** Année 1971. — N° 19 S. Le Numéro : 0,50 F Vendredi 28 Mai 1971 ** JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DÉBATS PARLEMENTAIRES
SÉNAT
COMPTE RENDU INTÉGRAL DES SÉANCES
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SECONDE SESSION ORDINAIRE DE 1970-1971
COMPTE RENDU INTEGRAL - 15° SEANCE
Séance du Jeudi 27 Mai 1971.
SOMMAIRE Art. 9 à 16 : adoption.
PRÉSIDENCE DE M. ANDRÉ MÉRIC Art. 17 : Amendement n° 6 de la commission. — Adoption. 1. - Procès-verbal (p. 553). Adoption de l'article modifié. 2. — Conférence des présidents (p. 553). Art. additionnel 17 bis (amendement n° 4 de la commission) : 3. — Dépôt de propositions de loi (p. 554). adoption. 4. — Dépôt de rapports (p. 554). Art. 18 et 19 : adoption. 5. — Retrait d'une question orale avec débat (p. 554). Art. 19 bis : 6. — Dépôt d'une question orale avec débat (p. 554). Amendement n° 7 de la commission. — Adoption. Adoption de l'article modifié. Suspension et reprise de la séance. Art. 20 et 21 : adoption. 7. — Cour de discipline budgétaire. — Adoption d'un projet de Art. 21 bis : loi (p. 555). Amendement n° 8 de la commission. — Adoption. d'Etat au Discussion générale : MM. Jean Taittinger, secrétaire Adoption de budget ; Marcel Pellenc, rapporteur général de la commission des l'article modifié. finances. Art. 22 à 26 bis : adoption. Art. 1°! : adoption. Art. 27 : Art. 2 : Amendement n° 9 de M. Etienne Dailly. — MM. Etienne Dailly, Amendements n°° 1 et 2 de la commission. — Adoption. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Henri Caillavet. — Adoption. Amendement n° 3 rectifié de la commission. — MM. le rappor- teur général, Max Monichon, le secrétaire d'Etat, Hubert d'An Adoption de l'article modifié. scrutin public. -digné. — Adoption au Adoption du projet de loi. Adoption de l'article modifié. 8. — Système de paiement mensuel de l'impôt sur le revenu. — Art. 3 à 7 : adoption. Adoption d'un projet de loi (p. 564). Art. 8 : Discussion générale : MM. Jean Taittinger, secrétaire d'Etat au Amendement no 5 de la commission. — MM. le rapporteur budget ; Marcel Pellenc, rapporteur général de la commission des général, le secrétaire d'Etat. — Adoption, rectifié. finances ; Jean Bardol. Adoption de l'article modifié. Art. 1°r et 2 : adoption. 42 552 SENAT — SEANCE DU 27 MAI 1971 Art. 3 : Art. 11 : Amendement n° 1 rectifié de la commission. — Adoption. M. le rapporteur. Amendement n° 4 du Gouvernement. — MM. le secrétaire d'Etat, Adoption de l'article. le rapporteur général. — Adoption. Art. 12 : MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. M. le rapporteur. Adoption de l'article modifié. Adoption de l'article. Art. 4 : Adoption du projet de loi. Amendements n°' 5 du Gouvernement et 2 de la commis- sion. — MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur général. — Retrait 11. — Délai imparti au Sénat pour l'examen du projet de loi de de l'amendement n° 2. — Adoption de l'amendement n° 5. finances. — Adoption d'une proposition de loi organique en Adoption de l'article modifié. deuxième lecture (p. 576). Discussion générale : MM. Etienne Dailly, rapporteur de la com- Art. 5 à 7 : adoption. mission de législation ; Jean Taittinger, secrétaire d'Etat au Sur l'ensemble : M. Henri Tournan. budget. Adoption de l'article unique de la proposition de loi au scrutin PRÊSIDENCE DE M. PIERRE CAROUS public. M. le secrétaire d'Etat. MM. le président, le secrétaire d'Etat. Adoption du projet de loi au scrutin public. 12. — Modification du code des douanes. — Adoption d'un projet de loi (p. 577). 9. — Suppression de certaines taxes locales. — Adoption d'un projet loi (p. 569). Discussion générale : MM. Marcel Gargar, rapporteur de la com- de mission des affaires économiques ; Jean Taittinger, secrétaire Discussion générale : MM. Jean Taittinger, secrétaire d'Etat au d'Etat au budget. budget ; Marcel Pellenc, rapporteur général de la commission des finances. Art. ler : adoption. Adoption de l'article unique du projet de loi. Art. 4 : Amendements n°' 1, 2, 3 et 4 de la commission. — MM. le rap- 10. — Contrôle de l'Etat sur tes entreprises d'assurances. — Adop- porteur, le secrétaire d'Etat. — Adoption. tion d'un projet de loi (p. 570). Adoption de l'article modifié. Discussion générale : MM. Etienne Dailly, rapporteur de la Art. 5 : adoption. commission de législation ; Jean Taittinger, secrétaire d'Etat au Adoption du projet de loi. budget. 13. — Suspension et reprise de la séance (p. 580). Art. A : Amendement n° 1 de la commission. — MM. le rapporteur, le 14. — Dépôt d'une question orale avec débat (p. 580). secrétaire d'Etat — Adoption. 15: — Emancipation des jeunes gens qui ont accompli le se rvice Adoption de l'article modifié. national actif. — Adoption d'un projet de loi (p 581). Art. 1er Discussion générale : MM Roger Poudonson, rapporteur de la M. le rapporteur. commission de législation , René Pleven, garde des sceaux, ministre de la justice. Adoption de l'article. Article unique : M. Guy Schmaus. Art. 2 : Adoption de l'article unique. Amendement n° 2 de la commission. — MM. le rapporteur, le Art. additionnel (amendement n° 2 de M. Guy Schmaus) : secrétaire d'Etat. — Adoption. MM. Guy Schmaus, le rapporteur, le garde des sceaux. Adoption de l'article modifié. Rejet de l'article. Art. 3 : Art. additionnel (amendement de M. Guy Schmaus) : M. le rapporteur. MM. Guy Schmaus, le rapporteur, le garde des sceaux, Maurice Adoption de l'article. Coutrot. Art. 4 : Rejet de l'article. M. le rapporteur. Sur l'intitulé : Adoption de l'article. Amendement n° 1 de la commission. — MM. le rapporteur, le garde des sceaux. — Retrait. Art. 5 : M. le rapporteur. 