CÉLÉBRATION Janvier 2017 DU BICENTENAIRE N° 47 1817-2017

Genève, Ville verte www.cjb-geneve.ch

ÉDITORIAL 2 - 4 HISTORIQUE 5 - 19 COLLECTIONS 20 - 45 RECHERCHE 46 - 64 MÉDIATION SCIENTIFIQUE 65 - 69 CONSERVATION 70 - 83 ÉDITIONS 84 - 87 ÉVÉNEMENTS & 88 - 99 COMMUNICATION COOPÉRATION & 100 - 109 RELATIONS INTERNATIONALES PARTENAIRES CJBG 110 - 124 BICENTENAIRE 2017 & 125 - 153 RÉTROSPECTIVE 2016 « Cette science, devenue immense dans ses détails… »

« Cette science, devenue immense dans ses détails […]. » C’est ainsi que le marquis de Condorcet parle de la botanique. Au XVIIIe siècle, ils sont en effet nombreux les savants, écrivains, philosophes à se passionner pour le monde végétal, à l’instar de Rousseau ou de Chateaubriand. Ils côtoient ceux qui, comme Bernard de Jussieu ou Carl von Linné, par exemple, ont dédié leur vie à faire progresser la science. Ils pourront même croiser, un tout petit peu plus tard, celui qu’Honoré de Balzac surnomma « le souverain pontife des plantes », le Genevois Augustin-Pyramus de Candolle.

A cette époque, Genève est une pépinière de grands hommes, de savants dont les travaux ont marqué leur époque (Abraham Trembley, Charles Bonnet, Horace-Bénédict de Saussure, etc.). Augustin-Pyramus de Candolle, lui, part faire une carrière acadé- mique en France, mais revient dans sa ville natale pour notamment y créer son premier Jardin botanique. C’était il y a 200 ans, dans le parc des Bastions.

Depuis, il y a eu la création de collections, des recherches scienti- fiques pointues, des déménagements, de nouvelles missions, des échanges internationaux et surtout, une soif insatiable de par- tager avec le grand public les enjeux de la botanique, qui nous concernent toutes et tous.

200 ans plus tard, les Conservatoire et Jardin botaniques sont donc extrêmement appréciés et fréquentés par les Genevoises, les Genevois et leurs hôtes pour s’y promener, y flâner entre des espèces rares ou y offrir une glace à ses enfants. Ils sont aussi réputés auprès du monde scientifique local, régional ou natio- nal pour leurs recherches qui permettent d’affiner et de thésau- riser les connaissances sur de la biodiversité locale, sa conserva- tion et sa préservation. Ils sont également demandés sur d’autres continents pour partager leur savoir-faire en matière de Jardins botaniques.

Aujourd’hui, les Conservatoire et Jardin botaniques sont le fruit de leur longue histoire. Une histoire digne de celle de Shéhérazade, composée de chapitres tous distincts mais qui s’enchaînent de manière fluide pour donner à l’institution son identité actuelle. Les CJBG rassemblent une somme de connaissances indispensables à Sami Kanaan l’étude de notre biodiversité. Ils sont un maillon essentiel à l’étude Conseiller administratif et à la conservation d’un patrimoine commun inestimable : celui de en charge de la culture et du sport notre environnement.

2 FV N°47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 Editorial

Les anniversaires sont autant d’occa- vrai que les Conservatoire et Jardin bota- sions de dresser des bilans ou de réflé- niques de Genève ont une mission d’édu- chir à son avenir. Ainsi le 175e anniver- cation et de conservation du milieu natu- saire des CJBG, en 1992, permit de dessiner rel, ils n’ont pas été démis pour autant de un tableau du devenir des Jardins bota- leurs anciennes missions traditionnelles : niques. Dans l’exercice de synthèse finale, conservation des collections (herbier et Vernon Heywood, alors président du BGCI, bibliothèque), recherche (monographies, annonçait la signature prochaine de la flores), enseignement universitaire ». Et de Convention sur la Diversité Biologique, et dresser un bilan inquiétant : « les tâches la nécessité pour les Jardins botaniques d’un jardin botanique comme celui de de se positionner par rapport à ces nou- Genève sont devenues tellement multiples veaux objectifs, notamment en termes de qu’elles deviennent concurrentielles entre conservation in situ et ex situ. Face à la elles ». La seconde partie de sa conclusion transformation du paysage par l’Homme, consistait en une série de propositions de il prédisait qu ’ « à l’avenir, la conserva- collaboration, celles-ci essentiellement tion ne se fera plus dans des zones proté- basées sur des apports financiers prove- gées au sens formel ». Bien qu’il pensât que nant d’autres administrations, ou des col- les réintroductions d’espèces ne seraient laborations avec des ONG, les CJBG agis- qu’un pis-aller, il affirmait pourtant que sant en tant qu’experts. « les jardins botaniques ont un rôle impor- tant à jouer dans les essais de réintroduc- Augustin-Pyramus de Candolle, en fon- tion d’espèces, et dans la restauration, la dant le Jardin botanique en 1817, poursuit conservation et l’aménagement d’habi- trois buts : enseigner, rechercher, acclima- tats, ceci représentant leur part à l’adop- ter. C’est ce que vont faire tous ses succes- tion d’une stratégie intégrée de la conser- seurs, avec plus ou moins de bonheur. Du vation de la biodiversité ». Il érigeait en côté des collections, elles croissent rapi- principe la nécessité de collaborer entre dement, puisqu’en l’espace de 200 ans, Jardins botaniques. Concernant la rela- elles ne vont cesser d’intégrer les CJBG tion avec le public, il parlait d’un « remode- pour atteindre ce jour une estimation d’en- lage complet » des Jardins botaniques, afin viron 6 millions d’échantillons pour l’her- qu’ils puissent lui offrir des « loisirs et des bier et l’une des bibliothèques les plus valeurs spirituelles ». complètes au monde en botanique systé- matique. La qualité de la recherche effec- Rodolphe Spichiger, alors directeur des tuée à Genève associée à une stabilité CJBG, insistait sur la disparition de l’en- politique, des conditions de conservation seignement de la botanique systéma- remarquables et l’assurance que ces col- tique classique à l’Université, au profit lections seront toujours disponibles pour des sciences moléculaires. Il constatait la recherche vont favoriser ces apports. Il que cette fonction était de fait reprise par faut attendre le 150e anniversaire pour que les Jardins botaniques, la qualifiant de Jacques Miège intègre un parc aux biches. « science élémentaire permettant, entre Mais c’est sous l’impulsion de Gilbert autres, aux Jardins botaniques de fonction- Bocquet dans les années quatre-vingt que ner. » Concernant les missions des Jardins l’ouverture au public se fera de manière botaniques, il constatait que « s’il est irréversible, notamment avec ses fameuses

