Philharmonie de Paris

La grande salle de la Philharmonie, située dans le parc de la Villette. PATRICK TOURNEBOEUF/TENDANCE FLOUE POUR « LE MONDE » Un rêve de salle Avec la , qui doit être inaugurée le 14 janvier 2015, la capitale se dote d’un équipement, certes coûteux, mais follement ambitieux

l y a un siècle, Claude Debussy est dans la bilité d’une musique construite spécialement d’oiseaux métalliques ; à l’intérieur, dans tra-muros. Depuis sa prime conception, au dé- force de l’âge et de son art – il met la der- pour le “plein air”, toute en grandes lignes (…) qui l’auditorium, il a dessiné des sortes de grands but des années 1980, jusqu’à son inauguration, nière main à son chef-d’œuvre sympho- planeraient joyeusement sur la cime des arbres. nuages, pour mieux faire vibrer et circuler les prévue le 14 janvier 2015, la « Philhar » aura nique, La Mer, créé le 11 octobre 1905. En- (…) Il ne s’agit pas de travailler dans le “gros”, sons ; sur certaines parois figurent les frondai- bravé bien des bourrasques. La valse-hésitation tre deux ressacs, il théorise sa vision de la mais dans le “grand”. (…) Il me semble qu’il y a là sons des arbres alentour, comme en écho au des girouettes politiques et financières, les re- musique dans les chroniques et les entre- du rêve pour des générations futures. Pour nous songe de Debussy. tards, les querelles et le gonflement des coûts Itiens qu’il livre à divers journaux. « Le bruit de la autres contemporains, j’ai bien peur que la musi- Mais la Philharmonie de Paris – c’est son ont failli la submerger. Pourtant, grâce à la té- mer, la courbe d’un horizon, le vent dans les que continue à sentir un peu le renfermé. » nom – ne vise pas seulement à faire rimer cu- nacité de quelques vaillants marins – dont le feuilles, le cri d’un oiseau déposent en nous de Cent ans plus tard, ce rêve s’apprête à prendre mulus et stradivarius. Elle entend d’abord leur chef d’orchestre et compositeur Pierre Boulez, multiples impressions, s’écrie-t-il dans Excelsior. forme, dans le nord de Paris, en bordure de pé- faire voir du paysage, embrassant, dans un aussi fin debussyste que politicien –, la voici la Et, tout à coup (…), l’un de ces souvenirs se répand riphérique. Une salle aérienne en diable est en même souffle, toutes les musiques – classique, tête hors de l’eau, toutes plumes, feuilles et voi- hors de nous et s’exprime en langage musical. » train de sortir de terre. Vue de l’extérieur, elle a contemporaine, actuelles – et tous les publics les dehors, prête à répandre ses grands airs sur Dans La Revue blanche, le compositeur va jus- des allures de vague, de falaise. Son architecte, – des dilettanti les mieux lotis aux moins nan- la ville. p qu’à consigner son « rêve » : « J’entrevois la possi- Jean Nouvel, a coiffé son toit de milliers tis, des plus jeunes aux plus chenus, intra et ex- auréliano tonet

Cahier du « Monde » No 21738 daté Dimanche 7 - Lundi 8 décembre 2014 - Ne peut être vendu séparément 0123 2 | philharmonie DIMANCHE 7 - LUNDI 8 DÉCEMBRE 2014

Saga Philharmonia

Le dernier grand projet de François Mitterrand aura mis plus de trente ans pour voir le jour. Genèse d’une histoire française qui mêle argent, luttes de clans et impéritie de l’Etat

