Le Colonel Rosier Et Le Génocide Des Tutsi
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Le colonel Jacques Rosier et le génocide des Tutsi Jacques Morel 2 avril 2013, v1.8 Jacques Rosier est officier des troupes de marine. 1 Comme Didier Tauzin, il a participé à l’opération Barracuda, qui a destitué l’empereur Bokassa en septembre 1979. 2 Ce sont donc des experts en politique africaine ! Chef de corps du 1er RPIMA de 1990 à 1992, le colonel Rosier, forme un groupement de commandos de recherche et d’action dans la profondeur (CRAP) qui intervient en Irak en 1991. 3 Trois membres de ces commandos du 13e RDP se font d’ailleurs « cravater ». 4 En 1993, il est fait officier de la Légion d’Honneur. Il est « blessé et cité ». 5 En 1994, il est chef « opérations » de l’état-major du COS à Taverny. Le 14 novembre 1996, il est nommé général de brigade, 6 général de division le 21 décembre 2000. 7 Le 1er juillet 1997, il est nommé commandant du groupement spécial auto- nome. 8 Ce groupement spécial autonome (GSA) est constitué des forces spé- ciales de l’armée de terre, dont le 1er RPIMa. Le 1er juillet 1999, il est nommé adjoint au général commandant l’état-major de force no 1. 9 1 Commandant de l’opération Noroît Chef de corps du 1er RPIMa, il participe du 11 au 16 juin 1992, en tant que « technicien », à une mission d’évaluation dirigée par le colonel Delort assisté 1. Certains journalistes écrivent Rozier. 2. J.-C. Lafourcade [8, p. 69] ; D. Tauzin, [16, pp. 51, 109]. 3. http://www.rpima1.terre.defense.gouv.fr/decouverte/historique/quiose/index. html 4. Le capitaine Fernandès, les sous-officiers Clément et Authon du 13e RDP de Dieuze en mission de reconnaissance à la frontière saoudo-irakienne ont été capturés à bord d’un engin tout terrain par une patrouille irakienne « qu’ils n’avaient pas identifiée » le 29 octobre 1990 puis relâchés par Saddam Hussein. Cf. Trois soldats capturés par les Irakiens, L’Est Répu- blicain, 3 novembre 1990 ; Marcel Gay, Les trois dragons lorrains espionnaient en territoire irakien, L’Est Républicain, 5 novembre 1990. 5. JORF, no 154 du 6 juillet 1993, page 9546, NOR : DEFM9301662D 6. JORF no 269 du 19 novembre 1996 page 16871. 7. J.O. Numéro 300 du 28 Décembre 2000. 8. JORF no 152 du 2 juillet 1997 page 10055. 9. JORF no 125 du 2 juin 1999, page 8138, NOR : DEFM9900012D 1 1 COMMANDANT DE L’OPÉRATION NOROÎT 2 du colonel Galinié, ancien attaché militaire. Cette mission conclut à l’insuffi- sance de la puissance de feu de l’armée rwandaise pour stopper les offensives de l’APR, l’armée du Front patriotique du Rwanda (FPR), au manque de réserves pour contre attaquer et d’un encadrement à la hauteur de la situation. Le co- lonel Rosier est nommé peu après commandant des opérations au Rwanda. 10 Il commande l’opération Noroît, y compris le DAMI, de juin à novembre 1992. 11 « Arrivé sur place au Rwanda ma priorité no 1 est de monter dans les plus brefs délais une batterie de 105 cédée par la France et servie par les FAR. Pour ce faire je dispose des cadres d’une batterie du 35e RAP à effectif de 25 hommes qui, en moins de deux semaines, réalisent la formation théorique à l’école de pièce au camp de Kanombe. Le 8 juillet, doublée par les cadres français, la batterie rwan- daise effectue son premier tir dans le secteur de Byumba. Nous n’en sommes alors qu’au stade de l’école à feu. Mais le niveau progresse rapidement car tous les jours la batterie est engagée dans l’un des trois secteurs opérationnels. Il en sera ainsi jusqu’au cessez-le-feu du 1er août, date à laquelle les servants rwandais sont totalement autonomes. Dans des délais encore plus brefs, nous contribuerons à la mise sur pied de la 2e batterie (122 D30 fournie par l’Égypte) [...] » 12 Dans ces propos de Rosier, il est clair que les Français prennent part au com- bat en réglant les pièces d’artillerie. Le rapport Mucyo note que cela correspond à la création d’un DAMI artillerie. 13 Ce rapport reproduit les propos que tient James Kabarebe à David Servenay. 14 Ils correspondent exactement avec ce que dit Rosier à Lugan. Les Français étaient sur la ligne de front et commandaient les FAR. Malgré ces bombardements l’attaque d’infanterie des FAR a été re- poussée par l’APR et a essuyé de lourdes pertes. La participation aux combats des conseillers français du bataillon « artillerie de campagne » (AC) est aussi confirmée par le colonel Murenzi et le général Rwarakabije. 15 Rappelons que la France justifiait toujours la présence de ses soldats par la protection de ses ressortissants. 