Débat animé par Yves Alion après antoine la projection du film Monsieur N., à l’École Supérieure de Réalisation Audiovisuelle de le 13 mars 2008. de caunes Avec la participation de Pascal Salafa, premier assistant

Antoine de Caunes restera à jamais l’un des animateurs phares de la télévision des années 90, quand l’arrivée de Canal + a modifié en profondeur les habitudes de consommation des téléspectateurs. Pétillant, provocateur, à la fois cultivé et prêt à toutes les facéties les plus potaches, notre homme est clairement de ceux qui attirent la lumière. Il n’est pas étonnant que le cinéma lui ait tendu les bras et que les metteurs en scène aient eu envie de l’utiliser dans des rôles au demeurant beaucoup plus variés que l’on aurait pu croire au prime abord. Mais Antoine de Caunes n’avait pas débarqué par hasard dans les films des autres, il avait le désir de mettre lui-même en scène. Ce qu’il a fait à plusieurs reprises, au cinéma et accessoirement pour le petit écran. Bien malin qui pourrait mettre en évidence une ligne directrice, tant notre homme s’est plu à visiter tous les genres, comme s’il avait eu peur de se lasser. De la comédie au film historique, du fantastique au biopic, il aura en tout cas parcouru du terrain… Un film s’élève pourtant nettement au-dessus des autres, Monsieur N. , qui raconte l’exil de Napoléon à Sainte-Hélène et s’interroge sur le mystère d’un homme qui avait l’Europe à ses pieds avant de se retrouver prisonnier d’un bout de terre ingrate battue par les vents. Quelles que soient les qualités de ses autres films, plus à la mode, moins intrigants, Monsieur N. suffit à montrer que de Caunes n’est pas qu’un simple amuseur. Le cinéaste est un peu en berne depuis que le présentateur a repris du service. Mais on ne désespère pas de le voir revenir au cinéma… I Monsieur N. Antoine de Caunes météo très tourmentée, beaucoup de tempê - tes, des ciels très torturés, ce que vous avez à l’image. Par contraste, l’idée c’était, à l’inté - rieur de la maison de Longwood, de retrouver la lumière de l’époque, c’est-à-dire de gommer tout ce qui était lumière artificielle, lumière à effets, pour donner l’impression d’être vrai - ment dans cette lumière, c’est-à-dire cette absence de lumière dans la maison. Il y a très peu de lumière même quand c’est le jour, donc beaucoup de pénombre, de contre-jours, de silhouettes… Je crois que Pierre a fait un travail Entretien magnifique là-dessus. Une scène d’extérieurs Avez-vous tenté de retranscrire avec exactitude les événements du passé et une en intérieur. Aviez-vous le même directeur photo sur Monsieur N. que sur Les Mor - et de la vie de Napoléon, et jusqu’où êtes-vous allé pour romancer le sures de l’aube ? tout ? Antoine de Caunes : Oui. J’ai gardé le même directeur photo, Pierre A. de C. : Il faut que je me remette un peu dans le jus, car actuellement Aïm, sur mes trois premiers films. C’est un très très grand chef opérateur, je suis en train de monter , si je puis dire… À l’époque, j’étais qui a commencé à travailler avec sur La en train de travailler sur un Arsène Lupin , avec un scénariste, Éric Haine , et qui a fait une myriade de films entre-temps, dans Besnard. Je rêvais de faire Lupin au cinéma, particulièrement un épisode des genres très différents – c’est lui qui a signé la lumière de qui a pour titre L’Aiguille creuse , et nous avions construit un scénario avec Bienvenue chez les Ch’tis, pour vous dire l’étendue de ses une histoire qui en cache une autre, un personnage qui en cache un talents ! J’ai changé de directeur photo sur le dernier film, autre… C’était très compliqué à monter parce que c’était un film d’é - comme j’ai changé d’ailleurs toute l’équipe parce que j’avais poque, un film cher… pris l’habitude sur les trois premiers de garder tout le monde, … Jean-Paul Salomé en a fait un depuis… Pierre Aïm, directeur de et j’aimais beaucoup ça parce qu’il y avait un esprit de la photographie sur tribu qui se développait de film en film. Et en même temps, le danger c’est A. de C. : C’était avant Salomé. Je ne me suis pas très bien entendu Monsieur N. de finir par travailler dans le confort, avec des gens qui ne vous remet - avec le studio qui devait produire et qui voulait faire un film à effets avec tent pas en question et avec qui ça devient plus difficile d’inventer... des courses-poursuites, des types qui montent sur les toits des trains, ce Sur le quatrième film, j’ai donc pris Thomas Hardmeier, qui avait fait la qui ne m’intéressait absolument pas. Donc j’avais lâché l’affaire après lumière de La Boîte noire et de Chrysalis. C’est un Suisse-Allemand, avoir travaillé sur le projet des mois et des mois… Les producteurs de comme son nom l’indique. Nous avons travaillé sur une lumière très Monsieur N. m’ont contacté à ce moment-là, avec un scénario de René différente des autres films. L’intérêt pour moi étant à chaque fois d’aller Manzor, qui au moment où je suis arrivé sur le projet faisait 200-220 explorer un autre territoire. Déjà, entre Les Morsures de l’aube et Mon - pages, un pavé monstrueux qui démarrait à la fin de la bataille de sieur N. , ce n’était pas du tout la même approche de la lumière : d’un Waterloo. C’était un film très complexe, très cher, mais qui avait le côté le Paris contemporain de 2000, le Paris de la nuit, un Paris très fic - même point de vue, la même approche que ce que je voulais faire, tionnel, pas du tout réaliste. Qui correspond à l’univers du moi, avec Arsène Lupin : à savoir raconter une histoire qui en cache René Manzor, scénariste personnage principal. Tout est vu de son point de vue à lui, une autre, et un jeu de masques… Et donc j’ai sauté sur cette opportu - de Monsieur N. “L’idée c’était, assez déphasé, déconnecté. À l’inverse, sur Monsieur N. , nité, travailler avec Manzor… Et après quelques mois est arrivé le scé - de retrouver la l’idée était de retrouver la lumière qu’a dû avoir Napoléon nario que nous avons finalement tourné, qui était une version quand il était à Sainte-Hélène, une lumière très particulière, plus simple, en tous les cas économiquement plus raison - lumière de “Raconter l’époque.” très irradiante parce qu’on est vraiment tout au sud. Nous nable. Le travail qui a été fait à cette étape-là du film était vrai - avons tourné à la pointe de l’Afrique du Sud, sur le même ment en profondeur. On ne peut pas aborder une histoire une histoire qui méridien que Sainte-Hélène. On m’a expliqué que c’est comme celle-là en arrivant les mains vides, sans avoir une en cache une autre, parce qu’aujourd’hui il y a un trou dans la couche d’ozone vraie connaissance de l’histoire, de l’environnement, de la et un jeu de et que des radiations passent, qui ne passent pas ailleurs, ce qui n’était psychologie de Napoléon, de ce qu’il avait en tête… Parce masques…” pas le cas à l’époque de Napoléon bien sûr. À cela il faut ajouter une que l’histoire de Monsieur N. part d’une histoire vraie : celle

144 145 Antoine de Caunes de ce fameux Cipriani qui était son maître d’hôtel mais qui était aussi un espion, un armateur, et dont on pense qu’il était son frère naturel, un bâtard de la famille du père de Napoléon, que la mère Lae - titia aurait élevé comme c’était la coutume en Corse, et donc qui est, du début à la fin, dans la trajectoire de Napoléon, qui le suit à Sainte-Hélène, et qui meurt dans des circons - tances mystérieuses… Tout cela est absolument authentique, il était en pleine forme et du jour au lendemain, il meurt, sans doute empoisonné, il est enterré à Sainte-Hélène. Napo - léon meurt à son tour, quelques années plus tard, et quand les Français obtiennent des Anglais l’autorisation de rapa - trier le corps de Napoléon, ils décident d’emporter les corps Philippe Torreton des deux Français morts à Sainte-Hélène. Et quand ils ouvrent (Napoléon) et Bruno la tombe de Cipriani, elle est vide… Ce fait historique réel a suscité Putzulu (Cipriani). quantité d’interprétations, parce qu’il y a eu plus de 300 000 livres écrits sur Napoléon depuis qu’il est mort, ce qui est juste colossal ! Je ne sais pas si vous mesurez ce que c’est… À ce niveau, il n’y a guère que le Christ qui lui fasse concurrence…

D’autant qu’on a beaucoup parlé aussi de l’empoisonnement de Napo - léon… A. de C. : Oui, mais c’est une hypothèse qui a été battue en brèche depuis. La réalité, c’est qu’on ne sait pas ce qu’est devenu Cipriani, et à partir de là on peut imaginer ce qu’on veut. Nous sommes partis de cette idée-là et d’une phrase de Napoléon que j’adore, et qui est à mon avis une très belle définition du cinéma aussi : « L’histoire est un men - songe que personne ne conteste. » C’est le point de départ de Monsieur N. Mais après ce n’est pas une théorie, ce n’est pas un documentaire sur Napoléon, ce n’est pas : « Voilà la vraie histoire de Napoléon et comment il a fini… »

C’est donc très probablement faux, mais c’est plausible… A. de C. : C’est sans doute faux, oui…

Mais c’est plausible. D’autant qu’est sorti la même année, en DVD, un autre film qui s’appelle Les Habits neufs de l’empereur , avec Ian Holm, et là ce n’est pas aux États-Unis que débarque Napoléon mais en Belgique, où il tombe amoureux d’une femme. Et le temps de reprendre le pouvoir comme il en avait l’in - tention… A. de C. : C’est une autre histoire, tirée d’un livre de Simon Leys, La Mort de Napoléon , qui est réédité régu - lièrement. Là, le point de départ c’est que les bonapartis - Ian Holm est Napoléon et son sosie dans Les tes veulent faire évader Napoléon de Sainte-Hélène. Ils trouvent un Habits neufs de paysan français qui est son sosie absolu. Ils le font venir à Sainte-Hélène, l’empereur , d’Alan Taylor (2001). le sosie prend la place de Napoléon. Celui-ci peut s’échapper, rentre en Europe par la Belgique… Mais entre-temps le sosie trouve ça super cool Les Morsures de l’aube (2001) avec entre autres Gérard Lanvin, Asia Argento et Guillaume Canet. d’être Napoléon à la place du vrai et il refuse de dire que ce n’est pas lui.

