UNIVERSITE D’

ECOLE NORMALE SUPERIEURE

CENTRE D’ETUDE ET DE RECHERCHE

HISTOIRE GEOGRAPHIE

MEMOIRE DE FIN D’ETUDE POUR L’OBTENTION DU CERTIFICAT D’APTITUDE PEDAGOGIQUE DE L’ECOLE NORMALE

« CAPEN » GOUVERNEMENT DE SABOTSY – ANJIRO : NOYAU DU GROUPE DU 29 MARS 1947 CONTRIBUTION A L’ETUDE DE L’INSURRECTION DE 1947 DANS LE DISTRICT DE

Présenté par : RAHARIMALALARAHARIMALALA Alda

Membre du Jury

Président : Monsieur RAKOTONDRAZAKA Fidison

Maître de conférences à l’Ecole Normale Supérieure

Juge : Monsieur RAMANANTSOA RAMARCEL Benjamina

Maître de conférences à l’Ecole Normale Supérieure

Rapporteur : Monsieur RAZAFIMBELO Célestin

Maître de Conférences à l’Ecole Normale Supérieure

Janvier 2004

Date de soutenance : 31 Janvier 2004

SOMMAIRE INTRODUCTION GENERALE...... …1 PREMIERE PARTIE : LE GOUVERNEMENT DE SABOTSY ANJIRO, DISTRICT DE MORMANGA AVANT LE 29 MARS 1947 ...... 8 I – UN MILIEU NATUREL COMPLEXE CONJUGUE A UNE HISTOIREMOUVEMENTEE.9 A – PRESENTATION GEOGRAPHIQUE DU GOUVERNEMENT DE SABOTSY –ANJIRO, DISTRICT DE MORAMANGA...... 9 1 - Localisation du gouvernement de Sabotsy – Anjiro ...... 9 2 – Un milieu naturel complexe...... 10 a) Un relief contrasté et accidenté mais très couvert ...... 10 b) Un climat pas «malsain» avec de nombreux cours d’ea...... 11 B – HISTOIRE MOUVEMENTEE...... 12 1 –Le peuplement du gouvernement de Sabotsy -Anjiro ...... 13 2- La population du gouvernement de Sabotsy-Anjiro...... 14 3 – Un passé mouvementé ...... 18 II – ABUS COLONIAUX ET OPPRESSION COLONIALE : PREMIER ELEMENT DU REVEIL NATIONALISTE...... 20 A – APPLICATION DU SYSTEME COLONIAL...... 20 1 – Par l’administration coloniale...... 21 2 – Par les colons...... 23 B – SITUATION SOCIO – ECONOMIQUE AGGRAVEE PAR LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE...... 27 1 – La phase de «l’effort de guerre» ...... 27 a) Les réquisitions de personnes ...... 27 b) Les erreurs de l’OFFICE DE RIZ ...... 28 2 – La phase de réformes socio – économiques ...... 30 III – LE MDRM : STIMULANT DU MOUVEMENT NATIONALISTE...... 32 A – ORGANISATION ET RESEAUX DU MDRM DANS LE GOUVERNEMENT DE SABOTSY – ANJIRO...... 33 B – LE MDRM : « UN FER DE LANCE » DU PATRIOTISME DU MONDE RURAL..... 37 C - LA DUALITE MDRM – SOCIETES SECRETES DANS LE GOUVERNEMENT DE SABOTSY –ANJIRO...... 40 IV – LES ANCIENS COMBATTANTS : 3ème FORCE DU MOUVEMENT NATIONALISTE. 42 A – LEURS MOTIVATIONS...... 42 B – ANCIENS COMBATTANTS : « CHEFS FUTURS DE L’ARMEE DE L’INDEPENDANCE »..44

DEUXIEME PARTIE : LE « 29 mars 1947 » ET LES PRINCIPALES ETAPES DE L’INSURRECTION DANS LE GOUVERNEMENT DE SABOTSY – ANJIRO I – LA PREPARATION DU 29 MARS 1947 DANS LE GOUVERNEMENT DE SABOTSY – ANJIRO ...... 46 A – PHASE « PREPARATIFS » DU 29 MARS 1947 DANS LE GOUVERNEMENT DE SABOTSY –ANJIRO...... 47 1 – Les instigateurs du « 29 mars 1947 » dans le gouvernement de Sabotsy –Anjiro ...... 47 2 – Quand le « 29 mars 1947 » a été exactement fomenté dans le gouvernement de Sabotsy- Anjiro ? ...... 49 B – PHASE DE MOBILISATION DES INDIGENES DU GOUVERNEMENT DE SABOTSY –ANJIRO GUERRE……………………………………………………………………………………………51

II- LES ACTIONS DE GUERRE A – L’ATTAQUE DU « 29 mars 1947 » CONTRE MORAMANGA...... 55 B – « L’AFFAIRE LESPORT » A ...... 59 C – LA DEUXIEME ATTAQUE DE MORAMANGA...... 64 D – L’EVENEMENT A MAHADERA...... 65 III – LES MOYENS MIS EN OEUVRE PAR LES MILITANTS ...... 69 A – DES ELEMENTS FAVORABLES AU DEVELOPPEMENT D’UNE METHODE INDIRECTE 1 Les militants...... 69 2. Le rôle des sorciers – guérisseurs...... …..70 3. La nature...... 71 4. La méthode indirecte...... 71 B – UNE ORGANISATION STRICTE...... 72 1. Organisation du commandement et des troupes de forces nationalistes dans le gouvernement de Sabotsy –Anjiro ...... 72 2. Le tribunal insurrectionnel...... 79 TROSIEME PARTIE: LIMITES ET ISUES DE L’INSURRECTION...... 81 I – LIMITES INTERNES DU MOUVEMENT NATIONALISTE ...... 82 A – LA DECONNEXION ENTRE LES DIRIGEANTS ET LES DIRIGES...... 82 B – LA TRAHISON ...... 85 C- LA DESORGANISATION DU COMMANDEMENT ET DES TROUPES NATIONALISTES...... 87 D – LE DESEQUILIBRE DE FORCES ENTRE LES DEUXCAMPS……...... 88 II – LIMITES EXTERNES DE L’INSURRECTION…………………………………….93 A – L’ISOLEMENT DE L’INSURECTION SUR LE PLAN NATIONAL.………….… 93 B – LE MYTHE DE L’AIDE ETRANGERE……………………………………….……..95 III – REPRESSION MILITAIRE…………………………………….………...……….…97 A – UNE REPRESSION VIOLENTE AVEC UN HOMME INHUMAIN : LE COMMANDANT JOUBERT…………………………………………………………………………………….97 B – LA PACIFICATION DIRIGEE PAR LE COMMANDANT AUTRAND…………101 IV – LA REPRESSION JUDICIAIRE……………………………………………………106 V- BILAN DE L’INSURRECTION DANS LE GOUVERNEMENT DE SABOTSY – ANJIRO………………………….……………………………………………….………….112 A – POPULATION………………………………………………………………..…………112 B – PRODUCTION……………………………………………………………..……………114 C- CIRCULATION DES INDIVIDUS ET DES BIENS……………………………….……………………………………………………….. 115 CONCLUSION GENERALE…………………………………………………………..……116 BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………………………120 PHOTOS………………………………………………………………………………………123 ANNEXES LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Division administrative et population du gouvernement de Sabotsy – Anjiro……………………………………………………………………………………..16 Tableau 2 : Répartition par canton des trois principaux groupes ethniques…………………………………………………………………………………..16 Tableau 3 : Les concessions coloniales dans le gouvernement de Sabotsy – Anjiro……………………………………………………………………………………...24 Tableau 4 : Organisation de la section MDRM du district de Moramanga……………………………………………………………………………….32 Tableau 5 : Liste de quelques délégués des sous – sections du MDRM dans le gouvernement de Sabotsy – Anjiro ………………………………………………………………………………...... 33 Tableau 6 : Les Etats – Majors secondaires dans le gouvernement de Sabotsy – Anjiro…………………………………………………………………………………….73 Tableau 7 : Les rapports de force entre les troupes de forces nationalistes du gouvernement de Sabotsy – Anjiro, district de Moramanga et les troupes régulières durant les hostilités………………………………………………………………………...... 86 Tableau 8 : Nombre de la population avant et après 1947…………………………………………………………………………………...…110 Tableau 9 : Recensement des disparus dans le gouvernement de Sabotsy – Anjiro……………………………………………………………………………….…..111

1

INTRODUCTION GENERALE

«29 Mars 1947»: une date charnière?

«Dans la nuit du 29 Mars au 30 Mars 1947, vers zéro heure, Moramanga fut le second foyer d’un sanglant évènement»1 qui s’est produit en vue de renverser le régime colonial français afin de reconquérir l’indépendance de et de restaurer la souveraineté nationale. Ainsi, le gouvernement de Sabotsy-Anjiro formait le noyau du groupe de cet évènement. Cet évènement tragique fit son apparition au lendemain de la deuxième guerre mondiale.

Une période marquée par la perte de rang des pays colonialistes, c'est-à-dire les pays européens et la montée sur scène de deux super puissances anticolonialistes, en l’occurrence les Etats-Unis d’Amérique et l’Union Soviétique (URSS), qui vont diviser le monde en deux blocs: Est-Ouest. Le nationalisme avait tiré de cette situation un surcroît de force, justifié par l’émergence de différents mouvements d’émancipation nationalistes dans les colonies européennes, en particulier dans l’Empire colonial français, y compris Madagascar. Ainsi s’internationalise le phénomène de «DECOLONISATION». C’est dans ce contexte que l’insurrection du «29 Mars 1947» s’est déclenchée à Madagascar. Deux «centres moteurs»2 ont été enregistrés au cours de cette même nuit: Manakara et Moramanga. Ce mouvement s’étendait à partir de ces deux «foyers»3, et «avait touché essentiellement la frange orientale de l’Ile»4. «Il avait de ce fait duré vingt et un mois». C’est au niveau de l’un de ces «centres-moteurs», Moramanga, que nous avons mené notre étude. Mais elle ne prétend pas englober tout le District. Elle s’est limitée au gouvernement de Sabotsy-Anjiro. Par définition, un «gouvernement» est une «institution de RADAMA I, repris et adapté aux circonstances par Galliéni pour organiser l’administration indigène. Cette institution avait connu plusieurs réformes»5. Constitué par deux ou trois cantons, le gouvernement était placé sous l’autorité d’un gouverneur, nommé par le chef de District et situé en 1947 au sommet de la hiérarchie administrative malgache.

1 D’après J. TRONCHON, confirmé par les données des archives série D. 875 : « Le premier foyer étant MANAKARA, ou plus précisément Sahasinaka où cette insurrection s’est déclenchée vers 22heures et le second foyer : Moramanga où elle s’est éclatée vers minuit. 2Terme utilisé par RAMANANTSOA RAMARCEL B. in « Les Sociétés Secrètes » 3Terme utilisé par J. TRONCHON pour designer les premiers foyers d’éclatement decette insurrection, synonyme de « centres – moteurs ». 4 Selon RAMANANTSOAR.B. : « Dans l’ensemble sont touchés toute la province ou presque de Tamatave, la région Est de Tananarive, la foret jusqu’ à Mandritsara, les environs immédiats de Fianarantsoa avec un débordement à l’ouest ». 5 Il y avait trois degrés de gouvernement : les gouvernements principaux (dont le chef était pour l’administration indigène, les homologues du chef de district, représentant de l’administration française) ; le gouvernement dont il s’agit ici et le gouvernement « madinika » ou canton. Ces gouvernements étaient supprimés par Marcel OLIVIER par l’arreté du 13 Janvier 1926 et en partie rétablis par L. CAYLA ; 2

«Le gouvernement de Sabotsy Anjiro, constitué par trois cantons: MANDIALAZA, SABOTSY ANJIRO et , était à cette époque dirigé par le gouverneur: RAPANOELINA Edouard»6. «Il était chargé, non seulement de la police judiciaire, de l’enregistrement des contrats, mais aussi et surtout, du contrôle des chefs de canton»7 Vue l’importance de ce dernier rôle, il représentait le chef de District de Moramanga dans cette région et servait à cet effet d’écran entre le chef de District et les trois chefs de canton. En effet, l’histoire de la lutte de libération nationale malgache de 1947 fait déjà l’objet de nombreuses recherches aussi bien d’étude générale que d’approches régionales, certes, mais s’avèrent incomplètes. Elle nécessite ainsi d’être complétée, nuancée en fonction des structures locales (économiques, sociales, religieuses …), de la densité de la colonisation et leur relation avec le mode d’implantation comme les pratiques de luttes du MDRM ou du JINY. Il en est de même sur la perception de cette insurrection. Elle s’est énoncée en deux niveaux : o Au niveau des leaders politiques, d’un part, qui avait préconisé une insurrection politique dans la perspective d’une indépendance politique. o Au niveau de la masse paysanne, d’autre part, qui avait soutenu un soulèvement paysan contre l’oppression coloniale matérialisée par l’administration aveugle et les colons locaux. Entre ces deux niveaux, existaient-t-il une connexion? Sur ce, nous proposons, en tenant compte de ces facteurs importants, l’étude d’un zone assez particulière: le gouvernement de Sabotsy-Anjiro. Cette étude a comme objectifs de: . Mettre en valeur les vrais acteurs de ce soulèvement, . Mettre en lumière quelques pages inédites de cette histoire . et d’y apporter quelque mise au point afin de mieux comprendre et de se comprendre, . Cela dans une perspective de réconciliation nationale. Situé entre la bordure orientale de la falaise de l’Angavo et le fleuve de Mangoro, le gouvernement de Sabotsy-Anjiro, constituait le 1/5ème de la superficie de district de Moramanga et 1/3 (tiers) de sa population, en majorité des paysans illettrés. Cette population formait le noyau du groupe du «29 Mars 1947» pourtant elle n’avait pas été constituée par une seule et unique COMMUNAUTE puisque la différence régnait partout dans ce gouvernement, qui faisait partie des régions «qui ont le plus souffert des réquisitions». Les différentes communautés, qui y habitaient, souffraient à cet effet de l’implantation massive de la colonisation prédatrice.

6 Archives Nationales(A.N.), Personnel Indigène 7D. MASSIOT, L’administration publique à Madagascar. Evolution de l’organisation territoriale de Madagascar de 1896 à la proclamation de la République Malgache 3

Les indigènes de cette partie occidentale de l’Ankay procuraient donc des milices au parti MDRM, placé sous la responsabilité de RAZAFINDRABE Victorien. Encadrés par les anciens combattants, le gros des troupes de cette insurrection, avaient été recrutés parmi ces milices. L’ampleur du «soulèvement populaire de 1947» dans ce gouvernement reste encore difficile à définir et nous essayons de la mesurer à partir des offensives menées par ses habitants dans un milieu relativement complexe et en fonction de ses limites internes comme externes. Ainsi, la présente étude est l’aboutissement d’un long processus de recherches bibliographiques, archivistiques et d’enquêtes orales.

Notre méthode d’approche se répartit comme suit:

La bibliographie: Nous avons consulté d’abord les ouvrages ou monographie concernant la région étudiée, ensuite des ouvrages généraux se rapportant à ce sujet : comme colonisation, décolonisation et enfin les ouvrages spécialisés consacrés à l’histoire de la lutte de libération nationale de 1947 proprement dit (témoignages, travaux de recherche, actes de colloque, articles de journaux ainsi que quelques diaires). Autrement dit l’historiographie officielle mérite une analyse plus profonde puisqu’elle est évolutive pourtant elle permet aussi de faire l’état actuel de connaissance sur la question afin de l’étoffer ou d’apporter si nécessaire une nouvelle vision.

L’historiographie Officielle: Elle est répartie en deux périodes bien distinctes: la période sombre et la période de floraison.

La période sombre:

L’histoire de la lutte de libération Nationale malgache de 1947 a été longtemps influencée par « le fait colonial»8. Ce qui va l’orienter vers une analyse subjective. Son caractère de lutte légale n’a jamais été de ce fait accepté comme tel. Elle reste perçue comme une «rébellion» à l’époque. Un autre malaise est aussi à note: la persistance de «la machination soit par l’administration coloniale soit par le MDRM»9 et qui se reflètent souvent dans les ouvrages de l’époque. Des ouvrages émanant des Malgaches: fondateurs ou dirigeants du MDRM comme R. W et J. RABEMANANJARA, RAKOTO-RATSIMAMANGA ou des Français, défenseurs

8 Ibid RAMANANTSOA R.B. in “Les Sociétés Secrètes” 9 F.R.JOURDE in Omaly sy Anio, n° 28, 1988, p.170. 4 de la cause des nationalistes malgaches comme BOITEAU, BOUDRY, BOUSSENOT, CASSEVILLE, Me DECOUZON, HOTARD, Colonel PENARD, STIBBE … ont vu le jour à l’époque malgré ces limites. Des «zones d’ombre» demeurent donc et n’ont pas été mises en lumières que dans une autre circonstance: la période de floraison.

La période de floraison:

Cette période commence avec la première commémoration du «29 Mars 1947» en 1967 avec cette «timide»10 commémoration s’émergent les témoignages de valeur, par exemple de DAMA Robert (un Chef de guérilla en 1967), RAJERISON M. (un insurgé en 1976), RAKOTOMALALA RATSIMBAZAFY, RAZAFINDRAKOTO, RAKOTONIRAINY (anciens membres du MDRM et des sociétés secrètes) et qui vont contre balancer le fait colonial.

La vérité semble ainsi apparue au grand jour mais taillée de leur propre version et quelquefois de pures inventions. Cette période voit aussi l’émergence des travaux de recherche universitaire car «avant les évènements étaient jugés trop proches et trop brûlants encore».11

Cette histoire fait l’objet d’étude générale, classée par ANDRIANASOLO Maurice comme une étude par le «haut»12 et menée surtout au niveau national. Elle a été recueillie par des étrangers, par exemple J. FREMIGACCI, J. TRONCHON, F.R. JOURDE, ou par des Malgaches comme L. RABEARIMANANA, RAMANANTSOA RAMARCEL B., J.R. ANDRIAMARO, RANDRIANJA…

Perçue comme une histoire politique, elle a particulièrement tendance à être trop «politisée» et pourtant elle doit être appréciée à sa juste valeur, c'est-à-dire au niveau du peuple. C’est la raison pour laquelle certains chercheurs essaient de l’orienter en tenant compte des facteurs importants déterminants cette histoire.

Des approches régionales viennent à cet effet étoffer ces recherches. C’est le cas de RANDRIANANTOANDRO (Manjakandriana), WING KONG L. (Vavatenina), RAMAROKOTO (), MAHAMOUDOU (), RODERA (Fénérive Est), ANDRIANASOLO M. (Vatomandry) …

En fait, la nouvelle optique apportée par J. TRONCHON est un tournant décisif de l’histoire de l’insurrection malgache de 1947 même «sous un angle général». Elle a changé radicalement l’interprétation de cette histoire: «provocation du MDRM ou de l’Administration coloniale» en «une lutte juste d’un peuple opprimé contre l’oppresseur

10 F.R. JOURDE,in Omaly sy Anio n°28 ? 1988, p.170 11 L. RABEARIMANANA, « Les évènements de 1947 »,in Omaly sy Anio, N°28, 1988 12 ANDRIANASOLO Maurice, Mémoire de CAPEN. 5 attaché à ses vieilles principes et refusent toutes idées de progrès». Elle reste actuellement perçue comme telle.

LES ARCHIVES:

Nous avons également fouillé les archives publiques (Archives Nationales et Archives de Vincennes) et les archives privées (de Jacques TRONCHON, de CCAC ou Centre Culturel Albert Camus).

Archives Nationales:

Série D.869 : concernant l’avant 47: renseignements sur le parti M.D.R.M. (sa création, son statut, ses buts …) Série D.870 : sur les correspondances générales que ce soit entre «Patriotes» ou entre «Administration coloniale». Série D.871: sur les MASS-MEDIA relatives au 1947. Série D.872-873: Affaires rébellion malgache : V.V.S, PANAMA, MDRM, JINA. Poursuite contre MDRM et ses membres. Affaires «LESPORT». Evènements à MAHADERA. Série D.874: instructions Mr et Mme J. RANAIVO. Série D.875: renseignements généraux. Les plus importants sont les renseignements sur la répression militaire sous le commandement du Commandant JOUBERT et le prolongement des événements (Journal de Marche) Série D.877-D.878: Liberté provisoire – Liberté conditionnelle Série D.879: Dépositions de témoins 1947 Série D.880: Interrogation des inculpés: leaders MDRM Série D.881: Tribunal Militaire: jugement, déposition de témoins, interrogatoire, ordonnance de non lieu. Affaire Rabetrena et Ralaizokiny et consorts. Série D.882: procès dit des «Parlementaires». Série D.887: concernant la province de Tamatave: lettres confidentielles, correspondances et procès verbaux. Série D.894-D.895: sur l’AMNISTIE ou plus précisément sur les mesures de grâce.

Ces archives qui forment l’ossature de notre travail, permettent d’avoir une vision plus près de la réalité.

Pourtant, il est à préciser que dans la forme, elles présentent des problèmes de classement; à titre d’exemple parmi tant d’autres: dans la série D.875 les numéros de P.V (Procès Verbaux) qui doivent suivre les numéros de folios ne le sont pas, que de répétition, par exemple certains dossiers dans D.869 apparaissent encore dans D.887. Il est donc indispensable aussi bien de les reclasser que de reproduire certains dossiers. 6

Dans le fond, elles nous fournissent surtout des renseignements politico-judiciaires et même militaire. Cependant, les donnés socio-économiques en font défaut, à l’exclusion de quelques rares illustrations.

En outre, les documents écrits par les insurgés, à l’exception de quelques plaintes ou de certains dossiers saisis à Maroampombo y manquent ou tenus secrets, par exemple «des documents trouvés dans les archives de RAPARIVO Gaston concernant le rôle tenu par RAMILAMANANA lors de cette insurrection», «les documents saisis le 20 Juin 1947 par la 1ère Compagnie du B.T.S.R 101 sur la question MDRM, cahier Moramanga, 25 Mars 1947, appartenant à RABIDOA».

Une grande lacune est à signaler sur le nombre exact des insurgés car «la première réaction des chefs était de se débarrasser tout document susceptible de porter l’intérêt de l’Administration sur eux. Ainsi, ils avaient dû brûler les listes».

Ces renseignements relatent une certaine forme de pression. Par peur de l’Administration et sous représailles (tortures, menaces, etc. …), les insurgés déposent de faux témoignages pour échapper à la répression judiciaire ou pour diminuer leurs sanctions. Ces informations ont tendance à rendre les membres du MDRM, plus précisément les leaders nationalistes, responsables de cet événement pour pouvoir ainsi les abattre, voir les intimider.

D’autant que le système employé par le tribunal militaire était de faire confirmer les précédentes dépositions de témoins. Le rôle joué par les interprètes n’est pas à exclure dans les modifications des procès-verbaux que ces gens dont la plupart illettrés et ne savent pas le français, devaient signés.

Archives de Vincennes:

Nous pouvons accéder à certaines informations dans les Archives du Service Historique de l’Armée de Terre (8H 197 D1 II, 7U 463) grâce au concours de notre rapporteur. Ces archives nous livrent essentiellement les renseignements militaires durant la période de pacification du district (journal du Marche du 7ème RTA listes des victimes).

En remarquait-il que les rapports journaliers des militaires (algéro-marocains) ne allaient pas toujours dans le sens de la réalité: certains adoptent une attitude méfiante, les autres se montrent très conciliants, ayant un point commun avec les Malgaches: le nationalisme.

Enfin, pour pallier à cet inconvénient offert par les archives, nous devons faire recours aux enquêtes orales et descendre sur le terrain. 7

LES ENQUETES ORALES:

Notre terrain va de Mandialaza (dans le nord) jusqu’à Beparasy (dans le sud), dont le point de rencontre est le centre de Moramanga ou en passant par Ambodinifody et Maroampombo. Ainsi, nous avons eu l’occasion de rencontrer des témoignages oculaires. Le plus précieux c’est le général RANDRIANARISON ainsi que certaines familles des chefs les plus actifs du mouvement comme celles de RAZAFINDRABE Victorien à Antsily ou comme celles des trois frères RABETRENA, RALAIZOKINY, et LEZARIMANANA lors d’une cérémonie de «fananganan-jiro» à Ambalahorona (Beparasy) en leur honneur, ou encore certaines familles victimes des attaques de l’insurrection comme la famille du feu RAVELOSON à Maromandia (). Il est à préciser que la plupart de ces témoignages oculaires sont âgés autour de 20ans en 1947 le plus âgé avait le grade de lieutenant (40ans en 1947), lors de cet évènement. Les «vrais chefs de maquis» comme le «maréchal »ou les «généraux», c'est-à-dire les pseudo- officiers du mouvement sont presque décédés comme le général Randrianarison en ces derniers temps. Certaines informations nous échappent parfois. Quoiqu’il en soit les renseignements fournis par ces derniers, bien que taillés de leur propre opinion nous permettent de voir sur le lieu non seulement le déroulement des évènements mais aussi leur vécu, d’éclaircir certaine «zone d’ombre», de combler la manque d’informations, voire de corroborer les renseignements déjà acquis. L’attitude méfiante de certains témoignages oculaires attire notre attention qu’il nous fallait regagner leur confiance pour qu’ils délient leur langue. La maintenance du système patriarcal rend difficile l’intégration sociale d’une femme: un obstacle majeur dans les travaux de terrain. Le concours des collaborateurs sont ici précieux. Ainsi, après confrontation des données, il s’avère nécessaire d’étudier les particularités du gouvernement de Sabotsy-Anjiro (district de Moramanga) se développant comme suit:

En mettant, dans la première partie en relation les différents éléments d’explications à l’origine de ce mouvement apparaissant dans le gouvernement de Sabotsy-Anjiro à la veille du 29 Mars 1947.

En brossant, dans la deuxième partie, les principales étapes de l’insurrection de 1947 dans le gouvernement de Sabotsy-Anjiro.

En terminant avec les limites et les issues de cette insurrection dans le gouvernement de Sabotsy-Anjiro. PREMIERE PARTIE:

LE GOUVERNEMENT DE SABOTSY-ANJIRO, DISTRICT DE MORAMANGA AVANT LE 29 MARS 1947 9

Le gouvernement de Sabotsy-Anjiro formait le noyau du groupe du 29 Mars 1947. Pourquoi?

Les raisons de cette insurrection sont articulées autour de trois pôles essentiels. La misère et la souffrance du peuple, en majorité paysan, nées de l’implantation d’une colonisation dense prédatrice et l’oppression d’une administration aveugle en étaient la principale cause. Le MDRM a ensuite tenu un rôle important en stimulant leur prise de conscience et en exaltant leur sentiment patriotique de lutter contre l’arbitraire. C’est dans ce cadre légal que les sociétés secrètes faisaient le reste. Enfin, les apports des anciens combattants dans ce mouvement nationaliste ne sont pas à minimiser. Cette «étude trilogique» ne peut toutefois être abordée sans avoir mis l’accent sur le berceau du mouvement et ses principaux acteurs (origine ethnique et structures sociales) qui méritent d’être analysés ci-dessous.

I. UN MILIEU NATUREL COMPLEXE CONJUGUE A UNE HISTOIRE MOUVEMENTEE

A. PRESENTATION GEOGRAPHIQUE DU GOUVERNEMENT DE SABOTSY-ANJIRO, DISTRICT DE MORAMANGA

1. Localisation du gouvernement de Sabotsy-Anjiro

Le gouvernement de Sabotsy-Anjiro, district de Moramanga fait partie de l’Ankay et se trouve entre les Hautes Terres et la Côte Est, à environ 60Kms de la Capitale Antananarivo. Il constitue la partie Ouest de la région Mangoro et s’étend sur 100Kms du Nord au sud et sur 25Kms de l’Est à l’Ouest13

Il a une superficie approximative de «2000Km2, soit le 1/5ème du district de Moramanga (environ 10.000Km²)».

Ce gouvernement est limité:

o au Nord par le massif d’Ambatomainty, dans le canton de MANDIALAZA, o au sud par le ruisseau d’Ankazomirahavavy et la montagne d’Amboangibe, dans le canton BEPARASY, o à l’Est par le fleuve Mangoro, o et à l’Ouest par la falaise de l’ANGAVO.

13 Monographie de Moramanga, n°391 10

Les subdivisions administratives de ce gouvernement sont: o le canton de Sabotsy-Anjiro o le canton de Beparasy o le canton de Mandialaza 14

2 . Un milieu naturel complexe

Il est important de préciser que sa position géographique entre les Hautes Terres et la Côte Est détermine le milieu naturel du gouvernement de Sabotsy-Anjiro. a) Un relief contrasté et accidenté mais très couvert Le gouvernement de Sabotsy-Anjiro comprend deux parties nettement différentes:

Au Nord, le système orographique offre un plus grand contraste.

Face au plateau dénudé, d’altitude moyenne de 950 mètres, de nombreux massifs, contreforts de la deuxième falaise laissent entre eux de larges plaines, telles celles de Mandialaza et de Sabotsy-Anjiro.

Le massif du FODY domine tout le pays par sa masse imposante. Il s’étend du Nord au Sud sur une vingtaine de kilomètres, dont le point culminant est à 1402 mètres.

Au Sud, la région a un relief confus d’altitude moyenne de 600 mètres et coupé de profondes vallées15. Ces parties du gouvernement de Sabotsy-Anjiro (le Sud, les bordures occidentales et le massif) sont couvertes par une vaste clairière avec quelques «lambeaux de forêt ombrophile».

Le reste est caractérisé par une formation végétale dégradée appelée le «SAVOKA», due à la destruction de cette forêt par la pratique du «TAVY». L’activité humaine fait cette partie de l’Ankay en pays déboisé par le feu.

Ce paysage offre en 1947, malgré cette dégradation, un refuge idéal pour les insurgés lors de l’insurrection comme l’a déjà noté LYAUTEY en 1903:«Les régions les plus difficiles sont les zones forestières de l’Est et du Sud, qui offrent à la résistance des défenses et des couverts que ne comportent les zones découvertes du Centre et de l’Ouest»16

Ainsi, on aurait pu se demander si sans cette couverture, l’insurrection avait été décommandée et prenait une autre allure.

14 Monographie de Moramanga, n° 391 15Monographie de Moramanga, n° 391 16LYAUTEY, Auprès de Galliéni, il participa à la pacification de Madagascar, 1897-1902. 11

Cette végétation est déterminée par un climat chaud et humide, vue l’abondance de nombreux cours d’eau. b) Un climat pas «malsain» 17avec de nombreux cours d’eau Le climat du gouvernement de Sabotsy-Anjiro, district de Moramanga est intermédiaire entre le climat des Hautes Terres et celui de la Côte est. Chaud et humide, «voisin de celui de l’Indochine», il est de type subéquatorial et comprend quatre saisons.

Les précipitations sont abondantes, particulièrement au contact des reliefs et dans les zones forestières, surtout lors de la saison de pluies (mi-décembre à mi-avril). Les pistes sont presque impraticables durant cette période. La présence presque permanente des crachins, de mi-juin à mi-septembre, est l’une des caractéristiques de ce climat.

Ce climat est l’un des éléments qui déterminent la présence de nombreux cours d’eau dans le district dont fait partie ce gouvernement. La plupart y prennent leur source, les autres, venant de l’Extrême Ouest de l’Imerina. Le système hydrographique du district comprend essentiellement le bassin du haut et du Moyen Mangoro, ayant les principaux affluents dans le District même et le gouvernement de Sabotsy-Anjiro est situé sur la rive ouest de ce fleuve.

En général, les cours sinueux, encombrés de rochers, ont un caractère torrentiel, dus à ce climat. Cette présence massive de cours d’eau conjuguée à ce climat rend ce paysage de plus en plus complexe, difficile à maîtriser à cause du non accès dans certaines zones. Si telles en sont les caractéristiques, quelle était l’utilité de ce milieu naturel complexe pour les militants nationalistes ? Il y a lieu de remarquer que malgré cette complexité, le district de Moramanga, y compris le gouvernement de Sabotsy-Anjiro présente une position géostratégique favorable à l’installation de garnisons ou de postes militaires. C’est ainsi qu’il a été choisi comme place militaire sous le Royaume de Madagascar et sous l’occupation française 18 comme l’a déjà mentionné NDRIANDAHY. Effectivement, RADAMA I (1810-1828) installa des garnisons à Sabotsy, à Ambohitrony et à Moramanga19. Ce dernier a été aussi choisi comme «le poste militaire central du cercle militaire annexe français par l’arrêté du 29 septembre 1896 lors de la neutralisation de résistance Menalamba locaux», ainsi c’est «le premier territoire militaire commandé par le Colonel COMBRES» pendant la pacification du Général GALLIENI. «En 1944, la ville de Moramanga a été choisie comme emplacement de la Brigade d’Extrême- Orient destinée à lutter contre les Japonais, après la Deuxième Guerre Mondiale, au moment du déclenchement de la guerre franco-vietnamienne, le camp TRISTANI était une station des soldats destinés à combattre en Indochine à cause de la ressemblance du climat des deux pays».

17D’après CASSEVILLE in NDRIANDAHY: Mémoire de Maitrise 18 NDRIANDAHY M.: Mémoire de Maitrise 19 RAKOTOARISON ANDRIAMIHAJA, La mission protestante française et l’Ankay (1878-1950), p .6 .Mémoire de CAPEN. 12

C’est dans ce cadre que s’est déroulée la révolte des BEZANOZANO. Il est important de noter que ce n’est pas la première fois qu’ils s’étaient soulevés, à cause de leur mouvementé que nous essayons d’étudier ultérieurement.

B- HISTOIRE MOUVEMENTEE

L’histoire du gouvernement de Sabotsy-Anjiro se confond avec celle des BEZANOZANO. L’histoire BEZANOZANO a été marquée par d’alliances et de conflits et a suivi l’évolution de clans vers les chefferies et les principautés mais qui n’atteint le stade du royaume avant la conquête Merina. Cette histoire a été aussi dominée par la pénétration française.

Elle mérite donc une étude particulière puisque ces habitants de l’Ankay constituent le pivot de l’insurrection de 1947.

C’est ainsi que lors de notre première descente sur terrain, «le jeudi 12 avril 2001 »20 : un jour de rencontre à «Ambohidronono»21, ces groupes suscitent notre intérêt.

Ce qui nous a frappés d’abord c’est la façon dont certains gens se saluent. Ils utilisent la formule: «Tsara– va, Tompoko? Mbarakaly ou Rahaly»22 (Littéralement: Portez-vous bien seigneur?). Nous sommes aussi frappés par la ressemblance physique de ce groupe avec le groupe ethnique Merina, ou plus précisément avec la caste noble de la capitale: Tananarive.

Une question s’est posée: sont-ils des BEZANOZANO ou forment-ils un groupe à part?

Le plus surprenant n’est pas seulement du côté de cette ressemblance mais aussi et surtout la différence entre les habitants de la région étudiée.

A première vue, pouvons-nous en déduire que les habitants de l’ex-gouvernement de Sabotsy-Anjiro sont différents d’origine?

Cette question nous permet de remonter jusqu’aux sources et d’analyser la genèse de ce peuple

20 Le jeudi est un jour de marché de l’actuelle commune Ambohidronono. Ce jour, le Sénateur RAMASY Adolphe organisa une fête pour célébrer son succès aux élections. E n effet, c’est un jour favorable pour descendre sur terrain afin de rencontrer des personnes ressources, de contacter les vrais « chefs de maquis » et d’en tirer le maximum d’informations. 21Ambohidronono est une commune qui se trouve au nord de la région étudiée, à environ 30 Km au nord de la R.N.2 sur la déviation Marovitsika et à environ 20 Km , au sud de Mandialaza. 22 Cette formule de politesse est utilisée par la caste noble de la capitale Tananarive et les termes « Rahaly » ou « Mbarakaly » sont utilisés pour distinguer les Bezanozano des autres races. 13

1. Le peuplement du gouvernement de Sabotsy-Anjiro

Il est certain qu’une simple observation n’aboutit qu’à une anodine impression : les habitants de la région étudiée sont différents d’origine. Son exactitude reste à prouver par d’autres sources.

L’analyse des sources permet de déduire que les BEZANOZANO ne sont pas originaires de la région. Alors, d’où viennent-ils?

Les origines de ce groupe restent difficiles à déterminer. Plusieurs hypothèses sont ainsi avancées mais un fait reste indéniable: «la formation de ce peuple par plusieurs vagues, ne remonte guère au-delà du XVIe siècle».23 Les premiers occupants semblent les «Vazimba» et les «Berahoraho»24 viennent ensuite les «Merina et les Betsimisaraka»25 Sa position géographique, intermédiaire entre l’Imerina et le Betsimisaraka est en effet un facteur déterminant la formation de ce groupe ethnique.

«Au début de XIXème Siècle, cette semblance réelle dépopulation engendrée par l’hégémonie merina encouragée par la traite»26 marque une rupture de l’histoire du peuplement de cette partie de l’Ankay.

Cette réelle dépopulation favorisa l’installation de nouveaux migrants.

«Leurs voisins merina du nord (Anjozorobe) avaient, en effet, occupé le terrain en essaimant par petits sauts … La généalogie des lignages Zafimamy qui sont issus de Zafin’Andriamamilaza»27, établis dans la commune de Mandialaza corrobore cette thèse.

«Sous le règne de RANAVALONA Ière, le premier Ministre RAINILAIARIVONY installa des esclaves, «les MAROMAINTY», gardiens de ses troupeaux, autour du village d’Ambilobe, au nord de Mandialaza. La région de Merimitatra était aussi comme une sorte de «colonie pénitentiaire» pour un certain nombre de prisonniers fait dans des expéditions lointaines, envoyés eux aussi par le Premier Ministre RAINILAIARIVONY dans cette contrée»28.

