LEAGUE OF NATIONS

Communicated to the C .349.1935.1. Members of the Council. Geneva, September 11th, 1935,

PROTECTION OF MINORITIES IN .

Petition from Certain Members of the Albanian Minority in Greece, and Observations of the Greek Government.

See also Documents C.528.1934.I, C .81, and C .152.1935.1.)

Note by the Secretary-General

On April 2nd, 1935, the Secretary-General dornmu- nicated to the Greek Government, for any observations it might desire to make, a letter dated , December 10th, 1934, which reached the Secretariat on March 23rd, 1935, from certain members of the Albanian minority in Greece, relating to the situation of that minority.

On April 8 th, 1935, the Secretary-General also communicated to the Greek Government, for observations, the text of a petition, with three annexes, communicated by the Permanent Albanian Delegation accredited to the League of Nations, on March 31st, 1935, relating to the same question. In conformity with the procedure in force, the last-named documents were communicated at the same time to Members of the Council, for information, by document C .152.1935.I .

After having obtained the consent of the President in Office of the Council to the extension of the regular time­ limit for submitting its observations, the Greek Government forwarded the latter to the Secretariat, by a letter from its permanent delegate accredited to the League of Nations, received on September 5th. These observations, accompanied by five annexes, relate to the petition dated Paramythia, December 10th, 1934, and the petition communicated by the permanent Albanian delegate on March 31st, 1935.

The Secretary-General has the honour to communicate to the Members of the Council, for information, the text of the "■foresaid petition of December 10th, 1934. and that of the UrQek Government's observations together with their last four annexes tiinex I, consisting of a photograph, nas been deposited in the archives of the Secretariat, where it is at the disposal of Members of the Council. » 1 -

Io~ PETITION DE Li, MINORITE ALBANAISE EN GREGE.

Monsieur le Secrétaire général,

Los soussignés habitants de la Tchômerie? pays situé entre la frontière d ’Albanie, au nord, et le fleuve du Eanar au sud5 entre la vallée de Janina, à l'est, et la mer ionienne, à lfouest., appartenant à la minorité albanaise de la Grèce, ont 1 ‘honneur d fattirer la bienveillante attention de Votre Excel­ lence sur les faits exposés ci-dessous s

Ainsi cu? il est à la connaissance de Votre Excellence, la population habitant le territoire susmentionné a pour langue maternelle 1 5albanais. Cette minorité albanaise aurait donc, en base des engagements concernant la protection des minorités en Grèce j. signée à Sèvres f le 19 août I.92O, pris par ce pays, le droit de jouir non seulement des mêmes droits que la majo­ rité grecque, mais a aussi reçu la promesse formelle pour la sauvegarde de certains droits concernant les minorités et spécialement 1 *enseignement de sa langue maternelle «

Or, depuis 1 ’occupation grecque en IQI3 , le Gouver­ nement hellénique paraît- avoir eu le but de faire disparaître 1 félément albanais et sa langue en Tchômerie. Et dans cette intention, il n ’a jamais manqué de saisir 1 ’occasion pour nous persécuter ; tout d * abord, par des moyens violents,, aptes à nous obliger de quitter notre patrie, puis par 1 !application de la réforme agraire d ’ une façon arbitraire; et à la fin, en nous refusant nos droits dérivant du Traité susmentionné pour 1 5enseignement de notre langue maternelle à nos enfants»

Vu ceci, nous avons pensé devoir nous adresser à 1?Aéropage de la Société des Notions pour la prier de vouloir bien nous aider à faire valoir no s droits minoritaires qui sont réellement en dangerP

Ainsi qu’il sera exposé dans notre demande pour 1 ’in­ tervention de la Société dos Nations en notre faveur » notre recours à celle-ci n ’est pas dicté par des raisons d ’idéologie, mais par la nécessité urgente de voir assurer à toute une popu­ lation de 3 5 ,0 0 0 âmes son existence ethnique et la possibilité de sa vie matérielle„

Le Gouvernement hellénique entretient dans presque tous les villages de la Tchomerie des écoles primaires, dans la ville de Filât et de Paramithi des gymnases et une école normale de jeunes filles» Dans toutès ces écoles les enfants d ’une population purement albanaise viennent d'être instruits seulement dans la langue grecque et sans qu’on leur permette même 1 ’instruction religieuse dans la langue maternelle.

Pour prouver notre affirmation, il suffit de citer 1 !exemple d ’une école religieuse et privée que la population de Eilat avait eu 1 T autorisation d ’ouvrir, en 1 9 2 9 , et de maintenir à ses propres frais„ Quelques semaines après 1 ’ouver­ ture de cette école, les autorités grecques s ’étant aperçues que 1 ’instruction religieuse était donnée en albanais fermèrent cette école, fréquentée en très grande partie par les jeunes filles de la ville et obligèrent celles-ci de se rendre sous peine d’amende, en cas de refus, aux écoles gouvernementales grecqueso - 2 -

Un autre exemple caractérise la méthode de déaa. tionalisation poursuivie par les autorités scolaires - Il est sévèrement interdit d :introduire en Tchamerie des li­ vres ou des journaux albanais,

L ’article 7 du Traité susmentionné concernant la protection des minorités en Grèce prévoit :

a) Un système électoral tenant compte des droits do représentation des minorités ethniques;

b) Que la différence de la religion ou de la natio­ nalité ne devra nuire à aucun ressortissant grec. an ce qui concerne son admission aux emplois publics;

c) qu'aucune restriction ne sera permise contre le libre usage d'une langue quelconque dans lea relations pri­ vées ou officielles, orales ou par écrit, aux ressortissants grecs de langue autre que le grec ;

d) Les articles 8 et 9 du même Traité contiennent les obligations que la Grèce a prises pour assurer le droit de 1 1 enseignement de la langue des minorités;

e) et enfin, 1 ’article 3 prévoit, non seulement la libre possession de la propriété à la minorité, mais impose à la Grèce aussi le devoir de permettre la possession des propriétés immobilières même à ceux qui ont exercé le droit d* adopt:.on pour une autre nationalité »

En dépit de tous ces engagements, nous avons 1 'hon­ neur de vous déclarer5 Monsieur le Secrétaire général, que le Gouvernement hellénique :

a) n 1’a jamais. malgré les 35-000 habitants albanais, nombre qui aurait pu leur donner le droit d ’élire plusieurs députés? permis que des représentants de cette minorité soient envoyés à la Chambre législative hellénique; b) qu’il n !a jamais admis qu1 un Tcham albanais pren­ ne part a la vie publique, qu'il soit nommé fonctionnaire, ou au moins gendarme ou garde champêtre; c) qu’il n ’a jamais toléré que 1 1 élément albanais ait des écoles dans sa propre langue et les autorités hellé­ niques poussent leur intransigeance au point de ne pas admet­ tre 1 sintroduction de publications quelconques en langue alba­ naise et de ne pas permettre même à ceux qui ne connaissent aucun mot de groc de porter plainte devant la gendarmerie dans leur propre langue » Il est du reste facile de constater ; d) que jamais les autorités scolaires grecques n'ont permis 1 1 existence d'une école albanaise et que jamais dans les écoles gouvernementales l ’albanais n ’a été enseigné; e ) Pour conclure notre exposé? nous nous sentons en devoir de relover que la réforme agraire prévoyait, par son article 99, une part intangible de la propriété qui comprenait 30 hectares de terre, des jardins, des oliviers, des forêts et des prairies qui devaient être laissés au propriétaire en plei­ ne et libre possession. Malgré ceci, les autorités de la Réfor­ me agraire ont procédé à Parmith i , par exemple, à la confis­ cation pure et simple de toutes les terres et propriétés appartenant aux Albanais» Entre Goumenitza et Shalezi P elles ont installé 150 maisons d 1 émigrés dans le village nouvellement créé et dénom­ mé "Silifia" en enlevant toutes les propriétés nécessaires à cette nouvelle population simplement aux deux villages albanais» - 3 -

Ce petit aperçu suffit pour prouver que le but des autorités helléniques est de déraciner, de détruire et de dé­ nationaliser l ’élément albanais de la Tchatnerie.

Et pour confirmer nos affirmations, il est utile de relever que les autorités grecques refusent à plus de 300 Te liâmes vivant à l'étranger le retour dans leur pays natal et la possession de leurs terres, malgré qu’ils aient encore au­ jourd’hui leurs .familles en Tchatnerie j et -ceci parce qu’ils sont considérés comme échangeables.

Il suffit pour prouver le contraire de dire que la plupart de ces personnes ont payé aux autorités consulaires grecques la taxe prévue par la loi pour le non accomplissement au service militaire en Grèce et que ces mêmes autorités,tout en encaissant ces sommes, refusent aujourd’hui de leur accorder un passeport hellénique qui leur permettrait de rentrer dans leurs foyers. Ceci démontre clairement le but des autorités helléniques de les forcer de retirer leurs familles de la Tcbamerie et de renoncer à leur avoir.

Mais, pour les Tchames habitant leur patrie la situation n’est pas moins difficile, car il leur est défendu de disposer des misérables propriétés qu’on leur a laissées sans avoir préalable­ ment et pour chaque cas confirmé, auprès d ’un bureau spécial du Ministère do l ’Agriculture, à Athènes, qu’ils ne sont pas échan­ geables et que la propriété dont ils veulent disposer appartient réellement à eux.

Ces mesures vexatoires, Monsieur le Secrétaire général, que nous venons de citer ne peuvent servir que pour mieux faire ressortir les difficultés de différente nature dans lesquelles la minorité albanaise en Grèce est obligée de se débattre.

Certes, le Gouvernement hellénique saura peut-être, par les moyens diplomatiques dont il dispose à 1 ’étranger, et par-des prétextes nier la véracité do nos affirmations et chercher de justifier dans les différents cas sa façon d ’agir envers nous.a Toutefois, il lui sera difficile de justifier, devant une enquête objective, le fait que la minorité albanaise manque absolument d’écoles albanaises, do l ’enseignement de sa langue maternelle et qu’elle souffre du mésestime que le Gouvernement hellénique démontre dans le- respect de ses obligations envers la minorité.

Devant cette situation alarmante pour la minorité albanaise en Grèce, et au nom de cette minorité, nous sollicitons, Monsieur le Secrétaire général, 1 ’intervention bienveillante do la Société des Nations, d ’abord pour que soit constatée .l’exactitude de nos affirmations et enfin pour que les mesures soient prises afin d ’assurer le respect des obligations officiellement assumées par 1g Gouvernement hellénique en faveur.de la minorité albanaise.

Veuillez agréer, /Monsieur le Secrétaire général, les assurances de notre très haute et très parfaite considération.

Parauiëthi, le 10 décembre 1934.

(suivent les signatures) - 4 - II. OBSERVATIONS DU GOUVERNEMENT HELLENIQ.UE..

sur la pétition datée de Paramithia, 10 décembre 1934,

ainsi que sur la pétition supplémentaire du Gouvernement Albanais

datée du 31 mars 1935.

{Doc. C. 588. 1934. I., C. 81. 1935. I., C. 152. 1935. I.)

I. QUESTIONS GENERALES.

1. Dans ses observations sur les pétitions albanaises du 19 et du 29 novembre 1934, (1> le Gouvernement Hellénique faisait ressortir la tactique du Gouvernement Albanais consistant à met - tre en avant, chaque fois que ses intérêts politiques l ’y poussent, une soi-disant question minoritaire des musulmans de la région de Tchamouria, en Epire du Sud. Une nouvelle tentative dans ce do­ maine vient s ’ajouter aux précédentes par l ’effort conjugué des pétitions du 10 décembre 1934 et du 31 mars 1 9 3 5 , variant peu dans le fond et trahissant assez facilement une provenance com­ mune. Ces pétitions furent communiquées au Gouvernement Hellénique respectivement le 2 et le 8 avril 1935.

2. Le Gouvernement Hellénique serait en droit de se de­ mander pourquoi la première de ces pétitions tarda tellement à lui parvenir. Un examen de la reproduction photographique de ce docu­ ment dactylographié donne peut-être l ’explication de ce problème. Le lieu d’origine dactylographié de Filiati, précédant la date, a été surchargé à la main par celui de Paramithia.'3 * Pour ceux qui n ’ont pas la pénible expérience de pareils procédés, une explication est nécessaire : La circulation du texte préparé en haut lieu (il n ’y a pas une seule machine à écrire chez les musulmans de la région de Tchamouria.) ne dut pas avoir le succès voulu à Filiati.

3. Le Gouvernement Hellénique ne veut point entrer dans une question de recevabilité de la pétition du 10 décembre 1934, du moment que le Gouvernement Albanais endosse, par son mémoire s u b s é q u e n t l ’entière responsabilité des accusations. Ce n ’est /qu’à titre d’information qu’il expose ce qui suitt Un seul nom parmi les pétitionnaires lui était connu, celui de Hajreddin .Pronjo {deuxième signataire), et le loyalisme dont ce musulman / avait fait preuve, peu de jours avant, en signant le démenti axix allégations de la presse albanaise, joint à la certitude que cette manifestation avait été des plus sincères et des pi-us^ spontanées H) faisait naître bien des doutes sur l ’authenticite £es signatures.

(1) Doc. C. 81. 1935. I. (2) Voir document C.152,contenant la pétition du Gouvernement albanais communiquée le 31 mars 1935 (Note du Secrétaire général) (3) Filiati et Paramithia sont lés localités principales de la région de Tchamouria. (4) Voir paragraphe 17 du Doc. C. 81. 1935. I. - 5 -

Dos recherches minutieuses de la part de 1 'autorité locale donnèrent les résultats suivants: Sur 73 noms» seuls 45 ont pu être identifiés, (x) Les autres 28 sont totalement inconnus. Et, chose digne d'être remarquée, les notabilités musulmanes de l ’Epire, présidents de communautés, conseillers communaux, muftis, imams, et même les personnes simplement lettrées de la minorité, n'y figurent guère. L ’autorité locale explique ces 45 signatures (à supposer qu'elles soient anthentiques) par le fait que très souvent des péti­ tions aux autorités, d'ordre fiscal ou administratif (demandes d'exemption des droits sur le papier à cigarettes, de main tien à son poste do tel fonctionnaire etc)« circulent parmi les gens simples, qui lisent mal le grec et point le français„ Ils font confiance à ce qui leur est dit quant au contenu de ce qu’ils signent les yeux fermés, et rien n'est plus facile à une personne mal intentionnée que de recueillir, parmi des noms inventés, quelques honnêtes signatures.

4 . Les deux pétitions albanaises présentant un amas touffu de griefs; il conviendrait d ’y mettre quelque ordre et, tout en répondant aux accusations albanaises une à une, de les classifier par chapitres, correspondant aux diverses obligations minoritaires résultant pour la grèce du traité de Sèvres du 10 août 1 9 2 0 . Quelques questions d ’ordre général doivent cependant être traitées tout d ’abord.

5 . On sait,- et plus d ’un débat 4 ce sujet eut lieu au sein des organismes de la Société dos Nations, combien déli­ cate est la situation d'un Etat qui est voisin d'une minorité ou qui lui est plus ou moins apparenté au point de vue ethnique. On sait aussi que des intérêts politiques se cachent souvent sous un masque de solidarité nationale. C'est pourquoi le Conseil, dans sa sagesse, adopta, le 10 juin,1925> une résolution par laquelle les représentants do tels Etats sont écartés de l'examen de questions concernant telles minorités.

Ceci ne prive certes pas un Etat du droit que lui con­ fère le rapport adopté par le Conseil, le 22 octobre 19 2 0, d'adresser des pétitions minoritaires à la Société des Nations. Mais, vu l'esprit de la résolution susmentionnée du 10 juin 1925, une grande circonspection s'impose dans 1 ’exercice de ce droit. Or, depuis 1 9 2 1 , (5 ) le Gouvernement Albanais s 1 est érigé en gardien et protecteur de la minorité musulmane de Tchamouria. Dans ses observations du 24 janvier 1935» Gouvernement Hellénique a eu 1 'occasion de s’exprimer sur le mobile déterminant cette attitude.

x) On doit relever ici que, dans son désir d * éviter la moindre action qui pût, ne fût-ce, que de loin, ressembler" à* une pression morale, 1 ’autorité s’abstint d 'interroger ces personnes sur 1 'authenticité de leurs signatures, de sorte que toutes réserves doivent être faites sur ce point.

