Transalpina Études italiennes

21 | 2018 Entre France et Italie : échanges et réseaux intellectuels au XIXe siècle

Mariella Colin, Laura Fournier-Finocchiaro et Silvia Tatti (dir.)

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/transalpina/285 DOI : 10.4000/transalpina.285 ISSN : 2534-5184

Éditeur Presses universitaires de Caen

Édition imprimée Date de publication : 1 octobre 2018 ISBN : 978-2-84133-900-6 ISSN : 1278-334X

Référence électronique Mariella Colin, Laura Fournier-Finocchiaro et Silvia Tatti (dir.), Transalpina, 21 | 2018, « Entre France et Italie : échanges et réseaux intellectuels au XIXe siècle » [En ligne], mis en ligne le 19 décembre 2019, consulté le 18 novembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/transalpina/285 ; DOI : https:// doi.org/10.4000/transalpina.285

Transalpina. Études italiennes

Entre France et Italie : échanges et réseaux intellectuels au XIXe siècle Couverture : Maquette de Cédric Lacherez

Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction, sous quelque forme que ce soit, réservés pour tous pays.

ISSN : 1278-334x ISBN : 978-2-84133-900-6

© 2018. Presses universitaires de Caen 14032 Caen Cedex - France TRANSALPINA

ÉTUDES ITALIENNES – 21 –

Entre France et Italie : échanges et réseaux intellectuels au XIXe siècle

Textes recueillis par Mariella Colin, Laura Fournier-Finocchiaro et Silvia Tatti

2018

Équipe de recherche sur les littératures, les imaginaires et les sociétés (erlis) Université de Caen Normandie Direction de la revue Mariella Colin (Université de Caen) Laura Fournier-Finocchiaro (Université de 8)

Comité scientifique (2018) Luca Bani (Université de Bergame), Jean-Yves Frétigné (Université de Rouen), Patrizia Gabrielli (Université de Sienne), Andrea Gareffi (Université Roma 3), Piergiovanni Genovesi (Université de Parme), Anne-Rachel Hermetet (Université d’Angers), Jean-René Ladmiral (Université Paris Ouest et ISIT), Antonio Lavieri (Université de Palerme), Laura Nay (Université de Turin), Gilles Pécout (ENS et Université de Paris 1), Pierluigi Pellini (Université d’Arezzo- Sienne), Mariasilvia Tatti (Université Roma La Sapienza).

Comité de lecture Viviana Agostini-Ouafi (Université de Caen), Anna Antoniazzi (Université de Gênes), Nicolas Bonnet (Université de Dijon), Alberto Brambilla (Istituto Giuliano di Storia, Cultura e Documentazione), Mariella Colin (Université de Caen), Juan Carlos D’Amico (Université de Caen), Maria Pia De Paulis (Université de Paris 3), Christian Del Vento (Université de Paris 3), Laura Fournier-Finocchiaro (Université de Paris 8), Céline Frigau Manning (Université de Paris 8), Emmanuelle Genevois (Université de Paris 3), Stefano Lazzarin (Université de Saint-Étienne), Xavier Tabet (Université de Paris 8).

Comité de rédaction Viviana Agostini-Ouafi (Université de Caen), Mariella Colin (Université de Caen), Juan Carlos D’Amico (Université de Caen), Laura Fournier-Finocchiaro (Université de Paris 8), Corinne Manchio (Université de Paris 8). SOMMAIRE

Mariella Colin, Laura Fournier-Finocchiaro, Silvia Tatti : Introduction . 9

Matthieu Cailliez : Les acteurs italiens de la vie musicale en France au XIXe siècle. Approche prosopographique et analyse des réseaux. 17

Antonietta Angelica Zucconi : La principessa Julie Bonaparte, una salonnière tra Parigi e Roma. 3 5

Ilaria Macera : Niccolò Tommaseo e Felice Le Monnier tra Firenze e Parigi. « Desidero che il soggiorno d’Italia le paia più dolce che a me il soggiorno di Francia ». 53

Arthur Hérisson : Les bénéfices politiques d’une relation épistolaire franco-italienne au cœur du Risorgimento. La correspondance Massimo D’Azeglio – Eugène Rendu (1847-1865) . 6 7

Marius Rusu : Per un commercio di libri transalpino : l’inedito « diario di viaggio » di Giuseppe Molini a Parigi (10 giugno – 24 agosto 1844) . . . . 85

Juliette Mascart : Paris-Londres- : Stendhal chroniqueur de la littérature italienne. 101

Gabrielle Melison-Hirchwald : Alphonse Daudet et l’Italie (1875-1897). De quelques éléments biographiques, relationnels et médiatiques . 117

Chiara Tavella : Un intellettuale « anfibio » tra Francia e Italia : Santorre di Santa Rosa tra libri, lettere e inediti . 135

Chiara Tognarelli : « Noi che t’amammo, o Francia ». Lettura di Per Eduardo Corazzini . 153

Varia

Anna Antoniazzi : Sopravvivere alla catastrofe adulta. Tracce di distopie contemporanee nella letteratura per ragazzi. 173 Beatrice Sica : Le anime semplici e il piedistallo : l’immagine del Duce condottiero nei libri scolastici e per ragazzi dell’Italia fascista. 191

Recension bibliographique

Notes critiques. 2 17

Comptes rendus . 237 INTRODUCTION

La revue Transalpina, depuis sa fondation dans le cadre de l’équipe de recherche caennaise Identités, Représentations, Échanges (France-Italie), s’est régulièrement intéressée à la problématique de la réception de la littérature italienne en France 1. Dans les numéros précédents, l’attention des chercheurs s’était portée sur la traduction et la vie des productions italiennes dans le contexte français, sur l’histoire de la circulation des textes et des idées de la péninsule dans l’Hexagone, et sur différentes traces des auteurs italiens de l’autre côté des Alpes. Ces publications, auxquelles il faut ajouter d’autres ouvrages collectifs publiés à Caen et à Paris 2, ont porté souvent sur un intervalle chronologique large, pour souligner la permanence et les constantes dans les échanges intellectuels entre France et Italie. Dans le prolongement de ces travaux, il apparaît utile de poursuivre la réflexion et les recherches en portant attention à de nouvelles facettes des relations entre France et Italie, en approfondissant en particulier les réseaux intellectuels qui se mettent en place dans le contexte de la première moitié du XIXe siècle et du Risorgimento. Pendant cette période, l’ est marquée par les bouleversements politiques, par la construction et la revendication des identités nationales 3 ainsi que par des vagues d’exil successives et de plus en plus massives 4. Dans ce contexte, la France a eu

1. Regards croisés, M. Colin (dir.), Transalpina, no 1, 1996 ; Lettres italiennes en France, M. Colin (dir.), Transalpina, no 3, 1999 ; Lettres italiennes en France II. Réception critique, influences, lectures, M. Colin (dir.), Transalpina, no 8, 2005. 2. La France et l’Italie. Traductions et échanges culturels, F. Decroisette (dir.), Caen, Presses universitaires de Caen, 1992 ; Traductions et réécritures, M. Colin (dir.), Cahiers de littératures en langues romanes, no 1, Caen, Presses universitaires de Caen, 1993 ; Heurs et malheurs de la littérature italienne en France, M. Colin (dir.), Caen, Presses universitaires de Caen, 1995 ; Les « rivales latines ». Lieux, modalités et figures de la confrontation franco-italienne, F. Dubard de Gaillarbois et D. Luglio (dir.), Revue des études italiennes, no 59, 2013. 3. A.-M. Thiesse,La création des identités nationales (Europe XVIIIe-XXe siècle), Paris, Seuil, 1999. 4. S. Aprile, Le siècle des exilés. Bannis et proscrits de 1789 à la Commune, Paris, CNRS Éditions, 2010 ; A. Bistarelli, Gli esuli del Risorgimento, Bologne, Il Mulino, 2011 ; M. Isabella, Risorgimento in esilio. L’internazionale liberale e l’età delle rivoluzioni, – Bari, Laterza, 2011 ; Les exilés politiques espagnols, italiens et portugais en France au XIXe siècle. Questions et perspectives, L. Fournier-Finocchiaro et C. Clímaco (dir.), Paris, L’Harmattan, 2017.

Transalpina, no 21, 2018, Entre France et Italie…, p. 9-16 10 M. Colin, L. Fournier-Finocchiaro, S. Tatti un rôle particulier : la Révolution française et l’occupation napoléonienne de l’Europe constituent le point de départ et le véritable déclencheur des « volontés nationales » qui vont s’affirmer tout au long du siècle et entreprendre une refondation de la culture et de la politique européennes en se positionnant face au « mythe français » 5. Vis-à-vis de sa voisine transalpine, la France est par ailleurs la principale terre d’accueil des migrations politiques provoquées par les insurrections et révolutions italiennes 6, et un terrain d’amitiés mais aussi de rivalités intellectuelles et politiques avec sa « sœur latine » 7. Sur le versant italien, la France est un des principaux modèles politiques possibles (avec l’Angleterre) pour les patriotes du Risorgimento, mais il ne faut pas pour autant négliger les déclarations d’hostilité de nombre de penseurs politiques et hommes de lettres (Vincenzo Gioberti, Giuseppe Mazzini, Niccolò Tommaseo…) qui influencent profondément et durablement un substrat gallophobe de l’opinion italienne. Si la première guerre du Risorgimento est marquée par l’intervention militaire de la France contre la République romaine en juillet 1849, l’alliance franco-piémontaise de 1859, lors de la deuxième guerre de l’indépendance italienne, a permis de tisser un lien privilégié entre la France et le tout jeune royaume d’Italie, qui sans le soutien militaire et diplomatique français n’aurait pas pu voir le jour en 1861. Pourtant, très vite, les relations entre les deux pays vont se refroidir à nouveau lorsque surgit la question romaine, opposant les libéraux italiens et les patriotes garibaldiens à la politique de Napoléon III, devenu le défenseur du pouvoir temporel des papes ; les combats d’Aspromonte (1862) et de Mentana (1867) laisseront des traces, et le gouvernement italien occupera Rome en 1870 lorsque la France sera vaincue par la Prusse. Dans les années suivantes, l’entente entre la Troisième République et le royaume italien sera brisée par les ambitions coloniales des deux États ; après l’établissement du protectorat français sur la Tunisie en 1881, l’Italie stipulera l’année suivante la Triple Alliance avec l’Autriche-Hongrie

5. Gallomanie et gallophobie. Le mythe français en Europe au XIXe siècle, L. Fournier-Finocchiaro et T.-I. Habicht (dir.), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012. 6. A.M. Rao, Esuli. L’emigrazione politica italiana in Francia, , Guida, 1992 ; M. Tatti, Le tempeste della vita. La letteratura degli esuli italiani in Francia nel 1799, Paris, Champion, 1999 ; M. Tatti, « Esuli e letterati. Per una storia culturale dell’esilio risorgimentale », in L’officina letteraria e culturale dell’età mazziniana (1815-1870). Giornate di studio, Q. Marini et al. (dir.), Novi Ligure, Città del Silenzio, 2013, p. 89-100 ; D. Diaz, Un asile pour tous les peuples ? Exilés et réfugiés étrangers dans la France du premier XIXe siècle, Paris, Armand Colin, 2014. 7. Francia e Italia nel XVIII secolo. Immagini e pregiudizi reciproci, V. Ramaciotti (dir.), Alexandrie, Edizioni dell’Orso, 1995 ; G. Bertrand, J.-Y. Frétigné et A. Giacone, La France et l’Italie. Histoire de deux nations sœurs, de 1660 à nos jours, Paris, Armand Colin, 2016. Introduction 11 et l’Allemagne, en devenant jusqu’à la fin du siècle l’alliée du pire ennemi de la France. Les sentiments nourris par les opinions publiques des deux nations deviennent franchement hostiles : la gallophobie de la classe politique italienne a comme pendant l’italophobie de la population française, et des épisodes de violence réciproque frappent les deux nations, avec le massacre des ouvriers italiens à Aigues-Mortes 8 (1893) et l’assassinat du président Sadi Carnot par l’anarchiste italien Sante Caserio (1894). Une tension extrême qui ne retombera qu’avec la démission du misogallo Francesco Crispi en 1896. Cette mésentente nuira aux échanges et aux débats idéologiques et culturels entre les deux pays 9 jusqu’au milieu des années 1890. En France, les intellectuels manifesteront généralement de l’indifférence pour la culture et la littérature italienne ; des auteurs tels que Carducci 10, Verga 11 ou Pascoli 12 seront largement ignorés, et il faudra attendre l’éclatante réception des romans de D’Annunzio 13 pour que l’élite française s’intéresse de près à la littérature italienne contemporaine. En dépit de ce mépris pour une production considérée longtemps comme inférieure, des intellectuels enga- gés comme Ernest Renan 14 et des écrivains comme Zola 15, Daudet 16 ou les frères Goncourt 17 entretiendront d’étroites relations avec des critiques et des

8. Cf. G. Noiriel, Le massacre des Italiens. Aigues-Mortes, 17 août 1893, Paris, Fayard, 2010. 9. Cf. L. Mangoni, Una crisi fine secolo. La cultura italiana e la Francia fra Otto e Novecento, Turin, Einaudi, 1985 ; P. Milza, Français et Italiens à la fin du XIXe siècle, Rome, École française de Rome, « La culture italienne en France », vol. 1, p. 456-473 ; Les échanges culturels entre la France et l’Italie de 1880 à 1918 : polémiques et dialogues, M. Colin (dir.), Caen, Presses universitaires de Caen, 1988 ; A. Brambilla, « I veleni di Tunisi. Vecchi stereotipi e nuovi rancori tra Italia e Francia », Revue des études italiennes, no 59, p. 65-174. 10. Cf. L. Fournier-Finocchiaro, « Giosuè Carducci et la critique française », Lettres italiennes en France II…, p. 89-108. 11. Cf. G. Longo, « La fortune de Verga en France (1880-1910) », Bulletin de liaison et d’information de la Société française de littérature générale et comparée, no 16, 1994, p. 65-101 ; Id., « Verga in Francia. Una messa a punto », in Atti del convegno Verga e « gli altri », 27-29 septembre 2017, A. Manganaro (dir.), en cours de publication. 12. Cf. Y. Gouchan, « Pascoli en France : un grand poète oublié ? », Lettres italiennes en France II…, p. 109-126. 13. Cf. le retentissant article d’É.-M. de Vogüé, « La Renaissance latine. Gabriel D’Annunzio : poèmes et romans », Revue des Deux Mondes, no 127, 1er janvier 1895, p. 187-206. 14. Cf. A.-C. Faitrop-Porta, « Le triomphe du voyage de Renan à Rome de 1872 », Renan, Rome et les Bonaparte (Actes de la journée internationale d’étude), Rome, Musée Napoléon, 7 septembre 2012, Études renaniennes, no 115, juillet 2014, p. 77-95, ainsi que la correspondance de Renan (« Correspondance », in Œuvres complètes, Paris, Calmann-Lévy, t. X, 1961). 15. Cf. la correspondance entre Zola et le critique italien Felice Cameroni : Cameroni e Zola. Lettere, P. Tortonese (éd.), Paris, Champion – Slatkine, 1987. 16. Cf. dans ce volume l’article de Gabrielle Melison-Hirchwald : « Alphonse Daudet et l’Italie (1875-1897). De quelques éléments biographiques, relationnels et médiatiques », p. 117-134. 17. Cf. la correspondance entre Vittorio Pica et Edmond de Goncourt : Lettere a Edmond de Goncourt (1881-1896), N. Ruggiero (éd.), Naples, Guida, 2004. 12 M. Colin, L. Fournier-Finocchiaro, S. Tatti intellectuels italiens, et continueront de fréquenter les salons romains 18. Du côté italien, la culture française restera toujours une référence fondamentale pour la culture italienne (malgré le nouvel enthousiasme pour la culture germanique), et même les républicains 19 condamnant vigoureusement l’alliance entre Napoléon III et le Vatican voient dans la France la nation à laquelle les Italiens sont redevables des idées de démocratie, liberté et progrès. La littérature française restera à la première place en Italie jusqu’à la fin du siècle, et les romanciers français comme Alexandre Dumas, Victor Hugo, Émile Zola ou Jules Verne seront davantage lus et bien plus populaires que les écrivains de la péninsule 20.

* * *

Il nous a semblé, en examinant les échanges et réseaux culturels franco-italiens qui se mettent en place dans le contexte du XIXe siècle, que la période la plus féconde correspondait à la première moitié du siècle, qui paradoxalement est celle qui a été le moins étudiée jusqu’à présent 21. Nous n’avons cependant pas voulu adopter, dans ce numéro, une perspective chronologique pour notre étude des relations entre France et Italie, mais nous avons préféré privilégier une approche thématique. En partenariat avec l’axe de recherche Rivoluzioni Restaurazione Risorgimento Letteratura italiana 1789-1870 de l’Associazione degli Italianisti (ADI), qui a commencé à explorer les écritures privées de l’Ottocento italien, nous avons souhaité développer de nouveaux axes de recherche pour l’étude des relations culturelles : les lieux de contact et de sociabilité franco-italiens ; l’étude des correspondances ; les relations éditoriales et journalistiques ; enfin, les écritures et les enjeux littéraires entre France et Italie. En premier lieu, il convient de combattre les préjugés sur l’hypothétique décadence italienne (l’Italie « terre des morts », chantée par Lamartine) face au progrès français au cours du siècle ; en effet, l’Italie jusqu’en 1861 n’est pas encore une nation unifiée, et l’apport donné par ses États à la

18. Cf. M.I. Palazzolo, I salotti di cultura nell’Italia dell’Ottocento. Scene e modelli, Milan, Franco Angeli, 1985 ; M.T. Mori, Salotti. La sociabilità delle élite nell’Italia dell’Ottocento, Rome, Carocci, 2000. 19. Cf. dans ce volume l’article de Chiara Tognarelli, « “Noi che t’amammo, o Francia”. Lettura di Per Eduardo Corrazzini », p. 153-170. 20. Cf. G. Tortorelli, « I libri più letti dal popolo italiano : un’inchiesta del 1906 », Prospettive settanta, no 1, 1983, p. 92-108. 21. Quasiment depuis les travaux de P. Hazard, La Révolution française et les lettres italiennes (1789-1815), Paris, Hachette, 1910. Introduction 13 circulation des idées et des hommes de culture est très différent d’une région à l’autre. Le Nord est notamment en première ligne pour le mouvement d’hommes et d’idées ; les États du Centre-Sud restent plus à l’écart mais révèlent parfois (c’est le cas de Rome) une vie culturelle vivace qui résiste d’une façon souterraine à la censure. Il est donc nécessaire de surmonter toute évaluation abstraite de la « culture italienne » et de son rayonnement pour construire une nouvelle géographie culturelle et vérifier comment se sont établis les réseaux intellectuels, les correspondances, la circulation des livres entre les principales villes italiennes et la France. Comme au XVIIIe siècle, au cours du XIXe les échanges entre les deux pays sont réciproques : le cas du théâtre italien, qui jouit d’un très grand succès en France depuis le XVIIIe siècle et la querelle des bouffons de 1752, ne se limite pas au nombre des représentations mais comprend aussi les éditions, la connaissance de la langue, la circulation des hommes et des femmes. Le théâtre permet également la diffusion en France de la langue italienne, qui favorise la publication de grammaires, traductions, vocabulaires et multiplie les occasions de connaissance non seulement des pièces de théâtre mais aussi des ouvrages d’écrivains classiques italiens. Après la Révolution française, la migration en France de nombreux hommes de lettres forcés de quitter l’Italie à cause des persécutions politiques engendre une très grande activité culturelle qui a des répercussions sur le plan éditorial et sur la pénétration en France du monde italien 22. Les articles de Matthieu Cailliez et d’Antonietta Angelica Zucconi explorent les lieux de contact et de sociabilité privilégiés par les exilés et qui constituent des pôles de rayonnement de la culture italienne en France et vice versa. Matthieu Cailliez se penche en particulier sur les lieux de présence de la musique italienne dans l’Hexagone, non seulement par la diffusion de l’opéra, mais aussi en étudiant la présence italienne au sein d’institutions telles que le Conservatoire de Paris, le Théâtre-Italien, l’Opéra de Paris et son École de danse, l’Académie des Beaux-Arts et l’Ordre national de la Légion d’honneur. Il montre que les deux premiers tiers du XIXe siècle correspondent à un âge d’or de la présence des musi- ciens italiens en France, qui se comptent par centaines, et que ceux-ci influencent durablement la vie musicale dans l’Hexagone. Antonietta Angelica Zucconi évoque quant à elle le rôle joué par les salons de Julie Bonaparte, marquise de Roccagiovine et cousine de Napoléon III, entre Paris et Rome, comme lieux de contact privilégiés entre protagonistes

22. Cf. M. Tatti, « Bohème letteraria italiana a Parigi nell’Ottocento », in Italia e Italie tra Rivoluzione e Restaurazione, M. Tatti (dir.), Rome, Bulzoni, p. 139-160 ; C. Frigau Manning, Chanteurs en scène. L’œil du spectateur au Théâtre-Italien (1815-1848), Paris, Champion, 2014. 14 M. Colin, L. Fournier-Finocchiaro, S. Tatti de la politique et de la culture français et italiens, notamment dans une période de fortes tensions avec la France, en politique comme dans l’opinion publique italienne. Les célébrations des 150 ans de l’Unité italienne en 2011 ont définitive- ment effacé l’idée de l’exil comme moment de repli et de détresse culturelle ; au contraire, il est apparu que l’exil a constitué un important moment d’élaboration politique ainsi qu’une occasion fondamentale pour réfléchir et comprendre, grâce aussi au modèle oppositif et émulatif français, les directions que la culture italienne, et surtout celle littéraire, allait prendre face aux bouleversements de la société. Les articles d’Ilaria Macera et Arthur Hérisson analysent les relations épistolaires entre des figures éminentes de la vie politique et littéraire italienne afin de mettre en évidence la circulation européenne des idées et de la culture. Ilaria Macera analyse le rapport épis- tolaire entre l’exilé italien d’origine dalmate Niccolò Tommaseo et l’éditeur florentin d’origine française Felice Le Monnier au lendemain du début de l’exil de Tommaseo en 1834. L’exploitation de cette correspondance permet de comprendre comment l’émigration devient une occasion d’élaboration de projets artistiques et culturels pensés conjointement entre la France et l’Italie, et qui croisent les événements européens du XIXe siècle. Arthur Hérisson étudie la correspondance échangée de 1845 à 1867 entre l’homme d’État italien Massimo d’Azeglio et le Français Eugène Rendu autour de la question italienne. Les lettres permettent de mettre au jour le rôle d’Eugène Rendu dans la diffusion des idées et des écrits de Massimo d’Azeglio en France, et montrent également la façon dont le Français chercha constamment à mettre en avant sa proximité avec l’homme d’État italien pour légitimer ses idées, pourtant minoritaires parmi les catholiques français, à l’égard du mouvement national italien. À ce titre, une telle correspondance met pleinement en évidence le caractère non pas simplement italien mais bel et bien européen du Risorgimento. La circulation des livres, la publication de revues, les traductions, tout ce qui concerne la presse et le monde de l’édition, y compris les correspondances entre auteurs et libraires, les documents privés, les projets éditoriaux, les collections, sont un des domaines les plus intéressants et les plus parcourus dans ce volume. Les articles de Marius Rusu, Juliette Mascart et Gabrielle Melison-Hirchwald se penchent sur les relations éditoriales et journalistiques nouées entre Français et Italiens du début à la fin du XIXe siècle. Marius Rusu analyse le rôle de l’éditeur florentin Giuseppe Molini, titulaire d’une maison d’édition et d’une librairie parmi les plus en vue du Grand-Duché de Toscane et de la péninsule italienne, dans la construction d’un réseau libraire italo-français. Cette étude novatrice, dans le panorama très restreint des recherches sur les éditeurs étrangers et italiens Introduction 15 en France 23, qui analyse un corpus de lettres que Giuseppe Molini envoie à son fils Luigi pendant les mois de juin à août 1844, permet d’éclairer le monde en effervescence de l’édition dans la capitale française, marqué par les exilés italiens qui s’y sont installés, ainsi que l’édition parisienne et le commerce florissant des livres italiens. Alors que la presse italienne en France a commencé à être partiellement explorée 24, Juliette Mascart déplace son attention sur l’image de l’Italie véhiculée par Stendhal dans la presse anglo-saxonne. Elle étudie les chroniques que Stendhal adresse aux périodiques d’outre-Manche de 1822 à 1829, dans lesquelles il s’attache à faire connaître à ses lecteurs les « principaux poètes vivants d’Italie » : Vincenzo Monti, Ugo Foscolo, Silvio Pellico et Alessandro Manzoni. Stendhal sou- ligne le rôle déterminant de Bonaparte et montre l’incidence de la férule autrichienne et de l’emprise du gouvernement papal sur le développement de la littérature italienne, menacée d’autre part par l’influence hégémonique des modèles anglais et français. Gabrielle Melison-Hirchwald termine cette exploration transnationale de la presse par une étude portant sur l’image du romancier français Alphonse Daudet dans les journaux italiens. Elle examine l’intérêt pour l’œuvre et la carrière du romancier à travers le dépouillement de plusieurs quotidiens d’information : les articles mettent en avant la diversité de sa production, à travers une comparaison fréquente avec Zola, ainsi que ses relations avec l’Académie française et l’Académie Goncourt ; mais aussi ses importants liens d’amitié transalpins, noués avec des personnalités aussi différentes que celles d’Edmondo De Amicis, de Joseph Primoli ou du peintre Giuseppe De Nittis.

23. Cf. M.I. Palazzolo, « Un editore francese in lingua italiana : Louis Claude Baudry », Studi storici, vol. 28, no 1, 1987, p. 203-224 ; D. Cooper-Richet et E. Borgeaud, Galignani, Paris, Galignani, 1999. 24. En particulier le journal L’Exilé, avec les études de G. Borioni, L’Exilé : revue littéraire bilingue de l’émigration carbonara (1832-1834), thèse de doctorat en littérature et civilisation italiennes, Université Paris 8, 2000 ; M.L. Belleli, Voci italiane da Parigi. « L’esule-L’exilé » (1832-1834), introduction et édition sous la direction de C. Trinchero, Turin, Tirrenia Stampatori, 2002 ; A. Nacinovich, « Letteratura e educazione nazionale. “L’Exilé. Journal de littérature italienne ancienne et moderne” (1832-1834) », Italianistica, 2011/2, p. 13-21 ; A.A. Zucconi, « Un giornale dall’esilio. “L’esule-L’exilé. Giornale di letteratura italiana antica e moderna” », Viaggiatori. Circolazioni, scambi ed esilio [en ligne], vol. 1, no 1, 2017, http://www.viaggiatorijournal.com/cms/cms_files/[email protected]. Le journal L’Italiano a quant à lui fait l’objet de la thèse de doctorat d’I. Gabbani, « L’Italiano ». Un foglio letterario nella Parigi della Monarchia di Luglio, Université de Pise, 2015. Enfin, sur les journaux politico-littéraires de Cristina de Belgiojoso, après les études pionnières de Gasparinetti dans les années 1930, voir aujourd’hui K. Rörig, « “Cooperare al progresso de’ veri principii di libertà, di indipendenza e di nazionalità”. Il giornalismo di Cristina Trivulzio di Belgiojoso », in Cristina di Belgiojoso. Politica e cultura nell’Europa dell’Ottocento, G. Conti Odorisio, C. Giorcelli, G. Monsagrati (dir.), Naples, Loffredo, 2010, p. 319-345. 16 M. Colin, L. Fournier-Finocchiaro, S. Tatti

Le volume s’achève avec deux articles consacrés aux écritures et enjeux littéraires entre France et Italie. Chiara Tavella parcourt les journaux intimes, les carnets et la correspondance inédite de Santorre di Santa Rosa, ainsi que les volumes de sa bibliothèque personnelle, afin de tracer le parcours éducatif ainsi que le mûrissement politique et linguistique du patriote piémontais. Elle reconstruit les étapes de son rapport à la France, à partir de sa jeunesse orientée vers les modèles culturels transalpins, sa phase caractérisée par une gallophobie croissante et enfin ses années d’exil à Paris marquées par un rapprochement avec la culture française, grâce notamment à son amitié avec Simonde de Sismondi et Victor Cousin. Chiara Tognarelli examine la relation à la France de Carducci dans les années soixante par un commentaire ponctuel de l’épode Per Eduardo Corazzini, composée pendant l’été 1867. Dans les vers militants du poète, la « nation sœur » entretient avec l’Italie un dialogue serré. Un lien inséparable unit, pour Enotrio Romano, la France et l’Italie, et l’analyse de ce poème emblématique éclaire le rôle que la France a joué dans l’ensemble de l’œuvre du « vate de l’avvenire », notamment dans la définition de sa poétique et de sa vision politique. La reconstruction de ces réseaux, entre théâtre, lieux-refuges des exilés, presse, revues, élaborations littéraires, montre comment, au cours du XIXe siècle, les images réciproques que la France et l’Italie se renvoient sont soumises à des relectures qui dialoguent avec les images conventionnelles et les stéréotypes ; c’est tout un vocabulaire qu’il faut refonder, à partir du dépassement de toute idée de primauté, de supériorité, décadence, progrès différents. Ainsi les itinéraires que ce numéro deTransalpina propose doivent être inscrits dans le système complexe et élargi de la communication culturelle franco-italienne, dans laquelle les histoires des individus et des intellectuels s’entrecroisent avec un réseau de références qui reflètent la multiplicité des occasions culturelles tout au long du XIXe siècle.

Mariella Colin ERLIS – Normandie Université, Caen

Laura Fournier-Finocchiaro Université Paris 8

Silvia Tatti Université de Rome La Sapienza LES ACTEURS ITALIENS DE LA VIE MUSICALE EN FRANCE AU XIXe SIÈCLE Approche prosopographique et analyse des réseaux

Résumé : Les opéras italiens connaissent une très large diffusion en France au XIXe siècle, qu’ils soient représentés en version originale au Théâtre-Italien de Paris ou sous la forme de traductions sur les autres scènes parisiennes et de province. Cette diffusion est encouragée sous l’Empire par le goût prononcé de Napoléon pour la musique italienne et se poursuit sous la Restauration avec le succès des opéras de Rossini. Loin de se limiter à l’art lyrique, l’influence de la musique italienne en France se manifeste au sein d’institutions telles que le Conservatoire de Paris, le Théâtre-Italien, l’Opéra de Paris et son École de danse, l’Académie des Beaux-Arts et l’Ordre national de la Légion d’honneur. Qu’ils soient compositeurs, directeurs de théâtre, décorateurs, chanteurs, instrumentistes, chefs d’orchestre, danseurs, journalistes, éditeurs ou facteurs d’instruments, les centaines d’acteurs italiens de la vie musicale en France exercent leurs professions dans toutes les branches du secteur. Riassunto : Le opere italiane conoscono una larghissima diffusione in Francia nell’Ottocento, che vengano rappresentate in versione originale nel Teatro italiano di Parigi o sotto forma di traduzioni sulle altre scene parigine e di provincia. Questa diffusione viene incoraggiata durante il Primo Impero francese dalla spiccata preferenza di Napoleone per la musica italiana, e prosegue all’epoca della restaurazione con il successo delle opere di Rossini. L’influenza della musica italiana in Francia non si limita all’arte lirica, ma si manifesta nell’ambito di istituzioni come il Conservatorio di Parigi, il Teatro italiano, l’Opera di Parigi e la sua Scuola di ballo, l’Accademia delle belle arti e l’Ordine nazionale della Legione d’onore. Che siano compositori, direttori di teatro, scenografi, cantanti, strumentisti, direttori d’orchestra, ballerini, critici musicali, editori o fabbricanti di strumenti musicali, le centinaia di attori italiani della vita musicale in Francia esercitano le loro professioni in tutti i rami del settore.

Les opéras italiens connaissent une très large diffusion en France au XIXe siècle, qu’ils soient représentés en version originale au Théâtre-Italien de Paris ou sous la forme de traductions et d’adaptations sur les autres scènes parisiennes et de province. Cette diffusion est encouragée sous l’Empire par le goût prononcé de Napoléon pour la musique italienne et se poursuit sous la Restauration avec le large succès des opéras de Rossini. L’influence de la musique italienne en France est cependant loin de se limiter à l’art lyrique.

Transalpina, no 21, 2018, Entre France et Italie…, p. 17-34 18 Matthieu Cailliez

L’objet de cette contribution consiste dans l’étude des multiples acteurs italiens du milieu musical français au XIXe siècle, qu’ils soient compositeurs, chanteurs, instrumentistes, chefs d’orchestre, librettistes, traducteurs, critiques musicaux, décorateurs, éditeurs de musique, facteurs d’instruments, danseurs, chorégraphes, enseignants, directeurs de théâtre ou de conservatoire, ainsi qu’à l’analyse de leurs réseaux franco-italiens. Il ne s’agit pas tant de procéder à l’étude isolée de biographies d’individualités exceptionnelles, telles que celles des compositeurs Rossini, Bellini, Donizetti et Verdi 1, que d’analyser de manière synthétique des séries ou des groupes de personnalités italiennes représentatives et constitutives de la vie musicale en France en général et du milieu musical parisien en particulier. Le but de cet article est de mettre en relief la variété des professions exercées par les Italiens, de souligner l’excellence de leur ancrage institutionnel et de modifier le regard sur l’histoire de la musique, souvent concentrée sur quelques noms dès qu’il est question d’évoquer les relations entre la France et l’Italie. Les principaux acteurs italiens ou d’origine italienne qui ont été retenus pour ce travail sont ceux qui possèdent une notice biographique ou qui sont mentionnés dans le Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle, publié en 2003 sous la direction de Joël-Marie Fauquet 2. Parfois succinctes, les informations contenues dans les notices de ce dictionnaire ont été complétées à l’aide d’autres ouvrages, dont les deux grandes encyclopédies musicales de référence au niveau international, à savoir Die Musik in Geschichte und Gegenwart et The New Grove Dictionary of Music and Musicians. En résumé, cet article constitue la synthèse d’un travail prosopographique dont la liste de notices individuelles des personnes étudiées n’apparaît pas en tant que telle 3. Les différents thèmes abordés sont le Théâtre-Italien, la diffusion de l’opéra italien en province, les méthodes de chant et le Conservatoire de Paris, le ballet et l’École de danse de l’Opéra de Paris, l’édition musicale et les périodiques musicaux, les instrumentistes et les facteurs d’instruments, l’Académie des Beaux-Arts de l’Institut de France et l’Ordre national de la Légion d’honneur.

1. La correspondance de ces quatre compositeurs est riche de renseignements sur leurs relations avec la France : G. Rossini, Lettere e documenti, B. Cagli et S. Ragni (éd.), Pesaro, Fondazione Rossini, 1992-2016, 4 vol. ; G. Zavadini, Donizetti. Vita, musiche, epistolario, Bergame, Istituto italiano d’arti grafiche, 1948 ; V. Bellini, Nuovo Epistolario 1819-1835 (con documenti inediti), C. Neri (éd.), Catane, Agorà, 2005 ; I Copialettere di , G. Cesari et A. Luzio (éd.), Milan, Stucchi Ceretti, 1913. 2. Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle, J.-M. Fauquet (dir.), Paris, Fayard, 2003. 3. L’idée de départ de cet article nous est venue à la lecture d’un article du musicologue Emmanuel Reibel : E. Reibel, « Les critiques musicaux au XIXe siècle : approche prosopographique et statistique », Médias 19 [en ligne], Les journalistes : identités et modernités, G. Pinson et M.-È. Thérenty (dir.), http://www.medias19.org/index.php?id=23681. Les acteurs italiens de la vie musicale en France… 19

Théâtre-Italien Entre 1801 et 1878, Paris dispose d’une institution spécifique, le Théâtre-Italien, dotée d’une troupe italienne permanente et chargée d’assurer la création française en version originale des plus récentes opere buffe, semiserie et serie des compositeurs transalpins contemporains 4. De manière paradoxale, une grande partie des livrets de ces opéras italiens est fondée sur des sources françaises 5. L’institution d’un théâtre lyrique consacré au répertoire italien n’est pas l’apanage de la capitale française au XIXe siècle. De nombreuses capitales européennes possèdent un théâtre italien ou jouissent d’une saison d’opéra italienne, à l’instar de Lisbonne, Vienne et Londres. Le 1er novembre 1807, Napoléon Bonaparte signe un décret réduisant le nombre des théâtres parisiens à huit 6, ce qui met fin à la prolifération des théâtres amorcée sous la Révolution. Le Théâtre-Italien fait alors partie, avec l’Opéra, la Comédie-Française et l’Opéra-Comique, des quatre « premiers » théâtres, tandis que les quatre « seconds » théâtres sont le Vaudeville, les Variétés, la Gaîté et l’Ambigu-Comique. Le Théâtre-Italien possède désormais les droits exclusifs de représentation des opéras italiens en langue originale à Paris et dans la banlieue parisienne. L’omniprésence transalpine se manifeste à tous les niveaux du théâtre, depuis la direction administrative ou musicale jusqu’au simple musicien d’orchestre, en passant par les chanteurs solistes, les librettistes ou les compositeurs. Sur le plan administratif, le théâtre est notamment dirigé, dans la première moitié du XIXe siècle, par les compositeurs Gaspare Spontini et Giovanni Battista Viotti, ainsi que par les chanteurs Gaetano Crivelli, Luigi Barilli, Angelica Catalani et . À l’instar des directeurs, chanteurs et chefs d’orchestre, les directeurs de la musique sont la plupart du temps de la même nationalité avec, entre autres titulaires de ce poste, Giuseppe Mosca, Gaspare Spontini, Ferdinando Paër, Gioachino

4. Voir : A. Fabiano, Histoire de l’opéra italien en France (1752-1815). Héros et héroïnes d’un roman théâtral, Paris, CNRS Éditions, 2006 ; N. Wild, « Théâtre-Italien », in Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle, p. 1207-1208 ; J. Mongrédien, Le Théâtre-Italien de Paris (1801-1831). Chronologie et documents, Lyon, Symétrie, 2008, 8 vol. ; J. Mongrédien, La musique en France des Lumières au Romantisme (1789-1830), Paris, Flammarion, 1986, p. 106-135 ; C. Frigau Manning, Chanteurs en scène. L’œil du spectateur au Théâtre-Italien (1815-1848), Paris, Champion, 2014. 5. Sources françaises des opéras de Donizetti, Rossini et Verdi : Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle, p. 396-397, 1089 et 1266 ; M. Cailliez, La diffusion du comique en Europe à travers les productions d’opere buffe, d’opéras-comiques et de komische Opern (France – Allemagne – Italie, 1800-1850), thèse de doctorat en musique et musicologie, Universités de Paris-Sorbonne, Bonn et , vol. 1, 2014, p. 59-90. Publication en ligne : http://hss.ulb.uni-bonn.de/2016/4527/4527.htm. 6. Arch. nat. AJ/13/61. 20 Matthieu Cailliez

Rossini et Giovanni Tadolini 7. Souvent recrutés directement dans la péninsule, certains des meilleurs chanteurs et chanteuses d’opéra italien se produisent avec succès sur la scène parisienne durant une ou plusieurs saisons, qu’ils soient transalpins, comme Giuditta Pasta, Ester Mombelli, Felice Pellegrini, Filippo Galli, Luigi Lablache, Giovanni Battista Rubini et Giulia Grisi, ou d’autres nationalités, comme Manuel García, Maria Malibran, Henriette Sontag, Nicolas Levasseur, Sophie Cruvelli, etc. 8. Les multiples liens franco-italiens noués par les compositeurs français lors de leurs séjours en Italie après l’obtention du prix de Rome sont parfois réactivés au profit du théâtre parisien. Six ans après son premier voyage entre 1812 et 1815, Ferdinand Hérold retourne ainsi en Italie en 1821 afin de recruter des chanteurs pour le Théâtre-Italien, où il a été engagé comme pianiste accompagnateur et dont il deviendra chef de chant, et de préparer la reprise à Paris de l’opéra Mosè in Egitto de Rossini en 1822 9. Il est précédé dans sa mission de recruteur par d’autres musiciens français, tels que le compositeur Henri-Montan Berton en 1808 ou le chef d’orchestre Jean-Jacques Grasset en 1818. Quelques mois avant de prendre la direction du Théâtre-Italien, Édouard Robert fait lui-même le déplacement en Italie durant l’été 1829 pour constituer sa troupe de chanteurs, et Rossini le conseille dans ses choix 10. Plusieurs opéras sont expressément composés pour le Théâtre-Italien, notamment I virtuosi ambulanti (1807) de Fioravanti, (1825) de Rossini pour célébrer le couronnement du roi Charles X, I puritani (1835) de Bellini, I briganti (1836) de Mercadante, Marino Faliero (1835) et Don Pasquale (1843) de Donizetti. En outre, Rossini, Donizetti et Verdi, dont les biographies sont marquées par de nombreux séjours à Paris 11, composent aussi quelques ouvrages sur des livrets français, le plus souvent d’Eugène Scribe, qui sont créés à l’Opéra et à l’Opéra-Comique. Des ouvrages tels que (1828), Guillaume Tell (1829), Les Martyrs (1840), La Fille du régiment (1840), Dom Sébastien (1843), Les Vêpres siciliennes (1855) et Don Carlos (1867) élargissent l’influence italienne à l’ensemble des théâtres

7. N. Wild, Dictionnaire des théâtres parisiens (1807-1914), Lyon, Symétrie, 2012, p. 198-203. 8. B. Schilling-Wang, « Paris », in Die Musik in Geschichte und Gegenwart, L. Finscher (dir.), 2e éd., Cassel, Bärenreiter, 1997, Sachteil, vol. 7, p. 1367-1369 ; J. Mongrédien, Le Théâtre-Italien de Paris…, p. 117-129. 9. F. Hérold, Lettres d’Italie suivies du journal et autres écrits (1804-1833), H. Audéon (éd.), Weinsberg, Musik-Edition Lucie Galland, 2008 ; Hérold en Italie, A. Dratwicki (éd.), Lyon, Symétrie, 2009. 10. J. Mongrédien, Le Théâtre-Italien de Paris…, p. 29-32. 11. A. Di Profio, « Les séjours de Verdi à Paris », in Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle, p. 1264-1267. Les acteurs italiens de la vie musicale en France… 21 lyriques de la capitale et s’ajoutent aux nombreux opéras et opéras-comiques français composés par Cherubini, Bruni, Fiocchi, Porta, Bianchi, Tarchi, Paisiello, Nicolò, Spontini, Pacini, Paër, Catrufo, Blangini, Carafa, Benincori, Marliani et Bordese 12. Les transferts culturels franco-italiens dans le théâtre lyrique peuvent donner lieu à des situations particulièrement cocasses. Créé au Teatro Nuovo de Naples en 1836, l’opéra italien Betly de Donizetti est fondé sur le même livret que l’opéra-comique Le Chalet d’Eugène Scribe et Adolphe Adam, créé à Paris en 1834. Ironie de l’histoire, Adam se montre peu rancunier et accepte d’arranger la musique de l’opéra de Donizetti pour sa reprise à l’Opéra de Paris dans une traduction française d’Hippolyte Lucas 13. Huit représentations de Betly sont ainsi données sur la première scène parisienne entre 1847 et 1854. Créé à l’Opéra-Comique en 1840, La Fille du régiment de Donizetti connaît un succès à l’échelle européenne, notamment en Italie sous le titre La Figlia del reggimento dans une traduction supervisée par le compositeur. Alors que la version originale compte plusieurs centaines de représentations à l’Opéra-Comique, cela n’empêche pas l’ouvrage d’être représenté vingt fois en traduction italienne sur la scène voisine du Théâtre-Italien entre 1850 et 1870. L’influence italienne dans les théâtres parisiens passe aussi par l’activité de trois décorateurs, Ignazio Degotti, Pierre-Luc-Charles Ciceri et Domenico Ferri, né à Turin pour le premier, issu d’une famille milanaise pour le second 14 et natif de Bologne pour le troisième. Après avoir travaillé pour plusieurs théâtres de la péninsule, notamment à Rome et à Naples, Degotti s’installe à Paris vers 1790, est engagé au Théâtre de Monsieur (Théâtre Feydeau) en 1791, puis à l’Opéra de Paris en 1795, institution où il reste employé jusqu’en 1822, avec deux interruptions provisoires entre 1805 et 1808, puis entre 1810 et 1816. De son côté, Ciceri est engagé à l’Opéra de Paris en 1804, monte rapidement dans la hiérarchie du théâtre, partage avec Degotti la direction de l’atelier de peinture à partir de 1816, avant d’assumer seul la fonction de peintre en chef à partir de 1822. Il rend visite au décorateur milanais Alessandro Sanquirico et s’inspire de son travail pour réaliser les décors de l’opéra La Muette de Portici (1828) d’Auber. Au total, l’atelier de Ciceri fournit plus de trois cents réalisations de décors destinés à l’Opéra, à de nombreux théâtres parisiens, dont le Théâtre-Italien, à plusieurs théâtres de province et à l’étranger, ainsi qu’à quelques théâtres

12. N. Wild et D. Charlton, Théâtre de l’Opéra-Comique. Répertoire 1762-1972, Bruxelles, Mardaga, 2005. 13. Dictionnaire de l’opéra-comique français, F. Claudon (dir.), Berne, Peter Lang, 1995, p. 88-90. 14. N. Wild, « Ciceri », in ibid., p. 275 ; N. Wild, « Degotti », in ibid., p. 366. 22 Matthieu Cailliez privés. La très longue et brillante carrière du décorateur de théâtre n’est pas affectée par les différents changements de régime, depuis le Premier Empire jusqu’au Second Empire, en passant par la Restauration, la monarchie de Juillet et la Seconde République. Il est toutefois perçu comme le représentant d’un art de la scénographie à la française du point de vue technique et non comme un décorateur italien, contrairement à l’artiste Domenico Ferri, peintre-décorateur du Théâtre-Italien entre 1829 et le début des années 1850. Actif à Rome, Bologne et Naples entre 1818 et 1835, Ferri est embauché par Édouard Robert pour « faire de l’italien » 15.

Diffusion de l’opéra italien en province Bien que le Théâtre-Italien de Paris soit le seul théâtre lyrique français capable financièrement d’employer une troupe permanente de chanteurs transalpins, certaines villes de province accueillent occasionnellement les tournées de troupes italiennes et sont en mesure d’offrir à leurs publics quelques représentations lyriques en version originale. C’est le cas par exemple, sous la monarchie de Juillet, de Marseille, Lyon, Montpellier, Strasbourg, Toulouse, Toulon, Avignon, Bordeaux, Rouen et Chambéry, outre les tournées de troupes italiennes organisées en Corse et en Algérie 16. Néanmoins, la diffusion de l’opéra italien en province se fait surtout par l’intermédiaire de la traduction, en raison des contraintes matérielles des théâtres et par manque d’interprètes 17. Le modèle de diffusion français des opéras de Rossini sous la Restauration commence par la représentation de la version originale en langue italienne au Théâtre-Italien de Paris, avant de conquérir les grandes villes de province en traduction française sous les titres Le Barbier de Séville, La Pie voleuse, , Moïse, L’Italienne à Alger, etc. 18. La diffusion en province de ses opéras, comme celle des opéras de Mozart et de Weber, est assurée en grande partie par les traductions et arrangements du musicographe, critique musical et éditeur français François-Henri-Joseph Blaze, dit Castil-Blaze.

15. C. Frigau Manning, Chanteurs en scène…, p. 384-406. 16. M. Cailliez, La diffusion du comique en Europe…, vol. 1, p. 172-174 ; vol. 2, p. 615-632. 17. D. Pistone, « La traduction des livrets d’opéra en France : les leçons du passé », in La traduction des livrets. Aspects théoriques, historiques et pragmatiques (Actes du colloque international tenu en Sorbonne, Paris, les 30 novembre, 1er et 2 décembre 2000), G.R. Marschall (dir.), Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2004, p. 135. 18. Pour l’exemple de Rouen, lire : S. Langlois, « L’arrivée des opéras de Rossini, Bellini et Donizetti au Théâtre des Arts », in Un siècle de spectacles à Rouen (1776-1876), F. Naugrette et P. Taïeb (éd.), Rouen, Publications des universités de Rouen et du Havre – Publications numériques du CÉRÉdI (Actes de colloques et journées d’étude ; 1), 2009. Les acteurs italiens de la vie musicale en France… 23

La situation est différente en ce qui concerne les opéras de Donizetti. Contrairement à Rossini, ce dernier supervise lui-même les traductions françaises de ses opéras effectuées sous la monarchie de Juillet afin de toucher les droits d’auteur lors des représentations données en province. Il écrit ainsi le 7 décembre 1842 à son ami Antonio Vasselli : « Ora sto facendo la traduzione di Linda [di Chamounix] in francese, onde gettar du pâturage aux provinces et y recevoir les droits d’auteur. Voilà la morale » 19. Le 30 mars 1843, il envoie au même interlocuteur une lettre dans laquelle il affirme être l’auteur des traductions françaises de tous ses opéras italiens, dont , Maria Padilla, Belisario, Lucrezia Borgia, Don Pasquale et , quoi qu’en disent les journaux français et belges 20. La correspondance de Verdi avec l’éditeur milanais Ricordi montre que le compositeur apporte le plus grand soin à la diffusion de ses opéras en France, comme Donizetti, et ce jusqu’à la fin de sa carrière, n’hésitant pas à défendre parfois ses droits devant la justice 21. Octogénaire, il réalise encore avec son librettiste italien Arrigo Boito et Paul Soulanges la traduction française de Falstaff qui sera créée le 18 avril 1894 à l’Opéra-Comique 22. La présence de chefs d’orchestre italiens ou d’origine italienne à la tête de grands orchestres de province facilite le succès des œuvres transalpines et le rayonnement de l’art musical italien. Avant de s’installer à Paris en 1804, l’éditeur de musique et compositeur Antonio Pacini est ainsi chef d’orchestre du Théâtre de Nîmes au début du siècle. Né en Italie en 1820, Giuseppe Luigini est de même chef d’orchestre du Capitole de Toulouse, puis du Grand Théâtre de Lyon et du Théâtre-Italien de Paris. Formé au Conservatoire de Paris, son fils Alexandre est nommé violon solo de l’orchestre du Grand Théâtre de Lyon en 1869, avant d’en devenir à son tour le chef d’orchestre en 1877, outre son poste de professeur d’harmonie à l’École de musique et la fondation des concerts de Bellecour en 1880. Cette influence italienne passe également par la création d’opéras sur d’autres scènes que les théâtres parisiens. Né à Palerme en 1817, Salvatore Agnelli s’installe en 1846 à Marseille où trois de ses opéras sont créés au Grand-Théâtre entre 1849 et 1860.

19. G. Zavadini, Donizetti…, p. 643. 20. Ibid., p. 664. 21. J. Rosselli, « Verdi e la storia della retribuzione del compositore italiano », Studi musicali, II, 1983, p. 11-28 ; I Copialettere di Giuseppe Verdi, G. Cesari et A. Luzio (éd.), p. 167, 366-367 et 702-710. 22. Ibid., p. 721. 24 Matthieu Cailliez

En définitive, la diffusion de l’opéra italien en province est loin d’être uniforme et présente plusieurs visages, entre jacobinisme et régionalisme, avec d’une part la reprise en traduction des ouvrages représentés à Paris, et d’autre part l’action locale de musiciens transalpins ou les tournées de troupes italiennes.

Méthodes de chant et Conservatoire de Paris Dès sa création en 1795, le Conservatoire de Paris, à savoir la plus importante institution de pédagogie musicale au niveau national jusqu’à nos jours, est placé sous l’influence durable de la musique italienne en général et de l’enseignement du chant en particulier. Dans leurs recherches entre- prises conjointement et consacrées à l’enseignement du chant italien en France entre la fin de l’Ancien Régime et la Restauration, Sylvie Mamy et Philippe Lescat ont établi à deux reprises la liste des dizaines de recueils didactiques italiens ou inspirés des Italiens publiés en France entre 1769 et 1830, voire au-delà, faisant la distinction entre les solfèges italiens d’auteurs anciens, les solfèges italiens d’auteurs contemporains installés en France, les solfèges d’après l’école italienne écrits par des Français, les solfèges consistant en des livres sans exercice, les traités d’Italiens écrivant en français, les traductions en français de traités d’auteurs italiens et les méthodes d’harmonie et d’accompagnement écrites par des Italiens 23. Parmi les auteurs italiens contemporains de solfèges et de méthodes de chant publiés en France à la fin du XVIIIe siècle et au XIXe siècle, souvent installés dans l’Hexagone, on compte Giuseppe Aprile, Janvier Biferi, Luigi Bordese, Marco Bordogni, Antonio Bartolomeo Bruni, Giuseppe Cambini, Giuseppe Catrufo, Ferdinando Carulli, Gustavo Carulli, Luigi Cherubini, Girolamo Crescentini, Franco Falco, Manuel García, Manuel García fils 24, Luigi Lablache, Bernardo Mengozzi, Benedetto Negri, Ferdinando Paër,

23. S. Mamy, « L’importation des solfèges italiens en France à la fin du XVIIIe siècle », in L’opera tra Venezia e Parigi, M.T. Muraro (éd.), Florence, Olschki, 1988, p. 67-89 ; P. Lescat, « L’enseignement du chant italien en France de la fin de l’Ancien Régime à la Restauration : transmission ou transformation ? Une théorie italienne adaptée au goût français : vers le règne du bel canto », in Atti del XIV Congresso della Società Internazio- nale di Musicologia. Trasmissione e recezione delle forme di cultura musicale. II. Study sessions, A. Pompilio et al. (éd.), Turin, EDT (Edizioni di Torino), 1990, p. 190-197 ; S. Mamy, « L’insegnamento del canto italiano in Francia dalla fine dell’Ancien Régime alla Restaurazione : trasmissione o trasformazione ? Obiettivi didattici degli autori di metodi di canto italiani pubblicati a Parigi », in ibid., p. 198-213. Voir aussi : E. Hondré, « Le Conservatoire de Paris et le renouveau du “chant français” », Romantisme, no 93, Arts et institutions, 1996, p. 83-94. 24. Deux chanteurs espagnols appartenant à l’école italienne. Les acteurs italiens de la vie musicale en France… 25

Felice Pellegrini, Vincenzo Righini, , Luigi Antonio Sabbatini et Florido Tomeoni. Philippe Lescat écrit en introduction d’un article publié en 1990 :

La prépondérance italienne dans la vie musicale française de la fin de l’Ancien Régime à la Restauration, et même au-delà, est indéniable : les Italiens sont présents sur les scènes, dans les institutions. Grâce à la publication de recueils didactiques, leur influence s’exerce également sur la conception de la théorie française : ainsi, à la fin du XVIIIe siècle, la synthèse des méthodes italiennes et françaises a donné naissance à un nouveau système 25.

L’enseignement du solfège à la manière italienne est adopté par le Conservatoire de Paris dès sa création en 1795, puis par Alexandre-Étienne Choron dans son Institution royale de musique classique et religieuse sous la Restauration. Publiée en 1803, la Méthode de chant du Conservatoire de Musique contient des extraits d’œuvres de Hasse, Léo, Jommelli, Caffaro, Piccinni, Sacchini, Johann Cristian Bach, Sarti, Cimarosa, Maio, Galuppi et Traetta. Dans le même esprit, Choron publie avec Vincenzo Fiocchi en 1804 les Principes d’accompagnement des écoles d’Italie, extraits des meilleurs auteurs : Léo, Durante, Fenaroli, Sala, Azopardi, Sabbatini, le père Martini et autres. Pour l’enseignement au sein de ses classes de solfège, de chant et de vocalisation, le Conservatoire de Paris considère comme « classiques », dans son règlement de 1822, les solfèges d’Italie, les solfèges de Léo, Cafaro, Aprile et La Barbiera, les exercices de Crescentini, les cantates de Scarlatti et Porpora, les duos de Durante, Clari et Steffani, et les psaumes de Marcello 26. Le Conservatoire accueille de nombreux enseignants italiens dans ses rangs. Le ténor et compositeur florentin Bernardo Mengozzi y est professeur de chant entre 1795 et 1800, c’est-à-dire dès la création de l’institution. Arrivé à Paris en 1799, le ténor et compositeur turinois Felice Blangini est de même professeur de chant entre 1816 et 1828, suivi par le ténor bergamasque Marco Bordogni entre 1819 et 1823, puis entre 1830 et 1856, par le ténor lombard Davide Banderali entre 1828 et 1849, la basse turinoise Felice Pellegrini entre 1829 et 1832, la basse romaine Filippo Galli entre 1843 et 1853, le guitariste et compositeur Michele Giuliani, originaire des Pouilles, entre 1850 et 1867, et le compositeur lombard Uranio Fontana entre 1856 et 1865. Après avoir chanté au Théâtre-Italien à partir de 1861, le baryton livournais Enrico Delle Sedie, ami de Verdi, est aussi professeur de chant au Conservatoire entre 1867 et 1871. D’origine italienne, Louis-Désiré Besozzi

25. P. Lescat, « L’enseignement du chant italien en France… », p. 190. 26. Ibid., p. 195-196. 26 Matthieu Cailliez est professeur de solfège dans les années 1830. Directeur de la musique de la chambre de Louis-Philippe et maître de chapelle des ducs d’Orléans, le compositeur parmesan Ferdinando Paër est inspecteur depuis trois ans au Conservatoire lorsqu’il y enseigne la composition en 1838. Né à Naples, Michele Carafa est professeur de composition entre 1840 et 1870. La carrière de loin la plus remarquable dans cette institution est celle de Luigi Cherubini. D’origine florentine, il est nommé professeur de musique en 1794 à l’Institut national de musique qui prend l’année suivante le nom de Conservatoire national. Il y est nommé inspecteur en 1795, professeur de composition en 1816, puis directeur entre 1822 et 1842, outre ses fonctions de membre de l’Institut et de surintendant de la Chapelle royale. Durant sa longue direction, il réalise de nombreuses réformes, fonde la Société des concerts du Conservatoire en 1828 et encourage la fondation d’écoles de musique en province, notamment à Avignon en 1828 et à Marseille en 1830 27. Cherubini aurait pu être précédé à son poste de directeur par un autre compositeur italien. Arrivé à Paris en 1802, Paisiello est nommé directeur de la Chapelle musicale d’État par Napoléon, mais refuse la direction de l’Opéra de Paris et du Conservatoire de Paris. En dehors du Conservatoire, les compositeurs napolitains Giuseppe Catrufo, Antonio Pacini et Luigi Bordese, et la soprano florentine Carlotta Patti sont également professeurs de chant à Paris. Petit-fils du compositeur italien Niccolò Piccinni, le pianiste, chef d’orchestre et compositeur Louis-Alexandre Piccinni enseigne à Paris entre 1827 et 1836, avant de diriger des écoles de musique à Boulogne, Toulouse et Strasbourg. En résumé, le poids de l’école vocale italienne dans l’enseignement de la musique en France est considérable et s’étend depuis le Conservatoire de Paris à l’ensemble du territoire national, à travers la mobilité des professeurs italiens et des anciens élèves des classes de solfège, de chant et de composition, et par le biais de l’édition d’une riche littérature de solfèges et de méthodes de chant. Cette influence transalpine se manifeste également dans le domaine de la danse.

Ballet et École de danse de l’Opéra de Paris Parmi les trente-six danseuses et vingt-et-un danseurs qui constituent les « Principaux solistes de la danse à l’Opéra de Paris » au XIXe siècle 28, pas moins de dix-sept danseuses et six danseurs sont italiens ou d’origine italienne.

27. A. Jacoshagen, « Cherubini », in Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle, p. 264-266 ; F. de La Grandville, « Conservatoire de musique de Paris », in ibid., p. 308-310. 28. S. Jacq-Mioche et N. Lecomte, « Danseur », in ibid., p. 352. Les acteurs italiens de la vie musicale en France… 27

Ainsi, la moitié des danseuses solistes sont italiennes, avec Caterina Beretta, Emilia Bigottini, Giuseppina Bozzacchi, Fanny Cerrito, Claudina Cucchi (Couqui), Flora Fabbri, Amalia Ferraris, Angelina Fioretti, Sofia Fuoco, Carlotta Grisi, Carolina Rosati, Guglielmina Salvioni, Emma Sandrini, Rita Sangalli, Louise Taglioni, Marie Taglioni et Carlotta Zambelli. Les six danseurs solistes transalpins sont Eugène Coralli, Antonio Guerra, Louis Merante, Domenico Segarelli, Filippo (Philippe) Taglioni et son fils Paolo (Paul) Taglioni. À l’instar des familles Bournonville, Coulon, Gosselin et Petipa, les différents membres de la famille Taglioni forment une dynastie de danseurs, maîtres de ballet et maîtres de danse actifs à Paris et dans toute l’Europe 29. Après une brillante carrière internationale, la ballerine Marie Taglioni devient directrice de l’École de danse de l’Opéra de Paris et professeur de la classe de perfectionnement entre 1860 et 1870. Elle réforme l’institution et contribue à la création du concours annuel du Corps de ballet de l’Opéra en 1860. Suivie au XXe siècle par Carlotta Zambelli entre 1920 et 1935, elle n’est cependant pas la première artiste transalpine à la tête de cette institution. Entre 1805 et 1860, la direction de l’École de danse est en effet placée sous l’autorité du premier maître de ballet, une fonction assurée par l’Italien Jean Coralli entre 1831 et 1850, et par le Français d’origine italienne Giulio Mazarini, dit Joseph Mazilier, entre 1853 et 1859. Un point commun entre de nombreux danseurs solistes à l’Opéra de Paris est leur formation à l’École de danse de de Milan ou le passage sur cette scène au cours de leur carrière. C’est le cas entre autres de Filippo Taglioni, Giuseppina Bozzacchi, Carlo Blasis, Jean Coralli, Fanny Cerrito, Flora Fabbri, Amalia Ferraris, Sofia Fuoco, Carlotta Grisi, Paolo Taglioni, Marie Taglioni, Louis Merante, Claudina Cucchi, Caterina Beretta, Guglielmina Salvioni, Rita Sangalli et Carlotta Zambelli. Milan représente ainsi tout au long du siècle un vivier de talents pour la capitale française, et le Teatro alla Scala peut être considéré comme l’antichambre de l’Opéra de Paris en dehors de l’Hexagone. La comparaison des différentes biographies montre que le Teatro San Carlo de Naples représente le deuxième grand pôle italien de formation ou d’activité des danseurs italiens qui se produisent à Paris. Enfin, d’après le « Tableau des ballets représentés à l’Opéra au XIXe siècle » 30, au moins huit compositeurs italiens sont les auteurs de ballets représentés à l’Opéra de Paris, à savoir Luigi Cherubini, Luigi Gianella, Michele Carafa, Luigi Carlini, Cesare Pugni, Michele (Michael) Costa, Nicolò Gabrielli et Paolo Giorza, auxquels s’ajoutent six chorégraphes italiens, Jean Coralli, Philippe Taglioni, Antonio Guerra, Fanny Cerrito, Pasquale Borri et Louis Merante.

29. Ibid., p. 352 et 1196-1197. 30. S. Jacq-Mioche, « Ballet », in Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle, p. 90-93. 28 Matthieu Cailliez

Bref, qu’ils soient danseurs, chorégraphes, pédagogues ou compositeurs, les Italiens jouent un rôle de premier plan dans l’histoire du ballet français, un rôle qui trouve ses racines au début du siècle avec la création en 1813 de l’école de danse du Teatro della Scala de Milan et sa rapide affirmation en une institution de réputation internationale sous l’impulsion du maître de ballet et chorégraphe napolitain Salvatore Viganò.

Édition musicale et périodiques musicaux L’immigration d’origine napolitaine affecte de manière non négligeable le monde de l’édition musicale parisien. Père du librettiste Émilien Pacini, un proche de Rossini et de Meyerbeer, et grand-père de l’éditeur de musique Antoine de Choudens, le compositeur, professeur de chant et chef d’orchestre parthénopéen Antonio Pacini s’établit à Paris en 1804, se lance dans l’édition musicale en 1810 et poursuit cette activité jusqu’à sa mort en 1866, à l’exception d’une interruption entre 1846 et 1852 durant laquelle le fonds est géré par les frères Louis et François Bonoldi. D’abord implantée au 12, rue Favart, sa boutique est située à partir de 1819 au 11, boulevard des Italiens, à côté du Théâtre de l’Opéra-Comique. Spécialisé dans l’édition et l’arrangement d’œuvres vocales italiennes de Paisiello, Cimarosa, Zingarelli, Mayr, Fioravanti, Catrufo, Mosca, Nasolini, Vaccai, Rossini, Coppola, Donizetti, Bellini et Ronzi, Antonio Pacini publie aussi les premières œuvres instrumentales du violoniste génois Niccolò Paganini et édite plusieurs périodiques musicaux tels que le Journal des Troubadours, le Journal d’Euterpe, Le Troubadour ambulant et L’Écho lyrique 31. Rossini est lié à Pacini par un contrat d’exclusivité temporaire, avant de signer un contrat similaire avec l’éditeur Eugène Troupenas. Ami des compositeurs Rossini et Paër, du ténor Gilbert Duprez et de l’impresario Domenico Barbaja, Pacini est naturalisé français en 1832 32. Il faut souligner le fait que Barbaja est alors le plus puissant impresario italien, en charge de deux théâtres napolitains, le Teatro San Carlo et le Teatro del Fondo, entre 1809 et 1840 (auxquels s’ajouteront plus tard le Teatro Nuovo et le Teatro dei Fiorentini), de l’Opéra de Vienne et du Theater an der Wien entre 1821 et 1828, et du Teatro alla Scala de Milan entre 1826 et 1832. De plus, Rossini compose huit opéras qui sont créés au Teatro San Carlo entre 1815 et 1822, avant d’assurer la direction de la musique et de la scène au Théâtre-Italien

31. A. Devriès-Lesure, « Pacini, Antonio-Francesco-Saverio », in Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle, p. 927. Citons aussi les articles du compositeur et violoniste livournais Giuseppe Cambini, publiés en 1810 et 1811 dans les Tablettes de Polymnie. 32. C. Frigau Manning, « Pacini, Antonio », in Dizionario Biografico degli Italiani, Rome, Treccani, vol. 80, 2014, http://www.treccani.it/enciclopedia/antonio-pacini_(Dizionario-Biografico)/. Les acteurs italiens de la vie musicale en France… 29 de Paris entre 1824 et 1826, puis d’être nommé « premier compositeur du roi » et « inspecteur général du chant en France » en 1827 33. En résumé, les multiples liens unissant entre autres Pacini, Barbaja et Rossini, mais aussi Bellini et Donizetti, dont dix-neuf opéras sont créés au Teatro San Carlo et dix autres au Teatro Nuovo entre 1822 et 1844, constituent un très important réseau de diffusion de la musique italienne entre Naples et Paris dont l’ampleur ne saurait être mésestimée sous la Restauration et la monarchie de Juillet. Éditeur de musique d’origine napolitaine, comme Pacini, Nicolas- Raphaël Carli s’établit à Paris entre 1807 et 1827, fonde un commerce intitulé À la Typographie de la Syrène, situé près du Théâtre de l’Opéra-Comique, et publie des opéras italiens de Paisiello, Cimarosa et Mozart sous forme de réductions pour piano et d’arrangements pour piano ou guitare réalisés par le guitariste, compositeur et pédagogue napolitain Ferdinando Carulli 34. Ce dernier fait paraître chez le même éditeur quelques solfèges et méthodes de guitare 35. D’origine toscane, l’éditeur de musique Benacci s’installe à Lyon en 1839, où il est également facteur de pianos, puis à Paris en 1852. Parmi les principaux périodiques musicaux publiés dans la capitale française au XIXe siècle, l’esthétique italophile de La France musicale (1837-1870), un journal bihebdomadaire puis hebdomadaire fondé par les frères Léon et Marie Escudier, éditeurs de musique spécialisés dans la musique italienne 36, s’oppose à celle, germanophile, de la Revue et Gazette musicale de Paris (1834-1880), une revue hebdomadaire créée par l’éditeur de musique allemand Maurice Schlesinger 37. Les rédacteurs de La France musicale, dont fait partie le librettiste, journaliste et traducteur napolitain d’origine française Achille de Lauzières sous le pseudonyme d’Aldo Aldini en 1858 et 1859 38, prennent ouvertement position en faveur de l’école italienne. Une rivalité s’établit entre les concerts organisés par la Revue et Gazette musicale de Paris à partir de 1839, créés par Maurice Schlesinger, et ceux organisés par La France musicale à partir de 1845 qui constituent un soutien à la musique italienne et aux ouvrages de Verdi. Les frères Escudier sont en effet les associés du compositeur italien entre 1845 et 1876 pour la diffusion

33. D. Colas, « Rossini », in Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle, p. 1088-1089. 34. A. Devriès-Lesure, « Carli », in ibid., p. 211. 35. É. Kocevar, « Carulli », in ibid., p. 218. 36. A. de Place, « France musicale, La », in ibid., p. 487 ; A. Devriès-Lesure, « Escudier », in ibid., p. 433-434. 37. A. Randier-Glenisson, « Revue et Gazette musicale de Paris », in ibid., p. 1061-1062 ; A. Randier-Glenisson, « Schlesinger », in ibid., p. 1130. 38. L.A. Wright, « Lauzières-Thémines », in ibid., p. 668-669. 30 Matthieu Cailliez de ses opéras en France en langue originale et en traduction française, faisant office d’imprésarios de Verdi auprès des directeurs de théâtre et assurant le suivi des productions de ses ouvrages lyriques sur les scènes françaises. Conscients de l’arme commerciale mise à leur disposition, ils n’hésitent pas à exploiter autant que possible les encarts publicitaires de La France musicale afin de favoriser la diffusion des ouvrages de compositeurs italiens qu’ils éditent, ce dont témoigne par exemple l’intensité de leur campagne promotionnelle conduite entre 1843 et 1845 pour assurer la vente de la partition française et des produits dérivés de l’opéra Don Pasquale de Donizetti 39. Également auteur de nombreuses critiques musicales pour le journal conservateur La Patrie, de traductions italiennes pour des opéras tels que Carmen, Faust, Don Carlos et Hamlet, et de plus d’une vingtaine de livrets italiens, Achille de Lauzières n’est pas le seul Italien à exercer la profession de critique musical à Paris. En effet, le dramaturge, journaliste, poète, écrivain et traducteur italien naturalisé français Pier-Angelo Fiorentino, né à Naples comme son confrère, est non seulement le collaborateur d’Alexandre Dumas et l’auteur d’une traduction française de La Divine Comédie de Dante publiée en 1840, qui recueille les louanges unanimes d’écrivains français tels que Baudelaire, Hugo et Lamennais, mais aussi l’auteur de centaines de critiques littéraires et musicales publiées durant une vingtaine d’années dans La Sylphide, Le Corsaire, Le Constitutionnel, Le Moniteur universel et La France 40. Une sélection de ses articles a été publiée de manière posthume sous la forme de deux recueils 41. Plusieurs lettres des compositeurs Hector Berlioz et Adolphe Adam ou du ténor Gustave-Hyppolite Roger, datées des années 1850 et adressées à Fiorentino, témoignent de la solide insertion de ce dernier dans le monde musical parisien 42. Agent théâtral d’origine italienne installé à Paris, Adolfo (Adolphe) Giacomelli exerce aussi la fonction de critique musical, entre autres à La France musicale et à la Revue et Gazette musicale de Paris. Il est le rédacteur en chef

39. M. Cailliez, La diffusion du comique en Europe…, vol. 1, p. 174-176. 40. J.-M. Fauquet, « Fiorentino », in Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle, p. 473-474 ; « Ein französischer Musikkritiker », Neue Berliner Musikzeitung, XX, no 4, 24 janvier 1866, p. 27-28. 41. P.-A. Fiorentino, Comédies et comédiens, Paris, Michel Lévy frères, 1866, 2 vol. ; P.-A. Fiorentino, Les grands guignols, Paris, Michel Lévy frères, 1870-1872, 2 vol. 42. H. Berlioz, Correspondance générale, P. Citron (éd.), Paris, Flammarion, vol. 4, 1983, p. 110, 214, 278-279 et 611 ; J. Tiersot, Lettres de musiciens écrites en français du XVe au XXe siècle, Turin, Bocca frères, vol. 2, 1924, p. 108-109 et 270-276 ; « Lettres d’un ténor, Gustave Roger à Fiorentino », Souvenirs et Mémoires. Recueil mensuel de documents autobiographiques. Souvenirs. Mémoires. Correspondance, P. Bonnefon (dir.), Paris, Lucien Gougy, III, no 23, 15 mai 1900, p. 385-413. Les acteurs italiens de la vie musicale en France… 31 du journal La Presse théâtrale et musicale entre 1854 et 1892, ainsi que le directeur du journal bimensuel Le Luth français en 1856 et 1857, et du journal Les Petites Affiches théâtrales en 1874 et 1875 43. Les éditeurs de musique italiens occupent, somme toute, une place notable dans le monde de l’édition musicale français, sans être en mesure néanmoins de rivaliser avec leurs nombreux confrères allemands, solidement implantés à Paris depuis la fin du XVIIIe siècle 44.

Instrumentistes et facteurs d’instruments En dehors de la musique vocale, de nombreux instrumentistes italiens ou d’origine italienne se produisent avec succès en France tout au long du XIXe siècle 45. Le plus célèbre d’entre eux est certainement le violoniste Niccolò Paganini, qui donne douze concerts à Paris en 1831 et dix en 1832, et dont la virtuosité époustouflante influence durablement l’Europe musicale 46. Son élève, le violoniste Camillo Sivori, se produit en province et à Paris où il fonde en 1857 la Nouvelle société de musique de chambre 47. Le harpiste Ferdinando Marcucci s’installe en France en 1827 et donne avec succès des concerts en province, avant d’être engagé, sur la recommandation de Rossini, dans l’orchestre du Théâtre-Italien où il demeure jusqu’en 1835. Citons aussi les violonistes Teresa et Maria Milanollo, Henri Valentino et Alexandre Luigini, les guitaristes Ferdinando et Gustavo Carulli, les pianistes Adolfo Fumagalli, Tito Mattei, Louis-Alexandre Piccinni, Cesare Galeotti et Raoul Pugno, etc. Dans le domaine de la facture instrumentale, mentionnons le clarinettiste Giovanni Battista Gambaro, facteur de pianos et d’instruments en cuivre, les facteurs d’orgues Ludovic, Claude, Anselme et Ludovic II Gavioli, Alexandre Gasparini, Lodovico Piantanida et Jean-Baptiste Mentasti, le bassoniste Angelo-Gaëtan-Philippe Marzoli qui s’associe à Paris au hautboïste et facteur Charles-Louis Triébert, le facteur de pianos et de clavecins Louis Tomasini, etc. 48.

43. A. de Place, « Luth français, Le », in Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle, p. 718- 719 ; M. Haine, 400 lettres au Musée royal de Mariemont, Bruxelles, Mardaga, 1995, p. 316. 44. A. Devriès-Lesure, « Un siècle d’implantation en France dans l’édition musicale », in Le concert et son public. Mutations de la vie musicale en Europe de 1780 à 1914 (France, Allemagne, Angleterre), H.E. Bödeker, P. Veit, M. Werner (dir.), Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2002, p. 26-27. 45. G. Traglia, Ariette e amori di musicisti con un dizionarietto dei più noti musicisti italiani che soggiornarono in Francia, Gênes, Emiliano Degli Orfini, 1940. 46. A. Penesco, « Paganini », in Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle, p. 928-929. 47. J.-M. Fauquet, « Sivori », in ibid., p. 1151-1152. 48. P. Rouillé et C. Michaud-Pradeilles, « Gavioli », in ibid., p. 510 ; J. Jeltsch, « Marzoli », in ibid., p. 755 ; R. Galtier, « Mentasti », in ibid., p. 783. 32 Matthieu Cailliez

Académie des Beaux-Arts de l’Institut de France Qu’ils soient membres ou membres associés étrangers, les compositeurs italiens sont particulièrement bien représentés au sein de l’Académie des Beaux-Arts de l’Institut de France, preuve de leur influence institutionnelle exceptionnelle tout au long du XIXe siècle 49. En comparaison, les compositeurs allemands ne comptent aucun membre et seulement trois membres associés étrangers : Joseph Haydn élu en 1801, élu en 1834 et Johannes Brahms élu en 1896. Quatre compositeurs italiens naturalisés français sont ainsi élus membres de la Section V de l’Académie des Beaux-Arts, dédiée à la composition musicale. Ils exercent cette fonction jusqu’à leur décès et leurs prénoms sont francisés. Louis Cherubini occupe ainsi le fauteuil V de la Section V entre 1815 et 1842, François Paër le fauteuil III entre 1831 et 1839, Michel Carafa le fauteuil VI entre 1837 et 1872, et Gaspard Spontini le fauteuil III, où il succède à Paër, entre 1839 et 1851. En résumé, l’Institut compte au moins un compositeur italien parmi ses membres entre 1815 et 1872, et au moins deux entre 1831 et 1851. De plus, trois des six fauteuils de la section V sont occupés entre 1837 et 1842 par des compositeurs nés italiens, ce qui place le climax de la représentation transalpine au sein de cette section sous la monarchie de Juillet, parallèlement à la longue direction de Cherubini au Conservatoire de Paris. À ces quatre compositeurs membres de l’Institut, académiciens au même titre que leurs collègues nés français, s’ajoutent sept compositeurs italiens qui obtiennent le statut de membres associés étrangers : Pietro Guglielmi est élu en 1803 au fauteuil V des membres associés étrangers, Antonio Salieri en 1805 au fauteuil V, Giovanni Paisiello en 1809 au fauteuil VI, Gioachino Rossini et Nicolò Zingarelli en 1823 aux fauteuils VI et X, en 1856 au fauteuil V et Giuseppe Verdi en 1864 au fauteuil III, auxquels s’ajoutera le compositeur et librettiste Enrico (ou Arrigo) Boito en 1910 au fauteuil VI 50. De plus, est nommé membre correspondant de l’Institut en 1842. Notons que cinq artistes italiens, dont trois compositeurs, se succèdent de manière ininterrompue au fauteuil V des membres associés étrangers entre la création de ce fauteuil en 1803 et 1870. En effet, la présence italienne au sein de l’Académie des Beaux-Arts est loin de se limiter au XIXe siècle à la seule composition musicale, mais compte aussi, parmi les membres associés étrangers, les sculpteurs Antonio Canova, Pietro Tenerari, Giovanni Dupré et Vincenzo Vela, les peintres

49. http://www.academiedesbeauxarts.fr/membres/archives.php#section5. 50. http://www.academiedesbeauxarts.fr/membres/associes-etrangers.php. Les acteurs italiens de la vie musicale en France… 33

Andrea Appiani, Vincenzo Camuccini, Giuseppe Longhi et Paolo Toschi (également architecte), les architectes Ottone Calderari, Giuseppe Marvuglia, Giovanni Antolini (également écrivain), Luigi Cambray-Digny, Luigi Canina (également archéologue) et Pietro Rosa, le graveur Paolo Mercuri, ainsi que l’archéologue et numismate Giuseppe Fiorelli. Parallèlement à la politique de spoliation des œuvres d’art qui viennent enrichir les collections italiennes du musée du Louvre, rebaptisé musée Napoléon en 1803, l’origine de cette emprise italienne à l’intérieur de l’Académie des Beaux-Arts remonte sans surprise au Consulat avec l’attribution à des artistes transalpins de quatre des huit fauteuils des membres associés étrangers créés en 1802 et 1803, cinq de leurs huit successeurs immédiats étant de la même nationalité.

Ordre national de la Légion d’honneur

Institué en 1802 par Napoléon Bonaparte, l’Ordre national de la Légion d’honneur est chargé de décerner la plus haute décoration honorifique fran- çaise. Une recherche effectuée sur la base Léonore des Archives nationales 51 − une base de données qui donne accès aux dossiers nominatifs des personnes nommées ou promues dans l’Ordre de la Légion d’honneur depuis 1802 et décédées avant 1977 − permet de relever plusieurs noms de compositeurs et musiciens italiens récompensés pour les « services éminents » qu’ils ont rendus à la Nation. Salieri est ainsi élevé à la dignité de Chevalier de la Légion d’honneur le 31 janvier 1815, suivi par Spontini le 29 mai 1818, Blangini le 1er mai 1821, Bellini le 31 janvier 1835 et Donizetti le 10 juin 1841. Carafa est promu Officier le 5 mai 1847, Cherubini Commandeur le 7 février 1842, Rossini Grand-Officier le 12 août 1864 et Verdi Grand-Croix le 12 octobre 1894. Le nom de Paisiello, décoré par le roi de Naples Joseph Bonaparte en 1806 de la croix de la Légion d’honneur, n’apparaît pas dans la base de données Léonore, de même que celui de Paër qui reçoit la légion d’honneur en 1828. En comparaison, les compositeurs et musiciens originaires du monde germanique et d’Europe centrale sont moins souvent récompensés : Neukomm est nommé Chevalier le 31 janvier 1815, suivi par Hummel le 3 novembre 1826, Offenbach le 13 août 1861 et Stephen Heller peu avant sa mort survenue le 14 janvier 1888 ; Meyerbeer est promu Officier le 9 avril 1838, suivi par Liszt le 22 août 1860 et Henri Herz le 24 janvier 1863. Alors que les compositeurs italiens de premier plan sont tous honorés, nouvelle preuve de l’excellence de leur implantation et de leurs réseaux

51. http://www.culture.gouv.fr/documentation/leonore/recherche.htm. 34 Matthieu Cailliez dans la capitale française, ce n’est pas le cas de leurs homologues allemands, tels que Beethoven, Weber, Schubert, Mendelssohn, Schumann, Wagner, Brückner, Brahms, Richard Strauss et Mahler.

* * *

En conclusion, la musique italienne au sens large exerce une influence considérable sur la vie musicale française au XIXe siècle, aussi bien à Paris qu’en province. Cette influence est particulièrement visible au sein de grandes institutions telles que le Conservatoire de Paris, le Théâtre-Italien, l’Opéra de Paris et son École de danse, l’Opéra-Comique, l’Académie des Beaux-Arts et l’Ordre national de la Légion d’honneur. Qu’ils soient compositeurs d’opéras, de romances ou de musique instrumentale, directeurs de théâtre, librettistes, traducteurs, décorateurs, chanteurs, instrumentistes, chefs d’orchestre, danseurs, maîtres de ballets, journalistes, éditeurs, professeurs ou facteurs d’instruments, les acteurs italiens ou d’origine italienne de la vie musicale se comptent en France par centaines, exercent leurs professions dans toutes les branches du secteur et bénéficient d’un ancrage institutionnel supérieur à celui de leurs confrères allemands, à l’exception du domaine de l’édition musicale. Ils constituent la plus importante communauté de musiciens étrangers sous l’Empire et la Restauration, avant d’être dépassés par les musiciens allemands et belges 52. Après une forte augmentation autour de 1800, en raison de la politique musicale napoléonienne qui leur est très favorable, leur nombre atteint un sommet entre 1810 et 1820, décline légèrement par la suite, puis fortement à partir des années 1860, au moment où l’école lyrique italienne cède le pas au wagnérisme 53. L’âge d’or de la présence de musiciens italiens en France correspond ainsi aux deux premiers tiers du XIXe siècle.

Matthieu Cailliez Université Grenoble Alpes

52. Voir : D. Ehrhardt, « Les musiciens étrangers et l’émergence du champ musical. L’exemple des émigrés allemands à Paris 1760-1870 », Hommes & migrations, no 1308, décembre 2014, p. 139-147. 53. Ibid., cf. le tableau « La présence des musiciens étrangers en France, 1760-1970 », p. 146. LA PRINCIPESSA JULIE BONAPARTE, UNA SALONNIÈRE TRA PARIGI E ROMA

Riassunto : Julie Bonaparte marchesa di Roccagiovine, cugina di Napoleone III, ebbe un salotto brillante e reputato nella Parigi del Secondo Impero. Erano suoi ospiti – e amici – personaggi del mondo ufficiale, diplomatici, scrittori e intellettuali. Salonnière abile e accorta, Julie aveva anche una grande passione per la lettura e per la scrittura. Sposata con un nobile romano favorevole all’unità italiana, Julie vide il formarsi dello Stato unitario con favore ma anche con perplessità, soprattutto per quanto riguardava il destino del papato e di Roma. Tornata a Roma nel 1870 dopo la caduta del Secondo Impero, ricostruì il suo salotto. Rimasta strettamente legata (anche grazie a un’abbondante corrispondenza) con i suoi amici francesi, nei loro viaggi a Roma li metteva in contatto con le sue nuove conoscenze. In un’epoca di gravi tensioni con la Francia nella politica e nell’opinione pubblica italiana, il suo salotto invece accolse e riunì le più importanti personalità della cultura francese a Roma.

Résumé : Julie Bonaparte, marquise de Roccagiovine et cousine de Napoléon III, a tenu un salon réputé à Paris sous le Second Empire. Parmi ses invités et ses amis se trouvaient des membres du monde officiel, des diplomates, des écrivains et des intellectuels. Salonnière intelligente et habile, Julie avait aussi une passion pour la lecture et l’écriture. Mariée à un noble romain favorable à l’unité italienne, Julie approuvait la formation de l’État unitaire, mais voyait aussi avec quelque perplexité le sort de la papauté et de Rome. De retour à Rome en 1870 après la chute du Second Empire, elle reconstitua son salon. Restée étroitement liée (notamment grâce à une abondante correspondance) à ses amis français, lors de leurs voyages à Rome elle les mettait en contact avec ses nouvelles connaissances. Dans une période de fortes tensions avec la France, en politique comme dans l’opinion publique italienne, son salon réussit à réunir les personnalités les plus importantes de la culture française à Rome.

Transalpina, no 21, 2018, Entre France et Italie…, p. 35-52 36 Antonietta Angelica Zucconi

Da Roma a Parigi Come tante salonnières 1 la principessa Julie 2 Bonaparte, marchesa di Roccagiovine, amava chiedere ai suoi ospiti di lasciare un ricordo sui suoi album ; nel marzo 1858 l’ex ministro degli Esteri Édouard Drouyn de Lhuys, allora presidente della Société impériale zoologique d’acclimatation, le scrisse un galante complimento, offrendole un’ideale medaglia per aver « acclimaté en France les grâces de l’Italie et en Italie les grâces françaises » 3. Julie era in effetti una Bonaparte « italiana » ; nata a Roma nel 1830, e sposata a un nobile romano, era andata per la prima volta a Parigi nel 1847, in viaggio di nozze. Figlia di due cugini Bonaparte (Zenaide figlia di Giuseppe e Carlo Luciano figlio di Luciano), era cresciuta tra Roma e Firenze nell’ampia cerchia dei napoleonidi esiliati in Italia, sotto l’occhiuta sorveglianza delle potenze vincitrici. Il padre di Julie, Carlo Luciano, uno scienziato conosciuto e apprezzato, aveva partecipato alle vicende del 1848 e della Repubblica Romana ; nominato vicepresidente dell’Assemblea Costituente, dopo l’inva- sione francese e la caduta della Repubblica Romana era dovuto fuggire da Roma, e solo nel 1850 aveva potuto stabilirsi a Parigi, con il patto di non occuparsi più di politica. Divenuto imperatore, Napoleone III – nello spirito di clan che aveva sempre contraddistinto i Bonaparte – chiamò intorno a sé il resto della famiglia a comporre la sua Corte ; pur dichiarandosi con spavalderia un parvenu, egli si rendeva ben conto della difficoltà che avrebbe incontrato nel farsi accettare tra le famiglie reali europee. Un primo aiuto nell’imporsi nella società mondana francese gli venne da sua cugina Matilde, figlia di Gerolamo Bonaparte e di Caterina del Würtemberg, che si era stabilita a Parigi già nel 1846. Molto ricca grazie al suo matrimonio con il plutocrate russo Anatolij Demidov, bella, intelligente e di gran carattere, Matilde si era presto formata una cerchia brillante di artisti, letterati e uomini politici influenti ; fino al matrimonio dell’imperatore con Eugenia di Montijo, fu lei la première dame all’Eliseo e alle Tuileries.