23 NDEMAHASOA J. : Contribution à l’étude des structures sociales d’une population malgache 24 Hypothèse soutenue par le Lieutenant VALLIER, A. et G. GRANDIDIER, J. POIRIER et J. NDEMAHASOA. Il est à noter que les « Berahoraho » sont des migrants venants de l’Est. 25 La tradition rapportée par le Père PIOLET, reprise par DANDOUAU et CHAPUS dans leur Histoire de Madagascar(1952), par le Lieutenant VALLIER(1898) et le Capitaine MAILLARD avancent qu’ « il y a de cela 300 ans, avant l’avènement d’ A ndrianampoinimerina,… c’est en A nkay paraissent s’etre donnés rendez-vous les Betsimisaraka commandés par la reine RAFOTSIBEALOKINITANY et les Hova dirigés par un Andriana, ANDRIAMALAZABE… Les premiers rapports furent facilités par la communauté de langages et de nombreuses unions notamment le mariage d’Andriamalazabe et de Rafotsibealokinitany cimentèrent cette alliance des Betsimisaraka et des Hova » 26RAZAFIMBELO C. in Alliance et conflits, p. 1 27 Emmanuel RAMILISON, Ny loharanon’ny Andriana nanjaka teto Imerina, etc…Andriamatomara-Andriamamilaza, 1ère Edition, I mprimérie Ankehitriny, Tananarive, 1952, p.128. 28 GRIMAUD, Contribution à l’étude du peuplement ancien de l’Ankay. 14

Ces «esclaves» et prisonniers de guerre étaient connus sous l’appellation de «HOVAVAO». Ce sont ces dernières vagues de migration qui avaient occupé le canton de Mandialaza en 1947.

Les études menées au niveau du canton de Beparasy nous laissent entendre dire que ce canton était également occupé par des gens de même origine ethnique que ces derniers, c'est-à-dire des Merina

Il est donc difficile de déterminer ces nouvelles vagues de migration de BEZANOZANO puisqu’ils avaient occupé depuis des générations cette partie de l’Ankay et considérés ainsi comme tels. Les habitants du canton de Sabotsy-Anjiro étaient en majorité merina eux-aussi.

D’autres nouveaux migrants viennent étoffer ces principaux habitants comme les Sihanaka, les Antandroy, les Betsileo, les Antesaka ainsi que quelques Etrangers en nombre réduit (363 pour l’ensemble du District). Ce qui fait du gouvernement de Sabotsy-Anjiro une zone d’émigration.

Il en résulte, à cet effet, que les habitants du gouvernement de Sabotsy-Anjiro étaient différents d’origine. Ce Gouvernement était donc habité par une population hétérogène, en 1947.

Cette hétérogénéité va par la suite déterminer l’engagement de chaque groupe dans cette insurrection.

La structure de cette population hétérogène mérite d’être appréhendée ci-après.

2. La Population du gouvernement de Sabotsy-Anjiro La population du gouvernement de Sabotsy-Anjiro représente environ le tiers de la population totale du district de Moramanga, soit «18 662 sur 54 773»29 (1949). A ces chiffres s’ajoutent 790 autres personnes de groupes ethniques différents, Européens et Asiatiques, soit au total: 55 563 habitants (pour l’ensemble de district)30. Il est à noter que ces chiffres ne sont pas fiables mais ils reflètent au moins la réalité. Cette population «jeune» et en majorité «féminine»31 est inégalement répartie dans l’espace. On distingue trois principales concentrations: «au pied de la falaise (canton Mandialaza), le long de la forêt primaire (canton de Sabotsy-Anjiro) et à la lisière de la forêt primaire (canton de Beparasy).32

29 Monographie de Moramanga 30 Ibid 31 Ibid 32 Ibid 15

La densité diminue de part et d’autre du centre: «canton de Sabotsy-Anjiro: 13,9%, canton de Beparasy: 8,1%, canton de Mandialaza: 4,5% (moyenne du District: 6,7%)»33 reprise au tableau n°1. Cela s’explique par l’installation massive des nouveaux migrants, notamment les Merina, suivant leurs voies de pénétration. NB: Densité moyenne (district): 6,7%. On doit ajouter 790 autres personnes de groupes ethniques différents, Européens ou Asiatiques, soit au total 55 563 habitants. La population de la région étudiée est en majorité BEZANOZANO, supplantés petit à petit par les MERINA du fait de leur caractère moins malléable. Les BETSIMISARAKA ne constituent qu’une infime partie de cette population. Il faut remarquer l’absence de cette race dans le sud, c'est-à-dire dans le canton de Beparasy (voir tableau n°2).

33 Ibid 16

Tableau 1: Division administrative et population du gouvernement de Sabotsy-Anjiro

Cantons Superficie (km²) Population Densité Quartiers

Sabotsy-Anjiro 700 9 955 13,9 5

Beparasy 500 5 226 8,1 5

Mandialaza 780 3 441 4,5 3

TOTAL 1 980 18 622 13

TOTAL DISTRICT 7 950 km² 54 773

Source: Monographie de Moramanga, n° 394 (1949), p.6

Tableau 2: Répartition par canton de trois principaux groupes ethniques

Cantons Bezanozano Merina Betsimisaraka

Sabotsy-Anjiro 5 866 2 952 1 137

Beparasy 4 840 386 -

Mandialaza 2 494 610 337

TOTAL 13 200 3 948 1 474

Source: Monographie de Moramanga, n° 394 (1949), p.6 17

D’autres nouveaux migrants viennent étoffer ces principaux comme les Sihanaka, les Antandroy, les Antesaka ainsi que quelques étrangers en nombre réduit (363 pour tout le District). Ce qui fait du gouvernement de Sabotsy-Anjiro une zone de migration. Cette population hétérogène était donc à l’origine de l’inégalité sociale dans le gouvernement de Sabotsy-Anjiro. Il importe, en effet, de préciser «l’écart qui existait déjà entre deux principales communautés»34 avant la pénétration française. Religion, école, hôpital et route sont des indicateurs permettant de mesurer l’ampleur de ce clivage et l’on parle ainsi de deux mondes différents: le «monde des ténèbres» et le «monde éclairé»35. Il y a comme connotation d’une part entre «monde des ténèbres» où vivaient «les illettrés et les ignorants»36 attachés aux valeurs ancestrales, c'est-à-dire ceux qui «s’adonnent encore à la religion traditionnelle»37 ou «SAMPY» et «ODY» tenaient un place importante dans la vie quotidienne. Ce monde est particulièrement représenté par les «HOVAVAO»38 et d’autre part, le «monde éclairé», où vivaient «les plus évolués»39 car on compte parmi eux «les élites locaux». Ce monde est beaucoup «plus christianisé» et pratique essentiellement le protestantisme, c'est-à-dire la religion de l’Etat sous la monarchie Merina mais c’est aussi la religion des élites. Il est représenté principalement par «les Zafimamy et quelques autres lignages issus de Zafin’Andriamamilaza». La colonisation ne fait que renforcer cet état de choses en construisant des routes. Le premier restait isolé et était mis à l’écart de tout nouveau progrès. Il est logique que les rumeurs s’y répandent très vite et que les gens fussent faciles à manipuler puisqu’ils n’avaient pas une conception réelle de la réalité nouvelle. Le second, étant desservi par la route, était ouvert au changement socio-économique. Il avait ainsi une vision plus proche de la réalité et avait accès aux informations plus fiables venant de la capitale. L’administration ne fait aussi que creuser ce fossé car elle recrutait les bourjanes parmi les «HOVAVAO» et ses auxiliaires parmi les «élites locaux». D’autant que ce «monde moins riche» constituait l’essentiel des ouvriers agricoles dans les concessions (soit 60% de la population du District). Il en résulte à cet effet que cette couche sociale qui avait été le plus souffert pendant la colonisation et bien que leur activité principale fût basée sur la riziculture extensive, semi- direct, la méthode reste traditionnelle et l’usage des charrues qui appartenaient essentiellement au premier n’était qu’à ses débuts. Le rendement pourrait être très réduit mais ils n’avaient nullement besoin de louer leur bras à un salaire dérisoire sans les mesures

34 RAZAFIMBELO in Alliances et conflits 35 Témoignage de RAJOELINA in RAMANANTSOA R., p.457 36 Ibid RAZAFIMPBELO in Alliances et Conflits 37 Ibid, RAMANANTSOA p 457 38 Par définition, le terme « Hovavao » est utilisé pour désigner l’ensemble des esclaves comme Maromainty, Borisatroka et les esclaves des Zafimamy libérés par lacolonisation. 39 Ibid 18

répressives. Entre ces deux mondes différents, l’endogamie ne permettait de tisser une relation, ce qui fait que jalousie tenace, rancœurs et frustrations n’attendaient qu’une étincelle pour d’exploser. Bref, les aspirations de ces deux différentes communautés n’étaient pas les mêmes. L’une à la recherche d’une administration porteuse de tranquillité et de prospérité et l’autre en quête d’une emprise directe sur cette administration. Ces différentes aspirations étaient par la suite exploitées par les propagandistes. Elles éprouvèrent pourtant le même centre d’intérêt ; «l’indépendance». Ainsi, ne serait-il pas évident si elles formèrent l’essence même de cette insurrection? Il est utile de remarquer qu’entre ces deux communautés s’interposent deux autres groupes: «sans lien véritable avec la terre et le territoire»: le groupe des marginaux et le groupe des nouveaux migrants. Le «groupe des marginaux»40 englobe les «ouvriers agricoles saisonniers, constitués surtout par les Antandroy et les Betsimisaraka qui fournissaient l’essentiel de la main d’œuvre non en règle, des exploitants forestiers venus du district voisin: Manjakandriana»41. Leur engagement dans cette insurrection s’explique par leur caractère fort turbulent et leur habitude de vivre de l’expédient et des rapines car on compte parmi eux le plus grand nombre des vagabonds et des brigands. On compte parmi eux la «bande »la plus fervente de l’insurrection comme le cas de la bande de Randalana qui avait déclaré sans ambages. «Nous voulons l’indépendance de notre pays»42, une indépendance taillée de leur propre notion. L’engagement du «groupe des nouveaux migrants»43 s’explique par le simple fait «d’être mobilisé ou d’être menacé». Ce fut le cas des habitants du canton de Sabotsy-Anjiro. Cette population hétérogène avait par ailleurs une histoire commune : un passé … assez mouvementé!

3. Un passé mouvementé

Le passé BEZANOZANO est marqué par une «tradition guerrière» et de profonde velléité d’indépendance et de liberté.

Les BEZANOZANO vivaient en clans ou en familles indépendantes jusqu’à la conquête merina.

40 Ce groupe ne possédait ni terre ni bouef 41 Témoignage du Maire d’ Ambohidronono 42 Archives Nationales série D 869 43 Ce groupe avait petit à petit gagné des terrains et les exploitent 19

Pendant cette période d’indépendance, une sorte «d’ANARCHIE» régnait dans cette région à cause de l’absence de pouvoir central véritable car il n’y avait que des «MPIFEHY»44, ne possédant ni police, ni justice pour imposer son autorité.

De «nombreuses luttes intestines, accompagnées d’incendies et de pillages, de rapt de femmes ont été ainsi enregistrées pendant le XVIIIe siècle»45. Cette faiblesse des BEZANOZANO a été mise au profit des rois merina.

La colonisation merina aurait commencé avec le règne Andrianampoinimerina (1787-1810), contemporain d’Andrianjomoina mais son successeur RADAMA I (1810-1828) devait reconquérir cette région puisque les BEZANOZANO n’acceptèrent facilement la suzeraineté merina. «Ils durent en effet plusieurs assauts pour qu’ils se soumettent en apparence». La région BEZANOZANO était à cet effet passée sous l’administration merina et RADAMA I entreprit une œuvre «d’organisation»46 pour maintenir sa domination. «Il avait divisé l’Ankay en douze provinces, correspondant à peu près aux territoires des principaux clans et avait installé des garnisons militaires à Sabotsy, à Ambohitrony et à Moramanga.

L’Ankay est directement administrée par un gouverneur Hova, «KOMANDY»47 qui réside à Moramanga.

Un chef merina a été installé dans chaque région et a été chargé des voies de communication et de la perception des impôts.

Si RADAMA I, tout comme son père Andrianampoinimerina et comme Andriamalazabe, avait apporté une période de tranquillité dans l’Ankay, cette région était devenue «de moins en moins sûre depuis le règne de RANAVALONA Ière »48.

Et ce, en rapport avec l’installation des hommes liges du Premier Ministre RAINILAIARIVONY, tout puissant comme son Maître ainsi que les prisonniers dans cette région.

Ces individus indisciplinés, turbulents à l’extrême augmentaient la trouble dans cette partie de l’ANKAY et les garnisons merina étaient en fait impuissantes à les contenir. Cela explique pourquoi avec la pénétration française, la résistance MENALAMBA (1896) était active dans cette contrée: Merimitatra et Mandialaza: noyau de cette insurrection de 1947.

Ce mouvement primaire était sous la conduite de deux hommes: RABOZAKA et RAINIMANDRINDRA et n’était étouffé qu’en 1897 avec la clôture des opérations militaires.

44 Les « MPIFEHY »avaient une autorité mais limitée seulement au sein de son clan ou de sa famille. Ils étaient élus parmi les ainés de chaque clan. D’après A. & G. GRANDIDIER « La police et la justice étaient délibérées publiquement et les décisions sont prises sur l’avis de la majorité in « Histoire politique et coloniale », p.131 45 Ibid p. 132 46 Voir Nöel, Notes, Reconnaissances et explorations 47 Le « KOMANDY » est l’exécuteur de toutes les décisions importantes dictées par l’administration centrale d’Antananarivo 48 In GRIMAUD, Peuplement Ankay 20

Bref, pourrait-on conclure que si les Bezanozano se révoltaient le 29 Mars 1947, c’est parce qu’ils étaient jaloux de leur propre autonomie et refusaient toute domination étrangère comme l’a avancé J. POIRIER: «à propos des Bezanozano, chaque groupe se soulevait pour son indépendance propre, avec dans certain cas une volonté de rayer de la carte non seulement l’occupation française mais aussi l’occupation merina antérieure …».49

Ce raisonnement ne nous paraît pas totalement convaincant puisque cette «tradition guerrière» a été déjà commencée avant la pénétration merina. La vision de J. FREMIGACCI semble plus proche de la raison: «l’histoire propose une réponse, il y avait des précédents et il y eut des répétitions»50. L’insurrection de 1947 n’est autre que la répétition de cette histoire mouvementée mais d’une ampleur sans antécédente.

Néanmoins, elle n’y puise pas seulement sa source. D’autres phénomènes interviennent et cette fois en tant que faits coloniaux.

II. ABUS COLONIAUX ET OPPRESSION COLONIALE: PREMIER ELEMENT DU REVEIL NATIONALISTE

L’insurrection malgache de 1947 dans le gouvernement de Sabotsy-Anjiro trouve ses racines profondes dans l’exploitation coloniale.

En effet, la colonisation de Madagascar ne datait pas d’hier. Seulement, la loi d’annexion votée par le Parlement Français, faisant de la Grande Ile une «colonie française» le 06 Août 1896, favorisa l’installation définitive des Français dans le pays. Le choix de la France porte sur Madagascar grâce à sa «position stratégique»51… Elle a offert aux colons d’Europe un champ d’expansion de premier ordre …Une terre vierge et qui n’attendait qu’une «direction éclairée pour le sortir du néant».

Le but de cette colonisation est évolutif. D’abord, à caractère socioculturel, puisque «la politique coloniale est la fille de la politique industrielle».52

A. APPLICATION DU SYSTEME COLONIAL

Pour mettre en marche cette machine administrative née de la colonisation, plusieurs mesures ou plus précisément des exigences étaient prises par l’administration coloniale. Dans le domaine socio-économique, elles se sont manifestées à deux niveaux: au niveau de

49 POIRIER J. « Les groupes ethniques de Madagascar, rapport préliminaire sur un inventaire des tribus »,Tananarive, F.L.S.H. ,1963 50 Colloque AFASPA 51 DARCY : Cent ans de rivalité coloniale (Angleterre et France) :Suivant le percement du canal de Suez, Madagascar et les Mascareignes commandaient souverainement la route de l’Inde. Sa position stratégique est d’une importance capitale. 52 J. FERRY dans sa préface pour le Tonkin et la Mère Patrie en 1890 IN Raoul GIRARDET : L’idée coloniale en France de 1870 à 1962 , p. 82 21

l’administration d’un côté et au niveau des colons de l’autre côté. Elles engendrèrent ainsi des pressions, des exploitations, voire des abus. a) Par l’administration coloniale

L’économie de traite qui impose cette théorie de «colonie débouchée» nécessite un minimum d’infrastructure surtout routière pour l’évacuation des produits vers la Métropole. Or, dans un pays où «tout reste à faire», l’administration coloniale devrait entreprendre des travaux de grandes envergures, telles la construction des voies de communication (routes, chemins de fer, ponts, etc. …) ainsi que des barrages.

Elle devait faire face à deux problèmes majeurs: le manque de main d’œuvre et l’autonomie financière des colonies régie par la loi du 16 Avril 1900. Pour y remédier, l’autorité coloniale avait recours à des moyens oppressifs qui faisaient des paysans «le mulet d’Etat»53.

En ce qui concerne le manque de main d’œuvre, «Galliéni a aménagé l’ancienne corvée royale au bénéfice de la colonisation» et a imposé le système de prestation de service. «La loi du 21 Octobre 1896 obligea tous les hommes âgés de 16 à 60 ans de travailler gratuitement soit dans les concessions coloniales, soit dans les chantiers publics, pendant cinquante (50) jours par an à raison de neuf (09) heures par jour, ramenés ensuite à trente (30) jours». En 1901, ce système fut supprimé sur papier, réimposé en 1902 par le biais des fameux «travaux de FOKONOLONA», rétablis officiellement en 1907 sous le nom de prestation «valo andro» (8 jours) puis «folo andro» (10 jours).

A ce type de travaux forcés fut ajouté un autre système d’exploitation instauré par le Gouverneur Marcel Olivier. C’est le SMOTIG (Service de la Main d’œuvre de travaux d’Intérêt Général), décrété le 26 Juin 1926.

Etant le «centre des rayons» de voies de communication (routes, voies ferrées)54, le district de Moramanga, y compris le gouvernement de Sabotsy-Anjiro se trouvait sous- pression à cause de sa position géographique. D’autant que «les voies ferrées étaient perçues à l’époque comme le véritable cordon ombilical reliant non seulement les Hautes Terres aux grandes régions productrices de la Côte Est mais aussi l’ensemble de l’Ile au reste du monde»55.

53 FREMIGACCI, in Omaly sy Anio, p.5-6 54 Routes : R.I.G. N° 2 reliant les Hautes Terres et la Cote Est, RIP( Moramanga – Lac Alaotra ou Moramanga- Anosibe an’ Ala Voies ferrées : lignes T. C.E.(Tananarive- Cote- E Lignes M.L.A. (Moramanga- Lac Alaotra)

55 Rapport du Haut Commissaire de Coppet au Ministre de la France d’ Outre Mer du début d’ Avril 1947 22

Le gouvernement de Sabotsy-Anjiro avait le plus souffert dans le District puisque « la majorité de la main d’œuvre était constituée par les BEZANOZANO et recrutée surtout parmi les «HOVAVAO». De plus, il paraît «difficile de recruter des travailleurs des autres provinces car la région est réputée insalubre. Cela fait redouter les indigènes».56

Ces réquisitions n’étaient pas seulement destinées aux chantiers publics mais aussi pour fournir des porteurs d’hommes ou de marchandises (ou bourjanes) des Hautes Terres vers la Côte Est et vice versa.

Simultanément, les indigènes devaient aussi supporter de lourds impôts. Pour combler le budget de l’Etat, «Gallieni a repris le système fiscal de la monarchie Merina et l’a adapté aux circonstances».57

Ce système fiscal était basé sur les personnes et leurs biens (terres, rizières, bœufs, maisons, etc. …). Des mesures étaient adoptées pour châtier les personnes non en règle avec le fisc.

L’institution de «KARATRA ISAN-DAHY» fut à l’origine du non recensement de nombreuses personnes dans le gouvernement de Sabotsy-Anjiro.

Les premières victimes de ces mesures répressives étaient les paysans puisqu’ils étaient taillables et corvéables à merci.

Ces impôts étaient en effet destinés aux rémunérations des fonctionnaires dont les «Hauts-Placés» étaient constitués par les Européens. Les Malgaches n’étaient que des auxiliaires recrutés parmi les «élites locales», essentiellement les «Zafimamy»58.

Désormais, face à cette situation intenable, deux faits se resurgirent. Les paysans frustrés, hantés par les rancœurs à cause de ces répressives et conscients de leur place par rapport aux fonctionnaires, surtout indigènes, qui grèvent lourdement le budget. Ils n’hésitèrent pas à attaquer ces derniers, considérés comme pro-colonialistes. Certains d’entre eux avaient sans doute fait des abus. L’attaque de la Poste et du Trésor dans la nuit du 30 Avril au 1er Mais 1947 dont certains fonctionnaires avec leurs familles furent victimes va dans ce sens.

De son coté, ces élites qui n’occupèrent que des places subalternes avec une solde inférieure à celle des fonctionnaires européens, avaient pris conscience de la gravité de la situation. Il est évident que leur part dans cette insurrection n’est pas à négliger.

56 Rapport du Capitaine MAILLARD in Notes, Reconnaissances et Explorations, 1972 57 D. MASSIOT, L’Administration publique à Madagascar. 58Archives Nationales : Personnel Indigène 23

Comme l’a noté FREMIGACCI«… Par peur de ces chantiers publics ou pour échapper aux lourdeurs des impôts, les indigènes du gouvernement de Sabotsy-Anjiro trouvèrent protection et travail moins dur dans les concessions».

Est-ce toujours le cas? Les concessions avaient-elles les mêmes réputations ? b. Par les colons

Les mesures répressives ne se limitent pas aux réquisitions et aux taxations. La spoliation des terres et ses méfaits étaient aussi insupportables.

En effet, le gouvernement de Sabotsy-Anjiro était loin d’être une «terre vierge» puisqu’il était déjà occupé par les autochtones mais à «une faible densité»59.

L’espace exploité y a été donc très faible. Des zones en friches, essentiellement les «menakely», ayant «autrefois appartenus à certains membres de la famille royale comme celui de Ramonjy à Anjiro et celui de Rahaniraka et Raombana au sud de Mandialaza et à ,60avaient été octroyées aux colons par l’Etat qui était en règle générale présumé propriétaire des terrains vacants et sans maître …» soit comme «une sorte de récompense au service qu’ils avaient rendu à l’Etat»61, soit après demande et ils peuvent choisir à leur convenance.

Devant ce fait, les habitants du gouvernement de Sabotsy-Anjiro ne partagèrent pas la même réaction. «Le premier souci des élites locaux fut d’immatriculer leur terre en nom collectif pour préserver leur patrimoine contre les colons»62. Les «Hovavao» ignorants et illettrés avaient subi les méfaits du décret spoliateur de 1926 qui les avaient dépossédés les terres de leurs ancêtres.

Cette distribution des terres aux colons et cette législation lésaient les autochtones d’autant plus que les colons n’hésitèrent pas à empiéter sur les réserves indigènes. «Ce fut le cas d’un colon réunionnais, réputé très oppressif à Ampasimpotsy (Mandialaza) et ses environs

59 Se reporter sur la rubrique concernant la répartition spatiale de la population du gouvernement de Sabotsy-Anjiro 60 RAZAFIMBELO in Alliances et Conflits : « …Des fiefs ont été attribués à certains membres de la famille royale sous RANAVALONA Ière : le « menakely » du prince Ramonjy à Anjiro, celui des frères Rahaniraka et Raombana au sud de Mandialaza et à Didy, Rainilaiarivony s’est octroyé un « lohombitany » autour du village d’Ambilobe, au nord de Mandialaza 61 Archives Nationales. Loi locale du 9 Mars 1896 et décret du 15 Novembre 1926 définissant le régime foncier à Madagascar 62 Ibid. RAZAFIMBELO 24

Tableau 3: Les concessions coloniales dans le gouvernement de Sabotsy-Anjiro

Département Exploitations Superficie Situation Objet Agricole en Ha Service Manœuvres 10 Contremaître 800 Ets MODRIN & Cie Marovoay Manioc 1 Ingénieur 28 Ouvriers 228 25 qualifiés

Marovitsika 2 Ingénieurs Ets MODRIN & Cie 180 Manioc 310 T.C.E 1 Contremaître Anjiro 1 Directeur Ets FRAISE é Cie 140 Manioc 134 T.C.E 1 Ingénieur Ambodirano 185 1 Directeur Manioc 104 Mangoro 599 1 Contremaître Ampangabe 16 Manioc 1 Directeur 60 M.L.A 53 12 Riz 8 Arachides DECOUZON & Cie Ambohidray 10 Maïs 5 Manioc 30 Riz Lesport Mandialaza 20 Manioc

Source: Monographie de Moramanga 25

Il existe par conséquent, un petit nombre d’exploitation agricole importante ainsi que quelque petite colonisation dans le gouvernement de Sabotsy-Anjiro, reprise au tableau n°3. Grand colonat ou petite colonisation, ces concessions étaient destinées à être exploitées comme il a été défini dans le «contrat».

Des usines, spécialisées dans la production de fécules de manioc et de tapioca, y étaient donc implantées comme le montre le tableau n°363 Le choix de son emplacement le fut en raison de l’abondance de main d’œuvre, constituée surtout par les «HOVAVAO».

Ces colons avaient aussi visé la facilité de l’évacuation de leurs produits, c'est-à-dire le long du fleuve Mangoro, ou suivant la ligne T.C.E (Tananarive – Côte Est), par exemple l’Etablissement MODRIN à Marovitsika ou celui de FRAISE à Anjiro, ou encore à proximité de la route comme la petite colonisation de Lesport à Ampasimpotsy (Mandialaza).

En somme, cette colonisation ne constitue qu’une infime partie du gouvernement de Sabotsy-Anjiro (au total 1 145 ha sur 200 000 ha : superficie du gouvernement, soit 0,5% environ).

Par contre, elles se concentrent dans la partie nord du gouvernement, autrement dit là où il y a les meilleures terres.

La création de ces usines offrait des emplois aux autochtones certes mais ils fournissent une main d’œuvre à bon marché. C’est qu’ils y furent payés à un salaire de famine qui n’arrive même pas à subvenir aux besoins de la famille.

L’implantation de ces féculeries favorisait la culture de manioc et donnait un appoint considérable aux paysans dépourvus de charrues ou de bêtes de traits. Par ailleurs, ce fut l’usine qui fixa le prix à «15 francs la tonne»64, une valeur très basse par rapport à la cherté de la vie.

Il en résulte donc que cette colonisation ne profite qu’aux colons qui cherchèrent qu’à remplir leur «coffre-fort».

Parallèlement, bien qu’ils y trouvent meilleure protection que dans les chantiers publics, ils furent victimes de l’exploitation des colons puisqu’ils y furent traités non comme des hommes mais comme des bêtes sauvages. Une certaine forme d’esclavagisme apparut ainsi dans ces concessions.

Il est certain que ces concessions n’avaient pas les mêmes réputations sur ce point.

63 Tiré de Monographie de Moramanga N° 394 confronté à des archives privées de l’Etablissement MODRIN à Marovitsika 64 Monographie de Moramanga N°394-Folio N°39, à cette époque un kilo de riz est acheté à 2F donc une tonne de manioc est équivalent de sept kilos et demi de riz 26

La petite colonisation était surtout de mauvaise réputation à cause des mauvais traitements que les colons faisaient subir aux indigènes de la localité. Une anecdote peut illustrer ce fait.

Un colon réunionnais, nommé Lesport était reconnu très oppressif à Ampasimpotsy et ses environs. Il paraît que ce colon ne manquait pas d’empiéter sur les domaines des autochtones à l’exclusion de leurs demeures pour en tirer profit et que ces derniers étaient des fournisseurs de main d’œuvre gratuite pour lui.

Il se prenait aussi pour un «roitelet de la brousse» car il n’hésitait pas à imposer des règles aux autochtones et faisait ce que bon lui semble.

«Il parait qu’il créa un parc à bœuf à Beraketa (Ampasimpotsy) où tous les hommes furent astreints à parvenir leurs zébus à l’heure fixée par ce dernier, sinon ils étaient paisibles d’une amende de 1F par bœuf, faute de quoi il s’en empara». Il en était de même sur les propos vexatoires ainsi que des coups de fouet qui s’abattaient sur eux. «Le simple fait de ne pas saluer un «VAZAHA» était paisible des coups de cravaches ou des coups de poing, etc. …».

De tels traitements, de tels abus ne se rencontrent pas seulement dans la petite colonisation. Même si certaines grandes concessions étaient de bonne réputation; comme le cas de l’Etablissement MODRIN à Marovitsika; «il paraît qu’il reste intact lors de cette insurrection et offre un refuge pour les insurgés. Il semble qu’un certain colon nommé DELORME avait protégé cette concession par sa magie»; «c’était les chefs subalternes qui se livrèrent à des abus».

En conclusion, que ce soit dans les chantiers publics ou dans les concessions, un Malgache reste un Malgache, toujours victime de toutes formes d’oppression et d’abus puisque la «loi de la jungle» régnait dans cette partie de l’Ankay. Toutefois, c’est la masse paysanne spoliée et oppressée qui avait le plus souffert de toutes formes d’exigences, de mesures répressives nées de cette colonisation.

Il est donc évident que c’est cette frange de la population qui forme le noyau du groupe du 29 Mars 1947, d’autant plus que l’économie de guerre renforçait ces mesures répressives, à l’origine de l’effondrement des conditions de vie de ces paysans déjà marquées par la paupérisation. Des réformes socio-économiques s’ensuivirent mais qui n’apportent que la haine des colons et de l’Administration, attachés à leurs privilèges et cherchant à tout prix à défendre leur propre intérêt.

Comment le gouvernement de Sabotsy-Anjiro avait vécu économiquement cette période (1939 à 1946)? 27

B-SITUATION SOCIO-ECONOMIQUE AGGRAVEE PAR LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE

La deuxième Guerre Mondiale avait amorcé la lutte de libération nationale sous- prétexte qu’elle avait apporté une vie nouvelle après une longue période «d’économie de guerre» appliquée dans les colonies durant les temps des hostilités. La situation socio- économique de Madagascar évolue de 1939 à 1946 et présentes ainsi deux phases bien distinctes: o La phase de l’«effort de guerre»; o La phase des réformes socio-économiques Qui nécessitent un examen sérieux.

1. La phase de l’«effort de guerre» Cette phase correspond aux temps des hostilités allant de 1939 à 1946. L’effort de guerre imposé à Madagascar, y compris le gouvernement de Sabotsy-Anjiro durant cette période s’est concrétisé par la reprise des anciens procédés: «les réquisitions», cette fois non seulement de «personnes» mais aussi de «biens et des produits» effectués par l’OFFICE DE RIZ. a) Les réquisitions de personnes A la veille de la Deuxième Guerre Mondiale, comme dans tous les pays en guerre, la France étant membre des Alliés devinrent se préparer. La défaillance de ses troupes l’obligea à faire appel à ses colonies pour défendre la «mère Patrie».

L’Empire était demeuré fidèle même s’il était victime des abus de toutes sortes. L’allégeance à la France n’a pas été mise en cause étant donné qu’il lui offrit «la fleur de sa jeunesse» et prit part à la «Défense Nationale». La plus grande partie des effectifs envoyés au front fut constituée en effet par des «contingents levés directement dans les territoires d’Outre-mer»65. Moramanga avait ainsi droit à l’envoi d’un contingent. Et pour ceux, l’administration n’avait d’autre solution que de recourir aux anciens procédés: les réquisitions qui atteignent en ce moment son «paroxysme».

Significatif est le fait que si les habitants du gouvernement de Sabotsy-Anjiro ne se soulèvent pas immédiatement les armes à la main contre cette mesure arbitraire, c’est que la Métropole leur avait promis l’indépendance. Nombre d’indigènes y participèrent dans cette même perspective ou du moins de pouvoir jouir citoyenneté française et ses avantages. Il y a aussi l’enthousiasme né d’une espérance de voir «l’Andafy» (l’étranger) et d’être décoré. Une raison de plus de ne pas bouger c’est que des privilèges étaient accordés aux familles des

65 J.O.M du 1er juillet 1939, p. 876 : Les « réquisitions de personnes » pour la constitution et l’entretien des forces armées ont été définies par la loi de 11 février 1938, mise en application par le décret du 02 mai 1939 sur l’organisation générale de la Nation pour le temps de guerre dans les territoires d’Outre-mer ; TITRE II : Mobilisation et conduite de la guerre-CHAPITRE II : Réquisitions des personnes, articles 21-22. 28

«mobilisés». Cette «contribution par le sang» a été donc mieux supportée que la «contribution par la force», un véritable «effort de guerre» imposé aux autochtones restants.

Il convient de souligner que ces réquisitions de personnes ne furent pas seulement destinées pour le front. «Sous-prétexte d’aider au maximum la «mère –Patrie» en difficulté, l’Administration locale y fait aussi recours» et «… on enregistre 2 550 000 journées de travail forcé en 1941 et 3 810 000 pour 1943 (chiffres de l’inspection de travail)66». Cette situation a été largement mise au profit des colons locaux, notamment les grandes sociétés françaises et internationales.

L’effort de guerre imposé aux malgaches ne se limita pas aux «réquisitions des personnes», «les biens et les produits» furent aussi frappés par cette mesure, à l’origine d’un nouveau système le plus criant: l’institution de l’OFFICE DE RIZ.

b) Les erreurs de l’OFFICE DE RIZ

Dans le cadre d’un deuxième effort de guerre imposé par la France combattante à Madagascar, définie dans la même loi où il a été écrit: «pour pouvoir aux besoins immédiats des armées, l’administration coloniale avait droit à l’utilisation de toutes les ressources des territoires d’outre mer»67, les réquisitions de biens et de produits, en particulier les denrées alimentaires ont été aussi effectuées.

Le premier à être frappé par cette mesure fut le riz.

Ainsi fut «institué l’OFFICE de RIZ par le décret du 22 février 1944»68 portant sa création, le substitut de S.R.P (Service de Riz et de Paddy), siégeant à Tananarive. Cet organisme fut très impopulaire car ce fut un nouveau moyen d’oppression et source d’abus à cause de ses erreurs. «Cet office fut chargé de la collecte, du contrôle et de la répartition des stocks de riz dans toute la colonie»69. Un contrôle qui s’est déjà effectué dès la récolte jusqu’aux opérations d’usinage de paddy afin de placer les paysans sous étroite surveillance.

«L’office du riz fixe après accord avec les chefs de la région les contingents à prélever par région»70.

Dans le gouvernement de Sabotsy-Anjiro, les premiers victimes de cette mesure oppressive semblent les «Hovavao» car leur production n’atteint pas souvent la quantité exigée par le prélèvement puisque les meilleures terres appartenaient aux «Zafin’Andriamamilaza» essentiellement les «Zafimbahy» qui détenaient aussi les techniques modernes avec l’usage de la charrue bien qu’il n’était qu’à ses débuts.

66 Jacqueline BOITEAU, Les raisons de la révolte in Colloque AFASPA, p.46. 67 Loi du 1er Juillet 1938 mise en application par le décret du 02 mai 1939. 68 J .O.M. du 11 Mars 1944, p.212. 69 A.N. Dossier OFFICE DU RIZ, série OFF RIZ- Ch : 16 ,1943-1944,art 2. 70 iBID 29

Ils se trouvèrent donc dans l’obligation de livrer toute leur production y compris les graines prévues pour les besoins de leur famille et les semences, bouleversant à cet effet, le calendrier agricole: facteur décisif de la baisse de production.

Il n’est pas étonnant de ce fait s’ils dissimulèrent leur production même si le simple fait d’être soupçonné fut paisible d’un fouillage, d’une amende et/ou d’un emprisonnement.

«Cet office assure aussi la quantité nécessaire tant à la consommation locale qu’à l’exportation. L’achat et la vente de ces denrées furent confiés à des acheteurs et vendeurs choisis et seules autorisés»71.

«Le commerce était essentiellement monopolisé par les chinois et les nouveaux migrants merina dans le gouvernement de Sabotsy-Anjiro»72 que jamais ils n’avaient rempli leur coffre-fort grâce au développement du marché noir, difficile à juguler. Il augmente de façon éhontée le prix des denrées bien que des mesures très sévères furent prises pour châtier certains commerçants.

Il en résulte que c’étaient les paysans qui avaient souffert le plus de ce nouveau système d’oppression. Ces producteurs devaient non seulement racheter le riz… immangeable à des prix forts aux usiniers mais aussi la quantité rachetable était rationnée, une raison nettement insuffisante et de plus en plus réduite.

En 1944, elle est de cinq cents (500g) grammes par adulte ou enfant de plus de douze (12) ans et 250 grammes (250g) par enfant de douze ans et au-dessous pour le District de Moramanga dont fait partie le gouvernement de Sabotsy-Anjiro»73.

«En 1945, elle n’est que quatre cent (400) grammes pour les premiers et deux cents grammes (200g) pour les seconds»74.

«Dans la théorie, aucune quantité de riz ou de paddy ne devrait être délivrée aux assimilés à tout Européen et indigène sans la présentation d’une carte octroyée par l’OFFICE DE RIZ. Cette carte est strictement personnelle, ne doit être ni prêtée, ni cédée, ni vendue à des tiers». «Les infractions à cette mesure furent paisibles d’une amende de 100 à 500 francs et/ou d’un emprisonnement de six (6) jours à deux (2) mois»75.

Des faveurs furent par contre, accordées à certaines personnes, en particulier aux colons et aux assimilés.

