THÉATItB DE LA ItÉl'LHLIQLK.

lllllli:\\i; LECOUVREUR

COMÉDIE-DRAME EN CINQ ACTES, EN PROSE

Par Mil. SCRIBE de IMcadémie-Française et ERNEST LEGOCVÉ

Représentée pour la première fois, à , sur le Ihèàtre de la RÉPUBLIQUE, : le 14 avril 1849.

PRIX : t FRANC.

PARIS BECK, LIBRAIRE, KîîE GÎT-LE-COEUR, 12. TRESSE, successeur de J.-N. BARBA, Palais-National.

1849

.Il, 7 9 46- -

ADRIENNE LECOUVREUR, de la Comédie-Française. lUlle RACUEL. MAURICE, comte de Saxe MM.M.uLLART. LE PRINCE DE BOUILLON SAMSON. LA PRINCESSE, sa Mme ALLAN-DESPRÉAUX. L'ABBÉ femme. DE CHAZEUIL M. LEROUX. ATHÉNAIS, duchesse d'Aumont Mile DENAIN. MICHONNET,régisseur de la Comédie-Française M. REGNIER. LA MARQUISE Mlles BERTIN. LA BARONNE FAVART. MADEMOISELLE JOUVENOT, sociétaire de la Comédie-Française. BONVAL. MADEMOISELLEDANGEVILLE, sociétaire de la Comédie-Française WORMS. M.QUINAULT,sociétaire de la Comédie-Française. MM.CHÉRr. M. POISSON GOT. Seigneurs et dames de la cour, acteurs et actrices de la Comédie-Française. La scène se passe, à Paris, au mois de mars 4730. Le premier acteur inscrit au commencement de chaque scène, est placé au théâtre le premier à la gauche du spectateur, les autres suivent dans le mente ordre ; quand il y a un changement dans les positions, il est indiqué dans le courant de la scène. ACTE PREMIER.

Un boudoir élégant chez la princesse de Bouillon. Une toilette à gauche du spectateur ; une table à droite et une console du même côté, au fond du théâtre. SCENE PREMIERE. vreur et mademoiselle Duclos doivent ce soir jouer ensemble Bajazet, L'ABBÉ, appuyé la toilette, LA PRINCESSE, dans et qu'il y aura une foule sur immense. assise en face de la toilette, sur un canapé. LA PRINCESSE. achevant de coiffer. LA PRINCESSE, se Après. Un instant, l'abbé. Placeriez-vous Quoi, l'abbé, historiette. pas le moin- pas une mouche à la dre petit cette joue. ou à l'angle de l'œil scandale?. gauche? L'ABBÉ. L'ABBÉ*, passant derrière le Hélas! non! canapé. Si madame la princesse ne m'en de LA PRINCESSE. veut pas ma j'aurai le de Votre état est perdu ! Vous devez, d'obligation, franchise. courage lui dire. que je ouvertement savoir toutes les nouvelles. C'est pour cela que me prononce contre le système des mouches. les dames vous reçoivent le matin à leur toilette. Donnez-moi la boite à mouches. Voyons, cher- LA PRINCESSE. chez bien. je vois, à votre air mystérieux , que C'est toute une révolution que vous tentez là. vous en savez plus que vous ne dites. et avec votre air timide et béat. je ne vous au- L'ABBÉ. rais jamais cru un lévite si audacieux. Des nouvelles insignifiantes. certainement ! Vous apprendrais-je que mademoiselle Lccou- La princesse, l'abbé.

349 L'ABBÉ. instruction. Monsieur de Bouillon, mon mari , Timide. timide. avec vous seule! quoique prince et grand seigneur, est un savant : LA PRINCESSE. il adore les arts et surtout les sciences. Il s'y était Ah bah!. Eh bien! vous disiez donc?. Votre adonné sous le dernier règne. autre nouvelle. L'ABBÉ. L'ABBÉ. Par goût?.. Que la représentation de ce soir est d'autant LA PRINCESSE. plus piquante mademoiselle Lecouvreuret la que Non ! pour faire sa cour au régent, dont il s'ef- Duclos rivalité déclarée. Adrienne Lecou- sont en forçait de devenir la copie exacte et fidèle, il s'est vreur a pour elle le public tout entier, tandis que appliqué , comme lui, à la chimie ; il a , comme la Duclos est ouvertement protégée certains par lui, un laboratoire dans ses appartementsque grands seigneurs même certaines grandes et par sais-je ? Il souffle et il cuit toute la journée ; il est dames. entre par la princesse de Bouillon! autres en correspondanceréglée avec , dont il du LA PRINCESSE, se mettant rouge. se dit l'élève. Ce n'est plus le bourgeois gentil- Par moi? homme, c'est le gentilhomme bourgeois qui L'ABBÉ. prend maître de philosophie. toujours Ce dont chacun s'étonne, l'on un pour et commence ressembler régent. Et même, dans le monde, à rire. au vous comprenez que, en voulant l'imitation loin hauteur. pousser aussi que pos- LA PRINCESSE, avec sible, il n'avait garde d'oublier la galanterieee Et pourquoi, s'il vous plal), ? son héros. Ce qui ne me contrariait pas exces- L'ABBÉ, avec embarras. sivement. Une femme a toujours plus de temps Pour des motifs que je ne puis ni ne dois vous à elle. quand son mari est occupé. Et porr dire. parce que ma délicatesse et mes scru- pules. •que le mien, même infidèle, restât dans ma dé- pendance, j'ai pardonné à la Duclos, qui nefc LA PRINCESSE. ordres Des scrupules. à vous! l'abbé ! Et disiez rien que par mes et me tient au fait de vous prix, qu'il n'y avait rien de (Se levant.) tout. Ma protection est à ce et vous voyez nouveau. je tiens parole! Achevez donc!. Aussi bien ma toilette est que L'ABBÉ. terminée. et je n'ai plus que dix minutes à vous donner. C'est admirable!. Mais qu'y gagnez-vous, L'ABBÉ. princesse? Eh bien! Madame. puisqu'il faut vous le dire, LA PRINCESSE. vous, petite-fille de Sobiesky et proche parente de Ce que j'y gagne P.. C'est que mon mari, crai- notre reine, vous avez pour rivale mademoiselle gnant d'être découvert, tremble devant la petite- Duclos, de la Comédie-Française. fille de Sobiesky dès qu'elle a un soupçon. et LA PRINCESSE. j'en ai quand je veux. Ce que j'y gagne? c'est En vérité! qu'autrefois il était très avare, et que maintenant L'ABBÉ. il ne me refuse rien ! Commencez-vous à com- C'est la nouvelle du jour. Tout le monde la prendre? connaît, excepté vous, et comme cela peut vous L'ABBÉ. donner un ridicule je me suis décidé, malgré Oui!. oui. c'est infidélité d'une haute l'amitié une que me porte M. le prince de Bouillon, portée et d'un grand rapport ! votre mari, à vous avouer. LA PRINCESSE. LA PRINCESSE. Le monde peut donc me plaindre et gémir de Que le prince lui donné voiture et des a une ma position,je m'y résigne, et si vous n'avez, cher diamants ! abbé, rien autre chose à m'apprendre. L'ABBÉ. C'est vrai! L'ABBÉ, timidement. Si, Madame! nouvelle. LA PRINCESSE. une Et une petite maison. LA PRINCESSE, souriant. L'ABBÉ. Encore une ! C'est vrai! L'ABBÉ, de mdme. LA PRINCESSE. Qui me regarde personnellement. et celle-là Hors les boulevards de Paris, à la Grange-Bate- je crois être sûr que vous ne vous en doutez pas. lière. C'est que. c'est que. L'ABBÉ, étonné. LA PRINCESSE, gaiement. Quoi, princesse, vous savez. C'est que vous m'aimez ! LA PRINCESSE. L'ABBÉ. Bien avant vous! bien avant tout le monde. Vous le saviez !. Est-il possible !. Et vous ne Écoutez-moi, mon gentil abbé, le tout pour votre m'en disiez rien t LA PRINCESSE. gouverne et que j'ai connu quand il était évêque Je n'étais pas obligée de vous l'annoncer. de Fréjus, est membre,comme moi, de l'Académie L'ABBÉ, avec chaleur. des sciences. c'est aussi un savant et comme Eh bien! oui. C'est pour vous que je me suis tel, je lui avais dédié mon nouveau traité de chi- fait l'intime ami de votre mari ! Pour vous, je suis mie. ce livre qui a étonné M. de Voltaire lui- de toutes ses parties ! Pour vous, je vais à l'Opéra même!.. Jamais, m'a-t-il dit, il n'avait lu d'ou- et chez la Duclos! Pour vous, je vais à l'Acadé- vrage écrit comme celui-là! ses propres paroles et mie des sciences! Pour vous enfin, j'écoute je le crois de bonne foi ! M. de Bouillon dans ses dissertations sur la chi- LA PRINCESSE. mie, qui ne manquent jamais de m'endormir ! Moi aussi. mais le cardinal premier ministre. LA PRINCESSE. Pauvre abbé ! LE PRINCE. Nous voici. ( A L'ABBÉ. y un valet qui entre portant un petit coffret.) Bien ! posez là coffret (Le valet C est mon meilleur moment!., je ne l'entends ce le coffret la table à droite Le plus. et je rêve à vous!.. Mais, pose sur et sort.) convenez-en cardinal qui, homme d'État vous-même, tel dévoûment mérite quelque in- comme et comme chi- un miste, connaît demnité, quelque récompense. mes talents, m'avait prié de passer souriant. à son hôtel pour me confier une mission honora- LA PRINCESSE, ble. et terrible. Oui, l'on vous a souventdonné, à vous autres moins cela ! Mais, TOUS. abbés de boudoir, pour que Qu'est-ce donc? dussiez-vouscrier à l'ingratitude, je ne peux rien moment. LE PRINCE. pour vous en ce L'analyse scientifique judiciaire. des L'ABBÉ, vivement. et ma- tières renfermées dans coffret. poudre dite de Ah! je demande passion égale ce ne vous pas une succession, inventée le grand roi à l'usage à la mienne! c'est impossible !.. Car j'é- sous ce que des familles nombreuses, dont la nièce du c'est adoration, c'est trop et prouve pour vous, une un chevalier d'Effiat, accusée, oncle, culte! est comme son d'avoir voulu se servir. LA PRINCESSE. faisant le Je comprends, l'abbé, et demandez LA PRINCESSE, un pas vers coffret. vous pour En vérité! les frais du. Impossible, vous dis-je. mais, ATHÉNAÏS, de même et gaiement. silence! on vient. C'est mon mari et madame la Ah! voyons ! duchesse d'Aumont. N'avez - vous pas aussi quêté de ce côté-là?. LE PRINCE, la retenant. L'ABBÉ. Gardez-vous-en bien ? si ce que l'on dit est La place était prise vrai, rien qu'une pincée de cette poudre dans une LA PRINCESSE. paire de gants ou dans une fleur, suffit pour pro- C'est jouer de malheur. (A part.) Ce pauvre duire d'abord un étourdissement vague, puis une abbé arrive toujours tard. trop exaltation au cerveau. et enfinun délireétrange.. qui conduit à la mort.c'est, du reste, ce qui sera démontré, car j'analyserai,j'expérimenteraiet je SCENE II. ferai mon rapport. La princesseva au-devantd' Athénaïs à qui le prince LA PRINCESSE. mais analyse scientifique m'ap- donnait la main et les acteurs en redescendant Très bien ! cette le théâtresontdans l'ordre suivant: A THÉNAIS, prendra-t-elle, Monsieur, ce que vous êtes devenu LA PRINCESSE, LE PRINCE, L'ABBÉ. hier toute la journée. bas à l'abbé. LA PRINCESSE, à Athénaïs. LE PRINCE, de jalousie affreuse. C'est vous, ma toute belle, quelle bonne fortune? Une scène L'ABBÉ, de qui vous amène de si bon matin ? même. Qui prépare. LE PRINCE. se de même. Un service que Madame la duchesse veut vous LE PRINCE, demander. Sois tranquille. (Haut d la princesse.) Ce que LA PRINCESSE. je faisais, Madame?., je surveillais moi-mêmeune Un plaisir de plus. Et comment avez-vous ren- surprise. que je vous réservais pour aujour- contré mon mari, que moi je n'ai pas aperçu d'hui. (Il lui présente un écrin.) depuis avant-hier. LA PRINCESSE, vivement. ATHÉNAÏS. Qu'est-ce donc?.. Chez le cardinal de Fleury, mon oncle ! LE PRINCE, à l'abbé, à voix Lassé. les étourdie LE PRINCE. Voilà comme on s'y prend! cela Oui, vraiment!., le grand ministre qui nous les éblouit!., les empêche de voir. LA PRINCESSE, qui vient d'ouvrirl'écrin. tous les salons du grand monde se disputent ma- Des diamants superbes. demoiselle Lecouvreur. LE PRINCE, tenant toujours l'abbé. L'ABBÉ. Et quant à l'analyse de cette poudre diaboli- Elle est à la mode ! que. voici mon raisonnement.. vois-tu bien, LA PRINCESSE. l'abbé. Cela tient lieu de tout. et comme madame de L'ABBÉ, à part avec un soupir. Noailles, que je ne peux souffrir, avait compté Encore une dissertation chimique!.. (Il écoute demain sur elle pour sa grande soirée, je me suis le prince qui lui parle bas et avec chaleur.) empressée, depuis huit jours, de l'inviter, et j'ai là LA PRINCESSE sa réponse. Regardez donc, ma charmante, comme ce bra- ATHÉNAÏS, vivement. celet est distingué ! Une lettre d'elle !.. Ah! donnez! que je voie ATHÉNAÏS. son écriture. Et monté d'une façon si remarquable. c'est LE PRINCE. exquis! Vous disiez vrai ; c'est une passion réelle ! LA PRINCESSE. ATHÉNAÏS. Venez donc, l'abbé, venez admirer comme Je ne manque pas une de ses représentations. nous. mais je ne l'ai jamais vue de près. On assure L'ABBÉ. qu'elle apporte dans le choix de ses ajustements Moi !.. admirer !.. je ne peux pas, j'écoute. un goût particulier qui lui sied à merveille. puis LE PRINCE. des manières si nobles, si distinguées. Oui, je lui explique. et il ne comprend pas. LE PRINCE. mais je vais lui montrer. (Il fait quelques pas du Monsieur de Bourbon disait d'elle l'autre jour côté du meuble.) qu'il avait cru voir une reine au milieu de comé- L'ABBÉ, le retenant. diens. Non pas. non pas. une poudre pareille, qu'il LA PRINCESSE. suffit de respirer. pour qu'à l'instant. j'aime Complimentauquel elle a répondu par une plai- mieux ne pas comprendre. Allez toujours ! santerie fort peu convenable. C'est à cela que je (Le prince continue à parler bas à l'abbé. Tous faisais allusion dans mon invitation. et voici sa les deux sont près de la table à droite ; pendant réponse. ce temps, Athènaiset la princesse ont été s'asseoir LA PRINCESSE, lisant la lettre. le à gauche, de sur canapé près la toilette.) « Madame la princesse, si j'ai eu l'imprudence LA PRINCESSE, assise. « de dire devant M. d'Argental que l'avantage chère, pendant Et nous, très que ces Messieurs « des princesses de théâtre sur les véritables, parlons du motif de parlent science, votre visite « c'est que nous ne jouions la comédie que le service attendez de moi. et du que vous « soir, tandis qu'elles la jouaient toute la journée, ATIIÉNAÏS, assise. « il a eu grand tort de vous répéter ce prétendu .le vous confierai, princesse, qu'il y a un ta- « bon mot et moi un plus grand encore de l'a- lent. que j'admire, que j'adore. celui de Ma- « voir dit, même en riant; vous me le prouvez, demoiselle Adrien ne Lecouvreur. « Madame, par la franchise et la gracieuseté de LA PRINCESSE. « votre lettre. Elle est si digne, si charmante, elle Eh bien ? « sent tellement sa véritable princesse, que je l'ai ATHKNAÏS. « gardée devant moi sur mon bureau, pour placer la Eh bien, est-il vrai (comme M. le prince s'en « la vérité à côté de fable. J'avais juré de ne est vanté tout à l'heure chez mon oncle le cardi- « plus aller réciter de vers dans le monde; ma nal) que Mademoiselle Lecouvreur vienne demain « santé est faible, et cela ajoute beaucoup à mes P soir chez vous et y récite des vers « fatigues du théâtre. Mais le moyen, à une pauvre LE PRINCE, s'avançant vers les deux dames. « fille comme moi, de vous refuser? vous me croi- Nous l'avons invitée. « riez fière !.. Et si je le suis, Madame, c'est de (L'abbé a suivi le prince, et les acteurs sont « vous prouver à quel point j'ai l'honneur d'être dans l'ordre suivant: Athenaïs, sur le canapé, à « votre très humble et obéissante servante. gauche; l'abbé derrière le canapé, la princesse ADRIENNE. assise près d'Athénaïs, le prince debout près de sa « » femme.) ATIIÉNAÏS. LA PRINCESSE. Mais voilà une lettre du meilleur goût. et per- Oui, quoique je ne partage pas votre enthou- sonne de nous, je pense, n'en écrirait de mieux siasme, ma mignonne, et que mademoiselle Du- tournée. (Prenant la lettre.) puis-je la garder? clos, chacun le sait, me semble bien supérieure à Je ne m'étonne plus de la passion de ce pauvre sa rivale; mais c'est une fureur ! un engouement ! petit d'Argental. le fils ! L'ABBÉ. ATHÉNAÏS. Il en perd la tête! Est de retour à Paris ! L'ABBÉ. LA PRINCESSE. Permettez? le bruit en a couru, mais cela n'est C'est mal de famille. car le père, un que vous pas! connaissez, de l'autre règne avec sa perruque et ATHÉNAÏS. figure de l'autre monde, s'étant rendu chez sa Cela est! je le sais petit-cousin, Flo- Adrienne lui ordonner de restituer l'esprit par mon pour restan de Belle-Isle, qui l'avait accompagné dans de son fils, y a perdu lui-même le peu qui lui restait. son expédition de Courlande. ce qui était même bien inquiétant, bien effrayant. (Vivement.) pour ATHÉNAÏS. M. le duc d'Aumont, mari. et moi, C'est admirable ! mon pour mais enfin il est à Paris depuis ce matin. Je l'ai L'ABBÉ. m'a-t-il Et l'histoire vu, et il revenait, dit, avec son jeune du coadjuteur? général. LE PRINCE. LA PRINCESSE. Il y a une histoire de coadjuteur? Qui, à ce qu'il paraît, n'avoue pas son retour. L'ABBÉ. L'ABBÉ. Qui, trouvant dans mansarde, chevet une au A cause de ses dettes. il en a tant ! Il doit d'une malade, jeune dame charmante, pauvre une seulement, à ma connaissance, soixante-dix mille, lui donna le bras descendre les six étages.. pour livres à un Suédois , le comte de Kalkreutz qui, et, il pleuvait à la força malgré , comme verse. l'année dernière déjà, aurait pu le faire arrêter, et elle à monter dans voiture épiscopale, et tra- sa qui y a renoncé, parce que où il n'y a rien. versa ainsi tout Paris, conduisant qui P.. made- moiselle Lecouvreur. LE PRINCE. Le roi perd ses droits ! ATHÉNAÏS. ATHÉNAÏS. C'était elle! L'abbé ne l'aime pas et lui en veut parce que, L'ABBÉ. l'année dernière, il lui faisait du tort dans son état De là, le bruit qu'il avait voulu l'enlever. Le de conquérant. jalousie de métier. saint homme était furieux et a juré de lancer sur L'ABBÉ. elle les foudres de l'église à la première occasion ! C'est ce qui vous trompe , duchesse. Je l'aime aussi, qu'elle ne s'avise pas de mourir! beaucoup, car, avec lui, c'est chaque jour une ATHÉNAÏS. aventure nouvelle, un scandale nouveau , qui ra- Elle n'en a pas envie , je l'espère. (Se levant, jeunit mon répertoire. cela vous plaît, Mes- ainsi que la princesse.) Ainsi, à demain soir! je dames! m'invite. pour la voir, pour l'entendre. A TIlÉNAÏS. Fi, l'abbé! LA PRINCESSE. L'ABBÉ. Vous viendrez? nous allons, comme vous, ado- rer mademoiselle Lecouvreur. Vous aimez l'extraordinaire,et chez lui tout est ATHÉNAÏS. bizarre. D'abord, on l'appelle Arminius ! comment Adieu, chère princesse, je m'en vais. (Tout le peut-on se nommer Arminius? monde la reconduit. Elle fait quelques pas pour LE PRINCE. C'est tous les savants le sortir, s'arrête et revient'.) A propos, savez-vous un nom saxon. vous la nouvelle? diront. L'ABBÉ LA PRINCESSE. il l'honneur d'être Eh ! mon Dieu non ! je n'ai à moi que l'abbé, Et puis, un autre talisman, a qui ne sait jamais rien ! bâtard, bâtard de roi. ATHÉNAÏS. LE PRINCE. Ce jeune étranger au service de , que C'est une chance de succès! l'hiver dernier toutes les dames se disputaient. L'ABBÉ. ce jeune fils du roi de Pologne et de la comtesse C'est à cela qu'il doit sa renommée naissante. de Kœnismarck. ATHÉNAÏS. Non pas, mais à son courage, à son audace! A LA PRINCESSE, avec émotion. treizemans,il se battait à Malplaquet sous le prince Maurice de Saxe! Eugène, à quatorze ans, sous Pierre-le-Grand, à Stralsund. c'est Florestan qui m'a raconté tout * Les acteurs en redescendant le théâtre se trou- cela. vent placés dans l'ordre suivant : l'abbé, la princesse, L'ABBÉ. Athénaïs, le prince. Il a oublié, j'en suis sûr, son plus bel exploit,.. au siège de , il a enlevé, il n'avait pas douze MAURICE. ans. il a enlevé. Certainement! nommé par la diète, proclamé ATHÉNAÏS. par le peuple, j'ai en poche mon diplôme de sou- Une redoute! verain. Mais la Russie me défendait d'accepter, L'ABBÉ. sous peine du canon moscovite, et mon père, le Non, une jeune fille nommée Rosette. roi de Pologne, qui craint la guerre avec ses voi- ATHÉNAÏS, avec admiration. sins, m'ordonnait de refuser, sous peine de sa A douze ans! colère. L'ABBÉ. LA PRINCESSE. Et quand on commence ainsi, vous jugez. Eh bien ! qu'avez-vous fait ? ATHÉNAÏS. MAURICE. Eh bien ! vous le jugez très mal, car dans cette J'ai répondu à l'impératrice par un appel aux dernière expédition que l'on dit fabuleuse et où il armes de toute la noblesse courlandaise, et j'ai vient de se faire nommer duc de Courlande, l'hé- écrit à mon père qu'avant d'être élu souverain, j'é- ritière du trône des czars, la fille de l'impératrice, tais officierdu roi de France ; que dans les armées avait conçu pour lui une affection qui ne tendait de Sa Majesté très chrétienne je n'avais pas appris à rien moins qu'à le faire un jour empereur de à reculer, et que j'irais en avant. Russie. - ATHÉNAÏS. LA PRINCESSE. A merveille ! ébloui d'une Et, sansdoute, conquête aussi bril- L'ABBÉ. lante, Maurice aura tout employé. A THÉNAïs. Il n'y avait rien à répliquer. Je l'aurais cru comme vous! Pas du tout, Flo- MAURICE. Aussi, faute de bonnes raisons, père restan m'a raconté qu'il n'avait rien fait de ce mon me mit ban de l'empire, l'impératrice mit tête fallait pour réussir. au contraire, il a laissé voir au ma franchementà la princesse moscovite qu'il avait à prix, et son général, le prince Menzicofî entra, déclaration de à Mittau, m'enle- au fond du cœur une passion parisienne. sans guerre, pour surprise dans palais. Il avait lui LA PRINCESSE, avec émotion. ver par mon avec En vérité! dix-huit cents Russes, et moi, pas un soldat ! ATHÉNAÏS. L'ABBÉ, riant. Il fallut bien rendre ! Vous voyez donc bien qu'il ne faut pas toujours se croire les abbés. Adieu, princesse. MAURICE. Non UN DOMESTIQUE,annonçant. pas. Monsieur le comte Maurice de Saxe ! LA PRINCESSE. ATHÉNAÏS. Vous avez osé vous défendre? Ah! il estditqueje ne m'en irai pasaujourd'hui.. MAURICE. je reste ! A la Charles XII. Ah ! m'écriais-je, comme le roi de Suède à Bender, en voyant luire autour de mon palais les torches et les fusils, ah! l'incendie et les balles! Cela me va !.. Je rassemblequelques SCÈNE III. gentilshommes français qui m'avaient accompa- gné, le brave Florestan de Belle-Isle. LES PRÉCÉDENTS, MAURICE *, ATHÉNAÏS, vivement. L'ABBÉ. Mon petit cousin. vous en êtes content, Mon- Salut au souverain de Courlande! sieur le comte ? LE PRINCE. MAURICE. Salut conquérant! au Très content, duchesse, il bat ATHÉNAÏS. se comme un enragé. lui, les de Salut futur Avec gens ma maison, mon se- au empereur ! crétaire, cuisinier, six hommes d'écurie. gaiement. mon et MAURICE, jeune marchande courlandaise qui trou- Eh ! Dieu oui, Mesdames, duc duché, une se mon sans vait là. général sans armée, et empereur sujets, voilà sans L'ABBÉ. ma position ! Toujours des femmes! il a une manière de faire LE PRINCE. la Les états de Courlande ne vous ont-ils donc guerre. pas choisi pour maître? MAURICE. Qui vous irait, n'est-ce pas, l'abbé? Nousétions * Les acteurs qui ont remonté le théâtre, le redes- en tout soixante! cendent dans l'ordre suivant : l'abbé, la princesse, LE PRINCE. Maurice, Athénaïs, le prince. Un contre vingt ! MAURICE. ATHÉNAÏS. Ne craignez rien, la différence diminuera bien- C'est admirable. Elle a amené toute une révolu- tôt. Les portes bien barricadées avec tous les tion dans la tragédie. elle y est simple et natu- meubles dorés du palais. je place mes gens aux relle, elle parle. fenêtres avec leurs mousquets et ma jeune mar- LA PRINCESSE. mérite ! chande avec une chaudière. Le beau L'ABBÉ. ATHÉNAÏS, à Maurice. 'fous l'aviez enrégimentée aussi? Je vous préviens que madame de Bouillon ne enthousiasme, MAURICE. partage pas mon elle est passion- Sans doute. Un feu de mousqueterie dont tous née pour mademoiselleDuclos, dont la déclama- emphatique n'est les coups portaient dans la masse des assiégeants tion qu'un chant continuel. qui, après une perte de cent vingt hommes, se LA PRINCESSE. décidèrent enfin à l'assaut. c'est là que je les C'est la vraie tragédie. attendais; sous le pavillon de droite, le seul où L'ABBÉ. l'escalade fût possible, j'avais placé moi-même Certainement! les poètes disent tous : Je chan- Je deux barils de poudre, et au moment où trois cents te. chante. Cosaques qui l'avaient envahi, hurlaient hourra LE PRINCE. Arma virum et victoire. je fis sauter en l'air les vainqueurs que cano. avec une moitié du palais. LA PRINCESSE. ATHÉNAÏS. Qu'est-ce que c'est que cela? Et vous ? L'ABBÉ. C'est de l'Horace MAURICE. ou du Virgile. Debout sur la brèche au milieu des décom- ATHÉNAÏS. Ah ! l'abbé, devenez bres. appelant aux armes les citoyens de Mittau vous pédant ! que l'explosion avait réveillés. Les cloches son- LA PRINCESSE. plus la naient de toutes parts, et Menzicoffeffrayé se re- Donc tragédie est chantée. mieux cela tira désordre son corps principal. Ah! si vaut. en sur L'ABBÉ. j'avais les poursuivre, si j'avais eu deux ré- pu C'est sans réplique. giments français. seulement! C'est là ce qui un ATHÉNAÏS. rnc manque et ce que je viens chercher. Eh bien! moi, je m'en rapporte à Monsieur LA PRINCESSE. le Tel est le but de votre voyage? comte ? LA PRINCESSE. MAURICE. Je demande mieux, qu'il Oui, Madame ! Que le cardinal de Fleury m'ac- ne pas prononce? corde, à moi, ofticier du roi de France, quelques MAURICE. Moi, Mesdames! je serais juge bien escadrons de houzards. le nombre ne me fait un peu com- pétent. Un soldat qui sait battre. rien, la qualité me suffit, et par Arminius, ne que se un mon étranger qui connaît à peine langue. patron,j'espère, l'année prochaine, Mesdames, votre ATHÉNAÏS. vous recevoir et vous traiter dans la royale de- Laissez donc! prétend for- meure des ducs de Courlande. on que vous vous que vous faites des progrès étonnants, LA PRINCESSE. mez. étudiez bons auteurs. (A la prin- En attendant, vous nous permettrez de vous que vous nos cesse.) Oui, vraiment, dans la dernière faire les honneurs de notre hôtel. campagne, Florestan l'a surpris sous sa tente, récitant seul LE PRINCE. des de Racine de Corneille. Je l'invitepour demain à notre soirée. (Maurice vers ou s'incline.) LA PRINCESSE, riant. ATHÈNAÏS. C'est fabuleux. ATHÉNAÏS, cri. Vous me donnerez la main ; je serai fière d'a- poussant un Ah ! Dieu ! deux heures, voir pour cavalier le vainqueur de Menzicoff. mon et mon mari, M. le duc d'Aumont qui m'attend aller à Ver- (Souriant.) Et puis l'on vous réserve ici un plai- pour sir de roi. sailles. LE PRINCE. MAURICE. Depuis quelle heure? Je serai avecvous, duchesse. ATHÉNAÏS. ATHÉNAÏS. Depuis midi. Vous entendrez mademoiselle Lecouvreur. LA PRINCESSE. (Mouvement de Maurice.) La connaissez-vous, Ce n'est pas trop. Monsieur le comte? ATHÉNAÏS. MAURICE, avec réserve. Venez-vous avec nous, l'abbé? Nous avons une Oui, un peu. lors de mon derniervoyage. place à vous offrir. LE PRINCE, retenant l'abbé par la main. AIAUIIICE, vivellielit. Non !.. je le garde!.. j'ai à lui lire ce matin la Oui, princesse! moitié du dernier volume de mon traité. LA PRINCESSE. L'ABBÉ, bas à la princesse d'un air misérable. Quel aimable souvenir !.. j'accepte, Monsieur Vous l'entendez P.. le comte, j'accepte. LE PRINCE. MAURICE, avec embarras le lui présentant. Impossible de remettre. l'imprimeur attend. Vous êtes trop bonne !.. et je l'emmène dans mon cabinet! LA PRINCESSE, à voix haute et feignant de l'ad- ATHÉNAis. mirer. Pauvre abbé !.. Adieu, Messieurs! (A la prin- Il est charmant!.. L'essentiel, en ce moment, cesse.) Adieu, ma toute belle, à demain ! (Athénaïs quoique peut-être vous méritiez peu qu'on s'oc- sort par le fond, l'abbé et le prince par la porte cupe de vous. est de songer à vos intérêts. à droite.) vous dites que le cardinal-ministre. vous a mal accueilli. MAURICE. SCÈNE IV. Fort mal. LA PRINCESSE. MAURICE, LA PRINCESSE. Je verrai à faire changer ses dispositions. on LA PRINCESSE, après avoir attendu que toutes les vous accordera vos deux régiments. portes fussent refermées se rapprochant vive- MAURICE. ment de Maurice.) S'il était vrai !.. Enfin donc on vous revoit ! Depuis deux mois, LA PRINCESSE. pas une seule ligne de vous; c'est par la du- J'irai à Versailles. et pour vous tenir au cou- chesse d'Aumont que j'ai appris votre retour et rant de ce que j'aurai fait, de ce quej'aurai appris. j'ai cru que je ne recevrais pas votre visite. MAURICE. Je viendrai ici. MAURICE. Ma première a été pour vous, Princesse. ar- LA PRINCESSE. non! la foule des curieux des impor- rivé cette nuit. Ici. et tuns, sans compter mon mari, ne me laisse pas LA PRINCESSE. instant de liberté. Mais écoutez-moi : M. le Vous n'avez vu de la matinée personne en- un core?.. prince de Bouillon a acheté pour la Duclos une petite maison charmante, délicieuse, près de la MAURICE. Que le secrétaire d'État au département de la Grange-Batelière. à deux pas de l'enceinte de guerre. (Ayant l'air de chercher.) Le cardinal- Paris. j'en puis disposer. c'est là seulement ministre. et le premier commisqui tous, du reste, que je vous recevrai. m'ont assez mal acceuilli et m'ont donné peu MAURICE. d'espoir ! Dans cette maison qui appartient. LA PRINCESSE. LA PRINCESSE. A mari. raison de chez lui, c'est D'autres vous ont dédommagé! mon plus! chez moi. MAURICE. Que voulez-vous dire? MAURICE, gaiement. En vérité, Princesse, il n'y de LA PRINCESSE, qui depuis le commencementde la a que vous pour telles combinaisons ! scène a tenu les yeux fixés sur un bouquet que Maurice porte à la boutonnière de son habit. LA PRINCESSE. Oui, c'est ingénieux. Quand Je m'imagine pas que ce soit le secrétaire assez ce sera ne possible nécessaire, c'est mademoiselle d'État le cardinal-ministre qui vous ait donné et Duclos ou elle-même qui préviendra écri- ce bouquet de roses. vous en en vous vant, jamais moi ! MAURICE, avec embarras. de C'est vrai!.. je n'y pensais plus! vous voyez MAURICE, même. tout! Mais ne craignez-vous pas ?.. LA PRINCESSE. LA PRINCESSE. Rien !.. la Duclos m'est De qui vous viennent ces fleurs? dévouée. son sort est dans MAURICE, riant. mes mains. De qui?..eh ! mais, d'une petite bouquetière. MAURICE. fort jolie, ma foi. que j'ai rencontrée presque Je comprends. mais moi. (A part.) Accepter aux portes de votre hôtel et qui m'a supplié si quand j'en aime une autre. non, mieux vaut vivement de le lui acheter. tout lui dire. (Haut.) Je ne sais, Princesse, LA PRINCESSE. comment vous remercier de votre générosité, de Que vous avez pensé à moi. votre dévoûment. L'ABBÉ. LA PRINCESSE*. Certainement En acceptant!.. Silence ! on vient!.. qu'est-ce? ! PRINCESSE. (Se retournant avec impatience.) Rien. c'est LA l'abbé. J'ai pensé que vous pourriez nous rendre ce MAURICE, service. salue respectueusement la Princesse et L'ABBÉ. sort par le fond; à part. C'est très difficile! Plus tard ! plus tard ! LA PRINCESSE. Voilà un mot que je n'admets pas ! SCENE V. L'ABBÉ. Pour moi surtout. qui, dans ce moment, n'ai LA PRINCESSE, qui est remontée avec Maurice pas de chance et ne suis pas heureux. jusqu'au fond du théâtre, L'ABBÉ, se jetant dans un fauteuil à droite. , LA PRINCESSE. Le bonheur dépend souvent de bien jouer. L'ABBÉ. Les heureux sont les habiles. Soixante de chimie pages ! (Il tire de sa poche L'ABBÉ. un flacon de sels qu'il respire à plusieurs re- Et si j'étais assez habile. pour découvrir ce prises.) secret. LA redescendant le PRINCESSE, théâtre en rêvant et LA PRINCESSE. en regardant le bouquet. Je pourrais peut-être, à mon tour. vous en Une bouquetière qui attache ses fleurs avec des confier un. auquel vous paraissiez tenir. cordons soie et or!.. Cet embarras. cette froideur.. L'ABBÉ, avec joie. sont de quelqu'un qui n'aime plus!.. cela peut 0 Ciel! est-il possible! arriver à tout le monde. mais si cette passion, LA PRINCESSE. qui lui fait dédaigner la fille du était, a czar. non Vous voyez donc bien que vous aviez tort de moi, pas pour mais pour une autre !.. une rivale ! vous plaindre! Aide-toi, le Ciel t'aidera !. Ce rivale préférée!. une Je m'emporte!. non. n'est plus de moi. c'est de vous seul que tout non sans me mettre en avant, sans me com- dépend. Adieu. adieu!.. (Elle sort par la porte promettre. je le saurai ! (Elle redescend tou- à gauche.) jours le théâtre vers le fauteuil où l'abbé est assis et s'assied dans chaise à cdté de lui.) une SCÈNE L'ABBÉ, respirant un flacon. VI. Soixante pages de chimie! c'est au-dessus de L'ABBÉ seul, puis LE PRINCE. mes forces! je donne démission! je à ma renonce L'ABBÉ. mon emploi d'ami de la maison.. (Regardant la L'ai-je bien entendu ? princesse.) Puisqu'il n'y a décidément ni avan- cement, ni indemnité à obtenir. Sors vainqueur d'un combat dont Chimèneest le prix ! LA PRINCESSE, à part. Mais comment en sortir?.. Le comte de Saxe, qui Et pourquoi donc, l'abbé?. est la discrétion même, ne me confiera rien. Je L'ABBÉ. ne suis pas son ami. impossible de le trahir. A Que voulez-vous dire?.. qui donc m'adresser. pour épier. pour savoir. LA PRINCESSE, à demi-voix. et pour obtenir la récompense. Écoutez-moivite !.. Une amie à moi. une amie LE PRINCE. intime. Miracle ! l'abbé qui réfléchit ! L'ABBÉ. L'ABBÉ. La duchesse d'Aumont ? Oui, sans doute. et sur un problème. qui LA PRINCESSE. n'est pas facile à résoudre !. Peut-être!.je ne nomme personne. désire, ardeur. passion. LE PRINCE. avec avec enfin. comme nous Un problème!.. cela nous regarde, nous autres désirons, nous autres femmes. désire découvrir savants! l'on un secret que cache avec soin. L'ABBÉ , le regardant en riant. L'ABBÉ. Au fait. c'est vrai. cela le regarde. ça l'in- Lequel ? téresse. en un sens. LA PRINCESSE. beauté mystérieuse. inconnue. LE PRINCE. Quelle est la Voyons, l'abbé. voyons. qu'est-ce qui Maurice de Saxe?.. te qu'adore en ce moment car il tourmente? a une! Vous, l'abbé, qui savez tout. qui, y en L'ABBÉ, amenant le prince au bord du théâtre. état, devez tout savoir. par Il est impossible que Maurice de Saxe, qui est Maurice, la princesse, l'abbé, qui vient d'entrer si galant et si à la mode, n'ait pas au moins un par la porte, à droite. amour dans le cœur ? LE PMNCB) riant. L'ABBÉ. Mais qu'est-ce cela fait à Eh bien ! qu'est-ce cela te fait à toi, l'abbé? Volontiers. que notre que affaire?.. - L'ABBÉ. inutiles à LE PRINCE. • Cela me fait. que pour des raisons savoir. expliquer. des raisons personnelles, de la La Duclos counaît le nom que tu veux vous L'ABBÉ. plus haute importances/je tiendrais à savoir En vérité!.. quelle est sa passion actuelle. la beauté ré- LE PRINCE. gnante. dans bonhomie. L'autre soir, au moment où j'entrais sa LE PRINCE, avec loge parlait de Maurice de Saxe. la saurai cela ! comme on Je te Duclos disait riant. je connais grande L'ABBÉ.. en une dame qu'il adore. Elle s'est arrêtée Vous ! en me voyant. Mais tu sens bien que si je le lui de- LE PRINCE. mande. elle n'a rien à refuser. Elle le Moi! dès ce soir., me me dira confidence.je le dirai L'ABBÉ. en te en secret. L'ABBÉ. Allons donc.ce serait trop original.!.. Et c'est par vous-que je l'apprendrai. C'est impayable. LE PRINCE. riant. Veux-tu parier deux cents louis? LE PRINCE, Impayable?non pas. tu me paieras les deux L'ABBÉ. cents louis du pari. Vivent les abbés ! C'est cher ! mais cela vaut ça. pour la rareté ., L'ABBÉ. du fait. (Au prince, qui vient de sonner.) Que Vivent les savants!.. Donnons-nousla main ! faites-vousdonc ? LE PRINCE. sortent LE PRINCE, à un domestique qui parait. Et à la Comédie-Française! (Ils ensemble Mes chevaux. (A l'abbé.venir ce soir en se donnant la main.) avec moi à la Comédie-Française?..la Lecouvreur jouent et la Duclos dans Bajazet. FIN DU PREMIER ACTE.

