Le Domaine Du Rayol
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Le Domaine du Rayol Sommaire Un patrimoine centenaire entre architecture et jardin sur la côte varoise Laurence Schlosser, historienne de l’art, volontaire en service civique au Domaine du Rayol • Introduction • D’un territoire de survivance à un territoire de plaisance • La fondation du Domaine du Rayol par Alfred Théodore et Thérèse Courmes, 1908-1921 • L’évolution du Domaine pendant l’entre-deux-guerres, 1921-1940 • Henry Potez, une nouvelle modernité au Domaine du Rayol, 1940-1974 • D’un paradis clos réservé à de rares privilégiés à un jardin ouvert à tous : l’acquisition par le Conservatoire du Littoral L’esprit du jardin Alain Menseau, responsable des jardins et de la conservation du Domaine du Rayol Gilles CLEMENT Alain Menseau, responsable des jardins et de la conservation du Domaine du Rayol Les Jardins Alain Menseau, responsable des jardins et de la conservation du Domaine du Rayol Conservation d’un patrimoine botanique Noémie Riou, botaniste, volontaire en service civique au Domaine du Rayol Sécheresse au Jardin des Méditerranées Olivier Arnaud, directeur du Domaine du Rayol Domaine du Rayol et médiation scientifique Aurélia Leroux, responsable pédagogique du Domaine du Rayol N°43 – juillet 2018 – Lettre d’information Patrimoines en Paca – DRAC / MET 1 Un patrimoine centenaire entre architecture et jardin sur la côte varoise Laurence Schlosser, historienne de l’art, volontaire en service civique au Domaine du Rayol Le Domaine du Rayol, un balcon sur la Méditerranée © Domaine du Rayol, Chloé Arregoces Introduction Aujourd’hui propriété du Conservatoire du Littoral, le Domaine du Rayol est un site protégé qui permet aux visiteurs de s’immerger dans des paysages du monde entier représentatifs de l’étonnante richesse de la flore du biome méditerranéen. Outre cet important patrimoine environnemental, écologique et botanique autour duquel se construit aujourd’hui le discours pédagogique du Domaine, ce dernier est également riche d’un patrimoine historique exceptionnel, dont l’étude met en lumière les caractéristiques et les évolutions du phénomène de la villégiature balnéaire au XXe siècle sur un bout de Côte d’Azur : la côte des Maures. En effet, au fil des ans, entre 1908 à 1974, les propriétaires successifs de ce vaste domaine y ont fait construire plusieurs villas et dépendances, toujours en place, autour desquelles s’organisaient des jardins d’agrément et vivrier. Pour ses premiers concepteurs, le fil directeur de l’aménagement du Domaine a été ce lien immanent entre architecture et paysage. Aujourd’hui encore, patrimoines bâtis et naturels continuent à co-évoluer sur ce site. Depuis l’acquisition du Domaine du Rayol en 1989, le Conservatoire du Littoral a pris en compte l’importance de ce patrimoine. Progressivement, les différentes villas et autres bâtisses qui ponctuent la visite du lieu ont été restaurées en respectant leur identité architecturale originelle, tout en leur attribuant une nouvelle fonction afin de les intégrer de manière cohérente dans l’économie actuelle du jardin. Ainsi, l’Hôtel de la Mer est devenu le bâtiment d’accueil du public ; on y trouve aussi la librairie et les bureaux. Le Bastidon est transformé en salle de réunion et centre de ressources, la Ferme accueille des espaces de restauration et d’interprétation des plantes, tandis que la Maison de la plage est devenue un lieu de sensibilisation à la faune et la flore sous-marines. Enfin, la villa Rayolet1, inscrite au titre des Monuments Historiques depuis 1994, en cours 1 Aujourd’hui appelée « villa Rayolet », il est apparu que cette villa était désignée sur les plans originaux dressés par l’architecte Guillaume Tronchet en 1925 comme « Le Rayollet ». Au fil du temps, son nom a donc été transformé. N°43 – juillet 2018 – Lettre d’information Patrimoines en Paca – DRAC / MET 2 de restauration, va accueillir dans les années à venir des salles d’exposition détaillant l’histoire du Domaine ainsi que de nouveaux espaces de logement. Dans ce contexte, il est apparu essentiel pour l’association gestionnaire du Domaine d’engager des recherches approfondies sur son passé2. La valorisation et la diffusion de ce patrimoine culturel et historique se fera en premier lieu grâce à la publication d’un ouvrage, qui sortira à l’automne 2019, à l’occasion des 30 ans du rachat du Domaine par le Conservatoire du Littoral. A terme, l’objectif est de sensibiliser le public mais aussi l’équipe du Domaine à travers des expositions, des visites thématiques, ou l’accès à un fonds documentaire et d’archives. Il s’agit d’établir un lien avec le passé, pour mieux préparer l’avenir. Actuellement, le Domaine du Rayol mène activement une recherche d’archives et de témoignages afin de reconstituer la mémoire ancienne du lieu. La difficulté réside dans le fait que le Domaine était une propriété privée, et par conséquent les