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N°47 3 « Promenades botaniques ». Rodolphe Spichiger va maintenir cet aussi une grande chance. Ainsi, on retrouve effort, tout en poursuivant la recherche par le lancement de pro- dans une seule institution les réponses à grammes d’envergure comme la Flore du ou l’introduc- de nombreuses questions environnemen- tion de la biologie moléculaire au sein de l’institution. Il va par ail- tales et les moyens pour diriger des actions leurs développer un programme de soutien de Jardins botaniques de protection. dans le Sud. Toutes ces activités ne sont possibles En l’espace de ces 25 ans, depuis le 175e, la Convention sur la que dans le cadre de collaborations avec Diversité Biologique (CDB) a été signée. La Stratégie pour la d’autres institutions. Les dimensions de Conservation des Plantes a été adoptée par la CDB, comme le chacune des institutions ne permettent à Protocole de Nagoya qui régule mais complexifie l’accès aux res- aucune d’être efficace seule. Mais les plus sources naturelles, tout en rendant leur exploitation plus équi- de 3 000 Jardins botaniques du monde table. La Stratégie Biodiversité Suisse a été adoptée par la entier, accueillant annuellement plus de Confédération, instituant la nécessité de considérer la biodiversité 300 millions de visiteurs, ont la possibilité partout sur Terre, et pas seulement dans des réserves. Des Listes de parler d’une seule voix. En collaborant, Rouges inventorient les menaces. La prise de conscience sur la en partageant les données et les moyens perte de biodiversité est devenue générale. autour des questions de notre époque, ils mettent à disposition les données fon- Bien des questions de société peuvent trouver des éléments de damentales sur notre environnement. Ils réponse dans la recherche qui est poursuivie dans les Jardins doivent être soutenus. Le futur de notre botaniques. Par ailleurs, les missions qui leur sont attribuées se espèce n’existera que si nous prenons sont considérablement amplifiées, impliquant des choix parfois conscience, comme l’annonce la Stratégie douloureux, et comme le constatait déjà Spichiger, « concurren- Mondiale pour la Conservation des Plantes tiels entre eux ». A la recherche et à l’enseignement de type uni- adoptée par la Convention sur la Diversité versitaire des débuts et face aux menaces qui pèsent sur l’environ- Biologique, que « sans plantes, il n’y a pas nement nécessitant de s’adresser plus activement à des publics de vie. Le fonctionnement de la planète, et différents – citoyens et décideurs – se sont ajoutés des ensei- notre survie, dépend des plantes. » gnements multiples, la présentation d’expositions temporaires, la conduite de visites, l’extension de la recherche de type systé- matique à de nouveaux domaines comme la floristique, la biologie moléculaire, ou la cartographie des types de milieux, mais encore la gestion informatique des collections, la conservation in situ et ex situ des espèces menacées, la rédaction de plans de gestion, les banques de graines, la coopération avec le Sud, la visibilité sur internet, le partage des données, etc.