1. Il sostantivo salonnière (di uso frequente al momento attuale tra gli autori italiani e anglosassoni) viene usato in Francia a partire dagli anni Ottanta del XIX secolo : cf. per esempio G. de Maupassant, « Notre cœur », Revue des Deux Mondes, mai-juin 1890, 2e partie, p. 481-525, p. 513 : « Ce n’est là, pensait-il, que du dépit de coquette, de la jalousie de salonnière à qui on a volé un bibelot rare ». Tra gli anni Settanta e Ottanta era usato piuttosto come aggettivo : température salonnière, troupe salonnière, femme salonnière, vie salonnière, étiquette salonnière ecc. Cf. anche B. Craveri, « Salons francesi e salotti italiani. Proposte di confronto », in Salotti e ruolo femminile in Italia tra fine Seicento e primo Novecento, M.L. Betri ed E. Brambilla (ed.), Venezia, Marsilio, 2004, p. 539-544. 2. Julie aveva sempre preferito essere chiamata con la versione francese del suo nome. 3. Album Julie Bonaparte, no 1, 6 mars 1858, Museo Napoleonico di Roma (d’ora in avanti MN). La principessa Julie Bonaparte… 37

Julie venne a vivere in Francia qualche anno più tardi, nel 1855 ; dal 1850 aveva già fatto lunghi soggiorni a Parigi dove, insieme al padre Carlo Luciano, riceveva ministri, uomini di lettere e scienziati, anche di idee contrastanti. Aveva solo vent’anni, ma era già sicura del ruolo che intendeva assumere : Horace de Viel-Castel, il più pettegolo memorialista dell’epoca, la descrive « gentille, très vive et très-coquette, c’est un jeune écuyer qui brûle de revêtir ses premières armes » 4. Aveva avuto un’ottima educazione, soprattutto dal padre, e già da adolescente era abituata a sostituire sua madre « à table et au salon » 5. Veniva considerata « une femme de cœur et de tête » 6, e a uno spirito « prime-sautier et cultivé » 7 univa « une candeur charmante » 8, una « grâce aimable du cœur » 9, insieme a una grande curiosità intellettuale e all’ambizione di frequentare e attirare presso di sé personalità importanti e influenti. Non era bella, ma aveva un suo fascino fatto di attenzione e accoglienza ; in un portrait, pubblicato molti anni più tardi, le venivano attribuiti « un esprit fin, mordant, curieux de s’instruire, le don d’écouter et d’admirer les autres » 10. Nella conversazione, racconta Alfred Maury, uno dei suoi fedeli, aveva « un laissez-aller et une franchise pleine de charme chez une femme de son rang » 11. Julie aveva sposato il marchese Alessandro del Gallo di Roccagiovine figlio di Luigi, unhomo novus che si era arricchito durante gli anni rivoluzionari e imperiali. Erano molto legati (ebbero cinque figli), ma non potevano essere più diversi : pignolo, limitato, pratico lui, intellettuale ed entusiasta lei. Trovarono un equilibrio : lei stava a Parigi e lui quasi sempre a Roma, ma si scrivevano tutti i giorni, e Julie era molto riconoscente ad Alessandro di toglierle preoccupazioni e noie. L’imperatore le aveva messo a disposizione, insieme ai suoi fratelli e sorelle, l’hôtel de Chabrillan, rue de Grenelle, 124 12. Julie si installò al rez-de-chaussée, tra la cour d’honneur e un grande giardino. Riceveva nel

4. H. de Viel-Castel, Mémoires sur le règne de Napoléon III (1851-1864), publiées d’après le manuscrit original et ornées d’un portrait de l’auteur, Paris, Chez tous les libraires, vol. I, 1883, p. 34, 11 février 1851. 5. La princesse Julie Bonaparte, marquise de Roccagiovine et son temps. Mémoires inédits (1853-1870), I. Dardano Basso (ed.), Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 1975, p. 11 (e da ora citato come La princesse Julie Bonaparte…). 6. Mina de Girardin à Julie, ce jeudi, MN. 7. É. Ollivier, « Thiers et les élections de 1863 », Revue des Deux Mondes, mai 1901, p. 792. 8. Mercedes de Villamil à Julie, 30 septembre 1858, MN. 9. Émile Ollivier à Julie, 30 avril 1882, no 7909, MN. 10. « Princesse Araminte », Le Gaulois, 20 août 1894. 11. A. Maury, Mémoires, Bibliothèque de l’Institut de France (d’ora in avanti BIF), Ms 2647-2656, no 2650, IV vol. (1860-1864), p. 446-447. 12. Cf. G. Gorgone, « All’ombra delle Tuileries. I Bonaparte romani alla Corte di Napoleone III », p. 47-60 e B. Briganti, « Le dimore dei Bonaparte a Parigi », p. 61-70, in Le ore dell’Imperatore. 38 Antonietta Angelica Zucconi salotto dalle boiseries argentate, nel suo « délicieux salon blanc […] toujours si frais » 13. Pur disponendo di un buon patrimonio personale, non aveva gli stessi mezzi di sua cugina Matilde, anche se – come tutti i napoleonidi presenti a Parigi – godeva di un appannaggio assegnatele dall’imperatore 14. Julie si diede subito da fare a « se composer un salon » 15, rispondendo sia alle sue ambizioni, sia a una ricerca di consenso intorno e all’interno della famiglia Bonaparte. Trovò presto il suo posto all’interno di una complicata geografia mondana, che comprendevasalons orleanisti e legittimisti, salons dell’opposizione liberale e repubblicana, salons degli accademici e degli scienziati, salons ufficiali delle consorti dei ministri o dei funzionari o delle alte cariche dello Stato. Partì dalle relazioni tessute dal padre, aggiungendovi molte personalità conosciute nel salon della cugina Matilde, dal cugino Napoleone Gerolamo o tramite altre conoscenze parigine. Si creò subito una larvata rivalità con il salon più brillante e un po’ bohème di Matilde, e una stretta complicità con la cerchia del cugino Napoleone Gerolamo, con cui divideva idee e amicizie e cui era molto legata. In sintonia con le idee liberali che erano state di suo padre e di tutta la branche Lucien (il fratello repubblicano di Napoleone), Julie scelse di creare un ambiente aperto, con un cachet frondeur 16, ma dove personaggi legati al regime imperiale e oppositori potessero incontrarsi e confrontarsi. Era molto fiera della sua posizione autonoma ; « La femme qui a un salon a bien de mérite à rester indépendante » 17, scriveva, « c’est le plus grand hommage que l’on puisse me rendre que de ne pas craindre de parler chez moi » 18. Tra 1856 e 1857 intrecciò un’amitié amoureuse con il ministro degli Interni Adolphe Billault (che divenne il grand homme del suo salon), e si legò di salda amicizia con lo storico Adolphe Thiers, il principale oppositore politico a Napoleone III. Per tutto il Secondo Impero furono poi numerosi i ministri dei vari governi imperiali che andavano da lei, dove potevano incontrare

La pendola Urania del Museo Napoleonico. Studi, incontri, restauro, F. Benedettucci (ed.), Roma, Gangemi, 2015. 13. Adolphe Billault à Julie, jeudi 31 juillet 1862, Archives départementales de la Haute-Loire (d’ora in avanti AHL), 20 Fonds Billault J. Liasse 56. 14. Queste assegnazioni variavano molto a seconda dell’appartenenza alla famille imperiale o alla famille civile di Napoleone III, differenza in cui si ripercuotevano i complicati rapporti dinastici e familiari creatasi tra i Bonaparte a partire dal primo Impero. Cf. Papiers et correspondance de la famille impériale, Paris, Garnier, 1875, t. Ier, p. 68. 15. A. Maury, Mémoires, BIF, Ms 2647-2656, no 2650, IV vol. (1860-1864), p. 446-447. 16. Cf. la prefazione di Giuseppe Primoli a E. Renan, « Lettres à la princesse Julie I. (1865- 1875) », Revue des Deux Mondes, mai-juin 1924, p. 721-759, e « Lettres à la princesse Julie II. (1875-1891) », ibid., juillet-août 1924, p. 45-78. 17. J. Bonaparte, mars 1867, Fragments I (1844-1870), MN. 18. La princesse Julie Bonaparte…, I. Dardano Basso (ed.), 28 mars 1866, p. 276. La principessa Julie Bonaparte… 39 alti funzionari, diplomatici degli altri Paesi europei, anche ecclesiastici di idee liberali come il domenicano Henri-Dominique Lacordaire e qualche anno dopo il carmelitano Hyacinthe Loyson, uno dei più celebri predicatori dell’epoca. Arrivarono anche giornalisti, storici e letterati : Prosper Mérimée e Arthur de La Guéronnière nel 1860, nel 1864 Ernest Renan (conosciuto a Palais Royal da Napoleone Gerolamo), cui si aggiunsero Émile de Girardin, Gustave Flaubert (che Julie aveva incontrato da Hortense Cornu, amica d’infanzia di Napoleone III) e – portato da Flaubert – Hippolyte Taine, infine l’archeologo ed erudito Alfred Maury. Sempre nel 1864 fu Julie a presentare, a una serata dalla principessa Troubetzkoï, Gustave Flaubert – esponente delle nuove tendenze letterarie – a Prosper Mérimée 19, che apparteneva alla generazione precedente. Julie sembrava ricercare e valutare alcuni dei suoi ospiti per il ruolo che ricoprivano (ministro, alto funzionario, militare), altri invece per quello che erano, per la loro personalità e i loro talenti. Julie si rendeva conto dell’importanza della presenza di Billault e di Thiers presso di lei : al marito scriveva : « la presenza continua di un uomo influente attira in un salone, come il sole attrae le lucertole » 20 ; con lui un po’ si prendeva in giro : « Vedo sempre i miei vecchioni e ancora non me ne stufo » 21. Dovendo chiedere qualcosa a Billault, si vantava : « [da lui] credo potrei avere anche la luna, se la luna si potesse avere » 22. I suoi due « vecchioni » (politicamente schierati su fronti opposti) nel suo salon si incontravano, discorrevano, « e furono gentili l’uno per l’altro » 23. La morte di Billault nel 1863 desolò Julie – che gli votò un culto affettuoso ; ma, oramai, poteva andare avanti da sola. La sua amicizia con Thiers non era malvista da Napoleone III, che voleva tenere aperto un canale di comunicazione con il personaggio più rilevante dell’opposizione ; a una serata alle Tuileries, scriveva Julie al marito, lei aveva riportato all’imperatore un messaggio di Thiers e, alla domanda di lui su cosa pensasse lo storico del potere temporale del papa, l’accorta Julie aveva risposto : « parla poco politica ma so che non approva che il papa perda la Romagna », aggiungendo « ormai è tutto nella letteratura e non desidera che vivere tranquillo ». L’Imperatore le aveva allora detto : « è un uomo di una istruzione rara e la sua conversazione è piacevolissima » 24. L’amicizia con Julie fu a sua volta utile a Thiers,

19. Ibid., 5 juin 1864, p. 217. 20. Julie ad Alessandro, 13 marzo 1862, no 10275/34, MN. 21. Julie ad Alessandro, 11 dicembre [1859], no 10270/52, MN. 22. Julie ad Alessandro, 29 dicembre [1859], no 10270/57 II, MN. 23. Julie ad Alessandro, 22 aprile 1861, no 10273/13, MN. 24. Julie ad Alessandro, 8 gennaio 1860, no 10270/63 I, MN. 40 Antonietta Angelica Zucconi nei primi anni imperiali, per non essere emarginato dalla vita politica ; tramite Julie inviava messaggi di conciliazione a Napoleone III e a Billault, dicendole che il ministro aveva « fatto gran “progressi” e che non può che lodare il suo modo di difendere la politica imperiale » 25. Anche dopo le elezioni del 1863, e il rientro di Thiers nella politica attiva nei ranghi dell’opposizione, la mediazione di Julie fu più volte chiesta da Mérimée (antico amico di Thiers e molto vicino alla famiglia imperiale) perché lo storico si presentasse all’inaugurazione del Corps Législatif o comunque assumesse un atteggiamento meno oppositivo verso il regime napoleonico, ma senza grande effetto 26. Julie era una salonnière professionista, occupata nel suo « mestiere » a tempo pieno e orgogliosa del successo raggiunto 27. Era tuttavia ben conscia della volatilità della vita di un salon, e preoccupata delle difficoltà ; al marito scriveva : « La mia posizione oramai è presa qui e ben presa ed è perciò che non vorrei lasciare Parigi, perché in sei mesi di assenza perderei ciò che ho messo cinque anni a costruire » 28. Aveva affinato la sua tecnica nel condurre la conversazione con mano sicura e, fedele al motto che si era data (« Ferme de cœur, mobile d’esprit »), si era costruita un personaggio che corrispondeva al suo carattere : uno spirito libero e souple ma con principi fermi, pronta a entusiasmarsi ma fedele agli amici e alla sua famiglia, con il culto della tolleranza – anche se nel suo salon desiderava che venissero ben rispettate le regole della discrezione, del savoir-faire, della piacevolezza, della cortesia cavalleresca nei confronti dei propri oppositori. Con l’allargarsi delle sue amicizie e della rinomanza del suo salon, aumentavano gli ospiti, anche quelli meno desiderati ; Julie decise allora di prendere dei giorni omnibus, in cui affluivano le visite, e di organizzare invece delle piccole riunioni scelte, per pochi intimi, in cui si conversava ad alto livello, « en dehors du flot des ennuyeux et des indifférents, qui parlent pour ne pas se taire » 29. Non erano semplici i rapporti con le signore che l’andavano a trovare ; non era tanto da parte sua gelosia di salonnière, che temesse di vedersi portare via gli ospiti, quanto un orgoglioso desiderio

25. Julie ad Alessandro, 17 maggio 1861, no 10273/20, MN. 26. Cf. le lettere di Prosper Mérimée a Julie del 27 ottobre, del 3 e del 18 novembre e del 5 dicembre 1863, del 2 marzo 1864 e del 15 marzo 1865 in P. Mérimée, « Lettres à la Princesse Julie (1863-1870) », Revue de Paris, 1er juillet 1894, p. 9-32 (première partie). 27. Sul mestiere di salonnière cf. M.I. Palazzolo, I salotti di cultura nell’Italia dell’Ottocento. Scene e modelli, Milano, Franco Angeli, 1985 ; M.T. Mori, Salotti. La sociabilità delle élite nell’Italia dell’Ottocento, Roma, Carocci, 2000. 28. Julie ad Alessandro, 3 aprile 1862, no 10275/40, MN, 29. La princesse Julie Bonaparte…, I. Dardano Basso (ed.), 22 juin 1866, p. 292. La principessa Julie Bonaparte… 41 di affermare la sua diversità di donna colta e abituata a leggere e a tenersi al corrente di tutto – a rischio, come la accusò Sainte-Beuve, di apparire « très bas-bleu » 30. Per quanto nata e cresciuta in Italia, aveva letto e leggeva quasi solo autori francesi (preferibilmente libri di storia o filosofia) ; pochi gli italiani, soprattutto i classici e – tra i moderni – Leopardi, che aveva conosciuto bimbetta a casa dei suoi genitori. Continuava però a ritenersi, tra le forti personalità che la circondavano, ancora una dilettante ; si era sempre sentita, confessava, « une savante manquée », e di se stessa diceva : « J’ai un faux air d’instruction » 31.

La scrittura Al piacere della lettura univa, divorante, la passione per la scrittura. Julie amava ricordare come la madre le predicesse « Tu seras une femme de plume ! », e i fratelli la chiamassero « l’écrivassière ou la gribouilleuse » 32 ; in effetti, ci ha lasciato 62 volumi del suo diario intitolatoNotes et Souvenirs, parecchi volumetti di Notes intimes, di Nouvelles, di Fragments, di Portraits, di Pensées, di Essais de critique, di Livres lus, e centinaia di lettere sparse in molteplici archivi 33. I modelli cui si ispirava sembravano essere quelli della grande tradizione francese, i memorialisti o i moralisti e gli aforisti come La Rochefoucault o La Bruyère, o i corrispondenti come madame de Sevigné. Anche il modello di salonnière-autrice sembrava ripreso da precedenti illustri, come Germaine de Staël o Marie d’Agoult. Nei suoi diari riportava i nomi dei suoi ospiti e riprendeva il filo delle conversazioni tenute nel suo salon, ricostruendo con cura la rete di una quotidianità che non avrebbe avuto altro modo di essere raccontata 34. La sua abbondante corrispondenza aveva invece lo scopo di mantenere e approfondire le relazioni intrecciate con i suoi ospiti. Julie usava in genere il francese, sia nel diario che negli altri scritti o nella corrispondenza, e in

30. C.-A. Sainte-Beuve à Jeanne de Tourbey, 3 ou 8 juillet 1868, in C.-A. Sainte-Beuve, Corres- pondance générale, recueillie, classée et annotée par J. Bonnerot, Paris, Didier, vol. XVIII, 1977, p. 36. 31. La princesse Julie Bonaparte…, I. Dardano Basso (ed.), 19 mars 1864, p. 206. 32. Ibid., 12 août 1865, p. 258. 33. Le Notes et Souvenirs, i suoi album, molti volumi di Fragments e Pensées e larga parte della corrispondenza ricevuta sono conservati nel MN. Le Notes intimes, altri album e volumi di Pensées, il resto della corrispondenza ricevuta sono conservati nell’archivio della famiglia del Gallo di Roccagiovine (d’ora in avanti AGR). Le Notes et Souvenirs che vanno dal 1853 al 1870 sono state pubblicate, con alcuni tagli, da Isa Dardano Basso in La princesse Julie Bonaparte… 34. Cf. Scritture di desiderio e di ricordo. Autobiografie, diari, memorie tra Settecento e Novecento, M.L. Betri, D. Maldini Chiarito (ed.), Milano, Franco Angeli, 2002. 42 Antonietta Angelica Zucconi italiano scriveva quasi solo al marito Alessandro ; il suo francese era però più piatto, convenzionale e sorvegliato del suo italiano, molto più spontaneo e saporoso – come se l’italiano fosse la sua lingua quotidiana, e il francese la lingua da adoperare nella vita mondana e culturale. Teneva anche molto a far leggere quanto scriveva ai suoi amici ; il suo bisogno di approvazione le fece però commettere un errore grossolano ; desiderando avere il parere di Sainte-Beuve, il più importante critico dell’epoca (con cui aveva rapporti cerimoniosi ma cordiali), gli inviò tre volumi del suo diario, dimenticando di avervi riportato alcuni pesanti pettegolezzi che le erano stati riferiti su di lui e inoltre – ed era l’accusa più bruciante – che, pur essendo molto ammirato come scrittore e come critico, Sainte-Beuve non godeva di grande considerazione personale 35. Sainte-Beuve si offese amaramente, soprattutto per l’allusione alla mancanza di rispetto che lo circondava, rinviò i manoscritti a Julie con una lettera acerba 36, e raccontò la storia in giro – con il risultato di occupare la cronaca pettegola di Parigi per un paio di settimane.

L’Italia e Roma Julie si era trasferita a Parigi nel mezzo del cosiddetto decennio di preparazione dell’unità italiana ; suo marito, i suoi figli adolescenti, i suoi fratelli e cognati erano appassionatamente patrioti e filounitari, così come sua cugina Matilde e suo cugino Napoleone Gerolamo. Julie, che voleva radicarsi in Francia, sembrava invece guardare con interesse ma qualche incertezza alle vicende risorgimentali. Era in questo influenzata dalle idee sull’Italia dei suoi amici più cari, dall’atteggiamento prudente di Billault 37, che temeva le istanze rivoluzionarie insite nei moti italiani e da quello decisamente contrario di Thiers, che vedeva l’unità italiana come un pericolo per la Francia 38. Nel suo salon seguiva le oscillazioni della politica imperiale, e doveva barcamenarsi tra chi le rimproverava « votre grand amour pour cet affreux pays [l’Italia] qui nous donne tant d’inquiétudes » 39, e gli amici favorevoli all’unità. Tra gli

35. La princesse Julie Bonaparte…, I. Dardano Basso (ed.), 24 avril 1867, p. 353 ; C.-A. Sainte-Beuve, Correspondance générale, t. XVII, 1975, p. 383-384 ; C.-A. Sainte-Beuve, Dossiers littéraires, Fonds Spoelberch de Lovenjoul, 768 (D 567) XXX, BIF. 36. Cf. Sainte-Beuve à Julie, 16 juin 1868, copia in BIF, Fonds Spoelberch de Lovenjoul, 797 (D 593) t. III, pubblicata in C.-A. Sainte-Beuve, Correspondance générale, t. XVII, p. 383-384. 37. Cf. « Discours de S. Exc. M. Billault, Ministre sans portefeuille, dans la séance du Sénat du 3 mars 1862. Question italienne », extrait du Moniteur universel, mardi 4 mars 1862. 38. Cf. la lettera di Thiers a Julie del 2 ottobre 1860, in I. Dardano Basso, « Lettere inedite di Thiers alla principessa Giulia Bonaparte Roccagiovine », Trimestre, marzo-giugno 1972, p. 41. 39. Constance Randon, née Suin, a Julie, 22 luglio 1861, MN. La principessa Julie Bonaparte… 43 italiani erano ospiti frequenti Costantino Nigra, ambasciatore a Parigi dal 1861, il parlamentare e diplomatico Gioacchino Pepoli (cugino di Julie in quanto figlio di una Murat), il segretario di legazione Isacco Artom 40. La questione romana preoccupava molto i suoi « vecchioni » : Thiers era convinto che le truppe francesi non avrebbero mai lasciato Roma, mentre Billault, da cattolico gallicano, era irritato dall’atteggiamento ambiguo di Pio IX 41. Lo scettico Mérimée, infine, non si preoccupava tanto della sorte del papa, quanto delle difficoltà che poteva creare a Napoleone III 42. Julie biasimava l’imperatrice Eugenia per la sua ottusa difesa del potere temporale ma era perplessa sul destino dello Stato pon- tificio, e sulla permanenza del papa a Roma : per lei, Roma doveva restare una metropoli cosmopolita, caput mundi e non la semplice capitale di uno Stato uguale agli altri. Con Lacordaire, pensava che « La cause de l’Italie est juste, celle de la Papauté l’est aussi ; le nœud du problème est de ne sacrifier ni l’une ni l’autre » 43. Opinioni simili le esprimeva Arthur de La Guéronnière, ghost writer di Napoleone III e uno dei fedeli di Julie : « Je voudrais qu’elle [l’Italia] fondât son indépendance en la conciliant avec les deux plus grandes forces morales qu’il y ait dans ce monde, la foi et la liberté » 44 le scriveva. La guerra austro-prussiana del 1866, la vittoria germanica a Sadowa e la partecipazione italiana, il ruolo di arbitro conferito a Napoleone III, venivano considerate in modo diverso nel salon di Julie ; mentre Thiers le diceva : « On a pêché dans l’eau trouble et il en est sorti deux gros poissons, l’Unité allemande et l’Ingratitude italienne » 45, Renan (imbevuto di cultura tedesca, considerata « supérieure dans les choses de l’esprit » 46) era invece convinto della necessità di un’alleanza tra Francia e Prussia. Le tensioni crescenti fra il nuovo Stato italiano e il regime imperiale raggiunsero il culmine nell’autunno 1867, all’epoca della spedizione garibaldina a Mentana. Gli amici di Julie la videro come un momento cruciale soprattutto per la politica francese ; Julie, per parte sua, pensava

40. La princesse Julie Bonaparte…, I. Dardano Basso (ed.), 11 octobre 1864, p. 234. 41. Cf. Adolphe Billault à Julie, 26 août 1862, AHL, 20 Fonds Billault J. Liasse 56. 42. Cf. Prosper Mérimée à Julie, 9 décembre 1866, in P. Mérimée, « Lettres à la Princesse Julie (1863-1870) », Revue de Paris, 15 juillet 1894, p. 246-272 (deuxième partie), p. 255. 43. Henri-Dominique Lacordaire à Julie, 1er décembre 1859, MN. Cf. H.-D. Lacordaire, « De la liberté de l’Italie et de l’Église » [inizio 1860], in H.-D. Lacordaire, Œuvres philosophiques et politiques, Paris, Poussielgue, 1872, p. 303-335, p. 305. 44. Arthur de La Guéronnière à Julie, s.d., dimanche soir [1860 ?], no 10, MN. Cf. A de La Guéronnière, Le Pape et le Congrès, Paris, Dentu, [22 décembre] 1859. 45. La princesse Julie Bonaparte…, I. Dardano Basso (ed.), 10 août 1866, p. 302. 46. Ernest Renan à Julie, 15 septembre 1866, in « Lettres à la princesse Julie I. (1865-1875) », p. 738. 44 Antonietta Angelica Zucconi che l’Italia dovesse rispettare la Convenzione di settembre 1864 e « laisser mourir Pie IX dans sa dignité » 47. Con il papa seguente, la situazione sarebbe potuta cambiare. Julie e i suoi più cari habitués erano apertamente favorevoli al progressivo aprirsi del regime imperiale a una maggiore libertà. L’avvento dell’Empire libéral e la formazione del governo di Émile Ollivier, che Julie conosceva bene, e che frequentava il salon della rue de Grenelle, vi fu salutato con grande favore : « j’espère que la liberté va s’installer en France à l’ombre de notre dynastie ! », scrive Julie nel diario nel gennaio 1870, e ancora : « L’Empire libéral ! Ce fut le rêve de notre exil » 48 – dimostrando come (nonostante fosse nata e cresciuta in Italia) considerasse la Francia la sua vera patria e l’Italia una terra di esilio. Quando però cominciarono a soffiare venti di guerra con la Prussia, a proposito della candidatura del principe Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen al trono spagnolo, Julie e i suoi amici si allarmarono. Thiers le disse brutalmente che si era «dans un coupe-gorge », da cui era necessario uscire 49, Renan (che era in viaggio in Norvegia) le scrisse di sperare « qu’il ne sera pas donné à des intrigues de diplomatie de troubler le progrès régulier des peuples vers la civilisation et la liberté » 50. In quegli stessi giorni di luglio 1870 a Roma veniva proclamato il dogma dell’infallibilità papale, e Julie disse piangendo a Hyacinthe Loyson che « l’infaillibilité du Pape et la guerre d’Allemagne feront reculer de 5 ou 6 cent [sic] ans la civilisation en Europe » 51. La guerra franco-prussiana si rivelò subito la trappola che Thiers aveva previsto ; sotto il colpo delle sconfitte francesi, e del rapido avvicinarsi dei prussiani a Parigi, il 4 settembre il Corps Législatif dichiarò decaduto il governo imperiale e proclamò la repubblica. Quel giorno stesso Julie dovette partire precipitosamente per Roma.

Da Parigi a Roma Il ritorno a Roma fu per Julie uno choc brutale, in cui si mescolavano il dolore per la caduta della sua dinastia e la preoccupazione per il suo futuro, familiare e personale. La presa di Roma da parte dell’esercito italiano, che avvenne qualche giorno dopo, aggiunse in lei sconcerto e scontento. Riprese possesso del suo palazzo romano, sito sul Foro Traiano, e del

47. La princesse Julie Bonaparte…, I. Dardano Basso (ed.), 1er novembre 1867, p. 371. 48. Ibid., 5 janvier 1870, p. 490. 49. Ibid., 12 juillet 1870, p. 531. 50. Ernest Renan à Julie, 11 juillet 1870, in « Lettres à la princesse Julie I. (1865-1875) », p. 743. 51. Hyacinthe Loyson à Julie, 25 octobre 1870, no 1044, MN. La principessa Julie Bonaparte… 45 castello di Cantalupo (rinominato poi Mandela, sulla scorta della tradizione oraziana), ma si sentiva « désolée, nerveuse, triste, acariâtre » 52 soprattutto perché in pochi giorni era andato in pezzi tutto il suo lungo lavoro. Non era sconosciuta nel mondo romano, e qualche volta aveva accarezzato l’idea di passarvi il resto della sua vita ; ripiombata però in una città stravolta dall’unione con lo Stato italiano e dal cambio di governo, Julie non riusciva a trovare il suo assetto. Era ancora giovane (aveva solo 40 anni), ma ricostruire il suo salotto a Roma dovette sembrarle difficile, e faticosissimo. Non era poi facile immaginare un’atmosfera salottiera armoniosa, in un momento in cui si succedevano rivolgimenti e assestamenti politici ; Julie doveva anche capire come inserirsi in una complicata rete di relazioni mondane e in una società lacerata da profonde divergenze e incomprensioni, in cui anche all’interno delle stesse famiglie ci si divideva tra bianchi e neri, tra chi si faceva cooptare dai Savoia, e chi era rimasto fedele al papa 53. Negli anni seguenti Julie dovette confrontarsi con altri salotti e altre padrone di casa più vicine di lei al potere politico e amministrativo, come Laura Acton moglie di Marco Minghetti, Francesca Gambacorta, pittrice e moglie del ministro Agostino Magliani, Amalia Flarer, moglie di Agostino Depretis, e soprattutto con Ersilia Caetani Lovatelli, che dal 1870 aveva il più importante salotto culturale di Roma. Continuò anche a frequentare – per parentela o antica amicizia – alcune dame dell’aristocrazia nera, le cui case erano rigidamente chiuse a chiunque appartenesse o andasse al Quirinale ; ma era una società che Julie non amava, « car elle est trop intolérante, peu au courant de ce qui se passe et pas aimable » 54. Poco a poco, nel corso degli anni Settanta, il salotto di Julie prese vita, attirando diplomatici e uomini politici italiani, in genere di idee liberali e vicini alla Francia come Carlo Alfieri di Sostegno e Francesco Arese (amico fin dalla giovinezza di Napoleone III), Marco Minghetti, il generale Menabrea (« célèbre mathématicien, homme de science, diplomate, homme de cour » 55), Ruggero Bonghi, Giuseppe Massari, il liberale moderato Bruno Chimirri (« qui aime le monde, chose rare parmi nos députés » 56), il ministro delle Finanze Agostino Magliani (la cui moglie aveva un salotto governativo), Ascanio Branca esponente della sinistra moderata e più volte

52. Julie al cognato Placido Gabrielli, Rome 24 octobre 187, MN. 53. Cf. C. Benoist, Souverains, hommes d’État, hommes d’Église, Paris, Lecène – Oudin et Cie, 1893, p. 183, e E. Perodi, Cento dame romane, Roma, Bontempelli, 1895 ; Id., Roma italiana. 1870-1895, Roma, Bontempelli, 1896. 54. Notes et Souvenirs 1870-1900, 15 juin 1894, cahier 47, MN. 55. Ibid., 30 avril 1889, cahier 40, MN. 56. Ibid., 3 juillet 1886, cahier 34, MN. 46 Antonietta Angelica Zucconi ministro delle Finanze e dei Trasporti. Costantino Nigra la veniva a visitare nei suoi soggiorni romani, negli intervalli degli incarichi diplomatici che lo portarono da San Pietroburgo a Londra a . Da Julie gli ospiti italiani potevano incontrarsi con diplomatici stranieri e con gli amici francesi di passaggio ; a loro si unirono storici e archeologi italiani e stranieri come Quirino Leoni e Pietro Rosa, poi i successivi direttori dell’École de Rome di Palazzo Farnese e di Villa Medici, e alcuni prelati francesi più mondani, come il superiore di San Luigi dei Francesi Pujol e il cardinale Mermillod. Julie si rendeva tuttavia conto che il suo salotto non aveva raggiunto lo stesso ruolo e successo di quello precedente ; rileggendo i nomi degli ospiti parigini sul suo diario commentava : « Tous ces noms me rappellent mon brillant salon de Paris, salon que je ne retrouverai plus, car les choses ne vivent qu’une fois » 57. La prendeva allora la nostalgia per la vita parigina anche se, fin dagli ultimi giorni in Francia, si era chiesta come una Bonaparte potesse « vivre en France sous un autre régime que sous celui des Napoléons » 58.

Julie épistolière 59 Con la lettura, la scrittura continuava ad essere una sua grande occupazione ; Julie continuava a stilare il suo diario (ne iniziò anche uno privato, intitolato Notes intimes, in cui raccontava sentimenti e vicende familiari) e a riempire i suoi quaderni di pensieri, di riflessioni e di ricordi. Si allargò inoltre, fino a prendere un grande posto nella sua giornata, la corrispondenza con gli amici rimasti in Francia o sparsi per il mondo. A Ernest Renan, ad Alfred Maury, a Napoleone Gerolamo, a Émile Ollivier, a Hyacinthe Loyson, a tanti altri, Julie scriveva con fedeltà e frequenza, conservando, copiando e riordinando con cura le lettere che loro le spedivano. Gli amici le davano notizie sulla vita culturale francese, le mandavano le loro pubblicazioni ; Julie li metteva in contatto tra di loro o con le nuove conoscenze italiane e straniere. Anche a distanza, con loro formava una piccola coterie complice, unita non solo dal ricordo dei legami passati, ma anche da un « colloquio scritto » 60 che continuava e arricchiva i loro rapporti.

57. Notes et Souvenirs 1870-1900, 25 août 1877, cahier 21, MN. 58. La princesse Julie Bonaparte…, I. Dardano Basso (ed.), 28 août 1870, p. 550. 59. Cf. Geografie e genealogie letterarie. Erudite, biografe, croniste, narratrici, épistolières, utopiste tra Settecento e Ottocento, A. Chemello, L. Ricaldone (ed.), Padova, Il Poligrafo, 2000 e A.A. Zucconi, « Salonnières ed epistolières nel lungo Risorgimento », in Percorsi d’altro genere, L. Spera (ed.), Pisa, Pacini, 2013, p. 25-42. 60. Cf. l’« Introduzione » di M.L. Betri e D. Maldini Chiarito a Dolce dono graditissimo : la lettera privata dal Settecento al Novecento, M.L. Betri e D. Maldini Chiarito (ed.), Milano, Franco Angeli, 2000, p. 10. La principessa Julie Bonaparte… 47

Verso la fine degli anni Settanta, sull’onda della pubblicazione – che suscitò grande scandalo – di Sette anni di sodalizio con Leopardi di Antonio Ranieri, Julie si era rimessa in contatto con l’autore, che era stato amico di suo padre ; la loro corrispondenza, fitta e corposa, durò fino alla morte di lui nel 1888 61. Leggendo le loro lettere, si ha l’impressione di sentirli conversare tra loro, passando con volubilità da un argomento a un altro, dall’italiano al francese, in quell’« attrito con altre intelligenze » 62, che costituiva il principale piacere della vita di salotto. Con Ranieri Julie riprese anche il suo ruolo di trait d’union, mettendolo in contatto con Ernest Renan ; fra i due, che non si erano mai conosciuti, vi fu un fitto scambio di pubblicazioni e complimenti. Dopo un primo periodo di assestamento, Roma divenne una meta frequente e amata per gli amici francesi di Julie, che facevano sempre tappa a Foro Traiano o nel pittoresco castello di Mandela. Nell’ottobre 1872 Ernest Renan si decise a un primo viaggio a Roma, che fu insieme trionfale e contestatissimo 63. Negli anni seguenti venne spesso in Italia con la sua famiglia, e ogni volta che passava per Roma era qualche giorno ospite di Julie 64. Renan, che si era sempre dichiarato favorevole all’unità italiana, si dichiarava ora felice dello spettacolo « d’un pays politiquement prospère, marchant sagement dans la noble voie du gouvernement constitutionnel » 65. Come Renan, anche Napoleone Gerolamo 66 faceva frequenti soggiorni a Roma ; in Francia, mentre la Terza Repubblica si consolidava e il partito bonapartista perdeva sempre più peso, il principe non trovava più il suo posto ; a Julie scriveva di sentirsi oramai « un Napoléon proscrit et philosophe » 67. Soprattutto dopo il 1886, quando tutti i pretendenti delle famiglie che avevano regnato sulla Francia furono esiliati, era un ospite fisso e gradito nel salotto di Foro Traiano.

61. L’intera corrispondenza è in corso di pubblicazione. Cf. A.A. Zucconi, « Lettere dal disincanto risorgimentale. Julie Bonaparte e Antonio Ranieri », in Il genere nella ricerca storica. Atti del VI Congresso della Società Italiana delle Storiche, S. Chemotti, M.C. La Rocca (ed.), Padova, Il Poligrafo, vol. I, 2015, p. 1188-1195. 62. Antonio Ranieri a Julie Bonaparte, 30 marzo 1882, lettera 60/17-19, Roma, archivio dell’Istituto di Storia del Risorgimento. 63. Cf. A.-C. Faitrop-Porta, « Le triomphe du voyage de Renan à Rome de 1872 », in Renan, Rome et les Bonaparte (Actes de la journée internationale d’étude), Rome, Musée Napoléon, 2012, Études renaniennes, no 115, juillet 2014, p. 77-95. 64. Cf. I. Dardano Basso, « Renan et la princesse Julie Bonaparte : histoire d’une amitié », in ibid., p. 24-40. 65. Ernest Renan à Julie, 9 novembre 1875, in « Lettres à la princesse Julie II. (1875-1891) », p. 51. 66. Cf. N.-J. Bonaparte, Una corrispondenza tra Italia e Francia nel secondo Ottocento. Lettere inedite di Napoléon-Jérôme Bonaparte alla cugina Julie Bonaparte Roccagiovine, I. Dardano Basso (ed.), Roma, Biblink, 2016. 67. Lettera del 7 octobre 1888, in ibid., p. 224. 48 Antonietta Angelica Zucconi

Nel settembre 1872 Hyacinthe Loyson aveva sposato una signora americana, Emilie Meriman, rompendo definitivamente con la Chiesa ufficiale. Dopo qualche anno di silenzio Julie e lui ripresero la loro corris- pondenza, e quando Loyson veniva a Roma si incontravano con grande affetto ; lei gli conservò sempre la sua amicizia, anche se non approvava i suoi successivi tentativi di riforma della Chiesa cattolica. Émile Ollivier, che aveva lasciato la Francia dopo la caduta dell’Impero per tornarvi solo nel 1873, alla fine degli anni Settanta aveva abbandonato definitivamente la vita politica per dedicarsi alla storia e alla letteratura. Veniva sovente a Roma, che amava molto ; a Julie scriveva : « Lorsque je ne suis pas allé à Rome depuis quelques temps, j’ai le mal de Rome ; c’est toujours ma ville prediletta, quoique les Piémontais vous la gâtent furieusement et vous êtes un des attraits qui m’attirent là-bas » 68. Legati da tempo tra loro, vicini per idee e speranze, gli amici di Julie erano in posizioni contrapposte sul punto dolente dei rapporti triangolari tra l’Italia, la Francia e il papato, soprattutto per quanto riguardava il ruolo di Roma. A Renan la città sembrava piena di avvenire – diversamente dal suo Paese, lacerato da dissensi meschini – mentre Napoleone Gerolamo era convinto della necessità di Roma capitale d’Italia. Ollivier invece (e con lui Julie) era invece stato contrario alla riunione di Roma all’Italia, e considerava la città drammaticamente sminuita dal suo ruolo di capitale italiana, rispetto a quando era il centro cosmopolita del cattolicesimo 69. Ollivier deplorava inoltre la sorda ostilità degli italiani verso la Francia ; a Julie raccomandava : « Tâchez d’obtenir de la jeune génération dont vous êtes entourée qu’elle ne considère pas la France comme le sol étranger » 70. In un continuo misunderstanding tra i due Paesi, nell’opinione pubblica italiana i sentimenti antifrancesi andavano in effetti crescendo, fino a configurarsi come vera gallofobia 71, o misogallismo. Le difficoltà tra Italia e Francia erano cominciate già con il governo guidato da Thiers, che non vedeva di buon occhio la presa di Roma 72. I successivi governi d’Oltralpe

68. Émile Ollivier à Julie, 15 juin 1886, no 7922, MN. 69. Cf. É. Ollivier, Le Pape est-il libre à Rome ?, Paris, Garnier, 1882. 70. Émile Ollivier à Julie, 30 avril 1882, no 7909, MN. 71. Per una disamina ad ampio raggio dell’immagine della Francia nell’Europa dell’Ottocento, cf. Gallomanie et gallophobie. Le mythe français en Europe au XIXe siècle, L. Fournier- Finocchiaro, T.-I. Habicht (dir.), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012. 72. Sulle difficoltà politiche tra Italia e Francia in questo periodo cf. F. Chabod,Storia della politica estera italiana dal 1870 al 1896, Bari – Roma, Laterza, 1965, in particolare il capitolo « Presente e avvenire », p. 523-552 ; P. Milza, Français et Italiens à la fin du XIXe siècle, Rome, École française de Rome, vol. 1, 1981 ; Les « rivales latines ». Lieux, modalités et figures de la confrontation franco-italienne, F. Dubard de Gaillarbois, D. Luglio (dir.), La principessa Julie Bonaparte… 49 non si dimostrarono poi cordiali con l’Italia e – reciprocamente – nel mondo politico italiano montava la diffidenza verso il governo e il sentimento generale francesi, sullo sfondo del senso di colpa per il mancato aiuto dell’Italia alla Francia durante la guerra del 1870. D’altra parte, l’opinione pubblica francese rimproverava agli italiani non solo la loro ingratitudine, ma anche lo sforzo (a loro avviso eccessivo, ingiusto e falsificatorio) di staccare – distorcendo i fatti – la storia, la cultura e anche la geografia italiana dalla tradizione e dall’influenza francesi, in modo da permetterne un’evoluzione originale e « nazionale » 73. Dagli anni Settanta e fino alla fine del secolo questi sentimenti si gonfiarono e pervasero le rispettive opinioni pubbliche, fino a portare a manifestazioni popolari violente da entrambe le parti. La decisione del governo italiano nel 1882 di aderire alla Triplice Alleanza con la Prussia e l’Austria, favorita anche da una politica coloniale in cui gli interessi italiani e francesi si scontravano e si sovrapponevano (soprattutto in Nord Africa), esasperò i rapporti con la Francia 74.

Un salotto gallo-romano Julie, dal suo salotto romano o dall’antica torre di Mandela, guardava la situazione italiana in un’ottica francese o – meglio – cosmopolita ; più che italiana (come scrisse a Ranieri e a Loyson), Julie si sentiva « gallo- romana » 75. Non si illudeva in un ritorno dell’Impero napoleonico in Francia e riconosceva la necessità storica dello Stato italiano, ma rivendicava uno status particolare per Roma : « Je suis républicaine en France, monarchique en Italie, papiste à Rome » 76. Dopo il 1870 nacquero, o ripresero vita a Roma le accademie straniere, assumendo una grande importanza nella vita culturale della città ; Julie riceveva volentieri studiosi delle varie nazionalità, ma naturalmente

Revue des études italiennes, no 59, 2013 ; G. Bertrand, J.-Y. Frétigné, A. Giacone, La France et l’Italie. Histoire de deux nations sœurs, de 1660 à nos jours, Paris, Armand Colin, 2016. 73. Cf. il pamphlet di A. Brachet, L’Italie qu’on voit et l’Italie qu’on ne voit pas, Paris, Hachette – Hetzel, 1881, e le risposte di Brachet alla brochure di Francesco Crispi Francia e Italia. L’onorevole Crispi al signor Brachet, Roma, Perelli, 1881 e a una protesta di Costantino Nigra, il tutto ripubblicato con altri documenti in A. Brachet, L’Italie qu’on voit et l’Italie qu’on ne voit pas, suivi de la Lettre Al misogallo Signor Crispi et de la Réponse à S. Exc. M. Nigra, Paris, Marpon et Flammarion, 1882. 74. Cf. A. Brambilla, « I veleni di Tunisi », Revue des études italiennes, no 59, 2013, p. 165-174. 75. Julie Bonaparte ad Antonio Ranieri, 18 maggio 1881, busta 10/9, Biblioteca Nazionale di Napoli e Julie à Hyacinthe Loyson, 25 novembre 1885, Bibliothèque de Genève, Département des manuscrits et des archives privés. 76. Julie Bonaparte, 1897, Fragments III (1895-1900), MN. 50 Antonietta Angelica Zucconi riservava un’accoglienza più calda a direttori e membri delle due istituzioni francesi, l’École française de Rome stabilita dal 1875 a palazzo Farnese e l’antica Accademia di Francia di Villa Medici. Sul suo diario scriveva, con molta soddisfazione, che il suo salotto era diventato « une succursale de l’École de Rome, l’école pour laquelle j’ai toujours eu beaucoup de sympathie » 77. Fu molto legata in particolare al pittore Ernest Hébert, direttore di Villa Medici tra 1867 e 1873, e dal 1885 al 1891 ; le serate passate alla Villa furono per Julie tra le più piacevoli degli anni romani. Era in ottimi rapporti anche con lo storico Auguste Geffroy, direttore di palazzo Farnese dal 1888 al 1895, ma soprattutto con il suo successore, monsignor Louis Duchesne, un ecclesiastico, storico e filologo di grande sapienza e originalità 78. Ad Auguste Geffroy Julie scrisse di non poter fare a meno di avere ospiti francesi, « on ne cause vraiment bien que dans leur langue et avec eux » 79. E, reciprocamente, il salotto di Foro Traiano era un punto ineludibile di riferimento per molti tra loro, che spesso non avevano in grande stima la vita mondana della capitale italiana 80 ; il cronista mondano Paul Vasili citava questo salotto « cosmopolite, composé de gens du monde, de lettrés et d’artistes, sceptique et un peu frondeur », dove la padrona di casa sapeva « faire parler chacun selon son goût, et prend intérêt à tous les sujets » 81. Il giornalista Charles Benoist, la descrive « courte et ronde » ma anche « la plus simple, la plus droite, la plus bienveillante des femmes » 82 ; il pittore Albert Besnard, suo fedele habitué quando era pensionnaire a Villa Medici, ci ha lasciato di lei un vivace ritratto :

C’était une femme intéressante pour elle-même. Originale avant tout, elle retenait le regard, et sa parole débarrassée du jargon mondain savait faire revivre les gens ou les événements qu’elle rappelait. […] Avec ses bandeaux bruns lisses et luisants, ses yeux noirs très vifs à fleur de tête, son petit nez très relevé du bout, ses lèvres sinueuses éclairées par des dents intactes, ce visage rond

77. Notes et Souvenirs 1870-1900, cahier no 47, 8 mars 1897, MN. 78. Su monsignor Duchesne, cf. in particolare Monseigneur Duchesne et son temps (Actes du colloque organisé par l’École française de Rome, 23-25 mai 1973), H.-I. Marrou (dir.), École française de Rome, 1975, e B. Waché, Monseigneur Louis Duchesne, École française de Rome, 1992. 79. Julie à Auguste Geffroy, 24 janvier 1883, Manuscrits, Mss 12922 f. 3100, BnF. 80. Cf. comte P. Vasili [pseudonyme collectif de Juliette Adam, Élie de Cyon, Henri Durand- Morimbau, Catherine Radziwill], La société de Rome, édition augmentée de lettres inédites, Paris, Nouvelle Revue, 1887, p. 544 sq. ; C. Benoist, Souverains, hommes d’État, hommes d’Église, p. 183. 81. Comte P. Vasili, La société de Rome, p. 571 sq. 82. C. Benoist, Souvenirs, Paris, Plon, 1932, p. 130. La principessa Julie Bonaparte… 51

et charnu qu’enrichissait une carnation juvénile pulpeuse, un peu monacale, fixait l’attention en faisant soupçonner que, sous cette enveloppe calme et ce regard incisif, une pensée active s’agitait 83.

Julie non tornò mai più a Parigi, nonostante gli inviti e le sollecitazioni degli amici e dei parenti, e nonostante continuasse a provare e ad esprimere il rimpianto per la vita brillante che vi aveva vissuto. Parigi rimase nella sua memoria come era stata al tempo del Secondo Impero, e la capitale della Terza Repubblica, i salons celebrati da Marcel Proust, le rimasero estranei, anche se molti antichi fidèles ancora rimpiangevano lei e il suo salon 84. Chiusa nella sua cerchia gallo-romana, legata ai suoi amici di cui anno dopo anno doveva registrare la scomparsa, Julie si fece passare accanto la nuova e originale Roma bizantina che stava nascendo nei salotti più spregiudicati, nelle redazioni dei giornali e nelle case editrici, nei teatri e negli atelier dei pittori. Negli ultimi anni (morì nell’ottobre 1900, all’alba del nuovo secolo) continuò come sempre a leggere e a tenersi al corrente, per avere sempre pronti i suoi strumenti di salonnière ; riceveva ancora con regolarità, anche se cominciava a sentirsi stanca : « Quand j’ai beaucoup de monde cela me fatigue » 85, confessava. Dopo la sua morte, uscì un articolo di Didacus (pseudonimo di Alighiero Nonnis, un avvocato riformista di Ascoli), in cui si ricordava con affetto il salotto « della principessa Giulia » ; il salotto di Foro Traiano era stato a Roma, scriveva Didacus, « l’ultimo rifugio di quella società speciale che il nuovo cosmopolitismo ha disperso ». La domenica sera, sotto i ritratti napoleonici e tra le immagini degli amici scomparsi, « i più chiari ingegni di Francia e d’Italia » venivano a parlare d’arte e politica intorno a « questa eletta signora […] una nobile anima e un intelletto acutissimo ; […] uno di quei rari esempii di un’altra epoca, quando le relazioni mondane avevano un significato più intimo e più geniale » 86.

Antonietta Angelica Zucconi Università di Roma La Sapienza

83. A. Besnard, Sous le ciel de Rome. Souvenirs, Paris, Éditions de France, 1925, p. 76. 84. Cf. la lettera di Marie-Thérèse Bartholoni, née Fraser Frisell, 10 janvier 1890, MN. 85. Dimanche 28 janvier 1894, Agenda 1894, AGR. 86. Forse su Il Corriere Piceno o su La Provincia di Ascoli Piceno : ho infatti trovato solo il ritaglio (senza l’indicazione della fonte) sulla copertina di un volume di Fragments copiés 1870, appartenente a Julie e conservato nell’AGR.

NICCOLÒ TOMMASEO E FELICE LE MONNIER TRA FIRENZE E PARIGI « Desidero che il soggiorno d’Italia le paia più dolce che a me il soggiorno di Francia »

Riassunto : Le vicende artistiche e culturali di Niccolò Tommaseo e Felice Le Monnier si incrociano agli avvenimenti europei dell’Ottocento, tra Francia e Italia. Nato a Sebenico da genitori italiani, Niccolò Tommaseo, dopo un primo soggiorno a Firenze, è costretto all’esilio in Francia a causa dell’opposizione del governo austriaco ad un suo articolo sulla Nuova Antologia. Nato oltralpe, a Verdun, Felice Le Monnier decide di abbandonare la Francia per recarsi in Grecia, ma sulla strada si ferma a Firenze e lì rimane, impiegandosi come tipografo. Conosciutisi a Firenze, i due iniziano un rapporto epistolare proprio all’indomani dell’esilio di Tommaseo. Résumé : Les vicissitudes artistiques et culturelles de Niccolò Tommaseo et Felice Le Monnier croisent les événements européens du XIXe siècle, entre la France et l’Italie. Né à Sibenik de parents italiens, Niccolò Tommaseo, après un premier séjour à Florence, est contraint à l’exil en France à cause de l’opposition du gouvernement autrichien à son article dans la Nuova Antologia. Né en France, à Verdun, Felice Le Monnier décide de quitter son pays natal pour se rendre en Grèce, mais sur le parcours il s’arrête à Florence et y reste après avoir trouvé un emploi de typographe. Les deux hommes, qui se sont connus à Florence, commencent un rapport épistolaire au lendemain du début de l’exil de Tommaseo.

I. Negli anni cruciali del Risorgimento, le strade di Niccolò Tommaseo, nato in Dalmazia ma « italiano » 1, e Felice Le Monnier, nato a Verdun ma trasferitosi a Firenze prima dei trent’anni, si incontrano più volte, intersecandosi sulla doppia tangente italofrancese, tra la Parigi luogo d’esilio per lo scrittore e la Firenze sede dell’attività imprenditoriale dell’editore.

1. Per sua stessa dichiarazione : « Io sono italiano perché nato da sudditi veneti » scrive nelle Memorie poetiche, « perché la mia prima lingua fu l’italiana, perché il padre di mia nonna è venuto in Dalmazia dalle valli di Bergamo. La Dalmazia è, virtualmente, più italiana di Bergamo, ed io, in fondo in fondo son più italiano dell’Italia. Dante dice che il Quarnaro Italia chiude… Dante mi esilia, il disgraziato. Iddio gli perdoni ; e’ non sapeva quello che si facesse » (N. Tommaseo a C. Cantù, Parigi, 25-26 giugno 1837, in Il primo esilio di Niccolò Tommaseo, 1834-1839. Lettere di lui a Cesare Cantù, edite ed illustrate da Ettore Verga, Milano, Tipografia Gogliati, 1904, p. 254).

Transalpina, no 21, 2018, Entre France et Italie…, p. 53-66 54 Ilaria Macera

I primi riferimenti a Le Monnier nei carteggi di Tommaseo si trovano in due lettere inviate da Parigi negli ultimi mesi del 1834. Il 15 settembre scrive a Gino Capponi :

Pregatelo [Giovan Pietro Vieusseux] vegga il Lemonnier, direttore della stamperia Pignattelli, gli raccomandi in mio nome un bambino tanto buono e da lui curato ben poco, Poldo Giorgetti, gli faccia guadagnucchiare qualcosa più : ne ha bisogno 2.

Due mesi dopo, indirizza la richiesta direttamente a Gian Pietro Vieusseux :

Vi raccomando quel ragazzo che v’ho nominato, Poldo Giorgetti, che lo raccomandiate al Sig. Lemonnier, direttore della stamperia Borghi e Passigli 3.

Le lettere testimoniano quantomeno una conoscenza, anche se super- ficiale, tra Tommaseo e l’editore, avvenuta con ogni probabilità nel breve periodo in cui entrambi abitano a Firenze, tra i primi mesi del 1832, quando Le Monnier arriva nel capoluogo toscano, e il febbraio del 1834, quando Tommaseo parte alla volta di Parigi. Le Monnier giunge a Firenze sulla strada per Atene 4. Dopo una breve esperienza in un collegio militare, ha lavorato qualche anno come proto in una stamperia parigina, finché, dopo la Rivoluzione di luglio, ha deciso di partire con il figlio del suo principale alla volta del neonato principato indipendente di Grecia, dove intende mettersi in proprio e stabilire una tipografia. Appena fa tappa a Firenze gli arriva tuttavia la notizia che quello che sarebbe dovuto essere il suo compagno di avventura, nonché il proprietario dei capitali necessari all’impresa, è morto durante il viaggio. Anziché tornare in Francia, si risolve di usare una lettera di presenta- zione che gli ha scritto l’editore parigino Renouard per farsi assumere come stampatore da David Passigli e dal socio Pietro Borghi. Scrivendo a Gino Capponi, Tommaseo confonde il nome dello stampatore (cita uno sconosciuto Pignattelli) e mostra di non sapere dell’estromissione di David Passigli dalla ditta, avvenuta in concomitanza con l’assunzione di

2. N. Tommaseo a G. Capponi, Parigi, 15 settembre 1834, in G. Capponi, N. Tommaseo, Carteggio inedito dal 1833 al 1874, I : Firenze, il primo esilio, Parigi, 1833-1837, I. Del Lungo e P. Prunas (a cura di), , Zanichelli, 1911, p. 175. 3. N. Tommaseo a G.P. Vieusseux, Parigi, 27-29 novembre 1834, in N. Tommaseo, G.P. Vieusseux, Carteggio inedito. I (1825-1834), R. Ciampini, P. Ciureanu (a cura di), Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 1956, p. 230. 4. Per le notizie biografiche su Felice Le Monnier, si rimanda alle monografie di C. Ceccuti, Un editore del Risorgimento. Felice Le Monnier (Firenze, Le Monnier, 1974) e Le Monnier dal Risorgimento alla Repubblica (1837-1987). Centocinquant’anni per la cultura e per la scuola (Firenze, Le Monnier, 1987). Niccolò Tommaseo e Felice Le Monnier tra Firenze e Parigi… 55

Le Monnier 5, ma si preoccupa di fornire all’editore l’indirizzo della sua casa di Parigi (« Il Lemonnier voleva il numero della casa ov’io sto : Rue Luis le Grand, n. 22 ») dando inizio al rapporto epistolare. Quando scrive, Tommaseo si trova a Parigi già da tre anni 6. Originario di Spalato, lo scrittore arriva a Firenze nel 1827 e negli anni successivi ha modo di conoscere e frequentare buona parte degli intellettuali che gravitano attorno al circolo dell’Antologia di Giovan Pietro Vieusseux, finché, nel 1832, è proprio una sua recensione a La Grecia descritta da Pausania di Sebastiano Ciampi 7 a causare la protesta del governo austriaco, che fa pressioni sul Granducato perché chiuda la rivista. Con la soppressione dell’Antologia nell’aprile 1833, l’idea dell’esilio si fa strada nella mente di Tommaseo, posto sotto lo stretto controllo della polizia del Granducato e consapevole di perdere con la rivista la sua fonte di reddito primaria. Dopo qualche titubanza, nei primi giorni del febbraio 1834 si imbarca alla volta della Francia. Il 6 febbraio è a Marsiglia, da dove prosegue per Aix, Nimes, Lione, un breve soggiorno a Ginevra per incontrare Mazzini, e infine Parigi, dove arriva il 29. Destinazione favorita dall’emigrazione italiana già per le generazioni precedenti, emblema di libertà e snodo centrale del panorama culturale europeo, per Tommaseo la Francia è una meta quasi obbligata. In primo luogo per motivi pratici, perché conosce il francese, l’ha studiato da bambino 8,

5. Il primo periodo di Felice Le Monnier a Firenze è poco documentato, e molte fonti non sono concordi sull’episodio dell’estromissione di Passigli, confondendo anche Davide Passigli con Pietro Borghi. Cf. C. Ceccuti, Un editore del Risorgimento…, p. 33. 6. Sull’esilio in Francia di Niccolò Tommaseo, cf. M. Gasparini, Tommaseo e la Francia, Firenze, La Nuova Italia, 1940 ; P. Ciureanu, Gli scritti francesi di Niccolò Tommaseo, Genova, Soc. cooperativa italiana autori, 1950 ; J. Godechot, « Tommaseo et la France », in Primo centenario della morte di Niccolò Tommaseo (1874-1974), Firenze, Olschki, 1977, p. 119-141 ; M. Cini, « L’esperienza dell’esilio in Niccolò Tommaseo », in Niccolò Tommaseo e Firenze, Atti del Convegno di Studi (Firenze, 12-13 febbraio 1999), Firenze, Olschki, 2000, p. 187-306 ; J. Berti, « Tommaseo e la Francia », Antologia Vieusseux, XI, 33, 2005, p. 21-41 ; A. Gendrat- Claudel, « Exils et subversions. Sur les terres françaises de Niccolò Tommaseo (1802-1874) », in N. Tommaseo, Fidélité, Parigi, Rue d’Ulm, 2008, p. 203-275 ; A. Gendrat-Claudel, « “Tu veux des nouvelles d’ici ? Je te parlerai des Italiens, qui pullulent”. Les exilés italiens en France sous la monarchie de Juillet à travers l’expérience de Niccolò Tommaseo », Cahiers de la Méditerranée, 82, 2011, http://journals.openedition.org/cdlm/5714 ; S. Tatti, « Esilio e identità nazionale nell’esperienza francese di Tommaseo », in Il Risorgimento dei letterati, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 2011, p. 173-189. Per i rapporti a Parigi con Claude Fauriel, cf. l’introduzione di E. Maiolini a N. Tommaseo, Canti greci, E. Maiolini (a cura di), Parma, Fondazione Pietro Bembo – Ugo Guanda, 2017. 7. K.X.Y [N. Tommaseo], recensione a S. Ciampi, « La Grecia descritta da Pausania. Volgarizzamento con note », Antologia, XLVIII, 143, dicembre 1832, p. 57. 8. Come si legge nelle Memorie poetiche, Venezia, Tipografia Del Gondoliere, 1838, ristampato con appendice di poesie e redazione del 1858 intitolata Educazione dell’ingegno, M. Pecoraro (a cura di), Bari, Laterza, 1964, p. 15. 56 Ilaria Macera e perché ha modo di ottenere facilmente lettere di presentazione per editori e letterati francesi, in secondo luogo perché, come la gran parte del mondo intellettuale toscano del periodo, ha consuetudine con la cultura d’oltralpe : ha studiato i sinonimisti francesi per la compilazione del Dizionario dei sinonimi, ha letto e recensito volumi in lingua per l’Antologia, ha conosciuto e apprezzato l’opera dell’abate Félicité Robert de Lamennais. II. Dopo aver pregato gli amici di intervenire al suo posto, il primo gennaio del 1835 Tommaseo scrive direttamente a Le Monnier, dando l’avvio al carteggio tra i due 9 :

Preg.mo Sig. Felice, mi prendo la libertà di scriverle in questo foglio liso per raccomandarle il buon Poldo ch’Ella ama. Egli è degno dell’affetto di Lei, perché buono, e perché sfortunato. Gli faccia coraggio, lo ammaestri nell’arte della quale Ella è tanto esperto, gli faccia guadagnare il più che può, più presto che può. Dia questa consolazione a sua madre e a me faccia questa grazia. Io non ho titolo alcuno per chiederla : ma la prego. Approfitto di questa occasione per farle i miei auguri più cari. Desidero che il soggiorno d’Italia le paia più dolce che a me non paia il soggiorno di Francia 10.

Se gran parte della missiva è dedicata alle raccomandazioni per Poldo Giorgetti, il congedo, con il malinconico augurio, lascia intravedere quale sia la condizione di Tommaseo in esilio a un anno dalla partenza. L’attitudine personale 11, le circostanze che lo hanno costretto a abbandonare Firenze e lo scontro con l’ambiente intellettuale francese fanno sì che il soggiorno parigino sia per lo scrittore pieno di amarezze e sofferenze, funestato dal

9. Il carteggio, inedito, offre un tesoro di informazioni fondamentali per la ricostruzione di un capitolo decisivo della storia dell’editoria italiana. La corrispondenza di Niccolò Tommaseo è conservata presso il Fondo Tommaseo della Biblioteca Nazionale di Firenze (da qui in avanti BNCF), a seguito della donazione della figlia Caterina nel 1899, mentre le lettere di Tommaseo a Le Monnier sono conservate nelle Carte Le Monnier, donate dagli eredi dell’editore nel 1887. Il carteggio tra Niccolò Tommaseo e Felice Le Monnier, come si ricava dall’analisi dei fondi, è dunque così costituito : 103 lettere di Felice Le Monnier a Niccolò Tommaseo, dal 1835 al 1873 e 150 lettere, 24 minute, 2 copie, 12 ricevute, 5 allegati di Niccolò Tommaseo a Felice Le Monnier, dal 1835 al 1873. 10. N. Tommaseo a F. Le Monnier, Parigi, 1o gennaio 1835 (BNCF, Le Monn. B. 3, 59). 11. A Capponi che si preoccupa del soggiorno parigino di Tommaseo, Vieusseux risponde : « Non credo, come voi, che il nostro amico potesse stare più convenientemente in una città di provincia. Quando dico convenientemente, considero i bisogni fisici del Tommaseo ; ché se mi trovate per lui un’utile compagnia in provincia, ov’egli possa limitarsi al consorzio di pochi amici, sarò d’accordo con voi. Ma v’ingannate poi se pensate che vi sia un angolo della terra ove il nostro amico possa mostrarsi contentò di sé e degli altri : ciò non credo possibile » (G.P. Vieusseux a G. Capponi, citata in R. Ciampini, Vita di Niccolò Tommaseo, Firenze, Sansoni, 1945, p. 217). Niccolò Tommaseo e Felice Le Monnier tra Firenze e Parigi… 57 pensiero costante della terra italiana, tanto più forte perché rivolto alla patria d’elezione, e dalle tante scomodità e indigenze di cui è fatta la vita dell’esule. L’immagine che ritorna insistente nelle lettere e negli scritti è il fango delle strade di Parigi, simbolo della fatica di procedere e del disagio con cui vive la sua condizione : « la cosa per me più notabile di Parigi, è la mota », scrive a Vieusseux, « che mi impedisce l’andare, il vedere, il pensare » 12 ; e a Capponi « Vorrei vedervi a Parigi. Ma come augurare questo fango che si calca e si respira e si pensa ? » 13 ; « la civiltà tanto vantata è qui cosa nuova », si legge ancora in una lettera a Emilio De Tipaldo « e lo si vede a più segni. Senza marciapiedi le più delle strade, e sudicie, e motose nel centro della città tutto l’anno, perché le fogne mancano ; e quando piove, non rigagnoli, ma torrenti » 14. In Francia, Tommaseo si unisce alla schiera eterogenea degli esuli italiani (« uomini dell’ottantanove, del quattordici, del ventuno, del trentuno, del trentadue, del trentatre, del trentaquattro » 15), condividendone la condizione economica precaria. La costituzione del 1793 aveva promulgato il Diritto d’asilo, ma la legge rimane sulla carta, e anche la Commissione istituita dal governo di Luigi Filippo può contare su pochi aiuti a fronte dei tanti bisognosi, e male distribuiti, come nota lo stesso Tommaseo, al punto da credere che essa sia « ordinata a soccorrere dei mascalzoni ; ed altri perché non han fogli comprovanti il loro esilio da causa politica, lascia basir di fame » 16. Di fatto, ad aiutare gli esuli sono le realtà municipali, con le limitate risorse a disposizione, e le associazioni nate tra gli stessi emigrati come la cassa di soccorso per italiani fondata a Parigi da Carlo Bellerio e dal principe di Belgiojoso.

12. N. Tommaseo a G.P. Vieusseux, Parigi, 27 febbraio 1834, in N. Tommaseo, G.P. Vieusseux, Carteggio inedito. I (1825-1834), R. Ciampini, P. Ciureanu (a cura di), p. 176. 13. N. Tommaseo a G. Capponi, Parigi, 15 ottobre 1834, in G. Capponi, N. Tommaseo, Carteggio inedito dal 1833 al 1874…, I. Del Lungo e P. Prunas (a cura di), p. 185. 14. N. Tommaseo a E. De Tipaldo, citata in R. Ciampini, Vita di Niccolò Tommaseo, p. 234-235. 15. Cf. N. Tommaseo a E. De Tipaldo, Parigi, 29 maggio 1834 (citata in R. Ciampini, Vita di Niccolò Tommaseo, p. 219-220), che continua : « costituzione, repubblica ; cospirazioni vecchie, cospirazioni nuove ; spiati, spie ; calunniati, calunniatori ; che danno il denaro, che lo ricevono ; che amano che odiano ; furbi, prudenti, imbecilli. Gl’imbecilli abbondano : uomini tali che a crederli esiliati per colpa politica, ci vuol fede. Per darti un’idea della grande varietà di viventi che in quest’aria malfida son chiusi, ti dirò che nella casa ov’io abito abbiamo un generale per ferirci e un medico per dilatare le ferite : un cavaliere per accecare e un oculista per levargli la lente cristallina ; un cacciatore per ammazzar passerotti e un giureconsulto per mangiarli ; un letterato per morire e un prete per dargli l’estrema unzione, unzione più lieta che quella dei re ». 16. N. Tommaseo a C. Cantù, Parigi, 25 aprile 1835, in Il primo esilio di Niccolò Tommaseo, 1834-1839…, p. 10. 58 Ilaria Macera

III. Tra chi si prodiga per gli esuli italiani c’è anche Felice Le Monnier, che usa le sue conoscenze in terra straniera per venire incontro alle loro prime esigenze, scrivendo ai suoi conoscenti a Bastia o a Marsiglia e interce- dendo per trovare a chi è costretto a partire se non un lavoro quantomeno un primo sicuro appoggio 17. Anche nei confronti di Tommaseo, Le Monnier non lesina aiuti, e non solo accoglie positivamente la richiesta in favore di Leopoldo Giorgetti, ma acclude alla lettera successiva l’indirizzo parigino del padre, esortando lo scrittore ad andare a trovarlo :

Monsieur, C’est avec d’autant plus de plaisir que j’ai reçu le billet que m’a remis de votre part la mère de Léopold, que je croyais avoir été tout-à-fait oublié. J’avais prévenu vos désirs. Léopold n’est plus à la presse. Il compose ; il travaille de bon cœur ; et j’espère qu’il réparera promptement le temps qu’il a perdu. Les encouragements ne lui manqueront pas. Je vous remercie bien sincèrement des vœux que vous faites pour que le séjour d’Italie me soit plus agréable que ne vous l’est celui de Paris, et j’espère que quelques mois d’habitude vous feront paraître moins pesant l’éloignement de votre patrie adoptive. J’éprouverais un grand plaisir à ce que mon père fît votre connaissance. Lorsque vous aurez un moment, vous pourriez passer chez lui ; et je suis certain qu’il vous saurait, aussi bien que moi, bon gré de lui donner de mes nouvelles 18.

All’auspicio di Tommaseo, « il soggiorno d’Italia le paia più dolce che a me il soggiorno di Francia », Le Monnier risponde fiducioso che spera che qualche « mois d’habitude » gli possa rendere meno pesante l’allontana- mento dalla « patrie adoptive ». Per Tommaseo, come coglie perfettamente Le Monnier, la causa principale della sofferenza è la lontananza dall’Italia. La « patria adottiva » non può essere il paese che lo ospita, ma, come si legge nella poesia composta a Marsiglia Esilio volontario, o è il non luogo dell’esilio, condizione esistenziale, terra di nessuno in cui vivere « povero e solo » con l’unico conforto che arriva « dal cielo » 19, o è la terra italiana che si è lasciato alle spalle, al punto che l’unica occasione di gioia la ricava dall’esilio nell’esilio :

17. C. Ceccuti, Un editore del Risorgimento…, p. 8. 18. F. Le Monnier a N. Tommaseo, Firenze, 17 febbraio 1835 (BNCF, Le Monn. B. 3, 60). 19. « Risorgi, rinfranca / La possa smarrita ; / O anima stanca, / Conosci la vita. / Tua patria è l’esiglio, / Tua sede il periglio, / Tua legge l’amor. / Deserta è la via, / Lontana la mèta : / Solinga ti avvia, / Né trista né lieta. / D’Italia il pensiero / (Tremendo mistero) / Tien’ sempre nel cuor. […] » (N. Tommaseo, « Esilio volontario » in Poesie, Firenze, Successori Le Monnier, 1872, ora edita l’edizione anastatica a cura di S. Magherini, Firenze, Società Editrice Fiorentina, 2017, p. 10-12). Niccolò Tommaseo e Felice Le Monnier tra Firenze e Parigi… 59

Le memorie mi opprimono e mi sono unico e necessario conforto. Ripensan- dole, piango : piango andando per istrada, ben certo che a nessuno importano le mie lagrime ; e questa solitudine istessa che m’accora, e in quel momento mi piace. E la sera quando non debbo vedere persone, e posso di buon’ora raccogliermi nella mia stanza, e chiudermi, ed esiliarmi di Francia, mi sento felice. L’aspetto degli uomini mi toglie a me stesso : il parlar francese m’è tormento ; parlo col cielo e col fiume, e mi rispondono in italiano 20.

L’augurio di Le Monnier riflette invece la sua personale esperienza. Nonostante non rinunci mai alla cittadinanza francese, che gli procura inizialmente non pochi fastidi (nei primi tempi del suo soggiorno è costretto a recarsi ogni otto giorni dal Commissario Regio per rinnovare il permesso di permanenza), ma lo mette relativamente al riparo da ripercussioni legali nell’esercizio del suo mestiere 21, l’editore trascorre « la miglior parte » della sua vita nella terra che l’ha « quasi adottato come un suo figliolo », al punto da poter « dire veramente d’avere due patrie » 22. Nella Firenze del 1830, Le Monnier trova la condizione perfetta per dare avvio alla sua impresa. Crocevia di esuli e stranieri già negli anni della dominazione napoleonica (« passage général de toute l’Europe », la definisce la Contessa d’Albany 23), con Leopoldo II la città offre, oltre al primato linguistico e letterario, una società nella quale se « si congiura meno », tuttavia « si studia di più » 24, con un governo di stampo moderato e una tradizione intellettuale tollerante e aperta ai richiami educativi 25.

20. N. Tommaseo a G. Capponi, Parigi, 17 marzo 1834, in G. Capponi, N. Tommaseo, Carteggio inedito dal 1833 al 1874…, I. Del Lungo e P. Prunas (a cura di), p. 113. 21. « Il francese non conosceva remore, lui che annunciava il ricorso al proprio ambasciatore ogni volta che veniva minacciato di processo […] lui, figlio della Francia napoleonica così orgogliosa e sollecita a proteggere i propri citoyens, soprattutto all’estero, dove un torto fatto loro veniva sentito come un’offesa al prestigio dell’intera nazione » (C. Ceccuti, Un editore del Risorgimento…, p. 186). 22. « Di questi preziosi ricordi della vita passata [le sue carte] non voglio trar lucro, e la mia ambizione sarà soddisfatta se prima di morire li avrò visti assicurati in Biblioteche che ne tengano di conto, perché desidero che non escano dal paese dove ho trascorso la miglior parte della mia vita, e che mi ha quasi adottato come un suo figliolo per modo ch’io posso dire veramente di avere due patrie » (F. Le Monnier a F. Mariotti, Firenze, 1o marzo 1883, citata in ibid., p. 15-16). 23. C. Pellegrini, La contessa d’Albany e il salotto del Lungarno, Napoli, ESI, 1951, p. 139. 24. « Quindi la pubblicazione frequente di libri che diffondevano principi liberali, sotto forma di Prose letterarie, di Poesie, di Storie, di Novelle, contribuiva a tener sveglio nell’animo degli italiani l’amore di patria e di libertà » (P. Galeati, Di due tipografi editori, Imola, Tipografia d’Ignazio Galeati e figlio, 1895, p. 8). 25. Lo stesso Tommaseo ne dà un ritratto decisamente lusinghiero : « Buon porto allora Firenze ; dove esuli d’altre parti d’Italia valorosi, e non vietati libri e giornali stranieri, e la censura delle stampe più mite, e mite il governo […] e per tali agevolezze, e per la dolcezza 60 Ilaria Macera

La tradizione editoriale fiorentina, tuttavia, è ancora legata ai libri ornati, sulla scia del piemontese Gian Battista Bodoni 26, volumi editi con molto riguardo per il lato estetico ma scorretti e imprecisi, destinati a un pubblico aristocratico. L’intuizione di Le Monnier consiste nel comporre testi curati nel contenuto, dalla forma elegante ma semplice, rivolti a un nuovo pub- blico di ceto medio, seguendo l’idea di edizioni economiche di volumi dal valore culturale e letterario non nuova in Inghilterra e in Francia. In Italia un’iniziativa simile è condotta a Torino da Giuseppe Pomba con la collana della « Biblioteca popolare », che ospita classici a un prezzo accessibile anche alle classi sociali meno abbienti 27. A Firenze, Le Monnier intuisce la potenzialità di trasformare il libro destinato a raggiungere una cerchia più ampia di lettori in un efficace strumento educativo, unendo al criterio editoriale l’impegno civile. Dopo il ginevrino Vieusseux, è il francese a farsi carico del rinnovamento culturale della regione, spingendo la classe intellettuale toscana oltre il « clima di rilassatezza » 28 che le è proprio, rendendola consapevole del proprio ruolo nell’educazione nazionale e promuovendo allo stesso tempo i propri interessi commerciali. La causa italiana trova così in Le Monnier chi possa stampare testi che uniscano il criterio letterario con la vocazione politica, e Le Monnier trova nella causa italiana una nicchia di potenziali lettori che possano fare la fortuna della sua casa editrice. IV. Lo scambio epistolare tra i due prosegue negli anni successivi, con l’editore che si occupa di far arrivare lettere e volumi a Tommaseo o che lo informa delle attività della tipografia, come testimoniano i riferimenti a Le Monnier nelle lettere che Tommaseo manda a Capponi : « Il Lemonnier mi parla di una raccolta lirica fatta dal Borghi, e non bene » ; « Ricevo in questo momento dal Lemonnier una lettera del Ciampi » 29. Non sono

del clima, e pe’ grandi esempi dell’arte, convenire a non breve dimora e a fermo ospizio uomini illustri o comechessia famosi di tutta Europa e del mondo ; e per il loro conversare e per l’aspetto stesso destarsi idee varie, e opinioni diverse venire a riscontro, e da tale commercio e dall’indole degli abitanti educarsi la scambievole tolleranza » (N. Tommaseo, Di Giampietro Vieusseux e dell’andamento della civiltà italiana in un quarto di secolo, Firenze, Stamperia sulle Logge del Grano, 1863, p. 7). 26. C. Ceccuti, Un editore del Risorgimento…, p. 26. 27. Inaugurata nel 1828, la « Biblioteca popolare » di Pomba si propone di ospitare cento volumi di opere classiche, latine e greche, in formato tascabile e dal costo di cinquanta centesimi per ogni volume. Ogni titolo deve essere « d’indole italiana », così che « colla scorta di perfetti modelli vieppiù si desti nella gioventù il desiderio di studiare la nostra bella lingua » (L. Firpo, Vita di Giuseppe Pomba, Torino, Utet, 1975, p. 57). 28. C. Ceccuti, Un editore del Risorgimento…, p. 47. 29. N. Tommaseo a G. Capponi, Parigi, 14 [16] marzo 1836, e Parigi, 15 maggio 1836, in G. Capponi, N. Tommaseo, Carteggio inedito dal 1833 al 1874…, I. Del Lungo e P. Prunas (a cura di), p. 392 e 394. Niccolò Tommaseo e Felice Le Monnier tra Firenze e Parigi… 61 anni facili per Tommaseo, ancora alle prese con una città e una società che non apprezza e non approva, nonostante il fervente mondo cultu- rale che frequenta. Scrive molto 30, frequenta i migliori salotti parigini 31, collabora a riviste italiane (come l’Esule, L’italiano, la Gazzetta italiana e l’Ausonio) e francesi. Ha numerosi contatti con le principali personalità del tempo, come lui stesso racconta in una lettera a Cesare Cantù del 26 giugno 1836 32, tra letterati e filosofi (Mignet, Sainte-Beuve, Lamartine, Pigault-Lebrun, Ampère, Bulwer-Lytton, Magnin, von Mohl, Lamennais, Tocqueville, Cousin, il conte di Tracy, Degerando, Sismondi, Fauriel, Didier, Planche), uomini politici (Buchez, il conte di Montalembert, Plocque, Raspail), uomini di scienza (Geoffroy S. Hilaire e Letronne, Champollion, Cloquet, Coquerel), eppure non guarda con nessun favore la nazione che l’ha accolto. Nelle lettere, negli scritti e nel diario si sommano le testimonianze di difficoltà pratiche e morali, di momenti di solitudine e scoraggiamento, intermezzate da giudizi severi sulle figure intellettuali e politiche che incontra. Un anno dopo la prima lettera, il 27 aprile del 1836, Tommaseo scrive un biglietto all’editore, indirizzandolo « Paris – S. Germain » 33. Se non è possibile ricostruire a cosa il biglietto si riferisca, tuttavia l’indirizzo testimonia la presenza di Le Monnier nella capitale francese, e una lettera di molti anni dopo, scritta da Tommaseo nel 1873, aiuta a presupporre un incontro tra i due in occasione della visita parigina dell’editore :

Prego la cortesia di Lei, voglia cercare del libro da Lei dato in luce sul principio del 1848, quand’io ero in carcere, al quale il S. March. Capponi prepose amorevoli sue parole. Gli erano passi, opportuni a quel tempo, tratti dall’altro

30. In questi anni pubblica le Relazioni degli ambasciatori veneti intorno alle cose di Francia nel sec. XV e il Duca d’Atene, due volumetti di versi, Confessioni e Versi facili per gente difficile, Una serva, e vari scritti polemici in risposta a L. Gozlan e al Carnès. 31. Come quelli di Cristina Belgiojoso, di Bianca Milesi Mojon, di Lucia De Thomasis. 32. Per lettera aggiunge : « Io non conosco né Hugo, né Chateaubriand, né Béranger ; […] Ho visti o sentiti la Trollope, Vernet, Talleyrand, il Tamburini, Quelell, la Plessis, Pisratory, Morray, Michelet, la Mars, Jarvier, Barbé Marbois, Saint-Marc Girardin, Dumas, Buchon, Guizard, Bonafous, Thibeaudeau, Sanson l’attore, Sanson il medico, Raynouard, Paucque- ville, Niemcevicz, Paul, Mad. Merlin, Lebrun, Lacretelle, Guiniaut, Czartorinski, Dufey, Denis, Boissonade, il duca di Valmy, il Salvolini, Ravenel, l’Ottavi, il duca di Piacenza […] Saint-Hilaire, Richard, Poisson, Patin, Mirbel, Lascasas, la Baudery, l’avvocato Dupont, la Falcon, Boulanger, Boireau, Thiers, Odry, Maugian, Magendie, l’attrice Dupont, la moglie di Thiers, la Déjazet, Bignon, Thenard il padre, Ostiavski, Letronne, Frederick Lemaitre, il presidente Dupin, Mad. Anais, Sarrut, Remusat, Nourrit, Bore de S. Vincent, Ampere il padre, Corcelles il giovane, Fieschi, Luigi Filippo, Arnal, Berryer » (N. Tommaseo a C. Cantù, Parigi, 26 giugno 1836, in Il primo esilio di Niccolò Tommaseo, 1834-1839…, p. 69-70). 33. « Ha già ricevuto risposta ? La prego di dirmi sì o no ; perch’io possa risolvere » (N. Tommaseo a F. Le Monnier, Parigi, 27 aprile 1836, BNCF. Le Monn. B. 3, 61). 62 Ilaria Macera

libro mio sull’Italia, del quale con riconoscenza rammento com’Ella, più di trentacinque anni fa, mi dicesse parole cortesi, rincontratomi in una galleria di Parigi ; presso via Montesquieu dove allora abitavo 34.

Il volume che Tommaseo sta cercando è Delle nuove speranze d’Italia 35, stampato nel 1848 con una prefazione di Gino Capponi, che contiene passi scelti dal libro Dell’Italia. Libri cinque, pubblicato sotto pseudonimo nel 1835 con il titolo Opuscoli inediti di Fra’ Girolamo Savonarola 36. Dall’aprile del 1833, appena un mese dopo la chiusura dell’Antologia, Tommaseo si è infatti dedicato a un nuovo scritto, che inizialmente doveva essere « una enumerazione dei falli de’ principi », parte di un progetto più ampio e condiviso da altri letterati dell’Antologia, ma che prende ben presto un « più largo disegno » 37. Nel libro si esorta a una rinascita politica italiana che poggi non sulla forza delle armi, ma su un profondo rinnovamento delle coscienze 38, e che ponga « la religione a fondamento della libertà » 39. Fin dalla stesura, Tommaseo è consapevole di non poter pubblicare negli altri Stati italiani un libro che parli così schiettamente della situazione politica, così la necessità di dare alle stampe il testo è uno dei principali, se non il principale, motivi che lo portano all’esilio 40. Stampati dalla tipografia parigina Delaforest, gli Opuscoli sono banditi immediatamente dalla Toscana e possono essere

34. N. Tommaseo a F. Le Monnier, Firenze, 15 gennaio 1873 (BNCF, Le Monn. B. 3, 199). 35. N. Tommaseo, Delle nuove speranze d’Italia. Presentimenti, Firenze, Le Monnier, 1848. 36. [N. Tommaseo], Opuscoli inediti di F. Girolamo Savonarola [Dell’Italia. Libri cinque], Parigi, Imprimerie de Pihan Delaforest, 1835 ; poi con il titolo Dell’Italia. Libri cinque, G. Balsamo-Crivelli (a cura di), Torino, Utet, 1920-1921 ; ora in ristampa anastatica, F. Bruni (a cura di), Alessandria, Edizioni dell’Orso, 2003. 37. « Nel marzo l’Antologia fu spenta, nell’aprile cominciai l’opera sull’Italia : nel primo concetto la non doveva essere che una enumerazione dei falli de’ principi, e doveva uscire con altre scritture di simil genere ; ma rimasi io solo nell’impresa, e avendo del resto guardata fin dal primo quella prima parte, come proemio a cose più necessarie a trattare poi, seguitai con più largo disegno » (N. Tommaseo, Un affetto. Memorie politiche, M. Cataudella (a cura di), Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 1974, p. 49). 38. Cf. in proposito S. Magherini, « Tommaseo : “un libro sulle miserie e le speranze della nazione” », in Avanguardie storiche a Firenze e altri studi tra Otto e Novecento, Firenze, Società Editrice Fiorentina, 2012, p. 2-20 ; la Postfazione di F. Bruni alla ristampa anastatica di N. Tommaseo, Dell’Italia. Libri cinque, p. 18-28 ; M. Versace, « Aspetti del pensiero sociale di Tommaseo nel libro secondo di Dell’Italia », in Niccolò Tommaseo : popolo e nazioni. Italiani, corsi, greci, illirici, Atti del Convegno di studi (Venezia, 23-25 gennaio 2003), F. Bruni (a cura di), Roma – Padova, Antenore, 2004, p. 157-175 ; G. Verucci, « Il Cattolicesimo liberale e sociale di Niccolò Tommaseo », in Niccolò Tommaseo e Firenze, p. 19-36. 39. « L’editore a chi legge » [G. Capponi], in N. Tommaseo, Delle nuove speranze d’Italia. Presentimenti, p. VII. 40. « Pensai nel XXXV a stampare il mio libro, per il quale avevo scelto volontario l’esilio e gli incomodi che ne conseguono, i quali rassegnato patii » (N. Tommaseo, Un affetto. Memorie politiche, p. 53). Niccolò Tommaseo e Felice Le Monnier tra Firenze e Parigi… 63 letti entro i confini italiani solo grazie a distribuzioni clandestine, come quella effettuata a Firenze dal libraio Ricordi, su interessamento di Capponi e Vieusseux 41. I ricavati della vendita parigina sono destinati da Tommaseo a una Commissione per gli esuli italiani. Dei cinque libri Dell’Italia, il monarchico Le Monnier non avrebbe con ogni probabilità potuto apprezzare la vis polemica con cui Tommaseo affronta la scena politica e con cui, nel primo libro dedicato interamente alle « colpe dei principi », passa in rassegna i principati italiani, non risparmiando critiche puntuali e, al solito di Tommaseo, aspre, ai sovrani di Napoli, Lucca, Parma, Toscana, Modena, Piemonte, Austria, tra i quali il « più miserabile », « autore dei più grandi mali », Carlo Alberto 42. Così come non avrebbe ricevuto il plauso di Le Monnier, « unitario per convinzione » 43, il progetto politico di Tommaseo, che prevedeva, in ottica federalista, uno Stato in cui piena autonomia sarebbe stata riservata alle realtà provinciali e municipali 44. Il secondo libro, tuttavia, dedicato « allo stato del popolo » 45, tratta anche degli Educatori, ai quali spetta il compito di rinnovare la nazione,

41. Della rete clandestina e della serietà con cui la polizia cerca di rintracciare le copie dà un resoconto Gaspero Barbèra : « Un barbiere francese, che abitava in Torino […] andava una volta l’anno a Parigi per fare acquisti di saponi profumati, di cigno, di spazzole e di altre galanterie per la gioventù desiderosa di avere e mostrare che aveva roba di Parigi. Io già preso dall’amore dei libri in sul serio (avevo sui diciotto anni) gli diedi per iscritto l’incarico di portarmi la nuova opera del Tommaseo intitolata Dell’Italia. Libri cinque, colà pubblicata di recente ; proibitissima a Torino, come quella che aveva pagine severe, e che facevan venire i bordoni a leggerle, intorno ai vari principi d’Italia, e soprattutto contro Carlo Alberto. Chiamarlo traditore era forse l’offesa meno grave che si leggesse in quelle pagine scritte con penna accesa dalla passione politica e dallo sdegno, che suscitano i dolori e i patimenti dell’esilio. Il barbiere […] fu denunciato da questa alla polizia di aver portato libri proibiti da Parigi. Ed ecco la polizia del palazzo Madama diretta da un certo commissario Tosi venir a perquisire il domicilio del parrucchiere, trovar la mia lettera, pedinarmi la sera, imparare a conoscere non solo me, ma i miei amici e gli amici degli amici » (G. Barbèra, Memorie di un editore. Pubblicate dai figli, Firenze, G. Barbèra, 1883 (poi Firenze, Barbèra, 1954), p. 23-24). 42. N. Tommaseo, Dell’Italia. Libri cinque, p. 36. Tommaseo arriva a dichiarare che è ormai decaduto il tempo della monarchia : « L’epoca degli individui raccoglienti in sé le forze e la sapienza delle nazioni intere, è passata », p. 59. 43. « Io sono unitario per convinzione » scrive l’editore, « ma siccome voglio per me la libertà del pensare e di esternare il mio pensiero, non ho mai avuto per nemico chi non concorda con me in fatto di politica : al più compiango quelli che preferirebbero alla dinastia italiana (vedete che io non dico piemontese e neppure di Savoia) una scacchiera composta di colori diversi », lettera di Felice Le Monnier a un nobile romano, citata in C. Ceccuti, Un editore del Risorgimento…, p. 6-7. 44. « Dialetti, fisionomie, razze, suolo, costumi, storia ; ogni cosa ci avverte quanto sia impresa difficile comporre l’Italia in quella materiale unità politica la qual riesce da ultimo sì comoda al governo de’ despoti » (N. Tommaseo, Dell’Italia. Libri cinque, p. 227). 45. « Nel primo [libro] le colpe dei principi ; nel secondo lo stato del popolo. Poveri, ricchi, città, campagne, donne, magistrati, educatori, preti, indifferenti, retrogradi, liberatori. 64 Ilaria Macera con una nuova idea educativa che non si compia nelle aule universitarie ma che sia individuale, perché « l’uomo ormai s’ammaestra e s’educa leggendo, ascoltando, viaggiando, scrivendo, osservando la natura e sé stesso » 46. I letterati sono chiamati a mostrare la via, sull’esempio di alcuni autori italiani (quelli che « alla religiosa e civile educazione de’ fratelli pensassero » 47), seguendo un fondamentale precetto : « scrive[re] per il popolo » 48, perché « la parola ha creato, la parola ha redento : or chi potrà liberare se non la parola » 49. Il proposito educativo è anche finalizzato alla lotta politica, poiché il fine ultimo dell’educazione è « morale insieme e politico » : « rinnovare negli animi la coscienza della propria dignità » 50. V. Dalla sua posizione di esiliato, Tommaseo sostiene con forza l’impor- tanza di una letteratura che abbia un chiaro intento educativo e che possa contribuire al processo di formazione dell’identità nazionale. È in quest’ottica di tutela della tradizione italiana che si colloca la chiusura nei confronti della letteratura francese e dell’influenza che questa ha sulle opere dei sui conterranei. Se è vero che, nella cultura d’oltralpe, Tommaseo avverte il pericolo di una deriva materialistica, che nega la funzione pedagogica per rincorrere il guadagno e il successo facile 51, è vero anche che il maggior danno per una nazione che si sta formando come l’Italia, e che nella tradizione letteraria trova fondamento e giustificazione di sé, deriva dal prestigio di una letteratura straniera che induce all’imitazione :

Je ne vous dirai pas que les jugements cruels et les plaisanteries banales que maints Français se permettent touchant l’Italie, ne m’aient fait quelquefois regarder la France d’un œil plus sévère. Mais ce qui me fâchait le plus, c’était de voir l’admiration servile avec laquelle tant d’Italiens se prosternent devant tout ce qui a l’apparence d’être parisien : admiration qui fait tort et aux imitateurs et à ceux qu’on imite. Je regarde celui-ci comme le plus grand malheur de mon pays ; car le bien même, dès qu’il n’est qu’une répétition de ce qui se fait ailleurs, ne saurait exciter un sentiment profond ni laisser de grandes traces 52.

