ENVIRONNEMENT DÉVELOPPEMENT DURABLE

Thomas Mulcair Le transport par L’économique, était ministre en eau est la voie le social et 2006 et le Québec écologique des l’environnement se donnait sa loi entreprises vont de pair Page I 3 Page I 4 Page I 5

CAHIER THÉMATIQUE I › LE DEVOIR, LES SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 NOVEMBRE 2012

MAISON DU DÉVELOPPEMENT DURABLE Une maison exemplaire! Toutes les ressources sont mises en commun Organisme à but non lucratif distinct de ses membres fonda- teurs, la Maison du développement durable (MDD) a fêté son premier anniversaire le 6 octobre dernier et est en voie d’être le premier organisme à obtenir une certification LEED Platine en milieu urbain pour des bureaux. Robert Perreault, direc- teur de la MDD, se réjouit du succès et de l’attrait que la Mai- son crée autour du développement durable.

JACINTHE LEBLANC de-chaussée, mais aussi de la présence de la Maison en l y a un an, la Maison du plein milieu du Quartier des développement durable spectacles. accueillait officiellement Le nom retenu de la Mai- ses huit membres pro- son du développement dura- priétaires et sept groupes ble se justifie si l’on consi- Ilocataires. L’idée est partie de dère qui en sont les membres la volonté, il y a une dizaine fondateurs, selon M. Per- d’années, d’offrir un environ- reault, puisque cela fait partie nement de travail sain, mais de chacun d’entre eux. Le dé- aussi de regrouper sous un veloppement doit se préoccu- même toit des groupes so- per de l’environnement, mais ciaux et environnementaux aussi «des humains, de leur ayant une perspective com- culture, de leur droit. C’est ça mune du développement dura- qui fait que le développement JACQUES NADEAU LE DEVOIR ble. Au total, la Maison aura est durable ». Outre le déve- La Maison du développement durable est située sur la rue Sainte-Catherine, en plein Quartier des spectacles. coûté environ 27 millions de loppement durable comme dollars et a été financée par philosophie commune, les la Maison du développement riaux à contenu recyclé, etc. Il blissements universitaires, les or- plus de 45 partenaires et dona- groupes habitant dans la durable a pour mission d’être y a plusieurs autres exemples ganismes, la Ville de Montréal et teurs privés, dont le gouverne- MDD partagent aussi des af- un bâtiment exemplaire en de la performance environne- d’autres, on sent que spontané- ment du Québec, la Ville de finités politiques. matière de technologies et mentale de la Maison, notam- ment ils se disent: “Pourquoi pas Montréal, Hydro-Québec et d’énergies durables. Pour y ment sur le plan de la qualité à la Maison du développement ALCOA, qui en est le principal Mutualiser des services arriver, tout a été pensé pour de l’air et de la consommation durable?”» La MDD s’est défi- La bâtisse de partenaire. Tournée d’abord et avant atteindre les standards les de l’eau. Pour M. Perreault, la nie au cours de la dernière an- la rue Sainte- Pour Robert Perreault, bien tout pour répondre à des be- plus élevés selon les critères MDD se veut aussi «un lieu née comme «un centre de réfé- qu’aucun débat théorique n’ait soins concrets de ses mem- de la certification LEED (Lea- de démonstration pour des en- rence» en matière de dévelop- Catherine été fait entre les différents or- bres, la MDD leur sert de dership in Energy and Envi- jeux liés au bâtiment ». pement durable. ganismes, la vision partagée siège social. Aussi, «en se re- ronmental Design) Platine. En outre, la sensibilisation Avec ce bâtiment qui se veut s’est définie semble s’apparenter à celle groupant, souligne M. Per- La MDD se veut énergéti- auprès du public constitue le exemplaire, le directeur de la élaborée à l’origine en 1987 reault, ils ont souhaité mutua- quement efficace. Par exem- troisième volet de la mission. Maison du développement du- au cours de la par Mme Bruntland. Il la ré- liser des services ». Autrement ple, pour se chauffer ou se cli- «C’est ce qui explique qu’ici, on rable parle aussi d’un effet dernière année sume comme un développe- dit, les groupes de la MDD matiser, la MDD peut comp- a des séminaires, des confé- d’entraînement. Aux dires de ment préoccupé par «la pro- partagent aussi les frais de ter sur ses 28 puits de géo- rences, des débats-midi, des expo- M. Perreault, d’autres projets comme tection de l’environnement, des différents services, par exem- thermie. Et en hiver, si la géo- sitions», poursuit le directeur. d’envergure ayant des stan- droits des citoyens [et] de leur ple les services informa- thermie ne suffit pas, le Depuis l’ouverture officielle, il dards élevés s’officialiseront «un centre participation au développe- tiques, ce qui entraîne une di- bâtiment est équipé d’un note que «plusieurs milliers de bientôt sur la place publique. ment», tout en visant «une uti- minution de coûts pour tous. chauffage d’appoint au gaz na- personnes sont passées». La pro- À son avis, «la MDD a placé la de référence» lisation des ressources qui Cela est fait dans une optique turel. Il y a également un toit grammation de cet automne barre très haut» en visant l’ob- en matière de puisse satisfaire les besoins des de mise en commun et d’at- vert sur lequel l’équipe de la est une première dont M. Per- tention de la certification gens, qui ne soit pas orientée teinte d’une équité entre les MDD espère développer de reault constate le potentiel. LEED Platine, ce qui fait que développement d’abord vers le profit et puis qui groupes présents. Être au l’agriculture urbaine et de Cette idée de calendrier d’évé- d’autres voient la possibilité et préserve l’avenir des généra- même endroit permet égale- l’apiculture. Tout a aussi été nements sera davantage exploi- les avantages de construire un durable tions futures». À cette vision ment une meilleure synergie pensé au chapitre du choix tée dans la prochaine année. bâtiment dans une perspective du développement durable, le pour l’organisation d’activi- des matériaux : ajout cimen- «Quand ils songent à faire de de développement durable. directeur de la MDD ajoute la tés. Se et travailler en- taire dans le béton, utilisation la formation sur du développe- dimension culturelle en souli- semble devient plus facile. de bois provenant de forêts ment durable, raconte Robert Collaboratrice gnant les expositions au rez- Dans un deuxième temps, certifiées FSC et de maté- Perreault, les entreprises, les éta- Le Devoir

CCM JACQUES NADEAU LE DEVOIR Le transport fluvial est le mode d’acheminement de marchandises le plus durable. Quelques jardins urbains existent sur certaines toitures montréalaises. I 2 LE DEVOIR, LES SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 NOVEMBRE 2012 ENVIRONNEMENT