Idéalement, les Conservatoires et les Jardins botaniques intègrent des processus complets qui vont de la découverte de nouvelles espèces sur le terrain, leur étude et leur conservation, leur clas- sification et leurs relations avec leur environnement, la transmis- sion de cette connaissance à différents publics, leur protection, et le soutien à d’autres Jardins botaniques. Cette très grande diver- sité d’activités démontre l’importance des Jardins botaniques pour de nombreuses questions relatives à la connaissance et Dr Pierre-André Loizeau la protection de la diversité végétale. C’est à la fois un défi, mais Directeur des CJBG

4 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 Petit historique HISTORIQUE de 200 ans de passion botanique

Dr Pierre-André Loizeau Matylda Levet Pierre Mattille Directeur des CJBG Collaboratrice au DCS Collaborateur scientifique aux CJBG

Création du Jardin botanique

Augustin-Pyramus de Candolle relate la création du Jardin botanique ainsi :

« Le 19 novembre 1817, il a été procédé à la première plantation du Jardin. M. le pre- mier Syndic Gaspard de la Rive s’y étant transporté à une heure et demie de relève a planté l’espèce qui dans l’ordre métho- dique se trouvait la 1ère de l’Ecole savoir le Clematis erecta. M. le Syndic Necker, pré- sident de la Chambre des travaux publics, a planté la 2ème qui s’est trouvée le Clematis viticella. Ensuite MM. les Syndics ont invité M. l’ancien Syndic de Candolle, M. le pas- teur Vaucher, M. Trembley, secrétaire d’Etat et M. Schmidt-Meyer de planter chacun une des plantes suivantes, le tout en présence de M. Schmidt-Meyer, Gourgas et Saladin, ancien Syndics, De Roches, Puerary, Martin- Bertrand et Lullin, conseillers d’Etat, Pictet, l’Huillier, Picot fils et De Candolle, pro- fesseurs, Fatio, membre de la commis- sion des travaux publics, Martin de la Rue, membre du Conseil municipal, Micheli de Chateauvieux, Dufresne, Prevost-Pictet, Duval, membres du Conseil représenta- tif, Crand d’Hauteville père et fils et autres amateurs de Botanique » (Briquet 1919)

Né à Genève, de Candolle fait ses études à Paris, obtient un poste de Professeur, puis de Directeur du Jardin botanique à Montpellier. Il est nommé Professeur honoraire de l’Académie de Genève en 1800. Devenu Recteur de l’Université de Montpellier pendant la période des Cent- Jours de Napoléon, il doit la quitter et rentre à Genève en 1816, où il accepte une chaire de Professeur d’histoire naturelle, y met- tant la condition de pouvoir appuyer son Augustin-Pyramus de Candolle par Pierre-Louis Bouvier, 1822 enseignement sur un Jardin botanique. © Société des Arts de Genève

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 5 Lithographie aquarellée et gouachée d'Alfred Guesdon. BGE, centre d'iconographie genevoise, Vue de Genève, vers 1858 Le contexte politique et économique lui est Le produit de la vente du bois qui en est favorable. Tout d’abord Genève possède extrait sera d’ailleurs utilisé à payer les pre- une Promenade au Sud de la ville, appe- miers aménagements du Jardin botanique lée Belle Promenade, puis Promenade des (Candolle 1845). Bastions. Cet espace fût aménagé entre « C’est donc le les bastions au pied des fortifications au Finalement le retour de l’indépendance de début du 18e siècle en réaction à l’épidé- la cité pousse les genevois à investir dans 19 novembre 1817 mie de peste « de Marseille » qui obligea le l’instruction publique : « On les vit alors fon- gouvernement de restreindre les déplace- der le Musée académique, la Société de que les autorités ments de la population. On lui donnait ainsi Lecture, plusieurs écoles primaires, et don- un espace de détente à proximité de la ville, ner à d’anciens établissements, tels que la plantent offrant un magnifique panorama s’éten- Société des Arts, un développement tout dant à perte de vue sur la campagne envi- nouveau » (Candolle 1845). les premières ronnante. Toutefois faute d’entretien suffi- sant, l’intérêt de cette promenade décline Les conditions sont donc réunies pour que espèces de l’Ecole à la fin du 18e siècle. Elle prend le nom de le projet de création du premier Jardin Lycée de la patrie pendant l’occupation botanique publique aboutisse. C’est donc de Botanique française. Utilisée pour des fêtes commé- le 19 novembre 1817 que les autorités moratives, elle sera aussi le lieu d’exécu- plantent les premières espèces de l’Ecole imaginée par tion de 7 personnes fusillées pendant la de Botanique imaginée par Augustin- période de la révolution genevoise en 1794. Pyramus de Candolle. Très vite cette cité Augustin-Pyramus Au début du 19e siècle, cette promenade va se mobiliser pour soutenir la création est dans l’esprit des Genevois un lieu de du Jardin. Il est certain que le charisme de de Candolle. » sinistre mémoire. Candolle n’est pas étranger à cet engoue- ment. Une souscription partie des milieux Pour comble de malheur, 1816 sera « l’an- proches de la Société des Arts lui permet née sans été », provoquant en Europe des d’obtenir beaucoup d’argent, 58 238 flo- famines dramatiques. Le volcan indoné- rins et 4 sous, et des dons en nature sous sien Tambora en est la cause, puisque son forme de bancs, d’étiquettes, de châssis éruption en avril 1815 va projeter dans ou de plantes (Candolle 1819). Candolle l’atmosphère une telle quantité de pous- dénombre dans son rapport de 1819 sur sières que le climat en sera modifié l’an- la création du Jardin botanique 284 dona- née suivante (Brönnimann & Krämer 2016). teurs. Ce nombre est remarquable en regard En cette période de disette, la Promenade des dimensions de la ville à la fin du 18e des Bastions sera plantée de pommes de siècle, qui comptait environ 26 000 habi- terre. Cependant les récoltes ne seront tants (Sigrist & Bungener 2008). pas bonnes et des manifestations auront lieu. Pourtant cette plantation a l’avan- Le Jardin soutient tage d’inciter le gouvernement à mettre les l’enseignement universitaire moyens nécessaires au défrichement de cette espace dans le cadre de travaux d’uti- Les infrastructures propres à un Jardin lité publique confiés à des ouvriers pauvres. botanique sont construites entre 1817 et