Accenno i difetti di ciascun ordine, e le cause dei mali d’Italia, morali ben più che politiche » (N. Tommaseo, Un affetto. Memorie politiche, p. 75). 46. N. Tommaseo, Dell’Italia. Libri cinque, p. 110. 47. Ibid., p. 66. 48. Ibid., p. 134. 49. Ibid., p. 90. 50. Ibid., p. 123. 51. Cf. al riguardo M. Cini, « L’esperienza dell’esilio in Niccolò Tommaseo ». 52. N. Tommaseo, da una lettera a Tommaso Piel in Scintille, Venezia, Tasso, 1841, ora F. Bruni (a cura di), Milano, Guanda, 2008, p. 15. Niccolò Tommaseo e Felice Le Monnier tra Firenze e Parigi… 65

Per ovviare al problema, è necessario, per « i fanciulli, le donne, il popolo », fintanto che « libri nuovi per loro si facciano », « raccogliere dalla letteratura nostra le cose che possano loro, giovando, piacere » 53 ; così come, più tardi, tra i propositi per il « politico bene d’Italia » Tommaseo inserirà « parlare alla gioventù, gl’impeti suoi eccitare insieme e moderare, dar uno scopo a’ suoi studii alla sua vita » fino a « stampare una biblioteca scelta ad uso di lui » 54. La risposta di Le Monnier alla responsabilità morale e civile di fornire libri che ispirino e guidino la nazione è la realizzazione della « Biblioteca nazionale » (il cui stesso titolo, come nota Spadolini, è un « programma di lotta », quando « di Nazione era ancora assurdo parlare » 55), la collana che ospita più di duecento volumi dalla copertina rosa, tra classici della letteratura italiana editi con profonda cura del testo e opere di protagonisti del Risorgimento come Guerrazzi, Pellico, Giusti e Gioberti. Inaugurata nel 1843 con l’avventurosa edizione dell’Arnaldo da Brescia di Giovan Battista Niccolini, stampato a Marsiglia e poi fatto entrare clandestinamente in Italia, la « Biblioteca nazionale », unendo il criterio letterario e la propaganda politica, è il più grande successo commerciale di Le Monnier 56. La collana vuole essere la biblioteca ideale dell’italiano, e dunque, in qualche modo, presentare un nuovo canone composto di tradizione e modernità politica, che possa proporre la letteratura italiana anche oltre i confini della penisola, raggiungendo gli stati esteri. Per Tommaseo, una possibile forma di difesa dal prestigio della letteratura francese, oltre che affinare il senso critico e non accogliere ogni suggestione straniera, consiste nel mostrare all’estero « taluno di que’ tesori che l’inge- gno italiano […] nasconde nelle profondità sue » 57. Anche per Le Monnier l’aprirsi a una dimensione europea, inviando le proprie edizioni oltralpe e intrattenendo rapporti con i letterati stranieri, è finalizzato a « illuminare l’opinione pubblica francese sulle vere tendenze degli italiani, in politica come in letteratura », come scrive in una lettera del 1860 a Edmond de Guerle.

53. N. Tommaseo, Ispirazione e arte, o Lo scrittore educato dalla società e educatore, Firenze, Le Monnier, 1858, p. 299. 54. N. Tommaseo, Un affetto. Memorie politiche, p. 29. 55. G. Spadolini, « Introduzione » a C. Ceccuti, Un editore del Risorgimento…, p. XXIX. 56. Per Le Monnier è importante che l’intento politico non sia negato, come scrive a Carlo Branca, rimproverandolo di non aver sottolineato i rischi che si correvano a fare propaganda in due suoi articoli per « La Circolare della Libreria » : « Nel vostro articolo di tutt’altro avete parlato fuorché del concetto politico […] non nascondo che mi sarebbe piaciuto che mi aveste considerato anche come propagatore d’idee liberali in tempi ne’ quali vi era qualche rischio da correre, anche materialmente parlando » (F. Le Monnier a C. Branca, Firenze, 31 agosto 1864, citata in C. Ceccuti, Un editore del Risorgimento…, p. 174-175). 57. N. Tommaseo, Ispirazione e arte…, p. 299. 66 Ilaria Macera

« Abito a Firenze dal 1831 », conclude nella lettera, « e se ho conservato qui le mie idee e abitudini francesi, ho nondimeno studiato a fondo e senza pregiudizi o passioni la società e soprattutto il popolo in mezzo al quale vivo da tanti anni e cui devo rendere giustizia » 58. Come si è sottolineato in precedenza, il trasferimento in Italia per Le Monnier non equivale in alcun modo a rinnegare la cittadinanza francese, che anzi l’editore conserva fino alla morte, con le « idee » che tanto lo hanno sostenuto nel suo lavoro, e le « abitudini » della terra d’origine. Emigrare significa però tentare di capire a fondo il nuovo tessuto sociale che gli è intorno, e partecipare attivamente alla sua vita, per comprenderla e, infine, per restituire la sua verità, « senza pregiudizi o passioni », a quanti non abbiano ancora avuto modo o voglia di conoscere la nazione che si sta formando. Lo sforzo non è superfluo, ma ha lo scopo primario di « rendere giustizia » alla seconda patria.

Ilaria Macera Università degli Studi di Firenze

58. F. Le Monnier a E. de Guerle, Firenze, 24 febbraio 1860, citata in C. Ceccuti, Un editore del Risorgimento…, p. 56. LES BÉNÉFICES POLITIQUES D’UNE RELATION ÉPISTOLAIRE FRANCO-ITALIENNE AU CŒUR DU RISORGIMENTO : LA CORRESPONDANCE MASSIMO D’AZEGLIO – EUGÈNE RENDU (1847-1865)

Résumé : L’article vise à étudier la correspondance échangée entre l’homme d’État italien Massimo d’Azeglio et le Français Eugène Rendu de 1845 à 1867. Les 229 lettres qui ont été conservées apparaissent comme un témoignage intéressant de la structuration au milieu du XIXe siècle d’un espace de débat transnational autour de la question italienne. Surtout, elles donnent à voir les bénéfices que chacun des deux hommes put tirer de cette relation. Les lettres permettent en effet de mettre à jour le rôle d’Eugène Rendu dans la diffusion des idées et des écrits de Massimo d’Azeglio en France. Elles montrent également la façon dont le Français chercha constamment à mettre en avant sa proximité avec l’homme d’État italien pour légitimer ses idées, pourtant minoritaires parmi les catholiques français, à l’égard du mouvement national italien. Riassunto : L’articolo mira a studiare la corrispondenza tra l’uomo di Stato italiano Massimo d’Azeglio e il francese Eugène Rendu dal 1845 al 1867. Le 229 lettere che sono state conservate appaiono come una testimonianza interessante della strutturazione, a metà Ottocento, di uno spazio di dibattito transnazionale attorno alla questione italiana. Soprattutto mostrano i benefici che ognuno dei due uomini poté ritirare da questa relazione. Le lettere permettono infatti di rivelare il ruolo di Eugène Rendu nella diffusione delle idee e degli scritti di Massimo d’Azeglio in Francia. Mostrano ugualmente il modo in cui il francese cercò costantemente di far valere la sua prossimità con l’uomo di Stato italiano per legittimare le sue idee, peraltro minoritarie tra i cattolici francesi, nei confronti del movimento nazionale italiano.

En 1867, Eugène Rendu, alors inspecteur général de l’Instruction publique, publia sous le titre Correspondance politique de Massimo d’Azeglio un ensemble important de 148 lettres écrites par l’ancien président du Conseil piémontais, mort au tout début de l’année précédente, à plusieurs corres- pondants français entre 1847 et 1865 1. L’ouvrage connut semble-t-il un

1. E. Rendu, L’Italie de 1847 à 1865. Correspondance politique de Massimo d’Azeglio, Paris, Didier, 1867. Parmi les destinataires de ces lettres, on trouve en premier lieu Rendu

Transalpina, no 21, 2018, Entre France et Italie…, p. 67-84 68 Arthur Hérisson certain succès auprès du public puisqu’on dut procéder la même année à une seconde édition. Une telle correspondance témoignait des liens qui unissaient la France et l’Italie à l’époque du Risorgimento et, plus précisé- ment, de la structuration d’un vaste espace de débat transnational centré autour des affaires italiennes, dont les correspondances, à côté d’autres types d’écrits publics ou privés, formaient un maillon essentiel. Les historiens de la période ont de longue date porté leur intérêt sur les correspondances des principaux acteurs du Risorgimento. Cet intérêt a notamment conduit à de nombreuses entreprises de publication de correspon- dances générales (epistolari), qui ont permis à la fois de mieux saisir la pensée des hommes étudiés et de cerner avec une certaine précision les réseaux de relations interpersonnelles au sein desquels ils se mouvaient. À côté de ces vastes entreprises, ont par ailleurs eu lieu des publications partielles, dédiées à des correspondances particulières entre deux hommes seulement (carteggi). La correspondance entre Massimo d’Azeglio et Eugène Rendu fait partie des rares carteggi franco-italiens qui ont donné lieu à une publication, en deux temps 2. Les lettres écrites par l’Italien furent, on l’a vu, publiées en 1867 et celles du Français le furent tout juste un siècle plus tard, en 1967. À travers une telle correspondance, qui s’étend sur près de vingt ans, c’est un pan de l’histoire du Risorgimento comme phénomène non pas simplement italien mais européen que l’on peut appréhender. Des deux hommes, le plus important, tant par ses écrits que par son rôle politique, était sans conteste Massimo d’Azeglio 3. Né à Turin en 1798, celui-ci s’était d’abord fait connaître comme peintre puis comme écrivain avant de devenir une des principales figures du mouvement national italien dans les années 1840. Gendre d’Alessandro Manzoni, Massimo d’Azeglio écrivit en effet plusieurs romans historiques à tonalité patriotique 4 ainsi que Gli ultimi casi di Romagna (1846), qui firent de lui l’un des principaux

lui-même (128 lettres) et son beau-frère, Louis Doubet (16 lettres). Deux autres lettres étaient adressées à la femme d’Eugène Rendu, une à Pie IX et une dernière à Alphonse Dantier, auteur de divers travaux sur l’Italie, qu’il avait visitée à l’occasion d’une mission que lui avait confiée Salvandy sous la monarchie de Juillet (voir notamment : Les monastères bénédictins d’Italie et L’Italie. Études historiques). 2. On citera également : F. Kaucisvili Melzi d’Eril, Carteggio Montalembert-Cantù (1842-1868), Milan, Vita e Pensiero, 1969. 3. Sur Massimo d’Azeglio, fondamentaux ont été les travaux d’Alberto Maria Ghisalberti. Georges Virlogeux a par ailleurs entrepris l’édition complète de son epistolario, dont le neuvième tome, concernant la période 1857-1859, est paru en 2016. 4. Deux de ses ouvrages, Ettore Fieramosca et Niccolò de’ Lapidi, figurent du reste parmi lecanone risorgimentale mis en évidence par Alberto Mario Banti dans son étude désormais classique sur la diffusion du discours national en Italie. Cf. A.M. Banti,La nazione del Risorgimento. Parentela, santità e onore alle origini dell’Italia unita, Turin, Einaudi, 2000, p. 45. Les bénéfices politiques d’une relation épistolaire… 69 représentants du libéralisme modéré dans la péninsule. Après avoir pris part à la guerre contre l’Autriche en 1848, il fut nommé président du Conseil par le roi Victor-Emmanuel II en mai 1849, au lendemain du désastre de Novare, et cumula avec cette fonction celle de ministre des Affaires étrangères. À la tête du gouvernement sarde pendant trois ans, jusqu’à son remplacement par Cavour en 1852, il permit notamment au Piémont de conserver son Statuto et de réformer, à travers les lois Siccardi, les rapports entre l’Église et l’État. Il devint par la suite commissaire à Bologne en 1859, après qu’une insurrection eut chassé les représentations du pape des Romagnes, puis gouverneur à Milan en 1860, fonction dont il démissionna en raison de son hostilité à l’expédition des Mille. Ce fut dès lors comme sénateur qu’il continua à participer à la vie politique de son pays, jusqu’à sa mort en 1866. Si Massimo d’Azeglio a laissé une importante trace dans l’histoire de son pays en tant qu’acteur majeur du Risorgimento, il n’en est pas de même d’Eugène Rendu, qui fait partie de la grande masse des hommes qui, jouissant en leur temps d’une certaine renommée, sont aujourd’hui tombés dans l’oubli, ce qui rend nécessaire de revenir plus longuement sur son parcours 5. Né à Paris en 1824, fils d’un inspecteur général de l’Université, Eugène Rendu appartenait à l’aile gauche du catholicisme libéral français du milieu du XIXe siècle. Il participa à ce titre, après la révolution de 1848, au journal de Lacordaire et Ozanam L’Ère nouvelle, fondé par des catholiques soucieux d’accepter pleinement la nouvelle république. Fervent catholique, opposé à la laïcisation de l’enseignement, il rejoignit par la suite le cabinet du ministre de l’Instruction publique et des Cultes en novembre 1849 et devint inspecteur primaire de la Seine (1850) puis chef du personnel de l’enseignement primaire (1853), inspecteur général adjoint de l’enseignement primaire (1860) et enfin inspecteur général en 1861. À côté de son rôle au ministère de l’Instruction publique, il manifesta un intérêt réel pour les affaires italiennes, redoublé par les liens qu’il avait tissés au cours de ses voyages dans la péninsule en 1844 et en 1847 avec nombre des principaux représentants du patriotisme et du libéralisme modéré catholique piémon- tais et toscan (Montanelli, Gioberti, Sclopis, Capponi, etc.), liens entretenus par la voie épistolaire de façon plus ou moins régulière 6. Dès 1846, il publia

5. Sur Eugène Rendu : J. Gay, « Deux témoins du mouvement national italien : Louis Doubet et Eugène Rendu (1846-1859) », in Un siècle d’histoire italienne. Les deux Romes et l’opinion française. Les rapports franco-italiens depuis 1815, Paris, Librairie Félix Alcan, 1931, p. 26-100. 6. La correspondance éditée de Gino Capponi recèle ainsi 36 lettres écrites par Rendu à l’historien florentin et 24 écrites par ce dernier au Français. Cf. A. Carraresi, Lettre di Gino Capponi e di altri a lui, Florence, Le Monnier, 1882-1890, 6 vol. 70 Arthur Hérisson ainsi plusieurs articles où il saluait le mouvement national. Surtout, il fit paraître de nombreuses brochures sur la situation de l’Italie et des États romains qui lui valurent une certaine renommée tant en France qu’auprès des élites libérales de la péninsule 7. En 1858, lorsque Napoléon III demanda à Arthur de la Guéronnière d’écrire une brochure dénonçant la situation politique de l’Italie afin de légitimer une intervention française, Rendu fut étroitement associé à sa rédaction en raison de son intime connaissance de l’histoire et de l’état politique de l’Italie 8. Par cette place dans l’écriture de la brochure L’Empereur Napoléon III et l’Italie, Rendu joua ainsi un rôle fondamental dans la mise en place de la politique italienne de l’empereur, qui déboucha sur la guerre de 1859 puis sur une unification de l’Italie qu’il n’avait pas souhaitée. Si la correspondance échangée entre les deux hommes n’a jusqu’à présent que peu suscité pour elle-même l’attention des chercheurs, elle ne nous est pour autant pas totalement inconnue. Dans l’entre-deux-guerres, Jules Gay avait publié une étude qui, sous le titre « Deux témoins du mou- vement national italien : Louis Doubet et Eugène Rendu (1846-1859) », fut la première à mettre en évidence les liens d’Eugène Rendu avec l’Italie 9. Si cette étude ne portait pas précisément sur les relations entre Rendu et d’Azeglio, elle représenta cependant un point de départ important dans l’examen du réseau italien du Français. Dans la continuité de ce travail, Bernardino Ferrari porta par la suite son attention, au cours des années 1950 et 1960, sur la correspondance échangée entre Eugène Rendu et Massimo d’Azeglio, en se fondant à la fois sur les lettres écrites par l’ancien président du conseil piémontais et publiées en 1867, mais également sur les lettres reçues par ce dernier, conservées au sein de la Raccolta azegliana des Archives du Musée central du Risorgimento de Rome, dont il réalisa une publication intégrale 10. L’objet de cet article est de reprendre à nouveau frais l’étude de ce carteggio en le considérant selon une perspective différente de celle pri- vilégiée par Bernardino Ferrari. Celui-ci avait en effet principalement analysé cette correspondance dans une perspective d’histoire des idées, en mettant en avant le positionnement des protagonistes à l’égard des

7. Ses écrits sur l’Italie lui valurent notamment d’être fait chevalier de l’ordre des Saints- Maurice-et-Lazare en 1850 et de devenir membre correspondant de l’Académie royale des sciences de Turin en 1859. 8. Voir à ce sujet la lettre d’Eugène Rendu à Luigi Chiala du 25 août 1883, in Lettere edite ed inedite di Camillo Cavour, L. Chiala (éd.), Turin, Roux e Favale, vol. III, 1884, p. 385-396. 9. Cf. supra, note 5. 10. B. Ferrari, Eugène Rendu e Massimo d’Azeglio. Il Risorgimento italiano visto da un cattolico liberale francese (1849-1865), Santena, Fondazione Camillo Cavour, 1967. Les bénéfices politiques d’une relation épistolaire… 71 questions italienne et romaine. De ce point de vue, la correspondance était moins étudiée pour elle-même, en tant que source spécifique, que pour les opinions qu’elle permettait, parfois mieux que d’autres types de documents dont le caractère public pouvait obliger les auteurs à adoucir leur pensée, d’appréhender. Je me propose de revenir au contraire sur la spécificité même de la relation épistolaire entre les deux hommes en interrogeant notamment l’intérêt que chacun d’entre eux pouvait trouver dans l’entretien d’une correspondance avec un contemporain vivant dans un pays étranger. Si la relation entre Massimo d’Azeglio et Eugène Rendu peut en effet être considérée comme dissymétrique en raison de l’inégale importance des deux hommes, chacun put cependant bénéficier de celle-ci. Après avoir montré la grande richesse de ce carteggio, l’article s’inté- ressera au rôle d’Eugène Rendu dans la diffusion des écrits et de la pensée de Massimo d’Azeglio en France puis à la manière dont le Français a pu chercher à s’appuyer sur la caution intellectuelle que représentait l’homme d’État italien pour légitimer ses propres idées, minoritaires dans son pays.

Une riche correspondance, largement centrée autour des événements italiens De cette correspondance, 229 lettres ont été conservées. Si le corpus épis- tolaire se trouve à l’évidence incomplet (certaines lettres font référence à d’autres qui sont perdues), la plus grande partie de celui-ci paraît cependant avoir été préservée. Sont ainsi parvenues jusqu’à nous 128 lettres écrites par Massimo d’Azeglio et 101 d’Eugène Rendu, l’écart entre ces deux chiffres étant largement dû au fait que l’Italien ne semble pas avoir conservé la plupart des lettres que Rendu lui écrivit avant 1859 11. La première lettre date de 1847 et la dernière de 1865, mais la correspondance ne devint réellement importante qu’à partir de 1859. On n’a ainsi conservé que 27 lettres pour la période 1847-1858 contre 202 pour la période, pourtant bien moins longue, 1859-1865. La périodisation de la correspondance témoigne de sa grande dépendance vis-à-vis des événements italiens, avec un premier pic en 1848-1849 et, surtout, un changement de rythme complet à partir de 1859 et des débuts de l’unification de la péninsule autour du Piémont. Les envois de lettres prirent alors un rythme mensuel (17 lettres pour l’année 1864), voire quasi-hebdomadaire (44 lettres en 1859, 45 en 1862).

11. On compte ainsi 22 lettres de Massimo d’Azeglio à Eugène Rendu entre 1847 et 1858 contre seulement 5 du Français à l’Italien. Cf. supra, note 6. 72 Arthur Hérisson

Nombre de lettres échangées entre Massimo d’Azeglio et Eugène Rendu12

Cette dépendance de la correspondance vis-à-vis de la conjoncture italienne est d’autant moins surprenante que les affaires de la pénin- sule se trouvèrent à l’origine de la relation entre les deux hommes. La première lettre de la correspondance fut en effet envoyée à la fin du mois d’octobre 1847 par d’Azeglio à Rendu 13, à une époque où ils ne s’étaient encore jamais rencontrés, pour le remercier des articles qu’il avait publiés dans la presse parisienne à propos de l’Italie 14. L’initiative de d’Azeglio fut facilitée par les relations qu’il avait déjà nouées avec le beau-frère de Rendu, Louis Doubet, et les deux hommes se rencontrèrent par la suite peu de temps après, lors du voyage qu’Eugène Rendu fit en Italie à l’automne 1847. Parmi les facteurs pouvant rendre compte de la durée d’une telle correspondance, il faut sans doute placer au premier plan la proximité idéologique des deux hommes, notamment au sujet des affaires d’Italie. Les historiens ont pourtant souligné l’importance des divergences qui avaient opposé les catholiques libéraux des deux côtés des Alpes à ce sujet.

12. L’année de rédaction de deux des 229 lettres du carteggio est inconnue. Celles-ci n’ont par conséquent pas été prises en compte pour établir ce graphique. 13. Dans son édition de la correspondance de Massimo d’Azeglio, Eugène Rendu date la lettre de la fin du mois de septembre, mais Georges Virlogeux a montré qu’elle ne pouvait en réalité avoir été écrite qu’entre le 17 et le 21 octobre (cf. Epistolario, G. Virlogeux (éd.), Turin, Centro studi piemontesi, vol. III, 1992, p. 470). 14. « Vous avez au mieux compris la situation, et, du premier coup, saisi la note : puissions- nous, en France et en Angleterre, avoir beaucoup d’amis tels que vous ! » (E. Rendu, L’Italie de 1847 à 1865…, p. 24). Les bénéfices politiques d’une relation épistolaire… 73

Tandis que, dans la péninsule, les tenants catholiques d’un libéralisme modéré s’étaient largement ralliés au mouvement national, ils étaient en France restés pour la plupart méfiants à l’égard de celui-ci, alors même qu’ils témoignaient à la même époque d’un vif intérêt aux mouvements polonais et irlandais. Une telle situation trouvait principalement son ori- gine dans le fait que les aspirations nationales des Italiens se heurtèrent, notamment après 1848-1849, lorsque l’hypothèse néo-guelfe fut balayée par le refus de Pie IX de participer à la guerre contre les Autrichiens, à l’existence des États de l’Église, dont la survie importait alors d’autant plus aux catholiques que le pouvoir temporel était considéré comme le garant de l’indépendance du pape comme chef spirituel des croyants. Le rôle joué par Charles de Montalembert, le chef du parti catholique sous la monarchie de Juillet, dans la restauration du pouvoir pontifical après 1849 témoignait du reste parfaitement de la méfiance de la majorité des catholiques français à l’égard de la question italienne. De ce point de vue, le positionnement d’Eugène Rendu à l’égard des affaires d’Italie le distinguait fortement de ses compatriotes et le rapprochait au contraire des libéraux modérés italiens comme Massimo d’Azeglio. La correspondance des deux hommes témoigne en effet de fortes similitudes entre leurs conceptions de l’Italie, même si des désaccords ne manquèrent pas de surgir ponctuellement. Avant 1859, tous deux se montrèrent ainsi favorables à la fois à une émancipation de l’Italie à l’égard de la domination autrichienne et à la mise en place de régimes constitutionnels établis sur le modèle du libéralisme modéré. Tous deux désiraient également sauvegarder les États du pape tout en les réfor- mant en profondeur. Ils étaient ainsi hostiles à l’idée d’une unification de la péninsule, jugée impossible en raison des écarts culturels entre les différentes régions qui la composaient et de la prégnance des patriotismes locaux. Surtout, ils rejetaient avec force la perspective révolutionnaire et anticléricale portée par Giuseppe Mazzini. Ces proximités de vues étaient larges mais pas totales. L’étude de la correspondance témoigne en effet de divergences parfois non négligeables, qui apparurent principalement à partir de 1859 et des débuts de l’unification de l’Italie autour du Piémont. Certes, les deux hommes se réjouirent tous deux de l’intervention de la France en Italie et regrettèrent que la paix de Villafranca intégrât l’Autriche dans la confédération italienne dont elle prévoyait la création. Ils s’opposèrent cependant sur les annexions auxquelles procéda le Piémont par la suite. Surtout, s’ils dénoncèrent tous deux l’expédition des Mille de Garibaldi comme un acte contraire au droit international, Massimo d’Azeglio se rallia assez rapidement à l’unification une fois celle-ci réalisée alors que Rendu persista à la considérer 74 Arthur Hérisson comme contraire à la situation politique et culturelle de la péninsule, et par conséquent nécessairement éphémère 15. Tous deux dénoncèrent cependant ensemble le projet exprimé par Cavour dans ses célèbres discours des 25 et 27 mars 1861 de faire de Rome la capitale du royaume d’Italie.

Eugène Rendu, intermédiaire de la diffusion des idées et des écrits de Massimo d’Azeglio en France L’étude des lettres échangées entre les deux hommes permet de saisir le rôle central occupé par Eugène Rendu dans la diffusion des idées et des écrits de Massimo d’Azeglio en France, ainsi que de cerner les modalités concrètes de la circulation de ceux-ci. Comme toutes les circulations transnationales, les circulations d’écrits et d’idées sont en effet dépendantes d’un certain nombre de facteurs, qui les facilitent ou, au contraire, les freinent. C’est un des principaux apports des études sur les transferts culturels, initiées par Michel Espagne et Michael Werner, que d’avoir à ce sujet conduit les chercheurs à porter leur attention à la fois sur les contextes de départ et d’accueil de ces circulations et sur l’importance des personnes servant de passeurs 16. La correspondance de Massimo d’Azeglio et d’Eugène Rendu permet ainsi d’appréhender le rôle de ce dernier comme intermédiaire entre les écrits de l’Italien et le public français. Elle met notamment en évi- dence les écarts entre les contextes italien et français, rendant nécessaire une adaptation des écrits de d’Azeglio afin de les conformer à l’horizon d’attente d’un public étranger, et plus généralement l’activité inlassable de Rendu dans la diffusion des écrits de l’ancien président du Conseil en France. Rendu mit ainsi en avant les idées de d’Azeglio dans divers opuscules qu’il publia au sujet des affaires italiennes, dès la fin des années 1840 17. Ce fut cependant à partir de 1859, au moment où la correspondance entre les deux hommes prit une importance nouvelle, que son rôle d’intermédiaire entre les écrits de l’Italien et le public français s’accentua. En témoignent

15. Eugène Rendu n’était du reste pas le seul en France à considérer le nouveau royaume italien comme une construction artificielle qui serait incapable de durer. Napoléon III lui-même paraît avoir partagé une telle opinion au moins jusqu’en 1862. Voir à ce sujet la lettre du nonce Chigi au secrétaire d’État Antonelli du 18 avril 1862 (Archivio segreto vaticano, Segreteria di Stato, Nunziatura di Parigi 150). 16. M. Espagne et M. Werner, Transferts. Les relations interculturelles dans l’espace franco- allemand (XVIIIe-XIXe siècles), Paris, Éditions Recherche sur les civilisations, 1988. 17. E. Rendu, Conditions de la paix dans les États romains, Paris, Comon, 1849 et E. Rendu, L’Italie devant la France, précédé par une lettre à M. le Marquis Massimo d’Azeglio, Paris, Comon, 1849. Les bénéfices politiques d’une relation épistolaire… 75 les lettres échangées par les deux hommes à la fin de l’année 1859, alors qu’il était prévu qu’un congrès des puissances se réunirait à Paris pour traiter de la question italienne. Le 18 septembre, Massimo d’Azeglio informa en effet son correspondant français qu’il envisageait d’écrire un ouvrage susceptible d’influencer le déroulement du congrès :

Je voudrais écrire quelque chose qui pût être lu et qui méritât d’être apprécié à l’étranger au moment de l’ouverture du congrès, et l’écrire en français, encore ! […] Vous me direz sans doute d’exécuter mon projet, car votre seul défaut est de me gâter. Mais enfin veuillez me dire bien sincèrement ce que vous en pensez. J’ai écrit deux articles dans l’Opinione ; mais qui lit l’Italien hors d’Italie 18 ?

Pour la première fois, l’homme d’État italien choisissait ainsi d’écrire un de ses ouvrages directement en français et de le faire publier en France. Ce faisant, il prenait acte du fait que la barrière linguistique était une des principales limites auxquelles la circulation transnationale des écrits se trouvait confrontée 19. De ce point de vue, le français, langue pratiquée par la plupart des élites politiques de l’Europe de cette époque, pouvait paraître susceptible de permettre une large diffusion de son ouvrage. Par ailleurs, le choix d’une telle langue fut sans doute favorisé par le rôle central que la France avait acquis dans les affaires d’Italie depuis son intervention militaire au printemps 1859 et par le fait que rien ne paraissait alors pouvoir se faire en Italie sans le consentement de Napoléon III. Après avoir encouragé l’homme d’État italien dans son entreprise, Eugène Rendu joua un rôle fondamental dans la publication et la diffusion de l’ouvrage en raison des liens qu’il possédait, tant avec le monde de l’édition parisien qu’avec une grande partie des élites politiques et sociales de l’empire. Ce fut ainsi lui que d’Azeglio chargea de trouver un éditeur susceptible de publier l’ouvrage à ses frais 20 – un contrat fut ainsi passé avec Dentu, qui avait publié les deux précédentes brochures de Rendu sur les affaires italiennes. Il relut également le manuscrit avant sa publi- cation et l’amenda de manière à l’adapter aux goûts du public français, et notamment aux préoccupations de nombre de conservateurs pour la question du pouvoir temporel du pape. Justifiant de telles modifications et prévenant les éventuelles remarques de l’Italien, il lui écrivait ainsi :

18. E. Rendu, L’Italie de 1847 à 1865…, p. 119. 19. Eugène Rendu, du reste, le conforta dans un tel choix dans sa réponse, datée du 22 septembre : « On ne lit chez nous, et souvent ailleurs, que ce qui est écrit en français » (B. Ferrari, Eugène Rendu e Massimo d’Azeglio…, p. 121). 20. Lettre du 12 novembre 1859 in E. Rendu, L’Italie de 1847 à 1865…, p. 127-128. 76 Arthur Hérisson

Vous ne devenez point papiste, en passant par mes mains, mais vous prenez le ton qu’il faut prendre ici […] pour être écouté sur la question italienne et surtout sur la Question Romaine. Les deux atmosphères de chaque côté des Alpes sont essentiellement différentes ; et tel son, admirable chez vous, retentit à Paris comme une fausse note 21.

Enfin, une fois la publication réalisée, il se chargea d’en communiquer un exemplaire à diverses personnalités influentes, parmi lesquelles plusieurs ministres (le ministre de l’Intérieur, celui des Cultes et celui des Affaires étrangères), des membres des élites politiques et intellectuelles parisiennes comme Cousin et Guizot, des ambassadeurs, des religieux favorables à la cause italienne (l’archevêque de Paris, le père Lacordaire, le père Gratry, l’abbé Maret et l’abbé Deguerry) et ceux des évêques français qui avaient jusque-là montré la plus vive hostilité à l’égard des Italiens (en premier lieu Mgr Pie, l’évêque de Poitiers, dont Rendu était proche malgré leurs divergences de vues) 22. L’écrit, publié sous le titre La politique et le droit chrétien, au point de vue de la question italienne, connut du reste un succès non négligeable auprès du public français 23. Les conditions de cette publication montraient ainsi les avantages que pouvait tirer Massimo d’Azeglio de sa correspondance avec un membre de l’élite politique française, capable de faciliter la diffusion de ses écrits à la fois par sa connaissance du milieu de l’édition parisien, par sa capacité à adapter le manuscrit originel aux attentes du public français et par ses relations interpersonnelles au sein des classes dirigeantes de l’empire. L’épisode ne fut du reste pas le seul durant lequel Eugène Rendu put contribuer à la défense des idées de d’Azeglio en France. Il avait ainsi déjà fait paraître en octobre 1859 dans le journal Le Nord, après l’avoir légèrement modifiée, une lettre que l’homme d’État italien lui avait écrite pour défendre les annexions du Piémont en Italie centrale 24. Comme l’a noté avec justesse Bernardino Ferrari, une telle publication était d’autant plus remarquable que le Français n’avait pas caché à son correspondant italien les divergences qui l’opposaient à lui sur cette question 25. Massimo d’Azeglio eut encore au cours des années suivantes recours à son correspondant français. Lorsqu’en 1861 l’homme d’État italien publia

21. Lettre du 9 décembre 1859 in B. Ferrari, Eugène Rendu e Massimo d’Azeglio…, p. 129. 22. Voir les lettres XXIII et XXVI publiées dans ibid., p. 129 et 132. 23. Le 24 décembre, Rendu écrivait ainsi : « On n’a répété qu’un nom à Paris, pendant 4 ou 5 jours, le vôtre ; et dans ces 4 jours, la première édition – 1 500 exemplaires – a été enlevée » (ibid., p. 132). 24. Lettre du 15 octobre 1859 (ibid., p. 124). 25. Ibid. Les bénéfices politiques d’une relation épistolaire… 77 ses Questioni urgenti, où il critiquait le programme de Rome capitale et proposait notamment de transférer la capitale italienne de Turin à Florence, il en envoya trois exemplaires à Rendu, afin qu’il les fît connaître à Paris (mars 1861). Ce dernier communiqua deux d’entre eux à Napoléon III et au prince Napoléon 26, et commença à faire circuler le troisième, tout en demandant à ce que d’Azeglio lui en fît parvenir d’autres 27. En plus de veiller à la diffusion des écrits de l’homme d’État italien, le Français chercha par ailleurs à se faire son avocat quand il se trouvait attaqué en France. Ainsi, lorsque, dans une lettre ouverte à Cavour publiée en 1861, Charles de Montalembert le mit en cause et l’accusa notamment de couvrir « de lâches insultes la Papauté vaincue » 28, Eugène Rendu lui signala le passage et l’invita à rédiger une lettre ouverte en guise de réponse. Il se proposait du reste de l’aider dans une telle publication :

Si par hasard vous croyez devoir répondre, laissez-moi vous prier de répondre en français ; vous feriez une chose très utile en expliquant à la France catholique pourquoi, depuis 1849, et par la faute de qui le Catholicisme s’affaiblit et se ruine en Italie. L’effet d’une petite brochure sur le sujet en y mettant le ton de regret et de douleur que les circonstances comportent et exigent, serait très grand ici. Si vous le faites je vous prie d’user de moi, comme l’année dernière, pour corriger vos épreuves et pour accommoder certains mots, si vous le permettez, au sens du public français 29.

Massimo d’Azeglio ne donna cependant pas de suite à un tel projet. Il recourut toutefois à Eugène Rendu en août de la même année, après que le journal La Patrie eut publié une de ses lettres au sénateur Matteucci, où il se montrait critique à l’égard de la politique suivie dans le Mezzogiorno – la lettre, qui n’était pas destinée à devenir publique, lui avait valu des plaintes de plusieurs ministres. Par l’intermédiaire de Rendu, d’Azeglio transmit par conséquent au directeur du journal une justification, qui fut insérée dans ses colonnes. Ces quelques exemples, auxquels il aurait été possible d’en ajouter d’autres, témoignent ainsi des avantages multiples que pouvait revêtir pour Massimo d’Azeglio la possession d’un correspondant français régulier, capable aussi bien de favoriser la diffusion de ses idées et de ses écrits auprès

26. Cousin de Napoléon III, le prince Napoléon était, au sein de l’entourage impérial, l’un des plus chauds partisans de l’Italie. 27. Lettre du 21 mars 1861 in B. Ferrari, Eugène Rendu e Massimo d’Azeglio…, p. 143. 28. C. de Montalembert, Deuxième lettre à M. le comte de Cavour, président du Conseil des ministres, à Turin, Paris, Lecoffre, 1861, p. 48. 29. Lettre du 29 avril 1861 in B. Ferrari, Eugène Rendu e Massimo d’Azeglio…, p. 145. 78 Arthur Hérisson du public français que de le défendre face à ses adversaires. L’Italien n’était cependant pas le seul à tirer profit d’une telle relation.

Massimo d’Azeglio : une caution intellectuelle prestigieuse pour les idées d’Eugène Rendu Pour comprendre l’usage que put faire Eugène Rendu de sa correspondance avec Massimo d’Azeglio, il importe de revenir sur sa situation au sein du champ du catholicisme français. À partir des événements de 1848-1849 et de la première disparition du pouvoir temporel de la papauté, la question romaine devint en effet un sujet de préoccupation majeure pour les catholiques fran- çais. Une telle situation était notamment liée au mouvement vers Rome 30, c’est-à-dire au processus de recentrage de la catholicité autour de la papauté, phénomène qui se déroula sur l’ensemble du XIXe siècle mais qui connut une accélération notable au cours des années 1850-1860. En raison de cette attention portée à la situation de la papauté, la question italienne ne pouvait être considérée comme une simple question nationale par les catholiques français. En 1855, Charles de Montalembert écrivait ainsi à Lacordaire que la question du pouvoir temporel était « la grande difficulté de la question italienne » et poursuivait : « Qu’on me montre un moyen de la résoudre et je deviens aussitôt le partisan déclaré de l’émancipation italienne » 31. À partir de 1859, l’intervention militaire de la France et les débuts de l’unification de la péninsule autour du Piémont conduisirent ainsi à une importante mobilisation des catholiques français en faveur de la cause du pouvoir temporel, menacé par les événements italiens 32. Dans ce contexte, fort peu nombreux furent les hommes qui, tout en affichant pleinement leur catholicisme, prirent position en faveur de l’Italie naissante. Lacordaire, dont deux lettres favorables aux événements de 1859 avaient été publiées dans la presse, fut ainsi l’objet d’importantes critiques qui allèrent jusqu’à gêner son élection à l’Académie française la même année 33. La plupart des laïcs ou des prêtres qui regardaient avec bienveillance le mouvement national italien et

30. Sur le mouvement vers Rome, cf. P. Boutry, « Le mouvement vers Rome et le renouveau missionnaire », in Histoire de la France religieuse, J. Le Goff et R. Rémond (dir.), Paris, Seuil, vol. III, 1991, p. 423-452. 31. Lettre de Montalembert à Lacordaire, 6 novembre 1855. Publiée dans C. de Montalembert, Catholicisme et liberté. Correspondance inédite avec le P. Lacordaire, Mgr de Mérode et A. de Falloux (1852-1870), Paris, Cerf, 1970, p. 69. 32. Sur cette question, cf. J. Maurain, La politique ecclésiastique du Second Empire de 1852 à 1869, Paris, Alcan, 1930. 33. L’Académie française comptait à cette époque un grand nombre de catholiques libéraux parmi ses membres. Les bénéfices politiques d’une relation épistolaire… 79 n’étaient pas effrayés par l’idée d’une diminution voire d’une disparition du pouvoir temporel se gardèrent généralement de rendre publique leur opinion, par crainte de voir se liguer contre eux à la fois la papauté, la presse catholique française et l’importante partie du clergé secondaire qui avait été gagnée par les idées romaines depuis le début du siècle 34. On comprend dès lors l’intérêt qu’Eugène Rendu pouvait trouver dans sa correspondance avec Massimo d’Azeglio. En raison de la réputation dont l’homme d’État italien jouissait, celui-ci pouvait servir de caution intellec- tuelle à des idées pourtant marginales chez les catholiques français. Une telle stratégie fut déployée par le Français très tôt. Dès 1849, lorsqu’il publia une brochure intitulée L’Italie devant la France, il la fit ainsi précéder d’une longue lettre adressée à Massimo d’Azeglio, destinée à montrer la proximité des vues développées dans son écrit avec les idées des principaux représentants du libéralisme modéré italien. Par la suite, d’Azeglio fut l’auteur que Rendu cita le plus dans ses nouvelles brochures pour appuyer ses thèses. Surtout, lorsqu’il révisa les épreuves de La politique et le droit chrétien, au point de vue de la question italienne, de manière à les adapter aux attentes du public français, le Français en profita pour y insérer des références élogieuses à ses propres travaux, comme il le signala dans une lettre du 15 décembre 1859 :

Je me fais payer mes honoraires, et largement, en rappelant au bas de deux pages mon : Italie et l’Empire d’Allemagne, et mes Conditions de la paix dans les États Romains, faiblesse de père ! […] Puis, comme le libraire avait besoin d’atteindre un certain nombre de feuilles pour échapper au timbre, ne sachant qu’ajouter, j’ai placé dans les pièces justificatives une citation de L’Autriche dans la Confédération Italienne que vous rappelez avec tant d’indulgence 35.

À plusieurs reprises, Eugène Rendu profita par ailleurs de ses liens épistolaires avec l’homme d’État italien pour lui demander – pas toujours avec succès – des lettres qu’il pût publier en France pour promouvoir ses entreprises. En août 1862, alors qu’il lui signalait la création d’un nouveau journal, La France, qui devait défendre une politique italienne proche de celle que tous deux désiraient 36, Rendu proposa ainsi à d’Azeglio d’y publier une lettre exposant ses idées sur la situation de l’Italie :

34. Sur la violence des conflits au sein du catholicisme français au milieu du XIXe siècle, voir A. Gough, Paris et Rome. Les catholiques français et le pape au XIXe siècle, Paris, Les Éditions de l’Atelier, 1996. 35. B. Ferrari, Eugène Rendu e Massimo d’Azeglio…, p. 131. 36. La France avait été fondé par Arthur de La Guéronnière et cherchait à concilier soutien au régime impérial et défense du pouvoir temporel. Au cours de la décennie, son tirage se stabiliserait autour de 9 000 exemplaires. 80 Arthur Hérisson

Vous conviendrait-il de faire connaître publiquement votre manière de voir sur les événements actuels ? Dans le cas de l’affirmative, voulez-vous que j’arrange les excellentes notes que vous m’avez envoyées et que j’en fasse une lettre, à moi adressée et portant votre signature, qui paraîtrait dans la France 37 ?

Massimo d’Azeglio ne répondit cependant pas positivement à une telle requête, notamment parce qu’il s’avérait que La France était en réalité loin de prôner en Italie une politique conforme à ses idées 38. Quelques mois plus tard, en décembre, alors qu’il venait de publier sous le titre La souveraineté pontificale et l’Italie une nouvelle brochure sur la question romaine, Rendu s’adressa à nouveau à son correspondant italien pour solliciter de lui une lettre de sa part qui pourrait être insérée dans Le Constitutionnel :

L’effet de ma brochure est très bon ici et je crois que le résultat final ne sera pas sans utilité ! Ce résultat serait plus sûrement atteint si les idées exposées dans mon travail paraissaient obtenir l’adhésion publique des hommes éminents de l’Italie, en dehors de ceux qui ont pour devise Rome Capitale ; si l’assentiment de Massimo d’Azeglio, par exemple, et avant tout, était révélé 39 !

Pour rendre la tâche moins lourde à l’homme d’État italien, Rendu proposait de rédiger lui-même cette lettre et de lui en envoyer les épreuves pour approbation 40. Malade, Massimo d’Azeglio déclina à nouveau la requête. Une telle stratégie d’appui sur la caution morale et intellectuelle que fournissait à ses idées l’approbation de Massimo d’Azeglio fut ainsi poursuivie par Rendu sur le long terme. Elle culmina avec la publication, un an après la mort de l’homme d’État italien, de sa correspondance politique. Ces lettres, principalement adressées à Rendu et à son beau- frère Doubet, pouvaient apparaître en effet comme un témoignage de la proximité de ses idées avec celles du Français et ce dernier ne manqua pas de les faire précéder d’une longue préface où il mettait en avant une telle proximité de vues ainsi que l’amitié qui l’avait lié au défunt. Dans cette préface, Rendu affirmait par ailleurs avoir choisi de publier cette correspondance à la fois pour rendre hommage à d’Azeglio et pour

37. Lettre du 20 août 1862 in B. Ferrari, Eugène Rendu e Massimo d’Azeglio…, p. 160. 38. Le journal défendait notamment l’idée d’un démantèlement de l’Italie unifiée. 39. Lettre du 17 décembre 1862 in B. Ferrari, Eugène Rendu e Massimo d’Azeglio…, p. 167). 40. Lettre du 19 décembre 1862 (ibid., p. 168). Les bénéfices politiques d’une relation épistolaire… 81 que sa pensée pût servir d’enseignement pour les Italiens. Même s’il ne pouvait l’affirmer ouvertement, c’était cependant au moins autant les Français qu’il visait. Il s’en expliqua du reste dans une lettre adressée le 8 novembre 1866 à Gino Capponi :

Il me semble qu’au moment où nous sommes, l’autorité de d’Azeglio, au point de vue de la question Romaine, peut être invoquée en Italie aussi bien qu’en France, comme un argument du plus grand poids ; et je désire, de toute mon âme, avoir atteint le double but que je me proposais : 1o élever de ce côté-ci des Alpes un monument à l’homme illustre que j’ai beaucoup aimé ; 2o appuyer, en évoquant de la tombe une voix si autorisée, la politique qui, – en dehors des fureurs puériles de la coterie qui, sous le drapeau de M. Veuillot, a constitué ce qu’on appelle le parti catholique, – a toujours combattu la théorie de « Rome Capitale ». L’impression produite en France, dans les hautes régions, par cette publication, est très favorable ; en sera-t-il de même en Italie 41 ? Survenue au moment où la convention de septembre 1864 entre la France et l’Italie arrivait à exécution 42, une telle publication avait ainsi, dans l’esprit de Rendu, l’intérêt de montrer aux Français que tous les prin- cipaux représentants du mouvement national italien ne désiraient pas que Rome devînt la capitale du royaume. De ce point de vue, l’écrit était tourné contre les nombreux journaux qui, dans l’empire, encourageaient depuis 1861 Napoléon III à laisser l’Italie s’emparer de la ville des papes. D’Azeglio était du reste présenté par Rendu comme un ami du régime impérial et comme un inspirateur de la convention de septembre. Mais, dans le même temps, les lettres de l’Italien pouvaient également apparaître comme un blâme adressé aux catholiques, libéraux comme Montalembert ou intransigeants comme Veuillot, qui avaient, en 1848-1849 puis en 1859, constamment dénoncé les événements italiens dans le but de sauvegarder le pouvoir temporel du pape. La publication des lettres de d’Azeglio formait ainsi le point culminant de la stratégie, qu’Eugène Rendu avait constamment suivie depuis la fin des années 1840, de légitimation de ses idées par le recours à l’autorité de plusieurs des principales figures du mouvement national italien.

41. Publié dans A. Carraresi, Lettre di Gino Capponi e di altri a lui, Florence, Le Monnier, vol. IV, 1884, p. 119. 42. Cette convention avait notamment prévu le départ des troupes françaises de Rome dans un délai de deux ans, en échange d’un engagement de l’Italie de ne pas envahir le territoire pontifical. Cf.La convenzione di settembre (15 settembre 1864). Alle origini di Firenze capitale, S. Rogari (dir.), Florence, Polistampa, 2015, et notamment la contribution de Jean-Yves Frétigné : « Napoléon III, les catholiques et la convention de septembre 1864 », p. 31-55. 82 Arthur Hérisson

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La correspondance échangée entre Massimo d’Azeglio et Eugène Rendu de 1847 à 1865 rappelle ainsi que les relations entre la France et l’Italie ne se réduisaient pas, en ce milieu du XIXe siècle, aux simples rapports qu’entretenaient entre eux les gouvernements des deux pays mais qu’elles prenaient également la forme de relations interpersonnelles, qui permettaient à certains contemporains d’avoir une connaissance assez fine du pays voi- sin. Elle montre, plus précisément, l’existence d’un véritable espace public transnational structuré autour des affaires italiennes, appuyé notamment sur ces relations interpersonnelles. Son étude aide à mettre en évidence les conditions concrètes de la circulation transnationale des écrits et des idées entre France et Italie. Elle vient rappeler que ces circulations ne se produisaient pas d’elles-mêmes et qu’elles nécessitaient au contraire, afin d’être menées à bien, qu’un certain nombre de conditions fussent remplies. À ce titre, la possession par Massimo d’Azeglio d’un correspondant parisien aussi dévoué que Rendu se révéla à plusieurs reprises d’une aide précieuse, en raison à la fois du large réseau de connaissances interpersonnelles dont ce dernier disposait, mais également de sa compréhension des différences qui existaient entre les publics français et les publics italiens. Comme on l’a montré, le rôle de Rendu comme intermédiaire entre les idées et écrits de Massimo d’Azeglio et la France ne se limita en effet pas à celui d’un simple passeur se contentant de restituer tels quels les écrits de l’Italien dans l’espace français ; il opéra au sein de ces écrits les sélections et les modifications qui lui paraissaient un préalable nécessaire à leur bonne réception par un public français, dont les horizons d’attente n’étaient pas tout à fait les mêmes que ceux du public italien, notamment en ce qui concernait la question romaine. L’étude de cette correspondance montre enfin la manière dont l’inter- nationalisation des débats autour du Risorgimento a pu être considérée par certains contemporains comme une occasion à saisir pour faire progresser leurs idées. Ce fut le cas de Massimo d’Azeglio, lorsqu’il choisit de faire publier en France son ouvrage La politique et le droit chrétien, du point de vue de la question italienne. Ce fut, surtout, le cas d’Eugène Rendu. Parce que les idées qu’il défendait se trouvaient largement minoritaires parmi les catholiques français, ce dernier chercha en effet durant toutes les décennies 1850 et 1860 à légitimer son positionnement vis-à-vis de la question italienne en montrant que celui-ci était proche de celui de nombre de ses correspondants italiens, et notamment Massimo d’Azeglio. Les bénéfices politiques d’une relation épistolaire… 83

À ce titre, une telle correspondance met pleinement en évidence le caractère non pas simplement italien mais bel et bien européen du Risorgimento.

Arthur Hérisson Universités Paris 1 et Sorbonne Université Centre d’histoire du XIXe siècle

PER UN COMMERCIO DI LIBRI TRANSALPINO : L’INEDITO « DIARIO DI VIAGGIO » DI GIUSEPPE MOLINI A PARIGI (10 giugno – 24 agosto 1844)

Riassunto : Attraverso lo studio di un corpus organico di lettere conservate presso la Biblioteca Nazionale Centrale di Firenze, ricostruiamo il viaggio a Parigi, nel periodo giugno-agosto 1844, dell’editore fiorentino Giuseppe Molini. Le epistole che Giuseppe Molini invia al figlio Luigi, titolare di una delle imprese editorial-librarie più in vista del Granducato di Toscana e della stessa penisola, riportano osservazioni su una capitale francese vivace, sugli esuli italiani riparati, sull’editoria parigina e su un commercio librario transalpino fiorente. Il materiale documentario oggetto di questo articolo è un tassello inedito per illuminare un quadro culturale in fermento. Résumé : À travers l’étude d’un corpus organique de lettres conservées à la Bibliothèque nationale centrale de Florence, on reconstruit le voyage à Paris, pendant les mois de juin à août 1844, de l’éditeur florentin Giuseppe Molini. Les lettres que Giuseppe Molini envoie à son fils Luigi, titulaire d’une des maisons d’édition et de librairie les plus en vue du Grand-Duché de Toscane et de la péninsule italienne, contiennent des observations sur la vie vivace de la capitale française, sur les exilés italiens qui s’y sont installés, sur l’édition parisienne et sur le commerce florissant des livres italiens. Les sources documentaires, objet de cet article, sont des pièces inédites qui éclairent un cadre culturel en effervescence.

Il 10 giugno 1844, Giuseppe Molini 1, stampatore e libraio fiorentino erede di un’affermata famiglia di editori, si imbarca a Livorno per un viaggio che lo porterà a Parigi per più di due mesi. I motivi del viaggio sono duplici : commerciali, data la dimensione internazionale che caratterizzava l’impresa Molini, connessa a una rete del libro « europea » i cui esordi si fanno risalire alla seconda metà del Settecento 2, e turistici ; nel 1844 Parigi

1. G. Ajazzi, Operette bibliografiche del cavalier Giuseppe Molini, Firenze, Cellini, 1858. 2. Romualdo Molini era stato « procaccia » nel veneziano e, dopo essersi stabilito a Firenze nel 1757, aveva passato il testimone al figlio Giuseppe Molini senior ; quest’ultimo grazie a contatti consanguinei a Londra e Parigi con i fratelli Pietro e Gian Claudio, aveva istituito un’autentica « multinazionale » del libro ; si veda la voce corrispondente firmata da P. Scapecchi nel Dizionario Biografico degli Italiani, Roma, Istituto della Enciclopedia italiana, vol. 75, 2011.

Transalpina, no 21, 2018, Entre France et Italie…, p. 85-100 86 Marius Rusu ospita l’Esposizione nazionale dei prodotti industriali, evento salutato come uno sforzo rinnovato di aspirare a un primato scientifico della Francia sul piano europeo 3. Le quindici lettere mai pubblicate che Giuseppe Molini invia a Firenze durante il soggiorno parigino, conservate presso la Biblioteca Nazionale Centrale di Firenze 4, sono uno scambio organico con il figlio Luigi (chiamato affettuosamente « Gigi »), titolare della libreria di famiglia. Nelle epistole Giuseppe Molini non si limita a brevi resoconti intorno al viaggio e agli affari di cui tratta, ma offre uno sguardo originale e intimo sulle vicende che interessano la propria famiglia, sulla circolazione transalpina dei libri, sull’ecosistema editoriale parigino, su intellettuali di spicco (Giampietro Vieusseux e Jacob Gråberg di Hemsö, per citarne un paio), sulla vita nella capitale francese. Visto da questa angolazione il corpus di lettere avrebbe più il carattere di un « diario di viaggio », espressione quanto mai pertinente ma che rischia di banalizzare il materiale. Non si tratta infatti di lettere unidirezionali riportanti l’esclusivo punto di vista di Giuseppe Molini, bensì di loci di dialogo una parte consistente delle epistole recano tracce dei commenti di Luigi Molini, che usa apporre a lato dei paragrafi commenti, osservazioni caustiche o semplici promemoria spuntati, a indicare l’effettiva chiusura di pratiche commissionategli dal genitore. Queste note a margine danno vita a un « dialogo » atipico, eppure rivelatore di uno scontro tra due generazioni di librai-stampatori, padre e figlio ; gli argomenti che suscitano conflitto sono la gestione della libreria, i rapporti con clienti e fornitori, la politica degli sconti, le insinuazioni di Giuseppe Molini sulla cattiva gestione della ditta da parte di Luigi. Uno studio puntuale su questo carteggio ha l’opportunità di portare a galla sguardi inediti su un periodo storico significativo, allargando il panorama culturale dell’epoca ed evidenziando lo stretto legame editoriale tra Italia e Francia alla vigilia dell’infuocata stagione del 1848.

Parigi, faro editoriale La prima lettera che Giuseppe Molini invia al figlio è datata 10 giugno 1844 (431/12), nella quale condivide alcune informazioni di servizio e informa della partenza imminente da Livorno, insieme a due compagne di viaggio.

3. L’industrie : exposition des produits de l’industrie française en 1844, Parigi, L. Curmer, 1844, p. 2. Si veda anche G. Halphen, Rapport sur l’exposition publique des produits de l’industrie française de 1844, Parigi, Schneider et Langrand, 1845. 4. Segnature Mss. Vari 431/12-26, d’ora in poi abbreviate. Nella trascrizione epistolare, al posto di una riproduzione diplomatica, si è scelto di adattare alcuni elementi all’uso moderno, mantenendo le peculiarità e lo stile delle lettere. Per un commercio di libri transalpino… 87

Il mare poco mosso agevola il viaggio per Marsiglia, città dalla quale il libraio fiorentino scrive il 12 giugno (431/13). Il proposito è partire per Lione il 13 giugno alle 7 di mattina, nonostante il rincaro delle diligenze dovuto all’Esposizione di Parigi. Oltre a un incontro con il quinto barone di Vernon sul « vapore » 5, Giuseppe Molini lamenta di aver mancato per poco il cavaliere Simone Peruzzi, ministro residente in Belgio e Francia per il Granducato di Toscana 6. « Fracassati dal caldo, dalla polvere e dalle perdute notti », la comitiva giunge a Parigi alle 4 di mattina del 17 giugno (431/14), prendendo alloggio all’Hôtel Taitbout, situato al numero 10 della via omonima e poco lontano dai giardini del Palais-Royal. Insensibile alle fatiche del viaggio, il libraio fiorentino si reca subito alla nota libreria Galignani, con la quale intrattiene rapporti stretti, evidenziati nelle lettere successive 7. Da sabato 22 giugno (431/15) scompare il tono aneddotico e le lettere acquistano una professionalità gagliarda, tipica di una classe borghese in ascesa alla quale Giuseppe Molini appartiene a pieno titolo :

Sento con piacere che hai spedito la cassa n. 962. Dopo la partenza delle donne ho lavorato come un galeotto e spero di far partire stasera due belle casse che sono state di infinito dettaglio e conterranno quasi tutti articoli di pronto realizzamento. […] Così sarà affatto inutile che io aspetti l’invio che farà Galignani con la diligenza il dì primo di luglio per mandarci quei libri che mi chiedi col detto mezzo. Anzi manderò in queste casse anche un nuovo romanzo di Israeli pubblicato da Baudry 8 (431/15).

5. Dictionary of National Biography, S. Lee (a cura di), Londra, Smith, Elder, vol. 58 (Ubal- dini – Wakefield), 1899, p. 275. 6. Almanacco Toscano, Firenze, Stamperia Granducale, 1844, p. 171. 7. Giovanni Antonio Galignani aprì il suo negozio di libri inglesi e stranieri nel 1800, impresa continuata dai figli John Anthony e William dopo la sua morte nel 1821. Si veda G. Barber, Galignani’s and the Publication of English Books in France from 1800 to 1852, Londra, The Bibliographical Society, 1961 ; D. Cooper-Richet ed E. Borgeaud, Galignani, Parigi, Galignani, 1999. 8. Il romanzo di Benjamin Disraeli, politico d’oltremanica e futuro primo ministro del Regno Unito, è Coningsby or the New Generation, pubblicato a Londra nel 1844 da Henry Colburn e ristampato a Parigi lo stesso anno da Baudry. Sul romanzo si faccia riferimento a Le Semeur, journal philosophique et littéraire, Parigi, Au bureau du Semeur, 1844, t. XIII (du 1er janvier au 31 décembre), p. 276. L’editore Baudry, controverso e spesso accusato di « pirateria », « dès les années 1840, […] a développé une stratégie commerciale en direction des écoles, des lycées et des universités » (in Les mutations du livre et de l’édition dans le monde du XVIIIe siècle à l’an 2000 (Actes du colloque international Sherbrooke 2000), J. Michon e J.-Y. Mollier (a cura di), Laval (Canada) – Parigi, Presses de l’Université Laval – L’Harmattan, 2002, p. 135) ; su Baudry anche D. Cooper-Richet, « L’imprimé en langues ètrangéres à Paris au XIXe siècle : lecteurs, éditeurs et supports », Revue française d’histoire du livre, no 116-117 (Nouvelle série), p. 213-235 ; J.-B. Francou, Baudry, un éditeur 88 Marius Rusu

Argomenti della lettera sono anche una spedizione dei Misteri di Parigi di Eugène Sue e un reclamo all’editore Dubochet intorno all’Illustration, di cui Molini si fa portavoce a nome di un cliente fiorentino 9. Una settimana dopo, l’editore fiorentino scrive al figlio da un nuovo indirizzo (lettera del 29 giugno, 431/16), l’hôtel Valois in rue de Richelieu, 71, dove Giuseppe Molini aveva già alloggiato, definendolo « mio antico albergo » 10. Emerge la pena per le due compagne di viaggio, che ave- vano proseguito il viaggio verso Londra, della cui sorte il nostro scrive al « Cugino ». Si tratta di Charles Frederick Molini, figlio di Pietro Molini del ramo inglese della famiglia e libraio al n. 17 di Paternoster Row, fornitore della Royal Academy e della biblioteca del British Museum 11. Dopo aver constatato l’arrivo a Marsiglia della cassa n. 962, Giuseppe Molini si incarica inoltre di una commissione per Duprat, libraio parigino legato all’Institut de France, alle Società asiatiche di Parigi e Londra e alla Biblioteca Reale, fornendo una lista al figlio Luigi : volumi di Dante, il Bullettino delle leggi di Toscana, ma soprattutto Lo specchio di Marocco di Gråberg 12, opera ritenuta capace di catalizzare interesse data la situazione politica, che vedeva la Francia in procinto di annettere l’Algeria ai suoi con la forza delle armi 13. Fa capolino, in calce alla lettera, un Molini intermediario di opere « pericolose » ; raccomanda al figlio Luigi di avvisare « Lemonnier che Brockhaus non ha mai ricevuti gli ultimi 50 Arnaldo, che è qui molto domandato dagl’Italiani » 14. Non stupisce l’interesse degli esuli a Parigi per libri all’indice, e neppure lo smercio che ne fa Brockhaus, titolare di

pirate du XIXe siècle, ou l’histoire de la Librairie européenne de 1815 à 1852, mémoire de maîtrise dirigé par D. Cooper-Richet et J.-Y. Mollier, Université de Versailles Saint- Quentin-en-Yvelines, 1999 ; M.I. Palazzolo, « Un editore francese in lingua italiana : Louis Claude Baudry », in I tre occhi dell’editore. Saggi di storia dell’editoria, Roma, Archivio Guido Izzi, 1990, p. 23. 9. « Roderigo Macleod gentiluomo inglese abitante in Firenze a Palazzo Vernaccia in Borgo Pinti », Gazzetta di Firenze, no 94, martedì 6 agosto 1844, p. 4. 10. Dalla stessa lettera : « Io sgombererò domani, così risparmierò franchi 10 al mese e mi avvicinerò a tutti i miei affari (eccettuati i soli Truchy, Delay e il ministro di Toscana, del quale ultimo non mi importa un fico) […] e avrò una camera un po’ meno elegante, ma assai più grande e con più comodi. In quella ove sono ora tocco il palco con le mani sebbene salgo 79 scalini ». 11. P.R. Harris, A History of the British Museum Library (1753-1973), Londra, The British Library, 1998, p. 143. 12. Stampato a Genova nel 1834 con i tipi di Pellas. 13. Sul conflitto in Algeria cf. P. Montagnon, La conquête de l’Algérie, Parigi, Pygmalion, 1986, e B. Stora, Histoire de l’Algérie coloniale (1830-1954), Parigi, La Découverte, 2004. 14. È il libro contro la tirannia di G.B. Niccolini, Arnaldo da Brescia, stampato in clandestinità a Marsiglia e introdotto a Firenze con un trucco doganale, si veda C. Ceccuti, Un editore del Risorgimento. Felice Le Monnier, Firenze, Le Monnier, 1974. Per un commercio di libri transalpino… 89 una libreria poco distante dall’alloggio di Giuseppe Molini 15. Allegata all’epistola, una fattura corposa elenca nel dettaglio il contenuto di « due grosse casse marcate LM [Luigi Molini] n. 103.104, imballate e partite da Parigi col roulage acceléré il dì 24 giugno 1844 […]. Dovranno essere a Marsiglia in dodici giorni ». Le casse contengono anche articoli e fatture per la Biblioteca Palatina di Firenze e tracce di un conto con i librai editori Treuttel & Würtz, risalente almeno al 1838 16. L’elemento che più spicca è una raccomandazione importante di Giuseppe Molini, tale da essere marcata con lo schizzo di una manicula :

Alla cassa 103 ho fatto contrassegnare il coperchio con due oo. Si operi bene in dogana di farla aprire da questa parte perché nel fondo ci sono copie 13 Destini d’Italia distese e accomodate in modo che potranno facilmente nascondersi. Sopra esse vi sono dei fogli e sopra questi i fascicoli grandi (431/16).

L’opera citata che si tenta di contrabbandare nel Granducato, a dispetto del titolo, è Le speranze d’Italia di Cesare Balbo, come conferma la lettera datata 4 agosto (431/23). Il libro era uscito lo stesso anno a Parigi, fomen- tando un dibattito che fluttuava « tra l’impostazione ideologica del “Primato” e quella pragmatica delle “Speranze” » 17. Le implicazioni sono duplici, e oscillano tra la volontà di concludere un affare redditizio, perché tale da meritare un’azione clandestina, e l’intento di affrontare i rischi in fase doganale per un testo richiestissimo 18. Siamo in un anno, il 1844, terreno di idee diverse del nazionalismo italiano che portano alla luce un’auten- tica « questione sociale », destinata ad acuirsi nel triennio successivo 19.

15. « À partir du 7 courant, la librairie allemande, française et étrangère de Brockhaus et Avenarius sera entièrement transférée rue de Richelieu, n. 69, au 1er, vis-à-vis la Bibliothèque royale » (Feuilleton du Journal de la librairie, no 27, samedi 2 juillet 1842). 16. A. Hass, « Un libraire fournisseur de grandes bibliothèques européennes : Treuttel & Würtz », in Strasbourg, le livre et l’Europe, XVe-XXIe siècle, Y. Sordet e F. Barbier (a cura di), Genève, Droz, 2016. 17. A. Scirocco, L’Italia del Risorgimento, Bologna, Il Mulino, 1997, p. 227. 18. L’opera di Balbo venderà 80 000 copie tra il 1843 e il 1848. « Esprimere un giudizio sulla censura toscana non è agevole, tuttavia quello di una minore severità rispetto a quelle degli altri Stati preunitari espresso da altri studiosi sembra essere condivisibile, la maggiore facilità nel ricevere giornali e periodici dall’estero e la possibilità di importare liberamente anche quei testi respinti dalla censura, la cui introduzione non fosse stata esplicitamente vietata, faceva sì che i toscani potessero aggirare legalmente i divieti censori » (D.M. Bruni, Potere e circolazione delle idee. Stampa, accademie e censura nel Risorgimento italiano, Milano, Franco Angeli, 2007, p. 57, 340). 19. F. Della Peruta, L’Italia del Risorgimento. Problemi, momenti e figure, Milano, Franco Angeli, 1997, p. 168. 90 Marius Rusu

Gli anni Quaranta, per gli esuli italiani, rappresentano l’opportunità di una « costruzione deliberata, consapevole della nazione unitaria attraverso la cultura e la lingua » 20. Non occorre annoverare i Molini nella schiera di quegli editori « militanti » 21, poiché mancano indizi su tendenze risorgimen- tali nella famiglia e siamo a conoscenza dello stretto legame con la nobiltà del Granducato ; a questi elementi vanno aggiunti i riguardi di Leopoldo II di Lorena nei confronti di Giuseppe Molini, meglio esplicitati nella lettera del 14 luglio (431/19). Resta il punto centrale, ovvero il coinvolgimento diretto dei Molini, padre e figlio, nell’immissione di libri « perniciosi » in una realtà, quella toscana, ricettiva a idee di unità nazionale, dove le maglie della censura erano lasciate larghe e neppure un rescritto sovrano (promulgato il 10 marzo 1837) aveva inasprito il controllo 22. La lettera del 5 luglio (431/17) esordisce con un’aspra invettiva nei confronti di un « bibliotecario di Pistoia », reo di un gesto sgradevole per aver affidato ai Molini e a Vieusseux il reperimento di una stessa opera ; il trucco è svelato quando Giampietro Vieusseux si rivolge proprio ai Molini per il recupero del volume. Emerge un sentimento intollerante verso il libraio franco-svizzero trapiantato a Firenze, con parole accese di Giuseppe Molini nei confronti del Vieusseux nella suddetta lettera, « tanto più che quest’ultimo mancante di mezzi, come è naturale non avrebbe trovato mai 23 quel tomo […]. Bisogna far sentire al signor bibliotecario quanto sia disdicevole il ricorrere a uno straniero incapace piuttosto che a un abile concittadino ! ». Ricaviamo il titolo dell’opera contesa da un appunto in inchiostro rosso di Luigi Molini, che annota « Poliglotta di Walton » a lato del paragrafo ; è la Bibbia curata da Brian Walton, seicentina di valore 24. La questione è messa in disparte a fronte di un dispiacere per il libraio fiorentino, che confessa avere appreso della morte della figlia di un collega parigino :

20. S. Tatti, « Esuli e letterati : per una storia culturale dell’esilio risorgimentale », in L’officina letteraria e culturale dell’età mazziniana (1815-1870), Q. Marini, G. Sertoli e S. Verdino (a cura di), Novi Ligure, Città del silenzio, 2013, p. 89. 21. Come poteva essere stato Ruggia di Lugano, G. Martinola, Un editore luganese del Risorgimento : Giuseppe Ruggia, Lugano, Fondazione Ticino Nostro, 1985 ; F. Mena, Stamperie ai margini d’Italia. Editori e librai nella Svizzera italiana 1746-1848, Bellinzona, Edizioni Casagrande, 2003. 22. Archivio di Stato di Firenze, Segreteria di Stato 1814-1849, B. 527, prot. 36, no 26. 23. Parola sottolineata. 24. Stampata a Londra nel 1657 presso Thomas Roycroft. Il Catalogo dei libri che si trovano attualmente vendibili presso Molini, Landi, e Co., compilato dallo stesso Giuseppe Molini, lo valuta 1 200 paoli fiorentini nel 1807, p. 8. Per un commercio di libri transalpino… 91

Un’altra morte mi ha fatto molto colpo. Il povero Baudry ha perduto poco tempo fa la sua figliola abilissima, che aveva maritata a un giovine il quale gli era succeduto nell’antica sua bottega Rue du Coq. Erasi maritata da pochi anni ed era in Parigi quando si maritò ed ero stato anche invitato, sarà 4 anni, al ballo di nozze. Pare sia morta di febbre puerperale come la povera Incontri 25 (431/17).

Una fattura allegata rafforza l’idea di una stretta relazione tra i Molini di Firenze e Galignani di Parigi ; riporta la spedizione di un « ballotto » a nome Galignani, mezzo diligenza, in data Io luglio. Giuseppe Molini approfitta per accludervi alcuni articoli destinati al figlio Luigi e commenta, a lato, la scontistica sui pacchetti per fare acqua di seltz e l’uscita sul Constitutionnel dell’Ebreo errante di Sue : « Questo è un nuovo scritto di Sue che fa gran chiasso […]. Esso viene pubblicato regolarmente a pezzi nel fogliettone del giornale ». La lettera si conclude con alcuni paragrafi aneddotici rivolti alla figlia Fanny Molini e alla nipote Giovanna in cui esalta Parigi come un « paradiso », afferma di voler estendere il soggiorno quanto possibile salvo richiami in Toscana di Neri Corsini o Giuseppe Paver 26, ed esalta l’Esposizione nazionale dei prodotti industriali, « una cosa impossibile a descriversi, e da rimanere incantati ». L’infatuazione di Giuseppe Molini è difficile a criticarsi. Parigi nel 1844 è un calderone di contraddizioni, una città che trasuda progresso e ottimismo 27, eppure considerata al contempo nucleo di una Francia « dove non si può pensare » perché « tutti i buoni pensieri qui non si possono dire » 28. Le pratiche doganali sono il tema centrale dell’epistola datata 13 luglio (431/18), questa volta dalla prospettiva francese, dove Giuseppe Molini ammonisce il figlio Luigi sulle future spedizioni :

25. La Incontri citata è la marchesa Ortensia consorte di Attilio Incontri, secondogenita di Gino Capponi morta nel maggio 1844 : Epistolario di Giuseppe Giusti, F. Martini (a cura di), Firenze, Le Monnier, 1932, p. 56 ; Carteggio Tommaseo – Vieusseux, V. Missori (a cura di), Firenze, Le Monnier, 2002, p. 246. 26. Rispettivamente primo ministro e ministro dell’interno del Granducato di Toscana. 27. A. Monti, Un italiano : Francesco Restelli (1814-1890), Milano, Società nazionale per la storia del Risorgimento italiano, Comitato regionale lombardo, 1933, p. 13. « Le ragioni particolari del fascino di Parigi vanno cercati nella società parigina dell’Ottocento : una società brillante, spregiudicata, incredula, cinica, che si divideva ordinatamente in “bel mondo”, borghesia ricca e borghesia minore, per sfociare poi nella gran marea del popolo e della plebe ; una società organizzata, capace di esercitare un’attrattiva costante sul forestiero » (I. Taine, Appunti su Parigi vita ed opinioni di Tommaso Graindorge, G.B. Angioletti (a cura di), Milano, Editoriale Domus, 1945, p. 7). 28. L. Palmieri, « Come si vive a Parigi », La voce della verità, vol. 9, no 1369, 1840, p. 1208. 92 Marius Rusu

Prima di tutto all’avvenire bisognerà che tu faccia muso duro e ricusi assolutamente di ricevere qualunque pacchetto serrato che ci sia rimesso per mandarsi qua. Se vi saranno libri stampati in Francia e più che altro libri francesi stampati in Italia, e qualunque altro oggetto che non sia libri bisogna ricusare di riceverli. Gli imbarazzi di questa dogana sono incredibili. Sono dieci giorni che la cassa n. 962 è arrivata qui con l’acceléré e non si è potuta ancora avere. La maggior difficoltà si è incontrata per quel maledettissimo pacchetto consegnato da quel malanno di Millingen 29 con il quale bisognerà romperla. Le gite che ho dovuto fare per questo sono incredibili e sono costate spesa, oltre al perdimento di tempo e di danno incalcolabile di aver dovuto ritardare per tanti giorni il ricevimento della cassa (431/18).

La questione non è secondaria, trattandosi di una transazione commerciale che impegna a fondo le risorse degli editori. Il blocco in dogana si traduce in una crescente esposizione finanziaria e in perdite economiche ; la congiuntura temporale è rilevante, perché il 1844 è il penultimo anno di un periodo pro- tezionistico tipico della monarchia di Luglio, che prelude a una progressiva liberalizzazione fino alla Terza repubblica 30. La nota seguente, che interessa un debito verso gli asili infantili di Firenze, traccia un profilo dei Molini membri della Società per gli Asili Infantili di Firenze, alla quale risultano come sottoscrittori sia il padre Giuseppe, sia i figli Luigi e Fanny 31. Il doppio binario che lega i mondi editoriali francese e italiano è messo in evidenza quando nella lettera si arriva al conflitto franco-algerino. Sull’Algeria Cesare Airoldi 32 ha espresso interesse e comunicato a Luigi Molini la commessa di altri volumi sulla questione :

Al cavalier Airoldi dirai che finora sull’Algeria non è uscito altro di buono che l’opera di cui abbiamo vendute più copie avute da Furne 33 (e della quale conviene dirmi se ne ho da provvedere altre). Finora quelli che

29. James Millingen, archeologo inglese di fama, residente a Firenze all’epoca e autore di due opere sulla numismatica stampate con il marchio dei Molini. 30. F. Barbier, « Les marchés étrangers de la librairie française », in Histoire de l’édition française, R. Chartier, H.-J. Martin (a cura di), Parigi, Fayard – Cercle de la Librairie, vol. 3, Le temps des éditeurs. Du romantisme à la Belle Époque, 1990, p. 309. 31. Quest’ultima coinvolta in prima persona : la figlia Giovanna, nipote di Giuseppe Molini, frequenta l’Istituto privato diretto da E. Siry in via dello Studio no 765 ; si veda il Settimo rapporto sugli asili infantili di Firenze, Firenze, Tipografia della Speranza, 1841, p. 67 e 75, e la sua edizione ottava, Firenze, Nella Stamperia Granducale, 1845, p. 109. 32. Esule palermitano stabilitosi a Firenze nel 1824 e facente parte della cerchia intellettuale che ruotava attorno al marchese Gino Capponi e a Giampietro Vieusseux. 33. È il libraio parigino Charles Furne, E. Rosseeuw Saint-Hilaire, Notice sur Charles Furne, Parigi, Imprimerie J. Claye, 1860. L’opera citata è L. Galibert, L’Algérie ancienne et moderne, Parigi, Furne et Cie, 1844. Per un commercio di libri transalpino… 93

hanno scritto su quel soggetto sono militari. Si crede però che sarà fatta in seguito qualche altra opera più significante. Ora il possesso è troppo fatto di fresco (431/18).

Il tono dell’epistola è grave quando si accenna alla morte di Giuseppe Menotti 34, padre del patriota Ciro impiccato a Modena tredici anni prima, residente a Batignolles, comune adiacente Parigi 35 ; nonché alla morte del « ricchissimo libraio » Panckoucke, evento che Giuseppe Molini non crede comporterà la sospensione della pubblicazione della sua collezione di classici latini. Nella chiusa della lettera il libraio fiorentino si augura che il figlio Luigi abbia già ricevuto le casse n. 104 e 105 (partite da Parigi il 24 giugno) e che numerose delle commissioni al loro interno siano già state eseguite. A conferma di un legame che sembra andare oltre le asettiche transazioni d’affari, i saluti finali a Luigi Molini sono affidati anche alla penna dell’editore-libraio parigino Duprat 36, oltre a quella del padre. I legami che Molini intratteneva nella capitale francese erano basilari per la rete editoriale che connetteva Francia e Italia, e di riflesso l’Europa. Le note di carico delle casse che Giuseppe Molini spedisce da Parigi evidenziano un commercio multiforme, fatto di libri antichi, giornali e novità come i romanzi di Sue e Disraeli. Traspare la volontà di instaurare una simbiosi con i librai e editori parigini, in un rapporto di cooperazione che assicuri benefici reciproci. Nelle lettere di Giuseppe Molini non sono presenti, infatti, elementi che portino a sospettare ostilità commerciali con le gens du livre della capitale francese, abbondano invece spunti positivi e una ricerca spasmodica di opportunità editoriali.

Thiers e il Progetto di riordinamento delle biblioteche fiorentine Puoi figurarti quanto rimasi sorpreso tornando a casa ieri sera nel trovare un dispaccio di Sua Eccellenza il nostro ministro dell’interno signor Paver 37 con la

34. « Avrai sentite le nuove del povero vecchio Menotti. Ebbi anch’io l’invito di andare a’ suoi funerali, ma egli abitava fuori di Parigi, e non vi andai ». 35. T. Grandi, Ciro Menotti e i suoi compagni o le vicende politiche del 1821 e 1831 in Modena, Bologna, Tipografia della Società Azzoguidi, 1880, p. 350. Giuseppe Menotti fu commerciante a Carpi con contatti transalpini, cf. A.G. Spinelli, Memorie sull’arte del truciolo in Carpi, Modena, Tipo-litografia di Luigi Rossi, 1905, p. 301. 36. Si veda la lettera del 29 giugno, 431/16. 37. « Uomo mediocre il cui principale merito era quello di essere stato a suo tempo il segretario di Ferdinando III, e di avere fama di “austriacante” di stretta osservanza » (G. Ciappelli, Un ministro del Granducato di Toscana nell’età della Restaurazione. Aurelio Puccini e le sue « Memorie », Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 2007, p. 42). Riferimenti anche in G. Baldasseroni, Leopoldo II Granduca di Toscana e i suoi tempi, Firenze, Tipografia all’Insegna di S. Antonio, 1871, p. 159. 94 Marius Rusu

quale, trattandomi da illustrissimo, mi partecipa che Sua Altezza Imperiale e Reale gli ordina di farmi sapere essere sua intenzione di valersi delle mie cogni- zioni e della mia esperienza per cooperare alla riordinazione delle biblioteche di Firenze. Che in conseguenza Sua Altezza Imperiale e Reale risolvè il 4 corrente di creare una commissione a questo oggetto, della quale ci dovrò far parte, e di parteciparmi questa notizia avvisandomi che ogni altra partecipazione resti sospesa fino al mio ritorno in Firenze. Questa partecipazione è accompagnata da un gentile biglietto confidenziale ed autografo del Paver con la quale mi invita a fargli sapere qualche cosa sull’epoca del mio ritorno, della quale cosa egli mi prega ancora nella comunicazione officiale (431/19).

Accreditato di un onore che difficilmente altri bibliotecari o editori-librai avrebbero disdegnato, Giuseppe Molini comunica al figlio dell’incarico che gli si prospetta nella lettera del 14 luglio (431/19). L’esperienza del nostro si era consolidata circa un ventennio prima, quando era stato nominato prima bibliotecario aggiunto e poi effettivo alla Palatina di Firenze. Eppure le ombre intorno alla futura nomina di commissionario per il riordinamento delle biblioteche fiorentine sembrano sussistere, se Giuseppe Molini raccomanda al figlio discrezione nel divulgare la notizia, perché « l’offerta è bella e mi fa molto onore, ma sarà sorgente di molti dispiaceri, e preveggo che tutti codesti Bibliotecarii che ora sono tutti amici miei diventeranno miei accerimi nemici » 38. Al di là degli scarsi risultati che questa iniziativa otterrà, permane la questione di una necessità di riflessione intorno all’organizzazione e raziona- lizzazione di un’istituzione come quella bibliotecaria. Riflessione che Giuseppe Molini perseguirà con tenacia, dando alle stampe un breve opuscolo, al quale affida la comunicazione della sua proposta di riordinamento 39. A lato della proposta granducale, che assorbe gran parte dell’attenzione in questa lettera del 14 luglio, vi sono le vicende della cassa n. 962, per le cui operazioni di scarico e fatturazione Molini padre prevede un tempo di almeno due giorni. Da lettera datata 20 luglio (431/20) si apprende che Giuseppe Molini ha risposto al ministro Paver il 16 luglio, sia con una comunicazione uffi- ciale sia con una confidenziale, e ora attenderà notizie in merito. Non manca di condividere con il figlio Luigi la segnalazione sul libraio padovano

38. Sul progetto di riordinamento delle biblioteche fiorentine promosso da Leopoldo II si consulti D. Fava, « Un progetto di riforma delle biblioteche pubbliche di Firenze », in Accademie e Biblioteche d’Italia, vol. 9, 1935, p. 475 ; M. Rossi, Bibliofilia, bibliografia e biblioteconomia alla corte dei Granduchi di Toscana Ferdinando III e Leopoldo II, Manziana, Vecchiarelli, 1996 ; P. Innocenti, Il bosco e gli alberi, Firenze, La Nuova Italia – Giunta regionale toscana, vol. 1, 1984. 39. G. Molini, Progetto di riordinamento delle pubbliche biblioteche di Firenze, Firenze, Tipografia di Giovanni Benelli, 1848. Per un commercio di libri transalpino… 95

Luigi Rusconi : « Avrai saputo che il povero Rusconi libraio a Padova è stato mandato via per avere venduto dei libri proibiti, e ha sofferto gravi inquietudini ed è andato dal fratello a Bologna » 40. Torna, nella lettera successiva del 27 luglio (giorno di commemorazione della rivoluzione del 1830 in cui anche Giuseppe Molini si reca a Notre- Dame a « suffragare » i morti, 431/21), l’attualità sul conflitto algerino, con un’esortazione al figlio per convincere Jacob Gråberg di Hemsö 41 a ristampare la sua opera Lo specchio di Marocco, ché « tutti lo domandano ». Lo stesso Gråberg, in apparenza, sfrutta il ruolo alla Biblioteca Palatina per ordinare volumi che intende trattenere per sé ; è il caso del Tableau synoptique représentant les noms, les émigrations, les filiations, l’origine, les caractères physiques et moraux des races de l’Afrique septentrionale, che Gråberg confonde come libro quando invece trattasi di un tableau di difficile reperimento 42. Spicca più di ogni altra comunicazione la sezione della lettera intitolata « Progetto colossale », e la definizione è quanto mai pertinente. Trattasi di un progetto articolato che coinvolge Adolphe Thiers, deputato e figura politica centrale nella Parigi del 1844 43, che Molini padre sottopone al figlio Luigi :

Ho parlato con monsieur Paulin 44 il quale ha acquistato da monsieur Thiers il manoscritto della sua Storia del Consolato e dell’Impero. L’opera sarà in 10 vol. 8o di 30 fogli circa. Ne uscirà un tomo al mese. Comincerà a stampare in settembre e si pubblicherà il primo volume a novembre prossimo. Il signor Paulin appena che avrà ricevuto ciascheduno foglio colla firma ed il bon à tirer del signor Thiers ne farà subito girare una copia e questa la manderà sotto fascia a Firenze per farne fare la traduzione. Per i tomi 1, 2, 3, il signor Paulin ci obbliga di non pubblicarli se non un mese dopo che avrà mandato l’ultimo foglio di chiaschedun tomo. I tomi 4 e seguenti ci obbliga di pubblicarli dopo 15 giorni come sopra, dovendo a quell’epoca l’operazione essere assicurata (431/21).

40. Su Luigi Rusconi si veda M. Callegari, Stampatori e librai a Padova nella prima metà dell’Ottocento, Saonara, Il Prato, 2013. 41. Intellettuale svedese trapiantato a Firenze, reggente alla Biblioteca Palatina e assiduo frequentatore del . Cf. F. Parlatore, « Elogio di Jacob Gråberg de Hemsö », in Atti dell’Accademia dei Georgofili, XXVI, 1848, p. 290. 42. Bibliographie de la France, ou Journal général de l’imprimerie et de la librairie, vol. 33, no 890, samedi 17 février 1844. 43. Un giudizio poco lusinghiero di Thiers è firmato da A. de Tocqueville, che lo dipinge capace di « addormentare la nazione e di rassicurare il re, in modo di insinuarsi fino al potere » (Vita attraverso le lettere, N. Matteucci e M. Dall’Aglio (a cura di), Bologna, Il Mulino, 1996, p. 82). 44. Jean-Baptiste-Alexandre Paulin, giornalista, editore e libraio parigino. Cf. F.E. Comparato, Books for the Millions. A History of the Men Whose Methods and Machines Packaged the Printed Word, Harrisburg (Pennsylvania), Stackpole, 1971, p. 92. 96 Marius Rusu

L’offerta è accompagnata da una richiesta di 10 000 franchi, ovvero 33,33 franchi a fascicolo, secondo i calcoli del nostro. Due editori di Torino hanno già espresso interesse e accettato le condizioni economiche, tuttavia Paulin, non conoscendo alcuno di loro, temporeggia in attesa di una risposta di Giuseppe Molini. Si accompagnano pensieri su edizioni contraffatte dell’opera e un pregiudizio :

È noto che una contraffazione non potrà farsi in Italia. Potrà qualcheduno fare una traduzione diversa, ma con le precauzioni suddette sarà difficile che qualcheduno ci pensi, perché noi avremo sempre un paio di mesi di avvantaggiamento di tempo. […] Converrebbe fare, se l’affare conviene, trovare un socio danaroso che contribuisse. Qualche signore costì forse lo farebbe. In tal caso bisogna segnarsi bene e non ne fare nulla se il socio non è veramente galantuomo e soprattutto non ebreo (431/21).

