Marcel Albert, Un Chic Type
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Marcel Albert, un chic type.. L’as de l’escadrille Normandie - Niemen Source : Revues Avion Many Souffan Première partie Dewoitine D.520 n° 87 « 14 » du Sgt Marcel Albert, 2e escadrille du GC I/3, Wez-Thuizy 14 mai 1940 [reconstitution]. Dewoitine D.520 n° 318 « 14 » du Sgt Marcel Albert, 2e escadrille du GC I/3, Oran – la Sénia début octobre 1941. Supermarine Spitfi re Mk Vb serial W3127 « GW-X » du S/Lt Marcel Albert, B Flight du 340 Sqn, Westhampnett juin 1942. Supermarine Spitfi re Mk Vb serial EN908 « GW-Y » du Cne Émile Fayolle, commandant du B Flight du 340 Sqn à Westhampnett. Cet appareil4 a été utilisé par Marcel Albert le 6 juillet 1942, avec les marques blanches appliquées pour l’opération « Rutter ». LES AS FRANÇAIS 1939-1945 : MARCEL ALBERT, « UN CHIC TYPE » Longtemps cette photo de l’album de Bernard Dupérier a été un mystère… Nous sommes le 6 juillet 1942 à Westhampnett, le S/Lt Marcel Albert va décoller pour un vol local sur le « GW-Y » de son commandant d’escadrille le Cne Émile Fayolle, absent en raison de la naissance de sa fi lle. Des marquages tactiques blancs ont été apposés pour l’opération « Rutter », un raid sur Dieppe qui sera fi nalement annulé et remplacé 1 mois ½ plus tard par l’opération « Jubilee ». Le général de Gaulle devant visiter la base, son nom a été inscrit sur ce Spitfi re pour honorer sa visite. Mais celle-ci sera retardée et les bandes et le nom auront été effacés quand le général viendra inspecter la base le 11 juillet. (coll. SHD-Air) Première partie : débuts dans l’Armée de l’Air et la Royal Air Force Par Many Souffan (profi ls de Thierry Dekker) L’homme est humble, un peu timide, le caractère contras- té, l’œil souriant et méfi ant, l’attitude affable et tonique, le sourire enfantin sur un visage sérieux. Si vous lui demandez de raconter sa vie de pilote, il vous répond le verbe haut à la gouaille toute parisienne que ce n’est pas intéressant, qu’il y a plein de chics types mieux que lui. Mais monsieur Marcel Albert, vous aussi, vous êtes un chic type, et votre histoire mérite d’être connue de tous… Une petite enfance parisienne Comme la plupart des pilotes qui ont participé à la Seconde Guerre mondiale, Marcel Albert est né pendant la Première, le 25 novembre 1917 à Paris [1]. Ses parents vivent au 40 rue de la Borde, dans le 8e arrondissement. Son père, Louis Marcel Albert est journalier ; sa mère, Marie Virginie Albert, née Gouchon, travaille comme em- ployée de bureau de tabac place de la Pépinière, près de la gare Saint-Lazare. La guerre éclate et Louis Marcel Albert est mobilisé à 25 ans, en 1915, deux mois après la naissance de sa fi lle Marcelline le 26 janvier. Il en reviendra un an plus tard. Pour mieux s’occu- [1] Dans le 13e arrondissement, dans le tout nouvel hôpital de la Pitié. 5 La seule photo où apparaît le père de Marcel Albert, dont le décès marquera sa vie. Âgé de dix ans, il pose avec sa mère lors de la communion de sa sœur Marcelline en 1927. (toutes les photos : coll. M. Souffan, origine M. Albert, sauf autre mention) per de sa fi lle, madame Albert quitte son 8-9 ans, le petit Marcel est le chouchou de emploi et devient domestique. La guerre tous ces hommes déracinés, des ouvriers continue avec son besoin de chair à canon, et de son père qui le gâtent et le laissent M. Albert doit retourner au front en 1917 de temps en temps sortir seul les voitures laissant son épouse enceinte. Quelques du garage. Sept ans de bonheur qui s’ar- mois plus tard Marcel Olivier Albert naît rêtent brusquement quand son père est sans que sa mère sache ce qui est ad- rattrapé par les séquelles de son gazage venu de son mari. En effet, lors d’une at- à l’ypérite, accentuées par les problèmes taque, celui-ci est gazé à l’ypérite, légère- pulmonaires dus à son passage prolongé ment blessé, fait prisonnier et écroué en dans les eaux froides du Rhin. Allemagne. À sa troisième tentative d’éva- sion, il traverse à la nage le Rhin non sans diffi culté. Les efforts fournis lors de cette L’installation à la campagne traversée laisseront des traces indélébiles et la mort de son père sur sa santé, mais il réussit, épuisé, à re- joindre les lignes françaises. L’air de Paris ne peut plus convenir à Louis Marcel Albert, qui vend son garage Après avoir retrouvé les siens et recou- pour s’installer dans une ferme à Paray- vré sa santé, M. Albert installe toute sa Vieille-Poste dont les