Les Petits Mammifères : Carpettes Et Amuse-Bouches Des Hommes Du Paléolithique Supérieur Jean-Baptiste Mallye
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
Les petits mammifères : carpettes et amuse-bouches des Hommes du Paléolithique supérieur Jean-Baptiste Mallye To cite this version: Jean-Baptiste Mallye. Les petits mammifères : carpettes et amuse-bouches des Hommes du Paléolithique supérieur. Animaux rares. Gibiers inattendus. Reflets de la biodiversité, Musée de National de préhistoire, pp.78-85, 2019, 978-2-911233-20-3. hal-02410611 HAL Id: hal-02410611 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02410611 Submitted on 1 Dec 2020 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. 02 PREHISTOIRE 21-91_Mise en page 1 03/06/2019 14:39 Page 78 Les connaissances sur les modes d’alimentation des différentes sociétés de chasseurs-collecteurs ont considérablement évolué depuis les quarante dernières années de recherche en archéologie. La mise en place de techniques d’investigations toujours plus fines et le croisement des différentes sciences biologiques et (bio/géo)chimiques nous ont révélé petit à petit ce qui a concouru au développement des Homininés tout au long de leur Histoire. La plupart des travaux qui s’intéressent à l’alimentation humaine au cours du temps ont montré la part prépondérante des herbivores de moyenne à grande taille dans les tableaux de chasse. Ces animaux sont très abondants dans l’environnement des Hommes du Paléolithique et ont fourni à chaque épisode de chasse une large quantité de viande, graisse, moelle et autres sous- produits alimentaires. Parallèlement, ces animaux sont progressivement entrés dans la sphère techno économique des Les petits Homininés à travers l’exploitation des matières dures (bois, os, dents…) ou tendre (peau, tendons…). Beaucoup moins mammifères : étudiés, le petit gibier tient cependant une place essentielle dans l’alimentation humaine, notamment à la fin du carpettes Paléolithique supérieur, il y a environ 15 000 ans, où l’on assiste à un engoue- ment des chasseurs-collecteurs vers et amuse-bouches l’exploitation des animaux de petite taille. Outre cette finalité alimentaire, s’ajoute l’exploitation des sous-produits (os, griffes, des Hommes dents, fourrure) dans la technologie des objets de travail et dans la symbolique qui est associée à l’utilisation de leurs restes. du Paléolithique Nous devons malgré cela rester très modestes devant ce savoir, car seule une infime partie de l’information peut être supérieur décryptée des archives fossiles. Si les études géochimiques des ossements humains apportent des éléments complé- Jean-Baptiste Mallye mentaires sur le régime alimentaire des différentes populations humaines, les premiers témoignages directs proviennent des tissus d’animaux qui ont été consommés et qui, par le miracle de la fossilisation, ont pu être conservés dans les sédiments. Ainsi, la part végétale consommée par les Hommes n’est que très rarement documentée, de même que l’ensemble des animaux dépourvus de squelette minéralisé. Discuter des espèces rarement chassées par l’Homme est donc un véritable défi pour nous qui travaillons sur un registre (fossile/fossilisé) qui ne nous est parvenu que par le concours de circonstances heureuses ayant permis la conservation des archives du passé. Et cela est d’autant plus vrai pour les espèces de petite taille. Avant d’exposer quelques cas de petits animaux rarement chassés, nous présenterons quelques exemples qui peuvent expliquer leur 1 02 PREHISTOIRE 21-91_Mise en page 1 03/06/2019 14:39 Page 79 rareté dans les tableaux de chasse des Hommes de la entreprises dans le but de mieux connaître les populations Préhistoire. Naturellement, la poursuite des recherches sur de vison européen actuelles et passées par le biais l’alimentation humaine et les prochaines découvertes d’analyses génétiques ont été entreprises (Davison et al. pourront, nous l’espérons, rendre cet aperçu rapidement 2000 ; Michaux et al. 2003, 2005). Ces analyses ont montré obsolète. une faible diversité génétique entre les différentes populations d’Europe de l’Ouest, qui sont pourtant LE CADRE D’ÉTUDE DES RESTES actuellement isolées les unes des autres. Ce résultat DE PETITS MAMMIFÈRES tendrait alors à démontrer une introduction récente du vison Contraintes environnementales européen dans l’ouest du continent, expliquant ainsi son et distribution temporelle absence dans les archéofaunes des sites français et/ou de Le Quaternaire est une période géologique caractérisée par la péninsule ibérique. des oscillations climatiques bien marquées composées de Milieu biologique, territoire occupé par l’espèce versus périodes glaciaires, donc froides et sèches, et territoire de chasse des Hommes interglaciaires, tempérées et plus humides. Ces conditions La donnée écologique que constitue le territoire occupé par climatiques vont directement agir sur l’environnement et, de une