ercle v C au Les nivéoles et perce-neige du Joratd (Leucojum vernum L. et Galanthus nivalis L.) o

Pierre MINGARD i s Mingard, P. (2010) Les nivéoles et perce-neige du (Leucojum vernum L. et Galanthus nivalis L.) Bulletin du Cercle vaudois de botanique 39: 93-96.

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Introduction Le 19 mars 1957, je découvrais une belle sta-

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Pourquoi réunir en un article deux plantes dif- tion de nivéoles le long du Grenet, sur la com- b

férentes, la nivéole du printemps et la perce- mune de Forel (Lavaux). A l’époque, cette station

o neige? n’était pas encore connue et Pierre Villaret était o

Il s’agit avant tout du compte-rendu d’une étonné qu’elle fût abondante. Il m’avait demandé

prospection très limitée dans le temps et dans de vérifier la présence de l’espèce dans le vallon t t t

une zone relativement restreinte. de la Tenette, entre Martherenges et Sottens. t

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Dans le Jorat, l’observation des deux espèces J’avais effectué plusieurs visites, sans résultat.a

peut s’effectuer simultanément, car elles fleu- Aurais-je passé tout simplement à côté? Le mys- n n

rissent à la même époque, et ceci pendant plus tère demeure encore aujourd’hui. n

de deux semaines. On peut même les observer Pendant quelques années, j’allais régulière- i i

q ensemble le long d’un petit ruisseau, sur la com- ment revoir la station du Grenet etq c’était l’en- mune de Carrouge. chantement à chaque fois. Lors de ma dernière u u e Leucojum vernum est parfaitement naturel visite, j’ai vu des gense remplir de fleurs un panier. chez nous et remonte davantage au Nord (Alsace, Je me suis approché et leur ai rappelé la règle Fournier 1961). Galanthus nivalis a une origine qui stipulait la possibilité de cueillir uniquement sud-européenne-asiatique et son aire naturelle, ce que peut contenir une main. Ils ont arrêté à l’Ouest, touche le SE de la France (Fournier leur cueillette. Par dépit, mais surtout attiré par 1961). A noter que la plupart des cartes de distri- d’autres activités, je n’étais plus retourné jusqu’au bution prennent en compte les plantes naturali- 20 mars 2009. J’étais persuadé qu’aucune dispa- sées et ne font pas de distinction avec les plantes rition totale n’avait pu s’opérer. Ce jour-là, j’ai autochtones. voulu connaître l’étendue de la station (ce que Elles croissent aussi bien en prairie qu’en je n’avais pas fait en 1957). Je suis retourné com- forêt, aux étages collinéen et montagnard, la plètement époustouflé à ma voiture: les colonies, nivéole atteignant parfois le subalpin. dont deux particulièrement importantes, se sont Elles sont souvent confondues par le grand développées des deux côtés du Grenet sur plus public. d’un kilomètre. Ce ruisseau forme la limite entre Les 20, 22, 23 et 27 mars 2009, j’ai voulu faire les communes de Forel et de Savigny. le point sur la situation de ces deux espèces dans Il y a 25 ou 30 ans, alors que je devais chercher le Jorat. des champignons, j’avais découvert deux nouvel- les stations, sans toutefois les noter, le long du Leucojum vernum L. Carrouge. La première se trouve près du Moulin Plantes de 8 à 15 cm de haut; fleurs pendantes (163/549), la seconde bien en aval, à peu près à blanches, avec une macule vert jaunâtre à l’ex- mi-distance entre le Moulin et Bressonnaz, en trémité de chaque tépale (très souvent, plutôt rive gauche. Le 20 mars 2009, je découvrais une jaunâtre). Il arrive parfois qu’une tige porte deux troisième station le long de la route menant de fleurs (la proportion étant toutefois très faible, Carrouge à Vuillens, puis je tentai de descendre moins de 1‰). le long du Carrouge. Vers le Moulin, j’ai constaté