6 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 HISTORIQUE

Inauguration du nouveau Jardin botanique, septembre 1904 1820. La maison du Jardinier, une orangerie et deux serres chaudes Jardin en 1850, alors que les vignes et les sont érigées contre le mur d’enceinte par l’architecte Guillaume- arbres fruitiers sont supprimés au profit de Henri Dufour, celui-là même qui deviendra général. Parallèlement, il pelouses et de massifs de fleurs et d’ar- construit la demeure de Jean-Gabriel Eynard, qui a acheté une par- bustes. Des cultures vivrières sont testées, celle sur la partie Est de l’ancienne Belle Promenade. Cette maison comme les courges, les maïs, les haricots, deviendra le Palais Eynard, actuelle mairie de la Ville de Genève. les sorghos, les doliques et les ignames.

Outre l’Ecole de Botanique, le Jardin botanique compte des carrés Le Jardin est entretenu thématiques : plantes utilitaires, plantes destinées à la production par une petite équipe de graines, plantes officinales, plantes fourragères, verger, vignes. à la fois salariée et bénévole Ces plantes sont souvent présentes sous plusieurs variétés diffé- rentes, afin d’en sélectionner celles les mieux adaptées au climat Pendant tout le début du 19e siècle, le Jardin genevois. est entretenu par un jardinier, accompagné de deux apprentis, venant parfois de l’or- Le Conservatoire phelinat, et d’ouvriers payés à la journée. et les aménagements Mais de nombreux bénévoles participent du Jardin à son entretien, aux déterminations et à la documentation du Jardin, à commencer par Le Conservatoire botanique est construit entre 1824 et 1826, grâce le directeur. En effet, Augustin-Pyramus de notamment à un généreux donateur anonyme. Il abrite une graine- Candolle, étant payé par l’Académie pour terie, les herbiers, une bibliothèque et une salle d’étude. Il possède son enseignement, comme son succes- déjà en 1845 de nombreuses collections d’herbiers, dont celles de seur son fils Alphonse, dirige le Jardin sans Gosse, Necker, Colladon ou encore Haller fils, qui fut le premier her- rémunération. C’est seulement à l’engage- bier d’importance donné à la ville. En 1869, il accueille le fameux ment de Georges F. Reuter en 1849, le suc- Herbier Delessert. Cependant de Candolle conserve sa propre col- cesseur d’Alphonse, que le directeur recevra lection dans sa maison de la cour St-Pierre, face à la cathédrale, un émolument, puisque Reuter n’a pas de dans la Vieille Ville. charge d’enseignement. Un deuxième jardi- nier est engagé à partir de 1851. En 1866, La construction du Jardin botanique a obligé de Candolle à déman- le Jardin passe sous la tutelle du Service teler le monument à Rousseau qui s’y trouvait. Il prend soin de le des promenades de la Ville de Genève. G. remplacer par un buste devant l’Orangerie, parmi ceux d’autres F. Reuter, engagé comme directeur provi- botanistes genevois : Chabrey, Trembley, Bonnet, Saussure et soire, ne sera jamais confirmé. Il termine Sénebier, inscrivant Rousseau en tant que botaniste parmi les son mandat en 1872, et c’est en 1874 que savants genevois et gommant ainsi les connotations révolution- Jacques Brun est nommé directeur. A sa naires du précédent monument. Ces bustes se trouvent actuelle- retraite en 1879, Jean Müller d’Argovie est ment devant le bâtiment de La Console, au 192 route de Lausanne. nommé directeur. Le nombre d’employés Le bassin circulaire qui orne le milieu du jardin et qui était avant tout augmente remarquablement, puisqu’on destiné à accumuler l’eau nécessaire à l’arrosage, sera transporté compte 5 jardiniers dès son engagement. en 1910 dans la cour intérieure du Musée d’art et d’histoire tout juste édifié, en raison de la construction du Mur des Réformateurs. En 1881, le Jardin quitte le Service des pro- menades pour rejoindre le Conservatoire Des rocailles, avec des plantes alpines, sont introduites dans le botanique. C’est aussi cette année que

