INTERIEUR Costa-Gavras 24 Pages
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Débat animé par Yves Alion après antoine la projection du film Monsieur N., à l’École Supérieure de Réalisation Audiovisuelle de Paris le 13 mars 2008. de caunes Avec la participation de Pascal Salafa, premier assistant Antoine de Caunes restera à jamais l’un des animateurs phares de la télévision des années 90, quand l’arrivée de Canal + a modifié en profondeur les habitudes de consommation des téléspectateurs. Pétillant, provocateur, à la fois cultivé et prêt à toutes les facéties les plus potaches, notre homme est clairement de ceux qui attirent la lumière. Il n’est pas étonnant que le cinéma lui ait tendu les bras et que les metteurs en scène aient eu envie de l’utiliser dans des rôles au demeurant beaucoup plus variés que l’on aurait pu croire au prime abord. Mais Antoine de Caunes n’avait pas débarqué par hasard dans les films des autres, il avait le désir de mettre lui-même en scène. Ce qu’il a fait à plusieurs reprises, au cinéma et accessoirement pour le petit écran. Bien malin qui pourrait mettre en évidence une ligne directrice, tant notre homme s’est plu à visiter tous les genres, comme s’il avait eu peur de se lasser. De la comédie au film historique, du fantastique au biopic, il aura en tout cas parcouru du terrain… Un film s’élève pourtant nettement au-dessus des autres, Monsieur N. , qui raconte l’exil de Napoléon à Sainte-Hélène et s’interroge sur le mystère d’un homme qui avait l’Europe à ses pieds avant de se retrouver prisonnier d’un bout de terre ingrate battue par les vents. Quelles que soient les qualités de ses autres films, plus à la mode, moins intrigants, Monsieur N. suffit à montrer que de Caunes n’est pas qu’un simple amuseur. Le cinéaste est un peu en berne depuis que le présentateur a repris du service. Mais on ne désespère pas de le voir revenir au cinéma… I Monsieur N. Antoine de Caunes météo très tourmentée, beaucoup de tempê - tes, des ciels très torturés, ce que vous avez à l’image. Par contraste, l’idée c’était, à l’inté - rieur de la maison de Longwood, de retrouver la lumière de l’époque, c’est-à-dire de gommer tout ce qui était lumière artificielle, lumière à effets, pour donner l’impression d’être vrai - ment dans cette lumière, c’est-à-dire cette absence de lumière dans la maison. Il y a très peu de lumière même quand c’est le jour, donc beaucoup de pénombre, de contre-jours, de silhouettes… Je crois que Pierre a fait un travail Entretien magnifique là-dessus. Une scène d’extérieurs Avez-vous tenté de retranscrire avec exactitude les événements du passé et une en intérieur. Aviez-vous le même directeur photo sur Monsieur N. que sur Les Mor - et de la vie de Napoléon, et jusqu’où êtes-vous allé pour romancer le sures de l’aube ? tout ? Antoine de Caunes : Oui. J’ai gardé le même directeur photo, Pierre A. de C. : Il faut que je me remette un peu dans le jus, car actuellement Aïm, sur mes trois premiers films. C’est un très très grand chef opérateur, je suis en train de monter Coluche , si je puis dire… À l’époque, j’étais qui a commencé à travailler avec Mathieu Kassovitz sur La en train de travailler sur un Arsène Lupin , avec un scénariste, Éric Haine , et qui a fait une myriade de films entre-temps, dans Besnard. Je rêvais de faire Lupin au cinéma, particulièrement un épisode des genres très différents – c’est lui qui a signé la lumière de qui a pour titre L’Aiguille creuse , et nous avions construit un scénario avec Bienvenue chez les Ch’tis, pour vous dire l’étendue de ses une histoire qui en cache une autre, un personnage qui en cache un talents ! J’ai changé de directeur photo sur le dernier film, autre… C’était très compliqué à monter parce que c’était un film d’é - comme j’ai changé d’ailleurs toute l’équipe parce que j’avais poque, un film cher… pris l’habitude sur les trois premiers de garder tout le monde, … Jean-Paul Salomé en a fait un depuis… Pierre Aïm, directeur de et j’aimais beaucoup ça parce qu’il y avait un esprit de la photographie sur tribu qui se développait de film en film. Et en même temps, le danger c’est A. de C. : C’était avant Salomé. Je ne me suis pas très bien entendu Monsieur N. de finir par travailler dans le confort, avec des gens qui ne vous remet - avec le studio qui devait produire et qui voulait faire un film à effets avec tent