Stimata la tiratura in 2 o 3 000 copie, cifra dettata dalla « privativa in Italia fuorché a Napoli », Giuseppe Molini invita il figlio a esaminare a fondo la questione, soprattutto per il rapporto privilegiato che il libraio fiorentino vuole vantare con Paulin :

Avendo la sicurezza di non poter esser ristampati è certo che gli altri librai d’Italia daranno commissione di centinaia di copie. Con tutto ciò non ardisco consigliarlo né ricusarlo, e sta a te rifletterci con tranquillità domenica. […] Secondo un calcolo fatto da Duprat ogni volume tutto compreso ci verrebbe a costare franchi 2.30 circa, tirando 3.000 copie (431/21).

Dal tono assunto nella proposta si comprende meglio il ruolo di Giuseppe Molini nell’impresa di famiglia. Il nostro all’epoca ha settandue anni, un’età che gli consente ancora di dare il suo contributo (essenziale) al marchio edi- toriale cui appartiene, allo stesso modo di mantenere una posizione defilata dal punto di vista decisionale. Pur traghettata dall’esperienza di Giuseppe Molini, la società di famiglia è retta da Luigi Molini. Eppure negli anni Trenta la ditta Molini aveva rischiato il tracollo, causa la cattiva gestione di Luigi, tanto che le differenze di visioni tra padre e figlio sul mondo editoriale (e sulla maniera di condurre affari) si faranno strada prepotenti nelle ultime lettere di questo carteggio 45.

45. Editori italiani dell’Ottocento. Repertorio, A. Gigli-Marchetti, M. Infelise e L. Mascilli Migliorini (a cura di), Milano, Franco Angeli, 2004. Per un commercio di libri transalpino… 97

Di esuli e libri proibiti Spigolando nelle due lettere del 31 luglio e 4 agosto (431/22-23) si scopre che l’affare Thiers non va in porto, ad assicurarsi la traduzione è l’editore Vaccarino, il primo a scrivere a Paulin 46. Le attenzioni si concentrano su questioni diverse, come il sequestro in dogana toscana delle Speranze d’Italia di Cesare Balbo e delle opere del filosofo francese Félicité de Lamennais, opere spedite il 24 giugno nella cassa n. 103. A conferma di una noncuranza diffusa per le questioni doganali nel Granducato, Giuseppe Molini non appare preoccupato dal sequestro, e raccomanda al figlio di lasciare in giacenza i libri in dogana e attendere il suo ritorno, tanto più che le Speranze d’Italia « tutti dicono essere un gran libraccio » 47. Lo scarso cruccio del libraio fiorentino è spia di un sistema consolidato che permetteva agli editori toscani di eludere la sorveglianza e la censura 48. Anche la cronaca di Parigi ha un ruolo nell’epistola, con Giuseppe Molini che confessa avere assistito ai giochi pirotecnici e di illuminazione in Place de la Concorde e sugli Champs-Élysées, schivando la tragedia che i giornali riportano il 30 e il 31 luglio : a causa della ressa e della confusione si erano creati disordini che avevano portato alla morte di tre persone e al ferimento di nove 49 :

Tutti i giornali di Parigi non parlano che delle disgrazie accadute lunedì sera sulla Piazza della Concordia e ai Campi Elisi. Voglio che sappiate dunque che andai anche io alla festa ma che prudentemente scansai la folla, vidi benissimo ogni cosa e alle 11 me ne stavo tranquillamente a letto. È impossibile descrivere l’effetto magico di quella meravigliosa illuminazione che per un viale larghissimo cominciava dal palazzo delle Tuileries e finiva all’Arco della Stella, cioè per lo spazio di almeno due miglia in linea retta. Superava la

46. « Firenze dì 28 agosto 1844. I sottoscrittori editori della Storia del Consolato e dell’Impero di Napoleone scritta in francese dal signor Thiers, prima edizione in lingua italiana, avendo concesso l’esclusiva per tutta la Toscana al signor Lelio Arbib di Firenze, invitano i loro corrispondenti a rivolgersi al medesimo per le commissioni che ne volessero dare. NB. In forze del contratto da noi stipulato con gli editori di Parigi ci viene garantito 1o il diritto esclusivo delle edizioni in lingua italiana ; 2o l’invio per la posta dei fogli si stampa mano mano che si andranno ponendo sotto i torchi in Parigi. Per la qual cosa la sola nostra edizione della versione italiana potrà essere la prima in Italia, e andare di pari passo con la pubblicazione dell’originale. Gius. Vaccarino-Eredi Botta/Editori » (Gazzetta di Firenze, no 113, giovedì 19 settembre 1844, p. 4). 47. Citazione dalla lettera del 4 agosto, 431/23. 48. D.M. Bruni, « La censura di Morfeo. Il controllo delle stampe nella Toscana della restaurazione », Clio, vol. 38, no 2, 2002, p. 203 ; A. De Rubertis, Studi sulla censura in Toscana, Pisa, Nistri-Lischi, 1936 ; Id., Nuovi studi sulla censura in Toscana con documenti inediti, Firenze, La Nuova Italia, 1951. 49. Si veda Le Siècle, no 210, mardi 30 et mercredi 31 juillet 1844 ; Le Constitutionnel, no 213, mercredi 31 juillet 1844. 98 Marius Rusu

luminara di Pisa per i bicchieri di vetro giallo, rosso, verde turchino e bianco, disposti nella simmetria più graziosa. La folla era grandissima dappertutto, ma il male avvenne all’imboccatura delle strade per l’intoppo delle persone che volevano uscire con quelle che volevano entrare, e ambedue difficilissime a contenersi anche dalla forza armata. Io la presi alla larga e me la passai benissimo (431/23).

Con l’ironia che lo contraddistingue, il figlio Luigi postilla questo paragrafo con la formula « sussurri parigini ». Giuseppe Molini approfitta del basso volume di lavoro per una spedizione a Batignolles da Pietro Giannone, « così feci conoscenza con quel bravo vecchio che è l’autore dell’Esule », e per consegnargli una lettera del drammaturgo toscano Giovanni Battista Niccolini 50. Sulla via del ritorno l’editore fiorentino fa visita al conte Terenzio Mamiani, a Parigi dal 1831 dopo i moti rivoluzio- nari e fra i protagonisti della cerchia di esuli che gravitava nella capitale francese 51. Nella costruzione del dibattito risorgimentale gli inizi degli anni Quaranta sono nodali, sia per lo scontro, anche aspro, delle diverse idee di unità nazionale e su come ottenerla 52, sia per un orizzonte sociale inedito 53. Ci troviamo nel pieno di un percorso risorgimentale che a Parigi trae linfa vitale, sia per la cauta permissività della Monarchia di Luglio verso gli esuli della penisola, sia per la diffusione della cultura italiana nella capitale francese. L’epoca è « segnata dallo sviluppo esponenziale del mercato delle edizioni, dall’evoluzione significativa del ruolo e della funzione degli intellettuali e da un’immagine diversa dell’Italia animata da un fervido impulso patriottico-unitario e da una molteplicità di suggestioni europee » 54. Il rapporto transalpino è tutt’altro che unidirezionale : Baudry

50. Si veda la sua lettera del 27 giugno 1884, in Ricordi della vita e delle opere di G.-B. Niccolini, A. Vannucci (a cura di), Firenze, Le Monnier, vol. 2, 1866, p. 337. 51. « Nonostante fossero in continuo movimento, i membri della comunità degli esuli gravitavano attorno a un numero ristretto di centri intellettuali internazionali, la cui importanza trascendeva quella dei rispettivi paesi, e da essi traevano le loro idee. Parigi era indubbiamente il più importante di questi centri » (M. Isabella, Risorgimento in esilio. L’internazionale liberale e l’età delle rivoluzioni, Bari, Laterza, 2011, p. 39). 52. Giuseppe Mazzini considera Mamiani suo « ennemi acharné » a Parigi, insieme a venti altri ; missiva di Mazzini a Thomas Émery da Londra il 21 luglio 1840,Lettres intimes de Joseph Mazzini, D. Melegari (a cura di), Parigi, Perrin, 1895, p. 230. 53. Tale da meritarsi l’appellativo di « decennio socialista ». « Les années 1840 sont cruciales, les nombreuses tensions accumulées au cours des années précédentes s’intensifient. Le monde ouvrier est en ébullition, tout ce qui semblait oublié remonte à la surface » (M. Gribaudi, Paris ville ouvrière. Une histoire occultée (1789-1848), Parigi, La Découverte – Centre national du Livre, 2014, p. 333). 54. S. Tatti, « Bohème letteraria italiana a Parigi all’inizio dell’Ottocento », in Italia Italie. Immagini tra Rivoluzione e Restaurazione, S. Tatti (a cura di), Roma, Bulzoni, 1999, p. 160. Per un commercio di libri transalpino… 99 e Galignani traggono ampi benefici dall’importazione e traduzione delle opere italiane. La sintesi editoriale che si configura ha « un effetnon négligeable sur l’identité nationale et sur la culture aussi bien des exilés italiens que sur celle de leurs interlocuteurs » 55.

Conclusioni Con il graduale esaurirsi delle commissioni, la liquidazione dei conti con i librai parigini 56, in attesa di una risposta del ministro Paver che stenta ad arrivare, e con il proposito di tornare nella penisola, Giuseppe Molini si impegna in un dialogo intimo con Luigi Molini. Le lettere datate 11 e 13 agosto (431/24-25) convergono nel dare l’impressione che padre e figlio abbiano idee radicalmente diverse sulla conduzione della libreria-casa editrice. L’ironia nelle postille rosse di Luigi Molini 57 cela un lungo pregresso, forse risalente agli anni del dissesto finanziario della ditta famigliare e al ritorno di Giuseppe Molini nella gestione, lasciata e ripresa negli anni della nomina a bibliotecario palatino. La lettera del 13 agosto è un terreno di scontro in absentia e uno squarcio nel pensiero di Luigi Molini. Non si tratta di risposte convenzionali, quali sarebbero se affidate a una lettera di risposta, bensì una riflessione con se stesso e il rimasticare pensieri interiori. L’impegno di Giuseppe Molini con il nuovo corrispondente Hachette evita secondo lui una commissione del 5 % presso Duprat, ma va contro le precise disposizioni del figlio, che intende limitare al massimo gli impegni con altri editori stranieri ; allo stesso modo Luigi Molini non è d’accordo con l’idea del padre sui viaggiatori che presentano cataloghi, e che « al 99 % puoi essere sicuro che ti mettono in mezzo ». Molini figlio non risparmia alcuni sprazzi di derisione quando appunta a lato dei paragrafi « Nonsense » e « Il sig. Giuseppe Molini non è contento neppure quando si fanno le cose in regola ». La polemica si infiamma maggiormente quando gli argomenti sono i creditori, le scadenze sui pagamenti e le politiche scontistiche. Nella riflessione di Giuseppe Molini vi sono alcuni passaggi focali :

55. L. Fournier-Finocchiaro, « Les exilés politiques italiens, vecteurs et médiateurs de la langue et de la littérature italienne en France au XIXe siècle », in Les exilés politiques espagnols, italiens et portugais en France au XIXe siècle. Questions et perspectives, L. Fournier-Finocchiaro e C. Clímaco (a cura di), Parigi, L’Harmattan, 2017, p. 142. 56. Duprat, Klincksieck, Furne, Curmer, Guillaumin, Delalande, Brockhaus, solo per citarne alcuni. 57. « Solite sue gentilezze » in commento all’affermazione del padre « tu vuoi che si rispettino i tuoi sistemi ed io non dico nulla. Mi basta solo di guardarmi bene dall’imitarli », lettera datata 11 agosto, 431/24. 100 Marius Rusu

Voglio farti una osservazione e ti prego di credere sulla mia parola d’onore che quel che dico è con l’animo il più tranquillo del mondo, anzi con il sigaro in bocca e per il desiderio di vedere prosperare codesto negozio la di cui fondazione costò tanti sudori e stenti al mio ottimo padre, e il cui proseguimento è costato a me tante pene e poi tanti sacrifici 58 […]. Ricordati per l’amor di Dio che questi maledetti sconti rovinarono la casa Molini-Landi 59 poi quella Veroli e poi il Masi, il Giachetti e altri mille. Del resto fai quello che credi ma sappi che gli imbarazzi nei quali ti trovi dipendono perché non hai voluto mai consultarmi prima di concludere degli affari viscosi. […] E ho finito il discorso insieme con il sigaro (431/25).

Si tratta di nozioni essenziali per la raffigurazione del percorso della libreria-casa editrice Molini, che sarebbero rimaste sommerse senza l’indagine su questo carteggio. Allo stesso modo, gli squarci delle attività congiunte tra editori italiani e francesi contribuiscono ad allargare lo scenario culturale transalpino. Ne emerge un quadro ampio e sfaccettato, attraversato da impulsi risorgimentali e fermenti commerciali. Lo scopo dell’analisi è stato molteplice : offrire un panorama inedito nell’anno 1844 (a firma di un autorevole e navigato osservatore, addentro al sistema editoriale, quale era Giuseppe Molini), mettere a disposizione nuovi elementi intorno al commercio librario transalpino, e infine presentare un episodio significativo per la ricostruzione delle attività dei Molini, protagonisti del mondo del libro a Firenze e attenti a un orizzonte che travalicava le Alpi.

Marius Rusu Università di Roma La Sapienza

58. La nota in rosso del figlio è impietosa : « Se vi fosse stato affezionato come dice non lo avrebbe prostituito nel 1828 con il metterci il nome Veroli ». Luigi Molini fa riferimento al periodo in cui alla casa editrice della famiglia Molini, chiamata « All’insegna di Dante », subentrò l’editore Giuseppe Veroli di Bologna, si veda il Nuovo Giornale de’ Letterati, Pisa, presso Sebastiano Nistri, t. 17, 1828, p. 207. 59. Il triplice sodalizio con Giuseppe Landi e Giovanni Rosini sotto l’intestazione « Molini, Landi, e C. » dura dal 1804 fino al 1815, anno in cui l’iniziativa comincia a sfaldarsi ; si vedano le lettere di Giuseppe Molini a Giambattista Venturi conservate alla Biblioteca Panizzi di Reggio Emilia, Mss. A 27/26-22 e A 27/24-3. PARIS-LONDRES-MILAN : STENDHAL CHRONIQUEUR DE LA LITTÉRATURE ITALIENNE

Résumé : Les années milanaises (1814-1821) constituent une étape décisive dans la formation intellectuelle de Stendhal, aussi l’Italie est-elle le pays étranger le plus représenté dans les chroniques qu’il adresse aux périodiques d’outre-Manche de 1822 à 1829, dans lesquelles il s’attache à faire connaître à ses lecteurs les « principaux poètes vivants d’Italie » : V. Monti, U. Foscolo, S. Pellico et A. Manzoni sont convoqués tour à tour pour présenter « l’état actuel de la littérature italienne » et éclairer les paramètres historiques, sociopolitiques et culturels dont il procède. Retraçant l’histoire récente de l’Italie, Stendhal souligne le rôle déterminant de Bonaparte et montre l’incidence de la férule autrichienne et de l’emprise du gouvernement papal sur le développement de la littérature italienne, menacée d’autre part par l’influence hégémonique des modèles anglais et français. La comparaison de leurs conditions de production se fait à l’avantage de la France, mais Stendhal se prononce en faveur de l’Italie pour sa littérature fondée sur l’expression vraie des passions, contre l’affectation qui caractérise les productions françaises, effet d’institutions gangrenées par le mercantilisme. Riassunto : Gli anni milanesi (1814-1821) costituiscono una tappa decisiva nella formazione intellettuale di Stendahl, ragion per cui l’Italia è il paese straniero più rappresentato nelle cronache che manda ai periodici d’Oltre Manica dal 1822 al 1829, dove si impegna a far conoscere ai lettori i « principali poeti viventi d’Italia » : V. Monti, U. Foscolo, S. Pellico e A. Manzoni vengono via via convocati per presentare « lo stato attuale della letteratura italiana » e chiarire i parametri storici, sociopolitici e culturali donde procede. Nel ritracciare la storia recente d’Italia, Stendhal sottolinea il ruolo determinante di Bonaparte e mostra l’incidenza del giogo austriaco e dell’ascendente del governo di Roma sullo sviluppo della letteratura italiana, per altro minacciata dall’influenza egemonica dei modelli inglesi e francesi. Il paragone fra le rispettive condizioni di produzione avviene a vantaggio della Francia, ma Stendhal si pronuncia a favore dell’Italia per la sua letteratura basata sull’espressione vera delle passioni, contro l’affettazione che caratterizza le produzioni francesi, effetto di istituzioni incancrenite dal mercantilismo.

Pour comprendre l’attachement de Stendhal à certaines grandes figures de la littérature italienne, il faut revenir aux années milanaises (1814-1821). À la chute de l’Empire qui le laisse sans emploi, Henri Beyle gagne l’Italie et s’établit à Milan, ancienne capitale du royaume d’Italie récemment annexée

Transalpina, no 21, 2018, Entre France et Italie…, p. 101-116 102 Juliette Mascart par l’Autriche 1. À dater de 1816, année de sa présentation à Ludovico di Breme qui lui ouvre les portes de sa loge à la Scala, il fréquente assidûment les cercles libéraux où les esprits les plus brillants se partagent entre amertume et espérance – celle de voir un jour l’Italie maîtresse de son sort 2. Parmi eux, Vincenzo Monti (1754-1828), Ugo Foscolo (1778-1827), Silvio Pellico (1789-1854), mais aussi Alessandro Manzoni (1785-1873) 3, ont été témoins de bouleversements historiques et ont produit leurs chefs-d’œuvre dans ce climat d’effervescence. C’est donc spontanément que Stendhal revient aux « principaux poètes vivants d’Italie » 4 dans les chroniques qu’il adresse aux périodiques d’outre-Manche de 1822 à 1829 5, alors qu’il vit de nouveau à Paris : ses contributions à la presse anglaise complètent sa demi-solde et sa rente viagère, lui assurant, dans les premiers temps, un revenu confortable.

1. Henri Martineau le justifie de la sorte : « [a]yant vu crouler un monde autour de lui, Henri Beyle s’était jeté vers l’Italie comme vers un havre de grâce. Tout l’y attirait : la douceur du climat, la musique et les arts, le bon marché de la vie, et plus encore l’amour » (H. Martineau, Le cœur de Stendhal. Histoire de sa vie et de ses sentiments, Paris, Albin Michel, t. I, 1952, p. 335). 2. « En juillet 1816, Stendhal avait été présenté par l’intermédiaire d’un jeune avocat d’origine turinoise, Carlo Guasco, à l’abbé Ludovico Arborio Gattinara di Breme, ancien aumônier du royaume d’Italie, fils d’un ministre de l’Intérieur du même régime, descendant d’une famille considérable […]. Le voici […] introduit dans l’“intelligentsia” milanaise, lié à Monti, Pellico, Borsieri, Berchet, tous ceux qui vont participer à un mouvement romantique et libéral proprement milanais, risquer la prison et l’exil » (M. Crouzet, Stendhal ou Monsieur moi-même, Paris, Flammarion, 1999, p. 217). 3. Divers ouvrages de Stendhal témoignent de sa période milanaise, notamment : la Vie de Rossini (1823), Rome, Naples et Florence en 1817 (nouvelle édition en 1826), et les Promenades dans Rome (1829) ; c’est encore le cas de son journal et de sa correspondance, pour les années 1814 à 1821. On peut ainsi établir que Stendhal s’est plu en la compagnie de Monti et de Pellico, comme le montre cette remarque nostalgique : « à Milan, mon âme était élevée et rassérénée quand Monti, Porta, ou M. Pellico me faisaient l’honneur de me parler de vers » (Rome, Naples et Florence (1826), P. Brunel (éd.), Paris, Gallimard, 1987, p. 242), mais qu’il a très peu côtoyé Manzoni, qui se tenait en retrait de la vie mondaine ; rendant compte du bal des négociants milanais, événement brillant s’il en est, Stendhal note que « [l]a dévotion de M. Manzoni, l’a, dit-on, empêché d’y paraître » (ibid., p. 61). Quant à Foscolo, il quitte Milan en 1815, préférant s’exiler plutôt que de prêter serment de fidélité à l’Empereur d’Autriche. 4. Titre d’un article en deux parties que Stendhal adresse à la Paris Monthly Review : la première partie paraît en juillet 1822, et la seconde en novembre de la même année. 5. On dispose encore de quelques brouillons, mais pour la majorité des articles adressés par Stendhal à des organes britanniques, rien ne subsiste de la version originale : ils ne sont le plus souvent disponibles que dans une version traduite (qui plus est, par un tiers). Il faut mentionner ici les travaux de K.G. McWatters et de R. Dénier, qui ont collecté l’ensemble de ces articles et les ont rétro-traduits de l’anglais en français dans leur édition scientifique des Chroniques pour l’Angleterre (Stendhal, Chroniques pour l’Angleterre. Contributions à la presse britannique, Grenoble, Publications de l’Université des langues et lettres, 1980-1995). Renée Dénier en a donné par la suite une édition simplifiée à laquelle on se réfère dans la présente étude pour l’ensemble des citations des articles de Stendhal : Paris-Londres. Chroniques, R. Dénier (éd.), Paris, Stock, 1997 ; par commodité, on utilise l’abréviation PL. Paris-Londres-Milan… 103

Elles paraissent de 1822 à 1825 dans la Paris Monthly Review of British and Continental Literature, publiée à Paris et rachetée en 1823 par la maison Galignani, spécialisée dans l’édition d’ouvrages en langue anglaise ; de 1822 à 1829, dans le New Monthly Magazine and Literary Journal 6 qui prend, sous la direction de T. Cambell, une orientation libérale ; de 1824 à 1826, dans le Magazine, organe libéral dont le prestige littéraire commence à décliner ; en 1828, dans l’Athenæum. London Literary and Critical Journal, d’un libéralisme très prononcé. L’Italie est de loin le pays le plus représenté dans ce corpus journalistique. En témoignent les contributions de Stendhal à la Paris Monthly Review (devenue, en 1823, le Galignani’s Magazine and Paris Monthly Review) : sur les treize articles qu’il adresse à ce périodique, de 1822 à 1823, sept ont l’Italie pour thème : « Rossini » ; « Chefs d’œuvre des théâtres étrangers traduits en français » 7 ; « Lettre de Naples » ; « Monti » ; « Les principaux poètes vivants d’Italie (1) » ; « Les principaux poètes vivants d’Italie (2) » ; « Adelchi, tragédie d’Alessandro Manzoni ». On remarque encore la suprématie du thème italien dans sa collaboration avec le New Monthly Magazine, surtout quand il fait son entrée dans la partie noble du magazine, celle des « Original Papers ». Stendhal y insère trente-quatre articles au total, dont la grande majorité est consacrée à l’actualité parisienne (on compte ainsi vingt-neuf « Esquisses de la société parisienne, de la politique et de la littérature »), à l’exception de quatre articles qui forment la série des « Lettres de Rome » : « Les marionnettes de Rome » ; « La carrière de l’abbé Della Genga, futur Léon XII » ; « Les Anglais à Rome » ; « Scipion Ricci » 8. Trois articles adressés au London Magazine s’inscrivent dans cette lignée : « Histoire du dernier conclave » ; « Sur l’état actuel de la littérature italienne (1) » ; « Sur l’état actuel de la littérature italienne (2) », ainsi que deux articles non publiés : « Les beaux-arts en Italie » ; « Arts et civilisation en Italie ». À cela s’ajoute encore la douzaine de comptes rendus d’ouvrages d’auteurs italiens rédigés par Stendhal et publiés dans la partie « Historical register » du New Monthly Magazine 9.

6. Le New Monthly Magazine comprend deux parties : l’« Historical Register » (« publications étrangères ») qui propose des comptes rendus des publications récentes, et les « Original Papers » (« articles originaux »), partie qui contient des articles de plus d’ampleur dans la tradition anglaise de l’essai. 7. Il est surtout question du théâtre italien (voir note 9). 8. Aux deux séries d’articles « Esquisses de la société parisienne, de la politique et de la littérature » et « Lettres de Rome » s’ajoute une chronique intitulée « L’état actuel de la littérature française en prose ». 9. On citera, entre autres : « Adelchi, tragédie d’Alexandre Manzoni » ; « Antologia, Giornale letterario, pubblicato a Firenze da Vieusseux ; « La Morte di Carlo Primo rè d’Inghilterra, tragédie en cinq actes, improvisée par M.T. Sgricci » ; « Romans et nouvelles de David Bertolotti » ; « Vita di Canova, scritta da Missirini ». 104 Juliette Mascart

La disparité des titres ne doit pas recouvrir la vocation commune de ces périodiques littéraires, qui contribuent tous en principe à la formation intellectuelle et politique d’un lectorat choisi. Conscient de cet enjeu, Stendhal confère aux bouleversements de l’Italie une portée exemplaire : dans ses écrits journalistiques, la scène littéraire italienne devient le foyer d’une réflexion sur les conditions de la création littéraire dans une Europe postnapoléonienne travaillée par des aspirations libérales. À travers ses articles, Stendhal met en lumière les paramètres historiques, sociopolitiques et culturels qui déterminent la création littéraire en Italie. Certains d’entre eux lui semblent favorables à l’éveil de l’esprit national : arrivé à Milan après la chute du royaume d’Italie, il n’en perçoit pas moins la portée décisive. De manière générale, Stendhal attache une grande importance à la représentation de l’histoire récente, cristallisée autour de la figure de Napoléon. Il souligne par ailleurs le rôle éminent de la culture dans ce processus, voyant dans la redécouverte de l’œuvre de Dante une étape décisive dans la formation de l’identité italienne. Il ne méconnaît pas cependant les facteurs contraires, et montre combien l’influence du despotisme sur les habitudes morales de l’Italie nuit à l’essor de sa littérature comme à la reconnaissance de la nation italienne.

« Bonaparte, le régénérateur de l’Italie » Si les écrits que Stendhal consacre aux plus grands poètes italiens du temps 10 sont en général fort élogieux, ils ne sont pas dépourvus de toute critique : on discerne en effet quelques lignes de tension qui correspondent à autant de différends idéologiques structurant plus largement l’ensemble de la production stendhalienne sous la Restauration. Stendhal se montre ainsi très attentif à l’incidence des enjeux de pouvoir sur la construction de l’Histoire dans la mémoire collective : les productions littéraires participent de ce processus qui s’avère déterminant dans la cristallisation d’une identité nationale. On comprendra donc que le renom de Napoléon soit l’un de ses chevaux de bataille. De fait, il tance vertement ceux qui, à l’exemple de l’historien Carlo Botta, truffent leurs ouvrages de propos mensongers

10. S’agissant d’auteurs ayant également écrit des œuvres en prose, l’appellation « poètes » interroge : elle renvoie en fait au premier article dans lequel Stendhal fait référence à ces écrivains italiens, lequel est consacré à leurs œuvres tragiques. Il s’agit d’un compte rendu destiné à la partie « Publications étrangères » du New Monthly Magazine, dans lequel Stendhal présente la collection des « Chefs d’œuvre des théâtres étrangers traduits en français », et plus particulièrement, le tome consacré au théâtre italien, qui comprend cinq tragédies, parmi lesquelles : Caïo Gracco de V. Monti, Ricciarda d’U. Foscolo, Francesca da Rimini de S. Pellico, et Carmagnola d’A. Manzoni. Paris-Londres-Milan… 105

« rapportés avec le vil propos de flatter l’Autriche » 11, et critique plus généralement ces « jeunes libéraux sans cervelle qui ne comprenaient pas qu’avant d’arriver à un gouvernement représentatif, la Lombardie avait besoin de quarante ans d’administration d’un despote, homme de génie comme Napoléon » 12. Parmi ces grands poètes italiens qu’admire Stendhal, Ugo Foscolo fut plus lucide que d’autres ; c’est pourtant envers lui que Stendhal montre le moins d’indulgence, trouvant sans doute qu’il écorne par trop le prestige de Napoléon. Sans nier aucunement les dérives despotiques du pouvoir impérial, Stendhal voit en Bonaparte celui qui porta en Italie cet enthousiasme propre à revigorer l’esprit national. Ugo Foscolo y fut lui-même sensible, et sa déception n’en fut que plus vive de voir trahie, une fois encore, la cause nationale : en la personne de Napoléon, l’Italie s’était trouvé non un libérateur, mais un nouveau maître. Cette désillusion trouve une expression vibrante dans les Ultime lettere di Jacopo Ortis (Les Dernières Lettres de Jacopo Ortis), dont le protagoniste, un jeune Vénitien assistant à l’entrée des Autrichiens dans la cité, convient avec amertume qu’il était absurde de supposer que les Français serviraient une autre cause que la leur. Il n’est pas anodin de relever la sévérité de Stendhal envers un poète qui se voulait « écrivain national » et combattait l’impérialisme français sous toutes ses formes, jusqu’à défendre l’apprentissage du latin pour contrer l’hégémonie linguistique du « Gaulois superbe » 13. C’est sans doute par réaction à la posture revendiquée par Foscolo que Stendhal outre la sienne jusqu’au paradoxe, peignant Napoléon en despote éclairé :

Napoléon prit l’auteur sous sa protection, le nomma capitaine et aide de camp du ministre de la Guerre du royaume d’Italie. On le considérait alors comme un jeune homme plein de hautes promesses mais, ces promesses, il ne les a pas toutes tenues 14.

Il est aisé de faire ici la part de l’orgueil national ; on méconnaîtrait néanmoins l’idéologie sous-jacente à ce propos si l’on ne voyait que l’élément nodal n’en est ni Napoléon, ni Foscolo, mais bien le « royaume d’Italie ». Or, s’agissant de l’Italie comme nation, Stendhal envisage généralement les hommes et leurs œuvres sous le rapport de l’énergie. Ainsi affirme-t-il au sujet d’Ugo Foscolo, envers lequel il se montre par ailleurs si critique, que « la qualité qui le sauve, c’est l’énergie, cette boisson vivifiante dont

11. « Sur l’état actuel de la littérature italienne (1) », London Magazine, septembre 1825, PL, p. 534. 12. « Les principaux poètes vivants d’Italie (2) », Paris Monthly Review, novembre 1822, PL, p. 47. 13. Voir P. Hazard, La Révolution française et les lettres italiennes (1789-1815) [1910], Genève, Slatkine, 1977, p. 168. 14. « Les principaux poètes vivants d’Italie (1) », Paris Monthly Review, juillet 1822, PL, p. 41. 106 Juliette Mascart l’âme italienne a si ardemment soif » 15. Cette même qualité fait encore à ses yeux la grandeur de Napoléon, qui ouvre l’ère risorgimentale en portant à l’Italie cet enthousiasme conquérant que ses prédécesseurs s’appliquaient à éteindre. Quant à ses successeurs, ils n’offrent nulle chance à la nation italienne de se conquérir :

Le prince de Metternich a trop de bon sens pour entreprendre la tâche d’abêtir le peuple, comme les jésuites essaient de le faire à Turin et à Modène : mais il met au cachot tous ceux qui tentent de l’éclairer 16.

Tel fut le « sort commun à presque tous ceux qui écrivirent pour [le Conciliatore] », une feuille remarquable malgré sa courte existence, qui « comptait au nombre de ses partisans tous les Milanais les plus distingués par leurs talents, leurs connaissances, leur probité ou le dévouement généreux qu’ils apportèrent au perfectionnement moral de l’Italie et de l’humanité » 17. Stendhal évoque ainsi à maintes reprises le « pauvre Pellico », usant, comme on le voit, du registre pathétique 18 pour émouvoir ses lecteurs et susciter leur indignation devant le sort cruel réservé à l’« un des premiers poètes tragiques d’Italie, détenu maintenant dans la forteresse du Spielberg » 19. Quant à cette entreprise collective portée par un esprit libéral, Stendhal, tout louangeur qu’il soit, n’en affirme pas moins qu’elle était vouée à l’échec : le Conciliatore ne pouvait être l’instrument de l’éducation idéologique du peuple italien, du fait même de la supériorité de ses rédacteurs. Telle est l’empreinte civilisationnelle du despotisme : force est de constater qu’« [e]n Italie, grâce à tout ce qu’on a fait pour assoupir et pervertir les esprits de 1530 jusqu’à 1796, lorsque Napoléon les réveilla de leur léthargie au bruit de ses exploits, [la] distance [qui sépare la classe éclairée des classes ignorantes] est encore énorme » 20. Si Stendhal voit en Bonaparte « le régénérateur de l’Italie » 21, c’est qu’il a « éclairé l’Italie », tandis que « depuis la prise de Florence, en 1530, jusqu’à

15. « Les principaux poètes vivants d’Italie (1) », p. 42. 16. « Sur l’état actuel de la littérature italienne (2) », London Magazine, janvier 1826, PL, p. 608. 17. Ibid. 18. Cela est plus manifeste encore dans un article où il présente le poète en ces termes : « Pellico, cet infortuné jeune homme si richement doué, dont le corps chétif et délicat contient une âme de feu. À vingt-huit ans, l’âge de l’ardeur enthousiaste, il a été condamné à quinze ans de réclusion rigoureuse dans les fers. Hélas, faut-il que les cachots de la forteresse du Spielberg deviennent la tombe du génie, car, à un traitement aussi barbare, il ne peut que succomber ! » (« Les principaux poètes vivants d’Italie (1) », p. 39-40). 19. « Sur l’état actuel de la littérature italienne (2) », p. 608. 20. Ibid., p. 609. 21. « Sur l’état actuel de la littérature italienne (1) », p. 534. Paris-Londres-Milan… 107 nos jours, le despotisme n’a négligé aucun moyen pour avilir et dégrader le noble esprit de la nation » 22. Parmi ces moyens, le plus efficace comme le plus détestable est sans doute celui dont use « le papisme [que d’aucuns considèrent] comme le premier malheur de l’Italie » 23 et dont l’influence retentit fortement sur la production littéraire italienne, notamment dans son rapport aux modèles institués.

« La Bassvilliana a rappelé l’Italie au culte de Dante » Pour ce qui est de contrôler toutes les formes de l’expression de la pensée, les autorités autrichiennes et romaines se donnent la main 24. La papauté revêt néanmoins, aux yeux de Stendhal, le caractère le plus odieux, en raison de cette politique d’abêtissement dénoncée plus haut, menée de longue date et dont il montre l’incidence sur la production littéraire :

L’influence des jésuites et du gouvernement a rendu pitoyable la manière de raisonner des Italiens sur la littérature et les arts. Qu’il vous suffise de savoir, comme un exemple, que pendant deux cents ans, les jésuites sont parvenus à faire trouver le Dante exécrable. Il n’y a pas trente ans que l’on ose admirer le grand homme 25.

La proscription des œuvres de Dante est emblématique, pour Stendhal, de l’emprise du papisme sur les productions artistiques et culturelles en Italie. Cette emprise se traduit par un rapport conflictuel à toute une tradition littéraire et par un emprunt aux littératures étrangères : plutôt « l’élégante énergie de Voltaire » que « la force et la formidable énergie du Dante », poète abhorré des jésuites en raison de ses écrits qui « tendent à inspirer le goût de l’examen personnel » 26. Or, si l’« énergique ne déplait jamais en Italie » 27, il est, en littérature, des qualités qui séduisent davan- tage : aussi dans la production littéraire italienne contemporaine, les vers

22. « Sur l’état actuel de la littérature italienne (2) », p. 609. 23. « Arts et civilisation en Italie », article non publié (NP), PL, p. 585. 24. Et Stendhal de plaindre « cette infortunée Italie (doublement courbée, depuis 1530, sous le joug du despotisme espagnol et de l’éteignoir de la papauté) » (« Sur l’état actuel de la littérature italienne (1) », p. 526). 25. « Les principaux poètes vivants d’Italie (2) », p. 49. Stendhal affirme ailleurs que « ce grand poète […] a eu, pendant ces trente dernières années, plus d’éditions qu’au cours des cinq siècles précédents » (« Sur l’état actuel de la littérature italienne (1) », p. 533). 26. « Sur l’état actuel de la littérature italienne (1) », p. 526. Stendhal poursuit ainsi : « Ce goût qui conduit tout droit à l’exercice de la raison et au protestantisme, est la bête noire de la cour de Rome et des jésuites, ses défenseurs les plus éclairés ». 27. « Les principaux poètes vivants d’Italie (2) », p. 48. 108 Juliette Mascart d’Alessandro Manzoni l’emportent-ils sur ceux d’Ugo Foscolo. Stendhal, tout le premier, donne la préférence à l’« onction » et au « charme entraî- nant » de la poésie d’Alessandro Manzoni sur l’énergie farouche des vers d’Ugo Foscolo, bien qu’il reconnaisse par ailleurs que « les beautés des hymnes de M. Manzoni sont telles, qu’elles ont fait passer sur leur tendance antisociale et vénéneuse, surtout pour la malheureuse Italie, écrasée en 1825 par les tout-puissants jésuites » 28. Le premier mérite de Manzoni 29 est assurément d’avoir su diffuser dans ses vers « une piété tendre » 30, sans jamais verser dans ce « style poétique efféminé » 31 qui fit le succès des poètes français du XVIIIe siècle. Ce dernier trait, généralisé à la littérature italienne, est d’importance, puisqu’il est l’un des motifs pour lesquels Stendhal met celle-ci à l’honneur dans ses articles :

Ce qui m’encourage le plus à vous écrire […] sur la poésie italienne, c’est que les Italiens sont le seul peuple dont la poésie n’ait point été entièrement gâtée ou au moins altérée pendant un temps par l’imitation du style philosophique et artificiel des vers parisiens 32.

Stendhal voit en Vincenzo Monti l’artisan de cette résistance. Il poursuit en ces termes :

En 1793, l’Italie fut le théâtre d’un grand phénomène littéraire. Vincenzo Monti, en publiant sa Bassvilliana, […] sauva la poésie italienne et lui épargna la honte de tomber dans une servile imitation de Pope, de Boileau et de Voltaire. […] Grâce à Monti, la poésie italienne a conservé son originalité et son énergie 33.

28. « Arts et civilisation en Italie », p. 585. 29. Alessandro Manzoni a encore pour lui, aux yeux de Stendhal, d’être l’auteur d’une « Ode sur la mort de Napoléon », qu’il commente en ces termes : « Ce sont les seuls vers, à ma connaissance, dignes du sujet » (Stendhal, Vie de Rossini, suivie des Notes d’un dilettante, Paris, Champion, 1922, p. 213). Il l’affirme encore dans ses Chroniques pour l’Angleterre : « Deux poètes seulement ont rendu justice à ce grand homme. L’un est Manzoni, de Milan, qui a écrit une ode magnifique qui commence par ces mots : Ei fù. Cette composition est immortelle, comme l’homme dont elle raconte les malheurs. Le passage brûlant dans lequel M. Manzoni se refuse, par sentiment religieux, à porter un jugement sur les mérites et la gloire de Napoléon, est ce que l’on peut trouver de plus beau dans la poésie moderne » (« Esquisses de la société parisienne, de la politique et de la littérature (XVI) », New Monthly Magazine, avril 1827, PL, p. 821-822). 30. « Arts et civilisation en Italie », p. 584. 31. « Sur l’état actuel de la littérature italienne (1) », p. 526. 32. Ibid., p. 525-526. 33. Ibid., p. 526. Paris-Londres-Milan… 109

L’enthousiasme de Stendhal pour la poésie de Monti peut surprendre, dès lors qu’il attribue au poète « [un] caractère versatile, ouvert tour à tour à l’inspiration de sentiments contraires, [ainsi qu’une] soumission obséquieuse » 34 aux puissants, toutes choses ordinairement susceptibles d’échauffer sa bile : dans l’ensemble de ses écrits journalistiques, Stendhal n’a de cesse de dénoncer le charlatanisme des hommes de lettres français, de fustiger les écrivains « vendus » au régime. Or la Bassvilliana est une œuvre de commande et les circonstances de sa création ne sont pas précisément à l’avantage de Monti, bien que Stendhal, en les rapportant, allègue pour lui le meilleur des motifs 35. Ce poème tire son nom du personnage éponyme, Nicolas-Jean Hugou de Basseville, diplomate français assassiné à Rome le 13 janvier 1793 pour avoir arboré la cocarde tricolore : il raconte comment l’âme de Basseville, pour racheter son péché (avoir introduit les idéaux de la Révolution dans la Ville éternelle), doit assister aux atrocités qui ensan- glantent alors la France. On peut certes s’interroger sur le critérium adopté par Stendhal pour juger l’œuvre de Vincenzo Monti : il faut alors rappeler que, dans l’ensemble des articles qu’il consacre aux poètes italiens, Stendhal envisage la littérature dans une perspective civilisationnelle. « [L]’immense service que Monti a rendu à la poésie de son pays » 36 rachète ses défauts et lui vaut l’admiration de ses pairs comme la reconnaissance du public :

Monti a échappé au mépris qui est le lot de Southey chez vous, et de Baour, de Chazet, etc. en France. Le public a compris que Monti a toujours écrit sous l’influence de la passion […] et jamais sous la dictée de froids calculs, jamais par simple désir de faire de l’argent ou pour que ses poèmes soient lus par une riche aristocratie 37.

L’argument peut paraître spécieux : c’est pourtant bien le fait d’écrire « sous l’influence de la passion » qui fait, selon Stendhal, le génie de Monti, et sa grandeur. Aussi le voit-on affirmer que « Monti, bien qu’inférieur au Dante, à l’Arioste et au Tasse, les trois fondateurs de la poésie italienne, a cependant été plus utile qu’aucun d’eux » 38 en produisant un poème tel que la Bassvilliana, qui, « bien qu’elle soit d’une tendance atroce, bien qu’elle ne

34. Ibid., p. 527. 35. « Monti », Paris Monthly Review, juin 1822, PL, p. 35-36. « Il fit ses débuts dans le monde comme amant en titre de la nièce du pape Pie VI ; et quand Basseville, le chargé d’affaires français, fut assassiné, le poète reçu l’ordre, soit du pape, soit de la faction à laquelle il obéissait, de célébrer cet acte atroce. Monti s’exécuta ; s’il n’avait pas été amoureux, peut-être n’aurait-il pas fait preuve d’une telle faiblesse » (ibid., p. 35). 36. « Sur l’état actuel de la littérature italienne (1) », p. 529. 37. Ibid., p. 532. 38. Ibid., p. 529. 110 Juliette Mascart consiste qu’en une apologie continuelle du meurtre, bien que suprêmement catholique et servilement dévouée à la féroce religion de saint Dominique, a fait renaître le goût pour Dante » 39, ce grand poète qui « a tourné l’esprit des Italiens vers le protestantisme c’est-à-dire vers l’examen personnel en matière de religion » 40. De même que Dante représente à ses yeux, par « [sa] force et [sa] formidable vigueur […], qui était calculée pour agir sur les hommes vraiment dignes de ce nom dont l’Italie était peuplée au XIVe siècle », le héraut de l’énergie et de la virtù, Stendhal voit en Monti « le restaurateur de la poésie italienne » 41. En suscitant, à travers ses créations, la redécouverte de Dante, Monti a permis à la poésie italienne de renouer avec ses grands modèles et de reconquérir sa spécificité propre, afin de s’affranchir de la tutelle des littératures étrangères, lui évitant de devenir « une servile copie de la poésie de la France et de l’Angleterre » 42.

« Un étranger seul peut parler de la littérature italienne » D’après Stendhal, la spécificité de la poésie italienne réside dans l’expression de la passion. Le maniérisme, le cant 43 qui corrodent les littératures française et anglaise lui sont étrangers, et pour cause : l’Italie est un pays « totalement dépourvu de l’esprit monarchique » 44, « c’est-à-dire de l’imitation [par tout un chacun] du type ou du modèle prescrit pour la classe de la société où le hasard l’a placé » 45. La situation politique de l’Italie est certes calamiteuse,

39. « Sur l’état actuel de la littérature italienne (1) », p. 527. 40. Ibid., p. 533. Voir le commentaire d’Henri-François Imbert : « L’élément le plus efficace du Risorgimento culturel, ne serait-ce pas Dante, “adoré aujourd’hui en Italie” ? En septembre 1825, dans son Courrier anglais, Stendhal avait transformé Dante en un prophète révolutionnaire, en un précurseur de ces jansénistes italiens du XVIIIe siècle rebelles contre le Saint-Siège » (H.-F. Imbert, Les Métamorphoses de la liberté, ou Stendhal devant la Restauration et le Risorgimento, Genève – Paris, Slatkine, 1989, p. 314). 41. « Sur l’état actuel de la littérature italienne (1) », p. 527. 42. Ibid., p. 533. 43. « Qu’est-ce que le cant ? me direz-vous. Le cant, dit le dictionnaire anglais du célèbre Johnson, est la prétention à la moralité et à la bonté, exprimée par des doléances en langage triste, affecté et de convention » (Stendhal, Mélanges de littérature, H. Martineau (éd.), Paris, Le Divan, t. II, 1933, p. 279). 44. « Sur l’état actuel de la littérature italienne (1) », p. 530. Stendhal en explique l’origine dans la suite de l’article : « [dans] les pays où la monarchie a poussé de profondes racines, les rois […] se sont efforcés de […] se rendre populaires par l’influence de la noblesse et le préjugé fictif de l’honneur. C’est ainsi que de grandes nations telles que la France en sont venues à considérer que leur plus grand bonheur était de se conformer à un certain modèle conçu pour chaque classe par l’habileté du roi ou de son ministre. C’est ce que les écrivains français appellent l’esprit monarchique ». 45. Ibid., p. 531. Paris-Londres-Milan… 111 mais elle préserve une individualité menacée par l’influence normative exercée par le pouvoir dans un État unitaire centralisé comme la France ou l’Angleterre 46. Ce trait civilisationnel retentit fortement sur « son caractère littéraire » ; et Stendhal de vanter « la supériorité si remarquable dans la poésie italienne de l’expression simple des passions fortes dont chaque Italien trouve dans son cœur toutes les nuances et toutes les variations » 47. S’il promeut la Bassvilliana, c’est que cette œuvre de Monti « repose entièrement sur la passion profonde dans toutes ses nuances et variétés » 48, telle qu’elle se communique intuitivement à ses compatriotes, contribuant ainsi à la cristallisation de l’identité nationale. En cela, la littérature prime la politique, puisqu’elle prépare et engage tout à la fois la lutte patriotique. Tel n’est pas le cas en France, où la littérature s’égare dans la recherche de la perfection formelle au détriment de la pensée 49. Si l’écrivain français s’applique à bien dire, l’écrivain italien entend dire ce qu’il pense : Stendhal estime ainsi que « [la] différence fortement marquée entre la littérature italienne et la littérature française, c’est la sincérité, la fermeté de propos qui caractérisent la première » 50. Cette assertion est contestable : toute vérité n’est pas bonne à dire dans un pays où le simple fait d’imprimer est une entreprise téméraire qui peut attirer sur soi la persécution des jésuites ou de gouvernements despotiques. Stendhal n’omet pas cette difficulté, mais observe :

Certes, les écrivains de l’Italie se permettent bien les mensonges nécessaires pour éviter d’être poursuivis pour carbonarisme ; mais, mises à part les absurdités qu’ils sont forcés d’écrire à cause de la tyrannie minutieuse de cinq cours […], ils ne disent rien qu’ils ne pensent en toute honnêteté 51.

46. « Il est évident que ce malheureux peuple, morcelé et soumis à six misérables tyrans, offre un contraste complet avec la France et l’Angleterre, dont la situation politique est à la vérité plus heureuse, mais chez qui toute individualité est détruite par l’ambition de devenir, dans tous les sens du mot, une simple copie à la mode et de bon ton d’un certain modèle conventionnel » (ibid., p. 528). 47. Ibid., p. 531. 48. Ibid. 49. À propos du dernier roman de M. Villemain, « jeune rhéteur de quelque talent qui […] l’emporte sur tous en France dans l’art de parler pour ne rien dire », Stendhal affirme : « L’échec de Lascaris et du style académique, dont il peut être considéré comme la perfection, conduira sans doute nos écrivains à donner plus d’importance aux idées et à ne considérer le style que comme un objet secondaire » (« Esquisses de la société parisienne, de la politique et de la littérature (I) », New Monthly Magazine, janvier 1826, PL, p. 630-631). 50. « Sur l’état actuel de la littérature italienne (2) », p. 605. 51. Ibid. 112 Juliette Mascart

C’est que la littérature italienne n’est pas gangrenée par les productions des « écrivains à gages » 52, fléau de la littérature française comme de celle d’outre-Manche. En France, « MM. Baour-Lormian, de Lamartine et Hugo, et Mlle Delphine Gay vendent leurs flatteries au gouvernement et en sont bien payés » 53. Ces pratiques ont tôt fait de transformer un poète de quelque talent en « versificateur besogneux » 54, tant la vénalité nuit au génie. De là, ce jugement paradoxal :

En interdisant aux travaux ou aux mérites littéraires tout espoir de récompense pécuniaire, [l’empereur François] a cependant rendu un service insigne à la littérature italienne. Il en a exclu toute la canaille des écrivailleurs qui souille et déshonore la littérature de France et d’Angleterre 55.

Contrairement à Monti, qui écrit « parce qu’il est emporté par l’élan de son génie » 56 et de qui l’on peut dire que « [ses] idées lui sont propres » – toutes choses qui participent de la puissance fécondante de sa poésie et la rendent susceptible de provoquer une « grande révolution littéraire » 57 –, les poètes français vendus au régime sont « rarement coupables de réveiller l’esprit du public par une idée nouvelle ou une réflexion profonde » 58. C’est là l’effet du conformisme dénoncé plus haut comme un trait du caractère national dans lequel entre encore bien de la vanité, d’où ce constat : « [e]n France, la première nécessité de la vie a toujours été d’être à la mode. C’est l’unique passion de la nation » 59. Or pour Stendhal, « la souveraineté de la mode est simplement un

52. « Lettres de Paris, par le petit-neveu de Grimm (6) », London Magazine, juin 1825, PL, p. 418. On compte au total douze « Lettres de Paris », toutes publiées durant l’année 1825 dans le London Magazine. 53. « Lettres de Paris, par le petit-neveu de Grimm (8) », London Magazine, août 1825, PL, p. 485. Stendhal en fait une démonstration des plus caustiques : rendant compte de « La Vision, poème sur le sacre » de Mlle Delphine Gay, il affirme : « C’est un ouvrage de prix pour son bel auteur, puisqu’il lui a procuré une pension annuelle de mille cinq cents francs ». Sa présentation du « Retour à la religion » de M. Baour-Lormian est plus sarcastique encore : « Si cet ouvrage n’a pas ajouté à la réputation poétique de M. Lormian il a toutefois augmenté le nombre de ses tabatières : l’auteur, en effet, a reçu de sa majesté Charles X une tabatière ornée de diamants d’une valeur de huit mille francs » (Compte rendu : New Monthly Magazine. Publications étrangères, septembre 1825, PL, p. 502). 54. « Lettre de Paris, par le petit-neveu de Grimm (6) », p. 418. 55. « Sur l’état de la littérature italienne (2) », p. 606. 56. « Lettres de Paris, par le petit-neveu de Grimm (11) », London Magazine, novembre 1825, PL, p. 573. 57. « Sur l’état actuel de la littérature italienne (1) », p. 535. 58. « Lettre de Paris, par le petit-neveu de Grimm (6) », p. 405. Sont nommément désignés MM. de Lamartine et Victor Hugo. 59. « Lettres de Paris, par le petit-neveu de Grimm (3) », London Magazine, mars 1825, PL, p. 329. Paris-Londres-Milan… 113 des effets de la monarchie absolue » 60. Rémanence de l’absolutisme, la mode échappe désormais aux dictats de la cour, jusqu’à constituer un champ de contre-influence. Dans la France moderne, on brigue autant (voire plus) les suffrages du public que la faveur du monarque, ce que Stendhal exprime en ces termes : « Nous avons ici deux sortes de littératures : la littérature officielle, payée et protégée du gouvernement, et le genre indépendant, qui est lu et goûté du public » 61. Le « genre indépendant » résulte de la libéralisation de la presse, qui permet aux écrivains de vivre de leur plume mais convertit ce faisant la création poétique en une activité lucrative :

La littérature française […] prend de plus en plus chaque jour le caractère de la boutique. […] Le plus admiré de nos poètes dit à son libraire : « Donnez-moi un chèque de quatre cents livres, et j’écrirai pour vous une Messénienne, dans laquelle je dévoilerai les replis les plus intimes de mon cœur ». Devant le spectacle d’une telle vanité, on en vient à souhaiter l’état de chose régnant en Italie, et qui veut que le plus grand poète ne peut retirer aucun avantage pécunier de ses ouvrages 62.

Sous ce rapport, « [la] vertu des écrivains italiens est solidement pro- tégée ». Stendhal en témoigne : « J’ai entendu le grand Monti affirmer que la publication de ses ouvrages ne lui avait rapporté que des dépenses » 63. Voilà qui préserve les poètes italiens de cet esprit mercantile si répandu parmi leurs confrères transalpins, et de son corollaire, « ce système de coterie littéraire, d’intrigues et de servile flatterie si généralement pratiqué par [ces derniers] » 64. « Malheureusement, il y a une certaine part de charlatanisme dans la littérature de tous les pays » 65, dont l’indice certain est la partialité de « ceux qui se disent les arbitres du goût » 66. Stendhal en fait le constat : « les éloges les plus pompeux ne sont pas toujours donnés au mérite » 67 ; aussi,

60. « Esquisses de la société parisienne, de la politique et de la littérature (XV) », New Monthly Magazine, mars 1827, PL, p. 807. 61. « Esquisses de la société parisienne, de la politique et de la littérature (I) », p. 630. 62. « Lettres de Paris, par le petit-neveu de Grimm (11) », p. 573. 63. « Sur l’état actuel de la littérature italienne (2) », p. 606. En atteste également cette remarque au sujet de « M. Manzoni, dont un libraire de Florence vient enfin d’imprimer les œuvres complètes en un volume. Tout le monde désirait qu’une telle collection vit le jour, tout le monde l’achète, et certainement le libraire florentin n’aura pas donné un écu à l’auteur. C’est beaucoup s’il lui a envoyé en cadeau un exemplaire de ses propres œuvres […] » (« Arts et civilisation en Italie », p. 582). 64. Compte rendu : New Monthly Magazine. Publications étrangères (octobre 1823), PL, p. 156. 65. Ibid. 66. Ibid. 67. « La tâche du critique », NP, PL, p. 51. 114 Juliette Mascart

« [tant] que ce système existera, il sera vain d’attendre une critique juste et impartiale en France » 68. Il ne tient pas un autre discours concernant l’Italie, estimant « qu’un étranger seul peut parler de la littérature italienne » 69. Si les effets sont les mêmes, les maux, eux, diffèrent. Stendhal voit dans la corruption de la critique littéraire pratiquée en Italie le symptôme de « cette fatale maladie morale » qu’il décrit en ces termes :

Chaque ville d’Italie possède communément deux ou trois poètes qui, au lieu d’être ridicules, comme cela arrive à leurs pareils en France ou en Angleterre, sont regardés par les bourgeois, leurs compatriotes, comme faisant partie des avantages qui distinguent leur ville, et, comme vous savez, chaque ville ici abhorre la cité voisine et en est abhorrée 70.

« Cette haine de ville à ville » dans laquelle on reconnaît le « patriotisme d’antichambre » que Stendhal abomine et qu’il regarde comme l’un des plus grands malheurs de l’Italie, « triomphe dans les jugements littéraires » 71. « Ce malheureux préjugé » 72 étouffe le mérite, fait de l’ombre au génie et nuit ainsi tant à la qualité des productions littéraires et artistiques qu’au rayonnement culturel du pays tout entier ; de l’avis de Stendhal, il est fort regrettable, pour une capitale telle que Londres, que « MM. Manzoni, Pellico, Niccolini, Buratti et Grossi y [soient] moins connus qu’ils ne le méritent » 73. Tels sont les effets de l’« absence d’un centre commun de civilisation » 74 dont Stendhal souligne le caractère néfaste. En effet, comme il le rappelle à ses lecteurs, « l’Italie n’est pas comme la France, elle a une vingtaine de capitales […] » 75. En résulte cette spécificité de la « physionomie morale de

68. Compte rendu : New Monthly Magazine. Publications étrangères (octobre 1823), PL, p. 156. 69. « Arts et civilisation en Italie », p. 582. 70. Ibid., p. 581-582. Stendhal reprend ici presque terme à terme ce passage d’un article antérieur : « Vous devez savoir que la plus obscure petite ville possède, ici, deux ou trois ou même davantage de cet irritabile genus, particularité qui, au lieu de passer pour ridicule, comme cela serait le cas en France ou en Angleterre, est considérée par les bons citoyens de ces petites municipalités comme un sujet d’orgueil et de gloire. Vous savez également que chaque petite ville, ici, abhorre la cité voisine et en est abhorrée […] » (« Les principaux poètes vivants d’Italie (1) », p. 39). 71. Stendhal en donne un exemple notable : « On méprise, à Florence, les tragédies de Silvio Pellico, autant qu’à Milan l’on méprise les tragédies du Florentin Niccolini, ce qui n’empêche nullement que la Francesca di Rimini de Pellico et l’Ino e Temisto de Niccolini, ne soient des ouvrages tragiques au moins égaux à tout ce qui a paru depuis dix années sur les théâtres de la France, de l’Allemagne et de l’Angleterre » (« Arts et civilisation en Italie », p. 582). 72. Ibid. 73. Ibid., p. 581. 74. Ibid., p. 582. 75. Ibid., p. 581. Paris-Londres-Milan… 115 l’Italie », à savoir « l’existence de huit ou dix langages différents : le vénitien, le milanais, le génois, le piémontais, le bolonais, le napolitain, le sicilien et […] le florentin, qui est aussi la langue de Rome » et qui correspond à « ce qu’on appelle ordinairement l’italien » 76. C’est encore « la langue de Dante », aussi le florentin s’est-il imposé comme langue littéraire : tout homme de lettres, s’il veut faire imprimer ses œuvres, doit les traduire en « dialecte florentin » 77, alors que « le toscan ne peut être utilisé que comme une langue morte pour tout homme qui n’est pas né à Florence, Sienne ou Rome » 78. Voilà qui porte préjudice à la création poétique, « aussi, quelques Italiens de talent ont-ils dédaigné cette corvée et eu le courage de donner libre cours à leur inspiration dans les dialectes vénitien, piémontais et milanais » 79 – prenant ainsi le parti de l’obscurité 80. Stendhal souligne cet écueil :

Il y a en Italie, ignorée bien à tort du reste de l’Europe, une quantité considérable de poésie, et de bonne poésie, non point écrite en toscan […] mais dans les dialectes populaires particuliers aux différents États entre lesquels l’Italie, pour son malheur, se trouve divisée 81.

Cet état de fait complique singulièrement la tâche aux étrangers désireux de mieux connaître la littérature de ce pays 82, aussi la médiation d’un homme ayant vécu en Italie et capable de leur signaler, parmi ses écrivains, ceux qui se distinguent par leur génie ou par leurs talents, s’avère-t-elle précieuse. L’entreprise journalistique par laquelle Stendhal tend à faire connaître et à promouvoir la poésie italienne apparaît ainsi justifiée, tout comme est confirmée la thèse sur laquelle elle se fonde : c’est par la connaissance des

76. « Les principaux poètes vivants d’Italie (1) », p. 42. 77. Ibid., p. 43. 78. « Sur l’état actuel de la littérature italienne (2) », p. 614. Stendhal signale encore que, « [m]alheureusement, la population la moins poétique de l’Italie est celle de Florence et de Sienne » (ibid., p. 615). 79. « Les principaux poètes vivants d’Italie (1) », p. 43. 80. Le meilleur exemple en est assurément Tommaso Grossi, que Stendhal « considère peut- être comme le premier poète vivant de l’Italie » mais qui a écrit ses œuvres en milanais, de sorte qu’« il ne peut être compris que par une population d’environ six cent mille âmes » (« Sur l’état actuel de la littérature italienne (2) », p. 613). 81. Compte rendu : New Monthly Magazine. Publications étrangères (octobre 1824), PL, p. 201-202. 82. Stendhal en fait la remarque à ses lecteurs : « L’italien que vous connaissez, l’italien de l’Arioste et d’Alfieri, se parle à Florence, à Rome et à Sienne. […] Or, voici le fait terrible pour la littérature : vous entrez en Italie par Turin, vous allez dans la société, et vous êtes aussi mortifié que surpris de constater que votre parfaite connaissance de l’italien ne vous sert à rien […]. À Turin, tout le monde parle piémontais » (« Sur l’état actuel de la littérature italienne (2) », p. 613). 116 Juliette Mascart habitudes sociales et morales de l’Italie « que l’on peut arriver à comprendre et surtout à sentir ses poètes » 83. En retour, l’exercice d’une critique cos- mopolite nécessairement subjective, mais étrangère aux luttes intestines, permet de constituer, par-delà la désunion et la dispersion des talents, une représentation unifiée de la littérature italienne, lui offrant une chance de se saisir en tant que telle.

* * *

La découverte de l’Italie, en 1800, fut pour Stendhal un éblouissement ; l’importance de l’Italie dans ses écrits journalistiques reflète son attache- ment indéfectible à ce pays dans lequel il vécut de nombreuses années. Qu’il s’agisse de comptes rendus ou d’articles de plus d’ampleur, il saisit la moindre occasion pour présenter à ses lecteurs les grands auteurs italiens qui se sont illustrés durant cette époque de grands bouleversements qu’amorce l’épopée napoléonienne et que clôt la répression autrichienne. La présentation de ces auteurs et de leurs œuvres les plus connues permet à Stendhal de reve- nir sur leur contexte d’écriture, et d’éclairer incidemment le rapport entre littérature et politique. L’histoire récente de l’Italie se prête particulièrement à cet exercice : les récents bouleversements vont de pair avec ce que Stendhal considère être des « révolution[s] littéraire[s] ». Il fait ainsi la chronique de la production littéraire italienne, tiraillée entre désir d’indépendance et emprise (sociopolitique, morale) des autorités traditionnelles, et représentative en cela des contradictions d’une nation divisée mais désireuse de se forger une identité. De l’Italie qu’il présente comme sa patrie d’élection, Stendhal fait la pierre de touche des sociétés européennes. En convoquant l’entreprise singulière de ces auteurs, emblématique des freins institutionnels et culturels à la créativité littéraire, il questionne l’actualité de la littérature, et sa capacité à répondre aux injonctions du présent. Les quotidiens anglais sont ainsi le support d’une mise en regard de la société française et de la société italienne, à l’avantage de cette dernière, l’industrie et la créativité sans cesse renouvelée des écrivains italiens en lutte contre le despotisme sous toutes ses formes faisant ressortir le conformisme qui étouffe peu à peu la production française, corsetée par les institutions et gangrenée par le mercantilisme.

Juliette Mascart Université Paris-Sorbonne

83. « Arts et civilisation en Italie », p. 581. ALPHONSE DAUDET ET L’ITALIE (1875-1897) De quelques éléments biographiques, relationnels et médiatiques

Résumé : Attiré par les pays latins, Daudet eut l’occasion de se rendre avec sa famille en Italie, en 1875, puis en 1896. Ces brefs séjours, s’ils ont été peu exploités d’un point de vue littéraire et à peine relayés par la presse tant française qu’italienne, montrent un romancier très observateur de son environnement. Ses liens transalpins furent aussi développés grâce à l’amitié qu’il noua avec des personnalités aussi différentes que celles d’Edmondo De Amicis, de Joseph Primoli ou du peintre Giuseppe De Nittis. Dans la presse italienne, les quelques journaux dépouillés montrent l’intérêt pour l’œuvre et la carrière de Daudet, mettant en avant la diversité de sa production, à travers une comparaison fréquente avec le chef du mouvement naturaliste, Zola. Enfin, cette étude permet de réévaluer la place qu’occupait l’auteur nîmois dans la seconde moitié du XIXe siècle. Ce sont davantage les relations de Daudet avec l’Académie française et l’Académie Goncourt, la question de la publication, de la représentation et de la traduction de ses œuvres romanesques et théâtrales qui intéressent le public de l’époque, bien loin de l’image caricaturale et réductrice dont il souffre aujourd’hui.

Riassunto : Attirato dai paesi latini, Daudet ebbe l’occasione di recarsi con la famiglia in Italia, nel 1875 e nel 1896. Questi brevi soggiorni, anche se poco sfruttati dal un punto di vista letterario e ripresi appena dalla stampa tanto francese quanto italiana, mostrano un romanziere acuto osservatore del suo ambiente. I suoi legami transalpini furono pure sviluppati grazie all’amicizia che intrattenne con diverse personalità quali Edmondo De Amicis, Joseph Primoli o il pittore Giuseppe De Nittis. Nella stampa italiana, i quotidiani consultati provano l’interesse per l’opera e la carriera di Daudet, sottolineando la diversità della sua produzione attraverso un frequente paragone col capofila del movimento naturalista Zola. Questo saggio permette infine di rivalutare il posto occupato dall’autore di Nîmes nel secondo Ottocento. Sono soprattutto le relazioni di Daudet con l’Académie française e l’Académie Goncourt, la questione della pubblica- zione, rappresentazione e traduzione delle sue opere narrative e teatrali che interessano il pubblico dell’epoca, lungi dall’immagine caricaturale e riduttrice di cui soffre oggi.

Si, de nos jours, Alphonse Daudet est connu pour des œuvres plutôt fantaisistes comme la trilogie de Tartarin, des contes et nouvelles issues notamment des Lettres de mon moulin ou d’autres plutôt destinées à la jeunesse, tel Le Petit Chose dont on fête cette année les 150 ans de

Transalpina, no 21, 2018, Entre France et Italie…, p. 117-134 118 Gabrielle Melison-Hirchwald la publication en volume, on a oublié qu’il était de son vivant surtout admiré pour ses talents de romancier. Des œuvres comme L’Immortel ou Sapho, grands succès de librairie des années 1880, rattachent l’écrivain au mouvement naturaliste. Cette renommée en tant que romancier dépasse à l’époque les frontières françaises. En Europe, la plupart des œuvres de Daudet sont traduites très rapidement après la publication originale, surtout après le succès de Fromont jeune et Risler aîné en 1874 qui lance la carrière romanesque de l’homme de lettres. Durant le dernier quart du siècle, l’écrivain marque donc de son empreinte l’ensemble des pays européens. La presse étrangère publie de très nombreux comptes rendus critiques, même avant la publication des ouvrages traduits, montrant ainsi l’importance de la langue française et de sa culture à l’époque. Né à Nîmes en 1840, Daudet a toujours été attiré en particulier par les pays latins et méditerranéens, en raison de la proximité géographique mais aussi d’une analogie de tempérament. Comprenant en particulier l’italien, il partage avec le pays de Dante la même exubérance méridionale. Issu de la génération postromantique, à une époque où les moyens de locomotion se développent (chemin de fer, bateau…), en pleine période d’expansion européenne et de conquêtes coloniales, il était naturel que l’artiste fasse aussi l’expérience du voyage. Sans être atteint d’une fièvre touristique, Daudet réalise une dizaine de séjours, en dehors de ses allers- retours fréquents en Provence. À partir de 1879, atteint d’un tabès, incurable à l’époque, qui le contraint peu à peu à l’immobilité, c’est un écrivain malade qui voyage, non pour son plaisir mais pour soulager son mal dans les villes d’eaux. Qu’il s’agisse de l’Italie ou de l’Espagne, ses rêves d’ailleurs se sont ainsi rarement concrétisés 1. Si Daudet ne s’est jamais rendu finalement de l’autre côté des Pyrénées, il alla deux fois brièvement en Italie, en 1875, puis plus de vingt ans plus tard en 1896. Mais, heureusement, ses rapports transalpins ne sauraient se limiter à ces deux courtes escapades. D’un point de vue personnel, par le biais de ses relations, il fut l’ami d’auteurs et d’artistes italiens au premier rang desquels figurent le peintre Giuseppe De Nittis et l’écrivain-journaliste Edmondo De Amicis. Au-delà de ses contacts réels avec le pays et ses ressortissants, il sera intéressant d’étudier la réception de l’œuvre de Daudet en Italie, à travers le dépouillement de plusieurs journaux dont La Stampa, la Gazzetta Piemontese 2, le Corriere

1. Sa destination la plus lointaine est l’Algérie dans le temps de sa jeunesse, voyage qu’il effectue en 1861 déjà pour raison de santé sur les conseils du médecin Marchal de Calvi. En 1895, Daudet se rend également en Angleterre. 2. Quotidien fondé à Turin en 1867 sous le nom de la Gazzetta Piemontese. Dirigé par Giovanni Roux, puis par Alfredo Frassati à partir de 1895, le journal change de nom en devenant La Stampa et acquiert un profil national. Alphonse Daudet et l’Italie (1875-1897)… 119 della Sera 3, Il Sole 4, Capitan Fracassa 5 et Don Chisciotte della Mancia 6, quotidiens généralistes mais connus pour accorder dans leurs pages une large part à la littérature. Quel regard est posé sur l’écrivain français ? Quelles œuvres se trouvent privilégiées ? Nous proposons de revisiter à tra- vers un parcours à la fois biographique et littéraire les liens de Daudet avec l’Italie de 1875, date de son premier voyage à Bordighera, au printemps 1896, date de son second voyage à Venise. D’un point de vue de l’étude de son œuvre, plusieurs éléments mériteront d’être mis en avant : l’exploitation littéraire des deux voyages de Daudet en Italie, la comparaison avec Zola et le mouvement naturaliste, l’évaluation de l’œuvre du romancier, de 1875 à sa mort, le 16 décembre 1897.

1875 et 1896 : deux brefs séjours transalpins très peu médiatisés Le tempérament latin d’Alphonse Daudet oriente naturellement ses pas vers le sud de l’Europe. Pourtant, s’il avait en lui la tentation de l’Italie depuis très longtemps, les deux voyages qu’il a effectués en famille à vingt ans d’intervalle faillirent ne jamais se réaliser tant ils furent sans cesse remis et finalement en partie inachevés. Dès 1875, Daudet envisageait de se rendre à Marseille et de se diriger ensuite vers Gênes par la mer. Ce projet fut abandonné au profit d’une courte visite à Bordighera, petite station balnéaire de la Riviera italienne, où l’architecte Charles Garnier avait jeté son dévolu dès le début des années 1870. Et avant son voyage du printemps 1896 à Venise, un an et demi avant sa disparition, Daudet espérait retourner en Italie bien plus tôt. Deux ans auparavant, il avait proposé à Paul Mariéton de l’accompagner 7. Au prin- temps 1895, au lieu de partir vers cette destination, il effectue un séjour en Angleterre qu’il écourte en raison d’une maladie contractée par sa petite fille Edmée. Ce sera seulement l’année suivante qu’il réalisera enfin son rêve.

3. Fondé en 1876 par le journaliste Eugenio Torelli Viollier, le Corriere della Sera est un quotidien milanais. Journal bon marché, il devient rapidement une institution de la vie politique et culturelle italienne. 4. Quotidien fondé en 1865, Il Sole, avant de devenir un journal spécialisé dans l’analyse économique, réservait à l’origine une place importante à la littérature. Gabriele Rosa et Felice Cameroni y ont collaboré. 5. Quotidien fondé en 1879 et publié à Rome, le Capitan Fracassa soutient le pouvoir en place. Il contient des études littéraires intéressantes, notamment des interviews. 6. Quotidien d’opposition romain fondé par Luigi Lodi en 1887, le Don Chisciotte della Mancia résiste à la dérive gouvernementale autoritaire dictée par Crispi et manifeste de la sympathie pour le radical Francesco Cavallotti. En 1893, le journal devient le Don Chisciotte di Roma. 7. Lettre à Paul Mariéton citée par M.-T. Jouveau, Alphonse Daudet, Frédéric Mistral, la Provence et le Félibrige, Nîmes, Imprimerie Bene, 1980, p. 502. 120 Gabrielle Melison-Hirchwald

Là encore, le séjour est interrompu : Daudet et sa famille ne passeront que quinze jours à Venise, du 29 mars au 14 avril 1896, sans visiter d’autres villes italiennes pourtant prévues à leur programme. Si l’état de santé de Daudet est précaire, c’est surtout en raison de la fièvre typhoïde de Léon, son fils, que la famille doit rentrer précipitamment en France. Quelques années avant son second voyage transalpin, ses amis Mistral 8, Barrès 9 et Zola l’ont précédé au début des années 1890. Le circuit accompli par ce dernier en décembre 1894, qui allait le conduire de Rome à Florence en passant par Naples et Venise, s’effectue dans « un grand tapage média- tique » 10, à tel point qu’on a pu évoquer une « tournée Zola » 11. La plupart des artistes visitent en particulier les villes d’art : Rome, Florence, Venise. Les voyages accomplis par les Daudet n’ont donc rien d’original. Ces deux rencontres avec l’Italie sonnent donc comme des voyages incomplets pour Daudet. Vu la durée de ces séjours, leur faible médiatisation paraît compréhensible mais étonne tout de même 12. Les romanciers français sont appréciés à l’étranger et en général entourés de nombreux reporters en mal d’interviews, surtout à la fin du siècle. Lors de la décennie 1880-1890, deux entretiens en italien évoquent ainsi le premier séjour d’octobre 1875 : Gli chiesi se aveva mai visitata la mia patria, ed egli rispose : — No, pur troppo ; ho appena veduta la costa di Levante, una magnificenza incantevole e sono stato in Sardegna, dove un mio parente era console di Francia ; e l’interno di quell’isola, i suoi abitanti, i monti, mi sono sembrati interessantissimi. Ma li descriverò, forse un giorno, in un libro a proposito della Corsica, un altro paesaggio, un’altra popolazione stupenda 13.

8. Mistral publie au printemps 1894 Excursion en Italie. Voir Histoire d’une amitié. Correspondance inédite entre Alphonse Daudet et Frédéric Mistral (1860-1897), J.-H. Bornecque (éd.), Paris, Julliard, 1979, p. 241. 9. Maurice Barrès de son côté est devenu presque un Vénitien d’adoption depuis son premier voyage en Italie en 1887 pour raisons de santé. 10. A.-S. Dufief, « Quinze jours à Venise », Le Petit Chose, no 62, 1993, p. 28. 11. Voir par exemple l’interview du Temps du 17 décembre 1894, « Le voyage de M. Émile Zola en Italie ». Zola était entouré par une nuée de journalistes en Italie : « Le matin même de mon départ, je disais à un directeur de journal (qui était venu chez moi et qui avait aperçu des préparatifs de villégiature) que j’allais passer quelques jours à la campagne. Le soir même je partais directement pour Rome, sans vouloir m’arrêter nulle part. Comment se fait-il qu’à mon arrivée vingt personnes au moins, toute une nuée de reporters d’ailleurs très aimables, m’attendaient à la descente du wagon ? Je n’en sais rien. Mais je ne pouvais pas répondre à la courtoisie par l’impertinence. Dès lors a commencé un mouvement dont je n’étais plus le maître et qui s’est manifesté à Naples, à Venise, à Milan, par des fêtes données en mon honneur ». 12. En comparaison, deux années auparavant, en 1894, le périple italien de Zola avait été largement relayé par la presse. Sa rencontre avec le roi est notamment rapportée par de multiples journaux. En 1895, le séjour de Daudet au Royaume-Uni avait été également très médiatisé. 13. « Una mattina da Daudet », Capitan Fracassa, 20 février 1885. Alphonse Daudet et l’Italie (1875-1897)… 121

Ma egli ricordava d’essere stato, giovane ancora, in Corsica e di là essere passato in Sardegna ; d’aver veduto anche il nostro litorale toscano e l’aria, il sole, l’arte – per quanto di questa non avesse avuto una molto larga visione – le cose più belle d’Italia, che passano così spesso inosservate agli italiani, davano a lui come una ebbrezza di ammirazione. Che inni, nel suo francese meridionale, allo splendore del nostro paese 14 ! Les rares articles qui évoquent le voyage à Venise de 1896 sont publiés, soit avant le départ de l’écrivain, soit au moment où le séjour se trouve interrompu. De simples entrefilets dans la presse française signalent ce voyage transalpin : Le Figaro indique par exemple que les Daudet rentrent en France pour raisons de santé 15. Le Gaulois du 21 avril 1896 rapporte que l’un des amis provençaux de Daudet, Baptiste Bonnet, a investi la villa de Champrosay pour écrire les Mémoires d’un valet de ferme pendant que la famille Daudet se trouvait en Italie. Dans la presse italienne, même silence. Dans la Gazzetta Piemontese du 3 avril 1896, un court article relate ce voyage comme étant un moyen pour le romancier de se reposer et de recouvrer la santé. En effet, le journaliste insiste sur la maladie et la vieillesse de Daudet. Il précise que l’écrivain, accompagné de sa famille, a un programme précis : Milan, Venise, Florence, Rome et Naples. On sait que Venise sera sa seule destination. Mais du voyage en lui-même, nous ne possédons que très peu d’éléments. Ces manques interrogent 16. En réalité, les quelques articles retrouvés font référence non pas au voyage des Daudet, mais mettent plutôt l’accent sur des aspects biographiques parfois peu reluisants. D’une part, ce séjour de 1896 a souvent été assimilé à une fuite de la part du romancier, expliquant son ambiguïté vis-à-vis de l’Académie française. En effet, alors que depuis 1884 Daudet avait toujours affirmé son refus de se présenter un jour sous la Coupole, des rumeurs persistantes renaissent au début de l’année 1896, faisant douter même son ami Goncourt 17. D’autre part, durant le séjour des Daudet à Venise, Steinlen caricature Léon, le fils aîné de Daudet, en royaliste léchant les pieds d’Henri d’Orléans dans un dessin publié dans L’Écho de Paris du 31 mars 1896. Le Figaro avait offert un déjeuner au prince d’Orléans pour le féliciter de sa promotion dans l’ordre de la Légion d’honneur. Et Léon en avait publié une recension élogieuse. La Gazzetta Piemontese du 19 avril 1896 traduit un article français évoquant ce dessin satirique.

14. « L’Arlesienne in Italia », Don Chisciotte della Mancia, 16 octobre 1890. 15. Voir Le Figaro du 14 avril 1896. 16. Ce n’est que rétrospectivement et par l’intermédiaire de témoignages familiaux que nous sont livrés quelques éléments. Voir par exemple, L. Daudet, Quand vivait mon père, Paris, Grasset, 1940. 17. La mort de ce dernier à Champrosay quelques mois plus tard y mettra fin puisque Daudet sera le coexécuteur testamentaire de la succession Goncourt. 122 Gabrielle Melison-Hirchwald

Malgré le peu d’éléments biographiques dont nous disposons, Daudet s’est servi de ces deux voyages transalpins dans son œuvre. Même s’il ne s’agit pas de séjours d’études comme ceux qu’a effectués Zola, il n’en demeure pas moins que la faculté d’observation de Daudet lui permet de restituer avec force les lieux qu’il a pourtant rapidement visités.

L’exploitation littéraire des deux séjours en Italie Le premier voyage de Daudet dans le sud de l’Europe a lieu dans le Midi et sur la Riviera italienne lors de l’automne 1875. L’homme de lettres est accompagné de son épouse et de Léon, leur fils aîné. Comme le note Lucien Daudet, le second fils de l’écrivain, ce séjour coïncide d’abord avec les souvenirs du voyage de noces de leurs parents, puis la famille a fait halte à Monaco « et enfin à Bordighera où ils passèrent quelque temps » 18. Daudet s’est servi de ses impressions de voyage pour un épisode du Nabab, publié en 1877. Il décrit le parcours de Paul de Géry, bras droit du héros éponyme, de retour de Tunisie, qui s’arrête à Bordighera. D’après le manuscrit du roman, Daudet envisageait un développement satirique du tourisme en Italie, soulignant des « hôtels […] morts », aux « persiennes hermétiquement fermées » durant la basse saison. La table de ces établissements paraissait effrayante :

La cuisine est [faite biffé] [manipulée corr.] par quelque apprenti marmiton, [malheureux garçon biffé] gâte-sauce du pays qui ferait bien un stoffato ou un [macar biffé] risotto mais s’entête pour l’honneur de la maison à vous confectionner d’épouvantables ratatouilles décorées [de noms pompeux et parisiens biffé] [pompeusement sur la carte de : « relevés de potage [un mot non déchiffré] » corr.] 19.

Mais, dans la publication du roman, ces éléments négatifs ont été gommés – le paysage magnifié – pour laisser place aux rêveries de Paul de Géry, baignant dans une atmosphère chaleureuse et ensoleillée. De la fenêtre de l’hôtel calme et silencieux, le personnage contemple « la vue splendide de la montagne », « le paysage admirable, terrasses d’oliviers légers et frissonnants, bois d’orangers plus sombres aux feuilles mouillées de luisants mobiles » 20. Peut-être Daudet réservait-il à la Suisse et à Tartarin sur les Alpes sa satire de l’industrie touristique ?

18. L. Daudet, Vie d’Alphonse Daudet, Paris, Gallimard, 1941, p. 125. 19. A. Daudet, « Le Nabab », in Œuvres, Paris, Gallimard (Pléiade ; 370), t. II, 1990, p. 1401. 20. Ibid., p. 831. Alphonse Daudet et l’Italie (1875-1897)… 123

Le second voyage de Daudet en Italie a été également peu exploité d’un point de vue littéraire. Pourtant, avant le départ du romancier, plusieurs journalistes mettaient en avant l’intérêt artistique de ce séjour. « Venise vue par Daudet, quel merveilleux tableau ce voyage nous promet ! », indique en conclusion de l’interview que lui a accordée le romancier Maurice Guillemot dans Le Figaro du 7 avril 1896 21. Les impressions de voyage de Daudet occupent seulement quatre pages des œuvres complètes 22. Ils firent l’objet d’une publication posthume dans laRevue de Paris en 1899 : les livraisons des 1er et 15 mars proposent des extraits de carnets intimes sous le titre de Notes sur la vie ; celle du 1er avril regroupe trois ensembles différents : Rêves et hallucinations, Londres, Venise. Dans sa description de la vie italienne, prédominent les sensations picturales et musicales. Contrairement aux souvenirs du premier voyage à Bordighera, où les sen- sations positives d’ensoleillement et de chaleur primaient, les impressions de Venise montrent une ville mortifère, alter ego prémonitoire du roman de Thomas Mann,Der Tod in Venedig (Mort à Venise), publié en 1912. Le voyage de Daudet ressemble à sa propre fin. Pour l’écrivain, malade et vieillissant, Venise apparaît comme un miroir de sa propre déchéance. Dans ses notes autobiographiques, le terme « mort » apparaît à 59 reprises et particulièrement pour évoquer Venise (à six reprises) :

Les Baux, les Baux, c’est ce que Venise évoque en moi ; mais le vent est plus destructeur que l’eau, plus corrosif, et les Baux sont plus morts que Venise. J’ai la clé de toutes les musiques : je sais ce que l’eau de l’Adriatique chuchote à la pierre des vieux palais vénitiens.

Que c’est loin ! Que ces pierres ont vieilli ! J’essaie vainement de faire revivre tout ce passé ; tout cela est mort, mort.

Moi et Léon tenons pour les peintres du Nord qui magnifient l’existence, rendent leur temps vainqueur de la mort et de l’oubli. Par certaines heures que j’appelle les heures mortes, heures décolorées et sèches, où la Vénus de Milo elle-même ne vous parle pas, où ce qui reste de Thèbes et de Memphis, où la pierre des plus beaux palais vénitiens vous laisse aveugle 23.

21. L’article s’intitule « Alphonse Daudet et l’Académie ». 22. A. Daudet, « Notes sur la vie », in Œuvres complètes illustrées. Édition « Ne Varietur », Paris, Librairie de France, 1929, p. 85-88. 23. Ibid., p. 86-87. 124 Gabrielle Melison-Hirchwald

Quant à l’épouse de Daudet, Julia, Venise lui inspire un sonnet paru dans Lumière et reflets en 1920 24. Il avait initialement paru dans les Annales politiques et littéraires le 27 avril 1919 25. Les notes de voyage de Daudet montrent donc un observateur soucieux d’absorber tout ce qui se présente à son regard, à son oreille, à ses sens en général. Les carnets qu’il utilise pour ébaucher ses diverses œuvres manifestent bien sa manière de procéder. D’ailleurs, il cite à plusieurs reprises un recueil de pensées italien lui servant à superposer au texte existant ses propres notes :

En ce moment, j’ai un petit livre italien bien commode, intitulé Penziamentos. Il n’y a qu’une pensée par page. Je remplis le reste, et il m’a été possible d’écrire à l’auteur : votre volume ne me quitte jamais 26 ! Cet exemple révèle bien des différences avec Zola, dont le rapprochement revient sans cesse dans la presse. En effet, les deux romanciers connus interna- tionalement apparaissent souvent ensemble dans les critiques qui sont réalisées de leurs œuvres. D’origine italienne, Zola entretient des réseaux amicaux avec de nombreux hommes de lettres italiens tels Cameroni 27 et Pica 28. Le premier est un critique littéraire et journaliste milanais. Collaborateur à Il Sole et à La Farfalla, il contribue à diffuser le mouvement naturaliste français en Italie. Le second, journaliste napolitain, s’intéresse davantage à l’esthétique fin de siècle et à l’écriture artiste, en assurant la promotion de l’œuvre des frères Goncourt dans son pays. Quant à Daudet, il entretient des rapports privilégiés avec l’écrivain-journaliste Edmondo De Amicis, qui côtoie de nombreux hommes de lettres français, ainsi qu’avec les peintres Giuseppe De Nittis et Luigi Rossi. Ce dernier, peintre de genre, portraitiste et paysagiste,

24. J. Daudet, Lumières et reflets, Paris, Lemerre, 1920. 25. Le voyage à Londres lui avait aussi inspiré des Notes sur Londres, dédiées à Henry James, parues dans la Revue de Paris en 1895. 26. Extrait d’une interview, « Alphonse Daudet et le monde politique », accordée au Gil Blas le 13 août 1895. L’anecdote figure aussi dans une interview réalisée par Henry Stuart dans The Bookman d’avril 1896. 27. Felice Cameroni (1844-1913) est un critique et un journaliste italien qui a contribué à diffuser le mouvement vériste dans son pays ainsi que la littérature française, en particulier naturaliste. Paolo Tortonese a publié la correspondance entre Cameroni et Zola (Cameroni e Zola, lettere, Paris, Champion – Slatkine, 1987). 28. Vittorio Pica (1864-1930) est un critique et un essayiste napolitain. Très jeune, il consacre un essai à Edmond de Goncourt (Naples, Luigi Pierro, 1882) avec lequel il deviendra ami (voir leur correspondance : V. Pica, « Votre fidèle ami de Naples ». Lettere a Edmond de Goncourt (1881-1896), N. Ruggiero (éd.), Naples, Guida, 2004). Francophile, passionné de littérature moderne et de poésie, Pica contribue à diffuser en Italie des auteurs comme Verlaine, Rimbaud et Mallarmé. Féru d’art, il a enfin joué un rôle important au début du XXe siècle dans la création de la future Biennale de Venise. Alphonse Daudet et l’Italie (1875-1897)… 125 illustre en effet les ouvrages de nombreux romanciers français comme Loti et Prévost. Par l’intermédiaire de son ami Goncourt, Daudet entre également en relation avec le comte Primoli, neveu de la princesse Mathilde, dont le salon se trouve fréquenté par l’élite intellectuelle et mondaine de son temps.

Réseaux italiens de Daudet Les relations que Daudet entretient avec les artistes italiens se situent principalement durant la décennie 1880-1890 à la faveur de rencontres en France. C’est aussi pendant cette période que la presse italienne s’intéresse le plus au romancier français. Daudet éprouve une attirance pour la langue italienne qu’il comprend bien à défaut de la parler couramment. Il évoque ce point à propos de Luigi Rossi, peintre et illustrateur de ses œuvres :

— Le illustrazioni – egli ha detto – sono fatte da un pittore italiano, il signor Rossi, che viene da me quasi tutti i giorni per mostrarmi i suoi disegni, e mi fa fare un grande esercizio della vostra lingua : perchè egli non parla che in italiano, io capisco le lingue del mezzogiorno, la vostra e la spagnola 29.

