Contribution a L'histoire Intellectuelle De L'europe : Réseaux Du Livre
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CONTRIBUTION A L’HISTOIRE INTELLECTUELLE DE L’EUROPE : RÉSEAUX DU LIVRE, RÉSEAUX DES LECTEURS Edité par Frédéric Barbier, István Monok L’Europe en réseaux Contribution à l’histoire de la culture écrite 1650–1918 Vernetztes Europa Beiträge zur Kulturgeschichte des Buchwesens 1650–1918 Edité par / Herausgegeben von Frédéric Barbier, Marie-Elisabeth Ducreux, Matthias Middell, István Monok, Éva Ring, Martin Svatoš Volume IV Ecole pratique des hautes études, Paris Ecole des hautes études en sciences sociales, Paris Centre des hautes études, Leipzig Centre européen d’histoire du livre de la Bibliothèque nationale Széchényi, Budapest CONTRIBUTION A L’HISTOIRE INTELLECTUELLE DE L’EUROPE : RÉSEAUX DU LIVRE, RÉSEAUX DES LECTEURS Edité par Frédéric Barbier, István Monok Országos Széchényi Könyvtár Budapest 2008 Les articles du présent volume correspondent aux Actes du colloque international organisé à Leipzig (Université de Leipzig, Zentrum für höhere Studien) en 2005, sur le thème « Netzwerke des Buchwesens : die Konstruktion Europas vom 15. bis zum 20. Jh. / Réseaux du livre, réseaux des lecteurs : la construction de l’Europe, XVe-XXe siècle ». Secrétariat scientifique Juliette Guilbaud (français) Wolfram Seidler (allemand) Graphiker György Fábián ISBN 978–963–200–550–8 ISBN 978–3–86583–269–6 © Országos Széchényi Könyvtár 1827 Budapest, Budavári palota F. épület Fax.: +36 1 37 56 167 [email protected] Leipziger Universitätsverlag GmbH, Leipzig Oststr. 41, D–04317 Leipzig Fax.: +49 341 99 00 440 [email protected] Table des matières Frédéric Barbier Avant-propos 7 Donatella Nebbiai Les réseaux de Matthias Corvin 17 Pierre Aquilon Précieux exemplaires Les éditions collectives des œuvres de Jean Gerson, 1483-1494 29 Juliette Guilbaud Das jansenistische Europa und das Buch im 17. und 18. Jahrhundert 49 Radu G. Pãun Réseaux de livres et réseaux de pouvoirs dans le sud-est de l’Europe : le monde des drogmans (XVIIe-XVIIIe siècles) 63 István Monok Patrimoine en lecture – Tradition et renouvellement dans l’histoire de la réception des idées européennes en Hongrie et en Transylvanie 109 6 TABLE DES MATIÈRES Ilona Pavercsik Anfänge norddeutscher Orientierung im ungarischen Buchhandel 123 Virginie Spenlé Carl Heinrich von Heineken und die europäischen Netzwerke des Kunsthandels 149 Claire Madl Réseaux savants, réseaux de livres en Bohême autour de 1800 165 Frédéric Barbier Was ist eine Haupstadt? Die Entstehung Leipzigs als Hauptstadt des deutschen Buchhandels (15. – Anfang des 20. Jahrhunderts) 191 Dorottya Lipták Buchhändler- und Verlegerkontakte zwischen Leipzig und Budapest vom Vormärz bis zum ersten Weltkrieg 213 Avant-propos Frédéric Barbier Du privé au public : les réseaux de la première révolution du livre L’invention de Gutenberg, au milieu du XVe siècle, renouvelle radicale- ment les conditions de fonctionnement de la branche de la « librairie » en Europe. Non seulement l’économie du livre se trouve bouleversée, mais 1 aussi tout ce qui, en amont, relève du champ littéraire et de l’écriture , tout comme en aval, ce qui relève du marché et de la réception. Mais l’invention de la typographie en caractères mobiles accentue aussi la rupture, de plus en plus sensible à travers l’Europe, entre une géographie plus novatrice, par rapport à laquelle d’autres géographies apparaîtront comme plus ou moins en retard et comme plus ou moins ouvertes à des processus de changement 2 ou de rattrapage . Avec l’irruption de la technique de reproduction au moyen de caractères et de presses, le capital se place au cœur du nouveau système de communication par l’imprimé : d’une part, les centres les mieux placés sont ceux qui bénéficient des meilleures conditions générales du point de vue de la population, de la richesse relative, du niveau de culture et des facilités d’échanges. Mais, assez vite, le développement de l’imprime- rie renforce ces facteurs a priori favorables en concentrant les moyens de production dans les po^les déjà les plus développés. Nous définirons comme constituant un réseau tout système intégré reliant un certain nombre d’acteurs par un ensemble de fonctions qui 3 concourent à un objectif donné . Que la fabrication et la circulation des livres fonctionnent en réseau à l’époque des manuscrits médiévaux est une 1 Frédéric Barbier, « Gutenberg et l’invention de l’auteur », dans Gutenberg Jahrbuch, 2008, pp. 107-125. 2 Frédéric Barbier, L’Europe de Gutenberg. Le livre et l’invention de la modernité occidentale (XIIIe-XVIe siècle), Paris, Librairie Belin, 2006. 3 Dans cette acception, le réseau combine les deux dimension du réseau proprement dit (qui désigne une structure spatiale) et du système (qui implique un processus finalisé). 