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Extrême-Orient Extrême-Occident

33 | 2011 Religion, éducation et politique en Chine moderne Religion, education, and politics in modern

Zhe Ji (dir.)

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/extremeorient/171 DOI : 10.4000/extremeorient.171 ISSN : 2108-7105

Éditeur Presses universitaires de Vincennes

Édition imprimée Date de publication : 1 novembre 2011 ISBN : 978-2-84292-334-1 ISSN : 0754-5010

Référence électronique Zhe Ji (dir.), Extrême-Orient Extrême-Occident, 33 | 2011, « Religion, éducation et politique en Chine moderne » [En ligne], mis en ligne le 01 novembre 2014, consulté le 25 mai 2020. URL : http:// journals.openedition.org/extremeorient/171 ; DOI : https://doi.org/10.4000/extremeorient.171

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Les rapports du religieux et de l’éducatif en Chine de la fin du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui, dans la complexité et la pluralité religieuse chinoise (données historiques et anthropologiques). La recherche se focalise sur l’imbrication et la différenciation entre la religion et l’éducation, la laïcité et la sécularisation en Chine aujourd’hui. Il est question de la recomposition de la religion, de l’éducation et du politique sous l’impact des bouleversements touchant à la tradition, l’histoire, la moralité et l’État.

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SOMMAIRE

Introduction : le jiao recomposé. L’éducation entre religion et politique dans la modernité chinoise Zhe Ji

I. Temple et école

Détruire les temples pour construire les écoles : reconstitution d’un objet historique Vincent Goossaert

Proliferating Learning: Quanzhen Daoist Activism and Modern Education Reforms in Nanyang (1880s-1940s) Xun Liu

II. Croyance et connaissance

Catholic Elementary and Secondary Schools and China’s Drive toward a Modern Educational System (1850-1950) Jean-Paul Wiest

Entre connaissance et croyance : Kang Youwei et le destin moderne du confucianisme Chunsong Gan

Muslim Educational Reform in 20th-Century China: The Case of the Chengda Teachers Academy Yufeng Mao

III. Culte et culture

Les « écoles familiales » en Chine continentale et à Taiwan : triple regard sur un traditionalisme éducatif Guillaume Dutournier

Le rôle de l’éducation dans le projet salvateur du Sébastien Billioud

IV. Regard extérieur

Religion and Education in a Secular Age: A Comparative Perspective Peter van der Veer

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Introduction : le jiao recomposé. L’éducation entre religion et politique dans la modernité chinoise

Zhe Ji

1 En 1891, dans l’« Introduction » à sa traduction d’un recueil de textes taoïstes, James Legge (1815-1897) précisait un point de vocabulaire : Depuis plus d’un millénaire, le syntagme « les Trois religions » a été l’expression type par laquelle était désigné en Chine ce que nous appelons le confucianisme, le taoïsme et le bouddhisme. En réalité, la formule désigne simplement les « Trois enseignements » et renvoie à des systèmes d’instruction où les contenus de chacun de ces « enseignements » font l’objet d’un apprentissage par investigation1.

2 Dans cette remarque, Legge – qui fut pionnier en Occident de la traduction et de l’étude systématiques des Classiques chinois, mais aussi missionnaire et directeur de l’Anglo- Chinese College, première école chrétienne du monde chinois – mettait le doigt sur un trait singulier de ce qui fait pendant en Chine à la « religion » occidentale et à quoi s’applique la notion de « jiao ». En Chine en effet, la religion est comprise avant tout comme un enseignement, un processus d’éducation ; la dimension religieuse et la dimension éducative s’y présentent comme d’emblée indissociables, reliées qu’elles sont par ce terme générique qui les englobe. Si l’on peut s’accorder à dire que toute religion implique, en sus d’autres fonctions dont la définition peut faire débat2, une fonction épistémologique et socialisatrice, la prégnance de cette fonction constitue un aspect significatif de la représentation collective de la religion dans la tradition chinoise. Il y a là une indifférenciation entre religion et éducation qui mérite d’être interrogée.

3 D’une part, la dimension religieuse suppose immédiatement en Chine un espace éducatif : les pratiques cultuelles y dessinent un lieu culturel où la collectivité et l’individu se « cultivent » en cultivant leur relation au sacré. D’autre part, lorsqu’on examine l’éducation traditionnelle sous l’angle de nos catégories modernes, on constate que celle-ci ne pouvait pas se passer de la religion tant dans son contenu que dans sa forme. Dans les pratiques et le discours éducatifs chinois, la cosmologie et le rituel

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religieux sont en effet des thèmes fondamentaux, des thèmes dont la maîtrise et l’usage constituent une ligne de démarcation entre barbarie et civilisation, entre masse et élite. Les connaissances véhiculées dans les écrits y possèdent un caractère sacré, et l’écriture elle-même peut devenir un objet de culte3. Que ce soit pour les Classiques ou pour les savoirs tels que la médecine, les arts martiaux et l’artisanat, leur transmission s’originait souvent dans le culte d’une divinité, d’un personnage légendaire, d’un maître ancestral ou encore d’un saint patron du métier.

4 Mais le jiao contient encore bien d’autres aspects. En 1893, le premier secrétaire de la délégation chinoise aux États-Unis, Peng Guangyu (1844- ?), est invité au premier « Parlement des religions du monde » à Chicago en tant que représentant du « confucianisme ». Dès le début de son discours, il affirme avec force que le jiao chinois ne peut être assimilé à une religion. Comme Legge, il précise que ce terme signifie « enseigner » dans sa fonction verbale, et « instruction » en tant que substantif. Il déclare ensuite : En Chine, le jiao (l’instruction) équivaut au zheng (le politique) et le zheng équivaut au jiao. Le zheng et le jiao sont tous deux issus du Fils du Ciel. L’instruction dispensée par l’empereur (dijiao) et celle délivrée par les maîtres (shijiao) sont toutes deux une instruction portant sur les rites (lijiao)4.

5 Ce discours laisse transparaître l’axe autour duquel se configure la tradition politico- culturelle chinoise : le jiao, notion à la fois religieuse et éducative, et dans laquelle on trouve aussi une dimension politique – plus précisément, où la politique (« l’instruction dispensée par l’empereur ») et l’éducation (« l’instruction délivrée par les maîtres ») relèvent toutes deux d’une discipline à caractère religieux imposée au peuple (« instruction portant sur les rites »). Sur le plan idéologique, le « Fils du Ciel » et l’élite politico-culturelle « instaurent l’enseignement par la voie sacrée » (yi shendao she jiao), invoquent le dogme du « mandat céleste » (tianming) pour légitimer leur règne et font de l’« instruction » (jiaohua) du peuple leur privilège et responsabilité. Sur le plan de la gouvernementalité, l’État impérial non seulement s’approprie systématiquement les symboles et les rites des religions institutionnelles comme le confucianisme, le taoïsme et le bouddhisme, mais il intervient aussi directement dans les cultes locaux et populaires, profitant de l’exhortation morale et de la force de mobilisation sociale de ces derniers pour affermir son efficacité administrative5. D’une façon générale, le secret du gouvernement dans la Chine traditionnelle résidait précisément dans cette fusion en un ordre unique et indivisible du pouvoir, du savoir et du religieux. Un tel ordre correspondait en tout point à la conception de Dong Zhongshu (179 av. J.-C.-104 av. J.-C.), fondateur d’une politologie officielle chinoise vieille de deux mille ans : le fondement de la « politique » (zheng) était l’« instruction » (jiao) ; et pour les gouvernants, le contrôle des savoirs et des rites légitimes s’avérait bien plus important que l’usage de la violence directe6.

6 Toutefois, au moment même où Peng Guangyu faisait montre de sa lucidité culturelle auprès de ses interlocuteurs occidentaux, l’ordre unifié de la religion, de l’éducation et de la politique – dont l’équilibre avait certes connu des variations au fil des siècles – était sur le point d’entrer dans une phase de profond changement. La modernité faisait irruption dans la configuration chinoise et en bouleversait les normes, si bien que le discours cosmologique et les techniques de gouvernement hérités du passé ne pouvaient plus répondre au défi d’un monde tout neuf. Le décalage entre valeurs traditionnelles et pratique concrète du politique déclenchait une crise morale structurelle7. Le jiao était sommé de réagir face à cette crise tant dans sa dimension

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religieuse qu’éducative et politique. Une réaction en chaîne allait briser l’ordre ancien et recomposer l’articulation même de ces trois dimensions, jetant ainsi les bases d’une modernité chinoise sur les plans politiques et sociaux.

« Éducation nouvelle » et émergence d’une laïcisation chinoise

7 Tout d’abord, l’éducation allait se singulariser par rapport au jiao, et se défaire peu à peu des objectifs éthiques du système symbolique traditionnel pour devenir une institution indépendante. Après les deux guerres de l’opium entre 1839 et 1860, la crise politique provoquée par les défaites militaires et diplomatiques de la Chine était généralement interprétée comme une crise de l’éducation : la Chine aurait manqué de personnels spécialisés et de fonctionnaires compétents capables de rendre le pays « riche » et « puissant ». L’éducation moderne chinoise – baptisée au début « éducation nouvelle » (xinxue) – est donc née de l’espoir de « sauver la patrie » (jiuguo)8.

8 L’éducation nouvelle avait des contenus bien précis. D’un côté, elle ne se chargeait plus de transmettre le patrimoine littéraire, les principes éthiques ou le savoir rituel, mais plutôt les descriptions de type scientifique de la nature et du monde humain venues de l’Occident moderne – descriptions supposant l’élaboration d’un nouveau langage issu des traductions de notions occidentales. Certes, les premiers réformateurs éducatifs nourrissaient encore le dessein d’un maintien des finalités traditionnelles – effort illustré par la diffusion du slogan « le savoir chinois comme substance, le savoir occidental comme fonctionnement » (xixue wei ti, zhongxue wei yong) qui fédérait des réformistes comme le haut fonctionnaire Zhang Zhidong (1837-1909). Mais le maintien de cet idéal constituait en lui-même la reconnaissance que le code moral ancien n’était plus hégémonique. D’un autre côté – que cela fût conscient ou non –, l’« éducation nouvelle » n’était pas neutre quant aux valeurs qu’elle véhiculait. Elle reposait sur la vision évolutionniste d’une histoire dominée par les compétitions, et portait l’exigence de la transformation de la Chine et de son intégration dans l’ordre international. Une telle vision agissait comme un moteur moral pour la construction de l’État-nation. Sur ce point, il faut souligner ce que l’éducation nouvelle a apporté au renouvellement des pratiques et des justifications de la mobilisation sociale en général. L’éducation traditionnelle officielle centrée sur le système des examens mandarinaux (keju) était uniquement destinée à un nombre restreint de sujets masculins, avec pour objectif la formation d’une élite politique et culturelle capable de perpétuer les idéaux de la société traditionnelle. Tandis que l’éducation nouvelle ambitionnait de toucher tous les membres de la communauté nationale, et avait en ligne de mire la compétition entre les nations et l’avenir du statut international du pays, inscrivant désormais la participation de l’individu dans l’État-nation comme un devoir.

9 Pour toutes ces raisons, les conséquences tant politiques que religieuses de la nouvelle éducation ont dépassé toute prévision et tout contrôle des initiateurs de la réforme. D’une part, son apparition a modifié les rapports entre le pouvoir central et le pouvoir régional, entre le gouvernement et les lettrés locaux, entre l’élite et le peuple9. En effet, les réformistes locaux ont été influents sur le plan politique, et la jeunesse formée dans les écoles modernes a rapidement constitué une force de mouvement en dehors du cadre institutionnel classique10. La nouvelle conscience nationale s’est vite substituée chez ces jeunes à la loyauté envers la culture et le régime impériaux. À la différence des

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anciens gouvernements dynastiques, l’État est dorénavant considéré comme une personne collective à travers laquelle les citoyens peuvent faire entendre leur voix. Nombreux sont ceux qui seront plus tard parmi les pionniers des réformes et révolutions qui marqueront la Chine du XXe siècle. Mais, outre l’introduction de nouveaux contenus de connaissance, de nouvelles pédagogies et d’un nouveau système scolaire, modifiant ainsi les critères de valorisation et les modalités d’accumulation du capital culturel dans la société chinoise, l’éducation nouvelle, de par l’abolition des examens mandarinaux, a entraîné la décomposition du confucianisme institutionnel11.

10 Pendant plus d’un millénaire, le confucianisme a incarné et structuré l’ordre traditionnel unifié de la religion, de l’éducation et de la politique en Chine. Les lettrés- fonctionnaires cumulaient les rôles de savant, de modèle éthique, de leader politique et d’expert en rituel, et le système des examens mandarinaux constituait le plus important mécanisme de leur reproduction. Il est communément admis que l’école Tongwenguan, fondée en 1862 après la seconde guerre de l’opium, a constitué la première école moderne créée par les Chinois. Elle avait pour objectif d’enseigner les langues étrangères et de former un personnel diplomatique, et l’on y dispensait également l’enseignement de diverses matières telles que l’astronomie, les mathématiques, la chimie, la médecine, la mécanique, l’histoire et la géographie occidentales ainsi que le droit international. Pendant les quarante années suivantes, les écoles modernes ont cohabité avec le système des examens mandarinaux. Mais dans la mesure où les examens déterminaient encore pour une large part la répartition des privilèges politiques et moraux, les écoles modernes n’étaient pas en mesure d’attirer suffisamment de soutiens sociaux et d’élèves qualifiés. Aussi ont-elles connu un développement très faible à leurs débuts. Si l’on ne tient pas compte des écoles chrétiennes, les écoles modernes chinoises se chiffraient autour d’une vingtaine avant la guerre sino-japonaise (1894-1895)12. Les promoteurs de l’éducation nouvelle en étaient conscients : tant que celle-ci ne remplacerait pas les examens, elle ne pourrait atteindre ses objectifs. Aussi, dans les réformes de 1898 et 1901, l’abolition des examens était-elle la mesure phare de la réforme éducative. En 1901, les académies traditionnelles (shuyuan) où se formaient les candidats aux examens furent restructurées en écoles divisées en trois échelons, plus proches du système des écoles occidentales. En 1902, on supprima dans les épreuves des examens la « dissertation en huit parties » (bagu) où prévalait la stylistique, pour y substituer le « rapport » (celun) portant sur des sujets d’histoire, de politique, de sciences et d’industrie. Mais cette tentative d’acclimatation des examens à l’éducation nouvelle échoua, car les examens n’accordaient aucune importance à la maîtrise des connaissances scientifiques, évaluant plutôt l’opinion politique des candidats sur ces connaissances13. En cela, le système des examens était diamétralement opposé à l’objectif poursuivi par l’éducation moderne. En 1904, la promulgation du « système scolaire de l’année guimao » (guimao xuezhi), conçu par le mandarin réformiste Zhang Zhidong sur le modèle du système éducatif japonais instauré après la réforme de Meiji, fut déterminante pour la fondation d’une institution éducative résolument moderne. Cette nouvelle institution ne se contentait pas seulement d’inclure l’enseignement du savoir occidental, mais proposait d’établir un système unifié des écoles à travers tout le pays pour assurer à tous une éducation obligatoire. En 1905, à la demande répétée de plusieurs gouverneurs, l’empereur finit par ordonner l’abolition des examens mandarinaux.

11 L’abolition de ces examens dont la constitution remontait au début du VIIe siècle a drastiquement réduit l’influence du confucianisme dans les champs politique et

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intellectuel. D’une part, un confucianisme privé du soutien d’une éducation officielle ne pouvait plus que se recycler dans la catégorie « philosophie » du nouveau système des disciplines, et entreprendre de réécrire sa pensée au moyen d’un langage occidentalisé 14, sans plus jamais pouvoir réunir en son sein la formation des savants et celle des experts religieux. D’autre part, le concept de « religion » (zongjiao) du XIXe occidental fut progressivement adopté par l’élite politique et culturelle chinoise, la religion sur le modèle fortement institutionnalisé du christianisme devenant l’unique forme légitime d’une organisation religieuse15. Dépourvu d’un mécanisme de reproduction de son « clergé » spécialisé, le confucianisme perdit son ancrage institutionnel, et certaines de ses pratiques à caractère religieux furent récupérées, de manière dispersée, aux différents niveaux d’une religion populaire alors en plein renouvellement16. La question de savoir si le confucianisme est ou non une « religion » devint alors un sujet en vogue dans les débats scientifiques et politiques, débats qui perdurent jusqu’en ce XXIe siècle17. De même, des mouvements intellectuels et sociaux visant à faire du confucianisme une religion à part entière se succédèrent sous diverses formes18.

12 La promulgation du « système scolaire de l’année guimao » et l’abolition des examens mandarinaux minèrent les fondements du confucianisme comme religion d’État, et initièrent une laïcisation à la chinoise en annonçant toute une série d’événements décisifs. En 1908, le gouvernement des Qing promulgua les Grandes Lignes de la Constitution impériale ( Qinding xianfa dagang) et les Dix-neuf principes fondamentaux (Zhongda xintiao shijiu tiao), réduisant officiellement le rôle de l’idéologie confucianiste dans la construction politique chinoise : la Constitution était déclarée par principe supérieure à l’empereur, et l’État n’était plus considéré comme la propriété privée de celui-ci. En 1910, après plusieurs années de débats, le Nouveau Code pénal de l’Empire (Daqing xin xinglü) fut adopté, engageant la substitution de la « loi » au « rite » comme fondement institutionnel de l’intervention étatique dans l’ordre social19. En 1912, dès sa fondation, la nouvelle République de Chine se donna comme principes de sa Constitution la liberté de croyance et l’égalité des religions. De son côté, le ministre de l’éducation, (1868-1940), publia son programme de politique éducative générale : À propos de l’orientation et des principes de nouvelle éducation20, affirmant que certains principes de l’éducation de l’époque impériale étaient désormais rejetés, au prétexte que « la loyauté envers l’empereur [était] incompatible avec le régime républicain, et la primauté accordée au confucianisme contraire à la liberté de croyance ». Dans cette logique, le ministère ordonna d’abord l’arrêt de la lecture des Classiques à l’école primaire, puis de l’enseignement correspondant dans les écoles normales. Si le culte confucianiste et la lecture des Classiques firent quelques brefs retours (souvent au niveau régional) à l’époque républicaine, la séparation de l’éducation et de la religion acquit toutefois la place de l’idéologie dominante et devint un principe incontournable dans la construction politique et éducative de la Chine.

« Construire des écoles avec les biens des temples » : la recomposition de l’espace public

13 L’instauration de l’éducation nouvelle n’a pas seulement dissocié la religion d’État et l’éducation publique, elle s’est aussi accompagnée d’une campagne autour du slogan « construire des écoles avec les biens des temples » (miaochan xingxue ou miaochan banxue) qui suscita une onde de choc pour les religions traditionnelles. L’éducation

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moderne supposait un système d’écoles structuré sur l’ensemble du territoire ; or, l’investissement national dans l’éducation à la fin des Qing souffrait de graves carences financières. Face à ce défi, Zhang Zhidong proposa dans ses célèbres Exhortations à l’étude (Quanxue pian) de 1898 de réquisitionner 70 % des biens mobiliers et immobiliers des temples et monastères pour construire des écoles nouvelles21. Après sa mise en pratique dans les premières années du XXe siècle, cette mesure connut durant les années 1920-1930 deux vagues de développement important. La campagne pour la « construction des écoles avec les biens des temples » ou la « destruction des temples pour la construction des écoles » fit subir au bouddhisme, au taoïsme et aux cultes populaires un revers sans précédent. En transférant d’importantes ressources des religieux au pouvoir politique et aux élites locales hostiles à certains cultes, la campagne détruisit le fondement matériel de la religion populaire chinoise où se trouvaient imbriquées les grandes et petites traditions. Mais plus fondamentalement, le remplacement des pratiques religieuses par un projet purement éducatif remettait en question le fondement même de la légitimité de ces pratiques religieuses. En ce sens, la campagne pour la « construction des écoles avec les biens des temples » marqua bien la fin du système autonome de la « religion chinoise »22.

14 Il n’était pas fortuit que « les biens des temples » fussent associés à la « construction d’écoles ». Au premier coup d’œil, la « construction des écoles avec les biens des temples » était une mesure pragmatique adoptée en raison des carences budgétaires, mais la raison profonde se trouvait dans la reconfiguration de l’espace public que réclamait la construction d’un État-nation moderne. Qu’ils provinssent des « cultes pervers » (yinsi) exclus des rituels impériaux, ou des monastères bouddhiques et taoïstes, les biens des temples confisqués pour la création d’écoles n’étaient dans la plupart des cas, selon le droit traditionnel de propriété, ni des propriétés « privées » (si) appartenant aux individus ou aux familles, ni des biens « officiels » (guan) relevant de l’autorité du gouvernement, mais des avoirs « publics » (gong) gérés par le village, le lignage ou la communauté religieuse. Les dépenses générées par ces temples et monastères provenaient de la rente des terres déclarées collectives ou des dons des fidèles, et elles avaient des fonctions publiques. Ces dispositifs religieux opéraient comme des gardiens de la morale, de l’éthique et du savoir traditionnels ; ils étaient chargés d’organiser les échanges rituels au quotidien ainsi que l’effervescence collective lors des fêtes, avec parfois des responsabilités commerciales, médicales, philanthropiques et même juridiques23. Ils constituaient en réalité la trame de l’espace public traditionnel, assurant un réseau social élémentaire. Mais un tel espace public tenu par les dispositifs religieux paraissait aux modernistes de la première période non seulement inefficace, mais aussi nocif. En ce sens, la campagne de « construction des écoles avec les biens des temples » visait à remplacer l’espace public des temples et monastères qui mythifiait le processus de socialisation, et à assurer la cohésion de la communauté locale par un autre espace public, celui des écoles, qui rationaliserait le processus de socialisation afin de relier la société locale et l’État-nation moderne24. La nature « publique » des temples et monastères assurait à leur réquisition une légitimité dans la mesure où l’éducation nouvelle répondait aussi à une vocation publique. Telle était d’ailleurs la justification qu’en donna Zhang Zhidong, l’un des premiers promoteurs de la campagne. Selon lui, la mesure était différente à la fois de l’approche intéressée d’une répression des religions pour des besoins budgétaires et de la lutte pour le pouvoir engagée entre les différentes forces religieuses :

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Il arriva à différents empereurs des temps anciens, l’empereur Taiwu des Wei du Nord en l’an 7 de l’ère Taiping zhengjun (446), l’empereur Gaozu des Tang en l’an 9 de l’ère Wude (626), l’empereur Wuzong [des Tang] en l’an 5 de l’ère Huichang (845), d’ordonner la destruction des temples à travers le pays. Ce faisant, ils visaient soit à prélever davantage de taxes, soit à interdire certaines doctrines, soit à réduire l’influence bouddhique pour promouvoir le taoïsme – autant d’objectifs uniquement privés. Aujourd’hui, nous visons à former de nouveaux talents pour chaque district, et nous proposons en plus des compensations. Cela se fait donc en vue du bien public25.

15 Les bouleversements causés par cette campagne et les conséquences qui s’ensuivirent eurent une influence inégale sur les différentes religions26. Certains cultes locaux furent considérés comme des « superstitions » (mixin), autrement dit de véritables obstacles à la modernisation : ils subirent de plein fouet la double pression de la campagne « anti- superstition » et de la « construction des écoles avec les biens des temples », d’où sur eux un impact durable et sévère27. À l’inverse, le bouddhisme et le taoïsme, en tant que grandes traditions constituées, profitèrent de la sympathie d’une bonne partie de l’élite politique et culturelle, et, par leur capacité de mobilisation, se constituèrent très vite en une force de réaction moderniste capable de négocier cette modernisation. Non seulement ils participèrent à la création d’écoles (destinées au départ aux religieux et croyants laïques, et plus tard à tous) afin de garder légitimement le contrôle sur leurs propriétés monastiques dans le nouveau contexte politique, mais ils se lancèrent dans des associations trans-monastiques, trans-lignagères et trans-régionales, afin de contrer les tentatives d’accaparement de leurs biens par le pouvoir séculier. Après la fondation de la République, ces mouvements de défense des biens monastiques se firent davantage structurés, et finirent par se fondre dans la vie publique de l’État-nation moderne. En plus de la formulation de revendications à travers leurs liens avec des fonctionnaires haut placés, la protestation publique étayée par des publications et le recours juridique pour le règlement des conflits constituèrent rapidement de nouvelles stratégies de défense28. Même si la négociation et la protestation ne donnèrent pas toujours des résultats satisfaisants pour les fidèles, des conceptions nouvelles telles que la liberté de croyance, l’égalité des religions et le gouvernement par le droit furent introduites dans ces démarches d’auto-justification ; le niveau d’intégration des institutions religieuses et leur capacité à participer au jeu politique devinrent pour certains groupes religieux constitués un capital important dans le maintien d’une position dominante sur le champ religieux. Par exemple, face aux menaces répétées de réquisition et d’occupation illégale des biens monastiques, le bouddhisme fit preuve d’une remarquable capacité de mobilisation nationale et d’un sens de l’adaptation politique, qui furent une des raisons de la montée relative de son influence dans la société chinoise de la première moitié du XXe siècle. Ainsi, la construction d’écoles par les biens des temples a non seulement symbolisé, avec l’abolition des examens mandarinaux, la séparation de l’éducation et de la religion en Chine moderne, et stimulé l’apparition de nouvelles conceptions et de nouveaux mécanismes dans la vie politique, mais elle a remodelé les règles du jeu et les formes d’organisation dans le champ religieux en Chine. En ce sens, on peut dire que ces deux mouvements furent à l’origine de la modernité religieuse chinoise.

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L’implantation des écoles chrétiennes en Chine et la régulation politique de l’éducation

16 Parallèlement, le prosélytisme chrétien a aussi donné une impulsion à la laïcisation de la Chine. Différents de leurs prédécesseurs, les missionnaires du XIXe siècle ne se contentaient plus de promouvoir leur foi auprès de l’empereur et de l’aristocratie mandchoue, mais s’engageaient dans l’éducation de la population et dans des activités charitables afin de s’enraciner dans la société chinoise. Si l’Anglo-Chinese College créé en 1818 à Malacca (réinstallé à Kong en 1843) est la première entreprise éducative du christianisme visant des Chinois, les églises catholiques et protestantes avaient déjà fondé une cinquantaine d’écoles vers 1860 en Chine, dont la plupart étaient consacrées à l’éducation élémentaire. Ne bénéficiant pas du soutien de l’État chinois, cette éducation chrétienne ne subissait pas, ou presque, de contrôle gouvernemental. Ainsi, avant même l’apparition de l’éducation nouvelle, il existait sur le territoire chinois une éducation à l’occidentale distincte de l’éducation traditionnelle. Celle-ci fut certes très marginale pendant des décennies, mais l’année 1860 marqua un tournant : la défaite des Qing dans la seconde guerre de l’opium aboutit à la signature du Traité de Pékin entre le gouvernement chinois et l’Angleterre, la France et la Russie, autorisant les missionnaires occidentaux à l’achat et à la location de terres en Chine et à la construction d’églises. Les activités missionnaires et l’éducation chrétienne trouvèrent là un espace de développement bien dégagé. La défaite conduisit également les réformistes chinois à mettre à exécution leur projet de création d’écoles modernes dispensant un enseignement des connaissances occidentales. Le fait qu’ils aient eu besoin de s’inspirer des démarches des écoles chrétiennes et d’attirer une partie de leur personnel et de leurs élèves, confirma en pratique la légitimité du modèle éducatif représenté par ces écoles, et contribua en retour à la prospérité de ces dernières29. En 1875, les écoles chrétiennes étaient au nombre de 800, et l’on comptait plus de 20000 élèves. À la fin du XIXe siècle, il y en avait plus de 2000 avec plus de 40000 élèves30.

17 Avec l’expansion du christianisme, et en raison des litiges territoriaux comme de la crainte d’une occidentalisation de certaines élites locales, nombre de conflits éclatèrent entre Chinois et missionnaires étrangers, de même qu’entre croyants et non-croyants31. Dans la mesure où ces conflits impliquaient des étrangers et où le gouvernement n’avait à sa disposition aucune règle unanimement admise par les différents protagonistes pour leurs règlements, dans la mesure également où s’exerçaient de fortes pressions diplomatiques, ces conflits constituaient une grande source d’embarras pour l’État impérial. Dans ce contexte, les limites imposées à l’Église par l’État français au début du XXe siècle, et en particulier la loi sur la laïcité votée en 1905, suscitèrent très vite l’intérêt de l’élite intellectuelle chinoise, qui pensait pouvoir y trouver une solution à ces « conflits de religion » (jiao’an) ou aux incidents antichrétiens. La limitation et l’affaiblissement des Églises étant perçus comme une « tendance mondiale », il paraissait normal que le gouvernement chinois adoptât une attitude ferme sur le règlement de ces conflits. À travers le débat sur la loi française de 1905, l’idée se répandit parmi l’élite chinoise que l’éducation devait être le monopole de l’État et non une affaire religieuse32. Le principe de séparation de l’éducation et de la religion, et celui d’une régulation de la religion par l’État devinrent progressivement un consensus parmi les modernistes chinois. Étant donné son arrière-plan, ces principes visaient d’abord l’expansion du christianisme : il s’agissait de régler les problèmes

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posés par le développement d’une religion occidentale en Chine, en se justifiant par l’emploi d’une notion occidentale. En 1906, le gouvernement des Qing émit un premier document régissant la gestion des écoles chrétiennes dont l’objectif principal était de « contenir et restreindre les étrangers de sorte qu’ils n’interfèrent pas dans la politique et l’éducation de notre pays »33. Par la suite, cette dimension anti-chrétienne/anti- occidentale du principe de séparation entre éducation et religion resta présente dans la « campagne antireligieuse » et la « campagne de récupération du droit à l’éducation », ainsi que dans les lois et décrets gouvernementaux promulgués au sujet des écoles chrétiennes dans les années 192034. Toutefois, la légitimité du principe de la « séparation de l’éducation et de la religion » avait pour fondement un discours de portée universelle, une politique largement motivée par des choix géostratégiques acquérant peu à peu une valeur normative, applicable également aux religions chinoises.

18 Le sens sous-jacent de cette séparation était que la nouvelle éducation devait servir la cause de la nouvelle politique, et qu’il fallait assurer le contrôle de l’État sur l’éducation. De ce fait, après les années 1920, les écoles chrétiennes entrèrent dans la catégorie des « écoles privées », et en octobre 1926, le gouvernement républicain de Canton promulgua un Règlement des écoles privées (Sili xuexiao guicheng) instaurant l’obligation pour celles-ci d’accepter le contrôle et la supervision du gouvernement, avec interdiction faite aux étrangers d’en être le directeur, prohibition des disciplines religieuses comme matières obligatoires et interdiction de toute propagande religieuse pendant les cours comme de toute participation forcée des élèves aux cérémonies religieuses. Par ailleurs, toute école privée n’ayant fait l’objet d’aucun enregistrement préalable auprès du gouvernement était sommée d’en présenter la demande dans les meilleurs délais, sous peine de voir les études et les diplômes de leurs élèves non reconnus. En 1927, après l’instauration d’un pouvoir républicain unifié par le Parti nationaliste (Kuomintang), et pendant une vingtaine d’années, d’autres lois et décrets furent promulgués, et le Règlement des écoles privées maintes fois révisé dans le sens d’un renforcement de la réglementation en matière de création d’institutions et d’enseignement dispensé. Selon ces lois et décrets, l’autorité éducative gouvernementale pouvait ordonner la fermeture des écoles privées en cas de « mauvaise gestion » ou d’« infraction au règlement », y compris dans les écoles créées par les étrangers et les Églises ; l’enseignement supérieur devait inclure quatre matières obligatoires : la « pensée du Parti » (dangyi), l’entraînement militaire, le chinois ainsi que la langue étrangère ; seule la création des cours spécialisés pouvait être décidée par les écoles elles-mêmes en fonction des besoins spécifiques, et en se référant aux règlements en vigueur dans les pays européens et américains35. D’une façon générale, cette réglementation ne freina pas le développement des écoles chrétiennes, qui connurent une belle prospérité dans ces années-là. Néanmoins, elle consacra, au plan juridique, le monopole de l’État sur l’éducation légale, obligeant les institutions religieuses à trouver un équilibre délicat entre instruction religieuse et nationalisme chinois36. Si bien que le problème des écoles chrétiennes en Chine apparaît comme pris dans une double tension, au demeurant inhérente à la construction politique moderne chinoise : entre Chine et Occident, mais aussi entre domaine public et domaine privé.

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Réarticulation de la religion, de l’éducation et de la politique

19 Que ce soit dans la campagne de « construction des écoles avec les biens des temples » ou dans l’abolition des examens mandarinaux, ou encore dans l’instauration du principe de séparation de la religion et de l’éducation, il s’agit toujours d’une dynamique multiple et complexe. La construction des écoles avec les biens des temples manifestait la volonté d’une transformation de la société par l’État, mais l’hostilité d’un confucianisme en tant que religion dominante envers les croyances populaires y était aussi clairement formulée37. La modernisation de la structure éducative était aux yeux de l’élite culturelle une façon d’élever la compétitivité internationale de la Chine, mais dans la pratique sociale concrète, le processus se traduisit surtout par une nouvelle répartition du pouvoir local38. Les promoteurs officiels de l’abolition des examens à la fin des Qing étaient eux-mêmes les héritiers légitimes de la tradition confucianiste, et n’avaient nullement l’intention de mettre en question la position dominante du confucianisme en matière d’éducation et de politique. Le principe de séparation de l’éducation et de la religion n’était à l’origine invoqué qu’à titre d’argument théorique emprunté à la politique occidentale moderne dans l’optique de régler des problèmes d’ordre diplomatique. Cependant, malgré la diversité de leurs enjeux, le résultat de ces mouvements coïncida avec l’émergence d’une sécularisation vigoureuse, corrélée à la construction de l’État-nation : certaines connaissances religieuses traditionnelles perdirent leur primauté ; la reproduction sociale que favorisait le système traditionnel des religions fut mise en cause ; des propriétés religieuses spécifiques furent réquisitionnées ou confisquées au nom de la « sauvegarde de la patrie » ou du « bien public », pour être destinées à un usage séculier ; la croyance religieuse fut désormais assimilée à la sphère privée, l’État s’arrogeant le monopole des règles d’action du domaine public.

20 Cependant, cette sécularisation n’était nullement un processus linéaire. Religion, éducation et politique étaient à la fois différenciées, voire opposées dans la modernité chinoise naissante, et mélangées, voire intégrées à différents niveaux. Si la séparation de la religion et de l’éducation, et celle de la religion et de la politique ont été acceptées par l’élite politique et culturelle chinoise comme relevant des principes fondateurs de l’État moderne, si la nécessité de cette double séparation fut à plusieurs reprises réaffirmée par la législation républicaine, l’éducation, la religion et la politique ne s’opposaient pas comme dans un jeu à somme nulle, mais pouvaient au contraire s’articuler désormais sous des formes inédites.

21 Certes, l’éducation moderne empiétait sur le terrain de la religion et de l’éducation traditionnelle, tendant à remplacer ces dernières pour former un espace public nouveau où l’État et la vie privée se trouvaient simultanément impliqués. Mais cet espace offrait également à la religion une nouvelle possibilité de s’exprimer dans cette société transformée. Du moment que l’éducation était définie dans l’État moderne comme une cause commune, alors il n’y avait aucune raison, pour peu que la religion se conformât à un consensus social fondamental, d’interdire à cette dernière l’accès au domaine de l’éducation. Aussi l’espace éducatif moderne pouvait-il devenir une nouvelle arène pour la compétition religieuse. C’est effectivement ce qui s’est passé en Chine. Au début du XXe siècle, les religions traditionnelles chinoises se sont fortement impliquées dans l’éducation séculière, et la promotion de l’éducation est devenue une

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façon sûre pour la religion de se procurer une reconnaissance sociale. Face au défi de la campagne de « construction des écoles avec les biens des temples », le bouddhisme et le taoïsme ont non seulement prêté plus d’attention à la formation des religieux, mais se sont aussi résolument engagés dans l’éducation de la population en créant de nombreuses écoles élémentaires39. Selon des statistiques officielles de 1930, sur les cent écoles privées de diverses catégories qui existaient à Pékin, dix-neuf étaient des écoles fondées par des temples et monastères40. Des organismes de la religion populaire, y compris les nouveaux mouvements religieux tels que la Société du swastika rouge (Hong wanzi hui), inscrivirent dans leurs œuvres l’aide à l’éducation pour les pauvres. De sa fondation en 1922 jusqu’à l’éclatement de la guerre antijaponaise en 1937, la Société de la swastika rouge créa à travers le pays une école secondaire, et 84 écoles élémentaires41. Quant au christianisme, religion étrangère, non seulement il gagna la confiance de la population par ses actions dans l’éducation élémentaire, mais il tissa aussi des liens avec l’élite culturelle chinoise par son investissement dans l’enseignement supérieur, favorisant l’intégration du christianisme dans la société chinoise42. Autrement dit, l’engagement des religions dans l’éducation a permis à celles- ci de consolider leur légitimité dans la nouvelle configuration sociopolitique par leur contribution à « l’intérêt public ». Parallèlement, ces nouveaux investissements dans l’éducation ont garanti aux religions la possibilité d’assumer leur fonction morale au sein du nouveau dispositif institutionnel et d’exercer leur influence tant sur le plan social que sur les mentalités, deux domaines alors en pleine mutation. Dans ce processus, les liens entre religions, société locale et État ont été reconfigurés43.

22 Mais si la religion pouvait devenir une force sociale dans l’espace éducatif réaménagé, certains éléments fondamentaux de l’éducation moderne pouvaient en retour pénétrer l’espace religieux, initiant de profondes évolutions au sein des différentes religions. Éducation et religion impliquent toutes deux un système de transmission entre « enseigner » et « apprendre ». Le contenu et la forme de cette transmission, le modèle pratique du binôme enseigner-apprendre et la définition du rapport maître-disciple déterminent en grande partie la forme sociale d’une religion. L’éducation moderne offrait dans ces domaines de nouvelles ressources et impulsions aux religions en devenir. Les contenus enseignés correspondaient essentiellement à des connaissances objectives, et la poursuite de la vérité au moyen de la raison avait la primauté dans l’échelle des valeurs. Sur le plan du fonctionnement, un système hiérarchisé d’écoles rationalisées constituait la modalité fondamentale d’organisation de la pratique de l’enseignement et de l’apprentissage. Ces trois caractéristiques de l’éducation moderne furent assimilées par le personnel religieux, mais ne manquèrent pas de susciter de vifs débats sur les questions essentielles du « contenu à transmettre », du « mode de transmission » et du « sujet légitime assurant la transmission ». Au bout du compte, ce sont les rapports entre le sacré, le savoir et le pouvoir dans le champ religieux lui- même qui s’en sont trouvés modifiés. Ainsi, entre la fin du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle, des bouddhistes chinois comme Yang Wenhui (1837-1911), Ouyang Jian (1871-1943), furent les premiers à introduire dans le bouddhisme le système des écoles et les conceptions et valeurs de l’éducation moderne, ce qui les conduisit à faire davantage ressortir les aspects académiques du bouddhisme ainsi que la signification morale de la pratique intellectuelle dans le bouddhisme. Insistant sur l’égalité religieuse entre les croyants bouddhistes laïques et les moines, ils ont organisé leur recherche et enseignement autour de la « bouddhologie » (foxue), et constitué ainsi un groupe moderne de pratiquants bouddhistes laïques véritablement indépendant de

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l’institution monastique44. Au sein de la communauté cléricale du bouddhisme, des réformistes guidés par le moine Taixu (1890-1947) entreprirent également, à partir des années 1920, de former de jeunes moines dans des « instituts bouddhiques » (foxueyuan) s’inspirant du système éducatif et de la pédagogie des écoles séculières. Cette innovation éducative s’affranchissait des limites imposées par le cadre monastique et les lignées traditionnelles, et offrait au bouddhisme une nouvelle garantie institutionnelle pour sa perpétuation45.

23 D’un autre côté, dans l’État moderne, c’est la citoyenneté qui définit le statut des membres de la communauté nationale, y compris pour les croyants. L’État s’efforce de monopoliser l’éducation légale, et fait de l’identification politique des citoyens un objectif fondamental de l’éducation46. Le modèle nationalisé de l’éducation et les discours sur la citoyenneté ont des répercussions normatives telles que les entreprises éducatives des religieux, y compris l’éducation réservée aux religieux, ne peuvent s’en extraire. En 1915, le gouvernement de Beiyang promulgue le Règlement de gestion des temples et monastères (Guanli simiao tiaoli) autorisant ceux-ci à fonder leurs propres écoles, et les encourage à assurer en sus de l’enseignement religieux une éducation civile. En 1921, dans la version révisée du Règlement, l’article 16 stipule que pour toute réunion et conférence de moines bouddhistes ou taoïstes, la discussion doit se limiter à trois sujets : premièrement, « l’interprétation et la promotion de la doctrine religieuse » ; deuxièmement, « la transformation et l’éducation de la société » ; troisièmement, « l’inspiration de la pensée patriotique ». Le nouveau Règlement du gouvernement national publié en janvier 1929 conserve cet article, en remplaçant « l’inspiration de la pensée patriotique » par « l’inspiration de la pensée révolutionnaire pour la sauvegarde de la patrie ». L’article 6 stipule que les écoles, bibliothèques et autres entreprises éducatives créées par les temples et monastères doivent inclure « la pensée du parti » – autrement dit l’idéologie du parti au pouvoir, le Kuomintang – dans le cursus, les ouvrages ou le discours. Ce Règlement, qui confère au gouvernement local un pouvoir considérable pour disposer des propriétés des temples et monastères, suscite de vives contestations du milieu bouddhiste, avant d’être abrogé moins d’un an plus tard47 – sa publication témoignant toutefois de la tentative du gouvernement républicain de politiser l’éducation religieuse48.

24 Bien entendu, l’intervention de la politique dans l’éducation religieuse n’était pas toujours la conséquence d’une imposition directe de l’État. Durant la première moitié du XXe siècle, la science, la démocratie et le nationalisme constituant le paradigme de tout discours de légitimation, les réformistes de tout bord tentèrent d’inclure l’existence et le développement de leur propre tradition dans un récit moderniste, et de se reconstituer comme une ressource indispensable à la modernisation de l’ordre politique et moral de la nouvelle Chine. Les confucianistes s’efforcèrent de trouver une justification proprement chinoise aux droits individuels et à la démocratie dans les Classiques49 ; les taoïstes interprétèrent l’ancienne pratique alchimiste intérieure comme une méthode scientifique capable de renforcer le pays50 ; des concepts essentiels de la politique républicaine tels que l’égalité et la révolution armèrent le discours des bouddhistes réformistes dans leur promotion du « bouddhisme dans le siècle » (renjian fojiao)51. Dans un tel contexte, non seulement l’identité religieuse et l’identité citoyenne pouvaient se construire mutuellement52, mais des thèmes comme les droits des citoyens, le patriotisme et l’identité nationale pouvaient se voir inclus dans le processus d’éducation religieuse. Ainsi, les instituts bouddhiques sous la direction de Taixu firent de l’éducation civique un élément nécessaire à la formation

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des moines modernes53. Quand aux écoles nouvelles des musulmans, non seulement elles enseignaient le chinois, mais elles plaçaient très consciencieusement l’identité ethnique dans le cadre d’une nation chinoise en pleine construction54.

La crise moderne de l’éducation et de la religion

25 Il faut souligner le fait que cette recomposition de la religion, de l’éducation et de la politique n’était nullement un processus équilibré. Comme nous l’avons vu, la construction de l’État-nation était en effet la tâche essentielle de la modernité naissante. Pour les Chinois du XIXe au XXe siècle, la construction nationale constituait le préalable de leur entrée dans une histoire mondialisée. L’État étant perçu comme le représentant de la nation, il était considéré face à l’expansion globale de l’impérialisme et du colonialisme comme la garantie fondamentale de la perpétuation de la Chine. Or, en raison de la différenciation institutionnelle, mais également de cette sacralité dont se parait la politique nationaliste, l’éducation et la religion voyaient se relativiser leur autonomie comme instances productrices de sens, d’où des tensions croissantes avec la politique. Ces tensions découlaient d’un ensemble de contradictions propres à la modernité entre morale et politique, universalisme et nationalisme, nationalisme culturel et nationalisme politique, société et État.

26 Durant la première moitié du XXe siècle, les acteurs des milieux éducatif et religieux qui participaient activement à la construction de l’État-nation prirent conscience à des degrés divers de ces tensions, et eurent des réactions différentes. Le courant de pensée pour « l’indépendance de l’éducation » (jiaoyu duli), apparu au côté du mouvement pour « sauver la patrie par l’éducation » (jiaoyu jiuguo), dont les principaux représentants étaient Cai Yuanpei, Hu Shi (1891-1962) et Fu Sinian (1896-1950), illustra les relations délicates entre l’éducation et la politique55. L’« indépendance » en question affirmait l’autonomie de l’éducation vis-à-vis de la politique. Cette idée ne reflétait pas seulement les divergences entre une conception libérale et une vision nationaliste de l’éducation, mais touchait aussi bien aux différentes compréhensions des rôles respectifs de l’éducation, de la politique et de la religion dans la construction de l’ordre moral. Par exemple, Cai Yuanpei en 1912 fit une distinction entre deux types d’éducation, l’un « subordonné à la politique », l’autre « dépassant l’ordre de la politique ». Il proposait de réunir les deux, en conditionnant le second à un système républicain, et affirmait que la politique était limitée au « monde des phénomènes », autrement dit qu’elle poursuivait le bonheur présent, tandis que le souci fondamental de l’éducation visait, tout comme la religion, à dépasser le monde des phénomènes pour réaliser la compréhension du « monde en soi ». À la différence de la religion qui refuse le monde d’ici-bas, l’éducation faisait du bonheur intramondain un chemin menant au monde en soi. Fort de cette distinction, Cai proposait d’adjoindre à l’enseignement militaire, moral et civique, qui relevait de la sphère du politique, une éducation esthétique ainsi qu’une éducation tournée vers une « vision du monde » dépassant les limites de la politique56. Se fondant sur les théories contemporaines de la sécularisation, il plaidait en outre pour un remplacement de la religion en déclin par l’éducation esthétique57.

27 Les mouvements religieux n’étaient pas non plus sans exprimer des réserves sur la primauté accordée à la construction étatique. Ainsi, le moine Taixu avec son « bouddhisme dans le siècle », souvent considéré comme proche du régime

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nationaliste, ne renonça jamais à ses options universalistes et à l’idée d’une prééminence morale de la religion. Taixu et ses disciples affirmaient que la cosmologie bouddhique constituait un fondement sur le plan des valeurs pour un véritable État démocratique. Ils étaient opposés au nationalisme radical, et avaient atténué la teneur xénophobe du nationalisme par leur conception bouddhique du « non-soi », pour en faire une conception non violente et non substantiviste58. Liang Shuming (1893-1988), le « dernier confucéen »59, pensait que la voie qui s’ouvrait à la Chine ne menait pas à la construction d’un État puissant, mais conduisait à la formation d’un « renouvellement des rites et coutumes » servant la construction de la nation chinoise60. Partant de cette vision, il essaya de promouvoir dans les années 1930 l’« éducation populaire » (pingmin jiaoyu) et la « construction rurale » (xiangcun jianshe). La vision de Liang Shuming peut être qualifiée de particulariste, dans la mesure où la renaissance de la Chine devait à ses yeux la distinguer des autres nations par une refondation morale. Cependant, ce nationalisme culturel ne soumettait pas l’ordre moral à l’État, refusant de confier à la politique la responsabilité de la reconstruction sociale. Aussi, chez Liang Shuming, le rapport entre politique et éducation dans un État-nation se voyait inversé : l’éducation n’était pas un moyen pour la politique mais bien son objectif ultime, et c’est précisément dans une telle relation entre politique et éducation que résidait la « transformation par l’éducation » (jiaohua) de l’idéal confucéen.

28 En raison des drames traversés par les Chinois au long du xxe siècle, toutes ces idées et tous ces efforts furent abandonnés à mi-chemin, après avoir malgré tout exercé une certaine influence. À partir des années 1980, les idéologies dominantes des deux régimes politiques installés de part et d’autre du détroit de Taiwan ont connu de profondes évolutions, et le rapport entre État et société s’en est trouvé sensiblement réaménagé. Mais le cadre général, celui d’une différenciation institutionnelle, d’une pluralisation des valeurs et de la prédominance du discours de l’identité nationale ou de la citoyenneté n’a aucunement changé, si bien que la crise moderne de la religion et de l’éducation connaît des prolongements jusqu’à aujourd’hui. Depuis les années 1990, le thème de la « culture traditionnelle » (chuantong wenhua) a agi comme un liant entre une religion et une éducation confrontées toutes deux à la sécularisation, et a vu naître sous sa bannière des projets de reconstruction sociale transversaux qui ont placé l’espoir d’une renaissance morale dans l’étude des Classiques, l’esthétique traditionnelle, la pratique rituelle et l’éthique familiale centrée sur la valeur de piété61. Le phénomène le plus remarquable dans ce processus est celui qu’a initié au milieu des années 1990 le taiwanais Wang Caigui : le mouvement de « lecture des Classiques par les enfants ». Ce mouvement a non seulement donné lieu, à Taiwan comme sur le continent, à la réapparition/reformulation en dehors du système officiel du modèle éducatif des « écoles familiales » (sishu), mais aussi, plus largement, à travers la grande variété des pratiques de lecture des Classiques, remis en question le statut d’« instituteur du social » de l’État62. Ce mouvement, ainsi que d’autres phénomènes de « renaissance » de la culture traditionnelle, suscitent en Chine comme en Occident de vifs débats sur le conservatisme culturel, le nationalisme, le libéralisme et le rapport entre Chine et Occident63. L’ensemble de ces phénomènes rappelle une fois de plus que, même au XXIe siècle, la question de l’extension respective et de l’intrication réciproque du religieux, de l’éducatif et du politique demeure un enjeu majeur pour l’analyse et la reconstitution de la modernité chinoise.

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Objectif et plan de ce volume

29 Le cadre général est donc le suivant. Suite aux crises politique et morale engendrées – ou plutôt précipitées – par la confrontation de la Chine avec l’Occident64, crises qui entraînèrent la séparation de la religion et de l’éducation d’une part, de la religion et de la politique d’autre part, mais également la nationalisation de l’éducation, le jiao traditionnel se différencia en trois institutions distinctes dans leur expression sociale, mais imbriquées sur les plans pratiques et idéologiques, à savoir : l’éducation (jiaoyu), la religion (zongjiao) et la politique (zhengzhi) dans leur sens moderne. Cet ensemble de ruptures constitue l’une des origines institutionnelles de la Chine moderne. Parallèlement, la reconfiguration des relations entre religion, éducation et politique, initia une dynamique structurelle dans l’évolution contemporaine de la société chinoise. En conséquence, l’évolution du jiao révèle de manière aiguë le processus complexe de différenciation et de recomposition de l’ordre moral et politique en Chine moderne.

30 Tentative d’une recherche en ce sens, le présent volume explore principalement la façon dont la religion comme espace éducatif a été restructurée par la modernité. Sept chercheurs originaires de France, de Chine et d’Amérique du nord fournissent ici de riches contributions historiques et ethnographiques. Vincent Goossaert mène une enquête sur la campagne de « construction des écoles avec les biens des temples » et propose quatre pistes d’interprétation des faits, nous offrant une grille d’analyse fondamentale pour la recherche sur l’origine de la modernité religieuse chinoise. Liu Xun reconstitue l’histoire du monastère taoïste Xuanmiao à Nanyang qui, de la fin des Qing au début de l’ère républicaine, a investi dans la création des écoles nouvelles et participé à l’élaboration de l’éducation moderne en Chine ; en s’appuyant sur cette étude de cas, il montre que la participation taoïste dans l’éducation nouvelle n’est pas réductible à une stratégie de survie face à la menace d’expropriation par les forces politiques, mais que dans une certaine mesure elle constitue la réactivation d’une longue tradition des institutions religieuses dans la participation à la vie publique locale. L’étude de Jean-Paul Wiest fournit une histoire panoramique de la création en Chine des écoles élémentaires par l’église catholique ; partant du fait que l’éducation catholique ne portait pas uniquement sur le savoir, mais véhiculait un ensemble de conceptions sur la vie telles que la foi, la charité, le genre ou l’hygiène, il montre comment les enseignants catholiques ont tenté de maintenir un équilibre entre prosélytisme et besoins du peuple, entre idéal universaliste et exigence politique locale. L’article de Gan Chunsong se propose d’analyser le cas du célèbre réformiste Kang Youwei, qui d’un côté a nourri le projet de fonder une « église » confucéenne conçue comme religion d’État, et de l’autre tenté d’associer éducation moderne et enseignement confucianiste ; conclue par un échec, cette tentative reflète la difficulté pour le confucianisme institutionnel de se perpétuer dans la modernité. À travers l’étude du cas de l’École normale de Chengda, pionnière dans la réforme de l’éducation musulmane en Chine, l’enquête de Mao Yufeng examine comment les constructions de l’identité nationale moderne, de l’identité religieuse et de l’identité politique se sont mêlées dans cette réforme en un même processus indivisible. Enfin, Guillaume Dutournier et Sébastien Billioud rapportent de leur terrain des données neuves sur des mouvements religio-éducatifs contemporains. Interrogeant les modes de légitimation de l’autorité culturelle, le premier compare les manifestations du phénomène des

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« écoles familiales » d’inspiration confucianiste dans le double contexte de la Chine continentale et de Taiwan, afin d’éclairer la pluralité des enjeux de cette forme d’éducation singulière. L’enquête sur le Yiguandao chez le second analyse les données sous les trois aspects de l’importance de l’éducation confucéenne dans la spiritualité des adeptes, du recrutement et de la formation des adeptes, ainsi que de la légitimation du mouvement auprès des autorités chinoises.

31 Peter van der Veer, directeur de l’Institut Max Planck pour l’étude de la diversité religieuse et ethnique à Göttingen en Allemagne, nous a fourni un précieux regard extérieur dont sauront certainement s’inspirer nos lecteurs intéressés par les thèmes de la modernité religieuse, du sécularisme et de l’État-nation.

32 Outre la contribution de tous les auteurs, cet ouvrage a bénéficié au cours du processus d’édition et de publication du soutien et de l’aide de nombreux amis et collègues, en particulier de : Élisabeth Allès, Florence Bretelle-Establet, Romain Graziani, Liu Weimin, David A. Palmer, Song Gang, Frédéric Wang, Xiaohong Xiao-Planes, Yang Dan, Yang Der-Ruey, Yin Wenjuan. Qu’ils en soient tous ici chaleureusement remerciés.

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ANNEXES

Glossaire bagu 八股 Beiyang 北洋 Cai Yuanpei 蔡元培 celun 策論 Chengda 成達 chuantong wenhua 傳統文化 Chunqiu fanlu 春秋繁露 dangyi 黨義 Daqing xin xinglü 大清新刑律 dijiao 帝教 Dong Zhongshu 董仲舒 foxue 佛學 foxueyuan 佛學院 Fu Sinian 傅斯年 Gaozu 高祖 gong 公 guan 官 Guanli simiao tiaoli 管理寺廟條例 guimao xuezhi 癸卯學制 Hong wanzi hui 紅卍字會 Hu Shi 胡適 Huichang 會昌 jiao 教 jiao, zheng zhi ben ye ; yu, zheng zhi mo ye 教, 政之本也 ; 獄, 政之末也 jiao’an 教案 jiaohua 教化 jiaoyu duli 教育獨立 jiaoyu jiuguo 教育救國 jiaoyu 教育 jiuguo 救國 Kang Youwei 康有為

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keju 科舉 Kuomintang 國民黨 Liang Shuming 梁漱溟 lijiao 禮教 miaochan xingxue (banxue) 廟產興(辦)學 mixin 迷信 Ouyang Jian 歐陽漸 Peng Guangyu 彭光譽 pingmin jiaoyu 平民教育 Qinding xianfa dagang 欽定憲法大綱 Quanxue pian 勸學篇 renjian fojiao 人間佛教 shijiao 師教 shuyuan 書院 si 私 Sili xuexiao guicheng 私立學校規程 sishu 私塾 Taiping zhenjun 太平真君 Taiwu 太武 Taixu 太虛 tianming 天命 Tongwenguan 同文館 Wude 武德 Wuzong 武宗 xiangcun jianshe 鄉村建設 xinxue 新學 xixue wei ti, zhongxue wei yong 西學為體, 中學為用 xuanmiao 玄妙 Yang Wenhui 楊文會 yi shendao she jiao 以神道設教 Yiguandao 一貫道 yinsi 淫祀 Zhang Zhidong 張之洞 zheng 政

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zhengzhi 政治 Zhongda xintiao shijiu tiao 重大信條十九條 zongjiao 宗教

NOTES

1. Legge, The Texts of Tâoism, p. 1. 2. Nous n’aborderons pas ici la question débattue de la définition du religieux en général, pour nous concentrer sur les spécificités de la configuration religieuse chinoise. Sur la définition du religieux dans la sociologie et ses implications intellectuelles et politiques, voir Hervieu-Léger, La Religion pour mémoire ; Willaime, Sociologie des religions ; Beckford, Social Theory & Religion ; et Smith, The Meaning and End of Religion. 3. Dans la Chine traditionnelle, l’écrit constitue en lui-même un objet de culte exerçant une fonction unificatrice. Comme Benedict Anderson l’a souligné, l’une des différences cruciales entre les communautés classiques et les États-nations modernes tient à ce que les premières reposent sur une confiance partagée en la sacralité d’une langue envisagée dans son unicité ; cf. Anderson, Imagined Communities, p. 13. 4. Peng Guangyu, Shuo jiao, cité par Chen Xiyuan, « “Zongjiao”: Yige Zhongguo jindai wenhuashi shang de guanjianci ». Dans la version anglaise du discours de Peng, le mot zheng a été traduit par « loi ». 5. Voir C. K. Yang, Religion in Chinese Society ; Duara, Culture, Power, and the State ; Feuchtwang, Popular Religion in China ; Lagerwey, China: A Religious State. 6. Dong Zhongshu, Chunqiu fanlu, chap. 5 : « jiao, zheng zhi ben ye ; yu, zheng zhi mo ye » (Jiao est le fondement de la politique ; le châtiment en est la part superficielle). 7. D’une manière générale, l’émergence du nationalisme peut être comprise comme une réaction à l’anomie engendrée par cette crise de la société moderne ; voir Greenfeld, Nationalism: Five Roads to Modernity, p. 15-16. 8. Sur les courants de pensée visant à « sauver la patrie par l’éducation » (jiaoyu jiuguo), voir Wang Guorong, Zhongguo sixiang yu wenhua, p. 28-118. 9. Voir Bastid, Educational Reform in Early Twentieth-Century China ; Xiaohong Xiao-Planes, Éducation et Politique en Chine ; Averill, « The cultural politics of local education in early twentieth-century China ». 10. Sang Bing, Wanqing xuetang xuesheng yu shehui bianqian. 11. Cf. Gan Chunsong, Zhiduhua rujia jiqi jieti. 12. Sang Bing, op. cit., p. 38. 13. Liu Longxin, « Cong keju dao xuetang: celun yu wanqing de zhishi zhuanxing ». 14. Pour une discussion approfondie sur cette question, voir Thoraval, « Expérience confucéenne et discours philosophique ». 15. Goossaert, « L’invention des “religions” en Chine moderne ». 16. Goossaert, « Les mutations de la religion confucianiste ». Yiguandao est un des nouveaux mouvements religieux ayant recyclé certains aspects du confucianisme ; je renvoie à l’article de Sébastien Billioud dans ce volume. 17. Sur les débats autour de la dimension religieuse du confucianisme en Chine populaire, voir Ren Jiyu, « Rujiao wenti » zhenglun ji ; Han Xing, Rujiao wenti: zhengming yu fansi. 18. Voir Gan Chunsong, Zhidu ruxue et son article dans ce volume ; Billioud & Thoraval, « Anshen liming » ; Chen Hsi-yuan, Confucianism Encounters Religion. 19. Gan Chunsong, Zhiduhua rujia jiqi jieti, p. 243-264. 20. Cai Yuanpei, « Dui xinjiaoyu zhi wo jian », p. 136.

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21. Zhang Zhidong, « Quanxue pian ». 22. Goossaert, « 1898 ». 23. Sur l’aspect public de la religion populaire, voir C. K. Yang, op. cit., chap. 4 ; Feuchtwang, op. cit. ; Goossaert, Dans les temples de la Chine. 24. Ce processus a parfois suscité de violents conflits au niveau de la société locale. Voir Yang Qifu, « Wanqing xinzheng shiqi xiangmin huixue lunshu » ; Zhao Lidong, « Xinzheng, jiaoyu yu difang shehui de bianqian » ; Xu Yue, « Qing mo sichuan miaochan xingxue jincheng zhong de kanfa miaoshu ». 25. Zhang Zhidong, op. cit., p. 9740. 26. Voir l’article de Vincent Goossaert dans ce volume. 27. Goossaert, « Le destin de la religion chinoise au XXe siècle » ; Nedostup, Superstitious Regimes. 28. Pour un résumé des efforts fournis par les bouddhistes dans ce domaine et une évaluation de l’efficacité de ces efforts, voir Welch, The Buddhist Revival in China, chap. 8 ; Chen Yishen, « Minguo shiqi de fojiao yu zhengzhi ». 29. Si les écoles chrétiennes constituèrent un modèle pour les écoles chinoises d’« éducation nouvelle », la réforme éducative chinoise suivit notamment l’exemple du Japon moderne. Voir Cameron, The Reform Movement in China, 1898-1912 ; Wang Lixin, Meiguo chuanjiaoshi yu wanqing Zhongguo xiandaihua. 30. Les statistiques sont citées de Gu Changsheng, Chuanjiaoshi yu jindai Zhongguo, p. 226-228. 31. Cf. Lü Shiqiang, Zhongguo guanshen fanjiao de yuanyin 1860-1874 ; Zhang Li & Liu Jiantang, Zhongguo jiao’an shi. 32. Yang Sixin, « « Jiaoyu he zongjiao fenli » sixiang shuru jiqi dui Zhongguo jiaoyu de yingxiang ». 33. Sur le contexte de cet événement, voir Yang Sixin, « Shilun wanqing minchu zhengfu jiaohui xuexiao zhengce de yanbian ». 34. Sur ces mouvements, voir Bastid-Bruguière, « La campagne antireligieuse de 1922 » ; Yang Sixin, « Minguo zhengfu jiaohui xuexiao guanli zhengce yanbian shulun ». 35. Voir Zhou Nan & Li Yongfang, « Minguo shiqi sili gaodeng xuexiao shulun ». 36. Voir l’article de Jean-Paul Wiest dans ce volume et Li Xingyun, « Ershi niandai guangdong guomin zhengfu dui jiaohui xuexiao de “shouhui” ». 37. Vincent Goossaert a indiqué trois dynamiques dans les campagnes de « construction des écoles avec les biens des temples » : le fondamentalisme confucianiste, l’anticléricalisme chinois et l’anti-superstition. Voir Vincent Goossaert, « 1898 ». 38. Liang Yong, « Qingmo “miaochan xingxue” yu xiangcun quanshi de zhuanyi ». 39. Pour une brève histoire de l’entreprise éducative du bouddhisme au début du XXe siècle, voir He Jinlin, « Qingmo seng jiaoyu hui yu siyuan xingxue de xingqi » ; Zuo Songtao, « Jindai Zhongguo fojiao xingxue zhi yuanqi ». 40. Wang Wei, « Minguo shiqi beijing miaochan xingxue fengchao ». 41. Pu Wenqi, « Minguo shiqi de shijie hong wanzi hui ». 42. Voir Tan Shuangquan, Jiaohui daxue zai jindai Zhongguo ; Jean-Paul Wiest, « Ma Xiangbo » ; Philip Yuen Sang Leung & Peter Tze Ming Ng (ed.), Christian Responses to Asian Challenges. 43. Bastid-Bruguière, « Shijiu, ershi shiji Zhongguo de tianzhujiao shequ » ; Wang Mingming, « Jiaoyu kongjian de xiandaixing yu minjian gainian ». 44. Ji Zhe, « Jushi fojiao yu xiandai jiaoyu ». 45. Sur les instituts bouddhiques dans la première moitié du XXe siècle, voir Welch, The Buddhist Revival in China. D’après les statistiques que Welch fournit dans l’« Annexe 2 », entre 1912 et 1950, au moins 71 instituts bouddhiques virent le jour en Chine et formèrent environ 7 500 personnes. 46. Ernest Gellner a bien souligné que pour l’État moderne, le monopole de l’éducation légitime est plus important et plus décisif que le monopole de la violence légitime. C’est par la création

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d’un lien déterminé avec la culture qu’il peut s’assurer la loyauté des hommes à son service. Voir son livre Nations et nationalisme, p. 48-61. 47. Voir Chen Jinlong, « Minguo Simiao guanli tiaoli de banbu yu feizhi ». Contesté par les bouddhistes, ce Règlement a été remplacé en décembre 1929 par une nouvelle version concise qui ne définit plus le contenu concret des éducations entreprises par les institutions religieuses. Cette nouvelle version du Règlement est toujours en vigueur aujourd’hui à Taiwan. 48. Nous nous contentons ici d’évoquer la dimension politico-religieuse de l’éducation. Pour une étude détaillée des programmes politiques des États modernes chinois pour réguler les religions, voir Goossaert & Palmer, The Religious Question in Modern China. 49. Cf. He Xinquan, Ruxue yu xiandai minzhu ; Yu Yingshi, Xiandai ruxue de huigu yu zhanwang ; Anne Cheng, « Des germes de démocratie dans la tradition confucéenne ? » 50. Cf. Liu Xun, Daoist Modern. 51. Voir He Jianming, Fofa guannian de jindai tiaoshi, chap. 3 ; Li Xiangping, « Ershi shiji Zhongguo fojiao de “geming zouxiang” ». 52. Duara, « Religion and Citizenship in China and the Diaspora ». 53. Pittman, Toward a Modern Chinese Buddhism ; Tuttle, Tibetan Buddhists in the Making of Modern China. 54. Voir l’article de Mao Yufeng dans ce volume. 55. Cf. Jiang Chaohui, Minguo shiqi jiaoyu duli sichao yanjiu. 56. Cai Yuanpei, « Duiyu xinjiaoyu zhi yijian ». 57. Cai Yuanpei, « Yi meiyu dai zongjiao shuo ». 58. Gong Jun, « Tiaoshi yu fankang ». 59. Alitto, The last Confucian. 60. Fei, « Cong xiangyue dao xiangcun jianshe ». 61. Voir Billioud & Thoraval, « Jiaohua » ; Ji Zhe, « Éduquer par la musique » ; Dutournier & Ji, « Expérimentation sociale et “confucianisme populaire” ». 62. Voir l’article de Guillaume Dutournier dans ce volume ; voir également Ji Zhe, « Traditional Education in Contemporary China ». 63. Ji Zhe, « Confucius, les libéraux et le Parti ». 64. Pour une réflexion sur la dialectique des causalités endogène et exogène dans le processus de modernisation de la société chinoise, voir Will, « Chine moderne et sinologie ».

AUTEUR

ZHE JI Ji Zhe est maître de conférences à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Langues O’) et chercheur associé au Groupe Sociétés, Religions, Laïcités. Engagé dans plusieurs programmes de recherche internationaux, il travaille actuellement sur le renouveau du bouddhisme et du confucianisme à l’époque post-maoïste, la laïcité et la sécularisation en Chine, ainsi que les immigrés chinois en France et leurs pratiques religieuses. Il a coordonné avec Vincent Goossaert le dossier « Les implications sociales du renouveau bouddhique en Chine » pour Social Compass (58-4, 2011), et coédite avec Zhang Guangda Shawan xue’an 沙諍欺갭 [Édouard Chavannes et sa sinologie] (Sanlian shudian, à paraître en 2012).

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I. Temple et école I. Temple and School

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Détruire les temples pour construire les écoles : reconstitution d’un objet historique Destroy Temples to Build Schools: Constructing a Historical Object 廟產辦學:一個史學對象的構建

Vincent Goossaert

1 « Construire les écoles avec les biens des temples », miaochan banxue, est un objet historique curieux1. Le slogan désigne un ensemble d’idées et de pratiques liées tant à l’introduction d’un système éducatif moderne en Chine au début du XXe siècle, lequel nécessita d’édifier et de faire fonctionner des centaines de milliers d’écoles dans un pays appauvri et sans pouvoir central fort, qu’à des campagnes de réforme religieuse d’inspirations très diverses, allant d’un réformisme confucianiste à l’athéisme communiste en passant par l’activisme missionnaire chrétien, le tout vaguement allié sous la bannière de la lutte contre les « superstitions ». L’idée générale était de faire d’une pierre deux coups : détruire les temples pour supprimer les superstitions ; construire les écoles à leur place, pour promouvoir la science et le progrès. Miaochan banxue toucha l’ensemble de la société chinoise pendant plus de cinquante ans, de 1898 à l’avènement du régime communiste, même s’il est souvent considéré par les historiens seulement dans ses phases les plus actives, qui coïncident avec les flambées révolutionnaires autour de 1912 et de 1928.