(5) Voir paragraphes 5 et suivants du Doc. C.81.1935.1. 6 —

Le Gouvernement, hellénique aimerait ne pas suivre le Gouvernement albanais dans le parallélisme qu'il se plaît à faire constamment, dans un but apparent, entre la minorité musulmane de Tchamouria et la minorité grecque d !Epire du Nord (Albanie du Sud).. Mais qu1 i'1 lui soit permis de faire remarquer que quinze ans de griefs très profonds des Epirotes du Nord, mis en lumière dans le débat qui aboutit à l'Avis consultatif du 6 avril 1935 de la Cour permanente de Justice internationale, ne le firent jamais se départir d 'une douloureuse réserve sur ce chapitre, Ce n' est que lorsqu'un mémoire albanais à ce sujet lui fut communiqué, qu'il eut à formuler certaines observations et ce n'est qu’appelé par la Cour qu'il exposa longuement son point de vue sur 1 * affaire en question.

6 . Le Gouvernement hellénioue constate, d ’autre part, avec regret 1 'ampleur donnée, dans le mémoire albanais, à une question suscitée par une remarque formulée, avec toutes les attentions voulues, dans le mémoire hellénique précédent, La Grèce est la première à se féliciter de la floraisnn du senti­ ment national albanais, après 1 iacquisition d'une indépendance vraiment méritée par une nation de si antique souche. Le Gouvernement hellénique est convaincu que toutes les contes­ tations de ce sentiment (6 ) n }appartiennent plus qu'au passé. Mais rien ne peut effacer les faits historiques touchés par le mémoire hellénique précédent et que développe plus longuement un exposé du représentant de la Grèce à la séance du 24 février 1919

(6 ) Voir notamment parmi les auteurs-impartiaux ou même sympa­ thy s ant s pour l 'Albanie René PI non, l’Europe et l'Empire Ottoman, 5e- Ed., , Paris, Perrin, 1913, p. 13 8.- " A peine peut-on dire que l'on trouve chez les Albanais trace d'une conscience nationale. Ils ne forment pas un peuple• ils sont un agrégat de tribus passionnément attachées à leur indépendance et à leurs coutumes particularistes", S„Lambros, Néos Hellinomnémon, vol.X. p.284 : n travers les âges, nous avons bien plus une notion géographique de 1 'Al­ banie qu'une histoire du peuple albanais ; les chefs des tribus locales, qui se partagent les pays albanais, leur impriment une empreinte personnelle bien plus que nationale", Georgevitch (ancien premier ministre de Serbie), Les Albanais et les Grandes Puissances, trad„ du prince Alexis Kara- georgevitch, Paris, 1913, p.72: "Les Albanais sont dépourvus d 5un type national, d'une unité linguistique, d ’un territoire national; ils n'ont jamais formé un Etat national, ils ne se sont jamais efforcés d 1 obtenir un gouvernement national." Le marquis de San Giuliano (ancien ministre des Affai­ res Etrangères d'Italie , Lettres d'Albanie, parues en 1902 sous le pseudonyme de Banlco et reproduites dans le Messager d 'A th è n e s en 1913, no 95, p.756 : "Je n ? ai rencontré en Albanie que des hommes pauvres et ignorants, exclusivement préoccupés de leurs sentiments de tribu, de clan ou de famille ou du souci de leurs petits in té ­ rêts personnels et locaux, absolument dépourvus du moindre s e n t i ” ment national et incapables de se hausser jusqu’à un idéal n a tio ­ nal et patriotique" » Voir aussi, dans les Procès-verbaux de la Commission char­ gée d* étudier les Questions territoriales intéressant la Grecs de la Conférence de la Paix de 1919-1920 : M. Laroche (représentant de la France): En ce qui concerne la conscience nationale, je me demande si, en Albanie, elle n'a pas été faite principalement de la haine qu1 inspiraient les Turcs ...... "(p.so) Made Martino (représentant de 1'Italie).un Etat nou­ veau comme 1-Albanie, sans grande homogénéité nationale, tout en constituant une nationalité, ne pourra résister et subsister sans appui extérieur" (p,112). - 7 -

de la Commission chargée dfétudier les questions territoria­ les intéressant la Grèce.(7)

(7) Pages 48-49 des Procès-verbaux: "Dans l'Epire du Nord, nous nous trouvons en face d'un phénomène que nous avons déjà vu se produire ailleurs, en particulier en Crète. En Crète, en effet, la religion musulmane avait absorbé telle­ ment le sentiment des nationalités que les Crétols, autrefois chrétiens et passés à l'Islam, avaient lié partie avec les Turcs et le C-ouvernement de Constantinople. Los Crétois musulmans ne parlent que le grec* ils ont des moeurs grecques, ils pratiquent en particulier la monogamie et cependant ils étaient tout à fait anti-chrétiens. Dans toutes les luttes que nous avons dû soutenir en Crète, ces Crétois musulmans se sont toujours mis de l'autre coté de la barricade avec l'armée turque. Le même phénomène s ’est reproduit en Epire et en Albanie. Lorsque la domination turque s'est étendue dans cette région, beaucoup d'Albanais sont passés à l'Islam. Leurs descendants ont oublié que leurs ancêtres étaient Albanais de race et l'on peut dire qu'ils se sont considérés comme Turcs pendant quatre siècles. Bar contre, pendant ces quatre siècles, les Albanais chrétiens-orthodoxes, sous l'influence de la civilisation grecque, se sont toujours regardés comme des Grecs. Il en est résulté une guerre civile entre ces deux éléments, l'un composé des musulmans qui avaient les yeux tournés vers Constantinople et l'autre composé des orthodoxes qui voyaient leur salut dans le Sud, c'est-à-dire dans la direction du futur royaume de Grèce. Cette situation s'est prolongée jusqu'à l'avènement du régime jeune-turc. Les Jeunes-Tures ayant voulu abolir les privilèges des Albanais musulmans, ceux-ci se sont récriés et c'est alors qu'on vit se dessiner le mouvement albanais proprement dit. Une grande partie des Albanais orthodoxes, ne pouvant pas supporter ces exactions continuelles, avaient abandonné le territoire pour aller s'établir en Grèce. Celle-ci était encore un pays ottoman, mais il n'y avait pas de population musulmane en dehors des fonctionnaires. Les Albanais orthodoxes se retrou­ vaient donc dans un milieu tout à fait grec. Environ 500.000 Albanais orthodoxes se sont ainsi établis en Grèce. Si vous prenez une carte ethnographique linguistique, vous voyez que l'Attique est représentée comme peuplée à moitié d'Albanais; de même Argos. Cela veut dire que la moitié des habitants sont driginaires d'Albanie. 150.000 Albanais orthodoxes en­ viron - et M. de Martino pourrait nous donner des précisions- sont allés se réfugier en Italie. Un tiers seulement de la population orthodoxe est resté en Albanie. Je crois donc ne pas exagérer en disant qu'un demi-million d'Albanais chrétiens °nt abandonné l'Albanie, fuyant les persécutions de leurs concitoyens musulmans. On trouve en Grèce beaucoup de gens d’origine albanaise. Par une coïncidence singulière, dans le Gouvernement provisoire que j'avais constitué à Salonique, il y avait le général Danglis et l'amiral Coundouriotis, tous deux d'origine albanaise. Actuellement, le vice- président du Conseil des Ministres emploie la langue alba­ naise lorsqu’il va chez sa mère, parce que celle-ci ne parle que l'albanais. Vous savez que l'insurrection d'Orloff, en 1769, (suite de la note, page suivante) - 8 -

7. Mais il est aussi une autre question qui doit une fois pour toutes, être tirée au clair. C ’èst celle du’ nombre des musulmans de Tchamouria, que les pétitions alba­ naises évaluent grosso modo à 30 - 35.000 ames.

Nul n Ta jamais pensé à contester les résultats du dernier recensement officiel en Grèce (1928). On y trouve 18.773 individus de langue albanaise, dont 18.598 musulmans 95 orthodoxes, 59 catholiques, 17 protestants, 3 juifs et ’

(suite de la note (7)p,7)

contre le Gouvernement ottoman est le fait des. Albanais orthodoxes qui se considéraient comme Grecs. Moscopolis (en Epire du Nord), qui n ’est plus qu’un grand village, avait alors 55.000 habitants» C ’était, après Constantinople, la ville la plus importante de la Péninsule balkanique. Depuis 1720, elle possédait une imprimerie, la deuxième des Balkans, une académie, un orphelinat et une bibliothèque. C'était le centre le plus important de 1 1 hellénisme. Lors de 1'insurrection d'Orloff, les musulmans albanais, qui se considéraient comme Turcs et prenaient le mot d ’ordre à Constantinople, sont tombés sur cette ville splendide et l ’ont incendiée. Los habitants sont partis les uns vers Monastir, qui eot donc une ville récente, et les autres vers Korytsa”.

Et plus loin: ”Je n ’ai pas besoin de vous dire que, pendant la grande guerre de 1 ’indépendance, il y a cent ans, la plupart des chefs militaires de la nation grecque étaient d'origine albanaise. Botsaris et Miaoulis, en effet étaient albanais. Vous savez aussi que les Albanais ne sont pas des marins de race, mais ceux d'entre eux qui se sont réfugiés en Grèce se sont installés le long de la cote et maintenant ce sont eux nos meilleurs marins. Dans notre flotte de guerre, près de deux tiers sont de race albanaise et lorsque l ’amiral Coundouriotls leur adresse la parole - en dehors du service évidemment, où la langue officielle est le grec - il leur parle en albanais”.

Voir aussi à ce sujet, dans la deuxième partie ^u Tome VII, récemment parue, de la Géographie Universelle, publiée sous la direction de M.M. P. Vidal de la Blache, membre de 1 'Institut de France, et L. Gallois professeur à la Sorbonne, l'étude sur la Grèce de M. Sion, spécialiste bien connu des questions méditérranéennes: " A travers l’his­ toire, 1 'hellénisme a montré une force vraiment admirable zd'assimilation, initiant les nouveaux venus à la civili­ sation de la Méditerranée, transformant les Slaves du Pélopones en vignerons, les Albanais d'Hydra e n "marins. Meme les Turcs crétois avaient laissé leurs enfants apprendre le grec. La plupart des bergers va'laques, de même que les Albanais de la Grèce centrale ont oublié leur langue - s -

1 classé sous la rubrique "autres religions”.(g) Mais, pour la première fois dans son dernier mémoire, le Gouver­ nement albanais avance, avec quelque retenue dans le corps même de son exposé (ch. IV et ch. VI in fine)-, d’une façon beaucoup plus explicite et assez déplacée dans le titre de- l ’Annexe II, la théorie > prêtant à l ’hilarité, de l ’exis­ tence de quelques milliers d'Albanais orthodoxss en Grèce !

Si le Gouvernement albanais n ’avait pas voulu igno­ rer les faits historiques exposés dans le discours susmention­ né du représentant de la Grèce à la séance du 24 février 1919 de ia Commission chargée d ’étudier les questions terri­ toriales intéressant la Grèce, il ëe serait aperçu que de pareilles allégations se tournent contre sa propre thèse. Car si, après plusieurs siècles de vie nationale dans un milieu grec, il ne reste plus, des 300.000 Albanais ortho­ doxes immigrés en Grèce, que 95 vieillards ayant encore comme langue principale 1 ’albanais, il existe, par contre, en Eùire du Nord (Albanie du Sud), en dehors des 40.000 grécopho- nes, plusieurs dizaines de milliers d ’orthodoxes albano- phones, dont quinze années d ’administration albanaise n ’ont pas altéré la conscience nationale hellénique.

Le Gouvernement hellénique ne toucherait pas à la question du nombre des populations grecque s de l’Epire du Nord, si, poursuivant toujours son parallélisme, le Gouverne­ ment albanais n*établissait pas, dans 1 ’Annexe III de son mémoire, certains pourcentages comparatifs, basés sur une - évaluation erronée des dites populations.

A suivre la thèse hellénique, d ’après laquelle le ■critérium de la langue est insuffisant pour prouver la cons­ cience nationale, thèse appuyée à la Conférence de la Pain- de 1919 par la France et la Grande-Bretagne(9) et plus tard

(8 ) Annuaire statistique de la Grèce, 1930, p.98. Los 18.500 nusulmans sont répartis comme suit :

Sous-préfecture de Filiati (avec Goumenitsa) 10.500 " « ” Paramithia 1.900 " ’’ ’’ . 5.100 le reste étant disséminé dans les régions environnantes.

(9) Voir les arguments franco-britanniques, résumant les déclarations conformes au point de vue hellénique des représentants de la France et de la Grande-Bretagne aux : diverses séances de la Commission c h a r g é e ^d’étudier les questions territoriales intéressant la Grèce, dans le rapport de ladite Commission, daté du 30 r.ars 1919 et présenté ou Conseil Suprême des Alliés (Procès- verbanxdela Commission, p. 144). - 10 -

par l ’Italie(10) et les Etats-Unis d'Amérique,(11) les Grecs de l ’Epire du Nord seraient, d ’après les statistiques grecques de 1913, qui diffèrent très peu de la statistique officielle turque de 1908, 112,385 contre 82.360 Albanais.(12)

Mais, même si l ’on se borne aux grécophones, on ne saurait sc fier, pour en évaluer le nombre, a une autorité plus impartiale que la Commission d ’Enquête de la Société des Nations en Albanie, qui les fait monter, au début de 1923, à 40.000 environ(13). L ’augmentation normale de cette population depuis:douze ans, la ferait atteindre aujourd’hui su Ehiffre de 45.000 environ.

Or, que présente successivement le Gouvernement albanais sur ce chapitre?

Dans les renseignements soumis à la Société des Nations en 1922, (14) et malgré le résultat alors récent de son propre recensement,(15) il dit: ”En Albanie méridio­ nale, la population orthodoxe de langue grecque s’élève b 16.000 habitants”.

Dans les observations du Gouvernement Albanais sur /a pétition de la minorité grecque à la Société des Nations, (16) cette minorité est qualifiée de ’’minime” et évaluée à 18.000 /âmes.

Soudain, le Gouvernement albanais, se rappelant une statistique albanaise déjà vieille de quatre ans (1930), "estime le chiffre de la minorité grecque à 37.217,(17) pour retomber, dans son dernier mémoire, à 35.000.

(10) Voir Accord du 29 juillet 1919 entre la Grèce et l ’Italie,

(11) Voir notamment la résolution unanime du 17 mai 1920 du Sénat américain: ”il est résolu que, de l ’avis du Sénat, 1 ’Spire du Nord, Korytsa incluse, les douze îles de la mer Egée et la cote occidentale de l ’Asie Mineure, où prédomine une forte population grecque, doivent être attribuées par la Conférence de la Paix à' la Grèce et être incorporées dans le Royaume de Grèce” (Congressional Record, 6 6 th Congress, 2nd session, S.Rcs.324, vol.59 N°137, p.7735).

(12) Voir Procès-verbaux de la Commission chargée d'étudier les questions territoriales intéressant la Grèce, p.73.