71 A.N.,série OFFICE DE RIZ- Ch 13 : Fonctionnement OFFICE DE RIZ 72 Monographie de Moramanga N° 331. 73 A .N. série OFFICE DU RIZ –Folio N°88 –J.O.M du 14 Octobre 1944, p.711. 74 A.R.D.M. : série : office du riz- S/Ch : N°21, 1945, art 1(1er juin 1945) 75 A.R.D.M. : série : office du riz- Folio N°88- art 1 et art 4-5. 30

En effet, tout au long de la guerre, la situation socio-économique s’aggrave et ne fait qu’effondrer les conditions de vie de la masse indigène, déjà précaire, notamment dans le milieu rural. Alors qu’il leur est imposé d’atteindre le maximum de production pour «gagner la bataille», les producteurs sont privés de riz, aussi bien de produits de premières nécessités que des tissus: un «stimulant» pour les ouvriers agricoles car Madagascar coupée de toutes ses sources de l’Etranger dût vivre en autarcie. Il leur est en outre demandé le maximum de devises et ce au dépend de la masse puisque l’administration n’a qu’une solution: augmenter les recettes fiscales en ajoutant «les centimes additionnels»76.

Cette situation semble par ailleurs bénéfique à l’administration, aux colons et à certains assimilés et indigènes profiteurs, nous verrons par la suite leurs réactions face à la nouvelle ère apportée par cette longue période de sacrifice.

L’année 1944, a été par conséquent marquée par une lutte populaire contre cet organisme suivie d’une baisse de production. Des assouplissements y furent même apportés aboutissant à la suppression de l’OFFICE de RIZ le 11 avril 1946: un profond remaniement dans le cadre du nouveau souffle apporté par le second conflit mondial et qui va de pair avec les autres reformes socio-économiques.

2. La phase de réformes socio-économiques:

En concomitance avec la suppression de l’OFFICE de RIZ, d’autres mesures les plus criantes et les plus impopulaires: «l’indigénat»77 et le «travail forcé»78 furent en même temps abolis dans les territoires d’Outre-Mer en 1946, définies dans les recommandations de la «conférence de Brazzaville» (30 janvier au 8 février 1944)79.

Des réactions nettement contradictoires sont enregistrées face à l’application de ces réformes. Une certaine rupture est à signaler au niveau même de l’administration coloniale. D’un côté, l’administration métropolitaine était vouée à l’application effective de ces réformes en vue de tenir ses promesses lors de cette conférence par contre, l’administration locale essayait de maintenir le statu quo étant donné qu’«elle ne dispose plus d’arsenal de mesures répressives dont elle se servait jusque là pour se faire obéir et mater toute tentative de s’opposer au régime»80.

Du côté esclavagiste, il faut lire sans doute comme l’une des meilleures expressions de leur état d’esprit, un article du journal «NY RARINY» (la justice) du 11 juin 1946. Ci-joint le contenu:

76 J.O. N° 2346 du 2 Janvier 1942- Voir aussi Journal « Isan’andro (quotidien) » du 8 janvier 1942. 77 Décret du 22 décembre 1945 et du 20 février 1946 portant sur la suppression de l’Indigénat 78 Décret du 11 avril 1946 sur l’abolition du travail forcé

79 In Alain RUSCIO : Le monde politique métropolitain et l’Union Française, 1944-1947. Tiré du Colloque AFASPA, p.93 80 Lucile RABEARIMANANA, La répression en milieu rural, in Colloque AFASPA 31

«… La loi supprimant le travail forcé n’est pas du goût des esclavagistes, cherchant un moyen de faire revenir le vieux système de réquisitions de la main d’œuvre qui les avait si bien avantagés au préjudice de la masse travailleuse malgache …»81.

L’on constate à cet effet que des pressions étaient exercées par ce «lobby vazaha»82 auprès de cette administration pour obtenir l’abolition de cette loi. En outre, un déchaînement de haine farouche est à noter à Madagascar à l’époque, surtout dans les zones d’exploitations coloniales dont fait partie le gouvernement de Sabotsy-Anjiro. Des provocations auprès des indigènes se multiplièrent, allant même jusqu’à les traiter comme des « paresseux » ou des « rebelles » pour qu’ils soient punis car ces dernières abandonnèrent leurs travaux et refusèrent de louer leur bras à des salaires qu’ils jugent insuffisants.

Qu’il s’agisse d’administration ou de colons, nous restons en présence de groupes de ceux qui avaient «profité de cet esclavage déguisé»83, cherchant à tout prix de maintenir le système et qui se heurtent avec les réactions des indigènes, ayant comme préoccupation majeure la suppression de toutes formes de contraintes.

Bref, les intérêts de ces trois entités ne sont en aucunes façons totalement assimilables les uns des autres. La coïncidence entre l’application de ces lois et l’extension du mouvement nationaliste de 1947 n’est pas en effet le fait du hasard si l’on tient compte du résultat obtenu, d’autant plus que les indigènes du gouvernement de Sabotsy-Anjiro ne pourront jamais mettre un terme à ce régime jugé de tyrannie et d’arbitraire: sources d’abus et d’oppression, mais l’origine du réveil nationaliste. Ce réveil nationaliste ne suffit pas pourtant pour faire éclater cette lutte armée. Elle a aussi besoin d’un «stimulant» que «d’autre forces» pour la structurer, l’organiser et enfin pour se réaliser.

81 Journal « Ny RARINY » (La justice) du 11 juin 1946-N°38 82 J. BOITEAU, L’Oradour malgache 83 J. BOITEAU : « Les raisons de la révolte », in Colloque AFASPA 32

III – LE MDRM: STIMULANT DU MOUVEMENT NATIONALISTE

Dans le «nouveau cadre institutionnel»84 (liberté politique, liberté d’association …), un parti politique, le MDRM (Mouvement Démocratique de la Rénovation Malgache), a vu officiellement le «jour à Paris, le 11 février 1946»85. Par les deux députés et quelques élites nationalistes ayant séjourné dans ce pays86.

L’objectif du parti: «Retour à l’indépendance par voie de négociation».87

L’extension du MDRM fut rapide. Des sections et des sous-sections furent implantées dans toute l’ile, même dans les coins les plus reculés de la brousse.

Est-ce que les leaders du tout jeune parti avaient pu, avec ce «boom», contrôler les chefs de section ou délégués du parti dans ces coins reculés? Est-ce que ces chefs ou délégués, vivant la réalité quotidienne avec la masse paysanne, partageaient les mêmes aspirations que ces leaders?

L’étude d’un cas relativement particulier: le cas du gouvernement de Sabotsy-Anjiro district de Moramanga, nous donne les réponses à ces questions.

Nous essayons aussi de démontrer comment le MDRM est un stimulant de l’insurrection de 1947.

Mais il importe, avant tout, de connaître l’organisation et les réseaux du MDRM dans cette partie de l’Ankay.

84 La conférence de Brazzaville (30 janvier au 8 février 1944) définit ce nouveau cadre. 85 Statut du M.D.R.M. 86 Les membres fondateurs de ce mouvement sont : les deux députés : Ravoahangy et Raseta ainsi que quelques élites nationalistes : R . W. et J. RABEMANANJARA ; RAKOTO-RATSIMAMANGA in SPACENSKY, Cinquante ans de vie politique à Madagascar. 87 R . W. RABEMANANJARA : « Le mouvement national malgache face aux évènements de 1947 » in Colloque AFASPA, p.115 33

A – ORGANISATION ET RESEAUX DU MDRM DANS LE GOUVERNEMENT DE SABOTSY-ANJIRO :

Etant une «ville carrefour» et être plus proche de Tananarive: capitale des idées facilite l’implantation d’une section du MDRM dans le district de Moramanga. La fondation de ce parti remonte quelques mois après sa création sous l’initiative des commerçants, artisans merina, comme «RAJAONA François, RAVAHATRA et RANDRIAMBELOMA»88 qui habitèrent le chef lieu District où siégea le parti. L’organisation de la section MDRM du District a été reprise au tableau n°4

Tableau 4: Organisation de la section MDRM du district de Moramanga

RESPONSABLE NOM ORIGINE CATEGORIE SOCIO- ETHNIQUE PROFESSIONNELLE Membres fondateurs RAJAONA François Merina Hôtelier RAVAHATRA Merina Artisan RANDRIAMBELONA Merina Cultivateur

Membres de bureau :

Président RAZAFINDRABE Victorien Merina Exploitant forestier Vice Président RAPARIVO Gaston Merina Comptable Secrétaire RANAIVO Ernest Merina Tailleur Trésorier RAZAKANDRIAMIHAJA Merina Tailleur Membres conseillers RAZAFIMAHANDRY Joseph Merina Tailleur RASAMIMANANA Merina Charpentier RANDRIANJOHANY Merina Mécanicien RAKOTONIRINA Merina Commerçant RAMAROLAHY Justin Merina Commerçant RAJAONA Merina Commerçant

Source: Auteur (à partir des données des archives Série D.869 à 895)

88 Archives Nationales D.881, ch : correspondances relatives aux affaires traitées par le Tribunal Militaire, s/ch :listes des individus poursuivis pour « Maintien de la ligue dissoute »- Moramanga- Folio n°41-42. 34

D’après ce tableau, si l’on tient compte de l’origine ethnique de ces organisateurs, on peut affirmer que c’est une «affaire des merina», pourtant, elle englobe toutes catégories sociales (agriculteur, exploitant forestier, hôtelier, tailleur, cordonnier, …), dont à la tête se trouve un homme doté d’une forte personnalité: «RAZAFINDRABE Victorien». «Président de la section MDRM du District de Moramanga»89.

Le parti était très vite répandu dans tout le District grâce au charisme de RAZAFINDRABE Victorien et à l’activisme de ses amis. Chaque quartier, voire chaque village disposait d’une sous-section, ou plus précisément d’une cellule placée sous la responsabilité d’un délégué, assisté par un adjoint, un trésorier, un secrétaire ainsi que quelques membres conseillers. Il s’avère important de dresser une liste de quelques délégués des sous-sections actives lors de l’insurrection de 1947 dans le gouvernement de Sabotsy- Anjiro, repris au tableau n°5.

. Tableau 5: Liste de quelques délégués des sous-sections de MDRM dans le gouvernement de Sabotsy-Anjiro

Quartier ou Village Noms Origine Catégorie Sociale Ethnique Mandialaza RAZANADRABE Bezanozano Cultivateur

Belavabary RANDRIAMANANA Merina Cultivateur

Sabotsy RAMAHADY

Ambodinifody RANDRIANARISON Merina Cultivateur

Maroapombo RATSIMISARAKA Bezanazano Cultivateur

Fiadanana(Beparasy) RABETRENA Bezanozano Cultivateur

Ambohitrampanga RALAIHASY Jérôme Bezanozano Cultivateur

Source: Auteur (Reconstitution à partir des données des archives série D.569 à D.895, recoupés par des témoignages oculaires à Moramanga).

89 Voir Monographie de RAKOTONDRAINIBE Victorien en annexe

35

Ce tableau permet de constater que ces délégués étaient en majorité des cultivateurs Bezanozano, à l’exclusion de quelques délégués dans le canton de Sabotsy-Anjiro.

Il est utile de remarquer que certains délégués n’y figurent pas car ils ne tiennent pas un rôle important dans cette insurrection.

Ce fut le cas du délégué de sous-section d’Ambohidronono: «un cultivateur merina, nommé RAMBOASALAMA»90, du fait de son caractère pacifique. Pour le bon fonctionnement de cette organisation, ces délégués étaient choyés parmi les originaires de la région. C’est un point fort, certes, mais il y avait des limites. Puisque l’adhésion au parti semble être déterminée par un critère: «le statut»91 et le Président de section voulait y marquer ses empreintes personnelles.

Dans le canton de Mandialaza: son «origine ethnique»92 ou l’oppression coloniale qui pouvait expliquer l’attitude de RAZAFINDRABE Victorien, étant donné que «sa préférence allait aux «HOVAVAO93», son choix s’était porté sur les villages d’Antorifito, d’Ankoakalava et de Malemibe»94. Cela explique pourquoi ces villageois comptèrent parmi les plus fanatisés de l’insurrection de 1947.

Ce qu’il faut reconnaître c’est que RAZAFY95 était déjà réputé «protecteur du peuple » non seulement contre le monde colonial mais aussi contre les Notables Zafimamy dans les conflits fonciers les opposant à ces villageois. Logiquement, «aucun des traditionnels chefs Zafimamy ne se trouvait à la tête des sous-sections».

Certaines élites locales avaient même choyé une autre voie, celle du PDM (Parti Démocratique Malgache)96.

Il se peut que le temple protestant de MANDIALAZA fût un lieu parmi tant d’autres de propagande des idées nationalistes parce que « le dimanche 19 janvier 1947, l’office fut réservé aux seuls croyants âgés de plus de seize ans ». Cela laisse prévoir une attitude positive des certains pasteurs face à l’insurrection de 1947. La lettre confidentielle de la société des missions évangéliques de Paris (102, Bd, Arago, Paris XIVe) pour le Foreign office et la LMS après l’insurrection semble la confirmer, car on peut lire: «… Moramanga relève de la LMS mais depuis un certain nombre d’années, elle n’a pas pu être suivie de près par vos

90 Témoignages des habitants d’Ambohidronono actifs lors de cette insurrection corroborés par les dépositions de témoins dans les Archives Nationales 91 RAZAFIMBELO C. in « Alliances et Conflits » 92 Dans sa biographie, tirée de J. TRONCHON, RAZAFINDRABE Victorien était issue de la caste « mainty » 93 Selon Razafimbelo C. in « Alliances et Conflits » ; 94 A. N. série D.881 95 Appellation de RAZAFINDRABE Victorien dans sa biographie 96 Le P.D.M. était fondé par le Pasteur RAVELOJAONA au début de l’année 1946. Ce parti représentait la tradition du nationalisme « Vieux Hova », protestante et socialement conservatrice, très opposé au communisme. Le P.D.M. était connu à Mandialaza grace au cabinet médical du Docteur RASAMOELY Lala, animateur du parti après le journaliste Gabriel RAZAFINTSALAMA 36 missionnaires à cause de leur petit nombre. Cela explique qu’il y ait eu des défaillances politiques … L’un des chefs de la rébellion est un ancien pasteur … Il a entraîné … son ancienne église dans la dissidence, étant lui-même un agitateur politique»97.

Désormais, l’influence du PDM était très limitée dans le gouvernement de Sabotsy- Anjiro.

Au début de l’année 1947, RAZAFINDRABE Victorien était aussi très actif dans le canton de Beparasy même si son attitude a été déjà objet de contestation de ses amis à cause du caractère conservateur de ces derniers.

La lettre du 04 Août 1946 atteste cette contestation où il a été écrit« … Voici la personne envoyée par la parti que vous cherchez afin que vous aidiez ceux qui commandent dans le canton de Beparasy. Ils se sont sauvés car ils ne sont pas aimés par tous les comités qui les rejettent, pour la raison que ce sont tous des anciens esclaves qui étaient normalement sous leurs ordres. Les comités refusent de leur obéir. Il faut que ce soit des enfants du pays qui commandent dans le canton de Beparasy …»98.

Si dans les cantons de Mandialaza et de Beparasy, l’adhésion au parti a été déterminée par le critère ethnique, RAZAFIMBELO a même parlé d’«UNE AFFAIRE DE CLAN», il n’en est pas de même pour le canton de Sabotsy-Anjiro puisque les sous-sections englobèrent toutes catégories sociales, sans discrimination. Cela s’explique par la présence massive des nouveaux migrants merina dans cette contrée, d’autant que l’extension du parti se fit par la volonté d’un petit groupe99 Ce petit groupe avait même bénéficié l’adhésion de plusieurs gens du chef lieu du canton de Mandialaza et ses alentours ainsi que celui du canton de Sabotsy-Anjiro, par exemple: RANDRIAMANANTENA, médecin libre à Anjiro, Charles Ramananjanahary et Rafilipo, commerçants.

Il faut dire que l’ «influence de RAZAFINDRABE n’en resta pas moins dans ce canton, surtout dans le sud».

Pour être membre du MDRM, un rituel inspiré des rituels de Tsitsika et Velirano de la monarchie, doit être effectué: «Il s’agit de boire de l’eau dans laquelle a trempé de l’or et de la terre»100 et «prêter serment de ne jamais trahir au nom du village ou du quartier dans lequel s’est déroulée la cérémonie»101 avant de payer la «cotisation» et de s’inscrire sur le registre. Selon la disposition de témoin de RABEMASO: «chaque adhérant doit verser une cotisation de 55 Francs pour les hommes, 25 Francs pour les femmes et 20 Francs pour chacun des

97 RANDRIANJA, « Aux origines du M.D.R.M. », p.11 : Archives du Council of World Mission : Carteret Street, London 98 A.N. série D.887-ch 887.2. Folio N°003- Pièces N°2 : Document saisi à Maroapombo le 1er Aout 1947. Communiqué de RABETRENA et ses compagnons de Fiadanana, , Mandrofafana, Moraarano, Ambalahorana ( canton de Beparasy) 99 : A.N. série D.873.1.2 ? ch :MDRM- FOLIO N°112 à126 du03 Septembre1947 constatant l’audition du nommé RAVELOMANANTSOA Charles, domicilié à Ampitatafika, canton de Sabotsy-AnjiroIl s’agit de la nommée RAMANANTENASOA, secondée par RAZAFIMAHATRATRA, planteur d’Ambohitsitompo, canton de Sabotsy-Anjiro 100 A.N. série D.875-ch 875.5.2- Folio N°9-11.Interrogation de Ralaizara Jean de Dieu et d’Albert. 101 Il faut noter la similitude entre ce rituel et celui qu’avait fait les fondateurs du parti avec le fameux serment de la Montagne Sainte Geneviève. 37 enfants»102. Or «SPACENSKY trouve que cette somme est de 20 Francs C.F.A pour tous les membres103». Les témoignages de RAKOTO André d’Ambodinifody et de RASOLO de Beraketa rejoint ce dernier. Est-ce que RABEMASO avait déposé de faux témoignages parce qu’il faut noter qu’après lecture de sa déposition, son engagement dans l’insurrection ne se fit pas de plein gré, ou bien est-ce que c’est le chef de section qui l’avait décidé à sa guise?

Il est à remarquer que «ces incessants appels de fonds lancés par les chefs du parti l’éloignent de ses membres».

Dans le gouvernement de Sabotsy-Anjiro, les réseaux de parenté et d’alliance ont été utilisés pour asseoir le parti sur des bases solides mais aussi pour renforcer la solidarité qui fonde la cohésion du groupe.

Les obstacles cités plus hauts n’empêchent pas en effet le MDRM de s’enraciner au sein de la masse indigène spoliée et oppressée où ce parti avait été connu comme « le fer de lance » du patriotisme du monde rural.

B – LE MDRM: UN «FER DE LANCE» DU PATRIOTISME DU MONDE RURAL

L’avant 29 Mars 1947 a été dominé par la campagne de propagande dans cette partie de l’Ankay. Chaque mise en place d’une sous-section ou chaque élection est une occasion pour le chef de section ou des propagandistes de tenir un discours ou de faire une propagande en faveur du parti et de stimuler la prise de conscience de cette masse spoliée et oppressée de lutter contre l’arbitraire ainsi que d’exalter leur sentiment patriotique.

La lecture des archives série D.869 à D.895 permet de tirer quelques contenus des lettres concernant ces propagandes. La lettre du 20 Novembre 1946 des propagandistes: «RAVELOMANANTSOA Jérôme et RANAIVOSON Jules104» adressée à Monsieur le Procureur Général parle de leur propagande en faveur du parti. Le contenu de cette lettre est le suivant: o Lecture et explications du discours de député RAVOAHANGY prononcé le 28 Août 1946 à Antanimena (Tananarive). o Lecture et explications du but, des statuts du parti politique (MDRM) fondé officiellement à Paris le 11 Février 1946 par les deux députés.

102 A.N. série D.879-ch : Dépositions de témoins : Tamatave- Tuléar- s/ch : Moramanga-Folio N°23 .PV N° 5 du 2 Avril 1947 du nommé RABEMASO d’Ambohimanatrika (canton d’Anjiro) 103 SPACENSKY, « Cinquante ans de vie politique à Madagascar, de Ralaimongo à Tsiranana-p.49. 104 Série D.887,2-ch 887.2.1. Folio n°5-6. Il est à noter que RAVELOMANANTSOA Jérôme, époux de RAVELOMANANTSOA Henriette (née RANAIVO) était le gendre de RANAIVO Jules, conseiller de la République et du MDRM. Ils étaient des émissaires venus de Tananarive pour faire une propagande nationaliste à Anosibe an’Ala.Ils étaient détenus politiques dans la prison civile de Moramanga où ils avaient écrit cette lettre. 38

o Explications aux Betsimisaraka que le parti n’est ni anti-français, ni anti-administratif. Ils les avaient même incités à régler tout ce qui concerne l’impôt … o Recommandations de ne pas faire le « TAVY » … La déclaration de RAZAFINDRASOARY Augustine soutient cette lettre. Elle a dit que: «… tout le monde pensait que le parti MDRM n’avait qu’un but louable, tendant à amener les Malgaches à s’entraider et à travailler sous la conduite du gouvernement français …»105. RABAKOMANGA Bernard les a rejoint en disant dans sa déposition que:

« Le MDRM ne poursuivait pas une action séparatiste et qu’il s’attachait à la France … Le MDRM était légalement constitué et avoir son siège à Paris …»106. Il convient de remarquer que les mêmes thèses et les mêmes arguments étaient employés dans la circonscription autonome d’ dont fait partie le gouvernement de Sabotsy- Anjiro.

Cependant, dans une «lettre confidentielle (N° 32 CF/MP) du 3 avril 1948 de l’officier du Ministère Public, près le tribunal Public à compétence Etendue d’Ambatondrazaka, à Monsieur le procureur Général (Tananarive)»107, il interprète les propagandes nationalistes comme des manœuvres anti-françaises car il a rapporté dans cette lettre que «ceux qui n’entrent pas dans le parti MDRM seront chassés avec les Européens. L’administration malgache viendra, les pouvoirs seront aux Malgaches. Les vazaha seront chassés car Madagascar n’est pas à eux. Nous chasserons les vazaha lorsque nous aurons l’indépendance. Il ne faut plus travailler chez les vazaha. L’administration française fait trop souffrir les Malgaches. «C’est aux Malgaches de demander à la place des Français»108.

Nous sommes donc en présence de deux contenus contradictoires. La distinction s’explique par le fait que les auteurs de ces lettres se placent sur des positions fort opposées. L’un à l’image des propagandistes, représentant du monde colonisé et objet d’une poursuite judiciaire, avait tout fait pour «sauver sa peau» et l’autre, en position de poursuivre, dévoué au monde colonialiste sclérosé, qui ne cherche qu’à défendre leur propre intérêt et au «maintien du statuquo» avait utilisé des procédés méthodiques, discrets et adroits. Ils

105 Série D.874 – ch : 874. 1.3.2 –s/ch : 1947-48. RAZAFINDRASOARY Augustine (veuve Ratsimanohatra) était la sœur de RAVELOMANANTSOA Jérome. Elle était la présidente de la section féminine du MDRM à Moramanga 106 Série D 879, Folio N°14 du 03 Avril1947 : Témoignage du simple membre du MDRM, RABAKOMANGA Bernard, notable, cultivateur à Moramanga ; 107 Série D. 879- Ch :887.2.1. S /CH 887.2.1. Folio N°69. Objet de cette lettre : compte rendu des faits et circonstances qui ont provoqué la poursuite contre Rakotonirina EdMOND, un conseiller provincial de Tamatave. L’auteur se plaigne dans cette lettre qu’ « un des chefs dangereux du MDRM s’est acquité et remis en liberté malgré la gravité de ses actes qu’il rapporte plus haut ». Le même contenu de propagande est à signaler dans série D.877, Folio N°003, dans la « Liste des personnalités locales détenues à la prison civile d’ Ambatondrazaka et les faits qui leurs sont inculpés . Ils ne sont autres que les autres conseillers provinciaux : RASAMOELINA dit « Lala »et RAKOTOMALALA Georges mais cette fois leur liberté n’a pas été accordée 108 Interprétation des propagandes nationalistes tirée dans les « Instructions de Monsieur MOUTET, Ministre de la France d’ Outre- Mer au Haut commissaire de COPPET du 30 septembre 1946. 39 interprétèrent, à cet effet, les propagandes nationalistes à «leur manière» dans « les compte- rendus des faits et circonstances»109. Bien que taillés de pures inventions, les contenus de ces lettres relatent les faits suivant: «les principaux thèmes des propagandes nationalistes tournent autour de l’ «INDEPENDANCE», des dénonciations des méfaits de la colonisation et une véritable conscientisation de leurs droits et leurs devoirs». Mais, pour ne pas attirer l’attention de l’Administration et pour gagner la confiance du peuple, les propagandistes avaient défini la forme de cette «INDEPENDANCE»110 à l’image des députés et leur loyalisme envers la France. Pourtant, certains propagandistes voulaient «une indépendance totale de Madagascar»111 et l’ «UNION» de tous les Malgaches doit être scellée pour l’acquérir, puisqu’ils avaient promis l’arrivée d’une administration malgache, laissant ainsi espérer une fin proche de la colonisation.

Quoi qu’il en soit, une propagande reste une propagande, n’est faite que des promesses qui savent répondre à l’aspiration de chaque couche sociale. Ces propagandes, savamment orchestrées, avaient un écho favorable non seulement dans le District mais aussi et surtout dans la province de Tamatave.

Le MDRM avait remporté une nette victoire lors de l’élection des conseillers provinciaux du 12 janvier 1947 (18/18) parmi lesquels on peut citer les figures ci-après «RAZAFINDRABE Victorien, RASAMOELINA dit «Lala» (Secrétaire MDRM d’), RAKOTONIRINA Edmond, RAKOTOMALALA Georges et RAMBELOSON»112.

Le progrès du MDRM fait peur à son plus haut niveau les colons et surtout l’administration locale qui cherchent à l’ «abattre par tous les moyens»113. Elle avait donc intimidé, voire démantelé tous ses membres; comme partout à Madagascar, répression militaire, arrestations illégales, condamnations arbitraires, c'est-à-dire sans preuves tangibles et même persécution s’abattent sur eux

Le simple fait de ne pas plaire à un fonctionnaire était paisible d’un emprisonnement et le fait qui leur était inculpé fut: «outrages envers des fonctionnaires». Ce fut le cas, par exemple, de «LENAZA, de RAJAOFETRA Pierre et de RAJAONARIVELO»114.

«L’arrestation illégale, la détention à la prison civile de Moramanga des propagandistes comme RAVELOMANANTSOA Jérôme et son épouse Henriette ainsi que

109 Série D.887.2- ch.887.2.1 Folio n°39. Lettre confidentielle du 18 décembre 1946 de Monsieur l’ Officier du Ministère Public de Moramanga, MARIE .Dans cette lettre, il a été écrit « …Il faut anéantir méthodiquement le parti MDRM par tous les moyens en procédant discrètement et adroitement … ».Le même contenu se trouve aussi dans la lettre confidentielle N°32 MP/CF du 3 Avril 1948. 110 Se référer aux objectifs du parti. 111 Nous verrons plus tard que quelques conseillers provinciaux, ou plus précisément certains leaders MDRM, avaient choyé une autre voie que celle d’une voie légale définie dans le statut du parti. 112 Série D.879- D.887.2 113 Instructions du Monsieur MARIUS MOUTET, Ministre de la F.O.M. au Haut commissaire de COPPET 114 D.887.2-ch .887.2.1.-s/ch 887.2.1.1. Folio N°56-57 ; 40 les membres de la section MDRM d’Anosibe an’Ala, soit environ trois cents cinquante (350) Betsimisaraka115» furent les preuves concrètes de cette intimidation.

Le fait le plus lourd de conséquence fut l’exécution des quatre principaux auteurs de cette propagande nationaliste, les nommés: «RAVELOMANTSOA Jérôme, RANAIVOSON, RAJAOFETRA et RALAVA»116. La promulgation de la « liberté d’association 117» en inculpant leurs actes de «porter atteinte à l’intégrité du territoire national et d’organiser la résistance aux lois118».

Cette condamnation arbitraire attisait le mécontentement des autres membres du parti, d’autant plus que les chefs savaient s’y prendre dans l’excitation de leurs sentiments indépendantistes. Il était facile par la suite de les pousser au soulèvement qui ne s’éclata sans l’appui des sociétés secrètes.

C- LA DUALITE MDRM – SOCIETES SECRETES DANS LE GOUVERNEMENT DE SABOTSY-ANJIRO

Selon RAMANANTSOA R.B.: «C’est à l’époque des souffrances populaires les plus amères que l’organisation secrète «JINY»119 s’est formée120. Il semble que cela soit le cas pour Moramanga. Ce district, dont fait ressort le gouvernement de Sabotsy-Anjiro vivait des conséquences néfastes des réformes socio-économiques, la période sombre de l’Indigénat et plongeait dans une atmosphère de révolte quand cette organisation secrète avait fait son irruption. D’après les «dépositions de témoins de RAPARIVO, de RAZAFIMAHANDRY et de RAJAONA dit Rommel»121, la JINY fut créée au courant du mois de mars122 et bénéficiait l’adhésion des membres organisateurs de la section MDRM de Moramanga.

Il s’avère indispensable de remarquer la rupture au sein du MDRM, notamment entre la «strate supérieure»123 et les militants de base124. Ces militants de base menèrent donc la lutte de son côté. Ce fut le cas de RAZAFINDRABE Victorien. Celui-ci avait même décidé

115 Série D.887, ch 887.2.1.1.Folio n°30-31. Liste des membres du MDRM arretés. 116 Ibid. Folio N°56-57 : Information suivie contre RAVELOMANANTSOA et consorts. 117 Décret du 13 Mars 1946 (J.O.20 Avril 1946) 118 Ibid. Lettre confidentielle N°528 RC du 18 décembre 1948 de Monsieur l’ Officier du Ministère Public de Moramanga, MARIE. 119 La dénomination de cette société secrète a été tirée du sigle de Jeunesse Nationaliste et qui vient du nom d’un oiseau nuisible rencontré dans le sud-est de Madagascar…in RAKOTOMALALA Joelson. 120 RAMANANTSOA RAMARCEL B. in « Les sociétés secrètes à Madagascar dans la première moitié du XXème siècle,JINY (1944-1947), en annexe, p.422. 121 Série D.887.1.Documents. Procédure suivie contre RAVELONAHINA Edmond, Folio N°002-014-015. 122 Série D.887.1 « Dépositions de témoins de RAPARIVO Gaston, de RAZAFIMAHANDRY et de RAJAONA dit « ROMMEL » : cette société a été créée sous l’ initiative du docteur RABENOROSOA, après sa rencontre avec RAKOTONDRABE de passage à Moramanga à son retour de Tamatave. RABENOROSOA, médecin de l’ AMI, était le neveu d’Edmond RAVELONAHINA , membre fondateur de cette société avec RAKOTONDRABE Samuel. Et il semble qu’il avait lui-meme recruté RAZAFINDRABE Victorien.Il avait aussi envoyé RANAIVO Albert pour faire la propagande en faveur de cette organisation. 123 Terme utilisé par RANJIANJA pour designer surtout les députés. Ces derniers préconisèrent une indépendance par voie légale, autrement dit « Madagascar, Etat libre au sein de l’Union Française », in « Aux origines du MDRM ». Colloque AFASPA, p.75. 124 Terme utilisé pour désigner les présidents des sections MDRM.. 41 de ne pas assister à la réunion du Conseil Provincial, tenu à Tamatave le 24 Mars 1947, où il fut le seul absent et c’est à ce stade de rupture que les «sociétés secrètes»125 avaient entré en jeu. Et l’on peut risquer le rapprochement entre les aspirations de ces militants de base et le principe des sociétés secrètes qui se résume comme suit: «… c’est par les fusils et les canons qu’on a perdu l’Indépendance, c’est par la force, le courage, l’union et si nécessaire … c’est par le sang qu’elle reviendra …»126.

Ces dernières avaient travaillé les militants de base plus proche des paysans, vivant la réalité quotidienne avec eux et qui connaissaient parfaitement leurs problèmes, leurs besoins ainsi que leurs aspirations afin qu’ils les mobilisèrent par la suite. Ils utilisèrent les arguments suivants: «les paysans ne pourront jamais mettre un terme à leur souffrance, à leur misère, à toutes formes d’abus et d’oppression, c'est-à-dire à cet esclavage, s’ils ne sont pas décidés à lutter avec les armes (fusil ou sagaies) à la main et s’ils ne sont pas prêts à verser leur sang … les colonialistes ne quittent jamais de bon gré Madagascar, il faut les chasser»127.

Ils considèrent à cet effet que cette lutte de libération est une «lutte juste», une «véritable guerre sainte»128, un «devoir envers la commune Patrie». Les habitants du gouvernement de Sabotsy-Anjiro trouvent par conséquent un bon motif de s’unir et de former l’essence même du 29 Mars 1947. En fait, si l’on ne peut affirmer que le développement du MDRM dans cette région a connu une accélération grâce au concours des sociétés sécrètes, étant donné que la preuve, permettant de soutenir la thèse que RAZAFINDRABE Victorien restait lié à ces dernières comme l’a avancé RANDRIANJA: «… Il reste indéniable que de très hauts responsables de ces dernières, les sociétés secrètes avaient aussi adhéré au MOUVEMENT sans toutefois renier leur engagement premier. L’on peut citer les cas des «généralismes» RAZAFINDRABE Victorien, Michel RADAOROSON …»129 est mince, vu la difficulté de suivre la trajectoire qu’avait emprunté ce personnage.

Il est difficile par contre de nier le fait que les sociétés secrètes s’intègrent dans le MDRM et elles ont poussé ses membres, en particulier les chefs au soulèvement. Ce fait mérite d’être développé mais il est préférable de l’étudier dans la rubrique concernant l’insurrection et d’aborder tout d’abord le rôle joué par les anciens combattants sans l’aide de qui cette insurrection ne fut réalisée.

125 Il s’agit de la fusion des deux sociétés secrètes : JINY et PANAMA. 126 Série D.881 : Documents saisis au domicile de RAHARINOSY. 127 Témoignage de RAZANAJATOVO André d’Ambodinifody, un témoignage oculaire qui participe à l’organisation de cette insurrection, corroboré dans les dépositions de témoins série D.887. 128 29 Mars 1947 : Provocation ou lutte de libération nationale par RAJERISON Maurice, p.75-76. 129RANDRIANJA, in « Aux origines du MDRM » 42

IV – LES ANCIENS COMBATTANTS : 3ème FORCE DU MOUVEMENT NATIONALISTE

Comme les autres colonies françaises, Madagascar avait participé au second conflit mondial tant sur le plan économique que sur le plan humain.

Et pour ce, 34 000 Malgaches étaient en France en 1940 pour défendre la «mère – patrie» en guise de quoi elle avait promis la naturalisation. La guerre terminée, qu’est-ce qu’ils avaient en échange? Est-ce que la Métropole avait tenu sa promesse. Si non, quelles furent leurs réactions car en notait-il qu’ils ne furent pas rapatriés qu’en 1946, peu de temps avant le mouvement nationaliste de 1947.

Quel rôle avaient-ils joué dans ce mouvement? Quels sont les motifs qui les avaient poussés à agir de telle manière?

A- LEURS MOTIVATIONS:

En effet, à l’issue de la guerre, les soldats malgaches ainsi que les «volontaires», ayant combattus en France pour défendre la «mère-Patrie», étaient déçus car la réalité ne fut pas celle qu’ils espéraient.

La France avait rendu hommage à leur courage, l’administration métropolitaine, à leur dévouement, certes, mais n’avait pas tenu sa promesse: la « naturalisation».

Ainsi, une fois arrivée à Madagascar, ils avaient mené une action revendicatrice car ils se prélevaient la «dette de sang». Etant donné qu’ils étaient conscients de leur force puisqu’ils avaient reçu des bagages, c'est-à-dire une expérience à manier les armes lors de leur formation, même hâtive ou lors de leur emprisonnement dans la zone dite «libre».

D’autant qu’à cause de la lenteur de leurs rapatriements, le prolongement de leur séjour en Europe les a influencé.

Effectivement, en attendant leur démobilisation ils vont rejoindre les «détachements des travailleurs»130 où ils vécurent une autre réalité: humiliations et vexations mais aussi instructions. De plus, la promesse de retour toujours reportée les a frustrés par peur de mourir loin du «Tanindrazana» et de n’être reposés au tombeau familial auprès des ancêtres. Durant cette période, ils furent aussi dépouillés de leur effet militaire.

130 A.N. Série D.887- ch : D.887.2 –Folio N°265-266-267 :Interrogatoire de RAKOTO Georges, 49 ans(1948), demeurant à Ambodirano ( gouvernement de Sabotsy-Anjiro) : témoignage d’ un ancien combattant, ex- adjudant de réserve au 223°RAL, prisonnier le 13 juin 1940 à Chalons- sur- Marne, libéré le 30 juin 1941 à Nancy, rapatrié à Madagascar en 1946 sur le paquebot « Ile de France » avec d’ autres anciens combattants repartis dans toute l’Ile 43

En conséquence, l‘élan de leur sympathie pour la France avait changé en rancœur qui n’attendait qu’une étincelle pour s’exploser.

Le fait le plus lourd de conséquences, c’est qu’une fois rentré dans le pays en 1946 ils ne furent pas accueillis comme ils les méritèrent parce que «l’Administration locale, inquiète et méfiante leur demande avant tout de rentrer dans le rang». J. TIERSONNIER avait remarqué sur ce fait: «… rentré au village plus d’un rapatrié va enregistrer avec dépit une sorte de méfiance de la part des autorités administratives, parfois même des propos vexatoires. Fini donc l’espoir d’une cohabitation comparable à celle vécue là-bas, dans cette France dont il a partagé les souffrances, après la défaite, puis l’enthousiasme à la libération ! Décidément, les choses ne seront plus comme avant»131.

