Les Temps Modernes SOMMAIRE N°697
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Les Temps Modernes SOMMAIRE N°697 VENEZUELA 1998-2018 LE PAYS DES FRACTURES Avant-propos 3 PAULA VÁSQUEZ LEZAMA Introduction 4 PAULA CADENAS Le Venezuela, ce navire à la dérive... 11 MARGARITA LÓPEZ MAYA L’échec du chavisme 34 EDGARDO GARCÍA LARRALDE, PEDRO NIKKEN, EDGARDO LANDER La crise vénézuélienne : diagnostics et perspectives (entretiens) 62 ALEJANDRO MARTÍNEZ UBIEDA Le Parlement harcelé 91 LUIS GÓMEZ CALCAÑO Exister, est-ce résister ? « Société civile » et protestation 112 HÉCTOR TORRES Les sociétés malades produisent leurs propres anticorps 129 PAULA VÁSQUEZ LEZAMA La faim et le politique. Chavisme et pénurie alimentaire 134 RAFAEL SÁNCHEZ Les yeux de Chávez. Populisme et post-vérité 151 CANTAURA LA CRUZ Morts violentes, incertitudes et pénuries dans les terres d’Aragua 166 G01736_Les_temps_modernes_BAT.indb 1 29/01/2018 17:20:39 2 LES TEMPS MODERNES EMILIANO TERÁN MANTOVANI Une géographie des conflits écologiques 177 JOSÉ MANUEL PUENTE Histoire d’un désastre économique et social 197 FRÉDÉRIQUE LANGUE « Lève-toi, Simón, ce n’est pas l’heure de mourir ». La réinvention du Libérateur et l’histoire officielle au Venezuela 210 ANGELINA JAFFÉ CARBONELL De l’usage politique des commissions de vérité sous le chavisme 231 ANA TERESA TORRES Blessures symboliques : six moments de la Révolution bolivarienne 235 GISELA KOZAK-ROVERO Mémoires d’une universitaire rangée : les fantômes de Castro 243 ANNEXE 253 CHRONIQUES ARNAUD DESPLECHIN Les Quatre Sœurs de Claude Lanzmann. Lumière, Edison 268 MICHELINE B. SERVIN Quel théâtre et pourquoi ? 275 G01736_Les_temps_modernes_BAT.indb 2 29/01/2018 17:20:39 AVANT-PROPOS Le temps des revues n’est pas celui de l’actualité à chaud, elles ne sont « sur » ce qu’il est convenu d’appeler « l’événement » que rare- ment et par un hasard propice ; leur format, les contraintes de leur fabrication et de leur diffusion les obligent au recul. Quand, au début de l’été 2016, est né le projet du numéro qu’on va lire, le Venezuela n’était pas encore un sujet d’actualité internationale et le manteau de silence qui le recouvrait ajoutait aux souffrances de ce pays fracturé. Une photo saisissante, reçue en juillet 2016, avait soudain pour nous incarné à la fois l’énigme et le scandale : celle du pont qui relie la frontière vénézuélienne — ouverte le temps d’un week-end — à Cúcuta, en Colombie, et par où transitait une marée humaine — 200 000 désespérés, à pied, en quête des denrées ou médicaments cruellement manquants sur leur sol national. À présent que les articles sont rassemblés, le pays, après les mobilisations massives et violentes qui l’ont secoué d’avril à la fin juillet 2017 et ont fait les unes de la presse, connaît à nouveau une éclipse médiatique au moins relative — même si les suppléments économiques des quoti- diens continuent à informer, sans passion, par exemple du défaut de paiement de PDVSA, la compagnie pétrolière de l’État, en novembre 2017 et d’une inflation de plus de 1000 % pour cette même année. Nous espérons avoir réussi, dans l’intervalle qui sépare ces deux silences, à constituer un dossier permettant d’éclairer et de faire parler la situation vénézuélienne autrement que ne le firent les repor- tages et analyses du printemps et de l’été derniers — autrement et sur un autre tempo, parce que de l’intérieur. Nous avons pu mesurer, au fil de ce travail et des conversations qui l’accompagnèrent — sans parler de la campagne présidentielle, durant laquelle la question vénézuélienne fut brandie comme une arme —, combien ce sujet divise aussi en France. Le lecteur jugera. Qu’il sache que plusieurs des contri buteurs ici réunis sont des chavistes déçus, parfois même ayant occupé d’importantes fonctions officielles au sein du régime, et qu’ils parlent au nom d’une perspective de gauche. Nous remercions Paula Cadenas et Paula Vásquez Lezama, qui ont coordonné ce numéro, ainsi que Daniel Bourdon dont l’aide fut précieuse. J.S. 15 décembre 2017 G01736_Les_temps_modernes_BAT.indb 3 29/01/2018 17:20:39 Paula Vásquez Lezama INTRODUCTION L’effondrement du projet politique du défunt Hugo Chávez est devenu une tragédie sociale, politique, économique et humaine pour le Venezuela. Les changements structurels conduits par la Révolution bolivarienne, inaugurée en 1998, ont fini par donner des résultats désastreux pour la population, en particulier pour les classes moyennes et les moins favorisés. En 2014, les réussites des politiques sociales de Chávez ont commencé à s’estomper. Entre 2004 et 2008, les revenus pétroliers avaient atteint des niveaux très élevés, en raison de la hausse du prix des hydrocarbures sur les marchés mondiaux. Entre 1999 et 2011, les exportations pétrolières ont rapporté 608 milliards de dollars au Trésor vénézuélien. Rien qu’en 2012, grâce au cours du pétrole (103 dollars le baril), le pays a engrangé 92 milliards de dollars. Le prix du baril, entre 1999 et 2011, était passé de 16 à 101,06 dollars et, durant les douze années de la présidence de