terrains jouxtent petite famille dans le 13e arrondissement l’aérodrome d’Orly. Il devient exploitant et ouvre en 1919 un des premiers garages agricole, se spécialisant surtout dans l’éle- Mercedes Opel dans la capitale, au 2 rue vage des cochons et quelques moutons « Lemaignan dans le 14e arrondissement. qui servaient de tondeuses à gazon pour Le petit Marcel va vivre ses plus belles les pistes » [3]. La vie change pour le pe- années de jeunesse entouré des siens. tit Marcel. C’est la rudesse de la campa- Malgré la proximité du parc Montsouris, gne, il n’y a pas tout le confort dans la où il se rend chaque jour avec sa sœur ferme, l’eau courante arrivera deux ans et sa mère [2], son aire de jeu préférée après son arrivée, c’est l’école primaire où reste le garage de son père avec les voi- il travaille plutôt bien, mais ce sont sur- tures, son atelier de réparation à l’odeur tout les deux hangars à dirigeables [4] tenace de cambouis et les ouvriers qu’il de l’Aéronautique Maritime qui culminent Carte de visite du garage du père de observe avec intérêt. C’est aussi tous ces à 90 mètres, le grand hangar du camp Marcel, qui n’a pas utilisé son premier hommes qui discutent dans une langue d’aviation d’Orly qui sculptent l’horizon prénom Louis. Cela a beaucoup pesé sur qu’il ne connaît pas encore. Les princi- de son quotidien. Très vite, s’ajouteront le futur as, qui aimait dire qu’il s’appelait paux clients de M. Albert sont des Russes d’autres bâtiments dont ceux des deux Marcel Olivier Albert… blancs qui se sont installés à Paris avant aéroclubs civils, sans oublier tous les ty- la révolution d’octobre ; la plupart sont pes d’aéronefs qui parsèment le terrain de chauffeurs de taxi et souvent, ils se réu- plus en plus en vogue. Ce qui fascine le nissent au garage. Jusqu’en 1925 et ses jeune Marcel, ce n’est pas tant l’appel du Carte postale d’époque montrant les grands hangars à dirigeable de l’aéroport d’Orly. Le terrain de la ferme familiale de Marcel Albert jouxtait celui où se trouvaient les deux Un porte-calendrier qui se trouvait dans le hangars par l’arrière. (coll. M. Souffan) garage de son père. Le slogan va com- me un gant à l’as : « Il ne craint rien, pas [2] La rue Lemaignan, où se trouve le garage de son père, se termine par des escaliers qui dé- étonnant, c’est Marcel Albert »... (photo bouchent sur le parc Montsouris. M. Souffan) [3] Selon les souvenirs de Marcel Albert, il y avait quelques moutons dans la ferme, qui servaient à brouter l’herbe des pistes d’Orly. Quand la demande devint plus forte, civils et militaires implan- tèrent une bergerie avec des moutons venus du Maroc. [4] Dessinés par l’ingénieur Eugène Freyssinet, ces hangars étaient destinés à recevoir deux 6 grands dirigeables, le Méditerranée et le Dixmude donnés par les Allemands comme compensa- tion de guerre. Cette carte postale extraordinaire correspond exactement au souvenir d’enfance de Marcel Albert, lorsqu’à 11 ans il monte pour la première fois dans un avion – en l’occur- rence un Morane-Saulnier 147 (ici le n° 27 F-AJFH) au gouvernail blanc caractéristique de la CFA, Compagnie Française d’Aviation. (coll. B. Parmentier) vol mais le ronronnement des moteurs, Si l’odeur du cuir neuf et de la peinture la mécanique, oui, les moteurs des avi- fraîche lui rappellent les voitures rutilan- ons ; cela semble faire écho en lui aux tes qui arrivaient au garage, ce que garde Le plan du terrain d’Orly-Villeneuve sur moments heureux passés dans le garage sa mémoire, c’est la douce chaleur qu’ex- un guide Michelin de 1935. (coll. F.-X. de la rue Lemaignan. halait encore le moteur chaud, une odeur Bibert) indéfi nie, et surtout, l’étroitesse de la ca- Un jour de juin ou de juillet de 1929, bine qui lui donnait l’impression de faire après la fi n de l’année scolaire, il arrive à corps avec l’avion, d’être protégé par lui, s’approcher du hangar de la Compagnie une sensation d’être indépendant, d’être Française d’Aviation qui vient de recevoir libre. Quand Marcel Albert entre dans de nouveaux appareils fl ambants neufs… l’adolescence, son quotidien c’est l’école, Mais laissons Marcel Albert raconter les copains, les virées avec sa bande pour l’anecdote : « Je jouais avec les potes de se mesurer avec celle de Wissous, c’est ma bande quand j’ai vu trois avions qui les plaisirs champêtres de garder les co- volaient bas avec la dérive toute blanche chons avec sa mère et sa sœur, C’est les avec un grand F, ils allaient atterrir.