Comme Un Air De Révolte
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JOURNAL DE L’INSTITUT DE JOURNALISME BORDEAUX AQUITAINE GRATUIT 17 janvier 2019 # 711 ET AUSSI LE CRI D’ALARME DES COMMERÇANTS Comme un air BORDELAIS SOLENN DENIS AU TNBA de révolte AVEC «SSTOCKHOLM» HOCKEY À BORDEAUX : Les mairies mettent à LES BOXERS TOUJOURS disposition des Français DANS LA COURSE RETOUR AUX SOURCES RETOUR des cahiers de doléances depuis lundi. L’idée ne date pas d’hier : en 1789, les Girondins rédigeaient On prend les pas moins de cent-trente- mêmes et on cinq cahiers à destination du roi. recommence On peut trouver une réclamation bien familière dans le cahier de doléances de la sénéchaussée de Quatre-Vallées-Sous-Guyenne, rédigée le 28 mai 1789. Les repré- sentants du Tiers-Etat y réclament « que les ministres, gouverneurs des provinces, et autres dépositaires de l’autorité royale soient déclarés res- ponsables envers la nation des mal- Image d’illustration. DR d’illustration. Image versations dans les finances ou abus de pouvoir. Et qu’en conséquence, ils soient poursuivis et jugés selon les Bien avant les Gilets jaunes sur les ronds-points, les révolutionnaires festoyaient déjà entre gaité et révolte. lois du royaume ». Nos ancêtres étaient visible- Déserts médicaux, justice méphitiques qui s’échappent des ma- locales demandent avant tout un pa- elle qui forme les bons citoyens (...) et ment affectés par les scandales qui s’effrite, égalité sur l’im- rais et qui occasionnent durant l’été lais de justice et l’arrivée d’au moins de multiplier les collèges », si possible politico-financiers de leurs gou- pôt... Il y a plus de 200 ans, à des maladies épidémiques qui achèvent treize nouveaux juges, elles s’in- « loin des grandes villes où les mœurs vernants. Heureusement, au- l’aube de la Révolution, les de dépeupler les paroisses ». À l’époque, quiètent surtout du manque de pri- sont les plus dépravées ». jourd’hui, comme nous le savons préoccupations des Girondins fai- les Girondins qui déplorent une évi- sons et de l’insalubrité de celles qui tous, nous vivons désormais dans saient étrangement écho à l’actuelle dente pénurie de médecins exigent existent : « l’humanité, l’ordre et la Sans oublier une préoccupation tou- une « république exemplaire », contestation sociale. En Gironde, alors « des pharmacies, des bouillons sûreté publique exigent des prisons jours d’actualité : le risque d’effon- qui a voté une loi sur la moralisa- dès 1789, les premiers cahiers de do- de charité, des sages-femmes instruites saines et assurées. Sans elles, le crime drement des ponts, en particulier tion de la vie publique et la trans- léances font état d’une profonde dé- et des bons chirurgiens ». Les déserts demeure impuni, et le nombre de mal- ceux « des grandes routes des Landes, parence du patrimoine des élus. tresse quant à la baisse démo graphique médicaux ne sont pas les seules in- faiteurs augmente. » À cela s’ajoute presque entièrement abimés ou dé- au sein des campagnes. Selon ses si- quiétudes exprimées. l’éternelle obsession quant aux truits ». D’une manière générale, les Rendez-vous dans 230 ans pour gnataires, elle est la conséquence di- Comme un air de déjà-vu, le déli- moyens alloués à l’éducation : « Le Girondins déplorent l’abandon de savoir si ces mesures auront em- recte des épidémies qui ravagent le tement du système judiciaire est lui roy est supplié de prendre en considé- l’État et font part d’un fort senti- pêché les politiques de glisser une pays, mais aussi des « vapeurs aussi mis en cause. Si les populations ration l’éducation de la jeunesse, c’est ment d’exclusion. main dans le pot de confiture. En attendant, une certitude de- meure : si Penelope et Cahuzac Justice fiscale sont en tête de gondole des scan- D’une révolution à l’autre L’une des revendications fortes de dales politico-financiers, ils sont l’actuel mouvement des Gilets Jaunes loin d’être des pionniers. est celle d’une véritable justice fiscale qui déboucherait sur une meilleure justice sociale. Dans leurs doléances Antoine Maffray @toinou_nours de 1789, les habitants de Pomerol, près de Libourne, regrettaient déjà que « la voix du malheur [ne soit] pas écoutée, on se bouche les oreilles, on nous laisse crier ». Des phrases sai- DEUX ÉPOQUES EN QUATRE « …on se CHIFFRES Lauriane Vofo Kana @ItsLaurianeV bouche les oreilles, on nous laisse crier. » sissantes d’actualité comme celle- ci, on en retrouve dans tous les cahiers d’Aquitaine. Dans celui de Blanquefort, dans la banlieue de Bordeaux, on apprend que « plusieurs de nos concitoyens ont abandonné leurs possessions, ne pouvant vivre de leurs produits et [s’]acquitter des impôts ». L’impression de matraquage fiscal et l’amertume de ne pas pouvoir vivre de son travail sont déjà présentes. Pourtant, l’idée de l’imposition est largement acceptée avant la Révolution. « L’impôt est dû au roi, nous voulons le payer, mais nous