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Sommaire | novembre 2015 Éditorial 5 | La faute à Robespierre ? › Valérie Toranian Grand entretien 8 | Umberto Eco. « La France a subi un choc qu’elle n’a pas encore digéré » › Franz-Olivier Giesbert et Valérie Toranian Dossier | L’héritage Robespierre 26 | La France et l’esprit révolutionnaire › Ran Halévi 37 | Jean-Luc Mélenchon. « Le Parti de gauche est l’héritier de Robespierre » › Valérie Toranian et Sophie Bernoville 47 | Robespierre n’a pas eu lieu. Anatomie d’un cerveau reptilien › Michel Onfray 54 | « La faute à Rousseau » ? › Robert Kopp 71 | Robespierre et l’Être suprême, ou de l’usage du religieux en révolution › Lucien Jaume 78 | Robespierre face à la Terreur › Thomas Branthôme 87 | Psychologie de l’Incorruptible › Hippolyte Taine 92 | La Terreur, une passion française › Frédéric Mitterrand 95 | Un déjeuner de travail › Marin de Viry Études, reportages, réflexions 100 | Quand le dragon s’essouffle, il plie mais ne rompt pas › Marc Ladreit de Lacharrière 106 | Russie, Chine et Amérique : un triangle dangereusement déséquilibré › Renaud Girard 113 | Mme Vigée Le Brun, grande peintre parmi les grands › Eryck de Rubercy 2 NOVEMBRE 2015 119 | Les hommes intéressants épousent souvent des femmes étranges › Marin de Viry 124 | La COP 21 sera-t-elle à la hauteur de l’urgence climatique ? › Annick Steta 131 | Jacques Abeille : un dédale littéraire › Laurent Gayard 136 | Littérature romande et identité nationale › Robert Kopp 144 | Les 70 ans de la « Série noire » › Olivier Cariguel 153 | Journal › Richard Millet Critiques 158 | Livres – Foucault en « Pléiade » › Michel Delon 162 | Livres – Roland Barthes a 100 ans ! › Stéphane Guégan 165 | Livres – Romain Rolland et Stefan Zweig s’écrivent › Eryck de Rubercy 168 | Livres – Un jounal au quotidien › Patrick Kéchichian 171 | Livres – Flann O’Brien, le saint esprit de la trinité › Frédéric Verger 175 | Livres – La France et le sens de l’histoire › Henri de Montety 180 | Livres – Kissinger et le réalisme démocratique › Hadrien Desuin 183 | Expositions – Le prisme de la prostitution › Bertrand Raison 187 | Disques – La tigresse Martha et autres pianistes › Jean-Luc Macia Notes de lecture 192 | Jean-Paul Bled | Michel Bounan | Henning Mankell | Maylis de Kerangal | Michel del Castillo | Paul Valadier | Frédérique Leichter-Flack | Lucien d’Azay NOVEMBRE 2015 3 Éditorial La faute à Robespierre ? ites « Robespierre » à un Français et le voilà qui s’enthou- siasme ou qui se fâche. Le chef jacobin de la grande Terreur est-il un « accident » de la Révolution ou son essence même ? Son discours sur l’homme nouveau, les ennemis qui Dmenacent la patrie, les traîtres qui la poignardent, et l’exemplarité de la vertu au nom de laquelle il faut bien, hélas, accepter quelques « sacrifices » est-il légitime ou a-t-il servi à fabriquer des Staline et des Pol Pot ? Michel Onfray dénonce la fascination dont Robespierre est encore l’objet. « Il existe toujours des adorateurs de ce serpent qui disait par- ler pour le peuple afin de mieux l’envoyer à l’échafaud, pour son bien, bien sûr, au nom, évidemment, de ce qu’il appelait la vertu… » Alain Badiou en est l’héritier, poursuit le philosophe, tout comme « Slavoj Zizek [qui] écrit : “Notre tâche aujourd’hui est de réinventer une ter- reur émancipatrice” ». Mais pour Jean-Luc Mélenchon, « faire de Robespierre la matrice de toutes les dictatures est une aberration historique totale. La violence est partout dans la Révolution, il n’y a pas de gentils et de méchants ». Les germes de l’Incorruptible sont enfouis au plus profond de notre inconscient politique collectif. Faire de celui qui exprime des doutes ou des nuances un ennemi pire que l’adversaire dont il fait secrète- ment le jeu même s’il s’en défend, voilà du Robespierre ! Certes, le terrorisme intellectuel n’envoie personne à la guillotine mais le débat d’idées en est toujours la première victime. NOVEMBRE 2015 5 Ran Halévi interroge l’esprit révolutionnaire, « compagnon de route de notre roman national », non réductible à un système de pen- sée, et « instrument privilégié de cette machine à fabriquer de l’en- nemi au nom de la pureté des principes ». « Ce qu’il y a d’infernal dans cette logique de l’ami et de l’ennemi, poursuit-il, c’est qu’elle fait naître des sentiments – et des soupçons – tout à la fois irrépressibles, indémontrables et irréfutables. » Pourquoi cette indulgence, en France, demande Frédéric Mit- terrand, envers « la fureur populaire » ? Pourquoi « la haine de classe et le mépris de l’individu » ? La Révolution est un bloc, disait Clemenceau. La pensée l’est tout autant. Discuter, réformer, proposer des compromis raisonnables ? Impossible. Les girondins, nos sociaux-libéraux, ont perdu la Révo- lution