146 147 Antoine de Caunes Du coup quand le vrai Napoléon arrive à Bruxelles, tout le monde le Il y a deux légendes, mais moi ce qui m’inté - vous la poser : vous pouvez être plombier et prend pour un cinglé et il finit à l’asile. resse, c’est l’histoire de la trajectoire du per - vous retrouver au chômage, et vous vous sonnage. Par exemple, il y a beaucoup de poserez la même question. C’était vraiment Dans le film en tout cas, il tombe amoureux de la femme qui le recueille, lieux communs qui courent sur Napoléon… ça qui m’intéressait chez lui, cette dimension et alors plutôt que se lancer dans un projet chimérique de reprise du Quand je tournais la scène des Invalides, j’ai purement humaine. Pour ce qui est de la pouvoir, il choisit de rester… dû faire une interview pour le journal de TF1, colonne positif/négatif chez Napoléon, je vous A. de C. : Il y a eu à l’époque une maladie qui s’appelait la napoléo - et il y a un type qui est arrivé avec un came - disais qu’il y a eu plus de 300 000 livres écrits nite : on représente toujours le fou la main dans le gilet, le bicorne… Mais raman – j’étais entre deux prises, j’avais pas du sur lui et il s’en publie toujours 100 par mois ! c’est vrai. À cette époque, il y a vraiment eu quantité de types internés tout la tête à ça – et qui m’a posé une question Je crois donc qu’on n’a pas fini de se poser qui se prenaient pour Napoléon. Comme Elvis… en me disant : « Mon fils de quinze ans pense des questions… Je suis fasciné par le person - que Napoléon était un tyran sanguinaire, nage mais je ne suis pas un fan aveugle. Il Dans un premier temps, si on en croit le film, Napoléon continue à qu’avez-vous à répondre à ça ? » Qu’est-ce n’empêche que cette trajectoire, cette épopée, entretenir une étiquette quasi monarchique qui est plutôt amusante puis - que j’avais à répondre à ça, moi ? J’ai répondu est tout à fait incroyable. Vous parliez de qu’en réalité il n’est plus rien… que ça m’étonnait pas qu’il pose des ques - Stendhal, il était fasciné par Napoléon, comme A. de C. : Une étiquette qui reprend exactement le protocole des Tui - tions aussi cons en ayant un père journaliste Chateaubriand : il le détestait mais… C’est un leries ! C’est-à-dire qu’il n’a rien changé par rapport au moment où il était à TF1, quoi ! Qu’est-ce que vous voulez personnage fascinant, et s’il vous intéresse je empereur à Paris. C’est-à-dire que quand il arrive à table, répondre d’autre ? Ce qui m’intéressait dans vous conseille de lire deux bouquins que j’ai tant qu’il n’a pas ouvert la bouche personne ne parle, tant l’histoire du Napoléon de Sainte-Hélène, c’est fait lire aux acteurs : Le Mémorial de Sainte- qu’il n’a pas commencé à manger personne ne mange ! Il “C’est difficile de faudrait imaginer cette solitude – c’est ce que j’ai essayé de peindre l’ennui sans rendre aussi dans le film –, cette solitude et cet ennui… C’est être ennuyeux !” difficile de peindre l’ennui sans être ennuyeux ! Mais c’est vrai “« Comment un homme qui a eu le monde entre ses mains qu’ils s’ennuyaient à mourir, parce qu’ils étaient condam - peut-il accepter de n’être plus rien ? »” nés, cette petite cour à rester près de lui, à subir ses caprices. Très souvent, le soir, il lui prenait l’envie de lire à voix haute une pièce de Corneille, et ils étaient obligés de se taper ça jusqu’au bout… Ou de faire des parties de cartes interminables… l’histoire d’un homme qui a tout perdu, c’est- Hélène , qui est le texte de ses mémoires qu’il à-dire qui a été vraiment l’homme le plus puis - a dictées à Las Cases quand il était à Sainte- D’autant qu’on disait de lui qu’il avait l’habitude de dicter six lettres à sant du monde, une puissance qu’on ne peut Hélène et où il raconte toute l’histoire – évi - la fois, d’honorer plusieurs femmes dans la journée, de se battre… C’est même pas imaginer, qui est un type supé - demment c’est lui qui raconte, donc… Il y a vrai que le rythme a dû un petit peu… rieurement intelligent, ça c’est indiscutable, d’ailleurs des extraits dans le film : quand il A. de C. : … un petit peu baisser, oui. qui a fait de grosses erreurs, qui a vraiment parle de Moscou, c’est tiré directement du construit en même temps le monde, la Mémorial . C’est magnifique, c’est un livre Napoléon est un personnage ambigu, il est admiré par des dictateurs et l’Europe dans laquelle nous vivons aujour - extraordinaire, c’est un monument de littéra - mais aussi par Julien Sorel dans Le Rouge et le Noir . Qui vous a le plus d’hui, qui a vraiment posé des bases – le Code ture au même titre que les Mémoires de Cha - intéressé quand vous avez travaillé sur Monsieur N. : Bonaparte l’arri - civil… c’est inimaginable le nombre de choses teaubriand. Et puis un autre livre beaucoup viste ou Napoléon l’empereur ? qui ont été posées durant le règne d’abord de plus court – parce que le Mémorial fait 1600 A. de C. : Pour Napoléon comme à propos de tous ces genres de per - Bonaparte puis de Napoléon… Et en même pages !, La Chambre noire de Longwood de sonnages, il y a deux types de légendes : il y a la légende noire temps il a fait plein de conneries, des dizaines Jean-Paul Kauffmann, un journaliste qui a été et la légende dorée qui en fait presque une espèce de saint, de milliers de morts dans des guerres inutiles, otage au Liban il y a quinze ans/vingt ans, et “Il y a la légende un personnage romanesque extraordinaire, la dernière épopée la Russie, l’Espagne, etc. Mais au final, la ques - qui aime beaucoup Napoléon. Il est allé à noire et la légende française, un type qui sort de la Révolution, qui remet un peu tion du film c’est une question qu’il pose Sainte-Hélène pour essayer de comprendre, dorée qui en fait les choses en place et qui, porté par cette dynamique, avec les d’ailleurs lui-même, quand il est allongé à saisir les possibles rémanences, qu’est-ce qui presque une espèce guerres qui sont les premières guerres de défense puisque les côté de Cipriani. Il lui demande : « Comment reste de Napoléon là-bas ? Il ne reste pas de saint...” monarchies européennes veulent remettre la monarchie sur le un homme qui a eu le monde entre ses mains grand-chose : la maison de Longwood que trône en France, son génie militaire, son génie de stratège, son peut-il accepter de n’être plus rien ? » Et ça, vous voyez dans le film, mais elle est entou - génie politique… Après, le deuxième temps, c’est quand il se c’est pour moi une question fondamentale. rée de petits pavillons, elle n’a plus grand- sacre empereur et qu’il part dans la mégalo et que ça se termine mal… Vous n’avez pas besoin d’être Napoléon pour chose à voir avec ce qu’elle était à l’époque.

148 149 Antoine de Caunes Kauffmann a essayé de comprendre ce qu’était son isolement sur cette le visage, alors qu’Hudson Lowe a une classe, une prestance incroya - île perdue au milieu de nulle part, ce qu’on peut éprouver quand on a été bles, une morgue toute britannique… Napoléon et qu’on se retrouve là. Dans la phase de pré-production, préparez-vous beaucoup vos plans ? Comment arrive-t-on à apporter sa touche personnelle à des sujets Travaillez-vous beaucoup avec le chef opérateur pour la composition de comme Coluche ou Napoléon, sur qui des dizaines de livres ont été la lumière par exemple ? écrits et sur qui chacun a sa petite idée personnelle, et comment arrive- A. de C. : Oui, je prépare pas mal. Et en particulier Monsieur N. parce t-on à se détacher du côté uniquement historique ? qu’il y avait beaucoup de recherches à faire sur les décors, les costumes, A. de C. : Se détacher du côté historique, on ne peut pas, car si on s’en sur le storyboard. Il y avait beaucoup de figuration sur certaines scènes, détache trop, on est dans l’anachronisme. En revanche, si vous voulez faire des conditions de tournage en décors naturels qui n’étaient pas simples, un truc qui couvre le plus objectivement possible l’événement dont vous loin de là, en Afrique du Sud. Par exemple, la scène des Invalides devait parlez, il faut faire un documentaire. Comme ça, vous citez toutes les être storyboardée parce qu’en réalité, on l’a tournée à la fin du mois sources, vous avez tous les points de vue possibles et vous d’août : il faisait une chaleur de bêtes, je crois que c’était un des jours “Ce point de vue il faites quelque chose qui sera le plus complet possible. Du les plus chauds de l’été, nous avions mis du sel au sol pour simuler la faut le tenir jusqu’au moment où c’est une fiction, où les rôles sont incarnés par neige, mais du coup les chevaux étaient très excités à cause du sel qui bout et ne surtout des acteurs, où c’est écrit et pas juste une réplique des mots qui ont été prononcés pour de vrai, où il y a un scénario, pas le lâcher.” etc., là il y a un point de vue sur l’Histoire, et ce point de vue- là – et c’est ce qui est essentiel dans le cinéma, que ce soit une fiction historique ou pas –, ce point de vue il faut le tenir jusqu’au bout et ne surtout pas le lâcher. C’est-à-dire, il est bon ou il est mauvais, mais c’est celui que vous avez choisi, et il ne faut jamais s’en détourner en se disant : « Est-ce que les gens vont penser que… ? » ou « Est-ce qu’ils vont s’y retrouver ? ». C’est un parti pris. L’histoire que je raconte sur Napoléon comme celle que je raconte sur Coluche, ce ne sont pas de vraies histoires, c’est mon point de vue sur l’Histoire.