e 14 janvier, l’Orchestre de Pa- endémique des années 1990 et 2000, ministère de la culture ont chuté de 20 %. ris transformera d’un coup de l’Orchestre de Paris. Formation de pres- Par ailleurs, et ce n’est un secret pour per- baguette la Cité de la musique tige de la capitale, il est l’hôte de la Salle sonne, Jacques Chirac (élu en 1995) pré- en Philharmonie de Paris, Pleyel de 1980 à 2002, date de la ferme- fère aux courbes voluptueuses des vio- mettant un point final à ture provisoire de la salle. Puis l’Orchestre lons celles des statuettes dogon du futur trente ans d’une saga tour- se replie pour un exode catastrophique Quai Branly. Lmentée. Autant de tergiversations, luttes au Théâtre Mogador, jusqu’en 2006. Pen- La dissolution de l’Assemblée nationale de clans, sanctions économiques et dé- dant ce temps, l’Orchestre national de au printemps 1997 ne changera pas la bords budgétaires qui témoignent de , l’une des deux phalanges rivales donne. Catherine Trautmann, nommée l’impéritie de la puissance publique fran- de la Maison de la radio, stationne au au ministère de la culture, doit gérer la çaise en matière de politique musicale. Théâtre des Champs-Elysées, et l’Orches- vente de la , propriété histori- Lancée dans l’euphorie de l’élection pré- tre philharmonique de Radio France se que du Crédit lyonnais. La Ville a fait une sidentielle de François Mitterrand, partage entre Pleyel et le Théâtre du Châ- offre jugée inacceptable. C’est un entre- en 1981, la « mission de réflexion sur l’idée telet. Le fameux studio 104 de la Maison preneur privé qui remportera la mise. d’une cité de la musique » confiée à Jack de la radio (900 places), conçu pour l’en- L’abandon symbolique de l’Orchestre de Lang concrétise un projet déjà caressé par registrement d’émissions musicales, n’a Paris par ses deux tutelles est alors con- Valéry Giscard d’Estaing. Celui d’un grand jamais eu vraiment vocation à être autre sommé. C’est le marasme : en 1999, un auditorium sur le site des anciens abat- chose qu’un lieu de répétition. énième rapport (celui de l’énarque André toirs de La Villette, dans le 19e arrondisse- Le compositeur, chef d’orchestre et lea- Larquié) passe au crible d’autres lieux ment de Paris. Beaucoup ont oublié que le der d’opinion Pierre Boulez a brandi possibles pour conclure : « La Villette ! » projet comporte, outre le Conservatoire d’emblée l’étendard de cette croisade L’Etat réclame que la Ville et la région national supérieur de musique et de philharmonique qui divise mélomanes s’impliquent désormais dans le projet. La danse de Paris (CNSMDP), un opéra avec et pouvoirs publics bien au-delà des cliva- préférence du maire de Paris, Jean Tiberi, deux salles et, bien sûr, au sein même de ges politiques. La question de l’implanta- pour le Théâtre de la Gaîté-Lyrique sonne la future Cité de la musique (qui accueille tion de l’auditorium suscite notamment comme un coup d’arrêt, provoquant la ri- lieux pédagogiques, musée, petit amphi- de vives polémiques : la porte de Pantin poste de Pierre Boulez : une importante théâtre, salle modulable de 900 places), est jugée inaccessible parce que trop ex- une grande salle symphonique de centrée et mal desservie, et considérée 2 500 places. comme dangereuse du fait de sa proxi- L’opéra « populaire » cher à Mitterrand, mité banlieusarde. Mais la réussite de la inauguré le 13 juillet 1989 lors des célébra- Cité de la musique, et plus encore de 2002, c’est l’insurrection. tions du bicentenaire de la Révolution l’Opéra Bastille, plaidera en sa faveur. La française, a pris finalement ses quartiers ruine du nouveau temple de l’art lyrique L’Orchestre de Paris vient de à la Bastille tandis que la Cité, sauvée in prophétisée par certains (désamour du extremis d’un premier « tournant de la ri- public et déclin du genre, localisation ina- se mettre en grève générale. gueur » au début des années 1980, ouvre daptée et risque d’offre pléthorique) n’a ses portes le 10 janvier 1995, après dix ans pas eu lieu. La fréquentation, qui était de Décision est prise, de travaux. Exit la grande salle sympho- 80 % dans les années 1980, a même bondi nique, pierre angulaire du projet, dont à 90 % dix ans plus tard, alors que le nom- dès janvier 2003, de lancer La Philharmonie l’emplacement figurait en bonne place bre de places proposées au public avait vue du parc sur le programme confié à l’architecte doublé. une ultime étude sur de la Villette. Christian de Portzamparc, vainqueur du Symbole de l’ouverture de la musique PATRICK TOURNEBŒUF/TENDANCE concours d’architecture en août 1985. classique au plus grand nombre, l’audito- la faisabilité du projet FLOUE POUR « LE M ONDE » La Cité « unijambiste », selon le mot de rium de La Villette, à proximité du Con- Pierre Boulez, ne cesse de questionner servatoire et de la Cité de la musique, ren- l’auditorium manquant. Ce d’autant que force la pertinence d’un projet qui favo- pétition contresignée par 75 personnali- le reste du monde vit une course à l’arme- rise la plus-value sociologique d’un pu- tés du monde musical témoigne en fa- ment symphonique. Des centaines de blic élargi ainsi que les échanges entre veur du grand auditorium. salles sortent de terre, de Sao Paulo à Co- étudiants et stars de la musique. Mais Nous sommes au début du XXIe siècle. penhague, en passant par Lucerne, l’auditorium de La Villette reste lettre Les arrivées de Catherine Tasca au minis- chantier est confirmé : la Ville et l’Etat Luxembourg, Rome, mais aussi Philadel- morte jusqu’en 2005, les effets d’annonce tère de la culture en 2000 et de Bertrand vont signer un accord de partenariat à phie, Los Angeles, Saint-Pétersbourg. Et le disputant aux atermoiements et revi- Delanoë à la mairie de Paris Ville en 2001 parts égales (45 %), la région Ile-de- jusqu’à la province : l’Arsenal de , les rements. Aucun des ministres de la Rue semblent de bon augure, comme la no- France se pourvoyant à hauteur de 10 %. grands auditoriums de Dijon, Grenoble, de Valois ne s’y opposera. Aucun ne par- mination de Laurent Bayle à la Cité de la 2007 est une année décisive. Jean Nou- Poitiers. Paris, seul, est à la traîne. viendra à le faire avancer. musique (en remplacement de Brigitte vel est choisi comme architecte en avril. L’absence d’auditorium est d’autant La fin de l’ère Mitterrand a vu la remise Marger). Cet émule de Pierre Boulez a, lui Novembre acte la constitution de l’Asso- plus criante que les orchestres de la capi- en question de la politique culturelle aussi, une étude dans sa besace : « Le ciation Philharmonie de Paris, garantis- tale sont au creux de la vague. Le public « pharaonique » de l’Etat. Les grands grand auditorium de Paris - Rapport de sant au binôme inédit des deux finan- est peu présent, l’offre désorganisée, les chantiers – plus de 30 milliards de synthèse (2001) ». Le projet, chiffré avec ceurs les mêmes occurrences décision- musiciens se plaignent de mauvaises francs – ont trop généreusement servi Pa- l’aide de l’Etablissement public de maî- nelles. Destiné à être livré en 2012, le conditions de travail dans des lieux ina- ris. Il faut rééquilibrer en direction de la trise d’ouvrage des travaux culturels chantier atteint, hors taxes, 170 millions daptés – excepté l’Orchestre national de province, nonobstant le statut particulier (EMOC), atteint, hors TVA, les 728,5 mil- d’euros. Elu en mai président de la Répu- l’Opéra de Paris, essentiellement dévolu de la capitale, à la fois municipalité (ren- lions de francs, soit 110 millions d’euros. blique, Nicolas Sarkozy donne son aval aux productions lyriques, et, depuis 1974, trée dans le giron du droit commun Les candidats à la présidentielle de 2002 dès la fin de l’année. La Philharmonie, si- l’Orchestre national d’Ile-de-France (On- en 1977) et vitrine de la France. L’ordre du (Jacques Chirac et Lionel Jospin) l’ont ins- tuée à l’orée de la banlieue nord, s’inscrit dif), dont l’activité se déroule essentielle- jour est le même pour tout le monde : crite à leur programme : on peut espérer symboliquement comme la figure de ment extra-muros. Au cœur de cette crise austérité. Entre 1993 et 1997, les crédits du la construction de la salle dans les six ans. proue du Grand Paris. Il n’en sera rien. Mais Bercy est en embuscade. Soutenu Si le projet n’a jamais connu de ligne de par François Fillon, alors premier minis- fracture entre la gauche et la droite tre, le ministère de l’économie et des fi- – est-ce là l’une des raisons de son immo- nances mettra tout en œuvre pour tuer bilisme ? –, il a déclenché dans les deux le projet dans l’œuf. Outre la crise écono- La nouvelle géographie du classique à Paris camps la forte résistance des argentiers mique désormais installée, deux nou- – guérilla entre adjoints de la culture et veaux éléments sont entrés en compte. Nouveau lieu (ouverture 2014 à 2016) des finances à la Mairie de Paris, guerre D’une part, en 2006, la réouverture réus- froide entre la Rue de Valois et Bercy. Voici sie de Pleyel (1 900 places) et son rachat Lieu existant l’Etat et la Ville passés maîtres en procras- programmé par l’Etat ont redonné un Lieu fermé à la musique tination jusqu’à l’insurrection de no- toit à l’Orchestre de Paris. La construc- classique en 2015 Philharmonie vembre 2002. L’Orchestre de Paris vient tion d’un nouvel auditorium de de Paris de se mettre en grève générale. Décision 1 460 places est d’autre part prévue pour Taille des salles (en places) Salle Pleyel Salle Opéra (2 grandes salles) Gaveau est prise dès le 21 janvier 2003 de déblo- 2012 au sein de Radio France. Enfin, le 3 000 Garnier quer les fonds nécessaires à une ultime rapport de la Cour des comptes de dé- 2 000 Opéra-Comique vérification de « la localisation, l’accessi- cembre 2007 fustige la mauvaise gestion 1 000 Théâtre des bilité et la faisabilité globale d’un audito- de l’ensemble des grands chantiers cul- Champs Elysées rium ». La Cité de la musique sort du cha- turels. Le permis de construire est néan- Opéra Bastille peau derechef. Les coûts oscillent cette moins délivré le 11 décembre 2008. Les Théâtre fois entre 100 et 150 millions d’euros. La travaux préliminaires débuteront en du Châtelet Mairie de Paris peut revoir son plan local juillet 2009. La partie semble engagée ; Auditorium d’urbanisme et libérer le terrain triangu- ils seront stoppés en mars 2010. de Radio France laire de 2 hectares, jusqu’alors incons- L’incertitude porte cette fois sur le tructible car classé zone naturelle. mode de financement. Le choix d’un Mais sœur Anne du Périphérique ne emprunt de 243,7 millions d’euros ga- Cité musicale voit toujours rien venir. Jusqu’au 10 oc- ranti par l’Etat et la Ville avait d’emblée de l’île Seguin tobre 2005, quand le premier ministre, été accepté par la Mairie de Paris qui le Dominique de Villepin, vole au secours prenait à sa charge pour moitié. Mais de la Philharmonie dans un discours à la l’Etat tarde à se prononcer. Il attend les Foire internationale d’art contemporain. conclusions définitives de l’analyse des SOURCE : INSTITUTIONS Six mois plus tard (le 6 mars 2006), le offres de marché global. Il faut dire que 0123 DIMANCHE 7 - LUNDI 8 DÉCEMBRE 2014 philharmonie | 3