ACTE DEUXIÈME.

Le théâtre représentele foyer de la Comédie-Française; h gauche du spectateur, deux portes par lesquelles - on .pénètre sur le théâtre : entre les deux portes, ujM glace avec des candélabres; au fond, une grande che- minée sur laquelle est un buste de Molière, devant la cheminée, des fauteuils rangés en cercle; à droite, deux portes par lesquelles on va dans la salle : aux deux angles du foyer, les bustes de Racine et de Corneille placés des sur -demi-coiounes ; au fbnd, sur la muraille, et des deux côtés de la cheminée,-les portraits de Baron, delà Champmesié, etc. Au lever du rideau, Mademoiselle JOUVENOT, en costume de Zatime, dans Bajuzct, est devant la glace, à gauche, et met la dernière main à sa coiffure; plus loin, Mademoiselle DANGEYILIE, dans le rôle des Folies amoureuses, est assise et cause avec un jeune seigneur, gui e;;.\ derrière elle appuyé sur son fautettil; ao fond, debout ou assis devant la cheminée, plusieurs des acteurs qùi jouent dans Bajazet ou tes Folies ameufewses..MiCHOMNET dU milieu du théâtre, va et vient et répond à tout le monde; a droite du spectateur, et devant une table, QUINAULT, dans le costume du vizir Aconiat, etftismw, en costume de Crispin,jouant une partie d'échecs ; d'autres acteurs et actrices se promènent en causant ou en étudiant leurs rôles. .-

SCENE PREMIERE. MICHONNET. Adrienne et la Duclos jouant ensemble da-ns MADEMOISELLEJOUVENOT, MADEMOISELLE Bajazet pour la première fois ! plus de cinq mille DANGEVILLE, MICHONNET, QUINAULT, livres! POISSON. POISSON. - MADEMOISELLE JOUVENOT. Diable! „ Michonnet, avez-vous du rouge? MADEMOISELLE DANGE VILLE, MICHONNET. Michonnet! A quelle heure commencera la se- Oui, Mademoiselle,là, dans ce tiroir. conde pièce, les Folies amoutêuses ! POISSON. MICHONNET. 1 Michonnet! - A huit heures, Mademoiselle. MICHONNET, QUINAULT,jouant au tric-trao. Monsieur Poisson 1 .- Michon net POISSON. MICHONNET. La recette est-elle belle ce soir? Monsieur Quinault. QUINAULT. MICHONNET. N'oubliez pas mon poignard. Ne craignez rien. je vous avertirai.je suis la MICHONNET. pendule du fuyer. Non. non. Michonnet!. toujours Michon- MADEMOISELLE JOUVENOT. jamais retarde ! net!.. Pas un instant de repos. et à qui la Pendule qui ne faute?.. à moi, qui me suis mis sur le pied de MICHONNET. tout surveiller. jusqu'aux accessoires, et qui C'est vrai!., le moindre manquementdans le de ne dormirais pas tranquille si je n'avais remis répertoire bouleverse tout mon être, et un jour moi-même à Hippolyle son épée et à Cléopâtre clôture est un jour de relâche dans mon exis- son aspic. Distribuer tous les soirs des parures tence. en rubis ou des bourses pleines d'or. et quinze cents livres d'appointements. quelle ironie!.. Si au moins ils m'avaient nommé sociétaire!. cela SCÈNE II. rapporte grand'chose, mais est de la ne pas on MADEMOISELLE JOUVENOT, MADEMOISELLE Comédie-Française. On signe : Michonnet, de la DANGEVILLE d'autres dames devant la Comédie-Française!Au lieu de cela : premier et cheminée du fond MICHONNET, le devant confident tragique et régisseur général. c'est-à- ; sur du théâtre; L'ABBÉ, LE PRINCE DE BOUIL- dire obligé d'écouter les tirades et les ordres de LON plusieurs seigneurs venant de la salle tout le monde. et et entrant par la porte à droite; QUINAULT MADEMOISELLE JOUVENOT. POISSON, le à droite, et Adrienne aura-t-elle soir diamants? ET sur devant, re- ce ses montant, après l'entrée des seigneurs, pour MADEMOISELLE DANGEVILLE. aller causer avec eux. Ceux que lui a donnés la reine? MICHONNET. MADEMOISELLE JOUVENOT. Allons, encore des étrangers qui viennent dans A ce qu'elle dit ! nos foyers, dans nos coulisses. (L'abbé , le MICHONNET. prince et les seigneurs s'approchent des dames, Ces diamants-là lui fait bien des Ennemis! ont qui sont près de la cheminée, les saluant et cau- MADEMOISELLE JOUVENOT. sant avec elles. Reconnaissant et saluant.) Ah!.. Il n'y a pas de quoi !.. Il est si facile d'avoir des monsieur l'abbé de Chazeuil, monseigneur le diamants. prince de Bouillon ! (A part.) Quand je pense que MICHONNET, entre ses dents. f cet homme-là pourrait, d'un mot, me faire nom- A vous autres. mais à nous, qui n'avons que mer sociétaire. je ne peux pas m'empêcher de le nos appointements. ou à celles qui n'ont que regarder avec respect !.. Quelle bassesse !.. moi, leur mérite. qui blâme ces dames et leurs parures!. (Le MADEMOISELLEJOUVENOT, avec fierté. prince, l'abbé, Quinault, Michonnet, descendent Qu'est-ce à dire?.. sur le devant du théâtre.) MICHONNET. L'ABBÉ, s'adressant à Quinault. Rien, Mademoiselle, rien !.. (A part.) Ah! si tu Bonsoir, vizir!.. On dit, monsieur Quinault, n'étais pas sociétaire ! Si je n'avais pas besoin de que vous serez admirable dans Bajazet. toi pour le devenir. comme je te répondrais!., LE PRINCE. comme je t'aurais trouvé quelque chose de bien Ainsi que mademoiselle Duclos ! piquant et de bien spirituel !.. MICHONNET. QUINAULT, d'un air important. Et Adrienne donc!.. sublime!.. Échec et mat. Vous n'êtes pas de force, mon QUINAULT. cher. Oui, ça a fini par la gagner!. (Souriant.) Ce POISSON. n'est pas sans peine ! car, sans me vanter, il n'y Quoi ! monsieur Quinault ! tu ne me tutoyés a pas dans le rôle de Roxane une seule intonation plus!.. que je ne lui aie donnée. MADEMOISELLE DANGEVILLE. MICHONNET, avec colère. C'est un manque d'égards. Par exempte ! POISSON. QUINAULT, avec hauteur. Que voulez-vous ! depuis que mademoiselle Qu'est-ce que c'est? Quinault, sa sœur et notre camarade, a épousé le MICHONNET,s'arrétant. duc de Nevers. il se croit duc et pair par al- Rien. (A part.) Encore un qui est sociétaire. liance. Voyons, dis-le franchement, veux-tu que sans cela!. (Regardant par la porte à droite.) je t'appelle monseigneur ? C'est Adrienne qui descend de sa loge. la voici. QUINAULT. L'ABBÉ. Il suffit. Commence-t-on?.. Oui, vraiment, elle étudie son rôle! MICIIONNET. sûre du succès que quand je lui ai entendu dire : Toute seule ! (A part et regardant Quinault.) et C'est cela ! c'est bien cela ! sans Monsieur. c'est étonnant! MICHONNET, à moitié pleurant. Ah! Adrienne! vois-tu? ce trait-là. j'étouffe! L'ABBÉ, qui est passé près de Michonnet, à l'ex- trême droite du théâtre. SCÈNE III. Mais, monsieur Michonnet, dites-moi comment, MADEMOISELLE DANGEVILLE , MADEMOI- vous qui donnez de si bons conseils, vous êtes. SELLE JOUVENOT, près de la glace à gauche; MICHONNET. LE PRINCE, ADRIENNE, entrant par la porte Comment je suis si mauvais, n'est-ce pas, Mon- à droite et étudiant son rôle ; L'ABBÉ , MI- sieur l'abbé? je me le suis souvent demandé. Cela CHONNET, QUINAULT. tient, je crois, à ce que je ne suis pas sociétaire. étudiant. L'ANNONCEUR. ADRIENNE, Messieurs et Mesdames, le premier Du sultan Amurat je reconnais l'empire. acte va commencer Sortez! le sérail soit désormais fermé. ! que fond. Non n'est cela ! (Essayant autre QUINAULT, au , ce pas une dames, manière.) Et ces qui ne sont pas prêtes! ADRIENNE, traversant le théâtre et passant près de Sortez 1 que le sérail soit désormais fermé. la glace à gauche. Et ici dans l'ordre accoutumé que tout rentre ! Je le suis. L'ABBÉ, qui s'approche d'elle. MADEMOISELLE DANGEVILLE, redescendant. Superbe! EL moi aussi, quoique je ne joue que dans la ADRIENNE. seconde pièce ! Monsieur l'abbé de Chazeuil! QUINAULT. LE PRINCE. Mais mademoiselle Duclos? Eblouissant t MICHONNET. MADEMOISELLE JOUVENOT. Il y a un quart d'heure que je suis entréiUns Vous voulez parler des diamants? sa loge, où elle écrivait. tout habillée. LE PRINCE. LE PRINCE*. Ceux de la reine! fort beaux en effet! Quand Ah! elle écrivait! Mademoiselle Lecouvreur voudra s'en défaire, je MADEMOISELLEDANGEVILLE. lui en ai déjà offert soixante mille livres ! (Made- En costume ! (A l'abbé , qui lui parle de près.) moiselle Jouvenot, Mademoiselle Dangeville re- Prenez donc garde , l'abbé , vous chiffonnez le montent vers la cheminée qui est au fond du mien ! théâtre. A Adrienne.) Vous étudiez donc tou- MICHONNET. jours? cherchez-vousencore? que Il fallait que ce fût une épltre bien pressée ! ADRIENNE. MADEMOISELLE DANGEVILLE, regardant le prince. La vérité. Ou qu'on attendit avec bien de l'impatience. L'ABBÉ, regardant Quinault. LE PRINCE. Mais vous avez eu des leçons des premiers Qu'est-ce que cela signifie?., maîtres. MADEMOISELLE JOUVENOT, à demi-voix au prince MICHONNET,.à Quinault, qui veut sortir. de Bouillon. Restez donc, monsieur Quinault, on ne com- Je vais vous le dire. La femme de chambre de mence pas encore. mademoiselle Duclos. L'ABBÉ, Adrienne. à LE PRINCE, souriant. Pour le rôle de Roxane, par exemple! Pénélope ? ADRIENNE. MADEMOISELLE JOUVENOT. Eh! mon Dieu, non, par malheur! (Apercevant Prétendait tout à l'heure, en montrant une Michonnet.)Je me trompe, j'allais être ingrate en lettre, qu'elle avait là un petit billet que Monsieur disant que je n'avais pas eu de maître. Il est un le prince paierait bien cher. homme de cœur, un ami sincère et difficile, dont LE PRINCE. les conseils m'ont toujours guidée, dont l'affection Moi! le payer! m'a toujours soutenue. (Passant près de Michon- MADEMOISELLE JOUVENOT. net, à qui elle tend la main.) Lui*! et je ne suis Ce qui donneraità penser qu'il n'était pas pour