Et sur la psychologie de Hudson Lowe ? Est-on assez proche de la réalité ? Sait-on comment il se comportait ? A. de C. : Oui, oui. J’ai lu énormément de livres sur cette histoire, et le La scène des Invalides, censée se personnage de Lowe est passionnant parce que c’est un général anglais, les brûlait, et la neige qui tombait c’était de la fécule de pommes de passer en hiver, et qui un général de brigade, qui a l’âge de Napoléon, et qui a toujours été terre. Et juste au moment où nous avons commencé à envoyer la fécule, fut tournée en été. vaincu par Napoléon. Ce que l’empereur lui rappelle d’ailleurs avec un orage a grondé, nous avons failli finir dans la purée… Et nous avions l’épisode de Capri. Mais l’ironie de l’histoire veut qu’il devienne le trois cents figurants, ce qui est déjà beaucoup, pour faire croire que la geôlier du type le plus puissant de la terre alors que l’autre l’a toujours cour des Invalides était pleine comme elle l’avait été au moment du mis minable… Et donc il y a une relation passionnante, retour des cendres de l’empereur, où il y avait 5 000 personnes ! Dans parce qu’à la fois il est fasciné par Napoléon et, en ce cas-là, nous avons recours à des effets spéciaux numé - même temps, il savoure ce plaisir de pouvoir l’humi - riques, à une caméra qui doit se déplacer dans le même lier et le tenir sous sa botte. Ce qui est dit sur le film sur mouvement à la micro-seconde près, nous faisons des sa fin est absolument authentique : il est mort haï par passes – c’est-à-dire que nous changeons les figurants de “Nous avions mis du ses contemporains alors qu’il aurait dû être célébré place, nous les mettons par blocs à droite, à gauche, en Au centre, le sel au sol pour gouverneur anglais de comme celui qui a réussi à garder Napoléon, puisqu’un an avant il y avait avant-plan, en arrière-plan – et après nous mélangeons le simuler la neige...” l’île de Sainte-Hélène eu l’évasion de l’île d’Elbe, les Cent Jours, et la fin à Waterloo. Mais la tout. Au final, on a l’impression qu’il y a 10 000 personnes. Hudson Lowe, incarné par Richard E. Grant. relation entre les deux, cette relation dominant-dominé, est passion - Il faut faire ça avec beaucoup de méthode et il faut savoir nante. Le vrai Hudson Lowe n’était pas aussi avenant que Richard E. exactement quel plan on fait. On n’a pas du tout le temps sur Grant qui l’interprète, et j’aime bien l’idée que ce personnage soit très le plateau de commencer à chercher, à se demander si ce serait mieux là, séduisant, ce que n’est plus Napoléon. Napoléon, quand il arrive à ou là, ou là… Il faut donc que tout soit storyboardé pour des raisons tech - Sainte-Hélène, a grossi, il s’est empâté, il a le masque de la défaite sur niques précises. Mais, en général, je ne fais pas trop de storyboard.

150 151 Antoine de Caunes

Tournage de Monsieur N.

Monsieur N. (2003) avec entre autres Philippe Torreton, , , Richard E. Grant et . 152 153 Antoine de Caunes Moi, je dessine comme un enfant sans bras. Je fais un premier story - Anglais qui étaient planqués dans le blé se cessions de bains très compliquées, avec des board que je suis le seul à comprendre. Ensuite, je travaille avec un lèvent et tirent à bout portant. Pour la pre - réactions chimiques pas contrôlables : là dessinateur plus professionnel qui vient me filer un coup de main pour mière fois, la Garde recule. Et dans la Garde vous pouvez travailler sur l’ordinateur et mettre cela en forme. Nous commençons à parler de cela avec le déco - impériale, il y a Napoléon, qui sait que la retoucher des couleurs, etc. rateur, avec le directeur photo… Toujours dans l’idée, quand nous bataille est foutue et qui veut mourir avec découpons les scènes, de se dire que ce n’est peut-être pas la peine de ses hommes. Il refuse qu’on l’extraie. Des On a le sentiment d’ailleurs que les couleurs faire un décor à 360° si on n’utilise que 180°. Mais après, l’idée pour moi officiers viennent le choper parce qu’il ne sont très étudiées sur Monsieur N. Ce ne sont c’est de ne jamais en être prisonnier. veut pas partir, et le ramènent à Paris où il va pas des couleurs naturelles : il y a un désir de capituler… C’était la première scène, ce peintre, de travailler avec la couleur comme En dehors de Monsieur N., vos autres films ont été storyboardés ? champ de blé, le silence total, et tout d’un matériau… A. de C. : Oui. Dans les mêmes proportions. coup la déflagration. C’était une scène de A. de C. : Ce sont des couleurs naturelles, cinéma sublime, ça m’empêchait de c’est de la pellicule bien exposée et c’est un Il faut préciser que pour Monsieur N. , il y a à la fois un sto - dormir… En même temps, l’absence de la étalonnage numérique. Mais l’étalonnage, ryboard effectué par Fabien Lacaf, qui est par ailleurs un séquence n’altère pas le film… vous ne le voyez pas. Sur Coluche , je suis en grand dessinateur de bande dessinée, mais qu’il y a aussi train de monter des stock-shots de 1980, des dessins préparatoires de Maxime Rebière qui est la star Quelle est la part du numérique, et plus par - parce que ce sont des plans que vous ne des storyboardeurs pour les costumes et les décors, et qui ticulièrement des effets spéciaux numériques pouvez pas tourner — tourner les Champs- sont l’un et l’autre magnifiques. aujourd’hui, y compris sur la figuration, pour Élysées en 1980, ça coûte cinq millions A. de C. : J’ai retravaillé d’ailleurs avec Maxime Rebière sur un film de ce type-là ? d’euros. Vider les Champs, c’est impensable. Coluche . Il y avait un gros travail de recherches sur Monsieur Une page du storyboard de Fabien Lacaf. N., car on ne peut pas prendre beaucoup de libertés avec ce genre de films. J’ai fait une quantité de débats à sa sortie, j’ai voyagé partout en “Je me sers très peu du numérique, d’abord parce que France avec le film et j’allais, à l’issue des projections, débattre avec le je n’aime pas trop les effets spéciaux.” public. Et à chaque fois j’avais, généralement vers la fin du débat, un retraité acariâtre qui se levait en disant : « Monsieur, je ne vous permets pas, vous placez la Légion ici alors qu’elle est là… » Les premiers temps, je prenais cela avec une certaine philosophie. À la fin de la promo, je A. de C. : Je me sers très peu du numérique, Donc je reprends des stock-shots de 1980 et les envoyais chier assez gravement… Mais il faut être très vigilant sur la d’abord parce que je n’aime pas trop les effets après, avec l’étalonnage numérique, je vais silhouette des personnages : quand on représente un maréchal d’em - spéciaux. Dans le genre de cinéma que je unifier ma pellicule, le stock-shot et la scène pire, il faut faire gaffe… pratique, ils n’ont pas énormément de place, suivante. Et vous n’y verrez que du feu. sauf pour des choses très précises… Pour prendre un exemple, le scénario comme le storyboard indiquaient Quelles ont été vos principales difficultés que Monsieur N. commençait par la bataille de Waterloo, qui n’a pas Peut-être la fenêtre dans Monsieur N ., quand techniques sur Monsieur N. ? été tournée. À quel moment la séquence est-elle tombée ? la caméra passe à travers… A. de C. : Ça a été très coton parce que c’est A. de C. : Assez vite, parce que le coût de la scène de la bataille de A. de C. : Ce n’est même pas du numérique un film cher, donc compliqué à monter, qui Waterloo, c’est la moitié du budget du film ! Même en utilisant des cela, c’est un vrai mouvement de grue qui en fait coûtait beaucoup plus cher que la effets spéciaux ! Alors je vous la raconte parce que c’était une part, et après on fait deuxième plan avec la somme pour laquelle il a été tourné. Nous “Le coût de la belle scène quand même… Dans l’armée de Napoléon, il y fenêtre et on mélange les deux plans. Ce avons trouvé des solutions grâce à l’Afrique scène de la avait la Garde impériale. Elle était composée de tous les vété - n’est pas du vrai trucage numérique comme du Sud, en tournant là-bas, en concentrant bataille de rans, c’était un corps d’élite qui n’intervenait jamais : ils se sont dans la scène des Invalides ou, comme dans tous les décors dans une même zone, en Coluche Waterloo, c’est la très peu battus parce que quand ils intervenaient, c’était radical, , un plan de rue où je vais avoir une construisant – Longwood, on l’a complète - Astérix aux Jeux moitié du budget et ça retournait la situation… Sauf qu’à Waterloo, ça se passe tel - pub pour… je ne sais pas… ment bâti : il n’y avait rien, et il n’y a plus lement mal qu’à un moment on donne à la Garde impériale Olympiques , qui n’est pas un film de 1980 rien d’ailleurs maintenant –, et nous avons du film !” l’ordre d’avancer. Les soldats sont en appui sur une colline, ils contrairement aux apparences, et où il faut été surtout en décors naturels soumis à une mettent la baïonnette, ils avancent, et derrière la colline, nor - que je l’efface. L’intervention du numérique météo impossible. Nous sommes arrivés au malement, il y a les Anglais. L’Anglais est fourbe, ne l’oubliez jamais… pour moi, se résume à ça. Ou alors au début de l’hiver sud-africain, avec des tem - Quand ils arrivent au sommet de la colline, il y a un champ de blé et pas moment de l’étalonnage, où vous pouvez pêtes qui ont détruit le décor une fois, un un seul soldat. Et à ce moment-là, il y a un ordre qui est hurlé, et les retoucher ce qui avant passait par des suc - des hôtels où résidait une partie de l’équipe,