FINANCE Est-ce un bon placement? La responsabilité sociale et environnementale est un critère de gestion des risques Quel rôle joue la responsabilité sociale et envi- les entreprises aient un comportement exem- ronnementale des entreprises lorsque vient le plaire… Elles ne peuvent plus opérer qu’à l’inté- temps de faire des placements pour assurer, rieur des limites légales — que travailler en toute légalité —, elles doivent à présent obtenir le permis par exemple, sa retraite? Emmanuel Raufflet, social d’opérer. C’est pourquoi on parle désormais professeur agrégé à HEC Montréal, considère de responsabilité sociale et environnementale…» que c’est là un critère tout à fait pertinent, sur- La malédiction des ressources tout lorsqu’il s’agit de placements à long terme. naturelles Emmanuel Raufflet, qui s’intéresse beaucoup CLAUDE LAFLEUR au secteur des mines, donne ainsi l’exemple du développement du Grand Nord que l’on pré- orsque vous voulez faire un investissement, pare actuellement. «Les entreprises qui veulent «L décrit Emmanuel Raufflet, votre conseiller œuvrer dans le Grand Nord devront se faire ac- financier vous demande d’abord avec quel niveau cepter par les populations locales, dit-il. Et de risque vous pouvez composer.» Or, la responsa- comme le projet va évoluer au fil du temps, il bilité sociale et environnementale (RSE) peut leur faut être capables d’anticiper toutes les être considérée comme un critère de gestion étapes de la vie du projet.» des risques. «On peut voir la RSE comme une Le véritable enjeu, selon le spécialiste, c’est gestion de risque raisonnée, puisque cela permet de transformer le secteur des ressources natu- de diminuer les risques. L’entreprise reconnaît en relles (qui ne sont pas structurellement dura- effet l’existence de dimensions qui sont liées à ses bles) en ressources ou infrastructures ou en ca- activités — dimensions environnementales, so- pital qui seront durables. «En économie, il y a ce ciales, de gestion, de santé et de sécurité au tra- qu’on appelle la malédiction des ressources natu- vail, etc. — sur lesquelles elle s’engage à agir.» relles,énonce-t-il. C’est-à-dire que si votre prospé- C’est particulièrement le cas dans des sec- rité dépend essentiellement d’une seule ressource teurs à haut risque (mais très rentables) comme — le pétrole ou un minerai, par exemple —, vous les industries minière, pétrolière ou chimique. aurez tendance à négliger les autres secteurs. Et M. Raufflet rappelle ainsi l’accident de la plate- SPENCER PLATT AGENCE FRANCE-PRESSE bien sûr, il suffit que le prix de la matière chute forme pétrolière Deepwater Horizon, qui a pro- Ce n’était pas la première fois que British Pretroleum faisait preuve de négligence, lors de l’accident ou que la demande diminue pour que tout s’effon- voqué en avril 2010 une marée noire de grande de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon, ce qui a coûté très cher aux investisseurs. dre. C’est alors toute la société qui s’effondre!» ampleur dans le golfe du Mexique, entraînant Comment éviter cette malédiction? Emma- une crise majeure pour la British Pretroleum. cialistes de l’interface entre la gestion et le déve- leur de l’actionnaire ou celle de l’entreprise à nuel Raufflet cite entre autres exemples le cas «Il y a un grand nombre de retraités en Angle- loppement durable, des agents de changement or- long terme,avance M.Raufflet. À l’opposé, la de la Norvège, qui, d’une part, exploite elle- terre, dont les pensions reposaient sur les rende- ganisationnel.» Comme chercheur spécialisé RSE vise à élargir l’horizon mental et de prise de même son pétrole et qui, d’autre part, a créé un ments de BP, qui ont eu assez peur, dit-il. Or, ré- en RSE, il s’intéresse entre autres aux secteurs décisions de l’actionnaire en montrant que l’on fonds souverain avec les revenus du pétrole trospectivement, on a appris que ce n’était pas la minier et de l’énergie. «Nous avons étudié le tient également compte de nombre d’enjeux pas afin de pourvoir aux besoins des prochaines première fois que BP faisait preuve de négligence, comportement des entreprises en matière de RSE forcément couverts par les pratiques de gestion générations. «Et c’est l’un des plus gros fonds ce qui a coûté très cher aux investisseurs.» dans plusieurs secteurs d’activités,précise-t-il, classique.» éthiques au monde», souligne-t-il. C’est dire que toute entreprise qui tient dont les mines, la chimie, le pétrole et les entre- Le chercheur observe même un changement «Il nous faudra transformer nos ressources compte de ses responsabilités sociales et envi- prises de gaz de schiste.» de paradigme. «C’est clair qu’il y a désormais un non durables en ressources durables», conclut-il. ronnementales diminue les risques auxquels consensus: on ne va pas pouvoir continuer à faire C’est-à-dire de capital humain, d’infrastructures elle s’expose et augmente d’autant son attrait Spéculateur ou investisseur? les choses comme on les faisait jusqu’à récemment.» qui vont être pertinentes et d’institutions qui pour les investisseurs. «C’est justement l’argu- Investir auprès d’entreprises qui tiennent En effet, les entreprises doivent non seule- vont nous aider à rester prospères longtemps. ment que les promoteurs de la RSE mettent de compte de leurs responsabilités sociales et en- ment tenir compte des risques environnemen- «Je pense toutefois qu’à l’heure actuelle, au Qué- l’avant», souligne le chercheur. vironnementales pourrait même être un moyen taux de leurs activités, mais également assurer bec, on manque un peu d’imagination à ce cha- Emmanuel Raufflet est professeur au Service de se prémunir contre les excès de la bourse. l’acceptabilité sociale des populations locales. pitre», observe-t-il. de l’enseignement du management à HEC «La RSE mène souvent vers une gestion qui va «Les attentes de la population ont changé. Il y a D’imagination… et de vision à long terme! Montréal et responsable du Diplôme d’études au-delà de la myopie que la bourse impose aux cinquante ans, on acceptait pas mal de choses au supérieures spécialisées (DESS) en gestion et entreprises, lesquelles doivent, sinon, fournir des nom de la création d’emplois. Toutefois, à présent, Collaborateur développement durable. «Nous formons des spé- rendements trimestriels, quitte à détruire la va- on exige des emplois de qualité et il faut aussi que Le Devoir

AGRICULTURE Un nouveau régime alimentaire pour les bovins! Chaque vache émet environ 176 kilos de méthane par année

