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L'ANALOGUE D'ALDO ROSSI

Bernard Olivier School ofArchitecture, McGi11 University, Montréal

.If thais subminedto the FacuJty ofGraduate Studies andReseœ'ch in partialfulfilment ofthe requirements ofthe degr. ofMoster ofArchitecture

C Bernard Olivier, 800t 1996. National Ubrary Bibliothèque nationale 1+1 of Canada du Canada Acquisitions and Acquisitions et Bibliographie Services services bibliographiques 395 Wellington Street 395. rue Wellington Ottawa ON K1 A 0N4 Ottawa ON K1 A 0N4 C8nada canada

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0-612-29851-5

Canadrl li TABLE DES MATIÈRES

PAGEnTRE TABLE DES MATIÈRES i RÉsUMÉ - ABSTRACT ü REMERCIEMENTS üi LISTE DES ILLUSTRATIONS iv

INTRODUCTION 1 l'aaIoIie - téIuIœ CHAPITRE 1 UN RAnONALISME EXALTÉ 8 la plllioade Roaen -l'exaitatioD cie Boullée CHAPITRE 2 LES AMBIGuITÉS DU TYPE 28 le type empirique - le type icWal- la th60rie des penner-ces CHAPITRE 3 UN TYPE ANALOGUE 38 ADalogie et an:Wtype -la compuIIivi~et la questiOD duprogramme - la CIbiDe -lacWposiÛOD - QJkIiiapbie et lbeeDce CHAPITRE 4 LA VILLE ANALOGUE, LA TECHNIQUE ET L'IDENTITÉ 62 la ville -ope -ltideDtitlS et latedIIIiq8 CONCLUSION 71

ANNEXE BIOORAPIDE D'ALDO ROSSI 74

smLIOGRAPHIE 75

• iii .' RÉSUMÉ

Ce mémoire pœsente différents aspects de la perIS&Se de l'architecte Aldo Rossi en rapport avec l'aualogie. L'idée de type, au centre des théories de l'~rchiteetllre de la ville, est réinterprétée ici à la lumière des idées sur l'analogie exposées daDs l'Autobiographie scientifique. Les iDfluenees d'Étienne-Louis Boullée et d'Ernesto Rogers sur Rossi sont discutées. Le type architectural de Rossi est i8pP1ochi de l'archétype JUDgi~ dont les aspects numineux et compulsif permettent de rauacher le type à l'idée d'architecture en tant qu'iDstrumcnt et appareil. Le thème rossieD de la cabine et de la mer, aiDsi que celui de la cWposition sont analysés afin d'illustrer les concepts précédents. La cWposition amène une discussion de certaines ambivalences de Rossi à l'qard des possibilités de l'architecture contemporaine. L'aspect moral et politique de ces théories sur l'analogie est fiDalemeot abordé dans la discussion de la vUle analogue et de la technique.

ABSTRACT

This paper presents different aspects ofarchitect Aldo Rossi's tbought re1ated to !""!-om:. The idea oftype which is cen1ral to 17Ie kchilecture ofthe City, is reintelpreted S. bere in relation with Rossi's ideas about analogy which are proposed in A Scientiflc r:- ". C. Autobiography. The influence of Éûenne-Louis Boullée and Ernesto Rogers are '-;:.: À-

discussecl. Rossi's architectural type is relatecl to Carl Jung's archetype whose numinous j IDd compulsive aspects relate type to Rossi's icleas about architecture as iDstrument or ;_ apparatus. The tbeme ofthe cabine and the ses. and tbat ofdeposition are 8D8lyzed in ,1 order to illustrate the ideas above. The deposition introduces a discussion of Rossi's ambivalence about the mie oftype and the possibilities ofarchitecture today. FiDaIIy, the r. moral and plUtical aspects of tbese tbeories about analogy is presented in relation to '~,: • Rossi's ideas ofthe anaIogous city and oftechnique. iv • REMERCIEMENTS

La préparation de ce mémoiJe a représenté pour moi une entreprise d'une envergure ïœdite. Ccci explique les fiublesses doDt fait preuve le résultat final. Si ce texte comporte néaDmoiDs certaiDes qualités, j'en suis redevable à ceux qui m'ont aicW dans cette entreprise. Mes coU~ des RmiDaires ont inspiré l'enthousiasme qui m'. soutenu durant le IODg travail solitaire qui • suivi. Les suggestions de Marco Frucarï, au début de ma recherche, m'ont amcn6 à explorer des parallèles qui se sont avérés

importants dans la red6finition ete mon sujet. Les commentaires cie Ricardo Castro S1U' mon premier brouillon m'ont rassuré et aid6 à achever le remaniement qui a suivi les critiques précises, nombreuses et coDS1rUctives d'Alberto Pérez-G6mez, directeur du programme de mal'bise. Celui-ci, tout au IonS de ces quatres dernières années, a ravivi mon intéltt pour la réflexion sur l'architecture, grke autant à la force de ses convictions qu'à l'étendue de son maditiOD.

Je dois enfin remercier Maja. Durant cette p6riode, eUe était mon amie ct eUe est devenue ma femme, puis la mère de ma fille. Sans son support et sa patience, tout ceci n'aurait pas porté mut.

• y • LISTE DES ILLUSTRATIONS

Page titre Aldo Rossi, Sons titre, 1977, techniques mixtes. (tiœ de.4ldo Roat: 1JrawIIIp tIIIdPtIbrIiItp. p. 113)

Figure 1 C'fNJalogy in 2.5M-8hilre /PO» p. 7 (1ft de Ekctroftic News, 25 man 1996. p. 6)

Figure 2 studio BBPR mocbitectes (Lodovico B. Belgiojoso, EDrico p. Il Peressutti, Ernesto N. Rogers), Vue de la Toue Velasca, , 1956-1957. (m.! de NW! 11ll11tm hchileeture. p. 156)

Figure 3 Aldo Rossi, Architects strldyïng Boullée, 1989, graphite sur p. 21 papier. (tir6 de Aldo Roat: 1JrawIIIpllIIdPtIbrIiItp. p. 140)

Figure 4 Etienne-Louis BouD6e, J'ue intérieure du cénotaphe de p. 23 Newton, Encre et lavis. (tiJé de BmllUe & ~bcIIitectlft, p. 71)

Figure 5 G. NiemaDJ1, Recon.rtnlction du plan du ptÛtli8 de Dioclétien, p. 30 Split, C1'OtItïe. (tiœ de The hc~t:IIft 0/'.city, p. 179)

Figure 6 Vue de la statue de San Carlo Borromeo, Arona.. p. 47 (tUé de Aldo Roui: Draw. tIIId p....p. 91) Figure 7 Pierre Paul Rubens, La descente de la croix, vers 1613, buile p.S8 sur panneau (tUé de JlJIbmr, plaDdle DO. 4)

Figure 8 Antonio Canaletto, RüJlto con il ponte secondo il progetlO di p. 65 PaJlodio e con a/tri ediftcipal/Qditmi, huile sur tone.

(tUé de Le Venale poaIblll: Da PII1ltJdlo (1 lA Owbu.rler, p. 76)

Figure 9 Aldo Rossi, lA città ana/oga, 1977. p. 67 (tir6 de .4ldo Rouihc1IJIeCl, p. 99) • 1 • INTRODUCTION

Aldo Rossi apparait souvent comme un cas singulier dans le contexte de l'architecture contemporaine, semblant ignorer l'évolution des modes m:bitecturales et répondre à ses propres principes et critères. Cette singularité de Rossi dans le contexte

actuel ne signifie pas cependant que ses thèses et son travail soient S8DS pn!c6dents. La recherche que j'ai faite pour ce texte m'a permis cie réaliser combien Rossi, malgré les apparences, n'était pas un original isoJé, un iconoclaste, mais plut6t l'élève consciencieux cie quelques maitres chez qui il a puis6 ressentiel de ses idées. L'un des modèles qu'adopte Rossi est Adolf Loos, architecte dont les idées souvent conservatrices étaient, paradoxalement, en désaccord avec celles qui pmralaient autour de lui, d'une manière

tout-i-fait analogue à Rossi. 1 Dans un article de 1982 consacré à Adolf Loos, Rossi décrit comment il voit le travail de Loos et, par extension, celui de tout architecte ou artiste:

in the end the guIf betwecn art and profession, builcliDg 1r8de and monuments was bridged in the Iife ofAdolf Loos as in those ofail great artists, tbrough the search for the basic human condition without a preteDse ofinterest in anything else - even in aestbeûcs.2

Cette rechen:he de la «conclitioo humaine fondamentale» marque rensemble de l'oeuvre de Rossi. Des divers moyeus utilisés par Rossi clans cette recherche, ClDalogie_ est l'un des plus importants. Cet aspect des tWories de Rossi coostituc me contribution

1 Rossi écrit l propos cie c:eae situation de Loos des mots qui pournieDt aussi bien .'appliquer à lui·m&ne: «Loos 6t8it 1DIIqu6 ... UIl au.... siDplier qu'il De pln'allit peut'" pIS lui-meme • cMchiffrcr: le pouvoir siDgulier d'irriter ou. mieux eDCOJe, cie c:Iâ'IDpr. Cela sipifiait fwteJemcat • exclUl CD -.t que travailleur et De le voir ac:œpI6 que comme un mytbe. Dus l'lDtiquifj, 1. GIecs avaieDt que le carIICtèœ de l'homme est son propre destiD; voill quel "-il le deItiD de Loos.», «IJdIocIuctiOIlà I.oos», AdoiILoos. 1870-1933. 2e ed., Li., Pierre M8IdIp, 1915. p.27. • 2 Rosai, «Rossi 00 Loos», SkyI_, avril 1982, p. 21. INTRODUCTION 2

originale au discours architectural, contribution qui n'a pas fait l'objet d'études • approfondies, malgr6 le grand succès cie la carrière de Rossi. Sij'ai choisi de me pencher sur ce sujet, c'est que je crois que ces id6es représentent une avenue pertinente à ma propre recherche et que les idées &auch_ ici constituent, au-dell d'une question théorique, une possibilité concrète po1D' l'Il'Chitccture contemporaine.

On pourrait diviser la carrière d'Aldo Rossi en deux périodes. La première J correspond au traité L'architecture de la Yille. publié en' 1966 • Durant cette périocle,(l'" Rossi se consacre cssentieUement à l'étude de l'arcbiteeturc et de la ville et il élabore une théorie de l'architecture qu'il expose daDs son traité. Durant cette période, la DOtion de type occupe S8DS doute la place la plus importante daDs ses réflexiODS. La deuxiàne période débute avec la rédactioo, à partir de~ 1971, de l'AutobiogrDphie Scientiftque4 et se Z/ prolonge jusqu'à maintenant. Durant cette période Rossi se consacre de plus en plus à la réalisation de projets ardûtecturaux. ses n6f1exiODS, eUes, gravitent autour de la notion dtanalogie. Cette deuxième période a vu se préciser la contribution originale de Rossi au ------.,. discours architcctural contemporain. Nous chercherons ici à exposer d'une manière synthétique les réflexions de Rossi qui apparaissent les plus importantes: ceDes li6es aux deux notions mentionnées, le type et l'analogie. Nous chercherons cie plus à ~lir un Hen entre ces deux notions. Nous croYODS en effet qu'il existe des rapports fondamentaux entre ces deux ordres d'idées.

] Roui_ L 'lII'Chll«Irft MltJ ville_ tnIduit ..F~BruD. PIris, L-~, 1981. No..D'POlIS pa eu ..à \IDe des éditioas italieDDeI (liàe 6diti0ll: L '1ft1lUettIIrtI .1lG cittd. PIdoue_ MIrsillo_ 1966). Nous.vous tnMill, avec l'6dition fiançeise ci...... et r6litiœ IIb6ricaiDe (7'1Ie hclliteCllft 01'" CUy, tnJduit ..DiaDe QbiranIo ctJom0ekJMn, Clmbridp, MIT PnIs, 1981). • Roui, ~fllobiogrQpltie xielfll.flqw, 1911, tmduit pli' CatberiDe l'cyIe, M8neiUe, Pltt2ltbhe. MalaN DOS d'orla ~ DOUlIlVODS ~ iacaplbles d'obteDir une copie de I-âlidon italieDDe. Ccae demi_ n-. 6té pubU. qu'en 1990 (~lIIoblogrqJùJ xlentljb, chez PIaâcbe, 112 p., d'apr6s le CtIIDlogo.i llbrl lit COIIIIfferCio de (993), IOit neuf IDS ..la preaüàe 6ditioD lIIlGicaiDe ~ Sdelltlftc ~lIIobiograplry_ • nduitperI.awleaœ Vcouti, Cambridae, MIT PIas, 1981). INTRODUCTION 3

L'aaalogie en tant qu'instrument de connaissance, malgré son origine fort ancienne, est présentement discréditée. Bien que la science moderne lui reconnaisse toujours une certaine valeur J~e~q~,~lIe ne croit pas que l'analogie puisse être garante de vérité et elle exige confirmation par d'autres moyens de ses propositions'. C'est que l'analogie repose sur la conviction que derriàe une ressemblance entre deux choses par ailleurs étrangères l'une à l'autre, il y a plus qu'une simple colDcidence, il y a l'appartenance à un principe commun, bien qu'aucune cause commune ne permette d'expliquer la similarité des effets. Que des réalités distantes soient ainsi liées autrement que par la causaliœ ne fait pas partie des vérités qui peuvent eR v6rifiées expérimentalement. L'8D8logie se retrouve pour cette raison en marge de la science moderne.

Ce principe clerriàe l'analogie selon lequel des correspondances existent entre des ordres indépendants a beaucoup en commun avec la notion de type. Le type, en effet, est lui aussi un principe commun à une vari~ de phénomènes. Sans une telle idée d'un principe sous-jacent, l'aaalogie devient simple coïncidence et est dépourvue de signification. Gdce à l'id6e de type, l'analogie, la ressemblance entre des phénomènes indépendants, devient la manifestation sensible d'un ordre commun. Nous tenterons ici de développer ce rapprochement entre le type et l'analogie.

L'ANALOGIE

Il est utile de présenter l'idée d'analogie en génaaJ avant de procéder à une discussion plus particulim des idées de Rossi. L'analogie a en effet une longue histoire et des sens divers qui ~laireront nos analyses par la suite.

S Chaim Perelmln, «ADa1oaie et lMI8pbore cm tcieace, poaie et pbilospbie», Rnue i"'D'IIIIIioNIl~ de pIùlœopltle, tise. l, DO. 87, pp. 3-15. INTRODUCTION 4 c L'analogie est née daDs le contexte des mathâDatiqucs pythagoriciennes. Le terme analogie y désignait alon simplement un rapport d'équivalence entre deux proportions mathématiques, selon le mocl61e: A c -B - -o où A et B ont entre eux le mime rapport que C et D entre eux. Cette idée d'identité de rapport s'est vite généralisée et les Grecs en sont vite venus à parler d'8D8logie dans le sens moderne, où les rapports ne sont pas forcément mathématiques. Ainsi Aristote, dans sa Poétique, fait réfâencc, dans sa cWfinition de lamétaphore, à l'analogie:

La m6taphore est le traDsport à une chose d'un nom qui CD désigne une autre, transport du geme à )'espke, ou de l'espèce au genre, ou de l'espèce à l'espèce ou d'après le rapport d'analogie [...] J'entend par <

Des différentes sortes de m6taphoœs qu'Aristote présente ici, seule la dernière, celle qui

repose sur un rapport d'8D8Iogie, porte atCOle aujourd'hui le nom de métaphore, les

autres se nommant plut6t métonymie. Aristote présente la m6tapbore dans le contexte des moyens à la disposition du pœte pour lui permettre d'élever le lanple au-dessus de la banalité jusqu'à un niveau propre au poème (époJ* ou tragédie). Parmi ces différents moyens, la métaphore est le plus important et le plus difficile pom le pœte:

ce qui est de beaucoup le plus importan~ c'est d'exceller dans les m6taphores. En effet, c'est la seule chose qu'on ne peut prmcIre à

(; AriICote, Poltique, texte 6tabli et nduit pu' Jan Hardy, lWis, Belles lettres, 1979, P. 61 (Ii..- 14S7b 6 • et suiV8llteS). INTRODUCTION 5

autrui, et c'est un indice de dons naturels; car bien faire les c métaphores, c'est bien apercevoir les ressemblances.7 Ici Aristote souligne déjà le caractàe intuitif de l'analogie et la difficulté qu'il Y a à vouloir enseigner comment les faire: il s'agit d'une atTaire de perœption, pour laquelle

on est plus ou moins OOu6, et qu'on peut difficilement transmettre d'une personne à l'autre. Que l'analogie soit ainsi «irrationnelle»), qu'eUe ne s'explique pas mais se perçoive intuitivement, sans ~un à la raison et à l'analyse, se retrouvera dans notre discussion de l'irrationnel et de l'aualogie chez Rossi.

Plus tard, au Moyen-Age, 1'8D8logie dans le sens où l'OD vient de la présenter prend une importance particulière pour la théologie. Confiontés au problème de la connaissance des aunbuts divins dont la perfection tnmscende les moyens imparfaits du langage humain, façonné pour parler de la réalité ordinaire, les théologiens ont développé une th60rie de l'analogie selon IaqueUe nous pouvons parler des attributs divins à l'aide du langage humain, en se servant des mots dans un sens analogue: ainsi la bonté infinie de Dieu, insaissisable eUe-m&ne à l'entendement humain, peut eue approcWe à travers la bonté humaine. Ainsi le théologien, lorsqu'il dit de Dieu qu'il est bon, emploie le mot «bon» dans un sens 8D8logue où il ne réfère à Dieu que d'une manière indirecte'.

L'8D8logie pennet de reüer deux mondes séparés, l'un CODDU de nous, familier, simple et bien compris, et un autre ÎDaccessible, complexe ou difficile à apprébender'.

Ces différents sens où le terme «analogie») est employ6 ont un point commun. L'analogie pennet d'appréhender une réalité qui ~bappe à la raison, soit à cause d'une complexité trop grande, soit parce qu'eUe demeure inaccessible à nos sens. L'emploi que

1 Ibid, p. 65 (1ipes 1459&4 et suiV8lltel) • FNderick Ferré. «ADaIOIY in tbeoIogy», The E1tcyelopedill ofPlrIlo.roplry. P8ul EdWIIds dir., New Yart. Macmillan ad Flee Pras, 1967. vol. 1, pp. 94-97. 9 Ces deux spbàes 6_ 1*' la m6fapboœ portent le DOID de piton et de titi.., rapectivcmeat. Chaim • Pcn:1maD, Ioc. ciL. p. 4• INTRODUCTION 6

fait Rossi cie l'aaa1ogie est conforme à ce modèle. L'analogie lui permet cie considérer • certains aspects de la réalité qui demeurent obscurs pour la raison, S8DS toutefois abanckmner le rationalisme qui sous-tend ses théories urbaines et architecturales exposées lo dans L'architecture de ltJ ville •

RÉSUMl:

Après cette brève présentation de quelques manifestations de l'idée d'analogie à travers l'histoire, le premier chapitre expose les idées de deux des <

en termes formelsIl, ce qui est sans doute justifié, mais on en ignore généralement l'aspect théorique. Pourtant Rossi a traduit en italien l'Elsai sur l'tlI1 de Boullée et l'a V-­ introduit par un long essai. De plus il affirme lui-mfme sa grande sympathie à l'égard de Boullée et de ses idées.12

Dans le deuxiàne chapitre, nous traiterons de l'idée de type teUe qu'eUe apparait dans L 'a,.chiteclUre de la ville et les écrits contemporaiDs. Cette idée de type apparait ambivalente, sinon contradictoire par certains de ses aspects. Elle permet cependant de créer la base pour plusieurs développements ultérieurs de la réflexion de Rossi Hés à

10 Rossi, «An Analosical Architeeture», A+li, DO. 6S, mai 1976, p. 74: «1 do DOt believe tbat tbeIe -IDS Ile 1eIdiq Away froID the ratiOD8Ült position abat 1 baw "ways upbeld; pcrbaps it is onIy tbIt 1 tee certain problems in a more comprebeuive way DOW.» Il Voir pli' exemple, l'article de Euaeœ J. JobDaoD, «Wbat remaiDs of ~AIdO Rossi's Modena Cemet8r)t», JOIII7IIJl oftlte Socœty ofArcllil.CIWtII Hl.rtorltm, 110.41, man 1982, pp. 38·54. 12 voir plus bu p. 2S et suivante. INTRODUCTION 7

l'idée d'aaalogic, développement qui permettent en retour de résoudre certaines de ces • contradictions initiales au sein de la typologie.

Dans le troisième chapitre, nous présenterons une nouvelle interprétation «analogique» du type rossien. Nous ferons alors largement appel à certaines notions de Carl 1ung qui ont façonné l'id6e de pensée analogique chez Rossi et qui permettent de rattacher le type à plusieurs cie ses réflexions ultérieures sur l'architecture, l'expérience personnelle et la question du programme. Il y sera aussi question de certaines ambivalences de Rossi face i ces diftëreDtes questions.

Dans le quatrime chapitre, nous aborderons la ville 8D8logue, notion par laquelle l'aoalogie est d'abord apparue daos l'oeuvre de Rossi. Nous traiterons de la dimension politique de cette notion, ainsi que de son prolongement dans d'au1re5 =ns plus r6cen1s de Rossi portant sur la question de l'identit6 etde la technique.