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 7 Les jardiniers en 1935 : A. Zimmermann, G. Van Dedem, J. Bouvier, A. Moser, H. Eperon, G. Weber

le célèbre Henry Correvon, horticulteur à 110 massifs, représentant 3 500 touffes Yverdon, est engagé comme Jardinier-chef. de plantes – 2 800 espèces différentes – Il ne restera que jusqu’en 1884. qui s’étendent sur une surface d’environ un hectare. Le Jardin botanique déménage à La Console La superficie du Jardin évolue progressi- vement de 7,5 ha, à 18 ha suite aux acqui- John Briquet est nommé directeur à la suite sitions de la campagne Duval (1954), et de de Müller Argoviensis en 1896. Il dirige une la Terre de Pregny (1978), puis à 28 ha, l’État petite équipe de 6 jardiniers et 3 tempo- de Genève ayant confié aux CJBG l’entretien raires pendant l’été. Il présidera aux tra- du parc du Domaine de Penthes. vaux conduisant au déménagement du Le chemin creux, 1904 Jardin botanique sur la parcelle de l’Ariana, Les serres suivent le même à Sécheron. chemin

En effet, entièrement enfermé par des Les serres sont primitivement laissées aux voies de circulation et des constructions, à Bastions pour des questions budgétaires, l’aube du 20ème siècle, le Jardin ne peut plus où elles cèdent la place en 1910 au Mur des se développer sur le site des Bastions, et ce Réformateurs. En 1910-1911, l’architecte d’autant moins qu’il est prévu d’y ériger le Henri Juvet édifie un Jardin d’hiver le long monument commémoratif de la Réforme, le de l’ancien chemin de Varembé. L’édifice Mur des Réformateurs. est composé de deux parties adjacentes mais distinctes : le Jardin d’hiver et une En janvier 1901, le Conseil municipal vote serre, produisant un effet asymétrique. Le « Sur 36 kilomètres un crédit de construction pour le bâtiment complexe est déplacé à son tour sur son de La Console conçu sur les plans de l’ar- lieu actuel, suite aux divers aménagements de rayonnages chitecte Henri Juvet, prévu sur la « place urbanistiques consécutifs à l’édification de La Consulla » dont il semble avoir hérité du Palais des Nations. Le Jardin d’hiver est conservé du nom. Inauguré en 1904, l’édifice héberge reçoit alors en 1935 une aile symétrique à primitivement le Conservatoire et ses her- la première. Cette construction élégante l’un des plus biers. Un budget est également alloué pour de fer et de verre inscrit le Jardin d’hiver le déplacement des jardins sur le domaine du Jardin botanique dans la lignée des grands herbiers de l’Ariana qui s’étend alors jusqu’au lac réalisations de ce type en vogue dans la et dont la Ville a hérité en 1891. Dessinés seconde moitié du 19ème siècle. du monde, avec par l’architecte paysagiste Jules Allemand, celui-ci a opté pour des cheminements Le passage du témoin plus de 6 millions sinueux typiques du style paysager anglais, se poursuit dans le respect avec un petit plan d’eau à la fonction tant des collections d’échantillons. » esthétique que didactique. Il crée éga- lement la pièce maîtresse paysagère du En 1931 B. P. G. Hochreutiner succède à Jardin, les Rocailles, qui sur divers types John Briquet, puis Charles Baehni en 1943. de rochers reproduisent les régions géo- Le Jardinier chef Albert Zimmermann est graphiques de la Suisse et du monde alpin nommé en 1944. Jacques Miège est nommé en général. Ce Jardin alpin compte alors en 1965 et sera secondé dès 1967 par

8 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 HISTORIQUE

Personnel du Conservatoire en 1930 : Mme Grandjean, Mlle Margot, Mme Tiercy, M. Hochreutiner, M. Larderaz, M. Briquet, M. Becherer, Mlle Dubugnon, M. Cavillier, Mlle Wohnlich

le Jardinier-chef Jean Iff, qui dirige une équipe de 24 Jardiniers. dans le domaine de la systématique en ces Gilbert Bocquet est nommé directeur en 1979. Il décède préma- temps difficiles financièrement. turément en 1986 et c’est Rodolphe Spichiger qui lui succède en 1987. Le Jardinier-chef est alors Raymond Tripod, en place dès Entre 1957 et 1986, plusieurs bâtiments de 1985, auquel succède Alexandre Breda en 2005, et Nicolas Freyre style pavillonnaire sont construits par les en 2011. Pierre-André Loizeau est nommé directeur en 2006. architectes Jean-Marc Lamunière et Alain Ritter le long des voies de chemin de fer, Les collections s’accumulent afin d’y abriter les collections qui ne trou- et les infrastructures suivent vaient plus assez de place à La Console.

