique” lui avait acquis. La chanson qu’il interprétera d’abord l’altitude qui vous coupe le tion de la culture tibétaine. belle surprise. ment poétique et musical tout en nuances, où en Suède ne figure pas sur cet album, puisque le règlement de souffle et puis le paysage qui stupéfie. Le Tibet ne peut devenir un Disney­ Le concert du soir fut de ceux qui marquent: l’humour le céda à la mélancolie et dont la so­ l’Eurovision prévoit que les artistes présentent une chanson L’air y est différent, plus cristallin, et le land sur le Toit du monde. Le livre de Sa­ Jean­Philippe Collard, compagnon de toujours prano française Léa Trommenschlager fut la ré­ inédite. Les téléspectateurs de la RTBF seront amenés à

cirque des montagnes les plus hautes du VERHEST SABINE bine Verhest le montre et le démontre. d’Augustin Dumay et de Gérard Caussé, et de vélation. Musique de chambre, ensuite, avec sélectionner la chanson que Roberto interprétera à Malmö. La monde, les étendues d’herbe et de terre, Sabine Verhest a su saisir l’intimité de la vie monastique au Tibet. Elle est allée à la montagne sacrée du longue date de Gary Hoffman, jouait la partie Elina Bushka, Pavel Kolesnikov, Harriet Langley RTBF et la VRT choisissent en alternance l’artiste qui les fleuves qui y prennent leurs sources, Kailash, elle a visité le grand monastère piano de la sonate pour violoncelle et piano de et Polina Bogdanova, rejoints par Gérard Caussé représentera la Belgique à l’Eurovision. (Belga) tout y est incomparable. Et puis, il y a le (elle fit aussi des études de photogra­ nète dont l’avenir fixera celui de nos en­ de Labrang en Chine, elle a marché dans Debussy, de la sonate pour violon et piano de et Jeroen Reuling pour le Quintette de Franck. peuple tibétain, les enfants aux joues phie) est une très belle photographe. Ja­ fants. Titulaire d’un “master” en droit le pays Kham, au Ladakh indien et au Franck et du Quatuor n°1 de Fauré. La magie Du beau travail, de la musique sublime, mais rouges brûlées par le soleil d’altitude, mais ses photos ne sont des “cartes pos­ de l’homme, elle fut bien évidemment Bhoutan, elle a discuté avec les nou­ opéra déjà dans les sonates, y compris celle, sans la magie de mardi. les manteaux aux manches trop lon­ tales” ou des pubs pour agences de prise par la cause tibétaine. Son livre veaux leaders tibétains. Et son livre usée jusqu’à la corde, de Franck, dans laquelle Ce samedi, rendez­vous dès 11h, avec le “Car­ gues, les pèlerins qui s’entassent à l’ar­ voyage. Elles sont toujours signifiantes, n’est pas un ouvrage historique, géogra­ réussit le subtil équilibre entre la décou­ Dumay et Collard se permirent tous les excès – naval des Animaux” de K1500 (comme l’écri­ rière des camions, et ceux qui ne cessent cadrées pour tenir un propos. Et elles phique, anthropologique ou encore po­ verte d’un pays à couper le souffle et la notamment la déstructuration en règle du Reci­ vait Satie, précurseur), Lekeu et, en clôture, de se prosterner devant les temples. sont magnifiques, donnant une idée de litique. Il est tout cela à la fois, aux tra­ rage de le voir menacé. tativo – avec une insolence et un goût réjouis­ Fauré et son beau Requiem. On retrouve tout cela dans le très beau la beauté d’un pays perché dans le ciel. vers d’une suite de chapitres courts, Guy Duplat sants; mais c’est en quatuor, avec le rayonnant Martine D. Mergeay livre, “Tibet, histoires du Toit du A “La Libre Belgique”, elle suivit long­ écrits comme de bons reportages jour­ Caussé en centre avant, que le concert atteint ce monde”, qu’elle publie aux Editions Ne­ temps l’Europe et se passionne depuis nalistiques. Mais, bien entendu, en fili­ U“Tibet, histoires du Toit du monde”, point rare et toujours espéré d’abolition du UFlagey, le 17 nov., concerts à 11h, 15h et 20h15. vicata. On découvre que Sabine Verhest quelques années pour le sort de la pla­ grane de ces photographies et textes sur Éditions Nevicata, 204 pp., 25 € temps, de dématérialisation générale (des ins­ Infos : 02.6411020 ou www.alafrancaise.be

l Pop | Concert Django Django pas totalement dingo

ussi doux­dingo sur scène que sur disque, le groupe Django Django? Paré pour une grande salle comme l’Ancienne Belgique? C’est qu’on allait voir, jeudi soir. Une consécration, en A tout cas, pour le jeune quatuor britannique: il faisait face à une AB comble – sans compter le public regardant le concert sur le Net via les sites Focus/Vif et Deezer. Le premier album éponyme du groupe, paru en avril, avait insufflé un vent frais dans la pop d’Outre­Manche. Un mélange de voix douces et de rythmes tribaux, de sons organiques et de boucles electro. Le projet était né, au départ, de la rencontre entre deux musiciens, l’un versé dans le bidouillage de titres dance (le bat­ teur David Maclean), l’autre dans l’écriture de chansons à la guitare acoustique (le chanteur Vin­ cent Neff). Il avait finalement abouti à cet opus audacieux et euphorisant. Un album fait maison, avec les moyens du bord, dans la chambre de Maclean. Est­ce en clin d’œil à cette aventure que le groupe s’entoure, sur scène, de simples stores vénitiens – en guise d’écrans? Egalement de leur conception, leurs chemises “arty” rappellent, elles, que les quatre compères sont passés par les Beaux­arts (à Edimbourg). Leur prestation? Elle ne manque pas d’éclat. Belle en­ trée en matière, sur fond d’intrigue nocturne, avec une montée en puissance du tandem synthé­ batterie, pièce maîtresse d’un univers musical par ailleurs doté d’une guitare et d’une basse. Le de Thierry DEBROUX Mise en scène Sybille WILSON Assistanat Hélène CATSARAS quatuor fait preuve d’une belle énergie et d’une aisance étonnante, soigne ses intros, change régu­ Scénographie et éclairages Jim CLAYBURGH Costumes Lionel LESIRE Composition et direction musicale Pascal CHARPENTIER Conduite des tours, sélection des illusions et coordination magie Pierre DHERTE Création des illusions et coach en magie Luc POPPE lièrement de forme. Ils sont trois aux claviers sur “Waveforms” (les Beach Boys en pleine danse du Avec la participation de la « Cie des Illusions asbl » Musée des lettres et manuscrits - Galerie du Roi, 1 - 1000 Bruxelles feu); trois aux percussions sur l’orientalisant “Skies Over Cairo” et sur l’incandescent “Wor”. Le jeu de lumières est au poil. On attendait peut­être un grain de folie supplémentaire (ou un titre inédit), mais on se souvient que Django Django n’en est qu’à ses débuts: cela viendra avec le temps. Le vrai hic est ailleurs: et le chant dans tout ça? Trop d’échos et pas assez de volume: les voix sont souvent noyées dans le flot musical. Cela empêche la mayonnaise Django Django de prendre tout à fait. Sophie Lebrun

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