(13) Voir Rapport de la Commission d ’Enquête sur la période comprise entre le 19 décembre 1922 et le 1er février 1923, dans J. 0. de la Société des Nations, 1923, p.491 et suivantes : ’’D’après le recensement effectué au mois de mars 1921, en vue des élections, on trouve dans la préfecture d ’Argyrokastro 33.313 personnes de langue grecque. Dans le district de Chimara .... le nombre des personnes de langue grecque qui habitent les villages de ce'district s ’élèverait à 3865. J ’estime que ce chiffre est un maximum. En tout cas, il semble certain que la population de langue grecque de l ’Albanie méri­ dionale comprend environ 35.000 personnes au minimum et 40.000 personnes au maximum." ('14 ) Doc. 3. 547.M. 329.1922 (15) Voir note 13 du présent mémoire. ^16 ) Doc.C.336.1934.1. (17) Voir lettre du 21 décembre 1934 du ministre des (Affaires Etrangères d ’Albanie au Secrétaire général de la Société _ des Nations, annexe 22 des documents transmis par le Secrétaire Général de la Société des Nations à la C.P.J.I.,distr.3269,P« - 11 -

Tout commentaire à ce sujet est superflu. Mais il est assez intéressant de remarquer que les deux chiffres appro­ x im a tif s des minorités musulmane de Tchamouria et grécophone 5e 1 'Spire du Nord, soit respectivement 18.000 et 35-40.000, sont tout bonnement intervertis par le Gouvernement albanais!

8 . On doit enfin relever avec le plus.profond regret combien certaines paroles de II. Kalkanis, ancien Gouverneur général d'Spire, ont été déformées. M. Kalkanis fit effecti­ vement , en janvier 1935, une tournée dans les limites de sa circonscription. Ce n ’est pas dans des buts électoraux qu’il s'exposa aux rigueurs d ’une saison particulièrement rude dans ces régions montagneuses, mais bien pour se rendre compte des besoins des populations. Il est notoire que l ’Epire, province éloignée des grands centres et privée de communications ferroviaires, n ’a pu malheureusement atteindre encore le degré de développement économique d ’autres provinces helléniques, telles que la Macédoine et la T'hrace occidentale, mieux partagées par la nature et les circonstances.(18) M. Kalkanis visita, parmi d'autres centres, Filiati et Paramithia. Il pranit des oeuvres publiques, notamment de voirie(19, à tous les habitants de l’Epire, sans distinction de race ou de religion. Pas un ins­ tant il ne pensa s ’adresser spécialement à la minorité, dans une région où 1 ’administration est peut-être plus paternelle pour cette minorité que pour le reste de la population, où un hôpital moderne à assistance gratuite est en voie de construction dans le principal centre de la population musulmane (Filiati), ,où de la quinine est généreusement et largement distribuée par l’Etat pour combattre le paludisme, où 131 pensions (dont 4-0 dans la Sous-Préfecture de Filiati , 69 dans cell3 de Paramythia et 22 dans celle de Margariti) sont servies, à divers titres, à des musulmans.

9. Mais la déformation de la vérité, à propos des paroles de M. Kalkanis, n ’est malheureusement pas la seule. Elle est suivie d ’une assertion d ’après laquelle le mufti Fuad Mustafa Camberaga, une 'les personnalités les plus en vue de la population musulmane, est turc d 1 origine et de naissance. Or, la famille Camberaga est originaire de Konispolis (Albanie du Sud), et ce fait est tellement notoire, qu’il est mentionné dans 1 ’ouvrage, édité en 1908, de 1 ’historien albanais Mufit Bey Libohove. Les anciens membres neutres de la Commission Mixte d1 échange des populations grecques et turques, mandataires du Conseil pour.la minorité musulmane d ’Epire, doivent bien se rappeler le' nom de la famille Camberaga, pour avoir exempté

(18) La Macédoine et la Thrace Occidentale coivont une grande partie de leur prospérité à 1 ’activité des réfugiés venus d'Asie Mineure et de Thrace Orientale, élément dont un établis­ sement analogue en Epire fut précisément empêché par égard envers les musulmans de Tchamouria.

tl9) Cette promesse fut exécutée : 50 millions de drachmes ‘furent affectés, cette année, à des travaux do voirie, indispensables pour le développement économique normal de la région. - 12 de l'échange aussi bien le mufti Fuad Mustafa que ses deux frères et ses deux soeurs, en raison de leur origine albanaise établie par des certificats de la Communauté de Konispolis. Quant à la soi-disant condamnation à mort du mufti, elle est purement imaginaire.

10. Avant d'entrer dans l ’examen détaillé des divers cas exposés dans les pétitions albanaises, le Gouvernement hellénique tient à faire la remarque suivante : la grande ma­ jorité de ces cas est datée de la période 1924-1928. Or, en 1925 et 1926 , le Collège des .mandataires du Conseil pour la minorité musulmane d'Epire était en pleine activité. Comment se fait-il que les plaignants d ’origine albanaise ne se soient pas adressés à lui? D ’autre part, après la résolution du Conseil du 9 juin 1928, toutes les questions concernant le traitement des musulmans de l ’Epire furent aplanies, de sorte que depuis cette date on ne vit plus la moindre ombre de- plainte à 1 ’horizon.{20) Comment se fait-il que cette recru­ descence rétrospective de griefs coïncide avec les plaintes récentes des populations grecques de l ’Epire du Nord?

II. DROITS DE LIBERTE.

(Art. 2 du Traité du 10 août 1920). a ) Liberté de séjour dans le pays.

11, Les griefs albanais sur ce chapitre appartiennent à deux catégories: soi-disant abus des autorités helléniques pour contraindre les musulmans à émigrer (ch. II et ch. IV de 1 ’Annexe I au mémoire albanais) et prétendues expulsions de ces musulmans (ch. VI de même Annexe). La première de ces catégories comporte quatre subdivisions: les musulmans rentrant en Grèce sont considérés comme échangeables (ch. II, al.1 ) ; des réfugiés grecs sont installés dans les propriétés des musulmans (ch. II, al,2 ) ; des bandes irrégulières ravagent lo pays (ch. IV, al.a ) ; des musulmans sont internés (ch. IV, al.b),

12. Il se peut, et cela aurait dû dans tous les cas, avoir lieu, que la question de la nationalité des musulmans, rentrant après des années d ’absence en Epire, soit examinée par les autorités helléniques compétentes. Si le Gouverne­ ment albanais voulait bien jeter un coup d ’oeil sur les diverses sentences arbitrales rendues par les membres neutres de la Commission Mixte d’échange des populations grecques et turques et concernant les musulmans

(20) Voir paragraphe 16 du Doc. C. 81. 192 5.1. : ’’Pendant six ans, de 1928 à 1934, aucun incident ne s ’est produit”. - 13 - ( 21 ) Horiglne albanaise, J il verrait que dea juristes distinguos ont rempli 119 pages imprimées (sans compter les renvois aux Procès-Verbaux de la Commission) pour jeter quelc-ue clarté sur une des questions juridiques les plus compliquées qui aient ja­ mais existée On doit louer sans réserve les autorités qui tran­ chèrent de façon rapide et équitable les cas les plus complexes

(21) Ces sentences sont au nombre de cinq: 10-30 (52 pages)* a) Sentence relative à la nationa­ lité des musulmans de Parga (15 janvier I93l) 0

b) Sentence relative à la compétence des membres neutres pour se prononcer sur 1 ’échangeabilitc ou la non-échan- gec/.bilitê des membres des dix-sept familles musulmanes de Parga (30 juin 1931)-

c) Sentence relative à 1 ’échangeabilitô ou la non- échange ab il it ô des membres des dix-sept familles musulmanes de Parga (10 octobre 1931),

I4.O {2+8 pages). Sentence relative à la question de savoir si les musulmans et les grocs d ’origine albanaise ayant quitté, avant la conclusion de la Convention de Lausanne du 23 janvier I923 sur Rechange des populations, les territoires dont les habitants Grecs et Turcs ont été respectivement échangés, sont ou non considérés comme compris dans 1 ’échange obligatoire9 aux termes de l'art* 3 de la dite Convention,,

50 (19 pages)» Sentence relative à la détermination du statut personnel, par rapport à 1 *échange:

I6~ Des musulmans, ressortissants hellènes^ et des Grecs-orthodoxess ressortissants turcs, d ’origine albanaiso5 ayant quitté la Grèce ou la Turquie avant la Convention de Lau­ sanne et ayant acquis la nationalité respectivement turque ou hellénique entre les 30 janvier I923 et 23 juillet 1930, et

IIe- Des musulmans, ressortissants hellènes* et des Grees-orthodoxes, ressortissants turcs, d ’origine alba­ naise, ayant quitté, après le 11; novembre I9I3, la Grèce et la" Turquie et s ’ôtant définitivement établis5 les premiers en Tur­ quie 5 les seconds en Grèce, mais ayant conservé leur nationalité, respectivement hellénique ou turque, jusqu’à l ’entrée en vigueur de la Convention d ’Ankara du 10 juin 1930» - 14 -

(22) qui leur furent présentésc Et le Gouvernement Albanais a m l choisi son exemple » Car Brahlm Abazis qui avait ' réellement ' été considéré comme échangeable pendant son absencey "produisit en rentrant3 des documents qui firent établir sa non-ô changea-? bilité, en vertu de quoi ses propriétés lui furent rendues8 H est j d «autre parts faux qui il a ôté appelé sous les arme s„. Tout au contraire, tandis que les insoumis des classes I9I3 à I923' (catégorie à laquelle appartenait l e 'susnommé) sont astreints d ’après le décret-loi du 3 mars I9 2 6 , à un service de trois moisf 'plus une taxe de compensation de 3 OOO drachmes^ Brahia Abazi, profitant d tune clause de faveur s spéciale aux musul­ mans s‘du dit décret-loi^ leur permettant de racheter le ser­ vice de trois mois contre une somme supplémentaire de 5OOO drachmess proféra verser 8000 drachmesA en tout (envir-on 330 francs or), puur être exempt de tout service»

Les cas do Hussein Màlko# Adem Zeri etcÆ s.ont analo­ gues à celui de Brahlm Abazio

1 3 , On est tout étonné de voir renaître une question de soi-disant installation de réfugiés dans les propriétés al­ banaises j question qui est fort bien connue à la Société

(2 2 ) Voir, à ce sujet, 1 'office No 8 2 3 8 9 , daté du 12 août 1933s d-u Ministère de 1 1 Agriculture (Direction de l ‘Echange ) au Gouvemorat Général d ’Epire ;

"Nous référant à votre office No I9I4 8 nous avons 1 *honneur de vous informer que nous ne pouvons pas agréer votre demande de transfert aux autôri.tés locales du droit de conférer des certificats de non- ô change ab il it ô e

Sous notre direction^ un service spécial fonctionne pour 1 'application de la loi 325O, service qui5 ayant acquis une longue expérience à ce sujets est en mesure do garantir^ tant 1 1application exacte de la Loi 325O et en général des dispositions internationales concernant 1 ’échange/ quo 1 *exo,men aussi rapide que possible des demandes y relatives0

Nous avons donné des instructions au dit service de mettre un soin tout spécial aux demandes de certificats de non--ôchangeabilitô des musulmans d* origine albanaise, do sorte que ' ces demandes puissent Stro satisfaites dans les 2l+ heure s 5 sauf dans les cas spéciaux nécessitant des preuves à 1 1 appui supplémentaires " 0 Le Ministre (signé) J0 THEOTOKY - 1 5 - (23) des Nations. En 19255 huit cent chefs de familles musul­ manes d ’Epire^ considérés échangeables par la Commission Mixte d*échange, étaient en train do s 1 embarquer pour la Turquie, et des réfugiés commençaient déjà à prendre leur place » Mais pou après, par la déclaration connue du Ministre des Affaires Etrangères de Grècôÿ se désistant do l'échange ultérieur dos musulmans d ’Epire, indépendamment do leur origine albanaise ou non# (déclaration qui provoqua on son temps les applaudissements du Conseil)s ces huit cent familles regagnèrent "’ours foyers et, pendant- quelques mois, certaines cohabitations ' inévitables avec les réfugiés eurent lieu„ Mais dès'1926S la totalité de ces réfugiés ôtait transferee ailleursÿJI pour la plupart on Macédoine® Et il n ’existe plus aujourd'hui^ dans toute cette région, que deux agglomérations de réfugiés, fondées indépendamment de c e 'qui précèdep 'et loin de toute communauté musulmane o L$une, rurale^ est,, en offet5 celle de l ’emplacement Dushke5 près do Goumenitsaff dénommée actuellement Nouvelle Sol eue io s et composée de Ï50 (et non point 30 0 ) maisons, abritant un nombre égal de fa­ milles réfugiées. La seconde, urbaine,'est celle'de Kala, également près de Goumenitsa, composée, en offet5 de 30 familles réfugiées. Los noms des anciens propriétaires de ces terrains sont ceux donnés par le mémoire albanais5 mais celui-ci oublie d'ajouter qu* il s ’agissait de grandes pro­ priétés expropriéon conformément à la réforme agraire (voir plus bas. che V de ce mémoire) et dont la valeur a été ver­ sée aux ayants droito

Quand on pense au million et demi de réfugiés que le territoire grec a dû absorber, ce n ’ost pas sans émotion qui on constate que seules 180 familles ont trouvé un abri dans une région étendue où 18„000 musulmans, soustraits à 1 ’échange, vivent aisément 0

11;.» Il est "regrettable de constater que le Gouver­ nement Albanais qtialifie'"do komitadjis (métier, d1 ailleurs, inconnu en Grèce), c;ost-à-diro do bandes à l a 'solde se­ crète d u "gouvernement , les divers brigands qui, on doit l ’avouer, infestaient l ’Epire jusqu’en 1928, dernier vestige d'un fléau que la Grèce eut à subir do longues années après la fin de la. domination étrangère,, Los frères Rexho, meur­ triers d ’un grand nombre do chrétiens/ sont restés -fameux dans les tristes annales du brigandagea Leur tâte ayant

(2 3 ) Pour la question des musulmans d ’origino albanaise en général, qui occupa los sessions XXVII, XXX, XXXI, XXXII, XXXIV, XXXVII,'XXXIX, XL et XLII "du Conseil/'voir J„Ô0 "de l a ' Sfd.H, 1921s., Po36^ 3 6 8 .. 76k, 1066-1068"' 1353-1355,"1367-1368, 1 6 0 0 - 1 6 D3 ; 1 6 5 5 ," 1 6 7 2 J 1,9„2^,P=1U5- 2 3 4 - 21+7 , 3 3 8 ,61|.3-614j.,g52, 689-,-97I-9 7 2 ,101+9-1 0 5 Q-; 1218-1 2 2 0 ," 1 6 8 2 -1 6 8 3 1 lÇ2 6 ,p, 153™ 153 308-3 2 1 , '510-5 1 1 ., 855-8 5 6 P 867-8 68, 947-9 4 8 , 1157-1133jcHj-Og, Pour la question*'des 800 familles do Gardiki et Pragumi en particulier '(annexe I du mémoire albanais,, cîiell,al02 , cas a et ch6IV-, alfbj cas 3 ), voir le' Rapport du .Secrétaire Général sur 1 ’oeuvre accomplie par la S 0dfNe depuis la VIo Assemblée, dans les procès-verbaux dos Sôancos Plônières de la VIIo Assemblée, p* 197. "Le Gouvernement Hellénique con­ sidérait notamment que 1 ’échange était maintenant terminé" et il avait décidé" de ne pas exiger le départ des 800 per­ sonnes en question." - 1 6 -

étô miso à prix d£s 1 9 2 6 ,, Ils furent finalement arrêtés ot exécutés en 1 9 3 0 * Kollovos» du village Sotira do Libohova, beau-père de l'un d'eux, accusé d fassistance prêtée à son gendre, , fut arrêté et purgea une lourde peine» Sot5.2? Xhim est emprisonné depuis do longues aimées o Qanua est in connu 0’ ICromidhe, "brigand sous le "régime ottoman9 est mort depuis dix ans» Et enfin Kutupi, revenu depuis longtemps à dos meilleurs senti- montss exerce le métior paisible do restaurateur à Paramithia,

