La Poétique De L'espace Dans L'oeuvre D'edouard Glissant: La Martinique, Un Vaisseau Fantôme
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La poétique de l’espace dans l’oeuvre d’Edouard Glissant : La Martinique, un vaisseau fantôme Ibtissem Sebai Ameziane To cite this version: Ibtissem Sebai Ameziane. La poétique de l’espace dans l’oeuvre d’Edouard Glissant : La Martinique, un vaisseau fantôme. Littératures. Université Michel de Montaigne - Bordeaux III, 2014. Français. NNT : 2014BOR30063. tel-01205339 HAL Id: tel-01205339 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01205339 Submitted on 25 Sep 2015 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. 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Université Michel de Montaigne Bordeaux 3 École Doctorale Montaigne Humanités (ED 480) THÈSE DE DOCTORAT EN « LITT ÉRATURES FRANÇAISE, FRANCOPHONES ET COMPAR ÉE » La poétique de l’espace dans l’œuvre d’Edouard Glissant (La Martinique, un vaisseau fantôme) Présentée et soutenue publiquement le 23 juin 2014 par Ibtissem SEBAI AMEZIANE Sous la direction de Martine MATHIEU-JOB Membres du jury Jean-Michel Devésa, Maître de conférences habilité, Université Bordeaux - Montaigne Romuald-Blaise Fonkoua, Professeur, Université Paris IV – Sorbonne Martine Mathieu-Job, Professeur, Université Bordeaux – Montaigne Catherine Mazauric, Maître de conférences habilitée, Université Toulouse II – Le Mirail Remerciements A ma directrice de recherche, Madame Martine Job, qui m’a fait confiance tout au long de ces années, en dépit des embûches et des doutes dont la présente thèse a été jalonnée. Au jury dont j’invoque la magnanimité d’avance. A ma famille, notamment ma mère qui attend impatiemment le jour où sa fille deviendra docteur ès Lettres, grade qu’elle considère indéniablement comme la consécration de tout le dévouement dont elle a su faire preuve. A mon mari grâce à qui j’ai pu honorer les frais de scolarité, et qui m’a fait profiter par ailleurs de son savoir en informatique afin que mon travail prenne sa forme finale. A mes enfants, Tina et Adam, qui ont été privés de sorties pendant les vacances de printemps afin que leur maman puisse enfin soutenir. Bien entendu, une pensée à feu Edouard Glissant pour cette aventure intellectuelle et pour tous les horizons dont elle est la promesse. 1 Au-delà de sa raison immédiate, le secret a aussi une fonction cachée, une raison d’être, si l’on peut dire, secrète – celle de maintenir les règles qui, se transmettant de génération en génération, donne à la famille une structure qui traverse le temps. Tel est le secret du secret : on peut le voir comme une sorte de témoin, un vecteur, un transmetteur, qu’on se passe d’une génération à l’autre, un vaisseau fantôme qui transporte à son bord le trésor caché des règles familiales. Mony ELKAÏM, Comment survivre à sa propre famille. 2 La terre est un homme et tout homme est une terre chahutée, dont il serait vain de régler l’éclat à la manière d’un luminaire. Edouard GLISSANT, L’Intention poétique. Introduction C’est une œuvre singulière que celle de l’écrivain martiniquais, Edouard Glissant, dans les méandres de laquelle nous avons choisi de nous aventurer au risque exquis de succomber au mimétisme, conformément à l’idée que Barthes se faisait de « la littérature », et d’après laquelle, s’il n’est pas possible de parler sur un tel texte, il est cependant envisageable de parler en lui, à sa manière1. En effet, outre l’hermétisme que l’on prête souvent à l’œuvre glissantienne, caractérisation qui pourrait rebuter les âmes timorées, cette dernière est tout à la fois diverse et protéiforme puisque, si elle adopte l’ancienne division de la littérature en genres, c’est bien dans l’intention de les enchevêtrer, montrant de la sorte non seulement l’aberration qu’implique tout compartimentage, mais également la richesse insoupçonnée qu’apporte tout éclatement des limites, se révélant de ce fait essentiellement factices2. 1 Gérard DESSONS, Introduction à la poétique, Approches des théories de la littérature, Paris : Armand COLIN, 2005, p. 191. 2 « Sans doute est-on proche ici de ce que Gilles Deleuze et Félix Guattari appellent "agencements collectifs d’énonciation". Ces auteurs définissent le livre-rhizome comme "agencement (qui) met en connexion certaines multiplicités prises dans chacun de ces ordres (« un champ de réalité, le monde, un champ de représentation, le livre, un champ de subjectivité, l’auteur ») si bien que le livre n’a pas sa suite dans le livre suivant, ni son objet dans le monde, ni son sujet dans un ou plusieurs auteurs. 