154 155 Antoine de Caunes des vents impossibles, la flotte, le froid… Afrique du Sud, c’est-à-dire que nous sommes C’étaient des journées de cauchemar. Par restés trois mois là-bas à faire Longwood, exemple la scène de l’arrivée de Hudson des scènes tournées au Cap – le palais du Lowe, où on voit cette houle, nous avons gouverneur – et tout ce qui est extérieur. failli tous y passer parce qu’il y avait la mer Ensuite nous sommes rentrés à Paris où nous qui grossissait, la sécurité maritime qui nous avons fait les Invalides, et dans la région pari - insultait : il y avait quand même 150 figu - sienne, les hôtels particuliers et les prisons. rants, la fanfare, les acteurs… et je refusais de Et puis nous avons fini avec les scènes en lâcher parce que je n’avais pas le plan… Et mer, avec le bateau, où nous avons tous failli les vagues se fracassaient de plus en plus mourir, au large de Saint-Malo. Jusqu’à la fort. Nous avons fini par partir, et le décor a dernière seconde, ça a été un tournage été détruit dans la nuit ! épique, parce que nous avons fini de tourner sur une réplique de bateau d’époque qui était Un des axes du tournage était de ne pas dif - manœuvrée par un capitaine écossais ivre férencier les intérieurs et les extérieurs. D’au - mort, et avec un équipage composé d’une tres auraient pu dire « on tourne en studio », association de handicapés, qui étaient béné - pour le confort… voles, mais qui ne savaient pas manœuvrer A. de C. : C’était très important d’avoir la le bateau… Et nous nous sommes retrouvés

“Nous avons fini de tourner sur une réplique de bateau d’époque qui était manœuvrée par un capitaine écossais ivre mort...”

relation entre l’intérieur et l’extérieur parce au large de Saint-Malo avec une très grosse que le comportement à l’intérieur de la houle, malades à crever… J’ai tourné le maison est évidemment dicté par ce qui se dernier plan parce que j’étais le seul – je passe à l’extérieur. Et ce qui se passe à l’ex - m’étais gavé de Nautamine une semaine térieur, c’est une nature hostile, il fait froid, avant par précaution –, avec mon pauvre il flotte, il y a du vent, on n’est pas bien. Et acteur de dos. Et quand nous sommes arrivés si vous dissociez, si vous faites les intérieurs au port, il a réussi à foutre le bateau dans dans le confort d’un studio parisien et les le quai…

Désaccord parfait extérieurs dans cette nature sud-africaine (2006) avec Charlotte magnifique mais tourmentée, il y a un truc Combien a coûté le film ? Rampling, et Isabelle qui, j’en suis sûr, ne marche pas. Quand ils A. de C. : 83 millions de francs, environ 12 Nanty. tournent dans les pièces et que vraiment il millions d’euros. Et c’est un film qui, dans caille, et qu’ils sont dans les conditions par - la réalité, aurait dû en coûter entre 18 et 20. faites, ça raccorde. Et puis ça raccorde en lumière, ça raccorde entrées et sorties… Et Coluche ? A. de C. : 8 millions d’euros. Le film est extrêmement découpé sur le plan temporel, c’est une de ses particularités et de À propos de Coluch e, pourquoi faire un film son intérêt. Au niveau du tournage, cela a-t- sur cette période de la vie de l’artiste ? il impliqué que toutes les scènes de la même Comment l’avez-vous abordé ?

Ci-contre, Antoine de période aient été tournées dans la foulée ? A. de C. : Alors… il y a un grand mystère Caunes et Jean A. de C. : Non, nous avons tourné dans un avec Coluche : Coluche arrive à Sainte- Rochefort sur le tournage. premier temps tout ce qui se passait en Hélène avec son ami Cipriani…

156 157 Antoine de Caunes … Il a un accident de moto… heureusement un peu connue, c’était assez Il n’aurait jamais eu les 500 signatures de toute façon… A. de C. : Voilà. Il roule à gauche et les tentant, et en même temps je ne voyais pas A. de C. : Il ne les aurait jamais eues bien sûr, mais ce n’était pas le pro - Anglais… une mort tragique… Pourquoi l’utilité de faire un biopic sur Coluche, je blème : le point de départ, c’était de pouvoir foutre la merde. Coluche ? Pour moi, les films arrivent ne voyais pas quoi raconter de plus que ce C’était de pouvoir prendre la parole et aller face aux poli - souvent comme ça, accidentellement. J’ai qu’ont déjà raconté 12 000 documentaires. tiques et les contredire. Sauf que c’est devenu une histoire des envies de cinéma et j’aime beaucoup Il n’y a pas de zone particulière, ce n’est pas sérieuse… Il y a un avant et un après la présidentielle pour l’idée de pouvoir passer d’un genre à l’autre. un personnage aussi schizophrénique que Coluche. D’ailleurs, après cette histoire, il a sombré dans J’ai plein de copains cinéastes qui, eux, l’était Claude François par exemple, on sait une dépression grave, il a mis un an et demi à s’en remet - tracent le même sillon de film en film, pas à peu près tout de lui. Sauf cette période de tre, et quand il s’en est remis il est revenu avec Tchao pantin , moi. Les Morsures… , c’était un film de l’élection présidentielle, et c’est pour ça que c’était quelqu’un d’autre… genre, et puis c’était un premier film qui finalement, après dans un premier temps Coluche dans Tchao Mon - Ce n’était pas très primesautier… pantin , de Claude jouait avec la notion même de genre. avoir décliné l’offre, j’ai dit peut-être. À Berri (1983). sieur N. , c’est aussi un film de genre mais condition de centrer le film sur ces quelques A. de C. : Non, ce n’était pas Mary Poppins . C’était un beau film mais c’est un film d’époque, dramatique. Le troi - mois de l’élection… J’en suis arrivé à la avec un autre Coluche. Il avait perdu beaucoup en légèreté, en insou - sième, Désaccord… , c’est une comédie conclusion que le film était là : parce qu’il ciance, il s’était gabinisé d’une certaine manière. Donc ce moment-là contemporaine et sentimentale, le quatrième y a à la fois le Coluche qu’on connaît tous de sa vie est passionnant. C’est l’histoire d’un bouffon qui se fait casser c’est une comédie tragédie, une comédie – ou si vous ne l’avez pas connu vous l’avez les reins parce qu’il s’aventure sur le terrain politique… qui tourne mal. J’ai des envies de films, en au moins vu, entendu, vous voyez en gros de attendant je m’adapte à des circonstances : qui il s’agit – et là il y a réuni, concentré en Et le film est centré sur cette période ? par exemple, je rêve de faire l’adaptation quelques mois, tout un tas de paramètres et A. de C. : Oui, uniquement cette période, du moment où il décide de se présenter jusqu’au moment où il renonce, la nuit du 10 mai en fait. Il n’y aura pas d’hypothèse sur le complot autour de sa mort… “Le personnage de clown de Coluche va se retrouver confronté à tous ses paradoxes.” Qui va incarner Coluche ? A. de C. : C’est un acteur qui n’est pas très connu, François-Xavier Demaison… Au cinéma, il a fait deux ou trois apparitions. C’est un d’un roman de Robert-Louis Stevenson, Le de contraintes qui vont faire que le person - acteur qui est monté sur scène il y a deux ans Maître de Ballantrae , que j’essaie de monter nage de clown de Coluche va se retrouver environ, avec un spectacle qui s’appelle François- pour dans dix ans, parce qu’il faut le faire confronté à tous ses paradoxes. C’est-à-dire Xavier Demaison s’envole . Parce que, évidem - directement en anglais, parce que c’est trop que c’est un des personnages les plus popu - ment, tout le problème du film, c’était qui va jouer cher, et que je ne sais pas si ça intéresserait laires en France à l’époque, ça veut dire qu’il Coluche ? Les producteurs et les financiers vou - grand monde d’ailleurs parce que c’est l’his - fait rire tout le monde – vous n’y étiez pas laient un acteur connu, bankable comme ils disent, toire d’une lutte à mort entre deux frères mais je m’en souviens très bien –, de l’ex - parce qu’ils sont persuadés que quand un acteur François-Xavier dans l’Ecosse du XVIII ème siècle, donc j’en ai trême-droite à l’extrême-gauche. Le revers de est connu, il fait rentrer les gens dans les salles, ce qui est un postulat que Demaison incarne envie mais ça va être très difficile à monter. cette médaille, c’est que c’est dangereux de je demande encore à vérifier. Ça dépend de la nature du film évidem - Coluche dans le film d’Antoine de Caunes. Là par exemple j’étais en train de monter faire rire tout le monde. Comme disait très ment, mais ce n’est pas une loi, loin de là. Et dans le cas de Coluche, Désaccord parfait , et j’ai un ami qui s’ap - bien Pierre Desproges : « On peut rire de les idées les plus saugrenues sont venues sur la table : José Garcia évi - pelle Diastème, qui est scénariste, qui écrit tout mais pas avec n’importe qui. » Et cette demment… José ferait très bien Coluche, ce n’est pas sa qualité d’acteur pour le théâtre et qui vient de faire son candidature, les intentions de vote qui sont qui est en jeu, mais moi, je ne peux pas diriger José faisant Coluche : je premier film, à qui des producteurs avaient montées assez haut, presque à 16 %, vont vois d’abord José avant de voir Coluche. Et j’ai besoin dans un film demandé de réfléchir à un biopic sur remonter tout cela à la surface… Lui qui comme ça d’oublier l’acteur, pour qu’à la fin du film, si le film est réussi, Coluche. Il a pondu un scénario, excellent, avait une liberté de parole absolue, il s’est les spectateurs en sortant de la salle se disent : « Qui c’est le type qui très intéressant, qui racontait la vie de retrouvé censuré absolument partout : radios, joue Coluche ? » Et non pas : « On a vu José faire un numéro », ou Coluche en gros entre 68 et 86, et l’idée télévisions, etc. Et il l’a très mal vécu. Il a Benoît Poelvoorde… Parce que là, on dénature complètement le propos. c’était de faire un film avec ça. J’ai lu le très mal vécu de se retrouver investi d’une On m’a même proposé Jamel Debbouze pour jouer Coluche ! Authen - projet, c’était mon pote Diastème, l’idée de mission dont il ne voulait pas, parce qu’en tique. Pour en revenir à François-Xavier, c’était un acteur contrarié. Il avait faire un film autour de Coluche que j’ai un fait, pour lui, cette histoire de candidature, toujours voulu être acteur, il avait suivi les cours chez Florent, il vient peu connu, cette époque que j’ai aussi mal - c’était une connerie. d’une famille d’avocats, ils sont avocats de père en fils chez lui, et donc