Les cas do brigandage concernant H.dV-fpdsede Man Ismaïl et le f frère de Murât G j inj.ka ne sont pas connus des autorités locales c Le Gouvernement Hellénique ne veut pas contester la véracité des assertions albanaises à ne sijeto Mais il fait remarquer que très souvent les victimes de pareils brigandages^ craignant la vengeance des bandits, s1 abstenaient de les dé­ noncer aux autorités 6

Quant au cas d'Agako Pronjo, riche musulman de Pararài- thia, il souleva en soil temps une telle émotion dans l fopi­ nion publique de Grèce 0(2ii) qu'on peut dire que, grâce aux mesures draconiennes prises alors,, co cas fut 1 'épilogue du brigandage en Epiro et dans la Groco ontière0 Moins d*un mois après le forfait, tous les coupables étaient entré les mains de la justice et purgent actuellement leur peine 0 Deux d'entre eux, Tsili Mastoras et N 0 Eiamos? ont été condamnes à la réclusion à vie, les autres à de longues années d'em­ prisonnement* - *

Le Gouvernement Hellénique ne "peut qu'exprimer son re­ gret le plus profond pour l 'accusation^, jetée à la légère par le mémoire albanais, que "ces actions de brigandage étaient soutenues par les autorités mêmes"0 II ne peutÿ en outre, que souligner d'une part que plusieurs "brigands musulmans, tels quô'Djelal Damin Mote, Daoud Hodja, Aziz Lioulîa, Veïz Lani etc» ont., de leur côté, infesté la région, (2 5 ) et d'autre part que... plusieurs brigands ? condamnés'à mort par coutume e ., tels que Mousa Sele Durahman ot autres, se trouvent en Albanie et qu'il serait souhaitable que le Gouvernement Albanais procédât*' à leur extraditions, Car il est pénible do penser que le brigan­ dage;, extirpé après tant d'efforts du sol'grec, garde encore des représentants de l'autre côté de la frontière et menace &i^sl d !apparaître de nouveau un joura

(2l|.) Voir les journaux de l'époque3 "A noter qu'un musulman faisait partie de la bande des brigands0 (2 5 ) Le rapport No0 1 6 9 3 /6 du 23 novembre I.926 du Comman­ dement do Gendarmerie"do Filiati relate longuement'comment los musulmans Veïsel Maho, Sami Murtelap Soïnol Soulio ot Galip Malik, du village àe Shkofar en Tchamouria, toinbèront aux mains des brigands musulmans Aki .Sakio, Djemal Nit sa et Asif Kiamil, provenant de Konisÿolis (Albanie' du Sud), et ne durent leur salut qu'au paiement d'une.rançon do 7 OOO drachmes on papier-monnaie et 100 louis on or5 versée par le pore du pre­ miere Los brigands, à peine la rançon encaissée, passèrent à nouveau' la frontière, sans que la police put être alertée à temps 0 - 17" 15* Avant d* entrer dans 1’examen des cas contenus dans 1 «al. To du ch, IV de 1 ’Annexe I du mémoire albanais, il est temps de s • arrêter quelques instants sur une famille qui figure d ’une façon toute Spéciale dans le dit mémoire, Il s * agit d la famille Meta, ou Mete, ou Meti, ou Moto, du village de Mazarek, Un de ses membres a déjà été mentionné dans le paragraphe précédent du présent mémoire, parmi les brigands d'Epire qui ont trouvé un refuge en Albanie» On rencontre non moins de sept fois (26) cet illustre nom dans la pétition du Gouvernement Albanais, On devrait en conclure' que cotte fa­ mille est à la tôte du martyrologe do Tchamouria, On verra ce qui il en est,

Damin Mota est la souche du olan„ Adopte fervent, avec ses amis énumérés dans le cas 1 de 1 !àle b du 'chap«IV, du faible parti déclaré'contre !• échange, il manqua être lynché par le parti adverse, infiniment supérieur on nombre, désirant ltéchange et !• émigration on Turquie, (27) Ltintervention do 1 ’autorité, qui arracha Meta et ses partisans, aux fureurs do lours adversaires, et los consigna pour quelques heures dans une auberge, leur sauva la vie.

Dans le cas 2 du mdrne alinéa, Damih Meta est présenté comme ayant subi un internement à Zanto, Rien, n rest moins exact, Damin Meta, reconnu non échangeable, vécut, sans Ôtro le moins du monde inquiété, dans son village de Mazarek'et y mourut en 1952, Mais il laissa des fils, L e 'nommé Djelal, dont la carriè­ re de brigand fut déjà mentionnée, profitant d ’une amnistie générale‘proclamée après la répression définitive du brigandage ... en Grèce, se

(26) a) Page 13f ch, IV, aleb, cas 1. b) Page 13, ch,IV, al, b, cas 2, c) Page I5 , ch,VI, cas 2, d) Page 16, cas 3 (Meto ou Mohmot), e) Page 16, cas 3 (le fils do Shaqe Moto)« f) Page 16, cas 3 (le fils de Voliko Meti), g) Page 17 tout entière*

(27) Voir à ce sujet le paragraphe 9 du Doc.C, 81,1935*1, et plus spécialement les phrases suivantes du Rapport do la Délégation do la Commission Mixto (Doc,0,345,1921).,I) : " L2 Dé­ légation estime qui il ressort do la lecture de ces procès- verbaux que la très grande majorité des musulmans, sujets grecs, habitant l ’Epire et la Macédoine, se déclarent, sans hésiter, d ’origine grecque (los personnes d’origine grecque converties a liislamisme étaient soumises à 1 *échange) etb désirent, par " , conséquent, Ôtro compris dans l ’échange. Il n*y a quo des mino­ rités assez restreintes dans différentes localités, qui se disent albanaises d ’origine et désirent, par conséquent, être excep­ tées de 1 ’échange obligatoire,” - 18 -

rendit dans l ’Etat voisin et changea ses. occupations contre celles de Sous-Préfet à Konispolis (Albanie^ du Sud). ^ 28)H vint dernièrement en Grèce, et sa présence à Tchamouria peut ne pas être étrangère à 1 ’expédition de la pétition du 10 décembre 1934» Sa photographie, en chef ^de brigands, au mi­ lieu des membres de sa bande, est annexée au présent mémoire (Annexe 1). Il est inutile, après ce qui précède, d ’insister sur son "expulsion" (cas 2 du ch. VI). On n ’a qu’à démentir la "confiscation de ses propriétés", pour la simple ra.ison qu’il n ’en a guère.

Ce n ’est pas le cas pour son frère Tahir, qui possè­ de, en effet, la mai son mentionnée page 17 du mémoire alba­ nais. Les documents qui y figurent sont authentiques. Mais on a omis d ’ajouter les détails suivants : 1 ’intéressé em­ porta- la décision favorable No 126621 -des Ministres de l ’A­ griculture et de 1 ’Economie Rationale, à lui notifiée par l ’office No 4451 de la Sous-Préfecture de Paramithia, mais négligea de l'a communiquer, ainsi qu’il aurait dû le faire à la Commission de gestion des propriétés musulmanes, sié­ geant à Prévéza. De sorte que celle-ci procéda à l ’annonce que l ’on sait. Dès que l ’erreur lui fut signalée, elle s'em­ pressa de remettre la mai-son à son propriétaire.

16. Cette'digression nécessaire sur la famille Mete ayant pris fin, on peut poursuivre l'examen des quatre au­ tres cas d£- l ’ai, b' du :ch. IV.

Le cas 3 ne fait que répéter 1 'al. 2 du ch. II (voir paragraphe 13. du présent mémoire).

Le cas 4 réserve une mauvaise surprise' au rédac­ teur du mémoire albanais. Car l ’affaire fut, en son temps, l ’objet d ’unè pétition à la'Société des Nations, qui, sur les explications du Gbuvernemènt Hellénique (Doc. 375. 1928. I.), ne donné aucune suite à l ’affaire. (29) Mais il serait utile de la rappeler en quelques mots : Ali Dino, ex-député à la Chambre hellénique, accusé de haute trahison, se plaignit à Genève en attribuant cette accusation à 1 ’ap­ pui prêté par lui à le minorité musulmane de l JEpireJ Le Gouvernement Hellénique informa alors le Secrétariat que ■ l ’accusation portée contre Ali Dino avait été dictéepar le fait qu’il avait adressé à la Légation de Turquie à Athènes ■ des dépêches (dont copie était notifiée à la S.D.N.-) conçues en des termes très irrespectueux envers-le Gouvernement et demandant l ’intervention de la Légation. -Cet acte tombe sous le coud dé- l ’art. 134 du Code Pénal,, qui prévoit jusqu’à huit ' ans de prison pour quiconque provoque une puissance étrangère à une intervention. Cependant le coupable, traité avec une in du1gence touté particulière, ne s’attira aucune peine.

28) Le nom de Mete figure au bas dé la pétition télégraphique datée de Konispolis, 19 novembre 1934 (Doc. 81, 1935. I.)

29) La procédure de Madrid n ’existait pas encore à cette é- poque, de sorte qu’une lettre de clôture de l ’affaire ne^ figure pas dans le J.O. de la' S.D.N. La résolution de clô ture, prise par le Comité de Trois le 7 septembre 1928, fut communiquée le 11 du même mois par le Directeur de la Section des Minorités au Délégué de Grèce à la S.D.N. 19 -

Le cas 5 est un essai littéraire d ’imagination. Au­ cune plainte y relative n ’a d ’ailleurs jamais été adressée aux autorités supérieures compétentes, ni une rumeur quel­ conque transpira à ce sujet.

Le cas 6 de même, mais puisque deux noms sont men­ tionnés, il est intéressant de noter que Nikn Meksi existe, mais qu’il ne pouvait prendre part à la soi-disante incursion de 1928, pour la simple raison qu’il était déjà depuis 1927 juge de paix à Delvinaki de Pogoni. Quant à Spiro Calleku, il ne figure pas dans les listes de notaires existant ou ayant existé en Grèce. L ’unique notaire de Paramythia, qui y exerce ses fonctions depuis dix ans, se nomme Sotirios Va- laskakis.

17. Quant aux prétendues expulsions, il a déjà été question dans le paragraphe 15 du présent mémoire, du cas 2 du ch. VI. Il reste à examiner les cas 1, 3 et 4 du même cha­ pitre . Vehip Sulejman Mushin, de Lopsi, quitta la Grèce en 1917, s ’établit en Albanie et rentra en Grèce en septembre 1930, muni du passeport albanais No 3467. Il posa la question de sa nationalité, et la Commission supérieure compétente, siégeant alors au Ministère des Affaires Etrangères, examina son affaire avec toute 1 ’attention voulue. Elle constata, dans sa 463e séance du 13 mars 1931, qu’il était échangeable. Il quitta, quelque temps après, la Grèce, accompagné de sa femme.

Cafa Malo^ de Shqefar, absent de Grèce depuis plu­ sieurs années, n ’est pas ressortissant hellène. Le 5 décembre 1934, il tenta en vain de s ’introduire clandestinement dans le territoire hellénique. Il répéta sa tentâtive la nuit du25 au26 mars 1935, et réussit, se présenta au Gouvernement Géhéral à Janina, et supplia qu’on le laissât soumettre une requête d ’ad­ mission à l ’indigénat hellénique, ce qui lui fut accordé. On lui permit de rester "en Grèce, où il se trouve actuellement, en attendant que sa requête soit examinée par les commissions compétentes. Quant à son entrée clandestine dans le territoire hellénique, qui tombe sous le coup des art. 6 et 26 de la Loi 4310, il fut condamné par le Tribunal de Police à dix jours d’emprisonnement. On lui permit de commuer sa peine en amende à raison de 20 drachmes par jour, ce qui fait que la contra­ vention commise lui coûta en tout 200 drachmes (environ 5 francs or).

Malko Izéti entra lui aussi clandestinement sur territoire hellénique. Il fut appréhendé par le Poste de Gen­ darmerie de Mazarek et repoussé hors du territoire. 6n âe de­ mande comment il eut le temps de distribuer des livres alba­ nais. Quant aux prétendus mauvais traitements qu’il aurait subis, ils sont démentis catégoriquement par l ’autorité com­ pétente. b) Liberté de retour au pays.

18. La pétition du 10 décembre 1934 parle, d ’une manière assez vague, de 300 musulmans vivant à 1 ’étranger, dont le re­ tour en Grèce est interdit parce qu’ils sont considérés comme échangeables. La question semble se lier à celle traitée dans le paragraphe 12 du présent mémoire. Il en est le même pour les passages suivants de ladite pétition, concernant la question du rachat du service militaire et celle de la reconnaissance de la non-échangeabilité, dont traite in extenso la note 22 du pré­ sent rapport. - 20 - c) Liberté de conscience.

19. L ’annexe I du mémoire albanais, dans son ch. III, accuse les autorités de Filiati d’avoir exercé une pression mo­ rale sur les musulmans de cette localité, afin dé les con­ traindre à signer les télégrammes mentionnés dans les $1 . b et c du paragraphe 17 du Doc. C. 81. 1935. I. Il-est aisé de formuler des accusations gratuites. Le 15 novembre 1934, les notables de Filiati, ayant appris avec indignationsles allé­ gations de la presse albanaise, se réunirent spontanément sous la présidence de leur chef religieux:, le mufti de Filiati Zekiria, et rédigèrent la dépêche connue à la Société des Nations, dépêche qu’ils tinrent à remettre eux-mêmes au Bu­ reau télégraphique, où ils se rendirent en groupe. Ils se présentèrent ensuite solennellement au Sous-Préfet, pour lui en remettre copie.

Avec la même facilité que pour ses premières accu­ sations, la presse albanaise lança la calomnie de la soi-di­ sante pression morale des autorités helléniques. Nouvelle in­ dignation des notables, nouvelle séance chez le mufti Zekiria et nouvelle dépêche de protestation, signée cette fois-ci non seulement par les notables de Filiati, mais par tous les Chefs religieux et civils de la région, s ’associant à la manifesta­ tion de leurs concitoyens de Filiati.

Le Gouvernement Hellénique, qui répond avec tant de patience et de minutie aux différentes accusations albanaises et qui en fait démontrer la fausseté 'par le langage implacable des faits, se déclare incapable de mieux se défendre sur un point où le Gouvernement Albanais peut ne jamais battre en re­ traite. Car comment, établir que les autorités de Filiati ne procédèrent pas à une pression morale, comment prouver un acte négatif ? On ne peut que s ’en remettre a un jugement basé sur ce .que valent en général les diverses sources a ’information actuellement en cause.

20. Mais si, en fait-de liberté de conscience, on avait à invoquer l ’attitude habituelle de 1 ’administration hellé­ nique vis-à-vis de la minorité musulmane ce Tchamouria, ne devrait-on pas se réclamer de mille preuves prises dans la vie journalière de ces populations?

Les moeurs ancestiales, les us, ; les coutumes, l ’ha­ billement national sont respectés. Les femmes musulmanes por­ tent le voile ; les hommes pratiquent la polygamie et rélè­ guent leurs épouses dans les gynécées; le. culte islamique est pratiqué dans toute son étendue. La Grèce ne se permettra pas de toucher à ces traditions, aussi longtemps qu’elles seront chères à ceux qui les gardent aujourd'hui encore si jalou­ sement . III. DROITS CIVILS ET POLITIQUES. (Art. 7 du traité du 10 août 1920.) a ) Droits électoraux.

21. Le Gouvernement Hellénique, dit la pétition dû 10 décembre 1934, n ’a jamais "permis" que des représentants de la minorité musulmane de Tchamouria soient "envoyés-'1 à la Chambre. - 21 -

Tout citoyen hellène, pourvu qu’il se conforme à la loi électorale, qui est égale pour tous, peut, s ’il a 25 ans révolus et s ’il n ’a pas subi de condamnation diffamatoi­ re, soumettre sa candidature, non point au Gouvernement, mais au Tribunal de première instance de son département. Son en­ voi à la Chambre ne dépend que dés électeurs.