Ainsi, leur haine atteint son paroxysme. Ne serait-il évident qu’ils vont se tourner contre la France?

En outre, la diffusion des idées nationalistes se fait ainsi par le «contact direct de ces militaires malgaches avec les autres soldats indigènes comme les Indochinois». De ce fait, conversations et réflexions sur le sort de leur propre pays ainsi que la remise en cause du régime colonial furent à la base de leur fréquentation.

Par ailleurs, des «évènements qui se succédèrent132» avaient mis fin au «mythe de l’invincibilité de la France » et avait réduit «sa prestige».

Ces évènements étaient sentis par ces derniers, et même ressentis à Madagascar par leur présence car d’après eux, il a été dit: «cette France qui s’est fait battre, elle était donc plus faible et moins généreux qu’on le disait, et d’ailleurs si peu unie. Nous, vrais amis ne se trouvent-ils pas hors de la France, ou de moins à l’extrême gauche du peuple français? «Ainsi, cette situation avait changé totalement l’image de la France puisqu’ils étaient conscient du fait que «la France n’est pas aussi puissante qu’elle voulait le faire croire».

Leur sentiment patriotique avait été aussi stimulé par le discours des leaders nationalistes car à leur départ pour Madagascar lors d’une cérémonie d’adieu, le député nationaliste RAVOAHANGY déclare: «Vous avez réalisé de grandes choses en France mais de plus grandes choses encore vous attendent à Madagascar et nous comptons sur vous, vous êtes la défense de l’Ile «Tandroky ny Nosy»133.

131 In Jacques TIERSONNIER, « Au cœur de l’Ile Rouge, Cinquante ans de vie politique à Madagascar », Tananarive, Editions Ambozontany, 1991. 132 D’abord la défaite de la France face aux Allemands où l’armistice fut signé en 1940, ensuite la défaite de la France face aux Anglais et le débarquement britannique à Madagascar en 1942, enfin la division de la France en deux camps la France libre avec le Général de Gaulle et la France vichyste avec Pétain. 133 A.N. série D.887 44

L’Administration coloniale trouve ainsi dans ce discours une bonne occasion pour taxer ces leaders nationalistes d’être les premiers responsables d’agitations et de manœuvres anti-françaises. D’autant plus qu’un autre leader nationaliste avait reçu ces Anciens combattants lors de leur débarquement à Tamatave. Il paraît qu’il leur avait dit de les grouper pour commencer la lutte contre les Français. Il avait pris les noms de tous les gradés et les avaient déclaré qu’ils seraient les chefs de la future armée d’indépendance.

B- ANCIENS COMBATTANTS: «CHEFS FUTURS DE L’ARMEE DE L’INDEPENDANCE»

En effet, les engagés volontaires ainsi que les soldats malgaches ayant combattu en France avaient acquis des expériences. Ils étaient mécontents de leur vécu lors d’un séjour prolongé en Europe et influencés aussi bien par leur contact direct avec d’autres soldats «indigènes que par les préparations morales des leaders nationalistes».

Rapatrié, ils avaient pris conscience non seulement de leur force mais aussi de la faiblesse de la France qui voulait ignorer l’importance de ces militaires courageux et dévoués. Ainsi, ne serait-il pas temps de secouer l’ordre colonial français?

Pourquoi ne pas lutter pour la libération de leur propre pays?

Effectivement, c’est avec fierté qu’ils acceptèrent le rôle qu’on leur assigne dans la lutte pour la libération de leur propre pays et pour reconquérir l’indépendance et la dignité nationale. Même si ces militaires rapatriés furent peu nombreux dans le district de Moramanga, c'est-à-dire leur effectif n’atteint que 49 à la veille de l’insurrection, ils étaient conviés par RAVELOMANANTSOA, du moins d’après les dispositions de témoins, pour encadrer et entraîner les jeunes gens des villages voisins à se battre. Ils se réunissent deux fois par semaine, armés parfois de fusils de bois car en attendant il fallait utiliser les hachettes et les sagaies. Ce groupe de 40 hommes qui atteint par la suite le chiffre de 450 fut à l’origine de la création d’une milice dite: «Miaramila RAVOAHANGY»134 (armée RAVOAHANGY). Il leur avait été donné des consignes qu’il fallait être toujours prêt. Cependant, le rôle de ces militaires rapatriés ne se limita pas à encadrer et à entraîner cette milice. Les instigateurs de mouvement leur incombe aussi la charge d’organiser militairement l’insurrection.

134 Série D. 879- D.887.2.1 : charges contre les chefs MDRM DEUXIEME PARTIE:

LE «29 MARS 1947» ET LES PRINCIPALES ETAPES DE L’INSURRECTION DANS LE GOUVERNEMENT DE SABOTSY- ANJIRO 46

En effet, ces paysans spoliés et oppressés, ayant un niveau de vie très basse marquée par la paupérisation, mobilisés et dirigés par un chef nationaliste: RAZAFINDRABE Victorien, encadrés par les anciens combattants s’engageaient et formaient le noyau du «29 mars 1947»: point de départ d’une insurrection qui va prolonger et va «durer dix-huit mois»135 ayant pour but: reconquérir l’indépendance de Madagascar afin de restaurer la souveraineté nationale. «Cette insurrection se développe et présente ainsi trois phases bien distinctes: en progression constante du 29 mars au 14 juillet 1947, pendant laquelle les «troupes malgaches» formées essentiellement par les habitants du gouvernement de Sabotsy-Anjiro menèrent des actions offensives, elle présente ensuite une période de stagnation qui s’étend jusqu’au 1er août, pour se décroître après cette date»136. Les offensives menées par ces indigènes du gouvernement de Sabotsy-Anjiro, rapportées aux moyens dont ces derniers disposent, constituent un élément décisif permettant de mesurer l’ampleur de cette insurrection et suscitent notre intérêt ci-après.

I- LA PREPARATION DU 29 MARS 1947 DANS LE GOUVERNEMENT DE SABOTSY-ANJIRO

Depuis le 29 mars 1947: début de l’insurrection dans le district de Moramanga, jusqu’au 14 juillet 1947: date pendant laquelle RAZAFINDRABE Victorien et son équipe organisèrent un «défilé137» en vue de célébrer leur succès, les «troupes malgaches138», constituées essentiellement par les habitants du gouvernement de Sabotsy-Anjiro ne cessent pas de mener des attaques de grandes envergures suivies de quelques petits assauts dans le District, tandis que les «troupes coloniales» mènent des actions défensives. La date du 29 mars1947 dans le district de Moramanga s’inscrit dans le cadre d’un mouvement généralisé dans tout Madagascar. Ce mouvement généralisé donne l’impression d’être longtemps étudié et préparé en coulisses. Ce travail grandiose nécessite donc aussi bien du «cerveau» que d’expériences. Cela laisse supposer que c’est une œuvre des élites nationalistes et des militaires.

En est-il ainsi? Comment les habitants du gouvernement de Sabotsy-Anjiro, avaient-ils vécu cette période Comment les préparatifs de ce mouvement se sont-ils déroulés dans cette partie de l’Ankay?

135 Nous avons adopté ici comme point de repères : la date du « 29 mars 1947 » : début de l’insurrection et la date du « 1er septembre 1948 » : date de la capture de RAZAFINDRABE Victorien. 136 Après l’ analyse des données informelles, l’évolution de l’insurrection dans le gouvernement de Sabotsy- Anjiro, district de Moramanga correspond aux différentes phases de développement de cette insurrection présentées par RAMANANTSOA R.B., p.386 137 In Journal « ISAN’ANDRO » du 20 Aout 1947- N°1478. 138 Terme utilisé par RAMANANTSOA pour désigner les insurgés. 47

A- PHASE «PREPARATIFS» DU 29 MARS 1947 DANS LE GOUVERNEMENT DE SABOTSY-ANJIRO

Actuellement, le problème ne semble plus se reposer sur la question: «Qui sont les instigateurs de ce mouvement dans le gouvernement de Sabotsy-Anjiro, district de Moramanga?», mais plutôt «Quand ce mouvement a été exactement fomenté dans cette partie de l’Ankay?» Il en est de même l’organisation du commandement et des troupes de forces malgaches sur laquelle plane tant de confusions. Les réponses à ces questions forment notre analyse suivante.

1- Les instigateurs du «29 mars 1947» dans le gouvernement de Sabotsy-Anjiro

Une question longtemps restée dans l’ombre semble aujourd’hui apparue au grand jour non seulement pour le cas du gouvernement de Sabotsy-Anjiro mais aussi et surtout pour l’ensemble de Madagascar. Et ce grâce à l’abondance des sources confirmant le fait suivant: l’ «âme» de ce mouvement généralisé ne fait qu’ «UNE» dans tout Madagascar: les sociétés secrètes. D’autant plus que l’Ankay faisait déjà partie de la première cible de ces dernières comme l’a affirmé l’un des chefs d’orchestres lors de sa déposition du 24 septembre 1948: «… Depuis plusieurs années d’ailleurs, l’un des premiers objectifs des sociétés clandestines qui seront bientôt l’âme de conjuration, sera le noyautage systématique des employés du chemin de fer ou de fonctionnaire se trouvant dans les localités desservies par les lignes ferroviaires. Ambila, Sahasinaka, Moramanga sont des points stratégiques sur ce réseau de communication en 1947 et ce n’est sûrement pas un hasard si le soulèvement se rencontre d’abord en ces endroits précis139». Le chef d’orchestre était la figure la plus connue mais aussi la plus controversée de cette «âme de conjuration». En effet, bien que ce dernier avait récusé lors de ses auditions de «10-11-12-13 décembre 1948»140 d’avoir fomenté ce mouvement généralisé, il avait fini par l’accepter et avait dit sans ambages lors de sa conversation avec RAKOTOMALALA Joëlson: «Vous vous trompez à mon sujet … j’ai bel et bien fomenté ce mouvement…141».

RAMANANTSOA note aussi à ce sujet dans son œuvre sur les sociétés secrètes: «Dans le cas de 1947, les sociétés secrètes ont été le principaux «catalyseurs» et ont joué un rôle déterminant dans l’excitation des sentiments indépendantistes et des passions nationalistes. C’était au nom de la structure légale, le MDRM, que l’infrastructure clandestine

139 Rapports du Haut Commissaire de COPPET au Ministère de la France d’Outre- Mer (début d’ avril) sur les dépositions de témoins de RAVELONAHINA Edmond du 24 septembre 1948. 140 D.887.1.- Documents : Procédure suivie contre RAVELONAHINA Edmond : Notes d’audiences du 10 décembre 1948 141 In RAKOTOMALALA Joelson , « Ny zava- miafin’ny 29 mars 1947 », p. 20. 48 avait travaillé la masse populaire et les avait poussés au soulèvement»142. Ce qui fait que cette insurrection a été mise au compte de ce parti, en particulier ses leaders. «Un des chefs d’orchestres avait même taxé RAVOAHANGY d’être le «cerveau» de ce mouvement et avait descendu à Moramanga le 25 mars 1947 pour donner les dernières directives à RAZAFINDRABE Victorien alors que les témoins l’avaient réfuté143». Cependant, il est fort probable qu’un «leader nationaliste a été impliqué dans cette affaire»144.

Une autre version est aussi à remarquer à propos du «cerveau» de ce mouvement: «c’est l’œuvre des anciens combattants et de certains soldats réguliers. Ce mouvement a été de ce fait fomenté au sein du camp TRISTANI (Moramanga).145

Joël Sylvain, un militaire, a donné aussi une certaine précision à ce propos en disant qu’ «… en ce qui concerne la solidarité entre les peuples colonisés, le travail de la JINY au sein de la première Brigade pour l’Extrême-Orient, Brigade des soldats malgaches, marocains, congolais, sénégalais … destinés à combattre en Indochine contre HO CHI MIN a permis de désaffecter un certain nombre de soldats malgaches»146. Cela signifie que l’insurrection a été aussi préparée secrètement dans ce camp par ces soldats malgaches déjà influencés par la JINY. Nous allons constater ultérieurement leur rôle lors de l’attaque contre Moramanga le «29 mars 1947».

Le résultat de ces analyses permet à cet effet d’attester que le «cerveau» de cette insurrection ou plus précisément l’ «âme de conjuration» ne fut pas issue du gouvernement de Sabotsy-Anjiro. RAZAFINDRABE Victorien ne fut que l’exécuteur du mot d’ordre: «soulèvement de tous, partout, à la même heure»147, autrement dit «Mouvement généralisé dans tout Madagascar, prévu pour le 29 mars 1947, vers minuit148» lancé par l’âme de conjuration et reçue par «les émissaires venant de la capitale: Tananarive». Nous revenons sur ce dernier point ultérieurement. L’on se demande s’il respectera ce mot d’ordre. Il est important de savoir avant tout quand ce mouvement a été exactement fomenté dans cette partie de l’Ankay?

142 In RAMANANTSOA R. B. : « Les sociétés secrètes à Madagascar dans la première moitié du XXème siècle, VVS(1913-1915), PANAMA(Parti National Socialiste Malgache)(1941-1947). 143 D.881.1. Procédure suivie contre RAVELONAHINA Edmond . 144 ibid 145 Témoignage des Anciens Combattants de la IIème Guerre Mondiale. 146 Ibid , p.434 (en annexe) 147 J. TRONCHON , « L’insurrection malgache de 1947. Essai d’interprétation historique », Paris, Karthala, 1974/1986 ,p.44 148 Archives SHAT( Service Historique de l’ Armée de Terre) 49

2- Quand le «29 mars 1947» a été exactement fomenté dans le gouvernement de Sabotsy-Anjiro, district de Moramanga ?

Divers points de vue sont à noter à propos de cette question. Il est donc difficile de distinguer les rumeurs de la réalité, les interprétations personnelles des faits exacts.

Pour les colonialiste et pro-colonialistes, en vue toujours de discréditer le MDRM, ils avancent que le «29 mars 1947» a été déjà fomenté de longue date mais qui ne remonte guère au-delà de la création de ce parti en février 1946.

Ils rendaient ainsi les membres du MDRM responsables de cette insurrection en se référant aux thèmes des propagandes nationalistes tenus par ces derniers et qui incitaient la population à se préparer à d’éventuels coups de force. Cette opinion a été vue à travers les rapports émanant de ces derniers.

Dans une lettre anonyme, nous relevons: «… En cette affaire la responsabilité du MDRM est certaine», et l’auteur s’appuie sur les arguments suivants: «… une milice dit «armé RAVOAHANGY» a été créée au cours d’une réunion du 22 septembre 1946 par les propagandistes: RAVELOMANANTSOA et consorts à Anosibe et au cours de laquelle ces derniers avaient incité la population à se préparer à d’éventuelle attaque …»149.

L’inspecteur 1406, commissariat spécial du TCE Moramanga avait aussi rapporté au Juge d’Instruction Militaire, GIRAUX, ces derniers renseignement: «Dans la journée du 28 mars 1947, les personnes ci-après RANDRATAHINA (assesseur), RALAIFOMBOMANANA (Anivorano IV – Ampangabe) – RAINIFARA Laurent (Tsarahonenana – Moramanga) – Jean BOTO (Manjanarivo) – auraient parlé d’une réunion qui aurait tenu en février 1947 et au cours de laquelle ceux du MDRM se seraient promis aide et assistance, en toutes circonstances, facile comme difficile. Tout serait mis en œuvre pour qu’ils aient ce qu’ils ont revendiqué: l’«INDEPENDANCE»150.

Il convient de rappeler que l’officier du Ministère Public (Ambatondrazaka), RATSIMBAZAFY a fait déjà allusion à cette conférence dans «ses comptes rendus des faits et circonstances qui ont provoqué la poursuite engagée contre certains conseillers provinciaux»151.

Il a été donc présumé que c’est au cours de cette conférence tenue au siège du MDRM à Moramanga, en février 1947 que le «29 mars 1947» a été comploté.

149 A.N.- série D.875-5-ch : Renseignements(1947).Folio N°006-007 : Rapport 529-CF/AP du 26 novembre 1947 150 A .N. Série D.879- Dépositions de témoin : Moramanga- Folio N° 25-26 151 CF Volet sur propagandes nationalistes 50

Cette thèse n’est pas totalement rejetée, en ce sens que c’étaient les membres de ce parti qui selon NDRIANDAHY avaient tenu le «flambeau de l’insurrection», sans oublier l’intégration des sociétés secrètes au sein de ce parti et qui constituaient, d’ailleurs, l’ «âme de conjuration».

L’on a même tendance à croire que «quelque chose» a été déjà préparée depuis fin 46 mais en coulisses comme l’a avancé un des chefs les plus actifs152. D’après son témoignage: «la réunion ayant fomenté ce mouvement dans le district de Moramanga dont fait partie le gouvernement de Sabotsy-Anjiro commença vers fin 46».

Des lettres qui circulent entre Maroapombo et Moramanga semblent servir ainsi de preuves. Dans une lettre écrite le 30 janvier 1947 (Maroapombo) adressée au secrétaire du bureau MDRM Moramanga et ses collègues; l’on peut lire: «… Ne changez point de résolution sur quoi que ce soit car d’ici peu vous serez les hommes de votre Patrie …»153.

Elle a été suivie d’une décision en date du 14 mars 1947.

Il a été écrit: o «1) Apporter vie o 2) Délivrer le peuple selon les ordres qui leur seront donnés. Et pour expliquer le traitement (ou l’administration) en usage chez eux. o 3) N’hésitez pas mais décidez-vous quatre désignés …»154

Un enchaînement d’idées est à remarquer dans ces lettres même si la seconde a été écrite après la création de JINA dans le District. S’il est vrai cependant que le «29 mars 1947» a été déjà conjuré vers la fin 46 à Moramanga, cela veut-il dire que RAZAFINDRABE V. restait-il lié secrètement aux sociétés clandestines?

Il y a lieu de signaler une certaine contradiction entre les témoignages de ces chefs de file. RAZAFIMAHANDRY Joseph, lui-même avait contredit son témoignage dans sa déposition du 13 décembre 1948, en disant que: «j’ai entendu parler de la JINA au début du mois de mars par un jeune homme que je l’ai su après, et qui nous a fait prêter serment»155, alors que c’est en ce moment que les membres des sociétés secrètes, fomentèrent le 29 mars 1947 avec quelques chefs MDRM dans le District de Moramanga, y compris le gouvernement de Sabotsy-Anjiro.

Les dépositions de RAZAFINDRABE Victorien, de RAPARIVO Gaston et de RAJAONA di «Rommel» corroborent cette thèse.

152 A . N. D. 870 -1. s/ch 870.1.Il s’agit du témoignage de RAZAFIMAHANDRY Joseph. 153 A.N. D. 875- ch.875.5.Folio N°17.Cette lettre a été écrit par RAZAFINDRABE Victorien et adressée à RANAIVO A. 154 A.N. D.870.1 –s/ch 870.1.1. Il s’agit d’une décision arrêté par RAZAFINDRABE V. et RANAIVO, envoyée à Messieurs RAJAONA, RALIJAONA, RAZAKA, RANAIVO 155 A.N. – série D.881 –ch : 881.1. : Procédure suivie contre RAVELONAHINA Edmond. Folio N°14. 51

Ils avaient déclaré que «c’est au courant du mois de mars qu’ils entendirent parler de la JINA, … et c’est après leur prestation de serment que «l’âme de conjuration» a bien dit qu’il fallait déclencher une guerre pour l’indépendance», elle a parlé d’une aide étrangère mais deux ou trois mois après la rébellion … le 29 mars 1947 serait le jour de la révolte156».

Après avoir examiné la question de différentes manières, les réponses peuvent se résumer comme suit: le «29 mars 1947» n’a été fomenté qu’au courant du mois de mars, leurs propagandes exaltant le sentiment patriotique des habitants du gouvernement de Sabotsy- Anjiro étaient une longue marche de préparation morale vers ce «grand soir»157 selon J. TRONCHON. L’étude du plan minutieusement préétabli donne en plus une impression en définitive que la préparation du «29 mars 1947» se fit de longue date mais en coulisses. Cependant, la date a été précipitée et l’on se demande pour quelles raisons?

Cette précipitation détermine par la suite la mobilisation des éléments engagés.

B- PHASE DE MOBILISATION DES INDIGENES DU GOUVERNEMENT DE SABOTSY-ANJIRO

Il est important ici, d’abord, de remarquer que nous avons eu l’occasion de rencontrer le délégué de sous section du MDRM d’Ambodinifody, le nommé RANDRIANARISON, un des éléments très actifs de cette insurrection, surtout lors de sa préparation, peu de temps avant sa mort. Nous sommes donc ici en présence d’un témoin oculaire et la ressemblance de son témoignage d’époque et celle d’aujourd’hui est très frappante.

En effet, la date du «déclenchement de cette insurrection généralisée a été précipitée. Le «29 mars 1947» n’a été précisé qu’après l’envoi de deux émissaires à Tananarive pour trouver confirmation quelques jours avant son éclatement»158.

«Une mission qui avait failli coûter leur vie à ces émissaires puisqu’ils avaient violé l’article 4 du statut JINY en se rendant directement chez les deux députés: RAVOAHANGY et RABEMANANJARA qui ne furent au courant de l’évènement qui allait se passer et qui pensèrent même que ces bruits étaient faux».

156 Ibid. Folio N°009- 015-016 157 J. TRONCHON, « La nuit la plus longue, du 29 au 30 mars 1947 », in Colloque AFASPA, p.118. 158 A.N. Série D881.- ch.881.1 : Procédure contre RAVELONAHINA E. Folio n°14-15-16 : Dépositions de RAPARIVO Gaston, de RAZAFIMAHANDRY Joseph et de RAJAONA dit « Rommel ». 52

Cela signifie peut-être que certains chefs de section MDRM échappèrent au contrôle de ces leaders nationalistes. L’attitude de RAZAFINDRABE V. semble réellement la prouver.

«Le 29 mars 1947, ce dernier n’avait pas assisté à la réunion du Conseil Provincial qui aura lieu à Tamatave. Il «disparaît» brusquement après une véritable mise en scène organisée minutieusement à l’avance par le bureau politique MDRM de Moramanga»159.

Est-ce par sa propre volonté puisqu’il y fut le seul absent ou est-ce qu’il a été contraint comme bon nombre des engagés?

Sous représailles ou par sa propre volonté, ce qui est certain c’est qu’ils se rendirent, «RAZAFINDRABE V. et son équipe», à leur rendez-vous avec la «délégation JINY»160 le mardi 25 mars 1947, vers sept heures, à environ sept kilomètres de Moramanga, sur la route d’Ambatondrazaka, dans une maison en ruine. Ils reçurent ainsi les dernières directives. Il s’agit du mot d’ordre: «Soulèvement de tous, partout, à la même heure», autrement dit: «attaque générale dans tout Madagascar, le 29 mars 1947, vers minuit». Au cours de cette même journée, il avait avisé le reste de son équipe.

«Dans la matinée, RAZAFINDRABE V. organisa une réunion au siège du MDRM à Moramanga. Tous les membres du bureau, les membres conseillers et quelques membres adhérents assistaient à cette séance161. Lors de cette réunion, il a dit en substance: « … Le jour où notre union doit se manifester est arrivé. Le PADESM devant attaquer le 3 avril, il s’git pour nous de la devancer, nous passerons donc à l’action le samedi 29 mars …». C’est au cours de cette même réunion que les objectifs ont été déterminés. Ils avaient à cet effet visé un double objectif: «objectif stratégique et objectif politique».162

En ce qui concerne l’objectif stratégique, il s’agit de «prendre le camp militaire TRISTANI pour se procurer d’armes et de poursuivre aisément le but, c'est-à- dire:«l’INDEPENDANCE»163.

Il a désigné comme objet politique, «tous les vazaha», c'est-à-dire tous les colons ou administrateurs, y compris les militaires ainsi que les indigènes pro-colonialistes surtout les membres du PADESM»164.

159 A.N. D881 .1 : Procedure suivie contre RAVELONAHINA 160 Ibid Folio n° 014-017 : Cette délégation a été composée de RAVELONAHINA E. et son fils Solofo, de RANAIVO, de RAKOTONDRABE Samuel, de Joel SYLVAIN et une autre personne. 161 Il s’agit des nommés RAZAFINDRABE V.,RAPARIVO G., RAZAKANDRIAMIHAJA , RA NAIVOSON E. ; RANDRIANTSOA, RAZAFIMAHANDRY J., RALIJAONA,RASAMIMANANA, RANDRIATAHINA, RAKOTONIRINA, RANDRIANJOHANY, RAMAROLAHY et quelques autres personnes. Ils étaient en somme une vingtaine. 162 A.N. –Série D.879 –ch : Dépositions de témoins : Tamatave- s/ch : Moramanga. Folio N° 14 : P.V. N° 1 du 8 Avril 1947 à Moramanga : Dépositions du nommé RALIJAONA Florent ,46 ans ,commerçant, demeurant àMoramanga Folio N°20 : P.V. N° 3 du 9 avril 1947 à Moramanga : Déposition du nommé RANDRIANTSOA Joseph , 58 ans, commerçant, demeurant à Moramanga. Folio N°22 : P.V. N°4 du 9 avril 1947 : Déposition de RASAMIMANANA, charpentier, demeurant à Moramanga. Il est à remarquer que ces trois témoins assistèrent à la réunion du 25 mars 1947, tenue au siège du MDRM de Moramnaga. 163 Ibid – Folio N°14 : Déposition de RAJAONA François 164 Ibid 53

Pour que l’attaque soit générale, il faut aussi aviser les délégués de sous-sections et pour les alerter, le Président avait réparti les charges suivantes: o «RAPARIVO Gaston fut désigné pour se rendre dans l’Est et dans l’Ouest. o Le président lui-même se rendant dans une autre direction. o RAZAFIMAHANDRY et RADRIANTAHINA devaient se trouver en permanence dans le siège pour que les délégués, qui devaient y rejoindre d’urgence, prennent des instructions auprès d’eux. o RANDRIANTSOA devait rester en ville pour surveiller la marche des opérations et d’en rendre compte à RAZAFIMAHANDRY»165.

«Le soir de cette journée, le Président de section MDRM de Moramanga, RAZAFINDRABE Victorien s’est rendu à Ambodinifody en automobile avec RAKOTO Georges où une rencontre a eu lieu avec le délégué de sous-section MDRM de ce village, «RANDRIANARISON»166, et quelques membres influents du parti. C’est au cours de cette réunion d’Ambodinifody, sous la présidence de RANDRIANARISON que l’Assemblée répartit les tâches suivantes: o «RANDRIANJOHANY: occupation des voitures o «RAMANITRANDRIANA: collecte des sagaies et des coupes-coupes o «RAZAFINDRABE: gestion des finances167» o «RADOARA Edouard: occupation des minutions et des grenades»

Ce n’est qu’à partir du 26 mars 1947 que RAZAFINDRABE V. avait mobilisé les habitants de deux cantons: Beparasy et Sabotsy-Anjiro en rassemblant au cours de cette journée «à Ambodinifody, les habitants d’Anosibe, Ambodirano, Ankarefo, Ambodimanga, Tsarafasina, , Fatakana, Andranobe et Ankazotokana» et «à Ambohimanatrika, les habitants de ce village et ses environs» (canton de Sabotsy-Anjiro). Il avait fait connaître à ces villageois l’attaque de Moramanga dans la nuit du samedi 29 mars 1947 ainsi que «quelques instructions» sur cette attaque qu’il dirigea lui-même168.

Il les avait ensuite donnés rendez-vous le samedi dans le courant de l’après-midi, au lieu dit «BELAMBAFOTSY» à environ deux heures de marche de Moramanga, dans la forêt.

165 Ibid Folio N° 14-20-22 : Dépositions de RAJAONA- RANDRIANTSOA et de RASAMIMANANA 166 A.N. Série D.870- ch 870.1.1- Folio N°226 et N°685 du 24 septembre 1948 : affaire suivie contre RANDRIANARISON, cultivateur d’Ambodinifody, district de Moramanga, pour avoir contribué à préparer la révolte du 29 mars 1947 en tant que Président de la section MDRM d’ Ambodinifody. 167 A.N. série D 887- ch 887. 2 : Folio N° 265-266-267 : Interrogatoire de RAKOTO Georges, 49 ans, race bezanozano, demeurant à Ambodirano, religion catholique, marié un enfant. Il s’agit ici d’un témoignage d’un ancien combattant (ex- adjudant de réserve au 223° RAL, prisonnier le 13 juin 1940 à Chalons sur Marne), libéré le 30 Juin 1941 à Nancy, rapatrié à Madagascar en 1946 sur le paquebot Ile de France. Sa déposition a été corroborée par ceux de RAZANAJATOVO André (Président des combattants nationalistes dans cete région) et RAKOTO Armand d’Ambodinifody qui parle de la réunion chez « Mama LIZA » .RAZAFINDRAINITELO y fait aussi allusion dans son mémoire de CAPEN. 168 Ibid Folio N°2-3 –P.V. N°5 du 2 avril 1947 interrogatoire de RABEMASO, 26 ans, cultivateur, demeurant à Ambohimanatrika, canton de Sabotsy- Anjiro 54

«Il leur avait enfin recommandé d’apporter des armes (sagaies) et d’emporter des provisions pour deux repas169».

Il est utile de remarquer que le canton de Mandialaza fut le seul canton du gouvernement de Sabotsy-Anjiro non mobilisé par le Président mais qui devait être mis au courant par RAPARIVO G. Est-ce que cela constituera-t-il un obstacle à la mobilisation générale de ce gouvernement à la date et à l’heure prévue pour le déclenchement de l’insurrection?

La suite des évènements nous apprend la réponse.

Désormais, face aux rumeurs de cette attaque, les députés, notamment RAVOAHANGY et RABEMANANJARA ainsi que le bureau politique du MDRM ne restèrent pas bras-croisés. Ils rédigèrent un télégramme lors de la réunion du 27 mars 1947. Ci-joint le contenu: «Prière de diffuser et afficher alerte : ordre impératif donné à toutes sections, à tous les membres MDRM garder calme et sang-froid absolus devant manœuvres et provocations toute nature destinées à susciter troubles sein population malgache et à saboter politique pacifique MDRM – Raseta – Ravoahangy – Rabemanajara et Bureau Politique» 170. A Moramanga, ce télégramme fait l’objet d’une polémie.

Du point de vue militaire, les interprétations se diffèrent car «si le gendarme EVE, Chef de poste de gendarmerie à Moramanga l’interprète comme un mot d’ordre et que les chefs du MDRM se couvrent en lançant ce message, par contre le commandant PERRIER, non convaincu a fait allusion à un dissentiment qui existerait au sein du MDRM et a fait donner traduction de certains articles du Journal «LAKROA» relatifs à la réunion qui venait d’avoir lieu à Tananarive.

Du côté religieux, le Révérend Père DUNAND donne un jugement en définitif à ce sujet. A son avis «… cela voulait dire: passons à l’attaque …», et il a ajouté «…il faudra être naïf pour ne pas comprendre …171». Militaire ou civil, religieux ou non le plus important c’est que le Haut Responsable le sert de preuve lors de la confirmation de l’attaque générale .

169 Ibid. 170 A.N. série D.870 –ch 870.1.5 : Lettre confidentielle N°350 R.C. du 21 avril 1947.Le Procureur Général à Monsieur le Président et Messieurs les membres du Conseil de la République (Paris) 171 J. TRONCHON : « La nuit la plus longue… du 29 au 30 mars 1947 », in colloque AFASPA, p.120. 55

Le vendredi 27 mars 1947: RAZAFINDRABE V. avait fait un «KABARY» (ou discours) sur l’indépendance de Madagascar. Il avait annoncé l’attaque générale pour le 29 mars 1947 à minuit et avait lu un télégramme qui disait la même chose mais en terme conventionnel. Il avait aussi promis que des renforts allaient être envoyés».

«Le télégramme, envoyé par cette déclaration, constituera par la suite une des pièces maîtresses qui consolidera la thèse soutenue par le milieu colonialiste en vue de compromettre les députés, porte-parole de cette masse spoliée et oppressée mais qui travaillaient dans un cadre légal. Ce télégramme leur a valu leur caractère collégial et leur immunité parlementaire172

Le samedi 29 mars 1947: dernière réunion, dernière mise au point de l’attaque du camp.

La succession des évènements qui passèrent quelques jours avant le déclenchement de ce soulèvement annonce l’attaque générale du «29 Mars 1947».

II- LES ACTIONS DE GUERRE

A-L’ATTAQUE DU «29 MARS 1947» CONTRE MORAMANGA «Dans la nuit du 29 au 30 mars 1947, vers minuit, le camp militaire de Moramanga a été attaqué par surprise par plusieurs centaines d’individus. Des officiers, des soldats sénégalais et des civil ont été sauvagement massacrés …»173. C’est en ces termes que le Procureur Général a exposé les faits qui se sont déroulés à Moramanga dans une lettre confidentielle du 21 avril 1947 au Président et membres de Conseil de la République (Paris). Etant le second foyer d’éclatement du 29 mars 1947, l’attaque contre Moramanga a été relativement connue grâce à l’abondance des sources et surtout à sa publication. Cette «nuit la plus longue» selon l’expression de J. TRONCHON a été racontée par maints témoignages au moment chaud de l’évènement. Son importance vient de ce qu’ils permettent de reconstituer la scène mais une scène présentée comme «dramatique». C’étaient surtout les «déserteurs», dont le premier souci fut de se disculper ou les «victimes174» cherchant réparation, qui la reproduisent.

172 Rolland WEISS, « Le procès des parlementaires malgaches », in colloque AFASPA, p.199 et Archives nationales Série D.874 – Procès dit des Parlementaires 173 A.N. série D.870 174 J. TRONCHON , colloque AFASPA 56

Le «j’entends» anime parfois leurs récits puisqu’ils n’assistèrent pas au déroulement de cet évènement, ou plus exactement ils n’y participèrent pas. En un mot, ce n’était pas les vrais acteurs qui témoignent à l’époque. Ils commencent à délier leur langue quand l’ambiance politique devient favorable à l’insurrection. La défaillance de leur mémoire conjuguée au «complexe d’héroïsme175» engendrée par cette nouvelle ambiance nécessite évidemment un esprit critique. Ces différents témoignages reflètent au moins une réalité incontournable malgré ces limites. Nous essayons ainsi de reconstituer le déroulement du «29 mars 1947» à Moramanga à partir des éléments dont nous disposons. «Le déclenchement de cet évènement n’avait pas totalement surpris tout le monde dans le district de Moramanga. «Administrateur comme Monsieur le CHEVANTON, Chef de Circonscription Autonome d’Ambatondrazaka, Monsieur DURAND, Chef de district de Moramanga ou militaire, particulièrement les officiers, tels que le commandant d’armes de la place de Moramanga: le commandant PERRIER, le chef de Poste de gendarmerie: Le gendarme EVE Auguste, l’officier de renseignements: le lieutenant REYMONDIERE … étaient largement avertis de l’évènement qui allait se produire le «29 mars 1947» par des rumeurs publiques confirmées par des renseignements obtenus quelques jours avant cette date»176. Le plus surprenant, «c’est qu’aucune disposition n’a été prise par le commandant d’armes PERRIER pour faire face à d’éventuels coup de force»177. Ne le prenait-il pas au sérieux ou ne le croyait-il pas concerné ou même l’avait-il minimisé s’il agissait ainsi? Ce qui est sûr c’est qu’«aucun renseignement ne laisse prévoir l’attaque du camp178» et que son irresponsabilité lui a valu sa vie. Effectivement, les seuls renseignements obtenus sont les suivant:«Le MDRM s’apprêtait à faire un coup de force sur les lignes télégraphiques, la radio, la voie ferrée- le samedi 29 mars 1947». Cette situation avait été par conséquent mise au profit des «troupes malgaches» d’autant plus que la seule mesure prise par le gendarme EVE: «renforcer les postes de gardes indigènes chargés de la surveillance des prisons et fait effectuer des patrouilles continues à travers la ville179» était hors de proportion avec l’importance de cette attaque que la «collaboration de certains gardes indigènes favorables à la cause de l’indépendance180» facilitèrent la réalisation de l’opération. Une opération qui n’attendait qu’une étincelle pour s’exploser. Cette étincelle n’est autre que le signal d’alarme. L’heure prévue pour l’attaque générale était fixée à minuit.