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Flpn 1 ((~ftfIlogy 1112.SM-SIttn !PO. (tiré de ElectroDic News. 2$ lIItIn 1996, p. 6) • 8 ( CHAPITRE 1 UN RATIONALISME EXALTÉ

n faut retrouver le lDO)'eD de œtabIir c:eae unité supâieure daDs la DIdure et l'ime d'a peuple, cette 1CÏsli0ll eDIIe 1'&Ie iJdime et extaieur, il faut qu'eUe ~ IOUS les coups de marteau de la détraIc. À quels moyens dma-t-U œcourir? Sa profonde ~OD, voiJl tout cequ'il lui rate. 1 -NieIDcbe

Aldo Rossi est souvent étiqueté comme «architecte rationaliste»), qualification qu'il ~endiquelui-même. Malgré cet accord sur les termes, on s'est souvent mépris sur la nature de ce rationalisme arcbitectura1. Ainsi Alan Lipman et Pawel Kupka, expriment, dans un article particulièrement critique à l'égard des th60ries rossiennes, leur compréhension de l'autonomie de l'architedUre professée par Rossi:

Architecture, for Rossi, is autonomous, self-determining, independeDt - for bim tbis is central, "a fimdamental given". Human ageacy is stnK:tured, ordained, prc-destined - fonned by History as Fate. 'Subjects' are severed fiom 'Objects' - human subjects are split, ~ detached nom the objects of tbeir actions and thoughts.2

Lipman et Kupka soutiennent dans cet article que Rossi nie toute importance à la subjectivité de l'individu et à son r61e politique dans l'évolution de la société et que Rossi voit l'histoire et l'architeœJre régies par des <àgIe5) et des

1 Friedrich Nietzsche, «De l'utilit6 et des iDcoDvaùeats des ...biItoriqueP, COIUidIratioIu iNICtwllu, 1e ed., Paris. Men:œe cie Frauce, 1907, p. 169. 2 Alan Lipman et Pawel Kupka, «Aldo Rossi, lldûteet. scieatist -• storm ofsilence... an an:bitecture of alieaatiomt, DuignStudIu, vol. 1, DO. 2, awill986, p. S8. UN RATIONALISME EXALT~ 9 c une résolution coUective. Cette perception amène Lipman et Kupka à voir dans l'architecture de Rossi l'expression d'une indiflërence à la réalité d'autrui:

The trajectory of La Teodenza is distressiDgly clear - towards an architecture of social detachment, of patrician-like indifference. Towards an architecture of alienatiOD. The silence of tbose whom we seek, the stillness ofabsented subjects, deafeDS.3

Il Y a certainement une part de vmté d8Ds ce jugement, part de vérité liée à ce que Rossi appeUe son naturalisme, sa tendance à œproduire l'état existant des choses". Cejugement peut cependant occulter la grande importance que Rossi accorde, par ailleurs, à la subjectiviti, importance qui dément l'image d'un rationaliste ndical qui chercherait à assurer la cohérence d'un système logique au m6pris de la complexité et des contradictions de l'expâ'ience humaine. Une lecture plus approfondie révèle que loin de

proposer la réduction de l'architecture à des principes rationnels, Rossi montre en fait une 1 attitude ambivalente quant aux rapports entre théorie et pratique de l'arcbitecture.5 D'un 1 côté, Rossi insiste, d'une manière presque obsessionnene, sur l'importance d'adopter une attitude rationnelle face aux questions et aux projets architecturaux; d'un autre calé, Rossi affirme, à plusieurs reprises, l'insuffisance de cette attitude rationnelle, son incapacité à rendre compte de certaines des réalités les plus importantes de notre existence, et la compensation de cette insuffisance par ce qu'il appelle l'aspect autobiographique ou irrationnel:

1 have usuaUy developped the typological study and urban researcb, and 1 bave always been lookiDg for an objective way for

) Ibid., p. 65.

4 Rossi, Aldobiographle Icle1lllflqw. p. 19: «jt~ alors, comme je le suis aujourd"bui, lltÏIé p8I' la permanenge, par le clusicilme des lrdJitecIures et par le IIIItUIa1isme des penoaIUIIeS et des objets [...] Dms cbIcun de mes projets et cie mes dessins, je crois que le ptofile l'ombre de ce lIIIUra1isme, qui trlDsceade leurs bizzlreries et leurs cWfauts». Voir aussi Rossi, BIIIldhtp tIIId Projeets, p. 10: «in fJVf6Y Bood In:bitect tbae is a teDdeacy towaId DIdUn1ism - in otber words, a teIIdeDcy to reproduœ wbat exiSID. S «Entretien avec Aldo Rossi», L'archlteetlln d'tllflowd'hul, DO. 190: de n'ai per1é de l'atoIlOIIIie de la forme clans 8UCml de mes ~ts. Rien n'est autoDome. J'ai toujours et uDiquemeDl iDsist6 sur la Mcessité de COIIbIhIe son propre DMhier (. propœ dilciple si on veut l'eppeler aiDli) pour avoir uae • iDcideDce positive lUI' les proceIsus de production clins le cIomajne du Ntiment» UN RATIONALISME EXALTl: 10

architecture, if it exÏStS. And tbm, there's somethiDg personal, which 1 cIon't tbink cao he taught 8Dd which belougs to one's own • Iife'. Cette attitude particuliàe à l'égard de la raison et de ses limites est ce que Rossi nomme le «rationalisme exalté». Dans les deux sections qui suivent, nous nous 7 pencheroos sur deux des «mal'fts) de Rossi, Ernesto Rogen et Etienne-Louis Boullée, deux auteurs qui ont influencé cette attitude de Rossi.

LA PASSION DE ROGERS

Emesto Nathan Rogers a peut-atre ~ le premier mai1re de Rossi, celui' traven qui il a connu d'autres maitres du pusé, en particulier AdolfLoos. Alon que Rossi était encore sur les bancs de la Polytechnique de Milan', ill'invïte à se joindre à la rédaction du magazine Cosabella dont il assume la direction à partir de 1953'. Rossi fait alors partie d'un groupe de jeunes coUaborateurs invités par Rogers qui auront une influence

déterminante SlU' l'architecture italienne des déceDnies suivantes: Giorgio Grassi, Vittorio Gregotti, Gse Aulenti, Giancarlo de Carlo.

45 «Riicbi Miyake taIb with Aldo Rossi. Tnditioa, Form aad Typolol)'», Japœt bchlteet, jmvier 1915, p. 11. 1 Rossi, œtrocluetion • Loos», ~dtJlf Loos. 1870-1933, p. 32: «AiDsi, alors que tout artiste mineur NCbadIe son propre espece oriliDal, les meilleurs se doIment pour but de copier les lDCiens et cie perler comme eux et cela est ce que j'ai le plus ~s d'AdolfLooP. Loos est lui __ l'un des «IIIIhIes» de Rossi lUI' qui il aura UDe ...iDfIueDCe. Voir IUIIÎ AuloblogrllJllàe scimtl.flqw, p. 84: «Mon 1ivœ péf6lé itait certainenwat celui d'AdolfLoos, dont je dois la cWcouverte et l'~ • celui dont je peux 'PJement..1er COIIIIIIC cie JDOD maItIe: Emesto N. Roaen» • On pourra leRfâerliacbronolope cie Rossi pllcée en 1lllDeXe, p. 74. 9 Ropn sera rédIcteur en chefde CtIMIbeIItl de 1954 l 1964. Durmt cette p6riode le maprine portera le nom cie CœtIbella-Contllfllltà. Rossi se joiDdra IIIcomité de œuction de 1955 • 1964. La p1up8rt des informatioas bioppbiques sur Roaers SOIlt âNes de JOII"eph Rykwert, cRoprs, Emeato Natbamt , COrllernporary ~rchlleeu. ADn Lee Mmpn et Colin Naylor dir., Cbieeao et LoDdres, St. James Press, 1987. p. 755. UN RATIONALISME EXALT~ 11 c

Ernesto Nathan Rogers est n6 en 1909 à Trieste et est mort en 1969 à Gardone. Son aetivit6 architecturale a 6té considérable. Il a publié deux monographies, l'une sur IO Auguste Perret, l'autre sur Pier Luigi Nervi • Comme rédacteur en chefde Casabella, de 19S3 à 1964, il a publié de nombreux articles et éditoriaux qui seront, à la fin de sa carrière, recueillis en deux livres. Il a prononcé, en Italie et en de nombreux pays

étrangent de nombreuses confaences. A partir de 1962, et jusqu'à sa mort en 1969, il enseigne à l'œolc d'archîtectln et à la Polytechnique de Milan. Rogers est CODSid6ré comme l'un des architectes les plus influents de sa génération en Italie.

10 Ernesto Rogers, Âugu.rte P,,.,.,,, Milan. 1955. R.oaen ct JGrpD Joedicke, TM WarD 01PIR Luigi N,rvi, • StuttprtetLondres, 1957. UN RATIONALISME EXALT~ 12

Outre ces aetivitâ éditoriales et didactiques, Rogers a poursuivi sa pratique privée fondée en 1932, dès la fin de ses ~ avec trois de ses camarades de classe: Gianluigi

Banfit Ludovico Belgiojoso et Enrico Peressutti. Leur apncet studio BSPRt sera active de sa création en 1932 jusqu'à la mort de Rogers. L'édifice le plus connu de leur volumineuse oeuvre bAtie est S8DS cloute la TORe Velasca (1950-1958)t dans le ceDft historique de Milan (voir figure 2t p. Il). Cette réalisation fOlt controversée illustre bien les préoccupatiODS de Rogers à l'égard de la construction contemporaine en milieu ancien.

Les idées de Rogen sur l'architecture n'ont pu fait l'objet d'un traité systématique et doivent Itre rassemblées à partir de ses nombreux articles et conférences rassemblés sous les deux titres &perlenza dell 'architettura et Editoriali di Q1'chitettllrti1. Ces idées, Aldo Rossi les a en Sén... rqH'ises ct int6gœes à sa propre doctrine architecturale. Ces principes de Rogen deviendront le <

La préoccupation centrale des réflexions de Rogers est sans doute It6lucidation des rapports qui lient les formes architecturales au monde moral et politique. Le livre

Il Rosas, E.fperlmm .,l'crchiteltllrtl, MiIaD, Giulio Ei-"i, 1951; &IIlorltlll di arcltil,ltUTa, Turin, 1961. 12 L'expression est deRogers lui....., voir DOte 13 plus bu. 13 En 1946, lion que Rossi n'. encore que quinze ans, Roaen publie dans DoIIIK! (110. 216, cWccmln 1946) l'article cElogio deUa teIJden.. où il d66Dit l'Iltitude popœ' ce mouvement: «CoemIza 61a qua1ità aecauria aIl'lItiata per lIIbiIiJe i propri fIPPOIÛ COD illDODdo morale sopra un piao armoaioo siccbé opi lIUO atto preada quota da queUo; teIIdema i la deliberata tnIduzioae di quesJi alti miro un ben defiaito 10100 mtel1ctuale. Stïle i l'espreuioae formaIe deu. coeœaza e della fenden•• (La cobâ'eDce est la quali~ dont l'artiste. besoin pour stabili.- lei fIPPOItI avec le lIlODde moral sur \ID plan bIrmoDique de &çon • ce que cMcuD de leS ...eD ti_ compIe, la tI:ndMg: est la nduetiOD cWlib6œe de ces lCfes en un socle intellectuel bien cWfiDi. Le style est l'expression formelle de la cobâ'eDce et de la tendMce.) UN RATIONALISME EXALTÉ 13 c Esperlenza dell'architetturaJ4 est introduit par un texte inédit de Rogers intitulé

le studio BBPR a biti une oeuvre où les détàuts sont peut-etre trop évidents, Rogers se réconforte en se rappelant:

Da quei gomi ad ogi abbiamo sempre CODSiderato cbe la nostra estetica, quaIi fossera i risultati artistici di cui eravamo capaci, dovesse fondare le sue basi sull'etica. Bello è verità, è coerenza, è intnmsigenza.16

Ce type de profession de foi n'a évidemment rien d'original et constitue un lieu commun

dans le discours arcbitectural contemporain. Rogers cifc d'ailleurs, en exergue d'un autre article du même recueil, Walter Gropius, dont l'architecture est couramment associée à ce seme de moralisme esthétique:

No durable result in any trend ofcclucation cao he expectcd without a dominating ideal, the buman or social compoaent ofwhich bas to 17 diœct the professional one, notvice Versa.

Peut-atle ce genre de fondement sur la morale, c'est-à-dire sur la dimension sociale de notre existence, est-il le seul possible i notre époque agnostique: nous avons rejeté la tutelle des dogmes religieux du passé et nous sommes par conséquent forcés d'assumer la responsabilité de nos actes. En l'absence de critères métaphysiques, de dogme recoanu

14 Rosas, Esperle1lZll dell'arcltitdllra, Turin, Giulio Einaudi, 1958. Le üvre compread une q188ldaÎDe de textes écri1s eDtre 1932 et 1951. 15 Le ti1Ie fait allusion lU joumal de l'aiVIiD Cesare Pavae. n.,tIen dl vIwre, publi6 CIl 1952 (chez Giulio Einaudi, MilaD). Les icWes cie PaveIe sur le mythe et le rite out pIObeblemeDt iaflueacé Roaen et Rossi. bien que caclemiers De meDtiomaeat pu, li1Ieun daDa leurs 6:ritl, Pavese ou ses icWes. 16 Ibid.. p. 27. (De cette 6poque jusqu" aujourd'hui nous .YODS toujoms CODSidaé que aone:stI*ique, peu importe les résultats artistiques doat DOUS lerioDl œpabIes, devait se fonder sur l'<

( établissant un ordre absolu auquel réf6ra' nos actes, nous nous basoDs sur des valeurs morales, c'est à dire sur nos rapports entre bQIIIIIÏns, sur la conception que nous nous faisons de nous mimes et de l'ordre de la sociét6.

Gropius est représen1atif de la teDclance dominante dans l'architecture du vingtiàDe siècle qui se fonde sur des valeurs caractéristiques du puritanisme: l'hoDDeteté, 1'6conomie, la ti'ugalit6, l'abnégation, valeun qui ont lrivalu dans le discours architectural sans doute en vertu de leur accord avec l'utilitarisme croissant de notre civilisation. En effet, l'id6al d'houneteté des architectes est analogue à la précision du calcul des ingénieurs et des comptables et leur refus du décoratif: du sensuel, est en accord avec l'impératifd'objectivité impersoDneUe des sciences exactes. Cette éthique foncièrement pessimiste, en ce qu'eUe vise essentieUement à minimiser les fautes morales plutôt qu'à rechercher activement le bonheur, n'est pas étrangère à la neutralisation de notre environnement contemporain qui est souvent perçu comme alimumt et inhumain par comparaison avec l'architecture du passé. l'

Rogers, au contraire, ne fonde pas sa morale S1D' cet id6al d'ordre et de justice. EUe englobe des soucis plus larges, eUe recherche au-delà de ces biens partiels, le bien supltme, qui en morale est le bonheur. 19 Et pour Rogen, l'ilément le plus important du bonheur et le moyen le plus efficace d'y pan'enir est le désir et la passion amoureuse. La

.1 C'est li, essentiellement, le d.Wpostic que pole Ricblnl SenncU dIIIs TM CoIucl.,. 01'. Eye, où il voit dans la llCIdm1is8Iioa de DOtIe espICC public une peur d"acre cxpoM qui nmcmt.erait • la vision pessimiste des ÏJDIIÜ8I'8Ilt puri1aÏDl • l'..de leur eDVironnemcnt· cbeyond III the ecoaomic lDd cIemopIpbic rasoas for abc oeutraIizecl city tbeIe exiIIs • profoUDd, iDdecd "spiritual" œIIIOIl wb)' people are wiIliDI to t.oIenIte sudl • bIIIId lCeDe for tbeir 6ves. The way c:ities look reftcct • pad, uaœckoœd fear ofexpoIUID (p. xx) ca bJ.Dd eaviroameDt -.es people tIIIl DOCbiDaI clisturbina or clanandiDa is heppenina "out tbeIe". Vou build oeutraIity in onIer to Iqitimize witbdrawab (p. (5). TM Co1UC1nIce 01'. Eye., ,.Dutgn tIIId Sockll Life olCItlu. New York" KDopf et Rmdom HoUle, 1990. •9 Voir Aristote, Et1llque cl NIco"""IW, 6vœ 1" 1095.12 • 1095a20: «et puilCJue toute CC)IIMi"""M et toute iDteDtioa apimlt • quelque biea" cIisoas quel est le bien auquel tead, selGD DOUS, la politique [•••] la majorifj des pas le tIOUVCIIt • peu prts d'lICCOId: c'est le boDbeur, COIIIIIIC le diIeDt et la lIUISIe et les hommes du 1IlODde». UN RATIONALISME EXALT~ 15

( nSvélatiOD cie cette passion lui est d'abord donné par la femme et eUe s'étend ensuite à la vie daDs son ensemble, et l'architecture en fàit, eUe-aussi, l'objet. 20 Rogers voit dans l'attitude présomptueuse21 de l'amoureux le modèle cie la vertu et de son rapport avec l'architecture:

[...] se ripenso aII'emozione che ci destava la rivista «8aufoDDCJl») con le fotografie della Casa Tugendbat di Mies van der Rohe, mi rimonta il grappa alla gola e le guance s'imporporano come se ricvolo le prime poie d'amorc. Ecco, parlavamo anche di npn.e: ma finivlIDO poi per cbiamarle col Dome architettura, l'amata inaccessibile che si anclava svelando ai Dom ardori.22

Au lieu de la clarté du raisoDnement et lajustesse du jugement que permet le clétachement

et la distanciation obtenus en réprimant les sentünents et en adoptant une attitude objective, Rogers s'enhardit de la passion pour son objet dont il tente de s'approcher le plus possible. Mais cet emportement n'est pas, pour autant, renoncement à la lucidité. Au contraire, Rogers réaffirme la nécessit6 d'etre lucide:

l'essenza deU'ardlitettura modema non consiste in alcune forme particolari, ma nel mode di aftiontare i problemi seconcIo un principio di coscieDte chiarezza.23

20 Cet amour cie l'IIICbiteeture nweUe l'analoaie faite PlI' FÜIIete qui compeœ la création d'un b4timent i celle d'un eafaDt par leS paaltS doDt l'IIDOUf l'un pour l'autre est la CODditiOD D6ce's'ire: «BuildiDa is notbi.Dg more tbm • voluptuous pleasuœ, lib dIoIt of. lDIIl iD love». ADtoDio AverIiDo Filarete, TreQtU~ on bchiteetJn, tr8d., ÏDtl'O. et DOtes de John R. Spcacer, New Havea., Yale University Pras, 1965. p.16. 21 La préIomptiOD est saDI cloute l'attitude que s'dribue le plus lOuvent R.oprs dmI lei textes, attitude qu'il CODSidàe COIDIDuae i l'Iftisle et • l'maoureux: «Ï11OStepo deU'ÏDDIIDOndO 0 deU'artista ~ la pnsuDZÏoae: questa 6 taDto più forte quato più, eDtrambi, teapDo iD alla coasiderazioœ l'ogetto dei dcsidat 0 pel' db ltesIo clubitiDo della capeciti di poterIi lOCIcIisfaœ. 00 lOUIÎeD de l'IIDO\INUX et de l'artiste est la pr6Iomptioa: celle-ci est d'auI'IDt plus forte qumd toua deux tieDDeDt en haute estime l'objet de leurs cWsirs et cIouteat alors de la possibilité de le gtjs&iœ.) Ropn, &perle"., œll'tll'ClaU,ttIIN, p. 220. 22 ibid.. p.28. (si je me rappelle l'émotion que IUlCitait en DOlISla revue 1JtII(orwten avec les pbotujIlpbies de la IDIÎSOft Tuaeadbat cie Mies Y8Il cler Robe, ma aorae • œacrre et mes jo..rousiacnt comme au souvenir des pœmiàa joies de l'amour. Nous en pidioas comme des filles: IIIIÎS plus tard, DOUS eu .....ila llOIIIIDer arcbiteetule, l'....jn.....-uiblcqui • cWvoilait peu' peu i DOS ardeurs) • 23 ibid, p.31. (l'eaeoc:e de l'In:bitectuIe mocIcme ne coasiste PM en des formes perticuliâes, mais dans la lIIIDiàe d'aborder les pmbl6mes Jelon un priDcipe cie ~ COIIICkeate.) UN RATIONALISME EXALT~ 16 c Ainsi, à l'encontre d'un obscurcissement de la raison ou d'une fascination pour l'obscur, à la manière des Romantiques, Rogers trouve dans le sentiment évidence et clarté, non seulement pour l'actiou. grke' une conviction raffermie, mais aussi pour la raison elle-même, qui y trouve le point cie d6part pour l'analyse. Rogers ieptend ici le modèle offert par Rilke dans une cie ses Lettres à ""jeune poète. A ce dernier qui lui demande comment savoir si l'on est poète, Rilke n5p0nd que l'on devient poète à 24 condition d'en absolument contrJint de n5p0ndre «oui, je le dois» à la question • Cette n5p0nse ne découle elle-même d'aucun raisonnement et ne repose sur aucun fait autre que sa propre affirmation. EUe constitue le point de départ, l'évidence initiale, ('axiome fondateur pour tout ce qui suit Rogen y voit même le fondement de la ntionalité:

Qui l'indice morale dei sentimento acquista tanta chiarezza da diventare une decisionc nzionale.25

En fait, Rogers, confollllément à son tempérament "lyrique, 6tablit lm pualI~le entre cet exemple de Rilke et une situation amouœuse:

Un uomo di fionte aIl'aDIlUDCiazione dell'amore prova qualcosa di simile; qualsiasi certeua diventa trepidaDte e le af6rmazioni si trasformano in ansiosi interrogativi: sari? Don sari? come sarl? ln casa come nell'altro i sentimenti non attendono di essere giustificati dalla ragïone, al contrario, sono proprio questi che cercano di giustificare quella.26

L'émotion, ce surgissement spontané d'un sens issu de l'intérieur de la personne représente pour Rogers une réalité primordiale à laquelle doit répondre la conscience

24 Rilke, ultra Q UIIjeuttepoil., lWis, GruIet, 1927, p.20. 2S Rogers. &perV1IZQ dell'archil.1IIII'tI, p. 221. (ici )'iDdication morale du awmtiment • fiit claire au point de deveDir une cl6cision ratioaaeUe.) 26 Ibid, p.220 (un homme III moment d'anmncer laD lIDOur reueat quelque choie de IelDblable, toutes les certitudes cIevieDneDt douteuses et les afIùmaIioas le traDlfonDalt en iDterroptiODllDXicuses: 8era-t. eUe? Ne sera-t~Ue pa? Commeat scra-t~Ue? n.s toUl les CIl les 1eDtimea&s o'lIteDdeDt pIS que la • dÏJOIlles jusâfie, ce lOIIt plut6t eux qui cbercbeDt ijustifier la rIÎIOD) UN RATIONALISME EXAL T~ 17

rationnelle dans ses projets. Le bien supdme, le bonheur, a besoin de cette projection de • la perscmne hors d'eUe-mlme et ven l'au1I'e, de cet enPlemeat dans la réalité, de cette prise de position. Comme le soulignait le pœte Francis Ponge, «De pas prendœ parti,

c'est encore en prendre un (le mauvais»). 27 Et cette prise de position au sein d'une situation constitue en retour une définition du r6le d'une personne, une définition de son identiti:

Ogni uomo ~ cos1retto a clefinire la propria identiti pu rispetto al suo ambiente: trovandosi neDa foresta crede di dover decidere se ~ cacciatore 0 se1vHlrina: se vorri affrontare le forze circcmstanti 0 2I subirle. -

Cette partialité est ce que Rogen d6signe par le mot Tenderrza, mot qui donnera son nom

au groupe d'architectes qui suivront les traces de Rogers, groupe dont fera partie Rossi. 19

Cette partialité, cette attitude tendancieuse etprésomptueuse, est celle de Rossi:

Les problèmes de COIID8ÎSS8Ilce en architecture ont toujours 6t6 6â aux questions de tendances et cie choix. Une architecture qui ne serait pas une «architecture de tendance» D'a pas la place ni la possibilité cie se manifester.30

Malheureusement le sentiment n'a pas la constance de la raison et il constitue des fondations bien Jftcaires pour baser une Iipe du conduite ou une oeuvre de création. La passion d'un jour nous apparaItra souvent le lendemain bien d6cevante, smon tout-à-fait ilIvsoUe. Tout ceci compromet l'id6al de respoDS8bilité propre a\ la modemité et l'espoir d'un progrà r6gulier, d'une construction pucUe et ordonn6e.