Chávez, son prix moyen a été de 49,3 dollars. Aucun autre président de l’histoire du Venezuela n’a bénéficié d’un boom d’une telle ampleur. Pourtant, les prix élevés du pétrole ont masqué une situation très grave : le déclin régulier de la production nationale, tant pétrolière que non pétrolière. En effet, d’une part, PDVSA (la compagnie pétrolière natio- nale) est devenu une entreprise déficitaire, incapable d’investir et possède, en 2017, un patrimoine industriel obsolète et dangereux (elle produit 1 million et demi de barils par jour de moins que lorsqu’Hugo Chávez est arrivé au pouvoir). PDVSA a été déclaré en cessation de paiements en 2017 ; suite à des conflits qui montrent G01736_Les_temps_modernes_BAT.indb 4 29/01/2018 17:20:39 INTRODUCTION 5 bien les déchirements internes affectant l’élite du gouvernement, Nicolás Maduro a nommé à la tête de l’entreprise, en novembre 2017, un général de la Garde nationale bolivarienne (corps militaire attaché à l’Armée de terre). D’autre part, la production nationale non pétrolière est complètement démantelée et la pénurie de nour- riture, de médicaments et de biens de consommation de base, ravage les secteurs de la population les plus vulnérables. Au cours des cinq dernières années, le Venezuela a connu l’inflation la plus élevée au monde. Et les prévisions ne sont guère plus optimistes. Comprendre comment le pays en est arrivé à cette situation constitue un véritable défi : la catastrophe déborde largement la capacité d’analyse et se prête à des raccourcis, des simplifications et des amalgames. Il faut d’abord préciser que la crise vénézuélienne ne peut pas être attribuée à la chute des prix des hydrocarbures, au contraire de ce qu’on lit souvent dans les analyses rapides des médias mainstream. Le Venezuela ne va donc pas améliorer sa situation de manière miraculeuse si le cours du pétrole remonte. La crise s’est amorcée en 2014, lorsque le prix du baril était encore assez élevé, autour de 88 dollars. La politique d’expropriation, la régulation des prix, la mise en place d’un contrôle des changes ont transformé l’État vénézuélien en une sorte de grande entreprise importatrice développant des mécanismes de corruption très sophistiqués qui annihilent la production nationale. À la fin 2016, le salaire minimum réel a été établi comme le plus bas du pays au cours des vingt-cinq dernières années et l’un des moindres d’Amérique latine, et ce sur le territoire ayant les plus grandes réserves de pétrole au monde. Il faut ensuite saisir les manières dont le chavisme a utilisé l’économie de rente pétrolière pour renforcer son projet de pouvoir. À partir de 2006, le projet « bolivarien » s’est fixé comme objectif de réaliser le « socialisme du xxie siècle » à travers un « État communal ». Il s’agit d’une radicalisation de la révolution qui, à bien des égards, contredit et même viole les principes de la Constitution, dite Bolivariana, qui fut approuvée en 1999. Il s’agis- sait en principe de l’instauration d’une démocratie participative. Cependant, dans la réalisation pratique de l’État communal, des organisations politiques essentiellement verticales et administrati- vement très opaques ont vu le jour. La loi organisant les « conseils communaux », approuvée en 2009, a jeté les bases de la création G01736_Les_temps_modernes_BAT.indb 5 29/01/2018 17:20:40 6 LES TEMPS MODERNES d’un nouvel État qui s’est avéré être une énorme machine clienté- liste. La démocratie participative, qui avait suscité tant d’espoir chez les intellectuels progressistes du monde entier, est restée de l’ordre du vœu pieux. Libre de tout contre-pouvoir, les dirigeants du Parti socialiste unifié du Venezuela, le PSUV, ont affirmé arbitrairement leur légi- timité politique et électorale dans les institutions qu’ils contrôlaient entièrement. Des expropriations de terres, de banques, d’entre- prises et d’hôtels, ont souvent été effectuées par le Président Chávez lui-même lors de ses visites dans différentes régions du pays et elles étaient alors diffusées en direct à la radio et à la télévi- sion. Puis, les institutions étaient chargées de trouver des solutions rapides, souvent illégales, avec les propriétaires. Les entreprises et les exploitations agricoles étaient généralement livrées à des per- sonnes et à des groupes sans les compétences ou l’expérience nécessaires pour produire. Beaucoup de ces établissements, pro- ductifs auparavant, sont maintenant abandonnés. La nouvelle bureaucratie mise en place par le « socialisme du xxie siècle » est devenue un bras politique qui étend le contrôle direct du gouvernement et de son parti, le PSUV, non seulement sur l’opposition mais encore sur l’ensemble de la société. La dissi- dence chaviste a été ainsi invisibilisée, asphyxiée. Cette bureau- cratie entretient des liens profonds avec des cadres radicalisés dont sont issus maints cadres gouvernementaux avec leur définition idéologique de la culture nationale, du peuple, du populaire, et les grands dispositifs de propagande nationale et internationale qui accompagnent cette idéologie.