L’agriculture est responsable de près du quart de la quantité de nouvelles stratégies pro- de méthane générée au Canada. L’une des solutions les plus metteuses, comme l’introduc- tion de probiotiques dans la efficaces pour réduire les émissions de ce deuxième gaz à ef- nourriture des bovins. fet de serre en importance : changer l’alimentation des bovins et des vaches sur les fermes. Impacts Or, les avantages découlant de ÉTIENNE ovins. Selon Nature Québec, ces changements apportés au ré- PLAMONDON ÉMOND chaque vache émet environ gime alimentaire des vaches ne 176 kg de méthane par année, sont pas seulement d’ordre envi- haouki Benchaar, cher- si on tient compte de la gestion ronnemental, assure le profes- C cheur scientifique pour du fumier, qui va de pair avec seur auxiliaire de l’Université Agriculture et Agroalimentaire l’élevage. Dalhousie d’Halifax. «Le mé- Canada, estime que la contri- thane, c’est une perte d’énergie bution de l’agriculture aux Stratégies d’atténuation pour l’animal,explique-t-il. émissions totales de gaz à ef- «Ce qu’il faut comprendre, Quand l’animal ingère des ali- fet de serre (GES) «n’est pas c’est que grosso modo, quand ments, ça contient de l’énergie, et énorme» en comparaison d’au- la vache ingère une ration ali- environ 2 à 12% de cette énergie tres secteurs d’activités, mentaire riche en fibres, c’est ingérée par l’animal est perdue comme le transport ou les in- favorable à la production de sous forme de méthane. Pour la dustries. N’empêche, M. Ben- méthane», résume le cher- vache laitière, c’est environ 10%. chaar travaille tout de même à cheur à l’autre bout du fil, de- Donc, lorsqu’on développe des ce que le milieu agricole fasse puis son bureau de Sher- stratégies alimentaires pour ré- sa part, comme les autres sec- brooke. Les bactéries et les duire le méthane, l’objectif pour- teurs, dans la lutte contre le microbes à l’intérieur du ru- suivi est double. On va réduire la réchauffement de la planète. men, lorsqu’elles font fermen- contribution des élevages et, par L’agriculture est responsable ter des aliments riches en fi- conséquent, de l’agriculture, aux de 7 à 9% des émissions de bres, émettent de l’acide acé- émissions totales de gaz à effet de gaz à effet de serre (GES) du tique, libérant à son tour de serre, mais il y a aussi un effet Canada et du Québec. Ce sec- l’hydrogène propice à la pro- beaucoup plus économique. Si on teur d’activités est l’un des duction de méthane. En re- arrive à réduire les pertes d’éner- plus grands émetteurs de mé- vanche, des céréales et des ali- gies sous forme de méthane, thane (CH4), avec près du ments riches en amidon pro- l’énergie qu’on récupère, il peut quart des émissions cana- duisent, lors du même proces- être utilisé par l’animal à des fins diennes de ce GES, selon les sus de fermentation, de l’acide de production de lait ou de chiffres de Nature Québec. Le propionique, qui utilise cet hy- viande, par exemple.» méthane a un potentiel de ré- drogène et empêche les bacté- N’empêche, cette solution, chauffement 21 fois supérieur ries méthanogènes de le trans- malgré son efficacité, doit être au CO2. former en méthane. Les ma- appliquée tout en ayant une Et pour M. Benchaar, il ne tières grasses, quant à elles, vue d’ensemble. «On doit avoir fait pas de doute que la solution ont tendance à limiter la fer- une approche beaucoup plus la plus efficace pour réduire les mentation dans le rumen et globale. Il faut s’assurer que émissions de méthane dans ainsi diminuer la quantité de lorsqu’on intervient dans un l’agriculture réside dans le méthane relâché. maillon de la chaîne pour ré- changement de régime alimen- M. Benchaar se penche sur duire un gaz à effet de serre, ici taire des vaches et des bovins. l’efficacité de ces stratégies le méthane, on n’augmente pas Cette stratégie, selon ses ob- d’atténuation déjà utilisées, la production d’un autre gaz à servations, a les meilleurs ré- comme celles de nourrir les effet de serre, comme le pro- sultats à court terme. Dans le vaches laitières avec un four- toxyde d’azote, qui, lui, peut être domaine agricole, les éructa- rage de meilleure qualité ou encore plus nocif», prévient-il. tions des vaches et des bovins avec davantage de matières «Si vous êtes fermier et que — et non pas les flatulences, grasses. Il étudie aussi les ré- vous mettez du maïs dans la ra- comme le veut la croyance po- percussions lors d’ajout d’huiles tion alimentaire [des vaches], pulaire — demeurent, et de essentielles ou d’oléagineuses vous allez réussir à réduire le loin, la principale source (graines de tournesol, de ca- méthane. Mais pour en cultiver d’émissions de méthane. Selon nola et de lin) dans l’alimenta- au champ, vous allez peut-être Agriculture et Agrolimentaire tion des vaches laitières, des devoir utiliser de la machinerie Canada, 90% du méthane émis stratégies qui pourraient pour labourer, pour le récolter, dans le secteur de l’agriculture contribuer à réduire les émis- pour le fertiliser, donc, ça va est produit par la digestion des sions de méthane de 5 à 20% aliments chez les bovins et chez une vache. Il évalue aussi VOIR PAGE I 3 : BOVINS LE DEVOIR, LES SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 NOVEMBRE 2012 I 3 ENVIRONNEMENT

LÉGISLATION «Je suis surpris des résultats» Le Québec adoptait en avril 2006 la Loi sur le développement durable