27 Fnacis Poap,lA PtII1IplVda cltœu, Peris, GaIIim8nl, 1988. p. 187. 21 Rogers, E.rperlmza dell'Q1'Icllileltlll'tl, p. 25 (cUque homme est CODIIIIiDt cie cWfiDir • propre idcati~ per rapport • IOD enviroDDcmeDt: se trouvIIIt das la foret, il croit devoir choisir eatre an le cbuIeur ou lire le sibier: il se verra aftioDter les circoasIImces ou les subir.) 29 voir plus haut la DOte 13 ,lap8p 12.

)0 Rossi, L 'wchiteetlft • III YIlk, p. 219. (iIdIocIuctiOlli" cleuxiàDe 6dition itaiieDDe, L'arcltltetIIIrG • .,ltJ clnà, lWIoue, Manilio, 1970) UN RATIONALISME EXAL T~ 18 c C'est ici que Rogers retourne le rapport qui liait l'esthétique 'l'éthique. Appara1~ un rapport réciproque, où l'esthétique contribue l stabiliser les sentiments sur lesquels repose la morale:

mi assale une terribüe angoscia: che il

Ce qui était la base de noue pntique - certaines valeurs morales, un rapport affectif avec les autres et avec les choses, D'a pas la soHclité que nous leur désirons. Rogers assigne à la technique la tAche clifticile, incertaine et toujours provisoire que de chercher à stabiliser les sentiments:

La nostra difticokà - il nostro compito - è di tradurre i sentimenti neUe COle creste e ci occone perfezicmare una tecnica per dominare con essa i sentimenti; iclentificare la tecnica con i seDtimenti; costituire un'unità ua me1ZA i fini; confonclerli COD la vit&; fare che l'architettura sia vita. Nel propugaaœ un metoclo, abbiamo stabilito una relazione tta ognuno di Doi ecI ogni cosa: UDa relazione non impomoile e Don traJ1sfenDüe da un arcbitetto all'altro, se Doo come sviluppo libero deU'esperienza.32

li Roaers, EspuïellZlJ Mll'arcllltettura, p. 49. (je suis atteiDt d'uae qoisse tarible: que le «m6tier de vivre» est pcut~ un éternel reccJ!!omencemeat, UIl m61ier impollible. Et meme si l'on suit une métbodc, peut~ que l'UDique certitude lélide clins l'iDdieatioa Müque d'une poetique. Certitude suftiunte pour que le maier soit p8ISÎOD de tous les jours.) A propos du «m6tier de vMe», voir DOte 1S Ala... 13. 12 lbid., p.44. (Noue difticu1t6 DOtIe objec:tif--cst de traduire les lelttiments cIIIIs les choies a6!es et DOUS avons besoin de pelfectiOllDCl' une tecbDique pour dominer les leldimcats, ideDtifier la teelmique aux sentiments, CODStituer UDe 1IIÙœ entre les lDoyeDS et les fiDI, les confondœ avec la vie. faiJe que l'lI'Cbiteeture soit vie. Eu. pmpoIIDt UDe ..... DOUS avions ltIbiW \IDe relation eIdIe cb8cuD de DOUS et chique chose: UDe relatioa qu'on De peut impoIer Di traDsfl6œr d'un a'Cb.itecte l un aube, siDon • comme cWveloppemeat libre de l'exp!rienc:e.) UN RATIONALISME EXALT~ 19

( Cette redéfinition de la tecbnique amène Rogers i retrouver le sens de la technique chez les Grecs, où, d'une manière similaire, eUe définissait, au delà d'une méthode à suivre pour fabriquer un objet, des attributs de l'artisan crâteur lui-mime:

l'espressionne <

On retrouvera ce sens de la technique clans les 6crits tardifs de Rossi, eUe

s'identifie à 1Dl moyen par lequel la personne construit sa propre idcntit6, et compense l'érosion et la comaption que le temps lui fait subir. On retrouvera aussi chez Rossi ce partage entre une doctrine universelle et une technique personnelle, entre un élément systématique et réducteur, et l'élément autobiographique., qui doit «se développer libremenD).

Ce cadre de compn5hension, ce modèle théorique qui est celui de Rogers, Rossi va en h6riter et il va l'in~ à sa propre doctrine. La diftërence de tempérament entre les deux hommes, dans la mesure où les seuls 6crits permettent d'en juger, et si l'on nous accorde de porter un tel jugement psychologique, fera que chez Rossi, la passion amoureuse devient l'«irrationneb). Ce qui chez Rogers suscite un enthousiasme évident, une adhésion inconditionnelle, une impatience à se compromettre, chez Rossi appelle une fasciDation plus distante, un respect maté d'une certaine crainte:

in arder to study the irrationnal it is necessal)' somehow to take up a rational position as an observer. Otbcrwise, observation - and eventually participation - give way to disordefM.

33 Ibid, p. 223. (l'expressiOl1 «tüDe» qui pour les 0Iecs sianifiait ll1, science, .voir, DM!tier, babileti, profession, doit le substituer .. la sipifiCldion UI1Ït.tâIle du mot «tecnic:aJt qui en italien, comme dIms les autres JmIpes modenIes, s'est vicW de lOI! coateDu pour De plus sipifier que: cet eDMDble de moyens et cie proc6cI6s pmtiques nkes-ires pour 1IDe lCieace ou poID' mlat.) • )li Roui, «An AllllOIJiCll Architeeture», p. 74• UN RATIONALISME EXALTÉ 20

( C'est sans doute cette attitude ambivalente de Rossi face à l'irratiODDel qui va le pousser à développer sa théorie de l'analogie, de façon à donner œ aspect plus objecti( plus extâieur à la passion de Rogers.

L'EXALTATION DE BOULL~E

Rogers se fie à ses sentiments auxquels il accorde prépondérance et vérité. Rossi, comme nous venons de le voir, accorde lui aussi une place à l'irrationnel, mais il demeure cependant méfiant à l'endroit de ses daugers et il repose plutôt sa doctrine sur la raison. Ce rationalisme a pour Rossi un sens particulier, distinct de ce qu'il nomme lui-mante rationalisme conventionnel, où la raison est à Meme d'élaborer un système d'idées autonome à partir de principes initiaux, selon le m~le de la d6monstration géom6trique.

Le rationalisme de Rossi, celui-ci le DOmme <

certamente, il razionalismo conventionale pretende di derivare tutto il processo dell'architettura dai principi, menue questo razioDa1ismo ualtata, di B. [Boullée] e di attri, presuppone una fiducia (0 fede) che illumina il sistema ma ne è al difuori. E quindi da UDa parte la massima autonomia dei sistema, la chiarezza delle proposizioni, dalI'altra la singolariti autobiografica deU'esperienza. E naturalmente il rapporto è particolanDeDte complesso neU'architettura.36

J5 Étiame-Louis Boullée, bclllt,ttIIIYL StJggIo 61111 'lII'te , trlductiOll et iDDoduction d'Aldo Rossi, Padoue, Marsilio, 1967. L'iJdroductiOD est aussi reproduite daas ScriItI ~ltl ftIll'crcldt,1tIInI , la clttd, pp. 346-364. 36 Rossi, dn1roduzioae a BouII.., Scrltti sœllinll'arcldt,,,,,,a, III cUla. p. 348. ( En fait, le ratioaalisme conwrtti""",1 Jritead dériver tout le plOœssus 1ICbiteetura1 de priDcipea, alon que ce mtionalisme CIlllé. de Boullée et d'autIa, repose sur UDe oonviction (ou \IDe foi) qui 6c18ile le systime SIIDS y !Ire extâieure. On a cIonc d'une pm l'autœomie maximale du systàDe, la clarté des propositioas, et d'autre pm la siDplarité lUtObiopapbique de l'expâieDCe. Et le rapport est, Da1UIeUement. pII1iculimement complexe dmllecu cie l'IIdütectule.) UN RATIONALISME EXALT~ 21

Ce rationalisme se praente donc comme une doctrine aux pRceptes clain et définis, formant un ensemble cohérent et fixe, tout ceci ccmform6ment à tout rationalisme où la raison doit être à mente d'embrasser et de comprendre la structure d'un systàne. Cependant, ce rationalisme s'organise autour d'une réalité qui eUe échappe à la raison et n'est accessible qu'à travers le sentiment ou l'intuition. En réaction à ce caractère irréductible de l'évidence sensuelle, le rationalisme se définit comme une attitude, un ensemble de préceptes visant àen tenir compte et à en tirer parti.

Cette idée de rationalisme exalté, Rossi l'attribue à BauD. et s'en revendique lui­ même comme la base de sa théorie et de sa pratique. Il affirme, plus tard, sa dette à l'égard de Boullée sur ce point:

Je dois parler de la traduction de Étienne-Louis BouD. et de l'introduction à ce texte que j'ai écrite. Il m'a 6té dit, etje CODSidàe cela comme un compliment, que cette traduction était très peu fi~le et qu'elle n'était pas moÎDS qu'une invention. J'admet qu'eUe est à coup sOr une oeuvre conjointe, car le français de Boullée n'est certes pas d'une traduction facile et de plus j'ai découvert chez lui une «correspondance» que je n'ai probablement plus retrouvée.31

37 Rossi,Allloblo.....lCintti.JltJw, p. 85. UN RATIONALISME EXALT~ 22

( En raison de cette conespondance particulière, de cette collaboration entre Rossi et Boullœ, il est intéressaDt de se pencher sur le rationalisme exalté de Boullée et d'y chercher la préfiguration du rationalisme de Rossi. Certaines idées de BouDée, en particulier à ce qui a trait à l'observati~ à l'iDspiration, et au caractèR, trouvent leurs correspondantes chez Rossi sous les termes cie réalisme, d'autobiographie et de type.

Pour Boullée, la v6rÏté, particuliùement dans la domaine des arts, ne se trouve pas par la spécuJation mais par l'observation de la nature:

C'est la nature qui donne la premià'e CODD8Ïssance des Arts qui ne peuvent ensuite se perfectionner par la théorie, mais uniquement par l'attention et la recherche des objets les plus beaux et les plus &appants de la nature.31

L'architecte, dont les moyens ne sont pas ceux iDfiDis du Créateur, ne peut aspirer qu'à

imiter de son mieux l'exemple donné. L'art est imitation de la nature: 39

l'architecte doit eue le metteur en scène de la nature. Les tableaux du ressort de l'architeeture ne peuvent an faits S8DS la plus profonde connaissance de la nature: c'est de ses effet que DaI' la Pœsie de l'architecture. C'est là vraiement ce qui constitue l'architeeture un art...

Cette connaissance de la nature ne passe pas par une 6tude systématique ou par l'expérimentation. Cette connaissance râulte plutat des rév6lations faites par la nature

31 BouIl6e. &nIllle '$ TNGlüe 011 Mcllitectlft, tnlductioa, iJdrocIuctiOD et DOtes d'Helen RoIeDau" LoDdIes, Alec ïU'llDti. 1953, p. 96. M8I(p6 que BouIl. semble ici cWcoaIeiller l'ftIde Hvraque, Uposl6dait lui­ mtme uœ bibHotb6que importaDte 00 1'011 tIOUV8it, outre plusieurs tilla philosophiques, 1Cieatifiques, historiques et littaaila, plusieurs uaita d'an:biteetule, cIoat ceux de Vitruve, de Palladio, cie PbiIIibert Delorme, de J.:ques FraDÇOis BIODCIe1, de l'abW lMIIier. pour De JlOIDIDCI' que les plus COIIIlus. Le livre de Jeu-Marie PâouIe de Montdos, tt1.",.-Loui.r 1IoIIlUe; 1789-1799: de l'arclllteCllft ClllSl#qIIe G 1'.chilectJn rho/utio1rtIIIIn (Paris, Arta et M4!tien Onpbiques, 1969) reproduit l'iJIveDtaire de la bibliotb6que cie Boullœ, pp. 254-256. 39 BouIlIe'l TNtllUe 011 hcltitedlft. p. 33• .tG ibid., p. 41. UN RATIONALISME EXALT~ 23 c

eUe-mbe, lesqueUes suscitent en nous des sensations que nous cherchons par la suite à reproduire dans nos créatiODS. L'architecte peut «6tuclien) la nature en demeurant attentif à ses manifestatioDS. Cette capacité que doit cultiver l'architecte pour apprécier la beauté naturelle, est en partie d6terminée à la naissance:

Les beautés de l'art ne sont pas démontrées, comme des vérités mathématiques; et quoique ces beautés émanent de la nature, pour les sentir, et polU' en faire des applications heureuses, il faut etre doué de qualitâ dont la nature est avare.41

". Ibid, p. 27. UN RATIONALISME EXAL T~ 24

( Dans la section de l'&sai &lU '-art consacrée à la description des projets idéaux de Boullée, celui-ci doline un exemple concret d'inspiration tiré de sa propre expérience: la d6c:ouverte de l'architecture des ombres:

Le Vulgaire contemple S8DS inta'est les effets de la nature qu'il voit habituellement et qui, n'ayant plus po1D' lui l'aurait de la nouveauté, ne pique plus sa curiosité. Il n'en est pas de meme de l'artiste qui trouvant toujours des découvertes à faire, passe sa vie à faire des observations sur la nature.

Me trouvant à la campagne, j'y cotoyais un bois, au clair de la Lune. Mon effigie, produite par la lumière, excita mon attention (assurément ce n'était pas une nouveauté pour moi). Par une disposition d'esprit particu1iàe, l'effet de ce simulacre me parut d'une tristesse extrème. [...] La nature semblait s'offiir, en deuil, à mes regards. Frappé des sentiments que j'éprouvois, je m'occupai, dès ce moment, d'en faire une application particulière à l'architecture.42

C'est cet effet de la nature sur nos sentiments, effet que Boullée nomme Poésie, qui l'intéresse, qu'il cherche à comprendre et à reprocIuire dans son architecture. Cet effet, Boullée l'explique par un rapport d'analogie entre l'objet et noue organisation:

Écoutons un Philosophe moderne: «toutes nos id6es, toutes nos perceptions», nous dit-il,

42 Ibid, p. 12 43 Ibid, p. 34. Helen Rosmau ideDdfie la citation comme .... tiNe de la tnlductiOll fnnçIise de l'Euay concmUIIg 1IuJftan U"",ttlllding de John Locke, bien qu'eUe IeCODDIÏt UDe diwqsence CIdre l'icWe oriaiDa1e de Locke et le SCIIS que lui doaDe ici BouII.. Peut..atle l'icWe est-eUe p81'YCDue • Boul16e à travers CoDdillac, clisclple fraDçais cie Locke et Newton. L'iDveataiJe de la biblio~ de Boull. meatiODDe les Trait; du 6mttllloIU et 1'rtIitÎ daspli"., de Condillw; mais pu LGcke. (voir1JoJIllie '$ Tr'f!atU~ 011 Nc1tlt~ctIft, DOte 56, p. 111 et Nrouse de Moaœlos, op. cit. (voir plus haut la DOte 38 • la ( PllC22» UN RATIONALISME EXALT~ 25

( L'objet provoque en nous une impression dont l'ÎIltCDSité est proportionnelle au degré d'analogie entre no1Ie organisation et cet objet. Cette intensité de l'impression, Boullée l'associe à la beauté, d'une part, et ailleurs dans 1'&loi, ll'icWe de caractère qu'il place' l'origine du projet architectural:

Portons nos regards sur un objet! Le premier sentiment que nous éprouvons alors, vient évidemment de la manière dont l'objet nous affecte. Et j'appelle caractère, l'effet qui résulte de cet objet, et cause en nous une impression quelconque. Mettre du caractàe daDs un ouvnge, c'est employer avec justesse, tous les moyens propres à ne nous faire éprouver d'autres sensatiODS que celles qui doivent résulter du sujet.44

Ces diffbentes icl6es de Boullée trouvent leur origine dans la pensée de son époque. On retrouve chez Rossi des icWes conespondantes, bien que ce dernier ne partage pas, bien 6videmment, les convictions philosophiques cie son préd=sseur, en particulier à ce qui à trait à la nature et à l'iDspintion. Rossi, architecte du vingtième sikle, va leur donner un sens nouveau. Il affirme qu'à l'époque où il traduisait Boullée, il était frappé par l'idée des «correspondances» qu'évoque Baudelaire clans son pœme. Peut-atre cette correspondance ne porte-elle pas seulement sur le tien entre les deux personnalités de Boullée et de Rossi, mais aussi sur leurs idées respectives, occupant chacun des systèmes diff6rents, mais d'une certaine manière reliées par des correspondances, ou, pourrait-on dire, par des analogies.

On ne retrouve pas chez Rossi la conviction cie Boullée selon laquelle la nature est la manifestation de laperfection divine et que l'art, par conséquent, doit chercher à imiter cette perfection. On retrouve, cependant, un mime désir de reproduire une réalité existante pour laquelle il éprouve des sentiments particulien. Cette réalité ne s'identifie plus cependant à la nature mais plut6t • l'architecture, à la ville, et à des objets fabriqués UN RATIONALISME EXALT~ 26

( par l'homme, dans lesquels Rossi voit l'expression de tendances collectives inconscientes. Rossi nomme cette attitude artistique natu1'alisme, comme s'il voulait comparer son rapport avec laréalité à celui de Boullée avec la nature:

J'6tais alors, comme je le suis aujourd'hui, attn par la permanence et par le naturel, par le classicisme des architectures et par le D8tUralisme des pe1'SODD8Ie& et des objets. [...] Dans chacun de mes projets et de mes dessins, je crois que se profile l'ombre cie ce naturalisme, qui transcende leurs bizzareries et leurs défauts.45

Cette attitude, Rossi en fait même une nécessité pour l'architecte: «in every good architect, tbere is a tendency towards naturaIism - in other words, a tendency to reproduce wbat exists.» 46 Quant à l'idée de CQ1'QCtm, on la retrouve plus ou moins intacte chez Rossi. Rossi a décrit dans une entrevue comment il aborde chacun de ses projets architecturaux:

io ho sempre un breve periodo di meditazione sul progetto: cerœ di riportare un nucleo di impressioni che poi è quello che si sviluppa. È difficile che io modifichi il progetto, credo che non mi sia mai 47 SUCCCSSO.