8 FRÉDÉRIC BARBIER évidence, mais production et échanges se font, pour l’essentiel, en circuit fermé : dans les maisons religieuses, les moines du scriptorium fabriquent les manuscrits commandés par l’abbé pour la bibliothèque du monastère. De même, quand les manuscrits circulent, c’est au sein du petit monde des clercs et des savants, qui s’empruntent les uns aux autres les ouvrages dont ils ont connaissance et qu’ils souhaitent pouvoir un temps utiliser pour leur travail. Qu’un marché du livre manuscrit se constitue à partir du XIIIe siècle, sur- tout, mais pas exclusivement, en Italie et dans les villes universitaires, et que ce marché monte progressivement en puissance, n’est pas douteux – l’exem- 4 ple de Mathias Corvin le montre bien . Mais le circuit commercial du livre ne représente, jusqu’au XVe siècle, qu’une part probablement toujours 5 minoritaire dans le fonctionnement de l’ensemble de la branche . Avec la typographie en caractères mobiles, la conjoncture change en revanche de la manière la plus profonde. Dès lors que le facteur financier devient prédominant et qu’il s’agit, pour les professionnels et pour les investisseurs, de maximiser les profits, la convergence et l’intégration pren- nent une importance croissante – l’intégration, c’est-à-dire la disponibilité de réseaux efficaces et systématiquement organisés. S’agissant des réseaux de la production d’imprimés en Europe au XVe siècle, la cartographie 6 rétrospective met d’abord en évidence le poids de la « dorsale euro- péenne », entre Flandre et Lombardie, avec les trois pôles majeurs des Pays- Bas, de l’Allemagne moyenne et méridionale, et de l’Italie du nord et du centre jusqu’à hauteur de Rome. Nous sommes là au sein de l’Europe dense, où les densités démographiques sont les plus fortes et les échanges les plus fréquents, qu’il s’agisse des capitaux, des hommes, des connaissan- 7 ces ou des savoir-faire . L’efficacité des réseaux de tous types fonctionnant 4 Donatella Nebbiai, « Les réseaux de Matthias Corvin », infra, pp. 000-000. 5 Frédéric Barbier, « Aux XIIIe et XIVe siècles : l’invention du marché du livre », dans Revista portuguesa de história e da edição, X, n° 20, 2006, pp. 69-95. 6 Par ex. : Philippe Niéto, « Géographie des impressions européennes du XVe siècle », dans Le Berceau du livre : autour des incunables [Mélanges Pierre Aquilon], Genève, Librairie Droz, 2004, pp. 125-174. 7 Philippe Niéto, art. cité, p. 144. La statistique, qui porte sur le nombre d’éditions répertoriées par l’ISTC, serait à pondérer en fonction de la charge réelle de travail représentée par les titres considérés. Cette pondération aboutirait sans doute à faire que Venise passerait devant Paris à la fin du XVe siècle. AVANT-PROPOS 9 dans cette géographie de la modernité autorise très vite des opérations de librairie particulièrement ambitieuses, comme celles d’un Anton Koberger à Nuremberg avec la Bible allemande de 1482 et surtout avec le Liber chro- 8 nicarum de 1493 . Ajoutons que, si les réseaux sont par essence dynami- ques, leur analyse ou leur représentation graphique sera le plus souvent d’ordre statique – pour l’historien, la diachronie est accessible d’abord par la comparaison de cartes synchroniques. Les réseaux de la librairie d’Ancien Régime Pour les acteurs de la nouvelle branche de l’imprimé, il faut bien évidem- 9 ment d’abord disposer du hardware , autrement dit réunir les capitaux, faire venir les fournitures de papier, avoir le matériel d’imprimerie indis- pensable et éventuellement les bois pour la décoration et l’illustration... Mais l’importance du software s’accroît aussi avec la typographie en carac- tères mobiles : il faut de plus en plus de textes à imprimer – de manus- crits –, et il faut aussi trouver à proximité du lieu de fabrication les compé- tences intellectuelles et matérielles pour ce faire, voire les talents artistiques. Enfin, on devra disposer de réseaux d’information et de distribution à la fois efficaces et avantageux. Au cœur de l’économie du livre, l’articulation du hardware et du software permet de comprendre pourquoi les réseaux deviennent moins autonomes qu’à l’époque du manuscrit : ils s’inscrivent, dans chaque ville ou dans chaque région, au point d’équilibre entre réseaux physiques (routes, etc.), réseaux virtuels (possibilités d’échange d’informa- tions et de valeurs) et réseaux intellectuels et artistiques (par ex., le réseau des universités, des collèges et des écoles, mais aussi celui des bibliothè- ques). L’équilibre entre niveau de population, accessibilité de la ville et per- tinence des fonctions urbaines (dont les fonctions de commandement) explique la position relative des différentes villes européennes sur la carte des réseaux de la librairie d’Ancien Régime, et son évolution. 8 Biblia, Nürnberg, Anton Koberger, 31 XII 1482, 2°. Hartmann Schedel, Liberchronicarum, Nürnberg, Anton Koberger, 12 VII 1493, 2°. 9 « Si le passé ne peut jamais prédessiner notre action, il faut (…) apprendre à dire l’histoire avec nos mots, dans nos mots, pour avoir chance d’inscrire notre action dans le temps » (Jean Céard, préface de Gilbert Gadoffre, La Révolution culturelle dans la France des humanistes, Genève, Droz, 1997, p. 7). 10 FRÉDÉRIC BARBIER 1- Car la production n’est pas tout.