Or il est facile d ’expliquer comment il se fait que les deux autres minorités existant en Grèce, celle juive de SaIonique (62.999 âmes) et celle musulmane de Thrace Occiden­ tale (86.506 âmes), sont représentées d ’une façon régulière par respectivement deux et quatre députés à la Chambre, et que la minorité musulmane de Tchamouria (18.598 âmes) n ’en compte aucun.

La population de la Grèce étant,de 6.204.684 âmes, et•le nombre de députés étant de 250, '^Oi un député corres­ pond à 2 5 . 0 0 0 habitants « Or, non seulement les musulmans de Tchamouria n ’atteignent pas ce chiffre, mais ils sont répartis entre deux circonscriptions électorales, les départements de ’Janina et de Prévéza, correspondant aux. anciennes divisions administratives ottomanes. Et les électeurs musulmans de ces deux départements sont à peine 4000, sur un total de 50.000 électeurs environ.

22. Mais il n ’est pas sans intérêt ' de jeter un coup d’oeil sur les diverses candidatures musulmanes, posées de­ puis que l ’Epire. fait partie de-la Grèce.

On. a, parlé -plus haut d’Ali Dino, ex-député. Il fut, en effet, élu à Prévéza aux élections du 6 décembre 1915, ain

qu’un aut^e^musuiidan, car ils avaient été compris dans la lis o: et gouvernemental,ë’^ét • qu’ il n ’y avait pas d'autre liste dans cette c ir c on c r i pt i o n.. ' Ma 1 s Ali ..Dino avait en, même temps posé sa can­ didature à J'anina, (31) ^ans. une des deux listes qui s ’y affron­ taient. ,I'l- n ’y fut pas élu, comme il ne l ’avait pas été aux 'élections précédentes du 31 mai 1915, où il s’était présenté comme-indépendant, et comme il ne le fut pas non plus aux é- leetions suivantes.du 1er novembre 1920 et du 7 novembre 1926,

. f '■ i •: b »...... 1

; {30 ) Ce. n 'est, qu ’ ex'cèpt.ionne llement que' le "Parsèment actuel, • - qui -esti;,un e - Assemb lée Constituante > compte1 .^ÔO.^membres.

(31) La législation hellénique permet- que la même candidatu­ re soit posée dans plus d ’une circonscription. ; - 22 -

Dans ces dernières élections, on vit pour une première et seule fois à Prévéza une "liste des musulmans de Tchamouria" comprenant trois personnes. Elles furent blackboulées surtout 1 par leurs propres coreligionnaires.

Aux élections du 25 septembre 1932, il y eut un candi­ dat musulman indépendant, qui échoua, et un candidat musulman compris dans la liste de Prévéza du parti ouvrier-paysan, liste qui échoua tout entière dans cette circonscription. b ) Admission aux emplois publics.

23. Sur ce chapitre encore, les pétitions albanaises comparent la minorité musulmane de Tchamouria avec la minorité grécophone de l ’Epire du Nord. La comparaison est malheureuse, car il est connu que les populations grecques de l ’Epire du Nord sont d fune culture ancienne et raffinée, tandis que les musulmans de Tchamouria sont des paysans attachés à la glèbe. Un seul musulman de Tchamouria, Fevzi Mustafa, se présenta jusqu’à ce jour pour être admis dans la carrière administrati­ ve. Il y fut accueilli avec joie, et est actuellement Secrétaire à 1 ’Inspection des finances de Filiati » Aucun musulman ne se présenta Jamais aux concours des écoles militaires.

24. Mais le susnommé n fest pas le seul musulman de Tchamouria rétribué par la Caisse publique. Les muftis et les professeurs de religion musulmane le sont aussi.

25. Une autre catégorie de fonctionnaires est celle, des gardes-champêtres. "Les musulmans de Tchamouria n ’en comptent pas un seul”, dit le Gouvernement albanais dans son mémoire. Il est étrangement mal renseigné. Non seulement la.grande majo­ rité des gardes-champêtres des villages musulmans et mixtes sont musulmans, mais plusieurs le sont aussi dans les villages chrétiens (voir, en Annexe 2, la liste des 77 gardes-champêtres musulmans). Il n ’est pas sans intérêt de noter que la localité de Filiati, chef-lieu de Sous-Préfecture, localité qui compte 1500_habitants chrétiens et 800 musulmans, a quatre gardes- champêtres et que tous les quatre sont musulmans.,

26. Les communautés comprenant en totalité, en majorité ou même en minorité, des musulmans, sont administrées par des Conseils Communaux musulmans en tout ou en partie. Sont égale-, ment musulmans plusieurs parmi les Secrétaires de ces Conseils Communaux.

27. Dans les communautés comprenant des musulmans, la majorité des Commissions de surveillance des écoles publiques élémentaires est composée de musulmans.. La circonscription scolaire de Paramithia-Margariti en compte 187, celle de Filiati 71 (Voir leurs noms en Annexe 3).

28. Dans les deux orphelinats publics de Tchamouria, des notables musulmans (le mufti Zekiria à Filiati et Salim Muheddin à Paramithia) ont été nommés membres des Conseils respectifs d ’administration et exercent toujours cette charge d ’honneur.

29» Des musulmans sont régulièrement nommés dans los Caisses de la Production Hu.il 1ère à Filiati, Goumenitsa, ParamytMa, .Margari t:L et Parga> D ? autre s sont désignés annuel­ lement , par les Inspecteurs des finances, comme membres des_ Commissions fiscales pour la vérification de la dîme des olives. -ES­

SO. Avant de clore ce chapitre, le Gouvernement hellé- nioue tient à formuler une remarque. Tandis^ qiji'en Grèce toutes les charges, de la plus basse à la plus haitite v32) gpnt accessi­ bles à tous les citoyens sans autre distinction que celle du mérite, il existe une disposition de la Constitution albanaise, d'après laquelle seules les personnes d 1 origine ethnique alba­ naise peuvent avoir accès aux fonctions de ministre®,• Sans compter que ceci contrevient à 1 ’obligation de l ’art. 4 de la Déclaration albanaise du 2 octobre 1921 concernant les minori­ tés , il est regrettable que la minorité épj rote tout entière soit de la sorte exclue du Gouvernement du pays et que celui- ci soit privé des services d ’un élément qui surpasse de beau­ coup en culture 1 ’élément majoritaire de l ’Albanie.

c) Libre usage de la langue maternelle.

31. La langue albanaise étant couramment parlée en Grèce(33)} l ’accusation albanaise d ’interdiction de son libre usage semblerait risible à toute personne connaissant le pays. Mais il n'est pas ssnü intérêt de s'occuper de chacun des qua­ tre exemples cités, à l ’appui de cette accusation, dans le ch. V de 1 1Annexe I du mémoire albanais.

32. Hadji Sadik et ses compagnons se trouvaient, en effet, le 19 octobre 1933, dans le débit de boissons du musul­ man Ba jo Tasini. Leur état d ’ébriété étant arrivé à un point inquiétant, le propriétaire du débit fit mander la police. Les fêtards furent abrités au poste jusqu’au lendemain matin, où ils furent de nouveau en état de marcher. Le chef du poste fut assez indulgent pour ne point les poursuivre, comme il en avait le devoir, pour avoir troublé la tranquillité publique.

33. Les frères Brahimi sont des contrebandiers de tabac notoires. Ils furent pris en flagrant délit et portés devant le Tribunal correctionnel de Prévéza.

Il est, d ’autre part, pénible de voir accuser aussi à la légère le Commandant de la Gendarmerie de Margariti, qui, officier exemplaire, est tellement estimé par les musulmans de cette région, que lorsque, sur sa demande, il fut transféré à un meilleur poste, l ’ordre de son transfert dut être immédiate­ ment révoqué, sur les démarches instantes des musulmans de Margariti.

34. Le troisième cas rappelle le premier, avec la diffé rer.ee que la bande joyeuse était cette fois mixte, comprenant trois musulmans, Galip Vejsel Sejko, Djelal Emin et Rustem Izet et deux chrétiens, Evanghelos Tsangos et Anastase Sotiriou. Ayant provoqué un scandale, ils furent menés devant le Tribunal correctionnel, qui, le jour même (6 novembre 1934), rendit à leur sujet l ’arrêt No.25. Par cet arrêt Rustem Izet fut renvoyé des poursuites, Galip Vejsel Sejko fut condamné à dix jours à’emprisonnement, et les trois autres à trois jours^de la même peine. Ces peines furent déclarées commuables à raison de 20 drachmes (environ 60 centimes or) par jour. On est donc loin des deux mois de prison et des 25^0 drachmes d ’amende.

(32) Il y eut, en Grèce, des ministres appartenant à la mino rité juive. (33) Voir note 7 du présent mémoire.: - 24 -

35. Ainsi qu'il appert d ’un rapport détaillé de la Di­ rection d e la Gendarmerie de Janina, daté du 5 décembre 1934 et portant le Mo 16/423/2, le nommé Hajdar Ciumane fut, en effet tué, la nuit du 50 novembre au 1er décembre 1934» par le sous- 1 brigadier ICartakis, dans les conditions suivantes:

Ciumane était un dangereux repris de justice, possédant un casier pénal particulièrement c h a r g é ^ ^ « Sur des informa­ tions qu’i-1 allait, à la dite date, transporter du tabac de con­ trebande , cinq gendarmes, sous le commandement du dit sous- brigadier , lui tendirent une embuscade. Il fut bientôt aperçu, transportant, un sac qui, d ’après les vérifications faites plus tard, contenait environ trente kilogs de tabac en feuilles. Sommé de s ’arrêter, il jeta le sac et se mit à fuire, poursuivi p.ar les gendarmes, contre lesquels il tira plusieurs coups de son Lebel. Les gendarmes ripostèrent en tirant en l'air, mais à un moment où Ciumane visait un gendarme qui avait fini par \ s'approcher de lui, le sous-brigadier Kartskis sauva la vie du gendarme en tirant sur le bandit, que sa balle blessa mortelle­ ment .

Non seulement Kartakis n'a pas. été promu, mais il a été déféré à la justice, devant laquelle 1* affaire suit encore son cours.

IV. DROITS A L ’INSTRUCTION.

(Art. 8 et 9 du traité du 10 août 1920).

. 36. Avant 'd’aborder cette question, et vu qu’ici, comme ailleurs,, le Gouvernement albanais tente d ’établir une corréla­ tion entre la question scolaire de l ’Epire du Nord et une soi- disant question de 1'instruction en Tchamouria, il est néces­ saire de s ’arrêter, un moment, sur la lettre et sur l ’esprit des dispositions minoritaires qui régissent ce chapitre.

Les obligations des Etats soumis au régime minoritaire sont d'un ordre double :

a) Maintenir 1"état culturel où se trouvait la minorité au moment où elle fut englobée dans tel organisme étatique.

b ) Développer cet état culturel suivant 1 'évolution nor­ male du niveau général de civilisation.

Il est évident que la seconde obligation dépend en quel­ que sorte de la première.

On n ’a pas à s'étendre ici sur le sort fait à la culture plusieurs fois séculaire de l ’Epire du Nord( 35 ) $ cette question

(34) Voir notamment l'arrêt No 2725 de 1952.du Tribunal correc­ tionnel de Janina et l'office No 2909/3 du 12 janvier 1932 du Service des Empreintes Digitales de Janina. (35) Voir,, sur'le rayonnement de Moschopolis eu début du XVTTIe siècle, la note 7 du présent mémoire » Voir"aussi Dumont, La ^Turquie d ’Europe, 1875: "En Epire, tin 'Village" grec 'sans maître est tout aussi rare qu’une vallée sans c o l l i n e s^environ- nantes,.. Dans des villages habités par moins de cent âmes, on peut toujours rencontrer un instituteur distingué, des biblio­ thèques bien garnies, les*éditions d ’oeuvres classiques les '_ meilleures et la totalité des enfants fréquentant l ’école, bien que l ’instruction n ’y soit pas obligatoire'1. - 25 - qui a déjà provoqué l ’Avis consultatif du 6 avril 1935 de la Cour permanente (le Justice internationale, étant actuellement entre les mains du Conseil.

Quant à une culture albanaise, elle n ’existait tout sim­ plement pas jusqu’à la fondation de l ’Etat albanais en 1913/ 1921(36), De timides essais de littérature parurent pour la pre­ mière fois il y a vingt-cinq ans, sous la forme de deux recueils de chansons populaires(37) Un alphabet commun à tout le pays n ’avait pas pu être établi(35). L ’Avis consultatif du 6 avril 1935 de la Cour Permanente de Justice internationale reproduit les déclarations suivantes, faites par le représentant de l'Albanie devant le Consail, le 14 janvier 1935: ”Jusqu’en 1912, 1 ’enseignement en Albanie différait suivant les religions: les musulmans fréquentaient lus écoles ottomanes, les orthodo­ xes les écoles grecques et, dans les districts voisins des Slaves, les écoles serbes ou bulgares, les catholiques fréquen­ taient 1rs écoles italiennes ou autrichiennes... Dans tout l’Empire Ottoman, il n ’y avait qu’une seule école où l ’albanais était enseigné, et c’était l ’école américaine de Korytsa(39),

(36) Voir The,Encyclopaedia Britannica, 14th éd., 1929, vol. 1, p.512: ’’Under the turkish domination, which prohibited teaching in the , the remained in ignorance”. (37)^Spiro Ri-sto Dine, Valet e dedit, 1908. Vinzenz Prennushi, Kangê pnpullore gegnishte, 1911. On a déjà parlé, d ’autre part, plus haut, d ’un ouvrage historique, et des ébauches de gram­ maire et de lexicographie virent aussi le jour vers la même époque. •

(38) Voir La Grande Encyclopédie, Tome 1er, p.1134: ”Dans les livres albanais, publiés par la Propagande,■ on se sert de.l’al­ phabet italien moderne en ^ ajoutant quatre lettres particu­ lières; les Albanais eux-memes emploient 1 'alphabet êrec moderne, également avec des lettres particulières; il existe encore un alphabet ecclésiastique albanais de trente lettres offrant de grandes ressemblances avec les caractères phéniciens, hébreux, arméniens, palmyréniens”. Les timbres-poste émis le 15 octobre 1914 à Valona par la Commission provisoire de Gouvernement, ainsi que ceux émis le 9 janvier et le 10 février 1915 par le Gouvernement d ’Essad Pacha, établi à Durazzo en 1914-1915, portent des inscriptions en caractères turcs.