Ce «noyau d'impressions» reprend le «noyau émotif de réf6rence» qui désignait, dans

l'lntroduzione Q Boullée, la notioD de caractère"'. Cette notion de caractère en tant que

4S Rossi, Âlllobiograp#lie scieltliflqw, p. t9. 46 Rosai, Âldo Roui: BlIIldings and Proi«ts, p. 10. C'est Jricis60ent ccUe acceptation cie la 1âIlit6 qui. lItiJé la critique de LipmID et Kupka daDs leur article • plus haut (voir pep 1). En fait, cette lICCejJtBtion De porte que sur des il6Deats particuliers de la Nalit6 et Rossi ne SUIFre pu ODe raigDltiOD compllJte au .a1U6 quo, Di III DÎWIU politique, ai au Diveau 8I'CbitectumI. 41 Rossi, IAmpipUDO et Di Battista, «CoUoquio COD Aldo RosIiITaIkiDg wi1h Aldo Roaï», Domus, DO. 722, ~bre 1990, p. 17. (j'ai toujours uae courte pâiocIe de m«titItiOIllUl' le projet durant laquelle je cbelche 1\ saisir un aoyau d'impreaioas qui est cWvel0pp6 .-Iasuite. Je modifie lIIeD1aIt le projet, jecrois mtme que ce D'estjllll8ÎS miri.) ... Rossi, «IDtrocluzione a BouIl6e» Scrltti sœ/II SIIl/'Ql'C1dIellllrQ e ltJ ciItQ, p. 355: «AII'orip dei prosetto vi ~ 1Dl punto di riferimento emozioaale e che le sfUae aIl'8DaIiIi; eao si lISOCil 81 teilla fin daII'iDizio e crescaà COD esso lUlllO tuila laproaettaziODe» (ll'ori'-du projet il Ya un point de œtaeDce émotif qui 6:bappe 1\ 1'8IIIIyse; celui-ci s'UIOCÏe au tbmIe dà le d6ut et croit avec lui tout au 10lIl de la coacepIion.) UN RATIONALISME EXALTI: 27

(. noyau d'un phénomène est fort similaire à la notion de type que nous aborderons au chapitres suivants. De plus son lien avec l'aualogie suggère déjà l'inteqritation du type en rapport avec l'analogie que nous avancerons ici.

Finalement, un dernier point à propos de l'influence de Boullée sur Rossi. Boullée 6crit, dans l'Essai sur 1'llI1, que

toutes leurs entreprises»49, aftinnation par laquelle il introduit une courte narration de l'évolution de sa pensée sur l'architcctuœ. Nous avons w comment l'observation de la nature, base de la connaissance des arts pour Boullée, est, en effet, tributaire des événements et des sensations qu'il a connus. En 1981, Rossi publie à son tour son ~ Autobiographie scienti.fique. Il dit repmldre le titre à un livre de Max Planck, où celui-ci relate les circonstances de ses cl6couvertes scientifiques, livre qui consiste en 1Dle narration linéaire de sa carrière et comporte peu de digressions sentimentales ou philosophiques. Le livre de Rossi, au contrain:, est pauvre en événements concrets et consiste surtout en des méditations philosophiques et estb6tiques. Si l'aspect

autobiographique est ind6niable, 1t aspect scientifique, lui, est moiDs évident. A la lumière

de l'Essai SUI' 1'Q11 de Boullée, néanmoins, on peut réaliser comment un texte «scientifique»50 sur l'architecture De peutatre, pour Rossi, qu'autobiographique.

4' 1JoJllUe', T1YlllUe 011 ÂrChlteetlll'e, p. 93. 50 D faut ici eDteDdre le tenDe acieldifique» daDs le leDI que lui doIme Pn*aIemeat Rossi, c·est i cliN comme doc:IriDe ratioaœUe et systmudique, et DOn daDs le lIeDS que cloaDe Boullée ala «ICÏeoce», qu'il oppose à l'art de l'IICbitectule, lCÎeDCe qui cWlipe alors le avoir relatif l la construc:tioa, pif ( opposition aux upects eslb6tiques cie l'.cbitecture. Voir BouIWe, op. ciI. t p. 27 28 .- CHAPITRE 2 LES AMBIGUïTÉS DU TYPE

Le trait6 L'Architetlll1'a della città (1966), le livre le plus important de Rossi et la seule présentation systématique de sa pensée, propose d'étudier l'architecture de la vi manière la plus concrète et la plus large possible, ce qui amène ('analyse d'un grand nombre de facteurs influant sur la création et ('évolution de la ville et de l'architecture. Cependant, parmi ces différents aspects du fait arehitcctural et urbain, c'est le type -----~- arc~~ qui occupe la place plus importante, au point de coDStituer l'essence et le principe de l'architecture.· Cette notion cruciale pour Rossi souffie cependant de eenaines tensions internes. Bien que Rossi ne fasse pas de distinction au sein de cette notion, celle-ci comporte en fait deux aspects distincts et en partie incompatibles. Nous analyserons ici ces deux upects que nous nommerons respectivement type empirique et type idéal.

Ces complications du type ont attiré les critiques de certains commentateurs. Joseph Rykwert, soutient que le type, tel que cWfini par Rossi, est une fiction sans substance. D'aprà lui, la constance de certaines formes architecturales, que Rossi montre comme la preuve de l'existence d'un 6lément typique en architecture, témoigne

plutôt de la continuité de certaÎIIS rituels et usages de la sociét6. Rykwert nie que des mêmes types architecturaux puissent être • l'oeuvre daDs des contextes ind6pendants.2 Phillipe Boudon, pour sa part, relève plusieun tautologies et incohérences clans la notion de type de Rossi. D'après lui, on ne peut fonder une théorie scientifique de l'architecture

1 Rossi, L'architecture de la YIl1e, p. 27: «le type est l'icWe meme de l'an:hitectme, ce qui s'approche le plus cie son essence et.. en cMpit des cblmaemeats, ce qui s'est toujours ÏJDpOIII! «aU IeDtimeDt et à la nùsoD» comme état le priDcipe de 1'm:bit.eelUle et de la Yille». • 2 lb., pp. 75.77. LES AMBIGUrT~S DU TYPE 29

(. sur cette notion de type mal définie.3 Ces critiques répondent à la dualité implicite du type que nous avODS évoquée plus haut. Nous allons ici tenter de distinguer au sein du type deux aspects distincts. Cette analyse approfondie du type rossien va préparer notre DOuvelle interpr6tation du type en rapport avec l'8D8Iogie que nous présenterons au chapitre suivant...

LE TYPE EMPIRIQUE

L'aspect empirique du type découle du lien 6troit entre l'architecture et la soci6té, Hen à la base de l'argumentation de L'architeetllre de la ville. D'après Rossi, l'architecture est un fait coUecti( indissociable de la vie en société. Cette pnséance qu'ü accorde au raie social de l'arcbitecture n'est sans doute pas étrangère à l'état «pathologique» que Rossi attribue à la société, 6tat qui conditionne le raIe et les possibilités de l'architecture contemporaine.5 Afin de décrire ce rapport entre soci6té et aRhitecture, Rossi a recoun, en concevant la socWté, à l'analogie d'1Dl organisme vivant, doué d'une structure et meme d'une volonté propre, analogie dont il reprend la formulation qu'a donné Victor Hugo clans Notre-Dame de Paris:

Les plus grands produits de l'arcbitecture sont moins des oeuvres individuelles que des oeuvres sociales; plutat l'enfantement des peuples en travail que le jet des hommes de 86nie; le clép6t que laisse une nation; les entassements que font les siècles; le r6siclu des évaporations successives de la soci~ humaine; en un mot, des espèces de formation. '

] Phillipe 8oudoD, «Le type an:bitecturaI: social ou poltttique?», /lecherclte• .,/Q typologie et lu typa wcJIiIectllrClJa, Jean-Claude Croi74 J-..Piene Frey et Pierre PiDoD dir., Puis, L'barm..... 1991, p. 39.

4 Cette distiDctioa eDtre deux aspects au sein du type rosai. est une ~OD • p8dir du distiDction semblable faite ..BoudoG dIDs l'lI'Iicle cit'plus haut. 5 Cette question de 1'4tat de non civilisation et des possibilités de l'arcbitectule sera abcmWe dIDI la section CODS8CIéc ,latypOIrIpbie et l'ahIence, ...S9 et suiVllllta. 6 Victor Huao, Notre.1JtDM ,. PtII'I8, clans 0aNru CompUtes, PIris, Albin Michel, 1904, p. 90. Cit6 clins Rossi, J4rchilectlft de. ville, p. 134. LES AMBIGUïTÉS DU TYPE 30 (.

Figwe j G. Niellfllllll. Recon.rtnlCtiDn dM plaIr duptIÜIi.f de Dioclblen, Split, CrotIIie

Dans cette conception. le type est la maoifestion concrète d'~ ordre latent de la soci.sté, du lien entre la société et son environnement et du npport eDR la sociét6 ct les individus

qui la composent. Ce type basé sur la société est en fait tm proche de la position de Rykwert (dont la critique porte plut6t, on le verra, sur l'aspect spéculatif du type) quand celui affirme que les fonnes architecturales «sont des formes vivantes, élaborées par des siècles d'usage qui les ont polies comme des galets dans un ruisseau.»? Cette formulation de Rykwert, on la retrouve presque intacte dans les écrits de Rossi lorsque celui-ci discute de la typologie, c'est-à-dire du systime créé par l'ensemble des différents types:

Si l'on admet que la typologie prend fonne à travers un processus très loog et qu'elle est dans un systàne de relations complexes avec la ville et la soci6té, il n'existe pas de possibilité d'invention en typologie.'

7 RyItwert, Ibid. (are liVÙJI fonDl, el8borated OWl' centuries ofuse, ad polisbed by it u lI'e pebbles in • 1be8ID) ( 1 Rossi, L 'Ql'Ch/,ectrlre de la ville, p. 232. (PIétiœ'1'6liûon portupise de 1971). LES AMBIGUiT~S DU TYPE . 31

Le type empirique correspond clone à une forme de vie collective et l'individu, citoyen ou • an:hitecte, ne peut influencer cet aspect typologique qui est proprement le produit de la société dans son ensemble, et ce, à un niveau antérieur à la raison et à la délibération

politique. Rossi, grice à cet aspect, rapproche les faits urbains des oeuvres d'art:

Comment les faits urbains peuvent-ils eue consiclâés comme des oeuvres d'art? Toutes les grandes maoifestations de la vie sociale naissent comme ces demims de la vie inconsciente, les premières à un Diveau collectif: les secondes à un niveau individuel. Mais la différence est accessoire, car si les unes sont produites par le public et les autres pour lui, elles ont un dénominateur commun, qui est le public.'

Si la première formulation. reprise chez Hugo, sugga une ad6quation physique entre le

type et la soci6té, cette fonnulation-ei en coDStitue l'aspect psychique. La société n'est pas considérée ici comme la rencontre des individus ayant cluu:un sa volonté et ses inté*s propres, médiatisés par la politique. La sociaê est ici conçue comme ayant une ime propre, au-delà de la mmion des volontés individuelles. Cette idée d'un inconscient de la société concrétisé dans l'architecture de la ville, autrement dit de 1'«Ame de la cité)),10 annonce déjà à l'époque de L'Architecture de la ville les idées de la ville analogue

en tant que double de la société.

Pour Rossi, l'étude de la typologie, en particulier quant à son aspect empirique et social décrit ici, ne constitue pas un ensemble de prescriptions pour l'architecte. Il ne s'agit pas non plus de réduire l'architecture. sa réalité fonnelle, à l'exclusion d'autres facteurs et critères. Au contraire, l'étude typologique iepaésente po1D" Rossi le moyen

9 ~ L 'QI'chUectllre. /Q YIIle, p.22. 10 L'exprasion est tiœe de Rossi, ibid, p. 21. LES AMBIGUTTI:S DU TYPE 32

( pour l'architecte d'établir des liens entre les formes architecturales et d'autres réalités historiques, sociales, 6:onomiques et techniques:

Je ne sépare par le biais d'aucune déviation de type mécanique ou linéaire, l'étude typo-morphologique du projet. [•.•] il s'agit plutat d'une fonction· d'ordre complexe· au sens math6matique du terme. Je crois en outre que ces 6tudes servent surtout à la formation de l'architecte, • une prise de conscience d'une certaine réalité de l'architecture, non pas coDSidérée comme une chose isolée et autonome, mais placée dans le contexte d'une expérience plus vaste et plus coUective.Il

Le type empirique représente la première face du type chez Rossi, dont le type idœl

représente la deuxième face. Le type empirique ft'a attiré que peu de critiques, car il

représente une évidence historique indiscutable.12 C'est plutat cette deuxième face du type, le type idéal, qui pose problème.

LE TYPE IDÉAL

L'autre aspect que nous voulons distinguer au sein du type de Rossi fait de celui­ ci un principe esthétique, un objectifpour le travail créateur de l'architecte. Ce deuximne aspect, de nature idéale plutat qu'empirique, prescriptive plus que descriptive, est introduit par Rossi daDs L'architecture de la ville à l'aide de la définition du type que donne Quatremère de Quincy daDs son DictiolWlire historique d 'architecture::

Le mot type présente moins l'image d'une chose à copier ou • imiter parfàitement, que ridée d'un él6ment qui doit lui-même servir de

Il ccEauedeo avec Aldo RosIï», cima L 'tft1lllec""e d'tlIljowd'IaI/t avril 1977t DO. 190. Voir aussi

L'architecture de iii villet pp. 26-27: «[le type] est [h.] un 'ianem cie culture, que Iton devrait pouvoir retrouver en faisant Itaaalyse des dift'âeDts faits Gdûteeturaux. La typoloaie devient ainsi, cIaas un leU plus "tle IIlOIIleDt lIDI1ytique cie rerchitectuœ; ctest dIDs les faits urbaiaa qutelle se llUlDifeste avec le plus cie clartP. 12 Boudon.

règle au m~le. [.•.] Le modèle, entendu clans l'exmrtion pratique ( de l'art est un objet qu'on doit répéter tel qu'ü est; le type est au contraire un objet d'après lequel chacun peut concevoir les ouvrages qui ne se ressembleraient pas entre eux. Tout est pn5cis et donné dans le modèle; tout est plus ou moiDs vague dans le type. Ainsi voyons-nous que l'imitation des types n'a rien que le sentiment et l'esprit ne puissent reconnaitre••• En tout pays, l'art de bâtir est né d'un germe pré-existant Il faut un antkédeDt à tout; rien, en aucun genre, ne vient de rien; et cela ne peutpas ne pas s'appliquer à toutes les inventions des hommes. Aussi vOY0DS-nous que toutes, en d6pit des changements postérieurs, ont cœservés toujoun visible, toujoun sensible au sentiment et à la raison, leur principe élémentaire. [...] Ainsi nous sont parvenues mille choses en tout genre; et une des principales occupations de la science et de la philosophie, pour en saisir les raisons, est d'en rechercher l'origine et la cause primitive. Voilà ce qu'il faut appeler type en architecture, comme dans toute autre partie des inventions et institutions humaJDeS.· 13

On peut voir comment. cette cWfinition du type s'éloigne de celle présentée précédemment. En effet, contrairement au type empirique qui répond à l'organisation de la société et évolue donc au même rythme que cette dernière, le type selon Quincy, que nous nommerons ici type idéal pour le distinguer du type empirique présenté plus haut, est antérie1D' à l'influence de la société et de l'an:hitecture et demeure, malgré les

variations de ces dernières à travers l'histoire, constant. Le type idéal est un principe Q prio"i, issu d'une conception philosophique de la nature et de son évolution, et non de l'observation des faits urbains, tel le type empirique. Cette idée d'un principe a priori, antérieur à la forme, est reprise dans plusieun passages de Rossi: «Le concept de type est donc quelque chose de permanent et de complexe, un 6noncé logique qui préœde la

fonne et la constitue».14 Joseph Rykwert a critiqué cette contradiction entre l'intemporalité du type id6al et l'historicité du type empirique. nvoit dans le type idéal la

13 AntoiDe Chrysost6me Quabemàe de QuiDcy, DlctiDnntIIre ltUtorlque d'tII'chit.etrft compratJ1ll dD1u Ion plmt leI notiopu historlqllu, .Scrlpttwl, arcltiologlqw8. blograplllquu, IltIoriqrIe8. didtlcliqlles et prGliques de cet tII'I, 2 volumes, Paris, Librairie Adrien Le CI.n, 1832. vol. 2, Itticle 4Ctype». cit6 dams Rossi, L 'llrChit.clllre de la ville, p. 26. • 14 Rossi, L 'arcltUeCl1ln • la ville, p. 26• LES AMBIGUrTi:S DU TYPE 34

( prémice d'une architecture rendue autonome, répondant à sa propre logique et détachée de la réalité:

The buildings of which he speaks, the amphitheatres, theatres, sanetuaries, batbs, C8DDot he understood as types in the way he uses the word at aU. They are not void forms, repeated in and out of different contexts.15

Pour Rossi, le type, sous son aspect spécuIati( est permanent et universel, il s'observe

dans des contextes historiques fort vari6s et sans qu'il soit nécessaire qu'il y ait des liens

entre eux. Le type est invariant, parce qu'il est indépendant des autres facteurs du fait architectural (par exemple social, 6conomique ou iconographique):

ncU'architettura vi è un elemento che gioca un sua proprio molo; quindi non qualcosa a cui l'oggetto architettonico si è adeguato nella sua conConnazione ma qualcosa che è presente nel modeUo. [...] Se questo qualcosa che possiamo chiamare l'elemento tipico 0 più semplicemente il ûpo è un costante esso è riscontrabile in tutti i fatti L.:'.-._: • 16 &rCDluw''''auCl.

Mais comment a-t-on accès à ce type idéal? Comment peut-on en venir à une

connaissance de ces formes étemeUes et immuables? C'est là l'originalité de Rossi que d'avoir retourné le type idéal vers le type empirique et de faire de celui-ci la porte d'accès Y • celui-là. Pour Quatremère de Quincy, chez qui Rossi a repris la ~fiDition du type, le type était accessible par l'entremise de l'étude historique. En se penchant sur les situatioDS les plus anciennes dont des traces nous sont parvenues, ou sur les situations contemporaines où des peuples ont cœservé une relation plus primitive avec la nature,

IS Rykwert, «The 15tb Trieœale», p. 75. 16 Rossi, «Tipoloaia, manualiltica e architetturD, 1ltIpporti IrQ 1IIDf/ologitl "btma e tIpologitl edlllz/Q, Venise, CLUVA, 1966, reproduit dIDs St:rlttI ,"Iiisull'arcliitelllll"tl e /Q cltlQ, p. 304: «Ea ardJÏtecture, il Ya un ~16meDt qui joue son propre r6le; doDc pa quelque chose .. bMtueUc l'objet IIChitectoDique s'est ~ mais quelque cbose qui est praent dIIIs le IIIOd6le. [...] Ce quelque choie que nous pouvOllS 8ppe1er l'Bl6meDt typique ou plus simplemeat le type est \IDe CODst8Dfe et peut se retrouver dIDs tous les r.its an:biteetoDiqœs.. LES AMBIGUïTÉS DU TYPE 35

( Quatremère de Quincy cherchait à retrouver des formes architecturales élémentaires, archétypales, sans la complexité et les élaborations apportées par les civilisations avancées.

Rossi, en reprenant le type de Quatremère de Quincy, ne va pas cependant reprendre la recherche historique afin de trouver un rapport plus authentique avec une nature qui serait plus pure, plus vierge. D'après Rossi, la nature a été transformée dès la création de la société, et il est vain de rechercher une société dont le rapport avec la nature aurait été original et authentique:

Chaque œgion se distingue des contrées sauvages par le fait qu'eUe est un immeose réceptacle de labeur. (..•) Cette terre n'est donc pas, pour les neufdixièmes, rouvrage de la nature, elle est l'oeuvre de nos mains; elle est une patrie artificielle. 17

Il devient par consâluent futile pour Rossi d'étudier les établissements humains primitifs, à la recherche des fonnes élémentaires. Rossi va au contraire retourner la recherche des types idéaux vers l'étude des fonnes actuelles, celles qui nous entourent aujourd'hui dans la ville. C'est cette association entre une Jéalité sociale et historique-Ie type empirique-et un concept normatif visant la création architecturale-Ie type idéal-qui ntest pas justifiée par Rossi dans L'architecture de la ville. La réponse à cette usociation illicite se retrouvera plus tard, dans sa théorie de l'analogie. Cette théorie est cependant préparée par certaines des idées de L 'architectrD'e de la ville, en particulier par la théorie des pennanences où Rossi affirme la présence de types au sein de la réalité sociale.