Actuellement, sur 36 kilomètres de rayonnages en sous-sol, dans Mais les collections continuent à affluer. des abris antiatomiques pour une question de protection des biens Grâce à un don important de Roger et culturels, est conservé l’un des plus grands herbiers du monde, Françoise Varenne, l’herbier pourra être avec plus de 6 millions d’échantillons. Les deux plus importantes considérablement agrandi en 2012, un collections genevoises qui le constituent sont les herbiers Candolle espace d’accueil du public construit, La (cédé en 1921 à la Ville) et Boissier (confié aux CJBG en 1943). La Console rénovée en 2014, et la bibliothèque grande notoriété d’Augustin Pyramus de Candolle et de ses descen- publique spécialisée en botanique rénovée dants, ainsi que leur publication au fil des ans du mondialement en 2016. La bibliothèque jouit d’une solide reconnu Prodrome avec ses suites, suscite, depuis la fondation du réputation : rassemblant la quasi-totalité Jardin botanique des Bastions, l’envoi régulier aux CJBG de récoltes des ouvrages et revues scientifiques parus faites dans des pays émergents sous forme de planches d’herbiers. dans les domaines de la taxonomie végé- Il est souvent considéré que c’est un honneur de déposer un exsic- tale et la floristique mondiale, soit plus de cata à l’Herbier de Genève. Ces herbiers représentent le travail 120 000 volumes et 4 400 journaux scienti- mené par des générations de botanistes, hissant la reconnaissance fiques, elle est considérée comme l’une des de la tradition botanique genevoise au titre de Patrimoine cultu- plus importantes au monde pour la science rel immatériel de l’UNESCO. La botanique genevoise, associée au botanique. Elle abrite en outre un éventail célèbre Marronnier de la Treille, est reconnue comme une des 167 de documents d’archives signés de la main « traditions vivantes suisses » (www.lebendigetraditionen.ch) et, à des plus grands botanistes. ce titre, candidate à représenter l’un des patrimoines immatériels de la Suisse, reconnu par l’UNESCO. Les Conservatoire et Jardin botaniques mettent en œuvre le conseil d’Augus- D’autres collections d’herbiers et d’ouvrages botaniques vont venir tin Pyramus de Candolle qui terminait ses s’ajouter, notamment celle d’Emile Burnat sur les Alpes maritimes, mémoires avec ces mots : « Je prie tous les cédée peu après le déménagement à La Console, et qui nécessi- Genevois auxquels ma mémoire pourra être tera un premier agrandissement de bâtiment, financé par Burnat chère de l’exprimer, non par des discours ou lui-même. L’arrivée de la collection des Candolle en 1921 nécessi- autres marques de ce genre, mais en encou- tera un second agrandissement. rageant de toutes leurs forces les études scientifiques dans notre ville comme étant En 1927, la Fondation auxiliaire du Conservatoire botanique est la carrière qui a le plus honoré ses habi- créée grâce à un capital de CHF 200 000. Les intérêts de ce capi- tants et qui convient le mieux à leur posi- tal vont permettre d’assurer l’achat notamment d’ouvrages et de tion et à leur caractère » (Burdet et al. 1990). périodiques botaniques pendant de nombreuses années, garan- tissant une quasi exhaustivité des documents de la bibliothèque

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 9 René Dubois et Jean Lambert, vers 1953

Intérieur de la Serre chaude, 1922

Intérieur du Jardin d'hiver, 1922

Serre des Bastions, vers 1909

10 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 HISTORIQUE

Certification du Jardin BIO

Briquet, J. (1919). VIII. Centenaire du Jardin botanique de Genève. Annuaire du Conservatoire et du Jardin botaniques de Genève XX (Années 1916-1918): 508-509.

Brönnimann, S. & D. Krämer (2016). Tambora and the “Year Without a Summer” of 1816. A Perspective on Earth and Human Systems Science. Geographica Bernensia G90 .

Burdet, H. M., H. Greppin & R. Spichiger (1990). Le développement de la botanique à Genève. Botanica Helvetica 100 No. 3 : 273–292.

Candolle, A.-P de (1845). Notice sur le Jardin botanique de Genève, Imprimerie Ch. Gruaz, rue du Puits Saint- Pierre, Genève.

Candolle, A.-P. de (1819). Rapport sur la fondation du Jardin botanique de Genève, J. J. Paschoud, Genève.

Sigrist, R. & P. Bungener (2008). The first botanical gardens in Geneva (c. 1750–1830) : private initiative leading science. Studies in the History of Gardens and Designed Landscapes 28(3-4) : 333–350. Démolition de l'orangerie, 1983

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 11 1967-2017 : 50 ans de la vie d’un jardin botanique dans sa Cité

Rodolphe Spichiger Directeur honoraire

12 FV N°47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 HISTORIQUE

« Jusqu’à l’embellie budgétaire de la fin des années 60, et surtout pendant les années de guerre, l’institut ne roulait pas sur l’or. »