2 Miaochan banxue se trouve à l’articulation d’un projet politique (la construction d’un système éducatif moderne) et d’un mouvement (yundong) idéologique : la lutte contre les superstitions (pochu mixin). Miaochan banxue lui-même n’est ni un véritable projet politique, ni un mouvement à proprement parler ; il est trop multiforme pour cela, et utilisé par de nombreux acteurs à des fins diverses ; les pratiques qui se réclament de ce terme relèvent tantôt de la politique éducative, tantôt des campagnes anti-superstition. Mais, en dépit de cette diversité, il se caractérise par une nette continuité dans ses modalités et ses effets tout au long de son existence, si bien, qu’on peut le considérer comme une praxis bien identifiée. Aussi est-il question dans le présent article non des

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idéologies mises en œuvre dans l’appropriation des temples, mais bien du processus d’appropriation lui-même.

3 Les effets massifs de cette praxis, qui résulta effectivement dans la transformation de dizaines, si ce n’est de centaines de milliers de temples en écoles, sont bien connus ; de fait, ils sont encore visibles aujourd’hui dans les villes et campagnes où des écoles sont installées dans des bâtiments qui de toute évidence étaient jadis les maisons de divinités. Et pourtant, si elle est souvent citée en passant par les historiens de la Chine moderne, elle n’a encore été que très peu étudiée en elle-même ; elle est souvent restée comme un impensé, une évidence — pour que la Chine devienne moderne, il fallait qu’elle passe d’un pays couvert de temples à un pays couvert d’écoles ; l’étude de ses modalités était dénuée d’intérêt car elle était inéluctable.

4 Pour tenter d’ériger miaochan banxue en véritable objet historique, et le faire passer du statut de trame de fond des récits de la modernité à celui de moteur de l’histoire, je propose ici, en m’appuyant sur les travaux détaillés existants, de l’envisager sous quatre perspectives. Cette stratégie narrative s’inspire de celle que Paul Cohen a bâtie pour faire l’histoire des Boxers (une histoire dont les rapports avec la nôtre sont d’ailleurs étroits) dans son ouvrage narré « en trois modes »2. Mes quatre modes sont celui du processus politique, du changement socio-religieux, de l’expérience des acteurs, et de l’historiographie. Les éclairages très différents apportés par ces modes permettront d’esquisser la variété et la cohérence de miaochan banxue.

Miaochan banxue comme processus politique

5 L’histoire politique de miaochan banxue est partie intégrante de celle des réformes politiques et sociales de la Chine moderne depuis la fin de l’empire3. On peut trouver son origine en 1898, lors de la réforme dite des « Cent jours » (11 juin-21 septembre). Le 10 juillet, un mémoire au trône du leader réformiste Kang Youwei (1858-1927) propose la mise en place immédiate d’un réseau d’écoles publiques sur l’ensemble du territoire en expropriant la quasi-totalité des temples (sauf ceux inscrits dans le « registre des sacrifices », sidian, c’est-à-dire la liste des temples où les fonctionnaires locaux étaient tenus de sacrifier). Le mémoire est repris dans un édit impérial promulgué le jour même. Ce changement de politique était très brutal : même si auparavant l’État impérial détruisait occasionnellement des temples jugés « immoraux » (yinci)4, ces derniers ne constituaient jamais qu’une frange du paysage religieux (la destruction simultanée d’un nombre appréciable de temples dans une même région est rarissime sous les Qing), alors que la proposition de Kang Youwei remettait directement en cause l’ensemble de l’organisation de la société autour des temples de village et de quartier. Il fut jugé et salué comme l’annonce d’une révolution dans la presse et les écrits d’activistes.

6 Les historiens considèrent en général que le père de ce mouvement est Zhang Zhidong (1837-1909), alors gouverneur général du Hubei et Hunan, qui avait publié en mai 1898 un essai très influent et diffusé (Quanxue pian), promouvant une réforme éducative et proposant de confisquer 70 % des biens des monastères bouddhiques et taoïstes à cet effet. En réalité, si les projets de Kang et de Zhang se rejoignent en partie, le second est plus conservateur dans la mesure où il visait à confisquer une partie des biens plutôt qu’à supprimer les temples, et où il visait les deux clergés plutôt que l’ensemble de la structure religieuse de la société. Quoi qu’il en soit, la réforme des Cent jours fut

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stoppée net et ses lois abolies dès septembre 1898, mais l’idée de s’approprier les biens des diverses communautés religieuses pour construire les écoles ainsi que (à partir de 1908) d’autres institutions de l’État-nation (postes de police, casernes, assemblées locales) continua à circuler dans la presse et dans les essais des réformateurs. La reprise de la réforme éducative dès 1901 s’accompagna d’appels à renouveler la mesure de confiscation de 1898 et de diverses initiatives locales dans ce sens ; la loi de janvier 1904 sur les nouvelles écoles publiques (dont Zhang Zhidong fut l’un des auteurs) autorisait discrètement, mais sans équivoque, la saisie des biens de temples. De même la loi de 1908 sur la mise en place des bureaux d’autonomie locale (zizhi gongsuo) avait une provision similaire, qui fut également largement employée.

7 De fait, le mouvement de saisie commence à grande échelle vers 1902 et s’amplifie les années suivantes. Il se manifeste par des négociations tendues à l’échelle locale entre les responsables de temples et d’associations religieuses, les directeurs des nouvelles écoles, et les magistrats, débouchant souvent sur des accords prévoyant d’attribuer une partie des biens et revenus des institutions religieuses aux écoles. Outre le fait d’installer les écoles dans des bâtiments appartenant aux temples, ces derniers versaient aux écoles entre 20 et 50 % de leurs revenus fonciers (ou donnaient les terres), de même que les associations de culte (shenhui). Ces accords se présentent comme volontairement souscrits par les parties prenantes, mais ont en réalité été signés sous l’effet de contraintes et menaces. Il faut souligner que de tels arrangements étaient très différents (parce qu’imposés de l’extérieur, et marqués par une opposition idéologique entre religion et éducation) des situations, par ailleurs très courantes, où des temples, dans le cadre de leurs activités caritatives, avaient établi des écoles, des dispensaires et autres services à la communauté locale, sur leurs ressources propres et sous leur contrôle.

8 Là où les négociations échouent, des coups de force (saisies brutales de temples) ont lieu ; ils provoquent en retour des réactions de défense voire des émeutes. Des centaines d’écoles sont attaquées et saccagées par des milices locales et des groupes religieux, mais la répartition géographique très inégale de ces épisodes violents montre que le processus de confiscation est très varié suivant les lieux. De plus, le cadre légal de ces négociations est flou ; un édit impérial de 1905 recommande de protéger les biens des clergés bouddhique et taoïste, ce qui provoque la plus grande confusion et encourage les clergés à demander une réouverture des négociations, entraînant suivant les cas une baisse de leur contribution aux écoles ou un emprisonnement et une bastonnade des représentants des clergés5.

9 L’attitude des autorités locales est également fluctuante : tandis que certains prônent une approche conciliatrice et une vraie négociation, un nombre d’activistes y voient une bonne raison d’intensifier ce qu’ils considèrent comme une lutte à mort entre la superstition et le progrès. L’historiographie dominante qui s’appuie beaucoup sur les écrits des intellectuels réformateurs, qui souvent appelaient à la mesure et à la négociation, a longtemps considéré le miaochan banxue comme une simple question d’affectation de ressources6, sans mesurer les enjeux que représentent les temples, la violence du mouvement anti-superstition, et les conflits que les confiscations ont suscités dans la société locale. Un pic de violence est atteint en 1911-1912, avec l’avènement de la République, les mouvements iconoclastes qui l’accompagnent, et un brusque passage à un nouveau cadre légal pour les biens et institutions religieuses qui ne fait qu’augmenter la confusion. Dans de nombreux endroits, les fonctionnaires

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locaux, qui avaient jusqu’alors plutôt protégé les temples, du moins ceux avec lesquels ils entretenaient des rapports, les abandonnent voire même dans quelques cas mènent en personne des actions de vandalisme7. C’est ainsi que des temples qui jadis se trouvaient au cœur même de la vie sociale et politique locale, comme les temples du Dieu de la Ville (chenghuangmiao), se voient attaqués en 19128.

10 La multiplication des saisies, des protestations, et des procès intentés de toutes parts force le nouveau gouvernement républicain à légiférer, et à combler ainsi un vide juridique. En effet, si le code impérial affirmait le caractère intangible des biens religieux de façon générale, il ne prévoyait ni inventaire, ni règles précises pour en déterminer les droits d’usage ; au demeurant, les procès entre les communautés locales possédant les temples et leurs gérants (membres des clergé bouddhiques et taoïste, notamment) étaient très fréquents sous les Qing. Une première loi, provisoire, promulguée en 1913, visait à clarifier la situation juridique des biens religieux et autorisait les pouvoirs locaux à les affecter à d’autres usages. Les temples dont les biens étaient protégés par la loi devaient relever d’une religion (concrètement, relever de l’association bouddhique ou taoïste, ou d’une des nouvelles religions reconnues par le régime) ; les autres, c’est-à-dire la grande majorité, ne bénéficiaient d’aucune reconnaissance, et les communautés locales (villages, quartiers) qui étaient souvent les propriétaires effectifs des temples ne furent pas reconnues comme personnes légales indépendamment de l’État.

11 Cette nouvelle législation provoqua une réaction des diverses associations religieuses nationales qui venaient d’être fondée pour défendre leurs intérêts ; la plus efficace et influente politiquement étant l’association bouddhique, qui constitue, par rapport aux événements d’avant 1912, un nouvel acteur du miaochan banxue. Une loi révisée, promulguée en 1915 (et amendée en 1921), précisa certains points mais continua à accorder aux pouvoir locaux le dernier mot en matière d’affectation des biens religieux9. Après 1916, les lois de la République devinrent de plus en plus lettre morte, les règlements locaux et le bon vouloir des hommes en place dictant les rapports de force, si bien qu’on assiste pendant cette période à des situations très variées, allant de saisies ponctuelles ou d’un status quo dans certains lieux à la confiscation totale des biens religieux (y compris 570 temples) et leur vente aux enchères par les autorités municipales à Guangzhou en 192310.

12 La mise en place du régime nationaliste à la suite de la campagne du Nord en 1926-1928 fut l’occasion d’une nouvelle poussée de vandalisme et de législation sur les biens religieux. L’activiste le plus en vue fut Tai Shuangqiu (1897-1976), un professeur en sciences de l’éducation tout juste revenu avec un doctorat de l’Université Columbia, qui fit campagne au sein des conférences nationales pour l’éducation pour des mesures radicales d’expropriation de tous les temples. Un nouvel acteur entrait dans le jeu du miaochan banxue : le Parti (Kuomintang) dont les cadres locaux furent souvent à la pointe de l’agitation contre les institutions religieuses, parfois en conflit avec les fonctionnaires plus mesurés et soucieux de maintenir l’ordre. Les lois de janvier 1929, puis de décembre 1929 sur la gestion des temples furent vivement débattues au sein même des élites dirigeantes, reflétant cette tension entre réalisme et utopie révolutionnaire11. Elles débouchèrent finalement sur une approche corporatiste offrant des garanties aux associations bouddhiques et taoïstes quant à la protection de leurs biens, mais sans jamais permettre de rouvrir les cas des biens déjà expropriés au cours

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des trente années écoulées. En dépit de ce cadre légal renforcé, les saisies et les procès continuèrent tout au long de la période républicaine.

Le mouvement miaochan banxue comme moteur du changement socio-religieux

13 L’histoire politique de la saisie des biens religieux est indispensable pour comprendre sa genèse, son évolution et ses succès. Elle tend cependant à mettre essentiellement l’accent sur les périodes de crise et sur les leaders politiques et activistes qui furent sur le devant de la scène. Considérer le mouvement comme un processus continu, bien qu’éclaté, sur la longue durée, et porter l’accent sur ses conséquences permettent de le voir sous un angle différent. Le meilleur moyen pour effectuer ce changement de perspective est sans doute de passer par une analyse quantitative. Les données sérielles pour appréhender miaochan banxue sur le terrain sont très nombreuses, mais aussi presque toujours incomplètes et difficilement comparables les unes aux autres. Les monographies locales (difangzhi) de l’époque républicaine, dans leurs sections sur les temples et sur les écoles, donnent des chiffres, plus ou moins précis, sur les biens saisis et sur la chronologie des événements. Ces données reflètent des réalités extrêmement variables ; dans certains districts une large partie des temples et de leurs terres avait déjà été confisquée dès les années 1914-1915, tandis que dans d’autres les saisies ne commencent à grande échelle que quinze ans plus tard. Les types de temples visés ne sont pas toujours les mêmes non plus. Et, la part des biens religieux dans l’effort global de construction des écoles varie, même si l’on trouve généralement plus de la moitié des écoles soit utilisant des locaux d’un temple soit ayant récupéré les biens fonciers d’une institution religieuse12.

14 Pour se faire une première idée du phénomène à une échelle locale, je me suis appuyé sur des listes très riches (même si très certainement incomplètes) de 639 temples dans l’actuelle municipalité de Shanghai (comprenant donc aussi les districts ruraux entourant la ville proprement dite), fournissant des informations sur leur destin au XXe siècle13. Ces listes fournissent la matière d’une analyse chronologique des appropriations, et d’une différenciation entre divers types de temples. Les graphiques ci-dessous représentent une synthèse de ces données ; chaque temple y figure l’année de la première appropriation connue (même si dans certains cas, le temple a continué à fonctionner sur une échelle réduite et a connu des appropriations ultérieures)14.

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Graphique 1. Destruction des temples bouddhiques de Shanghai

Graphique 2. Destruction des temples taoïstes de Shanghai

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Graphique 3. Conversion de temples en écoles, Shanghai

15 Il ressort de ces graphiques que la saisie des temples (les données utilisées ne reflètent pas la saisie des biens des associations) dans cet ensemble géographique complexe ne s’est jamais arrêtée pendant plus de cinquante ans, et se prolonge sans solution de continuité pendant le début de la période communiste. Si les pics identifiés par l’histoire politique (1912, 1928) se reflètent nettement par une augmentation dans les appropriations à Shanghai (ce qui n’est pas nécessairement le cas pour d’autres lieux), on constate néanmoins que des temples furent appropriés chaque année, et que ces appropriations relèvent donc autant d’une évolution de la société locale que d’événements politiques nationaux. Bien que les acteurs, le contexte légal et idéologique aient été différents en 1905, dans les années 1910 et après 1927, cette continuité permet d’envisager le miaochan banxue comme un processus cohérent. En revanche, si la transformation en écoles demeure la cause dominante d’appropriation des temples jusqu’au début des années 1930, d’autres types de transformation (casernes, usines, bureaux, et de plus en plus, destruction pure et simple) deviennent majoritaires par la suite.

16 Par ailleurs, on constate que les temples classés par notre source comme « taoïstes » (essentiellement des temples communautaires des villages et quartiers) ont été saisis plus tôt et davantage que ceux classés comme bouddhiques (pour l’essentiel possédés et gérés par le clergé), certainement parce que les seconds offraient une résistance plus efficace et mieux organisée, notamment via l’association bouddhique à partir de 1912. Les saisies des monastères ont été davantage documentées et débattues que celles des temples de quartier, de lignage, de guildes, et des associations de culte, mais elles n’en sont pas pour autant représentatives de l’ensemble du phénomène miaochan banxue.

17 Ainsi, plutôt qu’une série de crises, la lecture de ce graphique invite à voir dans le mouvement miaochan banxue un glissement progressif s’étalant sur deux générations, d’un modèle de société organisé autour de temples de village, dotés de biens fonciers, vers un autre modèle, avec d’une part un État beaucoup plus présent, mais aussi d’autres types d’institutions religieuses indépendantes des structures de pouvoir locales. Car, si les analyses existantes du miaochan banxue évoquent la destruction des institutions et de leurs ressources, elles évoquent aussi les opportunités ouvertes pour de nouvelles formes d’organisation religieuse : bon nombre de travaux évoquent le

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réformisme bouddhique qui a prospéré dans un contexte de remise en question de l’économie monastique traditionnelle15. Mais il faut aussi évoquer les sociétés rédemptrices, ces nouveaux groupes religieux caractéristiques de l’époque républicaine qui se multiplient alors16 en fondant leurs propres temples, souvent en récupérant d’anciens temples ruinés par la saisie de leurs terres et en adoptant un autre modèle économique (incorporation légale, peu de biens fonciers, revenus essentiellement dérivés des cotisations mensuelles des membres) plus adapté au contexte politique et légal — les sociétés rédemptrices telles que le Daode xueshe ou le Tongshanshe construisirent aussi un très grand nombre d’écoles.

18 De l’époque Qing à la période républicaine, le modèle économique dominant (auquel se conforme la plupart des temples) connaît une mutation de grande ampleur : la propriété collective au nom des dieux ou des ancêtres et investissant dans la terre fait place à l’entreprise privée investissant dans les biens financiers17. Si les biens des associations de culte sont saisis, alors les guildes se transforment en chambres de commerce et en associations professionnelles, et les tudihui en associations de quartiers. Un résumé saisissant de cette mutation est fourni par Hong Kong qui adopte en 1928 une loi nationalisant tous les temples traditionnels de quartier (dont les revenus sont reversés aux hôpitaux et autres œuvres caritatives), loi exigée des autorités coloniales par les élites marchandes désireuses d’imiter les politiques du Parti nationaliste18. À partir de cette date, les temples traditionnels déclinent fortement, et toute la vitalité religieuse du territoire se porte vers des temples privés fondés par des groupes enregistrés comme associations caritatives ou comme entreprises commerciales.

Miaochan banxue comme expérience des acteurs historiques

19 L’approche politique comme l’approche d’histoire socio-religieuse voient le miaochan banxue comme un macro-phénomène. Qu’en est-il de l’expérience des acteurs qui y participèrent, comme activistes, leaders, enseignants ou comme simple écoliers ? Vu sur ce mode, miaochan banxue n’apparaît plus comme une vague emportant la société chinoise dans son ensemble, mais comme un agrégat de situations uniques.

20 De ce point de vue, l’une des premières questions qui se posent est celle des contraintes et du niveau de violence du processus d’appropriation. Toute la gamme de situations a existé, depuis la saisie brusque et violente avec vandalisme et violence sur les personnes (comme la saisie du temple Tieshansi à Pékin en 1931 par des ouvriers endoctrinés par une cellule du Parti nationaliste19), jusqu’à un partage volontaire où les responsables d’un village décident d’eux-mêmes de répartir les ressources collectives entre temple et école en tentant autant que possible de préserver les intérêts des deux. Mais ces deux extrêmes ne représentent ni l’un ni l’autre la majorité des cas, qui semblent plutôt relever de négociations, généralement tendues et faisant entrer en ligne de compte divers rapports de force (menaces de la part des autorités, chantages), mais évitant le recours à la violence physique (destruction des statues, textes, et autres biens religieux, contraintes sur les personnes). Le niveau de violence dépendait en partie du contexte politique global, mais négociations et rapports de forces étaient eux propres à chaque contexte local.

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21 Vues de près, ces négociations font souvent figurer les institutions religieuses comme des acteurs qui, loin de subir les événements comme le veut l’historiographie dominante, y jouent un rôle décisif. D’une part, des temples construisirent leurs propres écoles modernes — des temples bouddhiques20, mais aussi taoïstes, comme dans le cas de Nanyang (sud du Henan) où comme le montre Liu Xun dans ce volume, la majorité des élèves jusque dans les années 1920 fréquentaient des écoles financées et gérées par le grand monastère taoïste de la ville. Par ailleurs, dans la majorité des cas où la gestion des écoles était entre les mains d’éducateurs laïques, un accord était signé avec les institutions religieuses. Ainsi, à Baxian (actuel Chongqing), un accord fut signé fin 1904 par tous les temples du district, qui versaient tous une contribution financière (miaojuan) correspondant à 20 % de leur revenu à un bureau géré par le responsable officiel du clergé bouddhiste, qui le reversait aux écoles21. Mais, tous ces temples et congrégations étaient déjà appauvris et les sommes issues de ces cotisations étaient modestes, très loin des fantasmes des activistes qui imaginaient les fortunes des institutions religieuses, si bien que les fonctionnaires n’eurent de cesse d’augmenter leur montant, ruinant ainsi par le haut les efforts de conciliation trouvés dans la société locale. Autant que le début des appropriations, le moment de rupture a été celui du passage (ou de la prise de conscience du passage), à des moments différents en chaque lieu, en dessous du niveau de revenu des biens collectifs où la vie religieuse devenait dramatiquement réduite, l’entretien des temples inabordable, et les célébrations collectives impossibles ; ce passage a provoqué chez beaucoup d’acteurs des basculements, pour ou contre les écoles, ou les temples. Par ailleurs, l’effet du miaochan banxue sur la vie rituelle et festive, et sur l’intégration sociale des communautés locales reste entièrement à étudier. Qu’en était-il de l’attitude des directeurs et maîtres d’école dans la vie du village ? Certains étaient des activistes de l’anti-superstition, mais d’autres (ou les mêmes) étaient membres de groupes religieux (entre autres des sociétés rédemptrices). Quand il tente de mettre fin aux grandes processions des temples dans la région de Shanghai après 1927, le Parti nationaliste envoie les maîtres d’école en première ligne à côté des policiers, pour convaincre les leaders d’annuler les fêtes, ce qui (outre les bagarres et les incidents graves) leur vaut d’avoir des écoles vandalisées en retour22. Il n’est pas sûr que tous les enseignants aient apprécié d’être ainsi utilisés par le régime et qu’ils aient souscrit à cette vision qui leur était imposée par le Parti, de l’école contre les temples.

22 Et, au-delà de l’expérience qu’a constitué, pour les chefs de village, responsables de temples et autres acteurs locaux, le fait d’avoir à gérer cette politique imposée par le haut de construire des écoles dans l’urgence et par tous les moyens, reste à comprendre l’expérience plus commune encore qu’a constitué le fait d’aller à l’école, d’apprendre entre autres choses l’athéisme scientifique, dans un lieu où l’on venait jadis brûler de l’encens, et où souvent les femmes âgées continuaient à venir brûler de l’encens, devant la porte ou dans la cour, si ce n’est dans la salle de classe.

L’historiographie du miaochan banxue

23 Alors que dans l’histoire de l’Europe la relation tendue entre l’école et la paroisse (ou entre le prêtre et l’instituteur) a été très largement étudiée23, miaochan banxue est très longtemps resté un impensé de l’historiographie de la Chine moderne. La glorification des réformistes et révolutionnaires rendait difficile l’étude des violences et

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destructions ayant accompagné la construction de l’État-nation. Les historiens du système éducatif ont eu tendance à penser que la transformation des temples en écoles s’était faite naturellement, volontairement, ce qui est loin d’être vrai dans la majorité des cas. Pendant longtemps, les seuls historiens à avoir problématisé la saisie des temples furent les historiens du bouddhisme, qui en firent le contexte de l’émergence du réformisme moderne24. Si ces historiens ont les premiers documenté le mouvement miaochan banxue, ils l’ont aussi interprété dans un sens particulier (spécifiquement anti- bouddhique, ce qui n’est vrai que d’une partie des actions de saisie), et ils lui ont donné une dimension téléologique (permettre au bouddhisme réformé de s’affirmer). Mais, depuis les années 1990, l’influence considérable (en Chine autant qu’en Occident) des travaux de Prasenjit Duara, sur l’intrusion de l’État dans la société villageoise et la destruction du cultural nexus of power (où les temples occupent un rôle central) qui en a résulté25, a permis de jeter les bases théoriques de nouveaux travaux en Chine même26.

24 Depuis le début des années 2000, une nouvelle génération d’historiens a commencé à prendre au sérieux les conflits et tensions provoqués par la saisie des temples, y voyant un élément important des changements sociaux induits par la construction de l’État- Nation. Là où pour les historiens antérieurs les mouvements de résistance étaient forcément marginaux et rétrogrades, on y voit désormais des élites très divisées sur la compréhension de leurs propres intérêts. Cet intérêt nouveau est peut-être lié au fait que désormais certains temples récupèrent leurs locaux longtemps occupés par les écoles (quand celles-ci sont agrandies et déplacées vers de nouveaux sites, ou juste déplacées pour mettre en valeur un site touristique), ce qui rend le cours de l’histoire moins univoque, et la question plus ouverte.

25 Dans son article sur le miaochan banxue dans la région de Chongqing avant 1911, appuyé sur les archives de Baxian, Liang Yong montre que le mouvement s’est appuyé sur une partie des élites locales qui se trouvaient marginalisées dans le contrôle des institutions locales (temples, fondations charitables, guildes) qui levaient des taxes et contrôlaient les marchés27. Ces personnes s’engouffrèrent dans le statut nouveau de directeur d’école ou de responsable de l’éducation pour un canton (nommé par le magistrat et non désigné localement) ; les magistrats, les règlements impériaux et locaux les encouragèrent à s’approprier les ressources des institutions locales, attisant ainsi les tensions. Les magistrats eux-mêmes ne se mêlèrent pas directement de la gestion des écoles (sauf pour les plus grandes). Liang Yong remarque aussi que les fonds des écoles étaient beaucoup moins contrôlés que ceux des temples, créant ainsi de nombreuses opportunités de corruption. Pour autant, les accusations de corruption, de dissimulation des revenus et de partialité volaient dans les deux sens, et servaient d’armes dans les bras de fer et négociations pour le partage des ressources locales28. Les négociations qui aboutissaient donnaient lieu à un partage relativement équilibré, mais en cas d’échec, elles arrivaient devant le magistrat qui donnait systématiquement l’avantage aux écoles. La coloration très juridique de ces sources d’archives, où l’idéologie est souvent reléguée en toile de fond, fait qu’une partie des travaux récents se placent dans la perspective de l’histoire du droit de la propriété, remontant aux conflits de l’époque impériale sur les biens religieux, et tentant de faire l’histoire des conceptions et pratiques des biens collectifs (gong) dont les temples sont une partie très importante29.

26 Par ailleurs, la nouvelle génération d’historiens, plutôt que d’envisager la saisie des temples globalement comme un phénomène idéologique, examine des cas spécifiques

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et des procès, à partir de fonds d’archives ou de la presse ; la plupart de ces cas concernent les périodes 1902-1908 et 1928-1932, laissant l’époque Beiyang, 1916-1928, très sous-étudiée. Ces études de cas permettent de dépasser une vision simple d’une opposition entre des élites modernisatrices et une société locale conservatrice, et de mettre en évidence les rôles complexes joués par toutes sortes d’acteurs dont on entend ainsi les voix, jadis couvertes par les discours idéologiques. Ces exemples montrent que le contexte politique et les idéologies mises en œuvre (progrès, anti- superstition, liberté religieuse) servent souvent de prétexte ou de cartes à jouer dans des négociations complexes. Dans les textes des acteurs se mêlent toutes sortes d’arguments : les éducateurs parlent dès 1902 de convertir l’inutile (wuyi) en utile (youyi) (les temples en écoles), un vocabulaire déjà courant dans les années 1870 pour critiquer les grandes fêtes populaires, et qui intègre le discours dans la loi sur les écoles de janvier 1904 ; les responsables de temples invoquent le code impérial ou les lois républicaines en faveur de la liberté religieuse. Tous les acteurs, à chacune des étapes du miaochan banxue, ont su manipuler le vocabulaire du moment à leurs propres fins.

27 De ce fait, les travaux les plus récents remettent en question les convictions des acteurs historiques quand aux cultes, aux rites et à l’enseignement, déterminant leurs choix quant aux temples et aux écoles, convictions (« conservatrices » ou « modernistes ») qui ont longtemps semblé évidentes aux historiens. Cette question renvoie à la religiosité des élites locales, à leur culture religieuse et leur participation à la vie rituelle locale, qui furent très variées et expliquent dans une mesure importante la diversité des formes locales du miaochan banxue30. Et l’identification des leaders des temples à des « membres de la gentry » ne suffit plus ; il faut des catégories plus fines, et une idée plus précise de la part des élites locales prenant encore activement part à la gestion des temples locaux en 1898 ou en 1911.

Conclusion

28 L’histoire du miaochan banxue reste encore à écrire ; les grandes lignes du processus politique et du contexte idéologique sont connues, mais les contours et les effets du phénomène, dans sa durée et dans sa variété géographique, restent très flous. Une multiplication très récente de travaux historiques portant sur des cas précis vient jeter les bases d’une telle histoire, montrant la complexité du phénomène. Si le mode de l’histoire politique a été favorisé, les modes de l’expérience et du changement socio- religieux permettront de l’appréhender comme un objet historique à part entière.

29 Somme toute, l’un des intérêts principaux de cet objet est de reposer la question, au cœur du présent volume, des rapports entre religion et éducation. Car, si chaque cas particulier de saisie des biens religieux met en jeu des facteurs spécifiques (luttes entre diverses sections des élites locales, ou entre le parti et le gouvernement local, contrôle des biens communautaires, etc.), la question qui demeure en arrière-fond est que l’école et le temple occupent le même espace au sein de la société locale, celui du contrôle des ressources symboliques et matérielles de la communauté et donc de la source de toute légitimité pour l’exercice du pouvoir. Or, si le discours idéologique a souvent argumenté que l’un et l’autre sont exclusifs dans cet espace, la réalité du processus historique est aussi en partie celle d’une âpre négociation et d’un partage. On trouve des membres des élites locales qui tout en promouvant les écoles défendent les temples locaux31. Le fait que les maîtres et directeurs d’école aient contribué à

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reconstruire les temples après 1978 en dit long sur le partage de cet espace commun ; de fait, depuis 1898, les débats et procès successifs montrent que les deux côtés – écoles et temples – partagent un même vocabulaire, celui du service public, du bien commun, du dévouement, et que le temple et l’école sont deux lieux où ce vocabulaire et son imaginaire se déploient.

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ANNEXES

Glossaire chenghuangmiao 城隍廟 Daode xueshe 道德學社

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gong 公 huimiao banxue 毀廟辦學 Kang Youwei 康有為 Kuomintang 國民黨 miaochan banxue (xingxue) 廟產辦(興)學 miaojuan 廟捐 pochu mixin 破除迷信 pomiao banxue 破廟辦學 shenhui 神會 sidian 祀典 Siyuan guanli zhanxing guize 寺院管理暫行規則 (Xiuzheng 修正) Guanli simiao tiaoli 管理寺廟條例 Tai Shuangqiu 邰爽秋 Tongshanshe 同善社 tudihui 土地會 wuyi 無益 yinci 淫祠 youyi 有益 yundong 運動 zizhi gongsuo 自治公所 Zhang Zhidong 張之洞

NOTES

1. Sous l’expression générique retenue ici de miaochan banxue (ou xingxue), j’englobe différents termes qui expriment autant de nuances. Tandis que miaochan banxue, qui semble apparaître dans des textes officiels vers 1902, désigne des procédures administratives de confiscations de biens religieux, des termes tels que huimiao banxue, ou pomiao banxue, « détruire les temples pour construire les écoles », relèvent davantage du slogan, et semblent un peu plus tardifs. 2. Cohen, History in Three Keys. 3. Cette section reprend sous forme très condensée les analyses de Goossaert, « 1898 » et Goossaert & Palmer, Religious Question, chapitres 2 et 5. 4. Goossaert, « Une répression endémique ? ». 5. Xu Yue, « Qingmo Sichuan miaochan xingxue ». 6. Xiao-Planes, Éducation et politique. 7. Sur le terme de vandalisme pour qualifier les destructions de biens religieux orchestrées par les agents de l’État, considéré dans une perspective comparatiste, voir Goossaert & Kouamé, « Un vandalisme d’État en Extrême-Orient ? ». 8. Zheng Guo, « Jindai geming yundong ».

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9. Siyuan guanli zhanxing guize, 20 juin 1913 ; Guanli simiao tiaoli, 29 octobre 1915 ; Xiuzheng Guanli simiao tiaoli, 20 mai 1921 : voir Qu Haiyuan, « Zongjiao faling », p. 114-120. 10. Poon, Negotiating Religion, chap. 2. 11. L’analyse la plus complète de la gestion des temples sous le régime de Nankin est Nedostup, Superstitious Regimes, chap. 3. 12. Liang Yong, « Qingmo “miaochan xingxue” », p. 112, montre que déjà en 1908, 56 % des écoles de Baxian recevaient des fonds saisis aux institutions religieuses, et 75 % étaient installées dans des temples ; Xiong Chunwen, « Wenzi shangyi », p. 13, cite des chiffres comparables pour le Zhejiang et d’autres régions. Voir aussi Goossaert & Palmer, Religious Question, chap. 5. 13. Zhang Hua, Shanghai zongjiao tonglan, p. 22-182 (temples « bouddhiques », au sens le plus large) et p. 228-329 (temples « taoïstes », au sens le plus large) : ces listes comprennent 639 temples pour lesquels la date de l’appropriation est bien documentée, parmi de nombreux autres non retenus ici. 14. Je n’ai pas tenu compte des écoles établies par les bouddhistes eux-mêmes, et j’ai lissé les données qui donnent parfois des dates approximatives en les regroupant par périodes de dix ans. 15. Sur le réformisme bouddhique, voir Pitman, Toward a Modern Chinese Buddhism ; pour une discussion du rapport direct entre la destruction des temples et l’essor du réformisme, voir Liu Chengyou & Mei Haizi, « Miaochan xingxue yu fojiao gexin ». 16. Sur les sociétés rédemptrices, voir le double numéro 172-173 à paraître de la revue Min-su chü-i, et Goossaert & Palmer, Religious Question, chap. 4. 17. C’est la thèse de Faure, Emperor and Ancestor, chap. 22. 18. Goossaert & Palmer, Religious Question, chap. 7. 19. Pour une étude détaillée de ce cas, voir Fu Haiyan, « Geming, falü yu miaochan ». 20. He Jinlin, « Qingmo seng jiaoyuhui ». 21. Liang Yong, « Qingmo « miaochan xingxue » », p. 111. Cette procédure était répandue dans le Sichuan avant 1911 : Xu Yue, « Qingmo Sichuan miaochan xingxue ». 22. Ai Ping, « Minguo jinzhi yingshen saihui lunxi », p. 218. 23. Par exemple, Ozouf, L’École, l’Église et la République. 24. Makita, « Seimotsu irai » ; Shi Dongchu, Zhongguo fojiao jindai shi, p. 72-77. Pour les besoins du présent article ne sont cités ici qu’un tout petit nombre parmi les nombreux travaux récents portant sur le miaochan banxue. 25. Duara, Culture, Power, and the State ; Rescuing History from the Nation. 26. Par exemple, Jie, « Xiandaihua jianzhi ». 27. Liang Yong, « Qingmo « miaochan xingxue » ». 28. Liang Yong, ibid., p. 114 donne l’exemple d’un gérant d’école accusant un gérant de temple de corruption puis signant avec lui un accord partageant en deux les revenus des terres du temple. 29. Fu Haiyan, « Geming, falü yu miaochan », p. 106, n.1. 30. Pour un cas d’espèce, voir Goossaert, « Yu Yue (1821-1906) explore l’au-delà ». 31. Dean & Zheng, Ritual Alliances, vol. 1, p. 139-143.

RÉSUMÉS

« Construire les écoles avec les biens des temples », miaochan banxue, voilà un objet historique curieux. L’expression désigne un ensemble d’idées et de pratiques, liées tant à l’introduction d’un

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système éducatif moderne en Chine au début du XXe siècle qu’à des campagnes de réforme religieuse d’inspiration très diverse. L’article fait le point sur l’historiographie du miaochan banxue et propose de l’analyser globalement sous quatre perspectives différentes : comme processus politique, partie importante des réformes visant à moderniser l’État et la société chinoise ; comme moteur du changement socio-religieux, en évaluant son impact sur la vie des villages et des quartiers ; comme expérience des acteurs historiques, en essayant de comprendre les motivations et les effets des participants ; enfin comme objet intellectuel chez les historiens.

“Build Schools with temple property,” miaochan banxue is a curious historical object. The term refers to a vast array of ideas and practices linked to the introduction of a modern educational system in China at the turn of the 20th century, and to campaigns for religious reform of various inspirations. This article sketches a state of the field of current historiography, and analyzes miaochan banxue as a whole from four distinct perspectives: as political process, being part and parcel of a series of reforms aiming at building a modern state and a modern Chinese society; as a motor of social and religious change, by gauging its impact on social life in villages and neighborhoods; as experience lived by participants, whose individual motivations and affects need exploring; and, finally, as an intellectual object for historians.

“廟產辦學”是一個引人入勝的歷史課題。與之相關的一系列觀念與實踐,既涉及到二十世紀初 現代教育體系在中國的建立過程,也涉及到起源複雜的數次宗教改革運動。本文對“廟產辦 學”的史志研究做以總結,提出了對這段史實進行綜合分析的四種取經:第一,將“廟產辦 學”視為一個政治過程,即中國國國家與社會之現代化改革的一項重要內容;第二,將其視為 社會—宗教變遷的動力,評價其對鄉土與地方生活的影響;第三,將其視為歷史行動者的經 驗,嘗試理解各方參與者的動機和行動效果;最后,將其視為歷史學家建構知識的史料。

AUTEUR

VINCENT GOOSSAERT Vincent Goossaert (高萬桑) est historien, directeur de recherche au CNRS et directeur adjoint du Groupe Sociétés, Religions, Laïcités (EPHE-CNRS). Il travaille sur l’histoire du taoïsme et sur les mutations religieuses et sociales en Chine moderne, en particulier au Jiangnan. Il est notamment l’auteur de The Religious Question in Modern China (avec David Palmer, University of Chicago Press, 2011) et de The Taoists of Peking (Harvard University Asia Center, 2007).

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Proliferating Learning: Quanzhen Daoist Activism and Modern Education Reforms in Nanyang (1880s-1940s)1 Une promotion taoïste de l’éducation moderne : l’activisme Quanzhen dans les réformes éducatives à Nanyang (1880-1949) 崇道興學:清末民初南陽玄妙觀對現代教育改革的積極參與

Xun Liu

1 On the seventh day of the eighth moon in 1906, the imperial historians who were in charge of the compilation of the Veritable Record the Qing Dynasty (Qing shilu) which assiduously documents the thrones and their courts’significant policy action and administrative decisions, made the following entry in the Record: For his donations to start schools, his Majesty grants Yao Xiangrui, the Daoist cleric of the Monastery of the Dark Mystery (Xuanmiao guan) in Nanyang of Henan a temple frontpiece entitled “Quanzhen (Daoists) Proliferates Learning (Quanzhen guangxue).”

2 Recorded among many other similar imperial decrees, the Guangxu court intended the grant to encourage wide support for the court’s initiatives in starting and spreading modern popular education throughout the realm. A few years later, another renowned Quanzhen Daoist Palace of the Three Primogenitors (Sanyuan gong) in Guangzhou also received a similar imperial commendation for its contribution toward building new schools in that city.2

3 In Nanyang, a relatively remote prefectural seat and trade town located in southwestern corner of the North China plains, this imperial gesture of favor was enthusiastically received and celebrated with great fanfare by the Xuanmiao Monastery’s clergy and the local community alike. To commemorate this glorious occasion, abbot Yao, the central figure of the imperial recognition, had the imperially inscribed placard entitled “Quanzhen (Daoists) Proliferating Learning” framed

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conspicuously on the frontpiece of the imposing Scriptorium (cangjing ge) located in the eastern wing of the Nanyang monastery, and another frontpiece entitled “With Benefits for the Central Plain (Hui jia Zhongzhou)” affixed to the entrance tower to the monastery, as if to remind both his fellow clerics and the local scholarly elites who frequented his monastery of the extensive roles and contribution he and his monastery had made toward local modern education by starting and running the new schools a few years earlier.3

4 To many who work on modern Chinese history and religion, the mere juxtaposition of Quanzhen Daoism with modern education is sufficiently odd, if not outright bizarre. This sense of oddity is well-founded in the fact that general histories of modern education of China have so far largely disregarded any Daoist participation in modern educational reforms since the late Qing.4 To me, this sense of the strange stems from our long exposure to the May Fourth inspired historiography which has tended to view traditional religions such as Daoism as an anti-modern conservative establishment inimical to change and modernity. It is also rooted in our general lack of knowledge about the subject. Except for a few studies, we know next to nothing about how traditional religious institutions like the Xuanmiao monastery dealt with the extensive changes of the late Qing and the early Republican eras, especially modern education.5

5 Though little known to scholars and the public, the Xuanmiao monastery in Nanyang had been a major Quanzhen Daoist public temple from the mid-17th century to the early 20th century. The Quanzhen Daoist sect was first founded in the mid-12th century in the Central Plains by Wang Zhe (Daoist style: Chongyang, 1112-1170) and his leading disciples. Its lineages and temple network began to take roots throughout North China from the late 12th century onward. The Nanyang Xuanmiao monastery was first built at an old Han-dynasty era temple site outside the northerwestern wall of the city sometime under Khubilai reign (1260-1294). During most part of the Ming dynasty, the Xuanmiao monastery also housed the daoji si, a Ming state sanctioned Daoist regional administrative agency governing local Daoist temples and clerics affairs throughout the Nanyang prefecture. By the time of the Qing conquest of the North China plains in 1640s, the monastery had grown significantly both in size and population. A 1658 temple stele inscription reveals that the Quanzhen Daoist clerical ranks at the time had grown well over 60, a number which exceeded the Ming state stipulated per prefecture quota by 50 %. By the late 19th century period, the clerical population at the monastery had swelled to several hundreds at times.6 As I have shown elsewhere, the monastery’s prominence as a Daoist public temple throughout Qing period (1644-1911) is intricately linked to its close collaboration with the Qing state’s struggle to establish and defend its power and legitimacy at various critical junctures: first at the time of the Qing conquest and consolidation in Nanyang during the mid-17th century, then at the height of the suppression of the White Lotus millenarians in the late 18th century, and most recently in the defense of Nanyang against the Taiping and the Nian rebels who nearly toppled the dynasty during the mid-19th century.7

6 In this article, I continue to explore the Daoist collaboration with the Qing imperial and the Republican states by focusing on its role in starting and managing local modern schools and vocational training programs targeted at promoting local education for the general population in Nanyang. Based on evidence which I have developed from local archives, oral histories, temple gazetteers, and epigraphic materials, I show that the Quanzhen Xuanmiao monastery and its leading clerics were actively involved in

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promoting and implementing the state-initiated modern education reforms in Nanyang from the late 1890s to the1940s. In understanding the motives of the Quanzhen activism in modern education in Nanyang, I argue that the Quanzhen monastic involvement in the local modern education should not be seen in simplistic terms of self-preservation, or cynic opportunism in the face of the modern state expansion. Rather, such monastic activism must been understood as a natural extension and expression of the Nanyang Quanzhen monastic self-identity and its legacy of collaboration with the Qing polity and the Nanyang local community over two and half centuries. Indeed, the early Qing pattern of the close Quanzhen Daoist collaboration with the state and local community was further strengthened through the Quanzhen monastic activism in the late Qing and the Republican state-initated reform programs, especially in modern education in Nanyang.

7 While my focus on the Xuanmiao monastery in Nanyang here is partly driven by the preponderant source materials I have collected there, the Quanzhen Daoist participation in the late Qing and early Republican era educational reform was by no means exclusive to the Nanyang region alone. Indeed, preliminary evidences also show that Quanzhen clerics and lay activists at other major universal monasteries (shifang conglin) in Shenyang, Tianjin, and Wuhan were also actively involved in promoting and operating new schools the late Qing and early Republican periods.8 But the Nanyang case will illustrate the overall pattern of Quanzhen activism at the local level in China’s modern transformation of the late Qing and the early Republican period.

The Xuanmiao Monastery and the State in the Late Qing Era

8 Because of its history, prestige, and wealth accumulated over a period of more than two hundred years since the Qing conquest, the Xuanmiao monastery had by the mid-19th century established itself as not only a major Quanzhen universal monastery in central China, but also as a Daoist temple with considerable political influence, cultural weight, and economic power in Nanyang. The rapidly changing political, economic and social conditions between the late 19th and early 20th centuries brought both opportunities and challenges to the old Quanzhen monastery, inspiring its leading clerics to develop new strategies in dealing with the changing times, in preserving, re-creating, and asserting the Quanzhen Daoist identity and power by actively participating in various local modernizing projects.

9 In Nanyang, the Xuanmiao monastery and its clerics weathered a host of political and military regimes, from the fast-expanding late Qing local government from the 1880s to 1912, through a sleuth of local hegemons and warlords with different goals, agendas and interests in the first two decades after the 1911 revolution, to the modernizing Republican state authorities who increasingly strove for total domination of the Nanyang society between 1928 and 1949. As these regimes developed and implemented different policies toward Daoism as a religion, the Xuanmiao monastery and its clerics developed different initiatives, programs and strategies in response.

10 In the aftermath of the Taiping war, the Qing state, under the initiatives of its local and regional officials such as Zeng Guofan (1811-1872), Li Hongzhang (1823-1901), and others began massive efforts at restoring and consolidating the Qing polity through a

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host of projects aimed at rebuilding the Qing moral and cosmic order, and revitalizing local and regional economy throughout the empire. These efforts resulted in what has since been known as the Tongzhi Restoration (Tongzhi zhongxing). In the four decades leading up to the Republican Revolution in 1911, the Qing court adopted a host of statecraft reforms in such areas as education, agriculture, finances, military, law, and government. While these reforms were aimed at strengthening and consolidating the Qing state and its political power and moral order, they also ushered in China’s initial process of modernization by introducing Western learning, technologies, factories, shipping, railroads, and arsenals.9

11 In Nanyang, the late Qing local officials began to push for these reform programs in education, agriculture, social welfare, and other areas, the Xuanmiao monastery and its leading clerics played an active and sometimes leading role in implementing the local modernization projects by either collaborating with the Qing local officials, or initiating programs entirely on their own to shape the course of modernization in the region. Instead of being an obstacle or a dragfoot to the modern reforms as conventionally imagined, the Xuanmiao monastic leaders and clerics often acted as proactive players in establishing and operating the new institutions in a host of reform projects, especially in modern education in Nanyang. These monastic efforts continued to follow the long-established pattern of close collaboration with the Qing state and the local community. Their motives seem to have stemmed as much from the Quanzhen monastic legacy of collaboration and public service, as from the practical and strategic need to preempt the threat of the Qing and Republican state expropriation of temple properties.

12 The man who led the Xuanmiao monastery’s activism in the new education reform in Nanyang was the politically conservative and Qing loyalist abbot Yao Xiangrui who was also known by his secular name Yao Aiyun (?-1912). He succeeded abbot Zhang Yuanxuan (1812-1887) as the new prior (jianyuan) at the Xuanmiao monastery in 1885, and then quickly rose to become its abbot sometime in the 1890s when he successfully presided over a consecration rite at the monastery which was a major means of ritual and moral legimitation and empowerment for rising clerics within the Quanzhen Daoist order. Yao was a native of Shaanxi. Having lost his parents and relatives at the age of 17 to the Muslim uprising which broke out in the region in the early 1860s, Yao joined the Qing forces under the command of the Manchu general Duolong’a (literary style: Litang, 1817-1864).10 Yao saw action in a score of battles, and avenged his parents’death in one of the campaigns against the Muslim militants. His courage and exploits in battle earned him a promotion to the high rank of a brigade commander (youji). He was appointed chief of Duolong’a’s personal guards. But after the general died of battle wounds suffered from a major engagement with the Muslim forces in Shaanxi in late spring of 1863, Yao abandoned his command. He changed his name and entered the Daoist scared Mount Lao in Shandong where he became a Daoist renunciant. Like many Quanzhen Daoists at the time, Yao toured all major Quanzhen Daoist monasteries in Jiangnan and North China. He later sailed across the Bohai sea, and sojourned at the main Quanzhen public monastery of Taiqing Palace (Taiqing gong) in Fengtian in Manchuria.11 His next travels took him to the Qing capital where he settled as one of the senior clerics at the White Cloud Monastery (Baiyun guan). There Yao developed close ties with many fellow Daoists, among whom was the erstwhile fellow Qing officer- turned Quanzhen cleric Xie Baosheng (literary style: Zilan, ?-1911). Like Yao, Xie had also served as an officer in the Qing Green Standard army, but now sought sanctuary

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from his own career setbacks in the Quanzhen Daoist monastery the capital. Clearly popular, Yao rose quickly through the Quanzhen monastic ranks. By the early 1880s, he was selected to serve as the prior of the prestigious monastery in the capital. At the time, abbot Zhang Yuanxuan who headed both the White Cloud Monastery and the Xuanmiao monastery in Nanyang was sojourning in the capital. It is highly likely that Yao developed close ties with abbot Zhang during the latter’s stay in the capital. In 1885, Yao left his post as the prior of the White Cloud Monastery in the capital, and journeyed southward to Nanyang to head the Xuanmiao monastery there, probably at the behest of abbot Zhang.12

13 In Nanyang, Yao’s military credentials and his old ties with the Qing officialdom soon connected him with the local Qing political and military establishment. Years after Yao’s arrival in Nanyang, his friend and fellow Quanzhen cleric, Xie Baosheng, also came out of his sojourn at the White Cloud Monastery at the time of the Boxers’uprising, and rejoined the Qing military as a senior commander of the modernized Qing forces stationed in northern Henan province. By 1909 when Xie was given the command of the Nanyang Divisional Command (Nanyang zongzhen) in the province, Yao and Xie had resumed their friendship, and the Nanyang monastery’s ties with the Qing local political and military officials also reached its apex. Indeed so much so that these close ties with the Qing local establishment were seen by both the anti- Qing activists and contemporary gazetteers in China as signs of Quanzhen clerical venality, corruption, and anti-modern conservatism. In the contemporary local sources, Yao was typically described as a corrupt Quanzhen Daoist who “wasted the monastic wealth in wining and dining” the Qing officials for his personal gains.13

14 But the abbot’s relationship with the Qing local establishment clearly extended beyond the banquet table to encompass a whole range of close cooperation and support for the Qing state. At the height of the Boxers uprising which began to spread from Shandong and Hebei to regions of Henan in the summer of 1900, abbot Yao did something highly reminiscent of what his predessor Zhang Yuanxuan did during the anti-Taiping campaigns nearly four decades earlier. Yao and his monastery provided active support to Qing local officials and literati in fortifying the Nanyang city wall and training local militia.14 But more relevant to our story is Yao’s active involvement in the Qing state- initiated eduation reforms.

Temple Property for New Schools: Late Qing Education Reforms 1898-1911

15 In the aftermath of the Sino-Japanese War in 1894, many reform-minded Qing court officials and literati began to advocate for wholesale reform projects aimed at revamping and modernizing the Qing state. In 1895, with support and sponsorship from ranking Qing state officials, Kang Youwei (1853-1927) and other leading intellectuals established the “Self-strengthening Society (Qiangxue hui)” in Shanghai, and actively promoted their reform agenda in their widely-read journals.

16 In response to the public call for change, the Qing court under the direction of the Guangxu emperor began to devise and implement a host of reforms to modernize its political, legal, military, and educational systems. In the spring of 1898, before the height of the One-hundred Day reforms, Zhang Zhidong (1837-1909), an earlier supporter of the Shanghai Self-strengthenning Society and the powerful governor

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general of the Hu-Guang region, and a skilled operator in the Qing court politics, published an influential reform proposal which sought a more moderate alternative to the radical reform plans by Kang Youwei and others. In his “Appeal to Learning (Quanxue pian),” Zhang rejected the radicalist call for more popular rights and the establishment of a parliamentary system. While insisting on preservation of the traditional Confucian moral and political order, Zhang advocated for the introduction of Western new learning, technologies, and institutions as means to strengthen the Qing state’s political institutions and core values.15 One of the key visions put forth by Zhang Zhidong in his memorial is to use the existing Buddhist and Daoist temples and their property for establishing the new national education system. In an impassioned memorial to the throne, governor general Zhang proposed to convert existing Buddhist and Daoist temples into the new schools: Some would say, the current academies of our prefectures and counties all lack sufficient funds and have only small school buildings. This is especially so in small counties which lack any resources. How can they afford to support faculty and students, and buy books and instruments (of the new schools)? I say: a county can use the lands of local philanthropic halls, and the proceeds from local temple fairs and theatrical plays to build these schools; whereas a clan can use the tribute income of its lineage hall to build the schools. Admittedly, the number of schools we build this way are still rather limited. So what shall we do? I say: we can remodel Buddhist and Daoist temples to build schools. Nowadays, these temples easily exceed several tens of thousands in number. Our metropolitan capital and provincial cities each have hundreds of them. In a large prefecture, they number in scores, and even in a small county seat, there are usually over a dozen of them. All of the temples possess endowment lands. Their properties have all come from donations. If they are converted into schools, then the schools will have both buildings and endowment lands. This is also an expedient and easy strategy (for building the new schools).16

17 While the more radical initiatives by Kang and others suffered a major setback in the 1898 summer coup, Zhang’s reform proposal, especially his vision of expropriating Buddhist and Daoist temples to build new schools, was embraced by the conservative faction of the Qing court after they took control via a coup. In 1904, as part of its national reform programs, the court abolished its traditional civil service examination system, and announced plans for adopting a new educational system as a means of training its ruling elite. To accomplish its educational reforms, the Qing court adopted Zhang Zhidong’s proposal, and developed a host of new policy initiatives encouraging local and regional governments in expropriating temple property for buiding the new schools. Between 1902 and 1903, Zhang Zhidong and several of his colleagues devised and issued a series of directives which set forth the procedures and standards for establishing and managing the new national education system. As Zhang and fellow officials continued to implement their reform agenda in their respective jurisdictions, Zhang’s proposal for “converting temples into schools (miaochan xingxue)” also became the Qing state policy for building the new national education system. It continued to exert influence on the Nationalist state policy toward religion and education after 1911. 17

18 Faced with the encroaching state determined to consolidate and expand its power and political legitimacy through various modernizing projects, Buddhist and Daoist monasteries and temples throughout the country scrambled to respond. But lacking integrated organization and resources, and separated by sectarian and geographic divides among themselves, the Daoists did not develop any nationally uniform

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consensus on how to respond the state challenge. Even after the 1912 establishment in Beijing of the first national Daoist Association (Zhongyang Daojiao hui) by a few major Quanzhen monasteries, the majority of the Daoist temples were left on their own to deal with the state expansion in their localities. In most cases, such efforts at building new schools have largely been perceived as feeble and ineffective attempts to preempt or prevent the Qing state expropriation of temple property. In some cases, Buddhist and Daoist clerics were reported to have destroyed the newly established schools at their temples out of sheer frustration and despair. Partly because of these monastic resistance, even the Buddhist and Daoist efforts in establishing new schools are often seen as cynical, opportunistic, and driven by monastic self-interest, or alternatively as actions of largely powerless victims to the modern state expansion in education.18

19 In Nanyang as elsewhere, local officials, literati, and merchants responded to the late Qing state initiatives in new education in earnest. Shortly after the Qing court issued its regulations on the new schools in 1902, the Nanyang magistrate converted the traditional prefectural Chongzheng academy (Chongzheng shuyuan) into the new Chongzheng Advanced Primary School (Chongzheng gaodeng xiao xuetang) to conform to the new educational standards. That same year, a prominent local merchant set up a new primary school in the large bordertown of Zijing Pass in Xichuan county, 80 miles west of the Nanyang city. Two years later, in 1904, Zhang Jiamou (1874-1941), a prominent local literatus and educator set up the Jingye Primary School (Jingye xiao xuetang) in Nanyang. More new schools, including high schools, and normal schools were established in Nanyang by a variety of local sponsors from local magistrates, to merchant guilds, elite literati members, and Buddhist and Daoist temples in that same year and the years to follow.

20 The Xuanmiao monastery under the leadership of abbot Yao Aiyun was among the pioneers to establish new schools for local residents in the city. Within one year from 1905 to 1906, the monastery alone set up two primary schools in the northern district of the Nanyang city. The monastery’s new schools may appear to be just a countermeasure against the Qing policy of “converting or using temples for starting schools,” preempting the threats of potential state seizure of temple lands and property.

21 But in Nanyang, evidences suggest that the Quanzhen monastic interest in local education was more than just a state-coerced response in haste, or an opportunistic preemption of the Qing state expropriation campaign at the time. Instead, the Xuanmiao monastic activism in building the new schools in Nanyang can be better understood in the context of the monastery’s legacy in local schooling. Indeed, the Xuanmiao monastic involvement in promoting local education predated the Qing state temple expropriation policies by quite a few years.

22 Around the mid 1890s, abbot Yao Aiyun spent a fortune of 11,700 taels of silver in building a traditional private school (sishu) in the neighborhood of the northern quarter of the city, as part of his monastic expansion program in Nanyang. At the time, it was one of the seven largest private schools in the prefectural town of Nanyang, comprised of several buildings of twenty four rooms. Though details are yet to come by, this monastery-funded private school catered to local children whose parents could well afford the tuitions the monastery charged. Almost concurrently, Yao and his monastery set up two free village schools (yixue) in the neighborhoods near the north gate. These two free schools were intended for children of poor families in the city

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district This early Quanzhen clerical initiatives in managing the local popular education drew praise from Yu Yinlin (?-1904), the former governor of the Henan province and a patron of the Xuanmiao monastery. Yu stayed at the monastery in 1901 to recover from an illness, and was well-aware of the monastery’s early efforts in promoting local popular eduction. That year when he stayed at the monastery, Yu observed first-hand Yao’s involvement in running these local schools. According to Yu, abbot Yao showed a strong interest in the daily management of the free village schools, and involved himself in recruiting teachers trained in the new Western learning to provide instruction at these schools.19

23 So when the Qing state first began to push for new schools throughout the country in 1904, Yao’s earlier efforts in promoting local education cohered with the Qing state goals of modernizing the country’s local popular education system. Together with the monastery’s long tradition of collaboration, Yao’s early activism also legitimized and empowered the Daoist monastery as the Qing state partner, if not an outright agent, in spearheading the state efforts in building and managing the new modern schools in Nanyang. In October of 1905 shortly after the Qing court issued the decree to abolish the civil service examination system and to implement the new school standards, abbot Yao and his monastery set about converting the two free schools into the new schools.

24 In the city, the first primary school set up by the Xuanmiao monastery on the main street near the north city gate was also named after the monastery. Following the 1904 court-sanctioned regulations for the new schools, the Xuanmiao Monastery School (Xuanmiao guan liangdeng xiaoxue) consisted of the two departments, the Junior Department (Chudeng xiaoxue) which admitted pupils from ages 7 to 12, and the Senior Department (Gaodeng xiaoxue) which admitted older students aged from 12 to16 from the Nanyang region. With an annual budget of only 600 taels of silver, the school managed to admit over 117 students the same year, nearly twice as many as the total enrollment at its counterpart: the state-funded and literati-run Chongzheng Advanced Primary School which had an annual budget of 1,000 taels of silver. The monastery retained Wang Yanbin, a prominent local scholar, to serve as the principal. In addition, eight teachers were recruited as the faculty to teach the required full curriculum of classes, ranging from traditional Confucian classics through maths and science to history and geography.20

25 In January of 1906, three months after the first new school went into operation, abbot Yao and his monastery converted its other private school on the main street within the northeastern quarter of Nanyang into their second new school which they named as the Yuanzong School (Yuanzong xuetang). As with its first new school, the monastery’s second new school operated on a small annual budget of 400 taels of silver generated from the monastic landholding and real estate in the city. Like its sister school, it was also divided into junior and senior departments. With Ji Yongtai, a local literatus retained as its principal, the second school had four teachers as its regular faculty, and admitted a total of 96 students in 1906.21 Outside Nanyang at the historical Broad Vista township, the prior of the Palace of the Three Primordials (Sanyuan gong), an affifliated branch temple to the Xuanmiao Monastery, wasted no time in establishing its own new primary school for children living in that commercial township. Named “A Gathering of the Three Primary School (Sancui xiaoxue),” the new school operated on an annual budget of 400 taels of silver and also admitted nearly 100 students from the market town and its suburbs.22 These primary schools funded by the Quanzhen monasteries

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figured prominently in the expansion of modern elementary education in the Nanyang region (see appended chart).

26 The Xuanmiao monastery and its affiliated temples were by no means alone in their proactivism in establishing and running modern schools for the local communities. Their Buddhist counterparts, especially those well-endowed monasteries inthe Nanyang region, were also closely involved in the early phase of building new schools. The famed Buddhist Puti Monastery (Puti si) in Zhenping county west of Nanyang traced its monastic roots to the mid-7th century. By the late imperial period, the Buddhist monastery had developed an extensive local temple network throughout the Nanyang region. With its rich landholdings, it counted as one of the wealthiest Buddhist temples in the Central Plain. Prior to the time when the Qing local officials in Nanyang first launched their initiatives in modern education in Nanyang, the Buddhist monastery had been operating scriptural recitation and study classes for its young clerics. In the spring of 1905, the Puti monastery, like its Daoist counterpart in Nanyang, built the first new modern primary school named “School of Salvational Relief (Jiuji xiaoxue)” at the Temple village (Si zhuang) in Zhenping county.23

27 In Nanyang, quite a few other local wealthy temples like the Xuanmiao and the Puti monasteries also responded proactively to the Qing state initatives in modern education, and made a great contribution to building new schools locally. As shown in the appended table, while the Daoist-run schools numbered only two out of a total nine modern primary schools established within the Nanyang city, by Qing local officials, merchant guilds, or philanthropic organizations and inviduals between 1902 and 1910, they stood out in terms of the size of their student enrollments. Altogether, the Yuanzong and the Xuanmiao guan schools admitted more than one third of the total annual enrollment for the whole city of Nanyang during the late Qing period.

28 Abbot Yao and his monastery’s two decades of sustained efforts in building schools in Nanyang earned them recognition from the Qing court and the provincial officials. In 1906, the governor of Henan and the president of the newly established Board of Education (xuebu) in Beijing each memorialized the throne about Yao and his monastery’s achievements in promoting the new education in Nanyang. A placard was issued in the name of the reformist but now disgraced and out-of-power Guangxu emperor, and bestowed on the monastery. The placard bearing the imperial inscription, “Quanzhen (Daoism) Proliferates Learning,” recognized the monastery’s contribution to the Qing local education reforms. Abbot Yao soon had the placard framed on the frontpiece of the scriptorium which housed the precious Daoist Canon, an imperial gift given to abbot Zhang Yuanxuan for his valiance and leadership in the defense of Nanyang during the mid-1860s. Together with the Daoist Canon, the imperial placard was now the visible symbol of the monastery’s achievement, reminding each and all visitors to the monastery of its prominence and leadership in promoting the modern popular education in Nanyang.24

29 The Quanzhen monastery also actively participated in the Qing state-initiated programs at promoting agricultural reform by introducing and proliferating modern agricultural knowledge and learning aimed at invigorating local agriculture, trade and economy in the aftermath of the Taiping war.25 Zhang Jian (1853-1926) advocated the importance of reforming traditional agriculture and farming practice as a means of strengthening the Qing economy and society.26As part of their plan for agricultural reforms, Zhang and other reformers also pushed for vocational training and education

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as a means for disseminating modern farming, industrial and technical knowledge and skills among the rural population. In 1908, the Qing court stipulated for the establishment of the vocational schools (shiye xuetang) along with the new Western schools. In the Nanyang region, a school of sericulture (cansang xuetang) was set up in the northern county of Nanzhao in 1908, followed by similar schools of agriculture and industry (nong gong shiye xuetang), and business (shangye xuetang) in Xichuan, Neixiang, Dengzhou, Zhenping and other counties affiliated with Nanyang throughout the 1910s. At these two-year vocational schools, specialized courses in seraculture, modern agriculture, soil sciences, farming technologies, and business skills were taught, in addition to courses in Chinese, mathematics, geography, history, and arts.

30 Again even before the advent of these new vocational schools to the Nanyang region, Zhang Jian’s proposed agricultural reform had found a ready and enthusiastic supporter in abbot Yao Aiyun. Like Zhang, the Daoist abbot considered dissemination of agricultural knowledge and farming techniques vitally important for strengthening the agrarian society and economy. As the man in charge of one of the largest landholding temples in Nanyang, Yao took a special interest in promoting the new agricultural learning among the tenants who cultivated the monastery’s vast farmlands throughout the Nanyang region. According to Yu Yinlin, abbot Yao carefully studied various new innovative farming methods, from tilling, and irrigation, to fertilization and well- drilling. He taught the monastery’s tenant farmers to plant fruit trees in the empty spaces between the farmland plots to help retain moisture and improve the soil conditions. When the fruit trees started to yield fruits, the abbot allowed the tenants to benefit from their sale and collected no extra rents from the crop. As much of the Nanyang plain was crisscrossed by various tributories and streams of the Han and Huai rivers, the farmlands were susceptible to drought in the spring and floods in the summer, resulting in reduced or failed crops. To prevent flooding, Abbot Yao reportedly studied and taught his tenants some ancient tilling techniques which involved furrowing the growing fields and constructing dykes around the farmlands vulnerable to the floods. He also drew up the detailed diagrams which illustrated the methods for drilling irrigation wells, for applying fertilizers to the planted fields, and for raising live-stock, and used them to teach to the tenant farmers. In order to disseminate the new farming techniques, the abbot even paid for the printing and distribution of the diagrams among the tenants and other farmers so that even without veing able to read, they still could learn and implement these farming methods and techniques to forestall the effects of drought or floods, and ensure harvest yearly.27

31 Yao’s interest and efforts in educating the monastery’s tenants by disseminating more efficient farming methods and techniques among them may have reflected an englightened and entrepreneurial landlord’s vision about productivity and profit, but his interest in farming and disseminating agrarian learning and methods is also congruent with the early Quanzhen monastic tradition of self-sufficiency and moral living through agrarian pursuits and ascetics which dated back to the days of its founders during the 12th and 13th centuries.28

32 Yet while abbot Yao’s proactive responses to the late Qing state-centered reforms were consistent with the Nanyang Quanzhen monastery’s established tradition of defending and serving the Qing state and the Nanyang community, it may have also ironically constituted the cause of his downfall in 1911. After the Republican forces took Nanyang in the winter that year, Yao refused to capitulate to and collaborate with the new

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Republican regime. When he was executed in early 1912, Yao’s alleged crimes, according to contemporary local gazetteers, included “fraternization with the Qing local military and political officials, and lording it over the local community.”29 Personal acrimination aside, the Yao’s execution is symbolic of the deep distrust the Republican intellectuals and activists held toward the traditional religious establishments like the Xuanmiao monastery.

33 But the Quanzhen monastic activism in promoting and managing local vocational education which Yao pioneered in Nanyang continued and expanded under the new leaders of the Xuanmiao monastery during the Republican era.

Republican State Seizure of Temple Lands and the Daoist Response (1912-1920s)

34 Soon after the founding of the Republic in 1912, the Xuanmiao Monastery and the Palace of the Three Primordials played a prominent role in developing a national organization among the Quanzhen Daoists. In the summer of 1912, in response to the initiative by abbot Chen Mingbin of the White Cloud Monastery in Beijing to establish a national Daoist organization, Guo Zhixian (also Yubin, ?-?), prior of the Xuanmiao Monastery participated in the initial organizational work for the proposed national Daoist Association. In July that year, Guo, together with abbot Chen and seven other fellow Quanzhen clerics and lay activists representing various Daoist monasteries and lay groups in Beijing, Shanghai, Xi’an, Manchuria, Henan and Hubei went to the Presidential Office of the Republican Government in Beijing, and presented their joint petition to the new government. In this petition, Guo and his fellow Quanzhen clerics demanded that the Republican state extended both recognition and legal protection to Daoism as a legitimate national religion (guojiao).30 In August that year, their petition was granted and the first Daoist national association was established, with its headquarters installed at the White Cloud Monastery in the capital. In this first Daoist effort at national organization, Guo Zhixian of the Xuanmiao monastery, and prior Wang Yongchun of the Palace of the Three Primordials joined fellow abbots and priors from fourteen other Quanzhen monasteries, and provided strong leadership and monastic support. Both of the Nanyang Quanzhen monasteries thus became the founding members and the sponsoring institutions of the first national Daoist association in 1912.31

35 But the Quanzhen clerics’vision of Daoism as a national religion for the new republic was not shared by most of the Republican elite who even furthered the late Qing state policies of developing modern education by depriving Daoists of their temple property. The execution of abbot Yao already mirrored the Republican state and intellectuals’hostility and bias toward Daoist monasteries as viable participants in the modernization of the local society in Nanyang. But now this hostility was further intensified by the early Republican political factional strife and the state’s practical need for resources to carry out various local reforms. It also led the new Republican regime in Nanyang to adopt far more draconian policies toward the established Buddhist and Daoist monasteries than those adopted by its imperial predecessor. Shortly after coming to power in early 1912, the new Republican authorities in Nanyang began to look beyond the available assets which they inherited from the Qing local administration for new and other possible sources of revenue to fund their

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modern education and other reform projects in the region. As elsewhere in China, large Buddhist and Daoist monasteries with extensive landholdings offered easy and enticing targets for the expanding early Republican state.