Chronologie l’appel d’offres du 3 mars 2009, qui avait marathon de cinq ans n’aura pas inter- tion, la Ville tentant de réduire sa partici- 2006, affermi le retour aux sources de la retenu les deux candidatures de Vinci rompu, loin s’en faut, le cours bondissant pation. Mais Paris a enfin un équipement comédie musicale et de l’opérette, il ris- Construction et de Bouygues, a été re- du feuilleton politico-financier, que vien- symphonique digne d’une capitale des que d’affecter le Théâtre des Champs-Ely- 1981 Jack Lang pilote une connu infructueux en raison de ses dront renforcer de méchantes querelles arts, au même titre que Londres, New York sées, quoique celui-ci n’ait cessé d’accen- « mission de réflexion sur l’idée coûts, très au-dessus des estimations. entre Jean Nouvel et la maîtrise ou Berlin. tuer sa polarisation lyrique depuis Mi- d’une cité de la musique ». Une seconde négociation avec Bouygues d’ouvrage. Un rapport de la commission Inquiétudes et oppositions n’ont pas chel Franck, à la suite de Dominique seul aboutit en avril 2010. Mais l’Etat ne des finances du Sénat, présenté en octo- disparu pour autant. Car la Philharmonie Meyer. Quant à l’auditorium de Radio 1984 Le projet de la Cité de la bouge pas. Pendant un an, jusqu’en bre 2012, a pointé une dérive financière revoit le « plan d’occupation des sols France (1 460 places), sa destination à musique, dévoilé en janvier, mars 2011, l’immense trou creusé sur qui a d’autant plus d’impact que les symphoniques », en majorité sis dans nourrir les antennes musicales de la mai- comporte une grande salle l’emplacement de l’ancien parking du Zé- comptes publics sont dans le rouge. l’ouest de l’ancienne Lutèce. Certains son lui confère un statut de privilégié symphonique de 2 500 places. nith à La Villette se remplit d’eaux de Estimée à l’origine à près de 200 millions craignent que la salle croquemitaine moins soucieux de sa jauge, ce d’autant pluie, victime de la guerre de tranchées d’euros, dont 118 millions pour le seul qu’il partage avec la Cité de la musique de 1989 Ouverture de l’Opéra menée par Bercy et Matignon. chantier (hors honoraires, assurances et l’île Séguin (1 100 places), qui ouvrira Bastille le 13 juillet, pour le bi- Le deus ex machina ? La Mairie de Paris. aléas), la facture atteindra les 386,5 mil- en 2016, un problème non négligeable centenaire de la Révolution. Le 18 octobre 2010, Nicolas Sarkozy a reçu lions d’euros, soit deux fois le coût initial. Estimée d’accessibilité. un courrier de Bertrand Delanoë. Un A la clé, rajouts et sous-estimations : assu- L’Orchestre de Paris aura sa Terre pro- 1995 Ouverture le 10 janvier, mois plus tard, l’Etat s’engage à son tour . rances, parkings, équipements, sécurisa- à l’origine à près de mise, ses deux tutelles lui offrant enfin le de la Cité de la musique. Le chantier reprend avec un coût global tion de l’édifice, évolution des prix dans le moyen de ses ambitions (tout en propo- évalué cette fois à 336,5 millions d’euros. secteur du bâtiment, exigences architec- 200 millions d’euros, sant des concerts 20 % moins chers qu’à 2006 Après dix ans d’ater- Ouverture prévue pour la saison 2014- turales, hausse des matières premières… Pleyel). Pourvue d’un pôle administratif et moiements, le projet de la Phil- 2015. Entre la crise des subprimes (2008) Sans parler des surcoûts liés aux retards de la facture atteindra logistique, d’un parking de 950 places, de harmonie est confirmé par Do- et celle des dettes souveraines (2011), la construction. Reste une question cen- six salles de répétitions, des dix studios, minique de Villepin. Philharmonie est entrée en gestation. trale : quid des 18 millions d’euros annuels les 386,5 millions d’ateliers pédagogiques couplés à une Quelques mois plus tard, le projet aurait nécessaires au fonctionnement du bâti- salle de 200 places, d’un espace d’exposi- 2007 Jean Nouvel remporte été condamné. ment financé à parité par l’Etat et la Ville ? d’euros tion et de restaurants, la Philharmonie ac- le concours d’architecture en La dernière ligne droite de ce chantier- Les deux s’en disputent encore la réparti- cueillera aussi l’Ensemble intercontem- avril. Le président de la Répu- porain, des orchestres associés (les Arts blique, Nicolas Sarkozy, donne n’absorbe dans un bâillement gargan- florissants de William Christie, l’Orchestre son aval. tuesque tout le public parisien. D’autres, national d’Ile-de-France, l’Orchestre de au contraire, qu’elle ne trouve pas son pu- chambre de Paris). De même les phalan- 2009 Début des travaux préli- Boulez, le père biologique blic, dont une partie restera calfeutrée ges associatives ou régionales et, bien sûr, minaires en juillet. dans ses charentaises du 8e arrondisse- les grandes machines internationales. A 89 ans, le compositeur et chef d’orchestre Pierre Boulez est le véritable ment. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir Au programme des 270 concerts prévus 2010 Interruption des travaux père de la Philharmonie, un projet qu’il a étayé et soutenu sans relâche préparé le terrain. Avant de passer le re- cette saison (60 % de musique classique), en mars. Le 18 octobre, Ber- depuis le début des années 1980. C’est lui qui reviendra régulièrement lais à La Villette, Pleyel, filiale de la Cité de des figures du jazz, des musiques actuel- trand Delanoë interpelle Nico- à la charge, n’hésitant pas à déclencher les hostilités. Ainsi la pétition la musique, a commencé dès 2008 à inflé- les et musiques du monde. Les week- las Sarkozy. qu’il fit parvenir au ministère de la culture le 27 septembre 1999, dont chir sa programmation. Certes, la fin an- ends, le site sera ouvert aux familles les 75 signataires appartiennent, comme lui, au gotha mondial de la musi- noncée du classique au 252, rue du Fau- autour de concerts simples d’accès et mo- 2011 Reprise de la construc- que. Sa position dominante dans la vie musicale française et ses prises bourg-Saint-Honoré n’est pas sans heur- diques de prix, d’ateliers pour enfants, tion en mars. de position acérées lui vaudront de franches inimitiés. Outre son travail ter certains mélomanes. Peu leur chaut sans oublier le numérique, extensions si- d’éminence grise auprès des décideurs, le fondateur de l’Institut de recher- que l’endroit soit dépourvu de salle de ré- gnificatives du cadre pédagogique de la 2012 La ministre de la culture, che et de coordination acoustique/musique (Ircam) et de l’Ensemble inter- pétition et d’espaces publics suffisants, Cité de la musique, devenue Philharmo- Aurélie Filippetti, acte la pour- contemporain, résident de la Cité de la musique, entretient une présence sans parler de l’acoustique, dont la vox nie II. Cette kyrielle des possibles donne suite du projet. médiatique soutenue dans la plupart des journaux – tribunes ou entre- populi reconnaît l’inadaptation aux presque le tournis, qui voit s’ouvrir enfin tiens. La Philharmonie, qui sera rapidement appelée la « salle Boulez », grandes phalanges nationales et interna- un incroyable espace de liberté pour la 2015 Concerts d’ouverture les fera les frais des attaques tant esthétiques qu’idéologiques de ses tionales. musique. Mais on aura beaucoup marché 14 et 15 janvier avec l’Orchestre opposants. Du 17 mars au 28 juin 2015, la Philharmonie de Paris lui rendra Si la Philharmonie ne devrait pas per- sur la tête avant de se promener sur le toit de Paris, résident principal de hommage pour ses 90 ans (25 mars) avec une exposition intitulée tout sim- turber outre mesure le Théâtre du Châte- de la Philharmonie de Paris. p la Philharmonie sous la direc- plement « Pierre Boulez ». Elle le lui doit bien. let, dont Jean-Luc Choplin a, depuis marie-aude roux tion de Paavo Järvi. 0123 4 | philharmonie DIMANCHE 7 - LUNDI 8 DÉCEMBRE 2014

Sur le toit et les parois de la Philharmonie, 340 000 oiseaux gris prennent leur envol... PATRICK TOURNEBOEUF/TENDANCE FLOUE POUR « LE MONDE »

Jean Nouvel, l’ex-enfant terrible

A presque 70 ans, Jean Nouvel n’a plus grand-chose à prouver. Son magnifique édifice aura pourtant eu son lot de polémiques et de critiques