espèce est fondamentale pour tenter de comprendre fait, sur la distribution des différents écosystèmes. Ainsi, sa fréquence dans les tableaux de chasse des groupes chaque animal étant inféodé à un milieu de vie propre, lui- humains du Paléolithique. Les données sur lesquelles nous même dépendant des conditions climatiques environnantes, pouvons nous appuyer proviennent d’observations la distribution des différentes espèces va dépendre du naturalistes réalisées dans un monde déjà bien marqué par cadre environnemental présent en un endroit déterminé. l’anthropisation (tabl. 1) ; il s’agit donc plus d’un ordre d’idée Cette donnée est à prendre en compte lorsque l’on permettant un aperçu de la fréquence des espèces sur un s’intéresse à la fréquence des espèces chassées par les espace donné. En effet, outre l’anthropisation du milieu groupes humains à un moment de leur histoire et peut donc d’observation, l’estimation de ce domaine vital varie selon expliquer leur rareté dans les archéofaunes. les régions considérées, la saison d’observation (et donc Cependant, l’anthropisation du milieu peut aussi influencer l’âge des individus), le sexe et en fonction de la disponibilité la distribution des espèces ; l’homme a pu concourir, par des ressources dans l’environnement ; ainsi, les animaux leur transport volontaire (à visée économique) ou situés à la base de la chaîne alimentaire sont toujours plus involontaire, à importer des espèces qui n’étaient pas fréquents dans l’environnement alors que les prédateurs se naturellement présentes dans un lieu donné. Ce font toujours de plus en plus rares selon leur niveau phénomène est aussi perceptible dans le domaine fossile. trophique. Les carnivores occupent ainsi des espaces Les exemples d’animaux dits « invasifs » sont nombreux en beaucoup plus vastes que les proies qu’ils consomment. France et sont pour la plupart le résultat d’importations, Cette donnée peut donc elle aussi expliquer pourquoi volontaires ou non, du fait des activités humaines. Ainsi, on certains carnivores ne sont que peu représentés dans le estime que la genette est introduite en France suite aux spectre des espèces chassées par les chasseurs- invasions des Sarrazins du VIIIe siècle (Livet & Roeder collecteurs. 1987). Le cas du vison est tout aussi éloquent ; cet animal est représenté en France par deux espèces, le vison Domaine vital (km2) Nom vernaculaire Nom binomial Références européen (Mustela lutreola) et le vison d’Amérique (Mustela Mâles Femelles Martre Martes martes 5 à 28 2,4 à 140 Labrid 1986 vison). Ce dernier est arrivé en Europe depuis les années Fouine Martes foina 0,09 à 6 0,3 à 3,6 Libois & Waechter 1991 Belette Mustela nivalis 0,01 à 1 0,01 à 0,08 Delattre 1987 Hermine Mustela erminea 0,08 à 0,5 0,01 à 0,07 Delattre 1987 1920 à des fins d’élevage pour la pelleterie. Or, une partie Putois Mustela putorius 0,1 à 0,8 0,1 à 0,5 Roger et al . 1988 Vison d'Europe Mustela lutreola 0,2 à 1 Camby 1990 des animaux captifs ont été relâchés dans la nature à la fin Glouton Gulo gulo 2000 400 à 500 Ewer 1998 Etienne 2005 ; Kuhn & Jacques 2011(longueur de cours e Loutre Lutra lutra 35 20 du XX siècle et ce petit carnivore est arrivé à concurrencer d'eau en km) Lynx Lynx lynx 275 à 450 39 à 245 Stahl & Vandel 1998 son cousin européen, au point de menacer sa présence Renard roux Vulpes vulpes 0,09 à 20 Meia 2003 même dans nos contrées. Face à ce constat, une large Tabl. 1 Domaine vital de différentes espèces de Carnivores. campagne de protection du vison européen a été menée pour sauvegarder cette espèce endémique. L’histoire ne Choix humain (alimentaire et technique) s’arrête cependant pas là. En effet, le vison européen n’était Il s’agit là d’une question cruciale car elle se pose à tout que peu documenté dans le registre fossile. Une seule archéologue. C’est aussi une question épineuse à laquelle mention était faite à la grotte de l’Observatoire à Monaco toute personne travaillant sur le matériel faunique a, un jour, (Boule & Villeneuve 1927), gisement archéologique pouvant été confrontée. Les choix pratiqués par les groupes de avoir été formé il y a plus de 30 000 ans. Cette mention est chasseurs-cueilleurs sont assez difficiles à mettre en toutefois contestée, de nombreux auteurs faisant état d’une évidence, car les éléments de réponse font appel à confusion avec le putois commun (Youngman 1982). Une différentes sources : d’une part, les données archéologiques autre mention est donnée dans un site holocène des Pays- permettant de dresser le tableau de chasse propre à une Bas (van Bree 1961a et b). Plus récemment, des études culture dans une région précise et, d’autre part, les données 2 02 PREHISTOIRE 21-91_Mise en page 1 03/06/2019 14:39 Page 80 issues des sites naturels (avens-pièges), dans lesquels la difficile d’identifier les restes d’une espèce à partir de faune environnante (donc disponible pour la chasse) est fragments de son squelette.