Georges Henein : ´Ecriturespol´Emiques Pascale Roux
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Georges Henein : ´ecriturespol´emiques Pascale Roux To cite this version: Pascale Roux. Georges Henein : ´ecriturespol´emiques.Litt´eratures.Universit´ede la Sorbonne nouvelle - Paris III, 2009. Fran¸cais. <NNT : 2009PA030160>. <tel-01334731> HAL Id: tel-01334731 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01334731 Submitted on 22 Jun 2016 HAL is a multi-disciplinary open access L'archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destin´eeau d´ep^otet `ala diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publi´esou non, lished or not. The documents may come from ´emanant des ´etablissements d'enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche fran¸caisou ´etrangers,des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou priv´es. 1 Université Sorbonne nouvelle – Paris 3 Ecole doctorale 120 – Littérature française et comparée Thèse de doctorat Langue, littérature et civilisation françaises Pascale ROUX Georges Henein : écritures polémiques Thèse dirigée par M. le Professeur Dominique COMBE Soutenue le 4 décembre 2009 Jury : Mme Mireille CALLE-GRUBER, Professeure à l’Université Paris III M. Daniel LANÇON, Professeur à l’Université Grenoble III M. Michel MURAT, Professeur à l’Université Paris IV M. Pierre VILAR, Maître de Conférences à l’Université Paris VII 2 3 Mes rem erciements vont à Monsieur Dom inique Com be, directeur de cette thèse, pour son soutien et ses conseils, et à tous ceux qui, tout près de moi ou un peu plus loin, m’ont permis de mener à bien ce travail. Note sur les références bibliographiques Œuvres de Georges Henein : nous renvoyons à l’édition des Œuvres (Paris : Denoël, 2006) au moyen de l’abréviation Œ. Le lecteur désireux de connaître les références bibliographiques des différen tes éd itions des tex tes pourra se re porter à la bibliograp hie détaillée dans le volume d’annexes. Lorsqu’un texte n’est pas com pris dans les Œuvres, nous indiquons les références bibliographiques de sa première édition et nous le reproduisons dans les annexes. Autres références : les références bibl iographiques sont ici indiquées de manière simplifiée. Le lecteur désireux d’avoir des infor mations com plémentaires pou rra se repo rter à la bibliographie, dans les annexes. 4 5 Sommaire Introduction 7 Chapitre 1 – Le polémique : définition et méthode d’analyse 25 Première partie – La scène polémique 105 Chapitre 2 – L’étude du contexte : questions de méthode 109 Chapitre 3 – La trajectoire égyptienne de Georges Henein 125 Chapitre 4 – La trajectoire française de Georges Henein 183 Chapitre 5 – Le terrain polémique 221 Seconde partie – La représentation polémique 253 Chapitre 6 – La représentation du monde : la mimèsis polémique 257 Chapitre 7 – La représentation des acteurs : le personnel polémique 317 Chapitre 8 – La mise en scène de la joute verbale : l’agôn polémique 379 Chapitre 9 – La représentation polémique fictionnelle : 465 le cas des récits poétiques Conclusion 545 Glossaire 555 Index des noms de personnes 561 6 7 Introduction « Il reste encore un m oyen de s’ente ndre, c’est de se casser la gueu le »1 (Le Rappel à l’ordure, 1 935). Voilà qui pourrait cons tituer une belle définition de la démocratie : s’affronter pour s’entendre – da ns les deux sens du terme. A défaut de pouvoir vraim ent casser la gueule de son adversaire, on pe ut au m oins, comm e Georges Henein le recommandait un peu plus loin dans le m ême volume, lui dire « merde »2 et exercer à so n égard cette violence symbolique que constitue l’agression verbale. Mais, à l’heure où l’on ne jure que par le consensus et la fin des clivages idéologiques, il n’est pas de bon ton d’entrer en polémique. Le polémiste est perçu tantôt comme un être mesquin et frustré, tantôt comme un terroriste en puissance. Pourtant , s’il est un type de parole qui devrait pouvoir se développer sur le terreau de la démocrat ie, fondée sur le débat contradi ctoire, sur l’e xposition publique d’une m ésentente, c’est bien la parole polém ique. C’est en tout cas la vision de Georges Henein qui, presque trente-cinq ans après ce tte déclaration provocat rice, écrivait : « La démocratie est un mode d’agir qui part de l’idée qu’il faut donner à l’adversaire une valeur de présence pour n’avoir pas à déchoir soi-m ême en l’affrontant, ni à entrer en absence s’il lui arrive de triom pher » ( Petite Encyclopédie politique , « Démocratie », 1969, Œ, p.928). Donner à l’adversaire une valeur de présence, c’est d’abord le faire exister à l’intérieur m ême de la parole qui entend le com battre, le désa rmer et le neutra liser. Ce n’est en a ucun cas ignorer son existence, celle de sa parole ou de son système de valeurs, ni faire comm e s’il y avait consensus là où il y a