e vaste parvis de la Cité de la musi- nombrables ouvriers casqués et sanglés. Ici de été bien servie, principalement en raison des une partie des pétales flottent dans les hau- que offre, au matin, un beau senti- grandes poutres métalliques attendent d’être dérapages du budget, mais également de la teurs, laisse imaginer, dans les lumières du ment d’espace où se côtoient les ac- posées, ailleurs ce sont juste des problèmes de complexité technique de l’édifice. Nouvel, de chantier, un outil hors pair. Jean Nouvel a, teurs de cette grande entreprise peinture, mais à l’échelle d’une pareille salle… fait, a été mis à la torture. Il pourrait se conso- avec Brigitte Métra, fait appel à deux acousti- plurielle : la Grande Halle, structure Son président, Laurent Bayle, l’avoue avec ler en évoquant les dépassements de la Phil- ciens prestigieux, le Japonais Yasuhisa Toyota vouée aux bovins en 1867, repensée flegme : bien sûr on ouvrira en 2015, même s’il harmonie de Hambourg (architecte Herzog et et le Néo-Zélandais Harold Marshall. Avec eux, Lpar les architectes Reichen et Robert en 1985 et reste quelques « détails » à finir. Le désordre de Meuron), estimée à 77 millions et qui at- il a imaginé le dispositif de la salle dans un à nouveau en 2007. Le Conservatoire national caractéristique des chantiers où trop de corps teint maintenant 780 millions. beau processus d’échange entre architecture de musique de Christian de Portzamparc, de métier doivent cohabiter, interdit toute ap- Mais il y a plus difficile que cette affaire de et acoustique qui aboutit à des courbes rappe- achevé non sans douleur en 1990. Le Théâtre préciation sur l’édifice, sauf risquer d’être in- budget. L’architecte a pratiquement été écarté lant des rizières orientales. On nous le dit, on Paris-Villette, la Cité des sciences, pensée par juste. du chantier et nombre des décisions techni- le croit : mise en peinture et en lumière, la Adrien Fainsilber en 1986 sur la structure res- Jean Nouvel n’est plus tout à fait l’enfant ter- salle, dotée de tons sombres et chauds à hau- capée des abattoirs. Et le premier Zénith de rible de l’architecture française. A presque teur d’orchestre, ira en s’éclairant au fur et à France, inventé en 1983 par Chaix et Morel 70 ans, il a prouvé sa maîtrise du métier. En mesure qu’elle s’ouvre vers le haut. Avec ou pour une durée provisoire… qui dure toujours. France, on lui attribue l’Institut du monde sans noir, la couleur est une spécialité de Nou- A l’Est, la Cité de la musique, dessinée en 1995 arabe, dont il est en fait coauteur et dont les L’architecte a vel, l’effet devrait être saisissant. par Portzamparc, et la vaste salle de concert diaphragmes de la façade sud n’ont jamais La situation de la salle, à 12 mètres au-dessus que les mélomanes parisiens auront attendue fonctionné. L’IMA reste l’un des édifices les pratiquement été écarté du sol, contribue à l’isoler, de même que son jusqu’à aujourd’hui. plus célèbres de Paris. Les problèmes des faça- toit, à 37 mètres de haut – soit la hauteur maxi- Parfois, sur le parvis, en ces derniers jours de des de verre de la Fondation Cartier ont fait ri- du chantier, et des male pour un édifice situé dans les arrondisse- novembre, passent, canetons égarés, de petits caner sans dévaluer l’édifice. Le Musée du ments périphériques de Paris. Le public pourra groupes d’enfants qui regardent, ébahis, une quai Branly, souvent critiqué, remporte un décisions techniques ont grimper sur cette colline légèrement aplatie grande falaise bruissant de mille engins à succès public remarquable. Sa première qui, par une longue rampe en zigzag, revient crocs, pelle ou marteau : la toute nouvelle Phil- grande salle, l’Opéra de Lyon, a fait aussi l’ob- été prises sous l’autorité sur le plancher. Dehors, le bâtiment est dominé harmonie de Paris, vouée à se marier avec l’ac- jet de polémiques, avant d’être acceptée par la par un gigantesque signal, qui, n’étant pas des- tuelle Cité. De fait, passé les grilles du chantier, ville. A Nantes, le palais de justice rencontre de Patrice Januel, tiné à accueillir des activités humaines, grimpe on parvient à une longue langue de béton qui, surtout l’hostilité de ceux qui n’aiment pas le allégrement au-dessus des 37 mètres. Il rappel- partant de la falaise, s’en va serrer la pince à la noir, couleur fétiche de l’architecte avec, par- directeur de l’association lera aux punks survivants du quartier leur fa- Cité Portzamparc, comme pour marquer fois, le rouge. meuse crête iroquoise, aux autres le bec ver- l’unité future des deux architectures. Là, dans Mais c’est finalement hors de France qu’il qui conduit le chantier seur d’une grande théière. C’est une enseigne une série de salles toutes neuves, attendent, aura fait le plus remarquable de sa carrière. La et un signal pour Nouvel, qui se désole qu’on lui rangées par taille, des dizaines de boîtes, ré- grande salle de concert de Lucerne (1999), ré- en ait coupé un bout, toujours pour cause ceptacles patients d’autant d’instruments, vio- putée être l’une des meilleures du monde, a d’économie. lons, flûtes, ou scies musicales. On se croirait largement contribué à la réputation de Nou- ques dont il peut être tenu pour responsable Le corps de l’édifice, dont les plans enchevê- dans l’antichambre de Piccolo Saxo. A dire vrai, vel qui, depuis, n’a cessé de construire : salle ont été prises sous la seule autorité de Patrice trés, d’une folle complexité, ne révèlent rien de ce sont bien, avec les deux grandes et belles symphonique de Copenhague (2008), musée Januel, directeur de Philharmonie de Paris, la paix relative qui règne à l’intérieur, a d’ores et salles de répétition, les seuls espaces véritable- Reina-Sofia de Madrid (2001), tour Agbar à l’association qui conduit le chantier. déjà reçu l’essentiel de sa décoration : une my- ment achevés de cette Philharmonie de Paris, à Barcelone (2003) et jusqu’aux grands projets Malgré tout, la Philharmonie, et ses riade de pavés autobloquants en fonte, tôle six semaines de l’ouverture. actuels que sont le Louvre d’Abou Dhabi 2 400 places ou 3 650 dans sa configuration la d’aluminium ou encore en béton, soit 340 000 Que faire d’ici là, devant cette symphonie (prévu pour 2015), et le Musée national des plus ample, était au moment de notre visite silhouettes d’oiseaux, les uns brillants, les inachevée ? Il nous faut rêver durant cet hiver arts à Pékin (2018). Au classement des agences globalement achevée. Manquaient les sièges, autres sombres. C’est derrière ces falaises mys- qui paraît bien trop court. Car la Philharmonie françaises, AJN figurait ces dernières années l’aménagement des passages qui lui donnent térieuses que s’ouvrira la plus grande salle de dessinée par Jean Nouvel semble encore large- parmi les toutes premières en importance. accès, mais le vaste volume qui se déploie concert de Paris, si longtemps attendue. p ment à l’état de chantier, où s’activent d’in- Côté polémique, la Philharmonie de Paris a comme une grande fleur asymétrique et dont frédéric edelman 0123 DIMANCHE 7 - LUNDI 8 DÉCEMBRE 2014 philharmonie | 5

« Ce n’est ni une boîte à chaussures ni un vignoble »

e n t r e t i e n | La conception de l’auditorium dépasse tous les types architecturaux, estime Laurent Bayle, le président de la Philharmonie. Au-delà d’une salle de concert, c’est un lieu de réappropriation de la musique

oint d’orgue du site musical de La Villette, la Philharmonie de Paris ouvrira ses portes en janvier 2015. Bien que dévolu à la musique symphonique, son grand audito- rium de 2 400 places accueillera Paussi des musiques populaires et actuelles. Un double objectif, qui a conduit l’architecte Jean Nouvel à imaginer une salle inédite et ultra- performante. Le président de la Philharmonie, Laurent Bayle, fils spirituel de Pierre Boulez et bras armé de cet ambitieux projet, nous livre quelques pistes de réflexion.

Quelles sont les spécificités d’une salle de concert ? Contrairement à l’opéra, longtemps attaché à ses origines nobiliaires et à son goût de l’appa- rat, notamment dans nos pays latins, la salle de concert publique, qui s’impose au XIXe siècle, est favorisée par l’essor d’une bourgeoisie issue de l’industrialisation qui voit se démocratiser la

« Concevoir une salle de concert revient à proposer un modèle de société adapté à notre temps »

pratique instrumentale. L’opéra continuera pourtant d’exercer un pouvoir prépondérant : depuis 1927 et la Salle Pleyel, Paris n’avait pas construit de salle de concert. Ce sera chose faite La grande salle, avec ses balcons flottants. avec le grand auditorium de la Philharmonie, PATRICK TOURNEBOEUF/TENDANCE FLOUE POUR « LE MONDE » qui ne résulte ni d’un modèle économique ni d’un délire pharaonique, mais d’une nécessité : en cent cinquante ans, la virtuosité exponen- tielle des musiciens a considérablement accru terres debout (type rituels rock ou pop). Quelles solutions Jean Nouvel a-t-il appor- taurants, pôle éducatif, salle d’exposition… l’ambitus et le volume sonore des orchestres Cette double affectation réclame une flexibi- tées à ces exigences ? C’est pourquoi la comparer à l’auditorium de qui ont besoin de salles plus grandes. lité, que ne permet pas le modèle, la scène Jean Nouvel et son équipe ont non seulement Radio France ou à Pleyel n’a aucun sens. centrale restant peu conciliable avec l’ampli- relevé le défi mais sont allés plus loin. La ques- Quels types d’architecture de salle ont pré- fication ou la spatialisation qui caractérisent tion de l’intimité a été pulvérisée. par une solu- Le passage à la Philharmonie ne serait donc valu jusqu’à nos jours ? la plupart des musiques contemporaines et tion record à 32 mètres, avec décollement des pas une mutation idéologique ? Le premier modèle est celui de la « boîte à actuelles. Or le compagnonnage de la musi- balcons du mur pour les rapprocher de la scène. La référence du mot philharmonie à la mu- chaussures », un espace rectangulaire calqué que classique avec les musiques populaires Quant à la flexibilité scénique, elle a été résolue sique classique semble a priori éloigner l’idée sur celui d’une salle de bal. L’orchestre sur est au cœur du projet de la Philharmonie. de manière révolutionnaire, puisqu’elle permet d’une fédération de toutes les musiques et de scène est face au public. Ce modèle explosera toutes les configurations imaginables du con- tous les publics. Mais les tests communicants après la seconde guerre mondiale en raison Comment avez-vous abordé la question de cert symphonique, de 2 400 places à un par- ont montré que le mot est aussi perçu dans de sa capacité d’accueil limitée. Le second est l’acoustique, élément-clé d’une salle sym- terre de plus de 3 500 personnes. Tout est quasi- son sens étymologique « amour de la musi- celui imaginé par Hans Scharoun à la Philhar- phonique ? ment possible, la pop, la techno, mais aussi des que ». En vingt ans, le concept « cité de la mu- monie de Berlin en 1963 – le fameux modèle Avec notre acousticien conseil, Eckhard Ka- pièces comme Gruppen de Stockhausen ou Pro- sique » s’est dévoyé. Il y a des cités de tout, ar- démocratique « en terrasse » ou « en vigno- hle, nous avons modélisé le programme des- meteo de Luigi Nono programmé dès 2015 dans chitecture, mode… sans parler bientôt de l’île ble » –, qui voit la répartition du public (2 400 tiné aux architectes. Le défi d’une grande le cadre du Festival d’automne. Seguin, qui s’est emparée du nom, pas « pro- places) tout autour d’une scène centrale. salle reste paradoxalement celui de l’inti- tégeable ». Il fallait changer : la Cité de la mu- mité. Le rapport de l’auditeur le plus éloigné La Philharmonie sera donc un prototype sique n’était soutenue que par l’Etat, cette Les 2 400 places de la Philharmonie ont dû au chef d’orchestre doit se situer aux alen- pour l’avenir ? fois, la Ville de Paris entre en jeu. Enfin, le imposer d’emblée le modèle berlinois ? tours de 35 mètres, quel que soit l’endroit où Elle devrait surpasser toutes les salles exis- mot philharmonie est international, une di- L’idée était de se rapprocher de l’esprit des il se trouve. Concevoir une salle de concert tantes. Mais la Philharmonie est en fait beau- mension d’autant plus importante que la Proms au Royal Albert Hall de Londres, un revient à proposer un modèle de société coup plus qu’une salle de concert. C’est un lieu France et l’ traversent une grave pé- festival qui pratique une hétérogénéité des adapté à notre temps, où le collectif n’est de réappropriation de la musique par le public. riode de crise. p publics et des programmes en conjuguant bien vécu que si chacun peut s’y reconnaître Elle ne s’explique que dans sa relation globale propos recueillis par places assises (type concert classique) et par- personnellement. aux espaces de répétition, espaces publics, res- marie-aude roux