pas en question et avec qui ça devient plus difficile d’inventer... des courses-poursuites, des types qui montent sur les toits des trains, ce Sur le quatrième film, j’ai donc pris Thomas Hardmeier, qui avait fait la qui ne m’intéressait absolument pas. Donc j’avais lâché l’affaire après lumière de La Boîte noire et de Chrysalis. C’est un Suisse-Allemand, avoir travaillé sur le projet des mois et des mois… Les producteurs de comme son nom l’indique. Nous avons travaillé sur une lumière très Monsieur N. m’ont contacté à ce moment-là, avec un scénario de René différente des autres films. L’intérêt pour moi étant à chaque fois d’aller Manzor, qui au moment où je suis arrivé sur le projet faisait 200-220 explorer un autre territoire. Déjà, entre Les Morsures de l’aube et Mon - pages, un pavé monstrueux qui démarrait à la fin de la bataille de sieur N. , ce n’était pas du tout la même approche de la lumière : d’un Waterloo. C’était un film très complexe, très cher, mais qui avait le côté le Paris contemporain de 2000, le Paris de la nuit, un Paris très fic - même point de vue, la même approche que ce que je voulais faire, tionnel, pas du tout réaliste. Qui correspond à l’univers du moi, avec Arsène Lupin : à savoir raconter une histoire qui en cache René Manzor, scénariste personnage principal. Tout est vu de son point de vue à lui, une autre, et un jeu de masques… Et donc j’ai sauté sur cette opportu - de Monsieur N. “L’idée c’était, assez déphasé, déconnecté. À l’inverse, sur Monsieur N. , nité, travailler avec Manzor… Et après quelques mois est arrivé le scé - de retrouver la l’idée était de retrouver la lumière qu’a dû avoir Napoléon nario que nous avons finalement tourné, qui était une version quand il était à Sainte-Hélène, une lumière très particulière, plus simple, en tous les cas économiquement plus raison - lumière de “Raconter l’époque.” très irradiante parce qu’on est vraiment tout au sud. Nous nable. Le travail qui a été fait à cette étape-là du film était vrai - avons tourné à la pointe de l’Afrique du Sud, sur le même ment en profondeur. On ne peut pas aborder une histoire une histoire qui méridien que Sainte-Hélène. On m’a expliqué que c’est comme celle-là en arrivant les mains vides, sans avoir une en cache une autre, parce qu’aujourd’hui il y a un trou dans la couche d’ozone vraie connaissance de l’histoire, de l’environnement, de la et un jeu de et que des radiations passent, qui ne passent pas ailleurs, ce qui n’était psychologie de Napoléon, de ce qu’il avait en tête… Parce masques…” pas le cas à l’époque de Napoléon bien sûr. À cela il faut ajouter une que l’histoire de Monsieur N. part d’une histoire vraie : celle 144 145 Antoine de Caunes de ce fameux Cipriani qui était son maître d’hôtel mais qui était aussi un espion, un armateur, et dont on pense qu’il était son frère naturel, un bâtard de la famille du père de Napoléon, que la mère Lae - titia aurait élevé comme c’était la coutume en Corse, et donc qui est, du début à la fin, dans la trajectoire de Napoléon, qui le suit à Sainte-Hélène, et qui meurt dans des circons - tances mystérieuses… Tout cela est absolument authentique, il était en pleine forme et du jour au lendemain, il meurt, sans doute empoisonné, il est enterré à Sainte-Hélène. Napo - léon meurt à son tour, quelques années plus tard, et quand les Français obtiennent des Anglais l’autorisation de rapa - trier le corps de Napoléon, ils décident d’emporter les corps Philippe Torreton des deux Français morts à Sainte-Hélène. Et quand ils ouvrent (Napoléon) et Bruno la tombe de Cipriani, elle est vide… Ce fait historique réel a suscité Putzulu (Cipriani). quantité d’interprétations, parce qu’il y a eu plus de 300 000 livres écrits sur Napoléon depuis qu’il est mort, ce qui est juste colossal ! Je ne sais pas si vous mesurez ce que c’est… À ce niveau, il n’y a guère que le Christ qui lui fasse concurrence… D’autant qu’on a beaucoup parlé aussi de l’empoisonnement de Napo - léon… A. de C. : Oui, mais c’est une hypothèse qui a été battue en brèche depuis. La réalité, c’est qu’on ne sait pas ce qu’est devenu Cipriani, et à partir de là on peut imaginer ce qu’on veut. Nous sommes partis de cette idée-là et d’une phrase de Napoléon que j’adore, et qui est à mon avis une très belle définition du cinéma aussi : « L’histoire est un men - songe que personne ne conteste.