LA THÉORIE DES PERMANENCES

Rossi voit l'évolution de la soci~ elle-meme en terme de types constants, où les changements ne portent en fait que sur des aspects accessoires, l'essence et le principe de

11 Carlo C.UaDeo, «IDdustria e Mora1e», Serittl econoJlllcI, F1oœnœ, Felice Le Mormier, 1956, vol. DI. pp. 4-5. cité cial Rossi, L 'tll'Chiteetlft _III vIlI" p. 23. LES AMBIGUiT~S DU TYPE 36

( la société demeurant inchangés. Cette vision de l'histoire sociale lui a été inspirée par la lecture de La cité Q1ItiqIIe (1864) de Numa-Denis Fustel de Coulanges. II Dans ce livre, Fustel de Coulanges cherche à expliquer les institutions romaines - le culte, le droit, l'organisation politique, les moeurs, la langue - en remontant à un état plus ancien de la société dont les croyances, plus tard oubliées, ont déterminées les institutions romaines qui eUes ont subsisté. En effet, il croit que «(C'est en remontant à l'aube d'une race et eny observant les croyances religieuses que l'on peut comprendre mieux cette race et ses iDstitutioDS»l'. Fustel de Coulanges voit daDs la langue romaine l'exemple de cette rémanence du passé, où certaines formes persistent inchangées malgré la transformation de leur sens:

Le contemporain de CiCÛOD se sert d'une langue dont les radicaux sont infiniment anciens; cette langue en exprimant les pensées des vieux Ages s'est modelée S1U' eUes, et eUe en a gardé l'empreinte qu'eUe transmet de siècle en siècle [...l les icWes se sont transfonnc!es et les souvenirs se sont 6vanouis; mais les mots sont restés, immuables témoiDs.20

Cette persistence de la forme malgré l'6volutioD du sens, Fustel la généralise à l'ensemble de l'histoire de la société romaine et il en fait le principe de son étude des institutions de la République de Rome, dont il explique les institutiODS souvent énigmatiques, sinon absurdes pour nos mentali~s moclemes, en les rattachant à des croyances désuètes d'une époque reculée.21 Ces mythes évoluent et le rite, lui, subsiste. Rossi fait de ce principe la

Il Numa-DeDis Fustel cie CouIaqes, La cU~ tIIfIIqw. ÊIIIM $II le culte. le t/roU. 1. ilutitlllioru de ID Cirice el de 1loIrIe. Pms, Dunmd, 1864. 19 Ibid. p. 3. 20 Ibid, p. s. 21 En fait Fustel de CouJaaaes n'avait 1*' acc:à l des cIoc:umeats cie cette pâiode oripœle et • recoDStruction cie ces croyaDCeS est purement coqjectula1e, ba6e sur des sp6cuIaIiODS plut6t que des faits: «de tout cela il n'est rien pllVeDujUlqu" BOUI. Quels souveair peut-ü nous rester des géo6rations qui De nous out .....unleU1 texte .scrit? HeureusemeaI, le pas6 De meurt jemais compl~ pour rhomme. L'homme peut bien l'oublier, mais il le prde toujours en lui. c., tel qu'il est en lui· mbae 6, chique 6poque, il est le produit et le r6sum6 de toutes les 6poques a*ieula. S'il cIeIceDd en sonlme, il peut Yretrouver et ctistiDper ces diftàeDtes 6poques d''-ce que cbacuDe d'cUes a Wss6 en lui.» ibid. pp. 4-5. LES AMBIGUïTÉS DU TYPE 37

( base de sa thmrie des permanences en architecture, associant le rite au niveau des pratiques sociales au monument au niveau de l'architecture:

Les mythes se cWplaceDt, passant iDsensiblement d'lDI lieu à l'autre. Chaque génération les raconte d'une manière diftërente, ajoutant des él6ments nouveaux au patrimoine hérité du pass6. Mais derrière cette réalité qui se traDsfonne d'une époque à l'autre il existe une réalité permanente, qui parviCDt d'une certaine manière à échapper à l'action du temps. C'est en eUe qu'il faut voir le véritable véhicule de la tradition religieuse [...] Je crois que l'importance des rites et leur nature collective, leur fonction essentielle d'éléments conservateurs du mythe, constituent l'une des cl6s pour comprendre la valeur des mODuments et, pour nous, la valeur cie la fondation des villes et de la transmission des idées dans la naIit6 urbaine. [...] si le rite est l'élément permanent qui conserve le mythe, le monument l'est également, puisque dans le même temps qu'il témoigne du mythe, il est ce qui rend les fonnes rituelles possibles.22

Cette théorie des permanences, selon laquelle certaines formes persistent d'une manière indépendante aux différentes forces qui façonnent l'évolution historique de la société, permet de résoudre la contradiction soulevée plus t6t entre ('historicité du type empirique et l'universalité intemporelle du type idéal: À travers la théorie des permanences, Rossi conçoit la société elle-metne comme étant régie par des principes qui sont analogues au type idéal. L'évolution de l'histoire ne porte plus que sur des aspects accessoires, l'organisation profonde de la sociiti et de son architecture portant l'empreinte immuable de certaines fonnes typiques.

22 Rossi, L ·arclrilecllln de la viii., p. 12. 38 CHAPITRE 3 • UN TYPE ANALOGUE

Nous avons vu comment le type chez Rossi résulte de l'étude de la ville contemporaine, par opposition à Quatremère de Quincy où le type était recherché dans des situations archaTques ou primitives. C'est par un processus d'8D8Iyse et de réduction que Rossi passe de la divenité des formes des faits architecturaux à la généralité des 1 formes typiques. Le résultat de cette op6ratiOD, c'est une classificatioD des formes, un tableau des diffémlts types. Le résultat est ce que l'on nomme la typologie, dont le modèle est la taxonomie en biologie.

Cependant Rossi ne fait pas de cette entreprise de description des formes urbaines un modèle pour le projet architectural, où il suffirait de reproduire le type approprié pour obtenir une bonne architecture, traDsformant ainsi l'architecte en géographe ou en sociologue. La typologie ne détermine pas le projet architectural et Rossi insiste sur l'importance de la liberté de choisir de l'architecte et de la société.2 Les types représentent un héritage, une manifestation de la mémoire collective et sont dODc porteurs de significatioD: ils forment en quelque sorte le langage arcbitectural d'une coUectivité. Cependant ce langage D'est pas un dogme et chaque époque est confrontée à la responsabilité de trouver l'expression appropriée à sa réalité présente, et la typologie n'est

1 Rossi, Scrltti acelli sull'arclJU,1tIIra e' la clttQ, p. 304: «la tipologia diveDta il IIlOIIlCDto analitico dell'arcbitcttura, ed essa è aacor meslio iDdividuabile a livello dei fatti urbIDï. Questo proceuo di riduzione è un operazioae logica oeœsuria e non è possibile pu_ di pmblemi di forma ipllDdo questi presupposti.» (La tipologie devient le moment aa1ytique de l'an:hitectuIe et c'est au niveau des faits urbaias qu'eUe se œtrouve le plus clailemeDt. Ce processus de r6ductioa est une opération logique '*esuire etilest impossible de puler de questiODS formelles saas réf_• ces hypotbMes.) 2 Rossi, «EntmiCID), hchltectrn d'tllljoJMl'1ad, DO. 190: «Il D'existe jamais de claivalion 1iD6aire CIdœ UDC théorie et un projet. Vous.vez mieux que moi que toute collSlrUCtiOD (Iit*aùe, WsIique, politique, architecturale) est fond6e sur des priDcipes (CIl' je De crois nidemment s- • l'art spontaM) mais posMde une autonomie propre et le CODSIrUit ..eUe-mime.». Voir aussi plus haut p. 31. UN TYPE ANALOGUE 39

( à cet effet qu'un simple outil, et noo un programme pour l'avenir. Or ces choix, ces décisions sont irréductibles à un système rationnel et dépendent, ultimement, de facteurs irrationnels ou inconscients.

A l'instar de Rogers, Rossi accorde une grande importance aux facteurs irratiOllDCIs, tant au niveau des décisions politiques qu'au niveau de la création artistique. Ainsi, lorsque Rossi affirme que les faits urbains sont semblables à des, oeuvres d'art, c'est parce que tous deux naissent de l'inconscient, individuel pour l'oeuvre d'art, coUectif pour le fait urbain.] Cette idée d'un inconscient coUecti( Rossi l'a sans doute reprise chez Carl Jung pour qui eUe constitue la thèse centrale de son oeuvre. Le

fonctionnement de l'inconscient coUectif est, d'après Jung, caractérisé par un mode de pensée analogique. Ce mode de pensée analogique permet à Rossi de donner un contenu objectif à ce qu'il ne nommait jusque là que d'1Dle manière négative par le terme «irrationneb). Les objets de cette pensée aualogique sont, pour Jung, les archétypes, notion que nous aUons ici rapprocher du type rossien que nous avons aDa1ysé plus haut.

ANALOGIE ET ARCHÉTYPE

Dans un article de 1976, An A.nalogical Architeetllre, Rossi cite la définition de l'analogie qu'offie Carl Jung dans une de ses lettres à Sigmund Freud:

logical thought is wbat is expressed in words clirected to the outside world in the fom of discourse. Analogical thougbt is sensed yet unrea1, imagined yet silent; il is Dot a discourse but ratber a meditatioD on themes of the put, an interior monologue. Logical thougbt is 'tbinking in words'. Analogical tbought is archaic, unexpressecl, and practically inexpressible in words."

) Rossi, L'archlteetlln de la 'VIUe, p.22 ( 4 Rossi, «An Analogical Arcbitccture», A+U, DO.6S, mai 1976, p.74. UN TYPE ANALOGUE 40

( Pour Jung, cette pensée analogique est caractéristique de l'Ame dont la conscience ratiODDeUe est encore peu développée, comme chez les jeunes enfants' ou chez les peuples primitifs, ou momentanément absente, comme durant le rêve ou le délire. Cette pensée analogique est aussi présente chez l'adulte, mais à un niveau inconscient' Cet

inconscient, lieu de la pensée 8D8logique, est caractérisé par les archétypes. Or les archétypes jUDgiens présentent des similitudes fiappantes avec le type rossien et permettent d'en dwelopper l'analyse tout en y rattachant certains aspects particulièrement originaux de la pensée de Rossi, notamment sur la notion d'architecture-instrument

U y a quatre aspects de l'archétype jUDgien qui intéressent la pensée de Rossi: ,/ leur hérédité, leur indétermination, leur numinosité et leur compulsivité. /'

Premièrement, rarchétype jUDgien est ioné. Il fait partie de la constitution de notre ime et il résulte, à l'instar des aspects anatomiques de notre être, de l'inscription dans nos gènes de l'wolution de l'espèce humaine:

Pas plus que le corps [l'esprit] ne saurait être une produit sans histoire [...] Je veux parler du développement biologique,

5 «The ego relatioasbip Ibat is required for CODtiDuity ofCOIIICÎousaess is present only iD pm, 50 tbat a Iarse portion ofpsycbic Iifeal tbis st8ge ruœ in • s1ate wbich caD ODIy be desc:ribcd as relatively UDCODSCious. At ail eveats il is stBte whic:h wouId give the impression ofa IOIDDIIDbulistic, dœam or twï1igbt state if observed by 8ft adult» Carl Juns. TM he_typatIIId lhe Colleettve UIICOIUCioar, 2e éd., tnduit pm' R. F. C. Hull, PrinœtoD University Press, 1969, p. 69. On mouve cette idée d'un accà privil6gié à 1'ÎDCOD8C:ient dunmt l'enfaDce chez ADdIé Breton: «C'est peut__ l'enfin:e qui approche le plus de la «Vraie vie»; l'cot"aJlœ au-cielA de IlqueUe l'homme De dispose, en plus de son laisser-paser, que de quelques billets de faveur », Mtllllfutu du 8111'1"lalmne. 1dUIo" complète, p. Jean-J8Cques Pauvert, 1972, pp. 48-49. 6 JUDg relate UDe anecdote 1i6e 1 UDe cie ses pllÎentes, une fillette ape cie quatre IDS: cODee tbey bId oranges for supper. Anna impdieatlyMked for ODe 8IId said: ''l'll take ..oraae adru swallow it ail clown into my stomach, lIId tben 1sbalI pt a baby" [•••] ADDa W8S hm tryÏJII to solve the problcm of how cbildreD Ft into the motba [...] The solution foUows iD die form of 8ft 8IIII1ogy, wbicb is cbar8cteristic ofthe arcbaic tbjnkina orthecbild. (Thinkinl iD aalosies is &Iso fouad inthe aduIt, iD the stratum Iying immedietely below COIIICÏOUSDeIS. Dreams briDa the anaIosics to the sur&œ, as aIJo cIoes clemeatia praecox»>. Collected WOI'b; vol. 17: Pqchic Co'f/lIC18 lit Il cltlld, Princeton University Press, s.d., p. 24. UN TYPE ANALOGUE 41

préhistorique et inconscient cie l'esprit de l'homme arcbaYque, dont c la pensée était encore proche de celle de l'animal.'

C'est cette détermination génétique, ce contenu inné de l'esprit bumain que Jung appelle inconscient coUectit notion à laquelle Rossi recourt pour expliquer les faits urbains. Par

cet aspect, l'archétype jungien est semblable au type de la définition de Quatremère de

Quincy, cette «origine et cause primitive», «toujours visible en dépit des changements postérieurs» et au type empirique discuté plus tat, si ('on tient compte des permanences au sein de la société.

Deuxièmement, l'archétype jungien, en plus d'être génétique, est générique par sa uature: archetypes are not cletennined as regards their contents, but only as regards their form and then only to a very limited degree.[...l Their form [...l migbt perbaps he compared to the axial system ofa crystal wich, as it were, preforms the crystalline structure in the mother tluid, although it bas no materiaI existence of its own (...] the archetype in itselfis empty and purely formai, notbing but a facultas praefonnondi, a possibility oflepresentatïon given a priori.'

Ainsi l'archétype n'est pas une image, un symbole ou une situation particulière. Il est une structure plus abstraite, antérieure à la représentation et donc accessible qu'indirectement, par analogie, à travers ses différentes manifestations. On pourrait même affirmer que l'archétype est l'infi'astructure qui rend possible les analogies, le réseau liant d'une manière sous-terraine et invisible différents phénomènes. L'archétype est le nom que l'on peut donner à la signification de cette ressemblance.

7 Carl JUDI et al., L 'ho"". et ses qrrrbola, Paris, Robert Latl'ont, 1964, p. 67. Voir lIISIi TIte he.typa tIIId TM ColI.clÏVe UlIColUCious, p.71: «so far • predispositiOll is coacemed, tbeœ is DO essaniIl diff'eœnce between lD8D and all otber creatures. Lib every animal, he poaesaes a preformed psyche.» cette icWe d'un contenu ba6litaire dIDs l'esprit le retrouvait cbez FUlleI de Cou1aDges, voir plus haut • la DOle 21, plie 36. • JUDI- The .4rcMtypeS tIIId ,.Colleettw UncoIUCIotIs, p. 79. UN TYPE ANALOGUE 42

( Ce caractère générique de l'archétype jungien le rapproche, là encore, du type de Quatremàe, où «tout est plus ou moins vague», cette «cause primitive» dont (

Les deux derniers aspects de l'archétype jungien, la numinosité et la compulsivité, intéressent de plus près l'interprétation du type que nous proposons ici, interprétation qui nous permet d'intégrer à la question du type d'importantes réOexions rossiennes.

La numinosité de l'archétype découle de son caractère générique. L'archétype est en effet assez vague et sujet à de grandes variations dans ses manifestatious. Il est donc de peu d'int6ret que de chercher à définir et classer les différents archétypes afin d'en tirer un tableau d'ensemble (ce que l'on nommerait une typologie). Jung d'ailleurs n'a jamais entrepris de tel projet et toutes ses études portent sur des archétypes pris Rparément dont il cherche à définir les traits généraux tout en iDsistant sur leur polyvalence. Pour Jung, cette imprécision de l'archétype est comJ'Cll* par l'intensité du rapport entre celui-ci et notre Ame. Cette importance de l'archétype pour l'Ame, Jung la nomme numinosité:

On peut tout savoir des saints, des sages, des prophètes, des déesses mères adorées à travers le monde: tant qu'on les considère comme de simples images, dont on n'a jamais éprouv6 le caractère numineux, on parle comme en rive sans savoir cie quoi l'on parle. Les mots qu'on utilisera seront vides et sans valeur. Ils ne naissent à la vie que si l'on s'efforce de tenir compte de leur numinosité, c'est­ à-dire de leur relation à l'individu viVIDt. C'est seulement à ce moment-là que l'on commence à comprendre que la d6n0mination des archétypes est peu de choses et que tout dépend de la maniàe dont ils sont reüés à vous. IO

9 voir pep 33, DOte 14. 10 JUJIB, L '110"",. etlesqmbolu, p.98. Voir aussi TM A'CltllypatIIId titi Coll«:tiw UncoruclOll8, p. 30. UN TYPE ANALOGUE 43

( Déjà à l'époque de L'architectu1"e de la ville, malgré la position objective et détachée qu'y adopte g6néralement Rossi, il s'intéresse au pouvoir affectifde certains faits urbains. n s'interroge ainsi sur le Fonun romain et son caractère étrangement proche de la métropole moderne: «Quel est le lien entre le Fonun et le passant? Pour quelle raison en fait-il si intimement partie, pourquoi s'identifie-t-il àla ville à travers cette ville-là? Nous

touchons là le mystère que représentent pour nous les faits urbain».Il Plus tard, dans

L'autobiographie scientifique, Rossi relate comment il en est venu à accorder une plus grande importance à cette dimension affective, au détriment du projet analytique qu'il s'était initialement assigné:

Je parcourais à pied les villes d'Europe pour en comprendre le dessin et les classer par types. Comme un amoureux égoYste, j'en ignorais souvent les sentiments secrets, je me contentais de comprendre le système qui les gouvernait. Sans doute voulais-je seulement me 1ib6m de la ville. En r6a1ité, je cWcouvrais ma propre architectun:. Un enchevatrement de cours, de maisons de banlieue, de toits, de gazom~, constituait ma premià'e exploration d'un Milan qui me semblait fantastique.12

A l'époque de L'architecture de la ville, le type apparaît proche d'un schéma d'organisation spatial, résultant d'un processus de réduction appliqué aux formes de la ville contemporaine. Rossi parle ainsi du plan centré des églises clRtiennes, de la 13 caserne à loyer berlinoise ou de l'immeuble baussmannien. Le type Y est conçu presqu'exclusivement en plan, conformément à l'importance accordée au plan dans

l'analyse urbaine qu'il développe à partir des théories de Marœl PoRe et Pierre

Il Rossi, L 'QI'chilec"," • 111 vllk, pp. 156-157. voir aussi Rossi, «Wbat is to be doDe witb the Old Cities?», hchileclllnll Design, voL 55, DO. 5-6, p. 22: «The iasiltcDc:e on a certain fonn boa....ofthe feeliDp it C8D aJOUSe leeIIIS tg me laply the maniai ofRomantic IIICbiteeture and the --ofIllY 'revival'. l'be arcbit.ecture ofRomanticism W8S just• cIominetecJ by psycboloBY • eertIIÎIl arcbitcdure is today. 1am referias to a stna(F form ofthe mous feeIiap wbich biad us to Ibis IIIChitecture ad wbich, beiDg autonomous, may 1110 be awilable for succeslÎve trIDSfona8IiODS. TbeIe fecIiIIss are purely erchitectura1111d dcrive fiom the 10(Iic ofarcbitecture.» 12 Rossi, L 'Qlltobiogr'tlplrle 8Cle1lliflqw, p.32. Il Rossi, L'architechn ./a ville, pp. 77.92, «Le problàne de la typologie du lopmeDt 1\ Berlia» et pp. ( 1&4 1\ 190, «La tbàede Maurice Halbw8cbs». UN TYPE ANALOGUE 44

( Lavedan.lot Avec le développement de ses idées sur l~analogie~ Rossi identifie de plus en plus le type avec un édifice concret dont l'essence n~est plus dégagée de l'analyse des plans mais plutôt de l~expériencediIecte et personnelle:

1am referriDg rather to figniliar objects, whose form and position IR already fixecl, but whose meaninp can be cbaDgecl. Barns, stables, sheds, workshops, etc... Archetypal objects whose common emotional appeaI reveals timeless concems. Such objects are situated between inventory and memory.15

Cette numinosité des formes a une grande importaDce pour Rossi, au point qu'il a tendance à se désintéresser de Ja forme architecturale elle..meme pour se situer au-delà, au niveau de l'effet créé par la forme:

Ce n'est pas précisément l~architecture qui m ~intéressait - et il en est de même maintenant - mais c ~est I~émotion que l'architecture, malgré ses limites, semblait me donner. 16 .

14 OrieL, pp. 34-35,44, 121 ...122, 2S5 (DOle 18), 26S (DOte 34). la~ de Poètes lODt ftsun*s dams COlll1rWnls'atjonlté Paris, P8ris, lbcheUe, 1925. L'oeuwe la plus importaIIt.e de Lavedan pour Rossi est UlIS doute la Géogroplde des villa, Puis, 0a11im8nL 1936. 15 Rossi, «An ADalogical Architeeture»,A+U, 110. 6S, mai 1976, pp.74-7S. 16 Rossi, «Une 4!ducation réaliste», L'archMCIIn d'Qlljaurtl'/ad, DO. 190. Cette Jrif6Jeoce pour 1'6moûon pl.que pour la cboae qui la cause, ...... Rossi ••cWsiDtaesIer de certaines qualÏoas fonneUes et IlIeatl'liDe ven UDe arcbiteeture typojIIpbique dont DOUS .-1eroDs plus bis. L'IIdütec:ture de Rossi n'est pas, en ~ remarquable .. la subtilitl! et le raffinement de les formes. Rykwat, ce critique rihémeDt de tout ce qui • rattaebe • Rossi, lOUIipe cet apect de l'arcbiteduIe de Rossi: «l'be arehitecture praented is lDODOfODOUS, excessively repetitive, .1f~deDt in plan and in proportion. [m] His decl8red Jack of iJderest iD pllDDin& the brutal aImost bal-fisted auitude ta formai problems» (critique du livre de Vittorio Sevi, L'tlrCltltettwa di Aldo Roa;, MilaD, Fnmco ADaeIi, 1977; dans Jounttll oflM Society ofbclûlectllrtJl Hùtoriœl.r, vol. 38, DO. 3, octobœ 1979, p. 304). Rossi se préseDte lui·mame avec moiDs de .,tifj et plus d'humour, mais pIIt8p CSleDtieUement le point de lI vue de Rykwert: «11 profeuor 8ahbioDi, pet ilquale DUlrivo • amûrlziooeputicolare, mi ICOIIIÎpw di8Ddare mmti a voler f8re r8l'ChiteUo; diceva che i miei diIepi ICIIlInWOO queUi di unlll1D'ldOle 0 di un costruttore di campepa, œ.-e di pame UD& pietra per ÏDdiClle il punto ~w in cui aadava coUocata une fiœstra. DCQIIUIICDfo fece riclae i mciamici, ma riempl me di lÏoia; oui œIQ) di rillOvaœ quella feUci1à di disepo che ~va praa pel' iDesperieaza e sblpiditi, e che ha in sepito c:araaerizzato il mio Javoro.» (Le professeur SabbiODi, que j'.mürais pllticuliàemeut, me cI6conaeiIlait de deveoir lldütecte; il disait que mes dessiDs avaient l'air de ceux d'UIlIDllÇOD ou d'un CODIIrUcteur de c:amptpe qui laDce une pierre pour sitœr, • peu pris, l'empl8CClllCDt d'uœ feDetre. Le COIIIIDCD1aire faisait rUe mes 1lDis, mais me remplissait cie joie; aujourd'hui je cben:be • retrouver ce boabeur du dessin issu de l'iDexpâiCDCe et cie la stupidité et qui a ...la suite camct6ri16 mon uavail.) Aldo Roui, ( Archltetture 19j9-1987, Alberto Ferlcnpdit., MiIaD, Electa, 1987, p. 22. UN TYPE ANALOGUE 45

( C'est précisément l'absence d'un tel rapport affectif enven l'architecture moderne, à cause de son caractère volontairement abstrait, de son rejet des formes du passé, de sa recherche de l'inédit, qui rend cette architecture décevante aux yeux de Rossi:

L'architecture modeme a traité tout cela de manière absurde, à la rechm:he de je ne sais quelle pureté inconnue: mais ç'était notre tradition. En réalité tout est tombé si bas qu'on ne pouvait plus récupérer les choses.17

LA COMPULSIVITÉ DU TYPE ET LA QUESTION DU PROGRAMME

Le quatrième aspect de l'arch6type jungien consiste en son potentiel à provoquer une réaction chez celui qui y est confronté. Ainsi le rapport motifenvers l'archétype, son aspect numineux, dépasse l'effet esthétique sur la conscience, et suscite des désirs, en1raine des volontés et appelle des actes. L'archétype possède une âlergie qui cherche à s'actualiser, que ce soit en accord avec la conscience ou à l'encontre de celle-ci:

When a situation occurs whicb corresponds to a given archetype, that archetype becomes activated and a compulsiveness appears, which like an instinctua1 drive gains its way against aU reason and will or else produces a confliet ofpatbological domensÎODS, tbat is to say, a neurosis. 11

Ainsi si le type a jusqu'ici été pensé en rapport avec un passé dont il constituait la continuité, la compulsivité dont il est ici question projette cette continuité dans l'avenir et fait du type un facteur qui propulse l'évolution des faits urbains et architecturaux et qui provoque des événements. Ce rapprochement de la permanence et de la répétition de certaines formes à l'évolution et au progrà des faits architecturaux et urbains est présent autant dans L 'architectrue de la ville que dans l'Autobiographie scientifique.