36 Accumulated over a period of more than two hundred and fifty years since the mid-17th century, the Xuanmiao monastery’s landholdings were composed of those under its direct control, and those owned by its affiliated temples and cloisters (xiayuan) located throughout Nanyang. In addition, the monastery also managed some lands placed in its trust by local guilds and temples in Nanyang. While the monastery derived its lion’s share of income from its own endowment lands, it also received a significant amount of contribution in the forms of cash and grains from its affiliated temples and cloister. According to the figures revealed in early Republican period sources, the monastery held a total of 77 qing (approximately 7,700 mu) farmland as of 1909. Most of the lands were concentrated in the northern and northwestern suburbs of Nanyang. In addition, the Palace of the Three Primordials at the Broad Vista Township owned 20 qing (2,000 mu) farmland. Several other affiliated temples such as the Shrine of the Three Teachings (Sanjiao tang), also known as Master Ye’s Cloister (Ye’an) located 15 miles southeast of Nanyang, and the Temple of the Patriarch Master on the Solitude Mount (Dushan Zushi gong) also owned lands.

37 In addition to the rents generated from their endowment lands, the Xuanmiao monastery and the affiliated temples received considerable income from the donations from pilgrims and local devotees during various temple festivals throughout the year. Lastly, the clerics at the Xuanmiao monastery derived income from their ritual services rendered to the local community, and from the annual temple festivals in honor of their patron deities: Lord Laozi, the , and the popular Perfected Warrior (Zhenwu), known to the locals as the Patriarch Master (Zushi).

38 Despite its relative wealth and endowment, the average Quanzhen clerics at the Xuanmiao monastery lived a frugal and simple life. For their ritual services and labor, each of the residents and sojourners was provided free board and room. Information is lacking about the situation of the pre-1900 days. But in the first few decades up to 1938 when the full-fleged War of Resistance accelerated, sojourners and resident clerics at the monastery each received an average monthly stipend (danqian) of 8,000 wen, in addition to their daily room and board. The stipend went to pay for their clothing, footwear, other daily necessities, and occasional good meals. Their daily board at the monastery consisted of three meals of coarse grains (culiang) and vegetables. When there was food shortage, they would subsist daily on two meals of thin gruel and pickles.32

39 With the political turmoil, rising inflation, and depleted monastic resources after the breakout of the Sino-Japanese war in 1937, the Quanzhen clerics at the Nanyang monastery found it increasingly difficult to stretch their meager monthly stipend to cover all their expenses. Many had to make do with old and worn-out clothing and go hungry for days and weeks on end. To survive, many devised ways to take advantage of the free room and board customarily offered at the major Daoist and Buddhist public temples to fellow itinerary Daoist and Buddhist priests. In Nanyang during the late Qing and early Republican era, hungry and impoverished Quanzhen and Buddhist clerics were known to have resorted to rotating their sojourns on a circuit of Daoist and Buddhist major monasteries in the region in order to obtain food and shelter. In a practice known among the locals as “the circular or milling sojourns (mopan dan),” so

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named to invoke the donkey-drawn circular movement of a turning mill, the starving mendicant Quanzhen and Buddhist clerics would sojourn successively at the five major Daoist and Buddhist monasteries in and around Nanyang, staying the maximum number of days allowed, and then moving onto the next.33 But when they exhausted their welcome at all these monasteries, many of them had to turn to begging in the streets to survive.34

40 From 1912 to the late 1930s, the monastery’s economic conditions worsened, as its massive landholdings became the primary target of the Republican local government’s land expropriation campaigns. By 1934, several major Republican anti-superstition drives, and subsequent local self-government movement (zizhi yundong) in Nanyang had reduced the monastery’s landholdings by more than half to just over 3,000 mu. That year, the total acreage of arable land in Nanyang was 2,351,464 mu. While the total acreage of temple landholdings for the whole Nanyang county was as low as 8,671 mu, the total acreage of public or state lands registered under the various Republican local government agencies had shot up to 21,880 mu. The sharp increase in the state landholdings in Nanyang was due directly to massive Republican state seizure of monastic property in 1912, 1927, and since. Most of the seized lands were redistributed as public school lands (xuetian) and government lands (gongtian) to support public education and other modern reforms in the the region.35

41 Such was the case of the lands owned by the Medical Sage Shrine (Yisheng ci) near Nanyang’s eastern gate. In the year of 1883, the Nanyang Physicians Guild (Yilin huiguan) entrusted the shrine together with its 700 mu of premium farmland to Zhang Yuanxuan, the abbot of the Xuanmiao monastery, for custody and management. The land was initially donated to the shrine by a group of physicians in Nanyang as the permanent source of revenue for the shrine.36 By the late Qing, the shrine’s landholding had increased to over 700 mu. In 1883 when the medical guild requested that abbot Zhang and his monastery to take over the operations of the shrine, the shrine’s endowment lands were also placed under the monastery’s control and management.

42 But when the Nanyang Republican regime began expropriating temple lands for funding the modern schools and other reform projects, it did not make such distinctions. Shortly after 1912, the Republican provisional regime in Nanyang appropriated 2,800 mu of the lands of the Xuammiao monastery, and allocated them to its education promotion agency (Quanxue suo) to run as the endowment lands for all the state-run schools in Nanyang. Of these confiscated lands, about 670 mu were the original endownment lands wrested from the Shrine of the Medical Sage.37

43 The temple land expropriation by the Republican state began in 1912 and continued through the 1920s and 1930s. By 1934, Nanyang’s total school endowment lands had swelled to 8,885 mu. One third of the total school endowment lands were forcefully taken from the Xuanmiao monastery, leaving the Quanzhen monastery with only 3,000 mu, less than half of its pre-1912 total land holdings.38

44 The effect of the post-1912 Republican land confiscation was immediately visible. The Daoist-run Yuanzong Primary School had to cease operation shortly after the Republican takeover, while the Sancui Primary School at the Broad Vista township struggled to survive on diminished monastic resources in the succeeding years. By late 1920s, the Republican state campaigns against organized religions in Henan reached its apex under the military governorship of Republican warlord Feng Yuxiang (1882-1948). When Feng came to preside over the province for the second time in 1928, he launched

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a massive and ambitious program to reform the local traditional culture and extend popular education in rural Henan.39

45 In Nanyang and its surrounding counties, many Daoist and Buddhist temples bore the brunt of this new wave of the modern state seizures. The Xuanmiao monastery suffered further deprivation of its temple lands. To counter this menace which threatened their survival, Li Zongyang (?-1938), who became the abbot of the Xuanmiao Monastery after Yao’s execution, and two senior Buddhist monks representing the Puti Temple in Zhenping and the Dongda Temple in Nanyang traveled to Nanjing where they petitioned the Republican government to roll back some of General Feng’s draconian policies of seizure and occupation in Henan. While in Nanjing, abbot Li Zongyang used his early Revolutionary Alliance (Tongmeng hui) credentials and extensive political and social ties among the Republican government officials, and successfully lobbied the KMT central government to issue a special order of protection (baohu ) for a list of major Buddhist and Daoist monasteries throughout the Nanyang region.40Li and his colleagues’action not only protected their respective temples, but it also ensured the continued operations of the local Daoist and Buddhist-funded schools and programs in Nanyang.

46 Petitioning and persuasion aside, some Daoists may have also resorted to violence in resisting the Republican state encroachment on their temple property. In the late 1920s and early 1930s, Daoist clergy and their monasteries allegedly hired local bandits to intervene ever secretly on their behalf in their ongoing dispute with the Republican state and local government. A case in point was the abduction of Wu Liquan (1892-?). Sometime in December of 1929 at the height of General Feng’s drive for temple land seizure, Wu was kidnapped by bandits from his village school in Zhenping county where he taught English, and taken into the mountains in northern Zhenping. The bandits demanded a ransom for his release. But Wu’s abduction did not seem to have stemmed exclusively from the bandits’desire for money, but was closely connected to the ongoing dispute over land ownership between the local school officials and the Daoists. Wu was a native of Jun county in northeastern Henan. After graduating from the English Department of the National Advanced Normal College in Wuchang in 1919, Wu began his teaching career at Nanyang Middle School where he taught English. When General Feng Yuxiang launched a province-wide campaign to expand rural education in Henan by expropriating or “smashing temples” (damiao), Wu became an enthusiastic advocate for the program. He recalled years later that his vigorous advocacy for temple expropriation in local villages incurred outrage among the Daoist clerics there, and that these clerics in turn colluded with the local bandits to engineer his abduction. He was held in the mountains for three months, and was released only after the ransom was paid.41

The Quanzhen Education as Social Philanthropy in Nanyang (1912-1940s)

47 But even with diminishing resources and worsened political and social conditions after 1912, the Xuanmao monastery struggled to stay engaged in its local reform initiatives and commitments. After Yao’s execution, the Quanzhen clerics secured the return of abbot Li Zongyang from the ’Palace (Baxian gong) of Xi’an to Nanyang.

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After a brief controversy involving an interim prior, Li assumed the abbotship at the monastery in 1912.

48 Abbot Li proved just as charismatic and energetic a leader as Yao, but of very different political persuasion. Despite his humble roots which began in Nanyang, Li soon rose through the Quanzhen clerical ranks through his pursuit of ascetics in self-cultivation, and Daoist scriptural studies. During his extensive travels as a young and aspiring cleric, Li also built extensive personal, cultural, and political ties bout in and outside the Daoist circles with the Qing and later the Republican elite. His yearlong arduous seclusion and meditation in the sacred Mount Song during his youth earned him both renown and friendship among the Confucian literati elite throughout the central plain. While serving as the head of a small Daoist shrine in Xi’an at the height of the Boxer rebellion, Li managed to impress Cixi, the empress dowager and many of her ranking court and local officials with both his upright character and quick wit. But Li was by no means a conservative stalwart. As the anti-Manchu sentiments rose in the post-Boxers years, Li became sympathetic to the underground revolutionary cause, and befriended many anti-Manchu intellectuals and activists. He later joined the Revolutionary Alliance, the arch-nemisis of the Qing empire, and used his wide political ties among the Qing officialdom and his shrine in Xi’an to provide cover for the anti-Qing revolutionaries throughout the northwestern regions. But most of all, Li proved to be an energetic and resourceful Daoist leader whose achievements and exciting reforms as a monastic leader became widespread among the Daoist circles. So shortly after abbot Yao was executed by the Republican forces in early 1912, the Quanzhen clerics at the Nanyang’s Xuanmiao monastery decided to invite Li back to Nanyang to head their monastery.42

49 Li accepted the invitation, and returned to Nanyang in 1912. His extensive contacts and political experience prepared him well for managing the much larger Nanyang monastery at a time of fast changing social and political conditions in the early Republican era. Faced with diminished temple resources and the loss of powerful local patrons, Li still managed to keep his monastery’s commitment to several local reform programs, and sustained the monastery’s presence in areas of public education, social welfare, and vocational training in Nanyang for decades after 1912.

50 In 1927, after the Xuanmiao school was forced out of operation for over fifteen years, abbot Li reopened it in the renovated Martial Marquis Shrine (Wuhou ci) located in the east wing of the Xuanmiao Monastery. The re-established Shaohuai School (Shaohuai xiaoxue), like its predecessor, was divided into the junior and the senior departments. It admitted a total of 100 students in the first year. There, it continued in operation on the funds set aside from the monastery’s annual rents generated from its dwindling landholdings, ever after Li had left the monastery in 1929. Between May of 1932 and May of 1933, the Shaohuai Primary School managed to secure some funding support from the Republican general Liu Zhenhua (1883-1956) who had set up his headquarters inside the monastery. As part of his overall plan for promoting local education, commerce, and culture, the Republican general allocated funds from confiscated assets of the local hegemons and “unruly” merchants for the renovation of the temple buildings which housed the school, and for the procurement of instructional equipments for the monastery school.43 The circumstances of what prompted the Republican strongman to provide support to the monastery’s school remain unclear. But the support from the Republican general did not last.

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51 In any event, the Xuanmiao monastery’s activism in promoting new schools in Nanyang met a devasting setback in the summer of 1938, when the Japanese air raids over Nanyang destroyed several of the Xuanmiao Monastery’s major halls and shrines, including the Martial Marquis Shrine which housed the Shaohuai school. But the Daoist-funded primary school persisted, despite greatly diminished resources and worsend political and economic conditions of the war, until 1945 when the city of Nanyang fell to a brief occupation by the Japanese troops.44

The Orphanage and the Vocational Training Workshop

52 Another important social philanthropic and educational institution which the monastery provided to the public was the orphanage founded by abbot Li. The worsened social, political and ecological conditions aggravated by wars, banditry, and the frequent droughts and flooding in the early Republican decades gave rise to the widespread problem of orphans and abandoned children in the Nanyang area.45 Pre- occupied with gaining or keeping power and control of the strategic region, the fast- alternating warlord regimes and Republican governments in Nanyang had neither the attention, nor the resources to deal with the problem.

53 Abbot Li and his monastery took a leading role in organizing care for the abandoned or orphaned children. In 1924, the Xuanmiao monastery set up an orphanage adjacent to the Red Cross Hospital in the east wing of the monastery. The orphanage admitted nearly 90 orphans, and abandoned, impoverished and homeless children from Nanyang. The minimum admitting age for the orphans was seven. They were expected to leave the orphanage by the age of eighteen. During the drought, the Xuanmiao monastery collaborated with the national relief organizations such as the Shanghai Famine Relief (Shanghai jiusheng hui) to provide care for the famine-stricken children in Nanyang. The 1929 famine in Nanyang added several dozens more orphans and and homeless children to the orphanage, which had to hire two additional full-time caregivers to cook, clean, wash, and care for its now expanded population.

54 Aside from providing physical care, the monastery’s orphanage also tried to educate the children. After abbot Li reestablished the Shaohuai School in the Martial Marquis Shrine at the Xuanmiao monastery in 1927, all school-age orphans were admitted there to take classes. Abbot Li and his fellow clerics also devised various educational paths for the orphans. Those who excelled in learning could go onto middle schools in Nanyang. Others who did not succeed academically would learn various crafts and skills at the vocational workshops so that they could support themselves after they reached the age of eighteen.46

55 These vocational workshops were also an important component of the Quanzhen Daoist activism in local modern education in Nanyang, and they were set up and operated in close connection with the local markets and economy. Since the Ming and early Qing, Nanyang had remained a major center of commodity trade and distribution on the upper stretch of the Han River valley. While the completion and operation of the Peking-Hankou Railway line (Ping Han ) and other new transportation routes diverted much of the trade and commercial traffic from Nanyang, its status as a regional trade and distribution center in the upper Han River valley continued unabated.47 Much of the westbound flow of trade goods from Shanghai and Hankou to the upper reaches of the Han River valley and beyond continued to go through

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Nanyang. So the downtown Nanyang streets and the surrounding townships such as Shiqiao, Anhao, Liaohe, Wadian, and Shedian along the tributaries of the Han River remained vital transit points and markets which handled the exports of raw cotton, handmade clothes, grains, tobacco, oils, and animal hides and furs from Shaanxi, Shanxi, eastern Sichuan and western Henan provinces, and the imports of daily consumer goods such as paper, matches, lighting oils, and machine-woven textiles from downstream trade centers like Hankou and Shanghai.

56 The active commerce at these Nanyang market towns produced a constant demand for craftsmen and workers skilled in textile-making, carpentry, and jadework. Since the late 19th century, Qing state and local officials had tried to integrate the need to meet this rising demand as part of their overall plan to promote trade and industry in order to revitalize and modernize the national and local economy after the Taiping suppression. In 1907, the Nanyang country magistrate set up the Nanyang Crafts Training Center (Nanyang xiyi suo) to train the county prison inmates in silk-making. By 1915 this former Qing local crafttraining center had been expanded into a large model workshop for vocational training (Nanyang quan gong chang) in paper-making, ironwork, woodwork, and quarry-work.48

57 Abbot Li and his Xuanmiao monastery’s interest in developing vocational training programs for the orphans under their care thus reflected both the modernizing ambitions of the Qing and the early Republican state, and the practical economic orientations and demands of the local markets in Nanyang.

58 In 1927 when abbot Li reestablished the Shaohuai School, he also opened a special training workshop. The vocational training center at the monastery combined its mission in social philanthropy and its interest in popular education, and enrolled primarily the homeless children and orphans from its orphanage, as well as young apprentices from the local shops and businesses in Nanyang. At the training workshop, trainees were taught four major craftsmanships that were in high demand throughout the Nanyang region. These were textile-making, woodwork, jadesmithing, and shoemaking. While the primary goal of the workshop remained the training of the orphans in various trade skills and craftsmanship, it also aimed at self-reliance through the sales of the products the trainees produced at the workshop.

59 The operations of the workshop received an unexpected boost from the outbreak of the Sino-Japanese war in 1937. With the Peking-Hankou Railway, the Longhai Railway (Long Hai xian) and the other major land routes of trade and transportation either falling to the Japanese control, or frequently disrupted by war, Nanyang’s relative isolation now became an advantage. As the cities of Kaifeng, Zhengzhou, and Wuhan fell, Nanyang became a major alternative trade and transportation nexus of materials and commodities for the Chinese resistance forces and the Republican-controled regions in western Henan, and beyond. Indeed, as the war waged on from the summer of 1937, Nanyang not only regained its old status as a trade town and market in the upper Han River valley, but it also became the new transit center and supply base for Chinese resistance troops for the whole North and Central China regions. As the regular supplies of machine-made clothes and other daily necessities from the coastal urban centers were cut off by the Japanese forces during the war, locally produced clothes (tumianbu) and goods from Nanyang and other free regions also became increasingly in demand by the resistance forces and the civilians in the Republican government controlled free zones.49 Several Republican army corps and their headquarters, and

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supply requisition units stationed in and around Nanyang region helped fuel the demand for both local goods and skilled labor.

60 Such demand in turn helped keep the Xuanmiao monastery’s training workshop in operation, especially during the early phase of the war. At the workshop, textile making became the most popular of the four skills among the trainees. The workshop produced several products such as hand-towels and special-weave cloths (renzini and pingmianbu) which were in high demand. In late 1938, the operation of the training workshop wasdisrupted by Japanese air-raids, as the buildings in the monastery’s east wing which housed workshop was damaged the bombing. While it managed to resume operation a year and half later in 1940, the workshop was not able to fully regain its early momentum in the very competitive market. Due to a convergence of factors of long production cycle, uneven product quality, and frequent Japanese air-raids, the workshop had to close not long after 1940.50

Last Efforts: The Homeless Children Training Center (1945-1949)

61 The monastic compound had since the early 1920s been frequently occupied by various armies as their barracks and headquarters. At the height of the war, the monastery itself became a major target of Japanese air-bombing raids over NanyangIn the fall of 1937, the monastery suffered a major destruction during the Japanese air-raids. Several of the major halls were badly damaged, and the monastery’s gate-tower and its entrance shrine were completely razed to the ground. In addition to the air-raids, the monastery was soon commandeered by the Republican resistance forces as their command headquarters during the war. In the last year of the war, it was briefly occupied by the Japanese army. As a result, much of the monastery’s operations in local education and philanthropy were either disrupted and completely haulted.

62 Only beginning from 1945 did the Xuanmiao monastery begin to recover slowly from the devastating effects of the war. But by then, the monastery had lost much of its former wealth. By 1946, a portion of the Xuanmiao monastery’s remaining endowment lands were reorganized and managed by the Nanyang Daoist Association (Nanyang xian Daojiao hui) and its affiliated Plum Creek Cooperative Farm (Meixi hezuo nongchang). It remains unclear as to exactly when the Nanyang Daoist Association first came into existence, but there is no doubt that the Association was dominated by the senior clerics from the Xuanmiao monastery, and their its local elite followers. Given the early involvmernt of the Xuanmiao monastery in the first national Daoist organization in 1912, it is conceivable that the Nanyang Daoist association may have been formed fairly early as a local chapter of the national association, and remained activeever since. In 1946, the Daoist farm was set up with detailed bylaws, rules of operations, and accounting method. Its headquarters was located in the eastern wing of the Xuanmiao monastery, with much of its farming operations and facilities located at the Daguanzhuang, a village located west of the Xuanmiao monastery and in the northwestern suburbs of Nanyang.

63 Between 1946 and 1949, the cooperative farm became one of the most visible Daoist institutions that continued the Quanzhen monastic tradition of social and medical philanthropy and free education for the public, especially the war-displaced poor and

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homeless children in Nanyang. Under the worsening conditions of the post-war Nanyang, the Daoist farm operated a free medical clinic and apothecary (Meixi nongchang yiyao shishe suo), and a vocational training center for the poor and homeless children (Meixi nongchang nantong xunlian ban). The medical clinic and apothecary there also revived the functions of the earlier Red-Cross clinic, and even operated from the same buildings donated by the Xuanmian monastery in its east wing.

64 The cooperative farm was initially set up with temple lands donated by the Xuanmiao monastery along a small river known as the Plum Creek (Meixi) which flows around the western outer perimeters of the monastery southward before draining into the White River to the south of Nanyang. The Xuanmiao monastery’s interest in agriculture was first documented with abbot Yao Aiyun during his tenure from 1880s to 1911. Yao was said to have taken an active interest in disseminating and implementing the new agricultural technologies among the monastery’s tenant farmers. He paid for the printing and circulation of tracts which illustrated the modern irrigation, well-drilling, fertilization, cross-cultivations in Nanyang.51 This early Daoist interest in agriculture as the stock of local society and the monastic life was continued at the Xuanmiao Monastery. Immediately after the anti-Japanese war ended in 1945, abbot Nie Xiaoxia (fl.1930s-1950s), prior Wei Shaopo and a group of prominent local businessmen, intellectuals, and educators with close ties to the Xuanmiao Monastery joined hands in establishing the Plum Creek Cooperative. The primary mission of the agricultural cooperative farm as stated in its charter was: 1) to develop cooperative farming (fazhan nongye hezuo); 2) to implement collective production (shixing jiti shengchan); and 3) to promote and disseminate select agricultural crops and seeds (tuiguang youliang pinzhong) in Nanyang. The new farm operated under the direction of a board composed of Nanyang’s leading intellectuals and entrepreneurs. The chairman of the board was Yang Heting (1877-1962), a prominent local literatus, public educator, and a devout Daoist lay activist with close personal and family ties to the Xuanmiao monastery.52 Both the Quanzhen clerics and the lay activists on the board saw public services as an important legacy of the monastery and a much needed response to the social and economic problems of the post-war Nanyang society.53

65 In September of 1946, the Nanyang Daoist Association petitioned the Nationalist municipal government in Nanyang for permission to set up a special training center for the homeless children at its farm. In its memo to the local government, the Association stated that the mission of the center was to gather the homeless and refugee children who had lost their opportunity for schooling due to the war, loss of parents, or impoverishment, and to provide them with food, shelter, and basic education and vocational skills at the Daoist farm. The center was established at the Daoist farm located in the Daguan village in northwestern suburbs of the city. Several dozens of the homeless children were enrolled at the center. Instruction began in October of 1946, and the training center appeared to have stayed in operation until 1949 when Nanyang fell under Communist control.

66 Though details of how the center operated remain to be fully investigated, the Daoist training center for the homeless children represented a major financial commitment for the Nanyang Daoist Association. Judging from the speed of the approval of the Association’s initial memorial for the center, it is tempting to suspect that Nanyang’s Nationalist municipal government must have seen the problem of the homeless children as a substantial drain on its coffer, and was thus willing to embrace the Daoist

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involvement in urban social relief and welfare programs. But the Daoists were no dummies in undertaking the philanthropic and educational programs. Shortly after launching the training center in the fall of 1946, the Daoist Association filed a petition to request the Nanyang municipal government to grant tax and levee immunity to the Daoist farm. They cited as the reasons for such immunity the costs for operating the training center at its farm, and succeeded in obtaining the immunity from the municipal authorities.54

Conclusion

67 This preliminary investigation reveals that far from being an obstacle or a victim, Quanzhen Daoism played an active role in shaping the course and contours of the modern educational reforms in Nanyang from the late Qing era to the early Republican period. First, contrary to the conventional view, the Quanzhen Daoist activism in the public arenas of educational, agricultural and social welfare reforms should not be construed simply as a state-coerced and involuntary institutional reaction, or narrowly as a cynical preemptive response to the threat of state expropriation of temple property. Rather, as the case in Nanyang shows, the Xuanmiao monastic activism in late Qing and early Republican era reforms conforms to a long-established tradition of the Quanzhen clerical and monastic collaboration with both the state and the local society. Such tradition began with the monastery’s cooperation with the Qing state in the reconstruction of Nanyang at the time of the Manchu conquest of China during the mid-17th century. Evidences suggest that the Quanzhen clerical leadership and monastic efforts in the early modern reforms in Nanyang seem to have continued this long-running tradition of collaborating with the state and the local community. Though we are privy to the inner motives that inspired and drove the Daoist activism in modern education, neither fear or cynicism alone seem adequate for fully understanding the persistent and sustained pattern of the Quanzhen monastic efforts in modern education. All evidences so far reveals that the Nanyang Quanzhen clerics seem to have been driven forces more powerful and longlasting than fear and cynicism. Could it be that they were inspired by a shared sense of the early Quanzhen tradition in pubic philanthropy and service as evidenced in the hagiographies of early Quanzhen patriarchs? Or could it be that their activism was motived by their understanding of their own monastery’s historical relationship to and responsibility for the local community over several hundred years? Until the 1960s, many of the Nanyang monastery’s steles attesting to its record in deep and moral commitment to both the imperial state and the local community stood conspicuously in a reserved quarter in the westwing of the monastery. Indeed, the heroics of how the Quanzhen monastery and its clerics saved Nanyang and its population in war and famine of the old have persisted in the popular imagination and local lore today. It is therefore hard to imagine that the Daoist monastic leaders Yao Aiyun and Li Zongyang and their fellow clerics would have pursued their activism in disregard to such a rich legacy, one that has in the first place provided them with both authority and authenticity. In all events, the Xuanmiao monastic activism in late Qing and early Republican reforms represents an extension of this early tradition. It also demonstrates Nanyang Quanzhen Daoists’ability and willingness to adapt to the fast-changing social and political realities of the modern period.

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68 Second, the authority and ability of the Xuanmiao monastery in carrying out the modern education reforms in Nanyang derived from a convergence of several factors: the monastery’s moral authority, its organizational strength, material resources, and its capable and resourceful clerics. These factors had evolved over time and were deeply rooted the monastery’s history and embedded in the local Nanyang community. Aside from its moral authority, the Xuanmiao monastery’s extensive landholdings, though incrementally diminished since the late Qing, provided the economic foundation and means for initiating and sustaining the various monastic projects in modern education, social philanthropy, and vocational training. In Nanyang where due to constant warfare and depopulation, local lineages were historically relatively weak and large landlords were few in numbers. It is not surprising that large and wealthy religious institutions such as the Quanzhen Xuanmiao monastery were often the dominant players in local society. In this case, the experience of the Xuanmiao monastery during the late Qing state expropriation of temple lands for education may indeed differ from the fate of Quanzhen institutions in other places. Whereas the Quanzhen order and the local Daoist temples in other places like Sichuan suffered near total devastation during the late Qing state expansion,55 the Xuanmiao monastery in Nanyang was able to survive and actively participate in the process of local modernization.

69 Lastly, I hope that this preliminary inquiry can also re-open our examination of and reflection on the role of traditional religions in the process of China’s evolving history of modernization and modernity. In investigating and understanding the early emergence and development of China’s modern education, most historians have so far only tended to identify the modernizing Qing and Republican states, the Western missionaries, the Western-educated Chinese intellectual elite, and increasingly the traditional literati and commercial guilds as the main designers, movers and shakers. But few have paid attention to indigenous religions as important actors in the early phase of that process. As a result, while foreign religious institutions and individuals, with a few exceptions, tend to be portrayed as harbingers, advocates, and pioneers of China’s modern education, traditional religions are often seen either as outright obstructionist, or as hopelessly irrelevant to that process. Still another tendency among the historians of the subject is to perceive the involvement of the traditional indingenous institutions, especially the Buddhist and Daoist monasteries as being motivated by their private and selfish interests. The case of the Xuanmiao monastic activism in the early phase of modern educational reform in Nanyang is sufficient cause for questioning and rethinking the validity of these tendencies in the present scholarship.

70 As shown here, powerful and resourceful religious institutions could and did play important roles in the process of China’s modernization in some local communities. Their involvement in establishing new schools and social philanthropic projects was driven not merely by their instincts for survival in times of great social and political change, but was also inspired by their own history of collaboration with the state, and by their tradition of commitment and service to the local community. Yet, unfortunately, modern expansionist states especially the Republican authorities tended to view such monastic activism as competitive and potentially disruptive, and thus repeatedly undermined it by depriving its economic resources and political influence in the public arena. So ultimately, it was not the Daoist ignorance or its lack of public

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interest and innovation, but rather the Republican elite’s vision of a totalistic state and its intolerance that eclipsed and ultimately excluded the remarkable Quanzhen Daoist activism from the spheres of education, social welfare, and other public arenas during the early 20th century China, until the late 1950s when such gradual process of deprivation and exclusion reached its climax with the closure of the Xuanmiao monastery under the Communist rule in Nanyang. The Quanzhen monastery would remain closed until early 1980s when it regained another life in the now reconfigured and continuously unfolding new religious landscape of the post-Mao China, a story yet to be told elsewhere.

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APPENDIXES

Appendix 1. Primary schools in late Qing Nanyang city (清末南陽小學堂一覽表)

學堂名稱 創建時間 地址 堂長 教師數 公私立 學生數 歲支銀

Annual Public No. of Founding No. of budget School names Location Schoolmaster or enrolled date Faculty (silver Private students taels)

崇正高等小學 光緒二十 崇正書院 任朱學 8 公 60 1600 兩 堂 八年

Chongzheng Former Senior 1902 Chongzhen Ren Zhuxue Public Elementary Academy School

玄妙觀兩等小 光緒三十 北關大街 王衍賓 8 私 117 600 兩 學堂* 一年十月

Xuanmiao Main Street Wang Monastery Oct, 1905 Private Northgate Xianbin Primary School

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勸忠兩等小學 光緒三十 西關二忠祠 張友珍 10 公 65 1000 兩 堂 一年十月

Quanzhong Dual Loyalty Zhang Primary Oct, 1905 Shrine Public Youzhem School Westgate

元宗兩等小學 光緒三十 北關 姬永泰 4 私 96 400 兩 堂* 二年正月

Yuanzong Feb, 1906 Northgate Ji Yongtai Private Primary School

模範初等小學 光緒三十 勸學所內 張中孚 2 公 33 堂 四年二月

Education Nanyang Model Zhang Feb, 1908 Promotion Public Junior School Zhongfu Office

宣統二年 寨局款 淯陽小學堂 南關 ? 6 公 52 二月 撥付

Yuyang Feb, 1910 Southgate Public Primary School

臥佛小學堂 宣統三年 臥佛寺 ? 8 私 60 100 兩

Reclining Wofo Primary 1911 Buddha Private School Temple

陽局商 商業初等小學 宣統三年 老鹽店 ? 9 私 54 會款200 堂 兩

Commerce 1911 Old Salt Shop Private Junior School

兩等女子小學 宣統三年 府學西 ? 8 私 80 600 兩 堂

West of the Girls’Primary 1911 Prefectural Private School Academy

Those marked by “*” indicate they were founded and run by the Xuanmiao monastery. (Based on Shi Zongrui, “Xuanmiao guan xiao zhi.”)

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Chinese Character List

Baxian gong 八仙宮 baohu ling 保護令 cansang xuetang 蠶桑學堂 cangjing ge 藏經閣 Changchun guan 長春觀 Chen Mingbin 陳明霦 Chongzheng gaodeng xiao xuetang 崇正高等小學堂 Chongzheng shuyuan 崇正書院 chudeng xiaoxue 初等小學 culiang 粗糧 daoji si 道紀司 damiao 打廟 danqian 丹錢 Danxia si 丹霞寺 Dengzhou 鄧州 Dushan Zushi gong 獨山祖師宮 Duolong’a 多隆阿 (literary style: Litang 禮堂) fazhan nongye hezuo 發展農業合作 Feng Yuxiang 馮玉祥 gaodeng xiaoxue 高等小學 gongtian 公田 guojiao 國教 Ge Yuetan 葛月潭 Guo Zhixian 郭至賢 Huijia Zhongzhou 惠浹中州 jianyuan監院 Jin ye xiao xuetang 敬業小學堂 Jiuji xiaoxue 濟小學 Kang Youwei 康有 Khubilai 忽必 Li Hongzhang 李鴻章 Li Zongyang 李宗陽 Long Hai xian 隴海線

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Meixi hezuo nongchang 梅溪合作農場 Meixi nongchang nantong xunlian ban 梅溪農場難童訓練班 Meixi nongchang yiyao shishe suo 梅溪農場醫藥施舍所 miaochan xingxue 廟產興學 mopan dan 磨盤單 mu 畝 Nanyang 南陽 Nanyang quan gong chang 南陽勸工廠 Nanyang xiyi suo 南陽習藝所 Nanyang xian Daojiao hui 南陽縣道教會 Nanyang zongzhen 南陽總鎮 Neixiang 內鄉 Nie Xiaoxia 聶嘯霞 Nonggong shiye xuetang 農工實業學堂 Pingmianbu 平棉布 Ping Han xian 平漢線 Puti si 菩提寺 Qiangxue hui 強學會 qing 頃 Quanxue pian 勸學篇 Quanxue suo 勸學所 Quanzhen 全真 Quanzhen guangxue 全真廣學 renzini 人字呢 Sancui xiaoxue 三萃小學 Sanjiao tang 三教堂 Sanyuan gong 三元宮 Shanghai jiusheng hui 上海生會 shangye xuetang 商業學堂 Shaohuai xiaoxue 少懷小學 Shenghai gong 聖海宮 shifang conglin 十方叢林 shixing jiti shengchan 實行集體生產 shiye xuetang 實業學堂

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Shui Puci 水普慈 Si zhuang 寺莊 sishu 私塾 Taiqing gong 太清宮 Tanggu 塘沽 Tongmeng hui 同盟會 Tongzhi zhongxing 同治中興 tumianbu 土棉布 tuiguang youliang pinzhong 推廣優良品種 Wang Zhe 王喆 (style: Chongyang 重陽) Wuhou ci 武侯祠 Wu Liquan 吳麗泉 Wei Shaopo 魏少坡 Xichuan 淅川 Xie Baosheng 謝寶勝 (literary style: Zilan子蘭) Xuanmiao guan 玄妙觀 Xuanmiao guan liangdeng xiaoxue 玄妙觀兩等小學 Xuebu 學部 xuetian 學田 Yang Heting 楊鶴汀 Yao Xiangrui 姚祥瑞 (also known as Yao Aiyun姚藹雲) Ye’an 葉庵 Yilin huiguan 醫林會館 Yisheng ci 醫聖祠 yixue 義學 youji 遊擊 Yu Yinlin 余蔭霖 Yuanzong xuetang 元宗學堂 Zeng Guofan 曾國藩 Zhang Jiamou 張嘉謀 Zhang Zhidong 張之洞 Zhang Yuanxuan 張圓璿 Zhenping 鎮平 Zhenwu 真武

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Zhongyang Daojiao hui 中央道教會 zizhi yundong 自治運動 Zushi 祖師

NOTES

1. I thank the CCK Foundation, Agence Nationale de la Recherche, and Rutgers Research Council for providing several grants in support of the field research for this study. Earlier versions of this article were presented at UC Berkeley (2007), Columbia University, Huazhong Normal University, Chinese University of Hong Kong, Université Lumière Lyon 2, and University of Virginia (all in 2009). I am grateful to the audience at these institutions, and in particular for the helpful critics and suggestions by Susan Naquin, Vincent Goossaert, Paul Katz, David Johnson, Robert Hymes, John Lagerwey, Lai Chi Tim, Christian Henriot, Fu Haiyan, Mei Li, and Clarke Hudson. I also thank Dr. Ji Zhe and the external reviewer for their useful editing which has improved the manuscript. I alone am responsible for any errors herein. 2. See “Dezong shilu” in Qing shilu, j. 563, p. 449. There are also many other imperial commendations for Buddhist clerics, local business as well as Confucian literati who made monetary and land contributions towards building new and western styled local schools. 3. The description of the physical layout of the monastery is based on the maps and oral history materials gleaned from several contemporary sources on Nanyang. See “Nanyang Xuanmiao guan shilue”; “Guanyu Xuanmiao guan”; Xi Zheng, “Nanyang Xuanmiao guan,” p. 58-60; Shi Zongrui, “Xuanmiao guan xiao zhi,” p. 108-131; and Yin Dejie, Lao Nanyang. It is not clear yet as to who conferred the second placard affixed to the gate tower of the monastery, as the record in Qing shilu makes no mention of it. 4. A cursory review of the major general histories of modern Chinese education reveals no mention at all of Daoist involvement in the late Qing and early Republican educational reforms. See Hsiao, The History of Modern Education in China; Edmunds, Modern education in China; Biggerstaff, The Earliest Modern Government Schools in China; Shu Xincheng (comp.), Jindai Zhongguo jiaoyu shi ziliao; Bastid, Aspects de la réforme de l’enseignement; Ch’en Ch’ing-chih, Zhongguo jiaoyu shi; Ichiko Chūzō, “Educational Reform”; and most recently, Bai Limin, Shaping the ideal child. 5. These few exceptions include Holmes Welch’s early study of the Buddhist involvement in establishing and operating modern schools in Jiangnan and other regions during the late Qing and early Republican era (The Buddhist Revival in China), and most recently Vincent Goossaert’s Taoists of Peking which shows the continued relevance of Daoist clerics as a social and professional group intimately engaged with the modernizing society in Beijing between 1800 and 1950. 6. See Yang Jing, “Zhang dajiangjun shouyi kugu bei,” 1658 stele rubbings in my collection; and Yu Yinlin, “Xibei yuanji” in Pan Shoulian (comp.), Nanyang xianzhi, 12.22b-24a. 7. Xun Liu, “General Zhang Buries the Bones”; and also “In Defense of the City and the Polity.” 8. For instance, at the Taiqing gong in Shenyang, abbot Ge Yuetan (1854-1934) and his monastery sponsored a new primary school at the monastery. See Igarashi Kenryu, “Katsu Gettan rōshi no tsuioku” in his Dōkyō sōrin Taishingū shi , p. 281-287. Abbot Chen Mingbin (1854-1936) of the White Cloud Monastery in Beijing who began his Daoist career at the Shenghai gong near Tanggu of Tianjin was also known for his activism in promoting new popular education for the children near his abbey. In the late Qing Wuchang, the clerics and their lay activists and donors at the Quanzhen monastery Changchun guan were also known for their involvement in starting the new school there. Three prominent disciples of the monastery were responsible for establishing the primary school for the commoners at one of the monastery’s estates. See “Cai Fuqing, Xiao Yuqian, Liu Zongsan shanshi hezhuan,” in Changchun guan zhi, 2.31a-b.

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9. For the Tongzhi restoration and the ensuing “Self-strengthening movement,” see Wright, The Last Stand of Chinese Conservatism. 10. For a brief history of the causes of the Muslim uprising and the Qing campaigns against them in the northwestern provinces of Gansu and Shaanxi during the 1860s and 1870s, see Li Enhan, “Tongzhi nianjian Shaan-Gan Huimin shibian.” For Duolong’a’s life and career, see Li Yuandu, “Duo Zhongyong gong bie zhuan.” 11. Yu Yinlin, “Xibei yuan ji.” 12. Taishang lü mai yuanliu Longmen chuanjie puxi. 13. Wang Pengzhou, “Xie laodao qicheng ziqiang ji.” 14. For abbot Zhang’s career, especially his role in the Qing defense of Nanyang, see Goossaert, The Taoists of Peking, p. 171-175, and Xun Liu, “In Defense of the City and the Polity.” 15. For Zhang and other conservatives’efforts at defining the Qing educational reform, see Ayers, Chang Chih-tung and Educational Reform, and Su Yunfeng, Zhang Zhidong yu Hubei jiaoyu gaige. 16. For a recent study in English of the late Qing state expropriation of temple property for modern education, see Goossaert, “1898.” 17. Lin Zuojia, “Qing mo Min chu miaochan xingxue”; and Wang Leiquan, “Dui Zhongguo jindai liangci miaochan xingxue de fansi.” 18. For a brief description of the Buddhist and Daoist efforts in building new schools, see Lin Zuojia, “Qingmo Minchu miaochan xingxue zhi yanjiu,” p. 40-45; and also Liu Chengyou, “Luelun miaochan xingxue.” To prove his point about the extensive devastation of the Qing and the Republican policies to Daoism, Liu provides statistical data from the 1929 Taian county survey to show that of the 348 new schools, 67 were established at Buddhist temples, 20 at the Muslim mosques, and the majority of 203 were built at the “popular” (and Daoist) temples. 19. Yu Yinlin, “Xibei yuan ji.” For Yu’s life and career, see his entry in Jin Liang (comp.), Guang Xuan liezhuan, p. 215-217. 20. I have yet to locate the actual textbooks used for the early schools in Nanyang. Here I am relying on the stipulated school regulations of 1904 for information about the new school curriculum. See Zhang Baixi et al., Zouding xuetang zhangcheng. See also Ichiko Chūzō, “Educational Reform,” p. 439-443. 21. Nanyang shizhi, p. 654-646. 22. Shi Zongrui, “Xuanmiao guan xiao zhi,” p. 111, 119, and p. 121-122. 23. The Buddhist-run local school weathered the chaos and upheavals of the early Republican era. Despite the state and local warlords’campaigns to restrict and confiscate temple property during the 1920s and 1930s, the primary school continued in operation for the local children until the spring of 1945 when the invading Japanese army in Zhenping disrupted and ended its operation. See Zhenping xian zhi, p. 913-925. 24. Shi Zongrui, “Xuanmiao guan xiao zhi,” p. 111. 25. Wright, The Last Stand of Chinese Conservatism, p. 153-195. 26. For Zhang’s life and career as a major late Qing reformer, see Chu, Reformer in Modern China. For his role in the late Qing agricultural reforms, see Xu Jingyu, “Zhang Jian yu Qing mo nongye gaige”; and Wu Chunmei, “Qing mo Xinzheng shiqi.” For a recent study of Zhang’s role in shaping modern Chinese society, see Zhang Kaiyuan & Tian Tong, Zhang Jian yu jindai shehui. 27. Yu Yinlin, “Xibei yuan ji,” 12.24a. 28. Self-sufficiency through farming and agrarian pursuits was widely practiced among earlier patriarchs of the Quanzhen Daoist sect. See Gai Jianmin, “Quanzhen zi Chen Fu nongxue sixiang kaoshu.” On the general relationship beween Daoist cosmology and ethics, and agriculture in China, see Gai Jianmin & Yuan Mingze, “Daojiao yu Zhongguo chuantong nongye.” For early Quanzhen Daoist efforts in agrarian self-sufficiency, see also Xue Youliang, “Qiyun Wang zhenren kai Laoshui ji.”

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29. For the execution of Yao by the Republican forces, see Wang Baoqing, “Xuanmiao guan zhuchi Yao Aiyun.” 30. Zhao Xiangxue, “Daojiao hui shang shu ji” in Daojiao hui diyici bugao. 31. See “Daojiao hui xuanyan,” and “Daojiao hui shang Yuan dazongtong Guowu zongli shu,” ibid. See also Goossaert, Taoists of Peking, p. 74-80. 32. The coarse grains typically refer to sorghum, millet, and corn, as well as the processed flour milled from dried sweet potatoes in Nanyang. See Guanyu Xuanmiao guan, p. 15-17, and Shi Zongrui, “Xuanmiao guan xiao zhi,” p. 118. 33. Shi Zongrui, ibid., p. 119. The circular circuit consisted of five stops, the first at the Quanzhen Xuanmiao Monastery in Nanyang, the next at the Buddhist Zhunti Monastery in Zhengping about 15 miles west of Nanyang, the third stop at the Buddhist Monastery of the Scarlet Morning Cloud (Danxia si) in Nanzhao about ten miles northeast of Zhengping, the fourth stop at the Quanzhen Palace of the Three Primordials, and the last stop back at the Xuanmiao monastery. 34. Guanyu Xuanmio guan, p. 15-17. 35. Feng Zigang & Liu Duansheng, Nanyang nongcun shehui diaocha baogao, p. 10-11. 36. The shrine land holdings came from several major donations in early Qing between 1668 and 1710, which totaled to approximately 7,700 mu of land. See “Yisheng ci sitian zhi bianqian,” and “Yisheng ci xianghuo di beiji” in Wang Xinchang & Tang Minghua (eds.), Yisheng Zhang Zhongjing, p. 124-125. 37. Shui Yinglong, “Chen qing sheng zhengfu di yi ci wen,” “Di er ci chengwen” in Wang Xinchang & Tang Minghua, ibid., p. 132-135. 38. Feng Zigang & Liu Ruishen, Nanyang nongcun shehui diaocha baogao, p. 10 and 80. 39. Feng first came to dominate Henan as its military governor (dujun) at the end of a major warlord melee in 1922. See Zhang Fang, “Wo suo zhidao de Zhao Ti,” and Bai Wentian, “Feng Yuxiang da Zhao Ti.” 40. Yin Dejie, Lao Nanyang, p. 185. 41. Wu Liquan, “Peng Yuting.” Wu later served as the headmaster of the Catholic missionary Simeon Middle School at Jin’gang in Nanyang between 1938 and 1941. The school was run by the Catholic Diocese of southern Henan headquartered there. See his “Nanyang Jin’gang Ximan zhongxue,” and Guo Yimin, “Jin’gang Ximan zhongxue.” 42. Cao Tianduo, Hansan zi Li Zongyang daoxing bei, transcribed stele inscription in my possession. 43. The warlord general’s brief reign in Nanyang, including his support for educational and cultural projects has left some impression on the local elite, especially Mr. Shui Puci who came from an established literati family in Nanyang and taught at local schools all his life. See Shui Puci, “Liu Zhenhua zai Nanyang.” 44. Shi Zongrui, “Xuanmiao guan xiao zhi,” p. 122. 45. Between 1909 and 1919, there were at least four major crop failures due to natural calamities of draughts, floods, or hails in Nanyang. Some of the crop failures were also accompanied by outbreaks of plague. 46. Shi Zongrui, “Xuanmiao guan xiao zhi,” p. 122-123. 47. For the early modern Chinese railway construction and service, see Li Guoqi, Zhongguo zaoqi de tielu jingying, Nan’gang: Academia Sinica, 1961. 48. Zhou Dianjun, “Suotan Nanyang shangye,” p. 101-122. 49. Liang Zhesheng, “Nanyang tumianbu.” 50. Shi Zongrui, “Xuanmiao guan xiao zhi,” p. 123. 51. Yu Yinlin, “Xibei yuan ji.” Similar Daoist experiments were also pursued by Daoist clerics at Daoist monasteries on Mt. Qingcheng in Sichuan during the late Qing and early Republican periods. See Li Yuchuan, “Peng Chunxian daozhang.” 52. For Yang’s life and career, see Bi Yueming, “Xinhai geming zai Nanyang”; Qin Jun, “Yang Heting shilue”; and Yang Tingbin, “Ji Nanyang Yangshi jiazu.”

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53. “Nanyang Meixi cun hezuo nongchang zuzhi zhangcheng.” 54. “Benchang zhaoshou nanmin ertong xulian ban chengwen.” 55. Guo Wu describes the total devastations of the Quanzhen temples during the late Qing and early Republican period. See his “Jinxiandai Sichuan Quanzhen dao,” p. 12-22.

ABSTRACTS

Using the Daoist Xuanmiao Monastery as a case, this study reconstructs and investigates the Quanzhen Daoist monastic activism in promoting modern popular education in Nanyang from late Qing to early Republican period. Contrary to the conventional wisdom which tends to see Daoism as either an obstacle, or a victim in the process of modernity, this study shows that the Quanzhen monastery and its clerics played an active in establishing and running several new primary schools, an orphanage, and a vocational workshop in the city from the early 1900s to the late 1940s. I contend that this Daoist activism should not be narrowly or exclusively interpreted as a state-coerced cynical monastic anticipation of the threat of expropriation. Rather, the Daoist activism of the late Qing and early Republican era follows a much longer pattern of the Quanzhen monastery’s sustained collaboration with the state and its commitments to local community which began with the Quanzhen Daoist reconstruction of Nanyang shortly after the Manchu conquest, and lasted all the way through the Daoist defense of the city during the anti-Taiping uprising in the 1860s.

Fondé sur le cas du monastère taoïste Xuanmiao, cet article entreprend la reconstitution et l’analyse de l’activisme du taoïsme Quanzhen dans la promotion d’une éducation populaire moderne dans la ville de Nanyang, de la fin des Qing à l’époque républicaine. Contrairement à la vision traditionnelle d’un taoïsme assimilé à un obstacle à la modernité, ou à une simple victime de ce processus, cette étude montre que le monastère Quanzhen et son clergé jouèrent dans la ville, du début du XXe siècle jusqu’aux années 1940, un rôle non seulement actif mais déterminant dans l’établissement et le fonctionnement de nombreuses nouvelles écoles primaires, d’un orphelinat ainsi que d’un atelier de formation professionnelle. La thèse est que cet activisme ne doit pas être simplement et exclusivement perçu comme l’anticipation contrainte et cynique des menaces d’expropriation étatique, mais bien davantage comme le prolongement d’une collaboration continue avec l’État en faveur de la communauté locale, qui commença avec la reconstruction de Nanyang peu après l’invasion mandchoue et se poursuivit jusqu’à la défense de la ville contre la révolte des Taiping dans les années 1860.

以南陽玄妙觀為案例,本文重構并探究了清末至民國早期全真道教宮觀興辦新學、參與現代 教育的歷史。與通常的設想不同,南陽的這座全真導宮觀絕非中國現代化進程的反對者或犧 牲品。從1900年代初到1940年代末,玄妙觀帶頭推動在當地建立并管理了數所新式平民小學、 一所孤兒院和一個職業訓練工場。文章指出,清末民初道教宮觀因應政治變化、積極參與辦 學的行為,不應當被簡單地視為道教面臨現代國家沒收觀產的威脅而采取的一種無可奈何的 舉措。在一定程度上,玄妙觀推行新學的行動沿襲的是宮觀本身從清初參與地方重建直到清 末抵御太平軍保衛城池的長期傳統。

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AUTHOR

XUN LIU

Liu Xun (劉迅) est Associate Professor d’histoire chinoise à l’Université Rutgers (New Jersey, États- Unis). Ses recherches actuelles portent sur l’histoire sociale et culturelle du taoïsme et de l’État, les pratiques taoïstes de culture de soi ainsi que les arts thérapeutiques dans la Chine impériale tardive et moderne. En plus de sa monographie intitulée Daoist Modern: Innovation, Lay Practice, and the Community of Inner Alchemy in Republican Shanghai (Harvard University Asia Center, 2009), il a publié une série d’articles sur les relations des temples taoïstes et de l’État dans la société locale de Nanyang sous les Qing et sous la République.

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II. Croyance et connaissance II. Faith and Knowledge

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Catholic Elementary and Secondary Schools and China’s Drive toward a Modern Educational System (1850-1950) Les écoles catholiques primaires et secondaires face aux réformes de l’enseignement en Chine (1850-1950) 天主教中小學與中國現代教育體系的建立 (1850-1950)

Jean-Paul Wiest

1 From its inception, the Roman Catholic Church has understood teaching to be its most important tool of evangelization: “Go to the whole world and preach the Good News to all mankind” (Mark 16.15). It refers to itself as the Magistra to whom Jesus entrusted its Magisterium, which is the authority and power to teach and interpret the good news. Its calling is to proclaim the salvific love of God in Jesus Christ and to urge all human beings to love one another as God loves them. Religious and secular education have therefore been traditionally inseparably linked to the evangelizing mission of the Church.

2 In 1622, the Holy See established the Sacred Congregation for the Propagation of the Faith (also known as Propaganda Fide) for the specific purpose of centralizing the evangelization of non-Christian countries.1 Since its instruction of 1659 to the first vicars apostolic it sent to Asia, this office has periodically issued directives reiterating the importance of Catholic schools in mission territories. In China, however, the traditional educational structure and long periods of persecutions were not conducive to the establishment of Catholic schools until the middle of the 19th century.

3 In a previously published work I showed how a century long Catholic educational work in China (roughly from 1850 to 1950) served two purposes, each representing a different current in the understanding of what it meant to preach the good news of Jesus Christ. The first trend, especially noticeable at the lowest levels of the missionary educational enterprise, stressed the preservation and nurture of faith among Catholic

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believers. The second characteristic, more prevalent at the higher echelons of education from the 1920s on, reflected a commitment to train China’s elite and provide modern Chinese society with a profound and lasting Christian influence.2

4 The present essay has two objectives. The first is an attempt to find out to what extent Catholic elementary and secondary schools adopted, opposed and even influenced pre-1949 China’s drive toward a modern educational system. My other intention is to shed some light on the printed tools the Catholic Church in China developed not only to inform clergy and Christian educators but also to enable them to share comments, suggestions, and action plans on the latest developments regarding private school education at the Church, state, and local levels.

Catholic Schools in Late Qing

5 The new wave of Catholic missionaries who began to arrive in the 1840s brought along a typical Counter Reformation Church whose model was further reinforced by the difficulties of preaching openly in China. Since over 90 percent of Chinese converts and catechumens were uneducated farmers, emphasis was placed on elementary education. For the most part, missionaries favored a Church that regrouped the faithful into Catholic villages. The strategy was to nurture a strong faith among rural Catholics whose deeds and words would, in time, convince their relatives and friends in neighboring villages to believe. These communities, it was thought, would become in the long run the foundation of a future vibrant native Church.

6 Propaganda Fide endorsed this procedure in its Instructions of October 18, 1883, and urged the heads of missions in China to expand even further by establishing institutions of primary and higher education. The text of the document shows that the Roman office did not view Catholic schools as an important avenue of conversion but rather as the proper religious environment to protect children of the faithful and catechumens from adverse influence.3

7 Missionary schools, therefore, grew gradually from places strictly for religious instruction — known as prayer schools (jingtang) — to establishments offering the basic primary school curriculum in separate buildings for girls and boys.4 Undoubtedly, the Jesuits of the Jiangnan mission were the frontrunners of the Catholic effort. As early as 1853, they had already laid down the foundation of a multi-level Catholic education: If we count all the places where children are receiving some instruction we have 144 schools for boys and 33 for girls. In the more narrow sense of the word, we have 78 primary schools all financially supported by our benefactors and us. Among these, three function somewhat between the level of a village (primary) school and a junior high school.5

8 By 1886, the Catholic Church ran eighteen hundred basic primary schools for whole of China. The missionaries’egalitarian policy toward boys and girls was in sharp contrast to the traditionally male oriented Chinese system of education and began to set Catholic girls apart from their non-Christian counterparts. In 1898, reform-minded Jing Yuanshan (1840-1903), opened the first Chinese-run private girls’school in Shanghai. But it was not until 1907 that the Qing government began to establish public elementary and secondary schools.6

9 As chart I shows, the Catholic missions in 1900 reported some fifty thousand students in some three thousand schools. These schools until then catered mainly to Catholic

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children because the main goal was to produce the lay leaders, the clergy, and the sisterhoods that would assist if not replace missionaries. Schools for non-Christians were disparaged as a waste of time. Indeed the few attempts at running such schools in the hope of converting “pagan” parents through their children had proven largely unsuccessful.7

10 A notable exception, however, were the schools in the Jiangnan vicariate. The Jesuits set up educational institutions that aimed at “reaching for the higher stratum of the society and not only cater to the Christians and the poor.”8 Their educational effort aimed first at putting in place a system that would channel students from elementary to high schools and prepared the most talented ones for official examinations and more advanced studies. The results were impressive. By 1860, the Jesuits of the Jiangnan vicariate were responsible for the education of 5,600 students in 224 primary schools for boys and 89 for girls.9 They had also been running, for the past ten years, a secondary school with an average of ninety Christian and non-Christian boarders. Known as College St. Ignace in French and Xuhui gongxue in Chinese, the institution gradually grew into a seven-year secondary school divided into two sections. The first one prepared students to take the first of the Chinese civil servant examinations. The other section went beyond the Chinese traditional type of education by adding other requirements. Moreover students preparing for the seminary had to study also Latin. Those who opted for a business career could choose either French or English and had in addition to take courses in history, geography, mathematics, and natural sciences. It was from this last group that the Jesuits hoped to recruit young men who would aim at even higher learning.10

11 By the turn of the century China counted already a large contingent of foreign Sisters and Brothers whose purpose and training was the education of youth. They not just raised the quality of instruction of many jingtang, they also opened new primary and secondary schools patterned on current Western curriculum and educational methods. By 1907 they had boosted the number of schools to 5,227 and the student enrollment to above 94,500. The Sisters played an especially important role in making education even more available to the female population.

12 The imperial government’s 1903 adoption of a modernized system of education and the 1905 abolition of the traditional civil service examinations further enhanced the attraction for the Western-style educational structure and curriculum already in place in Catholic schools. The superior schooling of teachers was an additional incentive. As more and more educated and progress minded Chinese parents enrolled their non- Christian children in Catholic institutions, the notion of schools as tool of evangelization gained momentum among missionaries. A more diversified understanding of the role of Catholic schools began to take shape. To the original goal of safeguarding the faith among Catholics were added as equally important those of converting non-Christians and cultivating civil virtues. Gradually an ideal educational system common to all Catholic missions emerged: a lower primary school in each station with a resident priest, a higher primary school in each mission district, a junior middle school and/or a normal school in each vicariate, and a least one complete middle school in each ecclesiastical region.11

13 This model remained flexible enough to adjust to changing circumstances, the perceived needs of each place, and the financial resources available. So while some missions kept pace with Western latest educational methods and subject matters,

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which the Chinese-run schools would eventually adopt, others continued to concentrate on providing the most basic education to the poorest of the population.

Catholic Schools in the Early Republic and Warlord Period

14 In the aftermath of the birth of the Republic in 1911, many educated Chinese already deeply interested in intellectual currents of the world looked for ways to infuse new ideas into the old traditional culture. China opened its doors to new ideas from abroad. A wide range of books and periodicals translated the writings of Western philosophers and discussed the concepts of individualism, freedom, science, and democracy. This influx of new ideas and the release of creative energies became known as the “New Culture Movement” (xinwenhua yundong). The necessity to reform the old system of education was high on the agenda.

15 In 1912, the provisional government created a Ministry of Education and reorganized the school system to replace the cumbersome 1903 educational program. For the first time the first four years of elementary education were made compulsory. Unfortunately, the lack of a stable government and competent political leadership were not conducive to positive educational advance and enforcement. With few exceptions, ruling warlords paid scant attention to education. The reorganization and compulsory primary education enacted in 1912 could not be carried out for lack of public schools, money, and teachers. In too many places, teachers were not only poorly paid and inadequately prepared, but their salaries were often months in arrears with no definite prospect of funds being made available. For more than a decade, lack of discipline, poor attendance and sub-par teaching seem to have been the sad characteristic of many public schools. By 1922 China had more than sixty million children of primary school age but only 10.7 percent registered in government schools. When broken down by province, the percentage of elementary students to the total local population showed a great disparity with Shanxi, Zhili and Shandong at the top and Xinjiang, Guizhou and Anhui lagging behind.12

16 In such a context, Christian schools offered the best hope for sustained education. By 1921-1922 their enrollment had increased substantially. Protestant missionaries ran 6,885 primary and secondary schools with a total of 163,694 students. If one adds the young students who attended Bible schools the number increases to 166,353. Catholic primary and secondary schools totaled 7,228 with an enrollment of 165,620 students. If one includes the traditional 1,021 jingtang in existence, the student population jumped to 181,147. Between 1900 and 1922, therefore, the number of Catholic schools for students between the age of 6 to 17 almost tripled and the enrollment almost quadrupled their original size.13

17 As exemplified in this 1922 letter of a Maryknoll missionary, many Catholic schools had lost their previously narrowly defined purpose of safeguarding the faith among Catholics: Our Catholic schools in China are not only safeguards (for our Catholic boys and girls) against pagan corruption, but positive nurseries of manly virtues and refined habits. So much so that pagan parents are anxious to send their children to our schools and conversions of both parents and pupils result.14

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18 Yet the impact of Christian schools on the population at large remained limited when we consider that the total enrollment of their elementary schools amounted to merely 0.54 percent of the sixty million children of primary school age. Moreover with 43 percent of Protestant schools concentrated in Fujian, Guangdong and Shandong, and 40.5 percent of the Catholic schools congregated in Zhili, Jiangsu and Hupei, the two Christian groups were poorly represented in many provinces. What is more significant, however, was the role they played in bringing the education of girls to the forefront. While the ratio of girls to boys in government schools stood at just 6.32 percent, it reached 35 percent in Catholic schools and it was very likely similar in Protestant institutions.15

The Impact of the May Fourth Movement

19 Meanwhile the 1919 May Fourth Movement turned out to be more than an outburst of public anger against the betrayal of the West at Versailles and the treachery of the Beijing warlord government. This incident intensified the rise of nationalism and led to violent reactions against foreign imperialism. The influence of communism and the Bolshevik movement, which until then had remained rather small, gained rapid acceptance among intellectuals because they provided a practical philosophy with which to reject the Chinese superstitions and religious beliefs of the past and to attack Christianity as an arm of capitalism and Western imperialism. Articles published in the YMCA magazine Qingnian jinbu in preparation of the eleventh Conference of the World’s Student Christian Federation scheduled to meet at Tsinghua University in Beijing on April 1922 further aroused the hostility of several Chinese intellectuals and led to the formation of a Chinese Anti-Christian Student Federation (Fei jidujiao xuesheng tongmeng). These profoundly nationalist educators and students were convinced that one of the primary functions of education was to inculcate patriotism. They accused private schools in the hands of Western missionaries of denationalizing students and demanded more stringent policies towards Christian schools.16

20 Engulfed by this upsurge of antiforeignism and anti-Christianism, the republican government in Canton in 1921 and the warlord government in Beijing in 1922 released similar measures requiring the registration of private schools, and curriculums and daily operations in conformity with regulations set by their Ministry of Education. Until that time, as chart I shows, only 778 out of some 8,250 Catholic schools — or less than 9 percent — were officially accredited. Most of these institutions were city based elite schools that needed to confer government-recognized diploma so that their graduates could find work in the administration or further studies in government high schools and universities. Foremost among these institutions where those run by the Marist Brothers such as Sacred Heart School (Shengxin xuexiao) in Beijing. Its primary section received government approval as early as 1913 and its middle school was officially recognized in 1924 barely one year after it opened doors.17

21 Throughout the late 1920s, some Catholic primary and secondary institutions heeded to the new regulations. For instance, Sacred Heart in Kochow (Gaozhou) became the first registered Maryknoll elementary school in South China.18 The majority of missions schools continued however to consider government registration unnecessary and did not bother to apply. Until it became specifically forbidden in 1929, compulsory religious courses remained part of the normal curriculum. Meanwhile the political

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situation of China was too unsettled for any government to enforce successfully the new regulations on private schools.

22 The purge of the Communists in Shanghai in April 1927, and the subsequent ousting of all Communists from the Nationalist Party and government dealt a serious blow to the Bolshevik movement. Antiforeignism did not disappear altogether, but gradually the Catholic Church ceased to be a target for demonstrations or harassment except in Communist controlled areas.

23 This turning of the Chinese national government from” Red” to “White” coincided with the Holy See’s repeated efforts to respond positively to Chinese nationalism. Both the apostolic letters Maximum Illud of Pope Benedict XV on November 30, 1919, and the encyclical letter Rerum Ecclesiae of Pope Pius XI on February 28, 1926, were written with China in mind — condemning imperialistic attitudes among missionaries. Pope Pius XI was particularly eager to establish good relations with China. Consequently one of the first acts of his pontificate was to appoint Archbishop Celso Costantini, first apostolic delegate to China. In 1926 he followed up on his encyclical by writing specifically to the missionary bishops of China urging them to respect lawful civil authority and Chinese patriotism. That same year he also consecrated the first six Chinese bishops.19

The Nationalist Regime’s Control of Education

24 With the success of the Northern Expedition and the reunification of the greater part of China, the was determined to assert a nation-wide control over education. The new educational system first inaugurated in February 1928 had in fact already been enacted the previous November in Northern China by warlord Zhang Zuolin (1875-1928). After defeating him, the Nationalist Government made it its own and applied it to the whole of China. Dr. Sun Yat-sen’s Three People’s Principles (sanmin zhuyi) were enshrined as the core philosophy and their study added to the curriculum. Over the next year and an half, the Ministry of Education published several revised versions aimed at improving and clarifying the regulations. The final form of the new educational system promulgated on August 29, 1929, superseded all the previous texts. This program remained for the most part in vigor until the Communist victory of 1949.

25 The government took the position that, except for the source of support and responsibility for management, there should be no major difference between private and public schools. All school, private or not, were placed under the direction and guidance of the government educational authorities. So although the overall structure of the 1929 educational system was very similar to the 1921 one, the government enforcement of the registration requirement and of other regulations brought the first major challenge to Christian schools.

26 The regulations not only required all “privately established” (sili), including Christian schools to register. They also stipulated that foreigners could not establish new grade schools without the prior approval of the local bureaus of the Ministry of Education. The responsibility for the private school rested with a Board of Directors whose chair and two-third of the members had to be Chinese citizens. But by far the provision that met with the greatest opposition from Christian educators was that religion classes and the attendance to religious services could not be required while the teaching of the Three People’s Principles — the dogma of the Nationalist party — was made compulsory.20 As the two charts show and I will explain later, Catholic schools were

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slow to comply. The fundamental objection after all was not so much about the Three People’s Principles but rather about the two-fold prohibition from article V: A private school is not permitted to teach religion as a required subject (zongjiao kemu), nor is religious propaganda (zongjiao xuanchuan) permitted in class instruction. If there are any religious exercises (zongjiao yishi), students shall not be compelled nor induced to participate. No religious exercise shall be allowed in primary schools.21

27 Read properly, the article meant that elective religious courses could be given in any private school no matter whether they were primary, secondary, or university and that religious ceremonies could be held in secondary and tertiary institutions but that no one should be compelled or induced to attend them. In primary schools however no religious ceremonies were permitted. Unfortunately, quite a number of missionaries as well as local bureaus of the Ministry of Education read the regulation as if it banned religious classes in primary schools. For missionaries the article became a reason for rejecting registration, for government school inspectors it was a cause for denouncing schools that maintained religious courses. This misinterpretation explains in great part why the percentage of registrations among lower primary schools lingered at less than twenty percent for many years. It also explains why in 1931 there were eight times more prayers schools than in 1921 and why during the same period the number of lower primary schools dwindled by almost two third. Indeed, many lower schools that had advertised themselves as primary schools became jingtang to evade registration. By contrast most higher primary and secondary schools gradually complied with the government curriculum and regulations in order to be able to deliver officially recognized diplomas.

Rome Again Reaching out to the Chinese Government

28 As already mentioned, Pope Pius XI since his accession to the chair of St. Peter in 1922 had already given China many proofs of his commitment to foster strong ties between the Catholic Church and China. In August 1928, while most Western leaders still hesitated to give recognition to the Nanjing regime, Pope Pius XI responded positively to the news that China was at peace and unified after years of internal struggle. His message to “the great and most noble people of China” expressed hope for universal recognition of their legitimate aspirations; acknowledged the greatness of their history and culture; and reminded them to respect and obey legitimate authority.22

29 The pope’s gesture, perfectly in accordance with his statements of 1926, was well received by the Nationalist government, which began a series of overtures to the Catholic Church. Although, as previously described, the government prohibited compulsory teaching of religion in schools and required registration, it made repeated endorsements in support of religious freedom. With Rome urging missionaries to respect civil authorities, and the Nationalist government casting off its Communist ties, missionaries in China began to revise their opinion of the Nationalists. They stopped labeling Sun Yat-sen a villain and put up his picture in their classrooms. At the same time, the opposition to registration of schools and to the teaching of the Three People’s Principles began to fade away. The year 1929 had not even come to an end that the Jesuit Pascal d’Elia published an annotated translation that had endorsements from the Jesuits, the local bishop, and the apostolic delegate. The book, rapidly sold out, received praised from the education minister who ordered 5,000 copies of the second edition.