conflit. La déclaration placée à l’in itiale du Rappel à l’ordure n’est pas seu lement le f ait d’un jeune auteur turbulent, c’est également la formulation d’un programme que Georges Henein, qui se définissait lui-même simultanément comme « poète » et « polémiste »3, met en œuvre tout au long de son parcours littéraire et politique. En Egypte, en France ou ailleurs, dans des revues d’avant-garde ou des journ aux d’information, dans de petites éditions confidentielles ou chez de prestigieux éditeurs parisiens, l’au teur pratique assidûm ent la polém ique, sous toutes ses form es, avec violence ou légèreté, avec colère ou joie. Si l’o n établissait une lis te 1 La « Lettre à Georges Henein » (1935), premier texte du recueil, est signée Serge Ghonine, pseudonyme de Georges Henein lui-même. 2 « Oui nous sommes négateurs et nous sommes hérétiques / A nous la violence qui détruira nos maîtres ! Depuis le temps qu’on leur dit oui / C’est le moment de leur dire MERDE ! » (« Le chant des violents », Œ, p.44) 8 Introduction des événem ents, des personnes, des objets qui furent pour lui occasion de polém ique, on obtiendrait un catalogue des plus hétéroclites, allant des procès staliniens, du bom bardement d’Hiroshima et du colonialism e aux cruciver bistes, à la réfor me du baccalau réat et à l’antiphylaxie. A divers degrés, de différent es m anières, l’ensem ble de son œuvre est polémique y compris, au moins pour partie d’entre eux, ses poèmes et ses récits poétiques. On peut égalem ent parler de son style, incisi f et ram assé, de son systèm e de valeurs, étonnamment stable tout au l ong de son parcours. F inalement, si l’on veut décrire la cohérence de l’œuvre, au-delà de sa très grande diversité th ématique et f ormelle, il f aut indéniablement souligner la dimension polémique de son écriture. Vouloir décrire le polém ique dans l’œuvre de Georges Henein pr ésente la d ifficulté inhérente à toute entreprise qui veut saisir, en un même mouvement d’analyse, un en semble de textes très hétérogène. Mais cette difficulté, si elle est surmontée, peut s’avérer féconde : si l’on parvient à décrire le polémique dans la variété de ses fonctionnements textuels, on pourra espérer avoir jeté les fondem ents d’une anal yse valable au-delà des lim ites d’une œuvre particulière, quitte, par la suite, à l’affiner, à la confronter à d’autres approches, à d’autres œuvres. C’est en tout cas ce qui constitue l’horizon – et l’espoir – de la présente étude. La critique sur le polémique : état des lieux S’interroger sur le polémique paraît d’autant plus important que ce type d’écriture est à la fois des plus répandus, dans le dom aine littéraire et dans bien d’autres, et très m al défini. On qualifie volontiers une position, un discours, un geste, une atti tude, un roman, un poème, une fiction de « polémique », mais que recouvre précisément le terme ? Dans le champ des étu des littéraires, l’ écriture polém ique occupe une place n ettement secondaire : pam phlet, satire, di atribe, lettre ouverte sont bi en souvent relégués au rang de sous-littérature, sous prétexte qu’ils relèvent du circonstanciel. Ce désintérêt critique repose sans doute sur une certaine conception de la littératu re, qui fait de la gratui té le garant de la littérarité d’un texte. O r, le texte polém ique, par définition, se situe à l’opposé de cette conception, puisqu’il revendique un rapport utilitaire à la langue : il s’agit de convaincre un destinataire, de réduire à néant un adversaire ; un bon texte polémique est un texte efficace, et pas nécessairement un beau texte. Les rhétoriciens se m ontrent tou t aussi ré ticents à prendre le polém ique comm e objet d’étude. G. Declercq montre ainsi comment les grands traités de l’Antiquité le proscrivent, le 3 Catalogue de la IIe Exposition de l’Art indépendant (1941). Introduction 9 rejetant dans un « hors-champ », le réduisant à « une marginalité sulfureuse aux confins de la diffamation et de la proscription »4. Il en va de mêm e des théories m odernes de l’argumentation, normatives : « obstacle à l’accord avec l’aud itoire (Perelman), paralogisme ou fallacy (Am blin), infraction aux principes de coopération (Grice), frein au processus pragma-dialectique qui vise à réduire les différentes inte ractionnels (v an Eem eren, Grootendorst) »5. Si le polém ique est exclu du cham p rhétorique, ce n’est pas, comm e pour les études littéraires, en raison d’une quelconque dichotomie gratuité vs utilité, mais parce que ces théories de l’argum entation sont « orientées explicitem ent vers la négociation et la résolution des conflits » : elles écartent ains i un type de parole fondé avant tout su r une mise en scène conflictuelle, ne visant pas à l’étab lissement d’un consensus m ais à l’af firmation hyperbolique d’un désaccord, d’une opposition irréductibles.