* Le prince, l'abbé, Michonnet, le prince remonte * Adrienne, devant la glace, à gauche, made- à la cheminée près des dames, tous les autres ac- moiselle Jouvenot, le prince, mademsiselle Dangeville, teurs sont groupés auprès de la cheminée du fond, ou l'abbé, Michonnet, les autres acteurs et actrices, au se promènent dans le foyer. fond. vous! Après cela, c'est une supposition. parce ADRIENNE. que chez nous, en fait d'infidélités. on suppose Sans doute. volontiers. on bavarde, on cause, on invente, MICHONNET. homme vient de et presque toujours cela se rencontre juste. Eh bien ! ce pauvre mourir. POISSON, qui est assis près de la table, à droite. ADRIENNE. Le hasard !.. Ah ! tant pis ! LE PRINCE, vivement et à part. MICHONNET. 0 ciet ! je cours interroger Pénélope. (Bas à Oui, oui, tant pis! Mais pourtant il me laisse l'abbé.) l'abbé Je vais , , m'occuper de notre af- sur son héritage dix bonnes mille livres tournois. faire. ADRIENNE. L'ABBÉ. Tant mieux ! A merveille,.. Où vous retrouverai-je? MICHONNET. LE PRINCE. Pas tant tant mieux !.. parce que moi, qui n'ai après le troisième Ici. acte. jamais eu tant d'argent, je ne sais qu'en faire, et L'ABBÉ. me tourmente. C'est ça convenu. ADRIENNE, souriant. MICHONNET. Tant pis, alors. Allons, mademoiselle allons, Jouvenot, mon- MICHONNET. sieur Quinault. (Ces dames la porte sortent par Pas tant. parce que ça m'a donné une idée à celle du théâtre.) gauche qui est qui ne me serait peut-être pas venue sans cela. Michonnet toujours. QUINAULT, que presse celle de me marier. Me voici. voici!.. (Rencontrant l'abbé à me ADRIENNE. la porte à gauche.) Après Monsieur l'abbé. vous, Vous avez raison. (Avec un soupir.) et si je L'ABBÉ. le pouvais aussi. moi. (Tous les deux Après votre excellence turque ! avec joie. la à gauche.) MICHONNET, sortent par porte Ce ne serait pas loin de ta pensée ? LE PRINCE , il part, et se dirigeant vers la porte à droite. ADRIENNE. N'avez-vous pas remarqué qu'ils disent tous , Je suis toujours défié de cette petite Péné- me depuis quelque temps : Le talent d'Adrienne est rien théâtre, devait lope. que ce nom-là, au bien changé ! porter malheur. (Il sort la porte à droite.) par MICHONNET, vivement. C'est vrai!.. il augmente! Jamais tu n'as joué Phèdre comme avant-hier. SCÈNE IV. ADRIENNE, avec animation et contentement. ADRIENNE, assise d gauche, MICHONNET. N'est-ce pas?.. Ce jour-là, je souffrais tant j'étais si malheureuse!.. (Souriant.) On n'a MICHONNET, regardant Adrienne, qui s'est remise pas tous les soirs bonheur-là! à étudier son rôle à voix basse. ce Dire qu'elle a une amitiépareille pour moi, et voilà MICHONNET. Et d'où cela venait-il ! cinq ans que j'hésite toujours à lui avouer. C'est tout simple. elle est sociétaire. et je ne le suis ADRIENNE. On parlait d'un combat!., et pas de nouvelles !.. pas ! elle est jeune, et je ne le suis plus! Et puis au- blessé. tué peut-être!.. Ah! tout qu'il y a jourd'hui me semble mauvaisjour. attendons ce un dans le de crainte, de douleur, de déses- à demain. Il est vrai que demain je serai encore cœur poir, j'ai deviné, souffert!.. je puis moins jeune. D'ailleurs elle n'aime rien. que la tout tout tout exprimer maintenant,surtout la joie. je l'ai revu! tragédie. (S'avançant en se donnant du cou- rage.) Allons !.. (Avec embarras et s'approchant MICHONNET, hors lui. Qu'entends-je, ô ciel !.. aimes d'Adrienne.) Tu étudies ton rôle? tu quelqu'un. ADRIENNE. ADRIENNE. Oui. Comment vous le cacher à vous, mon meilleur MICHONNET, avec embarras. ami? A propos de rôle. et si ça ne te dérange pas. MICHONNET, cherchant à se remettre. moi qui depuis si longtemps. fais les confidents, Mais. comment cela est-il arrivé P j'aurais bien à mon tour.. quelque chose. ADRIENNE. ADRIENNE, avec intérêt. C'était à la sortie du bal de l'Opéra! de jeunes A me confier. officiers, dont un joyeux souper égarait sans doute MICHONNET. la raison, (lequel d'entre eux, sans cela eût osé Oui, vraiment!.. Tu te rappelles mon grand insulter une femme? voulaient m'empêcher de re- oncle, l'épicier de la rue Férou ? gagner ma voiture, lorsqu'un jeune homme que je ne connaissais pas, s'écria : Messieurs, c'est ADRIENNE. mademoiselle Lecouvreur. vous la laisserez pas- Me voir jouer Roxane! ser; et comme mes quatre adversaires. (ils étaient MICHONNET, vivement. quatre) se mirent à rire de cet ordre, par un mou- Ah ! mon Dieu ! et dans quel état te voilà! Ce vement plus prompt que la parole et avec une trouble. cette émotion. tu ne pourras rien dé- force surnaturelle, mon étrange protecteur ren- tailler. rien calculer! verse de chaque côté et d'un seul coup, deux de ADRIENNE. Qu'importe ! ses ennemis, puis m'enlevant dans ses bras et me portant jusqu'à voiture, il dépose sur les MICHONNET. ma me Ce qu'il importe?. qu'aujourd'hui, coussins, moment où jeunes officiers qui c'est pour au nos la première fois, joues s'étaient relevés, accouraient l'épée à la main : tu ce rôle avec la Duclos ! Monsieur, rendrez raison ?—Très volon- ADRIENNE, sans l'écouter. vous me Soyez tranquille!.. tiers!—Vous commencerez par moi-par moi—par moi-Lequel choisissez-vous?—Tous,répondit-il MICHONNET. Je ne le suis pas! Il faut du calme et du en les chargeant à la fois. et au cri que je pous- sang- froid, même dans l'inspiration. La Duclos se pos- sai : ne craignez rien, restez, Mademoiselle, me dit- sèdera. elle profitera de ses avantages. tandis il, vous serez aux premièresloges; et nous, Mes- que toi. tu ne verras que lui. sieurs, allons enscène !-Que vous dirai-je? quoi- ADRIENNE, avec passion. que saisie de frayeur, je pouvais détacher mes ne C'est vrai !.. Et si dans la salle œil le dé- de spectacle.et si l'aviez braver mon yeux ce vous vu, couvre.. en se jouant la pointe de ces quatre épées dirigées MICHONNET, avec désespoir. contre poitrine, c'était, le bn's et le regard d'un sa Tu es perdue!.. Ne t'occupe de ton rôle. héros. Loin de reculer, il les défiait! il les appelait! que L'amour mais beau rôle, belle créa- semblait entendre : passe, un une tion triomphe éclatant, cela reste toujours ! , un Paraissez Navarrois, Maures et Castillans, (D'un air suppliant.)Voyons! est-ce qu'il ne t'est possible Et tout ce que l'Espagne a produit de vaillants ! pas de ne pas penser à lui? ADRIENNE. Mais aux cris de la foule, le guet arrivait de tous Hélas ! non côtés. Nos adversaires,honteux de leur nombreet MICHONNET. redoutant les flambeaux, disparaissaient l'un après Pour ce soir du moins! Adrienne) mon enfant, l'autre du champ de bataille. sois magnifique!je t'en supplie, sois magnifique^ Et le combat finit faute de combattants ! si ce n'est pas pour moi, eh bien ! que ce soit vivement. dans l'intérêt même de cette folle passion ! L'a- MICIIONNET, des hommes vit d'amour-propre Et tu l'as revu ? mour ne que !.. et si la Duclos l'emportait toi. si tu n'étais ADRIENNE. sur pas la plus belle !.. Dès le lendemain !.. Pouvais-jel'empêcher de se cri. présenter chez moi, de venir s'informer de ADRIENNE, poussantun mes Je le serai ! nouvelles, surtout quand il m'eut avoué que lui, étranger, simple officier, n'avait de fortune, de MICHONNET, avec reconnaissance. Merci ! titres, de nom même à attendre que de son cou- émotion lui tendant la rage. Voilà ce qui le rendait si redoutable pour ADRIENNE, avec et main. moi!.. Riche et puissant, peu m'importait; mais C'est plutôt à moi de vous remercier, mon ex- cellent ami !.. pauvre, mais malheureux, mais ne rêvant, comme à part. moi, que l'amour et la gloire, comment lui ré- MICHONNET, sister ? Dis plutôt : imbécile de Michonnet! (Prêt à s'en MICHONNET. all6r, revenant sur ses pas.) Il y a un endroit 0 Ciel ! que tu négliges toujours : ADRIENNE. N'aurais-je tout tenté que pour une rivale!. Parti, depuis trois mois, chercher fortune pour Vois-tu, Adrienne. cette femme! qui le jeune de Saxe, fils du roi de Polo- pauvre ce avec comte excite plus dépit, c'est c'est jus- compatriote, il est matin, et encore son que gne, son revenu ce sa tement rivale tu sais. et alors. première visite été moi ; mais général, pour une que. a pour son elle éprouve. là. elle dit. Je ne peffx pas mais le ministre, qui l'attendaient à Versailles, se bien rendre l'expression.mais tu me comprends. ont abrégé encore le peu d'instants qu'il me don- déclamant. nait; aussi, ce soir, il me l'a promis, il viendra ADRIENNE, ici au théâtre t.. N'aurais-je tout tenté que pour une rivale! MICHONNET. MtciioNNiiT, avec joie, Il viendrai C'est cela ! ADRIENNE. vous.. J'ai aperçu une petite porte par laquelle Ne craignez rien!. Mais vous. ce que vous venait de passer une façon de gentilhomme. vouliez me dire. tout-à-l'heure. de vos idées Puisqu'il entrait, j'en pouvais faire autant. On de mariage? ne passe pas! Que demandez-vous? — Mademoi- MICHONNET, vivement. selle Lecouvreur. J'ai à lui parler. Elle m'at- Non, c'est inutile, ce n'est plus le moment. tend.. Allons Je te laisse étudier. (A part.) , j'ai beau ADRIENNE. de faire, je ne peux pas sortir mon emploi de Imprudent!.. me compromettre! l'héritage de oncle, confident. Et mon et mes MAURICE. projets. (Essuyant une larme.) Ne pensons plus En quoi ? Parce qn'on n'est pas gentilhomme à monde!.. (Il fait quelques pas rien. à rien au de la chambre, on n'a pas le droit de vous admi- gauche revient pour sortir par la porte à et près rer de près. Il faut, à l'écart, dans un coin de d'Adrienne qui vient de traverser le théâtre et la salle, frémir ou sangloter, sans vous remercier gorgée d'eau repasse à droite.) Bois une en en- de ce cœur que vous avez fait battre ou de cette trant en scène, et surtout n'oublie pas. tu sais. tête que vous avez exaltée. Il aurait fallu atten- ton. enfin comme tu as dit!.. (Il sort.) dre jusqu'à ce soir pour vous dire : Adrienne, je t'aime ! ADRIENNE, mettant un doigt sur sa bouche. SCENE V. Silence ! (Lui montrant son costume.) Roxane va vous entendre ! Mais avant que je vous renvoie, MAURICE, la porte à droite et s'a- entrant par dites-moi bien vite, car à peine ce matin ai-je pu milieu du théâtre ; ADRIENNE vançant au , vous entrevoir. Avez-vous fait de bien belles à debout, étudiant et lui tournant le droite, actions?.. me rapportez-vous quelque beau trait dos. bien héroïque ? à droite, étudiant. ADRIENNE, MAURICE. Mes brigues, complots. trahison fatale. mes ma Ah! s'il n'avait tenu qu'à moi !.. N'aurais-je tout tenté que pour une rivale !. Que pour une rivale !. ADRIENNE. Vous êtes trop difficile! Votre jeune général, le MAumcE, se tournant du côté des bustes et des portraits qu'il regarde. comte de Saxe, dont on dit tant de bien, et que C'est beau, le foyer de la Comédie-Française. je voudrais bien voir, est-il satisfait de vous, Monsieur ? beau de gloire et de souvenirs. Rien qu'en tra- versant ces longs corridors, où semblent errer MAURICE. Oh! le comte de Saxe est plus difficile tant d'ombres illustres. on sent là comme un encore certain respect, surtout quand vient, que moi. Mais enfin je ne l'ai pas quitté et j'ai on y comme été blessé ! moi, pour la première fois. Aussi, je l'espère, personne ne m'y connalt. pas même Adrienne. ADRIENNE. Près de lui ! le mystère est le dernier égard que je doive à madame de Bouillon. MAURICE. Très près. ADRIENNE, levant les yeux et l'apercevant. Maurice ! ADRIENNE. MAURICE. C'est bien ! l'idée seule de vous savoir blessé Adrienne ! me fait frémir, et cependant il me semble qu'en ADRIENNE. suivant les périls, vous suivez votre route; que les Vous! ici ! chemins qui s'élèvent sont les vôtres !. Je vous MAURICE. ai déjà vu l'épée à la main , et quand je vous J'étais arrivé le premier, ou peu s'en faut, pour écoute, quand vous me racontez, en riant, quel- ne rien perdre de vous! qu'une de vos actions de guerre. ne vous mo- ADRIENNE. de présages. je devine Miséricorde ! on vous pris clerc de quez pas mes en vous un aura pour un grand homme, héros! procureur ! un MAURICE. MAURICE. Enfant ! Soit! ceux-là s'y connaissent aussi bien que d'autres nom seul d'Adrienne, ils treis- ADRIENNE. ; car, au Oh! je m'y milieu saillent et crient : Bravo ! Mais la toile s'était le- connais ! je vis au des héros de tous les moi ! Eh bien ! dans vée, je ne voyais que le grand vizir et son confi- pays, vous avez dent. l'accent, dans le coup d'œil, je ne sais quoi qui ADRIENNE. sent son Rodrigue et son Nicodème. aussi, vous Patience 1 arriverez ! MAURICE. MAURICE. Je n'en ai pas quand je suis si près et si loin de Vous croyez ? ADRIENNE. MAURICE. Vous arriverez !.. je saurai bien t'y forcer. C'est vrai. mais, pardonnez-moi, ce n'est MAURICE. qu'une fable. Comment? ADRIENNE, d'un air de reproche. ADRIENNE. Une fable! vous ne voyez là qu'une fable ! Je vous vanterai tant le comte de Saxe , votre (Récitant.) jeune raffolent, compatriote, dont toutes ces dames Deux pigeons s'aimaient. (Avec expression.) d'a- qu'il faudra l'égaliez, que vous ne fût-ce que par [ mour tendre. jalousie! MAURICE. MAURICE, souriant. Comme nous! Je n'ai pas idée que je sois jamaisjaloux de lui ! ADRIENNE. ADRIENNE. L'un Présomptueux! mais avez-vous vu le ministre? d'eux, s'ennuyant au logis, Fut fou entreprendre MAURICE. assez pour Un lointain Pas encore, mais je vais lui écrire. voyage en pays! ADRIENNE. MAURICE. Oh! non, n'écrivez pas! Comme moi ! MAURICE. ADRIENNE. Pourquoi? L'autre lui dit : Qu'allez-vous faire ? ADRIENNE. Voulez-vous quitter votre frère? Parce que, vous savez. l'orthographe. L'absence est le plus grand des maux! Non cruel ! MAURICE. pas pour vous, Eh bien? MAURICE. ADRIENNE. Est-ce qu'il y a cela? Eh bien ! la première lettre de j'ai vous que re- ADRIENNE, continuant. était bien chaleureuse, bien tendre, et elle çue Hélas ! dirai-je, il pleut ! m'a touchée profondément, mais même temps en Mon frère a-t-il tout ce qu'il veut, elle fait rire larmes orthographe m'a aux une Bon souper, bon gîte et le reste ! d'une invention ! vivement. MAURICE. MAURICE, Le reste! ah! après? après? Qu'importe ? je ne veux pas être de l'Académie. souriant. ADRIENNE. ADRIENNE, Après? (Avec finesse.) Ah cela Ce n'est pas cela qui vous en empêcherait.Mais ! vous intéresse donc, Monsieur? si vous savez bien que je me suis chargée de faire et je vous disais les malheurs de celui votre éducation, mon Sarmate, de vous polir qui s'éloigne. et plus encore, ingrat, les l'esprit. tourments de celui qui reste. MAURICE. (Vivement.) Et moi, je n'ai point oublié mes promesses! que Non, non ! de fois, là-bas, j'ai appris des scènes de Corneille ! Voilà nos gens rejoints, et je laisse à juger ADRIENNE, avec admiration. De combien de plaisirs ils payèrent leurs peines Vous pensiez à Corneille? ! Amants, heureux amants, voulez-vous voyager! MAURICE. Que ce soit aux rives prochaines. Non à lui, mais à qui l'interprétez si pas vous, Soyez-vousl'un al'autrc un monde toujoursbeau, bien ! Toujours divers, toujours nouveau, ADRIENNE. Tenez-vous lieu de tout. comptez pour rien le reste. Et ce petit exemplaire de La Fontaine , que je vous avais donné en partant? MAURICE. MAURICE. Ah ! quand c'est vous qui lisez , quelle diffé- Il ne m'a jamais quitté.. il était là, toujours là. rence! c'est bien mieux que La Fontaine! à telles enseignes qu'il m'a sauvé une balle dont ADRIENNE. il a gardé l'empreinte. voyez plutôt? Impie! ADRIENNE. MAURICE. Et l'avez lu ? A votre voix , Couvre intelli- vous mon cœur , mon MAURICE. gence s'élève, tout me devient facile ! Ma foi, non ! ADRIENNE, souriant. ADRIENNE. Tout!. même l'orthographe ! Pas même la fable des deux pigeons, que je MAURICE. vous avais rccommartdée ? A quand ma première leçon? ADRIENNE. LE PRINCE. Ce soir, après le spectacle, venez me cher- L'aventurela plus piquante pour nous deux. cher. voici mon entrée. L'ABBÉ, à part. MAURICE. Est-ce qu'il s'agit de sa femme ? Adieu! LE PRINCE. ADRIENNE. Pour toi, d'abord. tu sais notre pari de tantôt, Vous allez dans la salle?.. (Vivement.) Vous ces deux cents louis. au sujet de comte de Saxe. m'écouterez. (Avec tendresse.) Tu me regar- L'ABBÉ, vivement. deras ? Le comte de Saxe. je viens de me rencontrer MAURICE. nez-à-nez avec lui. comme il sortait de ce Aux premières, à droite. foyer. il y vient donc ? ADRIENNE. LE PRINCE, vivement. Que je vous voie bien ! que je vous adresse Preuve de plus!.. et j'aurais, parbleu, bien voulu le tous mes vers ! je tâcherai d'être belle! oh ! oui, voir. je serai belle ! (Elle sort par la première porte à L'ABBÉ. gauche.) Nous le trouverons au numéro trois des pre- mières loges. MAURICE, sortant par la droite. A ce soir! LE PRINCE. régnante.,A merveille ! il s'agissait de découvrir sa passion SCÈNE L'ABBÉ. Vf. Oui, vraiment. MADEMOISELLE JOUVENOT, LE PRINCE DE LE PRINCE. BOUILLON, sortant par la seconde porte à Je n'ai pas été loin pour cela. (Montrant ma- gauche. demoiselle Jouvenot.) Tout m'a si bien secondé qu'il te plus, cher, LE PRINCE, avec agitation. ne reste mon qu'à t'exécuter. Merci, Mademoiselle, merci, je n'oublierai ja- L'ABBÉ. mais le service que vous m'avez rendu !.. Sur le vu des preuves. MADEMOISELLE JOUVENOT, vivement. LE PRINCE. C'était donc vrai ! C'est bien ainsi que je l'entends. lis d'abord dis-moi avis billet LE PRINCE, avec humeur. et ton sur ce d'invitation. Que trop !.. tiens. (Le lui donnant.) Il n'est pas long, mais clair précis!.. MADEMOISELLEJOUVENOT, riant. et Voyez le hasard ! enchantée de vous avoir été L'ABBÉ, lisant. agréable ! « Pour des motifs politiques que vous con- naissez mieux LE PRINCE. « que personne, on désire vous entretenir soir à dix heures, dans Ah ! vous appelez cela agréable !.. (Avec colère.) « ce le plus ri- tête-à-tête, Eh bien ! oui!.. car je ne désirais qu'une occasion « goureux en ma petite maison de la Grange-Batelière, j'ai fait de rompre avec elle. « rue que dernièrement meubler! Amour discrétion ! MADEMOISELLEJOUVENOT. « et — Signé Con- stance ! Il fallait donc le dire !.. si j'avais su plus tôt que « » colère. cela vous fît plaisir !.. LE PRINCE, avec La signature de la perfide Duclos. LE PRINCE, avec impatience. L'ABBÉ, Eh ! Mademoiselle! avec étonnement. Constance ! LE PRINCE, avec impatience. Eh oui! vraiment! le fait rien à la SCENE VII. nom ne chose !.. Je tiens ce billet de Pénélope, sa femme MADEMOISELLE JOUVENOT, va s'asseoir de- de chambre. vant la. cheminée du fond et se chauffe les L'ABBÉ. pieds, LE PRINCE, L'ABBÉ, entrant vivement Qui vous l'a remis? par la seconde porte à droite et se retournant LE PRINCE. avec agitation. Ou plutôt vendu à un taux d'autant plus exor- - LE PRINCE, courant à lui. bitant. Ah! c'est toi, l'abbé!.. (S'efforçant de rire.) L'ABBÉ. Viens donc recevoir mes consolations. ou plutôt Qu'ici ces valeurs-là ne sont pas rares! me prodiguerles tien ne s. LE PRINCE, qui pendant ce temps a remonté le L'ABBÉ. théâtre, parlant à un domestique. Comment cela ? Ce billet au numéro trois des premières, sans do quelle dire part. (Revenant près de l'abbé '.) siasme. (On entend grand bruit de bravos.) Et maintenant, cher abbé, j'ose un mon compter sur Tiens, nous y sommes déjà. toi !.. MICHONNET, entrant L'ABBÉ. Eh! oui, c'est Adrienne! Entendez-vous, Et pourquoi?; toute la salle applaudit; Mademoiselle Duclos ne LE PRINCE. sait déjà plus où elle en est. Pour te rendre témoin d'un éclat je me que LE PRINCE, applaudissant. dois à moi-même; je d'abord soir veux ce tout Bavo ! cela commence. briser chez elle. MICHONNET. L'ABBÉ. Que dit-il ? C'est du plus mauvais goût abbé pour un et LE PRINCE, avec colère. un savant ! Bravo !.. bravo !..bravo, Adrienne ! (Ils sortent LE PRINCE. par la porte à gauche.) Quand la science est trahie!.. MICHONNET, montrant le prince. L'ABBÉ. Jusqu'à celui-ci qu'elle a gagné et subjugué. La science doit savoir se taire!.. Le bruit est Une preuve pareille de tact et de goût. (A part.) permis au comte de Saxe. à un soldat, mais à Je ne l'en aurais pas cru capable. vous, presque parent de la reine. à vous, un homme marié, serait scandale. ce un SCENE VIII. LK PRINCE. On saura toujours l'anecdote. parce qu'ici, au MICHONNET, seul, écoutant vers la gauche. Théâtre-Français. Tiens. (Montrant mademoi- Ah! nous voilà au monologue, et maintenant selle Jouvenot qui est à la cheminée.) Voilà déjà quel silence! comme elle les tient tous enchaînés mademoiselle Jouvenot qui n'a encore vu person- à sa parole. (Comme s'il l'entendait.) Bien ! bien ! ne, et qui peut-êtrea déjà trouvé moyen de le dire. pas si vite, mon Adrienne! c'est cela! Ah! quel L'ABBÉ. accent, comme c'est vrai! Applaudissez donc, Prévenez-la. Racontez l'histoire à tout le imbéciles!.. (On applaudil.) C'est bien heureux!.. monde!.. Faites mieux encore?.. une vengeance divine!.. divine !.. (Avec jalousie.) Ah! elle l'a digne de vous. Les deux amants n'avaient-ils aperçu, c'est évident, il est dans la salle ! et pen- pas résolu de passer cette soirée dans le plus ri- ser que c'est pour un autre qu'elle joue ainsi! goureux tête-à-tête, dans cette petite maison qui qu'elle le regarde en ce moment! qu'elle puise vous appartient? dans ses yeux tout ce génie!.. c'est horrible ! (En- LE PRINCE. tendant un vers.) Comme c'est dit. c'est déli- Je le crois bien ! louée et meublée à mes frais. cieux. je deviens fou, je ris, je pleure. Je L'ABBÉ. meurs de douleur et de joie! Oh Adrienne, en Raison de plus!.. je ferais comme chez moi. t'écoutant, j'oublie tout, même ma jalousie, mê- un souper galant, délicieux, où j'inviterais ce soir me. (Cherchant autour de lui.) Même les acces- toute la Comédie-Française, toute ces dames. soires. où donc est la lettre de ZatimePje la te- LE PRINCE, secouant la tête. nais là tout-à-l'heure !.. est-ce que je l'aurais per- Un souper galant. délicieux. due? Pour la première fois depuis vingt ans, L'ABBÉ. il y aurait erreur ou omission par ma faute. C'est moi qui paie, j'ai perdu le pari. c'est qu'une lettre turque n'est pas comme une LE PRINCE, vivement. autre, cela ne se remet point par la petite poste. C'est juste ! (Il cherche dans la table à droite.) L'ABBÉ. Au lieu du tête-à-tête, surprise. une un coup SCENE IX. de théâtre, tableau mythologique. MAURICE, entrant par la porte de droite et se LE PRINCE. dirigeant la gauche, MICHONNET, à la Mars et Vénus. vers table L'ABBÉ. à droite. Surpris (S'interrompant.)Ballet-comédie, MAURICE, au fond. par. Par saint Arminius patron, maudit soit le vengeance en un acte ! Vous, de votre côté, al- mon duché de Courlande ! lez faire vos invitations. MICHONNET, cherchant toujours. LE PRINCE. Ah! dans tiroir. Toi, du tien. Le plus grand secret la Du- ce avec toujours au fond. clos. et nous aurons ce soir un succès d'enthou- MAURICE, Manquer à mon rendez-vous avec Adrienne.