(39) Voir à ce sujet les déclamations du représentant de la Grèce à la séance du 24 février 1919 de la Commission chargée d’étudier les questions territoriales intéressant la Grèce, telles qu’elles furent rectifiées à la séance suivante du 26 février 1919 (p‘.51 et 61 des Procès-Verbaux de la Commission) "J’ai ici une carte italienne tracée par un haut fonctionnaire du Minis.tère des Affaires étrangères d'Italie, M. Luigini. D ’après cet auteur, dans le sandjak de Korytsa, il y avait avant les guerres balkaniques 177 écoles grecques avec 224 instituteurs et 7325 élèves, dans la ville même de Korytsa 72 écoles grecques avec "3452 élèves. Par contre, il n ’y avait ’qU'une seule école albanaise”. Voir également à ce mlbue sujet, la demande adressée, pendant la séance du 27 février 1919 (p.79 des Procès-Verbaux de la Commission), par le Président à M. Tourîoulis, porte- parole albanais appelé à fournir certains renseignements au:: - 26 -

Les Albanais imputent ce manque de culture au joug ottoman, La Grèce n ’a point à entrer dans cette question. Mais elle ne peut que signaler que sur son propre territoire, où vivent depuis des siècles des. dizaines de milliers de per­ sonnes parlant 1 1 albanais à côté du grec(40)f jamais un besoin culturel albanais ne se fit sentir. L'esprit libéral bien connu de la Grèce, qui fait que les écoles valaques, juives, turques y fonctionnent sans aucune contrainte, n'aurait eu aucune raison à imiter le Gouvernement ottoman Sans son- obs­ truction, si obstruction il y euti ce Et voici/que le Gouvernement albanais- feint de ne pas saisir. Les chrétiens bilingues d'Attique ou d ’Argolide sont Hellènes tout au moins depuis la guerre de 1 1 indépendance de 1 8 2 1 , les musulmans de Tchamouria sont Hellènes depuis les guerres balkaniques de 1912-1913. Ni les uns, ni les autres n ’ont jamais appartenu à l'Etat albanais. Et 1 ’occupation grecque de l'Epire du Sud, qui commença le lendemain (19 octo­ bre 1912) de la déclaration de la guerre à la Turquie et fut suivie d ’un débarquement en Epire du Nord (Chimara, 18 novem­ bre 1912), est antérieure à la proclamation de 1 ’indépendance albanaise (Valona, 28 novembre 1912), comme d ’autre part ^le. titre international sanctionnant cette occupation (traité de Londres du 30 mai 1913) est antérieur à la reconnaissance - • • - internationale de 1 ’Albanie (protocole de Londres du 2.9 juil­ let 1913). L ’Etat albanais poursuit, depuis sa constitution ou plutôt depuis sa consolidâtipn en 1920-1921, une oeuvre culturelle qui, en tant qu’elle n ’empiète pas sur_d.es. droits acquis, est digne de beaucoup d ’a t t e n t i o m ^ l ). Mais il^est absurde de prétendre que des populations étrangères, même membres de la Commission: "A propos d ’écoles, puisque vous êtes de Korytsa, pouvez-vous m ’expliquer pourquoi, dans cette ville, l ’école américaine pour les Albanais était fréquentée par des élèves beaucoup moins nombreux que les écoles grecques?” et^ l'a réponse de celui-ci : ”11 est exact^qu’il y^avait 2500 élè­ ves dans les écoles grecques et peut-être 50 à 60 dans l ’éco­ le albanaise qui était la seule permise par la Turquie dans toute l ’Albanie”. En 1916, pendant 1 ’occupation temporaire de Korytsa • par les troupes françaises , une éphémère ’’République Albanaise" fut proclamée dans cette ville, à 1 ’initiative et sous la pro­ tection des autorités militaires françaises. Elles y ouvri­ rent des écoles albanaises. Et pourtant c’est à des sources françaises de cette époque qu’on voit que ces écoles ne purent concentrer que 442 élèves, tandis que 4175 élèves continuèrent à fréquenter les écoles grecques. (40) Voir note 7 du présent mémoire. Pour la Grèce, l ’albanais parlé en Attique ou en Argolide est en quelque sorte ce qu’est pour la France le provençal, le breton, le basque, le flamand ou.pour la Grande-Bretagne le gallois. L ’amiral Coundouriotis, ancien président de la République Hellénique, était albanais comme Aristide Briand était breton et comme M. Llcyd George est gallois. Encore, y a-t-il depuis des siècles une culture locale provençale, bretonne, basque, flamande, galloise, tandis que la culture albanaise date de ce siècle. (41) Voir le discours du trône prononcé à l ’ouverture de. la ses­ sion 1933-1934 du Parlement albanais: ’’...Afin d ’assurer à notre peuple une culture homogène et une instruction plus convenable, qui soit compatible avec 1 ’éducation nationale la plus choisie, notre Gouvernement, comme premier pas de la réforme future de 1 ’instruction a apporté certaines modifications dans les écoles, etc.etc.”. Voir également la lettre adressée par le Rci-Zog à son Premier ministre et reproduite dans le No du 27 septembre 1934 du journal ”Besa” de : ”... De 1 ’application fidèle de ce nouveau statut (culturel), nous attendons la réalisation de l ’unité nationale etc.etc.”. - 27 - présentant certaines affinités ethniques, doivent se mettre à la remorque de ces initiatives. Les Américains du Nord parlent une langue qui se différencie de plus en plus de l'anglais â d’Angleterre» Le français du Canada a évolué d ’autre façon que le français de France. Les Turcs de Bulgarie emploient le vieil alphabet turc quand celui-ci est depuis longtemps aboli en Turquie* Et les signatures en caractères grecs ou turcs des pétitionnaires du 10 décembre 1 9 3 4 prouvent que ceux-ci ne pensent guère à suivre la réforme du Gouvernement albanais qui généralisa l ’usage de 1 ’alphabet latin sur son territoire.

37. LTne fois ce point élucidé, et le Gouvernement hellénique repoussant avec énergie toute prétention, sur ce terrain, du Gouvernement albanais, il reste à voir ce que la Grèce, ayant trouvé ’’néant" en fait d1 instruction albanaise en Epire, est tenue de faire conformément à. ses obligations découlant du traité minoritaire du 10 août 1920, obligations placées sous la garantie de la Société des Nations le 26 sep­ tembre 1924.

Elle est tenue tout d ’abord de respecter la volonté des populations intéressées. Celles-ci, pour qui l'instruction a s suivant ce qu’on remarque d'habitude parmi les nations orien­ tales, un caractère religieux(41bis) f tenaient surtout à être assurées du libre enseignement de la doctrine islamique. Tou­ tes les fois qu'elles exprimèrent le désir que cot enseignement fût fait en albanais et non plus en turc, les autorités hellé­ niques accédèrent avec empressement à ce désir. Il fit plus, et toute nouvelle demande de nomination de professeurs musul­ mans fut a g r é é e ( 4 2 ) . une liste de 31 localités de la Sous- Préfecture de Filiati et de 9 de celle de Paramithla, où des professeurs musulmans sont en fonction, est jointe au présent mémoire (Annexe 4),

38. Mais la pétition du 10 décembre 1 9 3 4 cite aussi une école privée pour jeunes filles, fonctionnant à Filiati et soi-disant fermée par les autorités en 1 9 2 9 , la même année de sa fondation.

La pétition albanaise est dans l ’erreur. L'école de Filiati ne fut pas fondée en 1929, mais bien en 1 9 1 5 , avec Isassentiment des autorités helléniques. Elle fonctionna jusqu'en 1 927, puis suspendit volontairement ses cours pour des raisons d'ordre écc-noMque, les reprit en 1929, végéta encore trois ans, et ferma définitivement ses portes en 1 9 3 2 , pour manque d'élèves.

Le cas est caractéristique. Les écoles privées sont un luxe pour les populations musulmanes agricoles de l'Epire. Elles n'en ont que faire lorsque dans les écoles publiques gratuites elles apprennent, par 1 'enseignement religieux qui leur y est fait en albanais, leur idiome local, ce qui est amplement suffisant à leurs besoins culturels et ce- qui cons­ titue pour eux un progrès énorme vis-à-vis de 1'ignorance to­ tale où ils étaient plongés avant l'établissement de l'admi­ nistration hellénique (43), plus, ils apprennent dans

(41bis) Voir Avis consultatif du 6 avril 1935 de la C.P.J.I.: "...c'est seulement par une loi préparée en 1629 qu'on a vou­ lu séparer 1 'enseignement civil de 1 'enseignement religieux" (en Albanie). (42) On 3&u dans le paragraphe 24 du présent mémoire que ces professeurs sont rétribués par la Caisse publique. (43) Voir note 36 du présent mémoire. - 28 -

css écoles^4) les notions de grec qui leur sont nécessaires pour participer, et on souhaite qu’ils y aspirent de plus en plus, à la vie publique, sociale et économique du pays. Il est d 1ailleurs universellement connu que les cen­ tres helléniques de culture sont largement ouverts à tous ceux qui veulent bien s'y instruire, majoritaires ou minoritaires, nationaux ou étrangers. Et le Gouvernement albanais sait très bien que les personnalités les plus en vue de la politique, de 1 'administration et de la diplomatie albanaise, ont toutes ou presque toutes largement puisé aux lumières des écoles et des universités de la Grèce, 39. Il reste à examiner certains griefs spéciaux, re­ latés dans le nh. VII de 1 TAnnexe I du mémoire albanais. On est ici transporté en plein pays de rêve. Obliger les enfants musulmans à faire le signe de la croix serait une infâme plaisanterie dont aucun instituteur grec n'est capable, Et si jamais un pareil acte était dénoncé aux autorités helléniques, les musulmans de Tchamouria savent bien qu'il serait châtié sur le champ d'une façon impitoyable et exemplaire. Le Gouvernement hellénique ne saurait cacher que cotte calomnie de la plus basse espèce lui a causé un sentiment de profond dégoût. Et ceci d'autant plus quo l’Alba­ nie, contenant de nombreuses populations chrétiennes, devrait savoir que de tels procédés ne sont pas familiers aux person­ nes de cette religion. Quant à 1 ’existence d ’un nommé Shaban Ciali, elle n*a pas pu être établie, malgré des recherches minutieuses dans les registres des détenus à Prévéza(45). Bien que la chose fût difficile, une enquête sévère a été menée à Mazarek pour découvrir s'il s'est réellement trou­ vé un instituteur s’amusant à estropier les noms des enfants. Rien de tel ne fut établi„ Mais là où le Gouvernement hellénique demeura vraiment perplexe, c'est quand il voulut bien approfondir le sens du second alinéa du troisième cas, 12 ans, 13 ans, 10 ans, 12., 14, 15 ans».. s ’agit-il d?années d'emprisonnement ou de l'age des enfants? Cette plaisanterie du' mémoire albanais semble fort déplacée dans un document destiné aux membres du Conseil de la Société des Mations. 40. Le Gouvernement hellénique doit encore démentir de la façon la plus formelle 1'allégation d'après laquelle l'entrée de publications albanaises est prohibée en Grèce. Livres, journaux, périodiques, imprimés de toute sorte y cir­ culent en toute liberté. -Il est vrai que la vente de deux nu­ méros du journal "Besa" de Tirana, contenant des articles in­ jurieux pour la Grèce, fut interdite, il y a quelques mois, pour des raisons d'ordre public. Mais le Gouvernement hellé­ nique croit ne pas .se" tromper en disant qu’il ne se passe pas un jnur sans qu’on signale des interdictions, dans nombre de pays, de journaux d'un langage autrement modéré que celui de nBesa".

(44) 192 écoles primaires, 69 écoles maternelles, 4 gymnases (dont un à enseignement secondaire complet), 1 école normale pour instituteurs d 1 écoles maternelles. (45) Office No. 443 du 2 juillet 1935 de la Direction des Prisons de Prévéza. - 29 - V. REGIME FONCIER

(Art. 11 du traité du 10 août 1920)

La portée de 11 art = 11 du traité minoritaire de Sèvres^ étant limitée non seulement quant à la durée mais aussi quant à 1 1 étendue, la Grèce ne fut à aucun instant sou~ mise à une restriction quelconque quant à 1 ’application de sa réforme agraire sur les territoires acquis par des traités antérieurs à la guerre de 1914—1919 et comprenant la région do Tchamouria en Epire »

42. Il est nécessaire do tracer ici sommairement les lignes générales du.système qui fut à la hase de la ré­ forme agraire en G r è c e , ^ / en tant du moins qu’elles tou­ chent aux récriminations albanaises.

Il est exact que 1 1 article 119 de la Constitution Hellénique^®) contient, dans son paragraphe 5, la disposi­ tion suivante t " Sont exceptés de .11 expropriation prévue par le présent article % ... 2) les terres cultivées d'une façon quelconque jusqu'à 300 stremmes (30 hectares).. . 11 Mais une déclaration interprétative, faisant corps avec - l’article 119, stipule : 11 Ne rentrent pas dans les dispo­ sitions du paragraphe 5 numéro 2 ; a) les "bastaines", b) les terres réservées à la culture du tabac dans la Macédoine et la Thrace, dont les superficies sont réglées par une loi "*

Et c'est ainsi que le Code de la réforme agraire, se conformant à cette norme constitutionnelle, stipule dans son article 3, alinéa c ; " Est exceptée de 1'expropriation une étendue de 300 stremmes (si possible à proximité de 1 ’habita­ tion du propriétaire) dans tout l'Etat, sauf en Thessalie (y compris l ’arrondissement de Domokos), en Epire (y compris le département d 1 Art a ), en Macédoine et en Thrace 11 »

(46) 11 Pendant une période de six mois après la mise en vigueur du présent Traité, la Grèce s'engage à n 1introduire aucun nouveau règlement tendant à modifier le régime foncier dans les territoires acquis par la Grèce en conformité des traités ayant mis fin à la guerre de 1914-1919 ti.

(47) La Réforme agraire est une des oeuvres de la plus grande envergure qui aient été entreprises en Grèce depuis la libération du pays. Elle a abattu le système semi- féodal que 1 'Empire Ottoman légua à la Grèce et a libéré du servage des milliers de familles de cultivateurs. La légis­ lation y afférente a été coordonnée, par Décret du 5 juillet 1932, dans un volumineux Code de 186 articles, publié dans le Journal Officiel du 23 juillet 1932 (Première Partie, No ..235).

(48) La citation de "l’article 99 de la réforme agraire" faite par la pétition du 10 décembre 1934 est fan­ taisiste. L'article 99 du Code traite de questions relatives à la succession des lots, et les lois précédentes ne contien­ nent pas un tel article. - 30 -

ün n'a pas à s'occuper ici des raisons spéciales qui motivèrent une réglementation particulière des étendues macédoniennes et thraces vouées à la culture du tabac. Mais on doit expliquer ce qu'est la " bastaine ", système en vi­ gueur , sous le régime ottoman, en,Thessalie, en Epire et dans une partie de la Macédoine. ^ 9 ) c'est un droit réel, transmissible par succession ou autrement, des colons ("col­ lègues"), qui payent une somme annuelle fixe au propriétaire et no peuvent pas être renvoyés par lui, ainsi que des arrêts sans nombre des tribunaux ottomans 1 'attestent„ Ce système régissait la presque totalité des propriétés foncières de la Tchamouria, concentrées du reste en grande partie aux mains des familles féodales musulmanes des Pronjo, des Dino, des Demi et des Sejko. Il est évident que dans ces conditions une application du système d 'exception des 500 stremmes était impossible, d'autant plus que les propriétaires en question ne s 1 étaient jamai souciés de se mêler, en quoi que ce fût, à la culture de leurs terres. Tout le profit en retomba aux petits cultivateurs musulmans, qui, sans -terre autrefois, sont aujourd1huIvÿbssesseurs d'un lot de terre d'une étendue va­ riant de -20 à 50 stremmes, et qui bénissent le ciel de n'être plus opprimés par leurs anciens seigneurs.

43. Il est maintenant extrêmement intéressant de si­ gnaler un double privilège dont ont joui les musulmans de Tchamouria quant à 1 1 estimation de leurs propriétés expropriées.

a) Cette estimation étant basée sur les prix de ven­ te des produits agricoles, multipliés par certains coefficients, et les Tribunaux de première instance compétents ayant jugé comme valables pour ieute l'Epire les prix-standards de sa ca­ pitale Janina, il enfésulte un bénéfice de 100 % pour les propriétaires de Tchamouria, car il est ,r?.otoire qu'à cause du manque de communications ferroviaires, ' les produits de Tchamouria sont vendus sur place à des prix inférieurs de la moitié à ceux du chef-lieu de la province;

b) Les musulmans de Tchamouria ayant quand même ex­ primé certaines plaintes quant à 1 1 estimation de leurs pro­ priétés , le Gouvernement Hellénique, dans sa sollicitude tou­ te ^ particulière pour ces populations, fit vo.ter la Loi 4816 qui admettait, pour la seule région de Tchamouria dans toute la Grèce, la faculté d'un recours a la Cour d ’appel et pré­ voyait en même temps, dans son effort de simplification des procédures, un doublement des estimations des tribunaux de première instance, dans chaque cas de désistement de ce droit d ’appel.. Tous- les musulmans, sans exception, usèrent de cette clause, de sorte que leur indemnité fut doublée une fois de plus. !