Sanctionnée en avril 2006 à l’unanimité par l’Assemblée na- été parcouru et je suis surpris tionale du Québec, la Loi sur le développement durable appa- des résultats. Je le vois à travers mes étudiants qui vont faire des raît comme un pas en avant, selon deux experts consultés par stages dans les organismes gou- Le Devoir. Une législation dont l’esprit et la lettre doivent tou- vernementaux. Une de mes étu- tefois être appliqués de manière plus rigoureuse et systéma- diantes a fait un stage à la Com- tique. Regards croisés sur une loi qui a eu, à ce jour, cinq ti- mission des normes du travail. D’autres sont allés chez Revenu tulaires et dont le ministère a connu trois appellations. Québec, au Conseil du trésor, au ministère de l’Éducation ou en- THIERRY HAROUN vision du développement dura- core au ministère de la Santé.» ble. En fait, le gouvernement a Ainsi, dit-il, le seul fait d’ouvrir n octobre 2005, du temps où tenté de faire entrer le dévelop- des postes dans les organismes E la Loi sur le développement pement durable après avoir et les ministères gouverne- durable n’était encore que le pro- lancé le Plan Nord. Il a donc es- mentaux dont la fonction est de jet de loi 118, le ministre québé- sayé de mettre en application le veiller à l’application de la Loi cois du Développement durable, développement durable en fonc- sur le développement durable de l’Environnement et des Parcs tion de l’idée qu’il avait du Plan «est un pas en avant». (MDDEP), Thomas Mulcair, Nord. Ce n’est pas comme ça affirmait en entrevue au De- qu’on fait les choses. Il faut plu- Historique voir, en parlant de la loi en de- tôt travailler en amont quand il La Loi sur le développement venir, que «ce que nous [le est question de développement durable a été sanctionnée le gouvernement] sommes en durable.» Faut-il pour autant y 19 avril 2006. Elle établit un train d’entamer, c’est quelque voir là une «main» politique? nouveau cadre de gestion pour chose de très concret et qui est «C’est une question difficile tous les ministères, organismes nouveau. Ce que nous sommes parce que la question qui se et entreprises de l’État québé- en train de faire au Québec, pose ici est la suivante: à quel cois. Ce cadre commun leur c’est de se placer au premier moment on trace la frontière?», permet d’intégrer les principes rang en Amérique du Nord en lance M. Villeneuve. du développement durable matière de planification autour «Le gouvernement a une lé- dans l’exercice de leurs pou- du développement durable par gitimité politique et c’est la poli- voirs et responsabilités. Cette une approche structurée». tique qui oriente les destinées législation a inscrit 16 principes Six ans plus tard, avons-nous d’un pays. En revanche, le gou- de développement durable dont atteint cet objectif? «Écoutez, vernement a des responsabilités les ministères et organismes l’exemple du Plan Nord nous administratives. Le développe- doivent tenir compte dans leurs montre qu’on n’a pas atteint cet ment durable s’applique à actions, notamment la santé et objectif», juge Claude Ville- l’échelle politique dans le “pour- la qualité de vie, l’équité et la neuve, titulaire de la Chaire en quoi” et sur le plan de l’admi- solidarité sociales, la protection éco-conseil de l’Université du nistration dans le “comment”. de l’environnement, l’efficacité Québec à Chicoutimi. Donc, poursuit Claude Ville- économique, la prévention, la neuve, à quel moment tirons- précaution et l’internalisation Plan Nord et politique nous la frontière? Et à quel des coûts. C’est-à-dire? «Le gouverne- moment la politique et l’idéolo- Concrètement, en décem- ment de avait gie se confondent-elles? La poli- bre 2007, le gouvernement a lancé le Plan Nord en affirmant tique, c’est l’art de faire des publié sa Stratégie gouverne- JACQUES NADEAU LE DEVOIR que ce serait un exemple de dé- compromis, et l’idéologie, c’est mentale de développement Thomas Mulcair a introduit, en tant que ministre de l’Environnement à l’époque, la Loi sur le veloppement durable. Sauf que l’idée qui transcende la réalité durable 2008-2013 sous le ti- développement durable en 2005. ce gouvernement n’a pas conçu en cela que l’idéologie ne fait tre «Un projet de société pour le Plan Nord à l’intérieur d’une pas de compromis. Elle veut, en le Québec ». On notera que l’Environnement, de la Faune exercice purement volontaire à du gouvernement. On sait que fait, faire rentrer la réalité les ministères et les orga- et des Parcs. un exercice contraignant dont les c’est difficile de changer des ap- dans le modèle, alors que la po- nismes se sont dotés d’un objectifs sont fixés et où l’action du proches et des façons de faire, litique doit normalement tenir plan d’action, tout comme la Recommandations gouvernement n’est plus libre». alors il ne faut pas s’attendre à compte de la réalité et la faire Sûreté du Québec, la Société Claude Villeneuve émet une L’autre point positif de cette ce que ça se fasse en donnant évoluer dans le modèle. Or des traversiers du Québec et recommandation pour la suite loi est qu’elle crée un commis- un coup de baguette». quand vous me demandez s’il la Régie des installations des choses. «Ce qui serait saire au développement dura- En conclusion, la profes- peut y avoir ingérence poli- olympiques. idéal, c’est qu’on fasse en sorte ble. «La création d’un poste de seure Paule Halley formule le tique, je réponds oui, sans Maintenant. Du temps que la présidence de cette loi soit commissaire permet d’avoir un souhait «que le développement doute. Le problème émerge qu’elle n’était qu’un projet de tournante. Ce pourrait être une chien de garde qui s’assure que durable soit un objet rassem- quand l’ingérence politique loi jusqu’à nos jours, la Loi sur fois le ministère de l’Éducation, l’État québécois respecte son ca- bleur au sein de l’Assemblée na- vient se mêler du “comment”», le développement a connu cinq puis le ministère des Trans- lendrier [au titre de la Loi sur le tionale qui a voté cette loi à fait valoir notre expert. ministres, soit Thomas Mul- ports, etc. Ce qui donnerait une développement durable] et qu’il l’unanimité. Et qu’elle sache se Cela dit, l’application de la cair, Claude Béchard, Line vision transversale de la loi et applique les 16 principes qui ont réunir sous le thème du déve- Loi sur le développement du- Beauchamp, Pierre Arcand et respecterait ainsi l’esprit du dé- été adoptés. D’ailleurs, le com- loppement durable et faire rable a produit des résultats le tout nouveau ministre pé- veloppement durable.» missaire rend publics les bons avancer la société québécoise intéressants bien qu’aucun quiste, Daniel Breton. Par ail- De son côté, la titulaire de la coups et les moins bons coups du malgré le fait que nous avons budget spécifique ne lui ait été leurs, l’appellation de leur mi- Chaire de recherche du Canada gouvernement». un gouvernement minoritaire. octroyé au départ, laisse en- nistère a connu trois versions, en droit de l’environnement et Si Mme Halley juge «préma- Il s’agit d’avancer positivement tendre Claude Villeneuve. soit le ministère du Développe- professeure titulaire à la Faculté turé» de dresser un bilan de la vers des objectifs durables et de « Je vous rappelle que la Loi ment durable et des Parcs, le de droit à l’Université Laval, loi après seulement six ans ne pas s’engager dans des op- sur le développement durable a ministère du Développement Paule Halley, juge que depuis d’existence, elle tient à souli- portunités purement écono- été lancée avec zéro budget. Ce durable, de l’Environnement et l’édiction de cette loi, le gouver- gner «que ce n’est pas juste le miques sans vue à long terme». n’est sûrement pas la meilleure des Parcs et, enfin, sous le mi- nement est passé, sur le plan de ministère de l’Environnement UQAC façon d’agir. Cependant, dans nistre Breton, le ministère du l’application des principes du dé- qui s’engage dans cette dé- Collaborateur Claude Villeneuve les circonstances, du chemin a Développement durable, de veloppement durable, «d’un marche, mais bien l’ensemble Le Devoir

Il rappelle aussi que cer- ter. Par exemple, l’ensilage peuvent pas faire comme ici, des additifs alimentaires per- mais aussi faciles à mettre en taines pratiques peuvent sou- de maïs ne constitue pas une dans le sud du Québec. » C’est mettent justement de cibler pratique. «Parfois, on arrive BOVINS lever des questions éthiques: solution plausible pour ré- pourtant ce défi qui, aux certaines stratégies, et nous, avec des moyens qui sont sim- SUITE DE LA PAGE I 2 «Est-ce qu’il faut alimenter les duire le méthane en Nou- yeux de M. Benchaar, rend le en tant que nutritionnistes, ples, comme remplacer un foin ruminants avec des céréales, velle-Zélande, où l’élevage du sujet de ses recherches si in- c’est à nous d’évaluer quelles de graminée par un foin de lu- fertilisants chimiques, tels que alors qu’il y a d’autres pays [où bétail s’effectue dans des pâ- téressant. «La panoplie est seront les conséquences, non zerne, alors que le fermier pro- des fertilisants à base d’azote, la population accuse] un déficit turages. «Chaque région et tellement large qu’on essaie de seulement sur le méthane, duit déjà les deux. Cela se fait qui contribuent à émettre un alimentaire? Il faut situer pratiquement chaque ferme toucher à presque tous les mais aussi sur la production et vous réduisez le méthane», autre gaz à effet de serre, soit le toutes les choses dans leur sont typiques. Je ne peux pas, types d’alimentation,indique- du lait. » indique-t-il. protoxyde d’azote», donne-t-il contexte.» demain, aller recommander t-il. Les combinaisons de diffé- Et dans certains cas, les so- comme exemple d’utilisation Certaines stratégies sont aux gens du Bas-du-Fleuve de rents aliments, l’utilisation de lutions s’avèrent non seule- Collaborateur de maïs inappropriée. d’ailleurs difficiles à expor- faire des cultures qu’ils ne différentes solutions comme ment tout à fait indiquées, Le Devoir

POUR NOUS, LE DÉVELOPPEMENT DURABLE N’EST PAS UNE OPTION, C’EST NOTRE RAISON D’ÊTRE.