A Berlin-Ouest, Rudi Dutschke (Rudi-le-Rouge) Cette tradition allait être maintenue jusqu’à inaugurait la période agitée qu’on allait appeler aujourd’hui, en particulier avec le pro- les « évènements de 68 ». A Genève comme ailleurs, jet Flore de Corse. Le Conservatoire n’était ces remous estudiantins allaient perturber pourtant pas replié sur lui-même : Charles la sérénité des mandarins jusque dans leurs cours. Baehni, directeur de 1943 à 1964, spécia- Quelques niches universitaires étaient néanmoins liste, entre autres, des Sapotacées, avait épargnées par l’agitprop, surtout en Médecine, tissé des liens d’amitié avec Frans Staffleu en Sciences… et au Conservatoire et Jardin bota- qui allait utiliser la bibliothèque de Genève niques (ci-après CJBG). Dans la salle de cours de La comme source majeure de son monumental Console, Hervé Burdet drillait imperturbablement ouvrage Taxonomic Litterature ; une autre ses étudiants à l’art de la détermination tout en leur de ses relations, le spécialiste de la flore du faisant découvrir les richesses d’une bibliothèque Pérou James Francis Macbride qu’il avait qui n’avait pas encore trouvé son écrin ; Werner rencontré au Field Museum de Chicago, Greuter sortait parfois de son officine et daignait photographia dans les années 40 de nom- leur faire goûter aux subtilités de la nomenclature breux types américains pour les sauvegar- botanique ; last but not least, les apprentis natura- der en prévision d’une nouvelle guerre. listes avaient droit à une formation de terrain, dans le jardin botanique avec Simone Vautier, et dans Dès 1968, l’institution va subir des muta- notre belle campagne avec Pierre Hainard. tions importantes qui transformeront sa façon de travailler et ses objectifs : 1. une Voilà pour les personnages que beaucoup de mes collègues ont situation économique favorable à la fin encore connus. En ce qui concerne le décor de ce théâtre, j’y entrais des « 30 Glorieuses » permettant au gou- pour y rester 50 ans dans différents rôles, acteur et témoin de l’his- vernement municipal de valoriser le patri- toire récente de ce musée, responsable de maintenir une grande moine muséologique genevois ; 2. le déve- tradition et de l’adapter aux temps nouveaux sans trop la dénatu- loppement du partenariat entre les CJBG rer. Je vais tenter une analyse de ce demi-siècle, revendiquant le et l’Université de Genève favorisant l’ensei- droit à la subjectivité. J’abandonne aux historiens de la botanique gnement académique et l’intégration à la la période allant de 1817 aux années 40, véritable âge d’or prolon- botanique systématique de concepts et de geant le Grand Siècle de la science genevoise. Ensuite, les CJBG ont méthodes informatiques et moléculaires ; été « normalisés », rejoints par d’autres instituts tout en se mainte- 3. l’éveil de la population à l’environnement nant dans le peloton de tête des grands musées. et l’apparition de l’écologie et de la biodi- versité, en tant que concepts scientifiques Jusqu’à l’embellie budgétaire de la fin des années 60, et surtout et politiques. pendant les années de guerre, l’institut ne roulait pas sur l’or. Ceux qui ont connu cette période aimaient rappeler que le matériel d’her- Quelles seront les réponses des CJBG bier (fourres et papier) était compté et qu’il fallait soigneusement aux exigences parfois contradictoires le réutiliser. Les botanistes se consacraient aux tâches essentielles de la conservation des collections, de la d’un musée, à savoir la conservation et la mise en valeur des col- recherche universitaire, des attentes du lections. Ils rédigeaient des monographies, des catalogues et des public et des politiciens ? Dans quelles flores dans la tradition candolléenne. De très belles pages de la mesures ces réponses vont-elles trans- botanique genevoise furent publiées durant cette période, entre former les missions de la vénérable autres sur la flore méditerranéenne grâce aux herbiers historiques. institution ?

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 13 L'étang au bas du Jardin alpin, 1904

8ème réunion de l’Association pour l’Etude La fin des 30 Glorieuses : Taxonomique de la Flore d’Afrique Tropicale budgets en hausse, (AETFAT) se tint à Genève en 1974. Ce botanique tropicale congrès fut organisé par Adelaïde Stork et méditerranéenne qui deviendrait une des spécialistes mon- diales de la flore africaine avec Jean-Pierre Après un magnifique Museum d’His- Lebrun. Toujours dans le domaine tropi- toire Naturelle fin 1966, Lise Girardin, cal, des collaborations avec la Coopération maire de Genève, allait offrir à sa ville un technique suisse (aujourd’hui Direction Conservatoire flambant neuf digne de ses du développement et de la coopération, collections, construit entre 1971 et 1974. A DDC) vont permettre à nos botanistes d’ar- la fin des « Trente Glorieuses » et jusqu’au penter l’Amérique du Sud, en particulier début des années 90, les budgets munici- le Paraguay. Le plus célèbre de ces bota- paux prenaient l’ascenseur offrant de nou- nistes explorateurs fut sans doute Luciano velles perspectives, entre autres dans le Bernardi qui allait parcourir le monde entier domaine de l’exploration botanique et pour pour enrichir nos collections… et faire des l’engagement du personnel. Succédait à émules au sein des CJBG. Les recherches Charles Baehni Jacques Miège, agronome tropicales sur le terrain vont vivre leur âge et botaniste ayant fait carrière dans les d’or entre la fin des années 80 et le début anciennes colonies françaises d’Afrique. En des années 2000 en Afrique, à Madagascar même temps, certains conservateurs d’en- et en Amérique du Sud. Catalogues, flores, vergure quittaient les CJBG pour d’autres révisions, inventaires, travaux sur la végéta- horizons : Gilbert Bocquet prenait la direc- tion caractérisent cette phase « tropicale ». tion de l’herbier de l’EPFZ et Werner Greuter Ces études avaient leur pendant en Europe celle des musée et jardin botaniques uni- avec, entre autres, le programme Man & versitaires de Berlin (BGBM). La botanique Biosphere (MAB). tropicale devint un axe de recherche impor- tant. Grâce à ses réseaux outre-mer, Miège En recherches méditerranéennes, les CJBG initia toutes sortes de collaborations, sur- co-dirigeaient le programme international tout en Afrique de l’Ouest. Il envoya des Med-Checklist, inventaire taxonomique et élèves au Centre Suisse de Recherches nomenclatural critique de la diversité médi- Scientifiques en Côte d’Ivoire (CSRS) pour terranéenne. Dans le domaine du transfert en faire des tropicalistes, comme l’avait été de compétences, la nouvelle bibliothèque Bénédict Pierre Georges Hochreutiner dans des CJBG avait acquis une telle réputation le Pacifique et à Bogor. Dans le contexte que son responsable fut détaché à Madrid de consécration des CJBG comme centre pour réorganiser celle du Real Jardín d’expertise en botanique africaine, la Botánico.

