Le meurtre de René Bousquet

L’Humanité, 9 juin 1993

RENE BOUSQUET, quatre-vingt- berger m’avait sauté dessus, ça m’au- quatre ans, secrétaire général de la po- rait obligé à me défendre et à abattre le lice sous le régime de Vichy, a été as- chien. Mais le chien s’est sauvé quand sassiné hier matin à son domicile pari- il a entendu le premier coup de feu. » Il sien, 34, avenue Raphaël, dans le 16e ajoutait : « Je l’ai reconnu tout de suite arrondissement. Il était 8 h 45 quand parce que j’avais vu sa photo à la télé. un homme d’une cinquantaine d’an- J’ai dit : Monsieur René Bousquet, nées aux tempes grises s’est présenté à je vais vous passer ces documents qui son domicile. « Il a sonné à l’interphone sont nécessaires, vous allez en prendre en déclarant qu’il venait de la part du connaissance, les lire et les transmettre ministère de l’Intérieur et ma mère lui lors de votre convocation au procureur. a ouvert », raconte Alix Lafol, fils de Au lieu de prendre les documents, j’ai la concierge de l’immeuble. Puis il est sorti le revolver (qu’il avait caché dans monté à pied jusqu’au sixième étage, une sacoche), j’ai tiré à bout portant, il où Bousquet se trouvait en compagnie a foncé sur moi, il avait une énergie in- de M. Nam, son homme de ménage, et ouïe, ce type-là. J’ai tiré une deuxième de son berger allemand. Lorsque l’an- fois, il a continué à foncer sur moi ; une cien chef de la police vichyssoise a ou- troisième fois, il a commencé à chance- vert la porte, l’homme a tiré « trois ou ler mais il courait encore sur moi. La quatre coups de feu », selon M. Nam, quatrième fois, j’ai tiré dans la tête ou qui s’est lancé à sa poursuite jusqu’au dans la nuque, je ne sais pas, je n’ai pas métro La Muette, mais n’a pu le rat- bien vu et là, il est tombé, le sang qui traper. pissait, avec le papier dans la main. » A midi, un homme affirmant s’ap- Peu avant 13 h 30, Christian Di- peler Christian Didier convoquait plu- dier a été arrêté par les policiers de la sieurs organes de presse dans un hô- brigade criminelle et conduit au Quai tel des Lilas, en revendiquant l’assassi- des Orfèvres. Selon des sources poli- nat de René Bousquet. Il montrait une cières, « ses aveux sur l’assassinat ont arme et, après un discours sur le thème été confirmés à 90% et de nombreux du « Bien et du Mal », il apportait détails coïncident, des expertises balis- quelques précisions sur les faits : « Il tiques sont en cours pour voir si l’arme m’a ouvert. Je suis monté (au) 6e. Il est bien celle du meurtre ». Cependant, a un jeune berger allemand. Ça m’en- on reste prudent, Quai des Orfèvres, nuyait, parce que flinguer cette ordure- car l’homme a une « réputation d’affa- là, ça ne me dérangeait pas, mais si le bulateur ». Domicilié à Saint-Dié, dans

1 2 les , Christian Didier est âgé de judiciaire pour « crimes contre l’hu- quarante-neuf ans. En 1987, il avait manité » en raison de sa participation été arrêté à en possession d’une à l’organisation des rafles de juifs de arme chargée dans l’enceinte de la pri- juillet 1942 (Vél’d’hiv’) et à l’annula- son Saint-Joseph où, dit-il, il voulait tion, le 18 août 1942, de dispositions tuer . réglementaires protégeant de l’arresta- Comme le mentionnent de nom- tion plusieurs catégories d’enfants juifs breuses premières réactions (voir ci- étrangers en zone libre, l’instruction de contre), le silence définitif de René son dossier devait s’achever prochaine- Bousquet peut soulager bien du ment devant la chambre d’accusation monde. Faisant l’objet d’une procédure de la cour d’appel de .