11 Rossi, AUlOblogrtlphie sclelfllflque, p. 84• •1 JUIJI, TIte .Arcltetypes tIIId the ColI.etive UftCOIUcloar, p.48. Voir aussi ('entrevue avec Rossi, JtlpIlII A.rcltlt.ct. janvier 1985, p. Il: «Wben 1enter the field of"'OIY, as Breton lDd otber sunealists saicl, 1 fiDd a "Jéaction automatique"». UN TYPE ANALOGUE 46

Dans L'architecture de la ville, cette idée se retrouve dans la section consacrée à la théorie des permanences dont nous avons traité plus lat. Là Rossi se voit obligé de nuancer sa théorie qui semble ne s'intéresser qu'aux aspects conservateurs des faits urbains. Il affirme que:

le processus dynamique de la ville va plus dans le sens de l'évolution que dans le sens de la conservation et à l'intérieur de cette évolution, les monuments se conservent et constituent des éléments propulseurs du développement lui-mente.19

Ce dynamisme du monument, Rossi l'associe ailleurs à son aspect typique:

sembra che (esprimando i concetti in forma sintetica) la fimzione dei tipi sia queUa di avvertici in anticipa di quale sari l'esperieoza futura.20

Dans l'Autobiographie scientifique, l'un des thèmes centraux est ce rapport entre les moyens expressifs limités de l'architecture, le recours à un petit nombre de types, et les évmements, prévus ou imprévus, que le bitimentvena avoir lieu:

le coeur d'un événement est souvent assez simple, et mime, plus il est simple plus il est destiné à se heurter à des ph6nomènes que lui­ mime engendre.21

Cet aspect de l'objet architecturaI rossien se retrouve exprimé dans sa conception du bâtiment en tant qu'instrument ou appareil, conception où s'exprime le rapport du bâtiment avec son programme et avec son usage. Sur cette question, Rossi demeure

19 Rossi, L'architecture. ltI ville, p.47. voir aussi p. 104: «les élaneats siDpliers IOnt les 111_,," copablu d'accllmr le proœS$ll$ d'wbanl.rlltlon de la ville et. PlI' npport • 1Dl taritoire plus \'lite, les éléments qui cancIériseat les pIOCeSIUS de trlDsformation spm'Ie du territoire.» 20 Rossi, «npologia, menualistica e an:biteaurD, daDa Ropporti trtI lfIDt'/orlogill e tipologûJ edillzitl, Venise, CLUVA, 1966, reproduit cIaDs Serilti 8celli IUII 'architetlllra e la cillà, p. 306. (on dirait que (en ezprilftlll'lliu concepts d'.". 1IttIIIIm qIflIWtIIi-) la foltClIo" du typa soit de rIDII$ awrtIr à l 'tIWIIIce de œ que .fera 1'expérl,nœ.f'ulure) 21 Rossi, Alllobiogrtlpllie .fC#enti.flqw, p.114. UN TYPE ANALOGUE 47 (

Figure 6 V. de ID statw ,. &ri1It.clltrlu-1lonoIftée. kOna, lIfOrIIrtIIrI l'esCtllier illlériew doII1ItI1It QCCÙ d 1'observtltoire sltrIé dans 1" ,'te ,. /Q sttltlle. «J'al compris fJtI' ID nille qu·il ". séduutJit parce qu'ici lu lldes régleJIWnlains qlli séparent 1'Q1'CltlteClUl'e, ID fllllClùM el 1'11a.ftrrIIfte1ll, se confont/t,Iimt en lIIIe merwilleuse itrwntion.»12

ambigu, oscillant entre une indifférence au programme - attitude dont nous discuterons à la section sur la déposition - et une vision «instrumentale» de l'architecture que nous aborderons ici.

L'Autobiographie scientifique, comporte plusieurs réflexions sur les rapports entre d'une part, le projet d'architecture et son programme où certaines activitâ sont prévues et, d'autre part, la réalité du bAtiment et les événements qui y ont lieu effectivement. La complexité de ce rapport l'amène à comparer l'architecture à un instrument: J'ai toujours cna que dans la vie comme dans le domaine de l'architecture, lorsqu'on est à la recherche de quelque chose, on est ( UN TYPE ANALOGUE 48

pas seulement en quete de cette chose; dans toute déman:he, il existe ( toujours un degré d'imprévisibilité, comme une répugnance • conclure. De mâne l'architecte doit préparer les outils avec la modestie d'un tecbDicieD; les outils d'une action qu'il ne peut qu'entrevoir, imaginer, tout en sachant que l'ÏDStrUment peut évoquer ou suggérer l'action.23

L'action est ainsi en partie prévue par le programme architcctura1, et en partie imprévue, car le programme, même dans le cas d'édifices consacrés • des rituels bien précis, ne peut prévoir tous les événements, ni mime les événements les plus importants, lesquels sont

toujours exceptioDDels. Le programme lui-Meme est appelé à changer, en fonction des réaffectations que subissent souvent les bitiments au cours de leur histoire.24 L'architecture construite, avec sa forme définie, a donc un rapport complexe avec l'usage: eUe répond • ses besoins immédiats, définis par le programme; eUe rend possible, par aiUeurs, grâce' sa fonne, ses climensions25 et son emplacement, d'autres activités que le programme n'a pas prévues; elle peut enfin sugg6rer l'action, en agissant sur l'imagination.

C'est la complexité de ce rapport entre le biti et l'usage que tente d'éclaircir l'analogie en1re architecture et instrument. Le mot instrument lui-même dérive du latin ;nstnœr~6 qui signifie munir, équiper. lnsn-uere désigne ainsi la préparation de 1& table en wc d'un repas. Instruere a aussi le sens d'élever, de bitir, sens par lequel il se rapproche de comtrlle1'e, qui a donné «construire)) en fiançais. L'instrument est un outil qui permet d'accomplir certaines tAches, sans toutefois les définir et les limiter, comme dans le cas d'une machine, conçue pour l'exécution d'une dche prkise. L'instrument est plus comme un outil, ou encore comme un instrument de musique. L'instrument est enfin

2] Ibid, pp. 38-39. 24 Rossi, L 'tlI'ChileCtln de la YIlle, pp. 17-21. 15 voir Rossi, L'autobiographie scielllijlque, pp. 16-11: cles proportiODS d'une table ou d'une maiIon ont une trà p1IDde impodIDce; non pu - comme le peDl8Îeat les foDctiomWisœs - pour remplir \IDe fonction ~ mais pour permettre davantaae de foactioas.» 26 F6Hx Gat1iot, DicIiOlllltJlre UlustrlllltllljÎYl1tÇlll8, P.o, HacbeUe, 1934. UN TYPE ANALOGUE 49

( instrument de mesure, gdce auquel nous accédons à des réalités ou des dimensions qui autrement nous écbappenient.

Le rapport entre architecture et usage que Rossi explique par l'idée d'instrument, est aussi expliquée par une autte analogie, cette fois avec un appareil:

J'ai toujours eu avec le mot apparatus [appareil] un rapport pour le moins singulier: il est lié pour moi à la lecture et à la possession, lorsque j'étais encore adolescent, de l'ouvrage d'A1phonse-Marie de Liguori intitulé précisément Apparecchio alla morte. 21 Ce livre étrange, dont je conserve encore tant d'images dans ma mémoire, me semblait lui-mme un ccappareib) en raison de son format plutôt petit et très all00gé. J'avais Meme l'impression qu'on pouvait ne pas le lire et qu'il suffisait de le posséder en tant qu'iDstrument. Mais le lien entre l'appareil et la mort revenait 6ga1ement dans des expressions aussi quotidiennes que apparachiare la tovola qui signifie dresser la table, la préparer, la disposer. Apartir de là, j'ai commencé à regarder l'architecture comme l'instrument qui permettait le déroulement d'une chose.2I

Cette analogie avec l'appareil apporte une nouveUe dimension à la compréhension du rapport entre architecture et usage. Le terme appareil signifiait originellement préparation, comme en tânoigne encore aujourd'hui le verbe appareiller. Dans la langue classique ou litt6raire, appareil désigne la préparation d'une chose en wc d'une action, par exemple d'un navire en vue d'un voyage. Appareil désigne aussi, par métonymie, l'apparence d'un objet qui a reçu une préparation particulière. Ce sens se rapproche du sens technique en architecture où appareil réfère à la disposition des éléments d'une maçonnerie. L'architeeture-appareil vient préciser le sens de l'architccture-instrument en

27 Saint.A1pboD1e-Mu'ïe de Liguori (1696-1787) est le foDdateur de l'ordre missiOllDlire des pàes I6demptoristes. n est aussi l'auteur de 1Ià aombreux ouvraps de d6v0tion qui ont 6té tns popuI8iJes jusqu'au X1Xe sikle, mais dont le style exub6rBDt • souvcat 111ft les critiques des piOteSIIUItS. La préportltio" et itI lIfOrt (ApptJTecchio lI1it1l11Ot1e) est UD OUVIIF asœtique iDspir6 du thème de la première semaine des E1œrcica qlrltwu d'lpIœde LDyoIa: la~ le jugement demi., le pendis et l'enfer. Dictionnaire de t/Wologie CtlIhollque (lI tomes), lWis, Letouzey et Aœ, 1923. Oxford DietiofttII'Y oftlle ClrrlItilm Church, f. L. Cbuœh dir., Loadres, Oxford Uaiversïty Pras, 1951. 21 Rossi, L 'Qlllobiographie 8CÎ6l111jiqw, p.ll. UN TYPE ANALOGUE 50

( rendant évident le rôle de l'apparence daDs les rapports entre l'an:hitecture et l'usage. Cette analogie entre architecture et appareil se retrouve exprim6e dans l'oeuvre graphique de Rossi où celui-ci associe souvent bAtiments et objets domestiques, en particulier cafetières et ustensües, ou dans ses dessins du «San Carlone») (voir Figure 6, page 47).

Cette idée selon laquelle l'apparence de l'architecture doit suggérer l'usage n'est pas originale et Rossi a pu la reprendre chez Boullée ou chez Adolf Loos. Boullée nomme caractère cet aspect de l'architecture par lequel son apparence anticipe son usage. Dans )'Essai sur 1'art, il présente le caractère comme quelque chose de très proche de la compulsivité dont nous avons ici traité:

Portons notre regard sur un objet! Le premier sentiment que nous éprouvons alors, vient évidemment de la manière dont l'objet nous affecte. Et j'appelle Caractère, l'effet qui résulte de cet objet, et cause en nous une impression quelconque. Mettre du caractère dans un ouvrage, c'est employer avec justesse tous les moyens propres à ne nous faire ~uver d'autres sentiments que ceux qui doivent résulter du sujet.

Le caractère de BouDée, Rossi le rapporte implicitement, dans son introduction à l'Essai, à la notion de type lorsque celui-ci le désigne comme le point de départ et le

<

Chez Adolf Loos, à qui Rossi a consacré, comme à Boul16e, un 10lIl essai d'introductiOn,31 on retrouve cette mime id~ d'une adéquation entre l'impression

a BoIIllh '.s Tretltùe 011 Nchitectun, p.41.

]0 Rossi, introduction à: Étieane-Louis BouII6e, ÂrchiletIW4 SogIo MI'me. Padoue, Manilio, 1967. œproduit daDs Scrltti .seelli sull'Ql'ChUettllrtl e la cilt,), pp.3S4-3SS: dll'origine vi è l1li ptIIIIo di rl/lrùlwnto emoziofttlle e cite s.fugge ail'1I1IIIli8i: uso .si Q.UOCÛl altelllllJin doll'illlzio e cresœrd COll uso 1",., tIIttIIllIprogelttrzionll.» (Au cWbut, n y a un point de r6fâeaœ âDotifqui r6siste • l'aaalyse ct qui s'associe au thàDe dà le cI6but et croitra tout au 10Dl de la cxmception du projet) JI Rossi, «Adolf Loos, 1870-1933», dans Ctl.Jtlbellll CQlltlmliIQ, DO.233, 1959; zeproduit daas ScrlttI scelti SIIlI'architeltllnl e la clltà, pp.78-106. Rossi a aussi pubU' deux autres articles: «1Dtroducûon' Adolf (suile de la lIDIe Q lapage ndwInte) UN TYPE ANALOGUE 51

générale dégagée par un bâtiment et l'usage auquel ce bitiment est consacré:

• Les oeuvres d'architecture parlent au coeur de l'homme, éveillent des émotions. La tAche de l'architecte est de provoquer des émotions justes. Une chambre doit être plaisante, une maison sourire au passant, l'inviter à entrer. Un palais cie justice doit faire le geste de la loi qui menace ou avertit. Une banque doit vous dire: dépose ton argent, il sera bien gardé. Pour exprimer ces émotions, l'architecte n'a pas à inventer une langue nouvelle. Comme l'écrivain, il n'a qu'à parler, à sa manière, la langue déjà fixée par ses ancêtres.32

Chez Loos, cette idée cadre dans son conservatisme d'ensemble et vise à limiter l'expression architecturale au programme du client. Loos cherche, dans son oeuvre bitie autant qu'écrite, à s'opposer au symbolisme de l'architecture de la Sécession, mouvement dont il était le contemporain. Cette restriction de l'expression architecturale au thème du bâtiment se retrouve aussi chez Rossi, et eUe CODStitue un des aspect de son naturalisme

évoqué plus tôt.33

Dans les projets architecturaux de Rossi, on peut retrouver cette idée de caractère exprimée dans ses projets pour les résidences pour étudiants à Chieti ou le cimetière de San Cataldo à Modène. Nous traiterons de ces deux projets dans les deux sections suivantes consacrées à la cabine et à la déposition. Ces deux thèmes représentent des exemples qui permettent de donner un contenu plus concret à la notion de type analogue que nous avançons ici. C'est essentieUement claus l'Autobiographie scientifique que nous retrouvons les réflexions de Rossi sur ces deux thèmes. La cabine est l'objet d'une méditation autour du bonheur, tandis que la déposition tourne Rossi vers une

(SIIite _10 IlOte .'apoge prlcétJDlle) 1.oos», AdolfLoos, 1870-1933, 2e 6diticm, Li., Pierre Mardap, 1985, pp. 27-32. «Rossi on Loos» t SkyIi., avril 1982, pp. 18-25) 32 Adolf Loos, Paroles dmu le vide, Clrronlq_s mlla cl l'OCCQSion • l'E1tpo.fltioll vlellllOUe du Jubilé (1898), AIItrU clvorliqJles.s tlIIIIé~s /897-1900, Malgn tout (1900-1930), Paris, lm., 1994, p. 227. 3J A propos du uaturalisme de Rossi, voir plus haut peae 9. UN TYPE ANALOGUE 52

( contemplation de la mort. Notre discussion de la déposition nous amènera eDSUite à discuter de l'ambivalence dont fait preuve Rossi l l'égard du r61e du type et plus généralement à l'égard des possibilités de l'arcbitecture dans monde actuel.

LA CABINE

Les cabines de Rossi sont associées à la mer, mer qui entretient avec l'architecture des rapports tout·à·fait singuliers, rapports marqués par le bonheur qui pour Rossi semble émaner de la mer d'une manière aussi concrète et palpable que les vagues qui balaient le liUoral.

La mer, aux étendues infinies, à la fois indifférenciée dans son étendue et infiniment variée dans son apparence, tantôt calme et lisse comme un miroir, tanlat démontée et menaçante, la mer est un non-lieu, une absence de repères, une absence du sol et de sa fermeté. On ne peut l'habiter que gdœ à l'architecture navale, laquelle est moins un aménagement du lieu, à l'instar de l'architecture terrestre, que défense contte les dangers de la mer, défense dont la défaillance signifie souvent la mort des occupants.

Malgré que nous soyons des créatures tellesbes inadaptées à la vie aquatique, la mer exerce sur nous un puissant magnétisme.34 Elle attire, ene séduit, elle guérit Meme. La mer produit un fluide qui nous semble bénéfique. L'introduction de Moby Dick de

34 Les propI'iü doDDlllt sur la mer ou sur lm l8c .+'IeIdeid. selon l'avis aâ*al des c:oasei1lers fiDlmciers, un investiSlClDCDt p8I'IiculiàaDeDt sOr. DaDs le quartier de bInIieue où j'habite présentement, UDe pmpri~ sur le boni du lac Saint-Louis vaut pœn1emeDt le triple d'une pmpri6té similaire mais laDS accis' l'eau. Rossi lui-m&ne n'en pme p8S VlÎDeiDeDt: il.acquis une iDIIÎSOIl sur le bord du lac Mlgiore. K8Ien D. Stein, «POrtrait: Aldo Rossi; ltaly's leediDl8iChitect al bis IakefioDt JeIIeab, Jfrchiteclllml Digest, j8DVÏer 1994, pp. 46-51. UN TYPE ANALOGUE 53

( Me1vilJe. Iiwe que Rossi estime important pour l'I!tude des lapports entIe l'~l / ~ ém~~3S d6crit le pouvoir qu'a la mer de rétablir les humeurs du mélancolique: 1 ) 1 thougbt 1 would sail about a liUIe and see the watery part of the worlel. It is a way 1bave ofcIriviDs oŒthe spleen, and regu1ating the circulation. [...] There is DOthing surprisiDg in this. Ifthey but knew il, almost aU men in their degree, SOlDe time or other, cherish very Dearly the same feelings towards the ocean with me.36 La mer est aussi associée aux vacances, à la plage, à ces moments soustraits à la chaine de nos responsabilités, à ces moments où l'on éprouve un sens de liberté accrue, inspiré par la contemplation des horizons sans obstacles de la mer.37

La recherche du bonheur s'identifie au moment heuœux d'unjour de Rte - car dans un tel moment, dans la sus~ion des choses, il semble que le bonheur ne puisse atre contrarié.31

Tout ceci peut sembler bien lointain de nos préoccupations architecturales, mais pourtant c'est par sa fascination pour la merque Rossi a 6té attir6 à l'architecture:

La mer me semble une coalescence; eUe me semble posséder la capacité à construire une forme géométrique et mystérieuse, faite de chaque souvenir, de chaque attente. Peut-itre est-ce un vers d'Al., à l'époque où j'étais au lycée, qui m'avait porté vers l'architecture: «0 coquille marine 1 fille de la pierre et de la mer

35 Rossi, Autobiographœ $cœ1lti.fiqw, p.42 :«1e ca cie Melville me fisclDe car il explique la relation CIdIe l'observation et la mémoiœ; ou si l'on wut, eD1re l'aaaIyse et la cnativiœ.» J6 Herman Melville, Moby Dick; or tM W1It.rle. EVIIIStOD, Northwestan University Press et Chic:aao, Newberry Library, 1981. p. 3. 31 Dans l'article «Invisible Distmces», Rossi usocie l'ÏDfiDi du ..,.. marin au bcmbeur en citant un passage cie 00eIbe: de me rappelais si bien comme je m'arretais quelque fois • reprcIer c:ouJcr l'au; avec queUes siDpliàes conjectures j'en suivais le cours; les icWes merveilleuses que je me faisais des légions où elle se read8it; comme mon j""IIÎnation IIOUYaÏt bient6t des limites, et pourtant cela devait continuer plus lom. plus loin eacoœ, jusqu" ce qu'eD1in je me penlais d8Ds la contemplation d'invisibles lointaiDs. Vois-tu, mon lIIIlÎ, telles ... les bomes. tel le boabeur des IIdmirables Anciens, teUes la naIveti de leun sentirnads et leur poâie.» us s~dujane Wmlwr, Paris, 0aIlimard, 1973, p. Ill, cité daDs Rossi, «Invisible Dmaa:en, A.ldo Roal A.rchit.ct, Helmut 0eiIert dir., LcmdJa, Acldemy Editioas, 1994, p. 220. 31 Rossi, Aflloblogralrie $ci.ntlJIque, pp. 23-24. UN TYPE ANALOGUE 54

écumante 1tu émerveilles l'esprit des enfants». Les vers sont à peu ( près ceux-là, et évoquent aussi bien les problèmes de la forme ~ue de la matière et de l'imagination, c'est à dire de l'émerveillement. 9

Le coquillage d'Alc6e devient pour Rossi le modèle de tout 6:lifice, le type architectural le plus élémentaire, le proto-type dont les autres types dérivent. Sécrété par un corps vivant, informe et wlnérable, afin de se pro~ger d'un milieu qui le nourrit et en même temps le menace, le coquillage provoque 1'6merveillement par la perfection de sa forme et sa durabilité qui le rattache plus à l'ordre éternel du minéral qu'à celui éphémère du vivant C'est cette meme nature inerte, fossile de l'architecture que l'on retrouve dans l'idée de forme résiduelle, cœée par aggrégation, contenue dans la citation de Victor Hugo· par laquelle nous avons plus tat abordé le lien entre architecture et société dans l'aspect empirique du type.