et la bataille des idées. On préfère camper sur des positions idéologiquement incontestables. Qu’avons-nous fait des Lumières, de leurs philosophes et surtout de Rousseau, dont on dit que le Contrat social était le livre de chevet de Robespierre ? Pour Robert Kopp, « ce n’est pas Rousseau qui a fait la Révolution mais la Révolution qui a fait Rousseau ». Et de Rousseau à Robespierre, « la distance est celle qui sépare l’utopie de la réalité ; pour Robespierre il s’agit de conquérir le pouvoir et de le garder ; sous cet angle, il est plus proche de Machia- vel que du citoyen de Genève ». Umberto Eco, invité de ce numéro, n’a pas la passion de la Révo- lution mais du Moyen Âge, qu’on dit injustement obscur alors qu’il a vu naître la ville démocratique, la banque, le crédit et le chèque ! Il croit que la culture et l’éducation viendront certainement à bout des fondamentalistes de notre époque. « Mais l’éducation peut prendre deux cents ans… Si nous ne sommes pas là pour voir le résultat, tant pis. L’histoire n’a que faire de notre petite personne ! » Et toc ! Valérie Toranian 6 NOVEMBRE 2015 NOVEMBRE 2015 GRAND ENTRETIEN 8 | Umberto Eco. « La France a subi un choc qu’elle n’a pas encore digéré » › Franz-Olivier Giesbert et Valérie Toranian « LA FRANCE A SUBI UN CHOC QU’ELLE N’A PAS ENCORE DIGÉRÉ » › Entretien avec Umberto Eco réalisé par Franz-Olivier Giesbert et Valérie Toranian Revue des Deux Mondes – La Revue des Deux Mondes occupe une place particulière dans vos souvenirs… Umberto Eco À cause de Gérard de Nerval ! J’avais «20 ans la première fois que je me suis rendu à Paris. C’était la première ville étrangère que je visitais à une époque – l’immédiat après-guerre – où on voyageait peu. Deux choses m’ont frappé à Paris : les couples qui s’embrassaient dans la rue – en Italie, ils auraient été immédiate- ment arrêtés – et les gens qui lisaient dans le métro. Je me suis donc mis en quête d’un livre facile à garder à la main, à lire durant mes trajets, et j’ai trouvé une petite édition de Sylvie, de Gérard de Nerval. Je suis immédiatement tombé amoureux de ce texte. Je l’ai lu et relu au moins quarante fois depuis, j’en ai fait le sujet de séminaires à l’uni- versité en Italie, aux États-Unis et même rue d’Ulm à Paris, jusqu’au jour où j’ai décidé de le traduire. En tant que collectionneur de livres anciens, j’ai cherché le volume de la Revue des Deux Mondes où Nerval avait publié Sylvie pour la première fois et j’ai fini par trouver, telle une relique, le tiré à part relié. 8 NOVEMBRE 2015 NOVEMBRE 2015 umberto eco Revue des Deux Mondes – Pourquoi cette passion pour ce livre ? Umberto Eco C’est un livre extraordinaire, de peu de pages mais d’une grande profondeur. La grande habileté de Nerval repose dans sa façon de brouiller les repères spatio-temporels du récit. Chaque relec- ture devient ainsi l’occasion de nouvelles découvertes. J’ai évidemment fait mon pèlerinage aux étangs de Loisy, mais sans toutefois visiter la maison de Sylvie, le lieu était devenu trop touristique. En traduisant la nouvelle, j’ai découvert une chose que je n’avais pas décelée pendant des années de Umberto Eco est professeur universitaire, essayiste, écrivain. Il relecture : dans les scènes oniriques, des vers, est notamment l’auteur du Nom de des alexandrins, des hémistiches sont mêlés la Rose (Grasset, 1982), du Pendule au texte de façon discrète, subliminale. Seule de Foucault (Grasset, 1990) et de Numéro zéro (Grasset, 2015). la lecture à voix haute permet de s’en rendre compte. La traduction de ses vers fut un défi fantastique. La différence de langue ne me permettait pas une transposition exacte des vers, mais je me suis appliqué à ce qu’il y ait, comme dans le texte de Nerval, seize vers en italien dans la page où il y en avait seize en français. À un endroit différent, certes, mais pour tenter de produire le même effet. Revue des Deux Mondes – Parmi vos passions pour la littérature fran- çaise, on compte aussi Alexandre Dumas... Umberto Eco Et bien d’autres. Ma grand-mère, femme sans édu- cation mais lectrice farouche, me donnait tout à lire. Je me souviens avoir lu le Père Goriot à l’âge de 12 ans. Avec Cyrano de Bergerac, ce sont les deux livres cultes de mon enfance, de mon adolescence. Les autres sont venus après : Huysmans, notamment. Je pourrais écrire mieux que Houellebecq sur Huysmans ! Revue des Deux Mondes – Pourquoi Huysmans ? Umberto Eco Il m’a fasciné. Pendant ma dernière année de lycée, on nous avait demandé de disserter sur un ouvrage de la littérature NOVEMBRE 2015 NOVEMBRE 2015 9 grand entretien étrangère – un domaine peu abordé au niveau du lycée à l’époque. Sans trop savoir pourquoi, j’avais choisi le symbolisme avec Baude- laire, Mallarmé… C’est à cette occasion que j’ai entendu parler de Huysmans.