uneLÀ. ulugraprileLt---Lt- uu gram perturuateur Clavel, entre le diable et le bon Dieu

Treize ans après sa mort, notre «Journaliste transcenckmtal » ressuscite à lctfaveur d'une pieuse biographie. Souvenirs, souvenirs... u'y avait-il donc de commun, dans les plus de vie que d'éventuelle immortalité. A ce parages soixante-huitards, entre un sujet, Clavel se contentait d'avoir rencontré Dieu maoïste et un maurrassien ? Entre à la suite d'une dépression nerveuse. Et la plupart Jeanne d'Arc, Marie-Madeleine et de ceux qui fréquentaient encore les Eglises de ? Entre hiérarques Marx ou de Freud lui enviaient secrètement ce gaulliens et agitateurs de gauche ? remède à l'ancienne. Entre l'idéal libertin et l'extase selon Le plus étrange, avec lui, c'était cependant son le cardinal de Bérulle ? Rien à l'évidence, sinon aptitude à débusquer, à la moindre occasion, la quelques chimères dont Maurice Clavel était manifestation d'une transcendance. Chrétien, il devenu, par vocation, le - dompteur fantasque. avait ainsi fait du mystère de l'Incarnation le Philosophe, « journaliste transcendantal s, principe unique de toutes ses perceptions et, là où incendiaire officiel, il assuma ainsi, sans faillir, d'autres ne distinguaient qu'un événement, il sa mission d'agent de liaison métaphysique parmi repérait, quant à lui, un sublime avènement. De des êtres irréconciliables et qui, depuis qu'il n'est Gaulle ? Mai-68 ? La publication des « Mots et plus là, n'en finissent pas de s'ignorer. Clavel les choses » ? L'enterrement de Pierre Ovemey ? aimait ce rôle, il le tint avec éclat. Le jour de ses La grève de Lip ? Les nouveaux philosophes ? funérailles, sur la colline de Vézelay, tous — le Chaque fois, dans son esprit, c'était une révéla- prêtre, l'anar, le résistant, le pétainiste... — tion, un surgissement de l'absolu dans l'histoire, pressentaient ainsi qu'aucun autre mort ne leur et c'est ainsi qu'il devint dans ces colonnes le permettrait, avant longtemps, de se recueillir téléspectateur d'une parousie perpétuelle. Cla- dans la même émotion, et ce fut un instant de vel, ou le petit Homère d'une odyssée christique grâce. Or c'est ce Clavel qui, aujourd'hui, qui, faute de mieux, dut composer avec un monde ressuscite un peu à la faveur d'une biographie. laïque et désenchanté... Ceux qui, comme moi, avaient encore tant de cd On découvrira encore, dans cette biographie — choses à dire à ce compagnon d'autrefois ne se discrète, pieuse, loyale—, d'innombrables épiso- priveront pas, alors, de l'y retrouver—fût-ce dans des dont Clavel ne parlait guère. De ses amours à l'approximation... Certes, beaucoup lui reprochaient de n'être ses doutes de dramaturge. De ses déceptions Sa vie ? Pour l'essentiel, chacun la connaissait. pas politiquement correct. Il avait, dans sa intimes à ses tentations ministérielles. On y Chacun y avait eu droit, un jour ou l'autre, au jeunesse, fréquenté des gens douteux et distri- découvrira surtout, à chaque instant, la qualité téléphone, dans les rues de , quand, flairant bué des tracts doriotistes. Son gaullisme em- de ses réflexes intellectuels et moraux. En effet, un bon public, Clavel détaillait en cabotin les pruntait trop à la dévotion, Pierre Boutang lui Clavel, qui aurait mille fois pu se tromper dura- péripéties de son commerce mystique. Il gesticu- avait inoculé le virus monarchiste, il avait blement, eut sans cesse la ressource de ses intui- lait comme un albatros exalté, il convoquait appartenu pendant plus de vingt-quatre heures tions justes. Les hommes de qualité sont toujours Pascal et Ben Barka dans la même phrase, la au Parti communiste et, se croyant investi de de cette sorte : ils n'attendent pas que la raison les fumée de ses Marigny l'enveloppait comme la l'héritage bemanosien, il avait même dédié sa oriente, ils trouvent avant de chercher, ils se soie opaque d'un dirigeable. A 20 ans, cet homme, « Grande Pitié au royaume de France » au comte décident avant d'argumenter. Pour ce kantien alors beau comme un ange, avait libéré à de Paris. Mais fallait-il vraiment se formaliser de baroque et avisé, quel aurait donc été l'enjeu de la tête de ses maquisards ; des actrices capricieu- tels égarements ? A l'époque, on aimait Clavel nos saisons ambiguës ? Qu'aurait-il écrit devant ses l'avaient aimé jusqu'à la folie ; de Gaulle lui- par-delà ses propres et contradictoires convic- le retour des intégrismes et de la haine ? Devant même lui adressait des lettres paternelles qu'il tions. On l'aimait par-delà ses propres livres — de l'implosion communiste et la mélancolie démo- montrait vaniteusement au premier venu. 'Myo- « la Pourpre de Judée » au « Tiers des étoiles » — cratique? Devant Mitterrand et Le Pen ? La pe, il apercevait partout des insurrections spiri- dont la rhétorique ampoulée ne lui valut que deS réalité de ce monde paraît ainsi inachevée depuis tuelles ; fonctionnaire de l'Education nationale, estimes de circonstance. Il se persuadait ainsi que ce « grand perturbateur »ne la visite plus. Ne il lui fallait sa dose quotidienne d'épopée, et, qu'un véritable écrivain doit voler « d'échec en sentez-vous pas, ici même, qu'il y manque un même assagi par sa conversion, le tumulte faisait échec jusqu'à la gloire » et, devant ce Socrate souffle, une vibration, une nuance de colère et encore son ordinaire Le plus souvent, on était débonnaire, chaque Alcibiade acquiesçait à cet d'espérance ? JEAN—PAUL EIVTHOVEN ainsi flatté de partager cette vigoureuse affinité incertain programme. Au fond, et comme tant « Clavel », par Monique Bel, Bayard Edi- avec l'Apocalypse, la crainte et.le tremblement. d'autres, je lui prêtais plus de destin que de génie, tions, 370 pages, 130 F. 1241 LE NOUVEL OBSERVATEUR/LIVRES