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This revised publication not only carried the previous endorsements but also two congratulatory letters, one from the education minister Jiang Mengling (Chiang Monlin, 1886-1964) and the other from Vatican Secretary of State Cardinal Pietro Gasparri.23

The Catholic Schools through the War Years

30 Between 1929 and 1937, the Catholic Church took steps to consolidate its educational system by discontinuing schools that were too small and by encouraging its larger schools to register in order to provide government-recognized diplomas. Pope Pius XI’s encyclical Divini illius of December 31, 1929, reaffirmed the importance of Catholic education as a means of evangelization and confirmed educators in their resolve to maintain well-run Catholic schools at all costs. While in communist controlled areas Christian institutions were often forced to close, in the rest of China they enjoyed such a good reputation for solid teaching, good discipline, and high moral values that local offices of the Ministry of Education were unwilling or found it almost impossible to close those that flouted the requirement to register.24 Among the many articles debating the question of registration, the following excerpt from Les écoles catholiques en 1930 seems to summarize best of the Catholic Church position: If the government and the local authorities let us free… to give religious courses outside regular class hours, why not register our schools? This is to our advantage. But in places where they want to forbid the teaching of religion and its ceremonies, we shall refuse to register because doing so would render our schools useless.25

31 As chart II shows, in 1937 the number of registered higher primary and secondary Catholic schools stood at less than 50 percent and the lower primary schools at not even 20 percent. Prayer schools did not have to comply unless missionaries wanted them to be recognized as primary schools.

32 The majority of Catholic higher primary and secondary schools operated under the direction of Chinese principals. Educators in registered institutions followed curriculums imposed by the government but complained frequently about the antireligious tone of some of the textbooks. The teaching of religion was no more a required course; it had instead been replaced by the teaching of the Three People’s Principles. Religion in most cases was taught outside school hours at a different location.

33 Chart II also illustrates the profound disruption brought about by the Sino-Japanese conflict and World War II. The onset of the Japanese invasion and the fall of Nanjing affected all schools in China. This explains the sharp decline in the number of Catholic prayer and primary schools and the number of enrolled students during 1937 and 1938. As the Japanese invasion slowed down over the next two years, many schools reopened. But the intensification of the fighting in 1941, resulted in another large-scale closure of schools, especially in the countryside. Between June 1937 and June 1945, prayer schools dwindled by more than half from a high of almost 12,000 to about 4,500. Lower primary school also steadily declined from about 4,000 to less than 2,500. The enrollment for both combined also took a nosedive from about 380,000 to about 290,000 students.

34 The war however had an almost opposite impact on higher primary and secondary schools located in large towns and cities. In striking contrast to government and Protestant schools that closed their doors and moved out of Japanese occupied areas,

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the Catholic Church kept most of its institutions in place and had to open new ones. For several years, Catholic schools remained about the only educational outfits in occupied territories above the lower primary. Chart II shows that despite the destruction of several buildings by Japanese bombardments Catholic higher primary and secondary schools increased in number through 1945.26 And the same can be said of their non- Catholic population, which grew by fifty-five percent.

35 During most of the war, the regulations against teaching religion in school were repealed or at the least suspended. Indeed at a meeting of missionaries in Hankou in April 1938, Madame Chiang Kai-shek stated that, in appreciation for the work Christian missionaries had done for the wounded and the refugees, the President had decided to permit the teaching of religion as an optional course. Accordingly, the following year the Ministry of Education revised the private school regulations by allowing religious courses and exercises in private schools as long as students remained free to attend or not: If, in private schools, there are courses of religion, students are completely free to participate in them as facultative subjects. If, outside of schools hours, there are religious ceremonies, students are free to attend them (Article IX).27

The Catholic Schools after World War II

36 At the end of World War II the Catholic Church petitioned for keeping in force the 1939 decision. In May 1947 the Ministry of Education replied that it had no record proving that the Executive Yuan (xingzhenyuan) had officially approved the document. Therefore the ministry ruled that all religious schools had to abide by Article VI of the May 1947 “Revised Regulations for Private Schools”, which repeated word for word article V of the 1929 regulations.

37 Meanwhile, with China in the midst of a civil war, the political situation remained unstable. Convinced that Catholic schools could make a significant contribution to the rebuilding of the country, the papal internuncio, Archbishop Antonio Riberi, decided to convene a national meeting on education. This First National Catholic Educational Congress, convened at Aurora College for Women in Shanghai in February 1948, had the threefold agenda of identifying and solving problems common to Catholic schools, finding means to improve Catholic education, and making plans for the future. Delegates to this weeklong gathering numbered over one hundred including Cardinal Thomas Tian and twenty-some bishops. Also in attendance were several civil authorities including the Chief of the Social Education Department of the Ministry of Education and the Chief of the Bureau of Education for the city of Shanghai.28

38 Speakers more than once remarked that unfriendly local inspectors still wrongly used article V (now article VI) to prohibit religious instruction in private primary schools. Overall however, they welcomed the lessening of the anticlerical stance in the Nationalist government and attributed it in great part to the strong increase in registered Catholic schools and the good impression they made on inspectors. The overall sentiment was that the current situation called for an even more complete cooperation between both parties because post World War II China was in need of the “constructive spiritual force” inherent in the Catholic Church.29

39 During the conference it was also repeatedly pointed that government approved textbooks contained erroneous and derogatory statements regarding the Church. It was

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recommended that a committee be appointed to point these passages to the Ministry of Education and to consider the publication of textbooks under the auspices of the Catholic Church.30 Of course, the change of regime the following year, prevented these recommendations to come to fruition.

40 Differences with the Nationalist government over the way children education should be conducted did not affect the overall trend in Catholic schools toward a greater attention to post elementary education. Between June 1946 and June 1948, the decrease in the number of prayer and lower primary schools accelerated due both to the continuation of the consolidation process and to the closing of many outfits in communist controlled areas. Prayer schools were the most affected. Their enrollment dropped 31 percent. Lower primary schools seemed to fare better with their overall enrollment falling only 15.5 percent from about 174,000 to 147,000 students. Yet when Catholic and non-Catholic enrollments are compared, one ends up with a drop of 36.5 percent in the Catholic population while the non-Catholic population far from decreasing did in fact increased slightly.

41 The 1947-1948 figures also reveal an upward trend in the level of instruction in Catholic elementary schools. Considering the fact that the total of elementary schools for both years remained about the same, the sharp 1948 rise in the number of higher primaries is not as odd as it may seem. The reality is that for several years already lower primaries had been offering classes at the higher primary level. By 1948, often as a result of the registration process, many of these institutions taught the entire elementary curriculum and therefore were no more counted as lower primary but rather as higher primary schools.

42 Higher primary schools continued to experience the growth begun during the World War II period. Between June 1946 and June 1948, the enrollment grew by 13 percent for Catholics and by 38 percent for non-Catholics. A look at the statistics for Catholic secondary schools reveals that by then the push for more such institutions was accelerating. After discounting the three Catholic tertiary schools and their students enrollment of about 4,600, one finds in the three year period to 1948, the number of secondary schools jumped by one half from 125 to 189 and the total student population increased by more than one half from 30,000 to about 47,000.

43 Differences over the way children education should be conducted did not affect either the overall support the Catholic Church had shown for the Nationalist regime throughout the war of resistance against Japan. Their common resolve to fight the growing communist threat drew them even closer. This relationship ultimately became a liability for the Church, which the Communists were quick to exploit first in the territories they controlled and then all over Mainland China after the Nationalists retreated to Taiwan. In September 1950, the Ministry of Education of the new regime issued “The provisional Regulations for the Management of Private Educational Institutions” (Sili xuexiao guanli zhanxing banfa). The document gave the People’s Republic of China control of private schools that ran out of funds or failed to abide by the country’s atheistic educational policy. By 1955, all Catholic educational institutions had either been forced out of existence or confiscated by the new regime.

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Keeping Missionaries Informed of Government Policies and Catholic Schools

44 Considering the importance the Catholic Church attached to education, it had to make sure that missionaries in China be updated in a timely fashion on three matters all crucial to the viability and success of Christian schools: statements from the Holy See, changes in the Chinese government educational policies, and conditions of Catholic schools in different locations. Regarding government regulations and local situations, missionaries needed to receive advices on how to face regulations and situations that could favorably or adversely impact their schools.

45 As mentioned in note 7, prior to 1900 there is not much published and shared information between China missionaries about their educational enterprises. Missionaries after all did not show much interest in establishing schools until the late 1840s. Sources on that period were published abroad and mainly meant to inform Western readers.

46 Gradually however the success of Catholic schools and the needs for missionary to be better informed led some vicariates apostolic to publish information on these schools and the government schools. Not surprisingly, the Jesuits of Shanghai, who since the late 1840s had spearheaded the establishment of schools, took the lead. In September 1896 they began the publication of the fortnightly bulletin Nouvelles de la Mission to update missionaries about the situation of the Catholic Church in China. In 1901, they also started a yearbook by the name of Annuaire de l’Observatoire de Zikawei that contained a number of statistics and tables regarding the Church mission districts, seminaries and schools in China.31

47 The Vincentians in Beijing followed suit in the 1910s with two publications of their own. The first issue of the monthly Le Bulletin Catholique de Pékin appeared in September 1913. It carried news about the universal church, the church in China, and most specifically the church around Beijing. As schools in that vicariate increased, information on their status increased. The famed Vincentian historian Jean-Marie Planchet was the mastermind of another publication named Les Missions de Chine et du Japon that first came out in 1916. Hereafter it was published on an average of one substantial volume every two years. While the Annuaire with its tables of comparison and statistical data provided an overall view of different aspects and trends within the church in China, Les Missions provided the grassroots detailed information on parishes, schools, seminaries, and clergy in each vicariate and prefecture apostolic.32

48 But the real impetus to disseminate school information on a large scale did not really begin until the arrival in late 1922 of Archbishop Celso Costantini, the apostolic delegate to China. One of his first public statements upon landing in Hong Kong in November 1922 was to declare that his mission in China concerned only “religious and educational matters.”33 Once settled in Beijing, he immediately began laying plans for a plenary council that would renew the face of the Church in China by making it more Chinese. The First Plenary Council of China held in Shanghai from May 15 to June 12, 1924 identified education as a major priority of the Church in China and voted the establishment of a permanent “Commission on Schools, Books, and Press” alongside with a “Commission to Translate the Holy Scripture in the Ordinary Language” (known as baihua) and a “Commission to Develop a Uniform Text of Catechism and Prayers”.

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49 The Commission on Schools, Books, and Press began officially in 1928 and played the most important role because its scope, in a sense, embraced that of the two other committees. Its task was to promote Catholic education at all levels of society and to make use of Catholic Action, schools and the press in the campaign for the intellectual reconstruction of China. The commission was therefore also responsible for diffusing news on the progress and the work accomplished by the two other commissions.

50 Almost immediately, the Commission on Schools, Books, and the Press became known, in short, as the Synodal Commission. Its five-member team, four Western missionaries and one Chinese priest, worked in Beijing under the apostolic delegate. One of the main tasks of the commission was the publication of a new monthly periodical that would be the bulletin of the apostolic delegation and would spread the work of the Synodal Commission. From the start the periodical commonly known as Collectanea Commissionis Synodalis was multi-lingual to reflect the diversity of the clergy in China. For that reason the masthead often also displayed the additional titles of Dossiers de la Commission Synodale, Digests of the Synodal Commission, and Gongjiao jiaoyu congkan. Articles appeared mostly in Latin, French, English, and Chinese, with the addition of German and Italian from January 1940 on. As a rule, most important articles were published in bilingual form or preceded by a summary in Latin.

51 The expressed purpose of the periodical as stated in its first issue of May 1928, was to provide the clergy of China with practical information on the three general topics of education, the press, and catholic youth. It also served as a forum for exchanging ideas and presenting successful methods of evangelization.34 Most copies contain the following sections: in depth-essays on a particular question; shorter articles updating issues previously dealt with; official Chinese documents; church documents; excerpts from the Chinese and Western press; annotated bibliography and book reviews; and miscellaneous information.

52 Today, the Collectanea are a rich source of valuable materials for almost any field of research. On the topic of educational development in China and how it affected Catholic primary and secondary schools, the researcher is amply rewarded from the first issue on, which retraces the various efforts at modernizing the educational system from the edict of the Guangxu emperor in 1898 to the legislation of November 1927 regarding private schools. Most official documents are presented in their original Chinese form. Then, throughout the following issues, the educational question is updated with excerpts from the press, letters from missionaries, and reprints of regulations and statements from the Ministry of Education. In just two years of existence, Collectanea produced no less than eighteen articles on Sun Yat-sen’s Three People’s Principles, presenting part of the original text and translations of both the students’and the teachers’versions, complemented by a detailed analysis of the contents. Over the following three years, Collectanea also introduced 2,525 words and expressions used in the Three People’s Principles that missionaries should know. Until it ceased publication in 1947, topics such as registration, curriculum, formation of teachers, opening of student hostels, and inspection of schools figure prominently in almost every issue. This is to say nothing about the wide coverage given to the three Catholic tertiary institutions.

53 After the Holy See, in April 1946, raised the Catholic missions in China to the rank of a local church by converting all the vicariates apostolic into dioceses, the newly- established hierarchy decided to expand the responsibilities of the Commission on

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Schools, Books, and the Press to respond better to the new situation and further unify the mission work. The commission re-emerged in Shanghai as a new body called the “Catholic Central Bureau” that began publishing in the spring of 1948 an English- French bilingual review under the masthead of China Missionary and Le Missionnaire de Chine and its counterpart in the Chinese language called To Sheng. School news filled many pages of both journals.35

54 Meanwhile the Jesuit of the Sinological Bureau of Shanghai also responded enthusiastically to the call of the First Plenary Council of China for a more extensive dissemination and exchange of news on education. In January 1927, their bulletin Nouvelles de la Mission began carrying a new section called Nouvelles scolaires (School News). Growing demands for extra copies of this insert led the Jesuits that same November to turn the Nouvelles scolaires into a separate fortnightly bulletin they named Renseignements scolaires et autres, which they shortened to simply Renseignements in April 1930. Like the Collectanea, the Renseignements were widely distributed, especially among French missionaries and Chinese priests they had formed. They too are a rich mine of information that present-day researchers have not yet fully exploited.

Conclusion

55 The story of Catholic primary and secondary schools in China needs to be researched in greater details. During the 100 years under study, Catholic educators were in a continuous balancing act. On the one hand, they aimed at contributing to the national educational effort with schools of all levels and for all kinds of people. On the other hand, they viewed their schools as a means for preserving the faith of Catholics and a tool for the evangelization of non-Christians. For that reason, they fought to preserve in their curriculum the teaching of the Catholic religion — at least as an optional course. This characteristic certainly did set apart Catholic schools from government schools and other non-denominational private schools.

56 Besides the religious aspect, Catholic elementary and secondary schools displayed at least three other striking features. First, these schools focused on people’s needs, giving priority to the poor uneducated rural population. The mission schools gave the first rudiments of literacy to villagers who otherwise would never have had that opportunity. In cities, missionaries build hostels to allow poor students from the villages to pursue higher studies.

57 Second, Catholic schools contributed to the modernization of rural China by introducing ideas that had already been accepted in big cities, including basic practices such as hygiene. Third, Catholic schools contributed to counter China’s traditional attitudes toward females and to give a new status and role to Chinese women. The education provided to girls put them on a par with their male counterparts; the marks they received proved that they could perform intellectually as well as boys. As young women in China were on the threshold of a type of life new to most Chinese females, Sisters who taught them offered models of what it meant to be an educated woman and a teacher.

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Chart I: PRIMARY, SECONDARY, AND TERTIARY CATHOLIC SCHOOLS 1886-1935

Compiled from Missiones Catholicae, 1886-1922; Renseignements du Bureau Sinologique de Zi-ka-wei 109 (Feb. 19, 1932); 273 (Jan. 12, 1939); Nouvelles de Chine 1060 (March 29, 1933). *Normal schools are not included. By the end of 1935, the enrollment of students at the three universities was less than 2,000.

Chart I: PRIMARY, SECONDARY, AND TERTIARY CATHOLIC SCHOOLS 1886-1935

Compiled from Missiones Catholicae, 1886-1922; Renseignements du Bureau Sinologique de Zi-ka-wei 109 (Feb. 19, 1932); 273 (Jan. 12, 1939); Nouvelles de Chine 1060 (March 29, 1933). *Normal schools are not included. By the end of 1935, the enrollment of students at the three universities was less than 2,000.

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Chart II: PRIMARY, SECONDARY, AND TERTIARY CATHOLIC SCHOOLS 1936-1948

Compiled from Renseignements du Bureau Sinologique de Zi-ka-wei 273 (Jan. 12, 1939); 298 (March 13,1940); 299 (March 21,1940); 324 (April 26,1941); 367 (April 8,1943); 421 (Mai 15, 1947); 431 (March 15, 1948); 444 (April 15, 1949). *Normal schools are not included. By the end of 1948, the enrollment of students at the three universities was about 4600.

Chart II: PRIMARY, SECONDARY, AND TERTIARY CATHOLIC SCHOOLS 1936-1948

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BIBLIOGRAPHY

Compiled from Renseignements du Bureau Sinologique de Zi-ka-wei 273 (Jan. 12, 1939); 298 (March 13,1940); 299 (March 21,1940); 324 (April 26,1941); 367 (April 8,1943); 421 (Mai 15, 1947); 431 (March 15, 1948); 444 (April 15, 1949). *Normal schools are not included. By the end of 1948, the enrollment of students at the three universities was about 4600.

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LUTZ Jessie Gregory, China and the Christian Colleges, 1850-1950, Ithaca, NY, Cornell University, 1971.

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Missiones Catholicae, Florence, Alfani et Venturi, 1886-1922.

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PLANCHET Jean-Marie, Les Missions de Chine et du Japon, Pékin, Imprimerie des Lazaristes, 1913-1933, 10 vols.

Renseignements scolaires et autres, Zikawei, Bureau sinologique de Zikawei, September 18, 1929.

Renseignements, Zikawei, Bureau sinologique de Zikawei, 367, April 8, 1943.

ROBERT Dana Lee, American Women in Mission: A Social History of their Thought and Practice, Macon, GA, Mercer University Press, 1997.

WANG Zheng, Women in the Chinese Enlightment: Oral and Textual History, Berkeley, University of California Press, 1999.

WIEST Jean-Paul, “From Past Contributions to Present Opportunities: The Catholic Church and Education in Chinese Mainland during the Last 1550 Years,” in Stephen UHALLEY and XIAOXIN Wu (eds.), China and Christianity: Propaganda Fide Burdened Past, Hopeful Future, Armonk, NY, M. E. Sharpe, 2001, p. 251-270.

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Zhongguo gongjiao jiaoyu huiyi jiyao 中國公教教育會議紀要 – Proceedings of the National Catholic Educational Conference, February 1948, Zikawei, Imprimerie des Jésuites, 1948.

APPENDIXES

Chinese Character List baihua 白話 Fei jidujiao xuesheng tongmeng 非基督教學生同盟

Gongjiao jiaoyu congkan 公教教育丛刊 Jiang Menglin (Chiang Monlin) 蔣夢麟 Jing Yuanshan 經元善 jingtang 經堂 Qingnian jinbu 青年進步 sanmin zhuyi 三民主義 Sheng Yinajue gongxue 聖依納爵公學 Shengxin xuexiao 聖心學校 sili 私立 Sili xuexiao guanli zhanxing banfa 私立學校管理暫行辦法 To Sheng 鐸聲

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Yan Xishan 閻錫山 xingzhenyuan 行政院 xinwenhua yundong 新文化運動 Xuhui gongxue 徐匯公學 Zhang Zuolin 張作霖 zongjiao kemu 宗教科目 zongjiao xuanchuan 宗教宣傳 zongjiao yishi 宗教儀式

NOTES

1. In historical studies, the Sacred Congregation for the Propagation of the Faith is often referred to as Propaganda Fide, an abbreviation of its Latin name. Missionary regions directly under its supervision are called either prefectures or vicariates Apostolic. Considered under the immediate jurisdiction of the pope, these regions are administered by means of prelates called prefects or vicars apostolic. The role of Propaganda Fide in a particular country ends usually when the local church is organized on a regular basis into dioceses headed by resident bishops. In 1982, Pope John Paul II changed its official name to Congregation for the Evangelization of Peoples. 2. Wiest, “From Past Contributions to Present Opportunities.” 3. Collectanea S. Congregationis de Propaganda Fide, vol. II, p. 193. 4. The first girls’school was most probably opened in Ningbo in 1844 by Miss Aldersey of the British Society for the Promotion of Female Education in the East: see Robert, American Women in Mission, p. 171. 5. Brouillon, Mémoire sur l’état actuel de la mission du Kiang-nan, p. 103 and 107. 6. Wang Zheng, Women in the Chinese Enlightment, p. 173. See also Cheng Weikun, “Going Public through Education.” 7. Havret, La Mission du Kiang-nan, p. 51-53. Catholic school statistics for the 19th century are incomplete and difficult to come by. Most of them are very localized. For some yearly statistics see for instance Missiones Catholicae. 8. Lettres des nouvelles missions de la Chine, II, p. 317‑320, letter of Poissemeux, January 30, 1850. De la Servière, Histoire de la mission du Kiang‑nan, I, p. 165. 9. Lettres des nouvelles missions de la Chine, II, p. 238‑239, letter of Gotteland, January 22, 1849; II, p. 331‑333, letter of Poissemeux, April 23, 1850; III (part 1), p. 72, letter of Languillat, June 4, 1854; III (part 3), p. 255, statistics. De la Servière, ibid., I, p. 171‑173. In French, the school was always officially known as College St. Ignace; in Chinese, however, the name Xuhui gongxue (College of Xujiahui) rapidly replaced the awkward transliteration Sheng Yinajue gongxue (College St. Ignace). 10. Lettres des nouvelles missions de la Chine, III (part 1), p. 2, letter of Poissemeux, February 19, 1852; III (part 2), p. 50‑58, letter of Lemaitre, September 29, 1857. De la Servière, Croquis de Chine, p. 19 and p. 31‑32. De la Servière, Histoire, I, p. 173‑174 and p. 329; II, p. 94-95 and p. 271‑273. 11. The First Plenary Council of China held in Shanghai in 1924 approved this modus operandi for Catholic schools in China. The lower primary schools covered only the first three years of primary education. 12. Clougherty, “Educational Development in China.” The figures given by Clougherty are very revealing and deserve more study; for instance, among all the provinces, Shanxi, under the

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control of warlord Yan Xishan (1883-1960), had the highest percentage of students in relation to its total population. See also Becker et al., The Reorganisation of Education in China; this report also mentions Shanxi as the province with the highest percentage of primary school children and estimates the national attendance in elementary institutions at 9 percent of the total population. 13. Statistics are compiled from three sources: Christian Education in China, No. 146, Appendix I, table II; reports and accounts of Les Missions de Chine (1922), and Collectanea Commissionis Synodalis 1 (1928), p. 18. The major difference between Protestant and Catholic schools was the Catholic Church’s greater emphasis on primary education. 14. Letter from Father Francis X. Ford, August 7, 1922, Maryknoll Mission Archives. 15. Christian Education in China; Planchet, Les Missions de Chine et du Japon. The proportion was probably even higher because at least fourteen Catholic prefectures and vicariates apostolic did not list boys and girls separately, in which case I counted the enrollment as “boys.” 16. Lutz, China and the Christian Colleges, p. 219-222. 17. Collectanea Commissionis Synodalis 1 (1928), p. 430-432. 18. Maryknoll Archives, Kochow Diary, August-October 1923; The Field Afar, February 1924, p. 40. 19. Papal letter Ad Ipsis Pontificatus Primordiis of June 15, 1926. Prior the consecration of the six bishops in St. Peter Basilica on October 28, 1926, the only other Chinese bishop had been Lo Wenzao, consecrated in 1685. 20. Clougherty, “Recent Changes in Educational Legislation” and “The Government and the School,” in Collectanea Commissionis Synodalis 1 (1928), p. 32-39, p. 237-242. Renseignements scolaires et autres 46 (18 Sept., 1929), p. 1-4. 21. The China Missionary 1 (1948), p. 163. 22. Collectanea Commissionis Synodalis 1 (1928), p. 202-206, p. 231-236. 23. D’Elia, Le Triple Démisme de Suen Wen; Collectanea Commissionis Synodalis 2 (1929), p. 156-157, p. 251-252; 3 (1930), p. 306-307. 24. Collectanea Commissionis Synodalis 3 (1930), p. 183-184. 25. “Si le gouvernement et les autorités locales nous laissent la liberté… de donner des cours de religion en dehors des heures de classes, pourquoi pas ne pas faire enregistrer nos écoles ? Nous n’avons qu’à y gagner. Là où l’on veut nous interdire l’enseignement de la religion et les cérémonies religieuses, refusons de nous faire enregistrer, car dans ce cas une école catholique devient inutile,” ibid., p. 255-256. 26. In 1939, for instance, there were 111 secondary schools on the Catholic registry but 0 had been too damaged to reopen. Carroll, “The Educational Work of the Catholic China Mission, 1929-1939”; Renseignements 367 (April 8, 1943), p. 1. 27. The China Missionary 1 (1948), p. 163. Hsin Wen Pao, March 2, 1939 published the entire revised regulations. 28. The China Missionary 1 (1948), p. 133-148. See also Madeleine Chi, Shanghai Sacred Heart, Risk in Faith, 1926-1952, quoting on pages 108-109 t, Zhongguo gongjiao jiaoyu huiyi jiyao. 29. The China Missionary 1 (1948), p. 135, 151 and 164. 30. Ibid., p. 137-138, p. 144 and 793. 31. The first issues of Nouvelles de la mission bore in fact the title of Nouvelles de Chine. The yearbook Annuaire de l’Observatoire de Zikawei (Zikawei: Bureau sinologique de Zikawei, 1901-1949) changed name several times. The first change occurred in 1922 when it became Missions, séminaires, écoles en Chine; in 1933 the title became Annuaire des missions catholiques de Chine; and finally after the establishment of the Chinese hierarchy in 1947, the name was modified into Annuaire de l’Eglise Catholique. 32. Le Bulletin catholique de Pékin. Planchet, Les Missions de Chine et du Japon. In 1935, because of the need to focus exclusively on China, the book title was shortened Les Missions de Chine: two more volumes still appeared in Pékin [Beijing] (1935-1937) but hereafter the books were published in

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Shanghai first by Willow Pattern Press (1938-1940) and then by Pax Publishing Company (1942-1948). 33. Nouvelles de la mission, 792 (November 13 1922), p. 4; quoting North China daily News of November 9, 1922. 34. Collectanea Commissionis Synodalis 1 (1928), p. 3, p. 52; 3 (1930), p. 1. See also Costantini, Con I Missionari in Cina, vol. I, p. 5-7. 35. China Missionary had on occasion articles and book reviews in Chinese and Latin. In September 1949, the editorial board moved to Hong Kong and renamed the publication China Missionary Bulletin. In September 1953 the name changed again to Mission Bulletin and then finally to Asia in January 1960, each time to reflect a broader focus on missionary activities in the greater Asia.

ABSTRACTS

During the 100 years under study, Catholic educators were in a continuous balancing act. On the one hand, they aimed at contributing to the national educational effort with schools of all levels and for all kinds of people. On the other hand, they viewed their schools as a means for preserving the faith of Catholics and a tool for the evangelization of non-Christians. Catholic elementary and secondary schools displayed three other striking features. First, these schools focused on people’s needs, giving priority to the poor uneducated rural population. Second, they contributed to the modernization of rural China by introducing ideas that had already been accepted in big cities, including basic practices such as hygiene. Third, they countered China’s traditional attitudes toward females by giving a new status and role to Chinese women. This essay also shed light on the means the Catholic Church in China developed to ensure that its educators be updated on three matters crucial to the viability and success of Catholic schools: statements from the Holy See, changes in the Chinese government educational policies, and conditions of Catholic schools in different locations.

En Chine, durant toute cette période, les enseignants catholiques soutiennent toute réforme qui bénéficie aux classes sociales les plus démunies. En revanche, ils s’opposent à toute mesure susceptible de contrecarrer leur mission, celle de maintenir la foi parmi les catholiques chinois et de convertir les non-chrétiens. Les écoles catholiques primaires et secondaires présentent trois caractéristiques importantes. L’enseignement met la priorité sur l’éducation des populations rurales pauvres. Il est porteur de modernisation parce qu’il introduit de nouvelles pratiques, comme l’instauration de meilleures conditions d’hygiène. Enfin, il joue un rôle crucial dans le développement de l’éducation en milieu féminin. La seconde partie de cet essai se concentre sur les moyens déployés par l’Église de Chine pour s’assurer que ses éducateurs reçoivent les renseignements et les consignes nécessaires à la survie et au succès de leurs institutions.

在十九世紀中期至二十世紀中期的一百年間,天主教一方面廣泛在華建立面向不同層的各級 學校,以推動中國的國民教育,另一方面也把學校視為維繫宗教信仰、爭取更多教徒的工 具,并始終努力維持這兩方面的平衡。天主教在華開辦的中小學有三個顯著的特徵。第一, 這些學校根據民眾需要,優選考慮未受教育的鄉村貧民。第二,教會通過學校在鄉村推廣當 時在中國大城市已廣為接受的衛生等方面的現代生活觀念,從一個側面促進了鄉村的現代 化。第三,這種教育也為中國女性賦予了新的地位和角色。天主教興辦教育的歷史表明,教

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會學校在中國的成敗取決于三個關鍵因素:教宗的態度、中國政府的教育政策和教會學校所 在地方的社會條件。

AUTHOR

JEAN-PAUL WIEST Jean-Paul Wiest (魏揚波) réside à Pékin où de 2002 à 2010 il a été directeur de recherche au Beijing Center for Chinese Studies. Ses recherches portent sur les différents aspects et étapes de l’histoire du christianisme en Chine ainsi que sur les échanges culturels qui en ont résulté avec l’Occident. On compte parmi ses dernières publications : Koushushi yanjiu fangfa 口述史研究方法 [Les méthodes de l’histoire orale] avec Li Xiangping (Shanghai renmin chubanshe, 2010) ; « Ma Xiangbo, Christian Pioneer of Educational Reform in China », dans Carol Lee Hamrin & Stacey Bieler (dir.), Salt and Light, vol. 2, 2010.

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Entre connaissance et croyance : Kang Youwei et le destin moderne du confucianisme Between Knowledge and Faith: Kang Youwei and the Modern Fate of Confucianism 知識與信仰之間:康有為與儒學的現代命運

Chunsong Gan Traduction : Aurore Merle et Guillaume Dutournier

NOTE DE L’ÉDITEUR

Traduit du chinois par Aurore Merle et Guillaume Dutournier

1 En 1893, lors du « Parlement des religions du monde » à Chicago, Peng Guangyu, premier secrétaire de la délégation chinoise aux États-Unis, s’efforça d’expliquer la différence entre le « jiao » du mot « rujiao » (confucianisme) et la notion occidentale de « religion ». Il déclara notamment : « En Chine, le jiao (l’instruction) équivaut au zheng (le politique) et le zheng équivaut au jiao. Le zheng et le jiao sont tous deux issus du Fils du Ciel. L’instruction dispensée par l’empereur (dijiao) et celle délivrée par les maîtres (shijiao) sont toutes deux une instruction portant sur les rites (lijiao). En dehors de cette instruction, aucune église ne commande au peuple en Chine »1. Peng considérait que le caractère wu (dans le sens de magie, de chamanisme) était préférable au mot jiao comme équivalent du terme anglais « religion ». Il s’était rendu au constat que le confucianisme, source de l’éducation et instance de transformation du peuple chinois, ne pouvait être compris comme une « religion ». Un constat largement partagé parmi les élites intellectuelles de l’époque : même Kang Youwei (1858-1927), l’un des leaders du mouvement de réforme des Cent jours (11 juin – 21 septembre, 1898) qui pourtant s’efforça de transformer le confucianisme en un système de croyances religieuses, jugeait cette traduction inadéquate. Pour ce dernier, en traduisant « religion » par

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zongjiao, les Japonais désignaient principalement « l’enseignement divin » (shenjiao), ce que Peng Guangyu qualifiait précisément de wu (chamanisme) : Le sens de « religion » ne se limite pas à l’enseignement divin. Seulement, influencé par le christianisme, on tend à croire qu’il n’y aurait pas de religion sans dieu. La combinaison de jiao et zong est déjà inappropriée pour exprimer le sens de « religion ». Considérer que le confucianisme ne peut être une religion sous prétexte que, contrairement au bouddhisme, à l’islam et au christianisme qui professent tous une voie divine, Confucius n’abordait pas cette question, cela revient à connaître deux fois cinq tout en ignorant dix2. Or, Kang Youwei considérait que zongjiao devait inclure la voie divine et la voie humaine. D’après lui, « dans la haute antiquité, les hommes incultes vouaient un culte aux esprits, si bien que l’enseignement divin était vénéré ; avec la civilisation moderne, l’accent fut mis sur l’humain et la voie humaine gagna en importance. De fait, la voie humaine a suivi l’enseignement divin avant de le dépasser »3.

2 Ce que Kang Youwei s’efforçait de souligner, c’était la différence entre le phénomène du jiaohua propre au confucianisme, c’est-à-dire la transformation du corps social par l’enseignement, et le shenjiao, c’est-à-dire l’enseignement divin. Il cherchait par là à faire ressortir la rationalité du confucianisme. Pourtant, il est faux de dire que le jiaohua n’avait aucun lien avec le shenjiao, la tradition confucéenne s’étant efforcée de combiner en un système composite la voie des hommes et celle des dieux – ou, pour le formuler autrement, d’intégrer croyances et connaissances.

3 Un trait essentiel du développement de la modernité européenne fut la séparation du politique, du savoir et de la foi, la religion ne contrôlant plus la totalité de l’existence. Comment répondre au défi de la modernité occidentale, et trouver un équilibre entre la nécessité d’apprendre de l’Occident et le souci de préserver l’identité de la nation ? Telles étaient les questions centrales pour Kang Youwei. Pour parvenir à ses fins, il orienta son effort dans trois directions : premièrement, souligner la « rationalité » d’un confucianisme ne traitant « jamais de l’étrange ni des esprits, de la force brute ni des actes contre nature »4, mais aussi réformer le système d’enseignement et notamment les examens mandarinaux (keju), afin de répondre aux besoins scientifiques et de permettre la diffusion des connaissances occidentales ; deuxièmement, par la création d’une église, ériger Confucius en fondateur d’une religion à la signification complexe ; troisièmement, redéfinir le rôle du confucianisme dans la construction de l’identité de la nation et dans l’éducation morale de la population.

4 Ces trois missions entrant parfois en conflit, Kang Youwei n’obtint le soutien ni des conservateurs confucéens, ni des nouvelles élites intellectuelles formées dans des institutions modernes ou à l’étranger. Cet article, en se focalisant sur deux aspects mis en avant par Kang, la transformation du confucianisme en religion et la réforme du système traditionnel d’enseignement, examine les tentatives d’un certain confucianisme pour surmonter ses difficultés et s’adapter à une société moderne.

La tentative de Kang Youwei de transformer le confucianisme en religion et son échec

5 Liang Qichao (1644-1911), réformiste et disciple de Kang Youwei, eut un jour ce jugement selon lequel les gens se souviendraient de Kang Youwei comme d’un maître religieux. Ce dernier savait parfaitement que dans le système religieux chinois,

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c’étaient le bouddhisme, le taoïsme ainsi que les nombreux cultes populaires qui constituaient le cœur de la culture religieuse. Kang Youwei était pourtant pleinement conscient que la séparation entre pouvoir politique et confucianisme ébranlerait la légitimité de ce dernier. C’est pourquoi il souhaitait, en réformant le confucianisme, c’est-à-dire en l’institutionnalisant comme une religion, lui forger un nouveau mode d’existence au sein de la société chinoise. Comme l’affirma Liang Qichao, Kang Youwei s’efforça de devenir le « Martin Luther » du confucianisme. Mais là où Martin Luther connut un immense succès, l’échec de Kang fut total.

La conception d’une religion confucéenne avant la fondation de la République chinoise

6 À ses débuts, Kang Youwei employait le mot jiao dans le sens de jiaohua (transformation par l’éducation). Il considérait que c’était à travers son rôle éducatif que le confucianisme fondait l’ordre social (ou la « voie humaine », rendao). Dans « Jiaoxue tongyi », écrit en 1885, il affirme : L’établissement de l’éthique par l’enseignement des rites, ainsi que la maîtrise des savoir-faire concernant les affaires et les êtres, constituent la base sur laquelle se fonde la voie humaine. L’éthique de l’enseignement des rites s’adresse à la morale ; les savoir-faire concernant les affaires et les êtres s’adressent à l’art. Ce que « le Saint de l’époque ultérieure » (housheng)5 dit de l’enseignement concerne ces deux éléments ; ce qui est dit de l’apprentissage concerne ces deux éléments6. Or, au fur et à mesure que sa compréhension des croyances et de la science occidentales augmentait, sa conception du jiao devint à la fois plus étendue et plus concrète. Si l’étude des Classiques constitue traditionnellement le fondement de ce qu’on appelle jiaohua, Kang tenta d’y intégrer les savoirs occidentaux, mais aussi les « principes subtils découverts par les gens des cinq continents ». Dans « Shili gongfa quanshu », rédigé en 1888, il propose une explication du terme jiao : Il y a deux principes qui fondent l’éducation. Premièrement, augmenter l’intelligence et la compétence de l’éduqué, et renforcer ainsi sa capacité d’aimer et sa confiance en soi. Deuxièmement, lui enseigner les principes subtils et les excellentes institutions découverts par les gens des cinq continents, de sorte qu’il puisse en bénéficier pour vaincre ses travers et se débarrasser des malhonnêtetés auxquelles il peut être habitué. De cette façon, son intelligence et sa compétence ne risquent pas d’être dévoyés7. Cette définition du jiaohua ajoutait donc à un objectif moral relativement classique un programme d’acquisition de connaissances scientifiques. À ce stade, il s’agissait encore de partir du jiaohua , autrement dit de « se fonder sur la Chine pour comprendre l’Occident ». Mais après 1890, Kang s’orienta davantage vers une restructuration du confucianisme à partir des modèles religieux occidentaux. Cela revenait à « se fonder sur l’Occident pour comprendre la Chine », mais ses détracteurs estimaient qu’il « transformait la Chine avec l’Occident ».

7 Kang Youwei s’intéressait grandement au prosélytisme du christianisme, du bouddhisme et des autres religions. En 1891, dans une série de discussions avec Zhu Yixin (1846-1894), il présenta sa vision du prosélytisme, expliquant que l’acceptation de la grande voie de Confucius dépendait de deux choses : premièrement, développer et glorifier, deuxièmement, propager et diffuser. Pour lui, la raison principale de la pénétration du bouddhisme en Chine et de la non-diffusion du confucianisme en Inde n’était pas dans l’infériorité du confucianisme mais dans leur différence en matière de

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prosélytisme. Si, en dehors de l’Asie où régnaient encore le confucianisme, le bouddhisme et l’islam, la majorité des pays du monde avait foi dans le christianisme, c’était parce que l’Europe « excellait dans les arts de fabrication, de sorte que ses bateaux et véhicules pouvaient galoper hors de ses frontières »8.

8 Après la guerre sino-japonaise en 1894, Kang Youwei commença à évoquer de manière systématique son projet de réforme. Dans les mémoires au trône qu’il rédigea pour d’autres personnes, il exposa à l’empereur Guangxu (règne 1875-1908) ses propositions pour remédier à l’arriération de la Chine. Un point critique de son projet était la préservation de la place de la pensée confucéenne.

9 Dans ses « Seconde » et « Troisième requête soumise à l’empereur » (Shang qingdi di er/ san shu), Kang pose clairement la question de la construction d’une « discipline d’étude de la voie » (daoxueke), sa principale fonction consistant, à travers la diffusion du « dogme » (jiaoyi) de Confucius, à s’opposer au déclin croissant de la morale des Chinois. Dans sa requête, Kang avance même le projet de porter la bonne parole confucéenne à l’étranger.

10 À la veille de la réforme des Cent jours, le projet de Kang Youwei se précise. En 1898 (le 5e mois de la 24e année de Guangxu), dans une requête pour renouveler le confucianisme, il expose deux idées centrales :

11 Premièrement, il souhaite fonder une Église de la religion confucéenne (kongjiaohui) et régler ainsi une question délicate pour la Cour impériale concernant les affaires religieuses. Il propose également de faire des descendants directs de Confucius qui portent le titre héréditaire de « Ducs pour la multiplication des sages » (Yansheng Gong) l’équivalent des évêques dans la religion chrétienne.

12 Deuxièmement, Kang attribue la cause du déclin national au manque de talents, la pénurie de lettrés résidant dans le mode de sélection propre au système des examens impériaux, en particulier l’essai en huit parties (bagu) qui conduit les candidats à ne pas prêter attention aux Classiques confucéens. Pour restaurer la tradition confucéenne, il est donc indispensable de revenir aux textes originels. Selon la démonstration de Kang, certains Classiques, notamment les Entretiens, sont le fait des disciples de Confucius : seuls les Annales des Printemps et Automnes représentent la pensée éternelle du Maître.

13 Ici, le projet de réforme de Kang Youwei devient de plus en plus clair : il vise à séparer les affaires religieuses de la diffusion des connaissances. Kang estime que pour assurer la prospérité et la puissance du pays et s’adapter à la compétition internationale, il faut d’abord construire un système de croyances, puis réformer le système éducatif – ces deux objectifs étant indissociables. Fonder un système de croyances répond au souci de construire l’identité de la nation, tandis que la réforme éducative vise à former des talents et à augmenter le niveau général de la population, le but ultime étant de préserver la nation, la race et l’enseignement confucéen.

14 Cette nouvelle compréhension du confucianisme promue par Kang Youwei suscita de nombreuses critiques. Les premières provenaient du cœur du système confucianiste, notamment du « courant des textes anciens » (guwen jingxue) qui ne pouvait tolérer certaines expressions de Kang issues des « textes modernes » (jinwen jingxue), telles que « réforme des institutions » (gaizhi) ou « fondateur religieux » (jiaozhu)9. Dans un autre texte fondateur, « Xinxue weijing kao », Kang estimait qu’une part importante des écrits confucéens était de faux Classiques, ce qui provoqua l’ire de nombreux lettrés.

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15 Concernant son projet de religion confucéenne (kongjiao), qu’il portait avec d’autres, certains critiques y voyaient l’importation camouflée d’une religion étrangère. Certains fonctionnaires impériaux affirmaient même que Kang Youwei souhaitait s’ériger en pape et partager le pouvoir politique avec l’empereur. L’un des effets négatifs de ces attaques fut que des personnages politiques majeurs comme Zhang Zhidong (1837-1909) retirèrent leur soutien politique et financier à Kang.

16 Même avec Liang Qichao, le disciple qui lui donnait le plus de fierté, des divergences existaient concernant ce projet de fondation religieuse. C’est pourquoi, après la fondation de la République en 1912, Kang confia la charge de ce projet à Chen Huanzhang (1880-1933)10. Quant à Liang, au tournant du XIXe-XXe siècle, sous l’influence de Yan Fu (1854-1921) et de Huang Zunxian (1848-1905), il commença à mettre en doute la convergence entre la fondation d’une religion confucéenne et la réforme politique. Il doutait également que l’instauration d’une Église confucéenne pût exercer une influence positive sur la construction morale de la société. La divergence s’accrut après 1902 : « Après 1902, Qichao ne parla plus de “faux Classiques”, ni de “réformer les institutions”, tandis que son maître Kang Youwei promouvait vigoureusement l’idée de fonder une Église de la religion confucéenne, de l’ériger en religion d’État et de vénérer le Ciel et Confucius. Une vision qui ne manqua pas d’appui dans le pays. Qichao n’était pas d’accord et les réfuta à plusieurs reprises »11. Dans un long article, « Baojiao fei suoyi zun Kong lun » (En défendant la religion confucéenne, on ne respecte pas les théories de Confucius), Liang insiste sur l’opposition entre ses positions passées et présentes, procédant ainsi à une analyse d’ensemble de son positionnement : Ceux qui promeuvent l’idée de protéger la religion confucéenne ignorent plusieurs choses. Premièrement, ils ne connaissent pas la vérité de Confucius ; deuxièmement, ils ne comprennent pas la définition d’une religion ; troisièmement, ils ne voient pas les tendances futures des religions ; quatrièmement, ils ignorent les rapports entre politique et religion dans les autres pays12. Liang estimait que Confucius était un philosophe, un éducateur, un homme politique et non un fondateur de religion comparable aux figures occidentales. Par conséquent, la préservation de la religion confucéenne était un mouvement sans raison d’être. Parmi les personnages historiques chinois, seuls Zhang Daoling et d’autres figures fondatrices du taoïsme pouvaient être perçus comme des acteurs religieux. S’appuyant sur la théorie de l’évolutionnisme social en vogue à l’époque, Liang Qichao considérait la religion comme une culture déclinante. Suivre le modèle des religions occidentales était donc à ses yeux une attitude d’imitation aveugle.

Le conflit entre religion d’État et liberté de croyance après la fondation de la République de Chine

17 En 1905, à la suite de l’abolition des examens impériaux, le confucianisme perd son soutien institutionnel le plus important, tandis qu’avec le déclenchement de la révolution de 1911 et la fondation de la République de Chine, la Chine devient la première république d’Asie. Dans ce nouveau régime, le confucianisme perd sa « suprématie », ses Classiques n’étant plus la source de la vie politique et sociale. La création de nouvelles écoles suivant le modèle occidental fait également perdre au confucianisme le soutien dont il disposait dans le domaine de l’éducation.

18 Dans ces nouvelles écoles, la question qui faisait débat depuis 1901 – le contenu principal de l’éducation devait-il être le savoir occidental ou le savoir chinois ? – fut

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définitivement tranchée : les Classiques confucéens, autrefois fondement des valeurs chinoises, furent séparés puis intégrés au système scientifique moderne, devenant des « savoirs » parmi d’autres et non plus la « voie » qui commandait au savoir.

19 Kang Youwei, en exil prolongé après l’échec de la réforme des Cent jours, en ressentait une vive inquiétude. Dans le chaos politique qui suivit la fondation de la République, il identifia la crise politique à une crise de valeur. La solution à cette crise était de revenir au confucianisme et d’ériger la religion confucéenne en religion d’État.

20 Durant les premières années de la République, il affirme dans une lettre adressée à Chen Huanzhang (le 30 juillet 1912) : Aujourd’hui, il est bien difficile de faire fonctionner un parti politique. Les différents partis se nuisent réciproquement […]. Auparavant, lorsque, aux États- Unis, vous avez pris la responsabilité de promouvoir la religion confucéenne, votre recherche et vos prises de paroles se faisaient en toute clarté. Désormais, si vous vous présentiez comme un missionnaire et lanciez le débat sur l’abandon du confucianisme, il y aurait certainement des échos. Cela n’inquiéterait pas les partis politiques et serait donc plus facile à réaliser13. Comme nous le montre cette lettre, l’instauration d’une religion confucéenne ne vise pas simplement à fonder une religion, mais bien, grâce à la puissance d’action offerte par le modèle de l’église, à déployer son influence sur la politique. Dans le contexte politique des premières années de la République, Kang considérait que créer un parti politique n’aurait pas autant d’efficacité que fonder une Église de la religion confucéenne.

21 En dehors du fait que celle-ci comportait moins de risques qu’un parti, il y avait là la possibilité de s’appuyer sur le groupe des lettrés traditionnels marginalisés par la nouvelle société. « Aujourd’hui, les lettrés et étudiants issus de l’ancien système sont encore partout dans le pays. Si on les invite à rejoindre cette Église, ils s’y montreront certainement favorables ». Cependant, Kang avait conscience que la proposition d’un nouveau rapport de réciprocité entre souverain et sujets serait en porte-à-faux avec la nouvelle situation politique. La promotion de la religion confucéenne devait connaître des modifications : « J’ai annoté le Liyun, le Zhongyong, les Sishu, le Chunqiu ainsi que des extraits du Liji. On pourra les diffuser pour répandre mes idées de “paix” (shengping), de “grande paix” (taiping) et de “grande unité” (datong), de sorte que les gens ne doutent plus de la possibilité du développement du confucianisme après l’abolition de la relation du monarque et des sujets14 ». Très confiant dans l’avenir, Kang Youwei pensait qu’en commençant dans chaque province, en à peine six mois, les églises de la religion confucéenne se répandraient dans chaque préfecture et district.

22 En septembre et octobre 1912, dans deux avant-propos sur l’Église de la religion confucéenne (« Kongjiaohui xu »), il commence à élaborer sa théorie. La perspective y est de nouveau celle du jiaohua, c’est-à-dire de la transformation du corps social par l’éducation. Pour Kang, la société chinoise enviait l’Europe et les États-Unis, mais ignorait que leur développement reposait sur la coexistence entre le politique, les conditions matérielles et le jiaohua – politique et jiaohua étant mutuellement dépendants. L’exposé de Kang Youwei sur le sens et le contenu de cette religion s’appuie en réalité sur les éléments suivants :

23 Premièrement, concernant les relations entre religion et identité nationale. Comme l’explique Kang, dans le cas des Juifs, l’État a été détruit mais l’enseignement (religieux) n’ayant pas disparu, le pays peut par conséquent renaître. À l’inverse, au Mexique, l’annexion culturelle a conduit les Mexicains à se considérer comme les descendants

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des seuls Espagnols. Par conséquent, la décision du ministère de l’Éducation chinois de supprimer l’enseignement de Confucius fera perdre à la Chine le fondement de son identité nationale.

24 Deuxièmement, le développement de nombreuses religions dans le monde étant lié aux activités de prosélytisme, la religion confucéenne devrait également encourager de telles activités.

25 Troisièmement, confronté à l’argument selon lequel la religion confucéenne serait en contradiction avec un régime républicain égalitaire, Kang Youwei concède que la relation entre le maître et ses sujets est verticale, mais il rappelle que la religion confucéenne affirme que toute chose, sous le ciel, est un bien public. Par conséquent, cette religion se trouve en conformité, et même en avance, avec les principes politiques en vigueur.

26 Quatrièmement, analysant les relations entre « religion » et jiao, Kang affirme qu’indépendamment de la croyance en une divinité, tout système de croyances peut s’appeler « religion » (zongjiao). Les Japonais ayant utilisé les caractères chinois « zongjiao » pour traduire le terme de religion, celle-ci a été comprise comme un théisme. Si certains Chinois contestent à Confucius le statut de fondateur d’une religion sous prétexte qu’il n’a pas parlé de Dieu, c’est essentiellement parce qu’ils ont subi l’influence de la langue japonaise qui fait un usage erroné des caractères chinois15.

27 Comme nous le montre le projet de religion confucéenne, la compréhension que Kang Youwei a du « jiao » oscille entre l’enseignement traditionnel et la religion, morale et religion étant ici assimilées. Il souhaite à la fois que le confucianisme conserve une haute position spirituelle, tout en réduisant la « distance » séparant le confucianisme de la politique républicaine et de la science moderne. Pour Kang, fonder une religion est la voie la plus sûre pour garantir une morale élevée : Même les pays barbares possèdent des religions pour discipliner les mœurs. Comment, avec sa civilisation de cinq mille ans, la Chine qui a été cultivée par d’innombrables sages, n’aurait-elle pas de religion/enseignement ? À cause de la pauvreté et de la faiblesse du pays, mais aussi de la perte de la Voie durant la dynastie Qing, le peuple admire l’Europe et les États-Unis. Dans cette situation, s’il est bon d’œuvrer en faveur d’un changement politique, comment est-il possible d’abandonner tout le processus de transformation par l’éducation hérité de plusieurs millénaires 16 ? Kang Youwei estimait que les Chinois de l’époque non seulement ne croyaient pas en un système gouverné par la loi, mais qu’ils manquaient également de conscience morale, ressemblant à un peuple non éduqué. Or, la construction d’un ordre social devait non seulement s’appuyer sur la loi, mais également sur la morale. Pour que le peuple puisse respecter volontairement [les lois], il faut avoir une religion qui le gouverne de façon invisible. Ce n’est pas sans inconvénient. Pourtant, peu de gens préconisent la sagesse, tandis que beaucoup de gens médiocres se soucient de leur malheur et bonheur. Devant Dieu, on ne peut pas être infidèle. Le bien sera récompensé par le bien, le mal par le mal. Si tout cela pénètre le cœur du peuple, cela constituera alors le fondement des mœurs et le principe directeur des mentalités17. C’est pourquoi Kang poursuivit son projet de fondation d’une religion confucéenne, recherchant une protection institutionnelle au sein du nouveau système politique et juridique et espérant, par la voie législative, ériger la religion confucéenne en religion d’État.

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28 En 1913, lors du débat sur la Constitution au parlement national, Chen Huanzhang, Liang Qichao, Yan Fu et d’autres remirent au Sénat et à la Chambre des représentants une « Pétition en faveur d’une Église de la religion confucéenne ». Rappelant que le confucianisme était autrefois la religion de l’État chinois, ils s’appuyaient sur « l’opinion du peuple », utilisant ainsi un procédé de la politique démocratique moderne, pour démontrer la position légale de la religion confucéenne : Aujourd’hui, le régime d’État est la République, le peuple est le maître du pays. Il n’est pas permis d’agir contre la volonté du peuple […]. L’esprit de la République repose sur la morale, or l’origine de la morale en Chine est la religion confucéenne, on ne saurait déterrer la racine ou boucher la source. Par conséquent, il est absolument nécessaire que la Chine institue la religion confucéenne comme religion d’État. Certains pensent que l’établissement d’une religion d’État serait contradictoire avec la liberté de croyance religieuse inscrite dans la Constitution provisoire. Ils ne se rendent pas compte que c’est faux. Dans notre pays, depuis l’Antiquité, la religion confucéenne est religion d’État, de même que depuis l’Antiquité, la liberté de croyance religieuse est accordée au peuple. À quel moment ces deux [principes] qui fonctionnent depuis plusieurs millénaires comme les articles d’une constitution non-écrite auraient-ils été incompatibles ? Ce qui est aujourd’hui codifié dans la Constitution n’est qu’un fait à l’œuvre depuis longtemps. La liberté de croyance religieuse est une politique passive tandis que l’instauration d’une religion d’État est une politique active. Les deux peuvent aller de pair sans inconvénient et se soutiennent mutuellement. […] [C’est pourquoi il est demandé] d’inscrire dans la constitution la religion confucéenne comme religion d’État18. Le lancement de cette pétition connut un véritable retentissement. Li Yuanhong (1864-1928), alors le vice-président de la République, suivi des gouverneurs et des préfets de plus de dix provinces (Zhejiang, Shandong, Hubei et Henan…), envoyèrent tous un télégramme pour apporter leur soutien. Tang Hualong (1874-1918), ministre de l’Éducation à cette époque, fut encore plus précis en déclarant : Ces dernières années, le sujet qui suscite le plus de débat est celui du déclin moral, les jeunes agissant selon leur envie, sans règle à suivre. Les lettrés concernés n’en trouvent pas la cause. J’ai deux propositions pour résoudre ce problème : 1) dans les écoles primaires et secondaires, il faut apprendre l’ensemble des Classiques confucéens. De cette façon, les discours profonds et subtils des saints et des sages influenceront progressivement les jeunes et formeront ainsi leur caractère. C’est une proposition pour renforcer la racine ; 2) adopter le confucianisme comme religion d’État, en le mettant en œuvre par des rituels religieux, de sorte que les citoyens deviennent des fidèles religieux et observent les paroles et les conduites de Confucius comme des préceptes religieux. C’est une proposition pour établir la croyance19. Cet extrait peut être perçu comme une critique à l’égard de l’action entreprise par Cai Yuanpei (1868-1940) visant à éliminer les pensées de Confucius du système d’éducation républicain20.

29 Si cette pétition fut accueillie positivement dans la société, de nombreuses voix, y compris religieuses, se firent également entendre contre elle. L’opposition du député He Wen était sans doute la plus aboutie : 1) la Chine n’est pas un pays religieux ; 2) Confucius n’est pas un maître religieux ; 3) la liberté de croyance religieuse est une prescription constitutionnelle, l’instauration de la religion confucéenne comme religion d’État serait incompatible avec la constitution ; 4) la République se compose de cinq ethnies, et en dehors de la religion confucéenne, il existe toute sorte de religions telles le lamaïsme et l’islam : si la religion confucéenne était instituée comme religion d’État, cela risquerait de provoquer la déloyauté des Mongols et des Tibétains21.

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Ces débats rejaillirent rapidement dans le travail de préparation de la constitution parmi les députés. Les deux parties campant sur leur position, d’aucuns proposèrent la formule « prendre la voie de Confucius comme grand fondement des mœurs ».

30 Le 13 octobre 1913, les propositions des parlementaires furent soumises au vote, en présence de quarante députés. La première proposition, « Il devrait être établi dans la constitution que la religion confucéenne est la religion de l’État », obtint huit votes. La seconde, « La République de Chine définit la religion confucéenne comme le grand fondement moral des relations humaines », reçut 15 voix ; 11 personnes se prononcèrent en faveur de la troisième proposition, « La République de Chine définit la religion confucéenne comme le grand fondement moral des relations humaines. Toutefois, du moment que les autres religions ne troublent pas l’ordre public, le peuple dispose de la liberté de croyance ». Or, l’adoption d’une proposition parlementaire nécessitant une majorité des deux tiers, ces trois propositions furent toutes rejetées.

31 Le 28 octobre, après la deuxième lecture du « Projet de constitution de la République de Chine », Wang Rongbao (1878-1933) proposa de nouveau d’ajouter, à la suite de l’article 19, la formule : « L’éducation de la population prend la voie de Confucius comme grand fondement éthique ». Le débat qu’il suscita aboutit à la révision suivante : « L’éducation de la population prend la voie de Confucius comme grand fondement pour la culture de soi (xiushen) ». Trente et un députés ayant voté en sa faveur, la proposition fut adoptée22. Ce résultat était fort éloigné de ce qu’espéraient Kang Youwei et Chen Huanzhang.

32 La restauration monarchique de Yuan Shikai (1859-1916) entraîna un chaos politique durant les premières années de la République, la dissolution du nouveau parlement de la République en 1914 provoquant la suspension des travaux d’élaboration de la constitution. Après le décès de Yuan Shikai, l’ancien parlement national fut rétabli et la révision de la constitution reprit en 1916. Chen Huanzhang remit alors une nouvelle pétition, demandant aux deux Assemblées d’instaurer l’Église de la religion confucéenne comme religion d’État. Si les arguments avancés étaient dans l’ensemble similaires à ceux de la précédente pétition, Chen Huanzhang insistait particulièrement sur le lien unissant les destinées de la religion confucéenne et de l’État, la religion confucéenne étant perçue comme le principe directeur pour préserver la « spécificité nationale » (guoxing). Nous nous permettons de lancer un appel public aux compatriotes : pour éviter que la Chine ne soit conquise, il est nécessaire que la religion confucéenne devienne la religion de l’État ; […] Si nous, les citoyens, demandons d’instituer une religion d’État, ce n’est pas seulement par loyauté envers la religion confucéenne, mais encore plus sincèrement par loyauté envers la Chine. En effet, la religion confucéenne ne sera pas nécessairement ruinée si elle ne devient pas religion d’État ; et une fois érigée en religion de l’État, elle ne sera pas en situation de monopole. [Avoir ou non le statut de religion d’État] ne causera pas de grand bénéfice ou de grand tort à la religion confucéenne. Mais pour notre peuple et notre pays, l’importance de cette affaire est sans comparaison. Si la religion confucéenne ne devient pas religion d’État, notre peuple ne sera plus le peuple chinois, notre pays ne sera plus la Chine mais un pays inférieur23. Cette pétition remise au Parlement continuait de soutenir que la liberté de croyance et l’établissement d’une religion d’État n’étaient pas contradictoires. Les voix d’opposition étaient pourtant encore très fortes. Dans une pétition s’opposant à l’établissement de la religion confucéenne comme religion d’État, étaient ainsi avancés les effets néfastes qu’aurait une telle institutionnalisation : elle (1) provoquerait des querelles entre les

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religions ; (2) détruirait la concorde entre les cinq ethnies ; (3) enfreindrait la constitution provisoire de la République ; et (4) ferait obstacle à l’unité politique. En résumé, la religion n’est pas un problème d’importance dans l’histoire de la Chine, il n’est pas indispensable d’instaurer une religion d’État. Mais une fois que la République est conçue comme composée de cinq ethnies, il est nécessaire de n’en pas instaurer. De plus, Confucius est un pédagogue et un maître en politique, non un maître religieux. Les chercheurs d’Orient comme d’Occident confirment tous ce point. Les savants et les lettrés de notre pays considèrent également Confucius comme un grand homme dans les domaines de l’éducation et de la politique, au premier rang dans toute l’histoire de notre pays. Comment peut-on imposer le nom de religion au confucianisme et jeter le trouble dans la compréhension de la réalité ? La demande d’instauration de la religion confucéenne comme religion d’État est issue d’une ignorance de la situation générale actuelle. Ses partisans ne comprennent ni ce qui fut Confucius, ni ce qui fait la religion24. Pour Kang Youwei et Chen Huanzhang, le résultat de cette révision était encore plus éloigné de leur objectif.

33 Sans même évoquer l’instauration de la religion confucéenne comme religion d’État, l’article de compromis selon lequel « L’éducation de la population prend la voie de Confucius comme grand fondement pour la culture de soi » provoqua aussi des débats. Certains députés suggérèrent de le supprimer de la constitution, arguant que les idées de Confucius n’étaient adaptées ni au régime républicain ni au principe de la liberté de croyance ; que la question de l’éducation de la population était administrative et ne devait pas être déterminée par la constitution ; que la culture de soi relevait de la sphère morale et ne correspondait pas à l’essence de la constitution. Par ailleurs, l’éducation de la population étant obligatoire, si l’on inscrivait la voie de Confucius dans la constitution, alors les croyances de fidèles d’autres religions deviendraient illégales. Pour honorer Confucius, l’État pouvait recourir à d’autres voies, sans passer par cet article.

34 D’autres appelèrent à conserver ce qui avait été défini dans le projet initial de la constitution. Considérant que la voie de Confucius ne pouvait être perçue comme une religion, il n’y avait dès lors aucun rapport avec la liberté de croyance. L’ensemble du peuple continuait à croire en Confucius, la voie de Confucius constituant le fondement moral de la société. Supprimer cet article déjà inscrit dans la constitution initiale ne ferait que susciter des craintes, alors que d’autres constitutions à l’étranger présentaient ce genre de formule. Ils avancèrent même l’argument selon lequel certaines églises étrangères lisaient les Quatre Livres et les Cinq Classiques pour démontrer que la religion confucéenne ne provoquerait pas de différend avec les autres religions.

35 Les arguments des deux camps étaient approximativement semblables à ceux avancés lors de la première discussion. Aucune proposition n’obtenant la majorité aux deux tiers, des concessions furent faites pour parvenir au compromis suivant : d’une part, la suppression au sein du projet de la formule « L’éducation de la population prend la voie de Confucius comme grand fondement pour la culture de soi » ; d’autre part, la modification de l’article 11, la « liberté de croyance religieuse » devenant « Le peuple de la République de Chine honore Confucius et dispose de la liberté de conviction religieuse, dans les limites fixées par la loi »25.

36 Loin d’être superficiels, les débats de 1913 et de 1916 sur l’inscription dans la constitution de la religion confucéenne comme religion d’État soulevaient de nombreuses questions, la première étant de déterminer si l’éthique confucéenne devait

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continuer à être le fondement de l’identité du pays. Selon les études menées par Jin Guantao et d’autres, la diffusion de l’idée de l’État moderne fit prendre conscience aux Chinois que « la nation pensée comme communauté morale pouvait être distinguée de l’éthique confucéenne »26. C’est pourquoi l’incorporation de la religion confucéenne à l’identité de la nation n’était pas adaptée au régime républicain et ne correspondait pas non plus à l’état d’esprit des nouveaux intellectuels de l’époque. Pour Huang Jinxing, l’échec du projet de religion confucéenne est lié à deux forces principales : l’influence croissante du scientisme, mais aussi de nombreux événements politiques imprévus tels que la restauration monarchique de Yuan Shikai27.

37 Comme le montre l’analyse précédente, l’appel de Kang Youwei et de Chen Huanzhang en faveur d’une « religion d’État » n’avait pas pour visée concrète le monopole des rituels d’État par les intérêts confucianistes, mais cherchait à résoudre le problème entre la religion d’État et la liberté de croyance. Leur volonté de fonder une religion d’État n’était pas entièrement liée à des convictions religieuses, mais se fondait également sur l’identité de l’État-nation, tous deux espérant que la lecture des Classiques confucéens devienne un enseignement central du système d’éducation de la Chine moderne afin de préserver l’identité culturelle. Dans ce sens, les activités de Kang Youwei en faveur d’une religion confucéenne étaient davantage politiques que purement religieuses.

Le confucianisme et « les études matérielles »

38 Si l’horizon du confucianisme traditionnel résidait dans la figure du sage, son objectif réel était de promouvoir la figure de l’« homme de bien » (junzi). Cela explique que les talents sélectionnés par les examens impériaux n’étaient pas de simples gestionnaires spécialisés, mais – idéalement – des hommes possédant une compréhension profonde de la conception confucéenne de l’ordre.

39 Sous l’influence de cette conception, après la dynastie Han et l’instauration du système de sélection et de recommandation (chaju), puis après les dynasties Sui et Tang qui développèrent le système des examens impériaux, l’éducation en Chine, dans les écoles officielles ou dans les académies privées, devint une extension du système mandarinal. Cela favorisa une diffusion efficace des idées confucéennes, mais entraîna une uniformisation qui fit obstacle à la formation et la diffusion d’autres formes de connaissances.

40 Si des critiques furent de tout temps formulées à l’égard des examens impériaux, ce système n’avait pourtant jamais rencontré de réel défi. À partir de 1840, avec les défaites successives de la Chine, en particulier lors de la guerre sino-japonaise, les Chinois prirent conscience dans la douleur que le retard de la Chine était principalement lié à un décalage dans le domaine des savoirs, la Chine manquant de talents capables d’affronter les nouveaux défis. La réforme du système des examens impériaux et la refondation du système scolaire devinrent un consensus partagé par tous.

41 En apparence, la réforme du système d’éducation n’ébranlait pas directement le système de croyances chinois et parmi tous les plans de réforme proposés lors des Cent jours, les mesures visant à fonder des universités et des maisons d’édition officielles rencontrèrent le moins d’obstacles. La seule mesure qui fut véritablement mise en œuvre par le nouveau gouvernement à la fin des Qing fut d’ailleurs la

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suppression du système des examens impériaux en 1905. Kang Youwei, Zhang Zhidong et d’autres voyaient avant tout dans la fondation de nouvelles écoles des institutions complémentaires : en associant aux valeurs confucéennes les techniques scientifiques occidentales, la Chine ne devait plus se laisser distancer. Ils n’imaginaient pas que la réforme éducative constituait le premier pas vers le déclin du confucianisme.