En 1885, Rossi participe aux côtés d’Aranda, Myrbach, Montenard et Beaumont à l’édition illustrée de Tartarin sur les Alpes. En 1896, il illustrera à nouveau un ouvrage de Daudet : L’enterrement d’une étoile, publié chez Guillaume, qui deviendra La Fédor dans l’édition de 1897. À la même période, au début de la décennie 1880, Daudet sympathise avec le peintre italien Giuseppe De Nittis (1846-1884). C’est par l’inter- médiaire d’Edmond de Goncourt que le romancier fait sa connaissance. Tous deux, en compagnie de leurs épouses respectives, se sont rendus en Suisse durant l’été 1881, précisément au lac des Quatre Cantons. Le peintre s’avère être un joyeux compagnon avec qui Daudet se moque de cette « Suisse de touriste à exploiter au milieu de ce grandiose paysage » 30. En souvenir de ce voyage, De Nittis offre à Daudet un tableau qui représente Gers auprès de Lucerne, « une pochade à l’huile […], curieuse peinture qui représente un morceau de lac bleu aperçu à travers le carreau d’une fenêtre d’auberge en Suisse » 31. Quelques mois plus tard, les deux ménages se sont brouillés. L’épouse de De Nittis aurait notamment accusé Julia Daudet de

29. « Una mattina da Daudet », Capitan Fracassa, 20 février 1885. Voir aussi le Corriere della Sera des 17-18 avril 1895. 30. A. Wolff, « Courrier de Paris », Le Figaro, 12 décembre 1885. 31. Voir le Supplément littéraire du Figaro du 10 février 1883. Le tableau est resté accroché dans le bureau de Daudet jusqu’à sa mort, a été vendu à Drouot le 2 décembre 2015 et est reproduit dans La Gazette. Il est évoqué dans plusieurs interviews de l’écrivain. Voir aussi 126 Gabrielle Melison-Hirchwald chercher à s’accaparer l’héritage d’Edmond. La mort prématurée du peintre à trente-huit ans a empêché toute réconciliation 32. Mais Daudet gardera jusqu’à sa mort le tableau que Giuseppe De Nittis lui avait offert. Il convient aussi de signaler l’importance du comte Primoli que Daudet a rencontré également par le biais d’Edmond de Goncourt. En août 1886, le romancier lui demande notamment des renseignements pour écrire L’Immortel 33, en particulier pour connaître les mœurs romaines et la Cour papale. La réponse très détaillée du comte conduit Daudet à étoffer le type du garde-noble dans son roman. Par la suite, les deux hommes entameront une correspondance ; quant à Primoli, il évoque souvent Daudet dans son Journal. Lors du séjour des Daudet à Venise, Primoli a réservé un appartement au Grand Hôtel à leur intention 34. Dans la presse italienne, c’est le plus souvent à Zola que Daudet se trouve associé. Ils figurent parmi les romanciers français les plus appréciés à l’étranger dans le dernier quart du XIXe siècle.

Daudet, Zola et les journalistes italiens Les deux écrivains sont d’abord d’un tempérament latin que les Italiens estiment. Zola confie lors d’une interview en 1894 : « Je ne suis pas du Nord, moi. Je suis Français, je suis même Latin, Italien » 35. Quant à Daudet, on goûte en Italie sa compréhension de la langue, ce qui en fait presque un Italien. Voici son portrait tel qu’il paraît dans le Capitan Fracassa du 20 février 1885 : Pensato a Numa Rumeistan 36 [sic], il meridionale eloquente che è l’eroe del romanzo che voi avete, per i primi, pubblicato, e a Giosuè Carducci 37,

les interviews de La Justice du 12 décembre 1885, du Figaro du 25 décembre 1885 et du Journal des Débats du 14 février 1887. 32. Les presses italienne et française s’en font l’écho. Voir par exemple Corriere della Sera, 26-27 août 1884. 33. Cf. à ce sujet les lettres de Daudet à Primoli : S. Disegni, « Lettres inédites d’Alphonse Daudet au Comte Primoli », in Permanence de Daudet (Actes du colloque international de Nanterre), C. Becker et A.-S. Dufief (dir.), Paris, RITM, Publications de l’univérsité Paris X, 1997, p. 300-333 ; et de Primoli à Daudet : A.-S. Dufief, « Une lettre pour Joseph Primoli : une clef pour L’Immortel ? », Le Petit Chose, 1er semestre 1998, p. 21-24. 34. Voir A.-S. Dufief, « Quinze jours à Venise », p. 29. 35. Interviewé par Charles Morice, « Zola et l’inconnu », Le Journal, 20 août 1894. 36. Numa Roumestan a été publié en France en 1881 (Paris, Charpentier) et traduit en italien la même année (Numa Roumestan. Romanzo, Milan, Treves, 1881, traduit par I.T. d’Aste). Voir C. Citron, « La Réception de Daudet en Italie : l’apport de la critique contemporaine (1875-1898) », Le Petit Chose, no 103, 2014, p. 223-244. 37. La même comparaison revient dans un autre article : « Un dramma e una candidatura », Don Chisciotte della Mancia, 5 novembre 1889. Alphonse Daudet et l’Italie (1875-1897)… 127

il nostro grande e buono poeta, e avrete così chiaro nella vostra mente il ritratto del romanziere francese 38. Si le premier s’impose en tant que chef de file du naturalisme et écrivain engagé, le second affirme toujours son indépendance vis-à-vis des corps constitués (Académie, Félibrige 39, Naturalisme) et ne se positionne jamais publiquement d’un point de vue politique. Quant au style de Daudet, certains médiateurs italiens voient dans son naturalisme adouci (ou encore dans l’écri- ture artiste de Goncourt) un moyen idéal de faire passer la littérature française dans leur pays 40. Cameroni est par exemple de ceux-là 41. Il n’en demeure pas moins que le lien entre Daudet et l’Italie s’opère souvent par la médiation de Zola, avec lequel il est comparé, qu’il s’agisse de leur méthode de travail, de leurs ambitions académiques, de leur rapport au mouvement naturaliste. Le comte Primoli, fréquentant notamment le Grenier de Goncourt, les compare dans son journal : Zola est un architecte et Daudet un tapissier. L’un sait construire un livre de bas en haut tandis que l’autre ne sait que draper des rideaux à capitonner de jolis coins (31 juillet 1888) 42. À ce titre, la Gazzetta Letteraria joue notamment un rôle de premier plan dans la diffusion du naturalisme en Italie 43. Parmi les écrivains-journalistes,

38. « Una mattina da Daudet », Capitan Fracassa, 20 février 1885. 39. Le Félibrige est une association littéraire fondée en 1854 à l’initiative de Joseph Roumanille et d’autres écrivains provençaux dont Frédéric Mistral, Théodore Aubanel, Jean Brunet, Anselme Mathieu, Paul Giera et Alphonse Tavan pour assurer la sauvegarde et la perpétuation culturelles de la langue provençale. Daudet a toujours gardé ses distances avec l’institution provençale, y compris avec les Félibres de Paris qu’il ne rejoindra qu’en 1892, à la demande de son ami Baptiste Bonnet. Pour Daudet, seul Mistral comptait dans cette défense de la langue et de la culture provençales. 40. En Espagne, c’est exactement la même argumentation qui est reprise pour expliquer l’association entre Daudet et Zola dans la plupart des articles de presse. Voir par exemple mon article : « La réception des œuvres d’Alphonse Daudet dans la Revista de España, La Escuela Moderna, Madrid Cómico, La Iberia, La Ilustración Española y Americana et El Imparcial », in Cultura y traducción. La literatura traducida en la prensa hispánica (1868-1898), M. Giné et S. Hibbs (dir.), Berne, Peter Lang, 2010, p. 261-274. 41. F. Cameroni, « Rassegna Bibliografica. La Triade Goncourt, Zola, Daudet », Il Sole, S. XXXII, 18 janvier 1895. Voir F. D’Ascenzo, I fratelli Goncourt e l’Italia, Milan, Edizioni Universitarie di Lettere Economia Diritto, 2012, p. 139. 42. S. Disegni, « Le journal intime du comte Joseph-Napoléon Primoli (1851-1927) », in Les Journaux de la vie littéraire (Actes du colloque de Brest, 18-19 octobre 2007), P.-J. Dufief (dir.), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, p. 171-215, http://books.openedition. org/pur/38914. 43. Cf. G. Mirandola, La « Gazzetta Letteraria » e la Francia, Turin, Accademia delle Scienze, 1971. Zola est de loin l’auteur français le plus représenté (p. 47-55 et p. 165-167) avec 70 articles qui lui sont consacrés. On dénombre tout de même une trentaine d’articles sur l’œuvre et 128 Gabrielle Melison-Hirchwald

Edmondo De Amicis (1846-1908), qui collabore à ce quotidien, sert à faire passer la culture française dans tout le pays. Ses trois séjours à Paris en 1873, 1878 et 1880 l’ont conduit à faire la connaissance de nombreux intellectuels français. Edmondo De Amicis réunit ses articles initialement publiés dans la presse dans Ricordi di Parigi (1879) et dans Ritratti letterari 44 (1881). Ces deux recueils peuvent être lus de manière successive, les portraits littéraires constituant la suite des souvenirs de Paris : en effet, hormis les trois articles consacrés à l’Exposition Universelle, les textes portant sur Victor Hugo et sur Zola annonçaient les rencontres rapportées dans les Ritratti letterari. Daudet inaugure le second volume, puis c’est au tour de Zola, Augier, Dumas, Coquelin et Déroulède d’être décrits. D’emblée, la passerelle avec les Ricordi de Parigi est réalisée par le biais de Zola, chef de file du naturalisme, figure incontournable avec laquelle Daudet va se trouver systématiquement comparé. On y repère à nouveau les points de vue traditionnels opposant ces deux romanciers du réel : par rapport à l’auteur de L’Assommoir, Daudet pratiquerait un naturalisme édulcoré, moins cruel, proche en somme du vérisme italien, où l’expression personnelle tient un rôle non négligeable :

Lo Zola si compiace di provocare e di ferire in chi legge quella delicatezza di senso che a lui sembra prodotta da un concetto della convenienza artistica, falso e dannoso all’arte ; il Daudet è meno brutale, usa dei riguardi, non credo per proposito, ma per effetto della natura propria ripugnante dagli eccessi. A ciò forse allude lo Zola quando dice, non senza malizia, a mio credere, che il Daudet ha più di lui quello che ci vuole per piacere alla maggioranza dei lettori. Lo Zola è più padrone di sè ; il Daudet, di natura più meridionale, riesce meno a domarsi ; fa capolino dietro ai suoi personaggi, interviene a giudicare, si lascia sfuggire delle approvazioni gioiose e degli sfoghi d’indignazione ; non è sempre così impassibile e velato come quell’altro. In questo si ammira di più lo sforzo d’una mente poderosa e paziente ; nel Daudet la spontaneità d’una natura ricca e geniale. Il Daudet è più amabile, lo Zola più potente ; e lo prova il fatto che quello ritrae in qualche cosa da questo, e in specie negli ultimi lavori, ne porta qua e là, benchè vaga, l’impronta ; mentre lo Zola, se pensa spesso, scrivendo, al suo rivale (com’io credo), non ne dà segno. Il naturalismo del Daudet è meno nero di quello dello Zola, perchè ha il colore della natura simpatica dell’artista : perciò il Daudet è più caro agli ottimisti e ai benevoli 45.

la carrière d’Alphonse Daudet, qui arrive en deuxième position. Près d’un tiers sont des nécrologies (1897-1899). Il convient de noter que quelques pages concernent la famille Daudet, qu’il s’agisse du frère d’Alphonse, Ernest (4 articles de mars à novembre 1894), de Julia, son épouse (article de Pica, « Medaglioni letterari : Giulia Daudet », no 38, 19 septembre 1891), ou de Léon, son fils (3 articles de 1895, 1898, 1899). Voir aussi F. D’Ascenzo,I fratelli Goncourt e l’Italia, p. 127. 44. E. De Amicis, Ritratti letterari, Milan, Treves, 1881. 45. Ibid., p. 3-4. Alphonse Daudet et l’Italie (1875-1897)… 129

La sympathie voire l’affection du journaliste italien à l’égard de l’auteur nîmois est patente : l’accent est mis sur les origines méridionales de Daudet qui lui font ressembler à un espagnol ou à un italien. À la fin de la ren- contre, Edmondo De Amicis hésite même à embrasser le romancier français. D’après les indications données dans l’article, la rencontre entre Daudet et Edmondo De Amicis a dû se dérouler au cours de la seconde quinzaine de mai 1880 puisque l’auteur du Nabab vient de rentrer des obsèques de Flaubert qui ont eu lieu en Normandie le 11 mai. Daudet est alors en pleine rédaction de Numa Roumestan et se prépare à adapter le roman Jack à la scène. À l’époque, le romancier, déjà très célèbre, est âgé de quarante ans : Edmondo De Amicis le décrit comme un homme dyna- mique en pleine possession de ses moyens physiques. Même si Daudet a connu des crises d’hémoptysie, il n’est pas encore diminué par la maladie. La rencontre avec le journaliste italien permet de revenir sur l’ensemble de la carrière de l’écrivain : l’enfance à Nîmes et à Lyon, l’adolescence au collège d’Alès, l’arrivée à Paris, l’échec de L’Arlésienne au théâtre, les premiers succès romanesques (Fromont jeune et Risler aîné, Le Nabab, Les rois en exil). D’un point de vue générique, le texte oscille entre le portrait littéraire et l’interview. La rencontre proprement dite est précédée d’un long développement consacré à la comparaison entre Daudet et Zola puis à la description minutieuse de l’appartement des Daudet qui résident alors 3, avenue de l’Observatoire près des jardins du Luxembourg. Une fois Daudet mis en présence du journaliste, le romancier évoque sa méthode de travail à travers le labeur acharné qu’il manifesta pour écrire Le Nabab. Le journaliste revient sur l’ensemble de la carrière de Daudet mais il ne l’interroge pas à la manière d’un interviewer. Alternent ainsi dans l’article final le portrait de l’écrivain en action, fougueux et brillant causeur au milieu d’autres invités, et quelques monologues décousus du romancier mêlant souvenirs personnels et anecdotes. Après la comparaison augu- rale entre Daudet et Zola, Edmondo De Amicis ne présente pas l’œuvre générale du romancier, pas plus qu’il n’approfondit tel ou tel aspect de sa vie d’écrivain. Persuadé de la forte charge émotionnelle et psychologique présente dans l’œuvre daudétienne, le journaliste offre au lecteur une représentation en direct du comédien Daudet. De Amicis se fait alors le témoin discret qui met le focus sur certaines caractéristiques de l’écrivain : sa voix, ses mains très féminines, sa manière d’imiter des personnages et de camper très aisément n’importe quelle situation. De cette façon, le portrait proposé constitue vraiment une sorte de synthèse entre l’auteur et ses œuvres car ces dernières sont narrées par Daudet lui-même. 130 Gabrielle Melison-Hirchwald

Après cette rencontre particulièrement réussie, les deux écrivains cultiveront des liens d’amitié sincère. De son côté, Daudet a visiblement apprécié cette rencontre avec l’homme de lettres italien, comme il le confie quelques années plus tard à un journaliste italien :

— Una brava persona – esclamò – quel De Amicis : ha una nota, una fiso- nomia sua di scrittore e una grande cortesia di uomo. Venne da me, una mattina, e fece su di me un articolo garbatissimo nelle intenzioni, nella forma bellissimo 46.

Daudet enverra deux lettres à Edmondo De Amicis. De son côté, l’écrivain italien traduira quelques œuvres du romancier français dont des nouvelles des Femmes d’artistes et des Contes du lundi 47. La presse en général apprécie donc le talent de causeur de Daudet. Les Italiens aiment en particulier sa gestuelle méridionale et sa capacité à comprendre leur langue. De Amicis l’a souligné et voit bien en Daudet une sorte de passerelle entre le roman de mœurs français et le vérisme italien.

Réception des œuvres de Daudet en Italie La publication et la traduction des romans de Daudet sont annoncées dans la presse italienne. Des comptes rendus plus ou moins détaillés accompagnent leur parution en italien comme c’est le cas par exemple pour Les rois en exil 48, Le Petit Chose 49, les Contes du lundi 50 ou Trente ans de Paris 51. De façon logique, la rencontre entre Daudet et Edmondo De Amicis est largement reprise dans le supplément littéraire de la Gazzetta Piemontese, à la fin de l’année 1880 et au début de l’année 1881 52. Mais la presse italienne ne voit pas seulement en Daudet un romancier de talent. L’accent est surtout mis sur la représentation de ses pièces en France comme en Italie. Par exemple, les correspondants italiens à Paris

46. « Una mattina da Daudet », Capitan Fracassa, 20 février 1885. 47. A. Brambilla, Edmondo De Amicis et la France (1870-1883) : contacts et échanges entre littérature italienne et littérature française à la fin du XIXe siècle, thèse de doctorat en langues, littératures et civilisation des pays de langues européennes, Université de Franche- Comté, 2011, p. 258 sq. Voir aussi A. Brambilla, « De Amicis-Daudet : un dossier da riaprire ? », in La Parola del testo, F. Serra (éd.), Pise, vol. XIX, 1/2, 2015, p. 197-213. 48. « Rassegna Letteraria, Les rois en exil », Corriere della Sera, 3 novembre 1879. Voir aussi F. Martini, Fanfulla della Domenica, 17 et 19 novembre 1879. 49. Gazzetta Piemontese, 30 décembre 1879. 50. Ibid., 23 septembre 1880. 51. Gazzetta Letteraria, 21 janvier 1888, p. 21-22. 52. Voir par exemple, « Un libro di Alfonso Daudet », Gazzetta Letteraria, 30 décembre 1880 ; 1er janvier, 3 janvier, 28 janvier 1881. Alphonse Daudet et l’Italie (1875-1897)… 131

évoquent notamment la représentation des Rois en exil au Vaudeville 53, de L’Arlésienne, reprise en 1885 et en 1897 54, de Jack à l’Odéon, de L’Obstacle ou encore de La lutte pour la vie à Paris 55. Il arrive aussi que des représen- tations aient lieu en Italie, quelques années après les premières en France. Citons à titre d’illustrations les représentations de Fromont jeune et Risler aîné au théâtre Carignano 56 ou encore à Trieste, de Numa Roumestan à Milan 57, de La lutte pour la vie au théâtre Alfieri 58, de Sapho et de La Menteuse (La Mentitrice) au théâtre Cerbino à Turin 59. Signalons aussi la signature d’une convention en 1880 entre Daudet et Vittorio Bersezio pour la traduction et la représentation du Nabab en Italie 60. La pièce L’Arlésienne mérite enfin d’être mentionnée. Elle qui connaît d’abord un échec retentissant lors de sa première représentation au Vaudeville le 1er octobre 1872 se trouve ressuscitée et reprise avec succès en 1885 à l’Odéon, en raison notamment de la notoriété acquise par Daudet mais aussi par Bizet. Dans une interview du 16 octobre 1890 61, on apprend comment elle va être finalement montée par Abele Savini, après plusieurs adaptateurs qui ont abandonné le projet. Savini l’a traduite en 1886 62 et il avait par exemple demandé à Tebaldo Checchi, acteur et époux d’Eleonora Duse, de collaborer avec lui. Mais le départ de Checchi pour l’Amérique avait réduit ses espoirs à néant. La persévérance de Savini sera finalement récompensée car le drame de Daudet sera représenté à l’Argentina de Rome à la date de la présente interview 63. Malheureusement, l’alliance de la musique délicate de Bizet et du texte dramatique de Daudet ne plaît pas aux Italiens, « le tremolo des violons » apparaît outrancier pour renforcer « l’effet pathétique des situations » 64. D’un point de vue davantage biographique, la presse italienne nous renseigne sur la condition de l’homme de lettres : il peut s’agir d’allusions

53. « Lettere da Parigi, Les rois en exil al Vaudeville », Corriere della Sera, 6 décembre 1883. 54. « Corriere teatrale », ibid., 27 novembre 1897. 55. « Un dramma e una candidatura », Don Chisciotte della Mancia, 5 novembre 1889 ; Gazzetta Piemontese, 2 novembre 1889. 56. Gazzetta Piemontese, 24-26 février 1877. 57. « Corriere teatrale », Corriere della Sera, 16 mars 1887. 58. Gazzetta Piemontese, 1er mai 1887. 59. Ibid., 26 septembre 1893. 60. Ibid., 1er février 1880 ; 21 mars 1880. 61. « L’Arlesienne in Italia », Don Chisciotte della Mancia, 16 octobre 1890. 62. A. Daudet, L’arlesiana, Milan, Sonzogno, 1886. 63. Voir H. Lacombe, « La réception de l’œuvre dramatique de Bizet en Italie. Un exemple de rapport culturel France / Italie entre 1879 et 1890 », in Mélanges de l’École française de Rome. Italie et Méditerranée, t. 108, no 1, 1996, p. 171-201, voir p. 188-190. 64. Ibid., p. 189. 132 Gabrielle Melison-Hirchwald aux projets littéraires de Daudet comme La Caravane, qui restera inachevé, ou des références à de futurs romans tels Soutien de famille et Les enfants dans le divorce, titre provisoire de ce qui deviendra dans sa publication définitive Rose et Ninette 65. Les rapports de Daudet vis-à-vis de l’Académie française et de la future Académie Goncourt sont souvent évoqués, bien qu’il n’appartînt jamais à la première et qu’il n’eût pas le temps de voir fonctionner la seconde. Par exemple, la Gazzetta Piemontese revient sur le duel avec Delpit du 26 mai 1883 66. Dans l’article qui a provoqué le combat, Albert Delpit laissait entendre, entre autres insinuations, que Daudet n’était qu’un auteur ingrat, perfide et plagiaire 67. En tout cas, l’année suivante, il a donné un caractère définitif à son refus en proclamant dans Le Figaro du 1er novembre 1884 : « Je ne me présente pas, je ne me suis jamais présenté, je ne me présenterai jamais à l’Académie ». Malgré tout, l’idée qu’un jour Daudet se présente finalement à l’Académie refait constamment surface, notamment pour remplacer les sièges vacants. Par exemple, après la mort de Dumas fils, se pose la question de sa succession entre Zola, Daudet et Becque 68. Ainsi que nous l’avons rappelé plus haut, le séjour de Daudet à Venise au printemps 1896 a parfois été considéré comme une fuite par rapport à ses ambitions académiques. Parallèlement, Daudet est pressenti depuis longtemps pour être l’exécuteur testamentaire de Goncourt. Les liens entre les deux écrivains sont souvent rappelés dans la presse italienne. Cameroni commente par exemple le banquet organisé en l’honneur d’Edmond le 1er mars 1895 69. Mais c’est évidemment après la mort de Goncourt en juillet 1896 que les articles seront les plus nombreux. La plupart du temps, la presse italienne reprend immédiatement les articles parus en France. Dès le 20 juillet, se pose la question du testa- ment de Goncourt qui prévoit la création de l’Académie qui portera son nom 70. Le procès qui va opposer les héritiers naturels aux coexécuteurs testamentaires Léon Hennique et Alphonse Daudet est relayé par la presse italienne. Le 5 août 1897, la première chambre du Tribunal civil de la Seine déboute les héritiers naturels de leur demande d’annuler le testament de Goncourt 71.

65. Gazzetta Piemontese, 30 septembre 1891. 66. Ibid., 28 mai 1883. 67. Voir le Paris du 22 mai 1883. 68. Corriere della Sera, 8 décembre 1895. 69. Il Sole, 1er mars 1895. Voir aussi l’article du lendemain : « In onore di E. De Goncourt », Il Sole, 2 mars 1895. 70. Corriere della Sera, 20 juillet 1896. 71. Ibid., 12 août 1897. Alphonse Daudet et l’Italie (1875-1897)… 133

Mort de Daudet Quelques mois plus tard, Daudet s’éteint à son domicile le 16 décembre 1897. Ce n’est pas une surprise pour la presse italienne. Comme beaucoup d’articles publiés à l’étranger, la maladie de Daudet est souvent rappelée, alors que dans les journaux français elle se trouve euphémisée 72. Sa disparition donne lieu à de nombreux articles : des derniers moments du romancier aux funérailles célébrées à l’église Sainte-Clothilde le 21 décembre, c’est l’occasion de reve- nir sur la carrière de l’écrivain. Le Corriere della Sera publie notamment quelques témoignages d’hommes de lettres comme Gaston Deschamps et Jules Claretie recueillis dans la presse parisienne 73. La Gazzetta Piemontese revient sur l’amitié liant Daudet à Goncourt 74. En page trois, se trouve publié un article sur les derniers instants de Daudet qui traduit un article du Figaro du même jour.

* * *

Qualifié souvent comme l’écrivain le « plus italien des Français » 75, Daudet était de son vivant un auteur français apprécié en Italie. Sa gestuelle méridionale et ses talents de causeur plaisent aux artistes transalpins venus le rencontrer. Beaucoup de témoins ont tenté de ressusciter le brillant de sa conversation dans leurs correspondances, journaux ou dans les inter- views que leur a données Daudet. De ses premiers succès romanesques à sa mort en 1897, de très nombreux articles relaient avec précision les événements littéraires et artistiques qui ponctuent sa carrière, même si très peu rapportent son passage en Italie. Comme l’avait déjà souligné Chiara Citron, la critique demeure partagée sur son œuvre, les journalistes pouvant se montrer tour à tour enthousiastes ou négatifs. Nonobstant, Daudet est le plus souvent associé à des auteurs français, dont Zola, beaucoup moins à des auteurs transalpins. La raison en est certainement le naturalisme édulcoré que Daudet propose, qui emporte l’adhésion d’un De Amicis mais pas celle d’un Pica par exemple. À plusieurs reprises, on insiste sur le fait qu’il connaît peu la littérature et la presse italiennes de son temps, bien qu’il noue des rapports avec des artistes italiens. En revanche, la diffusion de ses œuvres en Italie est importante, en particulier concernant ses pièces de théâtre, adaptées et traduites. Par ailleurs, comme dans la

72. Gazzetta Piemontese, 30 septembre 1891. 73. Corriere della Sera, 18-19 décembre 1897. 74. Gazzetta Piemontese, 18 décembre 1897. 75. « L’Arlesienne in Italia », Don Chisciotte della Mancia, 16 octobre 1890. 134 Gabrielle Melison-Hirchwald presse française de l’époque, ses liens privilégiés avec Goncourt et plus tard, la charge de coexécuteur de sa succession, visant à la création de l’Académie Goncourt, se trouvent très souvent médiatisés. Pour conclure, la presse italienne restitue avec fidélité l’actualité de l’œuvre et de l’existence de Daudet tout en apportant des points de vue contrastés. Cette vision correspond à la représentation que l’on se faisait de sa production dans la seconde moitié du siècle, orientée avant tout vers le roman et le théâtre. Ce n’est qu’au cours du XXe siècle que l’homme de lettres sera de plus en plus assimilé à un écrivain pour la jeunesse. Relire la presse européenne des années 1880-1890 permet de réévaluer la place que Daudet occupait dans la vie littéraire de son temps.

Gabrielle Melison-Hirchwald Université de Lorraine UN INTELLETTUALE « ANFIBIO » TRA FRANCIA E ITALIA : SANTORRE DI SANTA ROSA TRA LIBRI, LETTERE E INEDITI

Riassunto : I diari, gli zibaldoni e gli epistolari inediti di Santorre di Santa Rosa (1783-1825), insieme ai volumi della sua biblioteca personale, consentono di ricostruire il percorso educativo di un intellettuale formatosi nel Piemonte preunitario, una terra di frontiera culturalmente e linguisticamente anfibia tra Francia e Italia. Attraverso le testimonianze autobiografiche dell’autore si può seguire la tormentata matura- zione delle sue convinzioni letterarie, politiche e linguistiche, da una giovinezza orientata verso i modelli culturali d’oltralpe, a una seconda fase caratterizzata da un crescente misogallismo. Gli anni dell’esilio segnano un’ulteriore svolta negli ideali santarosiani : emigrato a Parigi dopo il fallimento dei moti del ’21, Santa Rosa si riavvicina culturalmente alla Francia, grazie al sodalizio con intellettuali come Simonde de Sismondi e soprattutto Victor Cousin. Résumé : Les journaux intimes, les carnets et la correspondance inédite de Santorre di Santa Rosa (1783-1825), ainsi que les volumes de sa bibliothèque personnelle, permettent de reconstruire le parcours éducatif d’un intellectuel qui s’est formé au Piémont avant l’Unité, une terre de frontière culturellement et linguistiquement double entre France et Italie. Grâce aux témoignages autobiographiques de l’auteur, on peut suivre le mûrissement tourmenté de ses convictions littéraires, politiques et linguistiques, depuis sa jeunesse orientée vers les modèles culturels transalpins, jusqu’à une deuxième phase caractérisée par une gallophobie croissante. Les années de l’exil marquent un nouveau tournant dans les idéaux de Santa Rosa ; après avoir émigré à Paris suite à l’échec des insurrections de 1821, Santa Rosa se rapproche culturellement de la France, grâce à son amitié avec des intellectuels tels que Simonde de Sismondi et surtout Victor Cousin.

Uno scrittore italiano di frontiera Il Piemonte condivide con altre aree italiane di confine la sorte di territorio, per così dire, « anfibio » 1, caratterizzato nella storia politica così come in

1. L’aggettivo « anfibio » riferito alla situazione linguistica e culturale della regione piemontese è ripreso dalle pagine della Vita di , nelle quali l’autore astigiano sostiene che « il parlare Italiano » era « un vero contrabbando in Torino, città anfibia », nella quale le élites preferivano servirsi della lingua francese nella conversazione quotidiana e soprattutto nella scrittura. Cfr. V. Alfieri,Vita scritta da esso, Asti, Casa d’Alfieri, vol. II, 1951, p. 35.

Transalpina, no 21, 2018, Entre France et Italie…, p. 135-152 136 Chiara Tavella quella linguistica-letteraria, dall’alternanza di poteri e sistemi culturali diversi. Nonostante sia destinata a diventare la protagonista del processo di Unità nazionale nel giro di pochi decenni, tra la fine del Settecento e l’inizio dell’Ottocento la regione subalpina è ancora un « lembo di Italia […] ben poco italiano » 2, politicamente e culturalmente legato ai territori oltremontani della Savoia e della contea di Nizza e quasi escluso dalle maggiori vicende storiche del resto della penisola. A causa della sua natura di « antemurale a ridosso delle Alpi » e, di conseguenza, di « terra di transito » obbligato da e per la Francia 3, lo stato sabaudo si è sempre contraddistinto per il perenne conflitto con la nazione confinante e per il rapporto altalenante tra accettazione o rifiuto dei suoi modelli. Come è noto, il processo di francesizzazione del regno dei Savoia raggiunge il culmine in seguito alle guerre napoleoniche : tra il 1798 e il 1814 il Piemonte è infatti inquadrato come 27a Divisione dell’Impero Francese e tale rimane fino alla restaurazione del precedente governo sancita dal Congresso di Vienna. Quando si prendono in esame le carte degli intellettuali subalpini fin de siècle che, come Santorre di Santa Rosa (1783-1825), vissero in quel particolare momento storico, non si può quindi prescindere dall’analisi delle complicate relazioni che esistevano a quel tempo tra la cultura sabauda, quella italiana e quella d’oltralpe 4. In Santa Rosa, letterato che si sentiva italiano pur pensando e scrivendo in francese, può dunque essere utilmente studiata la formazione tipica di un rampollo della nobiltà a cavallo tra i due secoli, in una terra anfibia in cui l’italianità giunse a prevalere sul modello culturale transalpino solo con difficoltà e compromessi e spesso in seguito a precise scelte, dettate da ragioni ideologiche. I diari, gli zibaldoni e gli epistolari santarosiani, ancora in gran parte inediti, insieme ai volumi conservatisi fino ad oggi nella biblio- teca di famiglia 5, riflettono il clima culturale di quel periodo e consentono

2. C. Marazzini, Piemonte e Italia. Storia di un confronto linguistico, Torino, Centro Studi Piemontesi, 1984, p. 12. 3. C. Marazzini, « Il Piemonte e la Valle d’Aosta », in L’italiano nelle regioni. Lingua nazionale e identità regionali, F. Bruni (a cura di), Torino, UTET, 1992, p. 1. 4. « La letteratura, in terra subalpina, ha un carattere speciale, sia perché costa uno sforzo di conquista (alla maniera alfieriana), sia per gli esiti sovente sperimentali che ne derivano in maniera diretta ; gli scrittori […] si sono temprati in […] tante ricerche linguistico- lessicali. […] Lo scrittore piemontese di qualità testimonia il desiderio di arrivare al limite, dopo aver esaurito il suo faticoso apprendistato a furia di raccolte lessicali, di compulsate grammatiche e dizionari, di testi postillati e sottolineati (C. Marazzini, Piemonte e Italia…, p. 14). 5. Se si escludono una raccolta di Carmi, uscita in pochissimi esemplari a Savigliano presso la Stamperia Saviglianese nel 1812, e il memoriale De la Révolution Piémontaise edito a Parigi nel 1822, le opere santarosiane cominciarono a essere pubblicate postume solo a partire dalla fine dell’Ottocento. Tra le più significative meritano di essere ricordate : Delle speranze degli italiani, A. Colombo (a cura di), Milano, Casa Editrice R. Caddeo, 1920 ; Un intellettuale « anfibio » tra Francia e Italia… 137 di ricostruire fedelmente il percorso educativo di quello che può essere considerato a tutti gli effetti un intellettuale che in qualche modo già risente della temperie romantica. Attraverso le pagine autobiografiche di Santorre si può dunque seguire la tormentata maturazione delle convinzioni letterarie, politiche e linguistiche di uno scrittore italiano di frontiera, da un’educazione giovanile fortemente orientata ai modelli culturali d’oltralpe, a una seconda fase caratterizzata da un crescente patriottismo in chiave misogallica. Infine, negli anni della maturità, l’esperienza dell’esilio seguìto al fallimento dei moti rivoluzionari del 1821, offre a Santa Rosa l’occasione di un riavvicinamento culturale alla Francia e all’Europa : il fuoriuscito piemontese può partecipare in prima persona al dibattito letterario internazionale, anche in virtù di quella formazione europea coltivata in gioventù e poi programmaticamente accan- tonata negli anni del più forte impegno a favore della causa politica italiana.

Nella biblioteca di un giovane subalpino Santorre di Santa Rosa appartiene alla nobiltà piemontese di provincia e nella prima giovinezza frequenta poco l’ambiente culturale della ex-capitale sabauda, formandosi da autodidatta e leggendo scapigliatamente i grandi scrittori, « unico fascino » e « unica consolazione » della sua esistenza, come afferma egli stesso nei quaderni 6. Ristrettissima è la cerchia degli intellettuali, in gran parte appartenenti al mondo ecclesiastico, che, in questa fase, esercitano influenza sull’istruzione del giovane subalpino : il pievano giansenista Antonio Ghione, il canonico Benedetto Operti, a sua volta allievo di Carlo Denina, e, per i brevi periodi trascorsi a Torino, l’abate Tommaso Valperga di Caluso, già maestro dell’Alfieri. In questa prima fase, pochi, se non quasi nulli, sono i contatti diretti con i protagonisti dei dibattiti che animano la scena culturale al di fuori dei confini sabaudi. Santa Rosa cura dunque la propria educazione letteraria essenzialmente attraverso le letture : dai diari santarosiani, soprattutto quelli giovanili, emerge il profilo di un lettore vorace, con una forte propensione allo studio, appassionato dei classici della letteratura, come si intuisce dal motto « Vita sine litteris mors est » vergato sul frontespizio del catalogo

Lettere dall’esilio (1821-1825), A. Olmo (a cura di), Roma, Istituto per la storia del Risorgimento Italiano, 1969 ; Ricordi, 1818-1824 (Torino, Svizzera, Parigi, Londra), M. Montersino (a cura di), Firenze, Olschki, 1998 ; Il marito geloso, C. Tavella (a cura di), Torino, Consiglio Regionale del Piemonte-Centro Gianni Oberto, 2013. I manoscritti letterari inediti di Santa Rosa sono attualmente al centro di un articolato progetto di ricerca dell’Università di Torino, coordinato dalla professoressa Laura Nay. 6. Archivio Storico del Comune di Savigliano, Archivio Santa Rosa (d’ora in avanti ASR), Serie III, f. 28, Brouillon littéraire, no 15, 11 maggio 1808. 138 Chiara Tavella dei volumi della sua biblioteca 7. Le sue carte, in particolare le Confessions – vale a dire i journaux intimes che il giovane piemontese scrisse tra il 1800 e il 1813 8 – gettano luce sul panorama delle letture tipiche di un aristo- cratico subalpino negli anni dell’occupazione napoleonica del Piemonte, permettendo di approfondire le modalità di ricezione dei testi e delle idee che giungevano in quel periodo dalla vicina Francia. I cataloghi della biblioteca di famiglia, insieme alle testimonianze autobiografiche – che, oltre ai diari, comprendono numerosissime lettere e quaderni di appunti – sottolineano quanto l’educazione ricevuta da Santa Rosa fosse conforme al modello culturale dominante in Piemonte prima della Restaurazione, sul piano letterario, scientifico, filosofico e religioso 9, ma soprattutto linguistico (non a caso il primo ciclo di Confessions è steso in francese, lingua prediletta dalle élites). In realtà, da un più attento esame, emerge che le letture avvicinano il giovane Santa Rosa non solo ai coetanei piemontesi, ma anche a intellettuali come Ugo Foscolo, con il quale – lo ha notato Laura Nay – Santorre condivide « somiglianze biografiche » e « formazione culturale » 10. Sugli scaffali della biblioteca santarosiana ci si imbatte innanzitutto nei classici della letteratura francese : gli autori di teatro (Racine, Corneille, Crébillon, Molière) campeggiano accanto a filosofi, teologi e aforisti (Pascal, La Rochefoucauld, La Bruyère, Bossuet,

7. ASR, Serie III, f. 52, Catalogue de la Bibliothèque de Sanctor De Rossi de Sainte Rose (1812). Dal 1986 la Biblioteca Santa Rosa, in carico alla Biblioteca Nazionale Universitaria di Torino, è conservata a Savigliano, nei locali in cui si trova anche l’Archivio della famiglia : la scelta fu motivata proprio dalla necessità di non smembrare e disperdere nell’immenso patrimonio della Biblioteca Nazionale un corpus che si presentava indivisibile per ragioni storiche e bibliografiche. La Biblioteca Santa Rosa, formata da oltre 12 000 volumi, non è finora stata sottoposta ad alcun intervento di riordino e può essere consultata solo attraverso l’ausilio di un catalogo topografico, steso tra il 1992 e il 1993, a cura di Grazia Gallo, non consultabile online. Gli unici studi disponibili su questo consistente patrimonio librario sono : A. Colturato, Le opere musicali della Biblioteca Santa Rosa, Istituto per i Beni Musicali in Piemonte, 1993 ; A. Gullino, Ricerche storico-giuridiche sulla famiglia Santa Rosa e la sua biblioteca, Tesi di laurea, Università degli Studi di Torino, Facoltà di Giurisprudenza, relatore professore G.S. Pene Vidari, Anno Accademico (A.A.) 1996-1997 ; L. Nay, « Un “gentleman inglese sull’italiano e sul greco” : Ugo Foscolo, Santorre di Santa Rosa e il romanzo epistolare europeo », Cahiers d’Études italiennes, no 20, 2015, p. 251-268 ; C. Tavella, « L’ingenua narrazione delle mie azioni » : Santorre di Santa Rosa e le scritture dell’io, Tesi di Dottorato, Università degli Studi di Torino, Dipartimento di Studi Umanistici, Dottorato di Ricerca in Lettere-Curriculum italianistica, XXIX ciclo, 2017 (per un discorso sulla Biblioteca Santa Rosa, si veda in particolare il cap. IV). 8. ASR, Serie III, f. 29, Confessions. Per l’edizione critica dei diari santarosiani mi permetto di rimandare alla mia tesi di dottorato : C. Tavella, « L’ingenua narrazione delle mie azioni »…, vol. II. 9. Cfr. ad esempio G. Ambroggio, « La formazione culturale dei protagonisti dei moti del 1821 », in L’età della Restaurazione e i moti del 1821, A. Mango (a cura di), Savigliano, L’Artistica, 1992, p. 279-290. 10. L. Nay, « Un “gentleman inglese sull’italiano e sul greco”… », p. 255-259. Un intellettuale « anfibio » tra Francia e Italia… 139

Malebranche, Voltaire), che si accompagnano a loro volta – in ordine sparso e senza la pretesa di un elenco completo – a Madame de Staël, Sofie Cottin, Bernardin de Saint Pierre, Florian, Chateaubriand, Barthélemy, autore del Voyage du jeune Anacharsis en Grèce, che Santorre definì « ouvrage immortel » e « livre plein de sagesse et d’une saine science » 11, fino ai prediletti Fénélon (« sublime », « sage », « touchant » 12) e Rousseau, che nei diari è addirittura chiamato amichevolmente « J. J. ». Il filosofo ginevrino è senza dubbio l’autore che esercita maggiore influenza sulla formazione giovanile dell’intellettuale piemontese ed è considerato da Santa Rosa un compagno dell’anima. In un Brouillon del 1801, un Santorre nemmeno ventenne, terminati l’Emilio, la Nuova Eloisa e soprattutto le Confessions rousseauiane, commenta infatti :

Je ne dois plus oser prendre la plume après Jean Jacques. Toutes mes pensées, toutes mes idées, mes inclinations, mes observations, Jean Jacques les a déjà faites et ornées par sa sublime et rare éloquence […]. Quand je lis tes ouvrages je crois souvent lire mes pensées 13.

Il bilinguismo, tipico dei letterati piemontesi dell’epoca 14, permette a Santorre di leggere gli autori francesi in lingua originale, al punto che solo in rari casi i cataloghi della biblioteca di famiglia testimoniano la presenza dei classici d’oltralpe tradotti in italiano, lingua che, del resto, Santorre padroneggia con estrema fatica. In traduzione francese Santa Rosa legge anche gli amatissimi autori inglesi, da Milton a Young, da Pope a Swift, da Defoe a Fanny Burney, fino a Richardson, citato a più riprese nelle Confessions santarosiane come « mon génie consolateur » 15. In mancanza di contatti intellettuali vivi e fecondi, Santa Rosa, isolato nelle campagne piemontesi, considera gli scrittori preferiti alla stregua di compagni reali con cui riflettere su questioni letterarie, religiose o politiche. Nei journaux intimes troviamo spesso il giovane nobiluomo intento a dialogare con gli autori del passato, come Machiavelli. « C’est dans la solitude », scrive Santorre in uno dei suoi zibaldoni, « que je converse avec vous […] Fénelon, J. B. Henri, Arnaud, La Bruyère, Jean Jacques, Pascal », aggiungendo una nota amara, che vale la pena di riprendere : « Illustres

11. ASR, Serie III, f. 28, Confessions, Livre second, 18 giugno 1801. 12. Ibid., 15 maggio 1801. 13. ASR, Fondo I, Serie III, f. 28, Brouillon littéraire, no 4. 14. Cfr. in particolare G.L. Beccaria, « Italiano al bivio. Lingua e cultura in Piemonte tra Sette e Ottocento », in Piemonte e letteratura 1789-1870, G. Ioli (a cura di), San Salvatore Monferrato, Edizioni della Biennale « Piemonte e letteratura », vol. I, 1982, p. 21 sq. 15. Cfr. l’Éloge de Richardson (1801) pubblicato in A. Colombo, La vita di Santorre di Santarosa, Roma, Vittoriano, 1938, p. 142-144. 140 Chiara Tavella

Français vous me consolez par vos écrits des maux que fait votre patrie à mon cher et malheureux pays » 16. Scritture francesi, letture europee : ma già in queste pagine giovanili iniziano a emergere le prime tracce di quell’insoffe- renza di Santorre per la Francia e per la dominazione straniera, insofferenza destinata a mutare, nel volger di pochissimi anni, non solo il suo pensiero politico ma anche e soprattutto i suoi orientamenti linguistici e letterari.

Il Grand tour e l’apertura al modello italiano Se si sfogliano le pagine delle Confessions e dei Brouillons littéraires santaro- siani, si nota come fino al 1815 le letture italiane, pur non essendo del tutto assenti – non mancano infatti riferimenti a Petrarca, Ariosto, Tasso, Guarini, Metastasio, Forteguerri – nel bagaglio letterario del giovane piemontese sono sicuramente in numero minore rispetto a quelle straniere. L’egemonia della cultura d’oltralpe sulla formazione letteraria è una sorte che Santa Rosa condivide con gli intellettuali che crescono in un clima in cui la cultura piemontese-italiana è messa in ombra dalla dominazione francese anche nel campo dell’erudizione. Questo dato, se da una parte può essere inter- pretato come una chiusura rispetto all’italianità, dall’altra va considerato come un’apertura ai modelli internazionali. I primi passi in direzione di un allontanamento culturale dalla Francia, in favore di un avvicinamento all’Italia, risalgono al 1803, anno in cui Santa Rosa esce per la prima volta dai confini sabaudi per compiere un Grand tour nelle città d’arte della penisola. Il viaggio rappresenta una tappa fondamentale del percorso educativo del diciannovenne piemontese. Gli amici, uno su tutti il medico Felice Arrigo, alla vigilia della partenza, immaginandolo « impaziente d’essere in una camera a Siena circondato di libri divini » 17, gli consigliano di non recare con sé nel viaggio « Rousseau ed altri di simil natura » 18 e Santa Rosa, di rimando, risponde in francese : « Je laisse les œuvres de J. J. […] ici. Je n’emporte que l’Émile et les dialogues » 19. Accompagnato da una lettera di raccomandazione per i salotti fioren- tini firmata da Gian Francesco Galeani Napione – personalità di spicco dell’ambiente culturale torinese di quegli anni – Santa Rosa rimane lontano dal Piemonte per diversi mesi. Anche se nelle Confessions, nei Brouillons e nelle lettere non vi sono riferimenti espliciti ad altri celebri Grand tour, Santorre ha sicuramente presente l’analoga esperienza di Alfieri, di cui

16. Questi pensieri, tratti dal Brouillon littéraire, no 4, sono pubblicati in A. Colombo, La vita di Santorre di Santarosa, p. 150. 17. Lettera di Arrigo a Santa Rosa, 8 gennaio 1803, pubblicata ibid., p. 183. 18. Lettera di Arrigo a Santa Rosa, senza data, pubblicata ibid., p. 185-186. 19. Lettera di Santa Rosa ad Arrigo, gennaio 1803, pubblicata ibid., p. 188-191. Un intellettuale « anfibio » tra Francia e Italia… 141 aveva appena letto la Vita, e quella di altri suoi coetanei piemontesi : Cesare Balbo, con cui aveva stretto da poco amicizia, Roberto d’Azeglio, Clemente Solaro della Margarita, rientrati in patria dopo aver perfezionato gli studi in Toscana. Pochissime notizie si hanno purtroppo a proposito dei contatti avuti con gli intellettuali fiorentini e romani incontrati nel corso del viaggio. Le uniche testimonianze relative agli esponenti dell’ambiente culturale italiano sono alcuni cenni riguardanti il principe Alberigo Barbiano di Belgioioso, che riceve nel suo salotto « la meilleure société », sua figlia Barbara Litta Visconti Arese, piena « d’esprit et de connoissances », e ancora Madame de Girardini, ambasciatrice alla corte viennese, di cui si fanno « beaucoup d’éloges de sa politesse et de sa bonté » 20. Durante il Grand tour gli studi si intensificano : « A Firenze avrò un maestro di italiano e di latino. Leggerò i poeti italiani », scrive all’amico Arrigo 21. Il giovane sabaudo, per non sentirsi più uno straniero in patria, si immerge totalmente nella cultura, nell’arte e nella letteratura del bel paese. Se prima del 1803, come si è detto, i quaderni e gli epistolari santarosiani testimoniano studi e letture di autori stranieri, soprattutto francesi, a par- tire dal viaggio in Italia Santorre comincia a maturare la propria idea di italianità. Infatti le opere di Dante, Petrarca, Ariosto, Zappi, Guidi, Filicaia, Chiabrera, riscoperte in Toscana, lo seguiranno in Piemonte, contribuendo a un sostanziale rinnovamento dei suoi studi. Siamo ancora lontani dalla concezione della letteratura in chiave politica, tema centrale negli scritti san- tarosiani della maturità, ma già nelle pagine del 1803 comincia ad affiorare la volontà dell’intellettuale piemontese di italianizzarsi. Non è un caso che in un elenco di Livres portés à Florence figurino Pascal, Rousseau, Thompson e Racine, mentre tra i Livres achetés à Florence, si affaccino Dante, Ariosto e i « Poètes italiens » 22.

Santa Rosa e il misogallismo degli alfieriani-foscoliani piemontesi Le carte letterarie della maturità, a partire dagli epistolari e dal ciclo di Confessioni del triennio 1815-1817, rivelano un sempre più deciso e programmatico allontanamento di Santa Rosa dagli orientamenti culturali giovanili di matrice transalpina. Erede delle politiche linguistiche e degli ideali patriottici delle accademie piemontesi filoitaliane, come la Sampaolina, la Filopatria e i Concordi, Santorre comincia a sentirsi cittadino e scrittore di una patria italiana che politicamente ancora non esiste.

20. Lettera di Enrichetta Malines a Santa Rosa, 26 gennaio 1803, pubblicata ibid., p. 191-192. 21. Lettera di Santorre ad Arrigo, senza data, pubblicata ibid., p. 188-189. 22. ASR, Serie III, f. 29, Confessions, Livre 9e, 9 aprile 1803. 142 Chiara Tavella

Per capire le nascenti posizioni misogalliche di Santa Rosa è necessario fare un passo indietro e richiamare quanto stava accadendo in quegli anni nei circoli culturali piemontesi. « Chi abbandona l’uso della lingua propria per adoperarne una straniera, rinuncia in certo modo alla patria, […] abbraccia i costumi, e le idee, e le opinioni della nazione, di cui affetta l’idioma », aveva scritto nel 1791 il già citato Galeani Napione nel trattatello Dell’uso e dei pregi della lingua italiana, ripubblicato nel 1813, in piena occupazione napoleonica 23. L’opera di Napione, che esorta a considerare la lingua e la lette- ratura italiana « come un segno dell’integrità della nazione e della sua capacità di opporsi agli stranieri » 24, si inserisce nel dibattito, attualissimo in quegli anni, sulla questione della lingua, acquistando una certa notorietà in tutta la penisola. La sua ricezione in territorio subalpino avviene però in momento storico particolare, tale da mutare fin da subito la questione linguistica in una questione politica fortemente nazionalista. Mentre intellettuali come Denina, considerato il particolare status anfibio del Piemonte, si dichiarano favorevoli a un’integrazione culturale e linguistica con i dominatori francesi, lo scopo degli accademici della Sampaolina, della Filopatria e i Pastori della Dora 25 già dall’ultimo trentennio del Settecento è quello di salvaguardare il patrimonio culturale piemontese e italiano dalla dilagante moda france- sizzante. La lezione dei Filopatridi, di Napione e di Alfieri (il quale, come è noto, era giunto a spiemontizzarsi, pur di liquidare i retaggi culturali filofrancesi della gioventù), è ereditata dalla Società dei Concordi, un’acca- demia nata nel 1804 su iniziativa di alcuni giovani aristocratici torinesi, che si proponevano di studiare la storia patria, la lingua e la letteratura italiana per prendere ideologicamente le distanze dalla nazione occupante 26. Cesare Balbo, fondatore dei Concordi e intimo amico di Santa Rosa, nel chiarire

23. G.F. Galeani Napione, Dell’uso e dei pregi della lingua italiana, Torino, Balbino e Prato, vol. I, 1791, p. 64 (2a edizione Firenze, Molini e Landi, 1813). 24. C. Marazzini, Piemonte e Italia…, p. 73. 25. Su queste accademie si vedano : C. Calcaterra, Il nostro imminente Risorgimento, Torino, SEI, 1935 ; G. Campori, « La società filopatria di Torino », Giornale storico della letteratura italiana, 1 gennaio 1887, p. 249 sq. ; G. Ricuperati, « Accademie, periodici ed enciclopedismo nel Piemonte di fine Settecento », in I primi due secoli della Accademia delle Scienze di Torino. Realtà accademica piemontese dal Settecento allo Stato unitario, Torino, Accademia delle Scienze, vol. II, 1985, p. 81-109 ; M. Violardo, « Istituzioni culturali, circoli intellettuali, editori, almanacchi », in Storia di Torino, Torino, Einaudi, vol. VI, 2000, p. 201-227. 26. Sull’Accademia dei Concordi, oltre al citato contributo di Violardo, si vedano anche E. Falcomer, « La società dei Concordi », in All’ombra dell’aquila imperiale. Trasformazioni e continuità istituzionali nei territori sabaudi in età napoleonica (1802-1814), Roma, Ministero per i beni culturali e ambientali, vol. II, 1994, p. 882-892 ; E. Passerin d’Entrèves, La giovinezza di Cesare Balbo, Firenze, Le Monnier, 1940, p. 3 sq. ; C. Rodella, « Studi nazionali in Piemonte durante il dominio francese », Curiosità e ricerche di storia subalpina, I, 1874, p. 401-453. Un intellettuale « anfibio » tra Francia e Italia… 143 il programma dell’accademia afferma che la lingua è da intendere come « vincolo nazionale » e come unico « contrassegno » per l’Italia, « divisa e soggettata in strana guisa a tanti stranieri dominanti » :

poiché se da Dante in poi i diversi popoli italiani si riconoscono fratelli, lo si fa per questa benedetta armonia, che è la lingua nostra. […] Si è anche […] perché ci si toglie di imparare la nostra lingua ne’ banchi della scuola, che noi in questa Accademia ci ingegniamo a tutto potere per tener viva questa fiamma nazionale ; confidenti di un avvenire più rispettoso verso i diritti di Patria, quando non sarà più interdetto al giovane italiano studiare la patria lingua 27.

Abbandonata la vita solitaria in campagna, a partire dal 1806 Santa Rosa ha l’occasione di allargare i propri orizzonti culturali grazie all’assidua frequentazione di questo gruppo di intellettuali filoitaliani. Tutt’altro che innocuo cenacolo arcadico, la Società dei Concordi assume la veste di « un centro di orientamento culturale e di patriottica cospirazione letteraria » nella Torino napoleonica 28, e il suo « distintivo », come dichiara Carlo Vidua, è « l’aborrimento a far la scimia », cioè il rifiuto di « rendersi in letteratura schiavi degli stranieri », in particolare dei francesi 29 :

Quasi dapertutto la povera lingua viene contaminata ; e la gioventù, e il volgo de’ letterati massime, non istudia guari i grandi maestri, se almeno ne dobbiamo giudicare […] dalla singolare facilità con cui si spacciano i libri francesi anche più mediocri. Ma tanto più lo sarà in questa parte, la più esposta all’aria contagiosa, che appena le Alpi riparano, quantunque alte, e dateci dalla natura per schermo fra noi e la francesca rabbia, come dicea uno de’ nostri poeti 30.

Il circolo dei Concordi invita i connazionali a valorizzare le caratteristiche italiane del Piemonte, facendo tesoro della lezione di Napione, attribuendo un connotato politico e civile alla lingua e alla letteratura italiana. Tali ideali sono immediatamente raccolti con entusiasmo da Santa Rosa e dai suoi sodali Luigi Provana del Sabbione e Luigi Ornato, che danno vita a un triumvirato nemico dei francesi :

27. Il discorso di Balbo è pubblicato in W. Barberis, Le armi del principe. La tradizione militare sabauda, Torino, Einaudi, 1988, p. 252. 28. C. Marazzini, Piemonte e Italia…, p. 148. 29. C. Vidua, Lettere, Torino, Pomba, vol. I, 1834, p. 31-32, lettera a Cesare Balbo, 17 agosto 1806. 30. Ibid. Vidua si riferisce alla canzone Italia mia, benché ’l parlar sia indarno, in cui Petrarca si riferisce alle Alpi come a uno « schermo » tra gli italiani e la « tedesca rabbia » (Rerum Vulgarium Fragmenta (RVF), CXXVIII, 33-35). 144 Chiara Tavella

Amavamo la patria […] per debito di figli ; l’indipendenza sua come un diritto e come fondamento di quella savia libertà […]. La signoria forestiera adunque era per noi il peggiore dei mali. Epperò avversavamo un reggimento il quale falsando la fede promessa, avea posto sotto la dominazione o sotto l’influenza della Francia le popolazioni italiane sottratte poco prima, non senza costo di molto sangue umano, dalla dominazione o dall’influenza teutonica. […] L’odio per la dominazione francese, pei costumi, per le usanze, per le morbidezze francesi divenne il maggior punto di comunanza 31.

Il misogallismo diventa tematica ricorrente nell’epistolario dei tre amici : Santa Rosa scambia con Provana e Ornato notizie politiche sull’Italia, senza risparmiare aspre invettive contro i dominatori e le loro imposizioni politiche e culturali. Ornato arriva addirittura a sostenere che « l’unanime grido di Odio ai Galli sia quello d’ogni vero italiano, amante della patria sua » 32. Nel consistente carteggio conservato presso la Biblioteca Reale di Torino e oggi ancora in gran parte inedito 33, Santa Rosa e i suoi sodali manifestano il duplice intento di preservare l’italianità della loro terra dall’ingerenza della cultura d’oltralpe e di costruire la propria identità nazionale attraverso gli studi linguistici e letterari. Nei loro scritti emerge costante il desiderio di una patria ideale che riunisca tutti i popoli di cultura italiana, obiettivo da raggiungere attraverso tre imperativi programmatici : apprendere la lingua italiana, celebrare il culto della Patria e venerare i Padri della letteratura, subordinando gli studi e la scrittura alla causa patriottica. L’apprendimento dell’italiano, definito nelle loro lettere « lingua di Mamma » 34, inizia a essere considerato il primo dovere civile e morale per sentirsi cittadini di una patria ideale, da incoraggiare con esercizio costante, senza ricadere nell’abitudine e nella comodità dell’uso abituale del francese. Anche per i piemontesi colti, come Santa Rosa, italianizzarsi costituisce un vero e proprio sforzo.

31. L. Provana, Notizie sopra Luigi Ornato e Santorre Santa Rosa e sopra i loro scritti, da leggersi in S. Fusero, « Una biografia inedita di Luigi Ornato », Bollettino della Società per gli studi storici, archeologici ed artistici della Provincia di Cuneo, no 65, 1971, p. 96. 32. Biblioteca Reale di Torino (d’ora in avanti BRT), Varia 275, Corrispondenza di Santorre di Santa Rosa, Luigi Ornato e Luigi Provana dal 1805 al 1832, Lettera di Ornato a Provana, 26 agosto 1815. 33. Dell’epistolario incrociato di Ornato, Provana, Santa Rosa e Balbo non esiste un’edizione integrale e filologicamente curata : alcune lettere sono state pubblicate in L. Ottolenghi, Vita, studi e lettere inedite di Luigi Ornato, Torino, Loescher, 1878 e in L. Ottolenghi, La vita e i tempi di Luigi Provana del Sabbione, Torino, Loescher, 1881. Attualmente il fondo archivistico è al centro di alcune ricerche del Dipartimento di Studi Umanistici dell’Università degli Studi di Torino, coordinate dalla professoressa Laura Nay. 34. BRT, Varia 275, Corrispondenza di Santorre di Santa Rosa…, Lettera di Provana a Ornato, 17 gennaio 1815. Si veda a questo proposito il contributo di M. Ambel, « La Patria come Mamma (Santarosa, Provana, Ornato) », in Piemonte e Letteratura…, vol. I, p. 623. Un intellettuale « anfibio » tra Francia e Italia… 145

L’impiego nella pubblica amministrazione, comune sia a Santa Rosa che a Provana, li obbliga infatti a servirsi quotidianamente della lingua d’oltralpe, rendendo vani i tentativi di esercitarsi nell’italiano : « Perdo quel poco frutto dello studio della lingua, scrivo franzese dalla mattina alla sera », dichiara Provana impiegato in val Roya come intendente del Genio militare 35. Gli fa eco Santa Rosa in una pagina di diario dell’estate del 1815 : « quella maledetta lingua [il francese] io la scrivo, io la maneggio senza ombra di difficoltà, mentre balbetto l’italiano » 36. La lettura dei classici italiani, in particolare degli scrittori toscani del Trecento e del Cinquecento, « sano e saporito nutrimento » 37 per la mente, diviene la base per un accurato studio della lingua. Le lettere di Bembo offrono esempi di « dolcissimi, aggraziati modi di dire » 38 ; attraverso la lettura di Boccaccio e di « altri di quella sorta », Santorre apprende « modi di dire toscani e pieni di leggiadria e di nobile venustà » 39 ; i novellieri sono invece per lui una « miniera inesausta di ottime e vaghe forme di dire » 40. I classici italiani sono inoltre considerati antidoti per il veleno della letteratura francese, come spiega Ornato in una lettera all’amico Provana :

Lodo il disegno vostro di conoscere il teatro francese ; ma badate amico mio, badate a non iscapitarci nella lingua, ed a non perdere il frutto di tanti autori italiani postillati da voi. Vi conforterei a scegliervi nello stesso tempo qualche trecentista, o anche cinquecentista nostro dei buoni da leggersi per controveleno. È grande la conseguenza di anche un solo mese passato intieramente in mezzo ai francesi, senza avere nessuno ospite italiano con sé, da poter andare esercitando con esso « l’idioma gentil, sonante e puro » 41.

Per Santa Rosa, Ornato e Provana, gli autori della letteratura italiana non sono però solo modelli di stile : i loro Padri della Patria – Alfieri, Dante, Petrarca, Machiavelli e Foscolo – sono anche modelli morali. Per Alfieri, in particolare, i tre piemontesi avevano un vero e proprio culto, alimentato

35. BRT, Varia 275, Corrispondenza di Santorre di Santa Rosa…, Lettera di Provana a Ornato, 18 luglio 1818. 36. ASR, Serie III, f. 29, Confessioni, Libro II, 5 agosto 1815. 37. Ibid., Libro III, 13 dicembre 1815. 38. Ibid., Libro I, 11 maggio 1815. 39. Ibid., Libro III, 13 dicembre 1815. 40. BRT, Varia 275, Corrispondenza di Santorre di Santa Rosa…, Lettera di Santa Rosa a Provana, 27 maggio 1813. 41. Ibid., Lettera di Ornato a Provana, 15 settembre 1818. La citazione finale è tolta dal sonetto CLXIII delle Rime di Alfieri. 146 Chiara Tavella da rituali e gesti simbolici, raccontati dettagliatamente nei carteggi. Davanti a un busto dell’Alfieri, i tre amici sono soliti recitare, con intenti propi- ziatori, il sonetto Giorno verrà del Misogallo e la canzone petrarchesca Italia mia 42, compiendo anche veri e propri « autodafé », durante i quali bruciano composizioni poetiche 43 in onore del loro vate. Dall’Astigiano, nelle loro lettere denominato « Babbo » accanto alla « Mamma » Italia, Santa Rosa, Provana e Ornato ereditano « la consapevolezza di dover usare la letteratura come strumento politico » 44, al punto di guadagnarsi dai critici moderni l’attributo di generazione alfieriana-foscoliana 45. Santa Rosa, intellettuale militante, la cui anima di scrittore coesiste con quella del soldato, all’attività politica affianca quella letteraria per contribuire alla rinascita dell’Italia, come dichiara il suo noto motto alfieriano, « in difetto di ferro, la mia penna ti servirà » 46. Emblematico è pure l’incipit di un suo diario del 1816, che riprende il celebre verso « Italia, Italia, il mio dolor ti noma ! », dell’amica Diodata Saluzzo, poetessa tra i Pastori della Dora :

L’epigrafe di questo libro si riferisce alla risoluzione da me presa di consacrare i miei studi alla patria, e di por mano senza indugio a qualche opera la quale possa riuscire a’ tempi presenti di vera politica utilità all’Italia. Nobile, ardua impresa in vero, e perigliosa ancora 47.

Le carte di Santa Rosa e degli amici del triumvirato colpiscono dunque per gli ideali e le passioni misogalliche di questi tre giovani intellettuali pre-risorgimentali, che ricercano l’italianità politica attraverso quella letteraria, leggendo programmaticamente i classici italiani, scrivendo opere a servizio della causa patriottica, coltivando la religione della Patria e tentando di ricostruire una coscienza nazionale, perché per loro il « dovere di italiani » consiste prima di tutto nel « concorrere per quanto può ciascuno a far sì che si pensi di nuovo in Italia » 48.

42. Corrispondenza di Santorre di Santa Rosa…, Lettera di Ornato a Provana, 10 giugno 1815. 43. Ibid., Lettera di Ornato a Provana [s.d.]. 44. M. Ambel, « La Patria come Mamma (Santarosa, Provana, Ornato) », p. 626. 45. Cfr. V. Cian, Gli alfieriani-foscoliani piemontesi e il Romanticismo lombardo-piemontese del primo Risorgimento, Roma, Biblioteca Scientifica, 1934. 46. ASR, Serie III, f. 29, Confessioni, Libro IV, 19 maggio 1816. 47. Ibid. Il brano è stato pubblicato in L. Nay, « Eretici » e garibaldini. Il sogno dell’Unità, Alessandria, Edizioni Dell’Orso, 2012, p. 94. 48. BRT, Varia 275, Corrispondenza di Santa Rosa, Luigi Ornato e Luigi Provana, Lettera di Ornato a Provana, 24 novembre [s.a.]. Un intellettuale « anfibio » tra Francia e Italia… 147

Il ritorno alla Francia e all’Europa : l’esule Santa Rosa e gli intellettuali d’oltralpe La personalità politica di Santa Rosa si delinea nella sua compiutezza nel clima drammatico del moto rivoluzionario piemontese del ’21, tra i cui attori politici e militari egli occupa senza dubbio un posto preminente. Fallito il tentativo insurrezionale, Santa Rosa è costretto a vivere esule tra Svizzera, Francia, Inghilterra fino al 1825, anno della sua morte durante le battaglie per l’indipendenza della Grecia dai Turchi ottomani. Gli anni dell’esilio segnano un’ulteriore svolta per l’anfibio piemontese : il riavvicinamento alla cultura europea avviene attraverso la ripresa delle letture giovanili, come Rousseau, Madame de Staël, Montesquieu, Chateaubriand, ma soprattutto grazie al sodalizio con altri fuoriusciti politici e con gli intellettuali d’oltralpe, in particolare Simonde de Sismondi e Victor Cousin, ai quali lo lega una stretta amicizia coltivata grazie a un’assidua frequentazione e un altrettanto intenso scambio epistolare, che rivela quanto fosse vasta la cultura europea di Santa Rosa. Nella primavera del 1821, la voce di Santa Rosa era già giunta al di là delle Alpi soprattutto grazie all’Appel à la noblesse piémontaise, pubbli- cato anonimo ma quasi unanimemente attribuitogli. Dopo esser passato segretamente da Genova, Marsiglia e Lione, Santa Rosa trova rifugio tra Ginevra e le vallate svizzere, dove trascorre un periodo di relativa tranquillità, come documentano le lettere ai familiari e agli amici e i Ricordi. È proprio a Ginevra che Santorre ha la possibilità di entrare in contatto per la prima volta con Jean Charles Léonard Simonde de Sismondi, con il quale vive « en société habituelle », discutendo – ne è una testimonianza anche il carteggio 49 – di letteratura, di attualità e di ideali politici, trovandosi « neuf fois sur dix » in accordo con il ginevrino 50. Intanto, lungo il lago Lemanno, tra Monthey ed Etivay, per rispondere ai libelli reazionari come quello del Beauchamp, in poche settimane Santa Rosa scrive il memoriale dedicato alla insurrezione piemontese, in cui intende giustificare il proprio operato spiegando le premesse e i fatti del moto liberale. Per questo libro avrebbe voluto consultare il Sismondi, come afferma in una delle lettere inviate al critico letterario svizzero, ma sebbene « lentement, péniblement » è costretto a terminarlo di getto per affidare il manoscritto al fidato amico San Marzano in partenza per Parigi,

49. Le lettere di Santa Rosa al Sismondi, conservate nella Biblioteca Comunale di Pescia, sono pubblicate in N. Bianchi, Memorie e lettere inedite di Santorre di Santa Rosa. Con appendice di lettere di Gian Carlo Sismondi, Torino, Bocca, 1877 e in G. Calamari, « Lettere di Santorre di Santa Rosa al Sismondi », Rassegna storica del Risorgimento, XXV, 1938. 50. Lettera di Santa Rosa a Sismondi, 20 luglio 1824, pubblicata ibid., p. 1336. 148 Chiara Tavella che lo consegnerà a sua volta al Goujon incaricato di curarne la stampa. « Vous me permettez de vous écrire quelquefois et de vous demander vos conseils sur ce que j’essayerai de faire », scrive Santa Rosa al Sismondi, ammettendo dispiaciuto :

J’ai eu le malheur de ne pas pouvoir vous consulter pour ma brochure sur la révolution Piémontaise. […] Il fallut finir et tout donner à la hâte, et il me devint impossible d’aller à Chêne vous prier de corriger mes fautes. On en a fait une seconde édition où j’ai ajouté quelques notes, et une analyse de la constitution Sicilienne, qui m’a fourni l’occasion de rappeler les déloyautés de l’homme assis sur le trône de Naples. Je n’ai pas osé vous l’envoyer 51.

In seguito alle pressioni delle corti di Vienna e di Torino, alla fine di ottobre Santa Rosa è costretto a lasciare la Svizzera alla volta della Francia, dove rimarrà per sette mesi 52. Intanto il suo trattato De la Révolution Piémontaise 53, di cui ha parlato a Sismondi, inizia a circolare in Francia, sollevando polemiche e dure reazioni negli ambienti conservatori : lo scritto, pur pubblicato in forma anonima, per il suo carattere autobiografico e l’accorata autodifesa denuncia chiaramente l’identità dell’autore. Il libello arriva anche tra le mani del filosofo Victor Cousin, uno dei protagonisti della vita culturale della Francia della Restaurazione, docente dell’École Normale e della Sorbonne, che legge il memoriale con un entusiasmo tale da voler conoscere personalmente il patriota-scrittore :

Dans le mois d’octobre 1821, suspendu de mes fonctions de professeur suppléant de l’histoire de la philosophie moderne […], confiné dans une humble retraite […], j’avais été […] atteint d’un violent accès de cette maladie de poitrine […]. Je ne sais comment alors il me tomba sous la main une brochure inti- tulée : De la révolution piémontaise, ayant pour épigraphe ce vers d’Alfieri : Sta la forza per lui, per me sta il vero. Mon voyage en Italie dans l’été et l’automne de 1820, mon attachement à la cause libérale européenne, le bruit des dernières affaires du Piémont et de Naples, m’intéressaient naturellement à cet écrit ; […] je ne lus cette brochure que comme on lirait un roman […]. J’y trouvai en effet un véritable héros de roman dans le chef avoué de cette

51. Lettera di Santa Rosa al Sismondi, 14 maggio 1822, pubblicata in G. Calamari, « Lettere di Santorre di Santa Rosa al Sismondi », p. 1332-1333. 52. Sul periodo dell’esilio tra Parigi, Alençon e Bourges, si vedano : G. Bourgin, « Santa Rosa et la France, 1821-1822 », Revue historique, CIII, marzo-aprile 1910 e CIV, maggio- giugno 1910 ; S. Carbone, I rifugiati italiani in Francia (1815-1830), Roma, Istituto per la Storia del Risorgimento italiano, 1962 ; L.M. Migliorini, Il mito dell’eroe. Italia e Francia nell’età della Restaurazione, Napoli, Guida, 1984. 53. S. di Santa Rosa, De la Révolution Piémontaise, Paris, Chez les Marchands de nouveautés, 1821. Un intellettuale « anfibio » tra Francia e Italia… 149

révolution, le comte de Santa-Rosa. La figure de cet homme domine tellement les événements de ces trente jours, que seule elle me frappa 54.

Nel corso della permanenza di Santa Rosa a Parigi il legame tra l’esule e il filosofo si consolida, trasformandosi in una profonda amicizia intellettuale : ne sono testimonianza le numerose lettere 55, ma soprattutto la biografia del patriota piemontese, che lo stesso Cousin pubblicherà nel 1840 sulla Revue des Deux Mondes, scrivendo così al principe Emanuele Dal Pozzo della Cisterna :

Mes relations avec Santa Rosa ont été bien courtes, mais intimes. […] Ce n’est point ici une composition historique, c’est un simple tableau d’intérieur tracé pour quelques amis fidèles, pour réveiller quelques sympathies, réchauffer quelques souvenirs 56.

Santorre vive a Parigi sotto falso nome, ma la polizia del Governo sardo, indirettamente controllata dagli austriaci, non gli concede tregua e ne spia ogni passo e ogni gesto, trovando facile accondiscendenza nel Governo francese di Gian Battista Villèle. Arrestato a Parigi e trattenuto nella prigione di Salle Saint-Martin presso la Prefettura di Polizia dal 23 marzo al 15 maggio 1822, Santa Rosa annota nel Diario della prigionia le visite che riceve giornalmente non solo dall’ormai intimo amico Cousin, ma anche da Cesare Balbo, dalla marchesa Giulietta di Barolo, dalla signora Sanvitale, dal colonnello Van Berchem e da quel gentile professor Viguier di cui era stato ospite proprio col Cousin a Villa Casciano, presso Parigi, nei primi mesi del 1822. « À Genève les portes me sont fermées. À Paris on m’ouvre celles d’une prison », scrive al Sismondi nella già citata lettera del maggio 1822. Processato e prosciolto da ogni accusa, l’esule è costretto tuttavia al domicilio coatto, prima ad Alençon, dove vive in compagnia di Cousin, poi a Bourges. « È duro lo staccarmi da Parigi », recita una lettera alla moglie, « ho molti motivi di amarla, nessuno di disamarla. Non ci ho provato nessun dispiacere fuori che dal Governo ». E, a proposito dei legami nati nella capitale Francese, sempre nella stessa lettera Santa Rosa afferma : « I Parigini sono cortesi. Gli uomini di alto intendimento vi abbondano » 57.

54. V. Cousin, « Santa-Rosa », Revue des Deux Mondes, 1 marzo 1840, da leggersi ora in V. Cousin, Fragments et souvenirs, Paris, Didier, 1857, p. 189-282. La citazione si trova alle p. 193-194. 55. Le 31 lettere di Santa Rosa a Cousin, già parzialmente edite dallo stesso Cousin nel citato medaglione biografico, sono state integralmente pubblicate in S. di Santa Rosa,Lettere dall’esilio. 56. V. Cousin, Fragments et souvenirs, p. 191. 57. S. di Santa Rosa, Lettere dall’esilio, p. 461-462, lettera alla moglie Carolina, Parigi, 26 maggio 1822. 150 Chiara Tavella

Nell’ottobre dello stesso anno, dopo essersi consultato con Cousin e con l’amico Ornato, che rimarrà a Parigi per lavorare con lo stesso Cousin agli studi su Platone, alla vigilia della partenza per l’Inghilterra Santa Rosa scrive nuovamente al Sismondi, dando sfogo ai suoi sentimenti riguardo all’esilio francese e aggiungendo qualche considerazione personale su ciò che lo attenderà oltre la Manica :

Je pars pour Londres aujourd’hui. […] Au reste on me fait quitter la France avec le cœur rempli d’amertume. J’ai demandé de pouvoir aller libre à Calais, sur ma parole, et j’ai été refusé. Votre intérêt, votre amitié m’accompagneront à Londres ; j’en suis sûr. […] Je regrette la France malgré tous les désagréments que j’y ai éprouvés. Je crains un peu l’Angleterre. Une autre langue, d’autres mœurs, mais il faut chercher un toit hospitalier à tout prix. J’ai assez erré. Je voudrais maintenant travailler. En relisant vos premiers volumes de l’histoire de nos républiques je me proposais de vous écrire pour vous reprocher avec toute la colère possible un peu de prédilection pour les peuples Septentrionaux, qui à mon avis ne nous ont fait que du mal. Ce sont les souvenirs de notre chère vieille Rome, et les traces profondes de ses institutions qui ont fait la nouvelle Italie. […] J’aurais beaucoup de choses à vous dire sur toutes les grandes questions historiques, mais depuis la nouvelle de mon départ pour l’Angleterre, j’ai fort peu la tête à moi. Adieu Monsieur ; aimez votre compatriote et votre dévoué serviteur et ami 58.

Il legame epistolare con Sismondi e Cousin non si interrompe dopo l’arrivo di Santa Rosa in Inghilterra. Ed è anche grazie all’intermediazione del critico ginevrino e del filosofo francese che l’esule riesce a entrare in contatto non solo con gli altri fuoriusciti italiani, ma anche con personalità di spicco del mondo politico e letterario inglese, nei cui circoli viene introdotto da Sir Mackintosh (redattore della Edinburgh Review), Fanny Allen e John Smith, presentatigli dallo stesso Sismondi. A sua volta Santa Rosa diviene il tramite della calda amicizia epistolare nata tra Victor Cousin e Sarah Austin, protettrice degli esuli a Londra e allieva del filosofo e giurista Jeremy Bentham. Anche durante l’esilio inglese, Santa Rosa continua a confrontarsi con Cousin su questioni di carattere letterario e politico. Le lettere indirizzate al filosofo francese permettono di seguire l’itinerario e le occupazioni di Santa Rosa in quegli anni, attraverso il racconto dei primi incontri con gli altri esuli italiani (Collegno, San Marzano, Porro Lambertenghi, Arrivabene, Ugoni, Panizzi, Pepe, al quale fa persino da padrino in un duello contro il Carrascosa) e le considerazioni sulle letture fatte. In esilio

58. Lettera di Santa Rosa al Sismondi, 4 ottobre 1822, pubblicata in G. Calamari, « Lettere di Santorre di Santa Rosa al Sismondi », p. 1334. Un intellettuale « anfibio » tra Francia e Italia… 151 egli continua ad annotare, pur senza regolarità, alcuni quaderni simili ai Brouillons giovanili : nel Libro di ricordi e lavori, che raccoglie appunti risalenti al 1823, servendosi di nuovo del francese, scrive quindici fittissime pagine sull’Adelchi manzoniano, letto nella traduzione di Claude Fauriel : « J’ai lu la traduction de Fauriel », scrive a Cousin, « exquise ». Pochi ma inequivocabili cenni nelle Lettere dall’esilio lasciano intendere che Santa Rosa avesse conosciuto Fauriel a Parigi, proprio grazie all’intermediazione di Cousin : « Rappelle-moi au souvenir de Fauriel », gli scrive infatti in due lunghe lettere da Londra 59. Contemporaneamente, Cousin e l’esule discutono dei Profughi di Parga del Berchet, opera che nel 1823 lo stesso Fauriel stava contribuendo a divulgare. È Cousin a esortare Santorre a stendere uno scritto politico – di cui purtroppo sono rimaste solo poche pagine abbozzate – dedicato ai rapporti tra la libertà e le varie forme di governo. E, infine, sarà ancora Cousin il destinatario della lettera in cui si riconoscono in nuce gli impulsi che spingeranno Santa Rosa a lasciare l’Inghilterra alla volta della Grecia, ultima tappa del lungo esilio : « Il fallait, mon ami, que je sortisse de mon engourdissement moral par un moyen extraordinaire », gli scrive, « mon ineptitude à travailler venait de ce que mon âme avait la conscience d’un devoir à remplir encore dans la vie active » 60.

Chiara Tavella Università degli Studi di Torino

59. S. di Santa Rosa, Lettere dall’esilio, p. 287-291 e p. 297-298, lettere al Cousin, Londra, 26 novembre e 10 dicembre 1822. 60. Ibid., p. 461-462, lettera al Cousin, Londra, 31 ottobre 1824.

« NOI CHE T’AMAMMO, O FRANCIA ». LETTURA DI PER EDUARDO CORAZZINI 1

Riassunto : Negli anni sessanta dell’Ottocento la poesia di Carducci, alias Enotrio Romano, verte principalmente su tematiche politiche : i giambi puntano a giudicare, a persuadere, a spingere all’azione ; i contenuti e gli obiettivi extraletterari che perseguono si coniugano con la sperimentazione di soluzioni formali e linguistiche nuove. È alla Francia che guarda il Carducci epodico : ragioni ideologiche e ricerca estetica lo conducono Oltralpe. In questi versi militanti la nation sœur è spesso coprotagonista di un dialogo serrato, attraverso il quale Carducci non solo definisce la propria poetica, ma precisa la propria visione politica, tracciando bilanci e scenari : l’epodo Per Eduardo Corazzini ne è un esempio emblematico. L’obiettivo principale di questo contributo sarà, allora, condurre una lettura puntuale di questo compo- nimento : l’interpretazione dell’epodo per Corazzini consentirà di comprendere a pieno il valore che la Francia assunse nell’opera e nel pensiero del « vate de l’avvenire ». Résumé : Dans les années soixante du XIXe siècle, la poésie de Giosuè Carducci, alias Enotrio Romano, traite principalement de thèmes politiques. Les contenus et les finalités extra-littéraires que l’on retrouve dans ces vers vont de pair avec l’expérimentation de solutions formelles et linguistiques inédites. Carducci, auteur d’épodes, se tourne vers la France, où l’entrainent des raisons idéologiques ainsi que sa recherche esthétique. Dans ses vers militants, la « nation sœur » entretient avec l’Italie un dialogue serré, permettant à l’auteur de définir sa poétique tout en précisant sa vision politique, dressant un bilan du passé et imaginant des déroulements futurs. L’épode Per Eduardo Corazzini montre la forme et les raisons du lien inséparable qui unit, pour Enotrio Romano, la France et l’Italie. Cette contribution va analyser de façon ponctuelle ce poème, dont l’interprétation nous permettra de comprendre pleinement le rôle que la France a joué dans l’œuvre et la pensée du « vate de l’avvenire ».

1. G. Carducci, Giambi ed epodi, I, III. Desidero ringraziare il personale di Casa Carducci per aver facilitato le mie ricerche. Sono grata a Laura Fournier-Finocchiaro e ai revisori di Transalpina per i loro preziosi consigli. Ricorrerò alle seguenti sigle : CC = Casa Carducci, Bologna ; LEN = Edizione nazionale delle lettere di Giosuè Carducci, Nicola Zanichelli editore, Bologna, 1938-1968 ; OEN = Edizione nazionale delle opere di Giosuè Carducci, Nicola Zanichelli editore, Bologna, 1935-1945 ; P = Poesie di Giosuè Carducci (Enotrio Romano), G. Barbèra editore, Firenze, 1871 ; GE82 = Giambi ed epodi di Giosuè Carducci (1867-1872) nuovamente raccolti e corretti, con prefazione, Nicola Zanichelli editore, Bologna, 1882 ; GE94 = Giambi ed epodi [1894] e LG93 = Levia gravia [1893] fanno parte delle Opere di Giosuè Carducci, Nicola Zanichelli editore, Bologna, 1889-1909.

Transalpina, no 21, 2018, Entre France et Italie…, p. 153-170 154 Chiara Tognarelli

Estate 1867 Il 12 agosto del 1867 Carducci lasciò Firenze e si recò a Pieve S. Stefano, in Val Tiberina : era sua intenzione rimanervi una settimana, ma poi vi si fermò più a lungo, fino al 27 2. Ad ospitarlo fu Francesco Corazzini : la sua famiglia, di origini nobili e fede repubblicana, era nativa di quei luoghi 3. Nella casa dei Corazzini, a Bulciano, una località di Pieve S. Stefano, il poeta trascorse giorni piacevoli, durante i quali assaporò quella vita rurale che costituiva un suo desiderio frustrato, oltre che un mito primigenio del suo immaginario :

Qui si bee buon vino : si mangia a mezzogiorno lepri uccise la mattina alle 8 o alle 9 : si odono preti dire grandi sciocchezze e eresie e bere su l’erba fra gli eretici : si vedono balli di contadini con cittadini : si vede e si ode di gran busse date con convinzione e compunzione. Questo scrivo, ritornando dalla festa della Madonna del faggio. Ascolta, invidia, imita 4.

Così scriveva a Chiarini il 15 agosto, « giorno dell’Assunzione di Maria SS. – sottolineava nell’intestazione della lettera – (treno diretto per il paradiso) » 5. L’umore di Carducci era alto : oltre alla buona compagnia e ai ritmi di una quotidianità a lui congeniale, era l’aria pervasa d’elettricità politica a ritemprarlo. Nell’estate del 1867 il clima politico era andato surriscaldandosi fino all’incandescenza. Garibaldi aveva deciso di organizzare una nuova spedizione di volontari per liberare Roma. Per il Generale, quello di Roma ancora vaticana era un pensiero angoscioso : riteneva che il processo di unificazione nazionale dovesse compiersi, per via armata e rivoluzionaria, senza ulteriori indugi, e gli pareva che, date le condizioni politiche internazionali e italiane, un’azione militare rapida avrebbe inibito la reazione di Napoleone III. Contando sul tacito appoggio della monarchia sabauda e su quello di Rattazzi, che era tornato ad essere ministro dell’Interno nell’aprile di quell’anno, aveva ripreso l’arruolamento delle camicie rosse e proprio in Toscana aveva stabilito

2. L’11 agosto del 1867, da Firenze, dove allora si trovava, Carducci scrisse a Felice Le Monnier : « domani vo in Val Tiberina, e mi vi trattengo per una settimana », LEN V, p. 132. Il 26 agosto scrive alla moglie Elvira che sarebbe rientrato a Firenze il giorno successivo, ibid., p. 135. Il 1o settembre è di nuovo a Firenze, da dove si appresta a ripartire per Bologna, ibid., p. 136-137. 3. Carducci aveva conosciuto Francesco Corazzini (1832-1914 ca.) nel 1852, a Firenze, alle scuole di San Giovanni degli Scolopi. Rimando a G. Rita, « Cimeli carducciani nell’Alessandrina di Roma », I-III, Accademie e Biblioteche d’Italia, LIX (42o ns.), no 4 (ottobre-dicembre 1991), p. 22-46 e L. Della Bianca, « Tra le amicizie di Carducci : Napoleone Corazzini », Otto / Novecento, XV, settembre-ottobre 1991, p. 119-126. 4. A.G. Chiarini, 15 agosto 1867, LEN V, p. 134. Con entusiasmo racconterà alla moglie di quei bei giorni trascorsi a Pieve S. Stefano, lettera a E. Menicucci, 26 agosto 1867, ibid., p. 135. 5. Ibid., p. 134. « Noi che t’amammo, o Francia »… 155 il centro propagandistico e operativo della sua nuova impresa. Lo scoppio di un’insurrezione all’interno dello Stato Pontificio avrebbe permesso di aggirare la Convenzione di settembre ; i volontari in camicia rossa sarebbero poi intervenuti a sostegno degli insorti : questa era la strategia che aveva immaginato. In quel mese di agosto si era passati all’azione : i garibaldini si stavano muovendo da più parti d’Italia verso i confini settentrionali dello Stato pontificio, nel quale penetravano alla spicciolata o in piccoli gruppi. Si attendeva un cenno da parte del Generale. Ad attenderlo, erano anche alcuni degli uomini della brigata bulcianese di Carducci 6. Per Carducci, quel viaggio dell’agosto del 1867 nella Bassa Toscana non fu una semplice zingarata : il suo a Pieve S. Stefano fu un soggiorno politico. In quei giorni il poeta di Satana compì alcuni riti patriottici – il pellegrinaggio laico alla Verna e alle sorgenti del Tevere 7 – e rafforzò il legame d’amicizia con alcuni di quei volontari che di lì a poche settimane avrebbero partecipato alla Campagna dell’Agro romano. Al suo rientro a Bologna, si sarebbe attivamente impegnato per sostenere l’iniziativa garibaldina ; lo avrebbe ricordato lui stesso nella prefazione a Giambi ed epodi (1882), seppur in modo rapido e obliquo – perché in quei primi anni Ottanta già aveva iniziato la rilettura ex post della sua militanza di allora :

Nel ’67 feci anche parte del Comitato direttivo d’un’associazione democratica di Bologna, e cooperai alla spedizione garibaldina dell’agro romano. Ma, prevalendo su la fine dell’anno nelle sedute la eloquenza, della quale e segnatamente della popolare io mi confesso scarsissimo ammiratore, mi ritirai dal Comitato per occuparmi a ordinare e illustrare una grande raccolta di canzoni a ballo, di canti carnascialeschi e di poesie popolari antiche, che in questi anni di estravagazioni anarchiche avevo ricercate e copiate quasi tutte di mia mano per le biblioteche di Firenze e d’altrove ; raccolta che prima o poi pubblicherò ordinata in più volumi meglio che non facessi nel saggio uscito del ’71 8.