175 NDRIANDAHY M., mémoire de maitrise 176 A.N. série D.879- ch : déposition : Moramanga. Folio N°4-5-6 du 2 aout 1947 : déposition d’EVE Auguste, 34 ans, chef de Poste de Gendarmerie à Moramanga 177 Ibid 178 Archives SHAT. 8H 179. D1(1)- A.N. série D.879 179 A.N. série D.879 : Déposition du gendarme EVE 180 Se référer à NDRIANDAHY 57

«Vers 23h30: le signal d’alarme avait été donné par PORAK’ALIKA. Il s’agit de mettre en flammes les cases inhabitées «en bozaka», connues sous l’appellation de «camp des mariés», se trouvant à la périphérie des principaux bâtiments181». «Vers minuit, on entendit des coups qui s’éclataient partout182». «Certains témoignages affirment que la troupe venant à l’ouest, c'est-à-dire les habitants du gouvernement de Sabotsy-Anjiro, dirigée par RAZAFINDRABE V. aidée par les deux frères RABETRENA et RALAIZOKINY, RATSIMISARAKA et RAZANAKOLONA envahissait la première le camp». Ayant été déjà cantonnée dans la forêt, au lieu dit «BELAMBAFOTSY», à deux heures de marche au sud de Moramanga, cette troupe avançait petit à petit vers le cible»183. Après le signal d’alarme, cette troupe se lançait à l’assaut. «Les tirailleurs sénégalais, surpris, affolés se précipitèrent dehors sans avoir les armes à la main. Alors que les uns recevaient des coups de sagaies ou de coupe-coupe, les autres avaient pu s’échapper et se regrouper par la suite et repousser les insurgés184». Tandis que «les officiers et sous-officiers, réveillés par «l’alerte au feu», donné par le sous-officier de permanence qui venait d’achever sa ronde et qui apercevait les lueurs d’incendie dans la direction du camp des tirailleurs sénégalais», s’y rendaient. C’est au cours de cette incendie que les militaires réguliers avaient perdu leurs officiers: «le commandant d’armes PERRIER et le capitaine WEBEL»185. En même temps, d’autres troupes avaient aussi envahi les autres bâtiments du camp. «RAMAMONJY, le beau-père de RAZAFINDRABE V., et sa troupe, venant du nord était chargé de saboter le groupe électrogène qui alimente la ville de Moramanga avant de pénétrer dans le camp»186. «RABOZAKA, ayant commandé une troupe d’une trentaine, avait incendiée un des bâtiments du camp187». Il est important de rappeler que le principal objectif de cette attaque du camp était de se procurer d’armes. «Le magasin d’armes étant verrouillé, il leur fallait une heure pour trouver la clef mais ils n’avaient pas pu mettre la main sur les stocks d’armes importantes»188. «Un barrage était constitué par les insurgés à proximité du «Tranompokonolona» afin d’empêcher les renforts de pénétrer dans le camp et de les repousser189».

181 Témoignages de RAZANAJATOVO André d’ Ambodinifody, d’un fils de RAZAFINDRABE V. à Antsily, de la famille de RABETRENA et celle de RALAIZOKINY (famille des chefs les plus actifs de cette insurrection) à Ambalahorana 182 A.N. Série D. 879. Folio N°7 : P.V. N°14 : Déposition de RABAKOMANGA Bernard Folio N°8 :P.V. N° 15 : Déposition de RATOVOARIVELO Henri Folio N°5 : P.V. N°17 : Déposition de RAZAFIMAROLAHY Isosthène 183 ARDM – série D.879. Déposition de RABEMASO confirmée par ces témoignages cités plus haut

184 Témoignage d’un tirailleur sénégalais : Abdul Sow, caporal chef chargé del’ordinaire, in colloque AFASPA, p.133 185 ARDM. Série D. 879. Déposition du gendarme EVE Auguste. Ndriandahy l’avait déjà publié 186 Ibid – Témoignage d’un fils de RAZAFINDRABE à ANTSILY 187 A.N. –série D870- ch. 872.3.2. Folio N°57-58-59 : Procédure suivie contre RABOZAKA 188 Ibid- cette information a été déjà recueillie par J. TRONCHON dans « La nuit la plus longue » 58

Avec l’usage des armes, les dix gardes indigènes rassemblés et conduits par le gendarme EVE, tenus au courant de l’évènement qui s’est passé au camp par les patrouilles et par quelques militaires qui auraient pu se faufiler au milieu de la foule pour chercher des renforts à la demande du commandant d’armes, arrivaient quand même à forcer ce barrage. Se rendant compte de la tournure de l’évènement, le chef de poste de gendarmerie avait prêté ensuite un pick-up au lieutenant HERVE, sous prétexte de se rendre le plus rapidement possible au District pour en assurer la défense ainsi que des prisons, se dirigeaient au parc automobile; c’est là qu’ils étaient attaqués par plusieurs centaines d’assaillants qui s’étaient déjà cachés dans les véhicules mais qui ne pouvaient s’en emparer faute de «DELCO190». Le lieutenant HERVE avait trouvé la mort lors de cette attaque. Simultanément, d’autres troupes se dispersaient à travers la ville qui était mise à feu. «Une troupe estimée à cinq à six cents personnes attaquait à coups de pierres l’hôtel LARRIEU et son annexe: logement des officiers et sous-officiers sans avoir infligé une lourde peine bien que la porte était défoncée. Cette même troupe envahissait la résidence de Monsieur LACHAUD, l’avait tué et blessé sa femme»191. En somme, la majorité des «troupes malgaches», constituées essentiellement par les indigènes du gouvernement de Sabotsy-Anjiro encerclaient le camp TRISTANI. Le reste se répandit à travers la ville, enflammée, sabotant les lignes téléphoniques et télégraphiques, attaquant le logement des officiers et sous-officiers ainsi que la résidence des Européens comme celle de Monsieur LACHAUD. Le bâtiment du District et les prisons étaient épargnés. «Le bilan de cette nuit tragique fut très lourd du côté colonialistes (militaires ou civils).  22 tués (dont 4 officiers et 3 sous-officiers européens)  12 civils  Une cinquantaine de fusils emportés »192.  Ce bilan mérite d’être remis en cause dans la rubrique le concernant. Si la ville et le camp étaient dégagés avant l’aube est-ce que «grâce à l’énergique intervention de quelques officiers et sous-officiers européens et d’une cinquantaine de sénégalais rescapés193»? Ou est-ce que «ça relève des consignes données à ces insurgés nettement supérieurs en nombre: 2000 hommes en âge de combattre comme l’affirment plusieurs témoignages» ou les deux à la fois?

189 Déposition du gendarme EVE A. 190 J.TRONCHON : « La nuit la plus longue » 191 A.N. – série D.879- Folio N° 15 : PV N°21 du 5 avril 1947 à Moramanga : Déposition de RAZAFINDRABE Pierre dit LARRIEU, employé de commerce. 192 Archives SHAT- 8H 197 D1 (I)- Historique du secteur centre. P.5. Ces données se diffèrent celles des Archives Nationales (sériee D 870) 193 Ibid . 59

Il est important de préciser que ces troupes, particulièrement les habitants dudit gouvernement ne se plient pas vers le nord, c'est-à-dire «le long de la voie ferrée MLA et dévastant ainsi les concessions coloniales s’y trouvant mais plutôt vers le sud. «Ces attaques étaient menées par d’autres groupes»194.

La constatation ressortant de l’examen sérieux du déroulement de cet évènement permet de déduire les résultats suivants :

Primo: l’objectif est en partie atteint puisque RAZAFINDRABE V. et ses troupes n’avaient pu ni se procurer d’armes importantes ni s’emparer des véhicules. Ils n’avaient pas de ce fait remporté une nette victoire mais seulement un demi-succès.

Secundo: le mot d’ordre a été respecté à telle condition qu’ils avaient la volonté de faire déclencher le «29 mars 1947» à minuit. Cependant, la mobilisation ne fut générale: une nécessité absolue pour la réussite totale.

L’affaire Lesport va dans ce sens et qui mérite notre attention ci-dessous.

B- «L’AFFAIRE LESPORT» A MANDIALAZA

Si la nuit tragique de Moramanga a été relativement connue du public, c’est grâce à sa publication, notamment par la presse de l’époque. Il n’en est pas de même pour l’événement qui s’est déroulé à Mandialaza au début d’avril 1947. Or, cet événement est la meilleure expression de la lutte d’un peuple opprimé contre l’oppresseur: LESPORT. Cependant, ce ne sont pas les sources qui manquent mais elles ne sont pas suffisamment exploitées. «Cette histoire est aussi loin d’être un sujet vierge195».

A la lumière de série D.872-873, nous proposons de revisiter «cette affaire Lesport» afin d’appréhender le dynamisme des récits à travers les témoignages d’époque et ceux de nos jours.

En fait, la mobilisation du gouvernement de Sabotsy-Anjiro ne fut générale que le 30 mars 1947 malgré la volonté de RAZAFINDRABE Victorien et ses troupes d’exécuter à temps le mot d’ordre.

Après l’attaque de Moramanga, ses hommes circulaient à Mandialaza et stimulaient sa population de passer à l’action: anéantir les colons blancs de la localité et dévaster leurs

194 A.N. Série D.879. Folio N°11-12-13-14. –D 872.3.2 .Folio N°3-5. 195 Quelques témoignages oraux sur l’évènement à Mandialaza étaient déjà recueillis par RAMANANTSOA RAMARCEL B. et présentés en annexe de son œuvre sur les « Sociétés Secrètes ». RAZAFIMBELO C. a aussi publié cet évènement en se basant sur les sources orales et les diaiares lors du Colloque organisé par le Département d’HISTOIRE – Université d’Antananarivo 60 concessions. Les plus proches étaient la concession de Lesport qui se trouve à Ampasimpotsy, à environ dix kilomètres de Mandialaza et l’usine OTTINO d’Ambodirano (voir carte N°2).

Il est utile de remarquer que les habitants de ce canton étaient normalement mobilisés par le président de la section locale M.D.R.M de Mandialaza. Il est aussi à rappeler que c’est «RAPARIVO G. qui était chargé d’aviser les délégués des sous-sections de l’Est et de l’Ouest.

Cet émissaire avait-il rempli sa mission et RAZANADRABE avait-il reçu les instructions et joué son rôle?

Les réponses semblent positives car «RAZANADRABE avait bel et bien reçu le message et avait mobilisé les adhérents du parti». Seulement, «la mobilisation s’est limitée aux villages d’Antorifito, de Malemibe et d’Ankokalava, autrement dit aux «HOVAVAO»; les préférés de RAZAFINDRABE Victorien». «Alors que ces «HOVAVAO» étaient déjà au courant des «29 mars», à Mandialaza et ses environs, on ne savait rien».

Ces Hovavao n’avaient pourtant pas bougé. Cette immobilisation s’explique-t-elle par l’incapacité de RAZANADRABE de diriger ces hommes dotant déjà un tempérament violent ou à cause de son indifférence à l’attaque? De son incapacité ou de son hostilité, un fait demeure patent: RAZANADRABE et sa troupe n’avait passé à l’action sans l’initiative des hommes de RAZAFINDRABE V. ainsi que d’autres meneurs comme RAVELOSON D’Ankokalava et RABETOANDRO Edouard, qui vont devenir par la suite chef et responsable militaire de l’Etat-Major N°5 (EM5 ) d’Antorifito … et les habitants des deux autres cantons de ce gouvernement: Sabotsy-Anjiro et Beparasy.

Le plus spectaculaire fut la solidarité du «FOKONOLONA» du canton de Mandialaza vu la persistance du conflit né du clivage entre les deux différentes communautés: les «HOVAVAO et les Zafin’Andriamamilaza». Est-ce au nom du «devoir commun» ou sous- représailles si les habitants de Mandialaza s’engageaient avec les «HOVAVAO» et la population des autres cantons dans une lutte contre un colon réputé très oppressif, LESPORT?

Les deux réponses sont à retenir.

En effet, les témoignages d’époque laissés par les «militants accidentels» affirment qu’ils étaient enrôlés de force.

Toutefois, la sévérité de la répression et surtout la peur de vengeance de Lesport rendent difficile le triage de vrais militants des faux.

«Un militant déclare qu’il avait forcé par les policiers rebelles qui l’avaient même attaché jusqu’au domaine de Lesport, par contre, il avait tiré sur Lesport-fils et il l’avait 61 présenté comme un geste involontaire, tant regretté. Il nie formellement ce geste sauf après confirmation par d’autres témoins, entre autre le plaignant lui-même: Lesport196».

«Un autre militant refuse aussi le rôle qu’il avait joué au cours du siège et avait cité comme témoin un homme aveugle: le chef de son village d’Antanjona, le nommé RABOTOHOVA197».

«Un autre avait raconté avec enthousiasme comment il avait incendié la demeure de Lesport en ajoutant qu’il avait été menacé de mort s’il ne l’avait pas fait198».

Tant d’anecdotes illustrent de ce fait les récits de ces «militants accidentels», ou plus précisément «pseudo-militants accidentels».

Il convient en outre, de noter, les témoignages des autres personnes qui avaient de plein gré participé à cette entreprise. Ce qui attire l’attention, c’est aux risques de leur vie, ils acceptèrent sans tergiversations leur rôle au cours du siège lors de leur interrogation.

C’était le cas de «RALAMA» de «RAOELINA199» et de «RAMANANA Emile», «RALAIVOAVY». Comme traits communs, ces militants étaient des paysans demeurant aux alentours de la concession coloniale de Lesport. Ce qui veut dire qu’ils étaient parmi les plus spoliés et les plus oppressés.

Il faut noter sans doute comme l’un des meilleurs et le plus sûr de ces témoignages, celui d’un «rescapé»: le nommé «RANDRIATSARA200» – sans être ni le cerveau, ni le chef de maquis, il était un des éléments les plus actifs lors du siège.

Nous sommes donc en présence d’un témoin oculaire qui avait participé volontairement au soulèvement et qui «avait même forcé les hésitants à avancer à l’aide d’une cravache».

Son courage nous impressionne puisqu’il a dit sans ambages lors de son interrogatoire: «nous ne voulons plus de blancs dans la région».

Il avait donc une bonne raison d’y prendre part activement.

La seule chose que nous lui reprochons, c’est la façon dont il s’est échappé de la fusillade du commandant JOUBERT. Il nous a dit qu’il avait été sauvé par la force des

196 A.N. –Série D.872-873. Folio N° 17 : Interrogatoire de RALAY André, 45 ans, cultivateur, demeurant à Ambohitsimiady, canton de Mandialaza. 197 Ibid – Folio N°2 : Interrogatoire de RAMBANANA, 50 ans, cultivateur, demeurant à Antanjona, canton de Sabotsy-Anjiro. 198 Ibid – Folio N°20-21 : Audition de LAIDOMANGA, 50 ans, ouvrier de foret, demeurant à Andriamamovoka, canton de Sabotsy- Anjiro. 199 Ibid – Folio N°9 – 10 : Déclaration de RAOELINA 200 Ibid – Folio N° 7-8 :audition de RANDRIATSARA, 58 ans, cultivateur, demeurant à Antanjona, canton de Sabotsy - Anjiro 62

«ODY» (ou amulettes contres balles), par contre, il avance dans son interrogation qu’ «il avait pris la fuite avant l’arrivée de la patrouille dirigée par le commandant et qui délivre Lesport et sa famille. Nous nous demandons, de ce fait, s’il est vraiment un «rescapé». Malgré le «complexe d’héroïsme» engendré par la nouvelle ambiance politique favorable à l’insurrection et quelque défaillance de son mémoire, la ressemblance de son témoignage d’époque et d’aujourd’hui est très frappante.

En outre, nous avons pu accéder aux diaires de quelques militants grâce au concours de notre rapporteur. Ce sont des sources plus authentiques car rédigées au moment chaud de l’événement.

Nous avons jusque là les regards des attaquants.

Une autre vision est aussi à signaler, celle des attaqués: «Lesport et son fils». Ils avaient comme première préoccupation «se venger de ses assiégeants. Ils se plaignaient ensuite de la lourde perte qu’avait subi sa propriété et enfin de chercher réparation201».

Mais au-delà de la persistance de certaines divergences d’intérêts et de préoccupation majeure, les témoignages de ces différentes entités s’interfèrent sur les mêmes faits qu’il convient de les reporter ci-après:

«Au début du mois d’avril 1947, «1500 quinze cents hommes environ202», en âge de combattre, issus du gouvernement de Sabotsy-Anjiro menés par RAZANADRABE, RAVELOSON et RABETOANDRO Edouard se regroupaient autour de la concession coloniale de Lesport».

Ces militants avaient utilisé plusieurs moyens pour atteindre et tuer Lesport et sa famille qui s’étaient retranchés dans la cuisine, une petite maison en pierre qui se trouve à l’extrémité ouest de la maison principale.

Ils essaient d’abord, d’incendier cette maison principale mais ce n’est qu’une première tentative. Il a eu le premier mort étant donné que Lesport aidé par son fils se défendrait avec son fusil.

Ce premier échec ne décourageait pas ces militants même si le premier jour, ils avaient perdu cinq hommes sans avoir pu atteindre l’objectif.

Ils avaient fini par la suite de mettre le feu sur cette maison. Le détail de cet incendie est reporté en annexe.

201 Ibid – Folio N°5 : Déclaration du plaignant, Lesport EVENON, colon propriétaire, demeurant à Ampasimpotsy Mandialaza 202 Ibid – Folio N°1 : Déclararion de Lesport Jean Marie, 49 ans, agriculteur, demeurant à Ampasimpotsy Mandialaza 63

Toutefois, Lesport et sa famille avaient pu tenir dans son refuge, qui a été échappé aux flammes. Ces combattants essayèrent ainsi de les déloger à maintes reprises mais en vain. Ces derniers avaient, enfin, décidé de les assiéger en croyant que le temps jouait à leur faveur et ils les avaient par la faim. Or, le huitième jour, une patrouille dirigée par le Commandant JOUBERT arrive et délivre Lesport et sa famille.

Entre temps, faute de propriétaire, les militants s’en prennent à ses biens. Ils avaient pillé et incendie: magasin de stockages, atelier, porcheries et étables

Que signifient ces gestes?

Ils semblent signifier comme une véritable réponse à tous les mauvais traitements que Lesport avait fait subir à ces indigènes.

En somme, cette entreprise se solde par un échec. L’on se demande, à cet effet, pourquoi ils avaient échoué alors qu’il y avait «un équilibre de force entre les deux camps». Ces indigènes avaient même joué en nombre.

Deux motifs peuvent expliquer cet échec.

Il s’explique d’une part par la mauvaise volonté de certains militants de participer à l’attaque, autrement dit de ceux qui avaient été enrôlés de force. En d’autres termes, ils n’y avaient vraiment pas de vraie union entre ces militants. Cette désunion, est-ce à cause de la persistance du clivage entre les deux communautés car ce clivage va se manifester tout au long de cette insurrection?

D’autre part, il trouve aussi son origine dans la naïveté de certains assiégeants qui étaient en majorité illettrés.

Cette naïveté se manifeste lors de l’arrivée de la patrouille dirigée par le commandant JOUBERT, qui se déguisa en américains et se présenta comme des renforts tant espérés!

Seuls les plus malins comprirent ce déguisement et refusèrent de reconstruire le pont de Sahajonjana. Ils s’éclipsèrent avant l’arrivée de cette patrouille qui après avoir franchi ce pont et libéré les assiégés avait fusillé le reste.

Le plus spectaculaire, c’est quand le commandant JOUBERT avait dit: «DEBOUT!». Ceux qui n’étaient pas encore atteint par les balles se levaient et ce dernier les avait encore fusillés 64

Quoi qu’il en soit, cet échec n’arrête pas pour autant le désir de ces militants d’obtenir l’indépendance et de poursuivre la lutte armée.

En effet, l’indépendance ne s’acquiert en quelques jours. Les habitants du gouvernement de Sabotsy-Anjiro dirigés par RAZAFINDRABE Victorien et son équipe se trouvaient donc dans l’obligation de poursuivre la lutte de libération Nationale d’autant plus que le mot d’ordre n’avait pas été totalement respecté d’une manière absolue afin d’atteindre ce but.Toutes les attaques menées par ces militants et qui poursuivent les précédentes vont dans ce sens.

Elles méritent ainsi d’être appréhendées ci-dessous

C - LA DEUXIEME ATTAQUE DE MORAMANGA

Après la première entreprise, les hommes de RAZAFINDRABE Victorien avaient recrutés villages après villages des hommes en âge de combattre notamment ceux du gouvernement de Sabotsy-Anjiro afin de préparer une nouvelle attaque contre Moramanga.

Cette réattaque avait comme cibles:  la prison pour libérer leurs amis qui y étaient incarcérés à cause du « 29 Mars 1947 », l’Ecole Européenne,  le trésor  et la poste en vue de tuer ou d’emmener de force les «pro - colonialistes», c'est-à-dire les fonctionnaires malgaches ou les indigènes qui s’étaient placés sous la protection de l’autorité française.

Dans la nuit de 30 avril au 1er mai 1947, vers zéro heure, cette ville a été de nouveau assaillie par les troupes de RAZAFINDRABE Victorien et son équipe, formées particulièrement par les indigènes du gouvernement de Sabotsy-Anjiro.

Les récits de cet événement présentent aussi les «mêmes symptômes de l’anamnèse historique203», c'est-à-dire influencé par le fait colonial.

Cet événement a été effectivement détaillé dans le «rapport du commandant JOUBERT204» qui l’avait interprété à sa manière ; «NDRIANDAHY205» essayait de le schématiser et la presse de l’époque se contentait de le publier.

203 Selon le terme utilisé par RAMANANTSOA RAMARCEL B. 65

La vision entretenue par ce militaire colonialiste n’empêche pas pourtant de constater à travers ce rapport le courage indomptable de ces combattants. Etant donné que les troupes de forces coloniales commandées par le Commandant, suffisamment avertis, avaient mis en place cette fois un dispositif de sécurité mais qui ne tempéra pas l’ardeur de ces combattants de se lancer à l’assaut et d’atteindre les objectifs.

Il est étonnant de savoir que face à ces mesures, ces militants avaient remporté un demi-succès.

«Ils avaient pu, en effet, attaquer la prison mais tous les prisonniers n’étaient pas entièrement libérés. Ils avaient aussi enfoncé la poste, tué quatre postiers, saccagé les installations et emmené de force leurs familles tandis que cinq ou six postiers qui par des acrobaties avaient pu se réfugier au grenier206».

Leur supériorité en nombre n’est pas la seule raison de ce résultat. Il y a également la capacité de RAZAFINDRABE Victorien, un homme aussi charismatique que fort de personnalité et son équipe de mobiliser et de diriger ces troupes de forces malgaches, qui étaient non seulement bien organisées cette fois et plus ou moins expérimentés mais aussi et surtout ils avaient une «volonté »pour affaiblir la puissance du camp adverse ardente.

La répartition des tâches de chaque groupe: groupe de diversion et d’attaques est également très efficace.

La plus importante, c’est la faiblesse des moyens dont disposait le camp adverse c'est-à-dire les troupes coloniales. Ces moyens ne leur permettent pas d’assurer une meilleure défense.

Si ces militants avaient entrepris cette attaque c’est pour exécuter dans le vrai sens du mot d’ordre: «soulèvement de tous».

Une autre attaque semble aussi suivre cette voie, celle de MAHADERA.

D - L’EVENEMENT A MAHADERA

Après l’échec d’Ampasimpotsy, les habitants de MANDIALAZA, formés essentiellement par les Zafin’Andriamamilaza et les Zafimamy se refusaient pas loin de leurs hameaux en vue d’éviter la répression tout en veillant sur leurs biens tandis que les «vrais chefs de maquis», composés surtout par les «Hovavao» s’étaient retirés à Ankokalava. Ces derniers avaient érigé un tribunal insurrectionnel pour châtier ceux qui ne marchent pas avec

204 Voir ANNEXE : Rapport du Commandant JOUBERT sur le déroulement de l’évènement du 30 avril au 1er mai 1947 205 In NDRIANDAHY, Mémoire de Maitrise 206 Le détail de ces récits sont reportés en annexe 66 eux, c'est-à-dire ne pas adhérer au M.D.R.M et ne pas participer à l’attaque des colons blancs de la région.

C’est en ce sens que ce «tribunal, présidé par RAMAROLAHY et dépendant de l’EM5 de RAVELOSON avait envoyé, le 6 juin 1947, à Mahadera des émissaires pour sommer la population de se joindre à eux faute de quoi, elle serait massacrée.

La population de ce village avait accepté avec manœuvre. Pourtant quatre hommes et un enfant avaient été tués.

Il s’agit de RAVELOSON Charles, TSIFATERA et RATSIALA avec RAKOTOVAO «Daba» et un enfant de RAMASY, nommé RAKOTOBE, parce qu’ils tentaient de s’enfuir pour aller chercher du secours au poste d’Ambodirano.

«Ces derniers étaient tués à coups de sagaies et de coupe-coupe207».

L’on se demande ainsi si ces derniers représentent pour ces chefs de maquis le monde pro-colonialiste car il faut noter ici que RAVELOSON Charles était «le chef subalterne de l’Etablissement OTTINO d’Ambodirano»208 et les autres victimes étaient ses proches-parents.

Cet événement à Mahadera reste une page inédite de l’histoire de l’insurrection de 1947 dans le gouvernement de Sabotsy-Anjiro.

C’est un passé qui ne passe pas. Effectivement, elle est actuellement à l’origine des manœuvres entre deux villages voisins, voire entre deux différentes communautés.

Il est évident que cet événement est riche en interprétation certes mais notre objectif n’est pas d’ériger un tribunal militant. Il s’agit pour nous d’apporter tant d’explications possibles afin qu’ils se comprennent, se pardonnent et se réconcilient.

En fait, il ne semble pas s’inscrire comme une lutte de libération nationale, du moins d’après «la famille des victimes209» qui l’avait interprété comme un conflit social et qui puise sa source dans la «jalousie tenace» car ils avaient une condition de vie meilleure que les attaquants qui avaient pillé et incendié les biens des victimes après les avoir tué.

207 A.N. – Série D . 872 – 873- 879 : PV N° 11 du 16 juillet 1948 : Procès Verbal du nommé RAMAROLAHY, agé de 56 ans environ, marchand de bestiaux, demeurant à Ankokalava, district de Mandialaza. Le détail est reporté en annexe 208 Archives privées de l’Etablissement OTTINO d’Ambodirano : Personnel indigène, recuillie à Marovitsika 209 Témoignage de la famille des victimes à Moramanga et à Ambohidronono confirmé par les auditions des membres de ce tribunal insurrectionnel à Ampasimpotsy et Mandialaza 67

Elle n’a pas totalement tort en s’argumentant ainsi à cause de la place qu’avait tenu RAVELOSON Charles dans l’USINE OTTINO d’Ambodirano ainsi que ses proche-parents.

Actes d’autant plus graves qu’en même temps très scandaleux c’est de commettre un crime surtout d’assassiner ses compatriotes.

L’émotion exprimée par la famille des victimes a été donc parfaitement compréhensible pour tous ceux qui font appel à l’âme malgache.

D’autant plus que les principales raisons de cette attaque ne sont absolument valables puisque l’adhésion au parti semble une «affaire de clan» et le choix des adhérents repose sur le «statut», autrement dit aux «hovavao» comme l’a affirmé RAZAFIMBELO.

Ce choix détermine par la suite le recrutement des combattants de l’EM5 de RAVELOSON qui avait été limité à cette communauté.

Il est en effet logique que les «Zafin’Andriamamilaza étaient devenus leurs protégés et dépendants pour un temps».

L’on se demande ainsi si ces victimes ne voulaient pas exactement s’y adhérer et participer aux attaques ou est-ce un prétexte pour les avoir à cause de la jalousie tenace et des rancœurs?

Cette attaque ne signifie-t-elle pas une expression sanglante du conflit permanent entre les deux différentes communautés?

Il est aussi à remarquer que ce tribunal insurrectionnel avait déjà assassiné cinq habitants de Mandialaza au début du mois de Juin et que «les combattants de l’E.M.5» prennent «femmes» parmi les favorites «andriana» «mariées ou non».

Il est peu probable que cette vision entretenue par la famille des victimes ait été admise et partagée par les attaquants.

Ils avaient effectivement leurs motifs de le faire et cela dans le sens de «soulèvement de tous» car l’union de tous doit être scellé pour obtenir l’Indépendance.

L’attitude de ces combattants est donc tout à fait explicable pour tous ceux qui se placent dans le contexte de DECOLONISATION. 68

En outre, ces victimes n’expriment-ils pas la présence française et ne défendent-ils pas les intérêts français?

Cet événement à Mahadera n’est pas le dernier épisode de cette histoire du mouvement indépendantiste dans le gouvernement de Sabotsy-Anjiro, il y avait aussi les trois tentatives d’attaques contre Tananarive mais ont été vouées à l’échec.

Les offensives menées par les habitants du gouvernement de Sabotsy-Anjiro n’étaient pas limitées à ces attaques de grandes envergures.

Elles avaient été suivies de quelques petits assauts comme coupure de voies de communication (ponts, voies ferrées, sabotage des fils téléphoniques ou télégraphiques), attaques des camps militaires des troupes coloniales: la plus célèbre c’est l’attaque du camp militaire à Anosibe pendant la période de pacification.

Vu l’ampleur de ces offensives, RAZAFINDRABE Victorien et son équipe avaient totalement raison de crier victoire le 14 juillet 1947 en organisant un défilé à Beparasy en réponse à la démonstration de force des troupes coloniales organisée le même jour à Tananarive. Au cours de ce défilé, il a été promu au grade de Maréchal, Rabetrena et Ralaizokiny au grade de Général … des grades sans décorations ! Mais qui marquent quand même leur autorité dans les zones qu’ils contrôlaient. Après cette date, l’insurrection va connaître une période de stagnation pour régresser ensuite mais qui avait durée 18 mois avec la capture de RAZAFINDRABE Victorien. 69

III - LES MOYENS MIS EN ŒUVRE PAR LES MILITANTS

L’intensité de ces offensives va contraster avec les moyens mis en œuvre par les habitants du gouvernement de Sabotsy-Anjiro. Quels sont ces moyens et comment les utilisent-ils?

A - DES ELEMENTS FAVORABLES AU DEVELOPPEMENT D’UNE METHODE INDIRECTE

1 - Les militants

Les indigènes du gouvernement de Sabotsy-Anjiro ne cessent de mener des actions offensives depuis le 29 mars jusqu’au 1er août 1947, c'est-à-dire durant la phase de succès de cette insurrection, tandis qu’ils ne disposent que des «armes blanches»: des couteaux, des coupes-coupes et surtout des sagaies ainsi que quelques armes à feu comme les fusils dont la plupart on été prises au cours des attaques. Des armes blanches certes mais qui symbolisent ce soulèvement populaire.

Cette faiblesse en armement, ou plus exactement en équipement militaire a été compensée par des hommes, issue de cette masse paysanne ignorante et illettrée, spoliée et oppressée, déjà préparée moralement par les leaders nationalistes qui savait exalter leur sentiment patriotique, voire indépendantiste.

La puissance des troupes malgaches repose donc en partie sur leur supériorité numérique.

Mais cela ne suffit pas pour faire face à un adversaire nettement supérieur en équipement militaire, notamment des armes à feu. Ces hommes mal équipés et inexpérimentés avaient en effet besoin d’ «amulettes contre les balles» que d’autres forces émanant des sorciers - guérisseurs pour augmenter leur combativité. 70

2 - Le rôle des sorciers-guérisseurs

En quête d’un équilibre de forces sur terrain, les troupes malgaches faisaient recours aux «ODY» ou amulettes contre les balles. Les sorciers-guérisseurs ou détenteurs de «ODY» avaient donc tenu une place primordiale dans ce mouvement indépendantiste.

Ils pourvoyaient des médications talismaniques destinées à augmenter la combativité de ces hommes mal-équipés et inexpérimentés.

«Le rituel de breuvage, inspiré toujours du rituel de TSITSIKA et VELIRANO, se faisait par appel avant chaque départ pour le «front».

La composition de breuvage reste à base d’extrait de plantes médicinales, particulièrement le SAMIROMA. Les sorciers-guérisseurs déterminèrent aussi les jours favorables aux offensives et trièrent les hommes à envoyer au «combat».

Cependant, son principal rôle c’est de faire des «amulettes contre les balles». Et il paraît même qu’ «ils peuvent fabriquer des poudres, comme le cas du renommé RADOARA Edouard d’Ambodinifody210». IMBITY, MIASA d’Ambohitrony, les trois frères d’Ambalahorana (Beparasy): RABETRENA, RALAIZOKINY, LEZARIMANANA étaient des sorciers très réputés mais le plus célèbre reste ITOKANONO. Il semble que lors des attaques, il devançait les troupes qui clament «RANO ! RANO e!» Et les balles coulent comme des eaux sur sa robe noire.

Les «amulettes contre les balles» avait donc bel et bien existé.

Son existence n’a pas été mise en doute pas comme son efficacité. L’efficacité de ces «amulettes contre les balles» fait ainsi l’objet de controverse.

Les uns, à savoir surtout le milieu colonialiste et pro-colonialiste disent ainsi que ces amulettes constituent un véritable poison mortel, à l’origine des massacres de milliers des gens innocents qui sans être conscients se livrent à la bataille.

Les autres, notamment les plus fanatisés, par contre, croient réellement à son efficacité mais à une seule condition respecter les «FADY» (ou tabous).

Plusieurs versions sont à noter à propos de ces tabous. Les uns disent qu’il faut renverser le fusil avant de tirer, les autres avancent qu’il est tabou de déserter ou de ne pas faire face à l’ennemi. Il ne faut pas aussi tuer surtout les femmes, les enfants et les vieillards sauf en cas d’opposition armée. Il ne fallait pas enfin piller, voler sauf en cas de nécessité.

210 Témoignages de sa fille, MARIE et de RAZANAJATOVO André d’Ambodinifody, chefs des combattants nationalistes de cette région. C’est là où il avait fabriqué ces balles 71

Il est à préciser que ces «fady» correspondent au but visé par «l’âme de conjuration» puisqu’il ne fallait pas procéder à des actes pouvant discréditer le nouveau gouvernement aux yeux des puissances étrangères, autrement dit il faut que ce gouvernement soit crédible. L’on a même tendance à les croire si l’on tient compte l’intensité de ces offensives.

Toutefois, si elles durent tant c’est que d’autres facteurs interviennent comme le «milieu naturel» et que ça reste une question de croyance!

3 - La nature

La défaillance en armement ne permet pas non plus aux troupes malgaches de monter un front.

Leur méthode relève, par conséquent, de la tactique de guérilla c’est ainsi qu’elles ne peuvent mener que des attaques sporadiques. Cette tactique semble étudiée préalablement et elle est facilitée par la présence d’un milieu naturel relativement complexe mais qui offre son hospitalité à ces militants. Ce milieu constitue un véritable lieu de refuge et de repli, cause de la résistance des insurgés et facteur du développement de cette insurrection, difficilement matée et a duré dix-huit mois.

En un mot, l’homme, les sorciers guérisseurs et la nature sont des moyens entre les mains de ces militants. Ces moyens sont favorables au développement d’une méthode indirecte.

4 - La méthode indirecte

Vue toujours cette faiblesse en armement des troupes de force nationaliste, RAZAFINDRABE Victorien et son équipe ont adopté la guérilla: élément essentiel de la méthode indirecte.

Cette méthode est l’arme du faible contre le fort.

Elle se différencie des tactiques de guerre proprement dite par son refus systématique de l’engagement sur le front et change ainsi la physionomie des opérations en les dispersant

C’est ainsi que le principal chef RAZAFINDRABE Victorien a misé sur quelques groupes de volontaires pour mobiliser l’ensemble de population du gouvernement de Sabotsy- Anjiro en vue de bénéficier le soutien populaire. Etant donné que la supériorité numérique est la règle générale.

Le principal chef les rassemble en un lieu et les divise en plusieurs groupes ayant chacun en effectif allant de 300 à 400, voire à 1000 hommes en âge de combattre. 72

Ces combattants nationalistes n’avaient reçu aucune formation et apprennent la guerre en la faisant. Mais ils sont épaulés par quelques anciens combattants et quelques militaires réguliers.

Chaque groupe a une tâche bien définie.

Les uns forment un groupe de diversion et les autres constituent un groupe d’attaque. Cela en vue de disperser les forces du camp adverse et de les rendre impuissantes.

Ces moyens conjugués à cette méthode constituent des atouts considérables pour les troupes malgaches dans la mesure où ils sont utilisés efficacement. Ils nécessitent à cet effet une organisation stricte.

B - UNE ORGANISATION STRICTE

1 - Organisation du commandement et des troupes des forces nationalistes dans le gouvernement de Sabotsy- Anjiro L’importance de ces moyens mis en œuvre vient surtout de son organisation au niveau du commandement et des troupes de forces nationalistes.

Tant de confusion plane en générale sur l’organisation du commandement et des troupes de forces nationalistes dans le gouvernement de Sabotsy-Anjiro durant les temps des hostilités puisqu’elle a été constamment évoluée et amendée en fonction de la guerre par ses dirigeants. D’autant plus que les dossiers concernant l’ossature sécrète de cette organisation a été encore tenue «secrets211» par le service de renseignement des troupes de forces coloniales. Des dossiers qui méritent d’être consultés!

L’analyse des sources dont nous disposons aboutit au résultat suivant:

Etant précipitée, l’organisation du commandement et des troupes du «29 mars 1947» semble improvisée. Influencée par les Société Secrètes, cette organisation ne fait, au début, que «conserver les cadres et la hiérarchie du M.D.R.M212» qui travaillent de pair avec les Anciens Combattants et les sorciers guérisseurs.

Au somment se trouve donc le Président de la section M.D.R.M de Moramanga: RAZAFINDRABE Victorien. C’est «sa résidence à Maroapombo qui va devenir le «central

211 Archives de Vincennes – SHAT (Service Historique des Armées de Terre) 212 Se référer à la rubrique concernant l’organisation du MDRM. 73

TAFIKA213» qu’il coordonnait toutes questions stratégiques, politiques ou militaires relatives à cette insurrection et d’où partaient «les ordres, les directives et les décisions vers le bureau politique M.D.R.M à Moramanga». «Les dossiers saisis à Beparasy concernant ce sujet constituent des preuves tangibles»214.

La responsabilité de ce dernier semble au début très limitée. Outre la «responsabilité de finance que l’assemblée» lui incombe, il s’était chargé lui-même de la mobilisation et de la conduite des troupes venant de l’Ouest, c'est-à-dire venant du gouvernement de Sabotsy- Anjiro qui attaque le camp sénégalais.

Il était aidé par le bureau politique MDRM de Moramanga notamment RAJAONA «Rommel», RAPARIVO Gaston, RAZAFIMAHANDRY Joseph … ainsi que quelques délégués ou membres influents des sous-sections, en particulier ceux des cantons de Sabotsy- Anjiro comme RANDRIANARISON, RADOARA Edouard, RATSIMISARAKA et de Beparasy, à savoir les frères RABETRENA et RALAIZOKINY mais aussi et surtout son beau-père: RAMAMONJY qui l’avaient déjà soutenu lors des propagandes indépendantistes que durant les hostilités.

