Adrienne Lecouvreur : Comédie-Drame En Cinq Actes, En Prose
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THÉATItB DE LA ItÉl'LHLIQLK. lllllli:\\i; LECOUVREUR COMÉDIE-DRAME EN CINQ ACTES, EN PROSE Par Mil. SCRIBE de IMcadémie-Française et ERNEST LEGOCVÉ Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Ihèàtre de la RÉPUBLIQUE, : le 14 avril 1849. PRIX : t FRANC. PARIS BECK, LIBRAIRE, KîîE GÎT-LE-COEUR, 12. TRESSE, successeur de J.-N. BARBA, Palais-National. 1849 .Il, 7 9 46- - ADRIENNE LECOUVREUR, de la Comédie-Française. lUlle RACUEL. MAURICE, comte de Saxe MM.M.uLLART. LE PRINCE DE BOUILLON SAMSON. LA PRINCESSE, sa Mme ALLAN-DESPRÉAUX. L'ABBÉ femme. DE CHAZEUIL M. LEROUX. ATHÉNAIS, duchesse d'Aumont Mile DENAIN. MICHONNET,régisseur de la Comédie-Française M. REGNIER. LA MARQUISE Mlles BERTIN. LA BARONNE FAVART. MADEMOISELLE JOUVENOT, sociétaire de la Comédie-Française. BONVAL. MADEMOISELLEDANGEVILLE, sociétaire de la Comédie-Française WORMS. M.QUINAULT,sociétaire de la Comédie-Française. MM.CHÉRr. M. POISSON GOT. Seigneurs et dames de la cour, acteurs et actrices de la Comédie-Française. La scène se passe, à Paris, au mois de mars 4730. Le premier acteur inscrit au commencement de chaque scène, est placé au théâtre le premier à la gauche du spectateur, les autres suivent dans le mente ordre ; quand il y a un changement dans les positions, il est indiqué dans le courant de la scène. ACTE PREMIER. Un boudoir élégant chez la princesse de Bouillon. Une toilette à gauche du spectateur ; une table à droite et une console du même côté, au fond du théâtre. SCENE PREMIERE. vreur et mademoiselle Duclos doivent ce soir jouer ensemble Bajazet, L'ABBÉ, appuyé la toilette, LA PRINCESSE, dans et qu'il y aura une foule sur immense. assise en face de la toilette, sur un canapé. LA PRINCESSE. achevant de coiffer. LA PRINCESSE, se Après. Un instant, l'abbé. Placeriez-vous Quoi, l'abbé, historiette. pas le moin- pas une mouche à la dre petit cette joue. ou à l'angle de l'œil scandale?. gauche? L'ABBÉ. L'ABBÉ*, passant derrière le Hélas! non! canapé. Si madame la princesse ne m'en de LA PRINCESSE. veut pas ma j'aurai le de Votre état est perdu ! Vous devez, d'obligation, franchise. courage lui dire. que je ouvertement savoir toutes les nouvelles. C'est pour cela que me prononce contre le système des mouches. les dames vous reçoivent le matin à leur toilette. Donnez-moi la boite à mouches. Voyons, cher- LA PRINCESSE. chez bien. je vois, à votre air mystérieux , que C'est toute une révolution que vous tentez là. vous en savez plus que vous ne dites. et avec votre air timide et béat. je ne vous au- L'ABBÉ. rais jamais cru un lévite si audacieux. Des nouvelles insignifiantes. certainement ! Vous apprendrais-je que mademoiselle Lccou- La princesse, l'abbé. 349 L'ABBÉ. instruction. Monsieur de Bouillon, mon mari , Timide. timide. avec vous seule! quoique prince et grand seigneur, est un savant : LA PRINCESSE. il adore les arts et surtout les sciences. Il s'y était Ah bah!. Eh bien! vous disiez donc?. Votre adonné sous le dernier règne. autre nouvelle. L'ABBÉ. L'ABBÉ. Par goût?.. Que la représentation de ce soir est d'autant LA PRINCESSE. plus piquante mademoiselle Lecouvreuret la que Non ! pour faire sa cour au régent, dont il s'ef- Duclos rivalité déclarée. Adrienne Lecou- sont en forçait de devenir la copie exacte et fidèle, il s'est vreur a pour elle le public tout entier, tandis que appliqué , comme lui, à la chimie ; il a , comme la Duclos est ouvertement protégée certains par lui, un laboratoire dans ses appartementsque grands seigneurs même certaines grandes et par sais-je ? Il souffle et il cuit toute la journée ; il est dames. entre par la princesse de Bouillon! autres en correspondanceréglée avec Voltaire, dont il du LA PRINCESSE, se mettant rouge. se dit l'élève. Ce n'est plus le bourgeois gentil- Par moi? homme, c'est le gentilhomme bourgeois qui L'ABBÉ. prend maître de philosophie. toujours Ce dont chacun s'étonne, l'on un pour et commence ressembler régent. Et même, dans le monde, à rire. au vous comprenez que, en voulant l'imitation loin hauteur. pousser aussi que pos- LA PRINCESSE, avec sible, il n'avait garde d'oublier la galanterieee Et pourquoi, s'il vous plal), ? son héros. Ce qui ne me contrariait pas exces- L'ABBÉ, avec embarras. sivement. Une femme a toujours plus de temps Pour des motifs que je ne puis ni ne dois vous à elle. quand son mari est occupé. Et porr