93 que la station était plus importante qu’obser- de perce-neige le long d’un petit affluent du vé précédemment. Je n’avais pas le courage de Carrouge (le long de la route menant à Vuillens), poursuivre, les grillages autour d’une station mais sans m’y arrêter. Je n’avais donc pas d’idée d’épuration empêchait la progression et le terrain précise de la situation. Le 20 mars 2009, j’ai voulu était passablement accidenté. J’avais aussi envie revoir ces perce-neige, dont je me souvenais de visiter une autre partie du Jorat. vaguement. J’ai constaté non seulement leur Bonner (1940) cite l’espèce à «Rovéréaz; abondance particulière, mais surtout qu’il s’agit Jorat» (sans plus de précision). de la seule population du Jorat se trouvant loin Alors que nous nous rendons régulièrement des constructions humaines: localités, habita- dans les bois de Ferreyres pour admirer les tions isolées, cimetières. Cette visite m’a décidé nivéoles, pourquoi ne pas prospecter davantage à poursuivre mes recherches. Il est évident que le Gros de ? Des surprises nous y attendent je n’ai pas inspecté toutes les parcelles du Jorat. peut-être. J’ai parcouru la région en voiture et un petit peu au bonheur la chance, en organisant toutefois Galanthus nivalis L. des circuits. Je ne m’arrêtais pour faire le point Plantes de 8 à 15 cm de haut; tiges uniflores, à que lorsque je pouvais observer une importante fleurs pendantes. Les trois tépales extérieurs sont tache blanche. 2 fois plus longs que larges, entièrement blancs. Lors de ces recherches, je me souvenais d’une Les trois tépales intérieurs sont de moitié moins vaste colonie près du moulin de , que longs que les extérieurs, échancrés à leur extré- Pierre Villaret m’avait communiquée. J’avais mité et possédant une large macule verte. Les constaté sa disparition depuis bien des années fruits mûrissent en moins de trois mois. On les déjà, mais en cette année 2009, j’ai voulu parcou- retrouve couchés au sol où ils sont particulière- rir toutes les rues du village dont les habitations ment difficiles à repérer lorsque les plantes se sont très clairsemées et séparées ici et là de vas- sont développées dans l’herbe. Leur propagation tes pâturages. Quelle n’a pas été ma surprise de devient alors exponentielle. constater une immense tache blanche dans un Au moins dans le Jorat, la perce-neige est pâturage, dépassant les 100 m2! En examinant les visiblement liée à l’activité humaine, échappée environs, il s’avère que de nombreuses petites des jardins où elle devient envahissante. Ce doit colonies se trouvent dans les parages, si bien que être le cas partout dans notre pays, car on peut l’on peut voir la grande et des petites populations lire dans Aeschimann et Burdet (1994): «(loca- sur plus de 2000 m2. lement abondant); cultivé et souvent naturalisé Ci-après, vous trouvez la liste alphabétique (probablement jamais spontané dans la dition)». (non exhaustive) des communes du Jorat où La perce-neige est bien entendu plantée en l’on peut observer une ou plusieurs colonies de de nombreux jardins. En plusieurs endroits, on perce-neige. En maints endroits, on peut même peut trouver d’importantes populations dans trouver plus de 10 populations, entre parenthèse: les vergers (Dommartin, , , Naz, (>10). Les très petites populations n’ont pas été Ropraz, Servion, Vuillens). Quelquefois, on s’en prises en compte. est débarrassé dans des haies où elles se sont Bercher (>10), Bretigny-sur-Morrens (>10), multipliées (Bercher, Carrouge, , Bottens, Carrouge (>10), Chapelle-sur-Moudon, Moudon, Servion). A Martherenges, une vaste Chardonney, Corcelles-le-Jorat, Cugy, Denezy, population s’est développée aux abords du Dommartin, Ferlens, Fey, Forel (Lavaux), Hermen- cimetière. ches, Les Cullayes, Mézières, Martherenges, Voilà une espèce que je connais depuis long- , Moudon (>10, uniquement rive temps dans le Jorat. Il m’est arrivé fréquemment gauche de la Broye), Naz, Neyruz, Peney-le-Jorat, d’aller la revoir en même temps que la nivéole. Je Poliez-le-Grand, Poliez-Pittet, Ropraz, Saint- me souviens surtout du village de Chapelle-sur- Cierges, Savigny, Servion, Sottens, Villars-le- Moudon, ma commune d’origine, où je revoyais Comte, Villars-Mendraz, Villars-Thiercelin, régulièrement une vaste population (plus de , Vuillens (>10). 50 m2) qui me fascinait à chaque fois. Aujourd’hui, Les données précises des observations ont été une place de jeux y a été aménagée et il ne reste transmises pour les notes floristiques. Il est dès que quelques lambeaux de cette colonie. lors inutile de les répéter ici. Lors de ma descente du Carrouge citée pour Bonner (1940) cite l’espèce: «entre Forel et l’espèce précédente, j’avais remarqué la présence Savigny; Savigny; Le Mont; Cugy».

94 Bulletin du Cercle Vaudois de botanique n° 39 Conclusion Bibliographie Voilà deux espèces dont on peut observer la Aeschimann D., Burdet H. M., 1994. Flore de la Suisse floraison à une époque où peu d’autres fleurs et des territoires limitrophes. Le Nouveau Binz. Ed. apparaissent. du Griffon, Neuchâtel. 603 p. Il reste encore bien des parcelles à prospecter Bonner C.E.B., 1940. Etude floristique du Jorat. Ed. dans le Jorat. Bonner, London. 128 p. Cette région n’est-elle pas un riche pôle d’at- Fournier P., 1961. Les quatre flores de la France, Corse traction pour le botaniste? comprise (Générale, Alpine, Méditerranéenne, Je remercie Franco Ciardo pour l’établisse- Littorale). Ed. Paul Lechevalier, Paris. 1105 p. ment de la carte de répartition de la perce neige.

Fig 1 et 2. Nivéoles le long du Grenet

2010 95 Données CRSF (situation 2008): 10 stations

Observations P. Mingard 2009: 49 stations

Carte 1. Distribution de la perce-neige dans le canton de Vaud Fig 3 et 4. Perce-neige à Ropraz

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