Il ne fait pas de doute que le concours des anciens combattants et quelques militaires réguliers étaient d’une importance capitale malgré la volonté de certains de minimiser leur rôle dans cette attaque.

Quant aux zones d’implantation massive de concessions coloniales, le commandement des troupes a été placé sous l’autorité du président de la section locale M.D.RM et son secrétaire, assistés par des anciens combattants et/ou quelques militaires réguliers. Comme nous l’avons déjà constaté, ce fut le cas pour Mandialaza avec RAZANADRABE et RABETOANDRO Edouard. La base de cette organisation, ou plus précisément le «NOYAU», était en effet, constituée par cette masse paysanne ignorante et illettrée, spoliée et oppressée, sans équipement et n’ayant reçu aucune formation et membres fervents du parti.

Ainsi, lors de l’attaque contre Moramanga le gros de la troupe a été formé essentiellement par les indigènes des cantons de Sabotsy-Anjiro et de Beparasy avec ceux de Marovoay et de Moramanga, répartie en section de 400 à 600 hommes environ.

L’élément fondamental de cette organisation, mais aussi la base solide du M.D.R.M c’est qu’elle se repose sur les réseaux d’alliance et de parenté qui déterminent la cohésion et la solidarité du groupe. Et il n’est pas étonnant si au début, l’engagement se fit de plein gré. Cette constatation a été consolidée par le fait que bon nombre d’indigènes ne participèrent à la dite expédition même s’ils étaient menacés. Cette insurrection a été, tout d’abord, une affaire de minorité avant d’être un mouvement de masse. Une minorité constituée principalement par

213 A.N.série D. 879 – ch : Déposition de témoin de RABEMASO , confirmer par le témoignage de RAMANANA Emile d’ Ampasimpotsy et celui de RAZAFINDRABE de Maroampombo 214 Voir volet sur « Phase préparatifs de l’insurrection » 74

les indigènes du gouvernement de Sabotsy-Anjiro. Cela nous permet d’affirmer: «gouvernement de Sabotsy-Anjiro»: NOYAU DU GROUPE DU «29 mars 1947».

Les motivations des engagés s’expliquent, de ce fait, par leur seule volonté de secouer le joug colonial conjuguée à l’irréprochable capacité de RAZAFINDRABE Victorien de mobiliser ces autochtones tout en leur promettant une guerre de trois jours ! … et aussi l’activisme de ses amis.

Bref, une troupe se compose comme suit:

 les membres de bureau politique régional ou local du M.D.R.M (Président, secrétaire et conseillers)  les anciens combattants et quelques militaires réguliers  les guérisseurs  les militants

Après le «29 mars 1947», l’organisation du commandement et des troupes du gouvernement de Sabotsy-Anjiro relève de l’organisation du «Secteur Nord»215, placé toujours sous le commandement de RAZAFINDRABE Victorien: le principal chef.

Son pouvoir tout comme son territoire s’élargit petit à petit avec l’extension du mouvement indépendantiste.

Jusqu’au début du mois d’août 1947: une date qui marque le début des actions offensives des troupes adverses, «RAZAFY» et son équipe avaient tenu le levier de commande dans les zones dites «libérées» et nous avons déjà constaté comment ils avaient démontré leur force. Cependant, cette organisation ne se dessine parfaitement que vers la fin du mois de juillet 1947: peu de temps avant son écoulement.

Sans être profondément touchée, cette organisation garde les éléments les plus actifs du «29 mars». Le tableau n°6 montre quelques Etat-major secondaires dépendant de l’Etat- major Central ou Central «TAFIKA» ou «Quartier Général qui se déplace à BEPARASY».

215 Le « Secteur Nord » englobe : Moramanga,Vatomandry,Ambatondrazaka,M.L.A. , T.C.E.( Soanierana – Ivongo,Mahanoro, Marotandrano, Mandritsara… 75

Tableau 6 : Les Etats Majors secondaires dans le Gouvernement de Sabotsy-Anjiro

E.M.1 (Betsimisaraka) RAKOTOSON François puis Beparasy BASY Jérôme

E.M.2 (Bezanozano) RALAIZOKINY Beparasy

E.M.3 RAJAONA Ambodirafia (5Km Nord Lakato)

E.M.4 RAMAROMANANA Fiherenana (5Km S.S. Amboasary)

E.M.5 PANOELINA Beforona

E.M.6 BOTOMARINA Ambalafondrana 15Km Nord Ouest Vatomandry)

E.M.6 Bis Installé dans la région (crée par scission de l’EM6 le Brickaville Anosirano 25/02/47)

E.M.7 RAVELOSON Andorifito (10KM à Est Mandialaza)

E.M.10 TODIASY 2Km Est Vohitsoa 6Km Nord Ranomafana

Source: D. A. P.

D’après ce tableau, trois Etats Majors secondaires se localisent dans le Gouvernement de Sabotsy-Anjiro: l’Etat Major n°1 «de RAKOTOSON François» puis de «BASY Jérôme» à Beparasy, où se trouve également l’Etat Major n°2 «de RALAIZOKINY» et le troisième à Mandialaza «E.M.7 de RAVELOSON».

Ce tableau émanant de la D.A.P a été confronté avec d’autres sources et fait ressortir une certaine distorsion de numérotation de l’EM7.

D’après ce tableau, il exista un Etat Major n°7 (EM7) commandé par RAVELOSON à Antorifito (canton de Mandialaza). 76

Or, d’après RAMANANTSOA R. B., l’E.M.7 a été placé sous la responsabilité de RABENATOANDRO Jean Marie mais avant le «29 mars 1947»216.

Il est peu probable qu’ils puissent monter des Etats Majors, notamment secondaires dans un laps de temps assez court sauf s’il a été fomenté de longue date comme l’a déclaré «RAKOTONIRAINY J.»217 et «RAZAFIMAHANDRY J.»218.

Ce qui semble attester le fait que «RAZAFINDRABE Victorien reste en contact permanent avec les sociétés clandestines».

Selon ce même auteur: « … après le désastre d’Ampasimpotsy …», c'est-à-dire après la mobilisation générale, « … l’Etat Major fut réorganisée: un à Antorifito, un autre à Malemibe (Antseva). «Ces deux Etats - Majors ne sont autres que «l’E.M.5 de RAVELOSON et l’E.M.6 de RAZAFIMAHATRATRA»219.

C’est l’E.M.5 de RAVELOSON qui fait l’objet de notre analyse ici. Cet Etat - Major se trouve non à «Andorifito»220 comme il a été écrit sur ce tableau mais à Antorifito; chassé par les troupes coloniales, il s’était déplacé à Ankokalava. C’est là où il y avait les «HOVAVAO», les «préférés» de RAZAFINDRABE Victorien.

En fait, E.M.5 ou E.M.7, ce qui est sûr c’est qu’il avait bel et bien existé un Etat- Major à Antorifito commandé par RAVELOSON et ayant comme responsable militaire RABENATOANDRO J.M. Tous les deux étaient les vrais chefs de maquis de la région.

«Dans la deuxième moitié du mois de Juillet 1947, cet Etat - Major de RAVELOSON avait établi un camp dans la forêt de MAHAJERY, à l’Est de Mangoro. Ce camp comptait 150 hommes environ. Les chefs étaient :  RAZANAKOLONA, colonel, venant du camp de Maroampombo  RAVELOSON, chef d’Etat major, demeurant à Ankokalava  Le commandant RABETOANDRO, demeurant avant la rébellion à Marovaha (Mandialaza)  Le capitaine RAPAIKA (canton d’Amboasary)  Le lieutenant RALAIVOAVA du village de Manativohitra  Il y avait également le nommé RATAVILAHY, sergent, qui faisait le gendarme.

216 RAMANANTSOA RAMARCEL B. : « Les sociétés secrètes ». 217 D’après RAKOTONIRAINY J. : « Cet évènement devait se produire peu de temps après le débarquement britannique à Madagascar en 1947 » in « Ny zava-miafin’ny MDRM » 218 Selon le témoignage de RAZAFIMAHANDRY J. , un des chefs les plus actifs du mouvement, un Etat-major a été déjà monté vers fin 46 » 219 Déclaration de nombreux témoins oculaires, à savoir RANDRIATSARA d’Ampasimpotsy, RAMANANA Emile de Mandialaza, confirmé par l’audition de RAMAROLAHY ? Président du tribunal insurrectionnel de l’E.M.5 de RAVELOSON et des données informationnelles du Journal de Marche du 7ème R.T.A.( Archives de Vincennes) 220 Cela ne peut pas être une faute d’orthographe car cette appellation a répété maintes fois dans l’œuvre de RAMANANTSOA R. B. mais peut être une faute de lexique 7778

Après l’établissement de ce camp, la plupart de ses membres n’avaient effectué aucune attaque mais restaient cachés jusqu’au mois de septembre 1947 pour en sortir en vue de se rendre dans leur zone de pâturage221.

Dans la région Ouest de Mangoro, d’autres camps avaient été aussi dépistées par les troupes de forces coloniales.

«Le plus célèbre, c’est le camp d’ANDRANO – FODY – Son emplacement est à 3Km d’Anosibe, et à 2Km de Miadana.

C’est un nouveau village de 50 cases, ayant comme chefs du village: RAKOTO Philippe et RANAIVO»222.

Les chefs du camp étaient:  RANDRIANARISON d’Ambodinifody, président, il donne des ordres au camp  RAZANAKOLONA, général armé d’un mousqueton  RANDRIAMITANA, colonel armé d’un mousqueton  RABOTOVAO, commandant, armé d’un mousqueton  RALAIVA, commandant, armé d’un mousqueton  RALAIVELO, capitaine, armé d’un mousqueton  Le reste, armé de sagaies.

Plusieurs opérations avaient été effectuées par ses membres à savoir les attaques contre les villages de Sabotsy et de Marovoay pour capturer les hommes valides. Ce camp avait été liquidé par les troupes coloniales en même temps que le Quartier Général.

RAZAFINDRABE Victorien, voyant la plupart de ses Etats - Majors s’écrouler, avait promulgué la loi N° 969/D du 03 septembre 1947 qui fixa les principes de réorganisation du territoire dépendant de lui.

Cette loi porte la création:  du B.D.N (Bureau de la Défense Nationale),  des EM (Etats-Majors), des C.A (Centraux Administratifs)  des P.C (Postes de Contrôle). Une nouvelle réorganisation s’opère donc mais «RAZAFINDRABE Victorien» reste le principal chef, soutenu toujours par ses bras-droits: les irréductibles chefs d’Etats- Majors (repris au tableau n° 6) et le Quartier Général, devenu B.D.N se déplace par la suite vers Lakato.

221 A.N. – Série D. 872 -873 – ch : Affaire LESPORT – Folio N°11 – 12 – 13 – PV N° 95 222 A.N. – Série D. 887, CH :887.2.1.2 Folio N°28. PV N° 3 du 23/08/49 : audition de RANAIVO, 49 ans, scieur de long à la compagnie coloniale, demeurant à Ambolotra, canton de Sabotsy – Anjiro . Folio N°29, PV n°3 du 28/08/49 : audition de RAKOTOMANGA, 36 ans, manœuvre sur la voie ferrée T.C.E., demeurant à Ambatolampy, canton de Sabotsy – Sabotsy. 78

Les membres des «camps d’ANDRANO-FODY»223 vont connaître une grande rupture à cause de sa liquidation. Les uns rejoignent l’EM2, de RATSIMISARAKA, créé à ANTSAPOTAKA, dans un camp situé à 3Km de Vodiriana, 6 cases groupées puis 7 cases à l’écart.

Les membres de ce camp étaient

 Chef d’E.M : RATSIMISARAKA, administrateur, reçoit les ordres de «RAZAFY», les diffuse à tous les secteurs. Il est armé d’un fusil de chasse et d’un mousqueton avec 300 cartouches  Adjoint: RAZANAKOTO Bernard, armé d’un mousqueton  Commandant: RANAIVO André, armé d’un mousqueton  (ex chef du village d’Andrano-Fody)  Lieutenant: RAKOTO Joseph, armé d’un mousqueton  Sous-lieutenant: RAKOTO Philippe, armé d’un mousqueton  1ère classe: RAKOTOZOKINY, armé d’un mousqueton

Ces six malgaches ont de 5 à 15 cartouches.

Effectif total: 80 hommes de Fatakana – Beparasy.

Tandis que les autres se déplacent vers ANKAZOTOKANA, à quelques kilomètres à l’Est d’Andrano-Fody, 30 cases. Le camp était commandé par RAZANAKOLONA.224

Cette nouvelle réorganisation reste effective jusqu’à la fin des hostilités.

Les points forts de cette organisation sont:

Primo, la cohérence entre le Quartier Général et les Etats-Majors secondaires.

Etant calquée sur l’organisation d’une armée moderne, le respect de la hiérarchie impose à ces Etats-Majors de recevoir et d’exécuter les ordres, les directives et les décisions du Quartier Général de «RAZAFINDRABE V.», transmis par lettre ou par circulaire. Malgré la difficulté de communication, la liaison se faisait par messager.

Secundo, la collaboration entre les secteurs d’une part et entre les Etats-Majors de l’autre. «Par une source digne de foi mais qui mérite une étude approfondie nous

223 A.N. –Série D.887 – ch : Interrogatoire de RAMANANTOANINA Paul 224 Archives S.H.A.T. confirmées par les données des archives nationales série D.887 79

apprenons que LEHOAHA, principal chef du «Secteur Sud» avait envoyé ses hommes vers «RAZAFINDRABE V.» pour encadrer ses troupes».

Des exemples concrets de l’étroite collaboration des Etats-Majors étaient l’envoi des hommes de Beparasy vers Mandialaza (voir affaire LESPORT) et ceux de Mandialaza vers IFODY sous les ordres de RANAKOLONA ainsi que la présence permanente du général RAZANAKOLONA dans les camps de Mahajery (EM7) et d’Andrano Fody (EM2).

Tertio, la définition des charges de chaque militant et surtout des chefs d’Etats Majors. Etant originaires de la région, leur parfaite connaissance du terrain facilita la réalisation de leurs tâches. Le rôle des guetteurs était aussi d’une grande importance car ils signalèrent l’arrivée des troupes coloniales. La résistance d’une troupe dépend donc en partie de leur dynamisme.

Il reste à savoir l’existence d’une cohésion entre les dirigeants et les dirigés vu la présence des militants « accidentels » et la permanence du conflit entre les différentes communautés. Avoir ces points forts ne suffit pas d’affirmer que cette organisation est stricte. Elle avait aussi besoin d’autre moyen pour l’imposer : le tribunal insurrectionnel.

2 - Le tribunal insurrectionnel

Pour la bonne marche de cette organisation, un tribunal avait été créé, siégeant au «Central TAFIKA». Ce tribunal faisait parti de« la composition d’un Etat – Major».225

RAKOTO Georges, un ancien combattant, faisait office de «Président du Tribunal». Ce tribunal disposait d’assesseurs et d’enquêteurs.

Etant un moyen de représailles, il était mis en fonction pour châtier et pour trier les vrais militants des faux. Il est à préciser que c’est le Président du tribunal qui juge les affaires. Par contre, la décision finale sur le sort de l’inculpé revient au principal chef : RAZAFINDRABE V., qui n’hésite pas à infliger la peine capitale : l’exécution. Ce fut « le cas de RAVELONJANAHARY et de RALAIKA ».

Il est aussi à noter que chaque Etat - Major secondaire dispose d’un tribunal. «Pour Mandialaza, un tribunal, présidé par RAMAROLAHY et dépendant de l’E.M.5 de RAVELOSON avait été érigé à ANKOKALAV ».

Les membres conseillers de ce tribunal étaient: «RABERAVOAVY, RAINIZANAKA, RANAIVO dit «Patana», RAMANJA, RATRIMOKELY d’Ankokalava, TSIGATAHANA de Marofody, RAFARALAHY et RAININORO de Felana et

225 La composition d’un Etat – Major est de typa suivant : un Président, des conseillers, le bureau civil, le bureau de commandement, le bureau militaire, le tribunal et le poste de gendarmerie », tiré dans « Les Sociétés Secrètes » de RAMANANTSOA R. B. 80

RAINIZANAMALALA de Moramanga». Il est utile de remarquer que les membres de ce tribunal étaient issus des «HOVAVAO». Ce tribunal avait plus d’autorité que le président d’Etat Major ou d’autres bureaux qui devaient respecter le mot d’ordre du «Central TAFIKA» de Beparasy. Il était opérationnel durant les temps de crises de l’E.M.5 de RAVELOSON, c'est-à-dire au mois de juin, juillet et mi-août.

La proclamation de la condamnation de cinq individus au début du mois de juin et l’envoi des hommes pour sommer la population de Mahadera (revoir affaire Mahadera) en sont des preuves concrètes.

Toutefois, ces décisions ne devaient pas sortir du cadre de «SOULEVEMENT DE TOUS». En d’autres termes: ce tribunal avait été érigé pour légitimer le pouvoir des meneurs dans les zones dites « libérées» mais il avait abusait son autorité. TROISIEME PARTIE:

LIMITES ET ISSUES DE L’INSURRECTION 82

La lutte de libération nationale de 1947 a été vouée à l’échec puisqu’elle a des limites tant internes qu’externes. Quelles sont ces limites?

I - LIMITES INTERNES DU MOUVEMENT NATIONALISTE

La déconnexion ente les dirigeants et les dirigés, à l’origine de la «trahison» principal facteur de la désorganisation du commandement et des troupes ainsi que le déséquilibre de forces sur terrain minèrent de l’intérieur ce mouvement.

A- LA DECONNEXION ENTRE LES DIRIGEANTS ET LES DIRIGES

Dans le gouvernement de Sabotsy-Anjiro, district de Moramanga comme dans d’autres zones du «Secteur Nord», la déconnexion entre les dirigeants et les dirigés est une des principales causes de l’échec de cette insurrection. Elle s’explique, d’abord, par la divergence d’intérêts et d’inspiration entre ces deux entités et se manifeste ainsi dans le cadre général du secteur.

En effet, les dirigeants, c'est-à-dire les chefs nationalistes: RAZAFINDRABE Victorien et son équipe, cultivés et ayant une condition de vie meilleure par rapport à la masse, concevaient une indépendance politique. Ils préconisaient de ce fait un mouvement nationaliste. Cette idée est de l’«âme de conjuration» de ce mouvement, en contact direct avec ces derniers.

Par contre, les dirigés, représentés par cette masse paysanne ignorante et illettrée, spoliée et oppressée, prévoyaient une indépendance économique. Ils envisageaient à cet effet un soulèvement populaire.

Et le «29 mars» s’éclata, ayant comme noyau ces paysans étant donné que leur inspiration constitue les principaux thèmes des propagandes nationalistes savamment orchestrés. Les chefs nationalistes avaient effectivement laissé espérer une fin proche de toutes sortes des abus et d’oppression de l’administration coloniale et des colons profiteurs ainsi que tous les méfaits de la colonisation. Ils avaient également promis à cette masse l’arrivée d’une administration malgache porteuse de prospérité et de tranquillité. Tout cela à moindre prix car ils ne prétendent qu’une guerre de trois jours pour obtenir l’indépendance. Cela semble impressionnant!

Or, la réalité n’était pas celle que cette masse espérait.

Les chefs nationalistes, qui devraient poursuivre la lutte armée, avaient par la suite substitué le gouvernement français par un gouvernement malgache.

Pour légitimer leur pouvoir, RAZAFINDRABE Victorien et son équipe avaient recruté village après village chaque homme valide pour ne pas laisser indifférent aucun 83 habitant du territoire contrôlé par eux, même sous représailles. Ils n’hésitèrent certainement pas à menacer de mort ou d’exécuter un homme s’il refusa de participer au mouvement. Les pro-colonialistes avaient été aussi faits prisonniers.

Engagés de gré ou enrôlés de force, tous les militants nationalistes ou «accidentels» avaient vécu de rudes épreuves dans le territoire contrôlé par RAZAFINDRABE V. et son équipe ou zones dites «libérées».

Ils étaient tout soumis aux mêmes lois imposées par les chefs. «Un homme avait, par exemple, besoin d’une permission pour se déplacer, sinon il était considéré comme un envoyé par le camp adverse et emmené de force devant le tribunal insurrectionnel qui décide son sort»226.

Il est à rappeler que ce tribunal n’hésita pas à infliger la peine capitale. Militants comme prisonniers avaient aussi subi les mesures draconiennes prise par les chefs pour stopper toutes tentatives de révolte contre eux. Chaque militant «accidentel» ou prisonnier avait été surveillé de près. On ne leur attribua aucune fonction qu’après une longue et dure épreuve. Aucun homme n’échappait donc au contrôle de RAZAFY et son équipe sauf les plus malins parce que chaque coin de la brousse, il y avait un guetteur.

Leur rôle ne se borna pas à signaler l’arrivée des «vazaha» (militaires) mais aussi signaler l’évasion d’un évadé. Ces mesures avaient parfois suivi des actes barbares comme prendre «femme»227 parmi les favorites colonialistes ou pro-colonialistes.

Cette façon de procéder était une pratique courante chez les colons ou administrateurs en tournée dont les femmes de certains militants étaient victimes. Ils ne faisaient donc que prendre leur revanche. En même temps, une économie de guerre marquée par le dirigisme avait été appliquée dans ces zones dites «libérées».

Il est certain que le problème de ravitaillement ne se posa au début du mouvement puisque la récolte s’avérait bonne cette année, et aucun cataclysme naturel n’était à remarquer. Ce mouvement s’éclatait aussi à la sortie de la période de récolte.

Ces récoltes avaient été soigneusement cachées dans les fossés à riz ou stockés dans plusieurs centres de ravitaillement. Le plus connu était le triangle: Beparasy, Anosibe an’ala, Lakato: une région réputée irréductible. Cependant, le riz avait été rationnée une ration nettement insuffisante et de plus en plus réduite car au début cette ration était de l’ordre de un «kapoaka» par jour (une boîte de Nestlé) par personne pour s’abaisser à presque rien. Cette pénurie avait été due au repérage et à l’incendie de ces centres de ravitaillement conjugué au blocus effectué par les troupes de forces coloniales.

226 Témoignage de RABOTOVAO Jean d’ Anjiro, un pseudo – commandant rebelle, soumis aux pacificateurs 227 Témoignage de Mama Hélène de Beparasy. 84

Cette masse paysanne faisait face de nouveau à un problème majeur: la famine. Elle se nourrissait, par conséquent, des racines comme le «VIHY». Simultanément, l’hiver arriverait. En plus, ils n’avaient aucun tissu ou vêtements chauds pour l’affronter. Il est indispensable de remarquer ici que la reprise de ce vieil système impopulaire de l’administration coloniale éloignait sans doute les dirigeants des dirigés.

Le FOKONOLONA constitué notamment par les femmes et les enfants mais aussi et surtout par les «Raiamandreny» qui a été chargé du ravitaillement des jeunes combattants nationalistes a été privé de leur produit.

Alors qu’on leur accorde ce qu’on appelle le «droit de butin». C’est une sorte de «vodihena» accordée à ceux qui avaient volé les bœufs pour les motiver. Néanmoins, cette part avait été d’habitude réservée aux «Raiamandreny».

Le renversement d’une situation pire qu’auparavant est à l’origine du mécontentement du FOKONOLONA d’autant plus qu’on leur assigne le service comme piler le riz, chercher de l’eau. Des services que les jeunes devaient effectués.

La rupture des structures traditionnelles ainsi que la souffrance et la misère qu’avait endurée cette masse paysanne déçue et traumatisée constituent des ingrédients suffisants pour qu’ils se tournent contre les dirigeants. Leur désir de revenir travailler leurs rizières va de pair avec la politique de clémence de l’autorité coloniale.

N’est-il pas, à cet effet, logique si les femmes et les enfants ainsi que les Raiamandreny se soumettaient facilement à l’autorité française ?

La déconnexion entre les dirigeants et dirigés ne se limita pas seulement dans le cadre du secteur, elle se manifesta également à l’intérieur d’un Etat Major, particulièrement au sein de l’Etat Major N°5 (E.M.5) de RAVELOSON (Mandialaza) et s’exprime au grand jour pendant la phase de succès de cet Etat Major, c'est-à-dire juin, juillet et mi-août 1947.

Contrairement à ce qui s’était passé dans les Etats Majors du Sud de gouvernement de Sabotsy-Anjiro dirigés par les «enfants du pays»228 selon le terme de RABETRENA tout comme dans le «Secteur Sud» de Lehoaha, le contrôle de la situation échappa dès le départ aux chefs traditionnels. Il fut entre les mains des «HOVAVAO», dépendants et serviteurs dans les temps normaux.

Psychologiquement, il était de ce fait difficile aux nobles: Zafin’Andriamamilaza: maîtres et protecteurs, d’accepter ce changement, autrement dit d’être mis en position subordonnée et d’assigner les services réservés aux serviteurs. Il n’est pas donc étonnant s’ils

228 Il est à noter ici que dès la formation des membres du bureau MDRM dans cette partie du gouvernement de Sabotsy – Anjiro, c’est – à – dire à Beparasy, le problème de race ayant été posé y a été déjà résolu et ne pose plus lors de la mise sur pied d’ un Etat – Major. 85 se rendirent immédiatement à l’autorité française dès son premier établissement: «le 25 mai 1947»229.

De peur d’être châtiés, ils avaient choisi de coopérer avec cette autorité.

Une situation qui semble les avaient si bien avantagée parce que l’ «encadrement des corvéables étaient confiés aux notables Zafimamy»230. Ce malentendu ne faisait qu’attiser la haine des combattants nationalistes de l’E.M.5 de RAVELOSON. Ils taxaient le FOKONOLONA d’Anjafimbahy de collaborateur avec l’ennemi et s’en prennent à eux. Cela explique pourquoi ils avaient exécuté à coups de sagaie et de couteau cinq individus issus de cette localité au début du mois de juin 1947 à ANKOKALAVA. «Il s’agit de RATSIHATRENA d’Amboasarikely, RAKOTONDRAZAFY et RANAIVO dit «vazaha» tous deux d’Ambongakely, RAZAFINDRANAIVO A. d’Ampananganana et RALAIZAFY d’Ambonindriana»231.

Le glissement de ce mouvement vers une lutte de classe mais aussi d’intérêt et de valeur était donc inévitable. C’est en ce sens que le milieu colonialiste et pro-colonialiste avait traité ce mouvement Nationaliste en une guerre entre Malgaches.

Cependant, la part de l’autorité coloniale dans cette affaire n’est pas à minimiser. Pour enlever ce caractère «populaire» de ce mouvement nationaliste afin d’affaiblir la puissance des troupes de forces nationalistes, elle avait tout fait pour rompre «l’union sacrée des malgaches»: élément décisif de la victoire nationaliste alors que cette cohésion est encore à son stade primitif.

L’absence d’une cohésion antre les dirigeants et dirigés causée par la rupture des structures traditionnelles d’une part et d’autre part le changement des relations intercommunautaires engendrera une autre raison de l’échec de ce mouvement nationaliste : la «TRAHISON».

B - LA TRAHISON

Plusieurs versions avancent comme principale force destructive de ce mouvement nationaliste: la «TRAHISON». Or, c’est un sujet occulté et falsifié qu’on voulait à tout prix enterrer à jamais puisqu’à l’origine des rancœurs et de la division des Malgaches. Et les plaies ne sont pas encore fermées. Sur ce point, le raisonnement de Françoise RAISON JOURDE nous a totalement persuadé car elle a dit que cette insurrection 1947 est «un passé qui ne passe pas»232. Nous pensons pourtant qu’il est temps d’oublier le mauvais côté de ce mouvement et

229 A.N. – Série D.875 – ch D875.6 : Cette date marque l’arrivée d’une patrouille dirigée par le chef du District, le commandant JOUBERT, dans le chef lieu du canton deMandialaza et la prise en main des affaires de cette région par l’ Administration coloniale 230 In RAZAFIMBELO C. : « Alliances et conflits » 231 A.N. – Série D.872 – 873 concernant l’ affaire LESPORT 232 Titre d’un ouvrage de ROUSSO in F.R. JOURDE. 86 de partir sur une nouvelle base fondée sur ce qui est de meilleure et de solide dans ce mouvement nationaliste. Mais, il faut avant tout que ce problème soit réglé.

C’est dans son essence même qu’il faut trouver les remèdes efficaces à ces blessures. Cela nécessite donc un éclaircissement. Il est vrai que quelques militants nationalistes à majorité féminine se soumettaient facilement à l’autorité coloniale et acceptaient volontairement de coopérer. C’est pareil pour les militants «accidentel » et particulièrement les «prisonniers» qui s’évadaient. En somme, c’était la masse qui s’était soumis en premier lieu. Différentes raisons expliquent cette attitude. La peur des combattants nationalistes de l’E.M.5 de RAVELOSON obligea, par exemple, les habitants de Mandialaza de se soumettre pour chercher la protection de l’autorité française dès son établissement dans cette localité.

La frustration, la souffrance et la misère, la faim et le froid, l’insécurité et surtout le désir de retourner à la vie normale comme travailler les rizières sont des raisons unanimes d’une soumission massive dans le gouvernement de Sabotsy-Anjiro, district de Moramanga. De son côté, l’Administration coloniale avait fait régner un climat de paix et de confiance mais aussi de prospérité en vue d’attirer ces militants nationalistes dans les zones pacifiées: «RAKOTO Armand et RAZANAJATOVO André d’Ambodinifody nous ont déclaré que l’autorité militaire de Sabotsy-Anjiro leur avait laissé voie libre pour apporter des vivres ou des produits rares comme sel, sucre, cigarettes, tabacs, … aux insoumis qui se réfugièrent dans le massif d’IFODY : un lieu réputé irréductible»233.

Tous ces agents marquent exactement la politique de clémence adoptée par l’Administration coloniale après une forte pression venant de la Métropole. Les chefs irréductibles avaient-ils raison de les accuser de «traîtrise»?

Ils avaient en partie raison car la présence des engagés involontaires prisonniers et l’infiltration des espions dans le rang des militants nationalistes facilita les opérations militaires entreprises par le camp adverse qui établit leur plan de défense ou d’attaque à partir des renseignements obtenus auprès de ces militants «accidentels» ou des «espions».

Ces derniers acceptèrent certainement de coopérer avec les militaires réguliers en leur fournissant des renseignements concernant l’ossature secrète de l’organisation du commandement et des troupes de forces nationalistes, l’emplacement des camps, les noms des chefs nationalistes et en leur servant de guides ou de porteurs.

Cette coopération avait été due aussi bien à l’appel lancé par le Haut Commissaire de COPPET lors de son discours prononcé le 12 avril 1947. Il avait dit: «… Les populations ont d’impérieux devoir d’aider les autorités dans la recherche de ceux qui ont délabrement rompu avec loi …»234, et aux récompenses accordés à ses collaborateurs. Ce fut le cas des deux

233 Ces deux témoins oculaires étaient des militants nationalistes qui servaient d’agent de liaison entre les deux camps 234 Discours prononcé par le Haut Commissaire de COPPET le 12 avril 1947 à Tananarive in J.O.M. du 14 avril 1947 87 gardes indigènes qui acceptèrent volontairement d’espionner le «groupement rebelle» selon la terminologie coloniale. Ces deux gardes se présentèrent devant le principal chef et ses membres de bureau comme déserteurs voulant, rejoindre le camp nationaliste. Ils avaient réussi à obtenir des informations et à s’échapper ensuite. Ces renseignements ont été livrés à l’autorité militaire et ils étaient récompensés de 2000 francs chacun235.

Un climat de méfiance et de suspicion en découlent ainsi.

Cependant, sil ces chefs nationalistes n’avaient pas menti et s’ils avaient tenu leur promesse, en d’autres termes, si ces militants avaient vécu une autre réalité avec l’arrivée d’un gouvernement malgache, porteur exactement de tranquillité et de prospérité, ils ne feraient sans doute pas pareille chose.

D’autant plus que soumis ou capturés, volontaires ou non ? De gré ou de force, les militants avaient le devoir de fournir des informations au camp adversaire. Ils avaient aussi le devoir de les rendre service.

C’est ainsi que les militaires réguliers avaient dépisté les camps, repéré les centres de ravitaillement, faisait la «répression de tête».

L’obtention de ces renseignements est à l’origine de la désorganisation du commandement et des troupes de forces nationaliste .

C – LA DESORGANISATION DU COMMANDEMENT ET DES TROUPES NATIONALISTES:

En fait, les renseignements fournis par les militants nationalistes soumis ou capturés, volontaires ou non, de gré ou de force, permettaient au camp adverse d’élaborer un plan de défense ou d’attaque contre les troupes de forces nationalistes.

Certains renseignements étaient faux mais après recoupement ils avaient pu reconstituer l’ossature secrète de l’organisation du commandement et des troupes de forces nationalistes, dépister les camps et repérer les centres de ravitaillement. Cela facilita ainsi le dérèglement du système.

C’est à partir des renseignements obtenus qu’une «patrouille dirigée par le Commandant JOUBERT s’attaqua aux Etats – Majors de Malemibe et d’Antorifito, transféré, à cet effet, à Ankokalava mais elle ne rattrapa personne»236.

235 A.N. – série D. 875 – ch 875.6 – s /ch 875.6.1. Folio N°48 -49 236 A.N. série D.875 – ch. 875.6.1.Folio N° 102 -103 – 104 (campagne de Moramanga) 88

C’est à cause de ces renseignements aussi que RAZAFINDRABE Victorien et son équipe avaient été chassés de son fief à Beparasy et se déplaçaient vers Lakato. «Lors de cette embuscade, ils avaient perdu l’un des trois frères les plus actifs de Beparasy, le nommé LEZARIMANANA».237 En conséquence, il devait amender cette organisation en promulguant l’arrêté du 03 septembre 1947 et qu’il avait fini par perdre le levier de commande.

D – LE DESEQUILIBRE DE FORCES ENTRE LES DEUX CAMPS: Pour visualiser ce déséquilibre, il est utile de dresser avant tout un tableau d’ensemble faisant ressortir les rapports de forces entre les deux camps: troupes nationalistes et troupes coloniales.

Tableau 7: Les rapports de force entre de forces Nationalistes du Gouvernement de Sabotsy-Anjiro, district de Moramanga et les troupes régulières durant les hostilités.238

MOYENS MIS EN ŒUVRE PAR PERIODE MOYENS MIS EN ŒUVRE PAR LE LE CAMP NATIONALISTE CAMP DES MILITAIRES REGULIERS Les troupes de forces nationalistes 29 Mars 1947 Le commandant de la subdivision de dispose: Moramanga dispose:

 Des moyens rudimentaires: P.C. du 1er Bataillon du «Armes blanches»: couteaux, coupe- 1erR. M.M. avec: coupe et surtout sagaies  1 compagnie de tirailleurs Malgaches en Armes à feu: quelque fusils de pleine réorganisation chasse exemple de Mandialaza du  La compagnie autonomede transport (Malgache en cours d’implantation à  Un effectif très élevé: 29 Mars 1947 Moramanga et de réorganisation) Répartition en groupe de 30 à 40 ou au  1 élément de sénégalais rapatriables (70 700 hommes en âge de combattre. 15 Août 1947 tirailleurs) en instance d’embarquement et maintenu à Moramanga. N.B: La majorité n’ayant reçu aucune formation militaire Civils et militaires (anciens combattants ou militaires réguliers) s’épaulaient toujours.

Conclusion: 29 Mars 1947: Succès des troupes nationalistes Causes : Impréparation des troupes régulières

237 Témoignage de la famille des trois frères d’ Ambalahorana (Beparasy) :Rabetrena, Ralaizokiny et Lezarimanana 238 Source : Archives Nationales recoupés par les données des Archives de Vincennes et des Archives privées 89

(Fin Avril 1947) (30 Mars 1947)

 Evaluation des armes à feu raflées par les Forces terrestres 239 Arrivée de renforts venant de Tananarive militants nationalistes : 3 F.M, 900 cartouches, 2 chargeurs «JOUBERT». Composition de 22 fusils 74 et 619 cartouches détachement 2 fusils 86/93 1 Piéton léger de reconnaissance: 70 mousquetons Lieutenant d’USSEL 3 mitrailleuses 1 Compagnie: capitaine CHANTELOU 980 cartouches de 8mm Sénégalais: Lieutenant THOMAS 1 pistolet mitrailleur slin et 6 cartouches Lieutenant: VAN BAELINGHEM 9 revolvers et 19 cartouches 1 section: Ltn MARTY Artilleries 1 carabine semi automatique (calibre 9mm) 1 section de transport: Adjudant et 80 cartouches à balles semi-blindées LONCAULT 4 fusils antichars BOUY 1 élément: Médecin – Commandant médical MAURIC et ultérieurement la Médecin capitaine LECLERC N.B: Ces chiffres englobent tous les 1 camion Radio secteurs nationalistes 1 voiture des P.T.T

Le gouvernement de Sabotsy-Anjiro ne  Forces aériennes: dispose qu’un F.M – mousquetons mais aussi et surtout des fusils de chasse (9 Avril 1947) Présents: Effectif de plus en plus élevé avec le 1 escadrille de 5 ANSON recrutement de tous les villageois 4 JUNKER 1 DOMINI (en révision) N.N.B : Tous les villages du gouvernement de Attendus: Sabotsy-Anjiro furent dévastés et désertés 1 ANSON 6 JUNKER Avions transporteurs de matériel et repartant dès leurs missions terminées Présents: 3 DC 3 à Ivato 4 HALIFAX à Dar-es-Salam Attendus: 8 JUNKER

(19 Avril 1947) Arrivée du dernier renfort venant de la Réunion (Bourbon)

. (28 Mai 1947) . Arrivée d’un renfort venant de Djibouti .