Une double chambre avec vue L’acoustique de l’auditorium de la Philharmonie fera cohabiter, en deux espaces, la source sonore et sa réverbération dans la salle

ès 2006, la typologie générale les qui servent à créer un sentiment de salle, un second temps de perception plus cette écoute mutuelle. La réponse archi- réflecteur, semblent flotter dans l’espace, du futur auditorium de la Phil- spatialité et d’immersion dans la musi- diffus. » Deux zones ont ainsi été défi- tecturale à cette « quadrature du son » a enveloppés dans une coquille monu- harmonie de Paris était es- que auquel notre système auditif est, nies : le volume intérieur, qui inclut les produit une physionomie de salle sans mentale enserrant les quelque 30 000 m³ D quissée dans le programme dit-on, très sensible, l’équipe de Marshall musiciens et le public soumis aux pre- équivalent, toute en courbes et en lignes de la salle – soit un ratio très généreux de acoustique fourni lors du concours d’ar- Day Acoustics, entreprise australienne miers impacts du son, est un espace en- étirées. 12,5 m³ par spectateur. chitecture. « Le maître d’ouvrage a ex- associée à l’architecte français Jean Nou- touré de réflecteurs acoustiques. Il est ni- Au-delà de l’effet de double chambre Dans ce vaste déambulatoire ovoïde primé très clairement sa volonté de cons- vel, a conçu une salle dotée d’ambitieu- ché au cœur d’un volume secondaire res- voulu par Harold Marshall, les équipes de s’exprimera la « présence de la salle ». truire une salle enveloppante et flexible, ses propriétés. D’autant que l’effet désiré tituant la réverbération au-delà de deux Jean Nouvel et Brigitte Métra, architectes Pour les concerts de musique amplifiée, avec une grande proximité entre le public doit être commun aux 2 400 spectateurs, secondes. Chacun de ces deux espaces cosignataires de la salle, sont parvenues comme le rock ou la pop, peu compati- et la scène et une forte intimité entre le pu- y compris ceux situés sur les côtés ou acoustiques peut être modulé. à créer une proximité physique inédite bles avec la réverbération, des dispositifs blic et les interprètes », stipule le docu- derrière la scène. Cette exigence dans la qualité d’écoute pour une salle de ce gabarit, avec un éloi- pour absorber le son seront mis en ment. S’agissant de musique classique, « Le modèle que nous avons adopté est ne concerne pas que le public. Les musi- gnement maximal de 32 mètres. Cette œuvre. Les premiers essais acoustiques ce besoin d’entendre la salle autour de celui d’un “espace à double chambre”, ex- ciens, voire les choristes, doivent aussi proximité accroît la sensation de puis- in vivo de l’auditorium doivent avoir lieu soi, outre les sources sonores produites plique Sir Harold Marshall. Le pro- être capables de s’entendre, quelle que sance acoustique, à laquelle nos oreilles le 17 décembre avec l’Orchestre de Paris, depuis la scène, a induit un modèle ar- gramme acoustique nous demandait de soit la puissance de leurs instruments. sont sensibles et qui permet, notam- résident principal des lieux. Soit un peu chitectural nouveau qui réinterprète les traiter indépendamment la présence de la Placé au-dessus de l’orchestre, un réflec- ment, d’éviter que l’auditeur ne décro- moins d’un mois avant l’inauguration modèles classiques. Pionnière dans l’ex- source [la puissance et la clarté du son teur horizontal, la « canopy », dont la che. Décollés des parois et projetés vers la officielle de la Philharmonie. p ploitation des réflexions sonores latéra- produit par les musiciens] de celle de la hauteur est variable, permet d’optimiser scène, les balcons, qui jouent leur rôle de jean-jacques larrochelle 0123 6 | philharmonie DIMANCHE 7 - LUNDI 8 DÉCEMBRE 2014 Enfin un écrin pour l’Orchestre de Paris

Pleyel, Mogador, Palais des congrès... Longtemps, la formation fut nomade. Avec un problème majeur, l’acoustique des salles

a scène se passe en 2002 au Théâtre des Champs-Elysées, quelques mi- nutes avant le début d’un concert. Les délégués syndicaux de l’Orches- tre de Paris s’adressent au public pour formuler des revendications. A Lla veille du déménagement de l’orchestre au Théâtre Mogador pendant les travaux de réno- vation de la Salle Pleyel, leur port d’attache, les musiciens plaident pour la construction d’un grand auditorium classique à Paris. « Aujourd’hui, ce type d’intervention a pour ob- jet le soutien aux intermittents du spectacle et il est assez mal accueilli, mais, à l’époque, les repré- sentants de l’orchestre ont été applaudis », se sou- vient Alexandre Gattet, hautbois solo et prési- dent du conseil des solistes de l’Orchestre de Pa- ris, qui venait d’intégrer la formation symphoni-

« A Pleyel, les musiciens n’avaient ni salle de répétition, ni studio de travail ; ils venaient pour le concert et n’avaient pas de raison d’y passer plus de temps » bruno hamard directeur général de l’Orchestre de Paris