* L'abbé, le prince. * Michonnet, le prince, l'abbé. jamais!.. et d'un autre côté, ce billet que la Du- je jouerais peut-être les amoureux. On est tou- clos vient de m'envoyer au nom de la princesse. jours jeune quand on est sociétaire. Je l'enten- comment m'a-t-elle découvert au fond de cette drais me dire : loge P.. et comment la faire attendre toute la nuit Écoutez, hors de son hôtel, dans cette petite maison où elle Bajazet, je sens que je vous aime! ne vient que pour moi, pour mes intérêts, pour cette réponse du cardinal de Fleury, et puis im- MADEMOISELLE JOUVENOT, sortant vivement de la possible de prévenir madame de Bouillon, tandis coulisse, à gauche. Eh bien! Michonnet, qu'Adrienne, cette pauvre Adrienne, si je pou- ma lettre?.. ma lettre Roxane, où est-elle ? vais lui parler et lui dire. non pas tout. mais pour en l'essentiel. (Il dirige ses pas vers la gauche.) MICHONNET. Là. cette table. Est-ce Quinaut MICHONNET, toujours à la table, à droite. sur que ne Où allez-vous, Monsieur ? vous l'a pas dit? MAURICE. MADEMOISELLE JOUVENOT. Je voudrais parler à Mademoiselle Lecouvreur. Eh! non, vraiment!.. Il est si bon camarade 1 présentant à Mademoiselle le MICHONNET, à part. MAURICE, Jouvenot Encore un ! et quel air agité ! (Haut.) Impos- parchemin roulé. sible, Monsieur, elle est en scène. Voici, Mademoiselle. lui la révérence. MAURICE. MADEMOISELLEJOUVENOT, faisant Quand elle en sortira. Merci, Monsieur. (Le regardant en sortant.) Voilà mais bien! MICHONNET. un officier qui est fort bien, très Elle n'en sortira plus. MICHONNET. MAURICE, à part. Eh bien ! votre entrée ? Nouveau contre-temps!.. (A Michonnet.) Et MADEMOISELLE JOUVENOT. veuillez me dire, Monsieur?. Ah ! (Elle sort par la coulisse à gauche du MICHONNET. spectateur.) Pardon, Monsieur, d'autres devoirs. (Aperce- MAURICE, à part, la suivant des yeux. vant Quinault, qui vient de la droite et traverse Elle aura mes deux mots de la main môme de le théâtre.) Acomat, mon bon, je veux dire mon- Zatime. et saura que je ne peux la venir cher- sieur Quinault, voulez-vous remettre à Zatime sa cher ce soir. Mais demain!.. demain !.. ô mon lettre pour Roxane, sa lettre du quatrième acte. grand-duché de Courlande, vous ne valez pas ce QUINAULT,avecfierté. que vous me coûtez!.. Allons à la rue Grange- Moi!.. Je vous trouve plaisant !.. Pour qui me Batelière. (Il sort par la porte à droite.) prenez-vous? MICHONNET, regardant toujours par la gauche. MICHONNET. Zatime entre en scène. Bon ! elle n'a pas la. Pardon !.. Veuillez dire seulement à mademoi- lettre..Si! elle l'a.. elle la remet à Roxane.. Dieu ! selle Jouvenot de ne pas entrer en scène sans quel effet!.. elle a tressailli. elle se soutient à prendre sa lettre, qui est là sur cette table. peine !.. et son émotion est telle, qu'en lisant le QUINAULT. billet, son rouge lui est tombé du visage. C'est C'est bon !.. c'est bon!.. on le lui dira. (Il entre admirable!. (Les applaudissements éclatent avec sur le théâtre, à gauche, pendant que Maurice force.) Oui, oui. frappez des mains. Bravo ! redescend vers la droite.) bravo ! c'est cela!.. sublime ! admirable! MICHONNET, se levant de la table, en riant. Il n'est pas de bonne humeur, je comprends. Roxane va trop bien ! ah ! Duclos, qui entre en SCENE X. ce moment. (S'approchantde la gauche.) Oui, (Les vivement les deux portes évertuo4oi, pauvre fille. pleure. crie!.. tu ai- acteurs entrent par de gauche et rangent dans l'ordre suivant :) mes mieux chanter?.. chante !.. Tu beau faire, se MADEMOISELLE DANGEVILLE, POISSON, LE tu es vaincue !.. PRINCE, L'ABBÉ, QUINAULT, JOUVENOT. MAURICE, qui s'est assis à droite, près de la table, seigneurs et viennent prend le parchemin Michonnet vient d'y Les autres acteurs et vont que fond, ainsi Michonnet. placer et le déroule avec curiosité.) Rien d'écrit! au que Ah! palsambleu! à mon secours les ruses de MADEMOISELLE DANGEVILLE. Je sais qu'ils ont soir ; ils applau- guerre! (Il écrit quelques mots au crayon et route ne pas ce ce le parchemin, qu'il remet sur la table.) dissent tous comme des fous. regardant toujours du côté du MADEMOISELLE JOUVENOT. MICHONNET, croient déjà théâtre, à gauche. Ils se trompent, ma chère. ils se aux Folies amoureuses. Adrienne reprend. elle parle à Bajazet, et sa voix d'une est douceur. Ah! si j'étais sociétaire, • L'abbé, Adrienne, le p.iince. L'ABBÉ, entrant. LE PRINCE, vivement. C'est superbe ! Eh bien, vous viendrez seule ; vous connaissez MADEMOISELLE DANGEVILLE. la petite maison. la Duclos. C'est absurde !.. de ADRIENNE. POISSON. Ma voisine!.. ce beau jardin. Ça me fait rire. LE PRINCE. QUINAULT. Dont le fait face vôtre ! Voici la clé de Ça me fait mal. mur au la quelques pas seulement. MADEMOISELLE JOUVENOT. rue. Pauvre homme ! ADRIENNE. C'est quelque chose. PRINCE. LE L'ABBÉ, vivement. Le fait est jamais je n'ai rien entendu de que Vous acceptez? plus beau. et je m'y connais! entrant agitation la gauche, ADRIENNE. ADRIENNE, avec par Je n'ai pas dit cela ! à part. LE PRINCE. Après deux mois d'absence. ah ! c'est bien Monsieur Michonnet sera aussi des nôtres. mal !.. Allons, du courage! MICHONNET. LE PRINCE. Comment donc, monsieur le prince, dès Et du plaisir!. Vous êtes des nôtres. que spectacle de demain sera fait. (A part, L'ABBÉ. mon re- gardant Adrienne.) Passer toute la soirée avec Je venais l'inviter. elle. ADRIENNE. ADRIENNE, à part. Moi! Oui! je m'occuperai de lui, l'ingrat !.. L'ABBÉ. encore là vengeance ! Au joyeux où la Co- ce sera ma souper nous avons toute L'AVERTISSEUR, dehors. médie-Française. toutes dames. en ces Le cinquième acte qui commence. ADRIENNE. Impossible ! ADRIENNE. Adieu, adieu , Messieurs. (Elle sort la MADEMOISELLE JOUVENOT, qui est descendue par à gauche. gauche.) Par fierté? MICHONNET. Allons, allons, Mesdames. bonté. Messieurs. ADRIENNE, avec à l'abbé. Oh ! mais je n'ai le à la joie. MADEMOISELLE DANGEVILLE, non. pas cœur Un mot seulement, l'abbé. Pourrais-je, pour L'ABBÉ. me donner la main, quelqu'un Raison de plus égayer. Un amener ?. pour vous souper L'ABBÉ, riant. charmant ! où offrirons qu'il de nous vous ce y a Le prince de Guéménée ? mieux (Montrant les acteurs.) dans les arts, (Mon- MADEMOISELLE DANGEVILLE. trant le prince.) à la cour, (Se montrant lui- Du tout. même.) dans le clergé. et dans l'épée. Le jeune L'ABBÉ, de même. comte de Saxe est des nôtres ! c'est le héros de la Un autre ? fête! vivement. MADEMOISELLE DANGEVILLE. ADRIENNE, Fi donc ! un tête-à-tête ! Pour qui me prenez- Lui que je désirais tant connaître ! vous?.. J'en amènerai deux. LE PRINCE. L'ABBÉ, riant. En vérité! A merveille !.. ADRIENNE. MADEMOISELLE JOUVENOT. Une demande j'avais à lui présenter. que un Et notre toilette pour ce soir. et nos voitures, lieutenant dont je voulais faire un capitaine. où seront-elles ? L'ABBÉ. L'ABBÉ. Nous vous plaçons à table à côté de lui. et On songera à tout. et de plus on vous pro- protégé votre est colonel. au dessert. met. ce qu'on ne vous a pas dit. une surprise, ADRIENNE. un secret. Ah! ce serait bien tentant. Mais la tragédie MESDEMOISELLES JOUVENOT, DANGEVILLE ETTOUTES finira tard. je serai fatiguée. Je n'ai pas de ca- LES AUTRES ACTRICES, accourant et entourant valier. l'abbé. L'ABBÉ ET LE PRINCE, présentant la main. Ah! qu'est-ce donc. qu'est-ce donc? En voici ! L'ABBÉ. ADRIENNE. Je ne puis rien dire. vous verrez. vous sau- Je n'en veux pas! rez. MICHONNET, criant. seigneurs et les actrices, qu'il sépare, et d'un tragique : Le cinquième acte! voilà l'idée seule d'une fête ton Qu'à ces nobles seigneurs le foyer soit fermé, qui bouleverse dans coulisses. tout nos on ne Et que tout rentre ici dans l'ordre accoutumé! s'y reconnaît plus. A votre réplique à vos (Les seigneurs et les actrices se mettent à rire, et rôles. (A l'abbé et au prince.) Et vous, Messieurs, la toile tombe.) je suis obligé de vous exiler ! (Il se pose entre les FIN DU DEUXIÈME ACTE.

ACTE TROISIÈME.

Un salon élégant dans la petite maison de la rue Grange-Batelière; porte au fond, vers la gauche, et en pan coupé, une porte, vers la droite, également en pan coupé ; une croisée vitrée donnant sur un balcon ; sur le premier plan, à gauche, un panneau secret, au second plan, une table, sur laquelle est un flambeau a deux branches avec des bougies allumées, sur le premier plan, à droite, une porte. SCENE PREMIERE. détours, plusieurs rues qui m'éloignaient de ce quartier, et je pensais avoir dérouté espions, LA PRINCESSE, seule. mes lorsqu'en j'aperçus, boule- Louis XIV disait : J'ai failli attendre !.. et moi, me retournant, sur ce désert, deux hommes enveloppés de princesse de Bouillon, petite-tille de Jean vard man- So- Que voulez- biesky. j'attends! (Souriant.) J'attends réelle- teaux qui me suivaient à distance. vous ? leur demandai-je. Ils répondirent ment. je ne peux pas me le dissimuler!.. La ne que la fuite , et quoiqu'ils courussent bien, je Duclos m'a pourtant fait dire que son petit billet par n'eusse manqué de les poursuivre et de les avait été remis au comte de Saxe lui-même dans pas la crainte de faire attendre, une loge où il était seul. (Réfléchissant.) Seul !.. assommer, sans vous princesse. est-ce bien vrai ? N'est-ce autre qu'il pas pour une souriant. manque à ce rendez-vous, où je suis venue, où LA PRINCESSE, me voici!.. On peut pardonner une infidélité, Je vous en remercie!.. Cette aventure se lie cela souvent ne dépend pas de nous ; une impoli- peut-être à celle dont je voulais vous entretenir. tesse. jamais! Je n'ai pas été en ma vie une J'ai été aujourd'hui, comme je vous l'avais pro- seule fois impertinente sans avoir tâché. et mis, à Versailles. Marie Leckzinska, notre levant y nou- réussi. (Se avec impatience.) Onze heu- velle reine, et comme moi polonaise, n'a rien à res!.. Monsieur le comte, vous arriviez le pre- refuser à la petite-fille de Sobiesky ; elle a vu, à mier l'année dernière; voilà une heure de retard ma prière, le cardinal de Fleury, elle lui a parlé qui me prouve que j'ai un an de plus ! Malheur de l'affaire de Courlande. à elle, malheur à vous de me l'avoir rappelé ! Je MAURICE. venais ici avec empressement, avec impatience, 0 bonne et généreuse princesse ! Eh bien ?.. pour vous sauver, et vous me laissez le temps de LA PRINCESSE. réfléchir que je puis également vous perdre, que Eh bien , le cardinal aimerait mieux ne pas ac- votre fortune politique est entre mes mains. corder les deux régiments qu'on lui demande ; c'est plus qu'ingrat, c'est maladroit. (Se levant il voudrait être agréable à la jeune reine, et en et marchant vers le fond.) ADons ; même temps ne mécontenter ni l'Allemagne ni la Russie, que vous menacez, et avec qui nous sommes en paix. SCENE II. MAURICE, avec impatience. LA PRINCESSE, MAURICE, entrant par le fond. Son avis, alors? LA PRINCESSE, apercevant Maurice, qui vient LA PRINCESSE. d'entrer doucement derrière elle. Il n'en a pas, il n'en émet pas. et pour agir Ah!.. (Lui tendant la main.) Vous faites bien en votre faveur, sans rien faire, il vous permet d'arriver ! seulement de lever ces deux régiments. à vos MAURICE. frais ! Mille excuses, princesse. MAURICE. LA PRINCESSE, d'un air gracieux. Cela me rassure. Pas de reproches ! D'autres ne songeraient qu'à LA PRINCESSE. leur dignité blessée, moi je ne songe (Souriant.) Et moi pas!.. Avez-vous de l'argent? qu'au temps perdu sans vous voir. Il faut qu'à MAURICE. minuit je sois rentrée à l'hôtel. Non ! MAURICE. LA PRINCESSE. Imaginez-vous qu'en quittant la Comédie-Fran- Comment, alors, paierez-vous vous deux régi- çaise, il me sembla être suivi. Je pris plusieurs ments ? MAURICE. LA PRINCESSE, avec affection. Mes régiments français? Hélas! ni moi non plus ! LA PRINCESSE. MAURICE. Oui. Et d'ailleurs, je n'accepterais pas. Il n'y a donc MAURICE, gaiement. qu'un moyen qui me convienne. Je ne les paierai pas ! si ce n'est après la LA PRINCESSE. victoire ! Et jusque-là, soyez tranquille, je les con- Lequel ? nais!.. ils se feront tuer pour moi. à crédit! MAURICE. LA PRINCESSE. Laissant la Moscovie, la Suède et la police s'en- Très bien ! Une autre chose encore. est-il lacer mutuellement dans leurs intrigues aux- -vrai que vous ayez des dettes? que vous deviez quellesje n'entends rien, je pars demain. soixante-dix mille livres comte de Kalkreutz au , LA PRINCESSE. un Suédois, qui, en vertu d'une lettre de change, Vous partez?.. peut vous faire appréhender au corps ? MAURICE. MAURICE. Ce n'était pas mon dessein, mais une partie de Pourquoi cette demande? mes recrues est déjà disséminée sur la frontière, LA PRINCESSE. et vos huissiers n'auront pas beau jeu contre mes Parce qu'un grand danger vous menace; l'am- houlans ; c'est là que j'irai me réfugier ! le brevet bassadeur russe a chargé Messieurs de la police que vous m'avezobtenu, double les droits de mes de ne pas vous perdre de vue. sergents-recruteurs qui enrôlaient déjà sans per- MAURICE. mission, jugez maintenant, avec autorisation et Voilà donc pourquoi l'on m'a suivi ce soir. je privilége du roi!.. Nous allons lever en masse suis fâché alors de n'avoir pas coupé les oreilles!.. toute la frontière. Je sais bien qu'à Versailles et LA PRINCESSE. ailleurs il y aura du bruit, des réclamations, l'or- A ces espions?.. Mais leurs oreilles, c'est leur dre de suspendre. Je vais toujours! Des notes place! des pères de famille peut-être! Fi donc!.. diplomatiques?.. j'intercepte. des courriers?.. je Mais ce n'est pas tout, l'ambassadeur moscovite les enrôle dans ma cavalerie, et lorsqu'enfin les veut également découvrir à tout prix ce monsieur chancelleries européennes seront en mesure d'é- de Kalkreutz qui doit être à Paris. changer des protocoles, la Courlande sera en- MAURICE. vahie, et les Tartares de Menzikoff disperséspar Et pourquoi? les escadrons français, voilà mon plan. LA PRINCESSE. LA PRINCESSE. Pour lui acheter sa créance, se mettre en son Il n'a pas le sens commun. lieu et place, et vous faire jeter en prison. MAURICE. MAURICE. Permettez? s'il s'agissait de l'ordonnanced'une Une belle vengeance. fête ou d'un quadrille de bal, je demanderais vos LA PRINCESSE. conseils, mais dès qu'il s'agit de cavalerie et de Mieux que cela, un coup de maître ; car, vous manoeuvres, je prends tout sur moi, cela me re- prisonnier, la Courlande dont le souverain est en garde. gage, est livrée aux intrigues de la Russie, les con- LA PRINCESSE, s animant. jurés n'ont plus de chef, les troupes se disper- Non, à peine arrivé, vous ne quitterez pas Pa- sent. ris! C'est bien le moins que vous y restiez quel- MAURICE. ques jours encore, que votre présence et votre C'est ma foi vrai!.. que faire? affection me dédommagent enfin de ce que j'ai LA PRINCESSE. fait pour vous et des jours que je vous ai consa- J'y ai déjà pensé. J'ai obtenu de M. le lieute- crés. nant de police qui me doit sa place, que s'il dé- MAURICE. couvrait la demeure de M. de Kalkreutz, on m'en Princesse, entendons-nous? Je n'ai jamais été donnerait d'abord avis à moi, qui vous en pré- ingrat, et dans ce moment où je vous dois tant, viendrai. Alors, vous irez trouver M. de Kal- manquer de franchise, serait manquer de recon- kreutz. naissance ; ce matin déjà, car moi je ne sais pas MAURICE. tromper. je voulais tout vous dire et vous Pour me battre avec lui. avouer. LA PRINCESSE. LA PRINCESSE. Non, mais pour prendre des arrangements. Le Que vous en aimez une autre ! plus simple de tout, serait de le payer. MAURICE, vivement. MAURICE. Qui ne vous vaut pas, peut-être? Et comment? je n'ai pas soixante-dix mille LA PRINCESSE, en cherchant à se modérer. livres disponibles. Et quelle est-elle?.. (Avec explosion.) Quelle est-elle?.. Répondez. car vous ne savez pas ce LA PRINCESSE. dont je suis capable. Le prince de Bouillon, j'en suis sûre. je l'ai MAURICE. vu , descendantde voiture! C'est justement pour cela que je ne veux pas MAURICE. la (D'un ton conciliant.) Mais Qu'est-ce que cela signifie? vous nommer. au , lieu d'emportement et de menaces, pourquoi ne - LA PRINCESSE. pas se parler de franche amitié, pourquoi surtout Je l'ignore. Mais il n'est pas seul, d'autres la ne pas se dire loyalement la vérité? Jamaisje n'ai personnes l'accompagnent,que nuit ne m'a vu de femme plus aimable que vous, plus sédui- pas permis de distinguer. sante, plus irrésistible, et pourquoi? C'est que vos MAURICE. chaînes ne semblaient tressées que de fleurs, c'est Je les entends !.. elles montent cet escalier ! que gracieuses et légères,elles retenaientun heu- LA PRINCESSE. reux et non pas un captif. c'est que toujours C'est fait de moi ! prête à les briser, votre main coquette ne crai- MAURICE, remontant vers le fond. gnait pas d'en détacher parfois qnelques feuilles. Non, tant que je serai près de vous. LA PRINCESSE. LA PRINCESSE*. Maurice! Il ne s'agit pas de me défendre, mais d'empê- MAURICE. cher que je sois vue dans cette maison !.. Si le J'ai juré de tout dire. C'est sous l'empire d'un prince, si quelqu'un au monde se doute que j'y ai pareil traité, que le plaisir un jour nous a souri, mis.les pieds. je suis perdue de réputation! car ni vous mi moi, n'avions pris au sérieux un MAURICE. semblable sentiment, et nos liens volontaires C'est vrai! ont eu d'autant plus de durée que chacun de LA PRINCESSE. nous s'était réservé le droit de les rompre ; le re- Ils viennent. (Montrant la porte à droite.) proche est donc injuste; où il n'y eut point de ser- Ah ! de ce côté.. ment, il n'y a point de parjure. (Avec chaleur.) Il MAURICE. y en aurait, si je manquais à l'amitié et à la re- Où cela conduit-il? connaissance que je vous ai vouées. De ce côté- LA PRINCESSE, traversant le théâtre et s'élançant là, j'en jure par l'honneur, je me crois engagé. dans le cabinet à droite. Pour le reste, je suis libre. A un petit boudoir! LA PRINCESSE. Pas de trahir, perfide ! me SCENE III. MAURICE. Ah! prenez garde, princesse, je finis toujours L'ABBÉ, LE PRINCE, entrant par le fond; MAU- par conquérir les libertés que l'on me conteste. RICE. LA PRINCESSE. LE PRINCE, apercevant la porte à droite qui vient C'est ce que nous verrons, et dussé-je vous de se fermer. perdre vous et celle que vous me préférez ; dussé- Ah! l'on vous y prend, mon cher. je pour la connaître, tout sacrifier. MAURICE, avec trouble. MAURICE. Vous ici, Messieurs?.. Écoutez bruit dans la donc. ce cour. LE PRINCE, riant. LA PRINCESSE. J'ai vu la dame, je l'ai vue ! Un bruit de voiture ! MAURICE. MAURICE. C'est une plaisanterie, sans doute ! attendez quelqu'un ? Est-ce que vous LE PRINCE. - LA PRINCESSE. Non, parbleu!.. la robe blanche flottante. qui Eh ! non, vraiment. Mademoiselle Duclos qui, disparaissait. Voici donc la Saxe aux prises avec seule, peut venir ici, ne s'en aviserait pas, sa- la France. chant que nous devions nous y trouver. MAURICE. MAURICE, à la princesse, qui s'approche de la Qu'est-ce que cela signifie? croisée, à droite. L'ABBÉ. Voyez donc. par la fenêtre du jardin, vous qui Que nous sommes au fait, mon cher comte. connaissez cette maison. LE PRINCE, gaiement. LA PRINCESSE redescendant vivement. Et que cela ne se passera pas à huis clos, il 0 Ciel ! c'est mon mari ! nous faut de l'éclat et du scandale. (Frappantsur MAURICE. l'épaule de l'abbé.) Nous ne sommes pas des ab- Que dites-vous? bés pour rien. n'est-il pas vrai?