158 159 Antoine de Caunes il s’est retrouvé dans une filière d’avocats à A. de C. : Non, parce que Napoléon était- même époque, et ce sont deux personnages qui n’ont strictement rien à faire Sciences-po, droit, et compagnie… Et à là… Torreton était pressenti. Si je n’avais vrai - voir. Coluche est très extraverti, il est dans le commentaire social, il est 32 ans, il était à New York, fiscaliste, dans un ment pas senti Philippe pour le rôle, nous dans la provoc, alors que Desproges est un styliste, un type assez discret… cabinet, quand le 11 septembre 2001, son aurions cherché quelqu’un d’autre… Mais vrai - bureau était en face des deux tours, il a eu le ment, sa prestation dans le film est tout à fait En même temps : « Il y a plus d’humanité dans l’œil d’un chien “Si vous relisez 11 septembre sous les yeux. Il est sorti dans incroyable. Parce que, comme vous l’imagi - quand il remue la queue que dans la queue de Le Pen quand », c’est assez vif quand même… Desproges la rue, c’était l’Apocalypse, il a cru que son nez, ce n’est pas évident pour un acteur fran - il remue son œil aujourd’hui, ça n’a dernier jour était arrivé et il s’est dit : « Si çais de jouer Napoléon. Il y a des rôles comme A. de C. : Oui, c’est très vif, mais ce que je veux dire c’est j’en réchappe, j’arrête tout et j’en reviens à ça qui sont un peu écrasants — Coluche en que si vous relisez Desproges aujourd’hui, ça n’a absolument absolument ce que j’ai toujours voulu faire », c’est-à-dire est un autre dans un autre registre… pas bougé. C’est d’une qualité littéraire incroyable. J’ai bien pas bougé.” acteur. Il en a réchappé donc, puisqu’il a connu Greta Garbo aussi… tourné Coluche , et il est rentré à Paris. Il a Vous avez présenté une émission sur Despro - tout largué, alors qu’il avait une vie en or – ges : je voulais savoir pourquoi vous aviez Il y a les films dont on écrit le scénario et ceux qui arrivent de l’extérieur : est-ce qu’on les traite différemment ? A. de C. : Je pense que c’est plus subtil que ça. Il y a de vrais films de commande, généralement ce sont les films de genre, les films d’action…

… Dont certains sont des chefs-d’œuvre absolus de l’Histoire du Page de gauche. Une scène de cinéma… Coluche, l’histoire A. de C. : Oui, oui, bien sûr, moi je n’établis pas d’échelle de valeur dans d’un mec (2008). le cinéma : il y a des films extraordinaires dans tous les genres, j’en ai marre de ces histoires de films populaires, de films art et essai… Moi, je bouffe du cinéma à longueur de temps, et tous les registres de cinéma me plaisent. Il y a donc des films de commande où on vous apporte le scénario et on vous dit : « Il s’agit de le faire car vous avez ce savoir-faire particulier pour faire ce film ». Donc là, vous êtes un exécutant, et le pro - ducteur a beaucoup de pouvoir. Et puis, la plupart du temps, c’est plus subtil que ça. C’est-à-dire que si un producteur vient voir un réalisa - teur avec un scénario déjà développé, le réalisateur va quand même rouvrir le capot, toucher des choses et se le remettre à il s’emmerdait à mourir mais tout allait bien eu envie de faire cette émission, si vous sa main, évidemment. Et là, même s’il n’est pas auteur –, il a écrit un spectacle où il raconte grosso l’aviez personnellement connu… à proprement parler, il intervient quand même sur le modo cette histoire-là, il est monté sur A. de C. : J’étais très ami avec Desproges, et scénario. Et puis il y a le troisième cas de figure où on scène… C’est vraiment un type étonnant. ça a été le premier mort qui m’ait vraiment écrit ou on co-écrit. Par exemple, le prochain film, si Vous serez, j’en suis sûr, étonnés de voir ce affecté, il y a vingt ans, et j’ai mis longtemps j’arrive à le monter, je sais déjà que je veux travailler qu’il fait avec Coluche, parce que ce n’est à m’en remettre, d’abord parce que je n’ai avec Laurent Chalumeau qui est mon meilleur ami depuis pas Patrick Sébastien qui met la salopette… pas su qu’il allait mourir, ce qui était étrange toujours… Laurent Chalumeau et Ce n’est pas une imitation. C’est très subtil – mais il ne l’a pas su lui-même : il tournait Antoine de Caunes. et en même temps, incroyablement crédi - énormément avec son spectacle, il était très Vous êtes très soudés… ble. Si je raconte cette histoire un peu fatigué, en fait il avait un cancer des os je A. de C. : On est très soudés mais on n’a pas travaillé ensemble depuis… longue, c’est parce que c’est un acteur qui crois, et il ne le savait pas, lui qui était obsédé Soudés-Chalumeau ! Ah oui ! Humour. Nous avons très envie de recom - est là pour les bonnes raisons, ce qui n’est par le cancer, qui en parlait à tort et à travers, mencer. J’ai aussi très envie de travailler avec par exemple, pas toujours le cas. voilà, ça lui apprendra –, et quand Hélène ça fait des années que nous en parlons, ça fait des années que ça ne se sa femme a voulu faire ce documentaire sur fait pas, donc je sais que bientôt nous allons bâtir quelque chose avec Avez-vous éprouvé pour trouver l’acteur qui lui, j’y suis allé avec plaisir. Je vous conseille Laurent, Auteuil et ma pomme, pour se retrouver… interprète Coluche des difficultés semblables tous, si ce n’est déjà fait, de lire Desproges. à celles que vous aviez eues pour trouver Vous connaissez Desproges ? C’est marrant Parle-t-on nécessairement de soi quand on fait un film ? votre Napoléon ? d’ailleurs, Desproges et Coluche c’est la A. de C. : Oui, bien sûr. Il faut éviter de faire du cinéma pour ne parler

160 161 Antoine de Caunes que de soi je pense, de préférence, mais oui A. de C. : Ou Le Faucon maltais où ils écri - A. de C. : Non, généralement non. Ça arrive est jouée dans le vrai décor, avec la lumière, on parle de soi. On parle toujours de soi, vaient le scénario en cours de route… Mais au premier film ça, quand on tourne à l’é - les costumes, c’est autre chose, il y a autre quand on écrit, quand on filme, quand on on le sent un peu… J’ai toujours pas compris conomie. Il ne faut pas avoir peur de trop chose qui arrive. Et puis il y a le jeu, les joue. Parler de soi, ça veut dire qu’il y a moi. Je cherche quelqu’un qui puisse m’ex - tourner, de multiplier les valeurs… acteurs. Même si vous avez répété cons - quelque chose de personnel qui entre en jeu. pliquer… Et pourquoi je vous parlais de ça ? ciencieusement comme on l’a fait avec Fran - On ne peut pas rester distant. C’est ce que vous faites ? Vous bordez çois-Xavier sur Coluche , quand vous arrivez À propos du scénario qui doit être blindé… comme on dit ? dans la situation réelle et puis dans la conti - Vos films portent beaucoup sur le faux-sem - A. de C. : Oui, il faut vraiment ne pas partir, A. de C. : Oui, enfin, il ne faut pas border nuité du film, par rapport à ce qui arrive blant, sur l’image qu’on projette qui n’est ne pas envisager de commencer à tourner n’importe comment… J’ai tourné une fois avant ou après, il y a beaucoup de choses pas forcément la bonne, sur une sorte, pour tant que le scénario n’est pas une mécanique avec un metteur en scène qui bordait telle - qui bougent. Il faut rester évidemment per - Les Morsures de l’aube , de fausse branchi - parfaite. Et pourtant, vous commencez à ment qu’il faisait un master de la scène avec méable à cela. tude, un certain nombre de thèmes qu’on tourner et vous vous rendez compte comme l’ensemble des acteurs, puis un par acteur. peut repérer… je m’en suis rendu compte vraiment souvent, Les scènes où on était douze ou treize, je ne Répétitions aussi avec Philippe Torreton sur A. de C. : Oui, j’adore ça. Mais moi, je n’ar - et comme beaucoup d’amis metteurs en vous raconte pas la fin de la journée… Il faut Monsieur N. ? rive à dégager les thèmes qu’une fois que les scène s’en rendent compte, que le scénario découper, il faut faire des choix, il faut avoir A. de C. : Oui, beaucoup, beaucoup. Beau - films sont faits. Je ne suis donc pas très bon ne fonctionne pas. C’est une question essen - un point de vue quand on raconte une his - coup de lectures. Je pense qu’il faut répéter pour en parler… Je remarque toujours qu’en - tielle du cinéma : pourquoi le scénario écrit, toire. Mais après, il ne faut pas avoir peur énormément parce que le plateau n’est pas tre les premières intentions d’un scénario et dont on pense à un moment qu’il est parfait, d’aller chercher plusieurs valeurs. Moi, j’ai un endroit où on peut se permettre de cher -