que créée en 1967. La rénovation de Pleyel était toutefois impérative. « Quand j’allais écouter mon orchestre, poursuit-il, j’avais l’impression d’entendre le concert deux fois parce qu’il y avait L’Orchestre national de Paris dirigé par Paavo Jarvi en octobre 2010. ANNE DENIAU un écho derrière certaines places du parterre. » A Mogador, ce fut pire. Exiguïté du plateau et sécheresse de l’acoustique. « Un désastre », se la- mente le contrebassiste Bernard Cazauran, fi- plancher en bois, il y avait une fosse qui faisait of- “gradinée” et resserrée, comme le souhaitait ajoute-t-il avec fierté, où la phalange pari- gure historique de l’orchestre : « J’avais la moitié fice de caisse de résonance ». Avec Georg Solti, l’acousticien Yasuhisa Toyota, rapporte Bruno sienne a été élue « meilleur orchestre du de mon pupitre caché derrière moi. » Alors, l’Orchestre de Paris inaugure le Palais des con- Hamard, le directeur général de l’Orchestre de monde » par un jury japonais… mieux vaut ne plus parler de ce douloureux exil grès en 1974 et y demeure avec Daniel Baren- Paris, et le résultat a enthousiasmé les musi- Ce statut, comme l’implantation dans le nou- à celui qui a quitté l’Orchestre de Paris en 2012, boïm jusqu’en 1980, date de la première rési- ciens. » Si le bienfait attendu de la Philharmo- veau lieu, n’est toutefois pas de nature à révolu- après quarante-cinq ans de bons et loyaux servi- dence à Pleyel, « un espace un peu hangar, qui nie se situe d’abord sur le plan acoustique, il tionner les habitudes dans la programmation. ces… d’une base à l’autre. En revanche, pour un sonnait mieux que le Palais des congrès ». Et n’est pas le seul. Le regroupement de plusieurs « Au cours des deux premières saisons, on fonc- état des lieux, suivez le guide ! Recruté en maintenant ? « Ayant grandi en écoutant mon formations dans un même site, apparenté à tionnera comme quand on pend une crémaillère, juin 1967, Bernard Cazauran a dû attendre la fin père, contrebassiste de l’Orchestre Lamoureux, à « une ruche de musiciens », devrait engendrer annonce le patron de l’Orchestre de Paris. On in- de son service militaire pour rejoindre l’Orches- Pleyel, dans les années 1950, je trouve que la salle une foule de projets artistiques, selon Bruno vite tous ses amis, orchestres et solistes interna- tre de Paris, en décembre 1968. a perdu en qualité avec les différents aménage- Hamard, qui imagine ce que cela signifiera tionaux, en espérant un échange de bons procé- S’il n’a pas connu « le grand Charles » à la cri- ments, estime Bernard Cazauran. On entend pour ses troupes : « A Pleyel, les musiciens dés. » Ensuite viendra le temps des ajustements nière de vieux fauve (Charles Münch, premier tout, mais sans fondu, avec des détails un peu cli- n’avaient ni salle de répétition ni studio de tra- en fonction des réactions du public, mais Bruno directeur musical de l’orchestre, mort le 6 no- niques. » vail ; ils venaient pour le concert et n’avaient Hamard n’est pas inquiet pour les trois années à vembre 1968), Bernard Cazauran a vu défiler les Alexandre Gattet, lui, emmènera ses enfants donc pas de raison d’y passer plus de temps. » venir : « L’Orchestre de Paris se trouve dans une chefs et les salles. Avec Serge Baudo, il s’est pro- à la Philharmonie. En attendant, il se déclare Or tous les grands orchestres sont attachés à conjoncture très favorable où toutes les planètes duit en alternance au Théâtre des Champs-Ely- « impatient de voir comment la nouvelle salle un lieu. Comme le Concertgebouw d’Amster- sont alignées : nouvelle salle en 2015, nouveau di- sées et au Théâtre de l’Est parisien avec, déjà, va sonner ». Il en a eu un avant-goût dernière- dam ou les Philharmoniques de Berlin et de recteur musical en 2016 et saison du cinquante- l’acoustique comme ombre au tableau. Celle de ment à Shanghaï, lors de l’inauguration d’un Vienne, l’Orchestre de Paris aura pour la pre- naire en 2017. » La Philharmonie dans le rôle de l’avenue Montaigne étant supérieure à celle des grand auditorium proche de celui de la future mière fois « la chance de développer ce type de la bonne étoile ? p environs du Père-Lachaise, « parce que sous le Philharmonie. « On a adopté une disposition lien », se réjouit Bruno Hamard, au moment, pierre gervasoni « Boulez m’a dit : “Matthias, soyez différent ” ! » Matthias Pintscher, directeur musical de l’Ensemble intercontemporain, souhaite ouvrir au maximum l’éventail esthétique