6. E. Cecchinato, Camicie rosse. I garibaldini dall’Unità alla Grande Guerra, Roma – Bari, Editori Laterza, 2007, p. 118-148, A. Scirocco, Garibaldi. Battaglie, amori, ideali di un cittadino del mondo, Roma – Bari, Editori Laterza, 2007, p. 342-344, A. Sconocchia, Le camicie rosse alle porte di Roma. Il tentativo garibaldino del 1867 a Roma e nello Stato Pontificio. La rivolta di Cori, Roma, Gangemi Editore, 2011. 7. Un resoconto dettagliato nella lunga nota alla poesia A Giosuè Carducci contenuta nella raccolta Affetti e pensieri adombrati da Francesco Corazzini, Pistoia, Società Tipografica Pistoiese Carducci, Bongiovanni & C., 1867, p. 137-143. 8. G. Carducci, Prefazione a GE82, p. VI-VII. Il 1o dicembre 1867 Carducci aveva ribadito ai dirigenti dell’Unione democratica la propria decisione di dimettersi da membro del Consiglio direttivo, adducendo ragioni professionali e familiari (« L’insegnamento che vorrei riprendere con maggior lena, i seri impegni che ho di lavori letterari, gli affari e doveri di famiglia, mi richiedono attenzione e tempo »), LEN V, p. 166-167. Carducci era uno dei sette membri 156 Chiara Tognarelli

In realtà, a convincerlo a ritirarsi dal Comitato e a rassegnare le dimissioni da ogni altra carica direttiva dell’Unione Democratica – di cui comunque rimase membro – fu la minaccia di un trasferimento all’Università di Napoli, a insegnare Latino : una minaccia che, fatto salvo per queste dimissioni, non frenò la sua militanza repubblicana e democratica, né tacitò la musa di Enotrio Romano 9. A caldo, durante quelle giornate di svago e di sfogo nella campagna aretina, Carducci scrisse l’ode conviviale Agli amici della Pieve San Stefano (Val Tiberina) : una « fanfara » 10 con la quale, rivolgendosi ai propri « nuovi amici » (v. 3), celebrava la bellezza della loro terra natale, Bulciano, « […] albergo di baroni antico, / Or di libere menti e d’alti cor » (v. 7-8), ed esaltava i concreti obiettivi politici e le idealità che a loro lo univano e che nell’ode sintetizzava nello slogan « Morte a’ tiranni » (v. 63). Era un brindisi di speranze e furori, erano « stanze pagane » 11 che profetizzavano una Roma presto libera, finalmente italiana 12. Ma proprio a uno di quegli amici di Bulciano, di lì a pochi mesi Carducci avrebbe dovuto dedicare un epicedio : Per Odoardo Corazzini morto delle ferite ricevute nella Campagna Romana, poi intitolato Per Eduardo Corazzini morto delle ferite ricevute nella Campagna romana del MDCCCLXVII 13. Era il primo epodo di Enotrio Romano ; era l’inizio della stagione giambica.

del comitato costituito dall’Unione Democratica Bolognase per sostenere la Campagna : lo conferma G. Chiarini, Memorie della vita di Giosuè Carducci (1835-1907) raccolte da un amico, seconda edizione corretta ed accresciuta, Firenze, G. Barbèra editore, 1907, p. 170. 9. Per un resoconto fattuale, M. Biagini, Giosuè Carducci. Biografia critica, Milano, Mursia, 1976, p. 175-177, e M. Veglia, « La vita vera ». Carducci a Bologna, Bologna, Bononia University Press, 2007, p. 127-131. 10. G. Chiarini, Memorie della vita di Giosuè Carducci…, p. 170. 11. A Giuseppe Barellai, 29 dicembre 1867, LEN V, p. 170. 12. L’ode uscì in opuscolo presso la tipografia di cui il fratello del poeta, Valfredo Carducci, era socio : Agli amici della Pieve San Stefano (Val Tiberina) Napoleone Corazzini, Prof. Francesco, Odoardo, Antonio, Giuseppe fratelli Corazzini, Damiano Corazzini, Lorenzo Corazzini, Giovanni Zabagli, Giuseppe Mercanti, dott. Francesco e Marco fratelli Fratini, Capit. Antonio Marcucci, Antonio e Tito fratelli Baldassini, Tommaso Barcialli, Pietro Bellini, Pistoia, Società tipografica pistoiese Carducci, Bongiovanni & C., 1867. Il 24 settembre 1867 Francesco Corazzini scriveva a Carducci : « Abbiamo ricevuto le 50 copie del tuo infuocato brindisi. Ho dato una copia distinta e una in carta semplice a ciascun degli Amici » (CC, Carteggio Carducci, Corrispondenti, Cart. XXXV, 62, no 9928). L’ode fu poi edita nella « Rivista Bolognase di scienze, lettere, arti e scuole », vol. II, fasc. III, Bologna, Fava e Garagnani, 15 sett. 1867 [ma dopo il 24 sett.], p. 247-249, col titolo Presso le sorgenti del Tevere. (Agli amici della Pieve San Stefano). Passò in volume, col titolo Agli amici della Val Tiberina, in P, Decennali I, XI, p. 50-53. Col titolo definitivo Agli amici della Valle Tiberina si legge in GE82 I, II ; in GE94 apre il primo libro. 13. L’epodo uscì sull’« Amico del popolo » (CC, Cart. I, 232, 03r-v, 04r) e fu ripreso da altri periodici italiani ; se ne tratterà più avanti. Fu pubblicato in volume in P, Decennali II, II. Assunse il titolo Per Eduardo Corazzini morto delle ferite ricevute nella Campagna romana « Noi che t’amammo, o Francia »… 157

Martiri e carnefici Reduce delle imprese garibaldine del 1859 e del 1860, Odoardo Corazzini, classe 1836, era tornato ad indossare la camicia rossa per prendere parte alla Campa- gna dell’Agro romano. Durante la battaglia di Monterotondo, combattuta il 25 e il 26 ottobre 1867, era stato gravemente ferito 14 ; delle conseguenze di quelle ferite era spirato il 1o gennaio del 1868. La notizia della sua morte raggiunse Carducci in giorni d’ira : quel lutto incupiva la sua rabbia per le politiche repressive del governo, che cercava di soffocare il movimento democratico – in questo quadro si inseriva anche il tentativo di trasferimento a Napoli subìto dal poeta –, ed esacerbava la sua frustrazione per il drammatico fallimento della Campagna dell’Agro romano. I fatti della caserma Serristori e di Villa Glori, il disastro di Mentana, la mancata sollevazione di Roma, lo sbandamento dei garibaldini e, più in generale, il crollo del fronte democratico avevano segnato la fine della via rivoluzionaria alla liberazione di Roma. Di questo disastro Carducci dava la colpa all’inettitudine del governo dei moderati, oltre che al papa e al despota Napoleone III, nemici naturali dell’Italia. « Io gli raccomando tutti alla santa guigliottina », sbottava in una lettera a Chiarini del 19 gennaio : ancora continuava a sperare che la rivoluzione – su modello francese (e riluce nell’icona della « santa guigliottina » tutto l’immaginario del Carducci francofilo) – facesse piazza pulita dei moderati, « che oramai per me – sentenziava – son reazionari » 15. Il « fausto giorno » della liberazione di Roma immaginato a Bulciano nell’estate del 1867 era sfumato in modo tragico ; doveva quindi compiersi la metamorfosi di Enotrio Romano in poeta « romito e taumaturgo », che dal suo rifugio « ne le tombe de’ padri », con le sue arti magiche, facesse scaturire dai monti da cui nasce il Tevere non acqua, ma fuoco, per mandarne le fiamme distruttrici « a Roma indegna, / Al Campidoglio vile » (Agli amici della Valle Tiberina, v. 73-74, 76, 79-80). Per Odoardo Corazzini adempie a questo voto, dirottando, però, parte di quelle fiamme Oltralpe :

del MDCCCLXVII in GE82 I, IV, e tale lo avrebbe conservato nell’edizione definitiva, GE94 I, III. È probabile che Carducci abbia mutato il nome « Odoardo » in « Eduardo » per evitare una omonimia quasi perfetta : quella del garibaldino caduto con Giuseppe Odoardo Corazzini, avvocato ed erudito suo coetaneo (1836-1908). 14. A Monterotondo, non a Mentana, come invece riportano i commenti. A indurre all’errore è Carducci. Significativo quanto scrive il 20 gennaio 1868 a Francesco Corazzini : « Ho commesso un errore (e quasi quasi lo dico felice) : ho creduto che il povero Odoardo fosse ferito a Mentana : il che mi ha dato argomento all’apostrofe alla Francia e al cenno per l’imperatore. A ogni modo ; la Francia intervenne anche a Monterotondo ; v’intervenne co’ suoi volontari ; v’intervenne con la politica di L. Napoleone che dette baldanza al papa », G. Rita, « Cimeli carducciani nell’Alessandrina di Roma », p. 37-38. 15. LEN V, p. 188. 158 Chiara Tognarelli

Dunque d’Europa nel servil destino Tu il riso atroce e santo, O di Ferney signore, e, cittadino Tu di Ginevra, il pianto

Messaggeri invïaste, onde gioioso Abbatté poi Parigi E la nera Bastiglia e il radïoso Scettro di san Luigi ;

Dunque, tra ’l ferro e ’l fuoco, al piano, al monte, Cantando in fieri accenti, Co’ piedi scalzi e la vittoria in fronte E le bandiere a’ venti,

Vide il mondo passar le tue legioni, O repubblica altera, E spazzare a sé innanzi altari e troni, Come fior la bufera ;

Perché, su via di sangue e di tenèbre Smarriti i figli tuoi E mutata ad un’upupa funèbre L’aquila de gli eroi,

Là ne’ colli sabini, esercitati Dal piè de l’immortale Storia, tu distendessi i neri agguati, Masnadiera papale,

E, lui servendo che mentisce Iddio, Francia, a le madri annose Tu spegnessi i figliuoli et il desio Di lor vita a le spose,

E noi per te di pianto e di rossore Macchiassimo la guancia. Noi cresciuti al tuo libero splendore, Noi che t’amammo, o Francia ? (v. 1-32) 16

16. Cito il testo da GE94. « Noi che t’amammo, o Francia »… 159

L’attacco della poesia trascina istantaneamente il lettore in un ragio- namento che sembra iniziato in precedenza, come induce a pensare l’incisivo « Dunque » d’esordio (v. 1), poi ripreso poco oltre (v. 9) proprio a rilanciare questo continuo interrogare ed interrogarsi, questo arrovellarsi angoscioso – è « del pensiero il tarlo », è il corrosivo « malor civile » di Idillio maremmano (v. 40 e 44) – sul destino della Francia e, di riflesso, dell’Italia. La prima parte del componimento, segnata da un piglio oratorio, è appunto costituita da un’ampia domanda retorica, bilicata tra denuncia e lamento : il poeta chiede alla Francia perché la sua storia più gloriosa, che era iniziata con l’Illuminismo e culminata con la Repubblica, avesse finito per risolversi nella scellerata alleanza tra Napoleone III e il papa – il « triste amplesso di Pietro e Cesare » che rievocherà dolorosamente anni dopo 17 –, gettando così nella disperazione i patrioti italiani, che avevano fatto propri gli ideali dell’Ottantanove e che alla Francia rivoluzionaria continuavano a guardare come alla nazione-guida per il progresso politico e civile europeo. Nelle strofe centrali del componimento il poeta tratteggia il profilo di Corazzini, la cui figura inaugura quel Pantheon di « martiri del diritto italiano » 18 che avrebbe poi accolto, epodo dopo epodo, Monti, Tognetti, Bassi, Cairoli, Mameli 19. Per liberare Roma dall’« inverecondo strazio » (v. 72), ossia dalla tirannide oscena del papa, il giovane Corazzini aveva rinunciato alle gioie proprie della sua età, abbandonando la madre venerata e la donna amata : per Roma « corse a morire » (v. 88), e adesso che è morto si trova assieme ai martiri della Repubblica Romana del 1849 – è « co’ i caduti là nel giugno ardente » (v. 93) – e con quanti furono uccisi a Parigi, per le strade di Montmartre, dalle truppe del Bonaparte nel « decembre algente » del 1851 (v. 95). Ora gli uni e gli altri, i repubblicani italiani e

17. A Giuseppe Garibaldi, III novembre MDCCCLXXX, v. 18, Odi barbare I, XVIII. 18. Per Giuseppe Monti e Gaetano Tognetti martiri del diritto italiano, GE94 I, VI. 19. E più tardi, anche Oberdan, « martire della religione della patria » e della causa irredentista, OEN XIX, p. 191-198. Carducci « partecipò al culto degli eroi del Risorgimento e alla sacralizzazione dei martiri delle guerre dell’Ottocento, così come all’elaborazione di una vera e propria religione laica della patria che inscenava la partecipazione collettiva del “popolo-nazione” alla costruzione dell’Italia unita » ; ciò è particolarmente evidente « nelle sue poesie dedicate alle battaglie risorgimentali, in particolare a quelle garibaldine », Ead., « La rappresentazione della guerra e della “nazione armata” nella poesia di Carducci », in Carducci, la storia e gli storici, E. Torchio (a cura di), Modena, Mucchi, 2012, p. 7. Sul Carducci costruttore di miti nazionali, Ead., Giosuè Carducci et la construction de la nation italienne, Caen, Presses universitaires de Caen, 2006. Sul carattere popolare del Risorgimento di Enotrio Romano ha scritto pagine significative Umberto Carpi. Ha ricostruito la storia di questo mito carducciano A. Merci, « “Come disperar della plebe ?” : Carducci e il mito infranto del popolo nazionale », in Annali della Fondazione Verga, Moti popolari nella letteratura italiana tra Unità e Prima guerra mondiale, N. Mineo (a cura di), n.s. X (2017), p. 9-26. 160 Chiara Tognarelli quelli francesi, accomunati dal martirio in nome della patria e del diritto, chiedono giustizia a Dio, e Nemesi, implacabile vicaria, risponde guardando ai crimini commessi da Napoleone III, il « Cesare sinistro » (v. 99), il « bieco imperatore » (v. 100) del quale la dea ha annotato, e non può quindi né dimenticare né lasciare impuniti, i crimini di cui si è reso colpevole 20. Nella terza parte della poesia si sdipana una lunga invettiva contro il papa – l’innominato Pio IX –, invettiva che culmina, dopo una climax di apostrofi infamanti (« prete empio », v. 112 ; « vecchio prete infame », v. 124 ; « feroce vecchio », v. 148 ; « vecchio sanguinante », v. 156, che gronda, cioè, del sangue delle sue vittime ; « pontefice fosco del mistero / Vate di lutti e d’ire », v. 169-170), nella scomunica che il poeta, ergendosi a vendicatore degli innocenti, a garante della verità e a cantore di un futuro necessario, gli infligge :

Te da la piëtà che piange e prega, Te da l’amor che liete Le creature ne la vita lega, Io scomunico, o prete ;

Te pontefice fósco del mistero, Vate di lutti e d’ire, Io sacerdote de l’augusto vero, Vate de l’avvenire. (v. 165-172)

Tre movimenti, quindi, scandiscono questo epodo : l’accorata rievo- cazione dei valori fondativi della Francia, che rimane nazione-faro per l’Italia nonostante Napoleone III l’abbia degradata a « masnadiera papale » (v. 24), a serva del dispotismo vaticano, rendendola non solo ostile ai patrioti italiani, ma addirittura avversa a se stessa e alla propria vocazione di guida dell’Europa moderna ; la consolatoria impossibile per la morte di Corazzini e il suo martirologio laico, contrapposto alla maledizione scagliata contro Napoleone III, il tiranno della cui discendenza Enotrio Romano profetizza la rovina ; la condanna senza appello del papa, ritratto come un mostruoso assassino, come un despota ferino, brutale, sangui- nario – e già balugina, qui, il senso della prima quartina del sonetto per Ugo Bassi :

20. « Chi interrompe il diritto […] chi mette in luogo della legge la forza » determina la rovina dei suoi « rappresentanti dinastici », dei suoi incolpevoli eredi e successori (OEN XXV, p. 108). Questa è la funzione svolta dalla nemesi storica, secondo Carducci. Esemplare svolgimento in versi di questo tema è Per la morte di Napoleone Eugenio (1879), in Odi barbare, I, XVII. « Noi che t’amammo, o Francia »… 161

Quando porge la man Cesare a Piero Da quella stretta sangue umano stilla : Quando il bacio si dan Chiesa ed Impero, Un astro di martirio in ciel sfavilla 21.

Carnefici di Corazzini e nemici del garibaldinismo repubblicano sono Napoleone III e il papa, non la Francia, nazione alla quale l’Italia e l’Europa sono debitrici delle idee stesse di libertà, modernità, progresso. Nessuna stretta di mano fra Cesare e Piero avrebbe potuto estinguere « il credito » che la nation sœur « aveva accumulato con la rivoluzione culturale dell’illuminismo e con la rivoluzione politica del 1789 » 22 : è questo l’assunto del primo epodo di Enotrio Romano ; l’anticesarismo, l’anticlericalismo e l’antimoderatismo ne costituiscono i teoremi e i corollari necessari. Del resto, nella riflessione di Carducci un saldo filo storiografico e mitografico affratella repubblicani francesi e patrioti italiani, stabilendo un gemellaggio ideale fra Rivoluzione francese e Risorgimento italiano. Dopo Mentana, per riaffermare questo legame occorreva risolvere il cortocircuito determinato dall’intervento delle truppe napoleoniche contro le camicie rosse. Era un atto insensato e disorientante per chi aveva amato la Francia del 1789, maestra di rivoluzione, portatrice di valori universali non contrattabili, e dunque Enotrio Romano, che del sovversivismo democratico e repubbli- cano era il bardo, si assumeva il compito di ridistribuire colpe e ragioni. Sembrava che gli chassepots coi quali l’esercito di Napoleone III aveva sostenuto gli zuavi avessero reciso una volta per sempre il legame tra le due nazioni ; con l’epodo Per Eduardo Corazzini il « Vate de l’avvenire » dimostrava che così non era stato. Carducci non avrebbe mai receduto da questa convinzione. Lo dimostra il suo sostegno alla spedizione garibaldina in soccorso della Francia nel conflitto franco-prussiano : « nobile » avrebbe definito il suolo sul quale era caduto Giorgio Imbriani, un giovane garibaldino suo allievo e sodale morto a Digione il 21 gennaio del 1871. Al martire Imbriani, che gli « rasso- migliava i grandi morti della Repubblica partenopea » e che coi compagni in camicia rossa, « primavera sacra d’Italia », aveva « vendicato Mentana e Roma cadendo vittorioso su la nobile terra di Francia » 23, Enotrio Romano dedicava le sue Poesie. Il cerchio, dunque, si chiudeva : i repubblicani del 1799 napoletano innescato dall’Ottantanove francese prefiguravano l’Imbriani morto a Digione settantadue anni dopo, caduto per gli stessi ideali, oltre

21. Via Ugo Bassi, v. 1-4, GE94 I, IX. 22. U. Carpi, Carducci. Politica e poesia, Pisa, Edizioni della Normale, 2010, p. 34. 23. G. Carducci, Al lettore, P, p. XXII-XXIII. 162 Chiara Tognarelli che per riscattare altri morti e per seguire il modello di altri martiri, come Corazzini. Ancora, nel 1872, nel primo anniversario della battaglia di Digione e della morte di Imbriani, Carducci avrebbe tuonato :

La democrazia poteva ella dimenticare il 1789 e il 1793 ? poteva ella dimenticare che la libertà e la filosofia avean preso le mosse da Parigi per correre con le bandiere vittoriose della Convenzione tutta l’Europa ? poteva ella dimenticare, che, dovunque un soldato francese è sepolto, poniamo pure che morto per la violenza del momento anzi che per la libertà, in Portogallo e in Spagna, su le rive del Reno e del Po, ivi la terra ha ribollito poi sempre di rivoluzione e i re non vi han più potuto tener fermi i lor troni ? La democrazia poteva ella dimenticare tutto codesto, e la proclamazione dei diritti dell’uomo, e la costituzione del ’94, e il nuovo mondo che ne è venuto fuori 24 ?

Era un ammonimento in forma di domanda retorica. Un decennio più tardi, coi sonetti del Ça ira Carducci avrebbe celebrato la Rivoluzione francese quale unico fatto di caratura epica dell’età moderna ; nell’omonima prosa apologetica avrebbe ribadito che si doveva essere grati per « la coscienza di noi stessi che i francesi con la repubblica e l’impero ci resero », dato che era stata la Francia a « rifare il sangue di quel vecchio popolo italiano, di frati, briganti, ciceroni e cicisbei », « altro che cataplasmi di riforme » 25. Una certezza, questa dell’inesauribile eredità dell’Ottantanove, che, al di là dell’evoluzione del proprio pensiero politico, Carducci avrebbe sempre tenuto al centro del proprio sistema ideologico e della propria poesia.

Nel segno ideale ed estetico della Francia L’epodo per Corazzini esce sull’Amico del Popolo di Bologna, il quotidiano repubblicano della città felsinea, in due puntate, domenica 19 e lunedì 20 gennaio 1868 26. Le sue ultime strofe vengono poi riprese il 21 gennaio

24. G. Carducci, Un anno dopo. 21 gennaio 1872, OEN XIX, p. 24-25. 25. OEN XXIV, p. 28-29. Ne tratta L. Fournier-Finocchiaro, « La rappresentazione della guerra e della “nazione armata” nella poesia di Carducci », p. 13. In generale sul Ça ira e sull’omonima prosa apologetica, S. Baragetti, Carducci e la rivoluzione. I sonetti di Ça ira. Storia, edizione, commento, prefazione di W. Spaggiari, Roma, Gangemi Editore, 2009, e U. Carpi, Carducci. Poesia e politica, p. 27-28 e 291-304. 26. Sui quotidiani Bolognasi di orientamento repubblicano usciti tra il 1867 e il 1874, ossia nel giro d’anni che va dalla battaglia di Mentana al primo tentativo insurrezionale degli anarchici di Andrea Costa, rimando a L. Arbizzani, « Giornali repubblicani Bolognasi tra il 1867 e il 1874 », Quaderni culturali Bolognasi, a. I, no 3 (settembre 1977), G. Roversi (a cura di), Bologna, Atesa 1977, p. 5-30 ; queste schede sono state successivamente incluse in Id., La Stampa periodica socialista e democratica nella provincia di Bologna 1860-1926, M.C. Sbiroli (a cura di), Bologna, Editrice Compositori, 2014 ; per « L’Amico del Popolo », « Noi che t’amammo, o Francia »… 163 dall’Indipendente di Bologna, precedute da una presentazione di Enrico Panzacchi :

Mentana doveva avere il suo poeta : e l’ha avuto in Giosuè Carducci (Enotrio Romano). L’ode sua a Odoardo Corazzini morto delle ferite ricevute in quella gloriosa rotta, resterà monumento insigne della poesia moderna. Essa si leva alle più alte regioni della lirica ; compiange alla sventura con accenti d’ineffabile pietà, maledice alle multiforme tirannide con unaferrea potenza di verso, che si lascia indietro di smisurato intervallo tutta la fiacca e femminea poesia del nostro tempo. Non crediamo fallace criterio di bellezza il grande entusiasmo che essa ha svegliata in noi ad una prima lettura […] 27.

L’11 febbraio è pubblicato sul quotidiano fiorentino La Riforma, diretto da Francesco Crispi 28. Anche qui la poesia è presentata con toni entusiastici, quale « vindice » dei martiri in camicia rossa e di tutto il movimento demo- cratico :

Alla Musa civile che sorge vindice della gloria nostra, del nostro diritto e mette un alloro ove i tiranni di Roma e i loro complici di Parigi e fors’anche di Firenze vollero erigere una colonna infame su cui sta scritto il nec plus ultra al plebiscito ; a questa Musa la Riforma non può non far eco, e però s’impossessa del suo canto, e lo getta alle moltitudini perché ne pascano il cuore e in tanta iattura d’uomini e di cose non si lascino vincere alla sonnolenza che dimentica e poi rinnega. A questo titolo, ecco un inno degno di Tirteo ; inno che proclama e prepara la vittoria morale d’un principio fatto immortale dal sangue dei suoi martiri 29.

Il 16 gennaio è sulla Cronaca grigia di Milano, settimanale d’orienta- mento radicale diretto da Cletto Arrighi, pseudonimo di Carlo Righetti : nella rubrica « Libri e giornali » viene riportata gran parte dell’epodo ; nel cappello introduttivo, il direttore afferma che Enotrio Romano è «il primo fra i nostri poeti contemporanei » 30. Alcuni versi comparvero anche su un

ibid., p. 29-37. Tratta dei periodici Bolognasi della seconda metà dell’Ottocento e quindi anche di questi P. Neri, « Il giornalismo Bolognase nel periodo post-unitario », Archiginnasio, LVIII (1863), p. 250-396, poi Bologna, Azzoguidi, 1965. Per un inquadramento generale della stampa italiana del periodo risorgimentale si rimanda a A. Galante Garrone, F. Della Peruta, La stampa italiana del Risorgimento, Roma – Bari, Laterza, 1979. 27. Trascrivo dal ritaglio di giornale conservato a CC, Cart. I, 232, 05r. 28. Ad aver sottoscritto il programma di questo nuovo quotidiano di Firenze – il primo numero era uscito il 4 giugno del 1867 – erano stati, oltre a Crispi, Agostino Bertrani e Benedetto Carioli. 29. CC, Cart. I, 232, 06r. 30. CC, Cart. I, 232, 07r. 164 Chiara Tognarelli giornale di Palermo 31. La diffusione dell’epodo testimonia il successo che quella poesia riscosse, ben oltre Bologna e la Romagna, fin nella malvona Firenze, nella Milano anarcoide, in Sicilia. Carducci è convinto di aver fatto qualcosa di nuovo. Il 19 gennaio, all’amico Adolfo Borgognoni, che, come lui, è animato da accesi convin- cimenti repubblicani, aveva annunciato : « Enotrio Romano oggi e domani stampa e stamperà nell’Amico del Popolo un non so che fra trenodia ed epodo, fra elegia e giambo ; e scomunica il papa. Della sua bolla ti manderà poi copia autenticata » 32. Una decina di giorni dopo ne promette una copia a Carlo Gargiolli (« Avesti due numeri dell’Amico del popolo ? Fra poco avrai la bolla di scomunica in copia autenticata. Che effetto ti fece ? » 33) e a Isidoro Del Lungo (« Fra pochi giorni avrai una cosa mia in versi di cui a tuo comodo vorrai dirmi il giudizio tuo » 34). Carducci freme : vuole sapere che cosa i suoi amici pensino della sua ultima fatica. Il 7 febbraio spedisce l’epodo a Terenzio Mamiani, a Benedetto Cairoli, a Garibaldi 35 ; il 9 lo manda all’amico e già garibaldino Luigi Billi, raccomandandosi che sia lui che la moglie Marianna Giarré gli scrivano presto le loro impressioni :

Eccoti tre copie della bolla di scomunica che io mi son preso il gusto di lanciare contro il Santo Padre. […] Si desidererebbe del resto aver qualche notizia di voi altri e dell’impressione che la scomunica vi farà. Sul serio. Ho tentato un’altra materia e avrei caro di sapere il giudizio e il sentimento tuo e della signora Giarré 36.

A fine mese, in una lettera a Chiarini, Carducci passa in rassegna le reazioni che l’epodo ha suscitato : il bilancio è positivo 37. « Scapigliati e pedanti, me ne scrivono mirabilia », afferma con orgoglio : i lettori più diversi per gusti letterari e orientamento politico concordano nel ritenere quei versi innovativi e ne sottolineano la modernità. A inorgoglire il

31. LEN V, p. 210 e G. Chiarini, Memorie della vita di Giosuè Carducci…, p. 171. 32. LEN V, p. 190. 33. Ibid., p. 191. Dall’epistolario si desume che aveva mandato ad Adriano Cecioni copie dell’epodo e dell’A Satana per lui e per Telemaco Signorini (lettera del 25 febbraio a Cecioni, ibid., p. 207). A Felice Tribolati, il 2 marzo, avrebbe poi scritto : « sapevo che l’epodo di Enotrio in Pisa generalmente non era piaciuto ; e dicevano che era dell’entusiasmo a freddo e che non si poteva andare in fondo. Il che, a dir la verità, mi pareva un po’ troppo. Ma, ora che sono sicuro della tua approvazione, non cerco più altro », ibid., p. 212-213. Il 25 marzo avrebbe scritto ad Alessandro D’Ancona : « Ti mando due Satani. Vorresti anche Scomunica ? », ibid., p. 215. 34. Ibid., p. 196. 35. Ibid., p. 197-198 ; OEN XXVI, p. 335-336. 36. LEN V, p. 201-202. 37. Ibid., 210-211. « Noi che t’amammo, o Francia »… 165 poeta è soprattutto quanto gli ha scritto Terenzio Mamiani : oltre alle lodi, sembra gli piacciano le sue critiche. Quasi lo gratifica, infatti, che all’orecchio di quel venerato maestro l’epodo risuoni del « far gonfio e scapigliato di V. Hugo » 38. A Chiarini, Carducci riporta le parole della lettera che Mamiani, in risposta all’invio dell’epodo, gli aveva scritto il 9 febbraio 39. In effetti, dopo aver lodato alcuni versi « di straordinaria bellezza » ed aver notato che « nel tutto insieme » si potevano riconoscere « i segni e le fattezze d’un genere nuovo in cui la passione trabocca e forse anche eccede », l’illustre letterato aveva precisato che talvolta i passaggi del verseggiare carducciano gli erano parsi oscuri, ambigui, e che gli sembrava di poter riscontrare « qualche verso negletto, qualche durezza di ritmo e alcune parti troppo moderne e che ricordano il fare tronfio e scapigliato di Victor Hugo » 40. Un eccesso scomposto di modernità, per quel classicista che già apparteneva ad un altro tempo : un difetto di cui esser fieri, per Carducci, che a lungo era andato cercando la « vera Musa del secolo XIX » 41. Mamiani non sbagliava : Enotrio Romano aveva guardato alla Francia e soprattutto a Victor Hugo e ai suoi Châtiments. In effetti, l’epodo corazziniano vibra di versi hughiani, spesso ripresi letteralmente, quali autentici calchi 42. Carducci ne faceva un punto di forza della propria sperimentazione poetica, tant’è che, pubblicando il componimento in volume, nelle Poesie, sezione Decennali, avrebbe indicato lui stesso la matrice hughiana di alcuni dei versi più icastici : in fondo al volume, nelle note, avrebbe infatti dichiarato :

De’ martiri su ’l monte Il boulevard Montmartre, dove i colpi di fucile sanzionarono il colpo di stato del 2 dicembre 1851. Ne’ versi anteriori si accenna ai caduti nell’assedio di Roma del 1849. Di questa nota, per avventura superflua, mi servirò per confessare che due versi del presente epodo

38. Ibid., p. 210. 39. Il 7 febbraio Carducci gli aveva spedito « alcuni esemplari » dell’epodo, LEN V, p. 197. La risposta di Mamiani era quindi stata rapidissima. 40. Cito la lettera da U. Carpi, Carducci. Politica e poesia, p. 61n-62n. Già era stata pubblicata da R. Tissoni nel saggio Mamiani e Carducci, in Scuola classica romagnola, Atti del Convegno di Studi, Faenza, 30 novembre, 1-2 dicembre 1984, Modena, Mucchi, 1988, p. 227-278. 41. LEN V, p. 210. 42. Le singole riprese sono segnalate nei commenti a Giambi ed epodi ; qui mi limito a rimandare a G. Carducci, Giambi ed epodi, testimonianze, interpretazione, commento di E. Palmieri, Bologna, Nicola Zanichelli editore, 1960, p. 23-36, e a G. Carducci, Giambi ed Epodi, edizione critica a cura di G. Dancygier Benedetti, Modena, Mucchi, 2010, p. 32-33 e 204. 166 Chiara Tognarelli

E su ’l capo gli penzola inchiodato Gesù perché non fugga e l’altro O vecchio prete infame, gli debbo a Vittore Hugo, che nella Nox in fronte ai Châtiments scrisse, Sur une croix dressée au fond du sanctuaire Jésus avait été cloué pour qu’il restât, e ne’ Châtiments stessi, I, 6 : Ton diacre est Trahison et ton sous-diacre est Vol ! Vends ton Dieu, vends ton âme. Allons, coiffe ta mitre, allons, mets ton licol, chante, vieux prêtre infâme 43.

Carducci « confessa » i propri debiti come fossero meriti : Hugo è una auctoritas da svelare per presentare la propria identità poetica e per dichiarare attraverso quali letture essa si è formata. Del resto, in anni difficili, i primi Sessanta, durante i quali non era riuscito che a poetare a vista, alternando afasia e risultati frustranti, era stato proprio Hugo a fornirgli un modello di Tirteo moderno ed europeo, un esempio riuscito di poeta civile. In quel periodo di sradicamento – non più fiorentino, ma non ancora bolognese, sicuro del proprio classicismo pagano, ma bisognoso di rifondarlo su autori nuovi, inquadrandolo in un orizzonte europeo –, Carducci aveva rivolto il proprio sguardo alla Germania e alla Francia. In particolare, si era dedicato allo studio della storia francese degli ultimi ottant’anni 44. È allora che mette la rivoluzione francese al centro dei propri interessi : legge l’Histoire de la Révolution di Jules Michelet, l’Histoire de la Révolution française e l’Histoire de dix ans (1830-1840) di Louis Blanc. A Michelet e a Blanc si aggiungono altri storici della generazione dei nati tra Sette e Ottocento : di Augustin Thierry studia i saggi di storia medievale ; di François Guizot, l’Histoire générale de la civilisation en Europe e l’Histoire de la civilisation en France ; di Edgar Quinet apprezza soprattutto le Révolutions d’Italie, saggio che patrocina

43. P, p. 31-32. La nota sarebbe stata ampliata in GE82, p. 32, dalla denuncia della mancata attribuzione alla madre di Eduardo Corazzini di una « piccola pensione o sussidio » in consi- derazione del martirio del figlio e delle ristrettezze economiche in cui erano caduti i Corazzini. 44. Sui rapporti tra Carducci e la Francia, A. Jeanroy, Giosuè Carducci. L’homme et le poète, Parigi, Champion, 1911 ; G. Maugain, Giosuè Carducci et la France, Parigi, Champion, 1914 ; A. Galletti, L’opera di Giosuè Carducci. Il poeta, il critico, il maestro, Bologna, Zanichelli, 1929 ; L.F. Benedetto, Carducci e la Francia, in Id., Uomini e tempi, pagine varie di critica e storia, Milano – Napoli, Ricciardi, 1953, p. 421-442. Analizza la centralità della storia francese per l’ideologia carducciana U. Carpi, « Carducci e la rivoluzione francese. Alle radici dell’unità nazionale », Argomenti umani, no 5, 2007, p. 104-111. « Noi che t’amammo, o Francia »… 167 la causa nazionalista italiana, e l’Ahasvérus, una sorta di poema epico in prosa che fa dell’ebreo errante una figura positiva, a metà tra Prometeo e Faust, eleggendolo a simbolo della fatica umana e del coraggio di sfidare le avversità di un destino immutabile. Al 1862 risale la lettura di Proudhon. Il suo nome spunta in una lettera del febbraio di quell’anno ; qui Carducci racconta all’amico Diego Mazzoni la propria giornata tipo : « per ora annoto, spoglio, traduco, illustro, commento, miagolo il provenzale e lo spagnolo, sgretolo il tedesco, e ruggisco, leggendo il Mazzini e il Proudhon » 45 ; a dicembre avrebbe poi spiegato a Luigi Billi di aver intrapreso lo studio di Proudhon leggendone i saggi Amour et Mariage e Progrès et Décadence, e che entrambi lo hanno sbalordito per l’originalità dei contenuti, la sveltezza dello stile e la chiarezza argomentativa : non esita a definirli « un capolavoro di dialettica » e di « filosofia storica » ; del loro autore pensa che sia « un portento » ; anche come scrittore, lo giudica « meraviglioso » : « è succinto e spigliato, come sta bene a un atleta : severo e forte come uno spartano : semplice, netto, elegante come un ateniese » 46. Ad Amour et Mariage e Progrès et Décadence si aggiungeranno letture di più ampio respiro ; su tutte, il saggio De la justice dans la Révolution et dans l’Église, che lo suggestiona profonda- mente. In qualche misura, anche Proudhon lo aiuta a definirsi : in due lettere del 1864 si firma « Anarkos » 47, un termine che Carducci, che più volte aveva dichiarato di sentirsi « nemico di ogni ordine costituito » e « partigiano dell’anarchia assoluta » 48, ha caro. Già due anni prima, donando un proprio ritratto fotografico a Billi, aveva vergato sul retro questa dedica : « All’amico L. Billi | Giosuè Carducci | uom di lettere per abitudine d’ozio | professore per caso | anarchico per natura. | Bologna, 20 dic. 1862 » 49. Alla lettura degli storiografi aggiunge quella dei critici letterari francesi. Già prima del trasferimento a Bologna Carducci aveva familiarità con gli scritti di Ozanam, Raynouard, Fauriel, Ginguené, Delécluze e Sismondi 50 ; ora scopre Sainte-Beuve : il suo è un modello incisivo, che

45. 4 febbraio 1862, LEN III, p. 29-30. 46. 20 dicembre 1862, ibid., p. 255-256. 47. A Pietro Dazzi, 17 ottobre 1864, LEN IV, p. 105. 48. A Narciso Feliciano Pelosini, 27 febbraio 1862, LEN III, p. 52. 49. Raccolta di Marianna Giarré e Luigi Billi. Versi, disegni, autografi e lettere, M. Giarré (a cura di), Roma, [s.e.], 2012, p. 28-29. 50. Di fatti in una lettera del 12 gennaio 1860 a Gargiolli già aveva segnalato pregi e limiti di ciascuno, LEN II, p. 44-48. Per preparare le lezioni universitarie del suo primo corso, rilegge gli studi sulla civiltà del V secolo di Ozanam e da essi trae indicazioni utili, ibid., p. 186-187. Di Raynouard riprende i saggi sulla poesia romanza ; di Fauriel, gli studi sulla poesia provenzale 168 Chiara Tognarelli coniuga l’attenzione sociologica e psicologica del positivismo con il culto della classicità ; Carducci ne è colpito e influenzato. Quel culto esclusivista per la letteratura italiana che aveva contraddistinto gli anni fiorentini è superato a favore di una decisa apertura agli autori tedeschi e francesi. Fra quest’ultimi, legge Pierre-Jean de Béranger : già nella prefazione alle Poesie (1861) di Rosseti lo indica come il maggiore poeta civile francese 51 ; legge André Chénier, legge August Barbier. Divora Hugo. La lettura dei Misérables è una folgorazione. È l’aprile del 1862 : pur non amandone le « baroccaggini » stilistiche, rimane folgorato dalla caratterizzazione dei personaggi – su tutti, di quello di Valjean –, dalla resa della società e dalla complessiva validità profetica che il romanzo gli sembra avere : « quel che dice di certe condizioni sociali, è verità, è giustizia, che prima o poi trionferà » 52. A maggio ne scrive a don Luigi Bolognini elogiandone, seppur « in mezzo a molte stranezze, a molte lungaggini », alcune « cose di suprema bellezza » e la « potenza vera e profonda d’ingegno » 53. A luglio, alla stazione di Torino, Chiarini lo vede scendere dal treno « tenendo sulle braccia alcuni volumi della prima edizione dei Misérables […] che aveva portati con sé per seguitarne e compierne la lettura » 54. È negli anni Sessanta che Carducci elegge Hugo a proprio alter ego. Hugo lo guida nella ricerca di una misura poetica nuova, offrendogli un modello di intellettuale engagé e di bardo civile, profetico e potente. A lui Carducci si ispira già componendo i testi poi confluiti inLevia gravia. Non stupisce, allora, che il 9 febbraio 1869, spedendo al poeta di Besançon una copia di quel « carissimo tenue libretto » 55 uscito fuori

e su Dante : C. Fauriel, Histoire de la poésie provençale. Cours fait à la Faculté des lettres de Paris, Parigi, Duprat, 1847 ; Id., Dante et les origines de la langue et de la littérature italiennes. Cours fait à la Faculté des lettres de Paris, Parigi, Durand, 1854. 51. OEN XVIII, p. 236. 52. A Carlo Gargiolli, 27 aprile 1862, LEN III, p. 112. L’acquisto del romanzo risale all’11 aprile del 1862, come risulta da Note e ricordi. Anno 1862, OEN XXX, p. 77. 53. A don Luigi Bolognini, 27 maggio 1862, LEN III, p. 149. Carducci e don Bolognini si erano conosciuti a Faenza, nei giorni della malattia e dell’agonia di Giuseppe Torquato Gargani, amico fraterno del poeta. 54. G. Chiarini, Memorie della vita di Giosuè Carducci…, p. 150. Due anni più tardi, riferendosi ancora alla pesantezza stilistica dei Misérables – una pesantezza, peraltro, che riscontrava anche nella propria prosa –, Carducci avrebbe raccomandato a Pietro Dazzi di leggerlo soltanto a pancia piena : « V. Hugo va letto dopo desinare, non mai la mattina. È come il ponce, che dopo desinare fa digerire ; preso la mattina, turba la digestione di tutta la giornata », 20 dicembre 1864, LEN IV, p. 141. 55. Il verso è tratto dal componimento, privo di titolo, che apre LG68, p. 5-13. Vari i transiti di questa poesia, che sarebbe passata nell’Appendice delle Nuove poesie del 1873 e del 1875 « Noi che t’amammo, o Francia »… 169 tempo, in un 1868 arroventato dai giambi, Carducci scriva nella lettera d’accompagnamento :

rileggendo per la trentesima volta, io credo, i Châtiments, ho pensato che conteste fiere anime di profeti sono poi benigne agli umili. E poi questi versi dovevano tornare a Voi, da cui movevano alcuni di essi, se non fosse superbia a crederlo 56.

La poesia di Hugo era stata determinante per la rinascita poetica di Carducci : aveva segnato la genesi dei componimenti poi confluiti nella prima edizione dei Levia gravia e parallelamente aveva influito sulla scrittura epodica, sul definirsi del suo stile e dei suoi registri, sulla maturazione di Enotrio Romano quale poeta delle « questioni sociali » e dei « fatti » 57. Ripensando a quel giro d’anni così ricco di letture, nella prefazione auto-esegetica alle Poesie del 1871 Carducci avrebbe confessato :

Quanto piacqui a me stesso (perdonatemi) quando mi accorsi che la mia ostinazione classica era giusta avversione alla reazione letteraria e filosofica del 1815, e potei ragionarla con le dottrine e gli esempii di tanti illustri pen- satori ed artisti ! quando sentii che i miei peccati di paganesimo li aveva già commessi, ma di quale altra splendida guisa !, molti de’ più nobili ingegni e animi d’Europa, che questo paganesimo, questo culto della forma, altro in fine non era che l’amore della nobile natura da cui la solitaria astrazione semitica aveva sì a lungo e con sì feroce dissidio alienato lo spirito dell’uomo 58 !

Hugo aveva segnato la voce di Enotrio Romano, ma, più in generale, era stato il dialogo serrato con la recente tradizione storiografica, filosofico- politica e letteraria francese a consentire a Carducci di sprovincializzarsi, di sentirsi incluso in un movimento culturale di respiro europeo, di comprendere con la massima lucidità la propria vocazione di intellettuale moderno-pagano, secondo il lessico caro a Enotrio – nel senso di anti- moderato, anticesarista e anticlericale. L’Ottantanove francese divenne, allora, il presupposto ideologico e utopico, il mito basilare e fondativo del suo pensiero politico e dei suoi « criminosi giambi » 59 : e proprio il

(non nelle edizioni del 1879 e 1881) per poi approdare, con il titolo Prologo, in apertura di J80, e lì rimanere in tutte le successive edizioni degli Juvenilia. 56. LEN VI, p. 26. 57. G. Carducci, Al lettore, P, p. XV. 58. G. Carducci, Al lettore, P, p. XII-XIII. 59. GE82, p. III. 170 Chiara Tognarelli primo di essi, Per Eduardo Corazzini, dimostra la centralità della nation sœur, della sua storia oltre che della sua tradizione letteraria ; e centrale, nella poesia e nel pensiero di Carducci, la Francia sarebbe rimasta, con la sua eredità rivoluzionaria e democratica sempre vitale e feconda, ben oltre gli anni petrolieri.

Chiara Tognarelli Università degli Studi di Pisa VARIA

SOPRAVVIVERE ALLA CATASTROFE ADULTA. TRACCE DI DISTOPIE CONTEMPORANEE NELLA LETTERATURA PER RAGAZZI

Riassunto : Uno dei fili conduttori che, nella letteratura per ragazzi contemporanea, pare collegare trasversalmente i romanzi che caratterizzano il genere distopico è il bisogno di stabilire i confini di una nuova umanità, di disegnare modelli alternativi di mondi possibili, di formulare nuove utopie, o, quanto meno, di ricavare una piccola compagine di senso all’interno di un mondo devastato a causa della dabbenaggine e della scarsissima lungimiranza degli adulti, ripiegati esclusivamente sul soddisfa- cimento dei propri immediati bisogni personali. Di queste storie, inevitabilmente, sono protagoniste le generazioni più giovani. Nonostante alcuni temi siano ricorrenti nella globalità della produzione editoriale dedicata al genere distopico per ragazzi, quella italiana presenta evidenti specificità legate alla tradizione storico letteraria nazionale, in primis il primato del libro come elemento salvifico, il rimando alle fiabe e il riferimento alla possibilità di un mondo senza adulti dal quale ripartire. Résumé : L’un des fils conducteurs qui, dans la littérature de jeunesse contemporaine, semble relier transversalement les romans qui caractérisent le genre dystopique, est le besoin d’établir les frontières d’une nouvelle humanité, de dessiner des modèles alternatifs de mondes possibles, de formuler de nouvelles utopies ou, du moins, de retrouver une petite parcelle de sens à l’intérieur d’un monde dévasté à cause de l’incompétence et de l’absence de clairvoyance des adultes, exclusivement repliés sur la satisfaction immédiate de leurs besoins personnels. Les protagonistes de ces histoires sont inévitablement les générations les plus jeunes. Bien que ces thèmes soient récurrents dans l’ensemble de la production éditoriale consacrée au genre dystopique pour la jeunesse, la production italienne présente d’évidentes spécificités liées à la tradition littéraire nationale, in primis la primauté du livre comme élément de salut, le renvoi aux contes et la référence à la possibilité d’un monde sans adultes duquel repartir.

Una carta del mondo che non contiene il Paese dell’Utopia non è degna nemmeno di uno sguardo, perché non contempla il solo Paese al quale l’Umanità approda di continuo 1. Oscar Wilde

1. O. Wilde, Il critico come artista. L’anima dell’uomo sotto il socialismo [1891], Milano, Feltrinelli, 2015, formato Kindle, pos. 2 692.

Transalpina, no 21, 2018, Entre France et Italie…, p. 173-190 174 Anna Antoniazzi

Una breve premessa

La fine della Seconda guerra mondiale, col suo carico di distruzione e di morte, la riflessione sul pesante fardello dei totalitarismi che hanno soffocato l’Europa nella prima metà del XXo secolo – e, in qualche caso, ben oltre – e la spinta verso una tecnologia sempre più pervasiva portano alla proliferazione, tra la prima e la seconda metà del Novecento, di un genere narrativo particolare : il romanzo distopico. Se è vero che già agli inizi del secolo scorso il genere aveva conosciuto importanti sviluppi 2 in romanzi che anticipavano ambienti, situazioni, atmosfere e personaggi del futuro scenario fantapolitico, è con 1984 di George Orwell 3 e Fahrenheit 451 di Ray Bradbury 4 che il genere comincia ad assumere le sue caratteristiche più emblematiche. Per comprendere la portata e la valenza, non solo narrativa, ma filo- sofica, sociologica, antropologica e psicologica dei romanzi distopici (o antiutopici), occorre partire dalla dimensione utopistica che, fin dalle speculazioni platoniche, rappresenta

la descrizione del migliore dei mondi possibili, risposta critica in positivo a quelli che l’autore ritiene essere i mali, i difetti, le storture politico-sociali, morali e spirituali del proprio tempo. In tal modo si descrive una città ideale o Stato perfetto e si propone il modello cui bisogna guardare per sanare le ingiustizie e le incongruenze della società in cui si vive 5.

Lo scopo non è solo quello di tenere sotto controllo i comportamenti, individuali e collettivi, che possono far insorgere contrasti, conflitti, divisioni all’interno della società. Come sottolinea Franco Crespi, infatti,

fin dai tempi di Platone, l’elaborazione razionale di modelli ideali di vita e di società appare come l’espressione più tipica del primato del cognitivo che ha caratterizzato, per molti secoli, la tradizione del pensiero occidentale. In base al presupposto che l’ordine della razionalità fosse dotato di una più elevata dignità rispetto alla realtà contraddittoria e confusa dell’agire umano, quest’ultimo, anziché essere osservato empiricamente nella sua complessa

2. Non si possono non menzionare, in questo senso, romanzi come Il padrone del mondo (1907) di R.H. Benson, Il tallone di ferro (1908) di J. London, Noi (1921) di E.I. Zamjatin, Il mondo nuovo (1932) di A. Huxley, Qui non è possibile (1935) di S. Lewis o Antifona (1938) di Ayn Rand. 3. G. Orwell, 1984, Londra, Secker & Warburg, 1949. 4. R. Bradbury, Fahrenheit 451, New York, Ballantine Books, 1953. 5. G. de Turris, « Introduzione », in Antifona, A. Rand, Macerata, Liberilibri, 2003, p. I. Sopravvivere alla catastrofe adulta… 175

natura, veniva per lo più percepito come una dimensione inquietante da sottoporre al controllo di norme fondate sui principi rigorosi della conoscenza teorica 6.

Così la crisi delle grandi utopie politico-sociali – che avevano portato, nel secolo XXo, allo sviluppo delle diverse forme di totalitarismo – « ha accen- tuato il nostro senso di impotenza nei confronti del processo di sviluppo della tecno-scienza e dei centri del potere economico internazionale che vanno determinando la progressiva globalizzazione del sistema di mercato » 7. In questo senso le distopie del XXo secolo descrivono non il migliore, ma il peggiore dei mondi possibili, e nascono, quasi per paradosso, non appena divengono realtà i sogni degli utopisti 8. Così George Orwell, ad esempio, in 1984 proietta i lettori all’interno di un universo tecnocratico dal quale non c’è nessuna speranza di affrancarsi : la distopia rimane totale, incondizionata. Per l’umanità non è prospettata alcuna via d’uscita. Almeno non all’interno delle pagine del romanzo. Altra sorte, altro destino in Fahrenheit 451 di Ray Bradbury, nel quale sono i libri a permettere ad una umanità dolente e abbrutita di potere sperare ancora. Gli esempi potrebbero essere tanti e articolarsi in una pluralità di situazioni differenti, eppure così simili nel prospettare un futuro terribile e inquietante, ma quello che in questo contesto preme sottolineare è come, fino a tempi molto recenti, le distopie non annoverassero fra i loro prota- gonisti bambini e ragazzi ; quando c’erano si trattava di mere comparse. Unica eccezione il romanzo Lord of the Flies di William Golding 9, nel quale i giovanissimi protagonisti, unici sopravvissuti ad un disastro aereo, naufragano su un’isola deserta :

Qui non sarebbe tanto il luogo di un’utopia, quanto un’ingegnosa sopra- vvivenza, se Golding, invece, non convertisse tutto verso una regressione alla violenza e alla ritualità selvaggia, a dimostrazione che il male è nella natura […]. Da notare che il degenerare dell’eden avviene sullo sfondo di una guerra generalizzata (l’aereo è stato abbattuto da un missile) : la distopia dei ragazzi si rispecchia nella (ancor peggiore) distopia degli adulti 10.

6. F. Crespi, « Crisi e rinascita dell’utopia », in Storia dell’utopia, L. Munford, Milano, Feltrinelli, 2017, formato Kindle, pos. 12. 7. Ibid., pos. 31. 8. G. de Turris, « Introduzione », p. I. 9. W. Golding, Lord of the Flies, Londra, Faber & Faber, 1954. 10. F. Muzzioli, Scritture della catastrofe, Milano, Meltemi, 2007, p. 41. 176 Anna Antoniazzi

Distopie del Ventunesimo secolo Golding anticipa di decenni alcuni temi che saranno propri della letteratura distopica, per ragazzi e non, contemporanea, ma con una differenza pro- fonda ed estremamente significativa. Nel romanzo dello scrittore britannico gli adulti, pur con la loro carica di negatività e distruttività, possono ancora salvare i ragazzi dal destino di abbrutimento che li ha travolti ; possono rappresentare un modello di riferimento, un approdo sicuro, una speranza per il futuro loro e del genere umano. Nelle distopie del Ventunesimo secolo, invece, è ai ragazzi ad essere affidato il compito di un nuovo atto fondativo, di una progettualità che spinga gli esseri umani verso un futuro diverso dalla mera sopravvivenza 11. In questi libri gli adulti rappresentano l’elemento negativo, il limite – esperienziale, affettivo (o, più spesso, anaffettivo), antropologico-sociale – da superare. Uno dei fili conduttori che, oggi, collega trasversalmente i romanzi che caratterizzano il genere pare essere, infatti, il bisogno di stabilire i confini di una nuova umanità, di disegnare modelli alternativi di mondi possibili, di formulare nuove utopie, o, quanto meno, di ricavarsi una piccola compagine di senso all’interno di un mondo devastato a causa della dabbenaggine e della scarsissima lungimiranza degli adulti ; adulti ripiegati esclusivamente sul soddisfacimento dei propri immediati bisogni personali. E non è un caso che ciò accada, prevalentemente, all’interno dell’editoria rivolta alle nuove generazioni. Forse più di qualunque altra forma di narrazione, la letteratura per l’infanzia e l’adolescenza si muove all’interno di una sorta di « zona franca » che le consente di non rimanere invischiata nelle trame di un presente del quale gli umani non possono più permettersi di essere solo spettatori. Nelle migliori storie dedicate agli adolescenti e ai giovani adulti, infatti, la quoti- dianità viene osservata da strani e inusuali punti di vista ; viene capovolta, deformata, slabbrata fino quasi a perderne i confini ; e proprio lì, dai bordi del presente, esplorata attraverso una pluralità di generi – dal fantasy all’horror, al giallo, alla fantascienza – spesso mescolati tra loro, per offrire ai protagonisti inedite occasioni di riscatto, impensabili opportunità. D’altra parte anche l’adolescente “reale”, qualunque sia la sua appartenenza di genere, percepisce se stesso ai bordi dell’esistenza, nel tentativo di sopravvivere alla « catastrofe

11. Sebbene il tema fosse presente anche alla fine del secolo scorso, specie all’interno del sottogenere cyberpunk – come in The Electric Kid di Garry Kilworth del 1994 (pubblicato in Italia da Mondadori con il titolo Il ragazzo elettrico nel 1998) o in Bit di Ermanno Gallo (Mondadori, 1995) – è con la quadrilogia Uglies (Uglies, Pretties, Specials, Extras) di Scott Westerfeld (2005-2007), pubblicata in Italia come trilogia (Extras non è stato tradotto) da Mondadori a partire dal 2006, quando il grande pubblico degli adolescenti comincia a frequentare con assiduità le distopie. Sopravvivere alla catastrofe adulta… 177 adulta ». Unicamente a lui o, come vedremo, attraverso lui, pare giocarsi, almeno all’interno delle narrazioni contemporanee, il futuro dell’umanità. Quello che cambia sono le possibilità che ogni epoca offre a quanti non hanno ancora oltrepassato la soglia dell’età adulta ; possibilità che possiamo cogliere anche, e verrebbe da dire, soprattutto, attraverso la narrativa. Se, tra gli anni Ottanta e Novanta del secolo scorso, Stephen King ha conferito ai più giovani protagonisti delle sue storie 12 – e solo a loro – la possibilità di salvarsi da un mondo adulto malato e corrotto, e a partire dalla fine del secolo scorso il fantasy ha rappresentato per gli adolescenti una sorta di fuga in un mondo altro, ora sembra che gli autori si stiano avviando a compiere, e per certi versi abbiano già compiuto, un ulteriore salto in avanti : sono i ragazzi stessi, abbandonati da un mondo adulto sempre più miope e ripiegato su se stesso, a dover prendere le distanze dalla realtà in cui vivono per progettarne una nuova, a partire dalle macerie sociali, politiche, economiche del presente nel quale vivono. E lo fanno attraverso una forma ibrida di fantastico nel quale l’altrove è un mondo distopico all’interno del quale i giovani protagonisti si sentono chiamati a ristabilire un ordine, proponendo un nuovo inizio, una sorta di nuovo patto sociale, quasi la fondazione di una nuova civiltà. Ci troviamo di fronte al ribaltamento della prospettiva adultocentrica, distaccata e razionale, e alla proliferazione di uno sguardo bambino e adolescente, in grado di scardinare l’ordine costituito e di smascherare le falle di vari sistemi sociali, facendoli vacillare. In Italia è Bruno Tognolini, nel 2008, con il romanzo Lunamoonda 13, a catalizzare l’attenzione dell’editoria per ragazzi sui nuovi temi che, nel mondo occidentale, cominciano ad invadere gli ambiti narrativi frequentati dai più giovani. Di lì a poco usciranno, negli USA, il primo volume della trilogia Hunger Games di Suzanne Collins 14 e il primo dei cinque volumi della saga The Maze Runner di James Dashner 15, destinati, assieme alla più recente epopea di Divergent di Veronica Roth 16, a diventare vere proprie icone dell’immaginario contemporaneo 17.

12. Del « grande Raccontafiabe d’Occidente », come Antonio Faeti definisce Stephen King, non si possono non ricordare, in proposito, romanzi come The Shining (1977, prima edizione italiana nel 1978), The Talisman (scritto con Peter Straub e pubblicato nel 1983, prima edizione italiana nel 1986), It (1986, prima edizione italiana nel 1987) e The Girl Who Loved Tom Gordon (1999, prima edizione italiana nello stesso anno). 13. B. Tognolini, Lunamoonda, Milano, Salani, 2008. 14. La trilogia viene pubblicata tra il 2008 e il 2010, in Italia il primo volume esce nel 2009. 15. La serie, composta di 5 volumi, viene pubblicata tra il 2009 e il 2016. Il primo volume viene edito in Italia nel 2011. 16. Pubblicata tra il 2011 e il 2013, viene edita in Italia a partire dal 2012. 17. Altri importanti esempi di narrazione distopica contemporanea sono : Batoru Rowaiaru (Battle Royal) di Koushun Takami (1999, prima edizione italiana 2009), la serie Noughts 178 Anna Antoniazzi

Già da quel primo romanzo si comincia ad intravedere, per quanto riguarda l’editoria per l’infanzia italiana, una specificità trasversale ad autori e storie molto diverse una dall’altra : il primato della parola, del racconto, del libro come elementi salvifici. È spesso il contatto con le storie, infatti, a spingere i giovani protagonisti ad affrancarsi da un destino già segnato e dall’oblio nel quale le società distopiche li hanno relegati. Ma cominciamo con ordine. Lunamoonda

parla di una banda di ski-lellè, ragazzi randagi ai margini di una tecno- metropoli. Narra la loro vita quotidiana che si snoda nella tana sul mare, al tempo stesso seria e scatenata, dolce e sbruffona, feroce e serena fra pesca, scherzi, trafficihi-tech , pranzi e cene e assemblee, viaggi e raduni di bande, […] musica, danza, poesia, amori e spedizioni di razzia nella città. […] Narra la vita umana ai tempi del connubio totale fra uomini e macchine, fra uomini e animali, fra uomini e uomini, o doppi di uomini, cloni […]. Parla di formazione. Di Maestri e Allievi che si allenano a trovare e donare forma alle cose, agli affetti e l’un l’altro 18.

Nel romanzo Tognolini pone l’accento anche su un altro elemento che ritorna spesso nei romanzi distopici per ragazzi scritti da autori italiani : l’importanza di una educazione e di una formazione libera, di modelli autentici, vecchi e nuovi, di riferimento. E questo elemento si lega inscindibil- mente a quello individuato poco sopra : quando gli adulti smettono di essere modelli – o perché non sono in grado di esserlo o perché, più prosaicamente, non ci sono – ecco che torna utilissima la memoria intesa non tanto, o non solo, come legame con la propria storia personale passata, quanto con la dimensione del racconto che conduce a radici ataviche e spinge i giovani protagonisti da un lato a riconquistare la propria umanità e dall’altro a muoversi oltre i confini del noto ad esplorare nuove possibilità esistenziali.

Libri e distopia Nei mondi distopici narrati dagli autori contemporanei a volte la memoria fluisce tramite l’oralità : la fiaba, la leggenda, il mito, contribuiscono a rin- saldare legami, a rafforzare la determinazione al cambiamento, a spingere

and Crosses di Malorie Blackman (2001, in Italia è stato pubblicato nel 2011 il primo volume con il titolo Il Bianco e il Nero) e la saga Chaos Walking di Patrick Ness (2008- 2010, pubblicata in Italia tra il 2015-2016). Inoltre si possono menzionare la trilogia Méto (2008-2010, pubblicata in Italia nel 2010-2013) di Yves Grevet e la serie U4 (2015-2016, in corso di pubblicazione in Italia) di Yves Grevet, Carole Trébor, Vincent Villeminot e Florence Hinckel. 18. http://www.webalice.it/tognolini/luna.html. Sopravvivere alla catastrofe adulta… 179 ad una ribellione mai fine a se stessa, ma indirizzata alla salvezza dei protagonisti e dei loro simili. Altre volte sono i libri a svelare segreti, ma ancora di più a porre domande, a instillare dubbi, a far credere e sperare ai suoi lettori che ci possa essere altro, oltre ciò che la realtà mostra ad un primo sguardo. Bambini nel bosco 19 di Beatrice Masini sembra condurci proprio in quella direzione. Il romanzo si pone sulla scia dei racconti del « dopo bomba », che narrano di un’umanità ferita e dolente che non è più in grado di guardare all’infanzia come risorsa, come prospettiva, come futuro ; un’umanità che nasconde nel disinteresse per l’infanzia l’orrore per la conoscenza. Nel mondo distopico narrato dall’autrice i bambini e le bambine vengono rinchiusi in una sorta di campo di concentramento, la Base, e tenuti senza ricordi e senza memoria dalla « medicina » somministrata ogni giorno, perché possano trascorrere le loro giornate senza pensieri, senza obiettivi, senza speranze. Eppure uno di loro, Tom, ricorda. Sono frammenti, « cocci » di vita passata che riaffiorano e si fanno spazio nella mente ; sono lampi di vita che accendono, scaldano, rendono audaci. Sono ricordi di un mondo diverso nel quale genitori e figli vivevano insieme, leggere non era proibito e l’affetto non era un sentimento da evitare. Spinto da quei ricordi e dalla necessità di esplorare l’ignoto, di cedere alla curiosità del proibito, Tom convince il suo « grumo », il piccolo gruppo al quale è stato assegnato, a spingersi nel bosco che circonda la « Base ». Nelle esplorazioni il bambino porta sempre con sé un libro di fiabe e, di nascosto dagli adulti, legge ad alta voce. Quelle storie risvegliano la memoria degli altri bambini. E con la memoria si risvegliano anche le parole, i numeri, la curiosità, il desiderio di libertà. Neppure quando vengono catturati e riportati alla Base i bambini smettono di avere fiducia e di sognare : il passaggio nel bosco e le fiabe raccolte nel libro li hanno profondamente e irreversibilmente cambiati, e niente, per loro, sarà più come prima 20. Per loro la distopia non sarà più una prigione dalla quale è impossibile uscire, ma un incubo dal quale potersi risvegliare. Parafrasando quanto affermato da Chesterton 21, infatti, le fiabe non mentono perché non si limitano a raccontare ai bambini che i draghi sono reali – qualunque sia la forma che assumono nell’esperienza infantile – ma rivelano che i draghi possono essere sconfitti ; che si può uscire dall’orrore :

19. B. Masini, Bambini nel bosco, Milano, Fanucci, 2010. 20. A. Antoniazzi, « Bambini nel bosco. Nature, bande, crescita », in Reti e storie per innovare in educazione. Approcci di ricerca e complessità, A. Traverso (dir.), Pisa, Edizioni ETS, 2014, p. 158. 21. G.K. Chesterton, Tremendous Trifles, Londra, Methuen & Co., 1909. 180 Anna Antoniazzi

« Noi le storie ce le abbiamo tutte qui » Cranach indicò la testa « e qui » e puntò il pollice verso il cuore. « E non abbiamo più bambini a cui raccontarle. A parte noi, voglio dire ». « Forse troveremo altri bambini » disse Jonas. « Nel bosco ? » chiese Lu […]. « Nel bosco, o chissà dove. I libri servono comunque. Per custodire le storie. Perché altri le possano conoscere » disse Jonas. « Allora ci mettiamo anche la nostra, dentro ? » Cranach s’illuminò tutto. « Forse sì » fece Tom Due Volte. « Dopo, forse sì ». E questa è la fine della storia ? Ma no, questo è solo l’inizio 22.

Non sappiamo cosa sia accaduto ai piccoli protagonisti di Bambini nel bosco, se e come siano diventati grandi, se abbiano continuato a sperare, se siano riusciti a costruire un mondo migliore : quel finale aperto lascia al lettore la possibilità di proseguire autonomamente la storia, di connotarla, di spingerla alle sue estreme conseguenze. Quello che emerge con forza dal romanzo di Beatrice Masini – così come in precedenza da Fahrenheit 451 di Ray Bradbury o da The Telling 23 di Ursula K. Le Guin, per non citare che esempi eclatanti – è che un mondo senza narrazione, e senza libri, non può essere che arido e sterile. Sono i protagonisti, con i loro dubbi, le loro perplessità, le loro debolezze a mostrare il cammino per uscire dall’empasse svelando che, per salvare se stesso, l’uomo ha bisogno di raccontare e di raccontarsi, attraverso tutti i mezzi possibili. I libri, dunque, come elemento imprescindibile : odiati dalle dittature, bruciati sulle pubbliche piazze per preservare i cittadini da una conoscenza che potrebbe renderli liberi e far loro agognare un mondo migliore, sono una presenza fondamentale anche in un altro romanzo distopico italiano per ragazzi : Beauty and the Cyborg 24 di Miriam Ciraolo. Come spiega bene Bellatrice Sparks, la protagonista, i libri sono un’opportunità, oltre che una necessità :

Non tutti al nido sanno leggere o scrivere, i libri sono stati banditi poco dopo la guerra. Le pagine sono così fragili ma così potenti, diceva sempre mia madre, resta sempre qualcosa dopo averli letti, resta conoscenza, resta esperienza, resta un’altra vita dentro la nostra. Una vita che possiamo scegliere solo leggendo 25.

22. B. Masini, Bambini nel bosco, p. 199-200. 23. U.K. Le Guin, The Telling, San Diego, Harcourt, 2000. 24. M. Ciraolo, Beauty and the Cyborg, CreateSpace (Independent Publishing Platform), 2015. 25. Ibid., p. 33. Sopravvivere alla catastrofe adulta… 181

Ma non solo, come spiega il Principe Alec, infatti :

« Una libreria ai loro occhi appare pericolosa quanto un espositore di armi nucleari. La storia che tentano di nascondere esploderebbe rivelando agli uomini la verità » 26.

E la verità chiede di essere rivelata, anche attraverso le metafore che spesso i libri contengono, e quindi attraverso la fiaba, in qualunque forma venga narrata. Nel romanzo di Miriam Ciraolo, in questo senso, si trova l’occasione di esplorare un altro tema ricorrente, profondamente correlato a quello del libro, proprio delle migliori narrazioni distopiche per ragazzi italiane : la fiaba.

Fiaba e distopia Le distopie narrate del nuovo millennio, quelle con protagonisti bambini e ragazzi, hanno molto a che fare con la fiaba. Anzi, si potrebbe quasi affer- mare che non si possa comprendere a fondo la portata della trasformazione narrativa e, più in generale, immaginativa in atto, a partire dall’inizio del nuovo millennio, senza prendere in considerazione il più consolidato dei generi letterari. La fiaba, naturalmente, offre una pluralità di prospettive interpretative, una stratificata molteplicità di letture e possibili rimandi immaginativi, ma in questo caso l’attenzione non può che essere rivolta alla dimensione distopica dalla quale, spesso, i protagonisti riescono ad affrancarsi. Una dimensione malata, decadente, tragicamente compro- messa che, a differenza delle distopie contemporanee, proiettate in tempi altri rispetto al nostro presente, rappresentava, spesso, il qui e ora, la realtà quotidiana dell’epoca nella quale le fiabe si fissarono nella memoria collettiva. Fame, guerre, carestie, miseria erano il contesto nel quale, anche al di là della metafora, si generava e consumava l’abbandono dei piccoli protagonisti delle fiabe. Le vicende di Pollicino e di Hansel e Gretel, che tanto da vicino ricordano quelle dei bambini nel bosco di Beatrice Masini, sono in questo senso paradigmatiche. Ma le storie contemporanee, come i viandanti in cerca di destino delle antiche storie, percorrono tutta la molteplicità delle direzioni evocate dal fiabesco, anche quella dell’eroe alla ricerca di sé e dell’amore perduto, o ancora mai incontrato. Così, trasformando la distopia in fiaba, gli autori talvolta assecondano la tentazione di sublimare l’orrore della disumana metamorfosi ado- lescenziale dei protagonisti nel recupero della propria parte migliore,

26. Ibid., p. 329. 182 Anna Antoniazzi attraverso l’amore incondizionato. Con Beauty and the Cyborg Miriam Ciraolo si muove proprio in questa direzione. Nel romanzo, versione contemporanea di La Belle et la Bête di Madame Leprince de Beaumont, ci si trova di fronte ad un mondo distopico nel quale la convivenza tra umano e « post-umano » viene resa ancora più complessa e tormentata dal fatto che i cyborg – gelidi, spietati e senza cuore – hanno il totale controllo sull’energia elettrica, sul buio e sulla luce. Gli elementi delle distopie contemporanee con protagonisti bambini ed adolescenti ci sono tutte : scenario post-atomico, netta e insormontabile separazione tra ricchi e poveri, divisione in caste ben riconoscibili 27. In questo mondo dominato dal terrore, dalla paura, dal buio, Bellatrice Sparks si muove come una eroina : incurante delle censure, curiosa e affamata di giustizia, sa leggere e scrivere e dal giorno in cui ha fatto funzionare una torcia elettrica è costretta a fuggire per salvaguardare la sua famiglia. Durante la fuga viene rapita dai trafficanti di schiave e venduta ai sovrani di Elettra, la capitale del Regno. Dopo aver tentato più volte la fuga, la ragazza viene “sacrificata” alla leggendaria e temutissima creatura che si aggira nell’ombra della misteriosa e inaccessibile Ala Ovest del castello. Si tratta di un cyborg, o meglio, di un ibrido : un umano, il principe Alec, al quale sono state sostituite con parti robotiche quelle ammalate. Perfino il suo cuore umano è stato sostituito, ma quello vero è conservato in un luogo segreto, all’interno di una teca :

« A ogni minuto che passa… » dice Alec sfiorando con le dita le cifre verdi per poi richiuderle a pugno, « vene d’acciaio inghiottono vene di carne e il mio sistema nervoso viene attraversato da programmi artificiali sempre più aggiornati. Quando questo cuore umano smetterà di battere, avrò perso per sempre l’occasione per tornare uomo : sarò totalmente un cyborg » 28.

E qui comincia davvero la fiaba perché, come la protagonista del famoso romanzo di Madame de Beaumont, Bellatrice avrà il compito, non facile, di rompere l’incantesimo di metallo che attanaglia Alec e di ridonargli l’umanità perduta. Sempre che il tempo sia clemente. Il rapporto tra fiaba e distopia, poi, si ritrova e si amplifica in un altro testo di Beatrice Masini che ha il sapore delle fiabe antiche, ma la visuale delle narrazioni più attuali : Solo con un cane 29. Qui non ci troviamo di fronte a una civiltà del « dopo-bomba », ma ad un regno di fiaba nel quale un

27. Il riferimento alle serie più famose, come The Hunger Games di Suzanne Collins e Divergent di Veronica Roth è inevitabile. 28. M. Ciraolo, Beauty and the Cyborg, p. 272. 29. B. Masini, Solo con un cane, Milano, Fanucci, 2011. Sopravvivere alla catastrofe adulta… 183 despota ottuso e insensibile, dopo avere bandito, per capriccio, il gelsomino – fiore profumatissimo, simile a una stella – con un editto comanda al suo popolo di allontanare dal Regno, con ogni mezzo, i cani :

Quando il Sire emana un editto con cui si ordina la sparizione immediata di tutti i cani da tutto il Regno, la famiglia di Miro si ribella. Non possono sopprimere Tito. Non ci pensano nemmeno. C’è solo un’alternativa : che Tito sparisca, vada via. E Miro con lui. […] Adesso c’è solo la fuga. Una fuga che molto presto diventa semplicemente il viaggio che tutti dobbiamo affrontare, prima o poi : verso le nostre paure, contro i nostri limiti, per mettere alla prova le nostre capacità. Ma Miro non è mai solo : ha il suo cane. E Tito non è mai solo : ha il suo bambino. Nessuno dei due potrebbe desiderare di meglio e di più 30.

Come, da Straparola 31 in poi, accade spesso nelle fiabe, l’incipit rivela il contenuto della storia, anticipa la trama, scandisce le tappe del percorso, ma nello stesso tempo, proprio attraverso un apparato metaforico rigoroso e puntuale, pone domande di senso alle quali ogni lettore, nei suoi tempi e nei suoi modi, è chiamato a rispondere. Appare subito chiaro che il Sire appartiene, almeno nelle parti iniziali del romanzo, alla stessa stirpe di quello narrato da Andersen in I vestiti nuovi dell’imperatore 32 : anche qui è l’infanzia a farsi carico di smascherare gli inganni e di ovviare alle azioni, spesso insensate, del potere. Entrando all’interno della metafora del sovrano narrato da Beatrice Masini ci si accorge subito della pluralità di attribuzioni che potrebbero scaturire dalla lettura : per un adulto potrebbe trattarsi della rappresentazione, neppure troppo mascherata, di un politico, oppure potrebbe raffigurare l’economia nella sua forma più concreta, o la stessa globalizzazione ; per un bambino potrebbe incarnare un genitore o un adulto in genere ; per uno studente un professore dispotico. Pur essendo tutte valide, però, nessuna di queste interpretazioni è assoluta e univoca perché la metafora, ed è questa la sua vera forza dirompente, è in grado di parlare a ciascuno in modo particolare, di attivare in ciascuno un esercizio interpretativo diverso. Ma non basta. La metafora, infatti, superando i confini della similitudine, « si espande mettendo in atto significati traslati. Significati nuovi, rivelati, diversi da quelli letterali. La metafora opera slittamenti, scivolamenti, spostamenti di significato da un campo semantico all’altro. Mostra e svela nuovi, altri,

30. Ibid., p. 7. 31. G.F. Straparola, Le piacevoli notti [1553], Donato Piovano (a cura di), Roma, Salerno Editrice, 2000. 32. H.C. Andersen, Fiabe [1835], Torino, Einaudi, 1970. 184 Anna Antoniazzi ambiti di senso » 33. Così, nel romanzo di Beatrice Masini, il lettore si trova alle prese con la decifrazione, tutta personale, di un sopruso, e alla conseguente ribellione a quel sopruso : la fuga non è, però, una rinuncia alla lotta, ma un atto stesso di insubordinazione, una risposta “iniziatica” ad un ordine insensato. A ben guardare, ma lo si scopre solo più avanti nella lettura del romanzo, Solo con un cane racchiude la metafora stessa dell’iniziazione : di un ragazzo, di una famiglia, di un intero popolo. Attraverso la storia di Miro e di Tito, il suo cane, l’autrice ci parla della necessità di accettare la sfida, di non sottrarsi alle prove, di lottare per le proprie idee e i propri affetti ; ci parla dunque della necessità di una progettazione, personale e collettiva, che tenda utopicamente 34, come abbiamo visto, a un futuro diverso da quello presente 35. Se nel romanzo della Masini la distopia è palesata dalle terrificanti richieste del re, altre volte è l’apparente assenza di qualsiasi tipo di conflittualità, l’apparente atmosfera di perfezione nella quale i protagonisti sono immersi, a far scattare, nel lettore più attento, i segnali d’allarme. Golem 36, grafic novel di LRNZ, si apre con il discorso di fine anno del Presidente della Repubblica Italiana del futuro, nel quale si afferma che tutti i problemi del paese sono stati risolti e che quanto auspicato dalla Costituzione è stato messo in pratica :

L’Italia è una repubblica democratica fondata sul lavoro, dice la nostra Costituzione e dopo anni di difficoltà, di dolore, di guerre e di miseria, cosa siamo diventati è sotto gli occhi di tutti. Una società ricca, in pace, dove ognuno di noi può finalmente permettersi ciò che vuole […]. Anche i beni primari, come il cibo e la salute, sono diventati una certezza 37.

Un’Italia apparentemente perfetta, nella quale nessuno ha problemi economici e non si muore più di tumore. Un’Italia nella quale, finalmente, i giovani hanno tutti un lavoro e sono felici, soddisfatti, appagati. Peccato si tratti solo di una finzione. Ci troviamo di fronte ad uno dei più spietati regimi distopici, all’interno del quale non solo la tecnologia controlla e gestisce i bisogni primari dei cittadini e la pubblicità invade ogni sfera

33. M. Bernardi, Infanzia e metafore letterarie, Bologna, Bononia University Press (BUP), 2009, p. 288. 34. Il termine utopia è qui da intendersi nell’accezione propria alla filosofia dell’educazione problematicista, ovvero come tensione, come progettualità esistenziale, come possibilità. Cfr. Tra impegno e utopia, M. Contini (dir.), Bologna, CLUEB, 2005. 35. A. Antoniazzi, Contaminazioni. Letteratura per l’infanzia e crossmedialità, Milano, Apogeo, 2012, p. 8-11. 36. LRNZ (Lorenzo Ceccotti), Golem, Milano, Bao Publishing, 2014. 37. Ibid., p. 5-7. Sopravvivere alla catastrofe adulta… 185 sociale, pubblica e privata ; ma è soprattutto una società nella quale tutto ciò che non è controllabile viene proibito. Perfino sognare è vietato. Ci pensano le pillole a tenere tutto sotto controllo, ma Steno e Rosabella, i giovanissimi protagonisti, si rifiutano di assumerle e continuano a sognare, anche a occhi aperti. Ancora una volta, in questa fiaba rovesciata dove bene e male si confon- dono, mascherati dalla patina del progresso, sono due ragazzini, mettendo a repentaglio la loro stessa vita, a sovvertire l’ordine delle cose e a porre le basi per la fine di quella finta utopia. Non a caso, dunque, lagrafic novel si chiude, sotto forma di post scriptum, con il dialogo tra due scienziati, tra i quali il padre di Steno giovanissimo. Mentre il primo chiede, con una sorta di domanda retorica : « Metteresti il futuro del mondo in mano a un bambino come tuo figlio ? » 38 ; l’altro, abbracciando la moglie e il piccolo Steno risponde : « Il mondo è già di nostro figlio », aprendo, naturalmente a una pluralità di interpretazioni possibili 39.

Un mondo senza adulti Portando alle estreme conseguenze l’affermazione del giovane scienziato : « Il mondo è già di nostro figlio », alcuni autori italiani contemporanei, sulla scia dello struggente romanzo post apocalittico The Road 40 dello scrittore statunitense Cormac McCarthy pubblicato nel 2006, fanno scomparire gli adulti lasciando il mondo completamente nelle mani di bambini e ragazzi. In quei romanzi il raggiungimento dell’età adulta rappresenta il punto di non ritorno ; la soglia oltre la quale si trova la morte : sociale e civile nel caso della separazione forzosa 41, emotiva nel caso della trasformazione dei grandi in zombie 42 o in esseri privi di emozioni e sentimenti 43 ; reale nel caso di virus letali agli adulti come avviene in Anna 44 di Nicolò Ammaniti e in Berlin 45, saga in sette volumi di Fabio Geda e Marco Magnone.

38. Ibid., p. 271. 39. Ibid., p. 272. 40. C. McCarthy, The Road, New York, Alfred A. Knopf, 2006. 41. Come in Bambini nel bosco di Beatrice Masini o in Monument 14 di Emmy Laybourne (New York, Square Fish, 2012). 42. Come in The Enemy di Charlie Higson (Londra, Puffin Books, 2009), inOltre la soglia di Tito Faraci (Milano, Piemme, 2011) e in Lunamoonda di Bruno Tognolini. 43. Come in Delirium di Lauren Oliver (New York, HarperCollins, 2011). 44. N. Ammaniti, Anna, Torino, Einaudi, 2015 (edizione per Kindle). 45. F. Geda, M. Magnone, Berlin, vol. 1 : I fuochi di Tegel, Milano, Mondadori, 2015. 186 Anna Antoniazzi

Anna non è un libro destinato all’infanzia e neppure pensato per i ragazzi, ma è in grado di restituire al lettore la strabordante forza vitale, lo “shinin”, lo definirebbe King, che caratterizza le più giovani età della vita. Anna è una ragazzina di tredici anni rimasta sola ad occuparsi del fratellino, dopo che l’epidemia ha ucciso i suoi genitori come tutti gli altri adulti. Ha una lista di cose da portare a termine Anna, prima di compiere quattordici anni e di essere sopraffatta anche lei dal virus. Sono “cose importanti” che la madre, in un ultimo, disperato, ma lucidissimo atto d’amore, ha appuntato su un quaderno per aiutare i figli, in sua assenza, ad “affrontare la vita e a evitare i pericoli”. Per prima cosa Anna deve insegnare ad Astor, il fratellino, a leggere, ma soprattutto che « le regole cambieranno […] Sarete voi a correggerle e a imparare dagli errori » 46 :

Negli ultimi quattro anni di vita Anna aveva sofferto e superato dolori immensi, folgoranti come l’esplosione di un deposito di metano e che le stagnavano ancora nel cuore. Dopo la morte dei suoi genitori era precipitata in una solitudine così sconfinata e ottusa da lasciarla idiota per mesi, ma nemmeno una volta, nemmeno per un secondo l’idea di farla finita l’aveva sfiorata, perché avvertiva che la vita è più forte di tutto. La vita non ci appartiene, ci attraversa. […] Anna, nella sua inconsapevolezza, intuiva che tutti gli esseri di questo pianeta, dalle lumache alle rondini, uomini compresi, devono vivere. […] Bisogna andare avanti, senza guardarsi indietro, perché l’energia che ci pervade non possiamo controllarla, e anche disperati, menomati, ciechi continuiamo a nutrirci, a dormire, a nuotare contrastando il gorgo che ci tira giú 47.

Anna, però, non si limita a sopravvivere : affronta pericoli indicibili, situazioni al limite dell’umano senza mai abbandonare la speranza, neppure quando il fratellino perde una delle scarpe “magiche” destinate a salvarlo perché sa bene che è necessario agire, ma allo stesso tempo credere e sognare per cambiare il corso degli eventi, per gettare le basi di un mondo diverso. Degli stessi temi si occupa l’eptalogia Berlin, ancora incompleta in questo momento. Si tratta di un’ucronia e i protagonisti dei romanzi vivono in una strana e inquietante Berlino. Le vicende si svolgono nel 1978, a tre anni dalla scomparsa degli adulti, uccisi da un virus che colpisce chiunque abbia raggiunto il sedicesimo anno d’età, lasciando bambini e ragazzi allo sbando, divisi in bande rivali. Sono stati « anni di amicizie fraterne e di tradimenti,

46. N. Ammaniti, Anna, pos. 348. 47. Ibid., pos. 1 438. Sopravvivere alla catastrofe adulta… 187 di amori sbocciati e sfioriti, e soprattutto tre anni di lotte e scontri » 48 ; anni durante i quali tutti, o almeno quelli che sono sopravvissuti, sono cambiati, sono cresciuti. Alcuni lo hanno fatto esasperando la negatività, accentuando una brutalità causata dalla mancanza di regole certe, di punti di riferimento, dalla rassegnata consapevolezza di non avere un futuro ; almeno non oltre la “data di scadenza” personale determinata dal virus. Altri lo hanno fatto salvaguardando la propria parte migliore, imponendosi delle regole, anche etiche, di sopravvivenza. Certo è che le distopie narrate in Anna e Berlin hanno un solo respon- sabile : un mondo adulto che non ha saputo donare un futuro ai propri figli, lasciandoli soli, come nella famosa canzone di Fabrizio De André 49, a ballare un assurdo girotondo che li trascina, gradualmente, alla pazzia. « Chi ci salverà ? », si chiede il cantautore genovese. E a questo quesito, rispondono gli autori contemporanei, attraverso le loro visioni disto- piche, che il mondo potrà essere salvato solo se ci saranno bambini e adolescenti che continueranno a combattere con tutte le loro forze per un mondo migliore. A questo punto si rende necessaria una precisazione, in grado di collocare i romanzi dei quali si è parlato fino a questo momento all’interno della storia della letteratura italiana per l’infanzia e per ragazzi. Se le distopie legate al libro e alla fiaba, delle quali ci si è occupati nelle sezioni precedenti, qualche volta sono presenti anche nei romanzi contempora- nei provenienti da oltre confine, quest’ultima caratteristica – legata alla scomparsa « reale » degli adulti come protagonisti delle storie distopiche – appare più specificamente italiana e legata alla storia della letteratura per l’infanzia (e non solo) del Bel Paese. Anna e Berlin, a ben guardare, portano alle estreme, distopiche conseguenze un tema già presente nell’immaginario italiano a partire dal Paese dei Balocchi collodiano nel quale non trovi né maestro, né un babbo, né una mamma, « nemmeno a cercarli col lumicino » 50. E sappiamo bene quali siano le conseguenze per chi, come Pinocchio, si addentra in quel luogo tanto affascinante e seducente quanto pericoloso e potenzialmente mortifero. Nel contemporaneo, però, non si tratta più di mera sovversione delle regole, ma della necessità, da parte dei giovani protagonisti, di crearne di nuove : in un primo momento solo per sopravvivere, poi per

48. F. Geda, M. Magnone, Berlin, vol. 4 : I lupi di Brandeburgo, Milano, Mondadori, 2017, quarta di copertina. 49. F. De André, « Girotondo », in Tutti morimmo a stento, Milano, Bluebell Records, 1968. 50. C. Collodi, Le Avventure di Pinocchio. Storia di un burattino [1883], Firenze, Bemporad, 1902, p. 151. 188 Anna Antoniazzi migliorare la propria situazione, infine, possibilmente, per gettare le basi di un nuovo mondo. Una nuova civiltà capace di superare le innumerevoli negatività prodotte da quella precedente : la nostra. Neppure questo atteggiamento, a ben guardare, è nuovo nella tradizione letteraria (per l’infanzia e non) italiana, anche se cambiano situazioni, termini, argomenti e proposte. La Confederazione Giornalinesca promossa, nel 1908, dalle pagine del Giornalino della Domenica per riunire i piccoli lettori della rivista, al di là delle apparenze, si poneva, infatti, come « modello utopico alternativo a quello trasformista dell’età giolittiana, criticato per corruzione e malgoverno, puntando sui cittadini del futuro » 51. La fiducia nei giovani e nell’educazione dei giovani, nel « secolo del fanciullo » 52, come viene da più parti definito il Novecento, è poi accompagnata e sostenuta dalla poetica pascoliana del « fanciullino ». Nella narrazione, come nella prassi educativa del tempo, però, l’adulto rimane artefice del cambiamento : lo desidera, lo promuove, si adopera per realizzarlo. Eppure qualcosa non torna ; nella narrazione rimane come sospeso, ma insidioso, il tarlo del dubbio : l’infanzia non è perfetta, vocata al bene, scevra da contaminazioni. Gli adulti, presenti o assenti (talvolta fintamente assenti), continuano a condizionare le loro esistenze, a decretare gli esiti delle loro azioni. Paidopoli, la Città dei Fanciulli narrata da Giulio Gianelli in Storia di Pipino nato vecchio e morto bambino 53, anche se priva di tutto l’afflato orrorifico e palesemente terrificante, anticipa in parte i temi presenti in Lord of the Flies di William Golding. Quando Pipino, « un piccolo bozzetto in creta, che raffigurava un vecchio » 54, durante il percorso a ritroso nella sua esistenza si trova alle porte di Paidopoli, scorge in rilievo su un rosone scolpito la scritta : « Sono esclusi i vecchi ». Rammaricato, ma anche incuriosito,

bussò tre volte. La porta si aprì subito e ne uscirono, anzi si precipitarono dall’interno ventiquattro ragazzi, armati fino ai denti. Ragazzi dai dieci ai dodici anni, con sul labbro superiore un paio di mustacchi finti, di tutti i colori. E tutti fumavano la pipa con tanta furia che il fumo quasi li nascondeva. […] Il capo […] spiegò :

51. S.M. Fava, « I lettori bambini nelle riviste per l’infanzia italiane di primo Novecento », in Il Novecento : il secolo del bambino ?, M. Gecchele, S. Polenghi, P. Dal Toso (dir.), Bergamo, Junior, 2017, p. 257. 52. Cfr. Il Novecento : il secolo del bambino ?, M. Gecchele, S. Polenghi, P. Dal Toso (dir.). 53. G. Gianelli, Storia di Pipino nato vecchio e morto bambino, Torino, Società Editrice Inter- nazionale (SEI), 1912. Citiamo dall’edizione del 1942. 54. Ibid., p. 3. Sopravvivere alla catastrofe adulta… 189

« Ecco, noi non siamo né fanciulli né bambini ; chi ci chiama così ci offende a morte. Siamo fanciulli precoci, cioè di immenso ingegno come ci dichiararono i nostri babbi e le nostre mamme fin dalla nascita : viviamo in fretta, sappiamo tutto e facciamo da noi : Inchinatevi, signor Pipino » 55.