1.1 L’appui total aux FAR malgré leur doctrine militaire génocidaire publiquement énoncée et mise en pratique C’est à cette époque que le texte définissant l’ennemi est diffusé dans l’ar- mée rwandaise. 16 Non seulement il est probable que le colonel Rosier a eu 10. B. Lugan [9, pp. 101–102] ; P. Péan [12, p. 110]. 11. Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994 [14, Rapport, p. 146]. 12. B. Lugan [9, p. 102]. 13. Rapport Mucyo, [3, p. 48]. 14. G. Périès, D. Servenay [13, pp. 204-205]. 15. Rapport Mucyo, ibidem. 16. République rwandaise, Ministère de la Défense nationale, Armée rwandaise, État-major, G2, 21 septembre 1992, no 1437/G2.2.4. Objet : Diffusion d’information. Destinataires : Liste 2 PRÉSENCE D’ÉLÉMENTS DES COS AU RWANDA PENDANT LE GÉNOCIDE3 connaissance de cette définition, mais son attitude ultérieure montre qu’il l’a faite sienne : « L’ennemi principal est le Tutsi de l’intérieur ou de l’extérieur, extrémiste et nostalgique du pouvoir, qui N’a JAMAIS reconnu et NE reconnaît PAS encore les réalités de la Révolution Sociale de 1959 et qui veut reconquérir le pouvoir au RWANDA par tous les moyens, y compris les armes. » Le partisan de l’ennemi principal est « toute personne qui apporte tout concours à l’ennemi principal » 1.2 Les Accords de paix d’Arusha : un marché de dupes Le général Rosier confie à Bernard Lugan que les Accords d’Arusha étaient un marché de dupes débouchant fatalement sur le chaos : « La formule assistance militaire + multipartisme + Arusha a généralisé le cancer car la maladie requérait un traitement par pa- liers successifs : 1/ redressement militaire, 2/ ouverture politique, 3/ négociations avec le FPR. L’ouverture politique sans redressement militaire préalable, c’était, à coup sûr, la déstabilisation de l’État. L’État déstabilisé, c’était, hélas, le marché de dupes d’Arusha dé- bouchant fatalement sur le chaos. » 17 Nous remarquons sur ce point une identité de vue de Rosier avec le colonel Tauzin, son successeur à la tête du 1er RPIMa, et avec le général Quesnot. Sa- chant que Rosier et Tauzin sont experts en coups d’État africains, il est permis de se poser des questions sur leur rôle lors du coup d’État des 6-8 avril 1994 à Kigali, dont l’objectif a été d’empêcher de manière définitive la mise en appli- cation de ces accords de paix qui permettaient au FPR, donc à leurs yeux aux Tutsi, d’accéder au gouvernement et fusionnaient les deux armées. 2 Présence d’éléments des COS au Rwanda pen- dant le génocide En tant que « Commandant Opérations » au Commandement des opéra- tions spéciales (COS), 18 le colonel Rosier est responsable des éléments COS restés au Rwanda pendant le génocide ou venus en précurseurs avant l’opéra- tion Turquoise. Ce n’est pas sans raison que Corine Lesnes l’appelle « l’homme des missions spéciales du 1er RPIMA ». 19 A, Comdt Sect OPS (Tous), Info : EM Gd N. Signé Déogratias Nsabimana, colonel BEM, Chef EM FAR, SECRET. TPIR, K1020494 à K1020507. http://www.francegenocidetutsi. org/NsabimanaDefinitionEnnemi21septembre1992.pdf 17. Entretien avec le général Rosier. Cf. B. Lugan [9, p. 278]. 18. B. Lugan [9, p. 214]. 19. Corine Lesnes, A la rencontre des victimes dans le « triangle de Ki- buyé », Le Monde, 2 juillet 1994, p. 3. http://www.francegenocidetutsi.org/ RencontreVictimesTriangleKibuye2juillet1994.pdf 2 PRÉSENCE D’ÉLÉMENTS DES COS AU RWANDA PENDANT LE GÉNOCIDE4 Cette présence des COS pendant le génocide est à distinguer de la présence d’officiers et de sous-officiers français dans le cadre de la coopération qui, au dire du général Quesnot, n’a pas été interrompue. La présence de membres du COS durant le génocide est certaine. C’est une pratique habituelle de l’armée française en situation de guerre ou de préparation à la guerre, qui est menée au titre du renseignement. On se reportera à l’exemple donné plus haut d’envoi de CRAP du 13e RDP en Irak avant que la guerre n’éclate. Rosier en serait un des responsables. Ces agents de renseignement ont vu des horreurs au Rwanda et ont pu ren- seigner leur hiérarchie à Paris. Assister à des horreurs sans rien faire, alors qu’on a des moyens de réagir, c’est les approuver. 2.1 Des Français au pont de la Nyabarongo entre Kigali et Gitarama Les informations sur la présence de Français au Rwanda pendant le génocide sont peu fiables et difficiles à recouper. Un témoin qui paraît assez sérieux est Tharcisse Nsengiyumva, ancien chauffeur de Bagosora, membre du bataillon léger antiaérien. Il est handicapé suite à un accident. Il a vu l’attentat contre l’avion du Président Habyarimana depuis l’hôpital de Kanombe. Son témoignage a été retenu par la commission Mutsinzi et par les experts des juges Poux et Trévidic.