Ce qui précède montre assez que ce ne sont pas les musulmans de Tchamouria qui auraient dû se plaindre de ce chei, mais bien les habitants du reste de la Grèce, dont 1 1 indemni­ té n ’est ainsi que le quart de celle allouée auxdits musulmans.

(49) Voir le mot " bastaine ) dans la Grande Encyclo­ pédie Hellénique, tome XVII, page 544.

(50) Voir note 8 du présent mémoire. — •31 -

44. Vient maintenant la question du soi-disant re-. tard porté au versement des indemnités.

Il est aisé de se rendre compte que dans une opéra­ tion aussi délicate et aussi compliquée, la procédure n'est pas des plus simples, fille comprend quatre étapes ;

a) La Commission des Expropriations, composée d'un magistrat et de doux fonctionnaires, ordonne une expropriation*.

b) Le Tribunal de première instance procède à 1 'évaluation de la propriété expropriée.

c) Les propriétaires soumettent au Président du Tribunal de première instance leurs titres de propriété en vue do vérification. Celui-ci alloue à chacun la quote-part qui lui revient.

d) Les propriétaires soumettent au Ministère de 1'Agriculture les décisions tant du Tribunal de première instance (étape b) que do son Président (étape c). Ils doivent en outre produire 1°) une attestation du Bureau compétent des Hypothèques que la propriété n'est pas gre­ vée , 2 ) un certificat du Bureau de Colonisation, concer­ nant le versement des loyers d 1 expropriation, 3°) un cer­ tificat de la Banque Agricole, attestant la non existence de dettes envers elleA51 ) Le Ministère de l'Agriculture procède, après examen de ces documents, au versement de 1 * indemnité à 1'ayant-droit.

Mais les propriétés musulmanes sont sujettes â deux complications supplémentaires :

a) Ainsi qu'il est connu, le droit musulman établis­ sait, en matière d'immeubles, la succession par indivis. De sorte qu'il est courant qu'une trentaine de familles ' soient co-propriétaires d'un domaine et que, 1 1 irrégularité des anciennes inscriptions cadastrales y aidant, des diffé­ rends souvent inextricables s'élèvent entre ces familles.

b) Les propriétaires musulmans de Tchamouria étaiant redevables de sommes importantes à la Banque Agri­ cole Ottomane, aux droits de laquelle la Banque Agricole de Grèce s * est substituée. Ile ne firent aucun effort pour s'en libérer, de 1912, date de 1'établissement de 1 'admi­ nistration hellénique, jusqu'à 1924, date de la-mise en applicatipn de la réforme agraire, période pendant laquelle ils touchaient librement leurs revenus. Il est évident que ceci crée quelque difficulté à 1 1 obtention du certificat 3° mentionné plus haut.

(51) Quant au certificat de non-échangeabilité exigé, ainsi qu'il est facile de le comprendre, spécialement pour les musulmans, on a déjà eu 1'occasion plus haut de voir (note 22 du présent mémoire) qu'il ne peut virtuellement pas^ être question d'un retard quelconque du fait de cette formali­ té indispensable. Ce certificat est délivré sans frais. - 32 -

Mais malgré, ou si on veut à cause de tout ce qui précède, le Gouvernement hellénique a voulu prendre une mesu­ re particulière de plus en faveur des Musulmans de Tchamouria. Le Gouvernement général d ■’l’Epire s’est entendu avec le Ministè­ re de l'Agriculture pour que des services spéciaux soient formés pour le versement rapide de ce qu'il reste encore d 'in­ demnités non payées. Ce chapitre se clôt ainsi définitivement.

45. Une accusation analogue (page 5 de la pétition du 10 décembre 1934) est celle des soi-disant difficultés qu'é­ prouvent les Musulmans de Tchamouria pour disposer de leurs propriétés. C ’est une autre nuance de la mêm.e antienne.

La Loi 325o(52) dispose, dans son article 3, que toute vente de propriétés musulmanes, ainsi que tout autre acte créa­ teur de droits réels sur ces biens, sont ' subordonnés à. la pré­ sentation d'un certificat de non-échangeabilité. Il est naturel que l'Etat, à qui reviennent les propriétés des échangeables conformément aux dispositions internationales régissant 1 'échange des populations, et qui en doit compte à la masse des réfugiés, prévienne par cette mesure■toute atteinte aux droits de ces derniers. Et on a vu plus haut(°3) que ce certi­ ficat est délivré gratuitement et sans retard ou difficulté : aucune. ' ■ • 1 v 46. Mais, dit '-de ' son ' côté le mémoire du Gouvernement albanais (Annexe 1, ch. I, 'al.■1), les^Musulmans sont exploi­ tés , dans 1'accomplissement des formalités nécessaires, par des "agents" grecs.

Il n'existe pas de tels "agents" en Grèce. Il existe par contre une loi hellénique poursuivant rigoureusement les intermédiaires de toutes sortes. Lorsqu'il s'agit de questions purement administratives, les autorités compétentes s ’empressent ■de facilite^ lo public. Si à ces questions sont,greffées des questions juridiques, et on a vu plus haut que lo cas n ’est pas rare, rien n'est plus naturel qu'un recours aux conseils d'un avocat. L ' échelle des honoraires des av.o.cats est, en Grèce, réglée par la législation, et toute contestation à ce sujet est résolue par procédure sommaire devant les Présidents des Tribunaux de première instance.

Mais il y a peut-être'quelque chose de vrai dans l ’accuëation albanaise. Les autorités helléniques ont eu 1 'occasion de s'apercevoir que très souvent des Musulmans de Tchamouria chargent leurs corréligionnaires, se rendant à . Athènes, du règlement de leurs affaires auprès du Ministère do 1 'Agriculture ou d'autres autorités. Certaines personnes ont fini par faire de ces voyages une sorte d'occupation fixe, et 11 est fort probable qu'ils abusent do la crédulité de leurs mandants.

(52^ Voir note 22 du présent mémoire. (53) voir note 51 du présent mémoire. - 33 -

47. On doit entrer maintenant dans 1 Texamen des cas particuliers cités dans Val. 2 du ch. I do l ’Annexe I du mémoire albanais.

a} Sous-Préfecture de Margariti.

Hamza Roja est co-propriéte.ire du domaine Kore, évalué à 983.450 drachmes (environ 29.000 francs or). Le versement de cette indemnité n ’a pas encore eu lieu, car la question est encore pondante, du fait de.s intéressés, qui en ont saisi quatre fois la Commission des Expropriations (Nos 26 de 1927, 46 de 1929, 94 do 1932 et 118 de 1932 ) et recoururent deux fois au Conseil d ’Etat, on 1932 et en 1933. Q,uant à la somme de 1200 louis, elle équivaudrait non point à une, mais à dix années au moins do bonnes récoltes.

La propriété Turkopaloko n ’appartient pas seulement aux frères Jatro et aux frères Husa, mais aussi à plusieurs autres co-propriétaires, et c ’est Justement là la cause pour laquelle le versement de 1 ’indemnité, qui d ’ailleurs est imminent, subit un retard.

. Les noms des autres propriétés mentionnées n ’ont pas pu être identifiée, sauf celle de Lekures qui est probablement la propriété Lekursi, près de Fanar. Mais parmi ses co-proprié- taires, aucun ne répond au nom de Naïl Mufti.

b ) Sous-Préfecture de Paramithia.

Les familles connues Agako et Fuat Pronjo sont en effet co-propriétaires, avec d ’autres Musulmans, des propriétés Shamet, Labanice, Sela et Plaki.

La question concernant la première de ces propriétés fut de nouveau introduite devant la Commission des Expropriations, à la demande des intéressés.

Les propriétés Labanice et Plaki ont été évaluées et le versement de 1 ’indemnité y afférente est imminent.

La décision du Président du Tribunal de première instance quant à l ’autre propriété n ’est pas encore intervenue, vu les contestations mutuellement soulevées par les intéressés.

Quant aux propriétés Lefterohor et Popove, les familles Pronjo n ’ont pu produire aucun titre établissant leurs droits.

c) Sous-Préfecture de Filiati.

Dans la question des 16 villages de Filiati, qui, soit dit en passant, n ’a aucun rapport avec la réforme agraire, le rédacteur du mémoire albanais éprouvera la même désagréable sur­ prise que dans 1 ’affaire Ali Dino.(54) Cette question occupa pendant cinq ans, de 1927 à 1932, la Société des Nations, et

Voir paragraphe 16 du présent mémoire. - 34 -

elle fut déclarée close par la lettre du 19 février - 9 mars 1932 du Comité de Trois au Secrétaire général (Doc.G.320. 1932.I.).(55) Le Gouvernement hellénique s'en voudrait de ne pas en retracer ici rapidement les lignes principales.

16 villages de la région de Filiati, habités par en­ viron 20.000 chrétiens, étaient astreints, sous le régime ottoman, à verser aux familles Demi et Sejko, fondataires du pays, une contribution, à titre de droit de garde contre les brigandages des bandes albanaises. Cette servitude, contestée d'ailleurs même pendant le régime ottoman, cessa, bien entendu après 1 1 établissement de 1'administration hellénique en Epire ’ en 1912-1913. Les deux familles engagèrent un long procès, qui finit en 1931 par le rejet définitif de leur demande. C'est alors que le Gouvernement hellénique, une fois 1 'affaire jugée décida de procéder à certaines mesures de générosité vis-à-vis’ des deux familles déboutées, mesures dont le Comité de Trois prit connaissance avec satisfaction. Il leur fit, par une loi spéciale, une donation de 5 millions de drachmes (qui, à ce moment-là, représenteraient 333.000 francs or). Il est vrai que cette donation ne leur fut pas versée en espèces, mais en obligations de la réforme agraire, qui présentent, depuis quelque temps, un certain fléchissement, dû à la crise générale,

Il n'est pas sans intérêt de noter que ces 16 villages, situés sur un terrain aride, sont extrêmement pauvres, et que leurs habitants vivent surtout d'envois d'argent de parents émi­ grés .

48. Pour ce qui est des cas, a, b , c, d, e et f de l'alinéa suivant du mémoire albanais, cas vieux d'une dizaine d ’années, l'enquête effectuée à leur sujet n'a rien pu établir qui eût un rapport même lointain avec les accusations albanai­ ses . Il pourrait se faire cependant, que des propriétés musul­ manes de moins de 300 stremmes eussent été expropriées,(56) ou que des installations provisoires de réfugiés eussent eu lieu dans ces propriétés.(57) Mais on serait à se demander, si on n ’avait pas fini par s'habituer à la tournure de style du mé­ moire albanais, quel intérêt auraient les autorités helléniques à incendier les habitations, dans l'un comme dans l'autre cas.

Quant au cas g, qui est par contre connu, voici ce qu'il en est :

La communauté de Grekohor, avec la communauté de Ladohor, qui en dépendait jadis, avaient, de temps immémorial, des droits réels sur les pâturages très étendus cités par le mémoire albanais. Sous le régime ottoman, la famille très nombreuse des Fctahej empiéta peu à peu sur .ces pâturages et finit par y élever une maison et y installer des machines de

(55) cette lettre a été publiée dans le J.0. de 1933, pages 147-149. (56) voir paragraphe 42 du présent mémoire. (57) voir paragraphe 13 du présent mémoire. - 35 - fabrication d ’huile. Un procès s’en ensuivit, qui aboutit à un arrêt préjudiciel K° 52 de 1929 du Tribunal de première instance, de Prévéza, arrêt favorable aux deux communautés. La f a m ille Fetabej en appela devant la Cour d ’Appel de Corfou, et fut déboutée par un arrêt N° 15 de 1931 do cette Cour. L ’affaire suit actuellement son cours quand au fond de la question. Cependant, 1 ’administration hellénique prévoyant une issue défavorable pour la famille Fetahej, et mue par un s e n tim e n t d ’humanité, prit 1 ’initiative d ’un arrangement à l’amiable, et le Sous-Préfet de Filiati en janvier 1935, plus tard le Secrétaire général du C-ouvcrnorat général d ’Epire lui- même, se rendircri/sur les lieux et patronnèrent des conversa­ tions entre les représentants des deux communautés et les membres 'de la famille .en question. On a l ’espoir fondé que ces efforts seront bientôt couronnés de succès,(58) car les commu­ nautés agréent déjà en principe que la partie adverse garde la maison avec une grande partie des propriétés environnantes.

VI. CONSIDERATIONS FINALES.

49. Lorsqu’on a examiné les accusations albanaises à la lumière des données exposées dans le présent mémoire, lorsqu’on a terminé cette comparaison d ’où la vérité jaillit d’une façon irrésistible, une double image se présente sponta­ nément à l ’esprit.

D ’un côté, celle d ’une petite population présentant un curieux mélange de naïveté et de turbulence, chez laquelle les hobereaux qui ne le sont plus ont la nostalgie de la vie noncha­ lante et facile qui leur était faite sous le régime d ’autrefois, tandis que la masse affranchie est encore étourdie d ’un régime de liberté et d 1 égalité qu’elle n ’aurait jamais pensé s’assurer, une population à la fois impulsive et pointilleuse, impatiente et primitive, se plaignant pour un rien à des autorités inépui­ sables en douceur et patience et faite déjà à l ’idée qu’elle doit être l ’objet de soins tout spéciaux, une population, du reste, assez sympathique.

De l ’autre côté, l ’image d ’un Gouvernement qui s ’effor­ ce de faire de cette population un levier pour ses menées politi ques, une mèche lancée vers des chocs dont cette population pourrait être cruellement blessée, ce qui ne paraît guère émou­ voir ce Gouvernement.

Tous les moyens sont bons pour cet. effort. Envoi d’agents provocateurs, abuseurs de conscience. Manipulation appropriée des chiffres. Interprétation étrange dos faits kis^Piques. Assistance aux délinquants arrivant de l ’autre coté ^de la frontière. Elévation au rang de héros nationaux des bandits et des contrebandiers. Et on en passe.

Quant aux tristes accusations de corruption de ’’personnes influentes” , voir paragraphe 46 du présent mémoire. - 36 -

Quel est donc le but, quel ost le programme de ce Gouvernement ? Les observations helléniques du Doc. C.81.1935.1, en ont déjà montré un aspect créer à n ’importe quel prix une diversion à la question de l'Epire du Nord. Il en existe un autre. Et le Gouvernement albanais a poussé trop loin ce débat pour qu’on hésite à être explicite jusqu'au bout.

50. Le préambule de la pétition du 10 décembre 1934, le ch. IV du mémoire du Gouvernement albanais, retracent en termes identiques uno contrée aux limites bien définies. C'est, ni plus ni moins, l ’Epire du Sud presque tout entière. C ’est un lieu de tentation où l'appétit juvénile d ’un Etat formé avec une heurouse facilité pourrait trouver do quoi so conten­ ter . Une accusation semblable ne doit pas être formulée à la légère. Mais lo Gouvernement hellénique a en mains un livre do posésies significatives à ce sujet, quTon essaie de faire circuler clandestinement parmi les populations m u s u l m a n e s .(59) Il a en mains les preuves do la fondation d ’un Comité "irréden- tiste" à Nonispolis, avec des ramifications dans les autres lo­ calités de 1 ’Albanie du Sud. Il a vu des cartes où les revendi­ cations territoriales albanaises arrivent jusqu'au Golfe arcana- nien ! 51. Or, comment assurer la continuité de ce programme ? Uno grande partie do la population musulmane de Tchamouria aspire toujours à une émigration en Turquie.(6û) Se tourner vers les quelques orthodoxes bilingues serait puéril.(61) Les propagan­ des fomentées du dehors .sont très coûteuses et peu efficaces. Il n'est qu’un moyen sûr : Créer des foyers dans l ’intérieur de la citadelle. Ces foyers seraient les écoles albanaises.

La phrase suivante de la pétition du 10 décembre 1934 est très caractéristique : ’’Certes, le. Gouvernement hellé­ nique saura, peut-être, par les moyens diplomatiques dont il dispose à l ’étranger (62) et par des prétextes, nier la véracité de nos affirmations et chercher do justifier, dans les différents cas, sa façon d ’agir avoc nous.