42 Dans l’esprit de Kang Youwei, l’enjeu de la religion confucéenne était de faire la synthèse entre « transformation par l’éducation » (jiaohua) et « religion » (zongjiao), tandis que les examens impériaux devaient amener à la séparation entre savoirs et croyances. L’éducation n’était donc plus seulement la mise en œuvre concrète de la « transformation par l’éducation », mais bien un élément essentiel dans l’apprentissage de connaissances. En 1898, dans une requête célèbre, Kang affirme que la sélection des lettrés en fonction de l’essai en huit parties éloigne des anciens textes sacrés et empêche de comprendre le monde environnant au point d’avoir occasionné les défaites militaires de la Chine. D’où la nécessité de sa suppression : Désormais, à l’intérieur du pays, on apprendra la culture chinoise, on étudiera les idées classiques, l’histoire du pays, les anecdotes ainsi que la nomination et la classification des choses, afin de devenir une personne aux talents utiles. Vers l’extérieur, on recourra aux sciences des autres pays, on étudiera la technologie, la physique, la politique-éducation et le droit, afin d’avoir une connaissance globale28. Liang Qichao souligna lui aussi le contraste entre les principes des examens impériaux fondés sur l’idée que « l’homme de bien n’est pas un ustensile destiné à un seul usage » (junzi bu , la vertu morale, prévaut sur les talents de l’expert)29 et la technicité de l’éducation occidentale. Il avait par ailleurs conscience du lien unissant les examens impériaux et la diffusion du confucianisme, y compris dans la décadence : « Cet enseignement grandiose recourt pour se perpétuer au système des examens mandarinaux, qui est lui-même en déclin. Ce qui dépend du système des examens mandarinaux est proche de la mort »30. Liang Qichao s’inquiétait également de l’usage fort répandu à l’époque qui consistait à reprendre les paroles des sages sans que cela permette de résoudre les problèmes de l’époque. Pour Liang, ces tendances condamnaient le confucianisme à court terme. La difficulté était dès lors de savoir comment concilier le développement d’un enseignement nouveau tout en préservant l’esprit du confucianisme.

43 Concernant la mise en œuvre de la réforme de l’éducation, l’argument initial de Kang Youwei était de former des talents adaptés à leur époque, connaisseurs autant de la Chine que de l’Occident. En juin 1898, dans le mémoire rédigé au nom de Song Bolü, il écrit : Le manque de talents en Chine est dû au fait que les savoirs chinois et occidentaux ne peuvent communiquer. Ceux qui sont éduqués dans le système des examens mandarinaux ne connaissent rien du savoir occidental, tandis que ceux issus des écoles modernes ne comprennent rien du savoir chinois. Le savoir chinois est la substance, le savoir occidental est le fonctionnement. Sans substance, on ne peut pas s’établir, sans fonctionnement on ne peut pas pratiquer31.

44 Pour résoudre ce problème, le point essentiel était de réformer les modes d’examen. L’idée de Kang était de combiner l’examen traditionnel et un nouvel examen portant sur l’économie et la politique, de « faire passer à tous les candidats une épreuve pratique (celun) ». Il s’agissait « d’évaluer la connaissance des idées classiques et de l’histoire » et parallèlement d’« évaluer la connaissance des affaires politiques actuelles

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ainsi que les savoirs spécifiques » : on formerait ainsi des personnes au « savoir global ».

45 Concrètement, Kang appelait à imiter l’éducation obligatoire déjà promue en Occident tout en tenant compte de la spécificité chinoise et en proposant de transformer les temples populaires en écoles. Ainsi, dans un mémoire au trône de juillet 1898, il affirmait : Les Chinois ordinaires se laissent souvent tromper par les croyances envers les esprits et génies, les temples dédiés à des cultes immoraux sont partout dans le pays. Par exemple, dans le Guangdong, mon pays natal, chaque canton a plusieurs temples et chaque temple possède des propriétés communes. On devrait transformer les temples en écoles et rendre les propriétés communes à l’usage public. On devrait aussi suivre le modèle de l’antiquité chinoise et celui des pays occidentaux qui oblige les enfants de six ans à aller à l’école primaire et leur enseigne les mathématiques, la technologie, la langue et la littérature. Les parents des enfants qui ne se rendraient pas à l’école seraient punis32. En réalité, si Kang Youwei avait conscience des relations d’interdépendance entre le confucianisme, le bouddhisme, le taoïsme et les cultes populaires locaux dans le système religieux traditionnel en Chine, il avait une vision négative des croyances populaires, ne s’apercevant pas du rôle de ces dernières dans la diffusion des conceptions confucéennes.

46 En appelant au dialogue entre la Chine et l’Occident, Kang Youwei accordait en fait un espace d’existence aux écoles de type occidental : c’était là le modèle qui se profilait derrière le modèle japonais. Kang accepta ainsi d’occuper le poste de directeur pédagogique à l’Université impériale de Pékin (Jingshi daxuetang), afin de piloter directement le développement d’un enseignement de type nouveau en Chine et d’offrir une assise institutionnelle à ses propositions. Au départ, Kang et Liang furent chargés d’élaborer les règlements de cette université. Mais des problèmes liés à l’élaboration des manuels et aux limites du pouvoir du directeur pédagogique provoquèrent la mise à l’écart de Kang, son objectif ne pouvant ainsi être réalisé.

47 Si Kang Youwei attribua cet échec à des rivalités politiques, la raison principale résidait dans l’attitude adoptée à l’égard de la science occidentale et de l’étude des Classiques confucéens. Le camp des opposants à Kang ne souhaitait pas voir l’école moderne des Classiques confucéens (jinwen jingxue), défendue par ce dernier, placée à la tête des études confucéennes ; ses adversaires considéraient par ailleurs que la réforme de Kang était trop radicale et occidentalisée33. Prise dans ce débat, la construction de l’université ne connut pas de réel développement. Or, la suppression des examens impériaux devenant à l’ordre du jour, l’enjeu ne fut plus celui des disputes internes au système confucéen, mais bien la survie des études confucéennes au sein du nouveau système d’éducation.

48 Dans ce contexte, Zhang Zhidong et d’autres considéraient que remplacer l’essai en huit parties par une dissertation sur la stratégie et une épreuve sur l’économie ne modifierait absolument pas la dépendance à l’égard des examens impériaux. Il fallait par ailleurs résoudre le problème des débouchés des étudiants des écoles de type nouveau. C’est pour cette raison que Zhang Zhidong, Yuan Shikai et d’autres considérèrent que tant que les examens impériaux existeraient, les écoles ne pourraient être acceptées. La promotion du système des écoles passait nécessairement par l’abolition des examens impériaux. Dans le mémoire qu’ils rédigèrent ensemble en

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1903, intitulé « Requête au trône en faveur de la suppression progressive des examens impériaux », ils devinrent des réformateurs radicaux : Une bonne gouvernance exige des gens compétents. Ceux-ci sont formés à l’école, dans le passé comme dans le présent, en Chine comme à l’étranger. Si le système des examens mandarinaux n’est pas abandonné, le système moderne de l’école ne pourra se développer. Les étudiants n’auront jamais de savoirs concrets, le pays ne possèdera jamais de personnes compétentes pour répondre aux besoins du temps présent. La Chine […] ne pourra jamais concurrencer les autres pays34. Mais quelle place accorder aux Classiques confucéens dans les écoles de type nouveau ? Zhang proposait de créer un cours d’étude des Classiques confucéens doté d’une place spécifique dans les universités, car de ce cours dépendrait en partie la survie des croyances des Chinois : Pendant leur formation à l’école, il est absolument nécessaire d’enseigner aux élèves et de leur faire lire les Classiques. La quantité de ces Classiques à lire pourra varier selon les différentes écoles, de même que la profondeur de l’enseignement. Il n’est pas utile de les standardiser. Même pour ceux qui travaillent après l’école primaire, il leur est nécessaire de lire les passages importants des Classiques et d’entendre les idées essentielles de l’enseignement saint, afin qu’ils puissent établir leur nature fondamentale35. Malgré son exil à l’étranger après la réforme des Cent jours, Kang Youwei, fin connaisseur des caractéristiques de la religion en Occident, poursuivit sa réflexion sur la voie de développement propre à la Chine. Prêtant attention à la différence entre éducation (jiaoyu) et transformation par l’éducation (jiaohua), il proposa non seulement de différencier le sens de ces deux mots mais également de les séparer dans la conception du système d’administration.

49 Dans « Guanzhi yi » (Discussion sur le système des fonctionnaires), Kang Youwei distingue clairement l’enseignement de la religion. Dans son projet, le ministère de la Culture aurait en charge les activités concernant les écoles et l’art d’enseigner, c’est-à- dire « toutes les affaires concernant les écoles publiques et leurs enseignants, leurs bibliothèques, bâtiments, assemblées et musées ainsi que les bourses aux étudiants », tandis que le ministère de la Religion s’occuperait principalement des croyances et de la transformation par l’éducation (jiaohua) : Comme le montrent les constitutions d’autres pays, si la croyance religieuse est le choix autonome de chacun, chaque pays possède une religion d’État, appropriée à ses politiques, à la mentalité du peuple et à ses coutumes, qui ne peut être abandonnée. Pour cette raison, tous les pays ont un ministère de la Religion afin de réguler les affaires religieuses. En Chine, la politique, les normes, le système scolaire ainsi que la sélection des fonctionnaires relèvent tous du confucianisme, le ministère des Rites actuel est en réalité le ministère de la Religion36.

50 Dans ce projet, le ministère de la Religion devait se charger des affaires concernant la religion et de l’organisation des activités d’éducation de la société (jiaohua), mais plus de l’enseignement dans les écoles. Cette stratégie de réforme de l’éducation présentait, comme on le voit, une cohérence interne avec le projet qu’avait Kang de fonder une Église de la religion confucéenne.

51 Parce que Kang essayait d’embrasser en un seul mouvement tous les problèmes rencontrés par le confucianisme, il fut perçu par certains comme un opposant farouche au système politique moderne et aux connaissances scientifiques. Cette vision négligeait ses efforts pour intégrer la science moderne aux études confucéennes, sa vision de la science et même de l’économie présentant une grande originalité.

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52 Dans son Wuzhi jiuguo lun (Sur le salut matériel du pays) rédigé autour de 1904 et publié en 1908, Kang Youwei estimait que la force d’un pays ne dépendait pas principalement de sa formation morale, mais de la production matérielle et de la « science matérielle » qui en était le fondement. Il considérait que depuis le mouvement de la Renaissance en Europe, la culture et la pensée avaient connu trois grandes mutations : « un savoir sur les humains au début, puis pendant plusieurs décennies la connaissance des nations et des citoyens, enfin l’étude des conditions matérielles »37. Avant la fondation de la République, le souci principal de Kang était la prégnance des examens impériaux et le faible intérêt pour les connaissances scientifiques modernes. Mais après la fondation de la République, devant les mises en cause de la religion de Confucius émanant notamment de Cai Yuanpei, Kang revint à la question de la lecture des Classiques confucéens dans les écoles nouvelles.

53 Suite à la suppression par le ministère de l’Éducation de l’étude des Classiques confucéens dans les écoles primaires et secondaires en 1912, Kang Youwei adressa à de nombreuses reprises des lettres aux principaux initiateurs de cette mesure, dont Yuan Shikai, pour exprimer fortement son opposition. En 1916, après la nomination de Fan Yuanlian (1875-1927) comme ministre de l’Éducation et sa décision de transformer le cours de lecture des Classiques confucéens en un cours de culture de soi, Kang Youwei écrivit de nouveau une lettre où il estimait indissociables le perfectionnement de soi et la lecture des Classiques.

54 Face à l’argument qui pointait l’absence de Classiques dans les écoles étrangères, Kang répondait : l’institution de l’église en Occident avait déjà résolu le problème de la lecture des Classiques ; or la Chine ne disposait ni d’institution équivalente à l’église en Occident, ni du système de lecture dominicale de la Bible. [En interdisant la lecture des Classiques au sein des écoles], la jeune génération ne connaîtra jamais les Classiques confucéens. Ces derniers seront amenés à disparaître dans vingt ou trente ans. Il s’agira là d’une méthode efficace et rapide pour éteindre la religion confucéenne. Si cela se produisait, à quoi se rattacheraient les mentalités et les mœurs des gens de tout le pays ? Le recours au bouddhisme exige la sortie de la famille et la vie extra-mondaine, ce qui est difficilement acceptable pour les gens. Le recours au christianisme interdit de faire un culte devant les tombeaux [des ancêtres], ce qui ne convainc pas non plus. Les gens vont- ils alors suivre les animaux sans religion ?38

55 Pour Kang, l’apprentissage des Classiques par les enfants ne nécessitait pas de prêter trop attention au fait de savoir s’ils comprenaient ces textes, car leur sens se manifesterait naturellement lors de leur arrivée à l’âge adulte. Cet apprentissage conduirait nécessairement les Chinois à construire les croyances morales élémentaires. Kang savait qu’en Occident, la lecture de la Bible était essentiellement une affaire qui concernait l’Église et ne faisait pas partie du contenu enseigné à l’école. Mais en raison de l’échec de l’instauration de la religion confucéenne comme religion d’État, l’enseignement des Classiques à l’école devint une position à laquelle il se tint fermement. Kang s’enferma donc dans une contradiction à laquelle il ne pouvait échapper : il commença par espérer une différenciation entre les croyances et les connaissances, mais le domaine des croyances ne pouvant être établi, il fut contraint d’essayer d’intégrer les croyances à l’intérieur du système de valeurs moderne.

56 Si Kang était insatisfait de la disparition des Classiques dans l’enseignement scolaire, il critiquait aussi le fait que l’éducation républicaine ne fût pas parvenue à enseigner les aspects de l’Occident :

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Les points forts de l’Europe et des États-Unis résident d’abord dans le développement matériel […], ensuite dans une éducation obligatoire qui s’applique à tous les citoyens et augmente de manière générale leur niveau de connaissance. Or, en Chine, on parle tous les jours de développer l’éducation, mais on ne réalise jamais ces deux points, c’est pourquoi on en voit les inconvénients plutôt que les avantages. Si l’on veut vraiment promouvoir l’éducation, il suffit de demander aux autorités locales d’ouvrir le plus possible d’écoles pour les études matérielles, et de rendre l’éducation obligatoire dans tous les districts, cantons et villes. Quelques années plus tard, les études matérielles se seront progressivement développées et les enfants auront tous des connaissances générales39. En novembre 1923, lors d’un discours prononcé à Xi’an, Kang insistait encore sur sa position : Notre pays est fort en études spirituelles, mais manque d’études matérielles. Sans recherche scientifique ni étude matérielle, il est pauvre et faible et ne peut devenir prospère et puissant. Aujourd’hui, il faut profiter du développement matériel de l’Europe et des États-Unis, promouvoir la science, afin de corriger les défauts de notre pays. Quant à la transformation morale par l’éducation, elle nous appartient de manière intrinsèque, il faut faire de notre mieux pour la défendre et ne jamais l’abandonner. […] À l’extérieur, nous devons poursuivre les sciences de l’Europe et des État-Unis, tout en défendant, à l’intérieur, la religion confucéenne en tant que quintessence nationale40.

57 Cependant, la réalité ne suivit pas la direction envisagée par Kang. Pour empêcher que le nouveau système d’éducation prive le confucianisme de soutien, l’Église de la religion confucéenne décida en 1923 de fonder une université d’enseignement de Confucius. Comme nous le montre l’annonce de recrutement parue dans le numéro 5 du deuxième tome du Jingshi bao, les sections universitaires au sein de cet établissement comportaient un département d’études confucéennes, un département de littérature ainsi qu’un département de droit. En septembre 1923, l’université fit sa rentrée, et dans l’annonce qu’elle fit paraître après sa fondation, elle dénonçait violemment le fait que l’éducation moderne utilisât les ressources de l’État pour détruire l’enseignement de Confucius. Toutefois, des documents précis concernant cette université restent à découvrir.

58 En intégrant de nouvelles connaissances scientifiques, le nouveau système d’éducation n’eut de cesse d’éroder le caractère sacré et l’espace d’existence des études confucéennes, les écoles modernes devenant finalement le lieu de déconstruction de la signification du confucianisme. La synthèse effectuée par Cai Yuanpei lors des débuts de l’Université de Pékin témoigne tout à fait de cette tendance. Cai évoquait ainsi « trois étapes » : Depuis sa fondation jusqu’à la première année de la République, durant une dizaine d’années, […] le principe de notre école était « le savoir chinois comme substance, le savoir occidental comme fonctionnement ». Les enseignants et les apprenants mettaient tous l’accent sur les études anciennes ; le savoir occidental […] apparaissait comme une décoration […] De la première année à la sixième année de la République, […] émergea un élan visant à abandonner complètement les études anciennes, […] à ce moment, le savoir chinois recula et se retrouva en situation de décoration. […] Depuis la sixième année de la République, on cherche plutôt à faire communiquer savoir chinois et savoir occidental. Il est vrai que la science inventée par l’Occident exige la méthode occidentale pour faire les expériences, mais les matières chinoises, c’est-à-dire les études propres à la Chine, doivent aussi être soumises au traitement par la méthode scientifique41.

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Conclusion

59 Dans la Chine traditionnelle, le confucianisme représente la synthèse entre des croyances, des connaissances et une morale. La religion et la science occidentales pénétrèrent conjointement en Chine, y apportant un nouveau mode de pensée né du mouvement des Lumières, qui sépare les croyances religieuses de la science empirique. Kang Youwei fut précurseur lorsqu’il tenta d’utiliser la différenciation occidentale entre la religion et les savoirs pour reconstruire un avenir au confucianisme. Il souhaitait ainsi que le confucianisme devînt une religion, se proclamant le Martin Luther de la religion confucéenne. Bien qu’il analysât de manière approfondie la différence entre la religion confucéenne (un enseignement de la voie humaine) et les autres religions (un enseignement de la voie divine), cela ne l’empêcha pas d’importer les églises, les préceptes religieux et même les actions de prosélytisme communes aux religions pour fonder son Église de la religion confucéenne. Il s’efforça également de promouvoir activement l’instauration d’une religion d’État dans le système de gouvernement constitutionnel de la République.

60 Cependant, ayant pour objectif la formation morale, le modèle d’éducation confucéen se distinguait du système d’éducation moderne dont le cœur était la formation professionnelle et la recherche scientifique. Il était donc perçu comme une raison essentielle dans le manque de compétitivité internationale de la Chine. Kang Youwei s’efforça de concilier éducation confucéenne et système d’enseignement moderne, mais après la fondation des nouvelles écoles, le confucianisme fut transformé en un système de connaissances et démembré entre les différentes disciplines modernes, en particulier après la suppression de l’étude des Classiques confucéens. La légitimité des valeurs confucéennes ne put par conséquent être préservée.

61 Comme le révèle le projet de réforme de Kang Youwei, le confucianisme tel qu’il le concevait devait différencier croyances et connaissances. Toutefois, sa conception présentait une profonde contradiction : dans une époque gagnée de jour en jour par un élan rationaliste, Kang souhaitait fonder une religion confucéenne selon le modèle des églises en Occident, agissant ainsi dans le sens inverse de l’histoire. Par ailleurs, ses projets et actions demeuraient liés au soutien du pouvoir, à la dépendance à l’égard de l’empereur Guangxu pendant la réforme des Cent jours, aux tentatives d’instaurer une religion d’État sous la République. Cette caractéristique ne s’accordait pas non plus avec la tendance moderne à la séparation entre le politique et le religieux. La conséquence directe fut que les nouvelles classes d’intellectuels firent du confucianisme l’opposé de la démocratie et de la science. C’est pourquoi la réforme de Kang Youwei, loin d’aider le confucianisme à sortir de son impasse, contribua à l’inverse à ce que celui-ci perde son mode d’existence propre et ne puisse s’adapter à la vague de la modernité. Zhang Zhidong 張之洞

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ANNEXES

Glossaire bagu 八股 Cai Yuanpei 蔡元培 celun 策論 chaju 察舉

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Chen Huanzhang 陳煥章 Chunqiu 春秋 daoxueke 道學科 datong 大同 dijiao 帝教 Fan Yuanlian 範源濂 gaizhi 改制 Guangxu 光緒 guoxing 國性 guwen jingxue 古文經學 He Wen 何雯 housheng 聖 Huang Jinxing 黃進興 Huang Zunxian 黃遵憲 jiao 教 jiaohua 教化 jiaoyi 教義 jiaoyu 教育 jiaozhu 教主 Jingshi bao經世報 Jingshi daxuetang 京師大學堂 jinwen jingxue 今文經學 junzi 君子 junzi bu qi 君子不器 Kang Youwei 康有為 keju 科舉 kongjiao 孔教 kongjiaohui 孔教會 Li Yuanhong 黎元洪

Liang Qichao 梁啟超 Liji 禮記 lijiao 禮教 Liyun 禮運 Lunyu 論語

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Peng Guangyu 彭光譽 rendao 人道 rujiao 儒教 Shang qingdi di er shu 上清帝第二書 Shang qingdi di san shu 上清帝第三書 shengping昇平 shenjiao 神教 shijiao 師教 sishu 四書 taiping 太平 Tang Hualong 湯化龍 Wang Rongbao 汪榮寶 wu 巫 xiushen 修身 Yan Fu 嚴復 Yansheng Gong 衍聖公 Yuan Shikai 袁世凱 Zhang Daoling 張道陵 zheng 政 Zhongyong 中庸 Zhu Yixin 朱一新 zong 宗 zongjiao 宗教

NOTES

1. Peng Guangyu, Shuo jiao, tome 1, p. 3. Concernant les débats sur la pénétration et les modifications du mot zongjiao dans la Chine moderne, voir : Chen Xiyuan, « “Zongjiao” : yige Zhongguo jindai wenhuashi shang de guanjianci ». 2. Kang Youwei, « Kongjiaohui xu », p. 346. 3. Ibid. 4. Citation du Lunyu (Entretiens de Confucius), VII, 21 (traduction Anne Cheng, Seuil, 1981, p. 65). 5. « Housheng » est un titre parfois attribué à Xun Zi, penseur confucéen au IIIe siècle av. J.-C. 6. Kang Youwei, « Jiaoxue tongyi », p. 20. 7. Kang Youwei, « Shili gongfa quanshu », p. 156. 8. Kang Youwei, « Yu Zhu Yixin lun xue shu du », p. 325. 9. Après une longue période d’érudition historiciste et rationaliste, portant surtout sur les Classiques dits en « écritures ancienne » qui avaient été consacrés sous les Tang, la fin du XVIIIe

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voit réapparaître une pratique exégétique visant des vérités atemporelles, qu’elle découvre essentiellement dans les Annales des Printemps et Automnes. Dans ce Classique, Confucius était censé avoir exprimé à mots couverts une « critique éthico-politique qui visait ses contemporains autant qu’il dessinait un monde idéal à venir » (cf. Anne Cheng, Histoire de la pensée chinoise, p. 610). C’est dans ce dernier courant que s’inscrit Kang Youwei. 10. Chen Huanzhang, natif de Gaoyao dans le Guangdong et disciple de Kang Youwei, est un des représentants principaux du mouvement de fondation d’une religion confucéenne. 11. Ding Wenjiang & Zhao Fengtian (éds.), Liang Qichao nianpu changbian, p. 279. 12. Liang Qichao, « Baojiao fei suoyi zun Kong lun », p. 307. 13. Kang Youwei, « Yu Chen Huanzhang shu », p. 337. 14. Ibid. 15. Kang Youwei, « Kongjiaohui xu », p. 345-346. 16. Kang Youwei, « Zhonghua jiuguo lun », p. 325. 17. Ibid. 18. Zhongguo shehui kexueyuan jindaishi yanjiu suo, Kongjiaohui ziliao, p. 33-34. 19. Voir Ke Huang (ed.), Kongjiao shinian da shiji, volume Ge, p. 76. 20. En 1912, Cai Yuanpei, devenu ministre de l’Éducation, publia un À propos de l’orientation et des principes de nouvelle éducation, qui s’opposait à l’objectif final d’éducation établi en 1906. Il affirmait : « La loyauté envers l’empereur [était] incompatible avec le régime républicain, et la primauté accordée au confucianisme contraire à la liberté de croyance ». Voir Cai Yuanpei, « Duiyu xinjiaoyu zhi yijian », p. 136. En juillet 1912, la Conférence sur l’éducation qui s’ouvrit provisoirement vota un nouvel objectif d’éducation : « attacher de l’importance à l’éducation morale, compléter cette éducation par l’éducation scientifique, citoyenne et militaire, et la parfaire avec l’éducation esthétique ». 21. « Xianfa guiding guojiao wenti zhi shezhan », Shenbao, 3 octobre 1913. 22. Voir Huang Kewu, « Minguo chunian kongjiao wenti zhizheng lun ». 23. Kongjiao hui ziliao. 24. Voir Shen Yunlong (ed.), Minguo jingshi wenbian, p. 5144. 25. Pour une description précise des débats sur l’établissement de la religion confucéenne comme religion d’État à travers les révisions successives de la constitution durant les premières années de la République, voir Yin Xiaohu, Jindai zhongguo xianzheng shi, p. 188-194. 26. Jin Guantao et al., Guannianshi yanjiu, p. 243. 27. Huang Jinxing, Shengxian yu shengtu, p. 54. 28. Kang Youwei, « Qing fei bagu shitie kaifa shishi gaiyong celun zhe », p. 79-80. 29. Citation du Lunyu, II, 12 (traduction Anne Cheng, p. 35). 30. Liang Qichao, « Xuexiao zonglun », p. 19. 31. Kang Youwei, Kang Youwei quanji, tome 4, p. 306. 32. Kang Youwei, ibid., tome 4, p. 318. 33. Mao Haijian, « Jingshi daxuetang de chujian », p. 300-301. 34. Zhang Zhidong & Yuanshikai, « Zouqing dijian keju zhe ». 35. Zou ding xuetang zhangcheng – xuewu gangyao, Hubei xuewuchu, 1903. 36. Kang Youwei, « Guanzhi yi », p. 310. 37. Youwei, « Wuzhi jiuguo lun », p. 72. 38. Kang Youwei, « Zhi jiaoyu zongchang yuan jingsheng shu », p. 322. 39. Kang Youwei, « Luan hou zui yan », p. 156. 40. Kang Youwei, « Chang’an jiangyan lu », p. 278. 41. Cai Yuanpei, « Beida chengli ershiwu zhounian jinianhui kaihuici », p. 295-296.

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RÉSUMÉS

Réformateur « radical » actif dans la dernière décennie du XIXe siècle en Chine, Kang Youwei tente d’adapter le confucianisme aux bouleversements de la fin de l’empire afin d’assurer sa survie sous une forme renouvelée. D’une part, il propose, sur le modèle du christianisme, d’établir une « Église » confucianiste en l’instituant comme religion d’État ; d’autre part, il critique les examens mandarinaux et promeut la réforme éducative, tout en espérant pouvoir combiner l’esprit de l’enseignement traditionnel et l’éducation moderne. Ces tentatives se soldent par un échec : le confucianisme ne s’est pas transformé en une religion de style chrétien et la construction de l’éducation moderne lui fait perdre son statut central parmi les valeurs chinoises. L’ambition déçue de Kang Youwei est symptomatique des difficultés que rencontre le confucianisme dans la modernité.

As a “radical” reformer in late 19th-century China, Kang Youwei sought to make innovations within Confucianism so as to adapt this tradition to the sweeping changes of the end of the imperial period. On the one hand, he tried to create a Confucian “Church” by following the Christian model and suggested establishing Confucianism as a State religion; on the other hand, he criticized the imperial civil examinations and promoted educational reform, while hoping to be able to combine traditional teaching with modern education. Those attempts failed : Confucianism was not transformed into a religion of Christian style, and the building of Chinese modern education made it lose its central status among Chinese values. Kang Youwei’s unsuccessful attempts shed light on Confucianism’s predicament in modern China.

作為十九世紀末期“”的改革派人物,康有為試圖改造儒學傳統以對變化的歷史局勢作出回應。 一方面,他嘗試根據基督教的模式建立儒教的教會,並力爭把儒教設立為具有特殊政治地位 的國教;另一方面,他反對科舉,提倡教育改革,希望把儒家教化與現代教育結合起來。然 而,儒家最終既沒有成為基督教式的宗教,同時也在現代教育的建設過程中失去了其作為價 值體系的神聖性。康有為的努力與失敗體現了儒家在現代中國的困境。

AUTEURS

CHUNSONG GAN Gan Chunsong (干春松) est professeur à l’Université du peuple de Chine (Renmin daxue, Pékin), et directeur adjoint de la Faculté de philosophie ; il est également chercheur associé au Centre de recherches sur la morale et la religion à l’Université Tsinghua (Pékin). Auteur de Zhiduhua rujia jiqi jieti 制度化儒家及其解体[Le confucianisme institutionnel et sa désintégration] (Renmin daxue chubanshe, 2003) et Zhidu ruxue 制度儒学 [Confucianisme institutionnel] (Shanghai renmin chubanshe, 2006), il travaille sur l’histoire moderne du confucianisme et sur la tradition chinoise dans son ensemble.

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Muslim Educational Reform in 20th- Century China: The Case of the Chengda Teachers Academy La réforme éducative musulmane au xxe siècle en Chine : le cas de l’École Chengda 二十世紀中國的穆斯林教育改革:成達師範學校個案研究

Yufeng Mao

1 From the late Qing to the Republican era, Chinese-speaking Muslim elites engaged in a movement to build new-style schools for Muslim children.1 Influenced by the widespread educational reform trends in China at the time, these schools were, typically, no longer attached to mosques, and their curricula emphasized the inclusion of modern secular subjects. They had, nonetheless, a markedly religious character and clearly aimed at improving religious education for Muslims.

2 What distinguishes Muslims in China from followers of Buddhism, Daoism, Christianity and Catholicism is the ethnic consciousness of the so-called huimin population. Although Muslims lived in various regions of China and thus frequently spoke mutually incomprehensible dialects, there was nevertheless a strong sense of community, deriving not only from a shared religious faith but also from their dietary habits and well-developed professional and business networks (long-distance caravans, butchering, leather-making, restaurant business). Even more important, however, was their shared sense of ethnic exclusion by the Han. The Qing had codified ethnic discrimination against Muslims and imposed harsher penalties on Muslim offenders. In order to combat this discrimination, in the ethnically diverse region of Yunnan, Muslims often took to identifying themselves ethnically, using non-religious terms.2 In short, the marked sense of ethnic identity among the so-called huimin population derived simultaneously from bonds of self-identification and from the explicit patterns of discrimination imposed by Han society and the state. As a result, the term hui should

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not be translated simply as “Muslim,” since it frequently is used, both by the hui themselves and by the government as referring to an ethnic rather than to a specifically religious identity.3

3 This ethnic awareness shaped Muslim educational reform in China at the turn of the 20th century. Specifically, many Muslim reformers were concerned with the issue of the place of their community in China. For some of the reformers, the attempt to fully integrate the Chinese Muslim population in society proved an important motivation. As a result, the new-style Muslim education aimed to promote Muslim identification with the “Chinese nation,” another construct of the 20th century. This article will use the story of one of the most prominent of these new institutions, the Chengda Teachers Academy (Chengda shifan xuexiao, 1925-1941), to illustrate key aspects of Muslim educational reform in the first half of the 20th century.

Background: Traditional Muslim Educational Institutions

4 Arab and Persian Muslims started to settle in China during the Tang. They moved along the silk roads (both on land and by the sea) and arrived in cities like Chang’an, Luoyang, Kaifeng, Guangzhou, Quanzhou, Hangzhou and Yangzhou. The number of Muslims who came during the Tang and the Song was small, though, compared with the large number of Muslims who came during the Yuan as soldiers and craftsmen. Once settled in China, Muslims would give their children two kinds of education. One was the same given to Chinese children. Often, in the span of two generations, Muslim immigrants started to take civil service examinations and many succeeded.4 During the Yuan dynasty, the authorities gave preferential treatment to the Mongols and the semu, mostly Muslims of Central Asian descent, requiring of them fewer exams and shorter essays.5 This in turn further encouraged Muslim families to provide traditional Chinese education (in the form of private academies or individual tutoring) to their children.6 During the Yuan era, there were Muslim-sponsored private institutions which provided an education similar to that received by Han children.7 These institutions produced a number of Muslim jinshi and juren, high-level civil servants chosen by a rigorous literary examination.8 While for some Muslims this classical Chinese education became a channel for obtaining wealth and status, many conservative families naturally enough viewed such an education, based as it was on the study of the revered , as a threat to their religious and cultural identities. This fear was intensified whenever the Han officials intensified the promotion of classical Chinese education in order to encourage assimilation or acculturation. Recurrent throughout Chinese history are such official campaigns. Examples include the so-called “barbarian schools,” or fanxue, established during the Tang to promote education in Chinese classics for the Muslim “barbarians.” In the 19th century, after the widespread Muslim rebellions in Gansu and Yunnan, officials built educational institutions, sometimes funded by confiscated Muslim properties, in order to promote the assimilation of Muslims as a protection against any future such rebellions.9

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Chengda Teachers Academy

© photos published in Yugong 禹貢 (5)11, 1936

5 The second type of Muslim education is, of course, religious. Before the Ming Dynasty, the mosque provided informal religious education. Starting from the mid-Ming, a more rigidly organized form of religious education, jingtang jiaoyu (scripture hall education), emerged.10 This new institution developed as cultural assimilation increasingly became a threat to faith.11 Most of these “scripture halls” were attached to mosques and employed full-time professional instructors. Over time, this system developed a long line of famous instructors, and three main centers of instruction in Shaanxi, Shandong and Yunnan. It included a systematic and rigid curriculum which was based on “thirteen scriptures” covering Arabic grammar and literature, tafsir (Quranic interpretation), hadiths (prophet Muhammed’s deeds and sayings), balagh (rhetoric), ‘Ilm al-Kalām (theology), figh (Islamic jurisprudence), logic and Islamic philosophy. 12 While the teaching material was mostly in Arabic and Persian, a distinct form of Chinese, called jingtangyu (scripture hall language), was the language of instruction. The scripture halls regularly provided religious education on two levels. The lower level, called the “Elementary Academy,” provided children of the community with instruction in elementary Arabic and basic religious knowledge. The higher level, known as the “High Academy,” provided training for religious professionals. Students of the High Academy, called manla or hailifan, studied full-time and enjoyed free food and board. It usually took around 10 years to complete the High Academy, although there was no set length.13 Since each mosque tended to hire only one teacher (called a kaixue ahong), students had to visit many mosques, some far away, in order to complete the curriculum.14 Because of the stability of the scripture hall institutions from the Ming on, Chinese Islam developed its own canon of philosophy, ethics, and theology. As the pillar for sustaining the faith of the community, those educated in this system

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gradually assumed leadership roles within China’s hui community, replacing the hereditary religious leaders.15

6 These two types of education, Chinese and Islamic, contributed to the construction of hui ethnicity. On one hand, Chinese education, whether taken voluntarily or not, promoted identification with the state and mainstream Chinese culture. On the other hand, scripture hall education, while limited in its scale, provided a religious orientation which formed the foundation for the hui culture.

7 As early as the middle of the Qing dynasty, a new type of Muslim educational institution that provided both Islamic and Chinese education emerged. Some were called jingshu yixue, or “school for Islamic scriptures and Chinese classics.” Other schools went by names such as qingzhen xuetang (Islamic academy) or jingru xiaoxue (Quran-Confucian elementary school). These institutions provided 2-3 years of education in both the Chinese classics and Arabic and Islamic knowledge.16 In 1883, for example, a mosque in Haiyang County of Henan established a school for thirty students in which both Arabic and Chinese were taught.17

8 In the early 20th century, these “schools for Islamic scriptures and Chinese classics” underwent significant changes. The most important change took place in the curriculum, where the portion formerly solely devoted to the Chinese classics was expanded to include general subjects. For example, the Dongguan Mosque’s school in Luoyang, established in 1822, changed its name to Elementary Academy in the early 1910s and included Chinese, mathematics, and current events in the curriculum.18

9 Muslim educational reform in the early 20th century was a product of both official campaigns and efforts by reformers within the community. After the late Qing government promoted the new-style schools, a large number of Muslim schools emerged. However, since the government did not provide sufficient funding, most of these new schools were funded by Muslim communities themselves. Private initiatives sometimes were motivated by the desire to modernize the community and sometimes in response to official pressure. For example, around 1931, Feng Yuxiang governed Henan and launched a campaign to turn temples (including mosques) into schools. In response, Muslims built schools inside the mosques in order to keep their mosques.19 Unlike traditional mosque sponsorship, the new-style Muslim educational institutions were sometimes sponsored by the government, sometimes by private Muslims, and sometimes jointly sponsored by the government and Muslim individuals. Often, the same institutions would move between all three kinds of sponsorship during the course of their existence.

10 Since most of these schools received at least part of their funding from Muslim individuals, these individuals had a substantial influence over the operation of the school. As a result, these schools maintained their Islamic characteristics, including training in Arabic, and in basic Islamic doctrine. Many exclusively recruited Muslim students. Such autonomy, however, would be lost when financial difficulties or government intervention made the schools’sponsorship solely governmental. When the Muslims schools merged with government-sponsored schools their Islamic character was lost. Scholars have recorded examples of such merging in Henan, Heilongjiang, and other provinces.20 Over all, efforts to promote new-style education for Muslims faced great difficulties, as a result of the political and economic turmoil that plagued the country during this period. For the most part, Chinese Muslim communities remained poor and isolated and Muslim children had limited access to education of any kind.

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11 Among the many difficulties these new Muslim schools faced, a recurrent problem was the lack of qualified teachers trained in both secular subjects and religious learning. Responding to this challenge, a new-style High Academy of scripture hall education emerged in the early 20th century. They were no longer called the High Academy but took a modern name, shifan, or teachers academy. The purpose of this modern version of the “High Academy” was to cultivate Imams and teachers within the framework of the new curriculum.21 These teachers would be capable of teaching Chinese classics and general subjects in addition to religious subjects. The earliest Muslim teacher training institution was established by Imam Wang Kuan and his student Imam Da Pusheng in Beijing in 1908.22 Like other new-style Muslim elementary schools, many of these new- style teachers academies were forced out of existence by extreme financial difficulties. 23 Out of all these new schools, the Chengda Teachers Academy was the most successful and influential. The following sections will use the case of Chengda to illustrate the key figures involved in Muslim educational reform, the purpose and content of the reform, as well as how it was affected by the sense of an ethnic identity.

Replacing the Scripture Hall with the Teachers Academy

12 In the early 1920s, several influential Muslims in Jinan of Shandong province became interested in building a post-elementary school that would educate Muslims qualified to be teachers in the modern Muslim schools. Tang Kesan, then an official at the prefecture of Jinan, came from a Shandong Muslim family that had been successful for generations in the civil service examination system. Tang himself had been involved in the founding of Chinese Islamic Progressive Association (CIPA) in 1912 (the first country-wide Muslim association) when he was a member of the first National Assembly of the Republic. In the same year he built a Muslim elementary school in his hometown in Zouxian, Shandong.24 Two other Muslims involved were Mu Huating and Fa Jingxuan. Mu Huating, whose family owned the property on which the school would be established, was a retired military officer who had performed hajj around 1920.25 Seeing the dissolution of the Ottoman Empire and the nationalist secularist reforms in Turkey strengthened his desire to adopt similar reform efforts and pull Chinese Muslims out of the poor conditions similar to those he had witnessed in the Middle East. Mu also found Chinese Muslims less educated than Muslims in other countries and wanted to develop education for Chinese Muslims.26 Fa Jingxuan was a local businessman and at the same time a self-taught Muslim scholar who loved works by Liu Zhi, an author of the famous Han Kitab, Islamic religious texts written in classical Chinese during the 17th century.27

13 In 1922, Mu Huating went to Tianjin and Beijing to seek an Imam who could help with the building of the new school. He found Imam Ma Songting, who had studied with prominent reformers Imam Zhang Ziwen and Imam Da Pusheng, both founding members of CIPA (Imam Da Pusheng was Imam Wang Kuan’s student and had co- founded with Imam Wang Kuan the first new-style Muslim schools in Beijing). Ma Songting liked the idea of building a new-style school to train leaders of the Muslim community. He left his position as the Imam at the Xidan Mosque in Beijing and came to Jinan with four of his students (halifan).

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14 Between 1922 and 1925, they worked on preparing the community in Jinan for a new- style school for Muslim education. In the small mosque built by Mu Huating, the Imam gave sermons, and offered night classes to elders and children. In these night classes both Arabic and Chinese were taught. Free classes were offered for poor people and women.28 By these measures, the small mosque, and its emphasis on improving the lot of Muslim community through education, increased its influence in Jinan.

15 The reformers then started to recruit students for a new-style teachers academy. Fa Jingxuan, who enjoyed a good reputation among the locals, took on the responsibility of recruiting local students. Initially, few parents he spoke to were willing to let their children learn to read Chinese, seeing this kind of new-style education as heterodoxy.29 But after much persistence and persuasion, stemming largely from the efforts of the Imam himself, a few local Muslim families agreed to enroll their children. Thus, in 1925, the Chengda Teachers Academy was formally founded, with Tang Kesan as the headmaster and Ma Songting in charge of running its daily affairs. Several local students, plus the students brought by Ma Songting from Beijing, formed the first class of Chengda. Few of the first group of a dozen students, however, had the required elementary-school education originally hoped for by the school’s founders.30

16 In 1927, with a few more donors joining the board, Chengda expanded and several graduates of Beijing University were hired as teachers. In this year, Chengda adopted a six-year system, a standard for teachers colleges at the time.31 Compared with the “one teacher-several students” model in traditional scripture hall education, Chengda instituted classes and grades. While many of the rules of the school were similar to non-Muslim schools, students at Chengda were treated in the same manner as halifan (religious students) had been at the traditional scripture hall. For example, they were all required to observe daily prayers and Ramadan.32

17 Chengda made three key changes to the traditional scripture hall education: adopting the Chinese language, general education, and emphasizing the expected roles its graduates would play. The first is language. Since most Chinese Muslims could no longer read Arabic or Persian it usually took students of the Scripture Hall many years to master these languages. Thus the refusal to use the Chinese language in religious education had increasingly become an obstacle. Imam Pang Shiqian, who would later be recruited by Chengda commented in a 1929 article: “By placing such an emphasis on the study of Arabic and Persian language and grammar, and without using the national language (guowen), the religious doctrines themselves are being increasingly neglected.”33 Pang raised an issue that many reformers had seen. In order for Chinese Islam to grow or even to survive, using the Chinese language as a carrier for religious texts (including the Quran) was inevitable. In a way, the Chengda founders became the 20th century successors of the Han Kitab generation of Muslim integrationists. The founders were admirers of Liu Zhi and were well-read in his works.34 Like Liu Zhi, they were interested in promoting the full integration of Muslims into Chinese society. This principle meant that Muslims should engage directly with Chinese society, and enlighten the Chinese with Islam by adopting the Chinese language as the carrier of religious texts.

18 Traditionally, many Muslims had viewed with suspicion those who studied the Chinese classics, believing that Chinese learning was a threat to Islam. Muslims were particularly suspicious of those who were well-enough versed in the Chinese classics to pass the civil service exams and gain entry to the bureaucracy. This was reflected in the

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saying “those Muslims whose official rank reached the third pin are necessarily anti- Islam (guan dao sanpin bi fanjiao).”35 Muslims generally did not send their children to Chinese schools, in part because of the inconveniences posed by dietary restrictions but also because of a fear of assimilation. Under the old-style mosque-based education, children only studied religious texts, and only in Middle Eastern languages. This unwillingness to study Chinese classics, Muslim educational reformers believed, had produced the backwardness of the Muslim communities by limiting Muslims’ability to seek economic and other opportunities in Chinese society. In the minds of the reformers, Chinese Muslims had lived in a closed world for too long, and this self- imposed marginalization had caused the Chinese Muslim community to lag behind other groups in Chinese society. To remedy this marginalization, it was seen as necessary that Muslims learn written Chinese and participate in full in Chinese life.

19 The second aspect of Chengda’s reform was to provide a general education instead of simply a religious education for its students. In terms of curriculum, Chengda expanded on the Scripture Hall’s traditional exclusive focus on theology, and incorporated education in secular subjects.36 Persian was no longer taught. 37 Arabic, Chinese, and Islamic theology were taught in all six years. Some of these theology classes were taught in Chinese and others in Arabic. Fa Jingxuan taught theology classes in Chinese and used books from Han Kitab, including Liu Zhi’s Tianfang Dianli and Tianfang Xingli.38 In the first three years the students would also study history, geography, mathematics, physics, chemistry, and biology; during the last three years they would focus on educational methods, school administration, accounting, and so on.39 Martial arts were also taught.40

20 This new emphasis on secular subjects reflected trends in both China and the broader Islamic world. In the Islamic world, responding to the growing dominance of Western countries in the late 19th century and early 20th centuries, many in the Islamic world advocated adopting Western institutions and ideas in order to catch up with the West. Promoting a modern-style education, instituting civil law codes based on Western models, and advocating nationalism and decolonization were some of the most important themes in these reform efforts.41 Print culture and transportation were instrumental in linking Chinese Muslims to this broader modernizing Islamic movement. Arabic books on reformist thinking in such fields as politics, constitutional government, international affairs, economics, and civil law were imported.42 Besides these influences, travel to the Middle East exposed Muslims, especially imams fluent in Arabic or Turkish, to Muslim modernist ideas. The founders of Chengda were clearly influenced by this modernizing movement in the broader Islamic world.

21 The third aspect involves citizenship education. Interested in generally promoting Muslim identification with the Chinese nation-state, the Chengda leaders made “patriotism education” an important part of the curriculum. Chengda’s de facto headmaster, Imam Ma Songting, wrote in 1936 that traditional education did not educate students with “spirit of the time (shidai jingshen) or “notion of the country (guojia yishi)” and caused the Muslim community’s isolation from Chinese society.43

22 Interestingly, such an emphasis on teaching secular subjects and training Muslims to be good citizens of China was shared by leaders of another Islamic movement in Northwest China, the Ikhwani movement. Originally inspired by teachings of ‘Abd al- Wahhab, the Ikhwan in the 1930s dissociated itself from ‘Abd al-Wahhab and made efforts to appear politically reliable.44 One notable leader of the movement, Imam Hu

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Songshan, actively supported the teaching of Chinese, modern subjects, and patriotism in Muslim schools.45

Resettlement in Beijing (1928-1937): The Flourishing of Chengda with Political Supports

23 In May 1928, Japanese forces took practical control over Jinan in the name of protecting Japanese citizens and property in the face of the advance into Northern China by the army of the newly established Nationalist Party government in Nanjing. The city was in a chaotic situation and schools could no longer operate.46 Tang Kesan and Ma Songting went to Beijing to seek help from the powerful Muslim warlord Ma Fuxiang, who had been appointed as the deputy director of the Nationalist government’s Mongolian- Tibetan Committee.47 Ma agreed to provide financial support and offered a large property of his in the Dongsi Mosque in Beijing as a new Chengda location.48 The board then decided that Chengda would move to Beijing. At a farewell party given at a mosque in Jinan, Fa Jingxuan gave a speech comparing this move to the Prophet Muhammad’s hijra.49 After the party, teachers and students left Jinan in the rain in ten rickshaws. To avoid harassment by the Japanese, they all wore armbands that pretended to show that they were members of the Red Swastika charity organization, and went to a train station in a nearby town to catch a train to Tianjin.50

24 In the summer of 1928, the Nationalist Party successfully defeated the warlord- controlled government in Beijing and, at least in name, reunified China under a new central government in Nanjing. Although the political climate was still plagued by struggles among the remaining warlords, and between the central government and the aggressions by foreign powers, notably Japan and Russia, and the Nationalist Party’s obsession with curbing the growing Communist Party, nevertheless things gradually returned to normal as the Nationalist government returned law and order to many parts of the country and a relatively liberal and reform-minded environment provided a friendly environment for Chengda to grow. Recruiting qualified students and teachers became much easier.

25 Like many other new-style Muslim schools, Chengda might have ended its existence due to financial difficulties and political turmoil at this time. Financial support from a politically powerful figure (Ma Fuxiang in this case), however, prevented this and would continue to be important for the school’s future development. Because of the strength of the Muslim warlords in the northwest, and because of the sensitivity of religious and ethnic issues, the Nationalist government in the 1930s (and in the 1940s as well) adopted a policy of co-opting these Muslim warlords. Among them Ma Fuxiang was particularly trusted by Chiang Kai-shek. Because of his financial power and political connections, Ma remained the guardian angel for Chengda until his death in 1933.

26 Ma Fuxiang had been promoting the Muslim cause in the Northwest during the 1920s. During the warlord period (1917-1927), most parts of China were caught in the middle of wars among various warlords which of course greatly impeded any of these reform efforts. Some scholars have argued, however, that the Muslim warlords in the Northwest, who increased their power during this period, played a “special role” in the Muslim communities through their promotion of industry, commerce and education.51 During this period, Ma Fuxiang, based in Ningxia, played the most significant role. In

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1918, he had established the Office for Promoting Mongolian and Muslim Education in Ningxia. At the same time, he sponsored dozens of Islamic elementary schools (Qingzhen xiaoxue) in which Arabic was taught along with the general curriculum.52 In 1919 he donated a sum of money to enable Gansu youths to study outside Gansu or abroad.53 In the 1920s, he sponsored the printing of a number of Chinese texts on Islamic doctrines — the Han Kitab.54 Other than Ma Fuxiang, powerful Muslim warlords such as Ma Qi and Ma Bufang in Qinghai also promoted modern education through establishing schools such as the Ninghai Islamic School, where religious texts were taught in addition to the regular curriculum, and Friday was the day off. While these Muslim warlords clearly engaged in these projects in order to strengthen their own base of influence, they were also evidently believers in the role of education in modernizing the Muslim communities and integrating the Muslim population into the Chinese nation.

27 After the founding of the Nanjing government, Ma continued to promote reform projects for Muslim communities. In 1927, he established the Chinese Islamic General Association in Shanghai. In 1928, Ma Fuxiang established, with Sun Shengwu, a Muslim middle school in Ox Street.55 He gained the trust of the Nationalist government in part because of a pledge of loyalty to the central government and in part because of his strong commitment to promoting the integration of Muslims into the Chinese nation. Many of his actions and words show his commitment to help integrate ethnic minorities into the nation-state through a modern education that both taught written Chinese and also cultivated patriotism. The Nationalist government put Ma Fuxiang in charge of the Mongolian-Tibetan Committee for the purpose of integrating not only Muslims, but also other boarder peoples like Mongolians and Tibetans into the nation- state. In 1928, Ma became a member of the Military Committee of the Nationalist Government, and head of the Mongolian-Tibetan Committee. In 1929, he compiled a textbook (on patriotism and other topics) for a seminar he taught to Mongolian and Tibetan military officers.56 After becoming involved in the Mongolian-Tibetan Committee, he also continued to invest in modern Muslim schools everywhere, though Chengda was one of his favorites. Between 1929 and his death in 1933, Ma provided one hundred yuan per month for the publication of Yuehua, the school’s influential journal, discussed later in this article. In 1931, he donated 300,000 shares of a textile factory as an endowment for four Muslim schools including Chengda. In addition to providing funding himself, Ma Fuxiang used his position as the head of the Mongolian-Tibetan Committee to obtain 700 yuan a month of official funding for Chengda.57 After his death, his son, Ma Hongkui, became the board director of Chengda and continued to provide funding for the school.

28 In Beijing, Chengda also established ties with other Muslim officials. Two officials and founders of CIPA in 1912, Hou Songquan and Ma Linyi, both became board members. Ma Linyi was the first head of CIPA in 1912. As mentioned in the last chapter, Ma Linyi had been a Qing official, joined Sun Yat-Sen’s Revolutionary Alliance in Japan and had close relations with Sun Yat-sen. He continued to hold high-level positions in the Republican government, either controlled by the warlords or by the Nationalists. In the 1910’s, he was the head of the Department of Education in Gansu and promoted modern Muslim education there, building nearly three hundred schools for Muslims. In 1920 he became deputy Director of the Ministry of Education.58 These high officials provided both financial and other support to Chengda. The fact that these Muslims had high political status in the modern Chinese nation-state was consistent with the

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reformers’desire to claim their rightful place in the Chinese nation-state and encouraged them to continue that pursuit.

29 Chengda flourished. The school expanded and the student body grew. By 1930 the school expanded from a dozen students to over a hundred.59 The first class graduated in 1932, after eight years’study.60 This graduation was widely publicized and received considerable attention from both the non-Muslim as well as the Muslim community. In the 1930s the school sent several groups of students to study at Al-Azhar University in Cairo. In 1932, Ma Songting visited the king of Egypt and the president of Al-Azhar and brought back over four hundred books donated by the king and Al-Azhar University as well as two professors from Al-Azhar.61 To promote the translation of religious texts into Chinese, starting in 1929, Ma Songting organized Chengda students and faculty to translate the Quran.62

30 After several years of experimenting, shortly after settling in Beijing, Ma Songting’s ideas about what Chengda education should focus on became clearer. He decided that Chengda’s students should become capable of being, in his phrase, “three heads at once”: heads of mosques, heads of schools, and heads of CIPA branches. This differed dramatically from the kind of goals envisaged by the traditional scripture hall. Ma decided that leaders of Muslim communities should also be able to improve general education for the community and promote social and political activism.

31 Chengda was not the only Muslim teacher training institution. Other Muslim teacher training institution at the time included the Shanghai Islamic Teachers Academy, established in 1928 by Imam Ha Decheng and Imam Da Pusheng (with Ma Fuxiang as the main founder),63 the Mingde High School in Yunnan, established in 1929, the Wanxian Islamic Teachers Academy in Sichuan, established in 1928, the Chinese-Arabic Teachers Academy in Wuzhong, Ningxia, and Yunting Middle School, established by Ma Hongkui in 1934. Chengda’s central location and its powerful patrons, however, made it the most successful new-style Muslim educational institution.

Chengda’s Promotion of Patriotism through Yuehua Magazine

32 The Muslim educational reform movement paid special attention to Muslims’place in the new nation-state. In the fall of 1929, Chengda started to issue the Yuehua magazine. Issued three times a month, and widely circulated, Yuehua became an effective tool in promoting the Chengda vision of Muslim modernization. In the first issue, published on November 5, 1929, six goals were listed: 1. to carry out Islamic doctrines consistent with modern (xiandai) trends ; 2. to introduce news about Muslims (huimin) in other parts of the world ; 3. to improve awareness of Muslims in China (zhongguo huimin) and improve their status ; 4. to explain the misunderstandings between the new and old Muslim sects ; 5. to strengthen the sense of country (guojia guannian) among Muslims in China ; 6. to promote education and a better livelihood for Muslims in China.64

33 The Chengda Publishing House was established in 1933 and printed numerous Chinese and Arabic texts of Arab and Islamic studies. Aside from Yuehua, the Chengda-produced journals included Chengshi yuekan, managed by the Student Union of Chengda. In 1929

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Chengda sponsored the Chinese Islamic Students Association.65 This association helped promote interactions between Chengda students and Muslim college students who had not necessarily received religious training. This not only gave these students more of a sense of their religion, but also exposed the Chengda students to modern ideas and trends.

34 From its founding, as I have suggested, a distinctive and central goal of Chengda’s educational program was to promote a sense of country (guojia yishi). Their arguments had a number of strands. Many Muslims at that time did not identify themselves as Chinese, but looked toward Turkey and the Arabic world as their real homeland. Chengda sought to convince these Muslims that since they had lived in China for many generations so China was, obviously enough, their country (guojia), and they should think of their sense of religious identity as something quite separate from their political identity as Chinese citizens. Religion was about faith, whereas love of country was concerned with the physical survival of a people, and was independent of religion. They also made the case that identifying with China was a temporary measure for Chinese Muslims until a pan-Islamic empire was re-established. In an ideal world, Muslims all over the world would be united by their religion, and national borders (guojie) and ethnic (zhongzu) differences would not matter. But since that was not going to happen immediately, the second best thing would be to unite Chinese Muslims, since the religion could only prosper when China was strong. In a world where the strong oppress the weak, and only the fittest survive, many countries had lost their statehood (wangguo). The five races in China therefore needed to work together to save China.66 A conception of the nation, based on the ideal of a “Republic of Five Nationalities” would empower Muslims. In this sense, the Islamic revival in China could merge with the Chinese national revival project. Furthermore, Yuehua argued that patriotism was required by religion. This idea was promoted by clergymen like Wang Jingzhai, who, in a famous article, looked toward religious authorities for doctrines that said Muslims should love their country. One passage Wang cited in this article, and which was adopted by later Muslim reformers throughout the century, noted that the Prophet had once said that loving one’s country was required by faith.67 Wang’s article became influential in the cause of promoting patriotism among Muslims because Wang and his sources represented a religious authority that could not be easily disputed.

35 Chengda’s influence went beyond its campus. Yuehua was issued frequently and had a wide readership among Muslims. Other Chengda journals such as Chengda Wenhui, were also influential. The Chengda publishing house published translated Arabic texts, reprinted Han Kitab, and published the first Chinese version of the Quran translated by a Muslim, Imam Wang Jingzhai. Through these publications, Chengda promulgated both religious and secular visions held by Chengda faculty and students among the reading Muslim public in China.

36 Chengda’s role in promoting Muslim integration is an example of convergence of interest between Hui Muslim elites and the Chinese state. In addition, Chengda’s success benefited from the stable political situation made possible by Nationalist Party’s consolidation of power in China. One important reason for its success was that the Nationalist leaders themselves sought close relations with high level Muslim officials, who in turn influenced Chengda with their personal and state interests. Thus the school also functioned as an intermediary between the state and the Muslim public.

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Chengda in the Debate on Muslim Nationality

37 In the late 1920s and early 1930s, a debate went on among Chinese politicians and intellectuals about whether all Muslims in China form a huizu, or a Muslim nation/race. The government officials, fearing that Muslims would demand greater political representation, insisted that only the Uyghur should be considered the huizu, while other Muslims were simply ethnic Han Chinese with Islamic faith. As they had been in the late Qing and early Republic, Muslims were divided on this issue. Some, worried that being seen as a separate nationality would hinder their efforts to fit into the Chinese nation, agreed with the government that only the Uyghur were the huizu. More Muslim intellectuals, however, believed that all Muslims, including the Chinese- speaking Muslims, were huizu, or the “Hui nation.” For them, being labeled as a separate nation meant greater representation in the political system. Chengda and Yuehua belonged to the second group. By insisting that all Muslims in China were huizu, they also wanted to promote unity among all Muslims, including the Uyghur. They used Sun Yat-sen’s definition of nation (zu) to argue their case. The third issue of Yuehua published the following comments by Sun Yat-sen, In general, people who worship the same god or believe in the same ancestor, can form a nation (minzu). The strength of religion in making nations is enormous: take Arabic and Jewish countries (guo). The countries themselves have long disappeared, but the Arabs and the Jews survive. This is exactly because they each had their religion.68 Sun’s words couldn’t be clearer: shared faith alone provides the basis for the formation of an ethnic group. By reminding Muslims that they belonged to a larger entity the editors sought to promote unity among Muslims in China. The first article on this issue of Yuehua dealt with the very problem of disunity in Muslim countries. This article, written by “Xingwu,” sought to find the reason for the decline of Islam and the answer was disunity. The author lamented that Muslims, holders of the true religion, had been enslaved by “the white people who believed in other religions” (yijiao de bairen). The biggest reason for such a situation was disagreement among different sects. The author then raised two examples from among Muslim countries to make this point. Turkey was a positive example of a Muslim country that, through the unity of its people, had succeeded in gaining independence and had modernized. The negative example was Afghanistan, which had failed because of a lack of such unity. The author then said that Chinese Muslims were divided between the two kinds of people. One kind were the conservatives who focused solely on religion and remained oblivious of things going on in the country and in the world. The other type were the ones who leaned toward new things and essentially disregarded their religion. As a result of this split, Islam had not prospered in China and non-Muslims knew little about their religion. At the end of the article, the author called on the two sides to correct their weaknesses, unite their thinking (sixiang tongyi), and get rid of divisions in order for “the truth of Islam to shed its light.”69

38 The influence of pan-Islamic sentiments also led Chengda to argue that all Muslims were the same nation. Its contacts with the Islamic world through educational exchanges introduced trends in the Islamic world both in its classrooms and through its publications. Through these contacts, Chengda came to see the Chinese Islamic revival movement as part of a global Islamic revival. Articles in Yuehua often compared the situation of Muslim communities in China with those in the rest of the Islamic

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world. This comparison tended to lead to the conclusion that Muslims in China were behind Muslims in other parts of the world and that it was time to devote energy to reviving Islam in China. When a Chengda student in Egypt wrote and published an article in Yuehua about the Islamic youth movement he had learned from people from Western Asia,70 Yuehua responded by publishing a series of articles discussing how Chinese Muslim youths should respond to such a movement. In the period 1933-1934, the Chengda journals published numerous student opinions advocating pan-Islamic sentiments. For the most part, though, such pan-Islamic sentiments were not specifically political in character, and focused instead on the need of Islam to modernize. As such, Chengda leaders did not view their development as threatening to the Chinese state.

39 These efforts did however alarm the Nationalist government. Some officials believed that the insistence that all Chinese Muslims in China belong to the Hui in the “Republic of Five Nationalities” implied much greater political representation than what the Nationalist state was willing to grant, and would hinder the state’s assimilationist goals. Furthermore, they were worried that this definition, and the Chengda students’expressed interest in pan-Islamism, would be exploited by Japan in its efforts to co-opt Chinese Muslims..

40 As a result, in 1934, Ma Hongkui, at the time the board director of Chengda and Chairman of Ningxia Province, published an open letter in the Dagongbao, he expressed uneasiness over Chengda’s pan-Islamic positions, saying that Chengda’s display of an Islamic star-and-moon flag, tended to present Chengda as a kind of embassy, and was “a big mistake.” He also directly criticized Chengda’s position that all Muslims belonged to the same minzu. He said, […] religion is not race (zhongzu). Although Islam originated in Arabia, believers are all over the world. One cannot say that all believers of Islam are of the same people. Everyone knows this. We are members of zhonghua minzu, we are citizens of China despite our faith in Islam.71 Ma opposed the argument that all Muslims in China were huizu for two reasons. First, his opposition was shared by some Muslim reformers who thought labeling Muslims as a separate zu would hinder the goal of incorporating Muslims into the Chinese nation. Second, he understood the Nationalist government’s concern that calling all Muslims a nationality could cause pan-Islamic sentiments which could be exploited by Japan. Ma published this letter out of concern for his own political career in the Chinese state. He wrote, Currently I have important military and political responsibilities and thus I do not dare to agree [with such practice]. Yesterday I sent a letter to headmaster Tang Kesan, seriously stating that I ask him to educate students according to the school’s original mission and with Arabic and Chinese religious texts, to stop activities outside [Chengda], and abolish all publications other than teaching-related material. [If Chengda] corrects past mistakes, I will continue to take the responsibility [of being director of the board]… Otherwise [I] will sever my relationship with the school…72 Apparently, Chengda’s activism outside the campus had alarmed the government, and Ma Hongkui had to publish this open letter to show that he had nothing to do with such activities. On August 22, 1934, He Yaozu, a high-level official, sent a memo to Chiang Kai-shek and attached Ma Hongkui’s letter. In the memo, he also expressed concern over pan-Islamic sentiments as well as over Japan’s effort to exploit those sentiments. He wrote:

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[The Japanese] believe that Muslims in China have strong religious faith but shallow national consciousness (guojia guannian) and as such have given them opportunities. […] [A Japanese] first contacted Muslims in the Northeast and instigated several hundreds of Muslims who were influenced, and established daily newspapers and magazines for propaganda purposes. [Japan] also sent imams to promote [their ideas] in inner areas and its influence has gradually reached the Yangzi River areas…73 He continues to argue that this Japanese effort to win over Chinese Muslims could benefit from Chinese Muslims’activities: Muslims of our country had started a pan-Islamic movement since [1927]. This is the so-called new Islam. [Activists of this movement] have founded the Yuehua magazine and the Chengda Teachers College. Much of the messages in their propaganda and education violate the interest of the Nation (minzu). At that time the responsible person was Tang Kesan and others. Ma Yunting (another name for Ma Fuxiang) inevitably was being used. [The Chengda leaders’] activities included sending students to study in Egypt and hiring Egyptian teachers. [Chengda’s] opinions say [those who believe in] Islam are [part of the] Muslim nation (huizu). [Some] even propose to awaken pan-Islamicism. They fell in the evil plot of the Japanese and established close contacts with Muslims in the Northeast…74 He Yaozu proposed that the way to deal with the problem would be two-fold. First, he believed that Muslims must be convinced that “nation (minzu) and religion should be separated.” To achieve that goal, propaganda was needed to convince the Muslims that they were really Han Chinese who differed from other Han only in terms of religion. Second, he proposed using Muslim leaders to intensify efforts to indoctrinate Muslims with party doctrines.75

41 Despite this uneasiness on the part of the state concerning Chengda’s activities, for the most part Chengda continued to operate as in the past. Responding to Ma Hongkui’s letter, the headmaster Tang Kesan, published an announcement saying that Ma Songting’s visit to Egypt was authorized by the school’s board.76 Ma Hongkui, however, did eventually withdrew his support of Chengda which meant it had to find a new stable source for funding. Tang Kesan was at the time the Administrative Chief of the Mongolian-Tibetan Committee. Using his position, he managed to get the committee to give Chengda six hundred yuan per month. Then, in 1935, Tang Kesan and Ma Songting requested that the Nanjing government provide financial support which it agreed to do.77

42 Chengda’s survival in this incident had much to do with the conflict with Japan and the state’s consequent need to gain the cooperation of Muslim leaders. Because of Japan’s occupation of Manchuria in 1932 and its increasingly clear intention to encroach on other parts of China, both the government and Muslim intellectuals came to see the Gansu-Ningxia-Qinghai region as a potential place for the government to retreat to in case of war. So starting from the early 1930s, a movement of “developing the big Northwest” drew many people’s attention to this hitherto neglected area. At the time, many among the Chinese intellectual community started to take an interest in the issues of Muslims and Islam and many started to study the society, religion, and other affairs of the Muslim communities. The most famous scholars were Fan Changjiang, who wrote about his trips to the Northwest, and the historical geographer Gu Jiegang, who took an interest in the history of Islam in China. Many realized the importance of Muslims in China’s national defense and became interested in encouraging Muslims to participate in national salvation. Gu Jiegang, for example, commented in 1936,

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Only since the serious oppression inflicted on us by Japan, we have started to pay attention to the borderlands. The attention paid to the borderlands made us pay attention to the most powerful Muslim communities in the Northwest. Because of that we started to communicate with Muslims. Only then did I start to admire their loyalty to their faith, the strength of their solidarity, and intrepidity of their work, and the hardship of their life. I thus know, warmly, that Muslims have heavy burden in the revival of the Chinese nation (zhonghua minzu).78 Such comments from Chinese intellectuals turned the traditional Han stereotypes about the Muslims as brave barbarians into admirable qualities that could be useful for the Chinese nation. The Nationalist state was torn at the time about how to deal with an institution like Chengda. On the one hand, it was concerned with strengthening control over the activities of the Chengda faculty and students. On the other, the need to use Chengda to promote the integration of Muslims and especially to carry out anti- Japanese propaganda in the northwest led the government to leave Chengda alone. As result, both the political and intellectual environment allowed Muslim institutions like Chengda to continue to thrive.

43 Between the time Ma Hongkui published his letter and the outbreak of the Sino- Japanese war, Chengda sent two more groups of students to Al-Azhar. In 1936, Ma visited Egypt for a second time to meet with the new king of Egypt, Faruk. In the same year, the Fuad library was established with Faruk’s support.79 The library had thousands of books donated by the two Egyptian kings and others. throughout this periodChengda continued to graduate students who embodied the ideals of its founders: pious and patriotic Muslims.

Chengda’s Chinese Nationalism in the Anti-Japanese War and Its Nationalization (1937-1941)

44 The national crisis gave Chengda an opportunity to shine as a patriotic Muslim institution. After the Marco Polo Bridge Incident of July 7, 1937, the Japanese expressed an interest in using the influence of Chengda for the purpose of establishing pro- Japanese Muslim organizations.80 They also offered to give Chengda 240,000 yuan. 81 If Chengda’s only concern had been to promote the religion it would have accepted the offer. But given its long emphasis on patriotism and religion, its leaders decided to move the school out of Beijing. Because Tang Kesan had relocated from Nanjing to Wuhan, Ma Songting traveled to Wuhan twice to meet him to discuss the move. During Ma’s second visit to Wuhan in the summer of 1937, Bai Chongxi, a Muslim and the highest military commander in the Nationalist government’s army, suggested that Chengda move to Guilin, Guangxi, his hometown. Accordingly, one morning in early January 1938, the Chengda faculty and students quietly left Beijing through two routes: one group taking a ship from Tianjin to Guangzhou, the other the land route through Zhenzhou to Wuhan. Both groups were met in Hengyang, Hunan, by a welcoming team from the Guilin Muslim community, and five military vehicles, arranged by Bai, were waiting to take them on the rest of their journey.82

45 Bai Chongxi’s support was particularly important during this period. Like Ma Fuxiang, Bai took a personal interest in the Muslim modernization program, and the Chengda leadership saw close ties with him as crucial to the school’s continued success. Ma Songting often visited Bai whenever he was in Guilin to report on the affairs of the school.83

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46 While in Guilin, Chengda continued its participation in the dual cause of national salvation and religious revival. After arriving there, the students organized various activities to contribute to the war effort. In 1942, the Chinese Islamic National Salvation Association requested that Chengda send three persons to join the “Propaganda Team” in the Gansu-Ningxia-Qinghai areas. Chengda sent three faculty members including two who had studied in Egypt.84 At the same time, Chengda students carried out many religious activities. In Guilin, Chengda teachers and students reconverted a 500-person village to Islam. Residents of this village were related to Bai Chongxi but had lost their religious faith. Ma Songting and several students went to the village and lived there for three days and helped villagers realize they wanted to become Muslims again.85 Chengda then helped the village build an elementary school affiliated with Chengda as well as build a mosque for the village. Bai donated an inscribed board to be hung at the gate of the mosque on which he wrote Xingjiao jiuguo (Reviving Islam and Saving the Country). This slogan strongly reflected the relation between the state and Muslim reformers during the war. For the Muslim reformers, reviving the religion and saving the country were not conflicting goals, and for the Chinese state, the need to recruit Muslim reformers to help with “saving the country” made it tolerate, at least for the time being, the reformers’efforts to revive the religion.