Maurice', la princesse. * La princesse, Maurice. MAURICE, au prince, avec impatience. LE PRINCE. Eh ! Monsieur, j'aurais cru , au contraire, que N'est-ce pas?.. Ah ! ah ! m'enlever la Duclos. c'était pour vous qu'il fallait éviter le bruit. Mais de mon consentement. un service d'ami !.. puisque vous le voulez, puisque vous savez tout. L'ABBÉ. LE PRINCE, riant. Et vous ne refuserez pas, en nouveaux alliés, Tout. et de plus nous avons les preuves. de vous donner la main. MAURICE, froidement et mettant son chapeau. MAURICE. Monsieur le prince, je suis à vos ordres..) Mon- Non, parbleu ! voici la mien ne. sieur l'abbé consentira, je l'espère ( le costume LE PRINCE, déclamant. n'y fait rien), à nous servir de témoin, et comme Soyons amis, Cinna, c'est moi qui t'en convie. il y a, je crois, un jardin , nous pouvons y des- L'ABBÉ, riant. cendre. Et si, pour ratifier le traité, il vous faut un no- LE PRINCE, riant. taire, je vais chercher celui de la Comédie-Fran- A cette heure ?.. çaise ! et d'autres témoins encore! (Il sort par le MAURICE. fond. Il est toujoursl'heure de battre. et se pourvu MAURICE *, étonné. que nous en finissions promptement. cela doit Que dit-il ? vous convenir. LE PRINCE, riant. L'ABBÉ *. qui a remonté le théâtre, redescend près Vous ne vous doutez pas de la brillante compa- de Maurice. gnie qui vous attend dans ma petite maison. ou Voilà où est votre erreur. Nous ne tenons pas à plutôt dans la vôtre. car, ce soir, vous êtes le en finir, au contraire, nous voulons que cela maître, le héros de la fête; à vous les honneurs ! dure : MAURICE, avec embarras. Amour fidèle, C'en est trop, prince ! Flamme éternelle! LE PRINCE. Comme dit l'air de Rameau ! Et par un héroïsme Sans compter une nouvelle surprise que nous qui surpasse toutes les magnanimités d'opéra, vous préparons, une jeune dame, charmante, qui M. le prince vous abandonne votre conquête ! désirerait ardemment vous connaître, et l'abbé, MAURICE. qui est maître des cérémonies, est allé lui donner Qu'est-ce à dire ? la main pour vous la présenter avant le souper ! L'ABBÉ. MAURICE, avec embarras. A la condition que le traité de paix sera signé C'est moi qui vous prierai de me conduire vers ici, à à l'éclat souper, des flambeaux! elle. (A part, regardant à droite.) Pourvu que LE PRINCE. d'ici là je puisse délivrer ma captive et la sous- Au bruit des verres et du Champagne. traire à tous les regards. (Il s'approche de la croi- MAURICE. sée à droite, qui est restée ouverte, et regarde Est-ce de moi, Messieurs, que l'on veut rire ? dans le jardin.) L'ABBÉ. Vous l'avez dit! LE PRINCE. SCÈNE IV. Mon seul but étant de à la Duclos. prouver L'ABBÉ, donnant la main à ADRIENNE et MAURICE. , en- La Duclos. trant par le fond; LE PRINCE, allant au-de- LE PRINCE, montrant la porte à droite. vant d'elle ; MAURICE, regardant par la croi- Que je ne tiens plus à ses charmes. sée, qui est au second plan à droite. L'ABBÉ. LE PRINCE, à Adrienne. Et que si la France et la Saxe se battaient pour Arrivez donc! M. le comte de Saxe est là qui elle. vous attend avec impatience. LE PRINCE. L'ABBÉ. Et pour sa vertu. Eh ! mais, ma toute belle, vous tremblez? L'ABBÉ. Ce serait là querelle d'Allemand que M. le ADRIENNE. une Cela est vrai. la présence d'un homme illustre prince pardonnerait jamais. Ah ! ah ! ah ! ne se m'émeut toujours malgré moi. LE PRINCE, riant aussi. LE PRINCE, s'approche de Maurice qui est toujours Ah ! ah ! ah ! c'est drôle, n'est-il pas vrai ?.. Et près du balcon et lui dit. loin de rire. comme nous. vous avez un air étonné. Mademoiselle Lecouvreur. à retourne vivement. MAURICE. MAURICE, ce nom se Oh ! ciel : Oui, d'abord. Mais, maintenant, cela paraît me levant les et regardant Maurice, effet si original. ADRIENNE, yeux en poussant un cri. * Le prince, l'abbé, Maurice. Ah! (Le prince a passé près de la fendtre à droite qui était ouverte et qu'il referme; l'abbé cape et l'épée, et peut-être n'a-t-il pas besoin de est remonté au fond à gauche, vers la table sur moi pour faire son chemin. laquelle il place son chapeau et ses gants. Les MAURICE. acteurs sont dans l'ordre suivant : l'abbé, Ah! quel qu'il soit, votre protection doit tou- Adrienne, Maurice, le prince.) jours lui porter bonheur! MAUBICE, à part. ADRIENNE. C'est elle! Je verrai alors. je prendrai des informations, ADRIENNE, le regardant. et s'il mérite réellement l'intérêt qu'on lui porte.. Le comte de Saxe. ce héros. ce n'est pas! LE PRINCE. possible. (Elle s'avance vers lui.) Vous aurez le temps de parler de lui à table. MAURICE, à voix basse et lui saisissant la main. nous vous mettrons à côté l'un de l'autre. (Re- Tais-toi? montant le théâtre et revenant se placer entre lai ADRIENNE, poussant un cri de joie et portant Adrienne et l'abbé*.) L'abbé, toi, le grand ordon- main à son cœur. nateur, veille au souper. C'est lui ! L'ABBÉ. LE PRINCE, qui a refermé la fenêtre et qui revient Les fruits et les bouquets, cela me regarde. (Il se placer entre eux. sort par la porte du fond à gauche.) Eh ! mais qu'avez-vous donc. LE PRINCE. ADRIENNE. Moi je me charge d'un soin plus important.je Une surprise. bien naturelle ., monsieur le crains que quelque fugitive ne veille nous échap- comte que je croyais n'avoir jamais rencontré per. avant le souper. m'était connu. mais beaucoup. (Le regardant ADRIENNE, gaiement. avec expression.) Beaucoup ! Ce n'est pas moi, je vous le jure! L'ABBÉ, gaiement. LE PRINCE, souriant. De vue!.. Pour plus de sécurité. je vais moi-mêmedon- ADRIENNE, vivement. ner la consigne, fermer toutes les portes et nul ne Non ! je lui avais même parlé ! sortira avant le jour ! (Il sort, comme l'abbé, par LE PRINCE. la porte du pan coupé à gauche.) Où donc? MAURICE, à part, regardant la porte à droite. MAURICE, vivement. 0 ciel! que devenir! Au bal de l'Opéra!.. LE PRINCE, riant. Un déguisement. SCENE V. ADRIENNE. Monsieur le Comte les aime, les déguisements! ADRIENNE, MAURICE. je ne le croyais pas ! ADRIENNE, les regardant sortir, puis portant la MAURICE. main à son front. J'avais peut-être des raisons!.. et si je vous en Ah! j'en doute encore!.. vous le comte de faisais juge, Mademoiselle. Saxe! Parlez?., parlez?.. que je sois bien sûre L'ABBÉ. que c'est lui qui m'aime et que pourtant c'est tou- Cela se trouve bien, Adrienne a aussi une de- jours toi ! mande à vous adresser. MAURICE. MAURICE. Mon Adrienne! A moi ! ADRIENNE, avec explosion. LE PRINCE. Maurice! mon héros, mon Dieu, vous que j'a- C'est là seulementce qui l'a décidée à venir avec vais deviné. nous! une pétition à vous présenter en faveur MAURICE, lui faisant signe de se taire. d'un petit lieutenant. Silence !.. (A part, regardant à droite.) Ah ! L'ABBÉ. quel dommage que l'autre soit là. (A demi-voix.) Dont elle veut faire un capitaine ! Ce mystère qui cachait notre bonheur est plus MAURICE, avec émotion. que jamais nécessaire. En vérité!.. vous, Mademoiselle, vous vou- ADRIENNE, vivement. liez. Ne craignez rien! mon amour est si grand, que ADRIENNE. l'orgueil lui-même n'y peut rien ajouter. Ne par- Oui. mais je n'ose plus. lait-on pas d'une entreprise nouvelle? de Mosco- MAURICE. vites que vous vouliez battre? d'un duché de Et pourquoi?.. Courlande que vous vouliez conquérir à vous tout ADRIENNE. Pauvre officier. je croyais qu'il n'avait que la * L'abbé, le prince, Adrienne, Maurice. seul? Bien, Maurice, bien ! je comprends qu'au mais c'est la consigne, une fois entré, on ne sort milieu des grands intérêts qui s'agitent, auprès plus. * des graves conseillers ou des vieux ministresqu'il MICHONNET. J'espérais cependant instant, et vous faut gagner, l'amour d'une pauvrefille comme pour un par moi puisse faire du votre protection. vous tort. L'ABBÉ. * vivement. MAURICE, Moi, je ne m'occupe que des bouquets pour les Non, non, jamais! dames. c'est M. le prince qui est gouverneur de ADRIENNE. la place, il fermé lui-même les de son a toutes portes Je me tairai, je me tairai. (Montrant cœur.) 1$citadelle. et il en garde les clés ! fierté; Je renfermerai là mon ivresse et ma je ne ! MICHONNET. me vanterai pas de votre amour et de votre gloire ; 3 C'est pour affaire urgente.pourmon répertoire. je ne vous admirerai que tout haut, comme tout j ADRIENNE. Pauvre homme il le monde ! ils célébreront vos exploits, mais vous ! ne rêve qu'à cela, même la nuit. me les raconterez, à moi ! ils diront vos titres, vos direz peines ! Ces MICHONNET. grandeurs, et vous me vos en- Une indispositionfait changer spectacle de font les haines ja- mon nemis que naître succès, ces demain, et je voudrais courir chez Mademoiselle héros, à louses qui s'attaquent aux comme nous Duclos avant qu'elle fût couchée. artistes, confierez tout; je ne autres vous me vous L'ABBÉ, arrangeant bouquets à gauche, près consolerai, je dirai : Courage, marchez ses vous au de la table. butqui vous attend! Donnez à la France une gloire Ah bah! qu'elle vous rendra! donnez-leur à tous vos ta- MICHONNET. lents et votre génie, je ne te demande, moi, que Lui demander si elle pourrait me jouer demain ton amour! Cléopâtre. MAURICE, la pressant contre son cœur. L'ABBÉ,- - de- même. 0 ma protectrice ! ô mon bon ange. (Regardant N'est-ce que cela ? autour de lui.) Défends-moi toujours! MAURICE, à part. 0 Ciel ! ADRIENNE. L'ABBÉ. Oui, toujours, et aujourd'hui même, désolée de Vous n'avez pas besoin de vous déranger, Made- ne pouvoir passer cette soirée avec vous , c'est moiselle Duclos soupe avec nous. encore à vous que je pensais.C'esten votre faveur MICHONNET. que je voulais solliciter ce comte de Saxe que l'on Vraiment! je reste, alors. disait si aimable. Oui, Monsieur, coquette L'ABBÉ. par C'est la reine de la soirée, demandez à M. le je venais ici le dessein de le charmer, amour, avec comte de Saxe? de le séduire. c'était là, c'est encore mon projet! MICHONNET, le regardant avec surprise et respect. réussirai-je ? y Il serait possible! quoi! c'est là M. le comte de MAURICE. Saxe. lui-même? Enchanteresse! comment résister! mais vous ce présentant Michonnet de Saxe, le connaître, ADRIENNE, au comte. comte que, sans vous vou- Monsieur Michonnet! régisseur-général liez séduire. notre meilleur ami. ADRIENNE, souriant. et mon C'est vrai ! Et même dans les plus grandspérils, MICHONNET, passant près de Maurice C'est Monsieur, si voyez, Monsieur, combien vous êtes heureux! je ne me trompe, que j'ai eu le plaisir de voir soir vous étiez le seul homme pour qui je vous aurais ce au foyer de la Comédie- trahi. Française. ( A Adrienne.) Je crois même. c'est singulier. qu'il te demandait. MAURICE. vivement. Et vous la seule que je ne trahirai jamais! ADRIENNE, Il ne s'agit pas de moi, mais de Cléopâtre et de ADRIENNE. Mademoiselle Duclos. J'y compte bien. Je crois à la foi des héros! MICHONNET. Silence, on vient. C'est vrai,et dès que vous m'assurez qu'elleest ici. L'ABBÉ, quittant la table à gauche et venant se SCENE VI. placer entre Adrienne et Michonnet, et tournant des rubans autour d'un bouquet **. L'ABBÉ, portant corbeille de fleurs et sortant une Nous sommes chez elle. dans sa petite maison, Michonnet la porte du coupé à avec par pan où elle avait, pour ce soir, donné rendez-vous à gauche, ADRIENNE, MAURICE. M. le comte. L'ABBÉ, tenant une corbeille de fleurs qu'il va placer sur la table à gauche et s'adressant à * L'abbé, à la table, au fond, Adrienne, Michon- Michonnet tout en faisant des bouquets. net, Maurice. J'en suis fâché pour vous,mon cher Michonnet, Adrienne, l'abbé, Micohnuet, Maurice. ADRIENNE. MICHONNET, à part, au fond du théâtre. Que dites-vous? Celui-ci. MAURICE, voulant le faire taire. L'ABBÉ, retournant à la table du fond, à gauche. Monsieur l'abbé! Ce dont vous pouvez vous assurer. L'ABBÉ, des bouquets. toujours arrangeant ADRIENNE. En tête à tête. Je le sais, et je commets là une Moi ! indiscrétion, car nous ne devions rien dire avant (L'abbé vient de se rasseoir devant la table du souper, mais ici, entre amis, je puis vous raconter fond, à gauche. Adrienne s'élance vers la porte à l'anecdote. droite; Maurice, qui s'est placé devant elle, la MAURICE. prend par la main et la ramène au bord du Et moi, je ne le souffrirai pas ! théâtre.) L'ABBÉ, terminant un bouquet. MAURICE. Un mot! Vous avez raison , M. le comte la sait mieux qui est reste à droite, près de la moi, c'est à lui de vous la dire. MICHONNET, que porte du cabinet. MAURICE, furieux. Monsieur! Je vais toujours m'assurer de mon répertoire. (Il entre doucementdans l'appartementàdroite L'ABBÉ. pendant que Maurice et Adrienneredescendent le Je la gâterais, tandis que le héros lui-même de théâtre.) l'aventure. (A Adrienne.) Oserai-jeoffrir ce bou- quet à Melpomène ? Ah ! mon Dieu ! queHe expres- sion dans ses traits! quelle expression tragique! SCENE VII. regardez donc vous-même , Monsieur le comte ! L'ABBÉ, près de la table, à ses bouquets; (L'abbé retourne vers la table du fond, à gauche '.) ADRIENNE, MAURICE, sur le devant du théâ- MICHONNET, avec effroi. tre et tournant le dos à l'abbé. Adrienne, qu'as-tu donc? MAURICE, rapidement et à voix basse. ADRIENNE, s'efforçant de sourire. Une intrigue politique que ni l'abbé ni le prince Moi? rien, vous le voyez. désolée d'avoir in- lui-même ne peuvent connaître m'a amené ici terrompu l'aventureque Monsieur le comte nous cette nuit. (Geste d'incrédulité d'Adrienne.) promettait. mon avenir en dépend ! MAURICE, passant près d'Adrienne". ADRIENNE, d'un air de mépris. Et qui ne mérite point votre attention, Made- Et Mademoiselle Duclos. moiselle, rien n'est plus faux. MAURICE, de même. L'ABBÉ, redescendant près d'Adrienne. Elle n'est pas ici!.. et ce n'est pas elle que Permettez. je ne dis pas que l'histoire soit j'aime. Je le jure sur l'honneur!., me crois-tu? neuve, mais elle est vraie. ADRIENNE lève les yeux, le regarde, et, après MAURICE. un instant, lui dit : Et moi je vous atteste. Oui! L'ABBÉ. MAURICE, lui serrant la main avec joie. Vous en êtes convenu tout à l'heure devant C'est bien. Il faut plus encore. il faut empê- moi. (Faisant un pas pour sortir.) et devant cher l'abbé d'entrer dans cette chambre ou d'en- M. le prince, qui va nous la redire. trevoir la personne qui s'y trouve, pendant que moi. (l'honneur et la loyauté me le comman- MAURICE. dent) nul s'en aperçoive, C'est inutile ! je vais tenter, sans que de étran- L'ABBÉ. protéger sa sortie, dussé-je gagner ou gler le concierge et faire sauter ses verroux ! C'est juste. ce pauvre prince, c'est assez d'une yeux ADRIENNE. fois. et si le témoignage de mes vous suf- Allez ! je veillerai. fit. MAURICE, avec transport. ADRIENNE. Merci, Adrienne !.. merci! (Il sort par le Vous avez vu ?.. fond.) L'ABBÉ, se rapprochantde la table à gauche. Au moment où nous entrions dans cet apparte- ment, Mademoiselle Duclos s'enfuir. dans celui- SCENE VIII. ci. (Montrant la porte à droite.) où elle est en- L'ABBÉ, toujours à table, à gauche; ADRIENNE, core. MICHONNET.seule sur le devant du théatre, à droite, puis * L'abbé, Adrienne, Michonnet, Maurice. ADRIENNE. L'abbé, Adrienne, Maurice, Michonnet, Sur l'honneur! a-t-il dit. sur l'honneur! Maurice ne pourrait pas manquer à un pareil ser- personne mystérieuse en baissant toujours la j'ai dû le croire!.. serait ment. sinon. ce ne voix « si vous me donnez les moyens de sortir plus lui. « à l'instant de cette maison sans être vue, vous MICHONNET, qui vient de sortir de la porte à « pouvez compter sur ma protection, et votre for- droite, s'avance la du pied il dit sur pointe ; « tune est faite. » Je lui ai répondu alors que je tout bas : n'étais pas ambitieux, et que si je pouvais seule- Adrienne. Adrienne. si tu savais quelle ment être nommé sociétaire. Moi, sociétaire ! aventure. L'ABBÉ ET ADRIENNE, avec impatience. ADRIENNE, avec distraction. Eh bien ? Qu'est-ce donc ? MICHONNET. MICHONNET, à voix basse. Eh bien ! me voilà!.. que faut-il faire ? Ce n'est pas la Duclos! L'ABBÉ, passant devant Michonnet et s'avançant ADRIENNE, à part, avec joie. vers la porte*. Il me l'avait dit ! Savoir d'abord quelle est cette dame. MICHONNET, à voix haute et riant. ADRIENNE, se plaçant devant la porte. Ce n'est pas la Duclos ! Monsieur l'abbé, y pensez-vous? L'ABBÉ, se levant de la table et s'avançantvive- L'ABBÉ. ment. Elle était ici avec le comte de Saxe, je vous Comment, ce n'est pas elle ? l'atteste. MICHONNET, allant au-devant de luit. ADRIENNE. Silence !.. c'est un secret. Raison de plus pour la respecter! une pareille L'ABBÉ. indiscrétion serait manquer à toutes les conve- Qu'importe !.. nous ne sommesque trois. et je nances. et vous, un homme du monde !.. un ne compte pas ! je suis muet. abbé !.. MICHONNET. L'ABBÉ. C'est ce que chacun dit toujours dans le co- C'est que vous ne savez pas. je ne peux pas mité, et cependant tout finit par se savoir. vous dire l'intérêt que j'ai à connaître cette per- L'ABBÉ, vivement. sonne. c'est pour moi d'une importance!.. Ce n'est pas la Duclos!.. et le comte de Saxe ADRIENNE, à part. qui nous a avoué lui-même que c'était elle. Qui Maurice disait vrai. est-ce donc, alors. qui donc?.. L'ABBÉ, à part. MICHONNET. La princesse compte sur moi, je le lui ai pro- Je n'en sais rien. mais ce n'est pas elle.. je mis, et à tout prix. (Il fait un pas vers la porte.) le jure. ADRIENNE. L'ABBÉ. Non, Monsieur l'abbé, vous n'entrerez pas. Vous l'avez vue? L'ABBÉ, d'un air suppliant. MICHONNET. Par hasard. et sans le vouloir. Du tout ! ADRIENNE. ADRIENNE, vivement. C'est bien ! Non, Monsieur l'abbé , j'en appellerai plutôt à MICHONNET. Monsieur le prince lui-même, au maître de la mai- Obscurité complète. comme si la rampe et le son, qui ne permettra pas que chez lui. lustre eussent été baissés; mais j'avais, en en- L'ABBÉ, vivement. trant, rencontré une manche et une robe de Vous avez raison !.. je vais tout dire au prince enchanté quel bonheur quel hasard femme, et persuadé, (A l'abbé.) puisque vous me qui sera ! ! l'aviez dit, que c'était la Duclos. j'ai abordé sur- pour lui ! la Duclos est innocente! complètement le-champ la question, et j'ai demandé, à tâtons, innocente. il ne s'y attendait pas. ni nous non si, pour aider le répertoire, elle consentait à jouer plus. (Il sort par le fond. Adriennel'accompagne demain Cléopâtre. La main queje tenais a tressailli, jusqu'à la porte et le suit encore des yeux pen- et une voix qui m'est inconnue s'est écrié avec dant que Michonnet, qui était resté à gauche, le théâtre la tête et fierté : « Pour qui me prenez-vous ? » Pour Ma- traverse en secouant va se demoiselle Duclos, ai-je répodu. A quoi on a ré- placer à droite.) pliqué à voix basse : « Je suis chez elle, il est vrai, des intérêts je puis dire. « pour que ne » SCÈNE IX. L'ABBÉ. Est-il possible ! ADRIENNE, MICHONNET. MICHONNET. ADRIENNE, redescendant le théâtre. « Mais, qui que vous soyez, » a continué la Il s'éloigne!