16. — Procédure en matière de contraventions. — Adoption d'un projet de loi (p. 584). Adoption de l'article . Discussion générale : MM. Robert Bruyneel, rapporteur de la Art. 6 : commission de législation ; Louis Namy ; René Pleven, garde des M. le rapporteur. sceaux, ministre de la justice. Adoption de l'article. Art. ter : Art. 7 : Amendements n°° 1 de la commission, 24 du Gouvernement et 22 de M. Louis Namy. — MM. le rapporteur, Louis Namy, le M. le rapporteur. garde des sceaux. André Mignot. — Adoption de l'amendement Adoption de l'article. n° 1. Art. 8 : Amendement n° 2 de la commission. — Adoption. M. le rapporteur. Amendement n° 8 de M. Paul Massa. — MM. Henri Caillavet, Adoption de l'article. le rapporteur, le garde des sceaux, André Mignot. — Rejet au scrutin public. Art. additionnel 8 bis (amendement n° 3 de la commission) : adoption. Amendement n° 3 de la commission. — MM. le rapporteur, le garde des sceaux. — Adoption. Art. 9 : Amendement n° 23 de M. Louis Namy. — MM. Louis Namy, M. le rapporteur. le rapporteur, le garde des sceaux. — Retrait. Adoption de l'article. Amendements n°° 4 de la commission et 16 du Gouvernement. Art. additionnel 9 bis (amendement n° 4 de la commission) : — MM. le rapporteur, le garde des sceaux. — Adoption de l'amen- MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. dement n° 4 rectifié. Adoption de l'article. Amendement n° 20 de M. André Mignot. — MM. André Mignot, le rapporteur, le garde des sceaux. — Rejet. Art. 10 : Amendement n" 5 de la commission. — MM. le rapporteur, le M. le rapporteur. garde des sceaux. — Adoption. Adoption de l'article. Adoption de l'article modifié. SENAT — SEANCE DU 27 MAI 1971 553 Art. 2: adoption. c) De M. Pierre-Christian Taittinger à M. le ministre des Art. 3 : affaires étrangères, relative à la politique française au Moyen- Orient (n° 105) . Amendements n°0 6 et 7 de la commission. — Adoption. Adoption de l'article modifié. Le soir : Art. 4 : 1° Suite éventuelle et fin de la discussion des questions orales avec débat de MM. René Tinant (n° 71), Michel Kauffmann Amendement n° 17 du Gouvernement. — Adoption. (n° 100) et Louis Guillou (n° 102) à M. le ministre de l'agri- Adoption de l'article modifié. culture ; Art. 5 : 2° Discussion : Amendements n°° 14 et 15 de M. Paul Massa. — MM. Henri — des questions orales avec débat jointes : Caillavet, le rapporteur, le garde des sceaux. — Retrait. a) De M. Pierre Marcilhacy (n° 103) ; Amendement n° 18 du Gouvernement. — Adoption. b) De M. André Mignot (n° 104), Adoption de l'article modifié. à M. le Premier ministre, transmises à M. le ministre de l'agri- Art. additionnel (amendement n° 25 de M. Paul Massa) : culture, relatives aux suites que compte donner le Gouverne- MM. Henri Caillavet, le garde des sceaux. ment aux conclusions du rapport de la commission d'enquête sur les abattoirs de Paris-La Villette. Retrait de l'article. Et de la question orale avec débat de M. Serge Boucheny à Art. 6 et 7: adoption. M. le Premier ministre, transmise à M. le ministre de l'agricul- Art. 8 : ture, relative aux suites que compte donner le Gouvernement aux conclusions du rapport de la commission d'enquête sur les Amendement n' 19 du Gouvernement. — Adoption. abattoirs de Paris-La Villette (n° 110) . Adoption de l'article modifié. La conférence des présidents propose au Sénat de prononcer Sur l'ensemble : MM. André Mignot, le garde des sceaux, le la jonction de cette question orale avec celles de MM. Pierre rapporteur. Marcilhacy et André Mignot. Adoption du projet de loi. Il n'y a pas d'opposition ?... La jonction est prononcée. 17. — Acquisition d'H. L. M. par les locataires. — Renvoi de la discussion d'un projet de loi (p. 598). B. — Jeudi 3 juin 1971: MM. Geoffroy de Montalembert, le président ; Robert-André A quinze heures : Vivien, secrétaire d'Etat au logement ; Michel Chauty, rapporteur a) En application de la priorité établie par l'article 48 de la de la commission des affaires économiques ; Etienne Dailly. Constitution : Renvoi de la discussion. 1° Discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée natio- nale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gou- 18. — Transmission d'un projet de loi (p. 599). vernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne concernant la section située en territoire 19. — Dépôt d'une proposition de loi (p. 599). français de la ligne ferroviaire Coni-Breil-Vintimille, signée à Rome, le 24 juin 1970 (n° 234, 1970-1971) ; 20. — Dépôt de rapports (p. 599). 2° Discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée natio- 21. — Ordre du jour (p. 599). nale, autorisant la ratification de la convention pour la création de l'Union latine, signée à Madrid, le 15 mai 1954 (n° 235, 1970-1971) ; 3° Discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée natio- nale, relative au corps des vétérinaires biologistes des armées PRESIDENCE DE M. ANDRE MERIC, (n° 236, 1970-1971) . b) Eventuellement, discussion des questions orales avec débat : vice-président. — de M. Guy Schmaus à M. le Premier ministre sur la situa- tion de la Régie Renault après le conflit récent (n° 107) ; La séance est ouverte à quinze heures. — de M. Jean Lecanuet à M. le ministre de l'équipement et M. le président. La séance est ouverte. du logement sur la rénovation des secteurs vétustes (n° 90). II. — En outre, les dates suivantes ont été d'ores et déjà — 1 — fixées : A. — Mardi 8 juin 1971: PROCES-VERBAL — discussion de la question orale avec débat de M. Henri Caillavet à M. le Premier ministre, transmise à M. le ministre M. le président. Le compte rendu analytique de la séance de la justice, relative aux rôles respectifs du Président de la du mardi 25 mai 1971 a été distribué. République et du Premier ministre (n° 73). Il n'y a pas d'observation ?... B. — Mercredi 9 juin 1971: Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage. - -discussion de la question orale avec débat de M. Jean Péridier à M. le Premier ministre, transmise à M. le ministre de l'agriculture, relative aux conséquences de la crise du Marché — 2 — commun en matière économique et agricole et à l'entrée de la Grande-Bretagne dans la Communauté européenne (n° 106) ; CONFERENCE DES PRESIDENTS — discussion de la question orale avec débat de M. Jean Deguise à M. le ministre de l'agriculture, relative aux incidences M. le président. I. — La conférence des présidents a établi de la crise monétaire sur les prix agricoles (n° 108). comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat : La conférence des présidents propose au Sénat de prononcer A neuf heures trente : la jonction de ces deux questions. A neuf heures trente : Il n'y a pas d'opposition ?... Discussion des questions orales avec débat jointes : La jonction est prononcée. a) De M. René Tinant (n° 71) ; III. — Enfin, la conférence des présidents a envisagé les dates b) De M. Michel Kauffmann (n° 100) ; suivantes : c) De M. Louis Guillou (n° 