“Un scénario, c’est aride, c’est parfois chiant à lire, “Il faut découper, il faut faire des choix, il faut avoir il faut éviter tout ce qui ne sert à rien, tout ce qui est un point de vue quand on raconte une histoire.” de l’ordre du complaisant...” le film fini, il se passe beaucoup de choses. que sa mécanique est parfaite, pourquoi ça tourné beaucoup avec deux caméras sur cher longtemps. Parce que les journées de Mais il ne faut pas négliger le scénario, c’est ne marche jamais lorsque c’est tourné ? On Coluche , parce qu’il y a beaucoup de scènes tournage coûtent cher. Ou alors vous faites vraiment très important. Ne vous engagez se rend compte que la place de telle scène de groupe, il y a beaucoup d’épaule, très un film où vous êtes dans l’idée que tout le jamais dans un film sans être certains que le n’est pas la bonne dans le scénario, alors peu de pied, donc c’est une caméra qui monde cherche : ça peut devenir intéressant scénario est blindé, c’est-à-dire qu’il faut que quand vous le lisez il n’y en a pas bouge, qui va chercher des expressions… mais c’est autre chose, c’est une autre his - répondre à n’importe quelle question à n’im - d’autre possible… Il doit y avoir des contre- toire. Dans l’économie du cinéma classique, porte quel moment et prouver que ce qu’il y exemples, je pense que des films d’Hitch - Vous savez toujours en arrivant sur le plateau une journée de tournage coûte tant, tel soir a dans le scénario sert à quelque chose : dès cock ont dû être faits comme ça, où vous où la caméra va être placée, y compris dans vous devez avoir rendu le décor parce que le qu’il y a du décoratif méfiez-vous. Par retrouvez plan pour plan le scénario tel qu’il des scènes un peu intimistes ? Ou est-ce qu’il lendemain vous êtes ailleurs, que le soir vous exemple – j’ai l’impression d’être un vieux a été écrit… y a quand même des choses qui se déclen - devez vous libérer de tel acteur parce que barbon –, méfiez-vous de tout ce qui est très chent sur place ? le lendemain il doit être au théâtre… Tout flatteur dans les didascalies, les descriptions, On change beaucoup de choses au A. de C. : Oui, je fais semblant… ce jeu de contraintes fait qu’au bout de la tout ce qui revient à la littérature. Un scé - montage ? journée, il faut que votre scène soit bouclée. nario, c’est aride, c’est parfois chiant à lire, A. de C. : On change tout au montage. Enfin, Vous allez casser tous les cours de mise en Donc il faut bien arriver avec une idée il faut éviter tout ce qui ne sert à rien, tout ce on ne change pas tout, on fait le film qu’on scène là… précise de ce qu’on va faire, et pas com - qui est de l’ordre du complaisant, tout ce qui a tourné, mais moi qui suis, là, en plein A. de C. : Non, non. C’est important d’arri - mencer à répéter dans tous les sens, et pas n’est pas grave, pas important mais ça ferait milieu du montage de Coluche , c’est un ver sur place le matin en sachant ce qu’on va chercher les intentions pour l’acteur, et pour - une bonne scène : ça, vous êtes sûr que ça moment complètement enivrant, parce qu’on faire, ou au moins de donner l’impression quoi il est là, et comment s’appelait sa belle- finira dans le bac… a un squelette, on rebâtit, on remet de la aux techniciens qu’on le sait, ce qui est une mère… Et puis il faut du plaisir, il faut chair ici, on remet de la tension là… nuance. Et en même temps, il faut rester s’amuser. Donc il faut être très prêt. Il y a des contre-exemples : on sait que sur ouvert à ce qui va se passer. C’est-à-dire Casablanca , les scénaristes ne savaient pas C’est là où on voit qu’il manque juste le petit qu’entre l’idée que vous vous faites d’une Est-ce que sur certains de vos films, vous avec qui partirait Ingrid Bergman à la fin… morceau de scène qu’on n’a pas tourné ? scène et la scène elle-même une fois qu’elle avez dû faire des compromis par rapport à la

162 163 Antoine de Caunes production ou à des choix de mise en scène, scénario, c’est cher, c’est trop cher de toute je ne connaissais pas Antoine de Caunes… ment avoir, et je ne signe pas un plan de et comment est-ce que vous arrivez malgré façon… Et à partir de là, l’idée c’est de Enfin je le connaissais mais nous n’avions travail si le réalisateur, le chef op’, le chef tout à faire le film que vous vouliez faire ? trouver des solutions : par exemple, quand on pas travaillé ensemble avant, et donc ça fait déco… ne sont pas d’accord avec. Il s’avère A. de C. : Le cinéma est un art du compro - tourne le Gymnase, cela dure cinq jours et on toujours plaisir quand vous êtes appelé par que le chef opérateur, je l’avais présenté à mis. Il y a le film que vous avez en tête, qui filme des extraits de sketches. Mais je ne un réalisateur : il n’a pas vu que moi mais… Antoine parce que je pensais qu’il fonction - en général est toujours trop cher. Ensuite, il peux pas me permettre pendant cinq jours Et puis il s’est avéré que nous avions quelques nerait bien avec lui, et lui je le tenais… y a la confrontation au principe de réalité, d’avoir 500 figurants. Donc j’ai une journée affinités musicales, que nous connaissions sur toute la chaîne de fabrication. Par avec 500, une journée à 300, une autre à les mêmes gens. Sous son côté un peu décon - Pendant très longtemps, le premier assistant exemple, Coluche est un film complexe à 200, une à 100… Après, il y a les contrain - neur, Antoine est un gros bosseur, et il savait était quelqu’un qui voulait passer à la mise faire parce que c’est un film d’époque : ça se tes du théâtre, ça veut dire qu’il faut rendre très bien le matin ce qu’il allait faire… en scène, aujourd’hui de moins en moins. passe en 1980 mais c’est déjà un film la salle le soir à 18 heures parce qu’il y a un A. de C. : C’est un moment très important Et vous ? pour un réalisateur quand il arrive le matin P. S. : C’est vrai qu’il y a des gens qui se sont et qu’il y a 25 personnes qui lui demandent : aperçus que c’est un vrai métier. Moi je suis « Tu la mets où ta caméra ? Qu’est-ce qu’on premier assistant, c’est mon métier, et je fait ? » pense avoir plus de compétence pour orga - P. S. : Le premier assistant a une position un niser la manière de raconter une histoire que peu bâtarde : bien sûr c’est l’assistant du de le faire moi-même. Il n’y a pas 36 solu - réalisateur, il est au service de ses envies de tions : vous êtes premier assistant, vous changer au dernier moment, de rajouter 25 devenez réalisateur, ou producteur, ou scé -

“On peut parler très librement avec Antoine de Caunes, lui dire : « Ça c’est bien, ça t’es sûr ?, Tu as assez de prises ? », etc.”

Tournage de figurants alors qu’on sait qu’au bureau d’en nariste, ou bien vous restez premier assis - Coluche, l’histoire d’un mec , au face ils n’ont pas la thune, et puis après gérer tant. Et de plus en plus d’assistants le vivent Théâtre du Gymnase à Paris. ça avec le directeur de production, etc. Il se très bien. C’est assez spécifique à la France trouve que sur Coluche , j’ai eu la chance de de se dire que le premier assistant est quel - rencontrer un directeur de production avec qu’un qui va devenir réalisateur. En Angle - d’époque. C’est-à-dire que dès que vous spectacle : donc il faut démonter les lumiè - qui je rêvais de travailler depuis longtemps, terre, où j’ai un peu travaillé comme sortez dans la rue, il faut changer toutes les res, la machinerie… Ce ne sont que des Pascal Bonnet. Ce qui est très intéressant, co-premier assistant, il m’est arrivé d’avoir voitures, changer la signalétique, les fringues contraintes. Et vous, quand vous êtes à la c’est qu’Antoine est quelqu’un qui aime bien un second assistant qui avait dix ans de plus des passants… Donc ça coûte cher. C’est mise en scène et que vous avez l’idée de être confronté, donc on peut parler très libre - que moi. beaucoup de figuration : c’est Coluche, donc votre film au départ, le jeu c’est d’arriver au ment avec Antoine de Caunes, lui dire : « Ça quelqu’un qui est tous les soirs au Gymnase final à retrouver sur l’écran le film que vous c’est bien, ça t’es sûr ?, Tu as assez de Qu’attendez-vous du premier assistant ? et pas au Point-Virgule, donc avec un théâtre aviez en tête en étant passé à travers ces prises ? », etc. Ça nous permet de réagir, de A. de C. : Beaucoup de choses. Beaucoup de plein à craquer avec 500 figurants… Ça c’est contraintes. Mais je ne connais pas de film réaménager les choses dans la journée. Il y déférence. C’est un double, le premier assis - le coût a minima du film. C’est-à-dire que si qui se tourne comme ça à budget ouvert, a moins ce côté obséquieux : « Monsieur le tant. J’ai mis du temps à comprendre cela. vous voulez parler de quelqu’un qui a cette amuse-toi, à part Astérix aux Jeux Olym - réalisateur, pensez-vous que… » Ça va beau - Sur le premier film, j’avais une assistante ampleur-là, ça demande déjà des moyens, piques … coup plus vite, c’est plus agréable. avec qui je ne m’entendais pas très bien… En avant même que vous ayez pensé à la mise fait, le premier assistant, c’est quelqu’un qui en scène et à la manière dont vous allez le Comment travaillez-vous avec votre premier Avez-vous eu des problèmes de plan de doit tout savoir dans le moindre détail afin de tourner, à ce que ça va coûter en machine - assistant, Pascal Salafa, qui est là ce soir ? travail sur Coluche ? pouvoir se mettre à votre place, imaginer le rie, en grues, en steadycam… Déjà le coût du A. de C. : C’est Pascal qui va répondre… P. S. : Non, non. Comme dit Antoine, je suis même film que vous au même moment. film, pour voir à l’image ce qu’il y a dans le Pascal Salafa : J’étais très content parce que un peu un vieux de la vieille, je me fais rare - Donc il faut l’inonder d’informations, ne

