Séance Du 4 Avril 2013 (Compte Rendu Intégral Des Débats)
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Séance du 4 avril 2013 (compte rendu intégral des débats) Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe Le compte rendu complet est disponible sur le site du Sénat à l’adresse suivante : http://www.senat.fr/seances/s201304/s20130404/s20130404010.html#Niv1_SOM7 Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe socialiste, la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (projet n° 349, texte de la commission n° 438, rapport n° 437, avis n° 435). Rappel au règlement M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour un rappel au règlement. M. François Zocchetto. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, mon intervention se fonde sur l’article 29 bis de notre règlement. En cet instant où le Sénat s’apprête à examiner le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, chacun mesure bien l’importance des questions soulevées par ce texte. Chacun mesure également que nos débats intéressent l’ensemble des Français, qui y seront particulièrement attentifs, comme ils le seront aux différents votes que le Sénat exprimera dans les jours à venir, ainsi qu’aux conditions d’examen de cette réforme. Au vu de ces éléments, je demande, au nom du groupe UDI-UC, que le scrutin sur l’ensemble du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ait lieu selon les modalités prévues à l’article 60 bis de notre règlement, qui régit les scrutins publics à la tribune. Nous aurions ainsi sur ce projet de loi un vote solennel, qui pourrait avoir lieu le premier mardi suivant la fin de l’examen des articles du texte, en l’occurrence le mardi 16 avril prochain, l’après-midi. Je rappelle que cette modalité est parfaitement courante à l’Assemblée nationale ; elle n’a pas pour but, bien sûr, de désorganiser nos travaux, mais simplement d’assurer un minimum de solennité sur un sujet qui le mérite. Pour ce faire, monsieur le président, je demande également que la conférence des présidents soit réunie dès que possible afin de pouvoir opérer cette modification de notre ordre du jour, s’agissant notamment du mardi 16 avril après-midi. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.) M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue. Puisque vous faites référence à notre règlement, vous ne pouvez ignorer que, selon le premier alinéa de l’article 60 bis, « il est procédé au scrutin public à la tribune lorsque la conférence des présidents a décidé que ce mode de scrutin serait applicable lors du vote sur l’ensemble d’un projet ou d’une proposition de loi ». Je constate que, lors de la réunion de la conférence des présidents du 20 mars, qui visait à organiser le calendrier d’examen de ce projet de loi, cette question n’a pas été soulevée. Néanmoins, je prends acte de votre souhait et je vais consulter les groupes afin de recueillir leur avis sur la demande que vous venez de formuler. Discussion générale M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la garde des sceaux. (Applaudissements prolongés sur les travées du RDSE, du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.) M. Éric Doligé. Il faut l’encourager ; elle en a besoin... Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, ma collègue Dominique Bertinotti, ministre chargée de la famille, et moi-même avons l’honneur de présenter au Sénat ce projet de loi, adopté largement à l’Assemblée nationale par 329 voix pour et 229 contre, qui ouvre le mariage et l’adoption aux couples de personnes de même sexe. Ce sont, à titre principal, des dispositions du code civil relatives au mariage et à l’adoption qui ont été modifiées, ainsi que des dispositions portant sur le nom de famille qui ont dû être adaptées. L’article 1er, qui est le plus important, ouvre donc le mariage aux couples de personnes de même sexe. Il rétablit dans le code civil un article 143 disposant que le mariage peut être contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe. Ce texte affiche donc très clairement l’ambition d’atteindre à l’égalité dans le choix des formes de vie commune et de composition de la famille. Ce texte ouvre en effet aux couples de personnes du même sexe la liberté de choisir une troisième forme d’organisation de la vie commune. Ces couples ont en effet déjà accès au concubinage, qui est une union de fait, ainsi qu’au pacte civil de solidarité, mais n’avaient pas accès, jusqu’à ce jour, au mariage, qui est à la fois un contrat et une institution, et qui produit des effets d’ordre public. Ces dispositions n’altèrent évidemment en rien les droits des couples hétérosexuels et des familles hétéroparentales. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) M. Roland du Luart. Il ne manquerait plus que cela ! Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Au contraire ! Du débat est en effet ressortie la possibilité d’une évolution du droit de la famille, notamment en ce qui concerne le statut du parent social. Mais ce texte contient d’ores et déjà des dispositions favorables aux couples hétérosexuels et aux familles hétéroparentales. Ce texte ne fragilise pas l’institution de la famille ; au contraire, il la renforce. (Vives exclamations sur les travées de l'UMP.) M. Jean-Michel Baylet. C’est vrai ! Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il ne met pas en péril les enfants. Au contraire, il les sécurise. Des dizaines de milliers d’enfants, voire, dit-on, des centaines de milliers peuvent être concernés. Mme Catherine Troendle. Des centaines de milliers ? Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Certains considèrent que ce texte permet à la France d’honorer ses engagements internationaux et qu’il la conforte dans sa lutte contre les discriminations et son combat pour l’égalité politique. M. Éric Doligé. Il y a mieux à faire ! Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. De fait, nous ne sommes pas seuls. Après avoir été pionnière, en 1999, avec l’adoption du pacte civil de solidarité, la France a en effet un peu marqué le pas, tandis que d’autres pays européens – les Pays-Bas, la Belgique, la Norvège, la Suède, l’Espagne, le Portugal et bientôt, définitivement, la Grande-Bretagne – légalisaient le mariage entre personnes du même sexe. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Mme Catherine Troendle. Six sur vingt-sept ! Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Durant la même décennie, le Canada, y compris la Belle Province du Québec, dix États des États-Unis, la ville de Mexico, avec effet sur l’ensemble du territoire mexicain, ainsi que la République d’Afrique du Sud, procédaient de même et légalisaient le mariage entre personnes du même sexe. Mme Catherine Troendle. Mais pas la filiation ! M. Alain Gournac. Non, en effet ! Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce n’est pourtant pas dans le but d’entrer dans un club hypothétique de pays audacieux,... M. Bruno Sido. Un club très fermé... (Sourires sur les travées de l'UMP.) Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.... dont les législations ont d’ailleurs des effets divers, que nous vous présentons ce projet de loi. Non, c’est au regard de l’histoire de la République française et de ses valeurs de liberté et d’égalité, au regard de son évolution propre, de l’empreinte laissée sur ses institutions par les débats, les combats, les progrès juridiques et sociétaux, que nous vous soumettons ce projet de loi. M’étant exprimée à ce propos à l’Assemblée nationale, c’est à grands traits que je vais tracer les principales étapes qui ont consolidé l’institution du mariage. C’est en 1791, à la suite de la réclamation d’un comédien, dont la profession était exclue du mariage religieux, le seul alors en vigueur, que le constituant de 1791 a instauré le mariage civil. Quatre ans auparavant, en 1787, le pluralisme religieux avait été reconnu et le mariage des juifs et des protestants – les enfants étaient auparavant considérés comme bâtards - était autorisé, en tout cas pour ceux qui étaient restés en France, puisqu’il semble, selon les sources, que plus de 300 000 d’entre eux avaient quitté le pays. En instaurant le mariage civil, en confiant à l’officier d’état civil l’enregistrement des actes, en imposant le consentement – l’article 146 du code civil, inchangé depuis 1804, dispose qu’il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement –, en autorisant le divorce, légalisé en 1792, puis supprimé en 1816, avant d’être rétabli par la loi Naquet, du 27 juillet 1884 dans la grande foulée de ces lois de liberté – loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, loi sur la liberté syndicale, loi sur la liberté d’association – qui culmineront avec cette grande loi de liberté laïque affranchissant l’État des églises, en levant toute restriction à l’accès au mariage, le constituant et le législateur ont bien inscrit cette institution dans le processus de conquête des libertés individuelles. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.) Avec le temps, le législateur l’a ensuite ancrée dans le principe d’égalité.