Le coquillage est le modèle de la cabine dont on peut dire qu'elle est, à son tour, le type architectural le plus élémentaire. Elle représente le rapport le plus direct entre une architecture et le corps bumain, avec les actes privés où on change de vetements, on confesse ses secrets, on cache ses possessions personnelles. La cabine réfère à une «dimension minimale de mode de vie, une sorte d'impression d'été»,4. à l'absence d'histoire, de responsabilité ou de projets, à des <

39 Rossi, .4l11obiograplùe scientifiq., p. 44. Les vers CIl questions CODStitucnt l'easemble d'un fiapleDt qui doIme: «EDfaDt de la mcbe et de la mer blanchissante, tu amuaes l'esprit des eafaDts, œquiIleae IDUÏD». Le coquilJase mentiODlll6 est le 1aaç, lequel produit des lODS musicaux lorsqu'on y souftlc . Alde est un Iristoer8te, aveaturicr et pœte pee du VUe sikle .vatJ.-C.• D est l'auteur de DOIDbreux cbaDts, surtout politiques et érotiques, al lJ'IDde partie padus. Ne nous sont puveIlUl que quelques ÛI(pDeDtS, surtout des cbaDsoDs cie table. Voir ~lcle StIpIto, Puis, Belles lctlnls, 1931, p.l25 (fiqmcnt (59). 40 voir plus haut, p8F 29. Le mot latin co~ ll'oriJiDe de CODIUUire CIl fraaçais, daive du mot strws, qui sipific amas, lIlODCeIU, 1111. DlctiOl'llltJlre UI"'INfrQllÇtlls-ltmn. articles C01lSI1Wre et SfrIIU. ". Rossi, Allloblograplaie sclMtlflque. p. 74. ( G ibid., p. 44. UN TYPE ANALOGUE 55

( historique, suspension que Nietzsche croit nécessaire au bonheur,43 est certainement liée à l'expérience de l'enfance, ou du moins au souvenir dont l'adulte s'en fait..... Et ce souvenir de l'enfance est lui aussi un aspect important de la quête du bonheur, malgré la nostalgie qui l'accompagne forcément.

La cabine-coquillage a aussi la particularité qu'eUe ne dépend pas d'un lieu. Comme le coquillage dans la mer, la cabine génère d'eUe-même son propre üeu qui coYncide avec son intérieur.45 Daniel Libeskind l'a bien relevé, à propos du TeQtro dei Mondo. D'après lui, le Teatro résiste à l'homogénéisation contemporaïDe de l'espace, à la destruction de la spécificité des lieux, en créant son propre lieu qui DaI' de l'intérieur pour se déployer ensuite ven l'extérieur.46

Le coquillage est aussi, finalement, Wl iastrument qui permet d'entendre la mer même quand ceUe-ci est absente. Le coquillage, dans son intérieur exigu, contient

miraculeusement l'infini de la mer dont il est né. N'est-ee pas là la source de la

43 voir Nietzsche, «IDconvénients des ~ historiques». ConsitMrDtions intlCtWlles. p. 125: «le plus petit comme le plus gmnd boDbeur sont toujours créés pu une cboee: le pouvoir d'oublier, ou, pour m'exprimer en saV8Dt, la &cuité cie sentir, absInction faite cie toute idée historique, peadat toute la dur6e du boDbeur.» .... «Comme 1'6volution de l'embryon retrICe les étapes cie la pr6istoire, l'esprit travene lui aussi une sâie cie stades pœbistoriques. La principale dcbe des Itves estde rappeler' notre souvenir. cette préhistoire, et le monde de l'enfimce,jusqu'au niveau des iDstiDcts les pl. primitifs. Ce rappel peut avoir, comme Freud l'a œmarqu6 il Yaloapmps, un effet tbâapeulique œmarqu8ble. Cette oblervalion coofirme le point de vue selon lequel les lacuDes daDa les lOUVeDÎIS d'enfances (une préteadue amDIl!sie) iqKéscDte une perte efJec:tive et la œmémoration ua lM:CIOissemeat cie vie et de bïen-b», JUJII, L.""".". et ses syMboles, p. 98. 45 ~ A.lllobiographie st*nti.fitlw. p. 76: «la "petite maison" semble sans 10CII8. car le IOCIIS est alors • l'intbieurou s'identifie'celui qui l'babi~ pour un temps que ('00 sait épbémàe mais qui ne peut an calcuWJt

46 D8Diel LibesldDd, «Deus ex MaclûnllMKhina ex Deo: Aldo Rossi'. Tbeater oftbe World», OppœitiolLf. DO. 21, ~ 1980, p. 9: ccRossi's tbeater (1ike the teSt ofbis work) is coaœived inthe lipt wbicb revals Ihi. the_elws as specitJI p1aœs and implies abat the pbysical-technic:al cIomain is DO lqer the orientiDg dimension ofbis architecture. In otber words, the 1beater is DOt located in a pre-aivea SJ*C (an a priori system), but looms out ofa specifie iDDer local t1uouP wbicb spKe sublequeDtly unfold ( ïtlelfJt UN TYPE ANALOGUE 56

fascination qu'a Rossi pour les intérieurs, pour la domesticité, pour les fenêtresr7 Est-ce là le moyen par lequel il poursuit sa tiche d'architecte dans un monde qui ressemble de plus en plus à un océan sans frontières et brassé par des courants et des vents imprévisibles? Les cabines-coquillages sont-elles ces <

LA DÉPOSITION

En 1971, Rossi, en collaboration avec Gianni Braghieri, remporte le concours pour le nouveau cimetière de San Cataldo à Modène. Peu avant la conception du projet, Rossi a été victime d'un grave accident d'auto lors d'un voyage en 49 Yougoslavie. Il a alors été longuement hospitalisé à Slavonski Brod • C'est suite à cette convalescence qu'il en est venu à identifier la mort à une forme de ûacture, à une incapaci~ du corps réduit à l'inertie, à n'etœ, en comparaison avec le corps indemne, qu'un objet dénué de vie, étranger à la volonté en même temps qu'une dimension nonnalement cachée, sa structure osseuse, était rendue douloureusement présente à la 50 conscience • C'est cette expérience qui a formé le noyau émotifdu projet du cimetière, à l'instar de la découverte par Boullée de son ombre, origine de son architecture funéraire:

1.1 Rossi. AlIIobiograpllie sclerrtljiq., p. 41: «11 est cIoDc vrai que toute arcbitectuœ est aussi UDe arclûteebR de l'intbieur, ou mieux, UDe an:biteetuœ veD8Dt de l'iIltérieur.» ltI Ibid.. p. 23: aeuI. peut-ft'e, un paod 61811 popuIme peut-il DOUI doImer la clé d'un dessin d'.....ble. Pour l'instant DOUS SOIDIIIles cootraiDlI de DOUS mtter à ccrIIIiDs 61âDeDts. [...] il lllrive que des obstacles historique-mut à fait semblables à des blocaaes ou des sympt6mes d'mdre psycbolosiquo­ empkbeDt toute reconslitulÏOlL C'est pomquoi, je crois qu'ü De peut Yavoir de compeIISItion meuse et que la seule chose possible est 1'8ddition, quelque pIIt entIe logique et biolflPbie.» et p. 40: «Dès Ion, • quoi aumis-je pu aspirer dans 1DOD.œder? Certes à peu de choses, w que la possibili~ de NaH.rdes grandes choses "tbistoriquemeat forçIOle.» 1.9 SlavODSki Brod est situ6 • la froDtiàe entre la Bosaie-Herzé&ovine et la Slavonie, putie de la Croatie aujourd'hui disput6e .,.Ies Serbes. 50 voir .4l1lobiograplrie $Clerrtljique, p. ISO: «De DOIDbreuscs fois dIDs ma vie j'ai 6ti ~pour des fnIctura ou autres traumldismes des os et cela m'a ~ 1Dl seas et UDe connai5.llllœ des m6:mismes du corps tout à fait improbable aubemeDt». UN TYPE ANALOGUE 57

À Slawonskï Bord [sic],j'avais identifié la mort à la morphologie du ( squelette et aux altérations qu'il peut subir. le réalise maintenant qu'identifier la mort à une sorte de ûacture est une interprétation uniJatérale. [...] je me proposais de représenter une forme «déposée»: pour moi, l'architecture «déposée» n'était qu'en partie anthropomorphique.51

La fonne «déposée» dont il est ici question fait allusion au tbàne de la déposition de croix. Ce thème, fort répandu dans l'histoire de l'art, représente le Cbrist mort étant descendu de la croix, soutenu par des fidèles. Rossi cite dans l'Âutobiographie scientifique les Dépositions d'Antonello da Messina et de Rossi Fiorentino52 et pour la parution de «Invisible distances» dans Y1A 11, il place en ftontispice la Déposition de Iacopo Carruci. Ce tbàne est en fait étroitement lié à celui plus commun de la pietà, où

est représenté le moment suivant la déPosition, où Marie pleure sur le Christ mort.

Ce sont ces deux tbânes artistiques, la déposition et la pietà, qui vont guider Rossi dans la conception du cimetière de San Cataldo et l'assister dans la traduction formelle de son expérience à Slavonski Brod. L'idée de déposition en architecture est intéressante par la manière dont elle nous permet de préciser le rapport entre le type et le corps humain. Nous avons déjà w ce rapport daDs la cabine. La cabine en1retient avec le

corps un rapport direct et intime, privé même. Le coquillage en est le prototype: sc§crétiOD minérale du mollusque qu'il épouse étroitement. Mais déjà le coquillage laissait entrevoir la nature ambigOe du type: sc5crétion d'un être vivant dont il épouse le corps, le coquillage est néanmoins lui-marne dépourvu de vie. Il est minéral et continue à exister indépendamment après la mort du mollusque. La déposition traite d'lDl meme type d'ambigulté. Il s'agit de la représentation d'un corps bumain, mais d'un corps mort, inanimé, supporté et mti non pas par sa force propre mais par celle de ceux qui le portent.

SI ibid. p. 28 52 Rossi, ~lIIoblographie &Cienliflque, p. 28. UN TYPE ANALOGUE 58 (

Cette image provoque chez Rossi une grande angoisse par son évocation de la 1imite de notre incarnation:

la déposition admet un système, un édificc, un corps - souhaitant dans le mente temps en casser le cadre de réf6rence - et nous contraint donc à une lecture différente, certainement plus inquiète du fait de son impossibilité.53

Ce thème est lié à la conception du cimetim d'une manière évidente et appropriée. On en retrouve l'expression dans les formes du cimetière: la raideur des proportions, la &agilité des longues ailes portées par de minces voiles de Wton, évoquant des côtes ou des vert6bres, la juxtaposition des difTbents bitiments sans transitions ou

53 Rossi, Âllloblograhie IClaliftqw, p. 29. UN TYPE ANALOGUE 59

( liens. Au-delà du cimetière, cependant, on peut voir ce thème exprimé dans l'ensemble de l'oeuvre de Rossi et cela nous permet de mieux comprendre certaines de ses attitudes.

TYPOGRAPHIE ET ABSENCE Nous avons vu comment Rossi conçoit l'architecture comme une oeuvre coUective, une sorte de formation produite par la société. Or, il semble que pour Rossi la société contemporaine n'est pas en état de poursuivre la coDStruction de laville:

Les objets devenus obsolètes sont figés dans le dernier geste connu [...] Nous ne pouvons pas faire plus: pour transformer la misère culturelle moderne, un grand soutien populaire est nécessaire. La misère de l'architecture est l'expression de tout cela.54

Nous avons w que le type n'est qu'un des facteurs influant sur la forme architecturale. Dans un texte de 1966, Rossi affirme que les types, malgré leur nécessité et leur universalité,

reagiscono cIialetticamente con la teenica, con le ftmzioni, COD 10 sti1e, con il caraterre colettivo e il momento individuale dei fatto arcWU;UUllICO.L:'-.._.: 55

Je crois qu'on peut observer qu'en fait, à cause du caractère fragmenté de notre civilisation, Rossi tend à réduire l'importance de ces autres facteurs et à n'exprimer que l'élément typologique de l'architecture, et par conséquent à répéter, d'un projet à l'autre, les mêmes formes issues du passé:

Si je devais aujourd'hui parler de l'architecture, je dirais qu'eUe procède plut6t du rite que d'un processus créatit; car je connais parfaitement les amertumes et le confort du rite.56

54 Ibid., p. 46. 55 Rossi, «Tip>logia, IIUIDU81istica e arcbitettura ., 1lDppor1I Ira 1I'IOT.fologla ",balla e tIpologia edillzi4 Venise, CLUVA, 1966, reproduit daDs ScriIti sœ/ti IIIIl'arcllitetturtl e la ctnà, p. 304. ([les types] ~ dialectiquement avec la tedmique, avec les foDctions, avec le style, a"cc le caractàe coUectif et le momeat individuel du fait _bitectonique) UN TYPE ANALOGUE 60

( Ainsi le caractà'e compulsifdu type, à la base de l'architccture-apparil de Rossi, à la lumière de la dépositio~ passe d'une forme d'énergie intérieure qui provoque l'~énement pour devenir l'invocation d'un ~énement à venir, d'un avènement. L'absence de volonté collective à créer l'architecture n'est pas pour Rossi la source d'un déc:ouragement ou d'un cynisme. Au contraire, cette absence de rapport avec l'architecture n'affecte pas son espoir que chaque projet puisse, éventuellement, susciter l'adhésion et entraiDer l'identification:

agni opera mi scmbn ftammento della città futuram e quindi anche queste opere costruite, sono pur sempre parti inCODlpiute di un disegno più generale.57

Le projet arcbitectural de Rossi devient comme une recherche des fragments venus d'un antique symbole, dans l'espoir d'arriver à refàire la poteriejadis brisée.

L'origine du mot type intéresse ici notre propros. Type vient du grec tupos, empreinte, dérivé de tuptein, frapper. Il désigne, plus particuliàement, le sceau qu'une autorité fiappe sur certains objets qui relèvent de son autorité. Le caractère a une origine 5 étymologique fort semblable. '

Rossi semble rechercher daDs son architecture à réduire les moyeos expressifs à ces seuls types et caractères prédéterminés, qu'il utilise comme l'écrivain utiliserait les mots d'un langage dans son écriture. Rossi propose des édifices qui semblent dépourvus

(lIIIte ,./Q note de lafJGP pticitMlIIe) 56 Rossi, AlIIobiogn;Jp#de sc1e1lll.fitlw, p. 62. 51 Rossi, «Se pardo ques&i uItimi proaeUi; Edificio d'abituioae a Kochstrasse. BerIiDo e c:en1IO COIIlIIleICiale a PIIIIIUI», Lotus Ilfle1'llllliDJltll. DO. 57, 1988. p. 8. (chique oeuvre me lIeIDble un filament de la viDe future et mtme les oeuvre COIIIIrUites m'appIr8ÏSICDt comme les p81ties iDcomplttes d'un dessein plus ...... ) 51 «L'espaessione "arattere" vieae dei IJNCO: sipifica iDtaalio, impnmta, maaello» (L'expression "C8I8Ctêre" vient du pee et sipifie arawœ, empreiDte, a:au) EmesIo Roaers. Erpmmza ( del1 'tlTCltitettwa, p. 217 UN TYPE ANALOGUE 61

( d'individualité et de présence, réduits à n'eft que la reproduction de signes conventionnels. Il recherche ces formes par une technique de dessin qui, similairement, tellte de s'assimilerà l'écriture:

Oublier l'architecture, ou toute autre forme de proposition, était l'objectifd'un choix typologique invariable: celui des constructions picturales et graphiques où la graphie se confondait avec l'écriture, comme une forme plus noble de graphomanie où le signe relève indifféremment du dessin ou cie l'écriture.59

( 59 Rossi, AlIIobiograpltie Ic.1IIi.flque. p. 10. 62 ( CHAPITRE 4 LA VILLE ANALOGUE, LA TECHNIQUE ET L'IDENTITÉ

n n'y a pa 1\ établir si ZéDobie est' elasser pmmi les villes heureuses ou 1IUIIbeumISes. Ce n'est pIS entre ces deux eatélories qu'il Ya du SCDS • p8l1IIpr les villes, mais eIdIe celles-ci: celles qui contiDueDt au. traven des 8III*s et des dlaDgements • dormer leur forme aux ~ et ceUes où les désirs en vieDDeDt 1\ eftiar la ville, ou bim 90Ilt etraœs parelle.1 -Italo CalviDo

La ville est au centre des préoccupations de Rossi depuis le tout début de ses travaur et cette importance est confirmée par la parution en 1966 de L :4rchitettura della cinà, où l'architecture se retrouve indissociablement liée à la ville. L'architecture est née au même moment que la société civile et c'est la ville, par la manière dont elle rend manifeste les rapports dialectiques entre liberté individuelle et paix publique, entre espace privé et lieu public, qui en est la manifestation exemplaire.3 Cette manière de considérer 1~8IChitecture d'abord sous son aspect social distingue Rossi de la plupart des théories modernes où l'architecture est g6n....ement déterminée par des préoccupations esthétiques (liées à la perception de l'objet biti par l'individu) ou techniques (liées à l'acte de bâtir ct les moyens employés). Je crois que si aujourd'hui ces préoccupations

1 Italo Calvino, us villa hwi.flblu,1r8duit par Jean Thibodeau Paris, GaIlimaJd, 1974. p. 46. On retrouve cette meme id6e chez Rossi: «When 1Bee the vast structures oftoday [..•] 1set the feeliDg tbat somctbiDg oew is happeDiDs. However Ibis DeWDeIS is oaIy sometIIiDI whicb am be piDed wbea it C8Il he seen tbat IICbiteetun and tccJmolOlY are once epiD bel""""' (...] Iftbis is DOt the case, the the fiaamcnts of the modem cilies [..•] !DaY DeWI' come foIether to make a siDgle œberent "object" ad the chinee to grasp such ID "object" will be c:lenied as tbeIe citics witbout feeq erumble befoœ us.». «On present Works: Aldo RossU, ~+U,juin 1988, p. 27. 2 Le premier artiele reproduit dams le m:ueil Scrltti Salli, dl coacctto di lnIdizioae neU'1I'Chitecttura neoclassica mjJ..,.,.~ (pp.1-24), porte sur des tbàDes sp6cifiquemeDt li.ilia ville en &éD&aI et Milan CD perticulier. ) Rossi, Scritti sulll Bll'architettwa e la eUt. p. 298: cLt-=bitettura è cosi c:omudUrafa al fOllDDi della civilti; essa è un fàto pemvmcnte, universale e DeCeIS.nO. [•••] L'lICbitettura [...] diventa la costituzioae della comUlliti civil. (L'arcbiteeture est ainsi iDD6e à la formation de la civilisation. L'an:bitec:ture ( devient lacoastitutiOD de la commllD&1lfj civile.) LA VILLE ANALOGUE. LA TECHNIQUE ET L'IDENTITÉ 63 pour l'aspect social de l'architecture et plus particulièrement pour les lieux publics occupent la place qui est la leur dans la création et l'aDa1yse de l'architecture, Rossi y a contribu6.

U faut souligner deux aspects de cette urbanité de l'architecture chez Rossi. En premier Heu, cet aspect social ne prétend pas dominer entièrement l'architecture, contrairement à ce que soutiennent certains détracteurs de Rossi qui l'accuse de promouvoir une architecture totalitaire où l'individualité serait réprimée.4 Ces critiques passent très vite de la liberté politique à la hberté des fonnes architecturales et de l'architecture produite durant le régime de Staline en URSS à une architecture dont l'essenee-même serait répressive.5 Si on peut, à la limite, attribuer aux projets et édifices de Rossi un «caractère» autoritaire et anti-démocratique, il est cependant clair que la pensée de Rossi oppose l'aspect collectif de l'architecture à ses aspects individuels et particuliers: le privé contre le public, la constance et l'universalité du type contre les conditions particulières (topographique, prosrammatiques, 6conomiques) du projet.