164 165 Antoine de Caunes surtout pas faire de rétention, se dire : « Je jusqu’au clap, jusqu’à la dernière seconde me garde mon petit jardin secret parce que avant le moteur. C’est-à-dire que s’il veut c’est mon film à moi… » Tout, tout, tout. que les trois bagnoles du fond, en fait il y en Même trop. ait six, et que les mecs au lieu d’avoir une chemise mauve ou rouge, ils soient en blanc, Y compris ses doutes ? il nous reste à nous quatre secondes pour A. de C. : Évidemment. On vit en couple que ce soit ça, parce que c’est ça qu’il veut pendant de longues semaines de prépara - à l’image. tion, etc. P. S. : C’est même un ménage à trois avec la Sur le montage, beaucoup de réalisateurs scripte… veulent voir les montages au jour le jour, et chaque soir ou tous les deux soirs, ils montent On voit bien que, même le tournage terminé, les premières scènes. Est-ce votre cas ? vous avez du mal à vous séparer comme ça, A. de C. : Non, moi je ne fais pas ça. J’ai fait d’un coup… les trois premiers films avec la même mon - A. de C. : Oui, et puis surtout nous allons teuse, Joëlle Van Effenterre. Et puis au bout retravailler ensemble. J’ai mis beaucoup de de trois films, nous avions une relation trop temps avant de trouver Pascal. C’est une intime, nous nous connaissions trop, j’avais alchimie assez complexe. C’est un métier où besoin d’être bousculé, d’autant que la il faut avoir des nerfs d’acier, où il faut être manière dont Coluche a été tourné n’a rien très calme, où il faut être doux et énergique à voir avec Monsieur N. J’ai cherché, j’ai avec les gens parce qu’un plateau ça se tient. rencontré des monteurs et je suis tombé sur Il faut être capable de répondre à toutes les un jeune type, Christophe Pinel, qui a tra - questions qui se posent à chaque seconde, vaillé avec Albert Dupontel et avec qui je être calme et serein… m’entends à merveille. J’ai besoin que le monteur me donne l’écho, parce qu’on est Après il y a des tempéraments qui sont plus très très seul une fois que le tournage est à même de le faire que d’autres. On a démarré, parce que chacun a son boulot. quelques exemples dans l’Histoire du cinéma On est très occupé, les journées sont longues, de gens qui ne correspondent pas vraiment ça s’enchaîne vite, vous vous rendez vite à ce profil-là et qui ont quand même fait de compte qu’une fois que c’est parti c’est une beaux films, mais qui en ont bavé sur les espèce de roller coaster infernal, et donc la tournages… seule personne – il pourrait y avoir aussi les P. S. : J’ai un collègue à moi qui a été assis - producteurs mais ils trouvent toujours que tant de Pialat et qui me disait que c’était en les rushes sont formidables – qui a un point effet très compliqué… Je suis ravi d’appren - de vue un peu distant et objectif sur ce qui se dre que je vais faire le prochain Antoine de passe, c’est le monteur. Il a lu le scénario, Caunes, mais j’ai rarement travaillé deux fois vous avez parlé avec lui de comment vous avec le même cinéaste, à part Florent Siri allez tourner ça, des premières intentions de qui est un ami de longue date, qui m’avait rythme, de montage, donc il sait. Ce qui est proposé ses films et qui était venu me voir à important pour moi, c’est qu’il voie les rushes sa sortie de l’ESRA pour devenir mon assis - tous les soirs. Il ne monte pas. Il observe, il tant… J’ai très vite compris que lui, il avait dérushe, il met de l’ordre, il fait un premier autre chose à faire que d’être assistant… Mais assemblage, et nous commençons à monter ce qui est intéressant, c’est de rencontrer les une fois que j’ai fini de tourner. gens, de voir comment les choses arrivent. Ce que j’adore dans ce métier, c’est que lui c’est Et pendant le tournage, le combo, c’est un le taulier, et il a le droit de changer d’avis mal nécessaire ? Coluche, l’histoire d’un mec (2008) avec François-Xavier Demaison et Léa Drucker. Ci-dessus, maquillage et tournage. 166 167 Antoine de Caunes A. de C. : C’est très très bien, le combo, mais il ne faut pas y être scotché. coûte beaucoup d’argent. Il faut montrer ce que l’on sait faire sans qu’à Le combo, c’est un outil qui vous permet de visualiser le plan, de voir chaque fois ça engage un coût économique disproportionné, parce le mouvement de la caméra… qu’on ne vous le pardonne pas. Parce que si vous faites un premier film à 3 millions d’euros et qu’il se plante, vous n’en ferez pas un deuxième. Quand ça tourne, où êtes-vous? Alors que si vous faites un premier film qui ne coûte pas cher, qui a des A. de C. : Ça dépend. Je peux être aussi bien au combo qu’à côté de qualités mais des choses qui doivent se confirmer dans le second, vous la caméra. Je n’ai pas de problème avec les acteurs, je n’ai pourrez… pas d’angoisse particulière avec eux et j’aime bien être P. S. : Le problème du financement des premiers films, c’est que ces “Ce que j’aime avec avec eux, au contact, donc souvent près de la caméra. films se font à un certain prix et qu’on sait tous que dans les lignes bud - le combo, c’est que Mais en même temps le combo, c’est aussi quand vous gétaires d’un devis de cinéma, un des postes les plus importants est la vous pouvez vous avez un travelling, un steadycam : bien sûr on peut toujours masse salariale. On a de la chance d’être dans un pays où on a des enfermer.” relire le plan après mais il y a quelque chose qui se passe charges parce qu’il y a des protections sociales intéressantes, mais c’est au moment où le plan se fait… Ce que j’aime avec le vrai qu’on demande systématiquement à cette masse salariale de faire combo, c’est que vous pouvez vous enfermer. Vous mettez des efforts qui sont parfois difficiles… Je parle aussi bien des techni - votre casque et vous avez une relation à ce qui est en train de se faire ciens que des comédiens. qui est très intense. Comment est né votre désir de cinéma ? Il date d’il y a longtemps ? Il y a 230 films par an qui sont tournés en France… A. de C. : J’ai toujours aimé le cinéma, j’ai toujours vu beaucoup de A. de C. : C’est trop. C’est trop dans la réalité des faits car le marché films. Je me souviens des premiers films que je voyais quand j’étais ne peut pas absorber ça. Moi qui vois beaucoup de films – je fais partie môme, c’était des westerns, les John Ford… J’ai un film de l’Académie des César donc je reçois tous les ans la boîte magique dans de chevet qui est La Prisonnière du désert que j’ai dû voir laquelle figurent 80-90 films en DVD, c’est-à-dire moins de la moitié de 250 fois dans ma vie et que je reverrai je pense 250 fois la production –, je me rends compte qu’il y en a beaucoup trop. Il y a si Dieu me prête vie. Les westerns, les péplums, les films environ 12 ou 15 films qui sortent par semaine, et il y en a 2 qui vivent ! d’aventure… Et je me souviens que très tôt – après, j’ai eu une boulimie de cinéma quand j’avais 17-18 ans où Il faut noter que par rapport au nombre de films qui se font, un tiers je m’en farcissais à la Cinémathèque, à l’époque à sont des premiers films. Mais ce qui est intéressant, c’est d’étudier le Chaillot, deux ou trois par jour –, j’adorais l’idée de pourcentage de deuxièmes films par rapport à cela : il y a 60 % de gens raconter des histoires avec des images – c’est quand La Prisonnière du désert , qui ne feront qu’un film ! même l’idée de base du cinéma – et je me disais peut-être un jour… de John Ford (1956). A. de C. : C’est ce qu’on appelle l’exception française, c’est formida - Mais je ne voyais pas du tout comment en arriver là car je n’étais pas du ble d’avoir aussi facilement accès au cinéma. Et je pense que pour votre tout dans ce monde-là, dans ces filières-là. Et puis c’est une envie qui génération à vous, par rapport à la mienne où nous étions encore dans est restée très présente, j’ai réalisé, quand l’occasion s’est présentée, des modes de fabrication classique avec du 16mm ou du des courts métrages et des pubs. C’est un très bon exercice la pub : 35, aujourd’hui vous pouvez fabriquer des films pour rien, raconter un truc en 30 secondes avec les contraintes de tous les pubards “Il faut tourner, avec des petites caméras. Et je ne peux pas vous encoura - derrière qui vous font… Et puis petit à petit, ça s’est mis en place. Et tourner, tourner ger davantage que d’utiliser ces outils-là. Il faut tourner, quand j’ai quitté ma vie précédente de télévision et que j’ai décidé de quand on veut faire tourner, tourner quand on veut faire du cinéma. Quel que travailler comme comédien, là évidemment la porte était ouverte, et ça du cinéma. Quel que soit l’outil. Vous découperez de la même manière avec été la rencontre avec un producteur, Patrick Godeau, qui avait les droits soit l’outil.” une petite caméra DV qu’avec une caméra 35. Simple - des Morsures… et qui m’a passé le bouquin parce qu’il pensait que cet ment, avec la DV, ça ne vous coûte rien et vous vous univers-là m’inspirerait peut-être quelque chose. C’est parti comme ça. rendez compte tout de suite des erreurs, des trucs à ne pas faire, vous dirigez des acteurs, vous pouvez monter vos films sur Final Quels sont les réalisateurs qui vous influencent le plus aujourd’hui ? Cut, après vous les diffusez, vous balancez ça même sur le net… La A. de C. : Je parlais tout à l’heure de John Ford, parce que j’adore les chaîne aujourd’hui est complètement bouleversée. réalisateurs qui arrivent à cette simplicité. C’est quelque chose après quoi je cours moi-même – non pas que je me compare à ces gens-là ! En même temps, c’est un peu contradictoire de dire « il y en a trop » et – mais la simplicité, arriver à l’épure, c’est un idéal. J’adore certains dire « il faut que tout le monde y aille »… films d’Eastwood par exemple, la période Pale Rider , Impitoyable , ou le A. de C. : Le problème, ce n’est pas qu’il y en ait trop, c’est que ça Cronenberg de A History of Violence , où chaque plan a non seulement