47 In the end, the school’s independence from the state did not last. In 1941 it was nationalized because of deep financial difficulties. The Ministry of Education appointed a new leadership and Ma Songting and Tang Kesan had to leave. Nationalization meant that Chengda started to admit non-Muslim students. While the religious classes were kept, it was no longer a pure Muslim school for Muslim students, though its Muslim character would be once again strengthened when it moved back to Beijing in 1945 following the end of the war with Japan. There it merged with Xibei Middle School to become the Huimin School. But in 1958, the Huimin School was abolished, bringing an end to an institution that had once been the flagship of a flourishing Muslim educational reform program.86 The current Chinese Quranic Academy, said to have been built on the precedent of Chengda, is a completely state-run organization to train Muslim clergy according to the visions of the communist government.

Conclusion

48 Driven by an impulse to mainstream Muslims in China, new-style Muslim schools in the early 20th century emphasized the learning of the written Chinese language and promoted citizenship education. As a result, these educational institutions became a main arena in which the Muslims in China were transformed into “Chinese Muslims.”

49 Among the many Muslim reformist schools, Chengda was perhaps the most successful. It was long-lasting – founded in 1925, Chengda existed as a private institution until 1941. Chengda’s students became influential religious, educational, and political figures. Chengda’s teachers similarly were influential figures in Republican-era Muslim activism. Finally, Chengda’s active publishing house produced influential reprints and journals that helped shape the development of Muslim activism during the time.

50 Chengda tried to maintain both a harmonized relationship between the religion and the nation, and a cooperative relationship with mainstream Chinese society and the Chinese state. At the same time, Chengda’s pan-Islamic activities and its vision of Muslims’place in the Chinese nation often went beyond the comfort zone of the Chinese

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state and its eventual nationalization would mark the end of its half-century of Muslim educational reform.

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APPENDIXES

Chinese Character List ahong 阿訇 (阿洪, 阿衡) Bai Chongxi 白崇禧 Chengda shifan xuexiao 成達師範學校 Chengda wenhui 成達文匯 Chengshi yuekan 成師月刊 Dagongbao 大公報 Da Pusheng 達浦生 Fa Jingxuan 法鏡軒 Fan Changjiag 範長江 fanxue 蕃學 Feng Yuxiang 馮玉祥 Gu Jiegang 顧頡剛 guan dao sanpin bi fanjiao 官到三品必反教 guo 國 guojia guannian 國家觀念 guojia yishi 國家意識 guojie 國界 guowen 國文 Ha Decheng 哈德成 hailifan 海里凡 He Yaozu 賀耀祖 Hou Songquan 侯松泉 Hu Dengzhou 胡登洲

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Hu Songshan 虎嵩山 hui 回 huimin 回民 huizu 回族 Jinan 濟南 jingru xiaoxue 經儒小學 jingshu yixue 經書義學 jingtang jiaoyu 經堂教育 jingtangyu 經堂語 kaixue ahong 開學阿訇 Liu Zhi 劉智 Ma Bufang 馬步芳 Ma Fuxiang (Yunting) 馬福祥 (雲亭) Ma Hongkui 馬鴻逵 Ma Linyi 馬鄰翼 Ma Qi 馬麒 Ma Songting 馬松亭 manla 滿拉 minzu zhuyi 民族主義 Mu Huating 穆華亭 neidi 內地 Pang Shiqian 龐士謙 qingzhen xuetang 清真學堂 shidai jingshen 時代精神 shifan 師範 sixiang tongyi 思想統一 Sun Shengwu 孫繩武 Tang Kesan 唐柯三 Tianfang Dianli 天方典禮 Tianfang Xingli 天方性理 Wang Jingzhai 王靜齋 Wang Kuan 王寬 wangguo 亡國 xiandai 現代

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Xingjiao jiuguo 興教國 yijiao de bairen 異教的白人 Yuehua 月華 Zhang Ziwen 張子文 Zhongguo huimin中國回民 Zhonghua minzu 中華民族 zhongzu 種族 zu 族

NOTES

1. This article mainly discusses the Chinese-speaking Muslims living outside Xinjiang. Muslims in Xinjiang, including various ethnic communities, also embraced educational reforms that were influenced by modernism and sciences. Since such reforms in this province were complicated by a regional politics involving warlord government, ethnic conflict, and Soviet and Central Asian influences, they are not covered in this paper. 2. For Muslim networks and ethnic identity, see Lipmam, Familiar Strangers and Atwill, The Chinese Sultanate. 3. Currently Muslims in Taiwan are considered to be of Han ethnicity. This was the result of the Nanjing government’s active policy to deny the ethnic nature of Muslim communities in pre-1949 China. 4. Zhou Chuanbin, Xinhua xiangchuan de huizu jiaoyu, p. 39. 5. Ibid., p. 40. 6. Hu Yunsheng, Chuancheng yu renting: henan huizu lishi bianqian yanjiu, p. 166-167. 7. Ibid., p. 175. 8. Zhou Chuanbin, op. cit., p. 40. 9. Yang Zhaojun, Yunnan huizu shi, p. 196-198. 10. For an extensive treatment of the founder of “scripture hall education,” Hu Dengzhou, and the Chinese Islamic educational network during the Ming, see Zvi Ben-Dor Benite’s chapter titled “The Islamic Educational Network” in his The Dao of Muhammad. 11. The assimilation was caused by both having been long-time residents in China as well as government policy. The Ming government prohibited foreign clothes, language, and surnames and banned marriage between foreigners. 12. Zhou Chuanbin, op. cit., p. 9. 13. Ibid., p. 75. 14. Ibid. 15. Hu Yunsheng, op. cit., p. 148-149. 16. Zhou Chuanbin, op. cit., p. 104. 17. Li Dechang, “Zhoukou huizu jiaoyu de lishi xianzhuang yu fazhan duice,” p. 49. 18. Hu Yunsheng, op. cit., p. 177. 19. Ibid., p. 180. 20. Ibid., p. 178; Also see Gu Wenshuang et al., “Helongjiang xinshi jiaoyu shulue.” 21. The Chinese term for imam is ahong, a word that came from the Persian word “Akhund.” 22. Qiu Shusen (ed.), Zhongguo huizu shi, vol. 2, p. 701. 23. Zhou Chuanbin, op. cit., p. 128.

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24. Ma Bozhong, “Tang Kesan yu chengda shifan,” p. 26. 25. Ma Bozhong, “Huizu minren Mu Huating,” p. 160. 26. Ibid., p. 161. 27. Ma Bozhong, “Fa Jingxuan yu chengda shifan,” p. 204. 28. Ma Bozhong, ibid., 207. For a detailed study of the Han Kitab, see Benite, The Dao of Muhammad. 29. Ibid. 30. Zhou Zhongren, “Jinan chengda shifan,” p. 5. 31. Ma Bozhong, “Chengda shifan: musilin jiaoyu de dianfan.” 32. Zhou Zhongren, op. cit., p. 4. 33. Pang Shiqian, “Quanguo qingzhensi hailifa jiaoyu ganliang chuyi.” 34. Wang Mengyang, “Yige you zhongguo huimin ziban de beiping chengda shifan xuexiao shimo jishi,” Chengde dacai, p. 12. 35. Du Zhuoya & Wang Hongyan, “Ningxia huizu nonghu he hanzu huizu nonghu de shouru chayi chengyin fenxi,” p. 44. 36. Zhou Zhongren, op. cit., p. 4. 37. Joseph Fletcher and Zvi Ben-Dor Benite have discussed the effort by Muslims during the period to adopt Arabic-style calligraphy and the Arabic language which they perceived as more orthodox than Persian. 38. Ma Bozhong, “Fa Jingxuan yu chengda shifan,” p. 208. 39. Zhou Zhongren, op. cit., p. 4. 40. Ma Bozhong, op. cit., p. 205. 41. See Kurzman, Modernist Islam. 42. Zhang Ziwen, “Shuo wenzi zhi zunzhong.” 43. Ma Songting, “Zhonguo huijiao yu Chengda shifan xuexiao.” 44. Lipman, Familiar Strangers, p. 208-209. 45. Ibid., p. 210. 46. Ma Bozhong, “Chengda shifan: musilin jiaoyu de dianfan.” 47. Ibid. 48. Ibid. 49. Ma Bozhong, “Fa Jingxuan yu chengda shifan,” p. 209. 50. Ma Bozhong, “Huizu minren mu huating,” p. 167. 51. Xu Xianlong, Zhuma junfa jituan yu xibei musilin shehui, p. 7. 52. Ding Mingjun, “Ma Fuxing yu xiandai huiru duihua,” p. 27. 53. Ma Bozhong, “Yuehua chuangshiren liren zhubian bianji shengping jianjie,” p. 98. 54. Ding Mingjun, “Ma Fuxiang minzu sixiang tanxi,” p. 27. For the Muslim Han Kitab literature, see Benite, The Dao of Muhammad. 55. Ding Mingjun, ibid. 56. Ma Bozhong, “Yuehua chuangshiren liren zhubian bianji shengping jianjie,” p. 99. 57. Ding Mingjun, “Ma Fuxiang minzu sixiang tanxi,” p. 28. 58. Ma Bozhong, “Yuehua chuangshiren liren zhubian bianji shengping jianjie,” p. 102. 59. Ma Bozhong, “Chengda shifan: musilin jiaoyu de dianfan.” 60. Ma Bozhong, “Fa Jingxuan yu chengda shifan,” p. 208. 61. Ma Bozhong, “Chengda shifan: musilin jiaoyu de dianfan.” 62. Ibid. 63. Ding Mingjun, “Ma Fuxiang minzu sixiang tanxi,” p. 28. 64. Anonymous, Yuehua 1, no. 1 (November 5, 1929), 1. 65. Anonymous, “Yisilan xueyouhui diyici dahui jishi.” 66. For an expression of such ideas, see Liu Zhou, “Zhongguo huimin yingyou guojia zhi guannian.”

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67. Wang Jingzhai, “Jinshou huijiao yu aihu guojia.” 68. Anonymous, “Dangyi xiehua.” 69. Xin Wu, “Huijiao buzhen de genben renshi.” 70. Anonymous, “Yisilan qingnian yundong”. 71. He Yaozu, [cable to Jiang Jieshi], August 22, 1934. 72. Ibid. 73. Ibid. 74. Ibid. 75. Ibid. 76. Ma Bozhong, “Tang Kesan yu chengda shifan,” p. 28. 77. Wang Mengyang, “Yige you zhongguo huimin ziban de beiping chengda shifan xuexiao shimo jishi,” p. 14. 78. Gu Jiegang, “Huijao de wenhua yundong.” 79. Anonymous, “Chengda shifan tushuguan luocheng.” 80. Chang Qiming, “Bai Chongxi jiangjun yu chengda shifan xuexiao pianduan,” in Chengde dacai, p. 181. 81. Ma Bozhong, “Chengda shifan: musilin jiaoyu de dianfan.” 82. Chang Qiming, op. cit., p. 182. 83. Ibid, p. 186. 84. Ma Bozhong, “Tang Kesan yu chengda shifan,” p. 29. 85. Chang Qiming, op. cit., p. 186. 86. Zhou Zhongren, “Jinan chengda shifan,” p. 5-6.

ABSTRACTS

Through the case study of Chengda Teachers Academy, this article discusses the content, development and influence of Muslim educational reform in China in late 19th century and the first half of the 20th century. The ethnic identity of Hui Muslim communities led to a strong emphasis on integrating Muslims in China socially, economically and politically. Thus, the content of the educational reform in turn emphasized the learning of Chinese language and patriotism education. Chengda’s overall success resulted largely from the support it received from Muslim officials in the Nationalist government. Through the Yuehua magazine and other publications, Chengda’s visions of Muslim communities’ integration played an key role in turning Muslims in China into “Chinese Muslims.”

À partir de l’étude du cas de l’École normale de Chengda, cet article étudie le contenu, le développement et l’influence de la réforme musulmane de l’éducation en Chine à la fin du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle. La réforme mise en œuvre joua un rôle de premier plan dans le renforcement de l’ethnicité Hui, tout en favorisant l’intégration sociale, économique et politique des Musulmans, notamment par le développement de l’apprentissage du mandarin et la coloration patriotique des enseignements. Le succès de l’entreprise résulta notamment du soutien de hauts fonctionnaires Hui dans le gouvernement nationaliste, et passa également par la diffusion du magazine Yuehua comme par d’autres publications qui firent rayonner les idées d’intégration de l’école et exercèrent une forte influence sur la transformation des Musulmans en Chine en « Musulmans chinois ».

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通過對成達師範學校的個案研究,本文考察了發生在十九世紀末和二十世紀上半葉的中國穆 斯林教育改革的內容、過程以及影響。得益于在國民政府中任職的回民高官的政治支持,成 達是當時新式穆斯林學校中最成功和最具影響力的一個,而其教育改革又為建構回民的國民 身份和民族認同提供了動力。在這一改革中,穆斯林族群——即回族——在中華民族中的地位 問題受到了關註。除了基礎教育以外,新教育強調漢語學習和愛國主義,以促進回民在社 會、經和政治上與中華民族整合為一。與此同時,成達也通過《月華》雜誌及其他出版物對 二十世紀回民的群體意識造成了深遠的影響,形塑了回民作為現代“中國穆斯林”的政治認同。

AUTHOR

YUFENG MAO

Mao Yufeng (毛羽豐) est Visiting Assistant Professor à l’Université Fordham (New York, États-Unis). Elle s’est spécialisée dans l’histoire chinoise du xxe siècle et s’intéresse plus particulièrement aux populations musulmanes Hui. Ses publications récentes incluent : « A Muslim Vision for the Chinese Nation: Chinese Pilgrimage Missions to Mecca during WWII, » publié dans The Journal of Asian Studies (70-2, 2011) ainsi que « Islam in Zhou Enlai’s Diplomacy at the Bandung Conference, 1955 » publié dans Antonia Finnane & Derek McDougall (dir.), Bandung 1955: Little Histories (Monash University Press, 2010).

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III. Culte et culture III. Culte et culture

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Les « écoles familiales » en Chine continentale et à Taiwan : triple regard sur un traditionalisme éducatif « Family Schools » in Mainland China and Taiwan: Three Perspectives on a Traditionalist Education 當代中國大陸與臺灣的家庭教育組織——考察傳統主義教育的三個視角

Guillaume Dutournier

1 S’il arrive qu’une recherche conduise à des seuils – en termes d’objet, de perspective – qu’un souci de cohérence disciplinaire peut dissuader de franchir1, cette prudence n’est sans doute plus de bonne méthode lorsqu’on se retrouve en présence d’un phénomène aussi polymorphe et labile que le « renouveau confucianiste » actuel2. Sous son intitulé à double entrée, le présent numéro d’Extrême-Orient, Extrême-Occident est l’occasion d’aborder ce phénomène d’ensemble sous un aspect à la fois composite et circonscrit : celui des « écoles familiales » d’inspiration confucianiste qui ont vu le jour, en nombre limité mais significatif, au cours des années 2000 en Chine continentale et à Taiwan3. Disséminées sur le vaste territoire de la « Chine culturelle », ces cellules d’éducation alternative constituent un réseau d’interconnaissance et d’échanges, évoluant lui- même à la marge d’un « mouvement » autrement plus imposant, dit de « lecture des Classiques par les enfants » (ertong dujing yundong)4. Tout comme ce dernier, le réseau des écoles familiales – souvent présenté par les acteurs du continent comme une « alliance » (lianmeng) – doit son impulsion première, mais aussi nombre de ses traits, à la théorie pédagogique et aux efforts de diffusion d’un universitaire taiwanais, Wang Caigui, disciple du philosophe néoconfucianiste Mou Zongsan et statutairement professeur associé dans une université de Taichung5. Le présent article fera toute sa part à l’action et au rayonnement de cet ardent défenseur, depuis 1994, de la « lecture des Classiques » (désormais « dujing »), tout en proposant une analyse globale des

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enjeux et dynamiques du traditionalisme éducatif dont, entre dujing intensif et symbolique familiale, le « Professeur Wang » se fait en sus le principal promoteur.

2 C’est en se réclamant de ce Wang Caigui que, parfois hors de toute légalité, une petite minorité de parents taiwanais et « continentaux »6 – pour la plupart relativement aisés – entreprennent depuis quelques années de soustraire leurs enfants à l’environnement scolaire, avec pour projet soit d’assumer eux-mêmes leur entière éducation, soit de les confier à des particuliers impliqués dans la même démarche et accueillant d’autres enfants contre rémunération. Pour des motifs à la fois identitaires (la supposée « occidentalisation » de l’enseignement, xifanghua) et pédagogiques (la pression scolaire imputée à « l’enseignement axé sur les examens », yingshi jiaoyu), les uns et les autres se détournent de l’« enseignement officiel » (zhidu nei jiaoyu) pour tenter de renouer, par-delà les ruptures du XXe siècle, avec une éducation à domicile et communautaire, fondée notamment sur la lecture-mémorisation des Classiques confucéens. Les enfants concernés ont parfois tout juste quelques années, mais ces « écoles » alternatives accueillent aussi un certain nombre d’adolescents7.

3 Si elle présente en Chine comme à Taiwan un même air de famille, la réinvention à l’écart des systèmes scolaires de cette « tradition » éducative s’identifie de part et d’autre sous des formules et en fonction de contraintes assez largement différentes. En Chine continentale, le phénomène, souvent désigné par le vocable plutôt désuet de sishu (qui, sous l’empire, renvoyait parmi d’autres termes au préceptorat des familles lettrées)8, est présenté en interne comme « discret » (didiao) : attribut où transparaissent non seulement l’infraction que constituent les sishu au regard de l’enseignement obligatoire9, mais aussi les risques personnels que représente, pour les adeptes de ce modèle éducatif, le fait de s’aventurer hors d’une pédagogie « majoritaire » (zhuliu) pourtant promue par le robuste monopole d’État en la matière. À Taiwan en revanche, la même démarche doit se soumettre à un certain encadrement légal correspondant au label officiel d’« auto-éducation à domicile » (zaijia zixue), lequel implique en principe candidature et procédure d’habilitation. La pratique intensive du dujing s’y niche dans des « classes de lecture des Classiques » (dujingban) qui accueillent parfois à plein temps, sous couvert de cours du soir, des enfants déscolarisés. Bien entendu, la condition faite à ces deux types d’écoles familiales n’est pas figée, leur statut étant susceptible d’évoluer avec le temps ; on verra d’ailleurs que la mutabilité procède des acteurs eux-mêmes, certains décidant de ramener après quelques mois d’expérience leurs enfants dans l’enseignement officiel.

4 Si Taiwan constitue le foyer théorique de la promotion du dujing, l’activisme de Wang Caigui et de la fondation qu’il dirige (« Fondation mondiale de Taipei pour une éducation par la lecture des Classiques », Taibeishi quanqiu dujing jiaoyu jijinhui) s’est d’emblée formulé en termes suffisamment opératoires pour pouvoir rencontrer une audience de l’autre côté du détroit de Formose. De fait, dans un contexte de remise à l’honneur intéressée mais aussi d’engouement massif pour la « tradition culturelle » en RPC, la « lecture des Classiques » sous toutes ses formes y a rapidement trouvé des relais. Aucune pratique culturelle n’échappant toutefois à son contexte sociopolitique, cette dynamique transterritoriale ne fait pas du dujing, et plus spécifiquement des EF10, un phénomène homogène : en dépit du discours unanimiste qui prévaut de part et d’autre, il y a bien là deux sous-ensembles, à distinguer pour des raisons tant historiques que structurelles.

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5 J’ai consacré à ce double réseau d’éducateurs une enquête de terrain itinérante, en trois séjours d’un à deux mois s’échelonnant de 2007 à 201011. Profitant du bon accueil que me valurent dès la première approche mes études en « philosophie chinoise », j’ai pu pousser plus avant l’investigation jusqu’à être introduit de contact en contact dans une dizaine de sishu continentaux (situés à Pékin, à Shanghai et dans les Zhejiang, Hunan et Guangdong) et dans cinq dujingban taiwanais (à Taipei et à Taichung). Ce parcours a donné lieu à une série d’entretiens semi-directifs avec une vingtaine d’éducateurs et parents impliqués dans différentes EF, ainsi qu’à la fréquentation, pendant un mois environ, de la personne et de l’entourage de Wang Caigui à Taiwan. Il en résulte une vision d’ensemble, pour ainsi dire kaléidoscopique, de ce homeschooling à la chinoise12.

Perspectives

6 Pour qui a suivi une scolarité française, cette pratique éducative a de quoi dérouter. En toute rigueur, l’école en France n’est pas obligatoire (seulement l’instruction) mais le nombre d’enfants instruits à domicile y est infime. Surtout, ce phénomène y présente peu de traits saillants par rapport à ses équivalents dans d’autres pays occidentaux13. Ici en revanche, la première impression est vive – brouhaha assourdissant, dans une salle austère, de vingt petites têtes plongées simultanément dans la lecture imperturbable (à voix haute et précipitée, chaque élève sur une page différente) de textes obscurs et dépourvus de notes : la scène semble tout droit sortie d’une nouvelle ironique de Lu Xun sur les mœurs de l’Ancien monde14. Un étudiant en philosophie chinoise m’a conduit là un peu par hasard. Très vite, on m’apprend que tel élève déclamant au premier rang est en réalité l’enfant du professeur qui supervise la lecture sur l’estrade ; que ce noyau familial est indispensable à un « sishu » digne de ce nom (nous sommes à Pékin, banlieue nord, dans un appartement assez spacieux acheté par un enseignant démissionnaire du primaire et son épouse) ; que l’échec de l’école officielle vient précisément de ce qu’elle se coupe de la famille d’une part, de la tradition d’autre part ; qu’ici les élèves ne sont d’ailleurs pas des « élèves », mais des « enfants » ; que comme tous les enfants ils sont naturellement dotés, à la différence des adultes, d’une capacité à retenir par cœur des textes qu’ils ne comprennent pas, mais qu’ils comprendront d’autant mieux plus tard, quand leur « potentiel » sera développé, ce qui, en théorie, se produit à partir de treize ans ; que ladite théorie est celle qu’expose le « Professeur Wang » dans ses conférences (ses DVDs et calligraphies figurent en bonne place dans l’appartement), brillantes conférences qui exhument et réactivent la « culture traditionnelle », celle des temps immémoriaux où l’on s’imprégnait quotidiennement de la « sagesse » consignée dans les Classiques – les Quatre Livres surtout – par les Saints et Sages de l’Antiquité…

7 Cette scène, le discours qui prétend l’illustrer, l’absorption des enfants, la détermination des adultes, tels sont les sujets d’étonnement qui ont motivé cette enquête. La première difficulté est venue d’une hésitation sur la marche à suivre : la compréhension de ce qui se joue, mais aussi de ce qui fonctionne ici – les rôles que s’attribuent les divers acteurs, les places qu’ils occupent de fait dans des ensembles plus vastes – requiert-elle au premier chef les lunettes du sinologue ? Les perspectives du spécialiste en sciences politiques ou sociales ne sont-elles pas plus adaptées ? C’est qu’il y a deux façons également légitimes d’envisager le phénomène. Dans le cas où l’on pose, avec Durkheim, que nulle marginalité éducative n’échappe au « type régulateur

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d’éducation » d’une société donnée15, les singularités au premier abord si frappantes des sishu et des dujingban (leurs présupposés quant au savoir et quant aux modalités pratiques de son acquisition, « par cœur » et brouhaha inclus) finissent par se rabattre sur le vieux « fond institutionnel de la pensée chinoise »16 que le sinologue se donne parfois pour tâche de débusquer jusque dans les manifestations les plus extrêmes de la modernité. Selon une telle approche, ces écoles familiales ont beau procéder d’un rejet de l’école et se conformer aux « normes » d’un confucianisme revisité (sous la forme de règles d’étude et de règles communautaires), elles n’en demeurent pas moins informées par des « schèmes » implicites (qui modèlent également le système officiel) et, dans une certaine mesure, par les « fins » qui orientent les pratiques éducatives majoritaires17. Autrement dit, et pour reprendre un récent et stimulant effort de réflexivité sur les « études chinoises »18, dans cette première hypothèse l’ensemble « Chine » (avec son histoire, ses inerties) constitue le cadre d’intelligibilité des EF de culture chinoise – ce qui renvoie effectivement à des compétences et à un champ scientifique constitutifs de la discipline sinologique. Mais regardons maintenant ailleurs – en « Extrême-Occident » puisqu’on nous y invite – et considérons le développement (antérieur à celui des sishu et des dujingban, où il est donné en exemple) des homeschooling communities qui prospèrent aux États-Unis dans les familles religieuses de certains États, et parfois dans le milieu de la gauche anti-institutionnelle19 : l’air de famille qu’on leur découvre alors avec les EF sino-taiwanaises conduit cette fois à formuler le problème tout autrement, soit en termes politiques (de rapport à l’État, de pluralisme idéologique, en un mot de société civile), soit en termes de sociologie de l’éducation (d’investissement parental, de stratégie scolaire, ou encore de concurrence entre modèles éducatifs) ; ce qui revient à ne plus voir dans les entités « Chine continentale » et « Taiwan » que les contextes de logiques hétéronomes, mais dont chacune peut trouver son homologue ailleurs.

8 Ce balancement au seuil de l’analyse – entre « différentialisme » et « banalisation de la Chine » en somme20 – sera mis à contribution, mais ici en vue d’une articulation du générique et du spécifique. L’intitulé de ce numéro en fournit le ressort, par la combinaison heuristique qu’il suggère entre l’éducatif et, pour reprendre un langage weberien, les « biens de salut ». L’enjeu ne sera pas d’apposer une hypothétique qualification religieuse aux EF21, mais, par-delà les réductions toujours possibles, de prendre la mesure de la radicalité d’une démarche et de la densité symbolique d’un idéal d’éducation singulier. Pour ce faire, trois voies d’accès seront empruntées – ici forcément schématiques – en vue de distinguer trois dimensions du phénomène : celle du politiste (la question du domaine), celle du sociologue de l’éducation (la question du champ), celle de l’historien-anthropologue (la question du temps).

Réseau traditionaliste et système scolaire : un domaine éducatif entre légitimité et précarité

9 Il revient à l’école durkheimienne d’avoir mis en lumière, par rapport aux autres institutions, la « vie propre » et l’« évolution relativement autonome » de la sphère éducative22 ; dans le cas présent, cette autonomie fonctionnelle se double d’une démarche plus ou moins ouverte d’autonomisation. En effet, si la décision de fonder une EF (ou d’en solliciter le service) s’appuie en général sur une certaine aisance matérielle23, elle présuppose aussi une prise de distance par rapport au « système » qui coïncide avec la rencontre et l’adoption d’une forme de réflexivité pédagogique. Pour

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les adultes concernés, cette réflexivité puise au passé confucéen, mais la quasi-totalité d’entre eux estiment devoir sa redécouverte à Wang Caigui, dont les prises de parole et les publications se voient attribuer un effet déclencheur24. D’une EF à l’autre, cette influence se manifeste chez les acteurs dans une même volubilité critique et méthodologique, où de vastes questions (l’échec du système scolaire, le destin de la culture chinoise) se mêlent à des problèmes très techniques (le rythme communautaire de l’EF, la cadence appropriée pour la lecture collective des Classiques…). L’impression de récurrence discursive qui s’accentue au fil du terrain n’est-elle qu’un effet d’optique lié à la provenance lointaine du visiteur ? Toujours est-il que derrière cette homogénéité relative, en amont même de l’influence personnelle de Wang Caigui et du respect parfois mimétique dont ce dernier fait l’objet, se signale très vite la prégnance d’un réseau, celui que le professeur taiwanais a initié tout en se félicitant des initiatives spontanées qui en émanent. De ce réseau, la capacité réflexive des acteurs est tributaire à plus d’un titre.

10 En effet, comme dans les phénomènes de « contagion d’idées » décrits par l’anthropologue Dan Sperber25, la diffusion du dujing – et, partant, des EF – en tant qu’idée pédagogique ne passe pas seulement par des structures organisationnelles (comme la fondation de Wang ou l’entreprise Shaonan wenhua fondée à Xiamen par un couple de disciples) et par des supports matériels (les Classiques édités ad hoc, ainsi que les DVDs des conférences de Wang qui sont reproduits à grande échelle sur le continent26), mais aussi par l’apposition à cet ensemble d’une même grille d’interprétation indigène. En termes sperberiens, les « représentations publiques » que constituent ces diverses médiations se présentent régulièrement dans le discours des informateurs sous le jour d’une certaine « représentation culturelle » 27 dont la prégnance dans le monde chinois ne date pas d’hier : à savoir la catégorie d’« espace du peuple » (minjian), notion traditionnelle faisant pendant à celle d’« officialité » (guanfang)28. Si cette notion possède ici un ancrage objectif – l’extériorité fonctionnelle quasi totale du réseau des EF à la sphère gouvernementale29 –, son usage procède avant tout d’une dynamique d’auto-affirmation qui postule à la fois un certain degré d’autonomie normative par rapport aux instances gouvernementales, et la légitimité pour qui que ce soit de se réclamer, en vertu de pratiques déterminées, d’une certaine continuité « populaire » : se revendiquer du « minjian », c’est faire de sa conduite particulière l’exemplification d’une vitalité diffuse et immémoriale dont la valeur collectivement admise n’appelle aucune validation officielle. Autrement dit, pour le cas qui nous occupe, l’assimilation des fonctions d’instruction et d’éducation qui fait la marginalité éducative des EF ne conduit pas ceux qui s’y risquent à un repli exclusif sur la cellule familiale ; bien au contraire, leur démarche est bénéficiaire, mais aussi productrice de liens extérieurs à l’institution, par exemple dans l’acte de confier ses enfants à une EF, ou dans l’échange de techniques pédagogiques, voire dans la circulation d’enfants d’une « école » (et d’une « famille ») à l’autre. Par conséquent, pas plus que leurs homologues états-uniennes30 nos EF ne sont « abandonnée[s] totalement à l’arbitraire des particuliers » – une hypothèse à laquelle, précisément, Durkheim déniait toute consistance31. La rupture avec le « système » est ici inséparable d’une socialisation spécifique qui ouvre de proche en proche, non pas sur un « mouvement » à proprement parler mais sur une mouvance, laquelle est supposée exprimer les intérêts de la société dans son ensemble32. Dans cette perspective, le réseau des EF équivaut malgré ses dimensions réduites à une véritable instance de légitimation : s’il

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peut apporter dans certains cas un soutien fonctionnel effectif, sa valeur vient surtout pour les acteurs de ce qu’il donne sens à une démarche individuelle, aussi locale soit- elle. Aussi, en Chine populaire, la justification de l’existence des EF en dépit de leur absence de statut légal met-elle souvent en œuvre des formes de « montée en généralité »33, comme ici dans les propos de la responsable d’un sishu de Shanghai : Quand un père épris de Confucius achète un exemplaire des Entretiens à son enfant et le parcourt avec lui, c’est un très bon début. Tout homme capable de comprendre les tendances profondes de la société parvient tôt ou tard à toucher la veine de notre culture chinoise, et fait alors lire les Classiques à son enfant. C’est toute la société, et pas seulement [notre sishu], qui œuvre dans ce sens34.

11 Face aux spécificités de cette dynamique de réseau, l’analyse des EF doit-elle – pour reprendre la distinction mentionnée plus haut – se formuler dans le cadre d’une cohérence chinoise, ou plutôt en termes de contextes sino-taiwanais 35 ? Certes, la légitimation par le minjian hérite d’un certain nombre de traits liés au passé impérial : elle rappelle notamment l’autonomie relative du magistère idéologique, en particulier éducatif, dont se prévalurent localement les lettrés dès l’époque prémoderne36 ; par ailleurs, la non-transparence de la plupart des sishu de Chine populaire interdit de voir les EF continentaux comme relevant d’une « société civile » au sens strict37. L’approche sino-centrée a donc sa pertinence, historique et conjoncturelle. Néanmoins, et au risque de voiler momentanément l’idiosyncrasie du phénomène, il peut paraître légitime de recourir à une catégorie transversale pour identifier ce qui est en jeu, politiquement, dans cette contestation de fait du monopole d’État sur l’éducation. À Taiwan en effet, nul ne contestera que les EF participent d’une société civile au plein sens du terme ; en RPC, il faudrait certes plutôt parler de « société tout court », une notion restrictive qui, à la différence du concept de société civile, n’implique pas encore la possibilité pour les initiatives d’en bas de s’institutionnaliser elles-mêmes38. Toujours est-il qu’en termes de sociologie politique, les EF des deux zones s’inscrivent dans un processus somme toute assez classique de modernisation politique : parallèlement à quantité d’autres phénomènes, ils participent d’une double dynamique de « socialisation de l’État », qui s’affirme au sortir d’une séquence d’« étatisation de la société »39 engagée de longue date en Chine comme à Taiwan (quoique selon des rythmes et des intensités autoritaristes décuplés depuis 1949). On a donc bien affaire, dans ces deux cas comme dans d’autres situations comparables, à l’émergence d’un domaine d’activité revendiquant sa légitimité face à la légalité étatique – un domaine encore fragile en RPC, mais que les juristes contribuent peu à peu à baliser40.

12 C’est d’ailleurs de manière tout aussi classique que la délimitation d’un tel domaine donne lieu à des tensions. Celles-ci portent la marque de contextes sociopolitiques différents, mais proviennent dans les deux cas de forces connexes, à la fois extérieures aux réseaux et s’inscrivant dans leur dynamique propre.

Promouvoir le dujing (et davantage) en terre « taiwanisée »

13 À Taiwan, où la démocratisation n’en est plus à ses débuts, l’entreprise de Wang participe d’un jeu de lobbying concurrentiel face à d’autres intérêts sociaux et politiques, qui constituent autant de limites à son influence ; mais elle porte aussi un projet d’institutionnalisation du dujing qui la place dans une situation ambiguë vis-à-vis

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de la sphère officielle. Il faut rappeler que la question éducative est depuis des décennies sur l’île un sujet idéologiquement sensible entre tous41. Dans les années soixante, l’école était au cœur de la propagande du régime nationaliste, avec la mise en avant dans les programmes des Quatre Livres destinés à l’apprentissage par cœur : à l’heure de la Révolution culturelle en RPC, il s’agissait d’entretenir le mythe panchinois d’une République de Chine préservant dans son repli insulaire l’essence de la « culture chinoise » pour mieux légitimer la perspective d’une reconquête du continent. C’est naturellement à un renversement de cette politique que conduisirent la libéralisation politique et l’affirmation identitaire de Taiwan. Une réforme éducative entreprit ainsi en 1996 de promouvoir, au grand dam des réunificateurs, une « conscience taiwanaise » qui reposait notamment sur la revalorisation conjointe de la diversité ethnique de l’île et des apports de la période japonaise42.

14 Grevée par ce passé encore largement en débat, la situation des EF taiwanaises présente donc un aspect nettement politique. Le contexte de l’enquête s’y prêtant peu, on ne m’a fait part d’aucune allégeance partisane, mais les mesures éducatives prises au nom de la « désinisation » (quzhongguohua) par le Minjindang entre 2000 et 200843 semblent faire l’unanimité contre elles parmi les adultes concernés44. Exemplaire est à ce titre l’attitude de Wang Caigui lui-même, qui n’est jamais à court de piques dans ses conférences contre l’ex-président Chen Shuibian ou contre Li Yuanzhe, promoteur de la réforme éducative et véritable bête noire du professeur45. Mais si la perspective du politiste ne peut que souligner le conservatisme implicite des options pédagogiques de Wang, elle montre aussi que ces dernières se formulent dans une certaine normalité revendicative, au sein d’un processus de démocratisation qui n’est en l’espèce jamais remis en cause46. En ce sens, la démarche de Wang se situe au même niveau que toute autre entreprise militante s’inscrivant dans ce processus : sur un plan purement fonctionnel, on pourra par exemple légitimement l’assimiler aux mouvements « revivalistes » de défense des langues vernaculaires47. Sous ce rapport, quoique fort critique vis-à-vis du « système » (scolaire ou politique), la fondation de Wang joue le jeu ordinaire des acteurs de la société civile taiwanaise.

15 Financée en partie par un industriel, cette fondation a pour siège à Taipei un local d’enseignement et de formation baptisé « Académie Huashan » (Huashan shuyuan) où se trouve également une maison d’édition48. Un riche éventail d’activités a été forgé au fil des années, imprimant aujourd’hui un rythme soutenu à l’emploi du temps de Wang qui préside à nombre d’entre elles tout en assurant hebdomadairement ses cours à Taichung49. Pour se limiter au contexte taiwanais (des séjours sur le continent étant assez fréquemment organisés), viennent d’abord les séances collectives de dujing, qui se déroulent tous les samedis à l’Académie pour un public d’habitués ; puis les « ateliers pour personnel enseignant » (shizi yanxihui), qui ont lieu périodiquement dans différentes villes de l’île et proposent aux professionnels une familiarisation avec la méthode de Wang ; enfin le « Concours national des Classiques » (Quanguo jingdian zonghuikao) qui se déroule annuellement sur différents sites, tout en ayant bénéficié jusqu’à récemment de subsides gouvernementaux50. Si une volonté d’institutionnalisation transparaît dans ce troisième type d’activité, cette volonté préside aussi à la tentative récente d’instiller une dose de dujing dans les écoles publiques : une visite officielle a été obtenue à cette fin auprès de Ma Yingjiu en 2009 (sans résultat notable selon les membres de la fondation), tandis qu’au niveau local, la stratégie consiste pour Wang à démarcher certains chefs d’école afin de les inciter à

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négocier auprès de leurs autorités de district l’obtention d’un statut expérimental autorisant l’inclusion d’une dose de dujing dans les programmes51.

16 La fréquentation des acteurs révèle cependant que cet effort localisé d’institutionnalisation ne va pas sans une part de ruse vis-à-vis des autorités scolaires. Car si l’on peut distinguer, comme ci-dessus, trois publics dans les activités de la fondation, ce sont en réalité à chaque fois deux types de destinataires qui sont implicitement visés par le discours de Wang52 : d’un côté, le tout-venant des auditeurs disposés à adopter le dujing comme pratique éducative complémentaire ; de l’autre, une portion de fait beaucoup plus restreinte de l’audience que Wang cherche à convertir au « système à temps plein » (quanri zhi) – lequel renvoie en fait aux EF. Lors des conférences qu’il donne à Taiwan, cette adresse aux plus déterminés se signale par l’exposé, selon les circonstances voilé ou insistant, des expédients permettant de contourner les lourdeurs de la procédure en vigueur53. Ainsi se dessine le projet d’une éducation traditionaliste à deux vitesses, qui verrait un petit nombre d’enfants bénéficier sur un mode plus ou moins familial d’un enseignement d’excellence prodigué ailleurs par saupoudrage institutionnel – un élitisme paradoxal en somme, car assimilant en dehors de toute validation officielle les très confidentielles EF à la forme reine du dujing.

Les sishu entre précarité institutionnelle et stratégies de reconnaissance

17 En Chine continentale en revanche, le domaine où tentent d’évoluer les EF est marqué par une précarité certaine, quoique peu surprenante pour une organisation non officielle en RPC. Le flou institutionnel contraint ici à la prudence, et naturellement à une neutralisation de la question politique. Les membres des sishu doivent en effet constamment arbitrer entre leur nécessaire discrétion et la recherche d’un public, même limité à une poignée d’enfants. Cette situation n’empêche pas l’entreprise Shaonan wenhua, en laquelle Wang Caigui a trouvé un relai commode à ses idées, de connaître une certaine prospérité. C’est par son intermédiaire que sont publiés les livres – largement diffusés au sein du dujing continental – qui servent de supports dans les sishu. C’est également elle qui, jusqu’à une date récente, organisait chaque année en juillet une sorte de colloque de promotion. La tenue de cette rencontre semble cependant avoir connu quelques difficultés : afin d’éviter d’attirer l’attention des autorités, les organisateurs ont dû en modifier l’intitulé initial qui contenait un « sishu » jugé trop explicite54. Ce type de camouflage, signe de la défiance des acteurs envers les autorités, se retrouve dans la plupart des EF continentales : la stratégie peut consister à conserver une ancienne identité professionnelle55 ou à dissimuler le fonctionnement du sishu derrière un organisme fantoche56, voire encore (comme ce fut le cas pour l’auteur de cet article) à utiliser la venue d’un visiteur étranger à des fins d’affichage57.

18 Il faut mentionner ici un épisode particulier, qui est présenté dans l’ensemble du réseau comme un tournant décisif dans la condition institutionnelle des EF du continent. En 2006, leur existence fait l’objet d’une mise en cause directe de la part des pouvoirs publics, avec l’interdiction en juillet par le Bureau local de l’éducation, pour cause d’illégalité, du sishu shanghaïen « Mengmutang ». Ce sishu devient alors jusqu’à Taiwan

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le symbole de la cause des EF : comme dans d’autres affaires ayant agité ces derniers temps une opinion publique chinoise de moins en moins docile, un mouvement de protestation s’organise parmi les professeurs et parents pour réclamer le droit d’enseigner à domicile. Après plusieurs mois de négociation, avec les autorités58, c’est finalement la requalification juridique des sishu que ces derniers obtiennent, et ce au niveau national59. Or, si cette résolution s’apparente à une forme d’alibi gouvernemental60, elle n’en est pas moins interprétée par les acteurs comme une reconnaissance de fait de l’existence des sishu en Chine populaire (beaucoup parlent depuis d’« autorisation tacite », moxu)61.

19 Cette « affaire Mengmutang » et sa conclusion ambiguë sont remarquables à plus d’un titre. On y retrouve les deux logiques posées en introduction : la lutte typique d’un groupe social se mobilisant pour l’extension du domaine de ses droits, lutte pouvant survenir dans d’autres circonstances mais située ici dans le contexte d’une Chine autoritaire ; et, simultanément, la rémanence d’un cadre idéologique à l’armature plus spécifique, qu’on pourra qualifier d’unanimiste, et qui pousse toute démarche hétérodoxe à se réclamer d’un intérêt supérieur consensuel. Ces deux logiques simultanées – d’autonomie par rapport au « gouvernement » (zhengfu), de convergence avec le « pays/État » (guojia) – transparaissent dans cette justification d’une responsable de sishu : Pourquoi notre objectif et celui des slogans du gouvernement sont-ils identiques ? Parce que les décideurs vivent aussi dans cette époque, qu’ils sont aussi à même de réfléchir. Eh bien c’est aussi notre cas ! Il suffit de réfléchir profondément : nos réflexions, par des chemins différents, conduisent au même résultat. Donc, nul besoin que le gouvernement parle. Notre époque est celle où l’ensemble du peuple prend conscience des enjeux62.

20 Selon les partis-pris du politiste, le croisement de ces deux logiques pourra donner lieu soit à une insistance sur les stratégies de légitimation, soit à une analyse en termes d’alliance objective. Mais laissons ce débat ouvert, pour envisager à présent une autre voie d’accès possible.

Le champ de l’éducation authentique : les Classiques et le territoire

21 Extorquant bon an mal an leur domaine d’existence aux pouvoirs publics, les EF sont également aux prises avec des enjeux distincts, qui ont trait à une économie matérielle et symbolique de la concurrence et de la rivalité. Sishu et dujingban sont en effet, dans des sphères séparées mais symboliquement imbriquées au sein de la « Chine culturelle », assez nettement constitutifs d’un champ au sens de Pierre Bourdieu : un microcosme à l’autonomie relative, possédant des règles irréductibles à celles qui prévalent dans d’autres champs, et distribuant inégalement un capital spécifique entre divers agents qui luttent pour se l’approprier, ou le redéfinir à leur avantage63. Cette seconde dimension des EF est certes estompée par les liens d’interconnaissance que j’ai pu constater et qui sont censés manifester, comme on me l’a répété partout, le « partage d’une même cause » (zhitong daohe). Mais elle est consubstantielle à la dynamique d’un réseau qui, en Chine comme à Taiwan, prétend à la légitimité culturelle en dépit de sa précarité institutionnelle, et dont les différents acteurs visent

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bien entendu aussi à la viabilité économique. Là encore, il faut distinguer les territoires d’emprise de ce double champ.

22 À la différence des EF continentales, que leur grande marginalité cantonne quasiment à un fonctionnement en vase clos, le champ des EF taiwanaises est surdéterminé par celui de l’éducation privée et confessionnelle. Les dujingban côtoient en effet, face à un même public potentiel, des établissements d’éducation expérimentale d’inspiration occidentale (écoles Montessori ou Huadefu), mais aussi des structures développant un rapport privilégié à des « Classiques » – que ce soit au nom du bouddhisme, du protestantisme ou encore du Yiguandao. Ces structures sont objectivement concurrentes sur le marché de l’éducation privée, même si une communauté d’intérêts face au système officiel en fait aussi des partenaires.

23 Le cas du Yiguandao occupe une place à part dans ce champ éducatif64. Wang aime à dire que les adeptes de ce mouvement sont des inconditionnels de ses conférences, allant jusqu’à occuper la moitié de ses auditoires ; en fait, ses activités de promotion dépendent pour partie de la bienveillance de ce mouvement religieux qui leur préexiste65. Mais si le professeur concède que le Yiguandao a toujours promu la lecture des Classiques auprès de ses adeptes, c’est pour aussitôt faire ressortir la spécificité de sa propre méthode. Une logique d’affirmation contrastive est ici à l’œuvre, non seulement à l’égard des pratiques du Yiguandao, mais également de la récitation des soutras bouddhiques (nianjing), de même que des formes alternatives de dujing relevant de la mouvance confucianiste actuelle (par exemple la méthode de Maître Jingkong, moine bouddhiste d’une certaine renommée qui préconise une lecture intensive du Dizigui66) – le tout dans une dynamique de dépassement, Wang affichant pour l’essentiel une attitude bienveillante à l’endroit de ces méthodes voisines.

24 Dans le champ des EF du continent, les ressorts de la distinction se situent ailleurs, en particulier dans l’usage de la notion susmentionnée de minjian. Le terme passe ici de la dimension extra-institutionnelle à un ordre rivalitaire où il revêt une valeur stratégique, permettant « à ceux qui l’utilisent de valoriser leurs propres activités ou de dévaloriser celles d’autres groupes sociaux »67. Le fait de s’attribuer la qualité de minjian n’est en effet jamais anodin, et présuppose un espace gradué d’identifications où se dispute un rapport plus ou moins direct à l’authenticité. Ainsi, les acteurs revendiquent leur extériorité aux activités non minjian (où figurent en première place l’« école », xuexiao), mais aussi aux groupes minjian qui se seraient rendus dépendants de la sphère officielle68. Cette identification distinctive s’exprime également dans une défiance vis-à- vis de « l’académique » (xueshu) et de l’héritage universitaire du XXe siècle, un trait – plus anti-scolastique que véritablement anti-intellectuel – que les EF partagent avec d’autres manifestations actuelles du phénomène confucianiste69. Aux yeux des acteurs, l’usage des Classiques, pris comme outils de « culture de soi » (xiuyang) et non comme matière à commentaires, prend ici valeur de critère.

25 Une autre logique de différenciation propre au continent tient à l’aspect territorial. Si l’origine taiwanaise du phénomène équivaut pour le continent à un processus de réimplantation, le territoire même de la Chine constitue une ressource qu’il est parfois possible de valoriser comme caution légitimante. C’est ainsi que l’un des sishu que j’ai fréquentés s’est d’abord installé dans le nord-est du Hunan, non loin du village où un vieil homme récemment décédé, Zhu Zhizhong, est réputé localement avoir perpétué dans le secret l’enseignement d’un sishu traditionnel sur plus d’un demi-siècle. En baptisant son EF « Nouveau sishu de Wufeng », le continuateur, Zhang Zhiyong70, ne

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proclame donc pas seulement la renaissance du concept éducatif de sishu, mais bien la reviviscence d’une tradition locale. Cette démarche lui vaut d’ailleurs une certaine adhésion des autorités du district, comme il s’en félicite lui-même : Je m’appuie sur ce qu’il y a de spécifique dans la culture locale de Pingjiang (district du Nord-Est du Hunan). En 2004, je suis arrivé de Shanghai pour m’installer ici. C’est extraordinaire que ce sishu ait pu se maintenir si longtemps : cela montre qu’il y a véritablement quelque chose, une force qui réside à l’intérieur. Ici, avec tous ces généraux, tous ces talents qui sont sortis de Pingjiang, les gens ont toujours veillé à conserver un maximum d’activités émanant du peuple71.

26 Si l’on tient compte de la double particularité de ce sishu – qui ne fait aucune référence à Wang Caigui, et pratique donc ses activités dans une totale transparence – il devient alors commode de distinguer deux modalités de rattachement au minjian, correspondant à des instances de légitimation distinctes mais aussi à des modes différents de sélection d’un public et d’insertion dans la sociabilité locale. Dans le cas où le minjian est rabattu, comme dans les sishu « Mengmutang » (à Shanghai) et « Chen shi jiashu » (dans la périphérie d’une ville moyenne du Hunan), sur la seule symbolique familiale, une telle conception va de pair avec la réduction au minimum de l’insertion locale. Cela se traduit par une fermeture au voisinage immédiat et dans le même temps par une connexion à la mouvance des EF à l’échelle nationale, voire transnationale : le public est constitué de parents d’élèves issus des milieux aisés, pour lesquels les tarifs demandés n’ont rien de rédhibitoire et qui comptent en leur sein des Chinois d’outre- mer soucieux de transmettre une « culture chinoise » à leurs enfants. On est là dans une logique d’échanges déterritorialisés, qui autorise une relative mobilité des enfants d’une EF à l’autre, mais aussi des EF elles-mêmes (certaines déménageant sans dommage pour leur activité72). Dans le cas où, à l’inverse, le minjian est conçu comme l’expression de la vitalité culturelle d’un territoire – ce qui peut aller de pair avec l’affirmation d’un caractère rural comme dans ce dernier exemple –, la prégnance symbolique du noyau familial passe alors au second plan, tandis que le public provient essentiellement du voisinage, ce qui peut conduire à une certaine modération dans la contribution financière demandée, mais aussi au pari d’une visibilité assumée73.

Permanences, trajectoires, épreuves : la dimension du temps

27 Avec ce dernier cas, nous voici au seuil d’une troisième dimension des EF, la plus singularisante sans doute. Car si la territorialité revêt ici une certaine importance, c’est qu’intervient à un autre niveau la notion d’antériorité, le lieu tirant sa valeur de ce qu’il porte témoignage d’une tradition ancienne. Cette valorisation de l’antériorité se manifeste d’abord à travers la rivalité sereine qui anime le réseau. Par exemple, Chen Yide, au Hunan, jouit d’un prestige particulier parmi les EF pour le simple fait d’avoir fondé son sishu antérieurement à la promotion du dujing intensif par Wang Caigui. Si cet exemple peut sembler anodin, il reste que la dimension temporelle informe aussi en profondeur les présupposés épistémiques de la pédagogie des EF. Ainsi, la mémorisation enfantine des Classiques vaut ici à la fois en tant que legs de l’antiquité chinoise et en tant qu’amorce du développement souhaitable de l’individu, comme par une analogie latente entre les premiers temps de la culture et les premières années de l’enfant74. À travers cette importance du schème temporel dans les EF, c’est tout un ordre de réalité qui se fait jour, un ordre que ne recouvrent manifestement pas les notions de domaine

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institutionnel ou de champ rivalitaire. Il y va pourtant de la compréhension de ce qui véritablement fonctionne ici – et qui tient à la relative permanence de différents « idiomes » éducatifs et charismatiques – mais aussi de ce qui, plus ou moins obscurément, s’y joue – à travers le risque de « trajectoires » individuelles et collectives75. C’est donc sur un double aspect temporel que se conclura ce triptyque : d’une part la stratification dans le phénomène qui nous occupe de « différents passés » 76, d’autre part l’expérience multiple de ce qui « se passe » à travers leur mobilisation. Il s’agit en définitive de montrer que si les deux perspectives développées jusqu’ici ont bien leur pertinence – et indéniablement leur autonomie – pour l’explication des conditions d’existence des EF, le souci d’une compréhension véritablement « générique et génétique »77 du phénomène impose de l’envisager parallèlement sous l’angle des différentes temporalités qui en lui se chevauchent, mais aussi des diverses temporalisations qui le travaillent d’un acteur à l’autre.

Un traditionalisme en quête d’incarnation

28 Depuis les années 1990 en RPC, le rapport à la « tradition » se caractérise par l’affirmation de pratiques délibérées, dans lesquelles on peut voir une tendance générale à la « sortie de la muséification »78. Si ce nouveau « régime d’historicité » correspond à un mode spécifique de temporalisation collective, l’éclosion des EF sur le continent invite à en préciser la modalité affective, à savoir un sentiment générationnel et individuel de retard ou d’urgence79. On a pu parler, pour la génération passée au premier plan dans la période post-maoïste des années 1980, du paradoxe d’un « anti-traditionalisme en quête d’une tradition »80 ; la tension propre des adultes impliqués dans les EF des années 2000 serait plutôt celle d’un traditionalisme en quête d’incarnation. En effet, le phénomène se construit sur une véritable dissymétrie cognitive, avec pour professeurs des « maîtres ignorants »81 s’employant à recréer pour leur progéniture les conditions d’une intimité quotidienne avec la « culture traditionnelle », alors que pour beaucoup d’entre eux celle-ci était encore assimilée dans leur enfance à un repoussoir. Si ce déséquilibre se fait moins sentir à Taiwan, il reste que, dans les deux cas, le modèle des EF représente pour ses adeptes aussi bien une aventure éducative qu’un enjeu plus général de survie culturelle. Que cette survie, comme tout phénomène de réinvention de la tradition, soit comme dit Bourdieu « sélective »82, n’empêche pas dans bien des cas la force de l’investissement subjectif. Ainsi, l’assimilation de la pratique intensive du dujing à une méthode d’éveil intellectuel et physique (y compris à un moindre degré pour les adultes)83, de même que la mobilisation en la personne des enfants d’un pouvoir de mémorisation supposé à l’abri des atteintes de l’âge, tout cela agit, pour ainsi dire par procuration, comme autant de réparations du hiatus corporel et mental qui transparaît dans le rapport des adultes à leur propre revendication d’appartenance. Le fait que cette expérience du manque soit un ressort de la démarche pédagogique elle-même se perçoit bien dans les propos suivants : Réciter est fondamental dans l’éducation. Sans ce maillon, la transmission de la culture chinoise est impossible. Nous autres adultes, quand nous lisons les Classiques, nous comprenons tout, mais d’une compréhension cérébrale. Or celle-ci ne suffit pas pour devenir une pratique, car la récitation ne mobilise pas le cerveau, mais le corps. La bouche récite, la langue s’agite, et le cœur s’ouvre quand, par la suite, on se trouve aux prises avec le réel. Or, entre le cœur et la pratique, il y a toute une culture84.

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Dans ces propos affleure une tension symbolique qui, loin de se réduire aux seules dimensions de la critique de l’institution ou du calcul scolaire, impose de voir dans la pratique des EF un équivalent éducatif de celles que Weber décrivait dans l’ordre religieux comme « d’abord recherché[e]s pour la valeur affective immédiate qu’[elles] posséd[ent] en tant que tel[les] s aux yeux des croyants » 85. Il y a là une dynamique autotélique qui donne tout son sens, par exemple, à la prégnance du schème familial dans cette démarche éducative : la continuité culturelle ne s’opère pas seulement par le truchement de la famille, c’est le sens familial lui-même qui devient un contenu essentiel de la transmission. Dans l’expérience des EF, l’itinéraire familial se double et se nourrit délibérément d’une perspective de reconstruction culturelle, en une démarche qui n’est pas tant de calcul, que d’espoir – les promoteurs les plus actifs de la méthode se projetant d’ailleurs souvent au-delà de toute vérification quantifiable86.

29 Pour Wang Caigui en particulier, ce raccordement de la tradition au plus vif de la jeune génération s’inscrit au sein d’une dynamique biographique dont il faut souligner le lien objectif à la problématique fondamentale de son maître Mou Zongsan. Précisons ici que le parcours académique de Wang (auteur d’une thèse de doctorat) ne l’a pas empêché de fréquenter longtemps un lettré retiré de la région de Tainan, Zhang Mumin, dont il narre, dans un récit autobiographique faisant écho à celui de Mou, l’influence tout aussi décisive sur sa formation intellectuelle, mais aussi sur son tropisme pour l’activisme pédagogique87. Le « Professeur Wang » (« Wang jiaoshou »), en tant que figure institutionnellement et culturellement légitime, fait donc fond simultanément sur deux instances de légitimation individualisées et, à travers elles, sur les ressources symboliques conjointes du xueshu et du minjian. Or, dans une perspective analytique – autrement dit sur un plan sans doute opaque à la plupart des acteurs – on peut dire que le passage du discours philosophique à l’engagement culturel s’apparente, mutatis mutandis, à la transposition dans l’ordre empirique du problème de la raison pratique et de la spontanéité morale que travaillait Mou Zongsan dans l’ordre spéculatif88. À travers le corps docile des enfants et l’éclosion « naturelle » de leurs facultés, c’est en quelque sorte – au sein d’un autre jeu de langage, mais selon une homologie formelle manifeste – la « contradiction performative » constitutive, d’après Joël Thoraval, de la philosophie confucianiste contemporaine, qui trouve sa résolution pratique89.

30 Concernant ce transfert d’un ordre discursif et pratique à un autre, et, plus généralement, l’ensemble des trajectoires collectives et singulières qui s’entrelacent dans les EF, il semble que seul le « regard éloigné » de l’anthropologie – conçue comme une branche de l’histoire – donne accès à une compréhension profonde de la portée simultanément symbolique et affective des dynamiques à l’œuvre90. En effet, comment comprendre autrement qu’en termes weberiens de « biens de salut » les accents sotériologiques que peut prendre, dans les conférences de Wang (mais aussi dans le discours de certains responsables d’EF), la formulation de ce qui n’est après tout qu’une méthode pédagogique ? Comment comprendre en particulier que Wang le pédagogue apparaisse, si l’on considère son activité effective, finalement moins comme un praticien de la pédagogie que comme un faiseur de discours sur la pratique pédagogique – mais de discours souvent perçus comme singuliers par leurs auditeurs, et par lesquels il confie à ses proches vouloir déployer son « xinfa » (expression bouddhique renvoyant à la capacité d’influencer autrui non par l’intermédiaire de l’écrit, mais par la seule force spirituelle) ? Enfin, pour prendre un exemple éloquent qui est aussi morceau d’éloquence, comment comprendre que bon nombre des acteurs

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du réseau disent avoir été bouleversés jusqu’au basculement existentiel à l’écoute de la conférence favorite de Wang Caigui, une conférence prononcée par lui-même et filmée à Pékin en juillet 2001, que certains m’ont affirmé avoir visionnée des dizaines de fois ?

La conférence comme moment charismatique

31 Cette conférence mérite en effet qu’on s’y arrête91 : intervention d’un universitaire taiwanais au sein d’une institution continentale prestigieuse (l’Université normale de Pékin), ce discours de près de deux heures, improvisé sur un ton grave mais non sans pointes d’humour, fait figure de point de condensation émotionnelle et de signe de ralliement pour la plupart des membres du réseau des EF, et au-delà pour nombre d’adeptes du dujing. Son impact se mesure au fait que bien des auditeurs se narrativisent en référence à ce point et à ce signe, selon une trajectoire de conversion intellectuelle. Cependant, si la valeur d’événement de cette conférence tient sans doute autant au talent particulier de Wang Caigui qu’aux moyens de diffusion contemporains (notamment via les techniques de numérisation), elle illustre également le fonctionnement d’un mode d’autorité composite qu’il convient de raccorder à des substrats symboliques de plus longue durée.

32 Ici encore, une approche transversale montrera des équivalences, là où une visée particulariste soulignera des singularités. Dans le cas des discours de Wang, on aurait tort de se priver dans une première approche des outils de la réflexion rhétorique occidentale, en particulier de la triade logos, ethos, pathos92. De fait, au plan argumentatif, la conférence de Pékin se laisse identifier comme un logos en tant qu’elle articule un diagnostic de l’institution scolaire à la formulation d’exemples et de preuves censés illustrer les vertus du dujing comme pédagogie substitutive 93. Pour ce qui est de la crédibilité de l’orateur, elle se construit à la fois en fonction du statut et de l’âge du professeur, et à travers la vraisemblance d’un ethos de l’engagement indéfectible dans une cause désintéressée94. Quant au pathos, il correspondrait à la récurrence d’une certaine véhémence du ton, notamment à travers les « remontrances bienveillantes » dont l’orateur parsème ses conférences95.

33 Mais à s’en tenir à ces parallèles techniques, on manquerait toute l’épaisseur symbolique ainsi que le potentiel d’événementialité des prises de parole de Wang Caigui. En effet, dans le discours filmé de Pékin, l’orateur s’appuie sur des instances de légitimation qui justifient sa position de conférencier mais qui, dans le même temps, déjouent l’horizon d’attente universitaire au sein duquel il s’exprime. Cette subversion opérant à plusieurs niveaux, son analyse réclame, au-delà de l’inventaire des procédés formels, une perspective pragmatique sur le moment oratoire lui-même.

34 De fait, accueilli dans un département d’université pékinoise qui se donne théoriquement pour objet la « science de l’éducation » (il s’agit du « jiaoyu xi » de Beishida), Wang s’exprime avant tout, pour reprendre une opposition soulignée par Durkheim, en « théoricien de l’éducation », c’est-à-dire dans son cas, en théoricien certes soucieux de tradition, mais orienté dans ses propositions non « vers le présent, ni vers le passé, mais vers l’avenir »96 : il y a là un premier écart et une première dynamique d’entraînement. Par ailleurs, si la qualité de professeur d’université et surtout de disciple de « Mou xiansheng » (« maître Mou Zongsan ») confère à la parole de Wang le prestige de la haute culture, l’orateur refuse énergiquement la qualité d’« expert »97, et ce, non par affectation de modestie, mais parce qu’il prétend parler au

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nom du bon sens immémorial, supposé accessible à tout un chacun98. Or, c’est cette conception exotérique et quasiment naturalisée de la pédagogie correcte qui rend signifiantes la revendication de radicale simplicité du propos, ainsi que sa remarquable véhémence de ton : Wang malmène son public au nom du socle d’évidence postulé par son discours. Enfin, venu à Pékin en tant que Taiwanais, Wang Caigui exalte le dujing comme une espérance culturelle commune : en quoi on retrouve à la fois la montée en généralité et le schème unanimiste, mais mobilisés dans une perspective sino- taiwanaise d’unification identitaire99. La fin du discours fait converger l’ensemble de ces aspects – postulat exotérique, double charisme institutionnel et vocationnel, sollicitation véhémente, construction identitaire – mais avec l’ajout décisif d’une perspective rédemptrice qui se présente comme indissociablement individuelle et collective : Par conséquent, je vous en prie : ne gâchez pas nos enfants ! Et allez le dire aux autres gens […] Pourquoi suis-je aussi véhément ? Aussi passionné ? Nous voulons sauver ton enfant ! Nous voulons sauver notre pays ! […] Je m’arrête là pour aujourd’hui. Mais je vous le redis : je n’ai aucun intérêt particulier là-dedans. Ici (il montre son cœur), c’est une conscience d’intellectuel (zhishifenzi de liangxin). À travers ce jeu sur plusieurs tableaux, les séquences oratoires de Wang excèdent les limites du simple exposé, fût-il rhétoriquement brillant, d’une méthode pédagogique : elles se signalent comme un moment éminemment performatif, où s’actualise la qualité magistrale d’un maître et où chaque auditeur est interpellé en disciple virtuel (par exemple à travers la formule « xin bu xin you ni », « il dépend de vous de me croire ou pas », qui figure parmi les leitmotivs de l’orateur). Or, c’est seulement en se hissant à ce niveau d’efficacité symbolique – toujours potentielle, mais régulièrement confirmée à chaque nouvel engagement individuel – que l’on peut éclairer à la fois la promotion de cette conférence de 2001 comme modèle du genre voué à une large diffusion, et l’impact plus général d’un art oratoire singulier, tel qu’il se déploie au fil des prises de parole du « Professeur Wang ».

35 Cet art est certes le fruit d’une technique et d’un talent particulier. Il tire en outre une partie de son prestige de la multiplicité des trajectoires individuelles qu’il finit par infléchir à force de mises en œuvre : le moment indéfiniment répété des « yanjiang » (« conférences », « discours ») de Wang Caigui joue incontestablement un rôle crucial dans la diffusion à grande échelle du dujing100, mais aussi dans l’engagement plus radical (de fait beaucoup plus rare) dans les EF. Cependant, le caractère d’évidence conféré à une puissance oratoire particulière ne saurait tenir ni au simple statut, ni aux seules qualités particulières d’un orateur. Le rôle qu’un individu se donne dans ses prises de parole, celui qu’il finit éventuellement par assumer dans une trajectoire de popularité n’ont pas non plus de vertu explicative suffisante : il faut aller au-delà, et supposer à ses performances une place au sein d’un schème d’intelligibilité transindividuel. Ici, l’étonnement de l’observateur étranger devant l’efficacité du dispositif du « yanjiang » peut mettre sur la voie. Il incite en effet à prendre du recul, et à envisager ce schème d’intelligibilité comme participant d’un cadre culturel chinois, plutôt que comme le résultat de logiques transversales qui s’appliqueraient sans variation notable dans d’autres contextes socioculturels101.

36 Pour se garder ici de toute généralisation excessive, le recours au savoir sinologique dans sa profondeur historique est indispensable. Ainsi, alors que le passé chinois en sa diversité a bien produit différents arts du discours (dont le plus politique est sans doute lié à l’institution « littérocratique » de remontrance102), il reste que, comme le rappelle

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Christoph Harbsmeier, aucune théorie articulée de la « rhétorique » comme discipline, ni donc aucune pratique discursive identifiable comme telle, ne se sont développées en Chine avant l’influence occidentale103. Ce qu’on peut en conclure pour la présente analyse, c’est qu’il n’existe pas d’état brut de la prise de parole en public : le geste oratoire est toujours précédé par des « institutions du sens » qui en conditionnent l’exécution aussi bien que la réception104. En l’occurrence, si le « talent oratoire » (koucai) de Wang Caigui est dans une certaine mesure tributaire de formatages liés à la modernité technique (comme dans le fait d’être systématiquement filmé) ou à la globalisation contemporaine des us universitaires105, il est également façonné par des déterminants historiques et anthropologiques qui impliquent pour l’analyse une tout autre profondeur de champ.

37 Ainsi, au niveau de l’histoire récente, il semble qu’on puisse paradoxalement tracer une analogie avec la période maoïste, et plus précisément avec la Révolution culturelle. Il faut rappeler en effet qu’à l’instar de Wang Caigui, Mao Zedong se montra un défenseur obstiné de l’autodidaxie et un pourfendeur – de plus en plus agissant à la fin de son règne – des « experts » de toutes sortes106. Entre ces deux figures que par ailleurs tout oppose, une proximité objective se laisse discerner dans un certain primat intellectuel de la simplicité, ainsi que dans l’affichage d’un rapport critique aux savoirs institutionnalisés. Mais au-delà de cette attitude anti-scolastique commune, le rapprochement concerne plus largement un certain imaginaire éducatif – aspect que, par exemple, la description enthousiaste par tel maophile français des pratiques de lecture au plus fort de la Révolution culturelle peut permettre d’appréhender : Comme je parcourais la Chine […] en automne 1971 un de mes étonnements […] fut d’apercevoir ici et là – on n’étalait pas sa lecture avec ostentation mais on ne s’en cachait pas non plus – les classiques du marxisme théorique entre les mains des travailleurs les plus modestes et dans les foyers les plus simples. […] les plus avancés aident les autres, mais […] tout le monde s’exerce à penser sans distinction d’enseignants et d’enseignés […]107. Il est frappant de constater que sur des contenus idéologiques radicalement différents s’élaborent, à quelques décennies d’écart, des imaginaires de l’étude singulièrement proches : n’était le Petit Livre rouge, la dernière phrase de cette description pourrait notamment très bien convenir à l’idéal pédagogique des sishu du continent, où la hiérarchie statutaire entre adultes et enfants ainsi que les écarts entre niveaux doivent constamment être dépassés dans le travail sur soi des petits comme des grands, ainsi que dans la réciprocité de l’entraide. Il va de soi que cette rémanence (certes localisée) de la Révolution culturelle dans la pratique des EF et dans le style intellectuel de leur chantre, si elle peut donc se conclure de l’analyse, ne saurait être assumée comme telle par les acteurs.