* L'abbé, Michonnet, Adrienne. * Michonnet, l'abbé, Adrienne. MICHONNET. jardin sans être vue!.. comment? je ne saurais Que veux-tu faire ? vous le dire, car je ne connais pas cette maison. ADRIENNE. LA PRINCESSE. Délivrer cette personne quelle qu'elle soit. et Rassurez-vous ! (Se dirigeant vers la gauche la sauver! pendant qu'Adrienne va écouter à la porte du MICHONNET. fond ; elle dit à part*.) Grâce à ce panneau se- Pour moi !.. cret. (Elle cherche dans la muraille le panneau ADRIENNE. qui s'ouvre sous sa main.) Le voici !.. (Revenant Non ! pour un autre. à qui je l'ai promis ! vers Adrienne qui dans ce moment redescend le MICHONNET. théâtre.) Mais vous à qui je dois un pareil ser- Encore lui!.. toujours lui ! pourquoi te mêler vice. qui êtes-vous? de pareilles affaires ? ADRIENNE. ADRIENNE. Qu'importe. partez. Je le veux ! LA PRINCESSE. MICHONNET. Je ne puis distinguervos traits. Une faut pas, nous autres comédiens, nous jouer ADRIENNE. aux grands seigneurs et aux grandes dames, ça Ni moi les vôtres. nous porte malheur. LA PRINCESSE. ADRIENNE. Mais cette voix ne m'est pas inconnue je l'ai Je le veux ! entendue plus d'une fois. oui, oui. pourquoi MIGHONNET, d'un air resigné. vous dérober à ma reconnaissance..duchesse de C'est différent. puis-je au moins t'aider, t'être Mirepoix. c'est vous? bon à quelque chose. ADRIENNE. ADRIENNE. Non !.. Mais hâtez-vous de fuir les dangers qui Non. il l'a dit : personne ne doit la voir. vous menacent. (Eteignant les deux bougies qui sont sur la table.) LA PRINCESSE. Vous les connaissez donc? pas même moi ! étonné. ADRIENNE. MICHONNET, Qu'importe, Eh bien. eh bien. commentveux-tu ainsi t'y vous dis-je ? croyez à ma discré- reconnaître. tion et ne craignez rien. 8 ADRIENNE. LA PRINCESSE. Mais dangers. qui les a Soyez tranquille! Voyez seulement au dehors ces ces secrets, vous confiés? si personne ne vient nous surprendre. colère. ADRIENNE. MICHONNET, avec Quelqu'un C'est absurde!.. (Se radoucissant.) J'y vais. qui me dit tout. j'y vais. (Il sort en fermant la porte du fond.) LA PRINCESSE, à part. 0 ciel ! (Haut à Adrienne.) Qui donc a donné à Maurice le droit de tout vous dire? lui prenant la main. SCENE X. ADRIENNE, Et qui vous a donné à vous-même le droit de ADRIENNE, puis LA PRINCESSE. l'appeller Maurice, le droit de m'interroger. de de ADRiHNNE, se dirigeant vers la porte à droite. trembler. frémir. car votre main tremble! Allons!.. (Elle frappe à la porte.) On ne me vous l'aimez ! répond pas. ouvrez. ouvrez, Madame. au nom LA PRINCESSE. de Maurice de Saxe. (La porte s'ouvre.) Je savais De toutes les forces de mon âme ! bien que rien ne résisterait à ce talisman. ADRIENNE. Et moi aussi ! LA PRINCESSE, ouvrant la porte. Que me veut-on? LA PRINCESSE. Ah! êtes celle je cherche ! ADRIENNE. vous que Vous sauver !.. vous donner les moyens de sor- ADRIENNE. tir d'ici. Qui êtes-vous donc? fierté. LA PRINCESSE. LA PRINCESSE, avec Plus Toutes les portes sont fermées. que vous, à coup sûr! ADRIENNE. ADRIENNE. Qui le prouvera? J'ai là une clé. celle du jardin sur la rue. me LA PRINCESSE. LA PRINCESSE,vivement. 0 bonheur !.. donnez? donnez ? Je vous perdrai ! ADRIENNE. Mais, par exemple. il faut descendre jusqu'au * La princesse, Adrienne. ADRIENNE, avec hauteur. SCÈNE XII. Et moi. je vous protège ! LA PRINCESSE. MICHONNET, ADRIENNE. Ah ! c'en est trop!.. je saurai quels sont vos traits. MICHONNET, entrant sur la pointe du pied par la porte du pan coupé à gauche. ADRIENNE. Hé bien ! cette dame, tu l'as donc sauvée. Je demasquerai les vôtres. ADRIENNE. PRINCE, en dehors. LE Eh ! oui. Palsembleu! nous connaîtrons la vérité!.. MICHONNET. LA PRINCESSE, à part. Alors c'est elle qui à l'heure traversait le 0 ciel !.. la voix de mon mari. et partir quand tout jardin le comte de Saxe. ma rivale est en mon pouvoir, quand je vais la avec connaître. ADRIENNE. Vous êtes sûr? ADRIENNE. en Restez.restez. donc!.. voici des flambeaux ! MICHONNET. Comment?.. En passant devant le massif où LA PRINCESSE. Eh bien ! oui. je resterai. je j'étais, elle a même laissé tomber un bracelet que non, non. ne voici. le puis ! (Elle s'élance par le panneau à gauche quelle referme et disparaît pendant 'qu'Adrienne ADRIENNE, le prenant. Donnez ?.. Et le de Saxe. a remonté le théâtre et ouvre la porte du fond. comte Le prince et l'abbé entrent avec des flambeaux, MICHONNET. Il est parti elle ! tandis que deux valets restent au fond en dehors avec également avec des flambeaux.) ADRIENNE. Avec elle ! ADRIENNE, au prince. Venez!.. venez!.. (Reyardant autour d'elle et MICHONNET. Ainsi, rassure-toi?..que t'inquiète ne voyant plus personne.) Grand Dieu ! ça ne plus. il veille sur elle ! ADRIENNE, tombant sur le fauteuil qui est près de SCENE XI. la table à gauche. Ah ADRIENNE, LE PRINCE, L'ABBÉ. ! tout est fini! LE PRINCE. Tu es donc sûr, l'abbé, que ce n'est pas la Du- clos?.. SCENE XIII. L'ABBÉ. MIcllONNET, Je l'atteste. ADRIENNE, LE PRINCE, L'ABBÉ LE PRINCE. ET LES DEUX DAMES sortent de l'appartement Quel bonheur! à droite. L'ABBÉ, montrant la porte à droite. LE PRINCE, Entrons de ce côté, et pendant que ces dames Personne ! en bas ne se doutent de rien. (Ils entrent dans LES DEUX DAMES ET L'ABBÉ. l'appartementà droite au moment ou l'on voit à Personne! la porte du fond paraître les têtes de mesdemoi- LE PRINCE, s'avançant. selles Dangevilleet Jouvenot.) C'est égal. ce n'était pas la Duclos et je TOUTES DEUX, s'avançantsur la pointe du pied. triomphe !.. (Se retournant.) La main aux dames Suivons-les ! et à souper ! (Il offre une main à mademoiselle ADRIENNE, à part, avec douleur. Jouvenot, l'autre à mademoiselle Dangeville, Sur l'honneur, avait-il dit, sur l'honneur! Non, tandis que l'abbé présente la sienne à Adrienne je ne puis me persuader encore qu'il m'ait trom- qui toujours assise et absorbée dans sa douleur, pée. le ne voit, ni ne l'écoute. — La toile tombe.)

FIN DU TROISIÈME ACTE, ACTE QUATRIÈME.

Un salon de réception très élégant chez la princesse de Bouillon, porte au fond, deux portes latérales.