168 169 Antoine de Caunes une raison d’être mais, en plus, c’est ce plan-là et rien d’autre que vous pas du tout l’intention de faire une carrière à la télévision. C’était un auriez pu imaginer à la place. Il y a une telle fluidité dans la narration, moment particulier, un moment de grâce. Ce sont tous des copains, et une telle épure, je suis très admiratif de ça. Mais je suis admiratif aussi je sais que personne n’avait en tête de faire de vieux os là-dedans. Ça de gens, dans la comédie, comme Blake Edwards, ou les maîtres du a été une opportunité, et comme le cinéma recherchait des forces vives, genre, les Preston Sturges, les Lubitsch, les Capra et compagnie. J’aime ça a été un bon moment. énormément Billy Wilder, j’ai une passion pour Paul Thomas Ander - son car je suis littéralement baba devant son cinéma : je ne comprends Comment avez-vous réussi, en passant au cinéma, à vous détacher de pas comment il fait, je ne comprends pas mentalement comment il cons - l’image très marquée qui était celle de votre passage à Canal + ? On a truit ses films. dû vous dire : « Continue à faire des conneries… », alors que vous vous êtes dirigé vers un autre genre de films. Vous n’avez jamais eu la tentation Désaccord parfait , c’est un hommage à cette comédie amé - de faire La Vie de Raoul Bitembois ? ricaine ? A. de C. : Bien sûr qu’on a eu ce type de proposition. Et autant pour José A. de C. : Ça le tente maladroitement, mais oui. Sinon, qui que pour moi, c’était évidemment l’erreur à ne pas faire. je peux vous dire d’autre ? Évidemment les cinéastes des D’abord, je dis ça sans fausse coquetterie, j’aurais vraiment eu années 70, les Coppola, Scorsese… l’impression de capitaliser sur quelque chose de la télé et de “Mes intentions me servir du cinéma pour faire rentrer des brozoufs. Et ce étaient pures, elles Il n’y a aucun Français là-dedans… n’était pas du tout mon intention. Mes intentions étaient pures, le sont toujours : je Jean Rochefort et A. de C. Charlotte Rampling dans : Il y a peu de Français, je ne suis pas fanatique du cinéma elles le sont toujours : je voulais vraiment être acteur, jouer, voulais vraiment Désaccord parfait français. J’aime des gens comme Jacques Audiard. Sinon, j’ai adoré la j’ai donc toujours pris a contrario – à part Les Deux Papas… (2006). être acteur, jouer.” comédie italienne. Comme je vous le disais tout à l’heure, je bouffe à qu’on oubliera – des rôles de personnages contemporains, tous les râteliers, je n’ai pas d’œillères dans le cinéma. presque ordinaires, dans lesquels j’avais tout à essayer de prouver. Et pareil pour la réalisation. Vous étiez quand même dans un très bon Chabrol, Au cœur du mensonge, en 1999 … Travailler à nouveau avec José Garcia, c’est quelque chose qui vous A. de C. : Oui. Un peu ennuyeux quand même, non ? Non, attirerait ? vous l’avez aimé ? On s’est bien amusés à le faire. Quand A. de C. : Nous avons un projet. Laurent Chalumeau, encore lui, a écrit je dis que je ne suis pas très client du cinéma français, il y un livre, Les Arnaqueurs aussi , sur un duo de truands, deux crétins qui a des exceptions. J’adore Audiard je l’ai dit, j’aime beau - se font arnaquer à leur tour, qu’il a écrit en pensant à nous. C’est un coup Schoendoerffer père et fils, Tonie Marshall, Jean Eus - projet qui, s’il aboutit, sera tourné l’année prochaine. Aujourd’hui, tache, certains Truffaut. Mais les gens qui m’ont vraiment quinze ans après Canal, il peut se faire. Antoine de Caunes, comédien, dans Au donné envie de faire du cinéma, ça remonte à l’époque du film noir, à cœur du mensonge , de des gens comme Scorsese, ou aujourd’hui Paul Thomas Anderson, Sean D’autant qu’entre-temps il a fait La Boîte noire , Sa Claude Chabrol (1999). Penn, les frères Farrelly. Majesté Minor ou Le Couperet , qui montrent que son éventail est très large et que vous n’êtes pas obligé de Le fait d’être une personnalité connue de la télévision est-il un plus ? C’est rester dans le comique. une question avec arrière-pensée, parce qu’il me semble que tous les gens A. de C. : Je pense que dans ces moments-là, je ne vais qui ont explosé sur Canal + à la bonne époque sont passés au cinéma pas vous apprendre la vie, quand on veut consommer assez facilement. une rupture, il faut y aller vraiment radicalement. Il ne A. de C. : Oui, mais c’est à double tranchant. C’est une industrie. Si faut pas rester entre-deux, à essayer de profiter du statut À droite, José Garcia, ici vous ne récupérez pas l’argent qui a été dépensé ou si vous en perdez, précédent… Ce n’est pas la voie la plus facile mais c’est la meilleure, très avec Thierry Hancisse dans Le Couperet , de eh bien votre nom, vous pouvez vous asseoir dessus. Ce qui est intéressant sincèrement. Costa-Gavras (2005). par rapport à cette histoire, c’est que, oui, tous les gens qui sont sortis de Canal et se sont mis à faire du cinéma – je pense à Alain Chabat, à Quel est le personnage que vous avez préféré interpréter, à la télé et au Jackie Berroyer, à José Garcia, à Gustave Kervern et Benoît Delépine, à cinéma ? Chantal Lauby… –, ça a été le même mouvement que ce qui s’est passé A. de C. : À la télé, j’ai un petit faible pour Didier l’Embrouille : j’aime avec le café-théâtre dans les années 80 avec le Splendid ou le music-hall bien les gens qui n’ont pas les moyens de leur violence, ça me plaît après-guerre : Canal a été un vivier. La raison en est très simple : la beaucoup. Et au cinéma, j’ai un rôle qui a été un déclencheur pour plupart des gens qui sont passés par Canal à ce moment-là n’avaient moi, celui de L’Homme est une femme comme les autres , parce que

170 171 Antoine de Caunes autant dans les films précédents on me deman - dait de jouer des personnages du monde contemporain pas très complexes psychologi - quement, autant là on me demandait d’être un Juif homosexuel spécialiste de klezmer : c’est loin de moi. En tout cas sur le papier… je me suis découvert… j’aime beaucoup la clarinette… Non, c’était passionnant, et ça change beau - Antoine de Caunes face coup de choses quand vous travaillez avec un metteur en scène qui a à dans L’homme est une un effet-miroir, parce que Jean-Jacques Zilbermann était très proche de femme comme les ce personnage : ça m’est arrivé sur deux ou trois films, et du coup j’ai autres , de Jean-Jacques Zilbermann (1998). un souvenir tendre pour ce film…

Entre la comédie et la mise en scène, qu’est-ce qui vous plaît le plus ? A. de C. : J’adore les deux. J’adore, dans la mesure du possible, alterner, faire comédien et ensuite mettre en scène. Là, ça se passe bien par exemple : je vais tourner un film comme acteur, la suite de L’Homme est une femme comme les autres, avant d’entamer le projet suivant, mais je trouve ça très important. Lorsqu’on est acteur, le plaisir de jouer est quelque chose qu’on ressent plus fort quand on revient à la mise en scène après. Et récipro - quement : quand on a été à la mise en scène, sur le plateau, et qu’on sait à quel point c’est fragile, une scène réussie ou pas. Tant que je peux, j’aime passer de l’un à l’autre. I Filmographie Antoine de Caunes est né le 1 er décembre 1953 à Paris.

2001 LES MORSURES DE L’AUBE. Avec Guillaume Canet, Asia Argento, Gérard lanvin, José Garcia, Vincent Perez. 2002 MONSIEUR N. Avec Philippe Torreton, Richard E. Grant, Elsa Zylberstein, Roschdy Zem, Bruno Putzulu. 2006 DESACCORD PARFAIT . Avec Jean Roche - fort, Charlotte Rampling, Isabelle Nanty, Ian Richardson, Yves Jacques. 2008 COLUCHE, L’HISTOIRE D’UN MEC. Avec François-Xavier Demaison, Léa Drucker, Olivier Gourmet, Denis Podalydès, Serge Riaboukine. 2012 YANN PIAT, CHRONIQUE D’UN ASSASSINAT (TV). Avec , Jonathan Zaccaï, André Wilms, Jean Benguigui, Gérard Meylan. I

Le téléfilm Yann Piat, chronique d’un assassinat (2011) avec Karin Viard, Jonathan Zaccaï, Jean Benguigui et André Wilms.

172 173 Antoine de Caunes

Antoine de Caunes à l’ESRA avec Yves Alion, et avec la participation de Pascal Salafa, premier assistant.

174 175