38 Mais il faut remonter plus en amont encore. Car derrière l’ascendance maoïste se dessinent les soubassements culturels des conférences de Wang, qui apparaissent en porte-à-faux avec le schème occidental du discours public à finalité persuasive. Mentionnons ici un autre apport sinologique qui nous aidera à préciser les choses. On constate en effet, dans la culture religieuse chinoise, la permanence à travers les époques d’une pluralité d’« idiomes charismatiques » (self-cultivation, scholarship, discipleship, leadership) dont la conjonction partielle ou totale dans certaines individualités ou circonstances peut générer un effet de charisme. D’après Vincent Goossaert qui fournit à ce sujet une synthèse magistrale, cet effet se signalerait chez ses récepteurs, en amont même du moment charismatique, par une « attente de

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l’extraordinaire »108. Or, si les conférences de Wang ne semblent pas entièrement réductibles au schème de la rhétorique publique, une telle « attente de l’extraordinaire » n’est-elle pas en revanche au principe de l’attention que leur portent leurs nombreux auditeurs ? À chaque fois que ceux-ci vont écouter le « Professeur Wang », ou qu’ils ressortent le DVD de « la » conférence pour la faire découvrir à une connaissance, n’est-ce pas un précipité comparable qui opère, issu de la confluence de différentes instances légitimantes ? Fort des diverses strates de son expérience biographique, conforté dans sa trajectoire individuelle par l’émergence d’un régime d’historicité qui redéploie l’horizon culturel, Wang Caigui finit par se doter d’une autorité cumulative (culture de soi à travers le dévouement pour la cause, excellence oratoire et lettrée, double légitimation académique et populaire, proposition rédemptrice incarnée dans une œuvre collective) qui parle son idiome composite à travers lui. Ainsi, en dépit des options explicitement laïques du promoteur du dujing et au-delà du probable inconscient maoïste qui la sous-tend, la plausibilité sociale de « l’effet Wang Caigui » semble bien renvoyer à une temporalité longue du substrat religieux au sens large. C’est dire qu’elle ressortit de plein droit à une anthropologie historique du magistral en Chine.

Les écoles familiales à l’épreuve du temps

39 Pourtant, dans le caractère composite d’un tel mode d’autorité se trouve également le principe de sa limite. Il faudrait en effet, pour rendre justice à la part d’aléatoire, insister sur la diversité des points de vue impliqués dans le phénomène des EF, ainsi que sur leur fragilité ; il faudrait montrer en particulier que la trajectoire ici puissamment dessinée dans la mobilisation de différents idiomes charismatiques se révèle, dans la pratique, variable, contradictoire et réversible. De fait, selon le degré d’implication des acteurs, selon les ressources dont ils disposent dans la conversion (souhaitée par beaucoup de parents, mais non anticipée par certains) du capital symbolique acquis au sein des EF en un capital validé par l’institution scolaire, selon enfin la plus ou moins grande acceptation de leur changement de vie par les enfants, les modes de temporalisation et d’anticipation de l’avenir ne seront pas les mêmes pour tous, et varieront du « projet » assumé et calculé à la « protention » plus ou moins attentiste ou hésitante109.

40 Un exemple de friction entre temporalisations difficilement compatibles m’a notamment été donné lors de l’insertion, déjà évoquée, d’une dose de dujing dans les programmes de l’école élémentaire de Longtan à Taiwan (discrit de Yilan, canton de Jiaoxi). Validée par les autorités locales, cette politique d’établissement a été adoptée sous l’inspiration de Wang Caigui, mais pas selon l’intégralité de ses vues, si bien qu’une certaine tension était perceptible lors des discussions entre le radicalisme de Wang et la prudence du directeur de l’école, lequel se montrait désireux, malgré l’admiration qu’il professait à l’endroit du « Professeur Wang », d’avancer seulement pas à pas dans l’imposition de sa méthode. Au nombre des tensions se compte également le problème de la passerelle entre les EF et le système officiel pourvoyeur de diplômes : relativement encadrée à Taiwan, la question est envisagée avec confiance sur le continent par ceux- là seuls parmi les parents qui peuvent compter sur des appuis dans l’administration. D’une manière générale, l’intensité de la réception de « l’effet Wang Caigui » chez certains parents est d’autant moins à l’abri des processus d’érosion de l’autorité dont

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Weber souligne la fréquence dans sa typologie, que l’étincelle charismatique ouvre ici sur la réalité potentiellement dégrisante d’une pratique éducative qui par nature ne peut être que routinière.

41 C’est ce caractère risqué et différencié de l’engagement dans les EF qui incite en dernière analyse à envisager celui-ci au sens de la sociologie pragmatique : non seulement comme une trajectoire, mais aussi comme une « épreuve »110. Reformulée dans les termes de cette approche, l’adhésion à la pédagogie alternative des EF apparaîtra en effet d’abord comme un exemple typique de la possibilité qui s’offre aux acteurs sociaux « de se soustraire à une épreuve et, en prenant appui sur un principe extérieur, [de] contester la validité [de cette épreuve] ou même de retourner la situation en engageant une épreuve valide dans un monde différent111 ». Dans les EF, l’examen, épreuve constitutive du système scolaire, se voit remplacé par la richesse d’une expérience approfondie de soi qui passe par l’expérience quotidienne de la « culture » au sein d’une petite communauté apprenante. Si cette expérience n’ignore certes pas la hiérarchie et la discipline, son « format d’épreuve » est cependant tout autre. Le changement de format se manifeste par exemple dans la façon – anodine seulement en apparence – dont un exercice courant dans l’enseignement secondaire chinois (le « journal personnel » [riji], d’ordinaire traité comme un test d’expression écrite) se voit transformé dans certaines EF en une véritable technique de subjectivation, la correction de la langue par le relecteur adulte passant alors au second plan par rapport à l’incitation à approfondir une qualité d’introspection et à moraliser son rapport aux autres112.

42 Pourtant, si cette épreuve substitutive qu’élaborent les EF par rapport au système scolaire n’est, aux yeux de la plupart des acteurs, pas incompatible avec la perspective de sa rétroconvertibilité selon les critères de l’examen, le jeu sur la pluralité des formats d’épreuve expose également à une forme de précarité qui n’est pas qu’institutionnelle. Bien qu’elle soit exaltée dans le discours des acteurs, l’aventure pédagogique des EF conduit en effet nécessairement aux tâtonnements de l’expérimentation, lesquels peuvent parfois susciter chez certains parents la crainte de transformer leur enfant en cobaye. Or, le fait n’est sans doute pas anecdotique : cette crainte s’est exprimée une fois au cours de l’enquête, au terme d’un entretien et avec quelque embarras, dans le propos d’une mère taiwanaise responsable d’un dujingban qui se montrait tout à coup avide d’une opinion extérieure rassurante. Cette faille soudaine dans la relation d’entretien fut une surprise pour moi qui m’étais accoutumé à la force de conviction des acteurs du réseau. Or une telle dissonance, ajoutée aux constats plus généraux des frictions entre temporalisations individuelles ou de l’écart entre formats d’épreuve incompatibles, suffit à rappeler l’usure toujours possible des engagements – en quoi consiste aussi, pour les EF, l’épreuve du temps. Aussi ne faut-il jamais perdre de vue que si les affirmations définitives du « Professeur Wang » trouvent un prolongement dans l’adhésion et l’ardeur volubile de ceux qui se laissent convaincre par sa méthode, cette adhésion et cette ardeur, pour peu qu’on les écoute, peuvent aussi laisser la place – plus spécialement, sans doute, en présence d’une oreille étrangère – à l’inquiétude gênée et au murmure du doute113.

43 Cette étude a consisté à poser des questions d’ordre général sur un cas de pratique éducative en définitive singulièrement limité. Au terme de l’analyse, il apparaît que la marginalité numérique des « écoles familiales » de Taiwan et de Chine continentale, corrélative de l’engagement radical qui les porte, n’en fait pas pour autant un

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épiphénomène mais que, bien au contraire, celle-ci donne un accès facilité à des enjeux plus larges.

44 Tout au long de cet article, il s’est agi de faire fond sur l’intuition, issue du terrain, qu’en la figure de Wang Caigui convergent à la fois un héritier revendiqué – et à certains égards objectif – des néoconfucéens hétérodoxes des Song et des Ming, et l’équivalent à coloration chinoise d’un John Caldwell Holt114. À partir d’un tel « cas d’école », il fallait tenter, autant qu’il était possible dans les limites de ce travail, de tenir ensemble la perspective à tendance singularisante de la discipline sinologique et les approches à vocations plus assimilatrices du politiste et du sociologue, ce afin de faire ressortir à la fois les tendances idiosyncratiques renvoyant à une cohérence chinoise, et les logiques transversales qui ressortissent aussi bien aux acquis irréversibles de la modernité qu’aux accélérations nivelantes d’un monde globalisé.

45 Si l’ambition pourrait être à terme de mesurer, dans ce phénomène au premier abord pétri d’étrangeté, la part effective du générique et du spécifique – et notamment la place de chacun de ces deux aspects dans un complexe de déterminations réciproques –, force est de constater que cet objectif n’est, pour l’heure, pas entièrement accessible. Tout au plus peut-on ici, en guise de conclusion provisoire, tester les résultats de cette enquête sur l’énoncé tiré d’un article d’Yves Chevrier (un énoncé qui n’épuise en rien la richesse de l’article) : « Le supposé retour des traditions ne peut être la réaffirmation du jiao : des deux côtés du détroit [en Chine continentale et à Taiwan], le nihilisme vulgarisé vénère une tradition banalisée »115. Formulé en ces termes, ce diagnostic paraît incontestable pour ce qui est de sa première partie. Cette étude l’a assez montré : la mobilisation des idiomes du passé ne prend sens et consistance qu’à travers leur incarnation dans les trajectoires collectives et individuelles – forcément disruptives et aux entrelacs pas toujours harmonieux – du temps présent. Par ailleurs, la diffraction du phénomène dans trois domaines d’effectivité sociale relativement distincts n’est pas qu’un artifice de l’analyse : elle est la manifestation de la différenciation institutionnelle moderne qui structurellement invalide la prétention unitive du jiao politico-religieux. Ainsi, en voyant circuler un même motif d’un domaine à l’autre (par exemple le minjian, qu’on a retrouvé investi successivement par les revendications extra-institutionnelles, par les logiques rivalitaires et par les trajectoires de sortie des apories académiques), on ne s’est pas pour autant mis en mesure de reconstituer à partir d’un tel fil rouge l’omniprésence d’un « fait social total ». En outre, le propre des reformulations identitaires est qu’elles mobilisent dans un passé hétérogène des éléments épars qui se découvrent à l’usage des rôles inattendus, nullement inscrits dans leurs logiques de départ : ainsi en est-il de ces « écoles familiales » vis-à-vis d’un phénomène qui n’a pas été évoqué dans l’article mais auquel on pense forcément en Chine populaire, celui de l’enfant unique, dont les contrecoups négatifs se trouvent quelque peu atténués dans ces « écoles » où beaucoup de parents – et d’enfants – finissent par voir un prolongement de la famille. Ainsi, il se pourrait que les sishu et dujingban d’inspiration confucéenne deviennent à leur échelle – en concomitance avec la prise de conscience nationale des limites du productivisme scolaire – l’un des creusets d’une nouvelle façon d’envisager en Chine et à Taiwan le développement de l’enfant.

46 Pourtant, la deuxième affirmation, qui semble suggérer une réduction au même et à l’insignifiance des investissements symboliques, ne rend peut-être pas compte de ce qui frappe aussi dans ces cellules éducatives : à savoir, malgré tout, le potentiel

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d’événementialité subjective de certains faits repérés par les acteurs comme décisifs, ainsi que les cohérences pratiques et discursives qui se construisent à partir d’eux dans des circonstances diversifiées. D’un côté, il y a la capacité d’entraînement d’un individu et d’un réseau, de l’autre, la certitude pour les acteurs de se raccorder à travers eux à de l’immémorial : là réside sans doute le ressort, à la fois profond et immédiat, de la plausibilité sociale du phénomène. C’est cette plausibilité et ce caractère d’évidence subjective et collective qu’on a tenté d’identifier à travers les notions de rôle et de place.

47 Le rôle renvoie avant tout à ceux qu’on s’attribue, ou qu’on assigne à d’autres, au sein de règles à valeur communautaire (ainsi des rôles de la relation magistrale) ; dans un second sens, la notion évoque les rôles assumés plus ou moins consciemment par les acteurs au sein de trajectoires qui s’imposent à eux, sans qu’ils se les formulent toujours clairement (comme dans le rôle qui échoit aux enfants de compenser la frustration culturelle parentale). Parallèlement à ces investissements et à ces héritages fortement subjectivés, la notion plus impersonnelle de place vise quant à elle à prendre au sérieux – ce qui n’est pas l’essentialiser – la persistance d’un cadre d’intelligibilité dans les pratiques d’invention de la tradition, un cadre qui permet par exemple de rendre compte des récurrences et des inerties qu’on voit fonctionner, dans le cas de la rhétorique de Wang Caigui, jusque dans la façon de faire événement. Car si l’on repère sans conteste dans les « écoles familiales » sino-taiwanaises un certain nombre d’éléments flottants et diffractés issus des remous de la modernité globalisée, on y retrouve aussi, à un niveau plus tellurique, un ensemble de fins et de schèmes de temporalité plus longue, dont on peut penser qu’ils demeurent, pour l’heure et à un certain niveau, caractéristiques d’un fait social chinois – jusqu’à de plus amples bouleversements.

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ANNEXES

Glossaire benshengren 本省人 Chen shi jiashu 陳氏家塾 Chen Shuibian 陳水扁 chengguo baogao 成果報告 didiao 低調 Dizigui 弟子規 Du Bing 杜柄 dujing 讀經 dujingban 讀經班 ertong dujing yundong 兒童讀經運動 guanfang 官方 guojia 國家 Guomindang 國民黨 Hongyuan you’er jingdian shuyuan 宏遠幼兒經典書院 Huashan shuyuan 華山書院 jian 諫 jiao 教 jiaoyu xi 教育系 Jingkong 淨空 Jundeyuan 君德苑 koucai 口才

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Lepanlin 樂攀林 Li Yuanzhe 李遠哲 lianmeng 聯盟 Longtan 龍潭 Lü Liwei 呂麗偉 Lu Xun 魯迅 Ma Yingjiu 馬英九 Mengmutang 孟母堂 minban 民辦 minjian 民間 Minjindang 民進黨 moxu 默許 Mou xiansheng 牟先生 Mou Zongsan 牟宗三 nianjing 念經 Qiangjiu guowen jiaoyu lianmeng 搶國文教育聯盟 Quanguo jingdian zonghuikao 全國經典總會考 quanrizhi 全日制 quzhongguohua 去中國化 Renshi Taiwan 認識台灣 riji 日記 Shaonan wenhua 紹南文化 shizi yanxihui 師資研習會 Sihai 四海 sishu 私塾 Taibeishi quanqiu dujing jiaoyu jijinhui 台北市全球讀經教育基金會 taiyu 臺語 xifanghua 西方化 xin bu xin you ni 信不信由你 xinfa 心法 xiuyang 修養 xueshu 學術 xuexiao 學校 waishengren 外省人

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Wang Caigui 王財貴 Wang jiaoshou 王教授 Wufeng kejiao xin sishu 五峰科教新私塾 Xie Qida 謝啟大 yanjiang 演講 Yiguandao 一貫道 yingshi jiaoyu 應試教育 zaijia zixue 在家自學 Zhang Mumin 掌牧民 Zhang Zhiyong 張志勇 zhengfu 政府 zhidu nei jiaoyu 制度內教育 zhishifenzi de liangxin 知識份子的良心 zhitong daohe 志同道合 Zhou Yingzhi 周應之 Zhu Zhizhong 朱執中 zhuanjia 專家 zhuanmen pian renjia 專門騙人家 zhuliu 主流

NOTES

1. La présente recherche intervient en marge d’un travail doctoral (portant sur un lettré néoconfucéen des Song, dans le cadre d’une anthropologie historique de la pratique philosophique chinoise) qu’elle prolonge sans s’y agréger. Je remercie pour leur impulsion décisive les Ateliers Doctoraux de Beijing dirigés par J.-L. Rocca, ainsi que le CEFC et la Fondation Chiang Ching-kuo pour leur soutien financier (dans le cas de cette dernière, au titre du groupe de recherche « The Confucian Revival in Contemporary China » dont cet article constitue l’un des résultats). La première phase de l’enquête doit beaucoup à la collaboration de Wang Yuchen, doctorante en anthropologie à la London School of Economics ; je lui exprime toute ma reconnaissance, ainsi qu’à ceux qui m’ont aidé de leurs conseils et encouragements : Julien Clément, Frédéric Keck, Camille Salgues, Hans Steinmüller, Charles Stépanoff et Florence Weber – les défauts qui demeurent m’étant entièrement imputables. Un premier état de ce travail a été présenté en juin 2008 au département d’anthropologie de la LSE, et en février 2009 au Collège de France dans le cadre du séminaire de Madame Anne Cheng que je remercie pour son soutien. 2. Pour un panorama des divers enjeux du « renouveau confucianiste », voir les différents articles de Sébastien Billioud et Joël Thoraval. 3. En l’absence de toute statistique officielle, je m’en remets au discours des acteurs et à ma propre évaluation : le phénomène des « écoles familiales » d’inspiration confucianiste ne concernerait que quelques milliers de familles, en Chine comme à Taiwan. Sur la distinction

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heuristique que l’on peut faire entre « confucianiste » et « confucéen », cf. Dutournier & Ji, « Expérimentation sociale et confucianisme populaire », p. 71. 4. Voir Billioud & Thoraval, « Jiaohua ». 5. Sur le parcours et la pensée de Mou Zongsan, voir Thoraval, « Idéal du sage, stratégie du philosophe » ; Billioud, Thinking through Confucian Modernity. 6. La désignation des citoyens des deux entités politiques en présence constitue une question délicate qu’on ne pourra qu’éluder ici en recourant à des appellations conventionnelles. 7. En dépit de son grand intérêt, la question de la réception de cette pratique par ceux qu’elle concerne au premier chef, à savoir les enfants et adolescents impliqués dans les « écoles familiales » de Chine et de Taiwan, n’est abordée qu’à la marge dans cet article, où l’accent est mis sur la perspective des adultes. 8. Pour une monumentale synthèse sur l’éducation officielle et non officielle en Chine, voir Lee, Education in Traditional China ; sur la question de l’éducation privée à la fin de l’empire, voir certains des articles édités dans Elman & Woodside, Education and Society in Late Imperial China (notamment les trois premiers). 9. La loi de 1986 établissant l’enseignement obligatoire s’inscrit dans le long et chaotique effort de modernisation scolaire et universitaire entrepris depuis la fin le l’empire ; elle n’a été promulguée qu’en 1992. Cf. Pairault, « Emploi et formation en Chine », p. 24, n. 8. 10. Par commodité, et malgré le caractère inadapté en l’espèce du terme « école », je propose de subsumer la relative diversité des formats et appellations inventoriés au cours de ce terrain sous la catégorie générique d’« école familiale » et, par souci d’économie, sous le sigle « EF ». 11. La constitution des matériaux dans la première phase de l’enquête aurait été autrement plus difficile sans le concours de Wang Yuchen, laquelle m’a également aidé à formuler un début d’analyse des faits présentés ici. 12. Compte tenu des limites de cet article, on réserve pour une autre publication le descriptif circonstancié du terrain ainsi qu’un échantillon plus fourni des citations d’entretiens. À la demande de certains informateurs, quelques noms propres ont été modifiés. 13. En 2006, un service interministériel dénombrait en France 2800 enfants entièrement instruits par leurs parents. Voir à ce sujet Brygo (« Ces familles américaines qui défient l’école publique ») qui donne une présentation rapide des différents types de homeschooling occidental (notamment états-unien). 14. Cf. « Cong Baicaoyuan dao Sanwei shuwu ». 15. Cf. Durkheim, Éducation et Sociologie, p. 45-46. 16. Cf. Vandermeersch, « Préface », III. 17. Sur la distinction entre « norme » et « schème », voir l’analyse faite par Bourdieu (Esquisse d’une théorie de la pratique, p. 250) des différents usages de la notion de « règle » en sciences sociales. Appliquée à l’éducation, la notion de « fin » renvoie quant à elle à l’idée durkheimienne selon laquelle « chaque société se fait un certain idéal de l’homme, de ce qu’il doit être tant au point de vue intellectuel que physique et moral », cet idéal « à la fois un et divers » constituant selon Durkheim le « pôle de l’éducation » ; cf. Durkheim, op. cit., p. 50. 18. Voir Salgues (« La Chine, entre cadre et contexte »), à qui j’emprunte les concepts de « cadre » et de « contexte ». 19. Voir Brygo, ibid. 20. Cf. Salgues, op. cit., p. 180, citant Rocca, La Condition chinoise. 21. Sur la question du confucianisme moderne comme religion, voir notamment Goossaert, « Les mutations de la religion confucianiste ». 22. Cf. Halbwachs, « Préface », p. 2. 23. Sur le continent, les sishu accueillent des enfants parfois pour plusieurs mois d’affilée : le lieu de résidence suffisant rarement à cet usage, les responsables recourent souvent à la location ou à l’achat d’un appartement supplémentaire, voire (comme à « Mengmutang », sishu situé dans une

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banlieue cossue du sud-ouest de Shanghai) d’une villa dotée d’un jardin. Les frais demandés se situent généralement autour de 15 000 ou 20 000 RMB par enfant pour une pension complète à l’année – une somme importante, mais que la plupart des parents interrogés estiment justifiée, en tout cas supportable. Les frais demandés à Taiwan sont également élevés, mais il ne semble pas qu’on y pratique la pension complète. Si la plupart des responsables d’EF se disent ouverts à la possibilité de moduler les tarifs en fonction du revenu des parents, je n’ai inventorié qu’un seul sishu de Chine continentale réclamant des frais modiques, le sishu à vocation rurale de Zhang Zhiyong (dans le Hunan) qui se distingue des autres EF par un certain nombre de traits que j’évoque ci-dessous. 24. Les nombreuses productions écrites de Wang Caigui demanderaient une étude en soi ; citons simplement ici le dernier ouvrage en date : Jiaoyu de zhihuixue (Sagesse de l’éducation). 25. Voir Sperber, La Contagion des idées. 26. La copie de ces DVDs étant autorisée par la fondation de Wang (sous la forme d’une mention expresse figurant sur les articles), le chiffrage de leur diffusion est difficile à établir ; il est manifestement considérable. 27. Cf. Sperber, ibid., p. 49 et sq. 28. J’emprunte à Thierry Pairault la traduction du terme minjian, qui renvoie selon lui à un « espace de régulation autonome » ; cf. http://www.pairault.fr/ehess/presem.html (consulté le 15 avril 2011). 29. Le sishu shanghaïen « Mengmutang » est la seule EF continentale à avoir pu bénéficier un temps de l’aide financière de la très officielle « Fondation nationale Confucius » ; mais ce lien a été rompu, de sorte que les membres de ce sishu sont fondés à se dire désormais « purement minjian ». 30. Voir Brygo, ibid. 31. Cf. Durkheim, op. cit., p. 59. 32. Lorsqu’on le trouve appliqué aux sishu, le terme « yundong » (ici « mouvement ») semble plutôt émaner d’observateurs extérieurs au phénomène. 33. Voir Boltanski &Thévenot, De la justification. 34. Propos de Lü Liwei, recueillis dans le sishu shanghaïen « Mengmutang » le 16 octobre 2007. 35. Salgues, ibid. 36. Pour un panorama de l’histoire de l’éducation en Chine, voir la synthèse de Lee, ibid. ; sur la dialectique entre impulsions étatiques et initiatives privées en matière d’éducation (surtout à partir des Ming), voir notamment Woodside, « The Divorce Between the Political Center and Educational Creativity » ; Schneewind, Community Schools and the State in Ming China. 37. Voir Ding Xueliang, « Institutional Amphibiousness and the Transition from Communism », p. 293-294, qui limite le concept de société civile à quatre critères définitoires (civilité, association, autonomie et ouverture) : en toute rigueur, le quatrième de ces critères ne s’applique pas au cas des EF de Chine populaire, dans la mesure où, de l’aveu même des acteurs, ces dernières se trouvent contraintes à une « discrétion » plus ou moins effective selon les cas. 38. Je remercie Paul Charon pour cette précision conceptuelle importante. 39. Ces notions sont empruntées à Habermas, L’Espace public, p. 150. 40. Parmi les publications de juristes que suscite l’apparition des sishu dans la Chine actuelle, voir notamment Zhang & Jiang, « Xiandai sishu “Mengmutang” nengfou jianrong yu fazhi ». 41. Sur la politique éducative du Guomindang, voir Chun, « From Nationalism to Nationalizing ». Je remercie Franck Muyard et Damien Morier-Genoud pour leurs éclairages dans la première phase de ce terrain taiwanais. 42. Cette réforme éducative se concrétisa entre autres par la publication de nouveaux manuels intitulés Connaître Taiwan ( Renshi Taiwan) qui s’affranchissaient du prisme han en matière d’histoire taiwanaise ; voir Corcuff, « L’introspection Han à Formose ». 43. Voir Duchatel, « Une politique active de “désinisation” ».

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44. Précisons que le rejet de la « désinisation » semble fédérer au-delà du groupe des descendants de la vague d’immigration historiquement liée au Guomindang (waishengren). J’ai ainsi constaté que l’entourage de Wang Caigui comprend une majorité d’individus se définissant comme « originaires de Taiwan » (benshengren) ; c’est le cas de Wang lui-même, qui vient d’une famille rurale du district de Tainan. Par ailleurs, la valorisation de la langue classique chinoise ne conduit pas ici à déprécier les langues vernaculaires : les langues taiwanaises (taiyu) sont même parfois mises en avant pour leur plus grande fidélité à la prononciation ancienne – une façon certes sino-centrée de concéder un mérite au particularisme taiwanais. Au passage, mentionnons le cas d’un sociologue de l’Université Nanhua, Ran Benrui (Jai Ben-ray), qui mobilise dans ses travaux la méthode de Wang Caigui dans une perspective de préservation des langues aborigènes. D’une manière générale, le rejet de la politique du Minjindang n’équivaut pas, semble-t-il, à accorder un blanc-seing au président (Guomindang) Ma Yingjiu. J’ajoute que lors de nos échanges, les acteurs ont contesté tout parallèle entre la méthode prônée par Wang Caigui et l’usage qui fut fait des Classiques confucéens lors de la mise au pas idéologique des années 1960-1970. 45. Wang est également engagé dans l’« Alliance pour le sauvetage de l’enseignement de la langue nationale » (Qiangjiu guowen jiaoyu lianmeng) qui conteste la réduction, voulue par le Minjindang, de la part de la langue classique dans l’évaluation des lycéens. 46. Wang Caigui est en cela fidèle à sa formation intellectuelle, effectuée à Taiwan et à Hong Kong au sein du courant d’universitaires en exil (le « néoconfucianisme contemporain ») auquel appartenait son maître Mou Zongsan, lui-même partisan revendiqué des principes démocratiques. 47. Cf. Klöter, « Vers une société multilingue ? », p. 62. 48. La fondation de Wang Caigui comptait un petit nombre de salariés en 2008, à quoi s’ajoutaient quelques bénévoles plus ou moins occasionnels. 49. Le « Professeur Wang » a pris sa retraite de l’Université des sciences de l’éducation de Taichung depuis juin 2010 ; son activité de promotion du dujing n’en paraît désormais que plus intense. 50. Le récent désengagement du gouvernement vis-à-vis de ce « concours » passe aux yeux de l’entourage de Wang pour un forfait caractérisé de la politique de « désinisation ». 51. C’est le cas de l’école élémentaire Longtan du district de Yilan (canton de Jiaoxi), dont le chef d’établissement s’est laissé convaincre par Wang Caigui de faire systématiquement commencer les cours par quelques minutes de dujing. 52. Wang Caigui fait montre d’une capacité certaine à s’adresser à des publics différents, en vue d’objectifs qui demeurent en revanche obstinément les mêmes, y compris parfois en contradiction avec l’horizon d’attente de ses prises de parole. J’ai ainsi pu constater, pour avoir suivi durant quelques semaines à Taichung les séminaires du « Professeur Wang » à l’université, que la thématique du dujing y parasitait fréquemment le contenu de son enseignement statutaire d’histoire de la philosophie chinoise. 53. Le système dit d’« auto-éducation à domicile » (zaijia zixue) autorise depuis 1999 les Taiwanais à retirer leurs enfants du système scolaire, à condition qu’ils rédigent un projet éducatif correspondant aux programmes officiels de la scolarité sur neuf ans. Ils doivent également se plier (selon des modalités variables d’un district à l’autre) à un « rapport de résultat » (chengguo baogao) soumis annuellement aux autorités. De l’aveu même des parents qui font usage de ce droit, une dimension de ruse intervient souvent à deux niveaux : d’abord dans le fait que les enfants autorisés à étudier intégralement à domicile sont en réalité souvent placés dans un établissement pratiquant le dujing intensif, alors que les directives excluent que l’enseignement soit autre que familial ; ensuite dans la rédaction du rapport lui-même, qui le plus souvent minore la part réelle du dujing par rapport aux autres disciplines (notamment scientifiques), qui sont quant à elles en général réduites à la portion congrue.

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54. Aux dires des membres du réseau, l’intitulé « Lecture des Classiques et sishu contemporain » a été modifié en « Éducation par la lecture des Classiques et éducation familiale ». 55. C’est ainsi que Chen Yide, du sishu « Chen shi jiashu » (Hunan), s’est senti tenu de mentionner dans la dédicace d’un livre offert en témoignage de bienvenue son rattachement au « Département de politique et de droit de l’Institut des humanités du Hunan », où il fut enseignant par le passé, et qui l’autorise encore à conserver virtuellement son poste. 56. C’est le cas de « Lepanlin », sishu de Shanghai à présent fermé, qui se réclamait d’un « Réseau “Lepanlin” d’éducation des enfants par les Classiques » dont la page Internet ne contenait que quelques indices sur le thème général des sishu. 57. Les responsables du sishu « Jundeyuan » de Zhuzhou (Hunan) n’ont pas hésité, moins d’un mois après ma visite, à mentionner sur un forum Internet le passage présenté comme très protocolaire d’un « professeur français » venu spécialement échanger sur des questions d’enseignement, ce à l’initiative d’un « Programme d’échange franco-chinois de la Section culturelle » pour le moins fantaisiste ; cf. http://bbs.zhuzhouwang.com/viewthread.php ? tid =4566 (consulté le 22 janvier 2008). 58. Soulignons notamment l’intervention de Xie Qida, juriste et femme politique taiwanaise d’une certaine renommée. 59. En novembre 2006, lors d’une simple conférence de presse, le ministère de l’Éducation autorise les « écoles ne relevant pas de l’enseignement obligatoire » à se porter candidates, selon la procédure qui s’impose aux écoles « gérées par le peuple » (minban), à l’autorisation de mener des activités d’enseignement ; cf. http://news.xinhuanet.com/video/2006-11/30/ content_5410867.htm (consulté le 25 avril 2007). 60. De toute évidence, les sishu actuels sont, tant du point de vue de leur infrastructure rudimentaire que de l’organisation des cours, incapables de satisfaire à ces réquisits gouvernementaux. 61. Le déroulement des événements est détaillé par Feng, « Mengmutang : jiating he xuexiao de jiaoyu boyi ». En devenant à la fois un objet du débat public et un des pôles d’identification du réseau des EF, « l’affaire Mengmutang » peut s’apparenter, pour l’institution éducative (mais dans des proportions moindres), au processus de politisation issu de la mise en débat d’une tout autre institution, celle des Lettres et visites ; voir l’approche pragmatiste développée à ce sujet par Thireau & Hua, Les Ruses de la démocratie, p. 325-331. 62. Propos de Zhou Yingzhi, recueillis à Shanghai dans le sishu « Mengmutang » le 15 octobre 2007. 63. Cette définition synthétique du concept bourdieusien de « champ » est inspirée de Lahire, « Le champ et le jeu ». La perspective de « sociologie de l’éducation » que j’adopte ici concerne uniquement la question du champ de l’éducation alternative, et non les aspects non moins essentiels – mais exigeant l’analyse de données encore en cours d’exploitation – de la stratégie scolaire et de l’investissement parental. 64. Sur le Yiguandao, je renvoie à l’article de Sébastien Billioud dans le présent volume. 65. Les salariés de l’Académie Huashan savent qu’ils peuvent compter sur le soutien logistique de certaines écoles privées lorsque leurs activités prennent place en dehors de Taipei. Ainsi en est-il à Gaohsiung de la vaste « Académie des Classiques pour enfants Hongyuan » (Hongyuan you’er jingdian shuyuan), de coloration Yiguandao. 66. Un débat – resté assez confidentiel – a eu lieu entre le Wang Caigui et le moine Jingkong sur les implications pédagogiques et morales du choix de tel ou tel Classique pour le dujing. Sur le parcours de Jingkong, voir Dutournier & Ji, op. cit., p. 73-75. 67. C’est ainsi que Marianne Bastid-Bruguière et Thierry Pairault précisaient à l’occasion d’une journée d’étude le sens de la notion ; cf. http://cecmc.ehess.fr/document.php ?id =274 (consulté le 02 janvier 2008).

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68. Par exemple, Lü Liwei, du sishu « Mengmutang » (Shanghai), souligne le contraste entre son sishu et « Sihai », organisme privé de diffusion culturelle basé à Beijing. D’après elle, la visibilité de ce « Centre d’enseignement de la lecture des Classiques pour les enfants » ainsi que son caractère « structuré » ne le placent pas dans une situation de supériorité par rapport aux sishu. Entretien du 15 octobre 2007. 69. Cf. Billioud et Thoraval, « Jiaohua », p. 8 et sq. 70. Le cas de ce professeur de sishu originaire d’une lignée de lettrés du Fujian appelle une étude à part. Après avoir été enseignant puis homme d’affaire à Shanghai, Zhang Zhiyong change radicalement de vie en fondant dans le nord-est du Hunan le « Nouveau sishu éducatif et scientifique de Wufeng » (Wufeng kejiao xin sishu), dont la visibilité locale tranche avec la discrétion des autres EF continentales. 71. Ces propos de Zhang Zhiyong (du sishu hunanais « Wufeng kejiao xin sishu ») ont été tenus le 26 octobre 2007 dans le bourg voisin de Nanjiangqiao, en présence du principal du collège local. J’ai également assisté, en juin 2010, à une entrevue de Zhang avec le chef du district de Pingjiang, auprès de qui l’éducateur a tenté de défendre l’idée d’une institutionnalisation locale de sa pédagogie du « nouveau sishu ». Cette pédagogie se distingue des idées de Wang Caigui par le rôle restreint (essentiellement d’alphabétisation) qu’elle attribue aux Classiques confucéens. 72. Ainsi, les sishu « Mengmutang » (Shanghai) et « Chen shi jiashu » (Hunan) ont chacun procédé à un déménagement au cours des dernières années. 73. Cette brève typologie ne vaut naturellement que par les nuances qu’elle permet de faire ressortir sur des cas précis. En l’occurrence, je n’ai pour l’heure inventorié qu’un cas (le « Wufeng kejiao xin sishu » au Hunan) permettant d’illustrer le minjian dans cette seconde modalité. 74. À l’instar de Wang Caigui, tous les responsables d’EF insistent sur l’avantage qu’il y aurait à commencer le plus tôt possible la pratique intensive du dujing. Certaines EF accueillent des enfants dès l’âge de deux ans. 75. La perspective développée ici est inspirée de Thireau & Hua (Disputes au village chinois, p. 79-80) qui, pour sortir de l’opposition entre approches continuistes et discontinuistes en matière de « retours de la tradition », préconisent d’étudier la façon dont différentes strates de passé sont mobilisées dans les élaborations normatives contemporaines. La notion d’« idiomes » (empruntée à Goossaert, « Mapping Charisma ») correspond aux substrats discursifs et pratiques qui, dans les EF et autour d’elles, sont plus ou moins consciemment mobilisés comme autant de ressources, ce qui inscrit le phénomène dans des temporalités variables, confucéennes mais aussi post-maoïstes. Les idiomes concernés ne prennent cependant consistance qu’en s’incorporant à des « trajectoires », concept à la fois historiographique (Will, « L’Histoire n’a pas de fin », p. 40) et socio-anthropologique (Passeron, « Biographie, flux, itinéraires, trajectoires », p. 20-22) qui permet pour chaque cas de situer le recours à la méthode des EF dans sa plausibilité sociale et subjective. 76. Cf. Thireau & Hua, ibid., p. 80. 77. Cf. Bourdieu, Méditations pascaliennes, p. 1400. 78. Cf. Billioud, « « Confucianisme », « tradition culturelle » et discours officiels », p. 68. 79. Sur le concept de « régime d’historicité », conçu comme la mise en tension propre à une époque des trois dimensions temporelles, voir Hartog, Régimes d’historicité. 80. Cf. Thoraval, « La tradition rêvée », p. 146-147. 81. Je me réfère ici à l’ouvrage de Rancière, Le Maître ignorant. 82. Cf. Bourdieu, Méditations pascaliennes, p. 253. 83. Billioud & Thoraval, « Jiaohua », soulignent que l’implication des familles dans les démarches d’éducation confucianiste concerne souvent aussi bien les parents que les enfants. 84. Propos de Du Bing, recueillis dans le sishu pékinois « Guihua shuyuan » le 16 novembre 2007. 85. Cf. Weber, Essais de sociologie des religions I, p. 37.

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86. « C’est une recherche en cours : rien n’est encore complètement établi, mais au moins je considère que c’est une direction, une faille qui commence à s’ouvrir. Ce sera un long processus, on ne verra le résultat que dans des dizaines d’années » (propos de Zhang Zhiyong, recueillis dans le sishu hunanais « Wufeng kejiao xin sishu » le 26/10/2007). Wang Caigui lui-même se refuse à tout chiffrage précis sur les résultats potentiels de sa méthode. Dans un texte en vers libres que l’on peut lire sur un site Internet lié à sa fondation, il élude toute considération de court terme en une vision aux accents prophétiques : « On change de professeur au bout de deux ans tout au plus/On change d’école au bout de six ans tout au plus/Cinq à dix ans, et les idées changent/Au maximum douze ans, et c’est le système scolaire qui change/Mais ton enfant, lui, vivra quatre-vingt, cent ans/Notre peuple vivra mille ans, dix mille ans/Le genre humain vivra cent milliards d’années » ; cf. http://blog.xuite.net/dachinghome/wang/5154076 (consulté le 10 janvier 2011). 87. Le récit que Wang donne de sa formation auprès de Zhang Mumin mériterait d’être étudié en parallèle à l’autobiographie de Mou Zongsan, Wushi zishu (Autobiographie à 50 ans), de manière notamment à interroger la permanence, jusque dans ces narrativisations singulières, des traits distinctifs de l’autobiographie confucéenne tels qu’ils se dégagent par exemple du travail sinologique de Wu Pei-yi, The Confucian’s Progress ; cf. Wang Caigui, « Zhang laoshi yu wo ». 88. Cf. Thoraval, « Idéal du sage, stratégie du philosophe », p. 40. 89. Voir Thoraval, « Expérience confucéenne et discours philosophique », où le concept de « contradiction performative » est développé. Dans le cas des EF, une analyse pragmatique des trajectoires à l’œuvre permet d’éclairer le chemin latent à travers lequel cette contradiction performative se dénoue dans l’expérience éducative. Ainsi, là où Mou Zongsan repensait l’impératif moral de Kant en lui opposant la conaturalité du normatif et de la conscience, Wang Caigui appuie sa critique de la pédagogie occidentalisée sur une conception spontanéiste des facultés cognitives de l’enfant. D’un discours à l’autre, les postulats innéistes sont similaires, mais le schéma actanciel et le jeu de langage où ils s’insèrent changent du tout au tout : on passe d’une discussion à deux agents (entre philosophies opposés) à une proposition pédagogique à trois agents (adressée par des adultes à des adultes, au sujet d’un tiers non adulte) ; et d’un impératif de transformation de soi privé de validation empirique (du fait des limites institutionnelles de la « philosophie chinoise ») à une méthode de transformation d’autrui confirmée quotidiennement dans l’expérience pédagogique. 90. Je retiens de la conceptualisation de la « trajectoire » par Passeron (1989, p. 20-22) ce qui la distingue de la conception (plus strictement bourdieusienne) d’un « habitus » persévérant bon an mal an dans son être au travers des circonstances qu’il rencontre. Pour Passeron, le propre de la « trajectoire » réside dans le fait de « composer une force et une direction initiales propres à un mobile avec les champs de forces et d’interactions qu’il traverse » (1989, p. 21). Ainsi, que ce soit au niveau collectif (par exemple les mutations du régime d’historicité) ou à l’échelle individuelle (celle d’un Wang Caigui s’extrayant du discours philosophique pour rejoindre le minjian, celle de tel parent se convertissant tardivement à la « culture traditionnelle »), les dynamiques à l’œuvre dans le phénomène qui nous occupe apparaissent comme fondamentalement disruptives, avant d’être éventuellement adaptatives – d’où la part significative de l’aléatoire. 91. Le DVD de cette conférence, largement diffusé par la fondation de Wang qui en autorise la copie, s’intitule Ertong dujing jiaoyu jiangzuo (Conférence sur l’éducation par la lecture des Classiques). 92. Pour une synthèse monumentale (mais eurocentrée) sur les théories et les pratiques rhétoriques, voir Lausberg (1990). 93. Parmi les nombreux exemples de réussite pédagogique que Wang Caigui aime à mentionner dans ses prises de parole, la conférence de Pékin cite celui de son propre fils : ayant passé à l’âge de neuf ans une cinquantaine de jours à lire de manière intensive le Laozi et le Lunyu, celui-ci s’en serait trouvé changé du tout au tout ; l’expérience aurait été une révélation pour Wang lui-

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même. Dans une moindre mesure, il arrive que ses discours avancent des preuves à prétention scientifique, ou formulent des parallèles entre dujing et pédagogies alternatives occidentales (notamment Montessori). 94. Wang Caigui a aujourd’hui la soixantaine. S’il lui arrive d’en appeler au soutien financier de ses auditeurs, il ne le fait jamais sans formuler explicitement l’embarras que lui cause cette démarche. 95. « Kukou poxin » (remontrance bienveillante) est une expression par laquelle les auditeurs, quand on leur pose la question, qualifient communément l’éloquence de Wang Caigui. 96. Cf. Durkheim, Éducation et sociologie, p. 77. 97. Les « zhuanjia », les « spécialistes » de l’éducation, sont une des cibles fréquentes de Wang, tant en privé que dans certaines de ses conférences. Comme il aime à la répéter, « Zhuanjia, zhuanjia… zhuanmen pian renjia » (« Les spécialistes ? Ils sont spécialistes pour tromper leur monde »). 98. L’amorce de la conférence de l’Université normale de Pékin place d’emblée le propos sur un plan résolument exotérique : « Aujourd’hui, je suis venu vous dire une chose. Une chose à garder en mémoire toute sa vie, chers professeurs. Voici : l’éducation est la chose la plus simple du monde. L’éducation, c’est la détente. L’éducation, c’est simple comme bonjour ». 99. « Ce que je voudrais vous apporter aujourd’hui, c’est une révision complète de nos conceptions pédagogiques. Encore une fois, je parle de Taiwan, les problèmes dont je parle sont taiwanais. Mais s’il s’avère que le continent connaît des problèmes similaires, il faudra vraiment y réfléchir… Réfléchir à quoi ? À la chose la plus importante, la plus profonde, la plus élevée : notre attitude par rapport à la culture ». 100. Les chiffres – singulièrement difficiles à recouper – de praticiens occasionnels du dujing qu’avance Wang Caigui dans ses conférences sont toujours de l’ordre de plusieurs millions, tant pour Taiwan que pour la Chine continentale. 101. Voir Salgues, op. cit. 102. Terme forgé par Vandermeersch (« Préface ») en vue de caractériser l’institution chinoise de remontrance (jian), où l’enjeu était la persuasion des gouvernants par les lettrés- fonctionnaires. 103. Cf. Harbsmeier, « Chinese Rhetoric », p. 115-118. 104. Voir Descombes, Les Institutions du sens. 105. Voir Thoraval, « Expérience confucéenne et discours philosophique ». 106. Cf. Andrieu, Psychologie de Mao Tsé-toung, p. 66-70. 107. On trouve cette description dans l’avant-propos (rédigé par Michelle Loi) de l’opuscule aujourd’hui quasiment introuvable de Joël Bel Lassen, Philosophie et conservation des tomates, p. 1. 108. Voir Goossaert, « Mapping Charisma ». 109. Je reprends ici la terminologie de Bourdieu (Méditations pascaliennes, p. 248 et sq.) dans sa distinction des modes de temporalisation propres au sens pratique et au calcul rationnel. 110. Voir Boltanski & Thévenot, De la justification, dont le concept d’« épreuve » permet de préciser comment, dans l’hétérogénéité interne à chaque trajectoire, se construit la validation sociale des actions. 111. Cf. Boltanski et Thévenot, ibid., p. 267. 112. Ce type d’exercice m’a été présenté comme un complément utile du dujing dans le sishu hunanais « Chen shi jiashu », où il était proposé essentiellement aux élèves déjà adolescents. 113. Sur les manifestations de l’« embarras » en matière de discours sur la tradition, à la fois au sein de l’entretien ethnographique et à la croisée des perspectives concurrentes sur les différentes strates du passé, voir l’approche stimulante de Steinmüller, « How Popular Confucianism Became Embarrassing ». 114. Ce promoteur du homeschooling américain, également pionnier dans la défense des droits des enfants, a formulé ses idées, fruit de onze années d’enseignement, dans plusieurs ouvrages

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dont les principaux sont How Children Fail ; How Children Learn et Escape from Childhood. Concernant la permanence de schèmes hérités du « confucianisme philosophique » (formule de Jean François Billeter s’appliquant au courant d’idées qu’on désigne aujourd’hui couramment sous le terme de néoconfucianisme), ma recherche en cours devrait mettre en valeur l’émergence, dans les pratiques lettrées de la Chine prémoderne, d’un ensemble de gestes philosophiques et de motifs rhétoriques dont la pratique pédagogique – et dans une certaine mesure psychagogique – de Wang Caigui peut apparaître comme le lointain prolongement. 115. Chevrier, « La démocratie introuvable », p. 491.

RÉSUMÉS

Depuis les années 2000, à Taiwan comme en Chine populaire, une petite minorité de parents d’élèves soustraient plus ou moins légalement leurs enfants à l’obligation scolaire, soit pour se charger eux-mêmes de leur entière éducation, soit pour les confier contre rémunération à des particuliers partisans de la même démarche. Pour des motifs tant identitaires qu’éducatifs, ces pédagogues autoproclamés se détournent de l’institution scolaire, tentant ainsi de renouer, par- delà les ruptures modernistes du XXe siècle, avec une éducation familiale associant le développement de l’enfant à la mémorisation des Classiques confucéens. Expression radicale du « mouvement pour la lecture des Classiques par les enfants », ce phénomène porte la marque de l’universitaire taiwanais Wang Caigui, qui promeut à travers cette forme d’éducation alternative un projet élitiste, mais privé pour l’heure d’une véritable validation institutionnelle. Basée sur un ensemble de cas continentaux et taiwanais, cette étude mesure la cohérence tant idéologique qu’organisationnelle des « écoles familiales », tout en montrant l’impact du double contexte socio-politique sur leurs dynamiques et leurs modes de légitimation. La délimitation de trois domaines d’effectivité sociale, qui ressortissent à trois perspectives distinctes, permet de prendre en compte l’idiosyncrasie du phénomène sans ignorer sa dimension générique.

During the last few years in the PRC and in Taiwan, a small minority of parents have illegally removed their children from compulsory school attendance in order to oversee their children’s education themselves or to entrust them to private individuals. Focusing on the Confucian Classics as the sole textbooks, those involved believe themselves to be the inheritors of the “traditional education,” which they re-appropriate as an alternative to the official school system, due to their perception of deficiencies in state education. Just as the wider “children’s Classics reading movement,” of which they are a radical group, the sino-taiwanese “family schools” owe their origin and their principal characteristics to a Taiwanese professor, Wang Caigui, who, after having been a disciple of Mou Zongsan, has evolved from his neoconfucianist academic background and become a strong promoter of “Classics reading,” and also, though in a more discreet way, “family schools” as a kind of paradoxical elitism. Based on fieldwork study in about ten “sishu” in mainland China and in six Taiwanese “dujingban,” this article takes into account both the similarities and differences of Chinese and Taiwanese socio-political contexts, not neglecting the evident homologies with western “homeschooling” practices. It tries to articulate both the generic and the specific approaches by combining three perspectives on the dynamics and issues at stake in this double education network.

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在中國大陸和臺灣,近年來有部分家長突破了既有的法律框,不再讓子女接受義務教育,而 轉由他們自己以獨立或互助的方式教育孩子。出於文化認同和培養子女的雙重考慮,這些家 長試圖恢復二十世紀業已中斷的家教傳統和記誦儒家經典的教學方式。這種家庭教育組織構 成了由臺灣王財貴教授推動的制度外的、帶有精英主義色彩的“兒童讀經運動”的最具代表性的 群體。通過對中國大陸十余所“私塾”和臺灣六家“讀經班”的田野調查,本文考察了這類教育實 踐在觀念和組織上的通行邏輯,同時也比較了峽兩岸各自的政治-社會脈絡下不同的動力機制 與合法化方式。作者嘗試在政治學、社會學和人類學三個維度上考察這種教育網絡的社會效 能,以兼顧研究對象的特性與共性。

AUTEUR

GUILLAUME DUTOURNIER Guillaume Dutournier (杜傑庸) prépare à l’INALCO une thèse sur le néoconfucianisme de l’époque Song, et occupe au Collège de France un poste d’attaché de recherches, associé à la chaire d’Histoire intellectuelle de la Chine. Agrégé de lettres classiques, son travail s’inscrit au sein d’une anthropologie historique des lettrés, ce qui l’amène à explorer également les aspects éducatifs du renouveau confucéen actuel. En collaboration avec Roger Darrobers, il travaille à une traduction annotée des lettres de Lu Jiuyuan et de Zhu Xi (à paraître en 2012 aux Belles Lettres).

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Le rôle de l’éducation dans le projet salvateur du Yiguandao1 The Role of Education in Yiguandao’s Salvationist Project 一貫道的教育世之道

Sébastien Billioud

1 Héritier d’une tradition syncrétique et millénariste chinoise de la fin de la période impériale, le Yiguandao (Voie de l’unité reliant toutes choses2) est un groupe religieux en rapide expansion dans une large partie de l’Asie et ce, bien au-delà du « monde sinisé ». Parfois défini comme un « nouveau mouvement religieux » (catégorie, en l’occurrence, étique plus qu’émique), il fait partie d’un ensemble d’organisations qui se sont fortement développées en Chine républicaine et auxquelles la recherche s’est récemment intéressée en tentant de leur donner une définition tant historique que sociologique à travers les catégories de sociétés rédemptrices (redemptive societies) ou de religions salvatrices (salvationist religions)3. Présent dans environ quatre-vingt-dix pays, il compte aujourd’hui des millions d’adeptes répartis en différentes branches (zuxian) dont les plus importantes sont regroupées en association (Yiguandao zonghui)4. Longtemps interdit à Taiwan, le Yiguandao y a été légalisé en 1987 pour devenir aujourd’hui la troisième religion de l’île. Objet d’une violente persécution, dans les années 1950 pour l’essentiel, en République populaire de Chine, il s’y redéploie de nouveau de façon souterraine, dans un contexte caractérisé à la fois par un renouveau général du religieux et par un intérêt des autorités pour certaines valeurs morales de la culture traditionnelle chinoise5.

2 L’importance accordée par le Yiguandao à l’éducation constitue sans doute l’un des facteurs expliquant son rapide développement. Le terme « éducation » doit être pris ici dans une acception large car il fait référence à un continuum reliant l’acquisition d’une connaissance intellectuelle, une démarche de culture de soi et un entraînement à la propagation du « Dao » afin de convertir et sauver les êtres. Sans doute est-ce le terme chinois jiaohua (éducation/transformation de soi et des autres) qui permet de rendre compte le plus précisément de ces divers sens et c’est donc à lui que l’on recourra souvent dans cette enquête. Après avoir brièvement présenté le Yiguandao, on

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s’attachera à comprendre, d’une part, comment son entreprise de promotion dans la société d’un apprentissage de textes classiques majoritairement confucéens constitue un vecteur de recrutement de nouveaux « compagnons du Dao » (daoqin) et comment, d’autre part, le jiaohua, voie de salut pour les adeptes, est encadré à travers un véritable programme de formation. Enfin, on montrera que l’éducation/transformation constitue aussi pour le Yiguandao un moyen de légitimation vis-à-vis des autorités politiques, que ce soit à Taiwan ou, plus récemment, en Chine continentale.

3 Cet article repose largement sur une étude ethnographique principalement réalisée dans un fotang (lieu de culte) du Yiguandao à Hong Kong en 2010. Ce fotang appartient à l’une des plus importantes branches du mouvement, Fayi (Promotion de l’Unité) et plus précisément à sa branche Fayi Chongde (Promotion de l’Unité et Vénération de la Vertu). Le Yiguandao étant très décentralisé, les mêmes éléments (et particulièrement les programmes de formation) ne s’y retrouvent pas partout sous la même forme. Néanmoins, au-delà des différences, c’est un esprit similaire qui anime l’organisation. En ce sens, les principales idées présentées ici ont une validité plus générale, bien au- delà du cadre nécessairement limité d’un travail de terrain.

Brève présentation du Yiguandao, de Fayi Chongde et du lieu de culte dans lequel ont été obtenues les données ethnographiques

4 L’histoire du Yiguandao a fait l’objet d’un certain nombre d’études6. Le mouvement revendique, à travers trois groupes de patriarches, une généalogie qui englobe nombre de figures tutélaires de la civilisation chinoise (mentionnons , , Huangdi, Yao, Shun, le Duc de Zhou, Laozi, Confucius, Mencius, Bodhidharma ou Huineng etc.)7. Si l’on s’en tient à des éléments historiquement plus vérifiables, l’appellation Yiguandao aurait été conférée autour de 1886 par Liu Qingxu, seizième patriarche du mouvement, à un groupe émanant de la secte du Xiantiandao (Voie du ciel antérieur), elle-même inspirée par un syncrétisme très développé à la fin de l’Empire (la fameuse tradition de l’union des trois enseignements, sanjiao heyi) ainsi que par le Taoïsme Quanzhen8. C’est sous l’impulsion du dix-huitième et dernier patriarche, Zhang Tianran (1889-1947), que le mouvement s’est développé avec une étonnante rapidité dans la Chine des années 1930 et 1940. Cet élan sera brisé par la répression brutale qui frappera le mouvement en Chine continentale et par son interdiction à Taiwan jusqu’en 1987. L’organisation n’a aujourd’hui plus de patriarche, mais des anciens (lao qianren, qianren) et des initiateurs (lao dianchuanshi, dianchuanshi), qui assument la direction de ses différentes branches.

5 Millénarisme et syncrétisme constituent deux traits dominants du Yiguandao. L’histoire de l’univers est composée de cycles ou kalpas de 129 600 ans (yuan) supposés être chacun constitués de douze segments temporels (hui) de 10 800 années. Ils correspondent respectivement à la naissance de l’univers, de la terre et de l’homme (un segment à chaque fois), puis à une période de préhistoire de 38 700 ans9. Dans le présent kalpa, l’histoire proprement dite commence ensuite et est divisée en trois périodes, dites du Yang vert (1 500 ans, de 2600 à 1 100 av. J.-C.), du Yang rouge (3 000 ans, de 1 100 av. J.-C. à 1 900) et du Yang blanc (un segment). Les quatre derniers segments correspondent à l’anéantissement de l’homme, de la terre, du ciel, puis au

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chaos ou hundun10. Nous sommes aujourd’hui à une période clé de l’histoire, celle du début du Yang blanc. Le Yang blanc correspond à la fin des trois périodes de l’histoire humaine (san qi mo) et, précédant l’anéantissement du monde, il se caractérise aussi par toutes sortes de désastres (san qi mo jie), imputables à la lourdeur des fautes humaines (zaonie). Le réchauffement climatique, la sécheresse extrême au Yunnan, les inondations en Chine ou au Pakistan, les typhons à Taiwan, le 11 septembre, les incendies en Russie sont autant d’exemples fréquemment cités pour illustrer ce point. L’urgence est alors de sauver les hommes et plus généralement les êtres (san cao pudu)11, c’est-à-dire de les convertir en commençant par les initier (qiu Dao ; littéralement : « demander la Voie ») afin de leur permettre de retourner au principe de toute chose (li tian) auprès de la divinité suprême, la Mère éternelle (Wusheng Laomu).

6 La vénération de la Mère éternelle est une tradition aux antécédents nombreux dans les sectes religieuses depuis les Ming12. Divinité suprême, elle personnifie la Voie, le Dao. Ce point est important car il explique aussi la distinction opérée par ses adeptes entre le Yiguandao, qui incarne la Voie, et les religions qui ne sont que des enseignements (jiao) particuliers. Le Dao est considéré comme la source des cinq grands enseignements (confucianisme, bouddhisme, taoïsme, islam, christianisme) et, inversement, chaque enseignement constitue un moyen de se perfectionner en vue du Dao13. Le Yiguandao intègre ainsi les apports des grandes religions/jiao tout en les subsumant sous ce qui est considéré être une vérité plus grande. On peut dès lors très bien être chrétien ou bouddhiste (cas rencontrés dans le fotang dont j’ai fait l’étude) et compagnon du Dao. Dans cette « intégration des enseignements », on notera le rôle quelque peu particulier du confucianisme dont il est souvent dit qu’il caractérise à titre principal (yi ru wei zong) le Yiguandao. D’une part, le mouvement a connu au cours de son histoire plusieurs phases de confucianisation14 ; d’autre part, les textes confucéens sont largement utilisés tant comme ressources théoriques ou dogmatiques15 que comme vecteurs de formation et de culture de soi ou encore comme stratégie d’attraction de nouveaux adepte (un point particulièrement important en période dite de Yang Blanc où il importe de convertir massivement). Enfin, le confucianisme confère au Yiguandao, soucieux de revenir en Chine continentale, une image plus facilement acceptable par les autorités.

7 En matière de pratiques, l’adepte du Yiguandao, après avoir été initié, est incité à pratiquer le végétarisme (condition nécessaire pour devenir responsable d’un lieu de culte ou tanzhu). Surtout, il commence une période de formation intellectuelle très encadrée et systématique (sur l’histoire, les dogmes et rites du mouvement) alliée à une démarche de perfectionnement de soi. Il participe également de façon très régulière à toutes les activités organisées par son fotang. Il se prépare ainsi à ce que l’on pourrait appeler un devoir missionnaire de conversion et salut d’autrui, notamment de sa famille. Nous allons revenir sur certains de ces points.

8 Pour des raisons historiques, le Yiguandao est aujourd’hui encore extrêmement décentralisé et constitué d’un nombre important de branches (zuxian). Un effort de structuration a été entrepris notamment depuis la légalisation de 1987 à Taiwan. Une association (Yiguandao zonghui) a été créée et certaines grandes branches tentent aujourd’hui d’ouvrir des « séminaires », lesquels devraient conférer une plus grande unité au mouvement. Fayi (Promotion de l’Unité) est l’une des principales branches émanant d’un lieu de culte créé à l’origine à Tianjin en 1938 par l’ancien (lao qianren) Han Yulin (1901-1995) dénommé par les adeptes « Eau claire » (Baishui laoren) qui la dirigea jusqu’à sa mort. Elle est divisée en branches de second rang parmi lesquelles

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Fayi Chongde (Promotion de l’Unité et Vénération de la Vertu) fondée par Chen Hongzhen (1929-2008) aussi appelée Le Boddhisattva qui ne se repose pas (bu xiuxi pusa). Fayi chongde est aujourd’hui présent dans de nombreux pays ou territoires, et notamment à Hong Kong.

9 Le cas de Hong Kong (comme celui de Macao) est particulièrement intéressant parce qu’il s’agit d’une certaine manière d’une sorte de zone grise, entre Taiwan où le Yiguandao est autorisé et la Chine continentale où il est toujours interdit16. Par peur des autorités chinoises, certaines branches ont choisi d’y opérer de façon souterraine après la rétrocession. Ce n’est pas le cas de Fayi Chongde qui a opté pour la transparence dans le cadre d’une politique plus large dont l’ultime objectif est de revenir sur le continent. À Hong Kong, Fayi Chongde compte treize fotang. L’organisation de la branche y est matricielle : d’une part, chaque fotang dépend, verticalement, d’un « fotang-mère » basé à Taiwan et associé à un initiateur (dianchuanshi). Ainsi, Yongshan17, le fotang dont j’ai fait l’étude, relève-t-il d’un fotang- mère situé à Taizhong et du réseau d’un initiateur qui a lui-même créé, à travers le monde, 44 autres lieux de culte (au Japon, Népal, Malaisie, Thaïlande etc.). D’autre part, Yongshan coordonne également certaines de ses activités, de façon plus horizontale (ou fonctionnelle), avec les autres fotang de Fayi Chongde basés à Hong Kong et, dans une moindre mesure, à Macao. Ensemble, ils possèdent un lieu de culte destiné à accueillir diverses activités, notamment de formation. Fayi Chongde à Hong Kong a d’ailleurs établi en 1988 une entité dénommée Association générale culturelle et éducative « Promotion de la Vertu » qui a célébré avec faste en avril 2010 sa vingt-deuxième année d’existence en invitant notamment des représentants des autorités du territoire de Hong Kong. Soulignons également ici que les autorités de Pékin ont également été invitées en mars 2009 à venir visiter les différents lieux de culte de Fayi Chongde à Hong Kong, ainsi que ceux d’une autre branche du Yiguandao18. Comme l’explique le responsable de Yongshan : « nous n’avons absolument rien à cacher ». À titre plus personnel, je dois mentionner ici avoir été étonné, tout au long de cette étude ethnographique, par la transparence de mes interlocuteurs et par leur générosité quand il s’est agi de rassembler tous les matériaux nécessaires à la bonne réalisation de ce projet de recherche.

10 Le Fotang Yongshan a été établi dans un quartier populaire de Kowloon par un jeune et dynamique entrepreneur hongkongais et sa femme taiwanaise. C’est en faisant des études de design au Japon qu’il a été initié et que, revenant à Hong Kong, il a fait l’acquisition d’un appartement converti en lieu de culte. Depuis, il anime une petite communauté d’environ soixante-dix fidèles réguliers, souvent d’origines modestes, à laquelle il se dévoue sans compter, tout en ouvrant également son fotang à de personnes non membres du Yiguandao, mais désireuses de s’initier ou d’initier leurs enfants à un apprentissage des textes classiques.

De la promotion des Classiques au recrutement de nouveaux « compagnons du Dao »

11 L’une des fonctions importantes d’un fotang est, aujourd’hui, de constituer un espace éducatif, notamment pour permettre aux enfants de s’initier aux textes classiques. Ce phénomène massif est en réalité assez récent. Il commence au tout début des années 1990 quand Wang Caigui, un professeur et activiste confucéen disciple du philosophe

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Mou Zongsan, parvient à convaincre le Yiguandao (dont il n’est pas membre) de promouvoir activement l’apprentissage des textes classiques par les enfants en recourant à une méthode dont il est convaincu des bienfaits19. Cette décision du Yiguandao s’inscrit en réalité dans un contexte particulier de « crise » au sein même du mouvement. Traditionnellement, l’un des moyens d’édifier et convertir de nouveaux adeptes ainsi que de transmettre l’enseignement du mouvement est de recourir à des pratiques d’écriture par planchette (kaisha, fuluan, fuji) ou à l’intercession de médiums (pratique dite de jieqiao) afin de produire de nouveaux textes inspirés par les saints et bouddhas (xianfo). De telles pratiques s’enracinent fortement dans l’histoire chinoise de la fin de l’empire20. Or, au début des années 1980, le Yiguandao – et particulièrement sa branche Fayi – a traversé ce qui a pu être qualifié de « crise de confiance » (xinxin weiji) avec la remise en cause par des intellectuels du mouvement du bien-fondé de telles pratiques21. En fonction des branches, celles-ci ont alors été abandonnées ou réduites. Ainsi, dans le cas de Fayi Chongde, si le kaisha est encore aujourd’hui couramment utilisé, donnant lieu à une très impressionnante production de textes, ce n’est cependant plus le cas de la pratique du jieqiao qui demande l’intercession d’un médium22. Cette crise du début des années 1980 a eu pour effet de stimuler au sein du mouvement l’étude des textes classiques des différents « enseignements » chinois. Leur apprentissage par les enfants selon la méthode de Wang Caigui a bénéficié de ce contexte ; en même temps, il a contribué significativement à l’expansion ultérieure du Yiguandao23.

12 La méthode de Wang Caigui, appliquée par le Yiguandao mais aussi très largement en RPC dans le cadre du « renouveau confucéen » actuel24, consiste à enseigner les Classiques en prenant en compte les capacités des enfants à chaque âge. Après une phase (de l’état d’embryon à trois ans) où l’accent est mis sur le développement de l’enfant par la musique classique, l’apprentissage proprement textuel prend toute son importance pendant la période qui va de quatre à treize ans. Cette phase se caractérise par une très forte capacité de mémorisation et par une faible capacité de compréhension même si cette dernière croît naturellement avec les années. La spécificité de la méthode est de dissocier délibérément compréhension et mémorisation, l’anti-modèle par excellence étant incarné par « l’éducation occidentale » moderne qui professe que l’enfant ne doit mémoriser que ce qu’il comprend. L’enfant qui apprend les Classiques les mémorise donc intégralement, avec un adulte, maître ou parent, commençant à son plus jeune âge par les textes les plus difficiles pour s’attaquer ensuite aux plus simples. La philosophie sous-jacente est que ce savoir fondamental, « l’intelligence morale des sages », lui servira ensuite toute sa vie, au fur et à mesure qu’il deviendra pour lui intelligible25.