ondé en 1976 par Pierre Boulez, confiée Pierre Boulez en ces termes : lieu formidable ne soit pas seulement un l’Ensemble intercontemporain « Matthias, soyez différent ! » Je vais ten- endroit où l’on donne des concerts, mais (EIC) « a vécu en nomade jus- ter d’y parvenir en intensifiant non pas qu’il devienne un espace de rencontres, F qu’en 1995, lors de son installa- les programmes éducatifs – « éduquer » une « philharmonie » au sens grec, où tion à La Cité de la musique », rappelle est un mot dont je me méfie – mais les l’on puisse se mettre à l’écoute les uns Hervé Boutry qui en devint alors le di- ateliers de découverte. Avec deux objec- des autres, échanger, discuter, débattre. recteur général. « L’Ensemble n’avait pas tifs : impliquer individuellement les Le public demeure toujours une incon- de lieu de répétition, juste un studio de membres de l’EIC et ouvrir au maximum nue, mais je voudrais qu’il se rende à la très mauvaise qualité à la Cité universi- l’éventail esthétique. Philharmonie en toute confiance, sûr de taire », précise le patron de l’EIC, à la la qualité de ce qui lui sera proposé indé- veille d’un nouveau changement qu’il L’identité de l’EIC ne risque-t-elle pas pendamment de l’orientation du menu. ne considère toutefois pas comme un d’être remise en cause ? Je rêve de concerts-surprises où les gens déménagement. « C’est la Philharmonie C’est une grande question. Le profil de se rendraient sans rien savoir du pro- qui vient à nous et non le contraire », l’Ensemble a déjà quelque peu évolué. gramme ! s’amuse Hervé Boutry. Avant de préciser Nous avons abordé des styles différents, que si la Philharmonie II (ancienne salle essayé de nouveaux formats de concert, Ce type d’audace résulte-t-il de vos ac- de la Cité de la musique) constituera, invité de jeunes chefs d’orchestre et des tivités de compositeur ? comme avant, le terrain de jeu privilégié compositeurs quasiment inconnus. Ce Je profite à fond de la double casquette de l’Ensemble, « tout ce qui relève de la qui ne nous empêche pas de rester un en- de chef-compositeur et même d’une troi- transmission se situera dans des salles semble français avec des qualités de jus- sième de pédagogue, depuis que j’ensei- vraiment adaptées » au sein du nouveau tesse, de clarté et de précision propres gne à la Juilliard School de New York, bâtiment. Ce que son directeur musical, aux formations de l’Hexagone telles, par sans oublier que je suis aussi le nouveau l’Allemand Matthias Pintscher (43 ans), exemple, que l’Orchestre de Paris avec le- responsable de l’académie de direction entrevoit comme une perspective exci- quel nous serons parfois associés dans la d’orchestre du Festival de Lucerne. Mais, tante. Interview. grande salle de la Philharmonie. quelles que soient mes fonctions, j’ai tou- jours pour objectif de considérer la musi- Peut-on parler de défi ? Matthias Pintscher. EDOUARD CAUPEIL Partager l’affiche avec d’autres forma- que comme un moyen de communica- Sans doute. J’effectue ma deuxième sai- tions, n’est-ce pas une façon d’élargir tion sans m’arrêter à la spécificité du ré- son à la tête de l’EIC et mon mandat vient votre propre public ? pertoire. La musique comme une entité d’être renouvelé pour une durée globale Je l’espère, mais quel sera le public de la qui doit fasciner. p de six ans. Je me sens donc parfaitement Philharmonie ? Nul ne peut le dire avec propos recueillis par soutenu pour réaliser la mission que m’a certitude. Je souhaite ardemment que ce p. gi 0123 DIMANCHE 7 - LUNDI 8 DÉCEMBRE 2014 philharmonie | 7 Découvrir la musique Quelques figures de la saison 1 de 7 mois à 107 ans Daniel Barenboïm Le chef d’orchestre et pianiste Daniel Barenboïm (72 ans) a toujours été un musicien pluriel. C’est en homme con- vaincu que « la musique est le langage de la paix » qu’il La Philharmonie, c’est un vaste projet pédagogique ouvrira la première saison de la Philharmonie, le 19 jan- vier 2015, avec son West-Eastern Divan Orchestra, l’en- où le public sera associé à certaines œuvres semble de jeunes Israélo-Palestiniens qu’il a fondé en 1999 avec son ami Edward Saïd. Mais c’est son amie de toujours, l’Argentine Martha Argerich, qui le rejoindra, le 23 avril, dans le Deuxième concerto de Beethoven, lui à la n les a reconnus. Les mil- préter, c’est une autre affaire, mais cela reste tête de sa Staatskapelle de Berlin, elle à son clavier majus- liers d’oiseaux en alliage à la portée de tous, explique dans un café le cule. Enfin, l’ex-enfant prodige retrouvera son piano natif d’aluminium qui ornent la violoncelliste Florent Renard-Payen, 44 ans. et solitaire avec Schubert, challenger d’un beau cycle de façade de la Philharmonie Ce Franco-Américain est membre de CHRIS LEE sonates en quatre concerts, du 18 au 24 mai. de Paris, ce sont eux : les pu- l’équipe pédagogique de la Cité de la musi- blics, tous les publics. La dé- que depuis quatre ans. Avant, à New York, Omocratie culturelle est comme tatouée dans entre deux concerts, ce fan de musique mi- la peau du bâtiment de Jean Nouvel. Du nimaliste intervenait bénévolement dans moins c’est LA question : ces oiseaux vont- des écoles de Harlem. « Aux Etats-Unis, le David Bowie ils converger, venir se poser, depuis Paris ou mot “amateur” n’est pas connoté comme en la proche banlieue, comme la flèche de l’édi- France. C’est l’amour de la musique. » Grosse sensation critique et publique de la saison 2013 fice les y invite, qui pointe en direction du La clé, c’est la pédagogie de groupe, dit-il. au Victoria & Albert Museum de Londres, où elle fut pré- périphérique ? Ce pourrait être un retraité « En deux heures d’atelier, avec une quin- sentée du 23 mars au 11 août, l’exposition « David Bowie qui tient un violon pour la première fois de zaine de débutants, on peut réussir à faire Is » traverse la Manche et s’installe à la Philharmonie, du sa vie. Un bébé de 7 mois qui enfonce une une courte restitution d’un morceau. On 3 mars au 31 mai 2015. Avec une partie montrant les rela- touche du piano. Ou une famille qui n’a pas prend l’instrument, on découvre son anato- tions du chanteur et auteur-compositeur anglais avec vu le dimanche passer, entre l’atelier d’ins- mie. On crée un son, un rythme, on est à Paris, il y sera majoritairement question d’images, de truments et le spectacle de l’après-midi… l’écoute de soi-même et des autres. » On ap- mode, de décors, etc. Pour le spectacle, c’est par l’inter- C’est bien le rêve que formule l’équipe de la prend le geste, la position de l’archet, ou on médiaire de Philippe Decouflé et de sa compagnie DCA Philharmonie : accueillir jeunes et vieux, pince simplement la corde pizzicato, qu’il faudra compter, avec WieBo, création évocatrice du décomplexer les publics que l’on dit « éloi- comme avec une guitare. « Quand les pa- « mythe Bowie » est-il annoncé, du 3 au 8 mars. Et, pour gnés », pour des raisons socioculturelles. rents ressortent de l’atelier avec le sourire, la musique, se satisfaire de compositions de Philip Glass Renouveler et diversifier sont donc les parce qu’ils ont appris et partagé quelque jouées par un orchestre symphonique, les 7 et 8 mars. BRIAN DUFFY maîtres mots. C’est l’un des enjeux majeurs chose avec leurs enfants, on se dit qu’on n’a de ce nouvel équipement situé dans le quar- pas perdu son temps. » Il utilise la même pé- tier populaire du Parc de La Villette. « C’est la dagogie avec une classe de sixième au col- dimension citoyenne de la Philharmonie. lège Lavoisier de Pantin, aux portes de Paris, Hélène Grimaud Partager des goûts, s’ouvrir à de nouvelles so- en Seine-Saint-Denis. norités, faire ensemble. C’est un rapport à l’al- Un mardi sur deux, il passe la matinée Certains s’agacent du battage médiatique qui, depuis térité », estime Marie-Hélène Serra, qui di- avec les 23 élèves, en binôme avec une musi- plus de vingt ans, fait son beurre du joli minois et des rige le projet éducatif de la Philharmonie cienne. Il y a les violons, les violoncelles et discours sérieux de la fille aux loups. Elle répond sim- les contrebasses. Ils découvrent le rythme, plement : « C’est la musique qui sauve. » A 45 ans, la jolie les nuances, piano, forte… La compositrice dame du piano français a gardé la lumière de sa jeu- Graciane Finzi a écrit pour eux une partition nesse rebelle d’enfant prodige. Elle sera en récital le « arrangée » (simplifiée), inspirée de ta- 20 janvier 2015 dans un de ces programmes éclectiques L’équipe bleaux du peintre Edward Hopper. Elle vien- qu’elle affectionne. Takemitsu, Berio, Janacek, Fauré, dra les voir en février. La Philharmonie de Liszt, Schubert, Ravel, Debussy, Albéniz mêlés au fil de de la Philharmonie Paris va donc s’appuyer sur ce réseau de mu- l’eau et de jeux aquatiques. Quelques jours plus tôt, au siciens qui ont à cœur de transmettre. gala d’ouverture de la Philharmonie, le 14 janvier, elle a un rêve : accueillir L’un des clous de la saison 2015, sur le plan aura interprété le Concerto en sol de Ravel avec l’Orches- éducatif, sera le concert participatif du 8 fé- MAT HENNEK tre de Paris, sous la direction de son chef, Paavo Järvi. jeunes et vieux, vrier 2015 : intitulé La Flûte à chanter, c’est une coproduction avec l’Orchestre de cham- décomplexer les bre de Paris (OCP). Les spectateurs seront in- vités, depuis la salle, à chanter des extraits Brad Mehldau publics dits “éloignés” de La Flûte enchantée, de Mozart, sous la di- rection de Debora Waldman, avec une mise Signe de son statut de vedette pour les amateurs de jazz, pour des raisons en espace de Claire Servais. Le public peut se le pianiste américain Brad Mehldau, 44 ans, bénéficie préparer en s’inscrivant, en amont, à un ate- d’un long week-end en son, du 10 au 12 avril 2015. Avec, socio-culturelles lier. Ou en pointant le bec le jour même du pour débuter, un duo avec son confrère Tigran Hama- concert. « La transmission, c’est l’ADN de l’Or- syan, 27 ans, passage de relais et de parrainage de son ca- chestre de chambre de Paris », explique le di- det. Puis c’est la forme du trio que Mehldau explorera en après avoir piloté le département pédagogi- recteur de l’OCP, Nicolas Droin. « A la Phil- compagnie de son complice des débuts, le contrebassiste que de l’Ircam, consacré à la musique con- harmonie, nous allons poursuivre le travail Larry Grenadier et du batteur Jeff Ballard. Avant un solo, temporaine, à Paris, puis celui de la Cité de la de terrain que nous menons déjà dans le dernier état des lieux des possibles d’un pianiste fort ha- musique. « La rencontre entre l’œuvre et le Nord-Est parisien, ainsi qu’à Bagnolet, Saint- bile à lier la tradition et la modernité. Dans tous les cas, public ne doit pas se limiter au seul moment Denis, Romainville… Cela nous aide à être compositions et improvisations sur des standards du du spectacle. Ce n’est pas simplement : meilleurs sur le plateau », ajoute-t-il. La Flûte jazz et des reprises pop et rock – très tendance dans le j’achète, j’y vais, je pars. Il y a l’avant et à chanter a déjà été montrée à l’Opéra royal jazz ces derniers temps – devraient être au répertoire. MICHAEL WILSON l’après. » de Wallonie à Liège ainsi qu’à l’Opéra de La Philharmonie va s’appuyer sur l’expé- Rouen. « J’ose dire : il faut identifier les bonnes rience acquise à la Cité de la musique. Au- pratiques, les diffuser, expérimenter, ajus- delà des habituelles visites de groupes sco- ter. » La Philharmonie va ressembler à un William Christie laires et des ateliers d’éveil figurent quel- grand village, dit-il, où vivront au quotidien ques initiatives originales. Comme celle qui quatre cents musiciens et cent cinquante On ne présente plus le claveciniste et chef d’orchestre consiste à emmener dans le studio radio choristes. « A la machine à café, quand le so- William Christie (68 ans), fondateur des Arts florissants une poignée de spectateurs, après le con- liste de l’InterContemporain va croiser le spé- et l’un des principaux artisans du renouveau de la mu- cert, afin qu’ils expriment leur ressenti. Il y a cialiste du luth baroque, vous imaginez tou- sique baroque. Cet Américain amoureux de la France a aussi les cafés-musique, sur le modèle des tes les idées qui vont naître ? » p pris fait et cause pour notre musique : il prêtera main- cafés-philo. Ecouter, c’est une chose. Inter- clarisse fabre forte à Charpentier, Rameau et Mondonville le 16 jan- vier 2015 avec un florilège de musique chorale et l’ex- trait des Indes galantes qui voit autochtones et Européens danser autour du calumet de la paix. Mais c’est au printemps que le pédagogue du Jardin des Voix, Des quartiers difficiles aux conservatoires l’académie pour jeunes chanteurs qu’il a créée en 2001, présentera son « Jardin à l’italienne » les 24 et 25 mars, L’idée a germé entre des musiciens et des éducateurs issus des maisons de quartier, de JB MILLOT assortie d’une leçon autour de la passion et l’éloquence. centres sociaux, à la fin des années 2000. Il s’agissait d’initier à la pratique musicale en orchestre, pendant trois ans, des enfants issus des quartiers « politique de la ville ». Janvier 2010-juin 2012 : la première cohorte de Démos, Dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale (aujourd’hui piloté par la Cité de la musique), a con- Pandit Hariprasad Chaurasia cerné 450 jeunes en Ile-de-France. Par groupes de quinze, les enfants ont pratiqué cha- que semaine, hors temps scolaire, avec un binôme de musiciens. Et répété une fois par Le grand maître du sarod, Amjad Ali Khan, joue avec ses mois en orchestre. « La pédagogie est basée sur le groupe, qui stimule l’écoute et l’adap- deux fils, Amaan et Ayaan Ali Khan. Ambi Subrama- tation, et sur la pratique avec des élèves de conservatoires, et des professionnels », expli- niam est violoniste, il a 24 ans et joue avec son père que Gilles Delebarre, responsable pédagogique de Démos. Le premier bilan est encou- Lakshminarayana Subramaniam. Rakesh Chaurasia, flû- rageant, dit-il, puisque à l’issue du parcours, « 50% des effectifs, soit environ 225 enfants, tiste, est le neveu de Pandit Hariprasad Chaurasia, égale- ont continué dans des conservatoires. La présence des éducateurs a été précieuse pour ment flûtiste. Education poussée, désir parental, ou don soutenir certains enfants qui n’auraient pas tenu le coup ». génétique ? Ces chocs de générations, qui jouent sur le D’autres jeunes, environ une soixantaine sur les 450, ont poursuivi dans Démos et font continuum, et interrogent sur le rôle de la transmission, partie de la deuxième cohorte (jusqu’à l’été 2015). Entre-temps, le dispositif s’est élargi nourrissent le programme indien de la Philharmonie, aux départements plus ruraux ou montagneux de l’Aisne et de l’Isère, et concerne dé- avec apogée dans la Nuit du ragâ, samedi 31 janvier 2015. sormais 800 enfants. Tout l’enjeu, aujourd’hui, est de consolider le budget, versé par La virtuose du sarod Anoushka Shankar, fille de Ravi l’Etat, les collectivités territoriales et le mécénat. Le message ? « Soutenir Démos, c’est Shankar, devait jouer le lendemain. Mais, enceinte, favoriser l’insertion sociale pour demain ». pourquoi pas d’un génie du sarod, elle a annulé. BIRGIT 0123 8 | philharmonie DIMANCHE 7 - LUNDI 8 DÉCEMBRE 2014