102), A. — Mardi 8 juin 1971: M. le ministre de l'agriculture, relatives à la politique en à Après les questions orales : matière agricole et en matière d'élevage, aux prêts du Crédit agricole et à la protection sociale des agriculteurs. En application de la priorité établie par l'article 48 de la A quinze heures : Constitution : Discussion des questions orales avec débat jointes : 1° Discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée natio- a) De M. André Monteil à M. le ministre des affaires étran- nale, relatif à l'institution d'un versement à la charge de certains gères relatives à la politique française en Méditerranée (n° 101) ; employeurs dans la région parisienne (n° 1732, A. N.). b) De M. Edouard Bonnefous à M. le Premier ministre, 2° Discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée natio- transmise à M. le ministre des affaires étrangères, relative au nale, relatif à certains personnels de l'aviation civile (n° 207, bilan de la politique de coopération avec l'Algérie (n° 95) ; 1970-1971) ; 554 SENAT -- SEANCE DU 27 MAI 1971 3° Discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée natio- nale, autorisant la ratification de l'avenant .à la convention du — 4 — 1" avril 1958 entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles DEPOT DE RAPPORTS d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signé à Paris le 8 septembre 1970, M. le président. J'ai reçu de M. Lucien Junillon un rapport complété par un échange de lettres du 8 septembre 1970 (n° 238, fait au nom de la commission des affaires économiques et du 1970-1971) ; plan sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, 4° Discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée tendant à adapter le corps des lieutenants de louveterie à nationale, tendant à compléter l'article 62 du code pénal punis- l'économie moderne (n° 214, 1970-1971). sant la non-dénonciation de crimes et l'article 378 du même Le rapport sera imprimé sous le numéro 261 et distribué. code réprimant la violation du secret professionnel (n° 221, J'ai reçu de M. Victor Golvan un rapport fait au nom de la 1970-1071) ; commission des affaires économiques et du plan, sur le projet 5° Discussion du projet de loi sur le travail temporaire de loi, adopté par l'Assemblée Nationale, complétant le code (n° 172, 1970-1971) . rural et relatif à l'exercice de la médecine et de la chirurgie
B. — Mercredi 9 juin 1971 : des animaux par certains élèves et anciens élèves des écoles En application de la priorité établie par l'article 48 de la nationales vétérinaires (n° 216, 1970-1971). Constitution : Le rapport sera imprimé sous le numéro 262 et distribué. J'ai reçu de M. Jean-Marie Bouloux un rapport fait au nom 1° Discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assem- de la commission des affaires économiques et du plan, sur la blée nationale, tendant à la protection des jeunes animaux et proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à la défense de leurs acheteurs (n° 213, 1970-1971) ; à la protection des jeunes animaux et à la défense de leurs 2° Discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assem- acheteurs (n° 213, 1970-1971). blée nationale, tendant à adapter le corps des lieutenants de Le rapport sera imprimé sous le numéro 263 et distribué. louveterie à l'économie moderne (n° 214, 1970-1971) ; 3° Discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée natio- nale, complétant le code rural et relatif à l'exercice de la — 5 — médecine et de la chirurgie des animaux par certains élèves et anciens élèves des écoles nationales vétérinaires (n° 216, RETRAIT D'UNE QUESTION ORALE AVEC DEBAT 1970-1971) . M. le président. M. Serge Boucheny a fait connaître à la prési- C. — Jeudi 10 juin 1971: dence qu'il retirait sa question orale avec débat n° 98, transmise En application de la priorité établie par l'article 48 de la à M. le ministre des transports, qui avait été communiquée au Constitution : Sénat dans sa séance du 15 avril 1971. 1° Discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée natio- Acte est donné de ce retrait. nale, approuvant la convention fiscale entre le Gouvernement de la République et le Conseil de gouvernement du territoire des Comores, ensemble le protocole additionnel, signés à Paris — 6— le 27 mars 1970 et à Moroni le 8 juin 1970 (n° 233, 1970-1971) ; 2° Sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale, DEPOT D'UNE QUESTION ORALE AVEC DEBAT discussion du projet de loi relatif aux rapports entre les caisses d'assurance maladie et les médecins (n° 1716, A. N.) ; M. le président. J'informe le Sénat que j'ai été saisi d'une 3° Discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée natio- question orale avec débat dont je vais donner lecture. nale, modifiant certaines dispositions du chapitre IV bis du Mlle Irma Rapuzzi appelle l'attention de M. le ministre de titre II du livre premier du code du travail, relatives aux l'économie et des finances sur les conséquences résultant pour conventions collectives de travail, ainsi que certaines disposi- les communes de l'application des dispositions de l'article 11 de tions du titre II de la loi n° 50-205 du 11 février 1950 modifiée, la loi de finances rectificative pour 1970 (loi n° 70-1283 du relatives à la procédure de médiation (n° 244, 1970-1971). 31 décembre 1970). La réduction de 12 p. 100, à compter du ler janvier 1971, des D. — Jeudi 17 juin 1971: droits provenant du tarif de la contribution des patentes, pour En application de la priorité établie par l'article 48 de la les entreprises qui n'emploient pas plus de deux salariés et qui Constitution : exercent un commerce de détail ou présentent un caractère Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, artisanal au regard de la réglementation du répertoire des adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en métiers, privera les collectivités d'une partie des ressources deuxième lecture, relative à la création et au fonctionnement provenant de cette contribution. des organismes privés dispensant un enseignement à distance, M. le secrétaire d'Etat à l'économie et aux finances a indiqué, ainsi qu'à la publicité et au démarchage faits par les établisse- au cours de la discussion parlementaire du 9 décembre 1970, que ments