vou- drions qu’il fût également payé par tous les propriétaires sans distinction de rang ni de naissance » peut-on lire dans le cahier de doléances géné- rales du Périgord. Plusieurs voix du clergé s’élèvent même et se mêlent à celles du Tiers-Etat à ce sujet. « Nos privilèges semblent nous isoler de la société, comme si nous cessions d’en être membres », résume le diocèse de Bordeaux. Il prédit « un chaos dont sortira un monde nouveau » SOURCES : Bingo pour le chaos, moins pour le « Les inégalités de revenus en France du début du XVIIIe siècle à 1985 » de Christian Morris- renouveau. son et Wayne Snyder « La dette, poison de l’Ancien Régime » de Lio Viry @LioViry et Guillaume Mazeau Guillaume Ptak @Guillaume_ptak Antoine Maffray @toinou_nours Insee BAT IMPRIMATUR 711 .indd 1 16/01/2019 19:52 Commerçants : les laissés-pour-compte Après l’Acte IX des Gilets Jaunes samedi dernier, les commerçants bordelais sont exténués. Certains ont vu SOCIÉTÉ leur vitrine endommagée, d’autres le saccage de leur enseigne. Ils se réunissaient hier cours Pasteur pour interpeller les pouvoirs publics. Radisson © Hippolyte Dialogue animé entre une pharmacienne et Maribel Bernard, conseillère municipale. Une odeur de plastique brûlé flotte Dans la salle, chacun y va de son interdise ces manifestations ? », tente enlève les bornes de verre les veilles de « À Bordeaux, Juppé doit faire en- dans l’air. Trois femmes travaillent commentaire et exprime sa colère. même l’un d’entre eux. manifestations. » Laurent, dirigeant tendre sa voix. Il doit secouer la pré- et jonglent entre les coups de télé- « Les forces de l’ordre protègent la mai- de l’agence Promovacances située fecture », clame Jean-Jacques. « Je phone. Moins de 48 heures après son rie. Mais en fin de manifestation, tout Maribel Bernard, conseillère muni- cours Alsace-Lorraine, conteste : vais lui transmettre le mot », promet saccage, cette agence de voyage indé- le monde s’échappe en passant devant cipale déléguée aux commerces, est « On a pourtant vu des gens y récu- Maribel Bernard. Il est conscient de pendante située cours Pasteur avait les cours Pasteur et Alsace-Lorraine », au premières loges pour répondre. pérer des bouteilles samedi dernier ! » ce qui se passe, il en est plus que déso- déjà rouvert ses portes. Malgré le se lamente Jean-Jacques, qui tient la « Exonération des droits de terrasse, « On ne travaille pas, et en plus, on lé. Il parle avec la préfecture et essaie mobilier sommaire dont elle dispose, boutique Un homme dans la ville. parking gratuit aux Quinconces cer- doit faire le boulot de la mairie », de faire au mieux avec les moyens que la gérante des lieux, Emmanuelle, « On a le sentiment d’être un déver- tains jours, rapide remise en état de avance une commerçante, excédée. fournit l’Etat. » ne se laisse pas abattre : « On se re- soir, une rue secondaire qui n’a pas la ville après les manifestations » sont lève, c’est un peu de la folie mais il faut d’importance aux yeux du maire », les actions mises en place par la mai- « Juppé doit secouer Vendredi, des représentants de com- repartir. » renchérit-il, par opposition au traite- rie. « C’est la limite de ce que l’on peut la préfecture ! » merçants vont rencontrer le préfet. ment privilégié qui serait réservé au et sait faire, mais c’est la préfecture En attendant des réponses concrètes, Déterminée à montrer que son cas “Triangle d’or” [le quartier chic du qui a les compétences du maintien de Beaucoup de commerçants re- certains s’organisent : « J’ai une col- n’est pas une exception, elle s’est ren- cours de l’Intendance et des Allées l’ordre », se défend-elle. prochent à la mairie son manque de lection de 300 clubs de golf. J’en ai due hier dans l’immeuble d’à-côté de Tourny, NDR]. communication durant les manifes- distribué quelques-uns à des commer- où s’est tenue une réunion des com- Des commerçants répliquent. Le ton tations « Moi, je m’informe grâce à un çants », explique l’un d’eux. « Moi, je merçants du secteur. Dans les locaux Dialogue de sourds monte. « Est-ce que ce ne serait pas à Facebook Live, ça me permet de savoir suis agent de voyage, raconte Laurent, de l’administrateur de biens Oralia, la mairie d’enlever le mobilier urbain où se trouve le cortège afin de pouvoir et le samedi après-midi je deviens ils sont une vingtaine à raconter leur avant les manifs ? », demande Sophie, agent de sécurité. » Certains proposent donc que le cours tirer les grilles si besoin », explique une expérience : « Ils ont tout arraché, une pharmacienne de la Victoire. jeune femme. Un groupe Whatsapp vidé la totalité du local, puis ils ont Pasteur soit bloqué par les forces de « On vous l’a déjà dit, rentrez vos pou- l’ordre, d’autres demandent un dur- Commerçants bordelais a été mis en Hippolyte Radisson @H_Radisson tout brûlé », explique Emmanuelle, belles ! », lui répond la conseillère mu- place, mais tous ne sont pas encore la gorge nouée.