archives concernant la période 1908-1989 – si elles n’ont pas été perdues ou détruites – sont dispersées entre les descendants des différents propriétaires avec qui on essaie de reprendre contact. Certaines personnes possèdent également encore des souvenirs de la vie au Domaine à différentes époques, anecdotes que l’on tente de réunir afin que la mémoire vivante du lieu ne soit pas perdue. Le but est également d’étudier en profondeur l’architecture et l’évolution des jardins du Domaine au cours de ses cent dix ans d’existence, afin de les replacer dans le contexte de l’époque. Si l’investigation se poursuit, il est possible dès aujourd’hui de poser un nouveau regard sur les grandes étapes de l’histoire du Domaine, dont voici une rapide synthèse. D’un territoire de survivance à un territoire de plaisance Le Domaine du Rayol se situe au cœur de la Corniche des Maures, territoire que l’on peut baliser entre la cap Lardier à l’est et le cap Bénat à l’ouest. Dès la fin du XVIIIe siècle, on a vu fleurir, sur ce que l’écrivain Stephen Liégeard va appeler en 1887 la Côte d’Azur, de grandes stations touristiques telles que Nice, Menton, Cannes, Hyères où se réfugie en hiver une population aristocratique (en particulier anglaise et russe) pour profiter du climat doux et de l’air marin vivifiant caractéristiques de cette région. Toutefois il faut attendre le début du XXe siècle pour que la corniche des Maures, perçue comme hostile, sauvage et inaccessible – son accès étant entravé par la chaîne du Massif des Maures qui plonge directement dans la mer – s’ouvre progressivement au phénomène du tourisme balnéaire. Au XIXe siècle, cette côte n’est pourtant pas complètement déserte contrairement à ce que décrit Maupassant dans la nouvelle Rencontre publiée en 18823. Il existe, détachés de villages situés à l’intérieur des terres et reliés entre eux par des chemins vicinaux malcommodes, quelques hameaux où vivent des familles de fermiers-cultivateurs. Des restanques en pierre sèche, puits, et autres aménagements4 permettent la culture de ces terres au fort dénivelé. Il faut bien noter qu’il s’agit d’une économie de survivance : il n’y a pas ou très peu d’exportation possible (un peu par la mer, grâce à quelques ports, à Cavalaire ou au Lavandou), les voies de communication faisant défaut. Ainsi, au Rayol, hameau dépendant du village de La Môle, on compte quelques fermes avec vergers et jardin potager qui rassemblent plusieurs familles vivant en autarcie : les Viout, les Bérenguier, les Sénéquier5... Les matrices cadastrales nous renseignent sur les types de culture ou d’exploitation : vignes, blé, oliviers, chênes-lièges, bruyères, pâturage. Toutefois, comme l’explique le géographe Etienne Julliard, on assiste à la fin du XIXe siècle à un effondrement du système agro-pastoral dans les Maures, conduisant à une émigration de la population autochtone et à une redensification de la forêt6. Les premiers villégiateurs découvrant et s’installant sur ce coin de côte ont donc l’impression de pénétrer, privilégiés, au sein d’un paradis à l’état sauvage, merveilleux et insondable. 2 Des recherches avaient été entreprises au début des années 1990, mais ont peu été poursuivies par la suite. 3 « Là-bas, là-bas, tout au bout de la France, il est un pays désert, mais désert comme les solitudes américaines, ignoré des voyageurs, inexploré, séparé du monde par toute une chaîne de montagnes. » 4 Il reste des ruines témoignant de ces aménagements, notamment sur les collines entre Cavalière et Le Canadel. 5 D’après les listes nominatives de recensements de la population de la Môle, entre 1846 et 1906. Archives départementales du Var : 11 M 2/188. 6 JUILLARD Etienne, « Heurs et malheurs d'une forêt méditerranéenne : le massif des maures », 1980, publié dans Le Var et les Maures, entre histoire et géographie, recueil d’article 1957-2006. Hyères : Mémoire à Lire, Territoire à l’Ecoute, 2015. N°43 – juillet 2018 – Lettre d’information Patrimoines en Paca – DRAC / MET 3 L’élément déclencheur du désenclavement de la corniche des Maures, de son ouverture au tourisme et à la spéculation foncière est le projet de train du littoral (surnommé le « train des pignes »). Envisagés dès les années 1850, les travaux ne sont engagés qu’en 1887. La côte étant très escarpée, de nombreux ouvrages d’art (ponts, tunnels), sont nécessaires. La ligne de chemin de fer à voie étroite, allant de Toulon à Saint-Raphaël, est inaugurée en 1890. S’arrêtant à chaque hameau côtier, sa principale vocation est le développement touristique : « Pour nous qui comptions parmi les rares touristes qui faisaient de temps à autre la découverte de ces sites radieux (…), nous nous étonnions parfois d’entendre parler de chemins de fer transsaharien, sénégalien (sic) ou du Congo, quand il y avait encore de si intéressantes exploitations à faire, de si beaux paysages à transformer, à quelques heures de la capitale sans sortir de France.