Dopo essere stato esaminato dal re, forse per le sue piccole dimensioni, forse perché portatore di « tanti buonissimi bernoccoli » 56, di lombrosiana memoria, sotto i capelli, Pipino viene fatto entrare :

La cosa poi buffa […] era il vedere il signor prefetto fanciullo, il sindaco fanciullo, avvocati fanciulli, e medici fanciulli. Questi titoli come li avevano ottenuti ? Chi li aveva dati loro ? Perché essi esercitavano veramente ciascuno la loro arte : curavano i malati e li guarivano, discutevano i processi per benino, il sindaco amministrava bene. Come mai questo, se in tutta Paidopoli non si trovava un libro, manco in fotografia 57 ?

Si tratta, naturalmente, come nota lo stesso autore, di « bambini falsifi- cati », inautentici diremmo oggi ; bambini sotto l’effetto di un inconsapevole incantesimo, sedotti da una falsa libertà, proprio come Pinocchio e Lucignolo nel paese dei balocchi, ma con esiti meno terribili perché una volta liberati da Paideia, « le fate […] compievano il prodigio di trasportarli ai loro paesi » 58. Sebbene a Paideia i bambini dimentichino la propria essenza e si limitino a riprodurre la società adulta, imitandone usi, costumi, Gianelli non arriva mai, neppure a ipotizzare, come invece sostiene Golding in Lord of the Flies, che l’uomo produce il male come le api producono il miele. È già presente, nell’autore torinese, qualcosa che si ritroverà negli scrittori italiani contempo- ranei che si occupano di distopie : l’idea che per l’infanzia e l’adolescenza – e forse solo per quelle – ci sia una possibilità di riconquistare, o di rimodellare secondo nuovi criteri, l’umanità perduta. Ancora una volta, specie in ambito italiano, è la letteratura a farsi metafora viva e potente della necessità di costruire un nuovo paradigma esistenziale a partire dalle radici : le nuove generazioni.

Anna Antoniazzi Università di Genova

55. Ibid., p. 42. 56. Ibid., p. 44. 57. Ibid., p. 50. 58. Ibid., p. 69.

LE ANIME SEMPLICI E IL PIEDISTALLO : L’IMMAGINE DEL DUCE CONDOTTIERO NEI LIBRI SCOLASTICI E PER RAGAZZI DELL’ITALIA FASCISTA 1

Riassunto : L’articolo esamina la rappresentazione di Mussolini a cavallo nel mondo dell’editoria scolastica e per ragazzi durante il regime fascista. Sono presi in considerazione sia testi che immagini, mettendo in luce lo scambio che si attuava tra il mondo dei bambini e quello degli adulti soprattutto attraverso fotografie, cartoline, grafica. Attraverso la nozione diperformativity già mutuata da Judith Butler in studi sulla costruzione dell’identità nazionale dei bambini nei regimi totalitari l’autrice mostra come l’icona del Duce condottiero non fosse soltanto subìta dai fanciulli ma implicasse una loro partecipazione attiva che li coinvolgeva in maniera ancora più profonda nel sistema di valori su cui era basata la dittatura mussoliniana. Résumé : L’article examine la représentation de Mussolini à cheval dans le monde de l’édition pour les écoles et pour la jeunesse pendant le fascisme ; s’appuyant sur des textes en prose et en vers, des photos, des cartes postales et des illustrations, il met en évidence les échanges de mots et d’images qui avaient lieu entre le monde des enfants et celui des adultes. À travers la notion de performativity de Judith Butler, déjà empruntée dans des études sur la construction de l’identité nationale des enfants sous les régimes totalitaires, l’autrice montre comment l’icône du Duce condottiere, loin d’être seulement subie par les enfants, comportait une participation active qui les impliquait encore plus profondément dans le système de valeurs sur lequel était fondée la dictature mussolinienne.

Nel novembre del 1937 il Centro Sperimentale di Cinematografia di Roma organizzò una proiezione del film Scipione l’Africano di Carmine Gallone nella scuola elementare Federico Di Donato della capitale. Dopo la proiezione fu chiesto agli scolari di terza, quarta e quinta di esprimere le loro impressioni su quello che avevano visto ; i loro temi e disegni furono pubblicati nell’agosto del 1939 in un numero speciale della rivista

1. The publication of this article had the support of the Istituto di Studi Avanzati of the University of Bologna, the EURIAS Fellowship Programme and the European Commission (Marie Sklodowska-Curie Actions – COFUND Programme – FP7).

Transalpina, no 21, 2018, Entre France et Italie…, p. 191-214 192 Beatrice Sica

Bianco e Nero 2. Nella premessa a quel numero speciale Luigi Chiarini, direttore del Centro e della rivista, assicurava che temi e disegni erano stati prodotti « immediatamente dopo la visione del film » e che rispecchiavano il pensiero degli scolari « senza che i maestri » li avessero « orientati » o avessero « suggerito delle idee » 3. Anche se un’influenza degli adulti è comunque ravvisabile 4, la notazione interessa per il presupposto a cui si accompagnava. Scriveva infatti Chiarini :

La psicologia infantile, semplice e spontanea, si avvicina molto a quella delle masse più ingenue. […] Ecco la ragione per cui Scipione l’Africano è stato portato ai bambini : si voleva constatare se nelle anime più semplici i risultati propostisi erano stati raggiunti, cioè se il film piaceva, se accendeva gli spiriti alla rievocazione della grandezza di Roma, se faceva pensare al riallacciarsi del Fascismo a questa più grande nostra tradizione 5.

Come ha scritto Antonio Gibelli, « che il pubblico bambino sia inteso quale modello e metafora dell’intero popolo italiano, cui proporre le gesta del regime come un racconto avventuroso, fascinoso e facilmente assimilabile, è evidente » 6, anche qui dove quelle gesta non sono raccontate direttamente ma attraverso una trasposizione storica. Neanche a farlo apposta, l’esperimento di Chiarini poteva dirsi perfettamente riuscito : i temi degli scolari sono pieni di parallelismi tra la Roma antica e quella fascista, tra la battaglia di Canne e la sconfitta di Adua, tra la riscossa di Zama e la conquista dell’Etiopia, tra l’entusiasmo del popolo romano antico per Scipione e quello degli italiani per il Duce, e soprattutto tra la figura di Scipione e Mussolini. Nota ancora Chiarini :

Le anime più semplici si sono trovate di fronte a uno Scipione e ad un Annibale più vicini alla loro immaginazione, a quella immaginazione che fa considerare gli eroi del passato, un po’ togati ed aulici, e non come uomini di tutti i giorni […]. Certo uno Scipione […], diciamo così, più sulla terra al

2. Bianco e nero, III, 8, agosto 1939. Il nome della scuola si ricava da p. 65. 3. L. Chiarini, « Premessa », ibid., p. 10. 4. Lo si nota per esempio in alcune considerazioni che evidentemente i bambini avevano sentito fare dagli adulti e che sono ricorrenti, come quella a proposito della competizione con il contemporaneo cinema americano. Quasi tutti inoltre si soffermano sulla scena finale del film, in cui Scipione infilando la mano in un grande sacco di grano che un servo gli porge, esclama : « Buon grano. E domani con l’aiuto degli dei comincerà la semina ». Di questa scena il bambino Mario Borello scrive : « Che avrà voluto significare ? Non sarei riuscito a comprenderlo bene, se il Sig. Maestro non ce lo avesse spiegato » (Bianco e nero, p. 64). 5. L. Chiarini, « Premessa », p. 9-10. 6. A. Gibelli, Il popolo bambino. Infanzia e nazione dalla Grande Guerra a Salò, Torino, Einaudi, 2005, p. 232. Le anime semplici e il piedistallo… 193

livello degli altri e meno su un piedestallo, sarebbe stato più vero, ma certo meno vicino alla fantasia popolare della quale i bambini sono tanta parte. Significativa, sotto questo aspetto, […] l’osservazione della piccola Lucia Priami : « Era bello Scipione sul suo cavallo bianco. Egli fissava i Romani […] con gesto forte e animatore, e pareva dicesse : dobbiamo vincere ad ogni costo ! Proprio come fa oggi il nostro amato Duce quando parla ai nostri valorosi soldati. […] ». Da essa è chiaro come l’anima popolare ponga l’eroe immediatamente su un piedestallo e in un’atmosfera di leggenda, tale da arrivare addirittura a delle trasposizioni […] 7.

L’equazione di Chiarini tra bambini e popolo non era nuova, ma si riallacciava ai presupposti della pedagogia di ispirazione borghese che aveva animato l’Italia fin dal periodo post-unitario 8. Il regime di Mussolini, però, sorto dopo l’esperienza della Grande Guerra che aveva visto la prima vera esperienza di nazionalizzazione dell’infanzia 9, poneva il militarismo al centro del processo educativo. Come ha scritto Umberto Silva, « L’interesse del fascismo per la gioventù […] aveva uno scopo ben preciso : rivendicare in maniera totalitaria e autoritaria l’educazione del cittadino, imporre alla gioventù il senso della virilità, della potenza, della conquista » 10. Gli storici hanno già ampiamente analizzato le diverse forme e i vari canali attraverso cui fu proposta e imposta al cittadino, e quindi in primis

7. L. Chiarini, « Premessa », p. 11-12. 8. Cfr. M. Bacigalupi, P. Fossati, Da plebe a popolo. L’educazione popolare nei libri di scuola dall’Unità d’Italia alla Repubblica, Scandicci (FI), La Nuova Italia, 1986, p. 6-7 : « La borghesia risorgimentale sentiva l’urgenza di conquistare il popolo non tanto a progetti politici di cui lei sola riteneva di potere e dovere sopportare il peso quanto ai propositi di rinascita economica e di conquista di quel grado di “civiltà” considerato indispensabile alla fondazione morale del nuovo stato. Più tardi, nei primi decenni dopo l’Unità, la parte più dinamica e di più larghe vedute della classe dirigente si pose il problema di fondare sulla trasmissione di una serie di comportamenti ispirati ai valori centrali del lavoro e della patria, l’unificazione reale e lo sviluppo industriale del paese. […] in epoca risorgimentale, quella schiera di intellettuali che aderirono alla politica del moderatismo liberale e che provenivano in gran parte dal ceto medio […] attribuirono alla propria posizione sociale una funzione mediatrice tra élites e masse popolari che fece della classe media il modello cui il popolo doveva guardare e contribuì a fissare molte costanti della nuova etica proposta al popolo : moderazione, rispettabilità, equilibrio tra l’aspirazione a migliorarsi e la capacità di contentarsi di ciò che si ha. Questi modelli passarono attraverso una copiosa produzione di giornali, opuscoli divulgativi, testi educativi che divenne in seguito editoria specificamente scolastica ». 9. Cfr. A. Gibelli, Il popolo bambino…, p. 20 : « L’idea di uno Stato che accompagna i nuovi nati dalla culla alla divisa, alla trincea e se necessario alla tomba […] nasce nel contesto della Grande Guerra […]. Molti elementi del rituale, della gestualità che saranno dei balilla mussoliniani compaiono occasionalmente prima che il fascismo se ne appropri ». 10. U. Silva, Ideologia e arte del fascismo, Milano, Mazzotta, 1973, p. 49. 194 Beatrice Sica ai bambini, questa educazione da parte del regime, soffermandosi anche sul mondo dell’editoria scolastica e per ragazzi 11. Qualcosa però si può forse ancora dire a proposito di quell’immagine precisa di Mussolini a cavallo che la piccola Lucia Priami, come tanti altri bambini cresciuti nell’Italia fascista, sovrapponeva a quella di Scipione e in cui Chiarini ravvisava particolarmente l’attitudine eroicizzante tipica della « fantasia popolare ». Perché gli scolari pensavano al Duce quando sullo schermo vedevano l’attore Annibale Ninchi alto in sella interpretare Scipione che incitava i suoi legionari ? Se il mondo della scuola funzionava da laboratorio della più vasta opera di educazione nazionale, come veniva proposta l’immagine del Duce a cavallo nei testi scolastici e nella lettera- tura per bambini e ragazzi ? E quale tipo di osmosi si creava tra il mondo della scuola e l’universo degli adulti ? Era così « semplice e spontanea » come voleva Chiarini l’attitudine eroicizzante con cui veniva recepita quell’immagine ?

Fotografie, cartoline, grafica e affreschi Le fotografie e le cartoline furono tra i mezzi attraverso cui l’immagine del Duce si diffuse più ampiamente nell’Italia fascista 12. Tra le tante prodotte dal regime numerose erano quelle che ritraevano Mussolini a cavallo : era il suo ritratto ufficiale, che circolava sia ai livelli più alti che a quelli più

11. Si vedano almeno M. Bacigalupi, P. Fossati, Da plebe a popolo…, in particolare il capitolo « Alla ricerca del testo fascista » (p. 152-187) e « I testi unici di Stato » (p. 191-231) ; A. Ascenzi e R. Sani, Il libro per la scuola tra idealismo e fascismo. L’opera della Commissione centrale per l’esame dei libri di testo da Giuseppe Lombardo Radice ad Alessandro Melchiori (1923-1928), Milano, Vita e Pensiero, 2005 ; M. Galfrè, Il regime degli editori. Libri, scuola e fascismo, Roma – Bari, Laterza, 2005 ; M. Colin, « Les livres de lecture italiens pour l’école primaire sous le fascisme (1923-1943) », Histoire de l’éducation, 127, juillet-septembre 2010, p. 57-94 ; M. Colin, I bambini di Mussolini. Letteratura, libri, letture per l’infanzia sotto il fascismo, Brescia, La Scuola, 2012 ; Piccoli eroi. Libri e scrittori per ragazzi durante il ventennio fascista, M. Castoldi (a cura di), Milano, Franco Angeli, 2016. 12. Sull’uso della fotografia come strumento di propaganda dell’immagine del Duce, cfr. almeno S. Falasca-Zamponi, Lo spettacolo del fascismo, Soveria Mannelli, Rubbettino, 2003, soprattutto le p. 85-88, 127-129, 133 e in particolare per le immagini di Mussolini a cavallo le p. 114-115 ; S. Luzzatto, L’immagine del Duce. Mussolini nelle fotografie dell’Istituto Luce, Roma, Editori Riuniti, 2001, che nell’Introduzione alle p. 8-9 fa anche alcune considerazioni in particolare su Mussolini a cavallo ; e A. Antola, « Photographing Mussolini », in The Cult of the Duce. Mussolini and the Italians, S. Gundle, C. Duggan and G. Pieri (a cura di), Manchester, Manchester University Press, 2013, p. 178-192. Sulle cartoline cfr. E. Sturani, Otto milioni di cartoline per il Duce, Torino, Centro Scientifico Editore, 1995, rielaborato poi in Le cartoline per il Duce, Torino, Edizioni del Capricorno, 2002 ; dello stesso, in forma più breve, « Il fascismo in cartolina », in Modernità totalitaria. Il fascismo italiano, E. Gentile (a cura di), Roma – Bari, Laterza, 2008, p. 112-128, e « Analysing Mussolini postcards », Modern , XVIII, 2, 2013, p. 141-156. Le anime semplici e il piedistallo… 195 bassi della compagine sociale. Il capo del Fascismo amava presentarsi in tenuta da cavallerizzo o regalare foto di sé a cavallo ai visitatori stranieri ; d’altra parte i bambini collezionavano foto e cartoline di lui sugli arcioni e le portavano a scuola ai maestri 13. E se non capitavano loro fra le mani per altre vie, i fanciulli in età scolare trovavano quei ritratti equestri del Duce nei libri di testo o sui quaderni di scuola. La foto scattata da Eugenio Risi all’ippodromo di villa Glori a Roma il 30 ottobre 1927 in occasione dell’annuale della marcia su Roma (fig. 1) divenne prima una cartolina che ritraeva Mussolini e Augusto Turati insieme ; poi, nuovamente ritoccata, una cartolina dove soltanto la figura di Mussolini a cavallo con il braccio destro alzato campeggiava su sfondo uniforme. In quest’ultima versione l’immagine passò anche nei libri di scuola. La si ritrova per esempio nel Libro della seconda classe del 1930 (fig. 2) a illustrare una lettura intitolata « Bandiere alle finestre » che celebra la ricorrenza del 28 ottobre nella forma di un dialogo tra la maestra e gli scolari entusiasti e attivamente partecipi :

— […] domani tutti i balconi e tutte le finestre saranno imbandierati. E sapete perché ? — Sissignora ! – gridarono i bambini balzando in piedi. — Bravi ! […] che giorno è domani ? — Il 28 ottobre. — E che cosa è il « ventotto ottobre » ? — È l’anniversario della Marcia su Roma. — […] Badate, ragazzi : anche se doveste fabbricarla con la carta, domani ogni finestra dovrà avere la sua bandiera. — Sissignora ! Eia, eia, eia, alalà 14 !

13. Cfr. L. Passerini, Mussolini immaginario, Roma – Bari, Laterza, 1991, p. 198, che racconta della giornalista Paule Herfort in visita a Mussolini per la seconda volta : « Mussolini, vestito da cavallerizzo, l’aveva guardata in faccia, il mento alto con gesto di sfida » etc. In bibliografia Passerini rimanda a P. Herfort,Chez les romains fascistes, Parigi, Éditions de la « Revue mondiale », 1934. Cfr. anche P. Carlson, « Naivete abroad. Will Rogers goes mano a mano with Mussolini », American History, LI, 3, August 2016, p. 15 : « After a half-hour, Mussolini called an aide, who scurried off, returning with a photo of Il Duce on horseback the dictator autographed for Rogers ». Sui bambini che collezionavano immagini di Mussolini a cavallo cfr. D. Mingozzi, Mussolini visto dai ragazzi, con prefazione di Augusto Turati, San Casciano Val di Pesa (Firenze), Società Editrice Toscana, 1928, p. 101 : « è tutta una serie di fotografie che mi sciorinano sotto gli occhi. Mussolini, in piedi, a cavallo, seduto alla scrivania, in abito militare, ministeriale, diplomatico ». 14. Il libro della seconda classe, compilato dalla signora O. Quercia Tanzarella (Ornella), illustrato da M. Pompei, Roma, Libreria dello Stato, 1930, p. 21 e 23 ; la foto di Mussolini a cavallo è a p. 22. 196 Beatrice Sica

La stessa fotografia si trova anche nell’edizione del 1934, questa volta ad accompagnare una lettura intitolata « Il bimbo prodigioso (il Duce racconta) » in cui vengono narrate le vicende del Capo del Fascismo in prima persona 15. Un’altra foto (fig. 3), scattata a Roma il 24 maggio 1934 e diventata probabilmente anch’essa una cartolina, fu usata per illustrare il retro di una serie di quaderni stampati dalle cartiere Donzelli di Milano : qui il Duce a cavallo, incastonato in un tondo, era accompagnato da una stella soprastante, dal fascio littorio sulla sinistra e da una scritta posta in un riquadro sottostante che variava a seconda dei quaderni 16. Le fotografie che venivano ristampate direttamente, cartolinizzate o riprodotte graficamente non erano il solo veicolo per la diffusione dell’immagine di Mussolini a cavallo nel mondo della scuola. Come ha scritto Luisa Passerini, « è da notare […] la grande importanza della grafica, in particolare nella letteratura per i ragazzi, scolastica e non : la duttilità del mezzo espressivo gli conferisce straordinarie capacità di esaltare l’imma- ginazione » 17. Così si potevano trovare dei veri e propri ritratti equestri che si ispiravano non alle foto coeve ma, per esempio, a opere d’arte del passato. Nel libro L’aratro e la spada. Letture per la terza classe dei centri rurali del 1941 si trova Mussolini a cavallo in un disegno di Pio Pullini (fig. 4) 18. Pullini ritrae Mussolini di lato incorniciando la scena entro un arco a tutto sesto. Dietro al Duce e al suo cavallo bianco si intravvedono dei legionari, anch’essi raffigurati di lato, che marciano serrati a fianco del Duce innalzando moschetti e stendardi. Le linee delle gambe dei legionari sotto la pancia del cavallo e quelle dei moschetti e degli stendardi sopra il dorso sono perfettamente diritte e allineate tra loro e si incrociano convergendo al centro dove campeggia in primo piano il Duce in sella. Le figure sono appiattite, non c’è profondità in questo spazio, ma cavallo, cavaliere e soldati sullo sfondo sono un blocco compatto di linee. Si tratta di un disegno molto raffinato dal punto di vista della composizione : la visione laterale, l’incorniciatura della scena, la costruzione delle figure sono ispirate alla migliore tradizione artistica italiana. È evidente che qui Pullini si richiama ai monumenti equestri di Niccolò da Tolentino e di Giovanni Acuto affrescati da Andrea del Castagno e da Paolo Uccello nel Duomo di Firenze.

15. Nell’edizione del 1934 la foto di Mussolini a cavallo è a p. 32. 16. Uno di questi quaderni si può vedere in L. Marrella, I quaderni del Duce. Tra immagine e parola, Manduria, Barbieri, 1995, p. 57. 17. L. Passerini, Mussolini immaginario, p. 203. 18. L’aratro e la spada. Letture per la terza classe dei centri rurali, testo di A. Petrucci, illustrazioni di P. Pullini, Roma, Libreria dello Stato, 1941, p. 192. Le anime semplici e il piedistallo… 197

Nello stesso libro di scuola c’è anche una lettura di Alfredo Petrucci intitolata « Il pittore ha finito », in cui si immagina un vero e proprio affresco con Mussolini condottiero :

Il pittore ha finito di decorare la sala delle adunanze nella Casa del Fascio, dipingendo per ultime la parete sulla porta d’ingresso e quella dirimpetto. Sulla prima egli ha rievocato la Marcia su Roma : il Duce a cavallo, seguito dai suoi intrepidi legionari, marcia verso la Città Eterna, che si vede nello sfondo, con le sue cupole, le sue torri, i suoi palazzi monumentali. E da tutto il dipinto emana un senso di fede, di ardore, di risolutezza : la fede l’ardore, la risolutezza che portano dritto alla vittoria. – Ah, – dice Orazio fra sé e sé – saper dipingere così ! Sul dipinto della parete dirimpetto il pittore ha rappresentato la proclamazione dell’Impero fascista. […] Orazio, pieno di ammirazione, guarda, osserva, riflette, e appena tornato a casa impugna le sue matitine colorate e comincia a stropicciarle sulla carta. Vuol rifare i due dipinti 19.

Il brano di Petrucci rispecchia una situazione comune in Italia negli anni del regime : soprattutto dalla seconda metà degli anni Trenta, dalla proclamazione dell’Impero in avanti, molti artisti vennero chiamati a decorare palazzi ed edifici pubblici con raffigurazioni del Duce a cavallo nelle vesti di fondatore dell’Impero fascista, oppure, come in questa lettura, al tempo della marcia su Roma (con evidente stravolgimento e trasfigura- zione della realtà storica, visto che Mussolini non era a cavallo il 28 ottobre del 1922, bensì si recò nella capitale in treno). Il Duce condottiero a cavallo in marcia verso la Città Eterna si vede per esempio nell’affresco di Mario Capuzzo recentemente riportato alla luce sullo scalone di palazzo Koch, sede della Carife in corso Giovecca a Ferrara, oppure si poteva vedere nel mosaico realizzato su disegno di Anton Giuseppe Santagata nella Casa del Mutilato di Ravenna, oggi distrutto 20. Più che per la rispondenza ideale con opere coeve, però, il brano di Petrucci interessa qui per i significati

19. A. Petrucci, « Il pittore ha finito », in L’aratro e la spada…, p. 32. 20. Un’immagine dell’affresco di Capuzzo si può vedere in G. Inzerillo, «La memoria del passato », Ferrara. Voci di una città, « Rivista semestrale di cultura, informazione e attualità della Fondazione Cassa di Risparmio di Ferrara », VI, 14 (2001), consultabile su http://rivista.fondazionecarife.it/it/luoghi/item/232-la-memoria-del-passato/232-la- memoria-del-passato (accesso effettuato il 26 maggio 2018). Il bozzetto per il mosaico oggi distrutto che era nella Casa del Mutilato di Ravenna si può vedere in La nuova Casa del Mutilato di Ravenna. Storia, arte, architettura, I. Simonini (a cura di), Ravenna, Edizioni del Girasole, 2002, p. 96 ; per le notizie sul mosaico si veda V. Sgarbi, « La rinascita del mosaico italiano nell’epoca fascista », ibid., p. 79-80. 198 Beatrice Sica che associa all’immagine del Duce a cavallo : fede, ardore, risolutezza, sentimento della vittoria. È da notare l’atteggiamento del piccolo Orazio nel racconto : « pieno di ammirazione, guarda, osserva, riflette » e una volta a casa si ingegna per riprodurre l’opera, spinto evidentemente dall’esal- tazione – dalla fede, dall’ardore, dalla risolutezza, dal sentimento della vittoria – che essa suscita.

Poesie, disegni, ricordi e sogni Il Duce a cavallo si ritrova anche in visioni e sogni dei bambini raccontati in versi e in prosa. Nel libro L’aratro e la spada menzionato prima, proprio sotto il disegno di Pullini, si trova una poesia di Alfredo Petrucci intitolata « Il Duce », di cui citeremo qui soltanto i primi tre distici : « Cavalca, e sotto il suo passo / sprizza scintille il sasso. / Lo seguon le ferree legioni / e il mondo par che ne tuoni. / L’Italia grande, l’Impero : / questo fu il suo pensiero » 21. I versi di Petrucci sono molto meno raffinati del disegno di Pullini che li accompagna, ma interessano ugualmente qui per i significati che associano alla figura del Duce condottiero : l’energia (il sasso che « sprizza scintille » al passaggio del cavaliere) ; la forza (« le ferree legioni » che seguono il capo) ; la potenza (la sensazione che il mondo « tuoni » al passare degli eserciti del condottiero) ; il prestigio nazionale (« L’Italia grande ») anche sul piano politico (« l’Impero »). Un’altra poesia con Mussolini a cavallo si trova nel Libro della terza classe elementare del 1936 ; è di Nazareno Padellaro ed è intitolata « Il Duce e il bambino ». Delle cinque strofe citiamo qui soltanto la prima e le ultime due :

Tu levi la piccola mano col viso di luce irradiato. Tu sei quel bambino italiano, che il Duce a cavallo, ha incontrato.

[…]

« Ti guardo, bambino. La fede, che il cuore mi fa come il ferro, s’accende più viva e più crede. Più forte il destino a me serro.

21. Cfr. n. 18. Le anime semplici e il piedistallo… 199

« Io lotto e combatto per te, o piccolo dolce italiano. E palpita il sogno ch’è in me, per questo saluto romano 22.

Se nel brano in prosa di Petrucci visto sopra il piccolo Orazio si esalta di fronte a un dipinto con il Duce a cavallo e la sua eccitazione si esprime nel tentativo di emulare a casa il pittore, in questi versi di Padellaro il bambino – identificato con un « tu » generico in cui ogni piccolo lettore poteva ancor più facilmente rispecchiarsi – incontra invece il Duce a cavallo in persona. Mussolini stesso parla rispondendo al saluto romano del fanciullo, in un’atmosfera permeata di fede fascista, impegno militare, fiducia nel futuro glorioso. « Io lotto e combatto per te », dichiara il Duce condottiero nell’ultima strofa : così il bambino, con il suo saluto romano, diventa agente attivo del sentimento nazionale, dello spirito guerriero fascista e dei destini della patria. Il brano di Petrucci « Il pittore ha finito » è di ambientazione realistica. Questa narrazione in versi di Padellaro si svolge in un’atmosfera luminosa, irreale, quasi mistica. Più smaccatamente tendente al favolistico-avventuroso, o a quel genere che Mariella Colin ha definito « meraviglioso fascista » 23, è invece il libro per ragazzi di Paolo Alberto Colombini, Filo e Refe alla scoperta di un tesoro (1934) 24, dove pure c’è un incontro con il Duce a cavallo (fig. 5). In questo racconto, come sintetizza M. Colin, « Filo e Refe sono due Balilla svogliati, che non conoscono nemmeno le parole dell’inno fascista Giovinezza ; ragion per cui vengono puniti dal loro caposquadriglia. Nella notte, Filo sogna che Mussolini gli appare sotto le sembianze di un principe » 25 a cavallo, svelandogli l’esistenza di un tesoro nascosto nel deserto di Tripoli. Ecco la descrizione del Duce sul suo destriero che si trova nel secondo capitolo, intitolato « Un sogno meraviglioso ». Filo racconta a Refe :

Ho fatto un sogno meraviglioso. […] Ho sognato il Duce […] sissignore, il Duce in persona. Ero in un grandissimo prato, in una luminosa spianata… c’erano tante legioni di Balilla in divisa, moschettieri, esploratori escursionisti… si aspettava la visita del Duce che doveva passarci tutti in rivista… […] si ode finalmente uno squillo di tromba, che annunzia l’arrivo del Duce. Infatti, dopo

22. Il libro della terza classe elementare, testo di N. Padellaro, illustrazioni di C. Testi, Roma, Libreria dello Stato, 1936, p. 189. 23. M. Colin, I bambini di Mussolini…, p. 298. 24. P.A. Colombini, Filo e Refe alla scoperta di un tesoro, Milano, Istituto Tipografico Editoriale, 1934. 25. M. Colin, I bambini di Mussolini…, p. 298. 200 Beatrice Sica

poco, lo vediamo spuntare da un nuvolo di polvere bianca come l’ovatta… […] Poi udiamo avvicinarsi lo scalpitio di cento cavalli focosi… Il Duce è davanti a tutti e cavalca un cavallo tutto d’argento, con gli zoccoli d’oro, con la criniera e la coda di fiamma, con le narici di fuoco e gli occhi di diamanti… […] vestito da Comandante Supremo, porta in capo un elmo di madreperla, e sull’elmo un pennacchio bianco come il latte… […] passa davanti alle legioni dei Balilla e sorride ai più piccini… […] Allora […] avviene un fatto… […] Avviene che il Duce, giunto davanti a me, ferma il suo cavallo d’argento, con gli zoccoli d’oro, con la criniera e la coda di fiamma, con le narici di fuoco e gli occhi di diamanti, e mi guarda… […] Poi il Duce mi fa un cenno con la mano e mi chiama per nome… […] io saluto romanamente… ma egli mi vuole vicino a sé. […] si sporge dall’arcione, e col suo braccio di ferro mi solleva da terra, mi porta vicino a sé e mi dice in un orecchio… […] « Tu sei un bravo Balilla… e io ti voglio ricompensare… Come ricompensa, ti svelo dove si trova un grande tesoro… […] ». […] Poi mi ha baciato, ha spronato il suo cavallo, e al galoppo, è scomparso in mezzo ad un’altra nuvola bianca come l’ovatta… 26.

La scena ripropone qualcosa che i bambini nell’Italia fascista conoscevano bene : la rivista delle forze armate, cui partecipavano anche le squadre di Balilla e Piccole Italiane. Sull’importanza di queste parate e adunate nel rituale fascista è già stato scritto 27 ; per quanto riguarda la parte in cui intervenivano i bambini, possiamo farci un’idea della coreografia che interessava i più piccoli guardando i filmati e le foto (per es. lafig. 6 ) conservati nell’archivio storico dell’Istituto Luce 28. Per i bambini sfilare di fronte a Mussolini a cavallo o

26. P.A. Colombini, Filo e Refe alla scoperta di un tesoro, p. 20-23. 27. Qui basterà rimandare a E. Gentile, Il culto del littorio, Roma – Bari, Laterza, 2009, soprattutto il capitolo IV, Liturgia dell’ « armonico collettivo », p. 139-174. 28. I filmati e le fotografie dell’archivio dell’Istituto Luce sono visibili sul sito internethttp:// www.archivioluce.com/archivio (accesso effettuato il 26 maggio 2018). Tra i filmati più eloquenti è certamente il Giornale Luce B/B0332 (codice filmato : B033204), « Roma. La visita del Capo del governo al Campo Dux », in particolare le sequenze con minutaggio interno al filmato da 00:17:21:15:04 a 00:18:16:08:04 (corrispondenti nel video caricato su YouTube al tempo da 1:19 a 2:13) ; ma si vedano anche : Giornale Luce A/A0320 (codice filmato : A032001), « A Roma si celebra il 21 aprile », in particolare le sequenze con minutaggio interno al filmato da 00:42:27:03 a 00:44:06:06 e da 00:44:20:03 a 00:44:25:09 (YouTube da 3:39 a 4:18 e da 5:32 a 5:37) ; Giornale Luce B/B0319 (codice filmato : B031906), « La palestra della nazione », in particolare le sequenze con minutaggio interno al filmato da 00:41:05:18:03 a 00:41:18:10:04 (YouTube da 1:39 a 1:52) ; Giornale Luce B7B0476 (codice filmato : B047604), « Celebrazione della Ottava Leva fascista », in particolare le sequenze con minutaggio interno al filmato da 00:02:23:03:02 a 00:03:29:04:01 e da 00:03:48:24:04 a 00:04:11:11:02 (YouTube da 0:04 a 1:11 e da 1:30 a 1:52) ; Giornale Luce B/B0892 (codice filmato : B089204), « Annuale dell’intervento celebrato con la X leva fascista alla presenza di Mussolini », in particolare le sequenze con minutaggio interno al Le anime semplici e il piedistallo… 201 vederlo alto in sella che li passava in rassegna mentre erano schierati sull’attenti era certamente un momento solenne e importante che si imprimeva nella memoria : lo raccontavano infatti nei loro temi e lo disegnavano (per es. fig. 7), come si ricava dal libro di Dolores Mingozzi Mussolini visto dai ragazzi (1928) 29 ; e finivano anche per sognarlo ad occhi aperti, stando a quanto racconta Franco Ciarlantini nel suo libro Mussolini immaginario (1933) :

L’immagine fantastica che tanti si fanno di Mussolini entra, come la fiaba, nel sogno dei fanciulli. […] L’immagine di Mussolini a cavallo ricorre continuamente. Di bimbi, come il piccolo Luigi Arienti di Legnano che scrivono di lui cose di questo genere, ce ne sono un’infinità : « Nella mia fantasia vedo spesso il Duce a cavallo, colla testa alta, coll’occhio scrutatore in divisa di parata, passare in rivista le truppe che gridano : – A noi ! – Egli guarda severo come per dire : – Ricordatevi che questo grido vi impegna a seguirmi dove io vi condurrò, o in pace o in guerra ». […] Rina Giussanti torna all’idea del Condottiero ferrigno : « Il Duce come Capo del Fascismo, quando passa fiero nella divisa nera, sul suo cavallo farà soggezione a tutti. E quando passerà in rivista la Milizia fascista, i Balilla e le Piccole Italiane, tutti alzeranno il braccio a lui urlando : – A noi ! – Ed Egli li guarderà con viso duro come per dire : – Non ci vogliono chiacchere, ma fatti ! » 30.

Rispetto al senso di disciplina restituito dalle parole di Luigi Arienti e di Rina Giussanti riportate da Ciarlantini, il brano di Colombini visto sopra trasfigura la rivista delle forze armate e stempera l’atmosfera militaresca nella leggerezza di una favola. Nel racconto di Filo il Duce è come un principe buono che soccorre i due piccoli birichini e svogliati. La rappresentazione favolistica di Colombini è di stampo popolare : quel cavallo d’argento con zoccoli d’oro, criniera e coda di fiamma, narici di fuoco e occhi di diamanti – elementi ripetuti nel testo come in una narrazione di tipo orale – e il Duce con l’elmo di madreperla e il pennacchio bianco come il latte rappresentano un campionario di materiali pregevoli ed elementi straordinari che qui sfiora

filmato da 00:13:41:10:03 a 00:13:14:04:02 (YouTube da 1:00 a 1:32). Tra le fotografie, sono da segnalare quelle con con segnatura A00049911, A00049912, A00049913, A00049914 (Campo Dux), A00054560, A00054570, A00054582 (ottava leva fascista) e A00064869, A00064875, A00064879, A00064880, A00064888 (decima leva fascista). 29. Dolores Mingozzi riporta i temi e disegni con cui i bambini di varie scuole d’Italia raccontarono come vedevano il Duce. Per i temi dove Mussolini è menzionato a cavallo, cfr. le p. 21, 27, 30, 32, 43, 46, 81, 88, 101, 141 ; per i disegni che lo ritraggono in sella, le p. 21, 23, 24, 27, 30, 32, 33, 34, 90. La fig. 7 qui è tratta da p. 43. 30. F. Ciarlantini, Mussolini immaginario, Milano, Sonzogno, 1933, p. 162-163, 181-182. 202 Beatrice Sica addirittura il kitsch. Siamo di fronte a un vero e proprio simulacro di tipo devozionale, che però non suscita ammirazione statica ma innesca tutta l’azione. Prescelto dal Duce come depositario del segreto del tesoro, infatti, Filo parte con il fratello Refe da Milano alla volta di Tripoli su un pallone aerostatico di casalinga fattura. Arrivati nel deserto i due fratelli recuperano il tesoro (un piccolo Balilla meccanico che ogni volta che viene caricato a molla canta l’inno fascista Giovinezza), uccidono le belve feroci che minacciano l’oasi lì vicino e vengono incoronati re dalla tribù locale di indigeni. I due Balilla nominano subito un Ministro della Guerra indigeno e impartiscono ordini precisi : insegnare l’inno fascista a tutti i « bambini negri », « fare la Leva Fascista di tutti i bambini selvaggi, dai sei ai quattordici anni » 31 e insegnare loro il saluto romano. La cerimonia dell’incoronazione di Filo e Refe ricalca da vicino le parate dell’Italia fascista ma i due piccoli protagonisti, nonostante la nomina regale, si premurano di non attribuire a se stessi nessun merito :

Noi non siamo che due umili e piccoli soldati della nuova Italia […] ; siamo Balilla di quell’Italia sulla quale governa l’Uomo più grande del nostro secolo : Benito Mussolini, Duce del Fascismo Italiano e, fra non molto, Duce del Fascismo del mondo 32 !

Alla fine del racconto di Colombini scopriamo che questa avventura è stata solo in sogno : un sogno che ha permesso, però, a Filo e Refe di imparare finalmente le parole dell’inno fascistaGiovinezza che la mattina, svegliati come al solito dalla madre, i due bambini sono in grado di cantare alla perfezione conoscendone finalmente i versi a memoria. Un altro sogno di Balilla al servizio dell’ « Uomo a cavallo » e della sua potenza nel mondo si trova a conclusione del libro scolastico L’aratro e la spada già menzionato, in una lettura che racconta di un campo Balilla con tanti bambini che dopo le attività giornaliere si addormentano stanchi sognando ognuno qualcosa. Ecco come Petrucci conclude il brano e con esso l’intero volume :

Leonetto invece crede di essersi arrampicato su Monte Sacro, e lì in cima, col suo tamburo a tracolla, suona suona suona ; suona tanto da farsi udire da tutti, in qualunque parte del globo si trovino, e sveglia i dormienti, sferza i pigri, mentre giù al piano un Uomo a cavallo, seguito da una fiumana di popolo in camicia nera, s’incammina verso il sole 33.

31. P.A. Colombini, Filo e Refe alla scoperta di un tesoro, p. 129 e 130. 32. Ibid., p. 148. 33. A. Petrucci, « Siam Balilla », in L’aratro e la spada…, p. 210. Le anime semplici e il piedistallo… 203

A illustrazione di questo brano si trova nell’ultima pagina del libro un altro disegno di Pio Pullini (fig. 8), questa volta con il Balilla in primo piano : Leonetto, ritratto di schiena leggermente volto verso sinistra, si erge con il suo tamburo a tracolla su un’altura (il Monte Sacro) dalla quale vede – e noi con lui – in basso, al piano, sempre di schiena, il Duce a cavallo con il braccio destro alzato e una moltitudine di camicie nere che lo seguono a piedi, tutti incamminati verso il sole che giganteggia all’orizzonte.

Performatività e ripetizione Si è visto che l’immagine di Mussolini a cavallo poteva circolare nel mondo dei bambini e in quello degli adulti nelle stesse forme. Fotografie e cartoline erano i canali principali per questo tipo di osmosi, assicurata, oltre che da una possibile condivisione in famiglia degli oggetti in questione, dalla riproduzione fotografica dell’effigie mussoliniana nei libri scolastici : anche laddove i genitori non avessero collezionato fotografie o cartoline del Duce, cioè, i figli avrebbero comunque trovato le stesse immagini nei sussidiari. Oppure i libri di scuola e per ragazzi raccontavano di esperienze comuni ai bambini e agli adulti dell’Italia fascista, come potevano essere la visione di opere artistiche – abbiamo visto il caso degli affreschi – che ritraevano Mussolini in veste di condottiero o, molto più comuni, le periodiche leve fasciste con la rivista delle truppe condotta dal Duce in sella. Quasi tutti i materiali che abbiamo analizzato risalgono agli anni Trenta o ai primi anni Quaranta. L’immagine del Duce a cavallo circolava già negli anni Venti, ma allora era in una doppia veste – di militare e borghese – che lo ritraevano soprattutto le cartoline e le fotografie ; a partire dagli anni Trenta invece l’immagine del condottiero prevale e si diffonde attraverso i più vari canali ; e parallelamente diventa sempre più forte il coinvolgimento dei minori nell’orizzonte militare su cui era incentrata la loro educazione 34. Come ha scritto Luisa Passerini, « il tema del vedere Mussolini non è certo una novità degli anni Trenta ; ma in questo periodo diventa assillante e giunge ad articolarsi in una vera e propria tipologia. […] C’è innanzitutto una visione che si avvale di qualsiasi immagine riprodotta : disegno, quadro, statua, sagoma, fotografia, usata spesso comeaide-mémoire , capace di scatenare la fantasia » 35. Nel caso di Mussolini condottiero si è visto in

34. Cfr. ancora A. Gibelli, Il popolo bambino…, p. 33 : « Soprattutto a partire dagli anni Trenta, i minori sono intensamente coinvolti, strettamente coordinati, investiti da una straordinaria offensiva mediatica carica di suggestioni, incentrata sul tema […] ossessivamente additato come modello insuperabile di virtù, di virilità, di successo : la proiezione plastica dell’infanzia sul futuro della forza combattente della nazione ». 35. L. Passerini, Mussolini immaginario, p. 203. 204 Beatrice Sica quale direzione fotografie, disegni, affreschi scatenassero la fantasia dei bambini : l’immagine del Duce a cavallo era associata alla fede nel fascismo, fatta di ardore, risolutezza, energia, forza, lotta per la patria, sentimento della vittoria, prestigio dell’Italia e dell’Impero ; il risultato – ripetutamente narrato dalla penna degli adulti e, stando a quanto racconta Ciarlantini, effettivamente ottenuto – era che i bambini sviluppavano verso tutto questo un senso di emulazione e di partecipazione attiva. « C’è poi » – scrive ancora Passerini – « un vedere in sogno, che ricorre anch’esso nei libri per ragazzi e che si apparenta alla fantasticheria a occhi aperti, ma che ha il potere di rendere più felici, configurandosi come un premio o una promessa » 36. Nel caso dell’effigie di Mussolini a cavallo si è visto che per i bambini non si trattava di una semplice contemplazione esta- tica paga di sé, premio al solo desiderio di vedere, ma si dovevano innescare delle reazioni ben precise : prima di tutto il senso di un rapporto personale con il Duce, con la sensazione di contribuire alla fede fascista (come nel caso del « bambino italiano » della poesia di Padellaro) o con il sentimento di un’investitura, di essere prescelti per un premio o una missione (Filo e Refe) ; e poi naturalmente c’era l’impegno in prima persona a spronare gli altri, a diffondere le idee del fascismo e a glorificare il regime (Filo e Refe nel deserto di Tripoli o Leonetto con il suo tamburo). La visione di Mussolini a cavallo, insomma, implicava un’azione ; il vedere portava con sé il fare. C’è una linea storiografica basata sul concetto di performativity che, mutuando da Judith Butler e dalla sua nozione di gender l’idea della costruzione dell’identità (nel suo caso di genere) come derivante dalla ripe- tizione di una serie di atti, vede il farsi dell’identità nazionale dei bambini cresciuti nei regimi totalitari in termini non solo di indottrinamento dall’alto, ma di agency e di performance, considerando cioè i minori non come soggetti necessariamente passivi ma anche attivi. Scrive Butler :

Gender is not a fact, the various acts of gender create the idea of gender, and without those acts, there would be no gender at all. Gender is, thus, a construction […], the action of gender requires a performance that is repeated […] ; gender is an identity tenuously constructed in time, instituted in an exterior space through a stylized repetition of acts 37.

Studiando i bambini nella Cina di Mao alcuni studiosi come Terry E. Woronov e Xu Xu hanno lavorato a partire dalle stesse premesse. Scrive per esempio Woronov :

36. L. Passerini, Mussolini immaginario, p. 203. 37. J. Butler, Gender Trouble. Feminism and the Subversion of Identity, New York – Londra, Routledge, 1990, p. 140. Le anime semplici e il piedistallo… 205

The concept of performativity can also be usefully extended to help us think about the construction of children as national subjects, and the ways that nationalism is performed in some of the same ways that gender is. From this perspective, nationalism is understood as something children do, not something they acquire. It thus takes us beyond state-sponsored textbooks and propaganda, and focuses instead on children’s daily lives to inquire how and where the nation is performed. These performances may include reading textbooks, but also a range of other daily activities 38.

Se pensiamo al regime di Mussolini è possibile vedere nella stessa ottica anche la costruzione dell’identità fascista dei bambini italiani e capire ancora meglio il ruolo centrale che rivestiva in quel contesto l’immagine del Duce a cavallo. Come si è visto, questa immagine abitava l’orizzonte infantile a vari livelli : in primo luogo rimandava alle parate e alla leva fascista, cioè a un’esperienza che i bambini vivevano direttamente, anzi, a una performance a cui erano chiamati in prima persona quando Figli della Lupa, Balilla e Piccole Italiane sfilavano davanti al Duce a cavallo oppure alzavano il braccio al suo passaggio gridando « A noi ! », proprio come facevano gli adulti. Era un’esperienza che si imprimeva nella memoria e che poi veniva rievocata nei temi e nei disegni in classe. Inoltre l’immagine di Mussolini a cavallo, che i bambini ritrovavano nei libri di scuola e nei racconti per ragazzi, rimandava a un orizzonte per così dire perfor- mativo anche quando era proposta attraverso la lettura : infatti l’azione dei piccoli protagonisti come Orazio, Leonetto, Filo e Refe, riproponeva – attraverso atti specifici come rifare i dipinti con Mussolini condottiero, suonare il tamburo al seguito del Duce, trovare il tesoro da lui indicato e istituire una milizia fascista tra gli indigeni – i valori che la propaganda di regime associava al fascismo e che sono stati già ricordati sopra : cioè energia, ardore, risolutezza, sentimento nazionale, missione imperiale, fede nel Capo. Si è visto che Butler sottolinea nella costruzione del gender la compo- nente della ripetizione. Secondo Butler, « As in other ritual social dramas, the action of gender requires a performance that is repeated. This repetition is at once a reenactment and reexperiencing of a set of meanings already socially established ; and it is the mundane and ritualized form of their legitimation » 39. L’immagine di Mussolini a cavallo metteva in atto il

38. T.E. Woronov, « Performing the Nation : China’s Children as Little Red Pioneers », Anthropological Quarterly, LXXX, 3, Summer 2007, p. 655. Si veda anche Xu Xu, « “Chairman Mao’s Child” : Sparkling Red Star and the Construction of Children in the Chinese Cultural Revolution », Children’s Literature Association Quarterly, XXXVI, 4, Winter 2011, p. 381-409. 39. J. Butler, Gender Trouble…, p. 140. 206 Beatrice Sica medesimo meccanismo di ripetizione : non solo era ripetuta e moltipli- cata essa stessa attraverso fotografie, cartoline, disegni, filmati, racconti e poesie, ma la sua essenza era esattamente di tipo performativo, perché rimandava all’esperienza diretta delle parate – che i bambini ricordavano e ricreavano attivamente in temi e disegni – e alla proiezione fantastica di azioni eroiche e avventurose inserite tutte nel set of meanings del fascismo. La nozione di performativity di Butler è già stata applicata al fascismo italiano. Anne Wingenter se ne è servita per analizzare le lettere che i bambini italiani in epoca fascista scrivevano al Duce e ha osservato : « As with youth group drills and parades or the rote memorization and recitation of fascist pledges, mottos and decalogues, children practiced the rules of the form, creating demonstrations of their belonging to a national community centered on the figure of the Duce » 40. Questo rimane vero anche nel nostro caso in cui i bambini erano sia produttori di testi e immagini con Mussolini a cavallo (si pensi di nuovo al libro di Mingozzi), sia soprattutto consumatori di un largo numero di favole e raffigurazioni incentrate sullo stesso perso- naggio proposto in chiave mitica. Certo, in questo secondo caso i racconti e le illustrazioni dei libri erano opera degli adulti, che ne controllavano strettamente il contenuto e lo rendevano pienamente conforme all’ideologia fascista ; ma come dice Woronov le « performances may include reading textbooks » ; e per altro il lavoro di fantasia fatto sui racconti scritti o attivato dalle figure correvano sempre in parallelo alle performances delle parate o dei campi Balilla. Nell’ambito delle letture scolastiche o per ragazzi l’orizzonte performativo suscitato dall’immagine di Mussolini a cavallo prevedeva a volte che i bambini fossero al centro dell’azione o della scena : lo abbiamo visto con Orazio nel brano di Petrucci, con Filo e Refe nel libro di Colombini, con Leonetto su Monte Mario disegnato da Pullini. Ciò non è strano considerato il meccanismo di identificazione che si ricercava per ragioni educative in quei materiali o che era insito nel genere di scrittura. D’altra parte erano numerosi i casi in cui protagonista assoluto rimaneva Mussolini : basti pen- sare alla lettura « Il bimbo prodigioso (il Duce racconta) » che accompagnava la fotografia scattata all’ippodromo di villa Glori, ai quaderni stampati dalle cartiere Donzelli, al disegno di Pullini incorniciato nell’arco a tutto sesto e alla poesia di Petrucci sottostante ; anche la poesia di Padellaro partiva dal bambino ma finiva con le parole e le promesse del Duce. Per non dire che la centralità e la superiorità di Mussolini erano sempre sottolineate e mai smentite durante le parate e le riviste militari : non solo la posizione

40. A. Wingenter, « “Vi saluto romanamente !”. Self-narration and performance in children’s letters to Mussolini », History of Education & Children’s Literature, VII, 1, 2012, p. 244. Le anime semplici e il piedistallo… 207 in sella lo poneva già in partenza più in alto degli altri – e ancora più in alto dunque dei bambini, di statura più bassa degli adulti – ma quando si muoveva il Duce era sempre primo, staccato dagli altri ufficiali a cavallo, oppure, se stava fermo in sella, si poneva non di rado su un rialzo di terra costruito appositamente per lui 41. Non era dunque l’immaginazione dei fanciulli e delle « anime più semplici » a porre l’eroe-Duce « immedia- tamente su un piedestallo e in un’atmosfera di leggenda », come voleva Chiarini : era tutto il sistema di propaganda fascista che gli stava intorno e che costruiva la sua immagine di condottiero in maniera così studiata e capillare ; erano gli adulti che creavano quel sistema e – con convinzione o anche subendolo – lo riassumevano così bene in quell’icona. I bambini non potevano che andare dietro a tutto questo.

Beatrice Sica University College London

41. Cfr. il cinegiornale Luce con segnatura A0588 e le fotografie dell’archivio Luce con segnatura A00001351, A00001354, A00009850, A0009851, A0021048, A0021049, A0021066, A0021073, A0022111, A0054536, tutti visibili sul sito internet dell’Archivio Luce, http://www.archivioluce. com/archivio (accesso effettuato il 26 maggio 2018) ; e inoltre le fotografie con segnatura RCB-F-014520-0000, RCB-F-015430-0000 e RCB-F-015431-0000 visibili nel sito internet dell’Archivio Alinari https://www.alinari.it/ (accesso effettuato il 26 maggio 2018). Il rialzo del terreno costruito per il Duce è anche ricordato da Mario Carli nel suo romanzo L’Italiano di Mussolini (Milano, Mondadori, 1930) che rievoca il quarto annuale della Marcia su Roma che fu celebrato con l’inaugurazione del nuovo Stadio Littoriale (oggi Dall’Ara) di Bologna il 31 ottobre 1926 : « il Duce […] apparve, solo, a cavallo, sul rialzo di terra costruito per lui, simile a un grande piedistallo da cui, vivente monumento equestre di se stesso, egli poteva tutti vedere e da tutti essere visto » (p. 199). 208 Beatrice Sica

Fig. 1 – Eugenio Risi, ritratto a cavallo di Benito Mussolini. Archivi Alinari, Firenze. Le anime semplici e il piedistallo… 209

Fig. 2 – Fotografia (di Eugenio Risi) ritoccata di Mussolini a cavallo, da : Il libro della seconda classe, compilato dalla signora O. Quercia Tanzarella (Ornella), illustrato da M. Pompei, Palermo, Libreria dello Stato, 1930, p. 22. Per gentile concessione della Biblioteca di Storia Contemporanea « Alfredo Oriani ». 210 Beatrice Sica

Fig. 3 – Mussolini a cavallo in via dell’Impero fa il saluto romano al passaggio delle Giovani Italiane. Roma, 24 maggio 1934, cerimonie dell’ottava leva fascista. Archivio Storico Istituto Luce. Le anime semplici e il piedistallo… 211

Fig. 4 – Pio Pullini, disegno di Mussolini a cavallo, da : L’aratro e la spada. Letture per la terza classe dei centri rurali, testo di A. Petrucci, illustrazioni di P. Pullini, Roma, Libreria dello Stato, 1941, p. 192. Per gentile concessione degli eredi di Pio Pullini. 212 Beatrice Sica

Fig. 5 – « R. », disegno di Mussolini a cavallo, da : P.A. Colombini, Filo e Refe alla scoperta di un tesoro, Milano, Istituto Tipografico Editoriale, 1934, p. 29. Collezione privata B.S. Le anime semplici e il piedistallo… 213

Fig. 6 – Mussolini a cavallo, in divisa di capo della Milizia con la piuma sull’elmetto, passa in rassegna dei balilla con il moschetto nei pressi del Colosseo. Archivio Storico Istituto Luce.

Fig. 7 – Disegno di una bambina di Molinella, da : D. Mingozzi, Mussolini visto dai ragazzi, con prefazione di A. Turati, San Casciano Val di Pesa (Firenze), Società Editrice Toscana, 1928, p. 43. Collezione privata B.S. 214 Beatrice Sica

Fig. 8 – Pio Pullini, disegno di Leonetto sul Monte Sacro ; sullo sfondo, Mussolini a cavallo. Da : L’aratro e la spada. Letture per la terza classe dei centri rurali, testo di A. Petrucci, illustrazioni di P. Pullini, Roma, Libreria dello Stato, 1941, p. 210. Per gentile concessione degli eredi di Pio Pullini. RECENSION BIBLIOGRAPHIQUE

NOTES CRITIQUES

Laetitia Levantis, Venise, un spectacle d’eau et de pierres. Architecture et paysage dans les récits de voyageurs français (1756-1850), Grenoble, ELLUG, 2016, 291 p. Le beau livre de Laetitia Levantis, Venise, un spectacle d’eau et de pierres. Architecture et paysage dans les récits de voyageurs français (1756-1850) se situe dans une perspective à mi-chemin entre histoire sociale et histoire des mentalités. Dans cet ouvrage influencé par les travaux d’Alain Corbin, l’auteure pratique une histoire du goût, mais également une histoire du regard. La chose si passionnément regardée − mais aussi écrite, « mise en textes » si l’on peut dire − c’est ici Venise : la « ville signe » par excellence, une ville qui reste toujours à déchiffrer, en dépit de tout ce qui a déjà été dit sur elle. Par un travail relevant d’une forme d’archéologie du regard, Laetitia Levantis étudie la façon dont la ville fut perçue, vue, mais aussi jugée par les voyageurs français entre les XVIIIe et XIXe siècles. Elle tente de reconstruire les éléments caractéristiques d’une sorte de phénomé- nologie de l’« aperception », et de rendre compte de ce qu’elle appelle la « formation des images », celles que se font les voyageurs dans leur appréhension de l’espace urbain. Certes, un certain nombre d’études a été consacré, du début du vingtième siècle jusqu’à nos jours, au thème du voyage à Venise. En même temps, comme le soutient de façon plutôt convaincante Laetitia Levantis, ces études ne sont en définitive pas si nombreuses. La particularité de l’optique choisie consiste à centrer l’analyse autour de la question du regard posé sur l’architecture, les « pierres de Venise » (dans la seconde partie intitulée « L’architecture vénitienne et son langage stylistique dans les pages des voyageurs français »), ainsi qu’autour de la question de l’élément aquatique (dans la troisième partie intitulée « L’omniprésence de l’élément aqua- tique : de l’appréhension commune à l’intérêt scientifique »). Pour ce faire, l’auteure analyse un riche corpus de récits et de correspondances rédigés par des hommes et des femmes de lettres, ou par de simples particuliers (célèbres ou parfaitement inconnus, aristocrates ou roturiers), mais aussi

Transalpina, no 21, 2018, Entre France et Italie…, p. 217-236 218 Recension bibliographique par des architectes, des hommes de science et des naturalistes. D’autre part, elle s’interroge (dans la première partie intitulée « Le voyageur face à l’urbanisme et à l’environnement vénitiens ») sur les fondements mêmes du « goût de Venise », sur les façons de voir la ville qui sont influencées par les modes, les codes, les sensibilités et les débats culturels et politiques des différentes époques. Le corpus inclut donc également les guides de tourisme, ainsi qu’un ensemble d’« intertextes » qui ont transformé Venise en une « ville texte », « ville palimpseste ». L’auteure travaille, en somme, sur tout ce qui a fait de Venise un lieu commun, au sens propre : le lieu du déjà-vu, dont la représentation ne saurait être détachée de toute une « acculturation préalable », selon l’expression de l’auteure, qui conditionne nécessairement le regard. Tout en se situant dans une perspective historienne, l’ouvrage est très intéressant aussi du point de vue de l’histoire du fait littéraire. Il contient des réflexions très fines sur les genres littéraires (romans, poèmes, correspondances, mais également récits de voyage ou carnets intimes). On y trouve des analyses souvent éclairantes sur leurs différences, leurs spécificités, et parfois même la hiérarchie de ces textes, qui ne relèvent pas tous de la littérature à proprement parler. L’auteure souligne, entre autres, la façon dont, au XIXe siècle − qui fut par excellence le siècle d’une « religion de la littérature » − le récit devient la condition du voyage au lieu d’en être comme auparavant le résultat. C’est alors que la figure du voyageur se confond avec celle de l’écrivain. Elle analyse également ce qu’elle appelle la « bibliothèque du voyageur », à savoir la manière dont sont construits, fabriqués, les récits de voyage. Ainsi, à propos des guides de voyages, les différences entre XVIIIe et XIXe siècle − en dépit des conti- nuités, filiations et emprunts − sont fort bien mises en évidence. On perçoit parfaitement la façon dont les compilations encyclopédiques de la seconde moitié du XVIIIe siècle (celles de Lalande ou de Richard) cèdent peu à peu le pas à de simples outils de repérage, contenant des informations précises (comme les célèbres Quadri ou Baedecker). En outre, ces évolutions sont judicieusement mises en parallèle avec la question de la nature même des récits de voyage, lorsque l’on passe des « récits guides » du XVIIIe siècle à des récits qui, au XIXe siècle, peuvent difficilement se ramener à un moule commun, à une époque où désormais le voyageur construit et organise son propre parcours, en dehors des circuits imposés par les guides, c’est- à-dire en fonction de son propre « génie ». L’auteure montre bien, à cet égard, que la « déambulation » à travers la ville échappe alors à l’ordre qui était celui du XVIIIe siècle. Cet ordre était conforme à une certaine vision mythique de l’harmonie de la ville, comme par exemple chez Sansovino qui, au XVIe siècle, voyait Venise non pas comme un labyrinthe mais Notes critiques 219 comme un ensemble ordonné de sestieri. Quant aux récits de voyage à proprement parler, elle souligne le fait que la découverte de Venise n’est plus seulement élaborée à partir d’une logique topographique, comme c’était le cas au Siècle des lumières, mais qu’elle s’organise au XIXe siècle dans un parcours chargé de « souvenirs historiques ». Par-delà sa dimension indéniablement littéraire, Venise, un spectacle d’eau et de pierres est néanmoins d’abord un travail d’historien. Laetitia Levantis s’attache toujours à montrer les conditionnements historiques des visions de Venise qui se succèdent au cours de la période prise en considération. On ne saurait, dans le cadre de ce compte rendu, pointer toutes les transformations du regard qu’elle met à jour à travers son tenace travail d’« arpenteur » du vaste corpus identifié. Elle réussit à rendre compte des continuités, mais aussi des ruptures importantes entre une époque, le XVIIIe siècle, au cours de laquelle Venise existait bel et bien en tant qu’État, et une époque, le XIXe siècle, où la ville représente l’archétype du lieu soustrait à l’histoire, déchu de sa gloire passée, et donc aussi en mesure d’incarner une bonne part des mythologies romantiques. Le grand mérite de cet ouvrage est de réussir à rendre compte de ces modifications de la perception de la ville dans des domaines aussi différents que la littérature, les arts, l’architecture. Mais aussi la médecine, lorsque Venise devient, au XIXe siècle, une cité balnéaire dont on vante alors les mérites thérapeutiques. Sur ces différents versants, l’auteure fait preuve d’une indéniable connaissance des bibliographies et débats critiques, actuels et passés, mais aussi d’esprit de synthèse dans l’exposition. Quant à la bibliographie qui se trouve à la fin du volume, elle représente à elle seule un instrument de travail précieux pour tous ceux qui s’intéressent à la question du mythe de Venise. Fruit d’un travail de thèse très documenté, l’ouvrage, qui a obtenu le prix de l’Académie des Sciences, Lettres et Arts de Marseille, se distingue en même temps par l’élégance et la précision de la langue. Il témoigne d’un goût de Venise qui est aussi un goût pour le style. Laetitia Levantis parvient à nous offrir un ouvrage dont la lecture reste, en permanence, agréable et fluide, sans que l’érudition ne représente jamais un obstacle au plaisir du texte. Ce plaisir est celui d’un voyage à Venise, une ville dans laquelle les simples allées et venues, comme l’écrivait si joliment Marcel Proust, ont tout à la fois le charme « d’une visite dans un musée et d’une excursion en mer ». Xavier Tabet 220 Recension bibliographique

Ann Lawson Lucas, Emilio Salgari. Una mitologia moderna tra letteratura, politica, società, vol. I, Fine secolo (1883-1915). Le verità di una vita letteraria, Florence, Olschki, 2017, 441 p. Tous ceux qui pensent qu’Emilio Salgari ne mérite pas les honneurs de la critique universitaire pourront changer d’avis à la lecture de l’étude monumentale qu’Ann Lawson Lucas a consacrée à l’histoire de l’édition et de la critique de son œuvre, dont vient de paraître le premier tome. Déjà auteure d’un précédent essai sur cet écrivain – La ricerca dell’ignoto. I romanzi d’avventura di Emilio Salgari 1 –, cette universitaire anglaise spécialiste de littérature de jeunesse italienne a continué de lui consacrer des années de travail infatigable dans les archives et les bibliothèques de la péninsule, à la recherche de tous les documents et toutes les informations en vue d’une étude « patrimoniale » qui se veut, cette fois-ci, exhaustive, et qui comprend trois autres volumes à paraître (vol. II, Fascismo (1916-1943). Lo sfruttamento personale e politico ; vol. III, Dopoguerra (1943-1999). Il patrimonio del passato e le sorprese del presente ; vol. IV, Albori del nuovo secolo (2000-2012). Maturità della nuova critica salgariana). Un travail d’investigation qui lui a permis de mettre à jour les strates d’erreurs, de confusions et de mensonges qui s’étaient accumulées pendant des décennies, en falsifiant l’histoire éditoriale de l’auteur, qui avait par ailleurs lui-même contribué à la brouiller en multipliant les publications sous différents pseudonymes. En suivant la législation de l’époque, Salgari s’était lié par contrat à différentes maisons d’édition, qui, en échange d’une rétribution unique versée une fois pour toutes en échange des droits d’auteur, s’arrogeaient la propriété exclusive et perpétuelle de ses écrits ; néanmoins, pour pouvoir améliorer ses gains et échapper à la pauvreté qui le guettait, il continuait de publier ailleurs sous plusieurs noms d’emprunt (Guido Altieri, Guido Landucci, E. Bertolini). Salgari n’était pas pour autant victime d’une exploitation éhontée de la part de ses éditeurs, comme il le crut et le fit croire lui-même, en les accusant de s’être enrichis à ses dépens ; Lawson Lucas réfute cette thèse largement répandue, en démontrant qu’il n’avait pas été mal traité, mais bien au contraire qu’il avait joui de contrats plutôt avantageux pour l’époque, qui auraient pu lui assurer une certaine aisance. Dans ce premier volume à la mise en page impeccable, merveilleuse- ment illustré par la reproduction des couvertures et des gravures des livres salgariens, Lawson Lucas reconstitue avec minutie et précision l’histoire complexe de la rédaction et de la publication des œuvres de Salgari, depuis

1. Également paru chez Olschki en 2000. Notes critiques 221 les premiers feuilletons de sa jeunesse jusqu’à ses romans posthumes, en se proposant de faire la lumière sur toutes les zones d’ombre de sa carrière littéraire. Le fil rouge de cette biographie est en effet celui des relations de l’écrivain avec le monde de la presse et de l’édition de son temps, qui sont ici réparties en trois périodes principales, identifiées par ses lieux de travail et de résidence : I. Vérone-Turin (1883-1897), la jeunesse et les nouveautés ; II. Gênes-Turin (1897-1906), la maturité et le succès populaire ; III. Turin-Florence (1906-1915), le Parnasse public et l’Enfer privé. C’est en 1883, à l’âge de vingt ans, qu’Emilio propose à des journaux de Vérone (sa ville natale) ses premiers textes, dans lesquels apparaissent déjà les traits fondamentaux de son écriture romanesque. Le jeune Salgari écrit alors pour un public adulte des récits d’aventures où sont toujours présentes les passions amoureuses et la violence, avant de commencer à collaborer en 1891 avec des éditeurs pour l’enfance, auxquels il adressera des romans et des nouvelles spécialement conçus pour le jeune public : Treves à Milan, Speirani à Turin, Bemporad à Florence. En 1893 il décide d’abandonner son emploi stable et sûr à La Nuova Arena de Vérone pour se consacrer à plein temps à l’écriture romanesque, et en 1895 il signe un premier contrat en exclusivité avec Antonio Donath, éditeur à Gênes. Devenu l’un des premiers écrivains modernes réellement populaire, peu apprécié des pédagogues mais adoré de la jeunesse et aimé du public, Salgari est décoré en 1897 de la médaille de la Croix d’Italie et nommé Chevalier de la couronne. L’écrivain est alors reconnu comme le chef de file de son genre littéraire ; ses ouvrages, publiés en feuilletons ou par épisodes, en volumes brochés ou en édition de luxe, sont lus par toutes les classes et les catégories sociales : adultes, adolescents et enfants des deux sexes, appartenant aux couches populaires ou à la bourgeoisie, jusqu’à la famille royale. En 1897 il emménage près de Gênes, où réside Donath, et de nouveaux contrats vont le lier à l’éditeur génois : contre le versement annuel de 3 000 lires, Salgari s’engage à remettre trois romans inédits par an, sans compter les nouvelles et les articles qu’il doit écrire pour le magazine Per Terra e per Mare. Giornale di avventure e di viaggi, dont il est également le directeur. Commence alors la série des meilleurs ouvrages salgariens (I misteri della giungla nera, Il corsaro nero, Le tigri di Mompracem), que Donath publie en déployant une stratégie intelligente : des volumes d’une belle qualité typographique par le format et l’impression, qu’il fait illustrer à Pipein Gamba, un dessinateur au style « Liberty » dont les couvertures donnent à ses volumes un charme irrésistible. Au total, d’après Lawson Lucas, Salgari écrivit pour Donath trente- quatre volumes, dont ce dernier se disait le seul propriétaire perpétuel. En 1905, entre en vigueur un nouveau contrat qui prévoit une rétribution 222 Recension bibliographique de 4 000 lires l’an, en échange de la remise de neuf ouvrages sur trois ans, et une forte pénalité en cas de rupture du contrat. Mais en 1906, l’éditeur florentin Bemporad lui en propose un autre, encore meilleur : une collaboration de dix ans, pour une rétribution de 10 000 lires annuelles, en échange de quatre manuscrits par an. Salgari accepte, et la question de la pénalité est réglée par un avocat. Commence alors la dernière partie de sa vie, la plus tragique (Turin-Florence, 1906-1915). Jusqu’à sa mort, l’écrivain travaillera pour Bemporad, en écrivant des romans destinés à la jeunesse, qui seront publiés en volumes ainsi que par épisodes dans Il giornalino della Domenica, l’hebdomadaire pour l’enfance de Bemporad : un éditeur qui payait bien ses bons auteurs, mais qui demandait une production excessive, inconcevable de nos jours : en 1907, Salgari avait publié sept volumes, deux pour Donath et cinq pour Bemporad. Il était de plus en plus célèbre (« Parnasso pubblico ») mais il devait écrire nuit et jour (« Inferno privato ») et n’avait plus de répit. Vivant uniquement de sa plume, pour pouvoir subvenir aux besoins de sa famille (il avait quatre enfants) il était contraint de publier à un rythme frénétique ; en 1909, épuisé par ce travail de forçat, malade et déprimé, il faisait face en s’adonnant à la cigarette et à la boisson, tandis que l’état mental de son épouse se dégradait. En 1911, après une crise de démence, sa femme dut être internée dans un asile et Salgari, ne pouvant payer sa pension, décida de mettre fin à ses jours en allant se faire hara-kiri dans un bosquet à la périphérie de Turin. Il avait auparavant écrit à ses éditeurs : « A voi che vi siete arricchiti colla mia pelle mantenendo me e la famiglia mia in una continua semi-miseria od anche di più, chiedo solo che per compenso dei guadagni che vi ho dati pensiate ai miei funerali » (p. 367). Au moment de sa mort, il restait encore des manuscrits qui paraîtront à titre posthume entre 1911 et 1915 ; mais la question de son héritage littéraire devait rester ouverte, en donnant lieu par la suite à une véritable industrie de faux salgariens, sur la base d’une entente entre Bemporad, les enfants d’Emilio et Renzo Chiosso (le tuteur des enfants), qui après avoir complété les manuscrits inachevés entreprit d’écrire un grand nombre de textes apocryphes. D’après Lawson Lucas, en vingt-cinq ans Salgari avait publié quatre-vingt-sept romans et quelque cent vingt nouvelles et récits (dont le répertoire bibliographique complet paraîtra dans le vol. IV). En tant qu’écrivain, il avait initié un genre nouveau en Italie, créé des personnages fascinants qui se sont inscrits à jamais dans l’imaginaire collectif italien, décrit la Nature avec lyrisme en donnant une vie singulière à l’Ailleurs exotique et à la mer qui servaient de décor à ses romans d’aventures. L’exubérance de son imagination était certes la source de sa création, mais il avait été un homme de son temps, au courant de l’actualité politique Notes critiques 223 mondiale, et un écrivain engagé : il avait impliqué ses personnages dans une idéologie fondée sur l’égale dignité des races, des nationalités et des religions, et il avait manifesté son anticolonialisme dans ses intrigues, en opposant des indigènes opprimés à des colonisateurs européens. Toutes qualités qui, d’après Ann Lawson Lucas, achèvent de lui conférer une forte dimension culturelle et une réelle modernité. Mariella Colin

Aurélie Manzano, Dans le bouillonnement de la création. Le monde mis en scène par Curzio Malaparte (1898-1957), Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2017, 420 p. Malaparte connaît actuellement un regain d’intérêt en France, qu’attestent non seulement les rééditions et les nouvelles traductions de ses œuvres (parmi lesquelles se distingue Viva Caporetto ! La rivolta dei santi maledetti par Stéphanie Laporte), mais aussi la critique académique. Après le succès de Malaparte. Vies et légendes de Maurizio Serra, prix Goncourt de la meilleure biographie en 2011, en 2017 a paru un numéro des Cahiers d’études italiennes dédié à Curzio Malaparte, témoin et visionnaire 2 en même temps que l’essai d’Aurélie Manzano. Même si ce retour en grâce au sein de l’italianisme français s’explique en partie par des circonstances particulières, comme le centenaire de la Grande Guerre ou la présence de l’auteur au programme de l’agrégation, il est heureux que la critique universitaire s’intéresse à nouveau aux contradictions, aux paradoxes et aux audaces d’un écrivain longtemps négligé. Aurélie Manzano a délibérément conçu son ouvrage (tiré d’une thèse de doctorat soutenue en 2011) à l’intention du public de l’Hexagone, en citant en français les titres des œuvres de Malaparte et en donnant systé- matiquement des citations traduites, pour lui permettre de découvrir la personnalité énigmatique d’un auteur qu’elle a choisi de faire apparaître sur la couverture le visage recouvert d’un masque. Un auteur narcissique et égocentrique, qui aimait se donner en spectacle, déconcerter et déranger par la cruauté immorale de son écriture, mais aussi un créateur à l’origine d’une œuvre foisonnante et complexe. Dans cette étude d’envergure, Manzano se propose de démontrer la cohérence intrinsèque de cette œuvre, qu’elle n’explore pas selon un développement chronologique, mais à partir d’un réseau de thèmes, d’images et de motifs récurrents. Bien que les ouvrages de Malaparte soient constamment mis en contexte (historique et artistique), et

2. Aux Presses universitaires de Grenoble. 224 Recension bibliographique rapportés au dossier critique existant, l’exégèse privilégie la confrontation personnelle avec les textes, que la jeune critique prend en considération dans leur totalité. Le plan de l’essai a conservé la clarté schématique d’un plan de thèse, en partageant la matière en trois parties composées chacune de trois chapitres. Dans la première partie (« Des visages tournés vers le monde »), Manzano explore l’adhésion au monde de Malaparte, journaliste politique et voyageur infatigable et curieux, tiraillé entre le régionalisme de ses racines toscanes et l’ouverture cosmopolite à l’Europe ; selon elle, l’omni- présent personnage-narrateur de cette écriture où l’on n’a vu souvent qu’un Narcisse, un égotique ne proposant que des projections de lui- même, est avant tout un médiateur préoccupé de permettre au lecteur d’appréhender le réel, un « écrivain-miroir » qui, tout en se mettant en scène, se reconnaît dans l’univers entier et prétend en incarner la variété. « Les traces des conflits » – la seconde partie – traite de l’expérience mala- partienne des deux conflits mondiaux qui ont formé sa personnalité ; la guerre, dont les images et les métaphores évoluent d’un affrontement à l’autre, constitue l’une des clefs de sa lecture du monde. Le jeune Malaparte participe comme volontaire à la Grande Guerre. En 1940 en revanche, c’est un officier correspondant de guerre qui parcourt les zones de combat la plume à la main. Dans son pamphlet sur la retraite de Caporetto, il défend les soldats en déroute sans produire pour autant un texte pacifiste, car la révolte des fantassins est pour lui un fait social qu’il justifie, sans qu’il ne contredise à ses yeux la capacité de régénération dont la guerre est porteuse ; en revanche, la Seconde Guerre mondiale est vue dans une atmosphère morbide de décadence générale en Europe. Si dans ses premiers textes l’écrivain adopte une attitude clairement populiste de défense des faibles, dans les œuvres postérieures il met en avant son tempérament mondain, à l’aise dans les milieux aristocratiques de la diplomatie internationale (Kaputt), qui éprouve pour l’abjecte foule napolitaine une inavouable répulsion (La peau). Des deux conflits, c’est le second qui donne lieu aux pires atrocités, que l’auteur décrit sans les condamner clairement pendant qu’il étale les plaies de la chair souffrante. Il en exhibe la laideur et la cruauté avec des représentations du corps humain qu’Aurélie Manzano rattache à des références picturales diverses, en indiquant dans la peinture expressionniste allemande leur source principale. Malaparte ouvre les corps dans un souci de connaissance, mais laisse sa curiosité se muer en cruauté par des tableaux macabres et indécents dont il est le premier à souffrir. C’est l’inhumanité de la Seconde Guerre mondiale qui enferme Malaparte dans un désespoir sans issue, car pour Manzano, ce n’est pas le goût de la provocation qui le pousse à Notes critiques 225 mettre en scène des horreurs, mais le désir de savoir et de comprendre. La cruauté insoutenable de son écriture lui permet même d’atteindre le sommet de son art avec Kaputt et La peau. La troisième partie, « Réinvention de soi et recréation du monde », s’ouvre par la question des origines personnelles : en se donnant un patronyme italien de son invention qui dit son auto-engendrement, Malaparte s’est affranchi de ses origines germaniques en reniant le nom du père (Suckert), tout comme il a renié ses « pères littéraires » (les intellectuels florentins, D’Annunzio et Proust). De même, il refait l’histoire, qui est pourtant la toile de fond de ses écrits, en remaniant les événements de manière très personnelle ; dans Kaputt, par exemple, il ne respecte pas la chronologie de la Seconde Guerre mondiale, dans La peau, il déforme la vérité des faits selon une esthétique apocalyptique. Mais dans les dernières années de sa vie, sa curiosité s’amenuise ; Manzano constate dans ses dernières œuvres un effacement progressif de la réalité extérieure, malmenée et pliée à ses fins, où l’Europe n’est plus que décadence, tandis que son espace intérieur se construit de manière de plus en plus autonome. Malaparte, pour qui l’écriture doit faire œuvre de déconstruction, découpe le réel en une infinité de fragments avant de s’employer à le reconstituer selon sa propre vision ; sa « mise en scène du monde » ne lui offre pas de certitudes, mais l’entraîne, en même temps que le lecteur, dans un questionnement douloureux. En étant aussi séduisante qu’irritante, en suscitant des émotions fortes et contrastées, en interrogeant l’homme, la souffrance et la mort, « la lecture de Malaparte », conclut Aurélie Manzano, « est une expérience intense et dérangeante dont on ne sort jamais tout à fait indemne » (p. 368). Mariella Colin

Fulvio Conti, Italia immaginata. Sentimenti, memorie e politica fra Otto e Novecento, Pise, Pacini (Le ragioni di Clio), 2017, 235 p. Dans ce volume qui réunit cinq articles parus au cours de ces dernières années et deux études inédites, Fulvio Conti, sur des sujets relativement variés, fait le point sur les récentes tendances historiographiques qui ont renouvelé l’historiographie politique de l’Italie des XIXe et XXe siècles. Depuis quelques décennies, cette dernière s’est en effet ouverte à l’interdisciplinarité et notamment à l’anthropologie, la psychologie, la sémiotique, l’histoire de l’art et la littérature, afin d’étudier les rapports entre histoire et mémoire, entre mémoire individuelle et mémoire collective, et surtout les modalités selon lesquelles les mythes et les symboles ont forgé l’identité nationale italienne. 226 Recension bibliographique

Spécialiste de l’histoire de la Franc-maçonnerie (Storia della massoneria italiana. Dal Risorgimento al fascismo, Bologne, Il Mulino, 2003 ; Massoneria e religioni civili. Cultura laica e liturgie politiche fra XVIII e XX secolo, Bologne, Il Mulino, 2008 ; La massoneria italiana da Giolitti a Mussolini, Rome, Viella, 2014), Fulvio Conti met en œuvre par le biais d’exemples choisis une histoire culturelle de la politique alimentée par le filon dit du « linguistic turn » qui s’est développé autour de l’idée que les émo- tions représentent un élément essentiel de la communication politique à l’époque contemporaine. L’attention pour cette « sphère émotionnelle de la politique » lui permet d’observer sous une lumière nouvelle certains phénomènes politiques importants qui ont caractérisé la période ouverte après la Révolution française et qui s’est conclue à la veille de la Première Guerre mondiale : la participation des femmes au Risorgimento (chapitre I), l’influence exercée par les relations affectives dans l’évolution du sentiment patriotique et de la foi politique (chapitre II), le culte des martyrs tombés dans les luttes pour l’indépendance et la liberté (chapitre III), l’usage public des « gloires italiennes » comme Dante Alighieri (chapitre IV), le rôle de la tradition scientifique dans l’élaboration de l’identité nationale (chapitre V), la contribution particulière de la Franc-maçonnerie à ce pro- cessus (chapitre VI), les divisions laissées par les guerres du Risorgimento dans la mémoire collective, à partir de l’exemple d’Aspromonte et Mentana (chapitre VII). L’auteur défend l’idée que les émotions et les sentiments, au même titre que les facteurs économiques et sociaux, ont eu un rôle décisif dans les grands événements historiques. Cette approche lui permet notamment d’approfondir le rôle des femmes, qui est loin d’avoir été marginal, au cours du Risorgimento et jusqu’au début du XXe siècle. Les deux premiers chapitres, centrés sur le rapport entre amour et politique, montrent que non seulement l’amour « romantique » et l’amour patriotique sont souvent intimement liés, mais que de célèbres patriotes n’auraient pu accomplir leurs actions s’ils n’avaient pas eu à leurs côtés des femmes volontaires et politiquement engagées. Fulvio Conti passe ainsi en revue des couples emblématiques qui illustrent le « conditionnement réciproque entre senti- ment amoureux et idéaux patriotiques », comme dans le cas d’Enrichetta Di Lorenzo et Carlo Pisacane, Giorgina Craufurd et Aurelio Saffi, Jessie White et Alberto Mario ; il met aussi en lumière les « contaminations », à l’intérieur des rapports de couple, qui ont influencé la pensée et l’activité politique d’un partenaire ou des deux ; mais il montre aussi les limites de l’application dans la sphère privée des grands principes défendus publiquement, notamment au sein des couples anarchistes (comme ceux formés par Anna Kuliscioff et Andrea Costa ou Gigia Minguzzi et Fran- Notes critiques 227 cesco Pezzi). Il s’arrête également sur la figure de la « salonnière » Emilia Peruzzi, qui exerça un rôle politique bien plus important que celui de son mari Ubaldino, pourtant maire de Florence, ministre et député au long cours. Tous ces exemples permettent de faire émerger le rôle politique prononcé et déterminant des femmes, en particulier dans les couples « de gauche » (démocrates, socialistes, anarchistes), et expliquent comment les liens affectifs contribuèrent à faire entrer la thématique de l’émancipation des femmes dans l’agenda politique des militants de gauche (Alberto Mario, Agostino Bertani, Andrea Costa, Filippo Turati). Dans les chapitres suivants, Fulvio Conti s’interroge sur les origines de l’identité nationale italienne, notamment sur les symboles et les politiques mémorielles qui émergent dans la première moitié du XIXe siècle et qui sont cultivés par les générations suivantes. Dans son chapitre consacré au culte de Dante, il insiste notamment sur l’implication émotionnelle des célébrations dantesques de l’année 1865 puis de l’année 1921, qui touche non seulement la sphère politique et idéologique, mais aussi la sphère sentimentale privée des individus (mesurable par l’onomastique). Dans le chapitre consacré aux hommes de science inhumés au « panthéon » de Santa Croce à Florence, il met en lumière le rôle donné à la tradition scientifique pour représenter l’idée de nation italienne, à partir des congrès scientifiques et du mythe de Galilée qui voit le jour au milieu du XIXe siècle, jusqu’aux commémorations par le fascisme du « génie » de Guglielmo Marconi. Il souligne l’importance de l’espace dédié à la tradition scientifique, et en particulier à celle florentine, dans l’église de Santa Croce, qui a contribué à faire en sorte que, dans l’imaginaire collectif, la représentation du peuple italien ne soit pas uniquement celle d’un peuple de poètes, artistes, héros, saints et navigateurs, mais aussi de penseurs et d’hommes de science. Enfin, le dernier chapitre, qui examine les « mémoires divisées » d’Aspromonte et Mentana dans l’Italie libérale, permet d’ouvrir une réflexion plus vaste sur la résurgence aujourd’hui en Italie de poussées centrifuges et de mani- festations révisionnistes remettant radicalement en cause les modalités et les effets de l’unification de la péninsule. L’invitation de l’auteur à relire le Risorgimento par le biais de nouveaux outils d’analyse vise ainsi non seulement à attirer l’intérêt du public et des chercheurs sur cet acte fondateur de la nation italienne, qui après avoir été placé sous le feu des projecteurs au moment des commémorations du 150e anniversaire de l’Unité en 2011 a sombré de nouveau dans l’oubli, mais aussi à combattre les tentatives mises en œuvre par une certaine classe poli- tique et par des journalistes peu scrupuleux de raviver un climat de haine et de suspicion dans la péninsule par le biais de « revendications ridicules de jour- nées en honneur des victimes méridionales de l’unification italienne » (p. 10). 228 Recension bibliographique

Face aux incursions de plus en plus fréquentes d’« entrepreneurs de mémoire » qui s’appuient sur les écrits auto-apologétiques ou polémiques des « vaincus » de l’histoire italienne pour obtenir la reconnaissance des « victimes » négligées par l’imaginaire national, Fulvio Conti non seulement n’a pas fait son deuil de son statut de passeur du savoir historique, mais il entend bien clamer haut et fort « les raisons de Clio » dans la nouvelle collection qu’il dirige avec Massimo Baioni, qui accueille des contributions « qui aspirent à être rigoureuses et innovantes, avec une prédilection pour l’histoire culturelle et sociale du “politique” ». Laura Fournier-Finocchiaro