Rapport de développement durable A+ I 4 LE DEVOIR, LES SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 NOVEMBRE 2012 ENVIRONNEMENT

TRANSPORT MARITIME Sur la seule 138, 140000 camions passent annuellement «On n’utilise pas la Voie maritime du Saint-Laurent à son plein potentiel»

Le transport maritime est le mode de trans- production est terminée, ils n’ont qu’à passer un port le plus durable pour les marchandises. appel, et quelques heures plus tard, un camion est dans la cour. La gestion du transport mari- Pourtant, au Québec, il est sous-utilisé. Des time est plus complexe, car les navires ne sont préjugés tenaces et des habitudes difficiles à pas disponibles immédiatement sur demande. Il changer l’empêchent d’être utilisé à son plein faut planifier davantage, une habitude que les potentiel. Des obstacles qu’il faut surmonter, entreprises ont perdue avec le “juste-à-temps”, une façon de faire qu’elles ont poussée à l’ex- soutiennent à l’unanimité les intervenants de trême. Le recours au transport maritime peut l’industrie. difficilement se faire dans ce cadre.» Mais avec un réseau routier de plus en plus CAROLINE RODGERS congestionné et des travaux d’infrastructures importants prévus dans les prochaines années, poids égal, avec un litre de carburant, un na- le transport maritime pourrait s’avérer une so- À vire peut parcourir 312km. Pour la même lution plus populaire, selon lui. quantité, un train en parcourt 181 et un camion, «L’autre problématique est que le maritime 75, selon les chiffres publiés par le Réseau de la est perçu comme compliqué parce qu’il faut faire Voie maritime du Saint-Laurent, citant une étude affaire avec davantage d’intermédiaires. Cela réalisée aux États-Unis. C’est également le na- nécessite plus de contrats et plus de facturation. vire qui émet le moins de gaz à effet de serre Mais les transporteurs maritimes ont développé (GES), soit près de deux fois moins que le train des solutions de service porte-à-porte, clés en et trois fois moins que le camion. Il permet de main, où ils s’occupent des intermédiaires, ce transporter de très grandes quantités de mar- qui simplifie beaucoup les choses. Il y a un gros chandises sur de très grandes distances: un na- travail à faire en matière de communications vire de taille moyenne équivaut à environ 870 ca- pour faire connaître ces solutions aux entre- mions ou 225 wagons ferroviaires. JACQUES NADEAU LE DEVOIR prises, les convaincre des avantages et changer Avec un réseau routier de plus en plus congestionné et des travaux d’infrastructures importants prévus leur perception. Nous développons des outils Avantages dans les prochaines années, le transport maritime pourrait s’avérer une solution plus populaire. d’information et de sensibilisation pour les diffé- Dans une perspective de développement du- rents secteurs industriels afin de les familiariser rable, le navire comporte aussi des avantages ments doivent investir dans des solutions dura- observateurs s’entendent pour dire qu’avec les in- avec le fonctionnement du maritime, et nous socioéconomiques. bles mieux adaptées à la réalité géographique du frastructures actuelles, on pourrait mieux exploi- mènerons une campagne à cet égard au cours «Le recours au transport maritime permet de Québec, un territoire immense fondé grâce au ter le transport maritime qu’on ne le fait. Dans des prochains mois. » diminuer la congestion routière et les coûts d’entre- transport maritime.» les années 1970, les pics historiques avoisinaient Les armateurs travaillent également à mettre tien des routes», souligne Catherine Houle, char- Mais pour diverses raisons, notamment parce les 70 millions de tonnes de marchandises par an, sur pied un service hebdomadaire entre la côte gée de communications à la Société de dévelop- que la gestion des opérations de production fonc- alors qu’aujourd’hui, on transporte environ 40 à nord du Québec et les grands centres. Selon pement économique du Saint-Laurent (Sodes). tionne maintenant de plus en plus selon la mé- 50 millions de tonnes annuellement par bateau. une étude qu’ils ont fait effectuer, les travaux «Il y a des économies à réaliser pour la popu- thode du flux tendu (livraison «juste-à-temps»), le Si l’on considère toute l’expansion économique réalisés dans le cadre du développement du lation et le gouvernement, ajoute Mélissa Lali- camionnage est favorisé en raison de sa souplesse. qui a eu lieu depuis cette époque, on n’utilise pas Nord et de la Romaine représentent un poten- berté, Directrice, projets et affaires gouverne- «Au cours des 20 dernières années, le camion- la Voie maritime du Saint-Laurent à son plein tiel intéressant pour le transport maritime. mentales à la Sodes. C’est un choix de société nage a profité des échanges nord-sud occasionnés potentiel, c’est certain.» «Cela aiderait à désengorger la 138, où pas- que l’on a à faire. Quand on entend les gouverne- par le libre-échange avec les États-Unis et le sec- sent annuellement 140000 camions, dit ments parler de transport, on constate qu’ils mi- teur routier a connu une croissance beaucoup Méconnaissance de l’industrie M. Fournier. Mais on se bute à une méconnais- sent sur la neutralité modale, c’est-à-dire qu’ils plus rapide que le maritime, dit Emmanuel Guy, «Les expéditeurs sont habitués à travailler sance du transport maritime qu’il faut contrer.» ne veulent pas favoriser un mode de transport professeur au département des sciences de la avec le camion, qui est relativement simple et ra- par rapport à un autre. Dans le contexte actuel, gestion et titulaire de la Chaire de recherche en pide, explique Martin Fournier, directeur géné- Collaboratrice on est rendus au-delà de ce stade. Les gouverne- transport maritime de l’UQAR. La plupart des ral des Armateurs du Saint-Laurent. Quand la Le Devoir