dire. parce que ma délicatesse et mes scru- pules. •que le mien, même infidèle, restât dans ma dé- pendance, j'ai pardonné à la Duclos, qui nefc LA PRINCESSE. ordres Des scrupules. à vous! l'abbé ! Et disiez rien que par mes et me tient au fait de vous prix, qu'il n'y avait rien de (Se levant.) tout. Ma protection est à ce et vous voyez nouveau. je tiens parole! Achevez donc!. Aussi bien ma toilette est que L'ABBÉ. terminée. et je n'ai plus que dix minutes à vous donner. C'est admirable!. Mais qu'y gagnez-vous, L'ABBÉ. princesse? Eh bien! Madame. puisqu'il faut vous le dire, LA PRINCESSE. vous, petite-fille de Sobiesky et proche parente de Ce que j'y gagne P.. C'est que mon mari, crai- notre reine, vous avez pour rivale mademoiselle gnant d'être découvert, tremble devant la petite- Duclos, de la Comédie-Française. fille de Sobiesky dès qu'elle a un soupçon. et LA PRINCESSE. j'en ai quand je veux. Ce que j'y gagne? c'est En vérité! qu'autrefois il était très avare, et que maintenant L'ABBÉ. il ne me refuse rien ! Commencez-vous à com- C'est la nouvelle du jour. Tout le monde la prendre? connaît, excepté vous, et comme cela peut vous L'ABBÉ. donner un ridicule je me suis décidé, malgré Oui!. oui. c'est infidélité d'une haute l'amitié une que me porte M. le prince de Bouillon, portée et d'un grand rapport ! votre mari, à vous avouer. LA PRINCESSE. LA PRINCESSE. Le monde peut donc me plaindre et gémir de Que le prince lui donné voiture et des a une ma position,je m'y résigne, et si vous n'avez, cher diamants ! abbé, rien autre chose à m'apprendre. L'ABBÉ. C'est vrai! L'ABBÉ, timidement. Si, Madame! nouvelle. LA PRINCESSE. une Et une petite maison. LA PRINCESSE, souriant. L'ABBÉ. Encore une ! C'est vrai! L'ABBÉ, de mdme. LA PRINCESSE. Qui me regarde personnellement. et celle-là Hors les boulevards de Paris, à la Grange-Bate- je crois être sûr que vous ne vous en doutez pas. lière. C'est que. c'est que. L'ABBÉ, étonné. LA PRINCESSE, gaiement. Quoi, princesse, vous savez. C'est que vous m'aimez ! LA PRINCESSE. L'ABBÉ. Bien avant vous! bien avant tout le monde. Vous le saviez !. Est-il possible !. Et vous ne Écoutez-moi, mon gentil abbé, le tout pour votre m'en disiez rien t LA PRINCESSE. gouverne et que j'ai connu quand il était évêque Je n'étais pas obligée de vous l'annoncer. de Fréjus, est membre,comme moi, de l'Académie L'ABBÉ, avec chaleur. des sciences. c'est aussi un savant et comme Eh bien! oui. C'est pour vous que je me suis tel, je lui avais dédié mon nouveau traité de chi- fait l'intime ami de votre mari ! Pour vous, je suis mie. ce livre qui a étonné M. de Voltaire lui- de toutes ses parties ! Pour vous, je vais à l'Opéra même!.. Jamais, m'a-t-il dit, il n'avait lu d'ou- et chez la Duclos! Pour vous, je vais à l'Acadé- vrage écrit comme celui-là! ses propres paroles et mie des sciences! Pour vous enfin, j'écoute je le crois de bonne foi ! M. de Bouillon dans ses dissertations sur la chi- LA PRINCESSE. mie, qui ne manquent jamais de m'endormir ! Moi aussi. mais le cardinal premier ministre. LA PRINCESSE. Pauvre abbé ! LE PRINCE. Nous voici. ( A L'ABBÉ. y un valet qui entre portant un petit coffret.) Bien ! posez là coffret (Le valet C est mon meilleur moment!., je ne l'entends ce le coffret la table à droite Le plus. et je rêve à vous!.. Mais, pose sur et sort.) convenez-en cardinal qui, homme d'État vous-même, tel dévoûment mérite quelque in- comme et comme chi- un miste, connaît demnité, quelque récompense. mes talents, m'avait prié de passer souriant. à son hôtel pour me confier une mission honora- LA PRINCESSE, ble. et terrible. Oui, l'on vous a souventdonné, à vous autres moins cela ! Mais, TOUS. abbés de boudoir, pour que Qu'est-ce donc? dussiez-vouscrier à l'ingratitude, je ne peux rien moment. LE PRINCE. pour vous en ce L'analyse scientifique judiciaire. des L'ABBÉ, vivement. et ma- tières renfermées dans coffret. poudre dite de Ah! je demande passion égale ce ne vous pas une succession, inventée le grand roi à l'usage à la mienne! c'est impossible !.. Car j'é- sous ce que des familles nombreuses, dont la nièce du c'est adoration, c'est trop et prouve pour vous, une un chevalier d'Effiat, accusée, oncle, culte! est comme son d'avoir voulu se servir. LA PRINCESSE. faisant le Je comprends, l'abbé, et demandez LA PRINCESSE, un pas vers coffret. vous pour En vérité! les frais du. Impossible, vous dis-je. mais, ATHÉNAÏS, de même et gaiement. silence! on vient.