Spectralités dans le roman contemporain. Italie, Espagne, Portugal, Marine Aubry-Morici, Silvia Cucchi (éd.), Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2017, 172 p. À une époque où les dialogues avec les morts envahissent aussi la forme narrative de la série télévisuelle, comme dans l’excellent River de la scéna- riste britannique Abi Morgan, l’initiative de deux jeunes chercheuses de l’université Paris 3 consistant à questionner la présence des spectres et de leurs différents avatars dans la littérature en langue romane (Italie, surtout, mais aussi Espagne et Portugal) est à signaler. Si les auteurs transalpins de la seconde moitié du XXe siècle (Morselli, Calvino, Siti, Tabucchi entre autres) se taillent la part du lion, ce n’est pas seulement parce que les deux éditrices sont italianistes. Il existe chez les écrivains ayant vécu sous le fascisme et dans les années de l’immédiat après- guerre, au moment où la société italienne a tenté de solder les comptes avec le ventennio, un tropisme mémoriel propice à une remontée au temps des morts – à moins qu’il ne s’agisse d’une descente –, pour demander à ses proches ancêtres d’éclairer une expérience à bien des égards incompréhensible, du moins sur le plan ontologique, qui a façonné les mentalités des héritiers de la génération suivante. Le mérite des contributeurs, bien illustré par l’introduction convaincante de Marine Aubry-Morici, est d’avoir chacun, sous l’angle particulier d’un auteur différent, rejoint une problématique générale que l’on peut résumer en mettant l’accent sur quelques points importants, sans lesquels la transversalité du projet aurait été impossible ou forcément artificielle, comme c’est parfois le cas dans les études qui, à force de trop vouloir embrasser, mal étreignent. Mais qu’entend-on exactement par « spectralité(s) » et « spectre(s) » ? Les articles proposent une définition qui oscille entre l’étroitesse du synonyme (fantôme, revenant) et l’ouverture plus intéressante vers une approche à Notes critiques 229 la fois anthropologique, philosophique et historique. Ce que « montre » le spectre, selon l’étymologie du terme, c’est l’apparition d’une forme passée qui vient perturber les vivants pour les mettre en garde. En ce sens, l’usage du spectre renvoie à une fonction plus didactique et rationnelle que fan- tastique ou simplement émotive. Nuls zombies dans les romans étudiés ici mais des Cassandre d’un genre particulier, des témoins capables de rappeler un traumatisme récent, que les spectres ont vécu, et qui doit être réactivé par le récit afin d’éviter sa possible résurgence. C’est donc le roman lui-même qui prend une forme spectrale puisqu’il rend lisible, et visible, une vérité issue du monde des morts, pour lutter contre le magma informe de l’oubli, source d’un possible retour de l’ho(e)rreur. Dans une approche derridienne, l’auteur de Spectres de Marx étant cité à plusieurs reprises, le recours à cette figure d’outre-tombe entretient un lien avec l’idée de transmission et de choc entre deux temporalités, le passé et le présent, qui fusionnent non pour « faire peur » mais bien pour orienter l’avenir. Le mort prend la parole, comme dans la tradition classique de la prosopopée, et son discours possède la force de la tribune d’où il est proféré : l’enfer du poème de Dante, la société élisabéthaine du théâtre de Shakespeare, les Lumières des discours de Rousseau ou, plus près de nous, le cimetière d’où Pasolini fait parler Gramsci. Un tel processus littéraire à effet mnémonique reste d’actualité dans une certaine littérature contemporaine attachée aux vertus de l’héritage et du témoignage, comme le confirment les auteurs étudiés dans l’ouvrage. Si ce déploiement des spectres semble cohérent dans les romans encore « hantés » par le fascisme et la guerre, comme ceux de Calvino, Pavese, Vittorini ou Bassani, il est plus surprenant dans une époque où la capacité mémorielle semble annihilée par un présentisme omniprésent qui permet le triomphe du dérisoire et l’inversion des valeurs humanistes, comme dans l’Italie berlusconienne évoquée dans les récits de Giorgio Vasta, Franco Cordelli et Walter Siti étudiés par Silvia Cucchi. Dans Spaesamento, Vasta fait de son protagoniste un épigone du Silvestro de Conversazione in Sicilia (et ce jusqu’au dernier chapitre où, comme dans le récit de Vittorini, le personnage principal retrouve dans une scène chorale ceux qu’il avait croisés tout au long de son périple). Par la prise de recul que permet un voyage en Sicile de trois jours, il veut comprendre l’« actualité » de l’Italie berlusconienne, caractérisée par une confusion entre présent et passé qui constitue le signe le plus patent de la défaite de la mémoire. Si certaines leçons de l’Histoire sont oubliées, dans le meilleur des cas, ou plus tragiquement niées, c’est parce que les témoins sont morts ou se sont tus par lassitude. D’où la nécessité de les évoquer ou d’interroger les raisons de leur effacement dans la doxa dominante qui n’a que le divertissement et la réussite comme boussoles. 230 Recension bibliographique

Déjà Guido Morselli avait souligné la « tyrannie de la réalité », pour reprendre la formule de Giovanni Adamo dans l’article qu’il lui consacre. Chez Morselli, le spectre c’est l’Histoire elle-même, qui vient brouiller l’apparente cohérence du temps présent et transforme le confort de l’adéquation au réel en doute sur sa pérennité. L’Histoire dévoile, et en cela elle est considérée menaçante par ceux qui, aux traces du passé, préfèrent le décor d’une contem- poranéité clinquante mais vide. Plus surprenante, et pour cela stimulante, est l’analyse de La nuvola di smog que propose Michele Carini. En effet, ce n’est point le Calvino théoricien, et praticien dans ses récits « néoréalistes », du « filet troué de la mémoire » qui est convoqué, mais le froid analyste d’un autre type de désagrégation contemporaine, celle d’une nature violentée par le triomphe industriel (ce qui semble aussi être le cas de certains des récits espagnols étu- diés par Cécile Beau, en particulier La Lluvia amarilla de Julio Llamazares). Le spectre devient alors la métaphore d’une harmonie perdue, d’un temps où n’existait pas de façon aussi mécanique la disjonction entre respect de la tradition – et des morts – et hubris prométhéenne liée à l’emballement d’une toute-puissance qui se traduit par la déconnection entre causes et effets. Il est possible que le spectre soit aussi de nature narratologique, selon l’intui- tion de Carini, c’est-à-dire qu’on assiste dans ce récit au retour du refoulé réaliste, mais les rapports de Calvino avec la tentation mimétique sont si aléatoires, fluctuant au gré des l’évolution de sa poétique, que l’argument ne convainc pas entièrement. On l’aura compris, le fil qui relie les différents récits est essentiellement historique. C’est bien l’Histoire le spectre qu’on vénère, qu’on interroge, qu’on scrute ou qu’on refoule : la campagne italienne en Russie dans Ogni promessa de Bajani, l’évocation de Walter Benjamin dans L’angelo della storia d’Arpaia, l’omniprésence du personnage du vieillard chez De Cataldo, le Risorgimento dans Piazza d’Italia de Tabucchi. Ce dernier est sans doute l’écrivain de l’entre-deux-siècles qui aura exploré de la façon la plus systé- matique ces moments propices à un passage de témoin entre fantômes qui reviennent pour rappeler les intellectuels / écrivains chargés de recueillir leur parole. Le récit littéraire devient alors viatique, chargé d’éclairer une époque présente que la bêtise des uns et l’amnésie des autres (ce sont d’ailleurs souvent les mêmes…) voudraient réduire à un simple spectacle de divertissement conditionné par l’injonction au bonheur. De ce point de vue, les récits analysés et, plus généralement, l’art de l’incarnation de l’invisible qu’est le roman, sont plus que jamais nécessaires. En effet, comme l’écrit Silvia Cucchi dans la conclusion de l’ouvrage : « Le rôle de toutes ces figures spectrales dans les romans contemporains est donc précisément celui de permettre au public de développer un regard autre Notes critiques 231 sur la réalité dans laquelle il est plongé, en réhabilitant la mémoire et une conscience éthique – si le spectre renvoie au passé – ou en entraînant un regard critique et vivant sur le présent ». Comme le confesse Kafka dans une lettre à Milena : « Écrire, c’est se mettre nu devant les fantômes ». Cette mise à nu n’a pas pour objectif de satisfaire le voyeurisme d’une société qui a imposé le diktat de la transparence. C’est rappeler la fonction même du roman qui n’est rien d’autre qu’un éternel dialogue avec les spectres. Vincent D’Orlando

L’Italie et l’Antiquité du Siècle des lumières à la chute du fascisme, Philippe Foro (dir.), Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2017, 303 p. Le présent ouvrage, qui rassemble des contributions sur les relations établies en Italie par la pensée, la politique et les arts avec l’Antiquité – grecque, étrusque mais surtout et avant tout romaine –, a fait appel à des spécialistes de plusieurs disciplines pour aborder les différents domaines impliqués dans cette vaste fresque historique. Leurs interventions sont classées en quatre parties, respectivement consacrées au discours politique, aux rapports entre institutions et archéologie d’une part, entre arts et Antiquité de l’autre, pour terminer sur la place des figures antiques dans la culture italienne. La période prise en considération, du début du XVIIIe siècle jusqu’aux années 1960, est marquée par des évolutions historiques multiples, au point de donner par moments le sentiment d’un bégaiement de l’histoire. Au Siècle des lumières, la formation de l’« honnête homme », tel Montesquieu, doit beaucoup à l’Antiquité romaine (P. Foro). Et au même moment surgissent les éléments visant à magnifier le rôle tutélaire de Rome, lorsque Vico valorise l’ancienneté de l’antique culture italique et la vigueur héroïque des Romains, tandis que Piranèse défend la politique d’intégration des nations à l’empire dans son traité Della magnificenza dei Romani, et que Saverio Bettinelli fait descendre Virgile dans la Rome du XVIIIe siècle (C. Imbert). L’archéologie devient un enjeu important pour l’Italie, où les fouilles de Pompéi sont suivies par toute l’Europe cultivée, mais ce sont des érudits français qui divulguent les découvertes vésuviennes, avec le Voyage pittoresque ou Description des royaumes de Naples et de Sicile de l’abbé de Saint-Non, et Les ruines de Pompéi de François Mazois (N. de Haan). Mais pendant le Risorgimento, le goût des romantiques italiens pour l’Antiquité sera des plus modérés : Mazzini, l’apôtre de l’idée républicaine, ne manifeste aucune fascination pour l’Antiquité, et ne s’intéresse qu’à l’histoire en acte du temps présent (J.-Y. Frétigné), tandis que Verdi, qui puise son inspiration 232 Recension bibliographique dans le drame romantique français et les tragédies shakespeariennes, ne fait place à l’Antiquité, par ailleurs ni romaine ni grecque, que dans Nabucco et Aïda (M. Lehmann). Leopardi sera le seul à ériger un monument à l’Antiquité dans sa poésie, en accordant une valeur symbolique et idéo- logique forte à des figures d’exception, romaines (Cicéron et Brutus) et grecques (Sappho et Simonide) (T. Crivelli). Après la constitution du royaume unifié en 1860, la méfiance des hommes du Risorgimento envers les hommes politiques de l’Antiquité romaine se poursuit pendant le XIXe siècle, en opposant Cicéron à César ; Giuseppe Rovani voit dans César un noble corrompu et dans Cicéron un précurseur de l’homme moderne, tout comme Guglielmo Ferrero parle de César comme du plus grand démagogue de l’histoire (A. Marcone). Mussolini lui-même, pendant sa période socialiste, éprouve une véritable aversion pour la ville de Rome, parasite et corrompue (J. Nelis), tandis que D’Annunzio blâme le temps présent, indigne de l’ancienne gloire, et son rêve classique renoue avec la tradition littéraire italienne (S. Amrani). C’est l’archéologie qui arrivera sur le devant de la scène politique : Bologne étrusque sera une vitrine de l’archéologie italienne (S. Rey), et en 1911, pour le cinquantenaire de l’Unité, la nouvelle Italie organisera la première importante exposition mettant en valeur les thermes de Dioclétien (L. Polverini). Même le cinéma muet italien connaît alors une période faste où les nombreux films inspirés de l’Antiquité romaine créent de nouvelles figures héroïques, comme Cabiria et Maciste (A. Capra). Ensuite, l’Italie fasciste se voudra à tout point de vue l’héritière et la continuatrice de Rome, et le ventennio nero sera caractérisé par l’invention d’une romanité fasciste qui investira toutes les sphères de la vie publique et que le nouveau totalitarisme instaurera comme une sorte de « reli- gion politique ». Dans les livres d’école pour l’école primaire, Rome et la romanité sont omniprésentes, et le Duce est devenu un nouveau César, la preuve vivante de l’union spirituelle entre le régime fasciste et l’Anti- quité romaine ; à son tour, César est représenté comme un protoduce (M. Colin). En 1937-1938, la célébration du bimillénaire de l’empereur Auguste, marquée par la Mostra Augustea della Romanità, ouvre la voie à une identification entre Auguste et Mussolini, tous deux constructeurs, urbanistes et fondateurs de colonies (P. Foro). Cette romanité fasciste se manifeste à plusieurs niveaux : par l’action de l’Istituto Superiore di Studi Romani, par les fouilles, la reconstitution de monuments, la nouvelle archi- tecture qui la transpose dans l’EUR (quartier de l’Esposizione Universale di Roma) et la Cité Universitaire (J. Nelis). Les études historiques sont réorganisées par le régime pour donner une nouvelle dignité à l’histoire ancienne et à l’archéologie (L. Polverini), et, de fait, l’archéologie classique, Notes critiques 233 l’une des disciplines préférées par le fascisme, donna lieu à de grandes fouilles à Rome, Ostie, Pompéi et Herculanum. Néanmoins, il fut possible à des antifascistes comme Zanotti-Bianco de continuer de fouiller dans les chantiers de la Grande Grèce (N. de Haan). D’autres antiquisants refusèrent de prêter serment au régime, comme Gaetano De Sanctis, qui sous la dictature écrira une Storia dei Greci conçue comme une histoire de la liberté et de la démocratie (S. Rey). Parmi les écrivains, un idéologue comme Giulio Evola défend l’idée d’une romanité aristocratique, virile et martiale, en l’opposant à la civilisation étrusque jugée orientale et décadente (M.-L. Haack), tandis que Carlo Emilio Gadda et Vitaliano Brancati, qui soutinrent tous deux le parti fasciste avant de lui retirer leur adhésion, donnent l’un une satire féroce de la grandeur artificiellement associée à la romanité, l’autre une caricature de la virilité et de la fierté de la « race » italienne exaltées par le régime (S. Amrani). Ainsi, dans le miroir de l’Antiquité reconstitué dans ce volume, ce sont les évolutions historiques et culturelles de l’Italie sur trois siècles qui se reflètent dans toute leur diversité et complexité. Laura Fournier-Finocchiaro

Franco Moretti, Il borghese. Tra storia e letteratura, traduzione di Giovanna Scocchera, Torino, Einaudi, 2017, 186 p. Il volume di Moretti, uscito negli Stati Uniti nel 2013 con il titolo The Bourgeois. Between History and Literature, conferma l’impostazione metodologica squisitamente comparatistica alla quale l’Autore ci ha abituato con le sue precedenti opere (tra le maggiori : Segni e stili del moderno, 1987 ; Il romanzo di formazione, 1999 ; Opere mondo. Saggio sulla forma epica dal « Faust » a « Cent’anni di solitudine », 1994 e l’Atlante del romanzo europeo (1800- 1900), 1997). Un’impostazione metodologica, almeno per chi scrive, non solo intrigante dal punto di vista retorico-argomentativo, perché nelle abili mani di Moretti riesce a rendere plasticamente evidente e appassionante il quadro storico-culturale e il nucleo problematico oggetto della ricerca, ma anche convincente sotto il profilo scientifico, in quanto affrontando il tema da una prospettiva pluridisciplinare riesce a ricostruirne la genesi e gli sviluppi in maniera inappuntabile. Come ha definitivamente postulato il Dizionario dei temi letterari diretto da Remo Ceserani, Mario Domenichelli e Pino Fasano, il più generale e più condiviso punto di partenza per l’analisi di un tema è la ricostruzione dell’etimologia della parola-concetto che lo esprime. Anche Moretti, nel capitolo intitolato Introduzione. Concetti e contraddizioni che apre il 234 Recension bibliographique volume, inaugura il suo discorso soffermandosi sull’etimologia del sostan- tivo “borghese”, ma soprattutto sulla definizione storico-culturale della sua figura, cercando di tracciarne prima di tutto i confini : cos’è un borghese ? quali fenotipo sociale può essere incluso nella borghesia ? esiste ancora quest’ultima, o il capitalismo successivo alla Guerra fredda l’ha sciolta nella trasversalità della società globalizzata ? esiste una cultura borghese unitaria ? Tutte domande, queste e molte altre, rispondendo alle quali l’Autore mette le basi per la successiva analisi del borghese “letterario”. I successivi cinque capitoli (Un padrone lavoratore ; Secolo serio ; Nebbia ; « Malformazioni nazionali » : metamorfosi della semiperiferia e Ibsen e lo spirito del capitalismo) sono suddivisi in paragrafi “normali”, intercalati da altri raccolti sotto le diciture complessive di Parole chiave – rispettivamente : Utile, Efficienza, Comfort, Serio [Serious], Influenza, Serio [Earnest], La « roba » − Prosa, cinque paragrafi, e Persistenza dell’antico regime, due paragrafi. Le ragioni di questa particolare partizione del suo discorso la dà lo stesso Moretti : per le parole chiave, rifacendosi ai lavori di Raymond Williams e di Reinhard Koselleck, l’autore spiega infatti l’importanza di definire con precisione parole-concetto che non si limitano a indicare dei complessi di relazioni, ma li determinano, trasformandosi in un fattore « che innesca una “tensione” tra linguaggio e realtà, e che viene spesso consapevolmente impiegato come un’arma » (p. 16) ; mentre per la Prosa scrive : « Ho trovato il borghese negli stili più che nelle storie […], e con “stili” mi riferivo principalmente a due aspetti : la prosa e le parole chiave. La retorica della prosa si andrà delineando a poco a poco, un elemento per volta (continuità, precisione, produttività, neutra- lità…), nei primi due capitoli del libro, dove traccio il suo arco ascendente attraverso il XVIII e XIX secolo » (p. 15). I paragrafi raccolti sotto il titolo Prose si concentrano quindi sulle esperienze di scrittura dei maggiori autori della letteratura borghese, da Defoe, Austen e Flaubert a Goethe e Verga, senza trascurare di contrappuntare queste analisi con sostanziosi richiami a coloro che sulla definizione sociologica, antropologica ed economica del soggetto borghese rifletterono a lungo : Gramsci, Marx, Weber. Quello tracciato da Moretti è dunque un percorso attraverso la docu- mentazione letteraria delle trasformazioni politico-sociali dei secoli XVIII e XIX e del conseguente trionfo di quella classe sociale che, grazie al potere economico, conquistò la supremazia politica. Documentazione letteraria prodotta da una nuova figura d’artista, lo scrittore borghese appunto, che se generalmente all’inizio di questa parabola mise in luce ed esaltò le qualità positive della sua classe sociale e del suo portato etico-morale – ma con sostanziali eccezioni e riserve : basti pensare a Dickens – col declinare del secolo diciannovesimo cominciò ad assumere posizioni più decisamente critiche o, se si vuole, autocritiche. Notes critiques 235

Ecco allora con l’ultimo capitolo, Ibsen e lo spirito del capitalismo, arrivare il redde rationem, la resa dei conti dell’artista borghese con se stesso e con la sua classe di appartenenza, nella consapevolezza delle distonie prodotte dall’economia e dalle regole sociali che caratterizzano il « secolo lungo ». E Ibsen è proprio questo, l’emblema dello scrittore borghese fin de siècle che attraverso la sua arte, i drammi non a caso definiti “borghesi”, chiede conto al suo pubblico e alla società tutta delle incongruenze e delle ipocrisie delle norme che la governavano e che crearono delle categorie repressive entro le quali rinchiudere, per isolarli e meglio governarli, i “diversi”, i “reietti” e le fasce più deboli, come le donne. E per un Ibsen che interroga il borghese trionfante sulla reale qualità del suo apporto alla costruzione di una società più giusta, ecco un Verga, di cui si tratta nel paragrafo Parola chiave non a caso intitolato La « roba », che si concentra sul versante economico del problema attraverso Mastro don Gesualdo, personaggio che rappresentò una novità dirompente per un « paese ritardatario » (p. 123) quale indubbiamente era l’Italia, o meglio la Sicilia, postunitaria. Ma, contrariamente ai suoi omologhi del nord Europa, Mastro don Gesualdo è l’incarnazione del borghese destinato alla sconfitta e metafora personalizzata della sopravvivenza gattopardesca, in un contesto arretrato come il Meridione del secondo Ottocento, del modello e delle strutture preindustriali e precapitalistiche a discapito dell’uomo nuovo : « Quando Gesualdo muore, e la sua roba viene intascata dal suo “gentilissimo” genero, il duca di Leyra, le acque dell’Antico regime sembrano chiudersi per sempre sul “tipo borghese” di Verga » (p. 127). La considerazione finale di Moretti è che il suo non è un volume che riguarda il presente, bensì il passato : è cioè un libro di storia nel senso che la borghesia è una categoria sociale ormai scomparsa e il realismo borghese è stato ucciso dalla « megalomania capitalistica » (p. 154). Una considerazione attualissima – che deve farci riflettere e che si unisce alle tante voci che lamentano la disumanizzazione del presente in cui viviamo – e anche nostalgica, perché fa trasparire il rimpianto per quella che forse possiamo considerare l’ultima fase della nostra storia nella quale la centralità dell’individuo era ancora un fatto assodato, pur nel suo lento ma inarrestabile trascolorare nell’era in cui « […] le merci diventarono il nuovo principio legittimante » (p. 19). Luca Bani

COMPTES RENDUS

Francesco Benozzo, Carducci, Rome, Salerno, 2015, 304 p. Francesco Benozzo, professeur d’etnofilologia romanza (ethnolinguistique des langues romanes) à l’université de Bologne, a voulu se confronter dans ce volume à la réception réductrice et biaisée de l’œuvre du poète Giosuè Carducci. Dans les huit chapitres qui retracent la culture de son époque (cha- pitre I : Cartografie di un’epoca di frontiera : tardo-romanticismo, classicismo, scapigliati), sa vie (chapitre II), tout son parcours poétique (chapitres III-VI), ses proses (chapitre VII) et l’histoire de sa réception (chapitre VIII : « Sono superbo, iracondo, anarchico » : leggere Carducci al di là del carduccianesimo), l’auteur brosse le portrait d’un poète essentiellement « inquiet », qui malgré sa confiance inébranlable dans le « mythe humaniste », a été souvent sujet à des troubles d’humeur, voire à la mélancolie. Contre l’image du « poète-professeur monolithique au profil aisément reconnaissable et tranquillisant », il propose la figure d’un « intellectuel irrégulier aux multiples facettes, lacéré par les contradictions et les incohérences et tourmenté par des conflits continuels avec lui-même ». Tout en insistant sur son caractère « irréductiblement anarchiste et libertaire », Benozzo est par ailleurs convaincu que Carducci était profondément attiré par la solitude et la liberté, et que les stéréotypes véhiculés par les critiques qui l’ont « normalisé et muséifié » ont fait en sorte que sa vaste production poétique et critique soit encore aujourd’hui très majoritairement mal comprise. C’est pourquoi Benozzo a entrepris une plongée dans l’œuvre multiforme du poète, dans le but de « nettoyer » les sédimentations politiques et idéo- logiques qui dès avant sa mort, mais surtout après les commémorations officielles du 16 février 1907, ont construit « une image épurée de Carducci ». « Monumentalisé » et « domestiqué », Carducci, qui avait toujours été le « poète de personne », finit par être célébré comme « le poète de tous », puis comme le précurseur du nationalisme et du fascisme (« il virile vate della nazione italiana, […] l’eroe intransigente e reazionario rappresentativo del machismo del ventennio », p. 248), avant d’être relégué dans l’après-guerre parmi les « poètes mineurs ». La figure de Carducci, mise en avant dans ce volume, est

Transalpina, no 21, 2018, Entre France et Italie…, p. 237-252 238 Recension bibliographique bien au contraire celle d’un révolutionnaire, n’hésitant pas à témoigner en défense de ses anciens élèves anarchistes et internationalistes comme Andrea Costa et Giovanni Pascoli ; et qui utilise en 1872 pour la première fois en public, dans une épitaphe en commémoration d’un cordonnier libertaire romagnol, le mot « compagni » dans son acception anarchiste, socialiste, et par imitation communiste (p. 68). L’analyse des recueils poétiques de Carducci, notamment de ses Odes barbares et ses Rimes et Rythmes, est libérée des jugements qui ont consacré le poète-professeur comme « poète de l’histoire » et surtout des critiques contre sa rhétorique creuse, et met en avant l’« inactualité » constitutive de sa poésie comme l’élément de force qui explique son succès européen (et son prix Nobel). Par son choix d’une innovation métrique à rebours, et notamment sa « révolution barbare », Carducci expérimente des effets et obtient des résultats poétiques qui dépassent largement les provocations des avant-gardes italiennes de son époque, et qui le rapprochent plutôt de grands auteurs mondiaux très distants de la tradition italienne (comme Mark Twain, Walt Whitman, Pierre Loti, John Millington Synge mais aussi Tolkien). Benozzo ne reconnaît pas tant dans ses vers « des aboutissements lyriques d’une absolue importance », mais plutôt « la naissance d’aboutisse- ments épiques inconnus dans la poésie italienne » (p. 193), notamment dans sa description de paysages vertigineux et dans ses évocations du Moyen Âge comme paradigme de l’altérité (p. 253-261). Grâce à sa formation de filologo, mais aussi à sa sensibilité de musicien et poète, qui lui permet de cueillir les aspects véritablement européens de la poésie de Carducci, Benozzo réussit à affronter avec un regard souvent original la figure complexe et fascinante du vate de la Troisième Italie, tout en rappelant les grands acquis de la critique récente (Pasquini, Mola, Spaggiari, Carpi, Veglia…). Il faut espérer que son invitation à relire l’œuvre du poète « en dehors des stéréotypes qui nous l’ont livré prédigéré et déjà pleinement métabolisé » (p. 253) ne reste pas lettre morte.

Laura Fournier-Finocchiaro

Elisa Rebellato, La Scala d’oro. Libri per ragazzi durante il fascismo, Milano, Unicopli, 2016, 326 p. Documentato, approfondito e ben scritto questo volume della Rebellato dedicato alla comparsa, nel 1932, e all’affermazione di una delle più prestigiose collane di libri per ragazzi nella storia dell’editoria italiana : « La Scala d’oro ». Nata sulla scorta dell’ormai acquisita fortuna di pubblico, e quindi eco- nomica, della letteratura per l’infanzia e all’interno del catalogo di una casa Comptes rendus 239 editrice, la Utet, abitualmente dedita a tutt’altro genere di titoli – diritto, economia, opere enciclopediche –, la collana ebbe un insperato quanto duraturo successo, diventando un punto di riferimento imprescindibile per la qualità dei volumi che pubblicava, dovuta all’unione di testi e immagini di alto livello. Nella mente dei suoi ideatori, Vincenzo Errante e Fernando Palazzi, « La Scala d’oro » doveva offrire ai giovani lettori soprattutto, ma non solo, un ampio panorama della produzione letteraria mondiale, presentata attraverso la riscrittura dei maggiori classici ad opera di autori già esperti di letteratura per bambini, unito a testi di altre discipline, arrivando così a costituire nel suo insieme, e con ciò si ritornava alla natura propria della casa editrice torinese, una sorta di enciclopedia universale ad uso dei piccoli lettori di età compresa tra i sei e i tredici anni. L’unione di testi già noti con una trentina di titoli nuovi formarono dunque un insieme che intendeva presentare « in maniera divertente un bagaglio di nozioni che attingevano ai diversi campi del sapere, come la storia e le scienze » (p. 8) e che i due ideatori suddivisero in otto sottocollane articolate per fasce di età, con un’impostazione pedagogica attenta alla gradualità della formazione dei fanciulli. Rispetto alle ricerche precedenti sulla stessa materia, penalizzate dalla mancanza di documenti dovuta alla distruzione dell’archivio storico della Utet durante la Seconda guerra mondiale, l’Autrice ha avuto l’indubbia buona ventura di poter accedere a fonti e documenti disponibili solo da pochi anni, e in particolare alla carte di Fernando Palazzi, acquistate nel 2007 dalla Fondazione Arnoldo e Alberto Mondadori. La messe di carteggi contenuti in questo fondo – con Errante, Marino Moretti, Dino Provenzal, Eugenio Treves – ha per- messo dunque sia di ricostruire la rete dei rapporti tra i direttori e gli autori, individuando « consensi e divergenze nella progettazione dei singoli volumi » (p. 11), sia di capire come il timone del progetto fosse saldamente nelle mani della diarchia Palazzi-Errante. Quella della Rebellato, quindi, non è tanto un’analisi dei risultati della collana, quanto delle vicende politiche, economiche, amministrative e culturali che hanno portato alla sua nascita e al suo persistente favore di pubblico dovuto alle caratteristiche specifiche che i due direttori riuscirono a imprimerle. Fra queste, le due principale individuate dall’Autrice danno un’ampiezza sia diacronica sia sincronica al progetto, e sono da un lato il recupero della tradizione letteraria nel senso più ampio del termine, ovvero dall’antichità classica con le sue narrazioni mitologiche sino alla modernità con i cicli cavallereschi, che aveva « una funzione di tutela della memoria, di trasmissione del passato, una sorta di eredità letteraria » (p. 12), dall’altro l’attenzione rivolta al patrimonio tradizionale mondiale, senza alcuna pre- clusione geografica o culturale. Tutto questo unito a una vastità di interessi e di prospettiva che alla letteratura affiancava altri ambiti disciplinari, 240 Recension bibliographique venendo a formare quel complesso enciclopedico a cui si è già fatto cenno, che tuttavia poteva ugualmente e liberamente essere fruito anche solo nei sui singoli titoli. Il volume è diviso in due parti, utilmente completate da un’appendice contenente i Prospetti pubblicitari e la Descrizione bibliografica dei volumi della prima edizione ; dall’ampia e articolata sezione bibliografica che ha fatto da supporto alla ricerca ; infine, dall’indice dei nomi. Delle due parti, la prima, intitolata I testi e divisa in quattro capitoli, si concentra dapprima sulle vicende professionali di Palazzi e di Ferrante, poi sulle modalità generali che presiedettero alla selezione dei titoli che sarebbero andati a formare la collana ; il terzo capitolo analizza in modo particolare le dinamiche che portarono all’inclusione o all’esclusione di testi di divulgazione scientifica, mentre il quarto approfondisce lo stesso fenomeno relativamente a quelli religiosi. La seconda parte, intitolata Gli autori e divisa in tre capitoli, è dedicata invece a tre casi particolari, quelli di Eugenio Treves, di Marino Moretti e di Leo Pollini, ciascuno dei quali mette bene in evidenza un aspetto peculiare delle vicende culturali, ma anche politiche, dell’Italia del Ventennio. Se il caso dell’ebreo Treves richiama la tragedia delle leggi razziali e, al contempo, riprende la resistenza con la quale almeno una parte dell’intelli- ghenzia italiana vi si oppose – il rapporto tra quest’autore e la collana continuò infatti, benché segretamente, anche dopo il 1938 e questa scelta si basò non su un calcolo utilitaristico che interpretava la fine della collaborazione come una mera perdita economica, bensì sulla sincera amicizia e sulla profonda stima che legavano lo scrittore vercellese a Palazzi e a Errante –, quello di Moretti riconduce al fenomeno degli scrittori affermati che, a causa dei proventi ridotti provenienti dalla letteratura “alta”, si davano più o meno volentieri a generi meno paludati, ma di sicura e maggior soddisfazione economica. Infine, il caso di Pollini e del suoGuerra e fascismo spiegati ai ragazzi, volume fuori collana uscito nel 1934, apre una finestra sia sull’ipoteca ideologica che il fascismo poneva sul mondo dell’editoria italiana di quegli anni, sia sul tributo che quest’ultima doveva pagare al potere e sulla cautela con la quale doveva muoversi per poterne avere in cambio una sostanziale libertà di scelta e di azione culturale. L’abilità con la quale Errante e Palazzi gestirono, sotto ogni punto di vista, l’impresa nella quale si erano lanciati, consentì loro di « creare una collana formativa e divertente, che allargasse gli orizzonti dei giovani lettori » (p. 255), e, soprattutto, gli permise di continuare a educare le giovani generazioni italiane, e in particolare i figli della borghesia, svincolandosi dalle prescrizioni non condivise della pedagogia fascista.

Luca Bani Comptes rendus 241

Michela Dota, « La vita militare » di Edmondo De Amicis. Storia linguistico-editoriale di un best seller postunitario, Milano, Franco Angeli, 2017, 351 p.

Il 19 agosto 1868 Edmondo De Amicis scriveva a Emilia Toscanelli Peruzzi : « È uscito finalmente il libro la Vita militare. Gliene ho spedito quattro copie. I librai di Firenze ne hanno fatto subito uno spaccio molto lusinghiero per me. Il generale Bariola mi ha scritto una lettera gentilissima che farà parte dell’archivio. Un’altra me ne scrisse il Direttore del Conte di Cavour, più gentile ancora, ma anche questa la riserbo per lei » (p. 264). Questi primi e positivi riscontri furono forieri di un successo che si concretizzò nei mesi successivi e che consacrò letterariamente il nome del giovane scrittore. All’articolata vicenda dei bozzetti deamicisiani è dedicato il prezioso volume di Michela Dota, « La vita militare » di Edmondo De Amicis. Storia linguistico-editoriale di un best seller postunitario, che, coniugando la ricerca d’archivio con quella testuale, illumina l’evoluzione di un’opera iniziata sulle colonne dell’« Italia militare » e della « Gazzetta d’Italia » tra il 1867 e il 1868, e poi proseguita in volume fino alla terza edizione del 1880. Lo studio della storia editoriale e linguistica della Vita militare non può prescindere, come provano i primi due capitoli del libro, dalla « ricos- truzione dell’ambiente socio-politico e culturale del salotto fiorentino frequentato dallo scrittore » (p. 9). In particolare, nel primo capitolo l’autrice evidenzia, sulla scorta del rapporto di De Amicis con Emilia Peruzzi, le linee guida della formazione ricevuta dallo scrittore : è in questo periodo che prende forma quel canone linguistico-letterario che, molti anni dopo, sarà esplicitato nell’Idioma gentile (1905). Per quanto riguarda le fonti utilizzate dalla Dota, occorre segnalare subito la lunga Appendice posta in fondo al libro che riproduce molte lettere di De Amicis alla signora Peruzzi, alternandole in modo efficace ad appunti tratti dalle agende private della donna pisana. Il secondo capitolo conduce il lettore a scoprire le vicissitudini editoriali della Vita militare, ripercorrendo la nascita dei singoli bozzetti, la loro pubblicazione in rivista e la loro revisione in vista delle tre edizioni (1868, 1869 e 1880), di cui si sottolineano man mano le caratteristiche peculiari. Tramite la consultazione di varie fonti epistolari e l’interpretazione dei testi, Michela Dota ricostruisce l’influenza ideologica esercitata dal salotto Peruzzi sulle prime due edizioni dell’opera, le cui bozze passarono a più riprese sotto gli occhi e la penna della signora Emilia e di altri frequentatori dell’Antella, come Marco Tabarrini. Con la Vita militare, infatti, « De Amicis invera il progetto cullato dall’officina Peruzzi di produrre un buon libro di letteratura popolare educativa » (p. 243). Le correzioni alla terza edizione 242 Recension bibliographique sono, invece, imputabili alla sola volontà autoriale : benché restino saldi gli ideali di base dell’opera, gli interventi correttori limano il moralismo di alcuni bozzetti e, più in generale, « depauperano il testo dai legami biografici e in parte culturali col salotto Peruzzi » (p. 100). L’importanza dei risultati conseguiti dall’autrice nel suo lavoro deve moltissimo alla magistrale analisi della lingua dei bozzetti militari, escussi nelle varie edizioni, che occupa i due capitoli successivi. All’esame della grafia, della fonetica e della morfologia segue, in una seconda parte, quello del lessico, della sintassi, della testualità e dello stile : entrambi sono condotti in una prospettiva diacronica che dà conto dell’evoluzione testuale e che dialoga continuamente tanto con altre opere deamicisiane quanto con strumenti e studi linguistico-lessicografici. L’argomentazione non corre il rischio descrittivo di una fenomenologia in cui i tratti rilevanti si perdono tra altri tipici della prosa del secondo Ottocento di ispirazione toscanista ; al contrario, riesce a porre l’accento, di volta in volta, sugli aspetti distintivi delle scelte deamicisiane e a rimarcarne la funzione. All’interno del complesso processo evolutivo dei testi sono senza dubbio individuabili alcuni punti fermi. Innanzitutto, è opportuno rilevare la tensione verso « l’etica della lingua » (p. 232), verso una scrittura animata da un afflato pedagogico e dalla volontà di coinvolgimento emotivo del pubblico medio. Come scrive l’autrice, « tutte e tre le edizioni conser- vano gli espedienti retorici che agevolano la processabilità del testo, nonché la sua memorabilità, come i chiasmi e i climax e tutte le figure di ripetizione e di ordine (anafore, polittoti e anadiplosi), applicate nelle cerniere testuali tra tema e rema » (ibid.). Al contempo, è fondamentale l’individuazione di un movimento correttorio teso al decrescimento della letterarietà – già riscontrabile nel passaggio dalle prime prove del 1867 alla prima edizione – che manifesta la necessità del giovane De Amicis di liberarsi dal patrimonio linguistico tradizionale appreso sui banchi di scuola. Tale esigenza conduce lo scrittore alla ricerca di una lingua media e di grande accessibilità che, a partire dalla seconda edizione, determina anche la caduta di molti fiorentinismi marcati non integrabili in un tessuto linguistico omogeneo. Gli aspetti finora ricordati non possono che rimandare al confronto del giovane scrittore ligure-piemontese con la lingua del salotto Peruzzi e alla riflessione sulla teoria manzoniana dell’Uso, elaborata in forma definitiva nella Relazione del 1868. Da questo punto di vista l’analisi della Dota per- mette di definire, almeno per il periodo giovanile, i confini del manzonismo deamicisiano, mostrando come nell’autonomia di alcune scelte si rifletta la presa di coscienza, da parte di De Amicis, della propria individualità di scrittore : « Ecco dunque profilata la maggiore distanza tra De Amicis e Comptes rendus 243

Manzoni : De Amicis non rigetta l’allotropia, la considera una risorsa. Lo scarto tra la formazione illuministica del milanese e quella prettamente romantica del pedemontano è forse responsabile di questa differenza, che costituisce il nucleo linguistico non manzoniano, senza però contraddire la tensione etica della lingua, in Manzoni appoggiata anche dalla rinuncia ai doppioni » (p. 240). In conclusione, il grande merito di Michela Dota, il cui libro diverrà sicuramente un testo indispensabile per gli studi linguistici deamicisiani, non è solo quello di aver ricostruito con accuratezza la vicenda editoriale della Vita militare nello stretto dialogo tra i membri del salotto Peruzzi, ma è anche quello di aver individuato, attraverso la ricchezza degli spogli, la centralità di quella prima prova letteraria nella messa a punto di una lingua piana e viva che, nei decenni successivi, avrebbe fatto la fortuna della prosa deamicisiana. È significativo notare che lo stesso De Amicis riconobbe l’esemplarità del proprio apprendistato linguistico, ponendolo silenziosamente alla base della sua ultima grande opera, quel « singolare manuale di glottodidattica che è L’idioma gentile » (p. 35) : come dimostrano i puntuali riferimenti forniti dall’autrice, molte delle proposte linguis- tiche dell’Idioma recuperano, insieme all’apparato ideologico, il lavorio correttorio della Vita militare, a dimostrazione dell’assoluta rilevanza di quella prima esperienza di scrittura.

Matteo Grassano

Patrizia Gabrielli, La guerra è l’unico pensiero che ci domina tutti. Bambine, bambini, adolescenti nella Grande guerra, Soveria Mannelli, Rubbettino, 2018, 193 p. Avec cet ouvrage, Patrizia Gabrielli apporte une contribution originale à l’immense dossier critique réuni par les historiens à l’occasion du centenaire de la Grande Guerre en se penchant sur la participation au conflit de la population « non adulte » : celles des enfants et des adolescents pris dans les engrenages d’une machine qui va profondément modifier leurs vies. Dans ce but, elle s’est appuyée sur une vaste documentation, en explorant comment la « culture de guerre » a investi d’une part la vie collective des jeunes générations par le biais de l’école, de la littérature pour la jeunesse, de la propagande, des rites et des cérémonies, et de l’autre leur vie privée, que nous révèlent les écritures du moi comme les lettres et les journaux intimes, conservés dans des archives telles que l’Archivio ligure della scrittura popolare, l’Archivio del Museo Storico di Trento et l’Archivio Diaristico nazionale de Pieve Santo Stefano, avec lequel l’auteure collabore. 244 Recension bibliographique

L’ouvrage s’articule en quatre chapitres. Gabrielli commence par faire le point sur l’entrée de l’enfant et de l’adolescent en qualité de « sujet » dans l’histoire du XXe siècle, avant d’examiner leur statut de « sujets patriotiques actifs » à l’occasion de la Grande Guerre, lorsqu’ils ont été mobilisés en tant que protagonistes et non pas victimes du conflit. L’appartenance de classe marque une nette distinction entre les enfants et les adolescents italiens issus du peuple ou de la bourgeoisie : pour les premiers, la guerre, cause d’appauvrissement et de précarité, est synonyme de sacrifices et de privations ; le conflit ne suscite guère d’enthousiasme, et les témoignages des plus jeunes dénoncent les disparités et les injustices dont sont victimes leurs familles. En revanche, les fils et les filles de la bourgeoisie, grande et petite, sensibles aux arguments de la propagande, sont les spectateurs fidèles et souvent enthousiastes des manifestations patriotiques ; les uns sont tentés par l’interventionnisme et s’enrôlent comme volontaires, les autres s’engagent en collaborant de différentes manières. Chez les plus petits, la « culture de guerre », en pénétrant dans l’univers enfantin, investit les jeux et les jouets des plus fortunés : armes et uniformes de soldat en miniature pour les garçons, poupées, marionnettes patriotiques et panoplies d’infirmière pour les filles. L’édition et la presse plaident avec passion la cause des interventionnistes, et dans les livres et les hebdomadaires pour la jeunesse circulent des messages et des stéréotypes prêchant sans cesse des valeurs patriotiques et militaires telles que le courage, l’héroïsme et l’esprit de sacrifice. Les chapitres suivants analysent l’implication des adolescents dans le conflit à partir des journaux intimes de trois jeunes gens, dont les choix pendant la Grande Guerre sont tout à fait représentatifs de leur génération et de leur classe sociale : deux jeunes filles, Fanny et Mary, et un jeune homme, Giuseppe. Fanny, issue de la bonne bourgeoisie milanaise, s’engage avec enthousiasme comme infirmière de la Croix-Rouge dans un hôpital où sont soignés les soldats blessés et mutilés ; ce faisant, elle réussit un parcours de formation qui lui permet de sortir de la sphère domestique et de conquérir une nouvelle identité adulte : celle d’une « femme de la nouvelle Italie » ayant vécu une véritable expérience émancipatrice. Giuseppe, en revanche, est un étudiant toscan qui veut vivre l’aventure de la guerre, et croit fermement aux mythes du devoir patriotique et de l’héroïsme guerrier. Mais une fois terminée sa formation à l’école des élèves officiers de Modène, l’expérience de la guerre réelle au front se révélera très différente des nobles combats qu’il avait imaginés, en lui apparaissant dans toute l’horreur d’une « bolgia infernale, voragine di fuoco », qui finira par lui coûter la vie. Mary, enfin, est une jeune fille modèle de la bourgeoisie florentine conservatrice de tradition catholique, qui manifeste dans un premier temps son aversion Comptes rendus 245 pour le conflit, pour adhérer ensuite à l’intervention italienne et passer du patriotisme romantique au nationalisme. La jeune fille est une privilégiée qui ne connaîtra pas les difficultés qui frappent alors la population civile ; elle participera avec ferveur à la chorégraphie de la guerre (manifestations, défilés, fêtes, discours et autres cérémonies), recueillera des fonds, orga- nisera des loteries et préparera des colis en soutien aux soldats avec un enthousiasme et une confiance dans l’armée qui resteront intacts même lorsque la défaite de Caporetto humiliera les Italiens. Sa joie pour la victoire finale sera immense, mais vite assombrie par la grippe espagnole qui sème la mort dans la région. Ce sera alors le sentiment d’impuissance collectif provoqué par l’épidémie à la suite du conflit qui traumatisera Mary et la plongera dans un état d’incertitude et de déception. L’ouvrage de Gabrielli ajoute à la présentation de ces documents originaux, qui sont autant de témoignages sur le vécu de la guerre par les plus jeunes, d’autres d’intérêts : c’est aussi un travail sur l’histoire des écritures du moi qui propose des analyses éclairantes sur ce qui fait leur spécificité. La parfaite connaissance, de la part de l’auteure, des bibliographies et des débats critiques, dont rend largement compte l’apparat des notes, constitue à elle seule un précieux instrument de travail pour tous les chercheurs qui s’inté- ressent tant à l’histoire de la Grande Guerre qu’à celle des journaux intimes.

Mariella Colin

Cristiano Spila, Il banchetto di Gonzalo. « La cognizione del dolore », postfazione di Corrado Bologna, Terracina, Innuendo, 2016, 105 p. Cristiano Spila a une plume versatile et passionnée. Essayiste, narrateur et traducteur, il travaille mû par une curiosité éclectique et fertile. Nom familier aux chercheurs et aux étudiants qui, en France, ont eu l’occasion d’appro- fondir il y a quelque temps leur connaissance de l’univers bassanien dans le cadre de la préparation aux concours de l’enseignement et du centenaire de la naissance de l’auteur du Romanzo di Ferrara, Spila se consacre en l’occurrence à un autre de ses écrivains fétiches : Carlo Emilio Gadda. Il banchetto di Gonzalo est en substance une célébration de la « mol- teplicità » gaddienne à travers l’un de ses personnages emblématiques, à savoir Gonzalo Pirobutirro. L’exercice auquel se prête notre auteur est d’une complexité surprenante dans ses résultats. En 59 chapitres, de longueur inégale mais toujours concis, en vers ou (surtout) en prose, Spila propose de pénétrer dans les profondeurs de La cognizione del dolore, en les parcourant de façon moins anodine qu’il n’y paraît. La voracité de l’alter ego de Gadda – un Gadda (« il signor Gaddus ») ici dévoilé par le 246 Recension bibliographique truchement des hantises alimentaires de Gonzalo – nous reconduit à une illustre tradition littéraire et philosophique, à des références classiques, mais aussi contemporaines et moins attendues. De Platon à Dante, de Lévi-Strauss à Calvino, de Rabelais à Tombari, les renvois possibles sont nombreux dans cette cosmogonie personnelle qui est une synthèse de l’univers in chiave gastronomica, où la table dressée est une mappemonde. Au-delà des oppositions anthropologiques conven- tionnelles (entre le cru et le cuit, entre Eros et Thanatos, notamment), les saveurs et les savoirs se mêlent pour faire dialoguer le corps et l’esprit dans une relation nécessaire et vitale. À vrai dire, pris par le souvenir nostal- gique de festins légendaires, Gonzalo lui-même – « figlio di decimo letto di Pantagruele, nipote alla lontana del lontano Trimalcione » – prend soin de s’inscrire dans une glorieuse généalogie et cite ses propres ancêtres : « il camalionfantico giogante, tracannante Behemoth, baratro del granchiostrica, micro-macrocosmico comico Sancio Panza ». À mesure que les réflexions hétérodiégétiques de Pirobutirro sur les implications du manger sont développées, avec un raffinement qui contredit l’idée de pulsion associée à la gloutonnerie, le lecteur découvre l’envers de son symposium quotidien : le besoin, né d’une angoisse, de se réfugier loin du monde. Même si la nourriture forme ici un tout harmonieux avec la Terre, puisqu’elle interagit avec ses éléments, ses matières, ses couleurs, comme avec son histoire et sa géographie, la table est une « île » (une annexe de l’île de Sancho Panza) : « Così, Gonzalo cerca di costruirsi un mondo tutto suo, si educa al mirabile mondo della culinaria – vi si dedica in modo esclusivo e passionale, a scopo terapeutico, per fuggire il mondo in cui è costretto a vivere e ad operare, che lo ripugna ». Gonzalo cuisinier et mangeur à la fois, ayant perdu son innocence, celle de la virginité du jeûne, seigneur et sujet en son monde, gouverneur gouverné par sa passion, est l’objet d’une représentation ciblée qui donne en fait une nouvelle vie au personnage gaddien. Il nous semble entrevoir en effet, dans le parcours narratif et descriptif entrepris par Spila, une forme d’« écriture parallèle » qui ne serait autre qu’une « lecture métaphysique » de l’œuvre choisie de Gadda. L’auteur sonde les entrailles de l’imaginaire gaddien, pour ainsi dire. Il en explore les sources potentielles, mais ce faisant il remonte aux origines mêmes de son style, si nous voulons bien entendre par style avec Barthes une « dimension verticale et solitaire de la pensée » qui « s’élève à partir des profondeurs mythiques de l’écrivain ». Du reste, le fonctionnement du texte invite en premier lieu à une exploration qui va au-delà des mots empruntés à La cognizione del dolore. Le point de départ de l’approche « parallèle » ou « métaphysique » est toujours, en effet, une citation du roman : à partir de courts extraits, qui servent de titres aux Comptes rendus 247 chapitres, suit un développement qui creuse inlassablement la question du lien alchimique entre les vivres et la vie (ce n’est donc pas un hasard si les figures d’analogie dominent). Une variation autour d’une même obsession. Les renvois à la littérature sacrée, surtout païenne (allant de la mytho- logie aux religions polythéistes), contribuent néanmoins à parer l’obsession d’une aura absolue et à l’inscrire dans un rituel. La bonne chère personnifiée peut ainsi défier la mort et incarner monumentalement la mémoire. La cuisine de Gonzalo, passeur et aruspice, est conjuration, prière, exorcisme : cérémonie dans tous les cas. Or, la langue baroque de Spila, splendide et savoureuse, offre au culte que voue Pirobutirro un support sémantique et rhétorique d’une exceptionnelle richesse. La tradition macaronique, à laquelle on pourrait de prime abord rapporter cette écriture, ne peut être cependant une référence idoine : le goût pour les néologismes, la précision lexicale (aux pages 28-29 se trouve un petit dictionnaire de zoologie), l’érudition et l’éloquence dans l’élaboration stylistique (métaphores, comparaisons, synesthésies, hyperboles, antithèses, énumérations structurent les pages) sont exempts de toute volonté de dérision. Il banchetto di Gonzalo est hymne, voyage, hommage.

Sarah Amrani

Amoreno Martellini, Morire di pace. L’eccidio di Kindu nell’Italia del « miracolo », Bologna, Il Mulino, 2017, 250 p. Il dibattito circa le relazioni tra Italia e Africa si arricchisce del contributo di Amoreno Martellini che, con il suo ultimo volume, propone un’analisi dell’eccidio di Kindu (Congo, 1961), durante il quale tredici soldati italiani furono uccisi da militari congolesi nel corso della missione di pace Onu, finalizzata ad arginare la guerra civile scoppiata dopo la proclamazione dell’indipendenza dal Belgio. Obiettivo dell’autore è analizzare la ricezione in Italia dell’evento, rintracciando il clima politico e culturale all’interno del quale, a partire dall’eccidio, « si fabbricarono schemi culturali e stereotipi, si definirono appartenenza politiche, memorie e tradizioni contrapposte, si disegnarono culti, pratiche di elaborazione collettiva del dolore e del lutto, si declinarono al presente lacerazioni del passato » (p. 21). Nella prima sezione del volume Martellini delinea il contesto politico in cui si inserirono gli eventi congolesi, nonché le vicende che condussero l’Italia ad assecondare la richiesta dell’Onu di partecipare, con uomini e mezzi, alla missione di pace. La guerra civile, il successivo intervento dei caschi blu e la partecipazione italiana si collocarono in un clima di piena guerra fredda : sul 248 Recension bibliographique

Congo, infatti, si proiettava il sistema di alleanze e rivalità che caratterizzava la situazione politica globale postbellica, essendo esso diviso in tre zone d’influenza, controllate dagli Stati Uniti e dai Paesi loro alleati, dall’Unione Sovietica e dal Belgio. In questo contesto, Martellini rileva come le posizioni assunte dai partiti politici italiani mostrassero una netta divisione ideologica tra destra e sinistra, risultante anche dall’influenza che le contrapposizioni proprie della guerra fredda ebbero nella politica interna degli Stati europei. Il dato interessante è che gli eventi succedutisi in Congo non restarono mai, per l’Italia, solo una questione di politica estera, ma al contrario intrecciarono e richiamarono rivalità e tensioni del tutto interne. Nelle aule del parlamento il cordoglio e la commemorazione per le vittime di Kindu costituirono spesso solo la scintilla per uno scontro tra schieramenti in cui le recriminazioni, le accuse e i rinvii di responsabilità riguardarono un passato non ancora elaborato. Il ricordo del ventennio fascista, del nazismo e della seconda guerra mondiale era ancora troppo vivo, e anche eventi geograficamente molto lontani facevano sì che « lo scontro parlamentare, come spesso accade, usciva dal merito della questione e riproponeva le lacerazioni consuete di un passato molto prossimo che non volevano e non potevano essere ricomposte » (p. 104). Non c’è da stupirsi, dunque, se questa netta separazione di discorsi si riflettesse nella stampa. Constatando lo schieramento dei maggiori quotidiani italiani per l’una o per l’altra sfera politica, Martellini mostra come, nel caso della questione congolese, la comunicazione giornalistica producesse una narrazione degli eventi che ripropose opposizioni binarie (cività / barbarie, sviluppo / arretratezza) e stereotipi razzisti. In secondo luogo, le modalità di elaborazione collettiva del lutto mostrarono l’importanza che la strage ebbe come momento di costruzione dell’identità nazionale. Questo emerge, in particolare, dalla capillare opera di sensibilizzazione svolta nelle scuole da parte di maestre e insegnanti per coinvolgere i bambini e le bambine nella raccolta fondi a favore delle famiglie delle vittime. In questa occasione, insieme alle notizie relative alla strage, fecero ingresso nelle aule scolastiche anche l’immaginario relativo ai popoli africani e il confronto / scontro culturale. Parlare del lutto ed elaborarne il significato nelle scuole fu funzionale anche a trasmettere i valori della nazione secondo un modello improntato all’etica del sacrificio e a uno spirito missionario e paternalista. I bambini e le bambine, dunque, divennero uno strumento della « pedagogia patriottica » e furono desti- natari di un apparato simbolico e valoriale che restituisce « un’immagine dell’Italia molto distante dalla modernità di quegli anni e molto più vicina al modello postunitario e deamicisiano » (p. 116). Infine, Martellini analizza un ulteriore aspetto : il significato che il nuovo strumento della missione di pace assunse nell’immaginario italiano. Comptes rendus 249

Il peacekeeping come strumento di risoluzione delle controversie internazio- nali mutò completamente la percezione sociale dell’intervento occidentale in zone di guerra : le grandi potenze occidentali non si presentarono più solo come soggetti oppressori ma anche come portatori di pace, sebbene in situazioni di conflitto che spesso avevano contribuito a creare. Inoltre, mutò del tutto la costruzione di senso relativa alla percezione dei soldati deceduti in terre straniere : non più militari caduti al fronte, ma uccisi mentre erano disarmati, non mentre combattevano una guerra ma mentre cercavano di arginare un conflitto. Nel caso della strage di Kindu, il fatto che i tredici soldati fossero « operatori di pace » e non portatori di guerra li catapultò automaticamente « in una nuova dimensione dell’eroismo, che non era quella del coraggio, ma quella della generosità » (p. 176). Morire di pace di Amoreno Martellini risulta particolarmente inte- ressante ed efficace soprattutto per la scelta dei nodi tematici, che non si soffermano sull’evento ma ricostruiscono in modo approfondito ed esteso i vari aspetti della ricezione in Italia della strage nonché la funzione simbolica che essa svolse. Merito del volume è, inoltre, anche quello di approfondire la riflessione circa i rapporti che l’Italia intrattenne con Paesi africani, come il Congo, sui quali non esercitò un potere diretto ma che, in modi diversi, intrecciarono la politica interna e la cultura italiana, contribuendo a condizionarne gli sviluppi.

Giulia Fabbri

Matteo Grassano, La prosa parlata. Percorsi linguistici nell’opera di Edmondo De Amicis, Milano, Franco Angeli, 2018, 312 p. Il volume raccoglie alcuni saggi inediti e altri già editi in diverse destina- zioni editoriali, ma ulteriormente approfonditi per questa nuova sede, le cui importanti acquisizioni sono corroborate dall’ausilio di numerosi documenti d’archivio, principalmente custoditi nel fondo deamicisiano della Biblioteca Civica « Leonardo Lagorio » di Imperia. Arricchisce il volume, anticipato da una prefazione di Corrado Bologna, l’appendice con due interviste disperse su Primo Maggio e con la corrispondenza tra Edmondo De Amicis e Pietro Fanfani (1875-1877). Il lavoro, infatti, ricco nei suoi risultati e per il ricorso alle fonti (impiegate, ad esempio, per dimostrare la gestazione congiunta di Cuore e del Romanzo di un maestro o l’instancabile documentazione deamicisiana sui periodici, propedeutica allo stesso Romanzo), considera un’ampia parte della parabola letteraria dello scrittore : dalle prime prove giornalistiche in qualità di inviato speciale (1. De Amicis « inviato speciale » : le « Lettere 250 Recension bibliographique dalla Spagna »), raggiunge una degli ultimi sforzi narrativi (5. « L’ossessione del manoscritto ». Per un nuovo Primo maggio), passando attraverso il dittico scolastico costituito appunto da Cuore (2. Cuore. Un modello di educazione linguistica) e dal Romanzo di un maestro (3. Tra i banchi di scuola del Romanzo d’un maestro), nonché attraverso la prosa odeporica di Sull’Oceano, non meno densa sul piano cronachistico e sociale (4. La lingua a bordo. I tecnicismi di Sull’Oceano) ; chiude il volume uno studio sulla riflessione deamicisiana sulla lingua e sul parlato, e in particolare sulla problematizzazione del concetto manzoniano di Uso, che idealmente abbraccia l’arco temporale della prosa giornalistica e letteraria appena enumerata (6. Un ideale parlato : da Pagine sparse all’Idioma gentile). Al di là della progressione temporale, come preannuncia il titolo, il principale filo conduttore che inanella i sei capitoli è la ricostruzione della indefessa ricerca deamicisiana di concretare sulle pagine, eterogenee per generi e stili, l’ideale già manzoniano di una prosa prossima al parlato. La sperequazione tra scritto e oralità era peraltro un cruccio personale di Edmondo, riversato nel personaggio del maestro Ratti, suo alter ego per molti versi, come dimostra il terzo capitolo. Matteo Grassano dunque ripercorre i primi passi dello scrittore, incerti rispetto all’obiettivo menzionato e compiuti nel solco della prosa giornalis- tica ottocentesca, la cui indole ibrida è amplificata dalle oscillazioni proprie allo stile in divenire di De Amicis. Eppure, come mostra sapientemente Grassano, già in questa « fase di passaggio destinata ad essere superata » (p. 41), De Amicis esibisce tratti moderni ed estremamente attuali : non soltanto per l’uso cospicuo di modi di dire e di espressioni idiomatiche, ma soprattutto per l’oculatezza nel dosare il discorso diretto, « modulato in una varietà di soluzioni espressive » (p. 54). Le espressioni idiomatiche, insieme ai colloquialismi, sono una costante della tensione al parlato deamicisiana, anche perché « contribuiscono in maniera sostanziale alle due principali caratteristiche che l’italiano moderno dovrebbe avere : la naturalezza, ossia l’andamento semplice, vivo e lineare del discorso, e la proprietà, ossia la capacità di esprimersi in modo corretto, efficace, consono alla situazione, senza perifrasi o inutili giri di parole » (p. 235). Pertanto lessico e fraseologia idiomatica non possono mancare in Cuore, per il quale da un canto Grassano osserva acutamente che « i fiorentinismi […] non costituiscono apposte da De Amicis alla propria prosa nel tentativo di fiorentinizzarla ; sono, al contrario, parte integrante del sistema linguistico di riferimento che […] si dispiega naturalmente in una pluralità di registri », che di fatto in De Amicis comportano sempre « un allargamento alla più vasta area della toscanità » (p. 223), con l’accortezza, esplicitata chiaramente nell’Idioma gentile, di « vagliare con attenzione, misurandoli alla situazione Comptes rendus 251 linguistica e al soggetto del discorso, gli idiotismi, le sgrammaticature e i modi popolari di cui era ricco il parlare fiorentino e toscano, soprattutto delle persone meno istruite » (p. 226). D’altro canto Matteo Grassano rileva « la medietà lessicale e fraseologica di Cuore, spesso passata inosservata per la concordanza quasi totale tra il vocabolario del libro e quello dell’italiano moderno » (p. 87). Un’ulteriore marca distintiva dello stile deamicisiano, e altro filo rosso che percorre l’intero studio, è la sua abilità nel dosare i tecnicismi attinti da vari settori, tra i quali quello marinaresco e navale in alcuni racconti mensili di Cuore e soprattutto in Sull’Oceano, dove sono propulsori tanto della vicenda narrativa quanto delle tessiture linguistiche. Come dimostra finemente Grassano, la presenza di questi inserti ha una motivazione ancipite : soddisfare la tensione alla precisione, in parte ereditata dall’insegnamento manzoniano, e sfruttarne il potenziale evocativo, malgrado il rischio dell’incomprensibilità del linguaggio scientifico per il pubblico medio, borghese e mediamente acculturato. L’autore opportunamente osserva che « è all’interno di questa polarità, chiarissima agli occhi dello scrittore (e che sarà sfruttata anche per il lessico socialista di Primo Maggio), che occorre quindi considerare la fitta presenza di tecnicismi nella prosa deamicisiana » (p. 169). Oltre che soffermarsi sul lessico politico di Primo maggio, opportuna- mente proiettato sullo sfondo del linguaggio politico nella coeva stampa socialista, per coglierne scarti e singolarità, il quinto capitolo offre importanti acquisizioni che non potranno essere ignorate dagli studiosi che vorranno accostarsi al romanzo socialista : Matteo Grassano, infatti, dimostra in modo puntuale e convincente la paternità, attribuita a Ugo De Amicis, dell’indice del secondo manoscritto di Primo Maggio (p. 180-182), su cui si basano « tanto il testo stabilito da Bertone e da Boero nel 1980, quanto quello dell’edizione dei Meridiani del 1996 » ; inoltre ridata persuasivamente una lettera di De Amicis a Filippo Turati (p. 188-190) per meglio « approfondire la genesi » di due ulteriori manoscritti di Primo Maggio, acquisiti dalla Biblioteca Civica di Imperia nel 2016. Dal raffronto accurato e minuzioso delle varie redazioni emergono dunque « alcuni punti critici della conoscenza intorno al romanzo » (p. 193), fondamentali per la futura critica deamicisiana. In definitiva la raccolta di studi, pregevole su molti fronti, prova persuasi- vamente che De Amicis « contribuì in maniera significativa al rinnovamento della prosa ottocentesca e influì sui suoi sviluppi novecenteschi » (p. 21), confermando inoltre il profilo di uno scrittore scrupoloso e attento alla dimensione documentaria propedeutica alla sua attività scrittoria, eclettica anche nelle fonti.

Michela Dota

TRANSALPINA

ÉTUDES ITALIENNES –

1. Regards croisés, textes recueillis et présentés par Mariella Colin, Presses universitaires de Caen, 1996, 180 p., 5 €. La culture française et la culture italienne sont à tour de rôle « culture regardante » et « culture regardée ». On le voit dans le cas des études de linguistique contrastive ou dans les traductions françaises du Décaméron au XVIIIe siècle. À cette même époque, le regard des voyageurs ne distingue que les aspects jugés ridicules ou négatifs de la société de l’autre. Il en est de même pour le jugement des témoins lors de la bataille de Ravenne en 1512 ou de l’entrée en guerre de l’Italie en 1915. De la distance entre l’identité et l’altérité ont surgi ces perceptions des différences linguistiques, littéraires et sociales qui sont autant de pièces à verser à l’histoire de l’imaginaire italien des Français et de l’imaginaire français des Italiens.

2. Identités italiennes, textes recueillis et présentés par Mariella Colin, Presses universitaires de Caen, 1998, 160 p., 5 €. On analyse ici les modalités selon lesquelles s’élaborent les constructions de l’identité collective et individuelle en Italie. Dans la péninsule, le caractère inachevé de l’État avait longtemps été déploré par les intellectuels ; à présent, les projets de partage du territoire invitent à rechercher les facteurs culturels et symboliques de la cohésion nationale. Sur le plan littéraire, la question de l’identité marque les écrivains et s’inscrit au cœur de leurs œuvres. Qu’elle se trouve revendiquée par un nous ou bien par un je, qu’elle soit plurielle ou singulière, l’identité est toujours à construire, et sa manifestation ne peut que prendre la forme d’une quête sans cesse recommencée.

3. Lettres italiennes en France, textes recueillis et présentés par Mariella Colin, Presses universitaires de Caen, 1999, 186 p., 5 €. Les articles réunis dans ce numéro sont autant de nouvelles pièces versées au dossier de l’histoire de la réception de la littérature italienne en France. Du début du siècle dernier jusqu’à la fin de notre siècle, ont été passés en revue les parcours en terre française d’écrivains italiens ayant marqué leur époque, choisis tantôt parmi les mineurs (Silvio Pellico, Cesare Cantù, Paolo Mantegazza) et tantôt parmi les plus célèbres (Italo Svevo, Curzio Malaparte, Dino Buzzati et Vincenzo Consolo). Les études sur les uns et les autres ont permis de restituer les différentes modalités selon lesquelles leurs œuvres ont été comprises et diffusées, et de reconnaître les médiateurs ayant joué un rôle essentiel pour leur circulation : journalistes et critiques littéraires, éditeurs et directeurs de collection, sans oublier les universitaires (le plus souvent, des italianistes et des comparatistes). La connaissance du cadre politique, idéologique et culturel français, comme l’horizon d’attente des lecteurs, s’est révélée déterminante. La résonance esthétique et idéologique du contexte français avec les lettres italiennes a réservé plus d’une surprise, en permettant de mieux identifier les sensibilités et les aspirations des couches sociales qui le composent. Le rôle singulier qu’y joue depuis toujours la littérature transalpine, servant tour à tour de modèle et de repoussoir, de ferment et d’antagoniste, n’est pas le moindre des intérêts révélés par les contributions ici présentées.

4. Familles italiennes, textes recueillis et présentés par Marie-José Tramuta, Presses universitaires de Caen, 2000, 148 p., 5 €. Les articles proposés dans ce volume abordent la question de la famille dans la littérature italienne des XIXe et XXe siècles. Le roman domestique ou roman de famille est un aspect de la totalité du groupe où il figure à la fois comme reflet du même et reflet de l’autre. La famille est fondée sur des données biologiques et soumise à des contraintes d’ordre social. Comme l’écrivait Claude Lévi-Strauss, il n’y aurait pas de société sans famille, mais il n’y aurait pas non plus de famille s’il n’y avait déjà une société. L’origine même du mot souligne, chez les Romains, le rapport qui préside à sa destinée : initialement la famille représente la réunion de serviteurs, d’esclaves appartenant à un seul individu ou attachés à un service public. Tout n’est au fond qu’une histoire de famille. La représentation de la famille constitue donc une métaphore destinée à justifier et à résoudre, dans le meilleur des cas, les tensions sociales et les conflits moraux, microcosme et reflet ou projection de la famille macrocosme, la nation. L’Histoire est présente en arrière-plan de chacun des textes proposés en tant qu’elle informe ou déforme la culture familiale sous les divers aspects qu’elle déploie, depuis les aspirations de l’Unité italienne jusqu’aux bouleversements d’une Histoire plus récente.

5. La Mort à l’œuvre, textes recueillis et présentés par Mariella Colin, Presses universitaires de Caen, 2001, 182 p., 5 €. De par son intensité dramatique, la mort se prête bien à la fiction, devient facilement un thème romanesque et théâtral, joue un rôle majeur dans la construction des intrigues : les cadres diégétiques et les fonctions narratives montrent comment on tue, comment on meurt en littérature et au théâtre. Du romantisme au naturalisme et au vérisme, de la littérature enfantine au théâtre, des romans historiques au fantastique, les articles ici réunis explorent les manières multiples par lesquelles les œuvres de la littérature italienne du XIXe et du XXe siècle utilisent la mort comme ressort narratif ou comme métaphore ; ils en analysent la portée philosophique ainsi que les modalités narratives et les codes rhétoriques, stylistiques et poétiques mis en œuvre. Une démarche qui relie également les textes aux faits de société et à l’espace du privé, à l’histoire des mentalités et aux thèmes anthropologiques.

6. Le poids des disparus, textes recueillis et présentés par Brigitte Le Gouez, Presses universitaires de Caen, 2002, 136 p., 5 €. Grandes figures historiques, modèles idéalisés ou parents précocement disparus, leur absence obère parfois le destin des vivants ; l’ombre qui voile leur existence se révèle alors déterminante dans leurs parcours de vie et d’écriture. C’est ce que montrent les études ici rassemblées à travers l’exemple de l’épigraphie commémorative ou chez quelques poètes et romanciers des XIXe et XXe siècles. Les écrivains de la fin du XIXe siècle inspirés par la figure deBeatrice , les poètes Carducci et Ungaretti ou encore les romanciers Gadda, Gianna Manzini et Erminia Dell’Oro sont ainsi convoqués pour témoigner des liens du deuil et de l’entreprise littéraire.

7. Proust en Italie. Lectures critiques et influences littéraires, textes recueillis et présentés par Viviana Agostini-Ouafi, Presses universitaires de Caen, 2004, 168 p., 15 €. Les contributions réunies dans ce numéro ont été présentées au colloque Proust en Italie qui s’est tenu à l’université de Caen Basse-Normandie les 20 et 21 juin 2003. Ces études ont pour objet des lectures critiques de l’œuvre de Proust proposées dans la péninsule au cours du XXe siècle ainsi que les influences littéraires exercées par la Recherche sur des poètes et des écrivains italiens. Les deux premières interventions brossent un tableau général de cette réception critique et littéraire, notamment dans l’entre-deux-guerres. Suivent des études approfondies portant sur la critique de Proust chez Giacomo Debenedetti, Giuseppe Antonio Borgese et Giovanni Macchia comme sur les contacts, thématiques ou formels, entre la Recherche et l’œuvre d’écrivains tels qu’Italo Svevo, Attilio Bertolucci et Giorgio Bassani. Les deux dernières interventions concernent la critique italienne de Proust des années 1980-1990, le travail accompli chez Mondadori pour la nouvelle édition de la Recherche et les débats avec la critique française contemporaine autour de l’établissement du texte d’Albertine disparue.

8. Lettres italiennes en France (II). Réception critique, influences, lectures, textes recueillis et présentés par Mariella Colin, Presses universitaires de Caen, 2005, 252 p., 15 €. Les treize contributions ici réunies expliquent les différentes modalités selon lesquelles ont été comprises et diffusées à l’étranger les œuvres d’auteurs italiens, du Trecento au Novecento. L’exploration attentive des éléments qui ont déterminé à chaque fois l’« horizon d’attente » dans le pays d’accueil a permis de dresser un inventaire précis des facteurs en jeu dans la réception de Pétrarque, Vico, Alfieri, Collodi, Salgari, De Amicis, Carducci, Pascoli, D’Annunzio, Marinetti, Papini, Brancati, Bonaviri et Calvino. Ont été ainsi pris en considération divers aspects, tels que l’intertextualité et la traduction, l’édition et la diffusion, la lecture et l’interprétation critique. Parmi les pratiques de la réception, cette dernière a été tout particulièrement privilégiée comme angle d’attaque, en raison du rôle déterminant qui est le sien. Quel rôle a joué la critique française dans la reconnaissance de la littérature italienne en France (et en Europe) ? Quelles œuvres ont été saluées, et lesquelles négligées ? Au nom de quels critères, et selon quelles modalités ? C’est à toutes ces questions qu’ont été apportées des réponses nuancées, fondées sur une documentation riche et sûre.

9. La traduction littéraire. Des aspects théoriques aux analyses textuelles, textes recueillis et présentés par Viviana Agostini- Ouafi et Anne-Rachel Hermetet, Presses universitaires de Caen, 2006, 192 p., 15 €. Les interventions ici réunies, par la diversité des disciplines concernées et des approches mises en œuvre, prennent en compte les aspects théoriques et pratiques de la traduction littéraire. La variété des problématiques explorées est liée à la complexité du phénomène traductif : la place de l’auteur, l’importance de l’original, le rôle du traducteur, la nature du texte cible et la relation de celui-ci avec le texte source, enfin la lecture du texte traduit faite par le critique et le lecteur. Quant aux pratiques traduisantes étudiées, elles proposent un échantillon très large d’exemples tirés de la littérature traduite. Tout en tenant compte du contexte international, ces interventions privilégient les théories contemporaines de la traduction circulant en France et en Italie. La pluralité d’approches théoriques et méthodologiques, de perspectives croisées et d’analyses textuelles, présentée dans ce volume, se veut une contribution à l’approfondissement de la réflexion sur la traduction littéraire, en particulier franco-italienne.

10. Carducci et Pascoli. Perspectives de recherche, textes recueillis et présentés par Laura Fournier-Finocchiaro, Presses universitaires de Caen, 2007, 274 p., 15 €. Giosuè Carducci, contemporain de la formation de l’État unitaire italien, a été le premier poète italien prix Nobel de littérature, en 1906. Après avoir connu une popularité exceptionnelle, même auprès du grand public, ce « classique » de la littérature italienne du XIXe siècle a par la suite été frappé par le mépris, voire la dérision. Aujourd’hui, après une longue période où la plupart des hommes de lettres avaient cessé de s’intéresser à lui, on constate un renouveau d’intérêt pour le poète, professeur et homme politique toscan, naturalisé bolonais à la fin duXIX e siècle. Cet intérêt se prolonge pour l’éminent élève du professeur Carducci, le poète Giovanni Pascoli, qui reprit son flambeau poétique ainsi que la chaire de son maître à Bologne en 1907. À l’occasion du centenaire de la mort du prix Nobel, l’université de Caen Basse-Normandie a invité des experts reconnus français et italiens les 11 et 12 mai 2007, dont les contributions sont réunies dans ce numéro. Leurs études analysent la réception et la postérité des deux poètes Carducci et Pascoli en France et en Italie tout au long du XXe siècle, présentent des aspects particuliers de leur œuvre et ouvrent des pistes de recherche sur l’œuvre poétique mais aussi sur l’ensemble de la production des deux auteurs.

11. L’Italie magique de Massimo Bontempelli, textes recueillis et présentés par Jacqueline Spaccini et Viviana Agostini-Ouafi, Presses universitaires de Caen, 2008, 186 p., 15 €. Massimo Bontempelli (1878-1960) est le théoricien et le principal représentant italien du « réalisme magique » ; son style d’écriture devance la production latino- américaine des García Márquez et Allende et prépare le postmoderne de Paul Auster. Écrivain éclectique, son œuvre se déploie sur plus d’une quarantaine d’années, au cours desquelles il s’est produit en tant que romancier, dramaturge, nouvelliste, essayiste, critique d’art et journaliste. En raison de son adhésion initiale au fascisme (dont il s’éloignera) et malgré la mise en résidence forcée que Mussolini lui imposera, Bontempelli connaîtra un déclin, consécutif à une méfiance intellectuelle à son égard qui s’est répercutée jusqu’à nos jours. Les contributions ici réunies soulignent le rôle culturel que cet intellectuel joua à son époque parmi les siens. Les spécialistes de cet auteur se sont penchés sur l’ensemble de son œuvre multiforme (l’écriture narrative, les pièces de théâtre, les critiques d’art…) selon des modalités d’approche diverses, permettant de mettre en valeur le talent polyvalent de cet écrivain et de retrouver les multiples échos bontempelliens dans les perspectives littéraires ouvertes par ce précurseur presque méconnu.

12. Fascisme et critique littéraire. Les hommes, les idées, les institutions, vol. I, textes recueillis et présentés par Christian Del Vento et Xavier Tabet, Presses universitaires de Caen, 2009, 212 p., 15 €. Ce numéro de Transalpina (qui sera suivi d’un second) prend en considération la question de la critique littéraire durant le fascisme et celle des rapports que le régime entretint avec les milieux académiques, universitaires et scolaires, ainsi qu’avec le monde de l’édition. Il tente de reconstruire quelques-unes des principales interprétations d’ensemble de l’histoire littéraire italienne et des théories générales de la littérature qui s’affrontèrent alors. Il examine tout particulièrement les usages qui furent faits de certains classiques italiens, lus comme des « prophètes » et des « précurseurs » du fascisme. On y trouve l’analyse de plusieurs institutions qui servirent de relais à la diffusion de la culture durant le Ventennio. Sont retracés aussi les parcours de quelques personnages de premier plan de la vie culturelle, ayant été des intellectuels « organiques » du régime ou au contraire des opposants en exil ou de l’intérieur. Enfin, une partie de ces deux volumes est consacrée à une comparaison avec la situation d’autres pays européens (la France, l’Espagne, l’URSS). Peu de travaux évoquent en France cet aspect de la culture italienne du Ventennio. Or il s’agit là d’un aspect d’autant plus important que, au XXe siècle, quelques-uns parmi les principaux chemins interprétatifs et paradigmes historiques se sont constitués, ou consolidés, durant le fascisme. De sorte que lorsque l’Italie républicaine s’interrogera sur les racines démocratiques de ses traditions culturelles, il lui reviendra de combattre, ou de retourner, ces paradigmes et vulgates, mais aussi parfois de les absorber, fût-ce de façon implicite.

13. Fascisme et critique littéraire. Les hommes, les idées, les institutions, vol. II, textes recueillis et présentés par Christian Del Vento et Xavier Tabet, Presses universitaires de Caen, 2010, 222 p., 15 €. Ce numéro de Transalpina (comme le précédent no 12) prend en considération la question de la critique littéraire durant le fascisme et celle des rapports que le régime entretint avec les milieux académiques, universitaires et scolaires, ainsi qu’avec le monde de l’édition. Il tente de reconstruire quelques-unes des principales interprétations d’ensemble de l’histoire littéraire italienne et des théories générales de la littérature qui s’affrontèrent alors. Il examine tout particulièrement les usages qui furent faits de certains classiques italiens, lus comme des « prophètes » et des « précurseurs » du fascisme. On y trouve l’analyse de plusieurs institutions qui servirent de relais à la diffusion de la culture durant le Ventennio. Sont retracés aussi les parcours de quelques personnages de premier plan de la vie culturelle, ayant été des intellectuels « organiques » du régime ou au contraire des opposants en exil ou de l’intérieur. Enfin, une partie de ce deuxième volume est consacrée à une comparaison avec la situation d’autres pays européens (la France, l’Espagne, l’URSS). Peu de travaux évoquent en France cet aspect de la culture italienne du Ventennio. Or il s’agit là d’un aspect d’autant plus important que, au XXe siècle, quelques-uns parmi les principaux chemins interprétatifs et paradigmes historiques se sont constitués, ou consolidés, durant le fascisme. De sorte que lorsque l’Italie républicaine s’interrogera sur les racines démocratiques de ses traditions culturelles, il lui reviendra de combattre, ou de retourner, ces paradigmes et vulgates, mais aussi parfois de les absorber, fût-ce de façon implicite.

14. La littérature de jeunesse italienne du XXe siècle, textes recueillis et présentés par Mariella Colin, Presses universitaires de Caen, 2011, 242 p., 18 €. Ce numéro de Transalpina porte sur la littérature italienne pour l’enfance et la jeunesse du XXe siècle, souvent peu connue en France. Il éclaire cette période, et présente les auteurs les plus significatifs et les œuvres les plus importantes de son histoire récente, dans laquelle les déclins ont alterné avec les renaissances, les continuités avec les ruptures. Cette production littéraire et artistique a été portée par plusieurs générations de romanciers, poètes et dessinateurs, qui se sont succédé d’une époque à l’autre : après la floraison des années 1900-1920, le siècle a été marqué par un arrêt de la création sous le fascisme, puis par des années de conformisme sous la république catholique et conservatrice du deuxième après-guerre. Mais les romans de Landolfi et de Buzzati, la poésie d’Alfonso Gatto et les premiers textes de Gianni Rodari annoncent déjà la renaissance qui s’épanouira dans les « fabuleuses années 1970 », et qui ne s’éteindra plus ensuite : à côté de Rodari prendront place Marcello Argilli, Roberto Piumini, Bianca Pitzorno, Beatrice Masini, Bruno Munari, Nicoletta Costa, Agostino Traini, et toutes celles et tous ceux qui participeront à la nouvelle période de créativité, tant dans le domaine narratif que dans celui de l’image et de l’illus- tration, qui légitimera la littérature italienne pour la jeunesse au niveau mondial.

15. L’Unité italienne racontée, vol. I, Interprétations et commémorations, textes recueillis et présentés par Laura Fournier-Finocchiaro et Jean-Yves Frétigné, Presses universitaires de Caen, 2012, 272 p., 18 €. Ce numéro de Transalpina (qui sera suivi d’un second) examine la façon dont le Risorgimento a été célébré et représenté en littérature, dans l’historiographie et les arts. Fruit d’un colloque qui s’est tenu à l’université de Caen Basse-Normandie à l’occasion des commémorations des 150 ans de l’Unité italienne les 20, 21 et 22 septembre 2011, le volume présente les contributions d’experts reconnus français et italiens autour de la question de la naissance de l’Italie au XIXe siècle et de son interprétation, en assumant clairement la nécessité de défendre le Risorgimento. À l’image des deux organisateurs, une italianiste et un historien, il illustre la rencontre féconde entre deux champs disciplinaires qui avaient tendance à s’ignorer, réunis par l’objectif de mieux faire connaître l’événement fondateur de l’Italie à la lumière des acquis des nouvelles recherches. Ce premier volume, consacré aux interprétations et aux commémorations, regroupe des études sur l’historiographie du Risorgimento, sur les protagonistes de cet épisode (Mazzini, Pie IX, Garibaldi), ainsi que sur les récupérations de la tradition risorgimentale. Le second volume, consacré aux voix et aux images du Risorgimento, présentera des études sur les auteurs littéraires qui ont « raconté » l’Unité au moment de sa réalisation ainsi que sur les artistes (peintres, librettistes, musiciens, cinéastes…) qui ont illustré à leur manière l’épopée risorgimentale.

16. L’Unité italienne racontée, vol. II, Voix et images du Risorgimento, textes recueillis et présentés par Laura Fournier-Finocchiaro et Jean-Yves Frétigné, Presses universitaires de Caen, 2013, 272 p., 18 €. Ce numéro de Transalpina (comme le précédent n° 15) examine la façon dont le Risorgimento a été célébré et représenté en littérature, dans l’historiographie et les arts. Fruit d’un colloque qui s’est tenu à l’université de Caen Basse-Normandie à l’occasion des commémorations des 150 ans de l’Unité italienne les 20, 21 et 22 septembre 2011, le volume présente les contributions d’experts reconnus français et italiens autour de la question de la naissance de l’Italie au XIXe siècle et de son interprétation, en assumant clairement la nécessité de défendre le Risorgimento. À l’image des deux organisateurs, une italianiste et un historien, il illustre la rencontre féconde entre deux champs disciplinaires qui avaient tendance à s’ignorer, réunis par l’objectif de mieux faire connaître l’événement fondateur de l’Italie à la lumière des acquis des nouvelles recherches. Ce second volume, consacré aux voix et aux images du Risorgimento, présente des études sur les auteurs littéraires qui ont « raconté » l’Unité au moment de sa réalisation (Rovani, D’Azeglio, De Amicis, Verga), ainsi que sur les mémorialistes, les poètes et les artistes (peintres, librettistes, musiciens, cinéastes…) qui ont illustré à leur manière l’épopée risorgimentale.

17. L’écrivain et les formes du pouvoir à la Renaissance, textes recueillis et présentés par Juan Carlos D’Amico, Presses universitaires de Caen, 2014, 288 p., 18 €. Ce numéro de Transalpina est consacré à la culture politique de la Renaissance, notamment à l’utilisation des sources anciennes par plusieurs auteurs de traités et de textes politiques du XVIe siècle. Les auteurs étudiés sont Bartolomeo Cavalcanti, Bartolomeo Carli Piccolomini, Machiavel, Paolo Paruta, Alessandro Piccolomini et Tommaso Campanella. Dans la droite ligne de la tradition culturelle humaniste, les écrits analysés dans ces articles répondent au dessein de transmettre aux Modernes les savoirs des Anciens en les adaptant aux différentes situations politiques présentes dans les villes-États de la péninsule italienne. Les thèmes abordés accordent une place importante à la lecture d’Aristote par Machiavel, au rôle central de l’expression vivere civile (toujours chez le Secrétaire florentin), ainsi qu’à l’importance de la poésie politique chez Campanella et à la philosophie de la praxis chère à Cavalcanti.

18. Poétiques des archives. Genèse des traductions et communautés de pratique, textes recueillis et présentés par Viviana Agostini- Ouafi et Antonio Lavieri, Presses universitaires de Caen, 2015, 246 p., 18 €. Ce numéro de Transalpina, né de la synergie entre les traductologues de l’équipe ERLIS et le groupe de recherche « Multilinguisme, Traduction, Création » de l’ITEM, s’interroge sur la poétique du traducteur en action à partir de ses archives. Les archives – mémoire des traductions à travers les traces de leur genèse (brouillons, tapuscrits, dialogues épistolaires…) – ne sont pas seulement le lieu où l’on peut observer le traducteur à l’œuvre, mais aussi un espace heuristique de reconfiguration de notre relation aux savoirs : le lieu et l’espace où tradition, traduction et invention nous donnent rendez-vous pour reconstituer – au plan génétique, philologique et herméneutique – le processus traductif en tant que pratique réflexive et identitaire, collaborative et sociale. Dans un parcours privilégiant les échanges littéraires franco- italiens – Bona de Mandiargues et Alberto Savinio, Giorgio Caproni et André Frénaud, Camillo Sbarbaro et Gustave Flaubert, André Pézard et Dante… – , les contributions ici réunies prennent en compte la pluritextualité et la spécificité processuelle des pratiques traduisantes : la traduction comme dispositif d’écriture (Nicole Brossard), la relation entre écriture et autotraduction, la traduction à quatre mains (Amelia Rosselli), la retraduction et ses variantes. Par la richesse de ses approches et de ses analyses, ce volume contribue à tisser des liens nouveaux entre traductologie, philologie et critique génétique, critique des traductions et historiographie littéraire, tout en soulignant le rôle joué par des dispositifs matériels et symboliques dans l’émergence des communautés du traduire.

19. Le cinéma italien d’aujourd’hui entre film politique et film engagé, textes recueillis par Mariella Colin et préfacés par Rosella Giardullo, Presses universitaires de Caen, 2016, 268 p., 15 €. En ce début de XXIe siècle, la production cinématographique en Italie connaît un vrai renouveau, qui a attiré l’attention du public et de la critique. Dans la grande tradition qui a fait de la réflexion sur le politique et sur l’engagement des caractères structurants du cinéma italien, une nouvelle génération de cinéastes s’est montrée capable de réinventer le langage cinématographique pour cerner les personnages politiques et démasquer les visages du pouvoir. Leur attention s’est aussi portée sur les changements qui ont transformé le pays : la violence urbaine, l’emprise des médias, les processus de marginalisation et d’exclusion, l’immigration et l’impossibilité de l’intégration. Ce numéro de Transalpina s’inscrit dans une perspective résolument moderne, qui met en évidence la volonté des réalisateurs d’aujourd’hui de suivre la leçon des grands maîtres du cinéma engagé, tout en innovant pour trouver de nouvelles formes narratives. Grâce à l’approfondissement des questions émergentes, les études ici réunies explorent la relation qui s’est établie entre la politique, la réalité sociale et le cinéma, dans un contexte nouveau et vivant.

20. Edmondo De Amicis. Littérature et société, textes recueillis et présentés par Mariella Colin, Presses universitaires de Caen, 2017, 300 p., 18 €. Edmondo De Amicis (1846-1908) est internationalement connu comme l’auteur de Cuore (1886), un livre pour la jeunesse qui, par la durée de sa lecture, a agi en Italie comme un puissant instrument d’unification nationale. Mais le succès durable de Cuore a fini par éclipser son œuvre, alors qu’il avait été l’écrivain le plus aimé de son temps, et qu’il avait joué un rôle de guide et de médiateur tout au long d’un parcours qui l’avait conduit des batailles du Risorgimento à l’adhésion au parti socialiste. Dans les dernières décennies, son œuvre a été constamment rééditée et revisitée par la critique ; un regain d’intérêt qui trouve une nouvelle confirmation dans ce numéro de Transalpina qui lui est entièrement consacré, dans le but de faire connaître au public français d’aujourd’hui l’un des intellectuels les plus représentatifs d’une époque exemplaire au plan idéologique et politique. Les études ici réunies offrent une vision d’ensemble de l’œuvre de De Amicis, dont elles retracent les étapes fondamentales en éclairant dans tous ses aspects cet écrivain à l’esprit toujours en éveil, qui sut exprimer les idéaux et les valeurs typiques de son temps, mais aussi percevoir mieux que quiconque l’importance des facteurs d’évolution en cours dans la société italienne, comme l’école, l’émigration et les luttes ouvrières. ESPERIENZE LETTERARIE presenta I T A L I N E M O Riviste di italianistica nel mondo Direttore : Marco Santoro http://www.italinemo.it

Che cosa è Italinemo ? Analisi, schedatura, indicizzazione delle riviste di italianistica pubblicate nel mondo a partire dal 2000. Abstract per ogni articolo. Ricerca incrociata per autori e titoli, per parole chiave, per nomi delle testate, per collaboratori. Profili biografici dei periodici e descrizione analitica di ciascun fascicolo. Nelle pagine “Notizie”, informazioni su novità editoriali ed iniziative varie (borse di studio, convegni e congressi, dottorati, master, premi letterari, pre- sentazioni di volumi, seminari e conferenze). La consultazione del sito è gratuita

Direzione Marco Santoro Università di Roma “La Sapienza” Via Vicenza, 23 00185 Roma Tel. e fax +39 06 35498698 [email protected] Segreteria [email protected] Dibattiti e discussioni [email protected] Iniziative e progetti in corso [email protected]

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universitaires ISSN : 1278-334X ISBN : 978-2-84133-900-6 18 € de Caen