SCENE PREMIERE. idée?. dans quel but?. Question à laquelle il m'a été impossible de répondre, attendu que tu MICHONNET, s'inclinant vers la porte à gauche, ne m'as pas fait part de tes intentions. Il s'est dont il sort. mis alors à écrire un bon sur la caisse des fer- Merci, mon prince, Merci! Rentrez donc, je miers-généraux. en prononçant cette phrase , vous prie! c'est trop d'honneur ! (Redescendantle qui était convenable : Dites à mademoiselle Le- théâtre.) Un prince de Bouillon! un descendant couvreur que je ne regarde cet écrin que comme de Godefroy de Bouillon, me reconduire jusqu'à un dépôt. Puis il a ajouté, avec un sourire qui la porte de son cabinet. moi, régisseur ! Que se- m'a paru moins bien : Dépôt qu'elle pourra rait-ce donc si j'étais. Ah ça! voici ma commis- quand elle le voudra, venir me redemander elle- sion faite, et avec quelque succès, j'ose le dire!.. même !.. Je puis m'en aller. (Regardant la pendule du ADRIENNE, avec impatience. salon.) Trois heures!. la répétition sera finie, et Enfin, ces soixante mille livres. sans moi ! C'est la première fois que j'y aurai MICHONNET. manqué. Je me dérange!.. C'est du désordre ! Je les ai là. mais Adrienne me l'avait demandé comme un ADRIENNE. service! Elle tenait tant ! elle était d'une telle y Ah! je respire. Mais si vous saviez tout. ce impatience, qu'avant que je fusse parti elle aurait que ces deux heures d'attente m'ont fait souffrir ! voulu que déjà je fusse de retour. Vous n'auriez pas été aussi longtemps. car la UN entrant la porte du fond, VALET, par avec journée avance, et il me reste encore d'autres Adrienne, et lui montrant Michonnet. démarches à Oui, Mademoiselle, il est ici. faire. encore MICHONNET. MICHONNET. Oui, dix mille livres de plus, qu'il te faut. Tu Que disais-je ? c'est elle ! me l'avais dit, et les voici! ADRIENNE. 0 Ciel ! SCENE II. MICHONNET. MICHONNET,ADRIENNE. J'ai commencé par aller te les chercher. Voilà ADRIENNE. ce qui m'a retenu.. Je t'en demande pardon. Que devenez-vousdonc ?.. Qui peut vous rete- ADRIENNE. nir. Depuis plus de deux heures je vous attends, Vous. me les chercher !.. et où donc? et je craignais qu'il ne fût survenu quelque acci- MICHONNET. dent, quelque obstacle. Chez le notaire de la succession de mon oncle, MICHONNET. l'épicier de la rue Férou. Aucun ! tout s'est passé comme tu le désirais. ADRIENNE. seul les A ton nom toutes portes se sont ouvertes ! Cet héritage! votre seul bien. tout ce que car il faut rendre justice à ces grands seigneurs, vous possédez !.. Je ne puis accepter un tel sa- ils aiment les artistes, ils nous aiment!. Mon crifice. prince, lui ai-je dit, vous avez souvent daigné ré- MICHONNET. péter à mademoiselleLecouvreur, que vous lui Et pourquoi donc ? donneriez, quand elle le voudrait, soixante mille ADRIENNE. livres, des diamants qu'elle tient de la libéralité Je puis exposer ma fortune, mais non celle de la reine. — C'est vrai, je ne m'en dédis pas. d'un ami ! elle m'envoie - Eh bien ! vers vous, en secret, MICHONNET. comptantsur votre bienveillance, pour lui rendre L'exposer P. en quoi?. Explique-moi d'a- ce service, et sur votre discrétion pour n'en par- bord. ler à personne. Tu vois. c'était assez bien ADRIENNE. tourné. Je ne le puis!.!e ne puis vous rien dire! impatience. ADRIENNE, avec MICHONNET. Très bien. et après! Rien ?. Je ne t'en demande davantage past'appartient !!. MICHONNET. Prends. je le veux. Tout cela Il Après?. a paru étonné. et m'a demandé ADRIENNE. pourquoi se défaire de ces diamants. dans quelle Nous discuterons cela plus tard, gardez-les.. Il faudrait, à l'instant même, porter cette somme L'ABBÉ. rue Saint-Honoré , à l'hôtel de l'ambassadeur. Que l'ambassadeur de Russie a rachetée par- MICHONNET. dessous main , afin de vaincre par huissier et de L'ambassadeur moscovite ? faire prisonnier, sans combats, le général qu'il ADRIENNE. redoutait. Oui! à lui-même!.. La lui remettre en paie- MICHONNET, étonné. ment d'une lettre de change de soixante-dix mille Ce n'est pas possible ! livres, souscriteà M. le comte de Kalkreutz. L'ABBÉ, riant toujours. MICHONNET, étonné. Je vous l'atteste ! et le plus curieux. c'est que Comment? cette lettre de change était d'abord entre les ADRIENNE. avec impatience. mains d'un comte de Kalkreutz. Le comte de Kalkreutz. un Suédois. MICHONNET, vivement. MICHONNET, avec douceur. Un Suédois ! Je ne comprends pas. L'ABBÉ. ADRIENNE. Vous le connaissez ? Vous n'avez pas besoin de comprendre. Si- MICHONNET, avec colère ét regardant Adrienne. lence ! c'est l'abbé ! Oui. certes. L'ABBÉ. Et il paraît que c'est une maîtresse du comte de Saxe, grande dame!.. SCENE III. une ADRIENNE, vivement. MICHONNET, L'ABBÉ , ADRIENNE. Une grande dame !.. L'ABBÉ. L'ABBÉ, le fond. entrant par Que par malheur je ne connais pas encore, Que vois-je? mademoiselle chez Lecouvreur mais que j'espère bien découvrir. qui, dans un M. le prince de Bouillon cela !.. Est-ce que nous transport de jalousie, a dénoncéce fait à l'ambas- annoncerait un contre-ordre?.. Est-ce qu'on ne sadeur tartare ; de sorte qu'en ce moment le héros soir?.. vous verrait pas ce saxon, sans sceptre et sans armée, gémit sous les ADRIENNE. verroux, attendant que la politique ou l'amour Si, vraiment ! plus que jamais je dois tenir ma vienne le délivrer. Voilà l'aventure primitive, je parole M. le à prince, et je viendrai. vous la donne. je vous la livre. permis à vous L'ABBÉ. de l'embellir et de l'orner. Je vais la confier Je respire! car je connais des dames qui se font aux méditations de M. de Bouillon. un savant grande une fête de vous voir et de vous enten- qui aime à traiter ces sujets-là. (Il sort par la porte dre ; par malheur il pourra bien vous manquer à gauche; Michonnet remonte après lui le théâtre, de enthousiastes, un vos de vos fanatiques. le suit des yeux quelques instants, puis redescend MICHONNET. à droite.) Qui donc? L'ABBÉ. Ce pauvre comte de Saxe ! SCÈNE IV. ADRIENNE, à part. Qu'entends-je ? ADRIENNE, MICHONNET. L'ABBÉ. MICHONNET, à Adriennequi, silencieuse, baisse Il lui arrive l'aventure la plus piquante e t la les yeux. plus originale. Mon état est d'apprendre les Ce que je viens d'entendreest donc vrai. le nouvelles et de les répandre, et je tiens celle-ci comte de Saxe est celui que tu aimes? de bonne source. Imaginez-vous qu'il ne s'agis- ADRIENNE, à voix basse. sait de rien moins, pour lui, que de partir cette Oui. semaine pour conquérir la Courlande , et de là, MICHONNET. devenir grand duc. roi, que sais-je ? (Riant.) Et Et que tu veux délivrer? devineriez vous ne jamais qui lui enlève sa cou- ADRIENNE, de même. ronne? qui l'arrête au milieu de sa conquête ? Oui. MICHONNET. MICHONNET. Non! Au prix de ta fortune? L'ABBÉ, riant toujours. ADRIENNE, avec passion. lettre Une de change de soixante-dix mille Au prix de tout mon sang ! livres. MICHONNET. MICHONNET, étonné. Mais tu n'as donc pas entendu qu'il ne t'aimait Comment ? dites-vous pas, qu'il en aimait une autre ? ADRIENNE. 0 mon vieux Corneille! viens a mon aide ! Je le sais! viens soutenir mon courage, viens remplir mon MICHONNET. cœur de ces élans généreux, de ces sublimes sen- Et tu oses me l'avouer. et tu n'en rougis pas. timents que tu as tant de fois placés dans ma ADRIENNE. bouche. Prouve-leur à tous, que nous, les inter- comprendre, Ah ! vous ne pouvez pas vous ; prètes de ton génie, nous pouvons gagner au qu'on aime sans le vouloir et malgré soi. contact de tes nobles pensées. autre chose que ! MICHONNET,vivement. de les bien traduire ! Ce que tu as dit, je le ferai Si! (A Michonnet.) Allez! Courez le délivrer ! Jevous ADRIENNE. attendrai chez moi. (Elle sort par le fond.) Cherchant à le cacher à tous et à soi-même. en rougissant de honte, de cette honte qui est encore de l'amour ! SCENE V. MICHONNET, avec passion. MICHONNET, seul, allant reprendre son chapeau Si ! si ! je le comprends pardon, Adrienne, !.. qu'il avait posé dans la premièrescène l'un insenséde t'avoir parlé ainsi. sur c'est moi qui suis un des fauteuils à gauche. Mais qu'espères-tu ? Ah ! elle n'a que trop raison de compter sur ADRIENNE. moi, qui suis plus insensé qu'elle. Car Rien !.. (Avec amour.) Que de le sauver!.. Et encore après tout, elle donne sa fortune pour amant, puis, nous a-t-on pas parlé tout-à-l'heure d'une un ne c'est tout simple!.. Mais moi, la mienne rivale, d'une grande dame ? pour un rival!.. (Soupirant.) Enfin, elle le veut, cela lui MICHONNET. fait plaisir. alors à moi aussi. Mais, ce qu'elle Celle au bracelet sans doute, celle qu'il te pré- ne trouverait pas dans le grand Corneille lui-mê- fère et pour laquelle il t'a trahie. me, ce qui est le sublime de l'absurde, c'est que ADRIENNE, portant la main à son cœur. je souffre de sa peine. à elle! c'est je suis C'est vrai! mais ne me le dites pas, c'est com- que tenté de lui en vouloir. à lui. de ce qu'il me si vous me frappiez là d'un fer froid et aigu, et ne l'aime pas, et je serais furieux s'il l'aimait ! (Aper- ce n'est pas votre intention. cevant la princesse qui de l'appartement à vivement et avec bonté. sort MICHONNET, droite.) Dieu ! belle dame!.. la maîtresse de Oh! non, non! tu ne peux le croire. une la maison, saus doute. (La saluant la ADRIENNE. sans que princesse le voie.) Elle ne me voit pas, et je puis Cette rivale, je veux la connaître. (Avec éner- sortir, je crois, sans que cela la dérange. Al- gie.) Je la connaîtrai ! pour lui dire : C'est par lons remplir mon message, et porter notre argent qu'il fut prisonnier, c'est par moi qu'il a re- vous à la Russie. (II sort le fond.) couvré la liberté, même celle de vous voir, de vous par aimer, de me trahir encore. Jugez vous-même, Madame, qui de nous aimait le mieux. MICHONNET. SCENE VI. Et lui? LA PRINCESSE, L'ABBÉ, ADRIENNE, avec mépris. seule et rêvant, puis Lui!.. il m'a trompée, j'y renonce à jamais ! sortant de la porte à gauche. avec MICHONNET, joie. LA PRINCESSE, à part et réoant. Bien cela!.. Mais alors, réponds-moi, pourquoi Que Maurice coure la rejoindre, je l'en défie, et tout sacrifier à un ingrat? quant à briser mes chaînes, il doit voir à présent ADRIENNE. que cela n'est pas si facile.. La seule chose qui m'in- Pourquoi ? vous me le demandez ! La vengeance quiète, c'est ce bracelet,donné hier par mon mari interdite m'est-il de m'est-elle donc et ne pas permis et perdu dans ma fuite. à quel moment?.. sans la choisir? N'avez-vouspas entendu tout-à-l'heure doute en montant dans ce carrosse de louage qu'il s'agissait pour lui en ce moment de combat- qu n qu'il m'a fallu prendre ! Après tout! personne ne tre, de vaincre, de gagner un duché. peut-être sait que ce bracelet m'appartient. quelques dia- une couronne. Et songez donc, ami, songez s'il mants de moins, cela regarde M. deBouiUon. me la devait!.. s'il la tenait de ma main ! Roi, par L'essentiel, l'important pour moi, c'est de con- qu'il la tendresse de celle a abandonnée et tra- naître cette femme qui exerce sur lui un tel em- hie !.. Roi, par le dévouement de la pauvre comé- pire. Celle à qui il confie tout. Et quand je Ah faire, il dienne!.. ! il aura beau ne pourra pense quej'ai tenu ce secret, mieux encore ! celte m'oublier ! A défaut de son amour, sa gloire même rivale entre mes mains. et que tout m'est échap- et sa puissance lui parleront de moi ! comprenez- pé, grâce à mon mari, dont le flambeau est venu vous à présent ma vengeance? tout embrouiller. La science n'en fait jamais Comblé de mes bienfaits, je veux l'en aconhler ! d'autres. avec ses lumières.., Aussi je lui en veux, et vienne l'occasion, (Apercevant l'abbé et à la duchesse de Mirepoix ; j'ai couru ce matin lui d'un air gracieux.)Eh! c'est vous, l'abbé. faire une visite d'amitié ! une voix aigre et poin- L'ABBÉ, sortant de la porte à gauche.. tue qui fait mal aux nerfs ! Je suis passée chez Vous, Madame! déjà superbe, éblouissante. madame de Sancerre, madame de Beauveau, ma- LA PRINCESSE. dame de Vaudemont, pour m'informer de leurs J'ai voulu de bonne heure me tenir prête à re- nouvelles, empressementdont elles ont été vive- rê- cevoir tout mon monde. et en attendant, je ment touchées, sans compter que jamais je ne les vais. avais écoutées avec autant d'attention! Quelles L'ABBÉ. futilités! quel bavardage ! quel ennui !.. j'ai tout Non pas à moi. j'en suis sûr. subi! courage héroïque dépensé en pure perte! LA PRINCESSE. ce n'était pas cela! et pourtant c'est la voix de Peut-être!., à des projets de vengeance. pro- quelqu'un que je rencontre souvent. habituel- de jets dans lesquels je ne vous ai pas défendu lement. dans ma société intime! m'aider. au contraire ! L'ABBÉ, vivement. L'ABBÉ, vivement. Attendez! avez-vous vu la duchesse d'Au- Eh bien! Madame!.. vous me voyez furieux, mont ? je ne sais rien encore ! LA PRINCESSE, vivement. LA PRINCESSE, souriant. Non, vraiment ! et pourquoi ? En vérité!.. vous me rassuréz!.. je comptais si L'ABBÉ. bien sur vos talents et votre habileté. que je Une inspiration?.. une idée ! commençaisà m'effrayerde la récompense pro- LA PRINCESSE,vivement. mise.., mais, grâce au ciel !.. et à vous. En effet !.. l'intérêt que, malgré elle, elle pa- L'ABBÉ, vivement. raissait prendre hier au comte de Saxe ! tous ces Ah! ne me parlez pas ainsi. car vous me dés- détails intimes qu'elle savait sur son compte. espérez! un instantj'ai cru connaître la personne, et qu'elle était censée tenir de Florestan de Belle- tout me prouvait que c'était la Duclos. Isle. LA PRINCESSE. L'ABBÉ, riant. La Duclos ! Son cousin. LA PRINCESSE. L'ABBÉ. Est-ce Votre mari lui-même paraissait convaincu. il que vous croyez aux cousins? L'ABBÉ. me l'avait dit et démontré. Du tout. on ne les prend généralement que LA PRINCESSE. comme un manteau, contre l'orage. Raison de plus pour ne pas le croire !.. Eh bien! moi, je suis plus heureuse ou plus habile j'ai beauté que vous, vu cette mystérieuse!.. par SCÈNE VII. un hasard singulier, je me suis trouvée, il y a quelques jours. la semaine dernière, avec elle. LES PRÉCÉDENTS, UN DOMESTIQUE. à la dans allée campagne. une sombre. très LE DOMESTIQUE,annonçant. sombre. Madame la duchesse d'Aumont! L'ABBÉ. bas à l'abbé. En vérité 1 LA PRINCESSE, C'est le destin qui l'envoie * ! (Allant LA PRINCESSE. nous au devant d'elle.) C'est toute belle !.. Et sans pouvoir distinguer ses traits. je lui ai vous , ma comme vous êtes aimable de nous venir de si entendu prononcer quelques mots. une phrase bonne heure. l'abbé et moi parlions de que j'ai retenue. celle-ci : Ne craignez rien. nous « vous !.. nous allions peut-être en dire du mal!.. « Votre secret m'a été confié par quelqu'un qui fort ATHÉNAÏS, souriant. « me dit tout. » C'est à coup sûr insigni- Vrai! fiant; mais le singulier, le voici : c'est que l'ac- L'ABBÉ, bas à la princesse. cent, le son de la voix, me sont parfaitement Est-ce la même voix ? connus plus il ! je me le rappelle et plus me LA PRINCESSE, bas. semble mainte fois que je l'ai entendue retentir à On ne peut pas juger sur un mot. faites-la mon oreille 1 parler. j'étudierai. L'ABBÉ. L'ABBÉ, quittant la princesse et passant de,l'autre Vous croyez ? côté à droite près d'Athénaïs '*. LA PRINCESSE. Madame la duchesse tenait tant à entendre A n'en pouvoir douter!.. en quels lieux?., mademoiselle Lecouvreur. c'est ce que je ne puis dire ! J'avais dabord pensé - L'abbé, la princesse, Athénaïs. L'abbé, la princesse. , , La princesse, Athénaïs, l'abbé. bas ATHÉNAÏS. LA PRINCESSE, à l'abbé. Oh! oui. Elle élude la question. L'ABBÉ, de L'ABBÉ. même. C'est elle ! C'est un talent. un talent. ATHÉNAÏS. LA PRINCESSE, allant au devant de la marquise, Fort ! de la baronne et des dames qui entrent par la L'ABBÉ. porte du fond. Bonjour, mes très chères ! Tandis que celui de la Duclos. ATHÉNAÏS. Nul. SCÈNE LA PRINCESSE, à part. VIII. Il parait que nous n'en obtiendrons pas une Pendant que les dames entrent par le fond, plu- phrase entière. (Haut.) Je commence à être de sieurs seigneurs sortent de l'appartement à votre avis, duchesse. Pour bien apprécier le droite, avec LE PRINCE , LA MARQUISE, LA charme de mademoiselleLecouvreur et le naturel PRINCESSE, LA BARONNE, L'ABBÉ, ATHÉ- de sa diction, il faut avoir essayé soi-même quel- NAÏS. Les autres dames qui sont entrées par la que lignes en scène. tenez, nous devons la se- porte du fond vont s'asseoir sur des fauteuils maine prochaine dire des proverbes chez M. le placés à gauche, les seigneurs qui sont entrés duc de Noailles. je joue un rôle. avec le prince se tiennent debout devant elles. ATHÉNAÏS. LE PRINCE, à droite. Vous devez bien jouer la comédie, princesse? Oui, Messieurs, la nouvelle est authentique. (Saluant LA PRINCESSE. les dames.) et je puis vous attester qu'à Moi! non. tout m'embarrasse. Je répétais là l'heure où je vous parle il est libre, complètement tout à l'heureavec l'abbé, quand vous êtes venue. libre. ATHÉNAÏS. ATHÉNAÏS, placée à l'extrême droite. Vous déranger? Et qui donc ? L'ABBÉ, vivement. LE PRINCE. Pas le moins du monde. Le comte de Saxe ! ATHÉNAÏS. LA PRINCESSE, à part. Continuez. je ne dis plus un mot ! Maurice ! ô ciel ! L'ABBÉ, à part. LA MARQUISE. A merveille ! Ah ! vous savez aussi la nouvelle! c'est très désagréable. je LA PRINCESSE croyais être seule ! Gardez-vous-en bien ! Je suis sûre , au con- LA BARONNE. En effet, le bruit courait matin le futur traire, de gagner à entendre, toute belle, ce que vous ma souverain de Courlande était retenu prisonnier le difficile , c'est le naturel, c'est de parler car pour une somme très considérable. n'est donc simplement, parle. J'ai, dans ma ce comme on pre- pas vrai ? mière scène , par exemple, une phrase, la plus simple qu'on puisse réciter, je n'en puis venir à LA MARQUISE. et Eh! Dieu ! si. bout. mon ATHÉNAÏS. ATHÉNAÏS. Alors est-il libre ? Vous? comment LA BARONNE, gaiement. LA PRINCESSE. Un roman. un enlèvement, et comme il lui Ne craignez rien. Votre m'a été confié en « secret arrive toujours, aventure. qui dit une » par quelqu'un me tout LA MARQUISE. ATHÉNAÏS. La plus simple du monde. et la plus bour- C'est bien facile. geoise. on a payé ses dettes ! LA PRINCESSE. Oui-dà! eh bien! je voudrais l'entendre LA BARONNE. vous Oui-dà, marquise! et trouvez cela à vous-même ! vous ne pas prononcer une aventure extraordinaire? ATHÉNAÏS. LA PRINCESSE. A moi ! Si, vraiment, mais ces dettes, qui les a payées? PRINCESSE. LA LA MARQUISE. Comment la diriez-vous ? Demandez à Monsieur le prince, car pour moi, ATHÉNAïs, riant. l'histoire s'arrête là. on ne m'a rien dit de plus. Je ne la dirais pas. (Elle les quille et passe à la LE TRINCE, gravement. gauche du théâtre.) Et noi, Mesdames. TOUT LE MONDE. LE PRINCE , redescendant en donnant la main à Eli bien? Adrienne *. de même. LE PRINCE, Combien je vous remercie , Mademoiselle de Je n'ai savoir davantage. qui prouve pu en ce l'honneur que vous voulez bien nous faire, à bien. Madame de Bouillon et à moi ! L'ABBÉ. ATHÉNAÏS, à la princesse. Que cela n'est pas ! je le saurais. Or, je ne le Daignez, princesse, me nommer à Mademoi- sais donc cela n'est pas! pas, selle. Il y a si longtemps que je l'admire de loin, LA MARQUISE. que je suis bien aise de le lui dire de près ! Cela est, je le tiens d'une amie intime du comte LA PRINCESSE,présentant la duchesse. de Saxe. Madame la duchesse d'Aumont, Mademoiselle. LE PRINCE. (La princesse fait Adrienne près d*Athé- qui passer Moi, je le tiens de Florestan lui-même, a vu naïs, de la marquise et de la baronne, qui l'en- Maurice, à telles enseignes qu'il été de part a sa tourent; le prince et l'abbé se rapprochent d'elles. défier le de Kalkreutz. comte Michonnet est toujours presque seul à l'extrême (Au nom de Florestan, Athénaïs fait un mouve- droite, pendant la princessedescend à gauche remarque.) que ment que la princesse au bord de la scène et devant les dames qui sont L'ABBÉ. assises.) Celui qui livré créance à l'ambassadeur a sa ADRIENNE. moscovite ? En vérité, Mesdames, je suis confuse de LE PRINCE. tant Précisément. d'honneur! ATHÉNAÏS. MICHONNET, à part. Action déloyale, indigne d'un gentilhomme! Ce n'est que justice ! je vous demandesi elle ne LE PRINCE. figure pas aussi bien qu'elles toutesdans un salon ! le de Saxe lui demandéraison. Et dont comte a ADRIENNE. ils ont dû se battre. Vous avez voulu, vous et les nobles dames qui LA PRINCESSE. daignent m'accueillir. Et sait-on l'issue du combat ? LA PRINCESSE,frappée du son de voix et écoutant. LE PRINCE. 0 ciel ! Pas encore ! mais ce pauvre Maurice qui devait ADRIENNE. nous venir ce soir. ATnÉNAÏS. Donner à l'humble artiste l'occasion d'étudier Ne craignez rien.. il viendra! ce ton exquis, ces manières élégantes que vous seules LA PRINCESSE, l'observant avec jalousie. possédez. Vous croyez, Madame ? LA PRINCESSE,de même. Qu'entends-je?. cette voix. ADRIENNE. Aussi je vais bien regarder. pour tâcher de SCENE IX. copier fidèlement. certaine de réussir, pour peu que je sois ressemblante. LES PRÉCÉDENTS, UN DOMESTIQUE. LA PRINCESSE. Plus je l'entends, plus il semble. Non, annonçant. me LE DOMETIQUE, non, ce n'est pas possible, c'est un rêve!.. Mademoiselle Lecouvreur et monsieur Michon- ce n'est pas à mon oreille, c'est dans mon imagina- net, de la Comédie-Française! tion seule que retentit et vibre de L'ABBÉ. encore ce son voix qui me poursuit toujours. (Athénaïs et les Ah ! le monde devant d'A- ! enfin (Tout va au autres dames sont emparées d'Adrienne, la drienne.) se font asseoir auprès d'elles et causent avec elle à qui est restée la baronne LA MARQUISE, avec sur voix basse pendant que le prince et les autres le devant du théâtre, à droite. seigneurs entourent son fauteuil. Souriant avec Il paraît que nous aurons ce soir la tragédie. LA BARONNE. Et la comédie. * Les acteurs sont dans l'ordre suivant : les sei- gneurs au fond du théâtre, les dames placées à LA MARQUISE, gauche, qui s'étaient levées à l'entréed'Adrienne, Le prince l'aime beaucoup. se rasseyent ; devant elles, l'ahbé, puis le prince, LA BARONNE. Adrienne, la princesse, Athénaïs, la marquise, la Et la princesse, donc ! baronne, Michonnet. derrière le ironie *.) Quelle idée. en effet que cette rivale LA BARONNE ET LA MARQUISE, passant qu'il me préfère soit une femme de théâtre. une fauteuil d'Adrienne. comédienne. et pourquoi non?.. N'ont-elles Ah! mon Dieu*! point un charme, un prestige qui n'appartient ADRIENNE, revenant à elle. qu'à elles, le talent et la gloire qui enivrent et Ce n'est rien. l'éclat des lumières. la cha- ajoutent à la beauté. (Regardant Adrienne que leur du salon. (A la princesse qui lui fait respi- i tous les seigneurs entourent.) Dans ce moment rer le flacon.) Merci, Madame, que de bontés, encore ne sont-ils pas là tous à l'admirer, à l'a- (Rencontrant ses yeux.) Quel regard ! dorer!.. Pourquoi n'aurait-il pas fait comme eux ? UN DOMESTIQUE, annonçant. Ah! ce doute est insupportable. et je veux à M. le comte de Saxe. (Tout le monde pousse un tout prix confirmer ou détruire mes soupçons. cri de surprise ; les dames quittent le fauteuil (Se retournant vers le prince qui vient de quit- d'Adrienne et vont au devant du comte.) ter le fauteuil d'Adrienne et qui s'approche ADRIENNE, faisant un geste de joie. d'elle.) Eh bien ! ne commençons-nouspas **. Ah ! (Elle veut s'élancer vers lui, Michonnetla LE PRINCE. retient par la main; la princesse et Advienne res- les fixés l'une l'autre.) Il nous faut attendre le comte de Saxe, puis- tent un moment yeux sur à voix basse. qu'on assure qu'il viendra. MICHONNET, Prends garde!.. la joie trahit encore plus que LA PRINCESSE, regardant du côté d'Adrienne. la douleur. (Les seigneurs et les dames qui étaient Je crois que vous nous flattez d'un vain es- allés au devant de Maurice redescendent avec poir, il ne viendra pas. (A part.) Elle a tressailli. lui **.) elle écoute. LE PRINCE, à Maurice. LE PRINCE. Que nous disait donc l'abbé, que vous étiez blessé? Qui vous le fait croire ?.. qui vous l'a dit, puis- L'ABBÉ. qu'il est libre. libre les mains de l'amour. par Permettez, je réclame. LA PRINCESSE,à part, observant Adrienne. MAURICE. Elle tressaille encore ! serait-ce elle qui l'au- Bah ! depuis Charles XII, la Suède ne sait plus rait délivré ? (Haut.) Je n'ai pas voulu tout-à- se battre. l'heure troubler vos espérances, ni attrister ces LE PRINCE, riant. dames, mais vous savez qu'il s'est battu. Ainsi, ce comte de Kalkreutz. ADRIENNE, à part. MAURICE. Battu! Désarmé à la seconde passe. (Le prince, l'abbé Athénais le théâtre LA PRINCESSE, à part. et remontent et vont causer avec les autres dames et seigneurs. Maurice Elle rapproche. (Haut.) Et l'abbé, qui sait se se trouve sur le devant de la scène près de la prin- tout, m'a dit. que le comle était blessé dangereu- cesse, et lui dit à demi-voix sans la regarder.) sement. Vous disiez vrai, princesse, disant L'ABBÉ, étonné. en que vous me ramèneriez. Moi ! LA PRINCESSE, avec joie. LA PRINCESSE, bas à l'abbé. 0 ciel ! de Taisez-vous ! (Poussant un cri et courant près MAURICE, même. d'Adrienne qui vient de tomber évanouie dans Je voulais partir sans vous voir, mais après le un service fauteuil.) Mademoiselle Lecouvreursetrouve mal! que vous venez de me rendre, service que, du reste, je n'accepte pas. je. MICHONNET, se précipitantvers elle. ADRIENNE, à droite et à quelques pas d'eux, les Adrienne ! suivant des yeux. Il lui parle bas!.. si c'étaitcette grande dame. si c'était elle !.. Les dames, assises à gauche, la princesse, sur le devant du théâtre, à gauche ; les seigneurs, au * Les acteurs sont dans l'ordre suivant : le prince, fond se rapprochent du canapé où viennent de Athénais, l'abbé, la princesse, près d'Adrienne et lui s'asseoir Athénais, Adrienne, la marquise, sur un faisant respirer un flacon que l'abbé vient de lui fauteuil, plus loin ; la baronne, Michonnet debout, donner. Adrienne est assise sur un fauteuil à l'ex- à gauche ; le prince , et l'abbé debout devant trême droite du théâtre; près d'elle, à si gauche, Adrienne avec qui ils causent. Michonnet. '* Adrienne se lève en signed'assentimentet passe * Les acteurs sont dans l'ordre suivant, en commen- gauche à près de Michonnet. Les acteurs sont placés çant par la gauche du spectateur: Un groupe de sei- dans l'ordre suivant : Athénais, le prince, l'abbé, la gneurs et: de dames, Athénais, l'abbé, le prince, la princesse, la marquise, la baronne, Adrienne, Mi- princesse, Maurice, la marquise, la baronne; an peu chonnet. plus lOin, Adrienne, Michonnct. LA PRINCESSE, continuantà causer avec Maurice. Mais, j'y songe. (Se retournant vers Adrienne.) Que voulez-vous dire? MademoiselleLecouvreur pourrait peut-être nous MAURICE, toujours bas à la princesse. éclaircir sur ce mystère. Il faut absolument que je vous parle. ADRIENNE. LA PRINCESSE, de même. Moi, Madame! Ce soir, quand tout le monde sera parti. LA PRINCESSE. MAURICE, de même. Sans doute!.. on assure dans le monde que Soit! (La princesse remonte le théâtre à gau- l'objet de cet amour est une personne de théâtre. che du spectateur ; Maurice se retourne et aper- L'ABBÉ. çoit à droite Adrienne, il la salue profondément.) Laissez donc. Lecouvreur Mademoiselle ! ADRIENNE. (Il fait quelques pas pour aller près d'elle: C'est étrange! on assurait au théâtre que cette en ce moment le prince qui avait remonté le maîtresse en titre était une grande dame. théâtre, le redescend et prend Maurice par des- L'ABBÉ, regardant Athénaïs. sous le bras au moment où il s'approchait d'A- Je le croirais plutôt ! drienne.) LA PRINCESSE. LE PRINCE. Ma chronique parlait même d'une certaine ren- A propos de la Suède, mon cher comte, j'ai à contre nocturne. vous demander. ADRIENNE. (Il s'éloigne avec lui en causant et en re- Et la mienne d'une visite dans une petite mai- montant le théâtre, ils disparaissent tous deux son. quelques moments dans d'autres salons. Pen- ATHÉNAÏS. Mais c'est très intéressant dant ce temps, la marquise et la baronne se ! sont rapprochées d'Adrienne, et pendant les LA PRINCESSE. mouvements de la scène précédente, Michonnet On disait que la comédienne y avait été sur- prise rivale jalouse. qui était à l'extrême droite, a remonté le théâ- par une tre, est resté quelque temps au fond, puis est ADRIENNE. On affirmait que la grande dame en avait été redescendu à l'extrême gauche; en ce moment, chassée par un mari indiscret. les acteurs rangés dans l'ordre suivant * sont : ATHÉNAÏS. L'ABBÉ, la à princesse à demi- voix. Que vous semblez bien instruites toutes deux!.. Je vous demanderai maintenant, princesse, L'ABBÉ. pourquoi tout-à-l'heure, m'accusiez vous ainsi Plus que moi,j'en conviens ! de. ATHÉNAÏS. à voix haute. LA PRINCESSE, Mais pour nous mettre à même de prononcer, Pourquoi?.. parce que vous n'êtes jamais au qui nous donnera des preuves? fait des choses. (Se retournant en riant vers les LA PRINCESSE. dames deux qui sont à sa gauche.) Imaginez- La mienne est un bouquet que la belle a laissé Mesdames. vous, aux mains de son vainqueur. bouquet de roses, (L'abbé quitte la droite de princesse près la attaché par un ruban soie et or ! de laquelle il est placé, remonte le théâtre, et ADRIENNE, à part. va se poser entre les deux dames comme pour Mon bouquet ! se justifier près d'elles. Les acteurs se trou- ATHÉNAÏS, à Adrienne. vent alors dans l'ordre suivant ** : Et votre preuve, à vous. Mademoiselle?.. LA PRINCESSE,continuant saphrase. ADRIENNE. La mienne?.. la mienne, c'est la grande Imaginez-vousque le pauvre abbé court vaine- que laissé tomber s'enfuyant dans le ment depuis hier à la découverted'un secret ! Une dame a en jar- belle inconnue qu'adore le comte de Saxe. din. ATHÉNAÏS. Comme Cendrillon, pantoufle de « Michonnet, à gauche à l'écart; quelques dames, sa verre. assises sur le second plan, et quelques seigneurs, ADRIENNE. debout derrière leurs fauteuils et causant avec elles. Non, mais un bracelet de diamants. Sur le premier plan et sur le devant du théâtre, LA PRINCESSE, à part. comme formant dans le salon un groupe particu- Mon bracelet! lier, Athénaïs, l'abbé, la princesse, la marquise, la L'ABBÉ. baronne, Adrienne. Un conte des Mille et une nuits !, Athénaïs, la princesse, la marquise,l'abbé, la ba- ADRIENNE. ronne, Adrienne, un peu éloignés à droite. Non, vraiment, une réalité!.. car ce bracelet on me l'a apporté. on me l'a laissé. (Le mon- (Les dames et seigneursse sont placés à droite trant.)Le voici ! devant les deux rangées de fauteuilsqui gar- L'ABBÉ, bracelet, le la prenant le et montrant à nissent ce côté du salon.) marquise et à la baronne entre lesquelles, il MAURICE, qui a redescendu le théâtre. est placé. Quoi, Mademoiselle. vous daigneriez. Superbe! voyez donc, Mesdames. ADRIENNE, froidement. LA PRINCESSE,jette un regard sur le bracelet et Oui, Monsieur le comte ! dit froidement. LA PRINCESSE, d'un air gracieux. Admirable!.. c'est travaillé avec un art! Quel bonheur!., asseyons-nous, Mesdames. le prendre, (Elle avance la mainpour mais le (A Maurice.)Monsieur le comte, auprès de moi*.. prince, qui depuis quelques instant est rentré ADRIENNE, à part. dans le salon avec Maurice, s'est approché Les voir là, sous mes yeux, tous les deux en- du groupe, se place entre la princesse et la semble. comme pour me braver!.. Mon Dieu, marquise. La princesse s'éloigne et se rap- donnez-moi la force de me contraindre. proche d'Athénaïs qui venait aussi pour re- LE PRINCE. garder le bracelet*.) Que nous direz-vous? ATHÉNAÏS. LE PRINCE. Le Songe de Pauline. Qu'est-ce donc? qu'admirez-vousainsi ? LA MARQUISE. L'ABBÉ. Hermione. Ce bracelet !.. LA BARONNE. LE PRINCE. Ou Camille des Horaces. Celui de femme ! ma LA PRINCESSE, avec ironie. TOUS, avec un accent différent. Ou plutôt le monologue d'Ariane abandonnée. Sa femme ! ADRIENNE, à part, se contenant à peine. LE PRINCE, remontant le théâtre et montrant à Ah ! c'en est trop ! tout le monde le bracelet avec un air de satis. ATHÉNAÏS, qui est assise à la droite de la prin- faction. cesse, s'écrie - Il est de bon goût, n'est-ce pas?. Non, non ! Phèdre, que vous avez si bien jouée ADRIENNE d part. avant-hier. C'était elle !.. ADRIENNE, vivement. (Pendant le désordre produit par cet incident Phèdre soit. Athénaïs, la princesse, le princeet les autres Écoutons. TOUS. dames le Adrienne ont remonté théâtre. qui (l'out le monde est rangé à droite il était l'extrême droite, comme est à traverse la scène dit plus haut. Michonnet, assis à gauche, a tiré avec agitation, et va se placer à gauche près plusieurs brochures de sa poche ; il prend celle de Michonnet.) de Phèdre, et s'apprête à souffler. Adrienne est LA PRINCESSE au milieu du théâtre et mettant à seule debout au milieu du théâtre.) son bras son bracelet que son mari vient de lui ADRIENNE, récitant avec une agitation et une rendre. fièvre toujours croissante, les yeux fixés sur la Eh bien ! maintenant que Monsieur le comte princesse, qui se penche plusieurs fois sur l'é- de Saxe est décidément des nôtres, si mademoi- paule de Maurice et lui parle bas avec affecta- selle Lecouvreur était assez bonnepour nous dire tion. quelques vers. Juste ciel !.. qu'ai-je fait aujourd'hui ? hors d'elle. ADRIENNE, Mon époux va paraître, et son fils avec lui. Des moi!.. moment! (Les da- vers!. en ce Je verrai le témoin de ma flamme adultère qui étaient assises à gauche lèvent di- mes se et se Observer de quel front j'ose aborderson père! rigent vers la droite du salon. A part.) Ah ! c'est Le cœur gros de soupirs qu'il n'a point écoutés, trop d'impudence. (Regardant Maurice.) MICHONNET, à gauche près d'elle. L'œil humide de pleurs par l'ingrat rebutés, Calme-toi et étudie!.. il y a dans le monde de Penses-tu que, sensible a l'honneur de Thésée, plus grands comédiensque nous! Les acteurs sont dans l'ordre suivant : Michonnet et Adrienne, seuls à 'gauche; les dames, assises à * Les acteurs sont dans l'ordre suivant : Michonnet, droite sur les deux rangées de fauteuils ; derrière à Vextrême gauche, Athénaïs, la princesse, le prince, elles, debout, l'abbé, le prince et les autres sei- la marquise, l'abbé, la baronne, Adrienne; Maurice est gneurs. Sur les deux premiers fauteuils à droite resté au fond du théâtre, sur le second plan, cau- et presque faisant face au spectateur, la princesse sant avec les groupes de dam!!' et de seigneurs. et le comte de Saxe. Il lui cache l'ardeur dont je suis embrasée ? LE PRINCE, à Adrienne. Laissera-t-iltrahir Quelqueenviequenousayons de vous retenir. et son père et son roi ? (Remontant Pourra-t-il contenir l'horreur qu'il à pour moi? nous n'osons insister. le théâtre et (Regardant Maurice, qui vient de ramasser l'éven- parlant à des domestiques qui sont au fond.) La tail que la princesse avait laissé tomber, et qui voilure de mademoiselle Lecouvreur. le lui remet d'un air galant.) Il se tairait en vain ! je sais perfidies (Pendant le temps où le prince remonte le ses , OEnone !. et ne suis point de ces femmes hardies. théâtre, la princesse fait quelques pas à droite, (Hors d'elle-même et s'avançant vers la et Maurice se rapproched'Adrienne qui est à princesse. droite.) Qui, goûtant dans le crime une honteuse paix, ADRIENNE, à demi-voix. Ont su se faire un front qui ne rougit jamais !.. Suivez-moi. (Elle continué à la a s'avancer vers princesse, de même. quelle désigne du doig.t, et reste quelque temps MAURICE, dans cette attitude, pendant que les dames et Impossible ce soir! Vous saurez pourquoi?.. seigneurs, qui ont suivi tous ses mouvements, Mais. se lèvent comme effrayés de cette scène.) ADRIENNE. LA PRINCESSE, avec calme. Il suffit. Bravo ! bravo ! admirable ! (En ce moment le prince qui a redescendu le TOUS. offre Adrienne. Admirable ! théâtre, sa main à Elle re- lui la du fond. Les MICHONNET, bas à Adrienne. monte avec vers porte Malheureuse!.. qu'as-tu fait?.. hommes groupés à gauche de la porte et les ADRIENNE. femmes debout à droite, la saluent. Adrienne Je me suis vengée! jette sur Maurice un dernier regard de repro- LA PRINCESSE, hors d'elle-même. che et de douleur, et s'éloigne pendant que la Un tel affront!.. je le lui ferai payer cher !.. princesse la regardesortir d'un œil menaçant. ADRIENNE, au prince, qui la félicite. La toile tombe.) Déjà souffrante et fatiguée, je vous demanderai la permission de me retirer. bas à Maurice, qui fait LA PRINCESSE, un pas FIN DU QUATRIÈME ACTE. vers Adrienne. Restez !