d'enseignement (n° 181, 1970-1971). les pertes enregistrées globalement au plan national par l'en- semble des communes seront compensées par les recettes nou- velles dont elles bénéficieront au titre de la suppression des — 3 — exonérations, en application des dispositions de l'article 12 de cette même loi. DEPOT DE PROPOSITIONS DE LOI Or, dans le cas de la ville de Marseille, les pertes de recettes résultant de l'application de l'article 11 peuvent d'ores et M. le président. J'ai reçu de MM. Louis Namy, Fernand Lefort, déjà être évaluées pour l'année 1971 à 1.470.000 francs ; mais, Jacques Eberhard et des membres du groupe communiste et par suite de l'absence de textes d'application concernant l'ar- apparenté une proposition de loi organique tendant à modifier ticle 12, il n'est pas possible de connaître le montant des recettes l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 à provenir de la suppression des exonérations, ni même de savoir relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. si des instructions seront données suffisamment tôt à l'adminis- La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 264, tration des contributions directes pour permettre l'émission au distribuée et, s'il n'y a pas d'opposition, renvoyée à la commis- titre de l'exercice en cours des rôles correspondant à ces sion des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage uni- impositions nouvelles. versel, du règlement et d'administration générale, sous réserve Cette situation concerne l'ensemble des collectivités locales, de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans qui risquent aussi de supporter en 1971 une perte nette de les conditions prévues par le règlement. (Assentiment.) recettes, dans la mesure où ces rôles ne seront pas émis avant la fin de l'année. J'ai reçu de MM. Louis Namy, Fernand Lefort, Jacques Eberhard et des membres du groupe communiste et apparenté Elle demande : une proposition de loi modifiant l'article 2 de la loi n° 58-239 1° De lui faire connaître quelles sont les mesures prises en du 8 mars 1958 concernant la désignation des membres français vue d'obtenir avant la fin de l'année 1971 l'encaissement des à l'Assemblée unique des Communautés européennes. recettes correspondant à la suppression des exonérations ; La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 265, 2° De lui indiquer les dispositions que le Gouvernement distribuée et, s'il n'y a pas d'opposition, renvoyée à la commis- entend prendre en faveur des collectivités qui ne pourraient sion des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage uni- bénéficier de ces ressources nouvelles, ou pour lesquelles le versel, du règlement et d'administration générale, sous réserve produit de ces ressources resterait inférieur au montant des de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans pertes de recettes entraînées par l'abattement de 12 p. 100 les conditions prévues par le règlement. (Assentiment.) (n° 112). SENAT — SEANCE DU 27 MAI 1971 555 Conformément aux articles 79 et 80 du règlement, cette compétence de la cour de discipline budgétaire et financière. question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement Depuis la date d'institution de cette juridiction, la compétence et la fixation de la date de discussion aura lieu ultérieurement. de la Cour des comptes et de la commission de vérification des La commission des finances, en accord avec le Gouvernement, entreprises publiques avait été étendue à certains organismes sans demande que la séance soit suspendue jusqu'à quinze heures que, parallèlement, les conséquences en aient été tirées en ce trente. qui concerne la cour de discipline. Le projet comble cette lacune Il n'y a pas d'opposition ?... en faisant coïncider les champs de compétence de ces différents La séance est suspendue. organismes. (La séance, suspendue à quinze heures quinze minutes, est En second lieu, le Gouvernement a pensé qu'il convenait d'éli- reprise à quinze heures trente minutes.) miner les causes de blocage de la cour de discipline, qui tenaient, pour l'essentiel, à une procédure mal conçue, trop solennelle et M. le président. La séance est reprise. inutilement rigide et, accessoirement, à la définition trop complexe, et par suite inopérante, de certaines inculpations. Les modifications proposées, qui apparaîtront en détail lors — 7 — de l'examen des articles, ont pour effet de changer la physio- nomie de l'institution et de mettre cette dernière en état de COUR DE DISCIPLINE BUDGETAIRE fonctionner normalement. Enfin, le Gouvernement a renforcé la liaison entre la cour Adoption d'un projet de loi. de discipline et les autorités investies du pouvoir disciplinaire en permettant à la cour de mettre en jeu, d'une manière pra- M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du tiquement automatique, la procédure disciplinaire lorsque seraient projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant et relevés des faits constituant des fautes justiciables de telles complétant la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 relative à la sanctions. En pareil cas, l'autorité ayant pouvoir sur l'agent cour de discipline budgétaire et financière. [NO' 195 et 217 mis en cause devra, dans un délai de six mois, informer la cour (1970-1971).] de discipline des sanctions qui auront été prises. C'est là une Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur. garantie très forte que des faits condamnables ne sauraient rester M. Marcel Pellenc, rapporteur général de la commission des sans la suite qui convient. finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de J'ajoute, et cela ne figure pas, naturellement, dans le projet la nation. Monsieur le président, j'estime, en accord avec le de loi, que le ministre des finances a décidé d'exercer effecti- Gouvernement, que son représentant pourrait utilement exposer vement, chaque fois qu'il sera nécessaire, le droit de saisine de d'abord le projet de loi, procédure qui est d'ailleurs conforme aux la cour de discipline, qui incombe aux ministres et qui constitue dispositions de notre règlement. pour le ministre des finances un véritable devoir. Un comité de M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat. saisine i été institué à cet effet au sein du