OLIVIER DE CLISSON Connétable De France Ou Chef De Parti Breton? Bibliothèque Celtique
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OLIVIER DE CLISSON Connétable de France ou chef de parti breton? Bibliothèque celtique : Ouvrages déjà parus : Contes du Cheval Bleu, d'Irène Frain Le Pohon. Le Jardinier des mers lointaines. de Jacques Dubois. Tristan et Yseult. de Michel Manoll. Contes de Bretagne. de Paul Féval. Histoire du football breton, de Jean-Paul Ollivier. Veillées bretonnes, de François-Marie Luzel. Contes gaéliques, de Douglas Hyde. Famine, de Liam O'Flaherty. Les Gens de par ici, d'Anne de Tourville. Crapitoulic, de Yves-Marie Rudel. © Editions Jean Picollec, 1981 ISBN n° 2-86477-025-3 Yvonig/Gicquel / OLIVIER DE CLISSON (1336-1407) Connétable de France ou chef de parti breton? Éditions Jean Picollec 48, rue de Laborde 75008 Paris Tél. : 387-02-53 Du même auteur Le Comité consultatif de Bretagne; Un essai de décentralisation au milieu du XX siècle (Rennes, 1961, Simon). La Fonction de direction d'un secrétaire général de chambre de commerce et d'industrie. (Paris, 1976, Association des secrétaires généraux de C.C.I.; diffusion interne). En préparation : Alain IX de Rohan (1381-1461); le premier des barons de Bretagne. À Régine, mon épouse À Gwenola, Gaëlle, Ronan, Gaëtan, mes enfants afin qu'ils soient, à la fois, de « leur temps » et de « leur lieu ». Y. G. « Or regardez, les œuvres de fortune comme elles vont et si elles sont peu fermes et stables... » Jean Froissart (à propos d'Olivier de Clisson). PRÉFACE du duc Josselin de Rohan Olivier de Clisson ne figure pas au panthéon de l'Histoire officielle. Sa vie n'a inspiré ni Michelet ni Taine. Nul vaisseau de guerre ne perpétue la mémoire de celui qui fut connétable de France. Au rebours de Bertrand Du Guesclin, son prédécesseur et compagnon d'armes, ou de Jeanne d'Arc, l'imagerie populaire l'ignore. Et pourtant Olivier de Clisson fut l'un des personna- ges les plus considérables de son temps. Il exerça sur la conduite des affaires en Bretagne et en France une influence bien supérieure à celle de Du Guesclin. Le remarquable ouvrage d'Yvonig Gicquel nous permet de mieux situer et d'approfondir la personnalité de Clisson sous son triple aspect d'homme de guerre, d'homme politique et d'homme d'affaires. La longue vie d'Olivier de Clisson est marquée par la guerre dite de Cent Ans que se livrent la France et l'Angleterre, à laquelle le conflit né de la succession de Bretagne sert de prétexte et d'enjeu. C'est à Auray, en 1364, que s'établit sa renommée de combattant, et les chroniqueurs louent sa vaillance et sa force physique impressionnante. Sa science militaire acquise à l'école des chevaliers anglais et qui se manifeste à Navarette, où Du Guesclin fut défait, et plus tard à Roosebeke, à l'avènement de Charles VI, expli- quent le choix du roi de France en sa faveur lorsque la charge de connétable devra être pourvue. Clisson n'est pas seulement bon manœuvrier, il est un remarquable ingénieur en fortification, ainsi qu'en témoignent les châteaux qu'il a édifiés, Josselin, Clisson ou Blain. Le connétable de Clisson est aussi, et peut-être surtout, un homme politique. En cela, il se distingue de Du Guesclin, qui ne se voulait pas autre chose que soldat. Sa naissance, ses alliances, sa fortune, ne lui permettent pas la neutralité. Il lui faut appartenir à un camp, celui de l'Angleterre ou de la France. Comme son ennemi intime, le rusé et tortueux duc de Bretagne Jean IV, la nécessité plus que le sentiment dicte ses choix. Le roi de France, en faisant exécuter son père et en contraignant sa famille à l'exil, l'avait poussé dans l'orbite anglaise. La maladresse du duc de Bretagne à son endroit, au lendemain de la bataille d'Auray, son mariage avec la fille de l'un des partisans de Charles de Blois, mais surtout sa situation de vassal puissant et indocile face à un suzerain ombrageux, malveillant à son endroit, l'amènent tout naturellement à se tourner vers le roi de France. Charles V, en homme d'État avisé, a compris, en attirant à lui Clisson, tout le parti qu'il pouvait en tirer pour affaiblir le duc de Bretagne. Plus tard, Louis XI en usera de même en soutenant Jean II de Rohan, arrière-petit-fils du Connétable, contre le duc François II. Si Clisson, de par ses fonctions et son prestige, joue un rôle de premier plan dans les conseils du roi, en particulier au début du règne de Charles VI, où il est l'un des principaux parmi les « marmousets », il n'a garde d'oublier qu'il est d'abord un homme de l'Ouest. Yvonig Gicquel souligne très justement la place essentielle que la Bretagne tient dans ses préoccupations. Sa