13 À Taiwan, Le Fotang-mère de Yongshan est très fortement impliqué dans la promotion des Classiques et en contact avec Wang Caigui qui s’est d’ailleurs rendu chez Fayi Chongde à Hong Kong. Les 18 tanzhu (responsables du lieu de culte) collectivement chargés de la gestion de Yongshan adhèrent largement à l’esprit des principes éducatifs de Wang Caigui : « La sagesse des enfants est infinie », indique l’un d’entre eux, comme le sont leurs capacités qui leur permettent d’apprendre « jusqu’à dix langues »26. Ceci étant dit, les responsables du fotang répètent aussi volontiers qu’il importe de veiller à ne pas écraser les enfants sous le poids d’un apprentissage laborieux ; sur ce point, des critiques sont formulées à l’encontre du caractère jugé parfois trop radical de l’apprentissage prôné par Wang Caigui et les séances de présentation du programme

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aux parents intéressés insistent aussi sur la nécessité d’une juste mesure. Les séances de dujing (récitation des textes), longues d’une heure et demie, ont lieu chaque samedi après-midi dans le fotang et rassemblent, sous un grand portrait de Confucius, une vingtaine d’enfants ainsi que leurs parents qui ne sont pas nécessairement des membres du Yiguandao. Elles commencent par dix minutes de musique classique chinoise afin de calmer et préparer les enfants, puis elles sont ensuite structurées en trois phases de lecture collective (deux en cantonais, une en mandarin27), portant chacune sur un texte différent. Suivent vingt minutes destinées à « exprimer ce que l’on a dans le cœur » (tanxin shijian), pendant lesquelles on recourt notamment à de petits jeux de rôles pour illustrer des vertus et traits de caractères à cultiver. On propose également un temps de travaux manuels ou de détente avant de conclure la séance en récompensant les plus méritants. Les textes classiques utilisés sont principalement (mais non exclusivement) confucéens ou inspirés par le confucianisme, comme les Entretiens de Confucius ou le Classique de la piété filiale cent fois déclinée (Bai xiao jing), un texte ancien réapproprié par le Yiguandao : « Les textes confucéens importent car il faut inciter les enfants à la morale ; les soutras bouddhistes [néanmoins utilisés de temps à autre] sont pour eux trop complexes »28. Les extraits sont généralement courts et le contenu total de ce qui est mémorisé ne dépasse pas une feuille de format A4 lors de chaque séance. Entre deux séances, il est demandé aux enfants de relire quotidiennement trois fois les textes présentés le samedi précédent. La feuille est normalement mémorisée en quatre jours. La présence des parents pendant les séances est importante à deux titres : d’une part, elle facilite (voire conditionne) l’apprentissage même des enfants car le risque est sinon de les voir se décourager ; d’autre part, elle permet également aux parents de renouer avec une culture classique qu’ils connaissent la plupart du temps très mal. Un membre du Yiguandao de Chine continentale de passage dans le fotang de Hong Kong explique ainsi avoir tenté sans succès de monter un groupe de lecture des Classiques dans le Guangdong : Les parents nous confiaient leurs rejetons comme si nous étions une garderie et ne restaient pas. Nous avons dû arrêter. Mais nous allons tenter de nouveau l’expérience en expliquant mieux l’importance du rôle des parents29. Pour impliquer ces derniers, le fotang organise également des séances de partage d’expériences lors du passage à Hong Kong d’initiateurs (dianchuanshi) ou de chargés de formation (jiangshi).

14 En avril 2010, l’une de ces séances rassemble dans le fotang une vingtaine de mères, non membres du Yiguandao, accompagnées de leurs enfants30. Tous suivent régulièrement les séances de récitations des Classiques. L’origine sociale des familles est modeste. Après la présentation d’un film vantant les vertus du dujing, les parents sont invités à s’exprimer tour à tour pour partager leur expérience. Les bienfaits de ces séances de lecture font l’unanimité. Plusieurs mères notent que leurs enfants, dissipés et désintéressés au début, y ont pris goût et s’adonnent maintenant sans difficulté à leurs révisions hebdomadaires ; certains se sont ainsi assagis, d’autres obtiennent désormais de meilleurs résultats scolaires, notamment en chinois. Des difficultés existent néanmoins : « la pression de l’école sur les enfants est trop forte, j’ai pensé à abandonner », indique une mère, tandis qu’une autre, ayant rencontré le même problème, explique « qu’il faut absolument tenir » (yiding yao jianchi). Plusieurs soulignent aussi les bénéfices qu’elles retirent personnellement de ces expériences, même si elles se heurtent aussi à des obstacles : « le sens de ce que l’on apprend est très

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profond ; j’ai très envie de réciter les Classiques, mais il y a beaucoup de caractères que je ne connais pas ». Nombreuses sont celles qui expriment leur plaisir de participer à ces séances. Cet échange achevé, l’initiateur prend alors la parole pour évoquer l’expérience de lecture des Classiques à Taiwan, les difficultés rencontrées et les moyens de les résoudre. À ce stade, soulignons que ces discussions sont absolument dépourvues de références religieuses même si les mères savent bien que les activités auxquelles elles participent ne sont pas effectuées dans le cadre d’une organisation laïque31. Naturellement, le souhait des membres du Yiguandao qui organisent ces séances de lectures des classiques et ces discussions est d’amener graduellement les préoccupations des parents à évoluer vers des questions plus religieuses. L’objectif ultime est, quand ils seront suffisamment prêts, de les inviter à demander l’initiation (qiu Dao ; littéralement : « demander la Voie »). À la fin de la séance que nous venons de décrire, l’intervention de l’un des cadres du Yiguandao venu de Taiwan témoigne de cette démarche de préparation de ceux dont on espère qu’ils deviendront de futurs adeptes. Après avoir insisté sur la nécessité de ne pas lire simplement les Classiques avec une approche intellectuelle (« l’acquisition de connaissances n’ouvre pas à la sagesse »), il parle à son auditoire de Confucius et de sa relation avec les disciples auxquels il transmet son enseignement : C’est seulement après la mort de Yanhui (le disciple préféré de Confucius) que Zengzi a joué un rôle très important. De la transmission par Confucius de son intuition de ce qu’est la loi de toute chose (xinfa) à Zengzi, on peut retenir un échange très profond. Parmi ses nombreux disciples, Confucius en avait identifié un seul, Zengzi, qu’il jugeait à même de perpétuer sa conception de la Voie. Un jour, il l’appelle dans la pièce où il se trouve et où il avait coutume de livrer ses enseignements et lui dit : « Mon bon disciple, le sais-tu, il y a une unique chose qui traverse tout mon enseignement, il y a une unité qui traverse tout ». Savez-vous de quoi il est question ? De ce dont parlent les Entretiens (4 :15) quand Confucius indique que sa « (ma) Voie est le fil qui lie toutes choses »32. Et vous, si vous étiez Zengzi, comment répondriez-vous ? Imaginez que votre maître vous dise « ma Voie est le fil qui lie toutes choses »… Comprendriez-vous ce que cela signifie ? Iriez-vous lui dire « Maître, de quoi parlez-vous, je ne comprends rien ? » (rires). Si c’est le cas, cela veut dire que vous n’avez pas encore réalisé ce que veut dire le Maître. Le xinfa est une chose dont on prend conscience directement et c’est pour cela que Zengzi n’a fait qu’acquiescer en un mot. Quel est le sens, en fait, de ce mot (wei) par lequel il répond ? Il signifie : « Ah, Vieux Maître, je réalise ce qu’est la Voie, je comprends ». Zengzi a saisi l’intuition (xinfa) du Maître, il a accédé à la sagesse. Alors je vous le demande à toutes et à tous : essayez d’imaginer ce que cela signifie33 … Ce bref extrait importe car un glissement très net est perceptible : on passe des considérations préalables encore assez générales sur les bienfaits de l’apprentissage des Classiques à une sensibilisation indirecte à la doctrine du Yiguandao. Ce fameux passage (4 :15) des Entretiens de Confucius où apparaissent en effet les trois caractères yi, guan et dao est supposé avoir inspiré le nom du mouvement. Pour la tradition herméneutique du Yiguandao, largement inspirée par le néo-confucianisme, l’idée maîtresse est que l’univers est innervé et traversé (guan) par un principe (li) métaphysique ou « en amont des formes » (xingershang). Ce principe est unique (yi) en ce qu’il est à la racine de toutes choses et cette unicité est aussi qualifiée de « vérité du Sans Faîte » (ou de l’absolu)34. On retrouve là une terminologie qui s’enracine dans la tradition des Mutations, trouve des échos dans le taoïsme, mais fit surtout l’objet de bien des débats sous les Song chez des auteurs néo-confucéens comme Zhou Dunyi (1017-1073), Lu Xiangshan (1139-1193) ou Zhu Xi (1130-1200). On ne peut ici développer

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ces éléments. Soulignons seulement que ce principe renvoie aussi à la divinité suprême du Yiguandao, à la Mère éternelle (ou « jamais née » : Wusheng Laomu) aussi appelée « Mère éternelle du Sans Faîte » (Wuji Laomu). Durant la discussion avec les parents, ni le Sans Faîte, ni la Mère éternelle, ni le Yiguandao ne sont évoqués directement. Mais le choix d’un extrait si spécifique des Entretiens n’est pas neutre et a une dimension propédeutique. Si les mères dans l’assistance ne l’ont sans doute pas compris, elles sont du moins sensibilisées à son importance. Elles savent qu’il y recèle une vérité certes obscure mais fondamentale, l’essentiel de l’enseignement de Confucius, une Loi (ou Dharma : fa) imprimée dans l’esprit (idée de xinfa). Elles savent aussi qu’intégrer et comprendre le sens de cet enseignement ineffable est le fruit d’un travail sur soi, à l’instar de celui qu’opéra Zengzi. On voit ici combien la propagation populaire du confucianisme constitue assurément un premier pas vers l’initiation aux doctrines plus ésotériques du Yiguandao. La démarche spirituelle qui est encouragée pendant ces sessions prépare elle aussi les participants à rejoindre ultérieurement les « compagnons du Dao ».

La formation des « compagnons du Dao », condition nécessaire de la culture de soi et du salut d’autrui

15 Une fois initié lors d’une cérémonie où lui sont révélés « trois trésors » (un point du visage dit la « Mystérieuse porte », un mantra, un geste à signification symbolique)35 qui, au-delà de l’aura de mystère qui les entoure – ils ne peuvent être révélés aux profanes – sont d’abord des méthodes pratiques de culture de soi, le nouveau « compagnon du Dao » commence une phase de formation systématique sur plusieurs années, dont les modalités peuvent varier en fonction des branches. Cette formation importe pour plusieurs raisons : d’une part, elle constitue une modalité nécessaire de la culture de soi, même si elle est indissociable de pratiques concrètes (individuelles ou collectives). D’autre part, elle conditionne également le succès du travail de salut d’autrui (synonyme de conversion d’autrui) qui est absolument central pour tout adepte du Yiguandao.

16 La formation des « compagnons du Dao » affiliés à Fayi Chongde, telle qu’elle peut être observée à partir de Hong Kong ou de Macao, est organisée autour d’un séminaire introductif (ou fahui, littéralement : réunion du Dharma) en général de deux jours, puis d’une formation en cinq années36. En plus de cela, des cours sont souvent dispensés dans les fotang, par exemple le 1er et le 15 de chaque mois, quand toute la communauté d’un lieu de culte se retrouve pour honorer la Mère éternelle et partager un dîner.

17 Le fahui ou séminaire introductif est une étape importante dans le parcours d’un nouvel adepte. D’une part, il va lui permettre de mieux comprendre (voire, tout simplement, de comprendre) ce qu’est le Yiguandao et d’intégrer véritablement le fait qu’il en est devenu membre ; d’autre part, il va contribuer à le souder émotionnellement à la communauté qu’il a rejointe.

18 Il faut préalablement souligner que, quand un nouvel adepte est initié, il ne sait parfois pas du tout ce qu’est le Yiguandao. Ainsi, M. Z., petit entrepreneur hongkongais membre de Fayi Chongde indique-t-il en racontant son expérience : Quand j’ai « demandé la Voie » en 1997 à Macao, je n’ai absolument rien compris (shenme dou meiyou mingbai). Je ne savais pas ce qu’était le Yiguandao. Pour faire

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plaisir à mon frère, j’ai fait un modeste don et accepté de participer à la cérémonie. Mais je n’ai pas saisi grand chose37. Cette situation est certes paradoxale, mais très fréquente38. Trois grands éléments l’expliquent. Tout d’abord, d’un point de vue doctrinal, nous avons vu que le Yiguandao considère que nous sommes désormais rentrés dans la période du Yang blanc qui préfigure une période de destruction de l’humanité. Dès lors, l’urgence est la salvation qui nécessite une conversion massive (dakai pudu) des êtres39. Les conditions pour devenir « compagnon du Dao » ne sont plus celles, très strictes, des périodes antérieures (les Yang vert et rouge). Pour reprendre une formule du dernier patriarche, Zhang Tianran, il ne faut plus « se transformer d’abord pour ensuite obtenir la Voie » (xian xiu hou de), mais on « l’obtient préalablement pour se transformer ensuite » (xian de hou xiu). La Voie n’est plus l’apanage de quelques initiés qui lui dédient leur vie dans un cadre monastique, mais elle est susceptible d’être révélée à tous. Elle est aussi facilement praticable par tous, notamment dans le cadre de la famille, à travers la moralité confucéenne. Le Yang blanc est donc en réalité celui de la renaissance d’un « authentique confucianisme » (zhen ru fuxing)40. En second lieu, si nous ne nous plaçons plus sur le plan des explications doctrinales, mais sociologiques, l’ignorance fréquente de celui qui, pourtant, aspire à la Voie, s’explique par le fait qu’il a pris cette décision en faisant confiance à un proche (le plus souvent un membre de sa famille puisque la mission de tout adepte est de convertir celle-ci) et que le crédit accordé à son « introducteur » (yinbaoshi) peut suffire pour aller demander la voie. En dernier lieu, un facteur culturel peut aussi jouer : la très grande fluidité et le caractère souvent ressenti comme non exclusif de l’appartenance à une religion en Chine rendent une démarche d’initiation moins difficile à entreprendre que dans des contextes plus rigides.

19 Parce que le nouveau compagnon du Dao est donc bien souvent dans une situation d’ignorance, la formation dispensée lors du premier séminaire (fahui) est particulièrement importante. Elle l’est d’autant plus quand, pour des raisons politiques, de nombreux adeptes ont bien peu accès aux ressources documentaires du mouvement ou à des opportunités de rencontrer des dianchuanshi (initiateurs), ce qui est le cas en Chine continentale où le Yiguandao se développe pourtant rapidement. En juin 2010, un séminaire rassemble à Macao environ 150 à 200 compagnons du Dao affiliés à Fayi Chongde et originaires de diverses provinces de la République populaire. Ils sont dans l’ensemble relativement jeunes (25-40 ans) et ont souvent été initiés très récemment. Beaucoup semblent d’origine modeste, mais on rencontre aussi quelques étudiants et entrepreneurs41. Pendant deux longues journées, on présente aux participants l’histoire du mouvement, la vie de ses grandes figures tutélaires (les patriarches et leaders de Fayi et de Fayi Chongde), le dogme, les rites, les textes, le caractère précieux du Dao pour la vie de chacun ou encore les bienfaits du végétarisme. On leur explique également comment le Yiguandao cherche à se développer en Chine, en insistant sur l’attitude de plus en plus bienveillante des autorités chinoises qui sont toujours évoquées en termes positifs. La transmission de toutes ces connaissances est entrecoupée de séances de chants, de lectures en groupe, de kowtows. Une dimension émotionnelle très forte est perceptible tout au long du séminaire dont les participants ressortent profondément marqués et soudés42. Cette dimension est fondamentale : « Les gens qui ne sont pas passés par la fahui n’ont pas été émotionnellement touchés (gandong) ; il est plus difficile ensuite de les enrôler dans les programmes de formation ultérieurs »43. Si le fait de demander la Voie permet de devenir formellement un « compagnon du Dao », c’est le fahui qui constitue véritablement le sas d’entrée dans

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cette fraternité, le moment où l’adepte prend réellement conscience du sens de son engagement et de la solidarité qui le lie au groupe. Cependant, le fahui n’est que le premier pas d’un long cheminement qui passe ensuite par un processus de formation systématique en cinq années. L’objectif est de permettre aux adeptes d’acquérir des connaissances utiles à leur progression spirituelle mais aussi de les entraîner, progressivement, à leur mission de propagation du Dao.

20 À Hong Kong ou Macao, ces formations sont susceptibles d’être organisées de deux façons différentes. Le régime général, pour les adeptes locaux, consiste en un cours hebdomadaire en cantonais. Mais des stages condensés sont aussi montés pour des fidèles de Chine continentale. Ils ont alors lieu sur une période de quatre à cinq jours. La formation, dispensée en mandarin, est intensive, commençant tôt le matin et se terminant en milieu de soirée. Les formateurs, dianchuanshi et jiangshi, viennent alors en général de Taiwan. Les lignes qui vont suivre se basent sur une expérience d’observation participante dans un fotang hongkongais à l’occasion de deux séminaires intensifs couvrant le programme de la seconde année et intitulés, en référence aux premières lignes de La Grande Étude, séminaires du Bien suprême (zhishan ban)44. Le séminaire rassemblait environ une trentaine d’adeptes assez jeunes venus du continent, la plupart d’origine modeste, et quelques autres résidant à Hong Kong. La grande majorité des participants étaient des femmes, un trait d’ailleurs récurrent dans les Fotang de Fayi Chongde à Hong Kong.

21 Une importante partie des enseignements dispensés pendant ces séminaires porte sur les textes promus par le Yiguandao. Certains d’entre eux sont des textes propres au mouvement comme le Classique de la piété filiale cent fois déclinée (Bai xiao jing), Les dix commandements de l’Impératrice Mère en vue de l’instruction de ses enfants (Huang mu xun zi jie) ou encore La levée des incertitudes concernant la nature et le principe (Xing li shi yi). Ce dernier texte présente les grands éléments du dogme et constitue une sorte de petit catéchisme à l’usage des adeptes. Des grands textes classiques sont aussi utilisés à l’instar du Zhong Yong « qui présente une ontologie (bentilun) » ou de la Grande Étude considérée comme « un texte de pratiques de culture de soi ». Durant les cours, l’application des participants est évidente : ils prennent de nombreuses notes, posent des questions, discutent entre eux du contenu des enseignements durant les intermèdes. À plusieurs reprises, la classe entière scande des extraits de la Grande étude ou du Zhong Yong préalablement mémorisés. On soulignera ici que la plupart des adeptes présents ne sont jamais allés à l’université voire, pour beaucoup, au lycée. L’assemblée compte surtout des ouvriers, petits commerçants et employés et nombreux sont les participants originaires de familles paysannes. D’une manière qui n’est pas sans rappeler certains traits du « renouveau confucéen » en Chine actuelle, le Yiguandao permet à un public d’extraction très modeste, qui se définit volontiers comme « stupide » (« women juede ziji hen ben ! ») d’accéder à des éléments de la « haute culture » lettrée et de partager cette joie au sein d’une communauté.45 Cette culture et, surtout, le jiaohua (éducation/transformation) qui l’accompagne, nourrissent une certaine fierté : Nous ne croyons pas aux superstitions. Ceux qui vont au temple s’y rendent normalement pour demander aux Dieux des choses pour eux ou leur famille. Ce n’est pas notre cas. Nous cherchons à nous éduquer et nous transformer (jiaohua ziji)46. Ce jiaohua est ressenti par les compagnons du Dao comme une ardente obligation. À la question de savoir si elle a déjà converti d’autres gens, une jeune adepte venue du

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Guangdong répond que pour « transformer les autres, il faut au préalable se transformer soi-même (weile jiaohua bieren, xian xuyao jiaohua ziji) »47. Pour ce faire, les commentaires de textes ne sont pas les seules ressources proposées pendant le stage. Des séances très pratiques sont par exemple consacrées aux moyens de « réaliser une vie heureuse » et de résoudre les problèmes, notamment de communication, au sein de la famille ou du couple. Des petits jeux de rôles sont aussi à l’occasion proposés. Des « exercices spirituels » (méditation, examen de conscience et partage d’expériences avec d’autres adeptes, etc.) complètent l’ensemble.

22 Toutes ces pratiques de « jiaohua personnel » s’inscrivent dans un continuum avec la nécessaire vocation missionnaire des adeptes : étudier la voie (xue Dao), l’appliquer dans sa vie (xiu Dao) et la propager (ban Dao) sont en effet des éléments indissociables48. La formation proposée pendant le séminaire du Bien suprême intègre déjà des éléments sur la manière de propager le Dao même si cet aspect est sans doute davantage développé lors des séminaires plus avancés. L’installation d’un autel ou la réalisation de divers rites sont, par exemple, des questions qui intéressent beaucoup de participants qui auront rarement l’occasion de se voir professer des conseils pratiques une fois rentrés dans leur clandestinité en Chine continentale. On enseigne aussi l’art rhétorique de discourir sur la Voie du Ciel de façon claire et pertinente ou comment répondre aux questions et objections. Une attention particulière est apportée à la présentation des « trois trésors » révélés lors de l’initiation et à la façon d’en expliquer la valeur, le sens et l’utilité pratique aux nouveaux adeptes. On soulignera ici l’importance de tous ces conseils pour un public qui n’est pas forcément rodé à l’art oratoire mais qui prend sa mission à cœur. La plupart des participants ont en effet déjà converti ou essayé de convertir des membres de leur famille ou des amis et collègues ; les techniques apprises pendant le séminaire, tout comme le partage d’expériences avec d’autres compagnons du Dao, doivent les aider à poursuivre cette tâche.

L’éducation/transformation, vecteur de légitimation vis-à-vis des autorités politiques

23 Après un développement rapide dans les années 1930 et surtout 1940, le Yiguandao a vu son développement brisé par la victoire communiste en République populaire où il a notamment été accusé d’avoir servi d’outil aux Japonais et au gouvernement de Wang . À partir du début des années 1950, il y est violemment réprimé49 et demeure interdit jusqu’à ce jour, même si la politique des autorités à son égard et, plus largement, à l’égard de la « religion populaire » et des nouvelles religions, connaît peut- être en ce début des années 2010 un point d’inflexion. À Taiwan, la répression ne s’est pas traduite par les mêmes effusions de sang mais le mouvement a néanmoins été longtemps interdit. Sa légalisation, en 1987, a été réalisée à la suite d’une tractation politique avec le Kuomintang engagé dans le processus de démocratisation et soucieux de s’assurer une base électorale solide pour conserver le pouvoir. Cette tractation a sans doute été rendue possible par le succès croissant du Yiguandao et par sa valorisation de la culture traditionnelle et de l’éthique confucéenne, elles-mêmes largement promues par le parti au pouvoir50. Aujourd’hui, les liens entre le Kuomintang et le Yiguandao demeurent très étroits et nombre de ses hauts dignitaires sont devenus des compagnons du Dao. Cette dimension politique est un élément contextuel fondamental pour comprendre l’évolution actuelle de la politique de Pékin à l’égard du

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Yiguandao, marquée depuis peu par une bien plus grande tolérance que par le passé et par des entretiens au plus haut niveau. Le Yiguandao à Taiwan manifeste ouvertement des sentiments très favorables à Pékin et ne manque pas une occasion d’exprimer sa position, notamment lors de visites controversées d’officiels de la RPC.

24 En août 2009, pour la première fois depuis la fondation de la RPC, une délégation de chercheurs et de membres du bureau des affaires religieuses s’est rendue à Taiwan pour mieux comprendre la situation du Yiguandao51. D’autres missions ont suivi, notamment à l’initiative de gouvernements provinciaux. Au sein de l’association qui fédère les différentes branches du mouvement (Yiguandao zonghui), Fayi et sa division Fayi Chongde, ainsi qu’une autre branche, Baoguang, jouent un rôle particulièrement important et l’éducation, ou plutôt, la promotion d’une éducation morale basée sur les vertus confucéennes, constitue une dimension cardinale de l’offensive de relation publique actuellement menée en direction de Pékin. Celle-ci, bien entendu, vise à terme à la légitimation du mouvement.

25 Nous avons précédemment évoqué l’un des textes importants de Fayi, le Classique de la piété filiale cent fois déclinée (Bai xiao jing) édité par le fondateur de Fayi, Baishui Laoren (Eau Claire l’Ancien)52. Un rapport positif ayant été rédigé au terme de la visite d’août 200953, deux grandes délégations du Yiguandao ont été invitées en décembre 2009 et en janvier 2010 à Pékin et ont notamment été reçues par Chen Yunlin, le directeur de l’Association pour les relations à travers le détroit de Taiwan (Haixia liang’an guanxi xiehui). Il a été décidé de publier le Bai xiao jing sur le continent, en caractères simplifiés dans une version légèrement expurgée, mais sous le nom de Bai Shui Laoren. D’après le Yiguandao, le gouvernement central de la RPC aurait décidé, dans le cadre de l’année de la promotion de la piété filiale, d’assurer la promotion massive de ce texte dans toutes les provinces de Chine et dans les écoles à tous les échelons54. Il est trop tôt, en août 2010, à l’heure où ces lignes sont écrites, pour juger de ce qui sera effectivement réalisé ou non55. On soulignera simplement que la promotion de la piété filiale s’inscrit tout à fait dans le cadre de l’intérêt plus général que manifestent aujourd’hui les autorités de la RPC à l’égard de la culture classique et de son renouveau dans la société. De surcroît, ce geste en direction du Yiguandao tout comme les contacts répétés au plus haut niveau reflètent sans doute aussi une prise de conscience récente de la part de Pékin du développement actuel du mouvement sur le continent56. En tout état de cause, la diffusion à grande échelle par l’État-Parti du Bai xiao jing dans la société, si elle s’effectuait vraiment, attesterait de façon éclatante du succès d’une stratégie de promotion religieuse largement basée sur l’éducation.

Conclusion

26 L’importance de l’éducation dans le projet salvateur du Yiguandao se manifeste donc à différents niveaux. D’une part, la promotion d’un apprentissage des textes classiques auprès d’un public extérieur au mouvement sert de vecteur de recrutement de nouveaux adeptes. L’exemple des enfants, abordé dans cet article, illustre ce phénomène. On pourrait sans doute aboutir à des résultats similaires en étudiant comment le Yiguandao fait la promotion des « études nationales » (guoxue) auprès des entrepreneurs. D’autre part, l’accent mis sur la formation systématique des compagnons du Dao permet, au-delà du perfectionnement de chacun, de les préparer à leur vocation missionnaire. Les dimensions individuelle et collective du jiaohua forment

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alors un continuum. On étudie le Dao (xue Dao) pour le pratiquer (xiu Dao) et le propager (ban Dao). Enfin, l’éducation constitue le vecteur le plus fort de légitimation d’un mouvement encore interdit en République populaire, mais à l’égard duquel la position des autorités semble désormais évoluer.

27 Les années 2000 ont été marquées, en Chine, par la renaissance d’un confucianisme populaire. Porteur de toute une part de rêves et de réinventions, fragmenté et épars, il s’est notamment traduit par de multiples initiatives dans les domaines de l’éducation, de la culture de soi, de la religion et des rites57. Ce retour d’une référence confucéenne – et d’activités déjà largement promues ailleurs par le Yiguandao – constitue sans doute un terreau fertile pour son retour en RPC, comme l’est d’ailleurs aussi, si l’on en juge à l’exemple taïwanais, l’essor du bouddhisme58. En d’autres termes, alors que le Yiguandao se développe déjà rapidement de façon souterraine, la conjoncture historique actuelle lui est désormais extrêmement favorable. Si les autorités poursuivaient – même en l’encadrant strictement – la politique d’ouverture aujourd’hui timidement mise en œuvre à l’égard des « croyances populaires » et des nouvelles religions59, il n’est pas irréaliste de penser que l’on pourrait alors très rapidement assister à une profonde reconfiguration du paysage religieux chinois.

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ZHONG Yunying (CHUNG Yun-ying) 鐘雲鶯, Qing mo min chu minjian rujiao dui zhuliu ruxue de xishou yu zhuanhua 清末民初民間儒教對主流儒學的吸收與轉化, Taipei, Taida chubanshe, 2008.

ANNEXES

Glossaire

Baishui laoren 白水老人 Bai xiao jing 百孝經 ban Dao 辦道 bentilun 本體論 bu xiuxi pusa 不休息菩薩 Chen Hongzhen 陳鴻珍 Chen Yunlin 陳雲林 Da Xue 大學 dakai pudu 大開普渡 Daode jing 道德經 daoqin 道親 dianchuanshi 點傳師 Dizigui 弟子規 fa 法 fahui 法會 Fayi 發一 Fayi Chongde 發一崇徳 fotang 佛堂 fuji 扶乩 fuluan 扶鸞 gandong 感動 guan 貫 guoxue 國學 Haixia liang’an guanxi xiehui 海峽兩岸關係協會 Huang mu xun zi jie 皇母訓子誡 hui 會 混沌 jiao 教

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jiaohua 教化 jieqiao 借竅 kaisha 開沙 lao qianren 老前人 li 理 li tian 理天 Liyun Datong pian 禮運大同篇 Lu Xiangshan 陸象山 Minzheng bu 民政部 Mou Zongsan 牟宗三 qianren 前人 Qingjing jing 清靜經 qitian 氣天 qiu Dao 求道 san cao pudu 三曹普渡 san qi mo 三期末 san qi mo jie 三期末劫 sanjiao heyi 三教合一 Sanzi jing 三字經 Shao Yong 邵雍 shenme dou meiyou mingbai 甚麼都沒有明白 tanxin shijian 談心時間 tanzhu 壇主 Wang Caigui 王財貴 Wang Jueyi 王覺一 weile jiaohua bieren, xian xuyao jiaohua ziji 為了教化別人, 先需要教化自己 women juede ziji hen ben 我們覺得自己很笨 wu dao yi yi guan zhi 吾道一以貫之 Wuji Laomu 無極老母 Wusheng Laomu 無生老母 xianfo 仙佛 xiu Dao 修道 xue Dao 學道 yi 一

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yi ru wei zong 以儒為宗 Yiguandao 一貫道 Yiguandao zonghui 一貫道總會 xian de hou xiu 先得修 xian xiu hou de 先修得 Xiao jing 孝經 xinfa 心法 Xing li shi yi 性理釋疑 xingershang 形而上 xinmin ban 新民班 xiu Dao zhi wei jiao 修道之謂教 Yanhui 顏回 yiding yao jianchi 一定要堅持 yinbaoshi 引保師 yuan 元 zaonie 造孽 Zengzi 曾子 Zhang Tianran 張天然 zhen ru fuxing 真儒復興 zhishan ban 至善班 Zhong Yong 中庸 Zhou Dunyi 周敦頤 Zhu Xi 朱熹 Zhuxi zhijia geyan 朱熹治家格言 zuxian 組線 ou zhixian 支線

NOTES

1. Cette recherche a bénéficié du soutien de la Fondation Chiang Ching-kuo dans le cadre d’un projet international intitulé The Confucian Revival in Contemporary China : Forms and Meanings of Confucian Piety Today. 2. Le nom fait référence aux Entretiens de Confucius, IV, 15. Confucius s’adressant à Zengzi lui dit : « Ma Voie est le fil qui lie toutes choses » (wu dao yi yi guan zhi). 3. Voir Duara, Sovereignty and Authenticity, chap. 3 ; Goossaert & Palmer, The Religious Question in Modern China ; Palmer, « Chinese Redemptive Societies and Salvationist Religion » ; Ownby, Falun Gong, p. 23-44. 4. Le mouvement restant d’une part très fragmenté et, d’autre part, très clandestin en Chine, il est bien difficile de donner des chiffres sur le nombre des adeptes. J’ai posé de nombreuses fois la

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question dans des contextes différents, mais nul ne me semble avoir de vision claire de la situation. 5. Sur le renouveau du religieux voir le n° 4, 2009, de Perspectives chinoises. Sur la position de l’État chinois à l’égard de la culture traditionnelle voir Billioud, « Confucianisme, tradition culturelle et discours officiels ». 6. Parmi les travaux de référence sur le Yiguandao, on mentionnera par exemple : Song Guangyu, Tiandao chuandeng ; Lin Rongze, Yiguandao lishi et, du même auteur, Shizun Zhang Tianran zhuan ; Jordan & Overmyer, The Flying Phoenix ; Irons, Tian Dao ; Yunfeng Lu, The Transformation of Yiguan Dao in Taiwan ; Jochim, « Popular Lay Sects and Confucianism » ; Soo Khin Wah, A Study of the Yiguan Dao et, du même auteur, « The Recent Development of the Yiguan Dao Fayi Chongde Su-Branch in Singapore, Malaysia and Thailand ». On mentionnera également une étude éditée par le Yiguandao : Mu Yu, Yiguandao Gaiyao. 7. Jordan & Overmyer, The Flying Phoenix, p. 289-292. 8. Cette transformation aurait été rendue possible par la première « confucianisation du mouvement » ayant eu lieu sous l’impulsion du 15e patriarche Wang Jueyi (1821-1884). 9. Trois segments plus une période de 5 800 ans et une période de 500 ans dont on ne pourra parler ici. 10. Ces éléments m’ont été communiqués lors de sessions de formation auxquelles j’ai pu participer. Les membres du Fotang de la Vertu constante attribuent directement cette vision de l’univers au penseur néo-confucéen des Song Shao Yong (1012-1077) et se réfèrent à un texte publié par le Yiguandao : Meng Ying, Sheng zhe dianfan lü (Notes sur les saints et les sages), p. 161. Sur les kalpas, voir aussi Jordan & Overmyer, ibid., p. 261-262. 11. Il est possible, pour le Yiguandao, de sauver des âmes, tant dans le domaine de l’éther (le qitian) que dans les enfers, en leur permettant de demander la Voie. Le salut ne se limite pas aux vivants. 12. Ibid., p. 262-263. Zheng Zhiming, Wusheng laomu xinyang suyuan. 13. C’est ainsi qu’est par exemple interprétée la phrase du tout début du Zhong Yong : « Xiu Dao zhi wei jiao ». Entretien, Hong Kong, avril 2010. 14. Billioud, « Carrying the Confucian Torch to the Masses ». Sur la confucianisation du Yiguandao voir aussi Jochim, « Popular Lay Sects and Confucianism », p. 87-91. 15. Voir sur ce point les travaux de Zhong Yunying parmi lesquels son Qing mo Min chu minjian rujiao dui zhuliu ruxue de xishou yu zhuanhua. 16. Une monographie en préparation étudiera plus spécifiquement cette situation hongkongaise. 17. Le nom du Fotang a été modifié. 18. Information recoupée à plusieurs reprises lors de divers entretiens. 19. Pour une présentation de l’itinéraire de Wang Caigui, je renvoie à l’article de Guillaume Dutournier dans le présent volume. 20. Sur l’écriture inspirée et les médiums voir Clart, « Moral Mediums ». 21. Ke Xinya, Yiguandao yu ertong dujing jiaoyu, p. 117. Soo Khin Wah, « The Recent Development of the Yiguan Dao », p. 122-123. 22. Entretiens, Taiwan, août 2009 ; Hong Kong, 2010. Les responsables de Yongshan m’ont indiqué que Fayi Chongde avait toujours recours au kaisha (une séance a par exemple été organisée au fotang en janvier 2010), mais moins fréquemment que par le passé. 23. Ke Xinya, Yiguandao yu ertong dujing jiaoyu, p. 117-120. Ces informations m’ont été confirmées au cours de nombreux entretiens. 24. De Shenzhen à Pékin, de Jinan à Taiyuan, nous avons pu observer partout, lors de la réalisation d’un projet de recherche sur le renouveau confucéen en Chine, l’influence de Wang Caigui. Celle-ci est aussi soulignée par Ji Zhe (« Éduquer par la musique ») et par Guillaume Dutournier (dans ce volume et dans des travaux sur les écoles classiques non encore publiés). Ce n’est pas le moindre des paradoxes que de voir un disciple de Mou Zongsan, le philosophe le plus

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spéculatif que la Chine ait probablement connu au XXe siècle, porter ainsi l’esprit du confucianisme dans « l’espace du peuple ». 25. Pour une brève présentation, voir Billioud & Thoraval, « Jiaohua », p. 16-18. On relève notamment qu’un tel type d’éducation est loin d’avoir toujours été consacré par l’histoire. Parmi les écrits de Wang Caigui, voir : Ertong jingdian songdu de jiben lilun, p. 4-10 ; Wang Caigui, Ertong dujing jiaoyu shuoming shouce. Voir aussi le volume collectif préfacé par Wang Caigui et intitulé Dujing zaijia zixue xuandao shouce. 26. Entretien, Hong Kong, avril 2010. 27. On notera que le Yiguandao joue un rôle important dans la diffusion du mandarin. Beaucoup des membres du fotang m’ont dit y avoir fait des progrès considérables. 28. Entretien, Hong Kong, mars 2010. Parmi les textes utilisés par Yongshan en 2009/2010 on pourra citer les Entretiens de Confucius, Le classique de la piété filiale (Xiao jing), Le classique en trois caractères (Sanzi jing), Les règles du disciple (Dizigui), Les maximes de Zhu Xi pour réguler sa famille (Zhuxi zhijia geyan), Le texte sur la Grande unité dans L’évolution des rites (Liyun Datong pian), La grande étude (Da xue), L’invariable milieu (Zhong Yong), Le classique de la piété filiale déclinée cent fois (Bai xiao jing), Le classique de la pureté et de la quiétude (Qingjing jing), le Daode jing, etc. 29. Entretien, Hong Kong, juillet 2010. 30. Observation participante, Hong Kong, avril 2010. 31. La présence d’un Bouddha du futur (Maitreya) sur l’autel à côté duquel les cours ont lieu ne laisse guère de doute aux parents quant à la nature religieuse de l’organisation. Mais ils ignorent en général tout du Yiguandao et assimilent souvent le fotang au bouddhisme. Les bouddhistes font d’ailleurs traditionnellement la promotion de Classiques confucéens comme les Règles du disciple ou le Classique en trois caractères. 32. Comme l’explique Chris Jochim (et Bryan W. Van Norden), cette phrase (wu dao yi yi guan zhi) conserve grammaticalement une certaine ambiguïté. La traduction proposée ici, qui suit la proposition de Jochim en anglais, me semble fidèle à l’inspiration très néo-confucéenne donnée par le Yiguandao de ce passage (assimilation de la voie et du principe). Jochim, Popular Lay Sects and Confucianism, p. 99, n. 39. 33. Retranscription d’un enregistrement, Hong Kong, avril 2010. 34. Voir par exemple Yiguandao changyong daoyi cidian, p. 6-8. Sur les idées de Sans Faîte ou de Faîte suprême sous les Song, on pourra se reporter à Cheng, La Pensée chinoise, p. 417-418 ; 472-477. 35. Sur les trois trésors, voir Jordan & Overmyer, The Flying Phoenix, p. 226-234 ; 300-302. 36. En 2010, seules des formations pour les quatre premières années étaient assurées à Hong Kong. 37. Entretien, Hong Kong, mars 2010. 38. J’ai pu vérifier ce point lors de nombreux entretiens. 39. J’évoque ici les êtres et non uniquement les hommes en raison de la doctrine dite du san cao pudu. 40. Sur ces points, voir Song Guangyu, Tiandao chuandeng, vol. 1, p. 48-49. 41. Observation participante et entretiens, Macao, juin 2010. 42. Observation participante et entretiens, Macao, juin 2010. 43. Entretien avec un chargé d’enseignement du Yiguandao, Hong Kong, juillet 2010. 44. Le séminaire de première année est intitulé Régénération du peuple (xinmin ban), également, par référence à une interprétation du début de La Grande Étude. 45. Ce point avait déjà été noté dans Jordan & Overmyer, The Flying Phoenix, p. 237. 46. Entretien, Hong Kong, juillet 2010. 47. Entretien, Hong Kong, avril 2010. 48. On le réalise bien en consultant un petit document remis aux compagnons du Dao engagés dans le cycle de formation et intitulé Chongde xueyuan xuexi huzhao (traduit directement en

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anglais par « Chong-De school Learning passport »). C’est en quelque sorte un carnet de bord de la progression de l’adepte dans lequel il consigne les formations reçues mais aussi tout son engagement concret (les gens qu’il a convertis, sa participation à diverses activités, etc.). Néanmoins, si ce passeport est distribué à Hong Kong, il y est bien moins utilisé qu’à Taiwan. 49. Voir Chang-tai Hung, « The Anti-Unity Sect Campaign and Mass Mobilization in the People’s Republic of China ». 50. Sur le processus de légalisation du Yiguandao à Taiwan voir : Song Guangyu, Tiandao chuandeng, vol. 1, p. 201-283 ; la brochure éditée par le Yiguandao largement à l’attention des autorités de la RPC : Zhonghua Minguo Yiguandao Zonghui (éd), Yiguandao hefahua guocheng. Sur la promotion par le Kuomintang de l’éthique confucéenne, rappelons qu’au moment de la Révolution culturelle, les autorités de Taiwan avaient lancé, en réaction, un mouvement de renaissance de la culture traditionnelle. 51. Voir Billioud, « Carrying the Confucian Torch to the Masses ». 52. Pour une présentation de ce texte voir Sébastien Billioud, « Qi jia ». 53. Le rapport positif des chercheurs du continent aurait néanmoins fait l’objet de vives critiques au sein de l’administration chinoise. 54. Fayi Chongde zazhi, n° 106, février 2010, p. 17-20. Ces informations m’ont été confirmées à plusieurs reprises par de hauts cadres du Yiguandao et notamment l’Ancien dianchuanshi Han (Han Wannian), fils de Baishui Laoren et l’un des leaders de Fayi Chongde lors d’entretiens à Hong Kong et Macao en juin 2010. Han Wannian a dirigé les délégations qui se sont rendues à Pékin. Ces informations ont été également confirmées du côté de Pékin (Entretiens, juin 2010), mais juste pour la publication du livre par la Zhongguo shehui chubanshe, la maison d’édition du Ministère des affaires civiles ou Minzheng bu. Aucune information n’a été donnée sur la diffusion. Du côté du Yiguandao on indique que 70 000 exemplaires du livre seront financés par le mouvement tandis que, d’après ce dernier, le premier tirage financé par les autorités de la RPC devrait être d’un million d’exemplaires. Des chiffres plus importants sont parfois avancés. Ces informations restent à prendre avec une grande prudence. 55. Il y a manifestement, au sein même de la machine d’État, des oppositions marquées sur le sort à réserver au Yiguandao. Ce dernier, dans sa présentation de la situation, fait peut être preuve d’un excès d’optimisme. Entretiens, Pékin, juin 2010. 56. Ce sujet sort du cadre de cet article. Le travail de terrain conduit à Hong Kong et les entretiens conduits avec des compagnons du Dao originaires des provinces les plus diverses de la Chine continentale m’ont convaincu de l’importance du mouvement qui se développe actuellement. 57. Je renvoie à mes travaux, à ceux que j’ai réalisés avec Joël Thoraval (voir bibliographie) ainsi qu’à notre ouvrage en préparation. 58. L’expansion du Yiguandao à Taiwan a largement été nourrie par des défections dans les rangs bouddhistes. L’un des dianchuanshi de Fayi Chongde à Hong Kong était lui-même également auparavant un bouddhiste fervent. 59. Palmer, « Les danwei religieuses », p. 31-33.

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RÉSUMÉS

Troisième religion de Taiwan alors qu’il reste interdit en Chine continentale, le Yiguandao (Voie de l’unité reliant toutes choses), souvent considéré comme un « nouveau mouvement religieux », se développe aujourd’hui rapidement dans toute l’Asie. À partir d’une étude ethnographique conduite à Hong Kong, on s’attache ici à comprendre le rôle que joue l’éducation dans son expansion. On analyse notamment son entreprise de promotion dans la société de textes classiques majoritairement confucéens et l’importance attribuée à la formation des adeptes. Enfin, on montre que la valorisation de l’éducation/transformation (jiaohua) constitue aussi pour le Yiguandao un moyen de se légitimer vis-à-vis des autorités politiques, que ce soit à Taiwan ou, plus récemment, en Chine continentale.

Taiwan’s third religion but still a forbidden organization in the People’s Republic of China, often considered a « New Religious Movement », the Yiguandao (Way of Pervading Unity) is currently expanding quickly all over Asia. Based on fieldwork mainly carried out in Hong Kong in 2010, the article explores the role of education in this expansion process by focusing both on the promotion in society of Confucianism-inspired texts and on the organization of training sessions for the adepts. It also suggests that the emphasis the Yiguandao puts on jiaohua (education/ transformation) constitutes a useful legitimization strategy vis-à-vis political authorities, be it in Taiwan or, more recently, in Mainland China.

一貫道雖然至今仍被中國大陸所禁止,但已業成為台灣的第三大宗教,并作為“新興宗教”在整 個亞洲迅速發展。通過在香港進行的人類學調查,本文分析了教育在一貫道的宗教擴張中所 扮演的角色。文章指出,一貫道不僅有組織地向社會推廣以儒家文本為主要内容的讀經活 動,而且格外注重对“道親”的培訓。与此同时,無論在台灣、還是最近在中国大陸,“教化”也 是一貫道面對政治權力時使自身合法化的一種方式。

AUTEUR

SÉBASTIEN BILLIOUD Sébastien Billioud (畢遊塞) est maître de conférences en civilisation chinoise à l’Université Paris Diderot-Paris . Spécialisé en anthropologie, il travaille sur le renouveau du confucianisme en Chine contemporaine. Il est l’auteur de Thinking Through Confucian Modernity. A Study of Mou Zongsan’s Moral Metaphysics (Brill, 2011). En collaboration avec Joël Thoraval, il travaille à la rédaction d’un livre sur les nouvelles formes du confucianisme en Chine populaire.

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IV. Regard extérieur

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Religion and Education in a Secular Age: A Comparative Perspective Religion et éducation dans un âge séculaire: une perspective comparatiste 世俗時代的宗教與教育:比較的視角

Peter van der Veer

1 The modern nation-state demands its subjects to be disciplined and educated in a national curriculum. That curriculum contains the basic elements of modern science, required for educating an adequate workforce, but also basic elements of national culture, such as language and history. Religion can be regarded as part of national culture, but in secularist states students are taught to reject that part of culture, see it as a historical aberration and become atheist. I define here secularism as a project to remove religion from public life and, if possible even from public consciousness, that can be in Communist societies, such as China. It bears family resemblance with secularist projects in non-Communist societies, such as France, but it is much more extreme. Secularism as an ideology offers a teleology of religious decline and can function as a self-fulfilling prophecy. It is important to examine the role of intellectuals in furthering this understanding of history but also their relation to sources of power: state apparatuses and social movements. Secularism is a forceful ideology when carried by political movements that capture both the imagination and the means to mobilize social energies. At the same time it is important to attend to the utopian and, indeed, religious elements in secularist projects in order to understand why many of these movements seem to tap into traditional and modern sources of witchcraft, millenarianism, and charisma. Moreover, we need to consider the secular and the religious as mutually constitutive, so that also what is religious is shaped by secularism.

2 As long as religion has not been successfully removed from society (and in reality it never is which constantly fuels the secularist project) it needs to be regulated. As a project secularism has its ends (atheist society), its means (education), its resources (taxation) but, importantly, also its obstacles and limitations. It is sometimes strongly supported by state officials and political leaders and sometimes it is deemed of less importance or even discarded. Its description therefore requires historical and spatial

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specificity. In Shanghai today (but not in the 1920s) it is hard to find public manifestations of religion (although one can find them), but in Xiamen, for instance, it is not difficult at all. Since intellectuals are central to education and the understanding of national culture and, in many cases like China, are civil servants connected to the state their debates require special attention, as is shown, for instance, in the membership of the French Stasi Commission that advised the government on its relation to Islam (among others Mohammed Arkoun, Régis Debray, Alain Touraine, Gilles Kepel, Jean Baubérot, well-known French intellectuals and scholars).

3 Secularism as a project is different from secularization as a process. In Western Europe (but not in the USA) we see a process of “unchurching,” in which there is a decline of church membership and church attendance. In such secularized societies, like the Netherlands or Germany, one may still have schools that are governed by a school board that belongs to a religious community, but financially supported by tax money and under the supervision of state inspection, while the curriculum is hardly different from state schools. In Europe today religion is mostly taught in as a secular subject of interest in developing multiculturalism. This again is different from India (a society that is in many ways comparable to China) where religious communities are teaching their own religion in state-sponsored schools, but within the framework of a national curriculum. The location of religion in educating national subjects is, obviously, a function of the location of religion in the imagination of the nation. If religious education has to take place entirely outside of the state-supported school system religious groups need to find other sites for educating its members in the basic tenets of the faith and the methods of religious communication.

Religious Education

4 Education is central to religion. To be able to send, receive, and interpret the religious message one needs to be educated. Despite the Deist claim that religion is natural, it is in fact culturally acquired. One could perhaps compare learning a religion with learning a language, and indeed ritual communication has often been studied as a form of language. Many religions have ritual manuals about what to do when and for what purpose and this practical knowledge may be more important than the content of what people believe, or their “inner states,” although some religions, especially Protestantism, do put a lot of emphasis on interiority. This is not to say that the concept of “belief” has no significance in Chinese religions. Buddhism does have a set of dogmas and does emphasize liberating insight or belief as an important step towards the end of suffering. The education in sacred truth, in sacred rituals, in correct behavior is an indispensable element of religions. If we think of the ways in which we are socialized to understand symbols (religious and non-religious) and their relation to practice it is clear that we have to study not only religions but also how religious symbols become authoritative in relation to other representations and discourses.1 For example, if one becomes a Buddhist in a Communist country Buddhist symbols are discursively constructed and understood in relation to the dominant (or state- supported) discourse of Communism.

5 Where does this education take place? People are, first of all, educated within their families and one should never forget how important early socialization within the family is for acquiring particular habits, patterns of thought, both linguistic and extra-

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linguistic. It is also in the family that religious dispositions are acquired. This kind of informal education has been dominant everywhere till the 19th century and still prevails in many parts of the world. Given the gendered division of labor in many societies fathers and mothers have often a different role in religious education. In Brahman families in India it is often the mother that imparts a devotional sensibility, while the father often educates his sons in ritual and theological knowledge.

6 A special case is the “home schooling” movement in the USA that has brought formal education into the family in one of the technologically most advanced societies in the world. The rise of formal education outside the family has been a 20th-century phenomenon and in many places only a late-20th-century phenomenon. In societies in which one does not have enough schools for the population informal education in the family is still the only thing available. Where one does have a developed school system it remains important, as Bourdieu points out, that there is a synergy between familial and school education for acquiring specific knowledge, tastes, and skills for the reproduction of class. 2

7 One way of estimating the spread of education in a society is looking at literacy rates. Even in a fast developing society as India literacy is not universal and the literacy rate is around 74 percent in 2011 and shows great gender disparity (82 percent for men, 65 percent for women). This is different in China where literacy is above 90 percent now, but for most of its history China has had low literacy rates like everywhere else. Illiterate parents cannot teach children to be literate, so that the spread of formal education is essential in acquiring literacy skills. Such skills have also their effects on religion, since reading and comprehending religious texts transform the ways in which religious dispositions are formed. It can, for instance, be argued that the translation of the Bible in the vernacular and its spread by means of the new printing technology made Protestantism attractive. It is therefore important to realize that large parts of the population of China were illiterate till relatively recently and that this fact is relevant to understand the nature of religion in China in the past and its change in the present.

8 Outside of the family it is the temple and the monastery that are throughout history sites of education. Again, it is relatively recent that they have been rivaled or overtaken by state sponsored schools. It was only in the late 19th century that in Europe the old universities of Oxford and Cambridge were loosening their ties with the state church. Still, many of the arrangements in these universities (and elsewhere in Europe) recall the religious nature of higher learning. This was also true for China, obviously. To be educated for major administrative positions one needed to learn interpretations of the classical canon that were tied up with an imperial ritual system and a Confucian cosmology. The centralization of the examination system has been one of the major features of the development of the bureaucracy in China and looked at with admiration from outside of China. It does not seem to be correct to see this as a secular system, since it partly promoted what one could call a Confucian mind-set, a kind of moral and political theory, as well as a ritual complex that legitimated the sacred nature of the imperial system.3

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Secular Rationality

9 This raises the question of the rise of secularism. The reformers at the end of the Qing period were in many respects not very different from reformers in India or other parts of Asia. Their main concern was to provide a modern curriculum that would enable their societies to “catch up” with the fast modernization of Europe. Very important in the 19th century is the growing centrality of scientific knowledge in which empirical observations are combined with mathematical models. It is not anymore the case that knowledge is produced within a religious system or with reference to a classical canon. It is produced outside of that system and in principle indifferent to it. The main element in that indifference is that religious claims for fundamental knowledge about nature become increasingly untenable and cannot be allowed to obstruct scientific inquiry. The secular (not secularist) demand for better education to enable progress does not have to do away with religion and in many cases in Europe, the USA, or India it does not. In principle religious schools can accommodate rational inquiry and scientific knowledge. In fact, Christian schools in Europe and in the colonies in the late 19th century often prided themselves on the excellence of their secular curriculum. Indeed, major schools and institutions of higher education in India and China have their origin in Christian missions. After the polemics surrounding Darwin’s discoveries a split occurred in Protestant churches between those who accepted the findings of modern science and those who rejected it. In the Catholic Church the authority of the Pope determined the relation between science and religion, but gradually Catholicism has also embraced the notion that it is completely in tune with modern science which effectively means that it has abandoned its authority in this field.4

10 In the 19th century a substantial number of Protestant institutions began to develop the stance that modern science was compatible with Christianity, creating a growing split between liberal (“progressive”) Protestantism and forms of traditional Protestantism (Evangelicalism, Pentecostalism, and others) that rejected especially Darwinism. In the missionary field this liberal perspective on modern Christianity was accompanied by the claim that other religions were “backward” and an obstacle to progress. From a 19th-century evolutionary perspective Christianity belonged to an “advanced” society, while religions like Islam, Hinduism, or Daoism could be portrayed as steeped in ignorance. This attack on the backwardness of native religions led in turn to native apologetics that stressed the scientific nature of the religions in question and often claimed their scientific superiority. In that way religion’s relation to science became a major criterion for its suitability to modern society.

11 If religious education cannot anymore impart knowledge about nature it can still be important in teaching moral conduct. An important distinction that is made in the 19th century and is prevalent till today is that between magic as pseudo-science and religion as a source of positive morality. We find a classic statement of this opposition in Edward Tylor’s work, but more influential has been Weber’s theory of rationalization and disenchantment. Weber does not argue that there is a process of decline of religion, but rather that religion purifies itself from magical elements and reaches (first of all in Protestantism) a higher stage of morality and rationality that is conducive to economic and societal progress. While Weber emphasizes the role of religious groups, priests and charismatic innovators in this process of rationalization, Marx sees such groups as simple tools of the ruling class and the religious morality of capitalism as

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another form of magic, namely commodity fetishism that has to be overcome to allow for the liberation of the people. Both strands of sociological analysis, based in Enlightenment thought, have had great influence on the issue of religion and education in China. Popular religion or superstition (mixin) were forms of magic and people had to be educated to discard these wrong beliefs. Monastic religions, such as Buddhism and Daoism, were seen as too much connected to popular magic to be able to perform this task of educating the masses. Reformers like Taixu in Buddhism responded to that by proposing substantial reforms in Buddhism to make it a modern, national religion with transnational connections.

National Religion

12 The move to make religion into the source of national morality, conducive to progress, requires the nationalization of religion.5 This development we find both in Europe and in Asia in the second half of the 19th century. Religion becomes one of the fields of disciplinary practice in which the modern self is produced. It is seen as not only important in the production of the modern subject but also in the production of the modern public. Consequently, religion is important not only in the shaping of religious conscience and civilized conduct, but also in the creation of the public sphere. In Britain and in India missionary movements have been central to the development of a public sphere in which not only modern Christianity, but also religious reform in other religions as well as anti-colonialism was shaped. Although Christian conversion had some success in the colonized world and in India and China it remained marginal in terms of numbers, the real impact has been on indigenous religions. In India a number of Hindu and Muslim reform movements built their own schools and universities with a modern curriculum and a nationalist agenda. In China this seems to have been less the case, although attempts were made to introduce a Confucian nationalism in the schools. However, these were state schools and not schools supported by religious movements. In his paper for this issue Liu Xun shows that the Nanyang Daoist monastery did start modern schools and vocational training programs. This then was an initiative taken by Daoist clergy with the support of the laity and thus dependent on donations in the form of temple lands. By being dependent on landholdings they were easy targets for secularist attacks. Lay movements are much more difficult to target, since they spring from the common people that make up the nation. According to Angela Leung the Yangtze Delta had already a substantial number of charitable schools in the 17th and 18th centuries.6 In her analysis these community schools for the poor were important instruments in a cultural war against an emerging popular culture. Here, again, is the remarkable emphasis on disciplining rather than educating the masses that continues till the present day. It shows how much earlier elite misgivings about popular religion preceded the modernist anti-religion campaigns in the 19th and 20th centuries.

13 The concerted attacks on religious institutions and the professed emphasis on building secular schools is something we know from Communist rule everywhere. In that sense Communism is a true heir of the Jacobinism of the French revolution. However, the Chinese case is different from, say, East-European cases in that these attacks started long before the victory of Communism. As many scholars have pointed out attacks on religious institutions under the rubric of removing obstacles to progress began already

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in the last decades of the Qing dynasty. Various forms of nationalism try to destroy popular religion which includes arbitrarily from time to time forms of formal, monastic Daoist and Buddhist religion. This is completely different from the Indian case in which religion is the basis of anti-colonial nationalism. It is Christian colonialism that is seen by many Indian nationalists as threatening the nation despite the fact that the colonial government takes pains in showing religious neutrality and in many ways distances itself from Christian missions. In India therefore the educational field is filled with religious initiatives of a wide variety of movements and communities who all want to stem the expansion of Christianity and enhance the upward mobility of their group or community. In China it is the indigenous state itself, however pressurized by imperial forces, that takes on the competition with the West and turns against the indigenous religion as cause of the nation’s backwardness. In the last analysis it is the nature of state-society relations that determines the location of religion in it. In India in the early 19th century the East India Company was giving patronage to temples and festivals, following the pattern of Hindu and Muslim kingdoms. It is only under great pressure from Christian evangelical groups in Britain that the company was forced to withdraw its support of “idolatrous, heathen” practices and develop a policy of religious neutrality. However, this was only a withdrawal of sorts since the British then became very active in setting up systems and committees to manage religious endowments. These committees, in turn, became important arenas for organizing the public sphere, for both Hindus and Muslims.7

The Language of Instruction and the Instruction of Language

14 This is not to deny that all colonial parties – missionaries, traders, and administrators – understood civil society to be based on Christian civilization and thus supported all efforts to use education to reform Indian society. To advocate the spread of English to the higher classes as against supporting the “oriental languages” the administrator Thomas Babington Macaulay (himself a son of a missionary) wrote a famous Minute on India Education (1835) in which the education in English literature was recommended to spread civilization, from which I want to cite the following telling passage: I have no knowledge of either Sanscrit or Arabic. -But I have done what I could to form a correct estimate of their value. I have read translations of the most celebrated Arabic and Sanscrit works. I have conversed both here and at home with men distinguished by their proficiency in the Eastern tongues. I am quite ready to take the Oriental learning at the valuation of the Orientalists themselves. I have never found one among them who could deny that a single shelf of a good European library was worth the whole native literature of India and Arabia. The intrinsic superiority of the Western literature is, indeed, fully admitted by those members of the Committee who support the Oriental plan of education. It is both missionary and secular literature that is put to the service of educating the natives. This point is of more general significance given the importance of literature (prose and poetry) to educate elites about themselves (emotions, intentions, meaning of life) in modern societies, in which sacred texts have lost their monopoly of moral education. It is modern English education in literature and science that does the civilizing work, while Indian classical learning, rooted in Hindu or Muslim civilization, is discarded or marginalized.

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15 One may suggest that the opposition between secular and religious needs to be redrawn in India under colonial conditions between modern secular Christian on the one hand and traditional religious Hindu, Muslim, Buddhist, Taoist on the other. Macaulay’s speech as a Member of the India Council highlights another element that is of high importance in Indian education: We must at present do our best to form a class who may be interpreters between us and the millions whom we govern, -a class of persons Indian in blood and colour, but English in tastes, in opinions, in morals and in intellect. India, obviously, was impossible to govern from small and far-away England and was thus to be ruled by native servants of the Empire. Colonial policy made English into an Indian language which it is today, but simultaneously it made it into the language of the ruling class which it continues to be. In India, therefore, we find a “split” public sphere with English on the one hand and the various vernacular languages on the other.

16 Written Mandarin, largely based on Northern dialects of Chinese, has been a great unifier in Chinese dynastic history for a very long time and this has been reinforced by the Imperial examinations. There has therefore never been a doubt that it would continue to be the language of instruction in Republican China. It has further undergone a major standardization and simplification in the PRC. The distinction that one makes in India between English and vernaculars is made in China between “the common language” (putonghua) and the various dialects and languages that are spoken in China (and are in a number of cases mutually unintelligible). This produces a linguistic situation that is more similar to Europe where the state language (dependent on centralized education) marginalizes local and regional languages than to India where the colonial situation produced a split public sphere and an education system that employed besides English a number of vernaculars as languages for instruction. Given the dominance of Mandarin Chinese in China there is also much less scope for regional demands to be instructed in regional languages instead of Mandarin. This in turn makes separatism on the basis of language less viable than in India. In fact, in China it is not ethno-linguistic mobilization, but the state in its Ethno-National Identification Project of the 1950-70s that first classifies 56 officially recognized ethnicities (partly based on linguistic criteria) and then develops guidelines for the strengthening of minority education, including language. This ethnicity policy has come under intense pressure after the reforms of 1978 from arguments that blame language for the “backwardness” of minorities which has led to the new National Common Language Law of the PRC, passed in 2000, which requires knowledge of Chinese to qualify for citizenship.8 The effects of mass migration to the urban centers of China on linguistic diversity can similarly be expected to be substantial.

17 In India linguistic nationalism per se has not led to the break-up of the nation-state, but a linguistic configuration has developed in which large numbers of people speak three languages: English, Hindi (a widespread national language that is also used in Bollywood movies) and the regional language. In combination with religion, however, language became one of the elements in the political mobilization of Hindus and Muslims. Urdu and Hindi are basically the same language, but Urdu uses Perso-Arabic script and a vocabulary largely derived from Arabic and Farsi, while Hindi is written in Sanskritic script and uses a Sanskritic vocabulary. The spoken language (often called Hindustani) was, more or less, a mix between these vocabularies with local and regional

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influences. From the end of the 19th century language mobilization around Hindi and Urdu, especially focusing on the language of education and administration and thus on the availability of government jobs, were an important part of growing communal antagonism. Despite the fact that Muslims in different parts of India spoke regional languages Urdu became the language of Muslim separatism and the national language of Pakistan. However, in the 1970s East Pakistan with its Bengali-speaking Muslim population broke off from Pakistan and formed Bangladesh (the country of Bengalis) partly because of linguistic discrimination.

18 In China, however, language is not in that way intimately tied to religious communities, except for Tibetan Buddhists and Uyghur Muslims who indeed on a variety of religious, cultural, and linguistic grounds demand a separate nation/state. The Hui minority in China lives dispersed over the country and speaks mutually unintelligible dialects and languages very much like Muslims in India who speak Tamil, Malayalam, or Bengali, the languages of the regions in which they live. However, the Hui do not have a numerical presence in China and a widespread “Muslim language” like Urdu that could provide for strong ethnic-religious mobilization. Arabic, the language of the Quran, provides access to religious texts in madrassa education but is in India and in China not the language of communication among Muslims. Similarly, Buddhists and Taoists learn forms of language that give them access to the sacred canon, but these are languages of religious education rather than communication.

19 In China today there is a disjuncture between the widespread availability of temples, monasteries, sacred places as well as the ubiquitous availability of numerological speculation and geomancy on the one hand and the removal of religion from education on the other. How then do people learn about religious ideas and behavior outside the family? When it is more or less allowed to perform religion how does one know what is correct and what is not in the absence of religious education? It is striking that in the emergence and rise of the Falungong out of the plethora of movements in the 1990s it is not the internal religious debate about correct beliefs and practices that determine its fate, but the decision by the state that it is politically dangerous. By banning religion from education, but not from public life and consciousness the state is effectively leaving this social space open for religious imagination. This imagination is fuelled by a wide range of image producers, most prominently television and film. This may not make religion into a viable ingredient of an emerging public sphere, as is the case in Taiwan according to Richard Madsen, but it does produce a highly creative arena of exploration.9

BIBLIOGRAPHY

ASAD Talal, Genealogies of Religion, Baltimore, Johns Hopkins University, 1993.

BILIK Naran, “Language, Ethnicity, and Internal Frontiers: Schooling Civil Society among China’s Minorities,” in Veronique BENEI (ed.), Manufacturing Citizenship. Education and Nationalism in Europe, South Asia and China, London, Routledge, 2005, p. 210-235.

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BOURDIEU Pierre, The State Nobility: Elite Schools in the Field of Power, Oxford, Oxford University Press, 1996.

ELMAN Benjamin A. & WOODSIDE Alexander (eds.), Education and Society in Late Imperial China, 1600-1900, Berkeley, University of California Press, 1994.

FASSIN Eric, “The Geopolitics of Vatican Theology,” Public Culture 19, 2007, p. 233-237.

LEUNG Angela, “Elementary Education in the Lower Yangtze Region in the Seventeenth and Eighteenth Centuries,” in Benjamin A. ELMAN & Alexander WOODSIDE (eds.), Education and Society in Late Imperial China, 1600-1900, Berkeley, University of California Press, 1994, p. 381-417.

MADSEN Richard, Democracy’s Dharma: Religious Renaissance and Political Development in Taiwan, Berkeley, University of California Press, 2007.

VAN DER VEER Peter, « L’État moral: religion, nation et Empire dans la Grande-Bretagne Victorienne et l’Inde britannique », Genèses 26, 1997, p. 77-103.

VAN DER VEER Peter, Imperial Encounters. Nation and Religion in India and Britain, Princeton, Princeton University Press, 2001.

APPENDIXES

Chinese Character List

Falungong 法輪功 mixin 迷信 putonghua 普通話 qigong 氣功 Taixu 太虛

NOTES

1. Asad, Genealogies of Religion, p. 31-32. 2. Bourdieu, The State Nobility. 3. Elman & Woodside (eds.), Education and Society in Late Imperial China. 4. Fassin, “The Geopolitics of Vatican Theology”. 5. Van der Veer, “L’État moral : religion, nation et Empire dans la Grande-Bretagne Victorienne et l’Inde britannique.” 6. Leung, “Elementary Education in the Lower Yangtze Region in the Seventeenth and Eighteenth Centuries.” 7. Van der Veer, Imperial Encounters. 8. Bilik, “Language, Ethnicity, and Internal Frontiers.” 9. Madsen, Democracy’s Dharma.

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ABSTRACTS

Education is central to religion. To be able to send, receive, and interpret the religious message one needs to be educated. Education is also central to the secular nation-state. The modern nation-state demands its subjects to be disciplined and educated in a national curriculum. That curriculum contains the basic elements of modern science, required for educating an adequate workforce, but also basic elements of national culture, such as language and history. This paper regards the secular and the religious as mutually constitutive, so that what is secular is shaped by the religious and what is religious is shaped by secularism. It explores this relationship comparatively with a focus on China and India. Special attention is given to the teaching of science and of national morality as well as to the importance of language in both religion and nationalism.

L’éducation est un élément central de la religion, tant il est vrai que pour être capable de diffuser, de recevoir et d’interpréter le message religieux, il est nécessaire d’être éduqué. Mais l’éducation est également un aspect fondamental de l’État-nation moderne et laïque, lequel exige de ses sujets de se plier à la discipline d’un programme d’éducation nationale. Ce programme contient les notions élémentaires de la science moderne – requis pour l’éducation d’une main- d’œuvre adéquate – mais aussi les fondements de la culture nationale tels que la langue et l’histoire. Cet article envisage le sécularisme et la religion comme mutuellement constitutifs, de sorte que ce qui est séculaire est modelé par ce qui est religieux, et réciproquement. Il analyse cette relation dans une perspective comparatiste en se concentrant sur la Chine et l’Inde. Une attention spéciale est accordée à l’enseignement de la science et de la morale nationale, ainsi qu’à l’importance de la langue tant dans la religion que dans le nationalisme.

教育是宗教的關鍵。人必須經過教育,才能傳送、接收并詮釋宗教訊息。教育也是世俗的民 族國家的關鍵。現代民族國家要求其屬民在國定學程中得到規訓與教育。這類學程包括為了 培養足堪其任的勞動力所必須的現代科學的基礎知識,也包括國族文化的基本要素,如語言 和歷史。本文將世俗與宗教視作相互建構的雙方,認為世俗領域的形成受到了宗教的影響, 而所謂宗教亦被世俗主義所形塑。文章主要通過對中國和印度的比較揭示了世俗與宗教的這 種關係,并著重考察了科學教育與國民道德教育,分析了語言對宗教和民族主義的重要意 義。

AUTHOR

PETER VAN DER VEER Peter van der Veer est directeur de l’Institut Max Planck pour l’étude de la diversité religieuse et ethnique à Göttingen. Il est également professeur à l’Université d’Utrecht, à l’Université Göttingen et au Tata Institute for Social Studies de Mumbai. Il est membre de la Royal Dutch Academy of Arts and Sciences (Amsterdam). À l’Institut Max Planck, il développe un programme sur la religion urbaine à Mumbai, Shanghai, Singapour et Séoul, ainsi que sur les réseaux religieux en Asie. Parmi ses publications récentes: Imperial Encounters (Princeton University Press, 2001) et « Smash Temples, Burn Books: Comparing Secularist Projects in India and China », dans C. Calhoun, M. Juergensmeyer & J. VanAntwerpen (dir.), Rethinking Secularism (Oxford University Press, 2011).

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