UNIVERSITÉS L’offre pédagogique est là! L’UQAM et Concordia ont conçu des programmes de formation spécifiques Le développement durable est devenu une réalité de nos so- nement date de cette époque.» spécifiques au développement l’environnement urbain, la santé avec les cours en sciences hu- ciétés contemporaines et la jeune génération est particulière- À l’UQAM, le développement durable, les étudiants peuvent et l’environnement, etc. maines, et à l’inverse, ceux en ment sensible aux enjeux liés à ce concept. Mais comment durable est surtout l’affaire de parfaire leurs connaissances en Pour le moment, cette ap- sciences humaines avec les cours la Faculté des sciences. «Au fil développement durable grâce proche multidisciplinaire n’est plus scientifiques.» faire du développement durable son métier ? Quelle est l’offre des ans, le développement dura- aux centres de recherche qui y pas offerte au niveau des bacca- D’ici peu, le Centre Loyola de programmes universitaires à ce chapitre ? Survol de ce que ble a fait sentir sa présence dans sont consacrés, comme la lauréats scientifiques, plutôt cen- pour la diversité et la durabi- proposent deux universités montréalaises, soit l’UQAM et l’ensemble de nos programmes et Chaire industrielle en aménage- trés sur leur discipline propre. lité accueillera en son sein un l’Université Concordia. disciplines scientifiques. Par ment forestier durable. Mais cela devrait bientôt chan- tout nouveau centre de re- exemple, en chimie, nous avons ger. «Nous espérons introduire cherche en développement du- développé une expertise en élec- Nouveau programme d’ici septembre prochain un nou- rable, dont la direction sera as- PIERRE VALLÉE Faculté des sciences à l’UQAM. trochimie, qui concerne directe- La maîtrise en sciences de veau baccalauréat en sciences na- sumée par le professeur Peter À une époque où ce concept ment la question des piles et des l’environnement adopte aussi turelles appliquées à l’environne- Stoett. «Ce centre de recherche l y a belle lurette que l’UQAM n’était même pas à la mode, les batteries.» Une question deve- une approche multidisciplinaire. ment qui offrira la même ap- regroupera 23 professeurs pro- I est montée dans le bateau du professeurs et chercheurs de nue aujourd’hui un véritable en- Par-delà l’approche proprement proche multidisciplinaire que l’on venant de douze différents dé- développement durable. «C’était l’UQAM s’intéressaient déjà à jeu dans le domaine du trans- scientifique, on aborde aussi retrouve au deuxième cycle.» partements de l’Université déjà une préoccupation lors de la l’environnement et au développe- port. Outre l’offre de pro- d’autres aspects du développe- On trouve aussi deux forma- Concordia, précise Peter fondation de l’établissement,rap- ment durable. D’ailleurs, notre grammes au deuxième cycle, ment durable, tels le droit de tions en développement durable Stoett. Il permettra donc de pelle Mario Morin, doyen de la maîtrise en sciences de l’environ- telles les sciences de la Terre, l’environnement, la gestion de à l’École de sciences de la ges- mettre en commun l’ensemble tion de l’UQAM, soit un pro- des savoirs et des connaissances gramme court en responsabilité en développement durable. On sociale des organisations et une espère aussi que la création de maîtrise en gestion, avec spéciali- ce centre aura un effet d’entraî- sation en responsabilité sociale nement et attirera en son sein et environnementale. «Ces deux de nombreux étudiants intéres- programmes s’adressent surtout sés par les recherches qui y se- aux professionnels en exercice, ex- ront effectuées. Cela permettra plique Benoît Bazoge, vice- de renforcer notre mineure en doyen de l’École de sciences de développement durable.» la gestion. Pour ce qui est du bac- La création de ce centre de re- calauréat, il n’y a pas d’intérêt cherche en développement du- maintenant pour un baccalau- rable s’inscrit dans une poli- réat plus spécialisé en développe- tique à long terme. «Nous espé- ment durable. De toute façon, rons qu’il sera le premier pas de tous nos baccalauréats en gestion la mise en place d’une maîtrise comprennent trois cours obliga- en développement durable et en- toires en développement durable.» suite à la création d’un doctorat en développement durable. Il est Concordia aussi question, si la demande se L’Université Concordia a fait sentir, d’ajouter à terme un plutôt choisi de réunir son of- baccalauréat en développement fre en développement durable durable, tout en conservant notre dans un seul lieu, soit au Col- offre d’une mineure.» lège Loyola pour la diversité et Mais peu importe la tour- la durabilité, sous la direction nure que prendront les événe- de la professeure Rosemarie ments à l’avenir, l’Université Schade. On y offre un pro- Concordia demeurera fidèle à gramme de mineure en déve- son approche pluridisciplinaire loppement durable. «Les étu- du développement durable. diants qui s’inscrivent provien- «Le développement durable est nent donc d’autres disciplines et une notion complexe,tient à d’autres facultés. Leur intérêt rappeler Rosemarie Schade, et pour le développement durable il nous semble mal avisé de se manifeste plutôt par le choix l’aborder sous un seul angle. de compléter leur baccalauréat Par exemple, si le réchauffe- respectif par une mineure en dé- ment climatique a des effets sur veloppement durable.» la nature, il aura aussi des ef- L’approche préconisée ici est fets sur les politiques publiques. non seulement multidiscipli- Et ces dernières ne seront accep- naire, mais aussi interfacultaire. tées de la population que si elles «La gamme de cours offerts à la sont fondées sur des valeurs sai- mineure touche l’ensemble des sissables. C’est la raison pour la- questions portant sur le dévelop- quelle nous avons opté pour une pement durable. On y trouve des approche globale en matière de cours de sciences, tels des cours développement durable. Notre en chimie et en biologie, mais approche est fondée sur trois aussi des cours en philosophie, en principes: les sciences, les poli- sociologie et en histoire. Les étu- tiques et les valeurs.» diants qui proviennent de bacca- lauréats scientifiques viennent Collaborateur compléter leurs connaissances Le Devoir LE DEVOIR, LES SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 NOVEMBRE 2012 I 5 ENVIRONNEMENT