terre natale est sa base avancée. C'est de là qu'il tire revenus et puissance, et il lui consacre sa fortune et ses soins. Par héritage, mariage ou par force, il s'est taillé un domaine considérable qu'il défend contre les convoitises ou les entreprises du duc Jean IV. Clisson veut être maître chez lui et ne rendre des comptes à personne qu'à Dieu, et encore le plus tard possible, avec une minutie de tabellion, comme le révèle son testament. Cette altière conception ne pouvait que l'opposer à son suzerain, qui, par tous les moyens, y compris la tentative de meurtre ou l'enlèvement, s'efforcera de réduire l'encombrant vassal, mais n'y parviendra guère. Pour apprécier l'attitude des deux antagonistes, il faut se garder de toute analyse passionnelle ou de toute sentimentalité, que les deux hommes n'aiment guère prodiguer. Parce que la Cour de France soutenait les prétentions de Charles de Blois, les Montfort s'ap- puyaient sur l'Angleterre. Parce que sa puissance heurtait celle du duc, Clisson était exposé à son inimitié. Sa « francophilie », comme l' « anglophilie » de son adversaire, dérive avant tout de son engagement. Le contexte changeant, Richemont, fils de Jean IV, sera plus tard l'un des successeurs de Clisson dans l'emploi de connétable et l'un des artisans du rétablissement de Charles VII dans son royaume. En se tenant aux côtés du jeune duc Jean V lors de son entrée dans Rennes en 1402, Clisson reconnaît définiti- vement la légitimité des Montfort. Olivier de Clisson est enfin un homme d'affaires redoutable. Yvonig Gicquel nous livre une étude aussi instructive que savoureuse sur les origines et les com- posantes de sa fortune. Héritier de biens considérables, il n'a eu de cesse de les étendre, car il a compris que l'argent, nerf de la guerre, était celui du pouvoir. L'auteur nous le montre peu scrupuleux sur les moyens, n'hésitant pas à exproprier, pour cause d'utilité privée, voisins et vassaux, s'accaparant desserres qui lui avaient été confiées en gérance et refusant de les restituer et, détail pittoresque, réclamant avec insistance au roi le remboursement de ses indemnités de déplacement ou de ses notes de frais, pour user d'un vocabulaire contem- porain. S'il sait amasser une fortune, il s'entend à la faire fructifier. Yvonig Gicquel voit en lui un lointain précur- seur d'Adam Smith lorsqu'il exempte de droits ses terres afin d'y développer le commerce et l'artisanat. L'atten- tion qu'il porte au transport maritime et le fait qu'il ait possédé des navires marchands dénote tout à la fois une bonne appréhension des sources du profit et une juste analyse des potentialités de l'économie bretonne. Clisson est-il, comme le suggère l'auteur avec pru- dence, l'un des premiers capitalistes? C'est peut-être un peu s'avancer. Même s'il possède d'immenses capitaux d'origine foncière, même s'il investit dans l'artisanat, la transformation, l'armement ou le commerce, il lui manque, pour être un capitaliste au sens plein du terme, une dimension, celle qu'eussent apporté la création et la maîtrise d'un système bancaire. Quand bien même il prête au roi, aux princes, voire au pape, des sommes qui lui valent parfois l'hostilité de ses obligés ou la jalousie de ses pairs, Clisson n'est pas un banquier, à l'instar des Médicis. Il n'en demeure pas moins qu'il préfigure une caté- gorie de seigneurs alliant le pouvoir à la fortune, à laquelle appartiennent les ducs de Bourgogne et les princes italiens de la Renaissance. Jean sans Peur, duc de Bourgogne, dont la richesse et les biens surpassent bientôt ceux de Clisson, lui rend tout en le rudoyant un éclatant hommage lorsqu'il lui refusera le rembourse- ment d'une créance au motif qu'il est plus fortuné que son souverain! Ce qui ressort du caractère de Clisson à travers l'étude. d'Yvonig Gicquel, c'est une farouche volonté de puis- sance, savoir le plaisir de posséder, d'ordonner et de manipuler à sa guise les événements, les hommes et les biens. S'il s'est montré très attaché à sa fonction de connétable, c'est qu'elle lui donnait une dimension qu'il n'eût jamais atteinte en demeurant l'un des principaux vassaux du duc de Bretagne. S'il a recherché pour lui et pour ses enfants et petits-enfants de prestigieuses allian- ces, c'est afin de pouvoir montrer à ses suzerains qu'il ne leur cédait en rien quant aux origines et qu'il pouvait leur parler d'égal à égal. Mais, comme le souligne l'auteur, on ne saurait comprendre le personnage si l'on oubliait qu'il était avant tout un grand féodal, avec tout ce que cette acception implique comme violence, comme cautèle, comme indépendance et comme liens fondés sur la personne bien plus que sur le droit.