239 Source : J. TRONCHON : Thèse de doctorat, p.45 , confirmée par les données Archives Nationales et de S.H.A.T. 90

Effectif de plus en plus élevé allant de A compter du 15 juin 1947 la répression 500 à 2000 ou 3000 hommes en âge de militaire a été placé sous le combattre à cause de la mobilisation commandement du Colonel PENARD, Commandant de la subdivision Centre et d’autres districts: Vatomandry – du secteur ce Pacification dont fait ressort Anjozorobe – Manjankandriana – Ambatolampy (avec le gouvernement de Sabotsy-Anjiro, district de Moramanga. Ambohitrandriamanitra – Ambohimiadana). Moyens mis en œuvre (en Ce recrutement massif est effectué en vue Du moyenne/jour). 15 Juin 1947 d’un investissement de la capitale 241 au Troupes: 17 Août 1947  1 Compagnie Sénégalaise qu’elle soit du B.I du DMA ou la 1ère compagnie sénégalaise du 1er RMM, dite compagnie DJIBOUTI  1 Peloton d’autos mitrailleuses et la maintenance de l’Escadron de Reconnaissance du DMD  1 Section d’Artillerie et la Batterie du Commandant du G.ACE  Tous les autres éléments de la garnison (à des armes ou à des services)

N.B : Ces sections ont été mises en place pour préparer l’arrivée des renforts venant de la Métropole.

241 Source : Archives de Vincennes 8H197 D1(II) 91

Effectif de plus en plus réduit Arrivée de nouveaux renforts venant de la Métropole: le 2ème Bataillon de Cause: Marche du 7ème R.T.A à Moramanga

Soumission, capture des prisonniers tués Du EFFECTIF TOTAL: 737 15 Août 1947 Remise ou Récupération des armes Répartit comme suit: raflées au début du mouvement au 1 officier supérieur français 1950 19 officiers subalternes 1 sous-lieutenant indigène Exemple: Récupération d’un F.M et 29 71 sous-officiers français mousquetons dans les régions Au départ 33 sous-officiers indigènes d’IFODY240 98 caporaux chefs, caporaux et tirailleur français 514 caporaux chefs, caporaux et tirailleur indigènes Ce 2ème G.M est doté de: 13 jeeps et 12 remorques de demi-ton ne 15 doges de 750Kgs 1 sanitaire 1 G.M.C 5 cuisines roulantes

240 Source : A.N. – Série D.888 –ch : 888.6 92

Augmentation de l’effectif du 2ème B.M242 Soit 819 au total :

10 officiers supérieurs 19 officiers européens 3 officiers Nord-Africains 3 adjudants chef européens 6 adjudants 15 Mai 1948 3 sergents major

16 sergents chefs européens 6 sergents Nord-Africains 36 sergents européens 31 sergents Nord-Africains 22 caporaux chefs européens 28 caporaux chefs Nord-Africains 20 caporaux européens 60 caporaux Nord-Africains 39 tirailleurs européens 522 tirailleurs Nord-Africains

Arrivée des renforts Européens :

6 sergents européens 12 caporaux chefs européens 13 Février 1949 9 caporaux européens 32 tirailleurs 2èmes classe 4 tirailleurs 1ers classe

En réalité, il s’avère trop hâtif de généraliser les cas et de conclure que l’indigence des armes avait causé l’échec de cette insurrection alors que les troupes Nationalistes avaient joué la partie au début.

Vu le Tableau n°7, l’essor du 29 Mars 1947 s’explique d’une part par la supériorité numérique des troupes nationalistes bien qu’elles ne possédaient que des moyens rudimentaires et d’autre part, il était dû à l’impréparation des troupes coloniales d’affronter un adversaire qu’elles avaient tant sous-estimé. 93

Les renforts venant de Tananarive, de la Réunion et de Djibouti n’avaient pas pu maintenir l’ordre dans le district de Moramanga, y compris le gouvernement de Sabotsy-Anjiro.

Ce ne fut qu’à partir du mois d’Août 1947 que la victoire commença à changer de camp avec l’arrivée des renforts venant de la Métropole: le 2ème Bataillon de Marche du 7ème R.T.A basé à Moramanga.

Ces renforts (Algéro-marocains), élevés en nombre (soit 737 au total) et dotés des moyens modernes et adéquats avaient eu une expérience de pacification puisqu’ils venaient d’effectuer une action similaire en Cochinchine. Ils étaient aussi bien encadrés par des officiers européens et commandés par le commandant AUTRAND.

En concomitance, l’effectif du camp nationaliste ne cesse de diminuer à cause de la soumission massive ou capture des prisonniers. Des armes avaient été remises ou récupérées par les troupes coloniales.

Cette pacification qui avait duré presque quatre ans (car ces renforts n’avaient pas été rapatriés qu’en 1950) avait mis fin à cette insurrection. C’est au cours de cette phase de «pacification» que le principal chef: RAZAFINDRABE Victorien avait été capturé ainsi que ses amis de guerre et bras-droits comme RAJAONA dit «Rommel» et RAPARIVO Gaston.

II - LIMITES EXTERNES DE L’INSURRECTION

A - L’ISOLEMENT DE L’INSURRECTION SUR LE PLAN NATIONAL

La lutte de libération Nationale malgache de 1947 avait été conçue au niveau national et le mot d’ordre lancé par son «âme» était: «Soulèvement de tous, partout, à la même heure», autrement dit: mouvement généralisé dans tout Madagascar prévu pour le 29 Mars 1947, vers zéro heure». Or, deux foyers seulement avaient été enregistrés au cours de cette même nuit: Manakara (à 22 heures) et Moramanga (vers 24 heures) dont faisait partie le gouvernement de Sabotsy-Anjiro qui formait le «noyau du groupe du 29 Mars 1947» dans ce District.

C’est à partir de ce noyau que ce mouvement insurrectionnel va s’étendre par la suite. En effet, les indigènes de ce gouvernement, des misérables paysans, ignorants et illettrés, spoliés et oppressés à l’exemple des «HOVAVAO» dans le Nord, «d’Ambodinifody ou de Beparasy au Sud» constituaient des volontaires ayant été mobilisés et recrutaient village après village, de gré ou de force le reste de la population autochtone et firent prisonniers les 94 pro-colonialistes. Le mouvement de minorité devient, à cet effet, un mouvement de masse: élément essentiel au développement d’une méthode indirecte: la «guérilla». Cette mobilisation et ce recrutement ne se limitaient pas au district de Moramanga mais allaient vers les districts voisins comme ceux d’Ambatolampy par l’intermédiaire d’Ambohimiadana et d’Ambohitrandriamanitra au sud, de Manjakandriana vers Mantasoa avec une menace d’Antelomita (centrale électrique) à l’ouest, d’Anjozorobe au nord-ouest, d’Ambatondrazaka au nord –nord est et de Vatomandry jusqu’à Mahanoro – Brickaville à l’est et sud-est avec une certaine tentative d’investissement de la capitale et un débordement vers Soanierana- Ivongo et Mandritsara. Toutes ces régions étaient englobées dans le «Secteur Nord» placé sous le contrôle du principal chef: RAZAFINDRABE Victorien: Chef de Section MDRM de Moramanga et un des dix huit conseillers du parti, aidé et soutenu par ses amis et bras-droits: les «trois frères d’Ambalahorana» (Beparasy), sa «belle-famille» ainsi que les «membres du bureau», «membres conseillers» et «chefs de section» locale du parti MDRM dans la réalisation d’une lourde tâche. Ils lui étaient restés fidèles jusqu’à leur reddition.

Parallèlement au «Secteur Nord», il y avait aussi le «Secteur Sud» de Lehoala qui englobe: Manakara, Mananjary, Vohipeno, Ambohimanga du sud, Ifanadiana, Faraony, F.C.E. .Ces deux secteurs entretiennent une étroite collaboration. La liaison se faisait par l’existence d’un messager qui accomplissait les relais.

En résumé, ce mouvement de résistance va ainsi de la campagne vers la ville alors que le contraire avait été prétendu. Les zones où la résistance était très vive étaient la falaise de l’Angavo, celles de Betsimisaraka et de Tanala, c'est-à-dire dans les zones qui offrent une topographie très complexe et qui sont très couvertes (la forêt dense de l’Est) mais c’est là où l’on note aussi une forte pression de colonisation. En d’autres termes, cette insurrection était limitée géographiquement dans les zones où les réquisitions étaient très denses à cause de l’implantation massive de la colonisation et des artères vitales, surtout les voies ferrées (MLA, TCE, FCE), suivi d’une spoliation des terres ancestrales et de l’oppression, y compris le gouvernement de Sabotsy-Anjiro.

Ce mouvement ne bénéficiait donc pas du soutien national sur le plan humain et moral que matériel et financier. Le problème de ravitaillement avec l’épuisement des sources conjugué au blocus effectué par les troupes de forces coloniales n’avait pas pu être résolu. Aucun renfort ni aucune aide nationale en équipement militaire n’avait été remarqué. Son isolement sur le plan national contribua à l’échec de «mouvement national, il en est de même sur le plan international». 95

B - LE MYTHE DE L’AIDE ETRANGERE

L’arrivée d’une aide étrangère faisait l’objet d’une polémique alors qu’elle n’avait jamais existé. Elle n’était ainsi qu’une «mythe».

Cependant, les Sociétés Secrètes ou l’ «âme de conjuration» de ce mouvement elles- mêmes avaient déjà fait allusion à une aide étrangère venant de l’Amérique (USA), de l’URSS (Union Soviétique) et de la Chine, du moins d’après les chefs nationalistes pour les encourager à respecter et à exécuter le mot d’ordre mais il semble qu’ils étaient dupés.

Il est vrai que les Etats Unis d’Amérique et l’Union Soviétique: pays sortis vainqueurs de la Deuxième Guerre Mondiale et qui détenaient le levier de commande à cette époque, avaient fait bonne presse auprès des pays colonisés à cause du nouvel ordre apporté par ce second conflit et imposé par ces deux pays, entre autre la «charte de San Francisco».

Le Président des Etats-Unis ROOSEVELT, principal auteur de cette charte, avait même osé critiquer la politique coloniale de la France, un pays signataire de cette Charte, comme «RETROGRADE».

Ces deux pays sont en effet considérés en 1947 non seulement comme le «symbole de la liberté» mais aussi et surtout «libérateurs» des colonisés du joug colonial.

C’est ainsi que les chefs nationalistes: RAZAFINDRABE Victorien et son équipe avaient fait l’éloge de ces deux pays pour mobiliser et stimuler les militants nationalistes. Quels furent à cet effet les échos de ce mythe aux fins fonds de la brousse?

Ce mythe les sert d’ «encrage» dans la brousse. Il est une des raisons de poursuite de la lutte armée.

Ce mythe devenait pourtant un poison mortel, responsable de la mort de nombreux malgaches puisque les troupes coloniales y trouvèrent aussi une occasion pour réprimer ce mouvement. L’échec de l’événement d’Ampasimpotsy, Mandialaza (AFFAIRE LESPORT243) réside dans ce sens.

Il est à rappeler que «LESPORT: un colon de mauvaise réputation et sa famille qui soutinrent au siège de huit (8) jours effectué par le militants nationalistes du gouvernement de Sabotsy-Anjiro furent délivrés par une patrouille dirigée par le Commandant JOUBERT».

Comment cette patrouille avait pu franchir la rivière Sahajonjana244 alors que le «pont» a été coupé par les militants nationalistes pour parer à l’éventuelle répression?

243 A.N. – Série D .872 -873 : AFFAIRE LESPORT 244 Ce pont de Sahajonjana se trouve sur la route de Mandialaza, une déviation vers la concession de Lesport. 96

Dans le but d’arracher ces colons entre les mains des combattants nationalistes, le Commandant JOUBERT avait effectué une patrouille vers MANDIALAZA.

Il est à remarquer qu’il a été déjà tenu au courant par l’équipe aérien qui a survolé la région le 7 avril 1947 vers 11h45mn. Arrivée tout près du pont de Sahajonjana, cette patrouille avait appelé les militants nationalistes. Elle se déguisait en américains et les «Malgaches» qui les suivaient, en militants nationalistes.

Ces troupes avaient demandé aux militants nationalistes de reconstruire ce pont tout en disant: «Ho avy izahay hanavotra anareo fa ho matintsika i LESPORT anio». (Littéralement: nous sommes venus vous aider pour tuer Lesport).

Les plus malins s’éclipsèrent immédiatement après avoir convaincu les ignorants de ce mensonge.

Il est pourtant difficile dans un laps de temps aussi court, de persuader ces gens disposant d’un minimum d’instruction qu’ils ne s’agissaient pas des Américains mais des Français, autrement dit les adversaires alors que ce mythe est encré dans leur mémoire. Ils acceptèrent, de ce fait, de rétablir ce pont. Une fois rétabli, un climat de méfiance règne d’ores et déjà. Tous ceux qui essayaient de se sauver avaient été mitraillés par le Commandant JOUBERT.

Arrivé sur place, c'est-à-dire à la concession, le Commandant a dit: «LESPORT, nous sommes là pour vous sauver. Vous pouvez sortir».

C’est là que les pauvres ignorants étaient persuadés qu’il s’agit plutôt des français mais pas des américains tandis que qu’il était trop tard pour faire marche arrière. Le chef de District: le Commandant «JOUBERT» avait dit ensuite aux assiégeants «Mettez vous en rang» et ils se mettent en rang. Ce commandant sanguinaire les avait ainsi mitraillés.

Le plus spectaculaire dans cette affaire c’est quand cet homme inhumain a dit: «Debout!». Ces gens, misérables ignorants et illettrés, ayant l’habitude d’exécuter les ordres se levèrent de peur d’être châtiés alors que le commandant les avait de nouveau mitraillés!».

Ces récits semblent une légende mais c’est une réalité vécue dont les «autochtones de Mandialaza et d’Ampasimpotsy»245 se souviennent constamment.

Des mitraillages de ce genre se produisirent maintes fois pendant le commandement de cet homme sanguinaire et inhumain. Un autre événement néfaste, produit de ce mythe est aussi enregistré à Beparasy. Des gens qui se réfugièrent dans des camps retranchés furent appelés à attendre dans une école

245 Il s’agit des témoins oculaires : la femme de RANDRIANAIVO, de RAMANANA Emile (Mandialaza), RASOLO A.(Mandialaza), RANDRIANTSARA d’Ampasipotsy. 97 l’arrivée d’une aide étrangère lancée par avion. L’avion nommé par ces militants Nationalistes «KELIMAILAKA»246 arriva et bombarda ce groupement.

Des incidents de ce genre se répétèrent plusieurs fois dans la brousse par le simple fait: «espérer l’arrivée d’une aide étrangère» qui n’avait jamais existé.

Ces limites vont de pair avec la répression militaire et judiciaire.

III - REPRESSION MILITAIRE

Face au mouvement insurrectionnel, la réponse de l’Administration fur rapide et implacable. Elle n’avait ainsi qu’un seul but: «maintenir la présence française à Madagascar»247 mais il faut avant tout «annihiler toute velléité de révolte». Pour réduire ce mouvement, la première mesure prise par l’autorité française était immédiatement militaire qui se résulte enfin par un succès après une dure et longue répression. La période de cette répression se divise en deux phases biens distincts:

 La phase de la répression, proprement dit,  La phase de la pacification.

Ces différentes phases correspondent aux différentes phases du mouvement insurrectionnel. Elles méritent d’être appréhendées ci-dessous.

A - UNE REPRESSION VIOLENTE DIRIGEE PAR LE COMMANDANT JOUBERT

«Camp attaqué cette nuit. Nombreux victimes. Demandons Renforts et munitions»248.

Tel a été le message radio provenant de Moramanga le dimanche 30 Mars 1947 à 8h30mn et reçu à Tananarive.

Une nouvelle qui n’avait pas entièrement surpris l’Administration coloniale déjà avisé quelques temps mais qui n’était pas convaincue de la véracité des rumeurs publiques. Le «29 Mars 1947» n’était plus un mythe. Il était devenu une réalité qu’il fallait faire face.

Face à ce péril, quelle fut la réaction de l’autorité coloniale?

246 Témoignage des habitants de Beparasy 247 Discours prononcé par le Haut Commissaire de COPPET le 12 Avril 1947, confirmé le 9 juillet 1947. (J.O. N° 32 – 39 du 26 juillet 1947) 248 Rapport CASSEVILLE 98

«Sans faire attendre, le Haut Commissaire de COPPET avait réquisitionné le même jour, c'est-à-dire le 30 Mars 1947 toutes les armées de terre, de mer et de l’air avant de descendre à Moramanga pour se rendre compte lui-même la situation.

Il a été accompagné lors de ce voyage par quelques hautes Responsables»249: le responsable du cabinet civil et militaire et son officier d’ordonnance

«Tout de suite après, le bureau du général commandant supérieur, GARBAY, avait pris en charge la situation. Il avait organisé immédiatement la colonne JOUBERT lors d’une conférence tenu dans ce bureau.

Cette colonne composée de:  Un détachement léger de jeeps armées de F.N  Une compagnie sénégalaise sur camion  Une section d’artillerie  Une section de transport  Un élément médical  Un camion radio  Une voiture de P.T.T a été envoyée le même jour vers 15h à Moramanga pour y rétablir l’ordre jusqu’au 15 Juin 1947 et y arrive vers 19h»250.

«Les opérations conduites par le commandant JOUBERT, Chef de Bataillon, commandant d’armes et chef de districts de Moramanga et d’Ambatondrazaka, déclarés en état de siège, avaient été effectuées dans le cadre du sous-secteur A, ayant un P.C (Poste de Commandement) à Moramanga. Ce sous-secteur relève du secteur de Pacification commandé par le Lieutenant Colonel FARRET sous les ordres directs du général commandant supérieu» :251 «GARBAY»252.

Les opérations menées par cette colonne dite JOUBERT dans le district de Moramanga, dont fait partie le gouvernement de Sabotsy-Anjiro avaient été donc définies dans les Directives émanant du Général Commandant Supérieur.

Cette colonne avait donc pour missions: 1. «- empêcher l’extension du mouvement de rébellion 2. - assurer les liaisons ferrées et routières essentielles 3. - entreprendre des actions militaires limitées, liées à celles des autorités civiles locales, de manière à ramener la grande majorité des rebelles à la raison, tout en limitant l’emploi des armes au seul cas où celui-ci sera absolument nécessaire».

249 Archives de Vincennes : 8H 197 D1 250 Archives de Vincennes 8H 197 D1. II 251 Archives de Vincennes : S.H.A.T. 8H 195. D.II.1.P 252 Ibid. P.9. : Directives du commandement par ordre personnel et secret N°1 – 2 et 6 du Général Commandant Supérieur, respectivement en date du 27 et 30 avril 1947 au chef de Bataillon, JOUBERT, commandant d’armes de Moramanga et chef des districts de Moramanga et d’Ambatondrazaka. Il est à noter que les termes « la rébellion » et « les rebelles » sont une terminologie coloniale. 99

En somme, la colonne JOUBERT avait une mission primordiale: «marquer un temps d’arrêt» au mouvement insurrectionnel.

Comment cette colonne avait-elle procédé pour accomplir cette mission?

Ce qu’il faut noter avant tout c’est que cette COLONNE n’avait pas travaillé seule dans l’accomplissement de cette tâche.

Pour la réalisation de cette tâche de grande envergure, des missions terrestres et aériennes avaient été effectivement effectuées en vue de reconnaitre, de repérer les groupements rebelles et de les bombarder mais aussi et surtout de nettoyer les régions «en dissidence», selon la terminologie coloniale. Les troupes régulières agissaient aussi en fonction des renseignements fournis par leurs espions envoyés dans les camps «rebelle»253 comme nous l’avons déjà noté ou par les militants nationalistes capturés.

C’est ainsi que la colonne JOUBERT avait effectué d’incessantes patrouilles, des fois à pied, particulièrement dans les régions les plus reculées comme Antorifito, Ankokalava, Malemibe ou reconnues comme «centres rebelles» Anosibe – Beparasy.

Ces patrouilles rencontrent plusieurs fois les troupes nationalistes. Des embuscades avaient été tenues et elles avaient souvent perdu la bataille car elles firent face à un adversaire qui était «nulle part et partout»254. Parfois, ces patrouilles étaient tombées dans un «guet- apens»255.

Des opérations de nettoyage en aviation avaient été effectuées dans ces zones «libérées». Lors de ces opérations aériennes des tracts avaient été lancés. En voici le contenu: «Le nommé RAZAFINDRABE Victorien, chef de section MDRM est déclaré hors la loi. Quiconque le livrera mort ou vivant ou fournira des renseignements permettront sa capture recevra une prime de 50.000 francs»256. De tels actes visent la «répression de la tête». Ces opérations se heurtent parfois aux aléas climatiques. Des postes militaires avaient été installés dans ces zones mais toujours attaqués. Ce fut le cas, par exemples, «du poste de gardes indigènes d’Anosibe attaqué par sept cent (700) militants nationalistes».

Des dispositifs de sécurité ont été mis sur place sur tous les points sensibles pour les protéger contre toutes tentatives d’opérations mais ils n’empêchent pas les militants nationalistes d’entreprendre.

Des actions analogues avaient été en outre effectuées par d’autres forces de l’ordre comme la police, dans le District, y compris le gouvernement de Sabotsy -Anjiro.

253 Le terme « rebelles » est d’inspiration coloniale qui marque le refus d’une guerre juste. 254 Remarque du Commandant JOUBERT dans son rapport sur l’embuscade tenue sur la route Perinet 255 Il s’agit parfois d’un trou recouvert de « bozaka » ou de « rantsan-kazo ». 256 A.N. – Série D.888.6 – Archives de Vincennes 8H 195.D.1 100

Vu cette méthode de lutte, pouvons-nous en déduire que cette colonne avait accompli ses missions?

En définitive, la réponse est négative. L’ardeur et la fréquence des attaques des troupes nationalistes comme nous avons déjà évoqué plus haut témoigne l’incapacité des troupes régulières de maîtriser la situation. En effet, les troupes nationalistes n’avaient pas cessé d’attaquer ou de menacer les points sensibles comme centre vital de Moramanga (Prison, Poste, Trésor et surtout le camp militaire), les concessions qui étaient presque vides, à l’exception de Marovitsika, ainsi que les voies de communication (routes ou ponts coupés, voies ferrés sabotées).

La situation ne cesse de s’aggraver de jour en jour avec un «investissement vers la capitale par l’intermédiaire de trois principaux points: Ambohitrandriamanitra (au sud), Manjakandriana – Mantasoa (au centre) et Anjozorobe (au nord)» et un débordement à l’est. En notait-il que «l’insurrection de Vatomandry ne s’éclatait qu’après l’arrivée d’un émissaire venant de Moramanga»257.

En résumé, la colonne JOUBERT n’avait effectué que des actions défensives et n’avait pu mettre un terme à ce mouvement. Cette répression était un «fiasco».

Les raisons de cet échec s’expliquent surtout par le manque d’effectif ainsi que par l’absence des équipements militaires adéquats comme l’a noté un rapport: «… Elle restera sérieuse avec chaque jour une note d’aggravation tant que nous ne pouvons pas passer de la période défensive à la période offensive, tant que nous n’avons pas les effectifs pour l’entreprendre»258.

Cette lacune oblige le Commandant JOUBERT à manifester une force beaucoup plus apparente que réelle pour atteindre le moral des insurgés par la supériorité de l’armement moderne

Un carnage humain avait été ainsi effectué. Le «cas d’Ampasimpotsy» est typique à cet égard. La similitude de cas est aussi à signaler lors de la fusillade des «trois wagons de Moramanga».

Parallèlement à la cruauté du Commandant JOUBERT, les tirailleurs sénégalais avaient également fait des choses horribles lors de cette répression, ce qui les rendait impopulaires. La violence et l’atrocité de cette répression mais aussi et surtout la pression venant de la Métropole obligèrent l’Administration coloniale de changer de méthode puisque selon DRESCH: «Rien de durable ne se fonde sur la force» alors que la France doit maintenir sa présence à Madagascar. Une nouvelle phase de répression, appelée «pacification» s’ouvre à cet effet.

257 Mémoire de CAPEN 258 A.N. – série D. 816 – Rapport du 6 avril 1947 101

B - LA PACIFICATION DIRIGEE PAR LE COMMANDANT AUTRAND

La répression violente du colonel JOUBERT n’avait pu rétablir l’ordre dans le district de Moramanga, y compris le gouvernement de Sabotsy-Anjiro. Cet échec obligea les troupes régulières de faire recours à une autre méthode plus efficace: la pacification. Cette méthode «toujours conçue selon les préceptes de Gallieni»259 est axée beaucoup plus sur l’action mentale et psychologique que militaire.

Cette action ne peut toutefois réalisable que sous certaines conditions.

Les unités en place ne peuvent entièrement les remplir.

C’est ainsi que le «Général Commandant Supérieur avait demandé des renforts à la Métropole»260. «Elle avait envoyé le 2ème Bataillon du II/7ème R.T.A». Ces renforts «Nord- Africains»261 avaient un effectif de plus en plus élevé (737 au départ, 819 en 1949) et avaient doté de «moyens modernes et adéquats».

«Ces renforts, experts en matière de campagne militaire, viennent d’effectuer une action similaire en Cochinchine pendant trois mois». Elles étaient aussi bien encadrées par des officiers et sous-officiers européens et nord-africains qui maîtrisent parfaitement l’art de manier les armes modernes».

Le 2è / 7è R.T.A fut appelé à opéré dans le quadrilatère: Moramanga – Anosibe – Ilaka – Andevoranto. La pacification de ces régions était dirigée par le Commandant AUTRAND, Officier Supérieur de grande valeur, qui avait déjà servi la France et devenu chef de Bataillon du 2è/7è R.TA.

«La pacification de ces régions relève aussi de la pacification du Secteur Centre qui avait été commandé par le commandant du 2ème Demi-brigade, le Lieutenant Colonel ROGNON à partir du 15 Août 1947 sous les ordre directs du Général Commandant Supérieur: GARBAY ».

Vu l’étendu de ces régions, les moyens mis en œuvre par ces renforts ne leur permettaient pas d’agir en même temps dans ces régions. Ils avaient été donc complétés par les Unités déjà mises en place et qui préparaient leur arrivée comme « le 5ème R.T.M (Régiment Tirailleurs Malgaches) déjà installé autour de Mandialaza.

259 Il est à rappeler que le Général GALLIENI avait déjà pacifié cette partie de l’ Ankay lors de la résistance Menalamba locaux de 1896 à 1897. Il avait aussi utilisé la méthode progressive ou la « tache d’huile » 260 S.HA.T. 7U 463 : J.M.O du IIème/7ème R.T.A 261 Cette appellation englobe les Tirailleurs Algériens et Marocains 102

«Le 2è / 7è R.T.A fait le relève à partir d’Octobre 1947 après avoir pacifié les régions menacées par l’équipe de RAZAFINDRABE Victorien (les trois tentatives d’investissement de la capitale)262.

A partir d’Octobre 1947 jusqu’à la fin de l’année 1948, le IIe/7è RTA contribue à la pacification du gouvernement de Sabotsy-Anjiro, une région considérée comme «ultimes bastions de la Rébellion».

A leur arrivée sur les lieux, les villages étaient vides d’hommes et dévastés. Tous les habitants, engagés de gré ou de force se réfugièrent dans des endroits difficiles d’accès.

Cette répression «pacifique» avait été donc une œuvre de longue haleine et les pacificateurs devaient faire preuve d’audace et de courage. Cette méthode doit également être prudente et méthodique. Quelles démarches avaient-ils suivies pour que le calme et la paix reviendrait et pour que la vie renaissait dans cette région?

Ils avaient avant tout installé successivement des postes fixes dans les chefs lieux du quartier ou de canton. « Au Nord, la section du sous-lieutenant CONCHE de la 2ème compagnie avait installé un poste à Mandialaza, le 3 Octobre 1947 où il prit le relève du 5ème R.T.M. Le lieutenant HERBELIN s’installa à Mangabe, le 22 Octobre 1947. Au centre, la section de BUSCHIAZZO de la 1ère compagnie fit le relève de deux sections de troupes coloniales et installa deux groupes: l’un à Anjiro et l’autre à Sabotsy, le 31 Octobre 1947. Au sud, les deux autres sections de la 1ère compagnie (avec le Capitaine GABRIELLI et le lieutenant BINTEGEAT) s’installèrent à Beparasy, le 2 Novembre 1947.

Plus tard, le 27 Décembre 1947, la CA.1 qui venait de rentrer de la Réunion implanta dans le FODY le poste d’Ambodiriana (Lieutenant MARTIN) et d’Anosibe (un groupe de la section SCHMITT)263.

Ces différents groupes se cantonnèrent dans les écoles, à la gare, dans les hôpitaux ou locaux communs (temples, hangars …).

L’implantation de ces postes fixes symbolisa la présence française dans cette région. C’est également une véritable reconquête de la zone «libérée».

Ces postes permettent l’application d’une méthode conçue et élaborée subtilement pour désolidariser les Malgaches alors que l’union sacrée des Malgaches, toujours véhiculée par les chefs nationalistes, était à la base de leur supériorité numérique : condition sine qua

262 Revoir la géographie de l’insurrection dans volet sur l’isolement de ce mouvement sur le plan national 263 A.V. 7U 463, p.34à 59 103 none de la réussite de la méthode indirecte ou la guérilla que les militants nationalistes avaient empruntée.

Ce n’est qu’en travaillant cette condition qu’ils réussissaient donc à pacifier la région, à limiter l’extension de cette insurrection et à réduire à néant ce mouvement de masse.

En ce qui concerne les démarches combatives, ces postes furent destinés à l’utilisation des forces, au quadrillage des «fiefs rebelles».

Ils envoyèrent aussi des colonnes mobiles pour détruire les «camps rebelles» en pleine forêt comme IFODY.

Un convoi militaire est composé de 34 hommes, ses armes, ses matériels, son ravitaillement, ses porteurs, ses guides et ses interprètent, originaires de la région.

Notons déjà l’utilisation des Malgaches contre les Malgaches. Ces groupes de combat exploitèrent des renseignements frais fournis soit par leurs espions, soit par les militants soumis ou les prisonniers, eux aussi sont des Malgaches.

Cette façon de procéder suscita les contradictions au sein du camp nationaliste. Ils avaient réussi à cet effet à diviser les compatriotes parce que ces gestes étaient interprétés par les chefs irréductibles comme une trahison. Et la division des Malgaches reste un problème irrésolu jusqu’à nos jours.

Quoi qu’il en soit, les renseignements fournis par ces derniers n’étaient pas toujours fiables. Le taux de réussite de ces patrouilles avait été en effet très faible, soit 10% «une patrouille sur dix»264. Rares étaient les cas où ils pourraient surprendre des militants nationalistes, signalés d’avance par les guetteurs ou par ces guides ou interprètes, à l’exemple des nommés «ROBSON»265, «RABOTOVAO Jean»266 d’un village de Sabotsy.

Cette action militaire avait été donc au début une véritable guerre de nerf bien qu’en principe les pacificateurs doivent « montrer ses forces pour n’avoir à s’en servir».

Cette démonstration de force se traduit par l’organisation d’un «défilé sur la route de Beforona à Périnet, le 1er Septembre 1947 en vue de frapper le moral des militants nationalistes par l’énorme supériorité que confère les armes modernes.

Leurs seuls ennemis avaient été par la suite le terrain et la maladie comme le paludisme et la dysenterie puisque les militants nationalistes se replièrent vers les zones

264 A.V. 7U.463 265 Ibid. :Lé nommé ROBSON était arrêté par le lieutenant Gallois. Cet interprète était soupçonné d’avoir signalé d’avance l’arrivée d’une patrouille commandée par le sergent BALLAY qui avait trouvé la mort au cours de cette campagne 266 C’était un militant nationaliste qui avait de plein gré participé à l’insurrection, capturé et fait prisonnier, relaché par les pacificateurs , il leur fournissait de porteur 104 inaccessibles. Ils avaient trouvé ainsi les traces laissées par les soldats de Gallieni et de Lyautey lors de la pacification de la grande Ile.

Pour les dénicher de leur refuge, les pacificateurs appelaient les hésitants, essayaient d’avoir un discours avec eux tout en faisant l’éloge d’un âge d’or dans les postes. Ils leurs exposaient aussi les produits rares comme sel, sucre, … Des tracts étaient en outre laissés sur place pour appeler les autres à se soumettre.

Une action d’aide et d’assistance aux victimes de la «rébellion» avait été entreprise «Quarante vêtements chauds, des médicaments et désinfectants étaient, par exemple, envoyés par le Chef de District de Moramanga pour être distribués aux gens d’IFODY.

Cette politique de clémence vise un double objectif :

. d’une part, c’est pour rallier la masse paysanne au pavillon colonial tout en leur introduisant une image positive de la France, mère Patrie et protectrice. Ces gestes touchent effectivement le plus profond de l’âme malgache». . d’autre part, elle vise à la «répression de la tête». C’est ainsi que «RATSIMISARAKA» et «RAZANADRABE»267 avaient trouvé la mort lors de cette pacification.

Cette méthode avait porté ses fruits. Plusieurs soumissions suivirent ces différentes actions. Au total, le II/7ème R.T.A reçoit 50 000 soumissions pendant leur séjour à Madagascar, y compris le gouvernement de Sabotsy-Anjiro268.

Des cérémonies de soumission avaient été effectuées ensuite. Elles avaient emprunté le rituel de TSITSIKA et VELIRANO. Les soumis avaient prêté serment non plus au nom du village mais au nom de la communauté de ne jamais trahir la France. Ces cérémonies suivirent d’intenses activités psychologiques et morales.

Les soumis étaient en outre recensés pour évaluer la loyauté des Malgaches mais aussi pour recenser les nouveaux requis (reconstruction des routes, des terrains d’aviation, des ponts) ainsi que les corvéables.

Il faut préciser que les impôts sur rôle ne cessèrent d’augmenter à partir de l’année 1947 : (1947 : 349 902 000 CFA, 1948 : 551 635 000, 1949 : 978 914 000269) pour l’ensemble de l’Ile, peur d’être de nouveau châtiés. Il faut noter que ces impôts frappèrent essentiellement la masse.

Avec l’implantation de ces postes renaît aussi la vie. Les paysans reprirent leur vie normale en travaillant leur rizière dès 1947 et en reconstruisant des cases. Ils travaillèrent sous

267 A.N. –Série D.888.6 268 Ibid ; 269 Annuaire statistique de Madagascar (1947 – 1950) 105 l’aile protectrice de ces militaires qui faisaient régner un climat de calme et de paix, de confiance et de sécurité à ces gens.

Il faut reconnaître que les chefs irréductibles les attaquèrent comme le cas d’Alexandre. Ce dernier attaqua les habitants d’un village de Beparasy en 1947 et leur infligea une perte de un tué, dix blessés.

Des réformes agraires étaient entreprises avec la mécanisation du secteur agricole.

En bref, le II/7ème R.T.A avait accompli sa mission même si ces éléments n’étaient pas totalement rapatriés qu’en 1950.

Cette victoire leur avait valu l’octroi des médailles de guerre de T.O.E (Théâtre d’Opérations Extérieures) avec ou sans palme270.

Cette victoire était donc prévisible puisque ces pacificateurs éprouvèrent les mêmes besoins et partagèrent la même souffrance du joug colonial. Leur attitude franche et compréhensible pour attirer la sympathie des indigènes du gouvernement de Sabotsy-Anjiro est parfaitement explicable.

Il paraît même que Lesport avait demandé au Lieutenant HERBELIN (Mangabe) de lui livrer ses assiégeants et ce militaire avait refusé271. Il avait même protégé les soumis contre ce colon réputé très oppressif.

Il n’est pas donc étonnant si ces militaires parlèrent aux militants nationalistes leur futur mouvement de résistance et se débarrassèrent de leurs armes pour se soulager.

En fait, s’ils avaient fait preuve d’audace, de courage et de bravoure, c’est à cause du reclassement. Ils avaient effectivement la chance d’être décoré, d’être promu au grade supérieur et de recevoir ainsi une solde supérieure qu’ils avaient déjà reçue.

Cette répression militaire a été accompagnée d’un autre type que nous qualifions de « judiciaire » puisqu’elle concerne toutes les mesures administratives et judiciaires visant à anéantir les chefs nationalistes sur le plan juridique.

270 A.V. : J.M. du IIè /7è R.T.A. 271 Témoignage des habitants d’ Ampasimpotsy et ses environs 106

IV - LA REPRESSION JUDICIAIRE

La répression judiciaire consécutive à l’insurrection est une question délicate puisqu’elle a mis en lumière l’ambiance politique de l’époque. Une ambiance sombrée par la crainte, la sévérité et la cruauté de cette mesure répressive.

Le «29 Mars» éclaté, l’autorité coloniale avait imputé la responsabilité de cette «affaire» au MDRM, un parti légalement créé dans le cadre des réformes de 1946 (liberté d’association, liberté politique). Elle avait ordonné ainsi de «perquisitionner au domicile tous chefs MDRM»272. Fondateurs tout comme simples membres en passant surtout par les chefs nationalistes n’étaient pas épargnés par cette instruction. Seulement, les degrés d’inculpations n’étaient pas les mêmes. Et si le «procès dit des Parlementaires» a été très célèbre, la poursuite judiciaire contre les chefs nationalistes, ceux qui avaient réellement combattu les armes à la main ainsi que les militants nationalistes restent méconnue.

Qu’est-ce qu’ils étaient devenus?

En fait, une incarcération massive avait suivi le «grand soir» parce que tous les Malgaches étaient considérés comme suspects.