FONDS DE SOLIDARITÉ FTQ L’économique, le social et l’environnement vont de pair

Le Fonds de solidarité FTQ traite du volet du développement plan contenant une approche durable dans son rapport annuel. De la sorte, il assure une vi- qui respecte le développement durable. » sibilité accrue à cette dimension de ses activités, laquelle est À partir de quoi, M. Trem- étroitement liée à sa mission même : pour cette organisation blay passe à une deuxième financière à caractère syndical, il existe plusieurs aspects du amélioration apportée au rap- développement qui sont indissociables. port cette année : «On s’est tournés du côté de SHARE, qui RÉGINALD HARVEY regarder les états financiers est un organisme à but non lu- d’une entreprise, son rende- cratif basé à Vancouver ; il est ario Tremblay remplit ment, les emplois qu’elle crée et spécialisé dans ce qu’on ap- M les fonctions de vice-pré- tout ce genre de choses ; pour pelle le dialogue actionnarial. sident affaires publiques et les performances sociales, on En tant qu’investisseur minori- corporatives du Fonds et il ex- doit aussi examiner toute sa re- taire, on en arrive avec l’aide plique la raison pour laquelle lation avec le milieu, l’endroit de SHARE à fédérer un groupe les deux rapports sont fusion- où elle est située dans son quar- d’autres investisseurs minori- nés, comme c’est encore le tier, on doit savoir qui sont les taires comme nous pour mu- cas pour le troisième qui a vu gens qui y travaillent et qui y tualiser ou mettre en commun le jour : «Le message qu’on vivent. Quand on aborde la nos actions ; de la sorte, on veut lancer, c’est que le dévelop- question de cette façon plus peut, par exemple, s’assurer pement durable et l’investisse- exhaustive, les gens compren- que des minières qui font des ment socialement responsable nent que c’est plein de bon affaires dans des pays comme ne figurent pas en marge de sens. » Il ajoute toutefois: «Je le Pérou ou le Guatemala pren- nos opérations : c’est tellement dirais quand même qu’il nous nent au sérieux leurs engage- lié qu’on trouve important d’in- reste beaucoup de travail à ments à l’étranger. On se tégrer l’ensemble de nos perfor- abattre au Québec et le Fonds donne une force en s’alliant mances économique, sociale et de solidarité veut être l’un de avec d’autres pour approcher environnementale pour les li- ceux qui met vraiment de les compagnies ; on privilégie vrer dans un rapport global à l’avant ce concept tripartite de une méthode positive, corpora- nos membres. » développement durable. » tive, et on ne veut pas taper Le Fonds utilise l’outil de ré- sur celles-ci, mais plutôt, en férence Global Reporting Ini- Un rapport plus étoffé tant qu’actionnaires, les aider tiative (GRI), auquel il adhère, En utilisant la méthode GRI à grandir et à bien gérer cer- pour mieux faire et pour pré- dans la présentation de ses in- tains risques. » senter une information plus terventions, le Fonds en est Le vice-président laisse fina- claire sur ses engagements ; il arrivé à améliorer la qualité lement savoir dans le rapport s’attarde un instant sur un de ses rapports; le troisième que le Fonds a signé une point central : «Nous ne en fournit la preuve : «À charte portant le nom de sommes pas qu’une institution chaque année, on se donne des Hedge Fund Standards financière, même si c’est objectifs. L’approche GRI vise à Board et il fournit la raison de d’abord la raison de notre exis- l’amélioration constante et elle cet engagement : «On sait tence ; celle-ci s’imbrique égale- veut que le premier et le der- qu’il y a des hedge funds qui ment dans la société et elle doit nier de la classe y arrivent éga- font des affaires un peu tout rendre des comptes sur ses diffé- lement. Cette année, on fait le croche à travers le monde; il y rentes performances. » Il fait ré- suivi auprès de nos action- en a d’autres qui veulent être férence à Gro Harlem Brundt- naires par rapport à ce qu’on transparents, et nous, on veut land : «Elle est à l’origine du s’était engagé à accomplir l’an investir uniquement dans ceux- concept de développement dura- passé. Ailleurs dans le docu- ci. C’est pourquoi on a signé ble et des trois aspects qu’il ment, on présente les 27 nou- cette charte internationale qui comporte. Au fond, il s’agit de veaux objectifs qu’on s’est fixés s’adresse à des investisseurs en placer le développement inté- pour le futur.» quête de transparence. » GÉRALDINE WOESSNER AGENCE FRANCE-PRESSE gral de l’économie au cœur Il y a de plus quelques élé- Le Fonds de solidarité FTQ s’est donné cinq lignes directrices en matière de pratiques liées au même de l’être humain ; or, ments de nouveauté qui appa- Collaborateur développement durable et à la responsabilité sociale dans la gestion des projets miniers, car il est pour y arriver, si on ne tient raissent dans la cuvée 2012: Le Devoir question cette année pour le Fonds d’investir dans le secteur minier québécois. pas compte de ces trois dimen- «On a adopté cette année des sions d’ordre économique, so- lignes directrices dans un sec- cial et environnemental, il y a teur minier en ébullition, ce un déséquilibre. » qui est important avec tout le Plan Nord qu’on vit actuelle- La portée du message ment ici. On fait des investisse- Si le Fonds considère qu’il ments dans ce domaine, et lui appartient de sensibiliser quand on s’engagera financiè- ses partenaires au sens large rement dans une entreprise dont est porteur le développe- minière, on va s’attendre à ce ment durable dans la conduite qu’elle se dote de normes de dé- de leurs affaires, ce concept a veloppement durable en vertu une portée plutôt restreinte des cinq lignes directrices en aux yeux de plusieurs : «Il y a cette matière qu’on s’est don- une première difficulté qui est nées avec d’autres joueurs ins- d’ordre terminologique: quand titutionnels. » Au nombre de on emploie cette expression de celles-ci, il fait ressortir les développement durable, de points suivants : «Ça consiste prime abord, huit personnes notamment à appliquer avec sur dix pensent qu’elle relève de diligence, dans toutes les acti- l’environnement tout court ; vités d’exploration, les régle- c’est un peu dommage et je ne mentations sur le plan de la sé- vois pas comment on en est ar- curité et de la santé, à respec- rivé là parce que les trois volets ter celles qui ont trait à l’envi- de l’économie, du social et de ronnement et à avoir une com- l’environnement vont de pair, munication proactive et comme l’avait fait valoir transparente avec les commu- Mme Brundtland. » nautés locales, y compris avec M. Tremblay parle par expé- les autochtones et les parties rience : «Cette notion s’est un prenantes. » peu perdue, mais une fois Il considère que le Fonds a qu’on l’explique, les gens se fait un bond en avant en agis- montrent plutôt réceptifs, mais sant de la sorte : «On prend il faut le faire. Il y a encore un donc position en tant qu’inves- gros travail d’éducation à ac- tisseur au Québec en disant complir pour que ce développe- aux minières qui viennent co- Leur avenir. Notre responsabilité. ment soit vu sous tous ces an- gner à notre porte: Attendez- gles, même celui des perfor- vous que, si on investit chez mances économiques : on doit vous, on exige que vous ayez un

En réduisant dès aujourd’hui notre empreinte écologique, nous nous assurons de meilleurs lendemains.

Chez Aéroports de Montréal, l’environnement nous en plus d’avoir installé des stores motorisés « intelligents » tient à cœur. En effet, nous travaillons sans cesse pour dans l'aérogare et rehaussé le rendement écologique de accroître notre efficacité énergétique et réduire nos nos véhicules. De plus, nous continuons à favoriser la émissions de gaz à effet de serre dans toutes nos reproduction des papillons monarques qui sont, eux aussi, sphères d’activité. attirés par les destinations soleil en hiver! Par exemple, nous avons amélioré de 70 % l’efficacité de Ainsi, nous faisons de grands pas pour laisser une plus nos systèmes de chauffage, ventilation et climatisation, petite empreinte.

FONDS FTQ Le vice-président affaires publiques et corporatives du Fonds solidarité de la FTQ, Mario Tremblay I 6 LE DEVOIR, LES SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 NOVEMBRE 2012 ENVIRONNEMENT

DE HEATHROW À ABOU DABI Le «bilan zéro», la nouvelle norme? Aéroport de Montréal souhaite se doter cette année de son premier plan d’action en matière de développement durable Des aéroports verts, une uto- pie qui passe par les chèvres et les abeilles? Peut-être, car, se lançant dans l’aventure du développement durable, les gestionnaires de ces grands lieux où volent l’essence et au- tres vapeurs mettent de l’avant des solutions étonnantes.