(59) eg livro est tenu à la disposition do la Société dos Nations. (60) voir, paragraphe 15 du Doc.C.81.1935.I., le texte des appels adressés en 1928 à ce sujot à la Société des Nations et aux Gou­ vernements do Grèce et de Turquie. Depuis lors, co courant s’est accentué. (61) 21 a été, cependant, fait mention, dans le paragraphe 7 de ce mémoire, d e '1’Annexe II du mémoire albanais, où on n ’a pas hé­ sité à comprendre les villages do . On n'aurait pourtant pas besoin d ’etre un grand connaisseur de l ’histoiro grecque moderne pour savoir que Souli est, avoc Chimara, la région la plus réputée do l'hellénisme pour scs qualités héroïques, qu’elle a soutenu uno véritable guerre do quinze ans (1788-1803) contre le fameux dynaste albanais Ali Pacha. (62) Inutile do faire remarquer combien cette phrase est dépla­ cée dans une pétition faisant appel à l ’impartialité des organes compétents do la Société des Nations. - 57 -

Toutefois, il lui sera difficile de justifier', devant une enquête objective, le fait.que la minorité albanaise manque absolument d'écoleç albanaises, de 1 * enseignement de sa lan­ gue maternelle et qu'elle souffre de la mésestime que le Gouvernement Hellénique démontre dans le respect de ses obli­ gations envers la minorité ”, Car on se doute bien du côté albanais, que malgré ce que la chose a de fastidieux', le ' Gouvernement Hellénique finira par dissiper les fables sur les brigandages et sur les incendies,•sur les signes do croix obligatoires et sur les spoliations. Tout ceci n'est que l'ornement qui sert à créer une atmosphère. L fobjectif ar­ demment convoité sont les écoles.

Qu’importe si ces écoles n ’ont jamais existé ï Qu’importe si les intéresses eux-mêmes n ’en veulent pas î Qu’importe si la tâche de la Société des Mations est de préserver les cultures ethniques existantes et non point d'en créer des nouvelles l Qu'importe si -le système do protection des minorités a été créé pour sauvegarder les bonnes relations entre les Etats, dont la paix dépend, et non' point pour les envenimer l

52. Mais il est encore une phrase albanaise digne do la plus grande attention. Le Gouvernement Hellé­ nique avait déjà parlé, dans ses observations précédentes, de l'existence do professeurs musulmans, enseignant dans les villages dont la liste est jointe au présent mémoire. Bt le Gouvernement Albanais de rétorquer (ch. VI de son mémoire) : 11 Les imans de ces contrées sont dos ignorants, qui ne possèdent que quelques vagues connaissances théolo­ giques acquises sous la domination ottomane et qui, s'ils parlent leur langue maternelle qui est. 1,'albanais, ne sa­ vent ni la lire ni l ’écrire. Peut-on faire croire à qui que ce soit quo ces pauvres prêtres pourraient oser enseigner l’albanais, alors que l'importation et la détention des journaux ot dos livres écrits en albanais '.sont sévèrement défendues ? 11 Cette phrase est imprudente. Car lorsqu'on révélera que-1'Albanie fait l'impossible pour attirer chez elle des jeunes gens de Tchamouria destinés a y rentrer plus tard comme instituteurs, qu'elle a fondé pour eux plu­ sieurs bourses d ’étude et qu'elle a atteint en partie son but (voir, en Annexe 5, la liste des boursiers qui ont quit­ té la Grèce clandestinement, on comprendra pourquoi les imams sont indésirables. Des jeunes âmes, pétries sous le miroite­ ment d'un nationalisme frais et joyeux, -bien imbues de la nou­ velle doctrine de Tirana, portant avec elles les livres didac­ tiques, les recueils de poésies et les journaux adéquats, in­ fuseront à leurs congénères de Tchamouria ce qui leur manque pour servir d'organes aveugles de la politique albanaise. Et on pourra de la sorte amorc.er dans les Balkans le retour d'un état de choses qui déshonorait autrefois cette région de l’Europe et que la renaissance et l'entente mutuelle des nations balkaniques a fini par faire oublier.

53. ün arrivant au bout de cet exposé, trop long, hélas i mais qui se doit de mettre une fois pour toutes un froin à une tactique dont la Grèce déclare de nouveau for­ mellement ne pas être disposée à tomber victime,, on se sent pris d ’un sentiment fait à la fois d'émotion, de lassitude et de découragement. - 38 -

D ’émotion, lorsque l’on pense que, tandis que l’Albanie fournit d'un côté 1 feffort que l'on vient de dé­ voiler, elle poursuit,.do l'autre, avec une froide impertu- babilité, son oeuvre do dénationalisation de l'Epire du üord qui, grecque do 1912 à 1916, s’ost vue rattacher a l’Etat Albanais avec 1 1 excuse qu'elle lui assurerait une existenco viable, et qui recueille aujourd'hui des fruits bien amers d ’un pareil sacrifice.

Do lassitudelorsque l'on pense aux heures pré­ cieuses enlevées à 1 'activité des autorités helléniques, astreinte^ à dénouer 1 1 écheveau des accusations albanaises.'62)

Enfin, de découragement profond, lorsque l'on voit que la Société des Dations, qui a bien d'autres devoirs à remplir et bien d ’autres idéaux à poursuivre, est appelée à être un tribunal de police pour des. faits divers journaliers et vulgaires. :-

54. Ceci dit en toute'franchise et en toute loyauté, le Gouvernement Hellénique veut finir par cette déclaration i La Grèce se considère la -soeur aînée de 1 ’Albanie. Sa main, qu'elle lui a tendue dans toutes les circonstances, reste largement ouverte. Que 1 ’Albanie veuille bien y mettre la. sienne. Qu’elle chasse toute pensée indûment et malheureusement conçue. Et les tristes différends qui la séparent aujourd’hui de la Grèce seront aus­ sitôt ‘oubliés comme des querelles de famille.

(63) Ce mémoire s'est efforcé de garder, autant que possible, la façon albanaise d'écrire les noms et les localités, afin de faciliter l ’étude comparative des do­ cuments. Mais on peut se faire une idée des difficultés endurées, en apprenant que les Albanais rendent le son 11 dj " par " xh ", qu'ils nomment-Margariti " Margelitch ” et Séleucie (en grec Selefkia) " Zilifia" et en observant que dans leurs propres mémoires 1 ’orthographe varie bien souvent. Liste des gardes-champêtres musulmans de Tchamouria.

a) Sous--Préfecture de Filiati

1) Tabs in Manos à Filiati

2) Chaban Muh&rem 11 "

3) Ibrahim Ramusi 11 Tf

4) Muheddin Ha1uni " "

5) Mahmoud Bilial " Eléa

6) Seït Ri.za Kiamil " Tricorypho

7) Zeinel Àbdul Zeinel ” "

8) Ahmet Mehmet Adem " Myloi

9) DjeViz Selim Issa ” ”

10) Zouber Veisel Yanouz " 11

11) Redjep Orner rT "

12} Y a ho Mehmet " "

13) Kiazim Mustafa !f Vrisela

14) Djouli Daout Sinani n Kotsika

15) Isliam Remzi Rakip " Solopia

16) Inuh Eyoup Isouf " "

17) Seidi Sali Selim " Doliani

18) Ali ko Feriki Kemal ,r Aetos

19) Ilias Remzi Ferhat " Lopsi

20) Dino Vehip Ali " "

SI) Merko Hassan Ilias ” "

22) Maxut Abdul Me tse ” "

23) Hondo Suleiman Zeinel " M

24) Red jep Selim Ruchan " "

District de Goumenitsa

25) Ouzeir Veli à Pestiani - 40 -

26) Malik Boubeki à Lakka

27) Ibrahim Djafer ii tt

28) Sabri Bido ” Grékohor

29) Sulio Suleiman Hussein " Semeriza

30) Adem Refat Tahir n »

31) Mustafa Djemali Kariofil 11 Riziani

32) Berat Me to Suahip it tt

33) Yeisel Muharem Sekir ” Drame si

34) Izet Abeddin ” Mourtos

35) Bilial Sali tt tt

36) Ferik Halim ” Vrahona

37) Riza Tahir tf IT

38) Zekir Hassan " Koutsi

39) Suleiman Djelal » tt

40) Hadji Idris " Argyrotopos

41) Lule Isouf " Skorpiona

42) Telha Bilial tt tt

45) Mezan Haroun

44) Moussa Isouf " Faskomilia

45) Kiazim Se jko tt tt

46) Husni Abeddin tt tt

) Sous-Préfecture de Paramithia

47) Sehri Abdul Spaho à Carvounari

48) Mehmed Bekir Î? ft

49) Haîrullah Bebris ft tf

50) Yasin Hassan Djeno tf ft

51) Suleiman Kassim ÎT G-ardiki

52) Mato Kerim ?t tt

53) Abdul Suleiman tt tt

54) Veil Ahmed tt tt

55) Cherif Sali tf Scadalon - 41 -

56) Àsem Pronjo Ferik à Paramythia

57) Chahin Nureddin " Neochori

58) Beyaz Zerko lî tt

59) Abeddin Nuhi ft 11

60) Damin Mehmet Nuhi tl tt

c) Sous-Préfecture de Margariti

61) Elmi Balio à

62) Refat Esdra Orner Ti ?r

63) Ismail Osman U ît

64) Hajreddin Kiamil Tt tt

65) Ouzeir Issouf f! tî

66) Suleiman Mamo ÎT ît

67) Sami Bechlin Tchoukar 11 Margariti

68) Mohammed Yasin Hassan it tt

69) Orner Àbdul Moussa tt ti

70) Abdul Bekir " Paléokastro

71) Kasim Àbdul Tf Katavothra

72) Mehmet Veisel tt Tt

73) Etem Loulousi ÎT !T

74) Reisul Seidi li Tt

75) Saliko Orner tl tt

76) Moussa Marna TT tt

77) Ahmed Zeino tT TT ANNEX 3.

liste des membres musulmans des Commissions de surveillance

de la Sous-Préfecture de Filiati.

1) Mehmet Halil à Tricoryphos Ecole maternelle

2) Suaip Bracho tt ît tt

3) Emin Daout tt tt tt

4) Hussein Zane tt tt tt

5) Ferhat Mourat tt Smertos tt

6) Muharem Mouchtar ft tt tt

7) Ismail Mehmet tt tt tt

8) Ibrahim Mehmet 11 Solopia tt ,

9) Afouz Mahmout ft tt tt

10) Hassan Ibrahim ft tt tt

11) Idriz Pabiz tt tt tt

12) Mehmet Ressoul tt Doliani tt

13) Sedat Kefat tt tt tt

14) Ouzeir Dassia tt tt tt

15) Me to Mama tt tt tt

16) Ferhat Mehmet tt Myloi / '• ; tt

17) Abeddin Orner tt tt tt

18) Abdul Ali tt tt "• tt

19) Djeviz Sako tt tt tt

20) Abaz Kupe tt Lopsi tt 21) Hanto Hassan t» tt tt

22) Hamid Issouf tt tt tt

23) Djelio Ilmaz tt tt tt

24) Riza Feta tt Kotsika ft

25) Dervis Mehmet tt tt tt 43 - 26 Beiko Omer à Kotsika Ecole maternelle ît tt ft 27 Youpe Yeli

28 Omer Baliein " Eléa tt

29 Ramadan Soulio ît ît tt ît tt ît 30 Yakoup Maria

31 Pacho Zia Haireddin ?? tt tt

32 Abdul Moussa ” Vrisela tt

33 Sako ïïamit ît tf ?t tt 34 Azin Mehmet ît tt

35 Dalim Mehmet ît ît tt

35 Hehmet Hassan " Aetos tt

37 Nuzet Abaz tt tt tt tf 38 Zekio Marna ît tt

39 Suleiman Bilial tt ?î tt

40 Moussa Demi " Filiati tï

41 Bracho Mehmet " Solopia Ecole Primaire

42 Cherif Suleiman tf ?t tt

43 Douro Dino tf ft tt

44 Ferhat Ali tt tt tt

45 Mourat Ferhat " Smerto tt

46 Hassan Selim tt tt tt

47 Nusret Hassan tt tt tf

48 Taip Halil ” Tricoryphos tt

49 Sako Ibrahim tt tt tt

50 Mehmet Hatit ît tt tt

51 Dino Moutsib tt tt tt

52 Omer Yasin " Doliani tt

53 Yeisel Tchafa ft ît tt

54 Liundif Redjep tf H tf

55 Adem Alius ” My loi tt

56 Osman Ilias tt tt tt

57 Bracho Zotes it ft tt - 44 - Mete Demi h Myloi Ecole primaire

Rendjo Hassan Lopsi

Issouf Serra

Ahmet Zacho

Ahmet Tchapuni

Omer Hussein Eléa

Osman Hassan

Osman Arif

Teliaha Emin Vri sela

Djemal Ibrahim

Halik Yakoup

Imam Yasin Mehmet

Kassim Rakip Paléoklissi

•Isouf Issa

etc. etc. - 45 - ANNEXE 4 .

iiste des localités de Tchamouria où des professeurs musulmans sont en fonction

a) Circonscription de Filiati

1 Aghios Vlasios

2 Aetos (Fata Chukri Moussa)

3 Argyrotopos (Abdiz Abdurrahman)

4 Paléoklissi

5 Vrahona (Hanit Hamid)

6 Vrisela (Daout Omer)

7 Grekohor

8 Drames!

9 Eléa (Muharem Ilias)

10 Goumenitsa

11 Koutsi

12 Kotsika (Chefket Hamid)

13 Lopsi

14 Lakka (Emin Ouzeir)

15 ■^akrohor

16 Mourto (Suleiman Mudjo)

17 Myloi (Nedjip Abdurrahman)

18 Doliani (Ouzeir Daout)

19 Nounesati

20 Paléohor

21 (Aden Issouf)

22 Riziani

23 Sarati

24 Seimeriz

25 Skliavi (Redjep Hussein Nadji)

26 Skorpiona - 46 -

27) Solopia (M'ont Mahmoud)

' 28) Tricoryphos (Suaip Ibrahim)

29) Faskomilia

30) Filiati

31) Pigadoulia

Td ) Circonscription de Paramythia.(avec Margariti et par

1) Katavethra (Hassan Ilias)

2) Kourtesi (Tefik Suleiman)

3) Mazarek (Tchafa Isdra)

4) Carvounari (Ramadan ^rif)

5) Néohor (Tahir Omer)

6) Margariti (Ahmed Ruchi)

7) Paramythia (Abdulàh Him)

8) Perdika (Husein Asderaki)

9) Parga (Hucho Kavitchoti) - 47 -

ANNEXE S,

L is te des boursiers ayant quitté la Grèce clandestinement»

1) Youssouf Kaso 2 ) Alius Se jko

3) Ismail Eevzi 4) 5 ) Demi Niazi 6) Safet Djordji

7) Idriz Haloumi 8) Veip Tchami

9) Sejko Ali 10) Saout Alius 11). Betcho Husso 12 ) Hilmi Hassan

13) Ahmet Chaban 14) Sejko Hadji 15) Veip Husso 16) Muharem Bezaq

17) Veli Ali

(Le 20 juin I93I, 22 jeunes gens, originaires de la région de Filiati, se présentèrent au Vice-Consulat de Grèce a Santi-quaranta (Albanie du Sud) et demandant un permis de sé­ jour en Grèce pour les vacances, avouèrent faire leurs études au Collège albanais de cette ville. Le Vice-Consul constata que 17 d ’entre eux n'étaient pas munis de passeports et qu’ils avaient quitté la Grèce clandestinement en 1928 et se trouvaient depuis cette date en Albanie.

Des informations ultérieures annoncent que ce mouvement d'exode clandestin des boursiers est provoqué et en­ couragé de plus en plus intensivement par le Gouvernement Albanais).