département de M. Jean Taittinger, secrétaire d'Etat au budget. Mesdames, l'économie et des finances. Il comprend quelques très hauts fonc- messieurs, le contrôle de l'exécution du budget est une des tionnaires, qui ont mission de donner une suite aux faits qui tâches les plus nécessaires à l'exercice des prérogatives finan- lui sont signalés et qui devraient déboucher sur la saisine de la cières des élus de la nation et plus particulièrement du Parle- cour de discipline budgétaire. Pour marquer d'ailleurs l'impor- ment. A quoi servirait de voter un budget si, lors de son tance de cette institution nouvelle, M. Giscard d'Estaing a exécution, l'administration prenait avec lui des libertés abou- procédé lui-même solennellement à sa mise en place. tissant à donner aux crédits une destination différente de celle Voici, mesdames, messieurs, très brièvement présenté, l'éclai- arrêtée par les élus ? rage que le Gouvernement entend donner à cette réforme de la Cette préoccupation est à la base de l'organisation d'un cour de discipline budgétaire, réforme qui, tout en respectant système de contrôle de la dépense extrêmement complet dans les principes de libéralisme et de garantie de carrière qui sont notre pays : contrôle politique envers les ministres et les élus à la base de l'organisation de notre administration, permettra, locaux, tels que les maires, contrôle juridictionnel en ce qui je le pense, de mieux assurer la bonne et fidèle exécution des concerne les payeurs, responsables pécuniairement devant la budgets votés par les organes délibérants, et plus particulière- Cour des comptes, contrôle administratif et hiérarchique pour ment par le Parlement. (Applaudissements.) l'ensemble des agents, qui sont normalement sanctionnés par l'exercice du pouvoir disciplinaire. Cette dernière forme de M. le président. La parole est à M. le rapporteur. contrôle est de plus en plus difficile à exercer au fur et à M. Marcel Pellenc, rapporteur général de la commission des mesure que la délégation des responsabilités et des compétences finances. Mes chers collègues, M. le ministre a exposé à quelle est plus largement répandue et que les gestionnaires des crédits préoccupation correspondait cette modification des conditions de acquièrent plus d'autonomie à l'intérieur de leurs administrations. fonctionnement de la Cour de discipline budgétaire instituée Or, une telle délégation est souhaitable : génératrice d'une admi- pour sanctionner toutes les erreurs, toutes les fautes commises nistration plus rapide, plus intelligente, plus proche de l'admi- en matière de gestion des finances publiques. nistré, elle s'est traduite récemment par de nombreuses mesures Cette institution, à qui précisément le Gouvernement veut de déconcentration dont le Gouvernement ne cesse d'ailleurs donner plus de souplesse et d'efficacité, s'est manifestée jus- d'allonger la liste. qu'ici par une inefficacité à peu près totale, car depuis plus Cette plus grande liberté donnée aux gestionnaires de crédits de vingt ans de fonctionnement, dix-huit seulement des cas apporte nécessairement en contrepartie une plus grande respon- dont elle s'est saisie, ont été l'objet d'arrêts. sabilité. Dans ces conditions, le Gouvernement a été amené à C'est dire qu'elle ne peut jouer le rôle qui devrait être nor- vous proposer de compléter les dispositions de la loi du 25 sep- malement celui de toute juridiction, rôle qui n'est pas seule- tembre 1948 qui a institué une cour de discipline budgétaire et ment de réprimer, mais, par la crainte qu'elle inspire, d'inciter financière. Cette juridiction, composée par parts égales de les administrations à une sorte d'autodiscipline. membres de la Cour des comptes et du Conseil d'Etat, a pour Or, il est bien évident que la cour ne remplit pas ce rôle. mission de sanctionner les irrégularités commises par les ordon- Si bien que les dispositions nouvelles, envisagées par le Gou- nateurs et gestionnaires de crédits. vernement ont pour objet de rendre plus souple le fonctionne- Le projet de texte qui vous est présenté renforce le rôle de ment de la cour de discipline budgétaire : le procureur général la cour de discipline, ce qui répond aux préoccupations de près cette cour aura désormais qualité pour saisir la cour l'opinion française tout entière qui osuhaite qu'une suite soit elle-même de toutes les infractions qui lui paraîtront criti- donnée aux rapports annuels de la Cour des comptes chaque quables. fois que ceux-ci font apparaître des responsabilités dans la Les dispositions nouvelles apportent indiscutablement une gestion des deniers publics. amélioration à l'institution. Mais il est, je le crains, monsieur le Ce renforcement, le Gouvernement s'est attaché à l'accomplir ministre, un domaine dans lequel la disposition que l'on nous dans le respect des principes traditionnels de notre organisation demande de voter aujourd'hui risque de laisser sans effet les politique et administrative. C'est ainsi que la Cour demeure une comportements, les erreurs commises par certains administra- juridiction financière, indépendante du pouvoir exécutif et ne teurs qui ne constituent pas expressément de violation d'auto- pouvant sanctionner elle-même les agents pour des fautes de risations budgétaires. gestion qui ne seraient pas exclusivement financières. De telles Autant que le Gouvernement, nous voulons que les admi- fautes relèvent, comme aujourd'hui, du pouvoir hiérarchique. nistrateurs assurent une meilleure gestion des deniers de l'Etat. De même, elle demeure incompétente à l'égard des actes accom- Sanctionner les actes d'incurie, d'insouciance, les fautes de ser- plis par les ministres, les maires, leurs adjoints, les conseillers vice par le contrôle d'une juridiction administrative est une généraux et municipaux et divers administrateurs élus dont les méthode qui est insuffisante pour prévenir des inconvénients actes sont directement sanctionnés par la mise en jeu de leur qui sont bien plus dommageables pour le Trésor que des erreurs responsabilité politique. d'imputation ou des dépassements de crédits qui ne sont Ce renforcement, le Gouvernement l'a donc cherché dans trois d'ailleurs généralement effectués qu'avec une autorisation préa• directions : en premier lieu, dans une extension du champ de lable.