AMÉLIE DAOUST-BOISVERT

e2004 à2009, Aéroport D de Montréal a soustrait un peu plus de 24000 tonnes de CO2 de son bilan d’émis- sions grâce à la modernisa- tion de sa centrale thermique, a calculé la firme L2L consul- tants. C’est comme retirer 4745 voitures des routes du Québec pendant un an, selon le calculateur en ligne de l’En- JACQUES NADEAU LE DEVOIR vironmental Protection Agency Aéroport de Montréal souhaite se doter de son premier plan d’action en matière de développement durable d’ici la fin de 2012. (EPA) américaine. Ou, si vous préférez, comme si 790 con- pour y tondre l’herbe sous ter les déchets putrescibles en ponsable de 3 à 5% des émis- qui allonge le temps d’attente changement, écrivent-ils dans ducteurs avaient troqué leur peu… cuisine. «Ça va très bien», sions de gaz à effet de serre. des autres appareils au sol et la revue scientifique Futures: auto pour le vélo pendant six constate Christiane Beaulieu. Relâché à haute altitude, le dans les airs, consommant du les risques financiers impor- ans. Montréal travaille fort Le compostage ne s’étendra CO2 émis par les avions est carburant dans l’intervalle. tants, les changements tech- De Montréal à Tokyo, les Aéroport de Montréal pas aux rebuts des consomma- également plus dommageable Mais les constructeurs n’ont nologiques énormes requis et terminaux cherchent à deve- (ADM) souhaite se doter de teurs pour l’instant. Il est déjà que celui libéré près du sol. pas nécessairement intérêt à l’incertitude quant aux avan- nir plus verts, mais aussi plus son premier plan d’action en difficile d’implanter le recy- S’ils veulent être de bonnes inventer des avions plus per- tages freinent les innovations. responsables. D’ailleurs, les matière de développement du- clage dans les aires de restau- entreprises citoyennes et mon- formants d’un point de vue en- Et remplacer une technolo- différents gestionnaires d’aé- rable d’ici la fin de 2012. Certi- ration. «Il y a encore beaucoup trer l’exemple, les aéroports vironnemental, selon les cher- gie par une autre prendrait 30 roports se sont réunis début fié ISO 14001, le terminal se à faire pour le recyclage, dit sont cependant largement li- cheurs australiens Robberts ans: 10 ans de recherche et novembre dans le cadre de la préoccupe de son impact envi- Mme Beaulieu. On n’atteint pas mités dans leurs initiatives Kivits, Michael Charles et Neal développement, additionnés cinquième conférence an- ronnemental depuis déjà plu- 50%, et il faut vraiment trou- écologiques par les compa- Ryan, qui mènent l’Airport Me- aux 30 ans où l’appareil est en nuelle, lors de l’Airports sieurs années. ver comment améliorer notre gnies aériennes elles-mêmes. tropolis Research Projet, fi- service. Going Green, à Chicago. Y Les initiatives vont de stores moyenne.» Prenons le cas du fameux nancé par des fonds publics. Un chercheur a même cal- étaient présents des représen- qui bloquent les rayons du so- De plus, tout rebus prove- A380 d’Airbus: plus gros que En effet, il pourrait s’écouler culé qu’avant que 50% des tants de partout, de l’aéroport leil pour éviter la surchauffe nant des vols internationaux le 747, il a besoin de plus d’es- 20 ans avant que l’industrie ré- avions soient propulsés à l’hy- Heathrow de Londres à celui en été au compostage et à la — plateaux de repas, verres, pace pour décoller et atterrir, cupère les billes investies dans drogène — émettant de la va- d’Abou Dabi. plantation d’arbres. journaux… — prend automa- obligeant les aéroports à l’ac- le développement de l’A380. Il peur d’eau plutôt que du car- On y a parlé du nouveau «L’environnement fait partie tiquement le chemin des dé- commoder pour ne pas deve- faudra donc l’utiliser encore bone —, près d’un siècle pour- Graal: le «bilan zéro». Com- intégrante de notre plan straté- charges sans être recyclé. nir des terminaux de seconde longtemps pour espérer une rait s’écouler! ment en effet arriver à annuler gique», dit Christiane Beau- «C’est la loi pour les rebuts zone. Cet appareil crée égale- quelconque rentabilité. L’in- toutes les émissions de car- lieu, vice-présidente aux af- internationaux. Si on regarde ment un vortex plus large au dustrie aéronautique serait Collaboratrice bone d’un aéroport par des faires publiques et communi- les tas de déchets produits décollage et à l’atterrissage, ce particulièrement résistante au Le Devoir technologies vertes, pour un cations à ADM. dans l’année, une grande par- bilan zéro de carbone? Pan- En attendant le lien ferro- tie vient de là », observe neaux solaires, toits verts… viaire avec le centre-ville, elle Mme Beaulieu. Plusieurs initiatives sont pro- est très fière du déploiement de Bientôt, le dégivrant utilisé posées. Mais aucun aéroport l’autobus 747, de concert avec en hiver connaîtra une se- américain n’atteint ce bilan la Société de transport de conde vie. Le liquide est récu- zéro, et si on peut s’en appro- Montréal. «Nous avons dépassé péré sous le plancher du cen- cher, ça reste un but idéaliste. le million de passagers l’an der- tre de dégivrage, et d’ici un an, Quand même. L’aéroport in- nier! Même si ça coûte huit dol- Mme Beaulieu espère que la LE MONDE EST PETIT NOUS VOYONS GRAND ternational O’Hare de Chi- lars, les gens sont prêts à prendre certification entérinant sa ré- cago possède le plus grand le transport collectif», dit-elle. utilisation après traitement toit vert aéroportuaire au sera acceptée. «Et ça va ré- monde, où butinent des Activités de récupération duire les coûts!», ajoute-t-elle. abeilles dont le miel est vendu ADM teste depuis peu le Un secteur résistant au aux voyageurs ! On songe compostage. Des restaura- changement aussi à employer des chèvres teurs ont été invités à compos- Le transport aérien est res- BRANCHONS-NOUS SUR LE COURANT ÉCOLOGIQUE

CONCORDIA ET PENSEDURABILITE´FAIT

PROGRESSER LE SOLAIRE, L’ DE LA PERFORMANCE ENVELOPPE ET L’ÉOLIEN,DESBATIMENTSˆ LA GENOMIQUE´ POUR MICROBIENNE CREER´ DE COMBUSTIBLES DES L’´ENERGIE ET VERTS

ENSEMBLE, REPENSONS LE MONDE

concordia.ca

DAVID GOLDMAN LA PRESSE CANADIENNE Une centaine de chèvres et de moutons paissent sur une parcelle de terrain appartenant à l’aéroport Hartsfield-Jackson Atlanta International, à Atlanta. L’aéroport O’Hare de Chicago, qui possède déjà le plus grand toit vert aéroportuaire au monde, souhaite aussi s’y mettre sous peu.