3 Dans l’un de ses derniers essais, La Cohée du Lamentin3, Edouard Glissant fait part d’un rêve qu’il avait nourri depuis sa jeunesse, et où la pensée de l’éclatement, loin d’être pure fantaisie ou méthode empirique, se révèle fondamentale dans la mesure où elle est dictée par le lieu même de l’auteur, ressenti comme la menace d’une poussée secrète et intransigeante vers un texte qui s’origine dans le manque, se nourrit du tourbillon de la terre, et triomphe dans l’ouverture entaillée devant la mer : « Je ne sais pas à quel âge, dans mon très jeune temps, j’ai rêvé d’avoir développé un texte qui s’enroulait innocemment mais dans une drue manière de triomphe sur lui-même, jusqu’à engendrer au fur et à mesure ses propres sens. La répétition en était le fil, avec cette imperceptible déviance qui fait avancer. Dans ce que j’écris, toujours j’ai poursuivi ce texte. Je m’ennuie encore de ne pas retrouver l’enhalement tant tourbillonnant qu’il créait, qui semblait fouiller dans une brousse et dévaler des volcans. Mais j’en rapporte comme une ombre parfois, qui relie entre elles les quelques roches de mots que j’entasse au large d’un tel paysage, oui, une brousse, sommée d’un volcan. »4 Ce rêve en dit long sur la singularité du texte glissantien où est récusé tout ascendant de l’écrivain sur son œuvre 5 , quand bien même elle serait militante, contrairement à une écriture engagée 6 qui était de mise alors, et qui impliquait Bref, il nous semble, écrivent-ils que l’écriture ne se fera jamais assez au nom d’un dehors. Le dehors n’a pas d’image, ni de signification, ni de subjectivité. Le livre, agencement avec le dehors, contre le livre-image du monde". "Le livre, agencement avec le dehors" peut intégrer, à la façon d’Edouard Glissant, des éléments et personnages du "dehors", les mêler à la fiction, confondre les niveaux. Discours et récit, champs de la fiction et du social interfèrent au moins dans l’imaginaire de l’œuvre, transgressant les frontières, établissant des connexions nombreuses, dans une immanence qui nie les hiérarchies et les classes logiques. », Deleuze et Guattari cités par Dominique CHANCE, Edouard Glissant, traité de déparler, Paris : Editions Karthala, 2002, p. 198, infra note 41. 3 Edouard GLISSANT, La Cohée du Lamentin, Editions Gallimard, 2005. 4 Ibid., p. 20. 5 « L’écrivain est toujours le fantôme de l’écrivain qu’il veut être. » in Edouard GLISSANT, L’Intention poétique, op.cit., p. 36. Ou encore : « Je m’étais résigné à ne pas être quantité ou espèce d’importance, il me paraissait même que c’était privilège de rester là sans que pas un remarque ma présence, tout comme si je figurais un élément indispensable mais inaperçu, parce que naturel et premier. » in Edouard GLISSANT, Tout-monde, Editions Gallimard, 1993, p. 469. 6 Nous renvoyons le lecteur au chapitre « Ecritures politiques » in Le degré zéro de l’écriture de Roland BARTHES. L’auteur y soutient que l’écriture engagée a produit un nouveau type de scripteur, 4 l’adhésion totale à une convention du réel. Or, justement chez Edouard Glissant, le réel, même s’il est à mériter, est le point de mire de toute l’œuvre, dans la mesure où ses possibles seront traqués suivant un itinéraire spiral dont l’axe est le lieu propre, en l’occurrence la Martinique. En d’autres termes, les mots chez Glissant, assimilés à des roches qui sont autant de balises dans le « champ d’îles »7, tissent l’ombre du lieu qui leur sert de matrice. Toutefois, la parole, aussi fragile et indécise soit-elle face à ce réel, est cela même qui va instituer non seulement le poète, mais aussi les Martiniquais et la terre qu’ils habitent. Il s’agira somme toute de puiser dans la vasque de l’immédiat du temps et du touffu de l’entour en vue de fixer, sans jamais figer, les mots qui permettent de fouiller, non sans peine, la trace autour de quoi la terre et ses hommes pourront enfin se lever, et déchirer la face obscure du monde8. C’est dans les limbes d’un rêve, celui de « bâtir à roches »9 le texte, qui nommera à son tour la terre, mais aussi toutes celles qui en sont l’étendue illimitée, que j’ai choisi de rejoindre l’auteur, en me penchant pour ma part sur la poétique de l’espace et la poétique du corps dans quatre de ses œuvres, et qui sont respectivement : Le Sel noir, recueil poétique écrit en 1960, L’Intention poétique, essai écrit en 1969, Malemort, roman écrit en 1975 et Le Monde incréé, « pièce théâtrale », parue en 2000 alors qu’elle comprend trois textes datant respectivement de 1963, 1975 et 1987.