556 SENAT — SEANCE DU 27 MAI 1971 A l'appui de ma thèse, je voudrais vous donner quelques n'accueille que 323 élèves alors que toutes les installations ont exemples tirés du rapport de la Cour des comptes et en même été réalisées pour 625, bien entendu à grands frais et au détri- temps prier M. le secrétaire d'Etat de me dire si les cas cités ment d'autres localités pour lesquelles ces crédits auraient été seront sanctionnés conformément aux dispositions que l'on nous nécessaires et urgents, compte tenu des besoins. demande de voter ou si, ces dispositions ayant un caractère Là encore, certains sont responsables de la promotion et de pénal et étant évidemment d'interprétation restrictive, le l'exécution de ces projets. Les dispositions qui nous sont soumises Gouvernement s'engage à déposer un texte complémentaire qui permettront-elles de les toucher ? permettrait d'y remédier. Je prends un autre exemple : 85 abattoirs doivent disparaître, Voici, mes chers collègues, quelques exemples précis. Trou- ce qui n'a pas empêché les services administratifs d'y engager vez-vous normal que les services publics, à Arcachon, créent 50 millions de travaux Est-ce normal ? Pensez-vous qu'on puisse une école d'apprentissage maritime « sans aucune étude préa- passer l'éponge, que ce soit un état de choses que l'on peut lable », dit la Cour des comptes, et que l'on s'aperçoive ensuite considérer comme normal, avec le risque de le voir se perpétuer ? que la population scolaire est tout à fait insuffisante pour Oh ! le catalogue est abondant et je vous prie de m'en excuser : justifier cette création ? Quelle sera la sanction ? Cela entrera-t- je préférerais n'avoir que fort peu de remarques à formuler. il dans le cadre des dispositions nouvelles envisagées pour Nous savons, mes chers collègues, que nos collectivités locales assurer une meilleure gestion des deniers publics ? lancent souvent des travaux volontairement sous-estimés pour Autre exemple : à la Grande-Motte, sur le littoral méditer- pouvoir engager les travaux, avec l'arrière-pensée que, lorsqu'ils ranéen, on fait un port de plaisance et l'on construit des seront engagés, il faudra bien voter les crédits nécessaires à digues sans attendre le résultat des essais en cours. Lorsque leur achèvement. les travaux sont achevés, on s'aperçoit que tous les ouvrages C'est ainsi, par exemple, que, dans le Puy-de-Dôme — que mes sont endommagés, qu'ils ne servent à rien, qu'il faut changer le collègues représentant ce département m'excusent, mais je suis profil des digues et refaire les enrochements, tout cela au persuadé qu'ils n'ont en aucune façon trempé dans cette prix de dépenses considérables, bien entendu à la charge du affaire — il est question d'effectuer des adductions d'eau. Vingt- Trésor public. cinq projets ont été déposés. Or, pour vingt d'entre eux — coïn- cidence admirable ! — les travaux sont évalués à 100.000 francs. M. Jean Noury. C'est l'administration avec un A majuscule ! Ainsi on peut tous les engager ! Une fois qu'ils seront engagés, M. Marcel Pellenc, rapporteur général. J'ai d'autres exemples il faudra bien entendu les terminer. à vous citer qui provoqueront votre indignation, mon cher Celui qui a été a l'origine de cette proposition chiffrée — nous collègue. verrons ce qu'il en adviendra car nous suivons le développement On remplace l'écluse d'Arzviller. Il s'agit, dit la Cour des de cette affaire — ne mérite-t-il pas d'être traduit devant la comptes, de travaux classiques dont le coût est parfaitement cour de discipline budgétaire, au même titre que celui qui aura chiffrable et prévisible. commis une peccadille ? Je dis « peccadille » parce que, devant Or, lorsqu'il faut solder ces dépenses, on s'aperçoit que, pour cette cour de discipline budgétaire, l'échelle des peines com- les travaux les plus classiques, il faut payer quatre, huit et mence à 100 francs sans publication au Journal officiel, par même douze fois le prix auquel normalement elles devraient conséquent sans que personne en soit informé. s'élever. N'y a-t-il pas une marge considérable entre la faute que De telles pratiques ne relèvent-elles pas de cette juridiction peut commettre celui qui sera poursuivi devant la cour de disci- que l'on vient de renforcer ? Le Gouvernement ne doit-il pas se pline budgétaire et celle qui consiste à sous-estimer vingt pro- préoccuper de ce problème et compléter les dispositions qu'on jets, alors que — nous en sommes tous convaincus — ils se nous demande de voter ? solderont par des dépenses de plusieurs millions ? Ecoutez encore. On nous dit de la même façon que, faute d'une Je prends un exemple à un niveau plus élevé : il s'agit de enquête préalable, pour une modeste école d'apprentissage mari- laboratoires dépendant de certains ministères. Pour le laboratoire time installée à Bastia — que mes collègues de l'Ile de Beauté des ponts et chaussées de Trappes — et nous demanderons m'excusent de citer cet exemple — on a payé quatre fois le d'ailleurs des explications, monsieur le secrétaire d'Etat, car, montant de l'évaluation initiale. au-delà de votre personne, c'est aux membres du Gouvernement Faute d'une étude préalable ? Mais voyons, il y a un respon- responsable que s'adresse mon propos -- on lance une opération, sable ! Il est trop facile de dire : c'est la fatalité, ce sont les sans aucune évaluation sérieuse préalable, sans aucun travail circonstances. Qui n'a pas fait cette étude préalable ? De quelle préliminaire et l'on s'aperçoit après coup que, par suite de toutes 'manière va-t-on le saisir et le punir ? les lacunes que révèle la préparation du projet, on est obligé Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne suis pas féru de sanctions, de payer cinq fois plus que ce qui avait été initialement envisagé. mais j'estime que, si l'on faisait une fois par exemple, certains se Ce sont de petits scandales de La Villette, mais ces petits scan- le tiendraient pour dit et s'imposeraient précisément cette auto- dales, comme les petits ruisseaux qui font les grandes rivières, surveillance que nous désirons trouver dans le fonctionnement aboutissent au total à créer, au détriment du contribuable, des des services publics, auxquels j'ai appartenu pendant quinze déficits pour le Trésor, qui — il ne faut pas l'oublier — attei- ans. C'est la raison pour laquelle j'ai le droit de demander ici gnent des proportions considérables. que toutes les faiblesses fassent l'objet de sanctions, car elles Le laboratoire de la répression des fraudes, qui relève du se soldent évidemment, vous le comprenez bien, par des dépenses ministère de l'agriculture, a été lancé lui aussi sans études considérables dont le Trésor public fait les frais. préalables suffisantes. En conséquence, il a fallu payer trois fois Ce n'est pas tout. Mon énumération sera peut-être longue, le prix primitivement prévu. mais je veux la faire à votre intention, monsieur le secrétaire Or, monsieur le secrétaire d'Etat, il ne s'agit pas d'erreurs ; d'Etat, à l'intention de mes collègues et de tous ceux qui, par on se dit : lançons toujours l'opération en la sous-estimant — curiosité, auront le bon esprit de consulter le Journal officiel nous avons constaté le fait fréquemment — et, une fois lancée, car c'est aujourd'hui le seul moyen de toucher l'opinion, de même si le crédit prévu n'est pas suffisant, on sera bien manière que, si les mesures prises en vue de réformer cette obligé de la terminer. cour de discipline budgétaire sont insuffisantes, le Gouverne- Ne croyez-vous pas que devraient être passibles des sanc- ment prenne l'initiative de les compléter. tions envisagées de la part de la cour de discipline budgé- Pour lancer rapidement la cité administrative de Bordeaux taire ceux qui lancent de telles opératitons, qu'il s'agisse des — ne voyez aucune allusion dans mes propos : tout est pure- administrations centrales ou des collectivités locales ? ment coïncidence (Sourires.) — on a détourné les fonds de Pour l'affaire que je vais évoquer maintenant, je ne demande concours, non pas les crédits, qui avaient été prévus pour l'Orne pas qu'une commission d'enquête soit instituée car je fais et le département de Seine-et-Marne afin d'installer les services confiance aux ministres pour faire la lumière sur ce qui s'est administratifs d'Alençon et de Melun. Cela s'est fait clandesti- passé. Il s'agit de l'écluse d'Arzviller à laquelle j'ai déjà fait nement et personne n'en a rien su. Il faut que nous ayons la allusion tout à l'heure en indiquant que, pour certains travaux bonne fortune de disposer du rapport de la Cour des comptes classiques, on avait payé douze fois le prix normal. Le service pour avoir connaissance de ces faits. local des ponts et chaussées est nettement mis en cause par Estimez-vous que ce soit admissible ? Pensez-vous que les la Cour des comptes car « il ne s'est pas conformé aux pro- services publics qui se sont prêtés a cette opération ne méritent cédures réglementaires ; il a contribué par ses irrégularités, aucune observation ? par ses erreurs, par ses imprudences... » — j'emploie les termes Je vais plus loin. Chacun connaît l'insuffisance des crédits dont mêmes du rapport — « ... à alourdir le montant des dépenses ». souffre à l'heure actuelle notre ministère de l'éducation natio- Qui plus est, le service a contrevenu aux règles concernant les nale. Chacun connaît les difficultés qu'on rencontre pour donner marchés et l'engagement des dépenses publiques. aux enseignements primaire, secondaire et supérieur tous les En définitive, la construction de cette écluse est revenue à moyens d'action nécessaires pour éduquer notre jeunesse. 74 millions de francs de plus — 7,4 milliards d'anciens francs — Or, dans le Rhône, à Ecully — je cite des faits précis qui somme qui a dû être portée à la charge des contribuables. résultent de rapports indiscutables de la cour — on agrandit Croyez-vous que seule la responsabilité administrative — qui le collège masculin, et l'on construit en même temps à Belleville- n'est qu'un mot — pour ceux qui sont responsables de cette sur-Rhône un autre collège. En fin de compte, ce dernier opération doive être engagée ? La commission des finances et SENAT — SEANCE DU 27 MAI 1971 557 notre assemblée tout entière ne peuvent tolérer davantage, et M. le président. Personne ne demande plus la parole dans moins à l'heure actuelle qu'à aucune autre période passée la discussion générale ?... en raison de nos difficultés financières, que l'on gaspille l'argent La discussion générale est close. des contribuables dans de telles conditions et qu'on ne prenne Nous passons à la discussion des articles. pas de mesures ou de sanctions appropriées pour mettre un terme à ce gaspillage. Dans le vote du projet destiné à modi- Article ter. fier le fonctionnement de la Cour de discipline budgétaire, je suis persuadé que beaucoup de mes collègues se laisseront M. le président. « Art. ter. — L'intitulé du titre Pr de guider par leur souci de l'efficacité. Si vous ne nous donnez la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 est ainsi modifié : pas l'assurance que dans l'hypothèse où les dispositions que « Des personnes justiciables de la Cour. » l'on nous demande de voter seraient difficilement applicables Personne ne demande la parole ?... dans les cas que je viens de signaler, le Gouvernement s'en- Je mets aux voix l'article ler. gagera à y faire face par des dispositions additionnelles, je (L'article 1°r est adopté.) crois que vous rencontrerez une certaine réserve de la part de notre assemblée. Mais je ne doute pas, en ce qui vous concerne, pas plus qu'en ce qui concerne votre prédécesseur Article 2. qui était un membre éminent de la Cour des comptes, que M. le président. « Art. 2. — Il est ajouté à la loi n° 48- 1484 ter, vous prendrez des dispositions pour éviter le retour de pareils du 25 septembre 1948 un nouvel article, qui devient l'article scandales, il n'y a pas d'autre expression. ainsi conçu : Dans cet espoir, votre commission des finances ne s'oppo- « Art. 1 . — Est justiciable de la Cour de discipline sera pas au vote de ce texte par notre assemblée. (Applaudisse- budgétaire et financière ; ments.) « Tout membre du cabinet d'un ministre ou d'un secrétaire M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat. d'Etat ; « Tout fonctionnaire ou agent civil ou militaire de l'Etat, tout M. Jean Taittinger, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le agent d'une collectivité territoriale, d'un groupement ou syndicat président, mesdames, messieurs, votre rapporteur général a