une sélection du programme 2015

philharmonie de paris 24 et 25 janvier 14- 15 février 13-15 mars 13-14 avril 2-12 juin 221, av. Jean-Jaurès, Paris 75019. Week-end Nouvelle vague Week-end Love Stories Week-end Let’s Dance Russian National Orchestra Biennale art vocal Tél. : 01-44-84-44-84. Moriarty, 25 €. Du 12 au 15 mars, spectacle Dir. Mikhaïl Pletnev, Avec Nikolaï La Capella Reial de Catalunya et le philharmoniedeparis.fr Orquesta sinfonica 15-18 février pour enfants de 0 à 12 mois. Lugansky. Tchaïkovski. Concert des nations. Dir. Jordi Simon Bolivar de Venezuela. La Belle et la Bête 9 h 30, 10 h 30, 11 h 30. 20 h 30. De 10 € à 70 €. Savall. Mozart, Haendel, Vivaldi. 14 janvier Dir. Gustavo Dudamel. Beetho- Film de Jean Cocteau, composi- De 8 € à 10 €. 20 h 30. De 32 € à 41 €. Orchestre et chœur ven, Wagner, Orbon, Mahler. tion Philip Glass, avec le Philip 18-19 avril de l’Orchestre de Paris De 10 € à 70 €. Glass ensemble. 17 mars - 28 juin Week-end Vienne et Berlin 7 juin Dir. Paavo Järvi. Avec Hélène Exposition Pierre Boulez 18 avril. Berlin années folles, Freiburger Barockorchestrer Grimaud et Renaud Capuçon. 26 janvier 18 février Orchestre de Paris et Jeune Chœur de Paris 20 h 30. De 10 € à 40 €. Orchestre philharmonique Berliner Philharmoniker 19-mars Dir. Thomas Hengelbrock, Dir. René Jacobs. Mozart, Don Gio- de Radio France Dir. Sir Simon Rattle. Avec Magda- Boulez-Béjart avec Ute Lemper. vanni. 20 h 30. De 10 € à 70 € . 15 janvier Dir. Myung-Whun Chung. lena Kozena. Lachenmann, Ma- Avec le Béjart Ballet Lausanne 19 heures. De 10 € à 40 €. Orchestre et chœur Dusapin, Aufgang. hler. 20 h 30. De 10 € à 160 €. et les solistes de 8 juin de l’Orchestre de Paris 20 h 30. De 10 € à 60 €. l’Ensemble 23 avril Récital Murray Perahia Dir. Paavo Järvi. Avec . 20 février intercontemporain. Staatskapelle Berlin 20 h 30. De 10 € à 85 €. 20 h 30. De 10 € à 40 €. 30 et 31 janvier Royal Concertgebouw 20 h 30. De 26 € à 32 €. Dir. Daniel Barenboïm, avec Mar- Week-end Inde Orchestra tha Argerich. Beethoven, Wagner, 16 juin 16 janvier Nuit du raga Dir. Mariss Jansons. Strauss, 24-26 mars Boulez. 20 h 30. De 10 € à 120 €. London Symphony Les Arts florissants De 18 heures à minuit. Mahler. 20 h 30. De 10 € à 90 €. Chilly Gonzales Orchestra Dir. William Christie. De 10 € à 25 €. & Kaiser Quartett 24-26 avril Dir. Bernard Haitink. Mozart, Charpentier, Mondonville, Ra- 2o-22 février 20 h 30. 30 €. Week-end Sketches Mahler. 20 h 30. De 10 € à 70 €. meau. 20 h 30. De 10 € à 70 €. 4-5 février Week-end Grands Formats of New York Orchestre de Paris 20 février. Concert performance 25 mars 24 et 25 avril. Kronos Quartet 20-21 juin 17-18 janvier Dir. Esa-Pekka Salonen. Glenn Branca et 100 guitaristes. Orchestre du Théâtre Landfall avec Laurie Anderson. Week-end pratique amateur Week-end portes ouvertes Ravel, L’Enfant et les sortilèges, 20 h 30. 18 €. Mariinski 18 heures le 25 avril et 19 heures 21 juin. Les Siècles et neuf Orchestre de Paris 20 h 30. De 10 € à 40 €. 22 février. London Symphony Dir. Valery Gergiev. le 26 avril. De 32 € à 41 €. chœurs. Dir. François-Xavier Dir. Paavo Järvi. Avec Lang Lang. Orchestra. Dir. Valery Gergiev. Chtchedrine, Moussorgski. Roth. Berlioz, Te Deum. 16 heures. Orchestre de chambre de Paris. 5-8 février Rachmaninov. 20 h 30. De 10 € à 70 €. New York Philharmonic Dir. Laurence Equilbey. Week-end Le merveilleux 16 h 30. De 10 € à 70 €. Dir. Alan Gilbert, Orchestre de Paris Ensemble intercontemporain. Ibrahim Maalouf et Oxmo 3 mars avec Joyce DiDonato. Dir. Paavo Järvi. Avec Luba Orgo- Puccino, Au pays d’Alice. 4-5 mars Récital Maurizio Pollini 20 h 30. De 10 € à 110 €. nasova, Petra Lang, Michael 19 janvier 20 h 30. 35 €. Chœur et Orchestre de Paris 20 h 30. De 10 € à 70 €. Schade, Matthias Goerne et West-Eastern Divan Orchestra Dir. Kazuki Yamada. Honegger, 18-24 mai 500 chanteurs. Beethoven, Sym- Dir. Daniel Barenboïm. Boulez, 10 février Jeanne d’arc au bûcher, 3-5 avril Récitals Daniel Barenboïm phonie n°9. 16 h 30. Entrée libre. Ravel. 20 h 30. De 10 € à 110 €. Tindersticks avec Marion Cotillard, Week-end Bach Schubert. 20 h 30. De 10 € à 85 €. 20 h 30. De 22 € à 40 €. récitante. English Baroque Soloists 22 juin 20 janvier 20 h 30. De 10 € à 110 €. et Monteverdi Choir 21 mai Roberto Alagna et Iryna Récital Hélène Grimaud 11 février Dir. Sir John Eliot Gardiner. Tomatito Sextet Zhytynska 20 h 30. De 10 € à 70 €. The Divine Comedy 6-8 mars Bach, Messe en si, 3 avril. 20 h 30. De 26 € à 32 €. Avec Orchestre National de Lille. 20 h 30. De 22 € à 40 €. Week-end David Bowie 20 h 30. De 10 € à 75 €. Dir. Giorgio Croci. 23 janvier Compagnie DCA 30 et 31 mai 20 h 30. De 10 € à 140 €. Orchestre de chambre 13 février Philippe Découflé 10-12 avril Week-end science-fiction de Paris Ensemble intercontemporain Wiebo, création. Week-end Brad Meldhau Jeff Mills 27 et 28 juin Accentus, dir. Thomas Zehetmair. Dir. Matthias Pintscher. 20 h 30 du Brad Meldhau Trio 2001 : The Expanded Concerts des orchestres Haydn, La Création. Webern, Fuentes, Reimann, 3 au 6 mars, 18 heures Le 11 avril, 20 h 30. Jurney (création). Démos 20 h 30. De 10 € à 50 €. Henze. 20 h 30. 18 €. le 7 mars, 16 h 30 le 8 mars. 35 €. De 22 € à 40 €. 17 heures. 35 €. 20 h 30. Entrée libre.

PUBLICITÉ