C’est ainsi que la Prison de Moramanga figure parmi les cibles des insurgés lors de la dernière attaque de Moramanga. Les prisonniers avaient été, en effet, libérés par l’équipe de RAZAFINDRABE Victorien dans la nuit du 30 Mai au 1er Avril 1947. Tous les militants nationalistes ou accidentels ne cessèrent d’être poursuivis par la suite. Des arrestations et incarcérations illégales s’ensuivirent. Ils étaient emprisonnés pendant des mois, voire des années bien que les charges qui pesèrent sur eux étaient insuffisantes.

Ces mesures arbitraires furent prises pour qu’ils ne secouent plus le régime colonial et aussi pour arrêter les troubles dans le district de Moramanga, y compris le gouvernement de Sabotsy-Anjiro.

Pourtant, il ne s’agit pas d’une simple poursuite judiciaire mais d’une manœuvre politique contre un adversaire jugé potentiel : le MDRM.

Ce parti avait milité pour l’indépendance dans le cadre légal de la liberté d’association, liberté politique; promulguées par le «décret du 13 Mars 1946»273 à Madagascar: fruits du nouvel ordre apporté par la Deuxième Guerre Mondiale.

272 A.N. : série D.870 – ch .870.1 – s/ch 870.1.1. Folio n° 006 : Lettre confidentielle N° 5121 du 03 avril 1947 de Monsieur le Juge d’Instruction VERGOZ de Tananarive adressée à Monsieur Le Directeur de Cabinet Civil du Gouvernement Général 273 J.O. du 20 avril 1946 107

Cette façon de procéder avait mis donc en jeu la politique coloniale française de l’époque. Malgré tout, le régime en place savait manipuler cette loi «en procédant adroitement et discrètement».

«La lettre de l’Officier du Ministère Public de Moramanga: MARIE adressée au Juge d’Instruction, une lettre qui doit rester strictement confidentielle, est impérative à cet égard».

C’est en ce sens que toutes les peines prononcées étaient généralement régies par le fameux «décret du 4 décembre 1930» et étaient définies comme «complot ou actes et manœuvres de nature à porter atteinte à l’intégrité du territoire national et d’organiser la résistance aux lois».C’étaient les seuls actes pouvant discréditer ce «décret du 13 Mars 1946»

Des enquêtes policières étaient effectuées après l’arrestation de ces militants.

Ces derniers, constitués essentiellement par des paysans naïfs, ignorants et illettrés étaient obligés de signer un texte stéréotype. Ce texte visait particulièrement le MDRM et les chefs nationalistes. Ils étaient également obligés de dénoncer les autres «coupables». Dénonciations ou délations des auxiliaires de l’Administration, tout comme les abus des Autorités locales étaient aux yeux des autres militants comme un acte de traîtrise, à l’origine des haines et des rancœurs entre les Malgaches.

Cependant, cette méthode était une façon de procéder pour étouffer ce mouvement de masse.

«Ces enquêtes étaient toujours accompagnées des tortures ou de sévices comme coups de poing ou de pied».

Après analyse des documents, nous pouvons en déduire que les dépositions reflètent la peur et la crainte étant donné que pour se disculper, les militants nationalistes se présentèrent comme «des militants accidentels».

Cette répression de la masse semble plus modérée que la répression de la tête qui était très sévère.

Dans l’intention de mettre ses adversaires hors d’état de nuire, l’autorité coloniale avait expulsé les chefs nationalistes. Outre les peines d’emprisonnement, ils étaient aussi interdits de séjourner pendant cinq à dix ans dans leur village d’origine. Tels étaient les cas, par exemple, de RAMANANA Emile, RANDRIANTSARA274.

«Tous ou presque la totalité des militants nationalistes de l’E.M.5 de RAVELOSON étaient transférés à la prison militaire d’Ampahibe (Tananarive), le 31 Mars 1948»

274 Tous les deux étaient des militants et fournirent pour nous des témoignages oculaires 108

Comment l’autorité judiciaire avait reconnu les coupables?

«Lesport, l’assiégé, avait porté plainte contre ses assiégeants après avoir mené une enquête de son côté. Il avait utilisé comme agents de renseignement ses serviteurs, son cuisinier et son jardinier»275.

Les gendarmes avaient procédé à leurs arrestations et les avaient livrés à l’Autorité compétente.

«Ces militants étaient ainsi inculpés d’association de malfaiteurs, pillage en bande et à force ouverte»276.

En ce qui concerne «le président du tribunal insurrectionnel d’Ankokalava: RAMAROLAHY et ses conseillers, principaux auteurs de l’AFFAIRE MAHADERA et l’assassinat de plusieurs individus de MANDIALAZA, issus des Zafin’Andriamamilaza, ils étaient inculpés d’usurpation de fonction et complicité d’assassinat»277.

Quant aux chefs: RAVELOSON, RAZAFINDRABE, RABETOANDRO Edouard, LEHOVA, RANDRIANARISON, RAZAFIMAHATRATRA, qui était inculpés d’assassinat, tentative d’assassinat ou complicité, étaient transférés à la prison militaire d’Ampahibe le 31 Août 1948 et ils avaient pris la fuite.

Les membres fondateurs du parti comme RAVAHATRA et ANDRIAMBELOMA, les membres de bureau comme «RAPARIVO Gaston»278, les membres conseillers comme «RAZAFIMAHANDRY Joseph»279, «RAZAKANDRIAMIHAJA»280, «RAJAONA Théophile»281, «RANDRIANJOHANY»282, le président du tribunal insurrectionnel «RAMAROLAHY Justin»283 faisaient peur à son plus haut niveau l’autorité coloniale. Cela explique pourquoi elle les avait condamnés à la déportation par la même audience du 29 Janvier 1949. Ils étaient exilés à Nosy Lava284.

Il faut signaler que le chef de la sous section du MDRM de Mandialaza, RAZANANDRABE avait été déclaré en fuite alors qu’il avait déjà trouvé la mort en Août 1947.

275 A.N. –série D.872 -873 . CH : Affaire LESPORT 276 ibid 277 Ibid. 278 RAPARIVO Gaston : vice – président du MDRM devenu chef le plus actif de l’insurrection était condamné à mort. Sa peine avait été commuée en travaux forcés et il était interdit de séjourné dans son village. 279 RAZAFIMAHANDRY Joseph : membre conseiller du MDRM de Moramanga devenu chef de l’insurrection avait aussi subi le même sort que RAPARIVO G. 280 RAZAKANDRIAMIHAJA, lui aussi membre conseiller du MDRM, avait subi le même sort que les deux autres, était condamné à la déportation 281 Il en est de même pour RAJAONA Théophile, membre conseiller du MDRM et devenu chef de l’insurrecction 282 Ibid 283 ibid 284 A.N. –série D.881 / D894 sur la listes des condamnés politiques 109

Le chef d’E.M.2 RATSIMISARAKA était déclaré mort par les pacificateurs alors qu’il figurait sur la liste des individus à poursuivre pour «maintien de la Ligue Dissoute».

Il faut reconnaître en outre qu’aucune condamnation à mort n’avait été exécutée mais comme en travaux forcés à perpétuité en vue de sauver l’image positive de la France et d’accroître ainsi sa prestige.

Ces chefs nationalistes avaient subi des traitements abominables et despotiques ainsi que des propos vexatoires, au cours de leur arrestation ou lors de leur interrogatoire que durant leur détention. «Ils étaient, par exemple, couchés sur le dos et piétiné jusqu’à l’évacuation des excréments, reçus des coups, privés de nourriture et d’eau potable et obligés de baigner à l’endroit où venaient d’être déversés des tinettes. Pour ceux qui étaient condamnés à travaux forcés, les travaux étaient pénibles et exécutés sous la menace des coups»285. Ils essayèrent ainsi de porter plainte contre ces Autorités judiciaires.

Tous ces mauvais traitements inhumains marquent l’attachement du régime en place tout comme les colons locaux à leur vieil principe et leur rejet de la nouvelle politique coloniale.

«La nouvelle de cette façon de procéder n’était parvenue en France que par le biais des avocats qui militent aux côtés nationalistes»286.

«C’est ainsi que l’Assemblée Nationale de l’Union Française a voté la loi abrogeant le décret du 4 Décembre 1930 au cours de la séance du 5 Mars 1948 et envisage ainsi une amnistie, après la proposition du maître LOMBARDO»287.

Il est évident que cette proposition de loi d’amnistie des condamnés politiques d’actes et manœuvres suscite un choc sur terrain, c'est-à-dire à Madagascar.

Avec l’abrogation de cette loi, l’Administration se trouve de nouveau «désarmé (juridiquement parlant) devant une nouvelle insurrection»288 comme l’affirme le Juge de Paix à compétence Etendue d’Ambatondrazaka, Jacques RAMEAU, dans son rapport unique sur ces affaires dans les districts d’Ambatondrazaka et Moramanga, dont fait partie le gouvernement de Sabotsy-Anjiro. En d’autres termes, l’administration fait face de nouveau à un adversaire jugé dangereux puisque «ce décret du 4 Décembre 1930»289 était comme une sorte de moyen de répression juridique qu’il faut «se réserver»290 selon ce juge.

285 Ibid. 286 RABEARIMANANA L. , la répression du monde rural in colloque AFASPA 287 A.N. –série D.881 – ch : Télégramme chiffré de la France d’Outre – Mer (Paris) au Haut Commissaire – Tananarive du 14 mars 1948. 288 A.N. –série D. 894 : AMNISTIE ET GRACE AMNISTIANTE S/ch : AMBATONDRAZAKA FOLIO N° 15 à 25 : Rapport unique sur les affaires d’actes et manœuvres, p.2 289 Ce décret porte les infractions d’actes et manœuvres de nature à porter atteinte à l’intégrité du territoire national 290 Ibid . p.3 110

C’est dans cette optique, qu’il avait rédigé un «rapport unique»,291 cinq ans après «la demande du Haut Commissaire de COPPET»292. Nous attirons ainsi l’attention du lecteur sur la lenteur administrative.

A travers ce rapport, nous pouvons déterminer l’état d’esprit de ce juge de paix «sa position reste définitive, il n’était pas favorable à l’application de cette loi d’amnistie»293. Etant donné qu’à son avis, «cette mesure de faveur, d’oubli et de pardon»294 et«qui a pour effet la disparition de toute trace de condamnation... manque son effet le plus sûr, le plus sensible et le plus spectaculaire»295. Et c’est justement sur ce point, ou plus exactement à son prestige que l’Assemblée Nationale de l’Union Française, qui est vouée à l’application effective de la politique coloniale définie par la Conférence de Brazzaville, voudrait insister.

Effectivement, selon toujours ce Juge dans ce même rapport: «Cette mesure n’en profitera qu’aux récidivistes, qu’aux évadés repris et qu’aux condamnés pour des faits antérieurs aux événements de 1947»296, c'est-à-dire «aux vrais chefs de maquis»297, selon le terme de F. RAISON JOURDE. Ces derniers pourraient tirer ainsi « un nouvel argument de propagande», ou plus précisément ils pourraient de nouveau secouer le régime en place et remettre en cause leurs privilèges. D’autant plus que la majorité des condamnés, qui étaient des cultivateurs, avaient déjà purgé leurs peines avant cette proposition.

C’est ainsi que ce juge avait conclu que «seule, l’idée d’une grâce amnistiante devrait être retenue et celle d’une loi d’amnistie rejetée»298 parce que la grâce amnistiante n’efface pas les infractions mais accorde à l’inculpé la réduction des peines ou la commutation de celle-ci en une peine plus légère. Cela explique pourquoi aucune condamnation à mort n’est exécutée mais commuée en travaux forcés à perpétuité.

Cette «demi-mesure», selon son terme réunirait à son avis « l’idée de pardon et celle de récompense»299 mais elle exclut aussi du champ de bataille un adversaire potentiel qui ne peut participer à la vie politique du pays avec un casier judiciaire, mentionnent leurs infractions. Et l’on a même noté que cette demi-mesure n’est pas accordée à tous les détenus dit «politiques».

Il a lui-même classé ces détenus en deux catégories bien distinctes: «la catégorie des condamnés ne devant pas bénéficier d’une mesure de grâce» d’un côté et la catégorie des

291 Ibid. – Rapport du Juge de Paix à Compétence Etendue d’ Ambatondrazaka à Monsieur Le Procureur Général, chef de service Judiciaire (Tananarive) 292 A.N. – série D.881 : Dans un télégramme chiffré, le Haut Commissaire de COPPET avait demandé la liste des condamnés politiques d’actes et manœuvres du 13 mars 1948 293 Ibid .p.1 294 Ibid . p.2 295 Ibid. p. 3 296 Ibid. 297 F. RAISON JOURDE : Bref état de lieu 298 Ibid – Rapport, p.1 299 Ibid. P.3 111

«condamnés pouvant bénéficier de mesure de grâce», «à sa convenance et selon ses propres critère »300, de l’autre côté.

Cette décision arbitraire nous emmène à réfléchir sur les questions suivantes: Ce juge est-il un fonctionnaire qui exprime un excès de zèle envers son supérieur hiérarchique ou bien est-ce un responsable judiciaire commandité par les colons, soucieux de ses propres intérêts?

Quelque soit la réponse, un fait reste indéniable : toutes ces mesures relèvent de ses fonctions et les buts de cette répression judiciaire sont ici de réprimer toutes tentatives de révoltes contre le régime colonial, de mater toutes velléités d’indépendance et de raffermir leur emprise sur Madagascar.

Nous avons donc ici une preuve formelle de l’attitude arbitraire d’un juge de Paix à compétence Etendue d’Ambatondrazaka et de Moramanga, dont fait ressort le gouvernement de Sabotsy-Anjiro.

Il faut attendre l’année «1956»301 pour que cette loi soit appliquée effectivement mais malgré tout bon nombre de détenues politiques, les plus «dangereux» n’étaient pas encore libérés.En d’autres termes: une amnistie limitative.Entre autre, le «ministre de la guerre et général des militants nationalistes: RABETRENA». Après avoir été exilé à Nosy Lava le 25 Août 1948 par la Cour Criminelle de Tananarive avec ses amis de guerre: son frère RALAIZOKINY, RALAMBO, RASOAZANAKOLONA, RANDRIANARISON Marcel», «ils avaient été déporté à Dzaoudzi le7 mai 1952 et n’avaient été libéré que deux ans après cette proclamation de l’amnistie de 1956, c’est – à dire le 20 Décembre 1958».

On ne leur avait accordé en effet qu’une mesure de grâce car leurs peines de mort avaient été commuées en travaux forcés à perpétuité, puis en travaux forcé pendant dix ans.

Nous nous demandons, pourquoi le principal chef: RAZAFINDRABE Victorien ne figure pas sur la liste des condamnés amnistiés ou graciés? C’est parce qu’il est mort de béribéri mais son lieu d’inhumation reste méconnu. Cela reste un mystère.

300 Ibid. P.4- 5 - 6 301 Loi N°56 -353 du 27 mars 1956, portant amnistie d’évènements et d’incidents à caractère politique, survenus dans les T.O.M. 112

V - BILAN DE L’INSURRECTION DANS LE GOUVERNEMENT DE SABOTSY-ANJIRO

Les données que nous allons exposer dans ce chapitre proviennent de l’Administration coloniale.

A priori, on peut affirmer qu’elles ne sont pas fiables pour plusieurs raisons, notamment le comptage des morts n’a pas été effectué systématiquement et d’une manière objective.

Deuxièmement, les registres d’état civil n’ont pas encore été mis à jour (naissance et décès, mariage et divorce). Ajoutée à cela, la crainte de la population de l’administration en général et des impôts individuels a pour conséquence des données statistiques inexactes.

Enfin, pour des raisons personnelles et par crainte des supérieurs hiérarchiques, etc …, les auteurs des rapports ont délibérément fourni des chiffres erronés.

Donc, nous tenons à exprimer nos réserves quant à la fiabilité et l’exactitude des chiffres du bilan suivant.

A - POPULATION

Tableau 8: Nombre de population avant et après 1947.

Provinces Population au Différence au 01.01.49 29.03.47

Districts : Fénérive 116 170 114 480 -1 690 Tamatave 90 220 88 950 -1 270 Andevoranto 64 000 46 730 -17 270 Vatomandry 60 980 48 280 -12 700 Mahanoro 92 950 87 740 -5 210 Moramanga 66 300 67 050 +750 Ambatondrazaka 64 560 64 060 -500 Bilan de la province 555 180 517 290 +750 -38 640

Source : Autorité Militaire tiré du Bilan Provisoire de J. FREMIGACCI, in Colloque AFASPA, P. 179. 113

Commentaires:

Nous avons ci-dessus la preuve formelle de la non-fiabilité des chiffres avancés par l’Administration coloniale. Elle avait soutenu une thèse minimaliste pour discréditer cette insurrection.

En effet, les chiffres qu’elle avance sont contradictoires. «En 1947, le nombre de la population du district de Moramanga est de 66300, alors qu’en 1949, il est de 67050. Une anomalie est donc à noter avec excès de 750 personnes».

Concernant la localité de notre étude, nous avons pu obtenir les chiffres suivants:

Tableau 9: Recensement des disparus dans le gouvernement de Sabotsy-Anjiro

Localité Disparus 1* Causes de disparition

Maladies Par la patrouille 2* Tués par les rebelles 3* Mandialaza 72 31 35 6

Sabosy-Anjiro 48 23 16 9

Beparasy 13 45 25 3

TOTAL 193 99 46 15

Source: Autorité Militaire de Moramanga (1950)

Légende: 1*: Disparus pendant l’insurrection 2*: Insurgés tués au cours d’une rencontre avec une patrouille

3*: Pro-colonialistes tués par les insurgés. N.B: Il faut ajouter à ces chiffres 25 militaires tués (dont 4 officiers et 3 sous officiers européens) dans la nuit du 29 au 30 Mars 1947 (Voir annexe) et 6 militaires tués lors de l’accident d’avion au cours d’une reconnaissance Commentaires: Nous pouvons constater que les sources de données sont du camp de l’Administration coloniale. Permettez-nous quand même de reporter ici la déclaration de certains insurgés affirmant avec véhémence, qu’ « ils n’ont pas subi aucune perte en vie humaine ». A nous lecteurs d’apprécier la contr 114

B – PRODUCTION

«Nous avons fouillé les documents relatifs aux dégâts matériels et agricoles causés par l’insurrection mais pour des raisons qui nous échappent nous n’avons pas trouvé les données sur Moramanga. Alors que ces dégâts ont été bien détaillés pour Maitinandry (Vatomandry302).

Notons pourtant que le problème de personnel compétent ne se pose pour Moramanga. Ce qui ne fut pas le cas pour Vatomandry.

Nous avons donc basé nos données sur les extraits de rapport.

Le 8 Juin 1949, M. LAPORTE, expose à titre d’exemple, à la Chambre de Commerce que le «District de Moramanga a toujours été déficitaire de 500 à 5000 tonnes de riz suivant les récoltes».303

Sa déclaration a été confirmée par le Chef de Service Provincial d’Agriculture de Tamatave, lors de sa tournée du 21 au 30 Octobre 1949 qui a rendu compte que «Le district de Moramanga aura une récolte de riz de l’ordre de 10 000 tonnes contre 6 000 en 1948»304. Il a noté aussi que «le Gouvernement de Sabotsy-Anjiro – très ravagé par la rébellion, se relève et redevient très prospère»305.

L’anomalie réside dans la contradiction quand aux données relatives à la production. Les mesures prises lors de l’OFFICE DU RIZ devraient fournir des chiffres précis conduisant l’administration coloniale à la gestion du rationnement et de l’exportation.

Les données accessibles jusqu’à ce jour ne nous renseigne que d’une manière vague et imprécise.

302A.N. – série AGRICULTURE : n° 8 – 9 ; p.42 - 45 303 Ibid n°9 304 Ibid n° 42 305 Ibid 115

C - CIRCULATION DES INDIVIDUS ET DES BIENS

La ligne T.C.E, M.L.A et la voie terrestre de cette région de l’Ile ont été soumises à des contrôles rigoureux et entraînent des conséquences néfastes aux activités économiques y afférentes.

Mais comme dit un proverbe: «A quelque chose, malheur est bon». L’insurrection de 1947, en dépit des violences de la répression de la part de l’Administration coloniale a instauré au sein des Malgaches une ferme détermination pour l’obtention de l’Indépendance de leur pays.

Ainsi, plusieurs formations politiques ont vu le jour et ont travaillé clandestinement.

Vu l’importance de cette phase de lutte pour l’Indépendance, elle mérite une série de travail de recherche.

Citons, à titre d’exemple, le travail de Lucile RABEARIMANANA : « Presse d’opinion à Madagascar de 1947 à 1956. Une contribution à l’histoire du nationalisme malgache au lendemain de l’insurrection à la veille de la Loi-cadre »306. Unes des conséquences positives de l’insurrection est donc la nette progression, une meilleure cohérence, une meilleure organisation de la lutte pour l’Indépendance.

De telle manière qu’on pourrait se poser la question, si l’insurrection de 1947 n’avait pas eu lieu, comment les Malgaches auraient-ils eu leur Indépendance?

306 Librairie Mixte, Tananarive, 1950. 116

CONCLUSION GENERALE

Ce travail de mémoire intitulé: «Gouvernement de Sabotsy-Anjiro: noyau du groupe du 29 Mars 1947. Contribution à l’étude de l’insurrection de 1947 dans le District de Moramanga» a pour principaux objectifs:  Mettre en valeur les vrais acteurs de ce soulèvement  Mettre en lumière quelques pages inédites de cette histoire et  D’y apporter quelques mises au point afin de mieux comprendre et de se comprendre. Cela dans une perspective de réconciliation nationale. Dans la première partie, nous avons pu:  Identifier les principaux acteurs de l’insurrection de 1947.  Établir le contexte et la situation dans lesquels ils ont évolué.

La deuxième partie a traité de leur engagement dans une lutte pour la libération nationale.

La troisième partie concerne les causes internes comme externes de l’échec de cette lutte et ses issues.

Le résultat des recherches ci-après est destiné à étoffer les recherches sur la lutte de libération nationale de 1947 dans le District de Moramanga.

En effet, le gouvernement de Sabotsy-Anjiro se trouve à environ 60Km de la capitale (Tananarive). Il est situé entre la bordure orientale de la falaise de l’Angavo et du fleuve Mangoro et coupé par la route nationale n°2 (RN2).

Cette partie de l’Ankay offre une topographie complexe et très couvert favorable au développement d’une guérilla.

Le gouvernement de Sabotsy –Anjiro, dirigé en 1947 par RAPANOELINA Edouard, englobe trois cantons: Beparasy (au sud), Sabotsy-Anjiro (au centre) et Mandialaza (au nord).

Il constitue le un cinquième (1/5ème) de la superficie du district de Moramanga et le tiers (1/3) de sa population.

Ce monde rural, encore marqué par les exclusions du XIXème siècle et un passé assez mouvementé, est habité, en 1947, par deux mondes forts différents: le «monde des ténèbres» et le «monde éclairé». 117

Le «monde éclairé»: formé particulièrement par la communauté des descendants de noble de la capitale: les «Zafin’Andriamamilaza», est un monde plus évolué, plus civilisé et plus christianisé. Ce monde est ouvert à tout nouveau progrès. Il est à la recherche d’une emprise directe sur l’Administration, arrachée à leurs mains par les colonisateurs mais par une voie légale et pacifique.

Par contre, «le monde des ténèbres», représenté exceptionnellement par la «communauté» des «HOVAVAO», est un monde des misérables paysans, ignorants et illettrés. On compte parmi eux les plus spoliés et les plus oppressés par une administration aveugle et les colons profiteurs.

Ainsi, pour comprendre cette lutte de libération nationale, il faut établir un lien qui unissait ce monde aux terres de leurs ancêtres avec la densité d’une colonisation prédatrice dans cette partie de l’Ankay et à l’attachement de ce monde aux valeurs ancestrales où SAMPY et ODY tiennent toujours une place primordiale dans leur vie quotidienne. Cet héritage politico-culturel continuera de tenir cette place durant le temps des hostilités

Un fossé se creuse, alors, entre ces deux mondes qui les séparaient et les séparera dans ce mouvement nationaliste.

Cette partie de l’Ankay faisait aussi partie des zones d’influences du MDRM (Mouvement Démocratique pour la Rénovation Malgache).Ce parti travaille de pair avec les Sociétés Secrètes qui constitue même «l’âme de conjuration» de cette insurrection. L’extension de ce parti dans le gouvernement fut très rapide et ce grâce au charisme de RAZAFINDRABE Victorien: Président de section MDRM de Moramanga et un des dix huit Conseillers Provinciaux de ce parti. Cet homme, doté d’une forte personnalité, était déjà connu comme protecteur de cette masse paysanne spoliée et oppressée contre l’Administration coloniale et ses auxiliaires.

La mobilisation de ce monde ignorant et en majorité illettré à s’engager volontairement dans une lutte contre le régime colonial et les méfaits de la colonisation lui est ainsi facile. RAZAFINDRABE Victorien est aidé et soutenu par ses amis et sa belle famille dans la réalisation de cette lourde tache.

Ce qu’il faut retenir comme points forts de cette lutte de libération nationale sont :

 La continuité de la structuration et de l’organisation de cette insurrection depuis sa préparation jusqu’à la fin des hostilités, fondée sur les réseaux d’alliances et de parenté  Une organisation matérialisée tout d’abord par la présence d’un «Central TAFIKA» à Maroampombo ; ce Quartier Général se déplace ensuite à Beparasy et enfin à Lakato avec la création de la B.D.N. (Bureau de la Défense Nationale) ainsi que l’existence des Etats-Majors les plus connus dans le gouvernement de Sabotsy-Anjiro: E.M.1 et E.M.2 de RALAIZOKINY à Beparasy, l’E.M.7 de RAVELOSON à Antorifito 118

 La création d’un tribunal insurrectionnel: une base solide de cette organisation  L’étroite collaboration des «irréductibles chefs de maquis»

Avec l’extension de ce mouvement nationaliste, le pouvoir de RAZAFINDRABE Victorien augmente. Il était devenu le principal chef du «Secteur Nord» et le territoire contrôlé par ce dernier et ses équipes s’élargit; l’on a parlé «d’une zone dite libérée», englobée dans ce secteur et l’on croyait même à la victoire. Cette insurrection atteint en ce moment son paroxysme pour connaitre ensuite une nette régression.

Pourtant comme dit un adage:«Ny atody tsy miady amim-bato»; le déséquilibre de force entre les deux camps: les troupes de forces nationalistes et les troupes coloniales avait réduit à néant ce mouvement nationaliste.

La rigidité de la répression militaire et judiciaire reste gravée dans la mémoire de ceux qui l’avaient vécu. Cette insurrection plonge ses racines profondes dans le plus profond de l’âme malgache malgré sa courte mais intense existence.

Pour terminer, nous voudrons quand même apporter quelque mise au point concernant la compréhension de certains termes utilisés par les chercheurs et historiens: «le monde des ténèbres» et «le monde éclairé».

Placés dans un contexte historique, le qualificatif: «des ténèbres» se rapportent à un segment de la population habitant une zone isolée, qui ne sont pas encore ouverte à tout nouveau progrès. Le terme «des ténèbres» avait une connotation chrétienne. Les gens «des ténèbres» sont des païens qui n’ont pas encore reçu la lumière de l’évangélisation.

Pour les colons, les gens «des ténèbres» sont les peuplades résidant dans les zones de «no man’s land», incontrôlé, non recensé, juridiquement inexistant. Ces ténèbres (flou, imprécision) avaient deux conséquences pour les colonisateurs:

. Positive: les colons ne font qu’exploiter ce concept à leur avantage. Ils ont confisqué leur domaine afin d’y établir leur concession. Ils ont également recruté parmi ces gens de ténèbres une main d’œuvre à bon marché. . Négative: ils ont éprouvé de difficulté pour comprendre exactement la mentalité de ces peuplades. Ainsi, les gens des ténèbres se sont retournés contre eux.

De l’autre côté, le «monde éclairé» est une appellation attribuée à une catégorie sociale ayant reçu l’évangélisation, instruction de la part des colonisateurs.

A l’origine, ils n’ont pas participé à la préparation de l’insurrection. Ils ont opté délibérément à suivre la voie de la négociation et de la solution pacifique. Etant instruits, ils ont, en effet, une vision plus éclairée de la politique et de l’aboutissement des luttes nationalistes. 119

La contradiction existant entre ces deux groupes distincts constitue déjà l’embryon d’une lutte de classe. L’approche adoptée par les deux catégories vis-à-vis de la lutte pour l’Indépendance a entraîné à la dissension du nationalisme.

Les colonisateurs ne font qu’exploiter cette faiblesse afin de raffermir leur emprise sur Madagascar.,

Enfin, nous avons essayé de nous conformer aux codes déontologiques de l’Histoire, à savoir : l’objectivité, la précision, l’honnêteté et l’impartialité. Nous avons aussi essayé de notre mieux d’appréhender dans la transparence la plus totale tous les éléments encore inexploités concernant «l’Affaire 47». Aux termes de ce mémoire, nous laissons aux lecteurs le soin d’évaluer.

Dans la conjoncture actuelle, il faut avouer que toute la vérité, ne sont pas encore relevés.

Néanmoins, une génération d’enseignant-chercheur est en train de faire l’éclairage sur certains points obscurs de l’histoire.

Mondialisation, Développement Rapide et Durable sont impossibles sans transparence. 120

BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES GENERAUX

BOITEAU (Pierre), « Contribution à l’étude de la nation malgache », Paris, Editions sociales, 445p. 1958.

BOUILLON (Antoine), « Madagascar, le colonisé et son âme, essaie sur le discours psychologique colonial », Paris, Editions l’HARMATTAN, 432p, 1981.

CHARBONNEAU (Général), Gallieni à Madagascar, Paris, Nouvelles Editions Latines, Paris, 190p, 1950.

DARCY (Jean), « Cent ans de rivalité coloniale (L’Affaire de Madagascar), France - Angleterre, Librairie académique, PERRIN et Compagnie, paris, 1908.

DESCHAMPS (Hubert), «Histoire de Madagascar, Paris, Berger – Levraut, 358p. 1972.

FONTOYNON, « Madagascar pendant la guerre », Académie des Sciences Sociales, N°9, 487p, 1945.

GIGARDET (Raoul), « L’idée coloniale en France de 1871 à 1962 », Paris, Collection Pluriel, 1972.

GRIMAL (Henri), « La décolonisation » LUPO (Pierre), « Eglise et Décolonisation à Madagascar », Fianarantsoa », Ambozontany, 306p, 1973.

MASSIOT (Michel), « L’administration publique à Madagascar, Evolution de l’organisation administrative territoriale de Madagascar, de 1896 à la proclamation de la République malgache », Anjous, Paris, 472p, 1971.

PAIILARD (Yvan-Georges), « Les incertitudes du colonialisme, Jean CAROL à Madagascar », Collection « Peuple et pays de l’Océan Indien, N°9, Paris, Editions l’HARMATTAN, 237p, 7990.

RABEMANANJARA (Jacques), « Nationalisme et problèmes malgaches, Présence Afrique », 220p, 1958.

RABEMANANJARA (R.W.), « Madagascar, histoire de la nation malgache », Paris, Imprimerie Lachaud, 125p, 1952. 121

RAJOELINA (P), « Quarante années de la vie politique de Madagascar », 1976p, 1947-1987.

RALAIKOA (Albert), « Fiscalités, administration et oppression coloniale dans le sud – Betsileo (1895 – 1918) », Tananarive, 260p, 1987.

RALAIMIHOATRA (Edouard), « Histoire de Madagascar », Tananarive, Société malgache d’édition, 320p, 1976.

SPACENSKY (A), « Madagascar, cinquante ans de vie politique, de Ralaimongo à Tsiranana », Paris, Nouvelles Editions Latines, 526p, 1970.

TIERSONNIER, « Au cœur de l’Ile Rouge, Cinquante ans de vie à Madagascar », Tananarive, Editions Ambozontany, 1991.

OUVRAGES SPECIALISES

ANDRIANARIVELO (Maurille), « Ma vie de Panama », Edition FTM, 225p.

BOITEAU (Pierre), « Moramanga, l’oradour malgache », La nouvelle critique n°51, Paris, Janvier 1954.

Capitaine MAILLARD, « Le pays Bezanozano au cercle de Moramanga », in Notes, Reconnaissances et Explorations, 1972, p 1573 à 1617, 1972.

DAMA (Robert), « Ny ady tao Anosibe an’Ala, (Le combat d’Anosibe an’Ala 1947) », Librairie Ny Nosy, Antananarivo, 25p, 1947.

GRIMAUD (Marie – Claude), « Contribution à l’étude du peuplement ancien de la région d’Ankay », p1 à 28, 1972.

MARIANNICK (Jegat), « Système agraire et diversité ethnique : le cas de la vallée Beparasy Andapa, en pays Bezanozano », I.S.T.O.M, Mémoire de fin d’études, 1993. Monographie de Moramanga Monographies diverses : Angavo – Mangoro – Fetraomby – Tananarive – Mananjary – Fianarantsoa.

NDEMA (Jean), « Fomba Antakay », Fianarantsoa, Ambozontany, 189p, 1973.

NDEMAHASOA (J), « Notes sur les Bezanozano », in Bulletin de Madagascar, p.393, Ar.1969. 122

NDRIANDAHY (Mahamadou), « L’insurrection malgache du 29 mars 1947 dans la région de Moramanga », Mémoire de Maîtrise, Antananarivo, U.E.R. d’histoire, 191p, 1989.

NOEL, «Notes, Reconnaissances et Explorations, t II, 2ème semestre », p1 à 27, 1897.

PENARD (Colonel), « Madagascar et la rébellion de 1947 », Paris, La documentation française, polycopié, 1953.

POIRIER (Jean) et DEZ (Jacques), « Les groupes ethniques de Madagascar, rapport préliminaire sur un inventaire des tribus », Tananarive, F.L.S.H., 1963.

RABEARIMANANA (Lucile), « La presse d’opinion à Madagascar de 1947 à 1956. Contribution à l’histoire du nationalisme malgache du lendemain de l’insurrection à la veille de la Loi Cadre », Paris, Université de Paris I, Thèse pour le Doctorat de 3ème cycle, 450p, 1978.

RAKOTOARISON ANDRIAMIHAJA, « La mission protestante française et l’Ankay entre 1898 à 1950 », Mémoire de CAPEN, 1989.

RAKOTOMALALA (Joëlson), « Zava-miafin’ny 29 Martsa 1947 (ce que cache le 29 mars 1947) », Boky fahatelo, Madagasikara print, Antananarivo, 122p, 1983.

RAKOTONIAINA, « Ny marina momba ireo Wagon’i Moramanga », Antananarivo, Imprimerie Tatsinanana, 98p, 1967.

RAKOTONIRAINY (Joseph), « Ny marina momba ny MDRM sy ny zava-miafin’ny taona 1946-1947 », Nouvelle Edition, Tananarive, Imprimerie Tatsinanana, 70p, 1978.

RAMANANTSOA – RAMARCEL (Benjamina), « Les sociétés nationalistes à Madagascar dans la première moitié du XXe siècle : V.V.S., Panama, Jiny », Université de Paris VII, Thèse de Doctorat de 3ème cycle, 2 tomes.

RANDRIAMARO (Jean Rolland), « Le PADESM : 1946-1956 (Parti des Déshérités de Madagascar), Paris, Université de Paris VII, Mémoire en vue d’obtention du D.E.A., 31p.

RATSIMAZAFY, « Mizana tsy mandainga ». Boky mirakitra ny raharahan’ny taona 1947 tao amin’ny faritanin’i Moramanga, Antananarivo, Imprimerie Catholique, 100p, 1977.

STIBBE (P), « Justice pour les Malgaches », Seuil, Paris, 144p, 1954.

TRONCHON (Jacques), « L’insurrection malgache de 1947. Essai d’interprétation historique », Paris, Karthala, 397p, 1974/1986. 123

PHOTOS 125 126 127

Nom et prénom : RAHARIMALALA Alda Titre : « GOUVERNEMENT DE SABOTSY – ANJIRO : NOYAU DU GROUPE DU 29 MARS 1947. CONTRIBUTION A L’ETUDE DE L’INSURRECTION DE 1947 DANS LE DISTRICT DE MORAMANGA ».

Nombre de pages : 130 Nombre de Tableaux : 09 Nombre de Photos : 03 Nombre de Cartes : 02

RESUME

Ce présent mémoire intitulé « Gouvernement de Sabotsy – Anjiro : noyau du groupe du 29 Mars 1947. Contribution à l’étude de l’insurrection de 1947 dans le district de Moramanga » contribue à compléter les recherches sur cette phase de l’histoire dans le district de Moramanga. S’inscrivant dans le cadre de la lutte pour l’Indépendance, l’insurrection du 29 Mars 1947 comporte en elle-même plusieurs facettes qui méritent d’être étudiées. Ce travail de recherche prend en considération deux points essentiels se rapportant à ce fait historique. D’une part, l’insurrection est une continuation logique engendrée par la dialectique de la lutte de classe du temps de royauté merina qui évolue dans un nouveau contexte. C’est le cas des « HOVAVAO » et des « ZAFIN’ANDRIAMAILAZA ». D’autre part, la période des années quarante est le paroxysme de la colonisation française. Les conjonctures d’après guerre, les accords internationaux ont obligé l’Administration coloniale à reconsidérer la situation dans les colonies. Ces deux points saillants constituent les « ingrédients » d’un violent soulèvement. L’ « explosion » a eu lieu à Moramanga, déclenchée par les groupes de volontaires nationalistes du gouvernement de Sabotsy-Anjiro. Les péripéties, les limites et les issues de l’insurrection sont décrites et analysées dans ce mémoire.

Mots-clés : Colonisation, Décolonisation, Indépendance, Insurrection, 29 Mars 1947, Moramanga. Rapporteur : Monsieur RAZAFIMBELO Célestin Maitre de Conférences à l’ENS Adresse de l’auteur : Fiadanana, Ambohimalaza