ACTE CSNQMËME.

L'appartement d'Adrienne ; à gauche, une cheminée, près de la cheminée, un fauteuil, puis une table, porte au fond ; deux portes latérales ; fauteuils, au fond, et à droite.

SCENE PREMIERE. ADRIENNE. Depuis êtes là. je suis mieux! MICHONNET, à la porte du fond, parlant à une que vous femme de chambre, puis ADRIENNE, sortant MICHONNET. de la porte à gauche. Et moi aussi!.. Après t'avoir reconduite, je suis passé au théâtre, d'où je viens ! MICHONNET. ADRIENNE. Oui, je sais que sa porte est fermée et qu'il est Le spectacle est-il terminé ? onze heures! Mais si elle n'est pas encore désha- c'est moi, Michon- MICHONNET. billée. vous lui direz que Nous en avons encore pour une heure. net !. ADRIENNE. ADRIENNE, l'apercevant et courant à lui. Tant mieux!.. Je suis si souffrante que je vou- Ah !.. je vous attendais !.. lais faire dire au théâtre qu'il me sera impossible MICHONNET, à la femme de chambre qui se retire. de jouer demain. Vous voyez bien ! MICHONNET. ADRIENNE. Je vais y passer. J'arrangerai cela et je vien- Je souffrais tant ! drai te rendre réponse. MICHONNET. ADRIENNE. Et moi donc!.. Je ne pouvais pas rentrer sans Que de peines je vous donne !.. savoir comment tu te trouvais. je n'aurais pu MICHONNET. durmir. Allons donc!.. moi, qui demeure dans ta niai- son, ne me voilà-t-il pas bien malade' ce n'est ADRIENNE, redescendant le théâtre et allant se pas cela qui m'inquiète! jeter dans un fauteuil à droite. ADRIENNE. Cela ne vaut-il pas mieux que de mourir ici de Qu'est-ce donc?.. jalousie et de désespoir. car, je le sens, j'en mourrai ! MICHONNET. MICHONNET. La scène de soir. chez cette grande dame! ce Non ! non ! par malheur tu t'abuses encore crois-tu donc, qu'excepté mari, tout le monde !. son c'est une fièvre qui ne vous quitte pas, une dou- n'ait compris l'allusion. à pas commencer par leur aiguë de tous les instants. on souffre. on elle. est bien malheureux.maison n'en meurt pas!.. ADRIENNE. Tu vois bien que j'existe encore ! Je l'espère bien ! l'ai blessée à n'est-ce Je mort, ADRIENNE, le regardant avec étonnement. pas P. Quelle joie! c'est le seul moment de bon- Vous ! de heur que j'aie éprouvé après tant souffrance! MICHONNET. A chaque mot de ces derniers vers. il me sem- Ah! cela t'étonne, n'est-ce pas?.. Tu ne peux blait lui enfoncer poignard dans le cœur! Et un croire que sous cette épaisse enveloppeil y ait un puis, avez-vous lu la terreur sur tous les visages? cœur qui souffre comme le tien. qui aime. qui Avez-vous entendu ce silence P L'avez-vous vue saigne comme le tien. elle-même, dépit de audace, pâlir en son sous mes ADRIENNE. tache ineffa- regards. Ah! j'avais marqué d'une Quoi ! ces tourments , vous les avez éprouvés? çable : MICHONNET. Ce front qui rougit jamais ! ne Oui. autrefois. il y a bien longtemps. MICHONNET. Crois-moi, on s'habitue à tout. même à être Voilà justement ce qui m'effraie !.. C'était trop malheureux ! bien. c'était trop fort !. Ces grandes dames, si ADRIENNE. belles et si gracieuses avec leurs guirlandes de Ah! cette force que je ne vous soupçonnais fleurs et leurs robes de gaze, c'est vindicatif. pas. ce courage que j'admire en vous !. je l'i- c'est méchant. tout leur est permis. et elles miterai !. je l'égalerai, si je le puis. Je triom- osent tout! celle-là surtout. à qui justement pherai d'une passion insensée dont maintenantje hier je proposais de jouer le rôle de Cléopâtre. rougis ! elle a toutes les qualités de l'emploi : elle ne recu- MICHONNET, avec joie. lera devant aucun moyen. pour se venger d'un Dis-tu vrai ? affront ou se débarrasser d'une rivale. ADRIENNE. Vous bien parle ADRIENNE. voyez que je de lui sans haine et colère. le souvenir de Eh! que m'importe?. Quel mal peut-elle me sans que ses outrages faire désormais qui égale les tourments renfermés me laisse calme et tranquille. que son nom même m'émeut plus!.. dans cette pensée. dans ce mot: Aimée!.. elle est ne (Adrienne traverse le théâtre et placer du aimée!.. Cette blessure faite par moi, il la guérit va se près fauteuil à gauche, entre la cheminée et la table. La du fond s'ou- par ses paroles d'amour!.. Ces larmes, si elle en porte vre. ) répand, il les essuie sous ses baisers !.. Et mainte- nant même.maintenantquemon cœur se brise. elle heureuse.elle est près de lui. Vous est ne SCENE II. savez donc pas que je l'ai supplié, à voix basse, ADRIENNE, de me suivre, tandis qu'elle lui ordonnait de ne LA FEMME DE CHAMBRE, MI- pas la quitter!.. CHONNET. MICHONNET. LA FEMME DE CHAMBRE. Eh bien!.. Un coffret qu'on apporte pour Madame. ADRIENNE. ADRIENNE. Qui l'a apporté ? Il est resté!.. resté avec elle!.. Ah! c'en est trop ! je n'y résiste plus! (Faisant un pas pour LA FEMME DE CHAMBRE. sortir et remontant le théâtre.) Un domestique sans livrée, qui a dit seulement: De la part de M. le comte de Saxe. MICHONNET. cri. Où vas-tu? ADRIENNE, poussant un De lui!.. (Prenant le coffret des mains de la ADRIENNE. femme de chambre.) Laissez- nous. laissez- Me les frapper. jeter entre eux. et après. nous. (La femme de chambre sort et Adrienne qu'on fasse de moi qu'on voudra ! ce pose le coffret sur la table et s'assied toute trem- MICHONNET. blante.) Ah! mon Dieu!.. que peut-il me vouloir? Y penses-tu ? ma main tremble. et je ne puis ouvrir. SCENE MICHONNET, à part. III. Et elle croit qu'elle l'aime plus !.. ne ADRIENNE, MAURICE, se précipitant parla porte vivement. ADRIENNE, du fond, MICHONNET. Voyons! voyons! (Poussant un cri de dou- leur.) Ah î MAURICE, à la cantonade et comme parlant à la vivement. femme de chambre qui veut le retenir. MICHONNET, Elle moi, dis-je? (Courant à Qu'est-ce donc y sera pour vous P.. Adrienne.) Adrienne!.. ADRIENNE. ADRIENNE, se jetant involontairementdans ses En ouvrant ce coffret. j'ai éprouvé une sen- bras. sation douloureuse. un souffle glacial qui par- Maurice!.. (Voulant se dégager de ses bras.) courait mes sens. c'était comme un présage du Ah ! qu'ai-je fait?.. laissez-moi ! laissez-moi ? coup qui m'attendait. MAURICE. Non, je viens tomber à tes pieds ! je viens im- MICHONNET. plorer mon pardon ! si je ne t'ai pas suivie quand Que contient donc cette botte? tu me l'ordonnais. c'est que j'étais retenu parle ADRIENNE. devoir, par l'honneur. par un bienfait dont le poids m'accablait. je le croyais du moins! et je bouquet (Le à la main.) Je le Mon ! prenant voulais laisser finir cette journée reconnais. celui qu'hier je tenais à la main lors ne pas sans dire à la princesse : Je ne puis accepter votre or, de son arrivée ! demandépar lui. donné par moi car je ne vous aime pas, car je ne vous ai jamais comme un gage d'amour. il pouvait le dédai- aimée, car mon cœur est à une autre. Mais juge l'oublier, le jeter à l'écart !.. mais me le gner, de ma surprise!.. aux premiers mots je lui renvoyer. exprès!.. mais joindre l'affront au que mépris. adresse. en m'écriant : « Je sais tout! je sais « tout !.. » tremblante. éperdue. elle, qui ne MICHONNET. tremble jamais. tombe à mes pieds et avec des Cela ne vient pas de lui !.. c'est cette rivale qui larmes feintes ou véritables m'avoue que l'amour l'aura forcé ! et la jalousie l'ont égarée, qu'elle seule est la cause de ma captivité!.. elle ose me l'avouer. à ADRIENNE, se levant avec indignation. moi qui pensais lui devoir ma délivrance. Devait-il obéir? et tout esclave qu'il est, de- ne ADRIENNE. vait-il révolter à l'idée seule d'insulter celle pas se 0 ciel !.. qu'il a aimée! (Retombant sur le fauteuil près de continuant chaleur. la cheminée MAURICE, avec en tenant à la main le bouquet de A moi! qui, honteux et désespéré de bien- fleurs qu'elle silence.) ses regarde quelque temps en faits, venais implorer seulement quelques jours Fleursd'un jour, hier si éclalantes, aujourd'hui flé- pour m'acquitter, dussé-je jouer et tries, qui duré plus longtemps mon sang ma vous aurez encore vie!.. et j'étais libre. libre de la mépriser, de la promesses! Pauvres fleurs, lui que ses reçues par haïr. de l'abandonner! libre de courir vers toi avec tant d'ivresse et de joie, pouviez plus vous ne et de me réfugier à tes pieds!.. ma protectrice, rester où il avait placées et sur ce cœur vous mon bon ange. m'y voici (Tombant à ses ge- dont autre m'a bannie ! Exilées et dédaignées une noux.) Ne me repousse pas ! comme moi, je cherche en vain sur vos feuilles la trace des baisers qu'il imprimait!.. celui-ci ADRIENNE. y que Faut-il te croire? soit le dernier que vous recevrez, celuid'un adieu MAURICE. éternel ! (Elle porte avec force le bouquet à ses Par le l'honneur,je t'ai dit la lèvres.) Oui. oui. il me semble que c'est celui ciel. et vérité. de la mort! et maintenant. qu'il ne reste plus quelque difficile qu'elle soit à expliquer. car, renversé du haut de mes espérances, arrêté, jeté rien de vous, ni de mon amour. (Elle jette le bouquet dans la cheminée.) dans un cachot, j'ignore encore quelle main m'a délivré et j'ai beau chercher, je ne puis découvrir MICHONNET. par qui me sont rendus ma liberté, mon épée, et Adrienne!.. Adrienne!.. un glorieux avenir peut-être, le sais-tu? peux-tu m'aider à le deviner? levant le marbre ADRIENNE, se et s'appuyant sur baissant les de la cheminée. ADRIENNE, yeux. Je ne sais!.. je pe puis dire. Ne craignez rien ! (Portant la main à son cœur.) MICHONNLT, qui pendant la tirade précédente a Cela va mieux! (Regardant du côte de la chemi- remonté le théâtre yasse vivement entre eue, née.) Je suis forte maintenant. je n'y pense deux. plus!.. Que c'est elle!., elle-même. s'asseoir canapé. ADRIENNE, vivement. MATTRICE, l'aidant à sur le chancelles Taisez-vous ! taisez-vous ! Tu ! ADRIENNE. MICHONNET, avec chaleur. En effet, trouble étrange, douleur C'est elle qui engagé pour vous, sa fortune, un une a sourde inconnue s'est emparée de moi. depuis ses diamants, tout ce qu'elle avait. et plus en- et quelques depuis celui où j'ai core !.. moments. porté à lèvres bouquet. ADRIENNE. mes ce Ce n'est vrai ! MAURICE. pas Lequel ? MICHONNET, de même, avec force. C'est vrai !.. et s'il faut en donner des preuves, ADRIENNE. Ingrate ! je le prenais adieu de départ, apprenez qu'elle a emprunté. emprunté à quel- pour un c'était qu'un. (Se reprenànt) que je ne connais pas, et un message de retour! mais vous pouvez m'en croire, moi !.. qui ne veux MAURICE. Que veux-tu dire? que son repos. son bonheur. moi qui l'aime comme un père. (Vivement.) Oh ! oui. comme ADRIENNE. Ces fleurs. envoyées toi dans un père. par ce coffret. passant près de la table *. ADRIENNE, vivement. MAURICE, Vous pleurez? Moi ! je ne t'ai rien envoyé. ce bouquet, où est-il ? MICHONNET. De contentement, d'émotion. adieu. tu ADRIENNE. sais qu'on m'attend au théâtre , et j'y dois être Brûlé! je croyais que tu nous avais tous deux avant la fin du spectacle. adieu. adieu. repoussés et dédaignés. il était comme moi, il ne pouvait plus vivre! (Il se précipite vers la porte du fond.) MAURICE, avec tendresse. Adrienne! mais ta main tremble. tu souffres beaucoup. SCÈNE IV. ADRIENNE. Non, non, plus maintenant. (Montrant son ADRIENNE, MAURICE. cœur.) La douleur n'est plus là. (Portant lamain à sa téte.) Mais )à C'est singulier, c'est bizarre.. MAURICE. mille objets divers et fantastiques devant Ainsi, Adrienne, c'était toi. passant moi. succèdent confusément et ordre. montrant de la main Michennet, qui se sans ADRIENNE, (A Maurice.) Où étions-nous? qu'est-ce je te vient de sortir. que disais? je sais plus. Il semble Et lui, meilleur ami, lui qui m'est ne me que mon mon venu en imagination s'égare. raison, je mais parlons plus de et que ma que aide. ne cela. tu as ac- cherche à cepté. retenir, va m'abandonner. (Vivement.) Je ne le veux pas. en la perdant, je perdrais ; MAURICE. mon bonheur. Oh! non. non. je ne le veux A une condition. c'est qu'à ton tour tu ne re- pas ! pour lui d'abord, pour Maurice, et puis pour fuseras rien de moi ! J'ignore l'avenir qui m'est soir. On vient d'ouvrir, et la salle est déjà réservé, j'ignore si je dois, le champ de ba- ce sur pleine! Je conçois leur curiosité et leur impa- taille, gagner ou perdre la couronne ducale que tience; on leur promet depuis si longtemps la ; les états de Courlande m'ont décernée mais vain- ; Psyché du grand Corneille!.. Oh! oui, depuis je jure de le duché queur, partager avec toi que longtemps. depuis les premiers jours où je vis tu m'aides à conquérir, de te donner le nom que Maurice. On voulait pas remonter l'ouvrage. tu m'aides à immortaliser! ne C'est trop vieux, disait-on. mais, moi, j'y tenais., ADRIENNE. j'avais une idée. Maurice ne m'a pas encore femme moi ! Ta ! dit: Je vous aime! ni moi non plus. je n'ose MAURICE. pas.. et il y a là certains vers que je serais si heu- Toi! reine par le digne de cœur et commander reuse de lui adresser, à lui, devant tout le monde a grandi intelligence? à tous! Qui mon toi. Qui a sans que personne s'en doute. épuré sentiments? toi. Qui soufflé dans mes a MAURICE. génie des grands hommes, dont mon sein le tu es Mon amie, ma bien-aimée, reviens à toi. l'interprète Pu toi ! toujours toi !.. Mais, ô ciel! tu ADRIENNE. pâlis! Tais-toi donc. il faut que j'entre en scène. ADRIENNE. Oh! quelle nombreuse, quelle brillante assemblée! Ne crains rien. tant de bonheur succédant à tant de désespoiraura épuisé mes forces. * Maurice, Adrienne. Comme tous ces regards tournés vers moi suivent (Poursuivant Maurice, qui recule d'effroi.) chacun de mes mouvements !.. Ils sont bons, de Va lui jurer la foi que tu m'avais jurée, m'aimer ainsi. Ah! il est dans sa loge.,, c'est Les dieux, les justes dieux. n'auront pas oublié lui. il me sourit. (Murmurantentre ses lèvres.) Que les mêmes serments avec moi t'ont lié. Bonjour, Maurice. A toi, Psyché, voici ta ré- Porte. porte aux autels. un cœur qui m'abandonne.. plique. Va, cours, mais crains encor. (Poussant un cri et reconnaissant Maurice.) Ah! Ne les détournez pas ces yeux qui me déchirent, Maurice !.. (Elle se jette dans ses bras.) Ces yeux tendres, ces yeux perçants, mais amoureux ; MAURICE. Qui le trouble qu'ils m'inspirent. semblent partager Mon Dieu. venez à mon aide!.. et pas de se- Hélas! plus ils dangereux, sont cours!. pas un ami. (Apercevant Michonnet.) Plus je me plais à m'attacher eux ! sur Ah! je me trompais!.. en voici un ! Par quel ordre du ciel, que je ne puis comprendre, Vous dis-je plus que je ne dois? Moi, de qui la pudeur devrait du moins attendre Que l'amour m'expliquât le trouble où je vous vois ; SCENE V. Vous soupirez, Seigneur, ainsi que je soupire ; MAURICE, ADRIENNE, MICHONNET. Vos sens, les miens, paraissent interdits. comme entrant vivement. C'est à moi de m'en taire, à vous de me le dire, MICHONNET, Ce qu'on m'a dit est-il vrai ? Adrienne dan- Et cependant c'est moi qui vous le dis! en ger! MAURICE, lui prenant la main. MAURICE. Adrienne se meurt! Adrienne! Adrienne! elle me voit ne plus. approchant le fauteuil de droite, m'entend plus. Mon Dieu, l'effroi glace. MICHONNET, ne me qu'il place milieu du théâtre, et lequel faire?.. (Il la au sur que agile sonnette qui est sur la Maurice dépose Adrienne à moitié évanouie.) table; paraît la femme de chambre.) Votre mal- Non. non. elle respire encore!.. tout espoir tresse est en danger. courez!.. des secours!. n'est pas perdu. Moi, je la quitte (La femme de chambre ne plus. s'approchant de l'autre cdté du canapé. Ma présence MAURICE, sort.) et mes soins lui rendront peut- Elle les yeux! être le calme. (Prenant la main d'Adrienne.) ouvre Écoute-moi, ADRIENNE. de grâce ! Ah! quelles souffrances!.. Qui donc est près ADRIENNE, avec égarement. de moi P.. (Avec joie.) Maurice! (Se retournant Regarde. regarde donc!.. Qui entre dans sa et voyant Michonnet.) Et vous aussi!.. dès que loge? qui s'assied près de lui?.. Je la reconnais, je souffrais, vous deviez être là. Ce n'est plus quoiqu'elle cache visage! c'est elle!.. il lui son ma tête, c'est ma poitrine, qui est brûlante. j'ai parle! (Avec désespoir.) Maurice!., il ne me re- là comme un brasier. comme un feu dévorant garde plus!.. Maurice!.. qui me consume. MAURICE. MICHONNET, s'adressant à Maurice. Il est près de toi. Mais tout me prouve. ne voyez-vous pas l'écouter. ADRIENNE, sans comme moi les traces du poison. d'un poison Ah ! voilà leurs yeux qui se rencontrent, leurs actif et terrible. mains qui se pressent! voilà qu'elle lui dit : Res- MAURICE. tez!.. Et moi, il m'oublie ! il me repousse. il ne Quoi!.. tu pourrais soupçonner. voit pas que je me meurs ! MICHONNET, avec fureur. MAURICE. Je soupçonne tout le monde. et cette rivale. Adrienne!.. par pitié ! cette grande dame !.. ADRIENNE, avec fureur. MAURICE, poussant un cri d'effroi. De la pitié ! Tais-toi!.. tais-toi!.. MAURICE. ADRIENNE. m'aimez Ma voix n'a-t-elle donc plus de pouvoir sur ton Ah! le mal redouble. Vous qui tant, cœur? sauvez-moi, secourez-moi. Je ne veux pas mou- Tantôt j'eusse imploré la ADRIENNE. rir!. mort comme un bienfait. j'étais si malheureuse. mais à présent Que me voulez-vous? je mourir. Il m'aime !.. il m'a MAURICE. ne veux pas nom- mée femme ! Que tu m'écoutesun seul instant! que tu me sa MICHONNET, étonné. regardes, moi. Maurice! Sa femme! ADRIENNE, le regardant avec égarement. ADRIENNE. Maurice!.. non. il est près d'elle. il m'ou- Mon Dieu! exaucez-moi!., mon Dieu! laissez- blie!.. Va-t-en ! va-t-en! moi vivre. quelques jours encore. quelques FIN.

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