par- de collectivités territoriales ; faitement défini l'esprit de ce texte et il a excellemment souli- • Tout représentant, administrateur ou agent des organismes gné les multiples inconvénients, irrégularités, opérations contes- qui sont soumis soit au contrôle de la Cour des comptes, soit au tables, voire scandaleuses ou frauduleuses, que la Cour des contrôle de la commission de vérification des comptes des entre- comptes s'emploie chaque année à rapporter publiquement. prises publiques ou qui peuvent être légalement soumis à ces Le Gouvernement n'est d'ailleurs pas resté insensible à toutes contrôles par arrêté ministériel les inquiétudes que votre rapporteur général vient d'exprimer, « Sont également justiciables de la Cour tous ceux qui puisqu'il a pris l'initiative de déposer ce texte. exercent en fait les fonctions des personnes désignées ci-dessus. Je donne l'assurance au Sénat que si certaines de ses dispo- « Toutefois, ne sont pas justiciables de la cour de discipline sitions, dans leur application, se révélaient insuffisantes pour budgétaire et financière, à raison des actes accomplis dans atteindre les buts que le Gouvernement s'est fixés, de nou- l'exercice de leur fonctions : veaux textes viendront éventuellement les compléter pour ren- « — les ministres et secrétaires d'Etat ; forcer les moyens mis à la disposition de la Cour de disci- « — les présidents de conseil général ; pline budgétaire. « — les maires, les adjoints des maires et les conseillers M. Marcel Pellenc, rapporteur général. Très bien ! municipaux agissant dans le cadre des dispositions prévues aux M. Jean Taittinger, secrétaire d'Etat. Je voudrais brièvement articles 64 et 66 du code de l'administration communale, les ajouter que certaines opérations, justement soulignées par présidents élus de groupements ou syndicats de collectivités votre rapporteur général, vont faire ou ont déjà fait l'objet territoriales. de certaines mesures. « Ces personnes ne sont pas non plus justiciables de la cour En ce qui concerne Arcachon, dès que le texte qui vous est de discipline budgétaire et financière lorsqu'elles auront agi soumis sera mis en application, la sanction deviendra possible ; dans des fonctions qui, en raison de dispositions législatives ou une procédure disciplinaire sera mise en route sur demande de réglementaires, sont l'accessoire obligé de leur fonction prin- cipale. la Cour de discipline avec obligation de lui rendre compte « Lorsqu'ils ne sont pas rémunérés, les représentants, admi- des sanctions prises et, éventuellement, insertion au rapport nistrateurs ou agents des associations de bienfaisance assujetties public de la Cour de discipline budgétaire. au contrôle de la Cour des comptes ou de la commission de M. Marcel Pellenc, rapporteur général. Très bien ! vérification des comptes des entreprises publiques ne relèvent M. Jean Taittinger, secrétaire d'Etat. La même procédure des dispositions du présent article qui si les associations s'appliquera pour la Grande-Motte et pour l'école de Bastia. auxquelles ils appartiennent ont été au préalable inscrites sur L'affaire des écluses d'Arzviller est d'ores et déjà déférée une liste établie par arrêté conjoint du ministre de la justice devant la Cour de discipline. Le jugement n'en est pas encore et du ministre de l'économie et des finances. » rendu. Par amendement n° 1, M. Pellenc, au nom de la commission, Il en est de même pour l'affaire des laboratoires de Trappes, propose de rédiger comme suit le 2e alinéa du texte présenté qui a également été déférée à la Cour de discipline budgétaire. pour l'article 1" de la loi du 25 septembre 1948: C'est vous dire le souci du Gouvernement de mettre un terme, « Toute personne appartenant au cabinet d'un membre du comme vous le souhaitez, à de telles exactions, à de telles irré- Gouvernement ; » gularités. La parole est à M. le rapporteur général. Mais ne nous cachons pas le vrai problème, qui est celui de la définition des responsabilités et surtout de la responsabilité M. Marcel Pellenc, rapporteur général. Il s'agit d'un amen- unique, car à partir du moment où la responsabilité est par- dement de pure forme. tagée, il n'y a plus à proprement parler possibilité de bien la M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? définir, de bien la déterminer. Nous nous heurtons là à tout un dispositif qu'il conviendra de remanier progressivement en M. Jean Taittinger, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement émet profondeur. La pièce maîtresse de celui-ci, la première qui un avis favorable. devait être mise en place, est constituée par le texte actuelle- M. le président. Personne ne demande la parole ?... ment soumis à votre approbation et j'espère que la Haute Je mets aux voix l'amendement n° 1, présenté par la commis- assemblée voudra bien l'adopter. sion et accepté par le Gouvernement. (L'amendement est adopté.) M. Marcel Pellenc, rapporteur général. Je demande la parole. M. le président. Par amendement n° 2, M. Pellenc, au nom M. le président. La parole est à M. le rapporteur général. de la commission, propose de rédiger comme suit le 7 alinéa M. Marcel Pellenc, rapporteur général. Nous prenons acte des du texte présenté pour l'article ler de la loi du 25 septembre déclarations fort encourageantes pour l'avenir que vient de faire 1948 : M. le secrétaire d'Etat. Nous rendons hommage à la préoccupation « — les membres du Gouvernement ; s du secrétaire d'Etat au budget et je pense, des autres membres du Gouvernement — de mettre un terme aux abus, en faisant des La parole est à M. le rapporteur général. exemples. M. Marcel Pellenc, rapporteur général. Cet amendement a le La meilleure formule . étant l'autodiscipline des intéressés, même objet que le précédent. Le texte fait référence aux ces exemples inciteront les intéressés eux-mêmes, qui auront « ministres et secrétaires d'Etat ». On a supprimé les sous- conscience des risques qu'ils encourent en se lançant, dans des secrétaires d'Etat. Certes, nous sommes, à l'heure actuelle, en opérations hasardeuses et non étudiées, à se discipliner et donc période d'inflation : il n'y a plus de sous-secrétaires d'Etat. à mettre fin à tous ces abus que nous n'avons que trop déplorés, Mais un jour ou l'autre peut-être y en aura-t-il • de nouveaux,