Deuxièmement, l'urbanité de l'architecture doit eue comprise d'après sa double nature bâtie et sociale, double nature que les Romains désignaient par les termes urbs et civitos. L'",bs, c'est la ville de pierre, celle que les maçons construisent. La ci11itDs, c'est la ville en tant qu'organisation politique, celle que les débats publics et le pouvoir politique édifient et modifient. Rossi exprime, par exemple, son intédt pour la cité-état grecque dont la réalité excédait la cadre de l'agglomération bitie pour s'~dre sur

.. Ce point de vue ImilatbBl sur Rossi est lepi6seDté pel' Alan Lipmllll et Pawel Surma (<

( r ensemble de la région relevant de son autorité.' Un autre exmple de cet aspect conceptuel et abstrait de la ville se retrouve claus l'étude que fait Rossi de l'architecture coloniale, où l'organiMtion symbolique et légale de la ville a précédé et d6tenniné la construction physique plus clairement qu'en Europe où les ditTérentes époques ont chacune laissé leurs marques et rendent cette conespondance plus complexe.7

C'est cette réalité collective, sociale et publique de l'architecture qui va servir de référence à sa théorie du projet architectural exposée dans l'article

LA VILLE ANALOGUE

Rossi considère que l'urbanisme moderne est un 6chec total. En reléguant la planification urbaine à un groupe de spécialistes, lesquels ont basé leun propositions sur des critères techniques inaccessibles à la compréhension et la critique du public, l'urbanisme moderne s'est aliéné de la culture génâale et n'a pas pu, par conséquent, compléter la réalisation de ses plans, privé de l'appui politique nécessaire. D'après Rossi, l'échec de ces propositions est dG en partie à l'abstraction des plans proposés, plans

6voir L'architecture œla vilk, p. 177: «Il semble en fait que ....daas les dispositiollS lllCieaaes de la ville, l'aspect mataiellit.tté SflMDdajre, comme si la ville ~ plaqUe un lieu pwewent mental. Peut­ eue est-ce 6plement 1 ce c:anctàe !pk"letif que l'lIdûteetule de la ciœ pecque .,it SOlI ex1nIOIdiDaire beaufj.» ( 1 ibid, p. 13, et l'iDtroductiOlli"66ûon 1lDâicaiDe, TIre hchitectwe oft. City, pp.13-19. LA VILLE ANALOGUE, LA TECHNIQUE ET L'IDENTIT~ 65 ( ,

•. '-~;j..:;- ~··1;~~)

Flgun 8 ..411101110 CœttJletto. Rialto COll il ponte leCODdo il pmptto di PaU8dio e COll a1tri edifici palJadi-i lIIIik .,toile

généralement composés à partir de calculs de circulation, de besoins CD espace, d'inftastructure, des rapports de dépendance ou de nuisance entre ditTérentes activités. et

autres considérations semblables. Tout ces panmètres D'offient que "peu de prise à l'imagination et il est bien difficile d'aprécier à l'avance les résultats possibles dans le cadre d'un tel plan. Ceci a fait que ces plans n'ont pas suscité la participation et les appuis nécessaires à leur réalisation.

Rossi propose une alternative à cette procédure. L'idée d'alternative est importante à son projet et ilen tire le nom de <

La defiDizione di ciUà analoga è Data neDa rilettura dei mio Iibro L'architettura della cinà. Nella prefazione alla seconda eclizione, scritta a1cuni anni dopo, mi sembrava che descrizione e conoscenza dovevano dar luogo ad uno stadio ulteriore; la capacità c deU'imaginazione che nasceva dal concretG. In questo senso LA VILLE ANALOGUE. LA TECHNIQUE ET L'IDENTIT~ 66

accentuavo il quadro di Canaletto dove, attraverso une straordinario ( collage, si costruisce UDa Venezia immaginaria impiantata su quella vera. E la costruzione avviene mediante progetti e COle, inventate 0 reali, cifate e messe iDsieme, proponendo un'altemativa nel reale.1

Ce que Rossi propose, en essence, c'est une image d'une ville idéale, mais composée à

partir de ces éléments déjà existants et reconnus que sont les types analogues, issus de

l'expérience de la ville. Comme ces éléments sont reconnus par le public, celui ci est à

même de juger le projet proposé et d'en disposer. On peut même voir que ce collage, par

la compulsivité que provoquent les types qui le composent, appeUe, invite et provoque

l'adhésion - ou le rejet - du projet, au contraire de la neutralité propre à l'urbanisme

moderne.9 Pour Rossi, la ville analogue répond à la nécessité d'imaginer l'avenir, à la nécessité pour une société d'assumer sa destinée:

Senza la capacità di irnmaginare il futuro non pua esservi soluzione per la città in quanto fatto sociale per ecccleuza. IO

On voit daDs cette citation comment Rossi coDSidère la ville moins comme une

agglomération bitie ou inversement comme une réunion organi* d'individus, mais bien

comme le rapport d'appartenance et .de participation entre la ville bAtie et la société

• Rossi, «Citti anaIoga: tavolalTbe 1DII080US city: pae1», Lotus ;ntemtlllonal, DO. 13. p. 6 (la définition de la viDe analogue est Déc cie la relecture de mon livre L 'tIrclrllectvn de la ville. Dans la préf8ce • la deuxiàne 6ditioD, 6crite quelques lDDées plus tard. il me sanblait que la dacription et la coDJMÙssanœ devaient cIoDDer lieu • uae 6tape ul*ieure: la CllplCité de l'imeaination .. du concret. En ce sens j'iDsistais sur le tableau de CaDaletto où, p8r un coUase ~Ie, UDe Veaile i""IIÏnaire se coDSlNit daas et sur la Venise Iéelle. Et la CODIIruCtion • lieu ptœ 1\ des projets et des choses, inventa ou ..Iles, citâ et mis ensemble, propoIIIIll UDe altemative au leÏIldu réel.)

9 voir plus haut note 18, plie 14. 10 Rossi, «Citti aaalop: tavo", p. 6. (S8Ds la cap8CÏté d'imqiner l'IMIIir il De peul Yavoir de solution 1\ ( laville en tant que fait 1OCÎIIIp8rexceUeaœ.) LA VILLE ANALOGUE. LA TECHNIQUE ET L'IDENTITÉ 67 (

Fipre 9..f1do Roui. La dltiaaalop, 1977

civlle,ll où l'un est l'analogue de l'autre, où la ville est le miroir de la société,

l'instrument par lequel elle peut se reconnaître ct assumer son propre avenir.

ognuno puo ritrovarsi in elementi fissi e raziouali, nella propria storia, e accentuare il carattere particolare di un luogo, di un paesaggio, di un momento. 12

Ainsi la ville analogue devient-eUe un instrument politique, un instrument dont le fonctionnement repose sur l'analogie: EUe permet d'appréhender une réalité complexe,

Il Ce rapport constitue la question du style pour Rossi. Ce leDS du mot style œpreud la cWfinition qu'en dorme Goafried Semper, selon laquelle le style c:oastitue la syndIàe d'un 8fIDd oombre cie fiM:teurs, notamment sociaux et historiques. ..f1ll0610"'" 8CÏD11iftque. p. 118·119: «p01D' compreodre l'lII'Chitec:tule, il DOUS faut cWpasser un certaiD c:omportemeDt. un certain type d'éducation, un easemble cie questions que je voudrais appeler le «Styla. J'eateads par li 110ft pas euctemcnt le style architectural au seDS punmeIIt teebDique (dorique, coriDtbien. ••), mais 1'inf1œnc:e qu'exercent lUI' DOUS les tp'IDds 6lifices.» 12 Rossi, «Citti aa1op: tavo1a», p. 6. (Cbacun peut le retIOuwr clans des ~16meDts fixes et rationels, cIaas ( sapropre histoùe, et lCœIltUer le caractàe pmic:ulier d'un lieu, d'un paysap, d'un 1IIOIDeIIt.) LA VILLE ANALOGUE. LA TECHNIQUE ET L'IDENTITÉ 68

( abstraite et difficile à définir, la soci6té, en la comprenant à travers une réalité concrète, familière, la ville qui la loge, qui la protège et qui lui donne sa forme. Lorsque Rossi conclutL ~rchitectu1'e de la ville en suggérant que Ics mêmes lois régissent l'évolution de la ville et la vie des hommes ct des femmes, il fait plus que reprendre sous une autre forme le principc qui avait guidé sa recherche depuis ses débuts. fi avance que l'étude de la ville, ainsi que sa construction, sont des moyens d'en venir à une connaisunce plus

grande de nous-mêmes, collectivement et individuellement, des moyens d'agir SlD' la politique, de l'améliorer, de guérir ses «blocages psychologiques» dont souftie la société et par là rendre à nouveau possible les «grandes choses», c'est-à-dire une architecture

réeUement coUective. 13

, L'IDENTITÉ ET LA TECHNIQUE

On voit ici la ville analogue retrouver le cadre de Rogers, sa problématique de l'identité et de la technique. Pour Rossi, la ville analogue permet <<à chacun de se retrouver dans des éléments fixes et ratioDDeIs». La ville analogue répond ainsi à l'appel de Rogers à «définir sa propre identité», à choisir entre le raIe du gibier ou celui du chasseur, à prendre parti.

Rossi va, à partir de la ville analogue, élargir la question de l'idcntit6 pour en faire

robjectif de la technique. La notion de technique qui se dégage des écrits récents14 de Rossi lie les deux questions de l'identité et de l'analogie. La technique est le moyen par lequel l'artiste crée des sens nouveaux à partir de JDat6riaux et d'objets existants:

1 have &lways been interested in the literaIy technique of purposetùlly mating the meaning ofa ward or a sentence figurative

13 A propos des «grandes choses» et des «blocqes psycbologiqueD, voir plus DOte 48, PIF S6. ( 14 à pmir de l'Allloblograpilie scle1llljique (1981), jusqu.'«Invisible Distaces,. (1990). LA VILLE ANALOGUE, LA TECHNIQUE ET L'IDENTIT~ 69

rather tban literal [...] This facuJty tbat cao traDsform the meaniug of a tbing comes close to the idea oftccbnique.15

On retrouve ici la capacité de l'analogie à établir des liens entre des réalités éloignées, d'une manière directe, sans passer par des étapes, par un processus analytique ou démonstratit:·6 La technique artistique devient un iDstrument de connaissance. Cette technique, dont le ressort est l'analogie, est le moyen de construction de l'identité, le moyen par lequel la personne peut croître, se développer à partir de son caractère initial. Cette idée est déveloF dans l'article récent de Rossi,

[Quintillan] speaks ofa technics ofgrowth and says tbat it is able to render sometbing 50 large tbat it could not permit tùrther growth [...] 1Mean growtb as a Iimit and a necessity. By dûs 1mean something like our sadness about a child who faits ta grow even tbougb we DOW tbat the limit ofgrowtb. is the loss ofcbildhood. II

Ainsi la technique artistique est le moyen d'une croissance qui est la compensation au etTets du temps qui nous fait vieillir, nous affaiblit et finalement nous emporte. La technique artistique élargit notre conscience et nous rapproche du réel:

Je vois bien que la fidélité de toute technique est là: dans l'identification de l'objet avec sa représentation imaginaire. Mais eUe est aussi de ramener l'imagination à sa base, à son fondement, à la terre et à la chair. 19

15 Rossi, Buildings tIItd ProJeCI$, p.IO

16 Cet aspect immédiat, évident de l'aa1oaie a ~ Rossi: «De l'icWe d'anaiOIie de Daumal, je reteaais tout puticuliàemalt son propos sur "la npidité ~ du cWjà w". Je le rapprocbais de la cl66Dition de Ryle pour qui l'lID8Iosie est le tenDe d'un POCtlSSUS». Âlll061ogrtlp1tie scielllijlqlle, p. 141. La citation de Daumal est tiJée de Le MonI AItIlIope, Paris, Gallimard. 1981, p. 110. EUe fait plltie de la description de l'impœssioa aaseDtie pli' le lIIR'Iteur il'aniWeauMont ADaIope: de D'mive pas i mxIre cette impression d'uae choie i la rois tout....&it extr80IdiDIire et tout....fait 6vidente, cette viteae 8hurissaDte de d6ji-w...» 17 Rossi, «Invisible DiaI."..., dans J'la Il: Arclateeture tIIId SIItMIow, David Murray dir., PbiJadelpbie, Uaivenity or PelmsylvaDia, 1990, pp. 84-19. Le titre n5tëre i une citation des StnJffttlllCU du Jeune W,nlwr de Goethe où les invisibles loiD1liDs rAmt l l'immentit6 mer qui permet au aarrateur d'oublier les lDII1heurs de lOIlamour impossible•

•1 Rossi, «Invisible DÎS1l1lœDt pp. 87 et 86• •9 Rossi, A1ll06togr.,.6ClMllljiqlll, p. 66. LA VILLE ANALOGUE_ LA TECHNIQUE ET L-IDENTITl: 70

( La technique, de la manim dont Rossi la conçoit ici, réuDit les moyens et les mécanismes de l'analogie aux objectifs éthiques de Rogers avec lesquels nous avons débuté cette réflexion:

ci occorre perfezionare une tecnica per domiDare con essa i sentimenti; identificare la tecnica COD i sentimenti; costituire un'UDÏtà tra mezza i fini; confonderli COD la vita; rare che l'arcbitettura sia vit&.20

20 Roaers. Esperlenztl .11'Ql'Cltiteltllrtl, p.44 (DOUS avODS besoin de perfectiouner une teelmique pour dominer les sentimeDts, identifier la tedmique aux sentiments, COIIItituer UDe unitj eD1Ie les moyeDS et ( les fias, les confoDdJe avec la vie. faire que 1'm:biteeture lOÏt vie.) 71 ( CONCLUSION

un couteau, dit un lIUIœ, n'est ni vrai ni faux, mais celui qui ('empoipe par la ....est dIIIs l'eneur.1 -ReœDauma1

Nous avODS, dans les chapitres qui précèdent, examiné différentes idées de Rossi reliées à l'analogie. Je réalise maintenant, à la fin de cette recherche, que ces différentes parties ne s'assemblent pas de façon à supporter une thèse unique qui constituerait ma prétention à prononcer le dernier mot sur cette question, demier mot qui me semble aujourd'hui bien plus éloigné qu'ü ne l'était au cl6but de mon entreprise. J'espère néanmoins que les ditf6rentes parties de ce texte ne divergent pas trop et qu'eUes contribuent à éclairer, de diverses manières, un sujet qui m'a enthousiasmé et qui représente, au-delà d'une question historique ou th6orique, une possibilité concrète pour l'architecture contemporaine.

Le premier chapitre, sur l'influence de Rogers et de Boullée, nous a permis de décrire ce qui constitue l'attitude générale de Rossi, le «rationalisme exalté». Cette attitude est, d'une manière, assez proche du mysticisme par la prépondérance qu'eUe attribue à des phénomènes qui kbappent à la raison et ne peuvent être appréhendés que par le sentiment ou l'intuition. Cette attitude ne s'abandonne pas, néamnoins, à ce mystère et garde à la raison le rôle d'intégrer ces intuitions à une constitution claire, stable et structurée.

Le deuxiàne chapitre s'est penché sur la notion de type dans L'archileetllre de la ville. Nous avons relevé la complexité et les tensions au sein de cette notion qui ne fait pas l'unanimité parmi les commentateurs de Rossi. Ces différents aspects de cette notion

( 1 Dauma1, Le Mont AftIIlogue. p. 124. CONCLUSION 72

( complexe, cependant, ont en commun d'aDDODcer la conception du type basée sur l'analogie avan,*, au chapitre suivant.

Le troisième chapitre a proposé une réinterprétation du type architecturaI de Rossi.

Cette interprétation rattache le type aux réflexions de l'Autobiographie scientifique, en

faisant appel à la notion d'arch«ype de Carllung, chez qui Rossi a repris l'id" de pensée

analogique. Nous avons illustré cette interprétation par deux exemples: la cabine et la déposition. Ce dernier thème nous a de plus permis d'aborder l'ambivalence de Rossi à

l'égard de la place du type et de 1'8D8logie dans son architecture et à l'égard des possibilit6s de l'architecture dans le contexte actuel.

Le dernier chapitre stest penché sur les notions de ville analogue et de technique

par lesquelles Rossi retourne aux questions morales et politiques de Rogers et y apporte des réponses à l'aide des outils aualogiques présentés dans le chapitre précédent.

L'aDalogie, à travers ses différentes manifestations dans l'oeuvre de Rossi,

demeure conforme' son antique définition selon laquelle elle permet d'appréhender une réalité invisible ou trop complexe par l'entremise d'une autre r6aIité qui elle est visible, connue et comprise, à laquelle eUe est li6e par une similarité. Et la réalité la moins bien comprise, c'est souvent notre propre nature, rendue trouble par les trop nombreuses

possibilités qui s'offrent à nous et nous en1rainent dans autant de directions divergentes. L'analogie est pour Rossi le moyen par lequel il m'ive, malgré ces diversioDS, à

construire sa propre identit6 et ceDe d'une cu1ture coUectivc à venir. Cette construction ne prend pas la fonne d'une projection dans l'avCDir, d'une utopie, mais plutôt la forme

d'un retour ven les choses avec lesqueUes il cherche à trouver des rapports justes en trouvant pour lui-meme la place qui est la sieDDC parmi elles. Cette quete, Rossi ( CONCLUSION 73

l'identifie à la recherche du bonheur, quête dont le modèle est peut-être donné par cet

écrivain lui aussi «exalté», Stendbal:

Même si je suis davantage impliqué dans les choses, j'ai depuis longtemps abandooné ce qui m'est étraDger: ma recherche n'est peut.ftre que ceDe que Stendhal a appelé la recherche du bonheur, et celle-ci ne peut s'aœomplïr que par ~ à un lieu qui n'est pas celui du possible mais celui de l'événement.2

SIDS doute est-ce là un visage plutat triste du bonheur que cet abandon de l'inconnu et ce retour vers le familier. Mais peut-être est-il impossible d'échapper à ce dilemme qui nous

force à choisir entre, d'une part, une résiguation au familier et, d'autre part, l'aliénation

de l'exil, sauf peut-être par l'intermécliaR de l'analogie qui permet d'ouvrir au sein du familier, une fenetre donnant sur les infinis de l'inconnu.

( 2 Rossi, Autobiographie scientijlqw, p. 117. 74 ( ANNEXE BIOGRAPHIE D'ALDO ROSSI

1931 najssance de Rossi à Milan 1933 mortd'AdolfLoos 1949 Début des 6tudes en architecture de Rossi Gilbert Ryle. TIte Coraptolt.Mmd 1950 Maurice Halbwachs, 1.4 1ftImo1n collecme 1952 Ra Daumal, Le Mont tlIIIIlogue 1955 Claude Uvî-Strauss, Trlstu II'OJ'ÏtlWs Rossi éditeur à Ctuabella Continuilà (jusqu'en 1964) 1958 Emesto Rogers, ErperV1IZlldell'archit,etrJra 1959 diplôme de la Polytechnique de Milan «AdoifLoos 1870-1933» début de la pratique priv6= de Rossi 1961 mort de C8rI Guslav Juag. 1966 Ârcltitettura della città Viuorio Glqotti,B tenilorlo _Il'archil,,,,,,,, 1967 «Introduzione a Boullée» Gicqio Orassi, CœlnlZio.,ogica den'arcIIit,ItIIrQ Ludovico QœroDi, La Torre di 1lDbele (iDIroduction de Rosai) 1968 <

LIVRES DE ROSSI Aldo Rossi, Architecture, 1981-1991, Morris Adjmi dir., mtro. Diane Gbinrdo, textes de Karen Stein et d'Aldo Rossi, New York, Princeton University Press, 1991. Aldo Rossi; Architettura 1959-1987, Alberto Ferlenga dir., textes de Rossi. MiJan, Electa, 1987. Aldo Rossi: Drawings and Paintings, Morris Adjmi et Giovaoni Bertolotto dir., avec des textes de Adjmi, Bertolouo, Stefanie Lew et Carter RatclifI New York, Princeton Univenity Press, 1993. L 'QllQlisi urbana e la progettœione architettonica, contrilndi al dibatto e al lavoro di gruppo nell'OMO academico 196811969, Milan, CLUP, 1974. L 'architettura della cinà, Padoue, Marsilio, 1966. (rééditions en 1970, 1973 et par CLUP, Milan, en 1978). --traductions: La arquilectura de la ciudod, trad. Josep Maria Ferrer-Ferrer et Salvador Tarrag6 Cid, mtro. Salvador Tarrag6 Cid. Barcelone, Editorial Gustavo Gill, 1971. Die Architelt:tur der Stodt, Skizze zu einer grrmdlegenden Theorie des Urbanen, trad. Adrianna Giachi, DOsseldor( Verlagsgruppe Benelsmann, 1973. A Arquiteetura da citJade, tract. José Charters Montiero et José da N6brega Sousa Martins, Lisbonne, Cosmos, 1977. L'architecture de la ville, trad. Françoise Brun, Paris, L'équerre, 1981. The Architecture of the City, trad. Diane Ghirardo et Joan Qckman, intro. Peter Eisenman, Cambridge, MIT Press, 1982. -critiques: AYMONlNO, Carlo, (cL'arcbitettura della citbb), Rinascita, no. 27, 1966. GRASSI, Giorgio, «L'arcbitettura della città», Città e società, no. 6, 1966. GREOOITI, Vittorio, «L'arcbitettura della citti», n Yerrl, no. 23, 1967. VOGT, AdofMax, <

--traductions: ( A Scientific Âutobiography, traduit par Lawrence Venuti, Cambridge, MIT Press, 1981. Autobiographie 3cientifique, traduit par Catherine Peyre, Marseille, Parentbàes, 1988. Wissenschaftliche Selbstbiographie, Berne et Berlin, Verlag Gaclmang & SprîDger, 1988. -aitiques: VOGT, AdofMax, «Aldo Rossi, The An:bitecture ofthe City; Aldo Rossi A Scientific Autobiography»t Joumtll of the Society of Architectural Hûtorltms, man 1983, vol. 42, DO. l, pp. 86-88. FUMAGALLI, Paolo, <

traduction: Etienne-Louis Boullée, Architettrl1'a. Saggio sulltarte, traduction et introduction d'Aldo Rossi, Padoue, Marsilio, 1967.

ARTICLES DE ROSSI (les articles marqués d'un astérisque (*) sont reproduits dans le recueil Scritti scelli sull'Q1'chitenura e la città)

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