14 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 « Les recherches tropicales sur HISTORIQUE le terrain vont vivre leur âge d’or entre la fin des années 80 et le début des années 2000 en Afrique, à Madagascar et en Amérique du Sud. »

Grâce aux travaux de Charles Edmund lorsque Miège, en 1966, cumula, en tant que professeur ordinaire, Bradlaugh Bonner, l’élaboration de mono- les fonctions de directeur des CJBG et de directeur du département graphies et de révisions fut surtout le fait universitaire de botanique. Bien que ce cumul de deux directions ne des cryptogamistes, entre autres la regret- fût pas renouvelé avec ses successeurs pour différentes raisons, il tée Patricia Geissler. La grande tradition eut l’avantage d’enraciner les CJBG dans l’Université. L’apport uni- cryptogamique se perpétue aujourd’hui, versitaire permit à des chargés de cours comme Pierre Hainard de renforcée par les méthodes les plus développer la biogéographie et d’insuffler aux étudiants le goût du modernes de la systématique, nos bryo- terrain et de la détermination de ce qu’on appelle aujourd’hui la logues et lichénologues jouant souvent un biodiversité. Autre enseignant-chercheur, Jaques Naef passionnait rôle de pionniers en phylogénie moléculaire. ses étudiants dans les Alpes en utilisant comme camp de base La Linnaea, le jardin botanique de Bourg-St-Pierre. Le développement de l’institut, tant au niveau du personnel que de l’infrastructure, Le Conservatoire retira du rapprochement avec l’Université la pos- sa transformation en service municipal à sibilité d’intégrer la botanique systématique dans le cursus de bio- gros budget, donna l’occasion à l’appareil logie. En plus d’un enseignement propédeutique obligatoire, de administratif municipal (lui aussi gonflé par nombreux cours à option allaient enfin permettre aux étudiants une situation financière propice !) d’inter- d’acquérir à l’Université de Genève, par le truchement des CJBG, venir dans la gestion du service. Cette ingé- une formation de naturalistes sur le terrain médio-européen et rence allait s’avérer de plus en plus effec- méditerranéen, mais aussi sous les tropiques, une spécificité de tive, surtout avec l’éveil au niveau politique l’institut. Au départ de Jacques Miège, Gilbert Bocquet, revenu à de la conscience écologique. Genève comme directeur, donna à l’enseignement de la botanique ses lettres de noblesse en créant une véritable Ecole de Botanique. Partenariat Cette Ecole fut pérennisée par ses successeurs qui publièrent la avec l’Université : accès aux somme de leurs cours dans un traité de botanique à l’usage des méthodes modernes Universités francophones, dont la 4ème édition vient de paraître au de la biologie, création Presses Polytechniques Universitaires Romandes. d’une Ecole de Botanique Bocquet comprit aussi que l’informatique allait révolutionner la En 1943 les rapports entre la Ville et l’Uni- botanique systématique. Pour informatiser les CJBG il s’appuya sur versité dans le domaine de la botanique un bio-informaticien détaché par l’Université, faisant des CJBG un furent définis par une convention élaborée service précurseur au sein de l’administration municipale et des par Fernand Chodat, professeur de bota- musées. Cela ne fut rendu possible que grâce à l’appui du départe- nique générale à l’Université, et par B.P.G. ment d’informatique de l’Université qui considéra l’informatisation Hochreutiner, directeur des CJBG. Pour des CJBG comme un projet-pilote et y mit les moyens. résumer, l’Université confiait aux CJBG ses collections botaniques (Boissier et Barbey- L’appartenance à l’Université fournit aux CJBG l’opportunité de Boissier) ; en contrepartie le directeur des solliciter des fonds auprès du Fonds National de la Recherche CJBG se chargeait de l’enseignement de la Scientifique (FNRS). Dans les années 90 ce furent surtout les tropi- systématique à l’Université ce qui impli- calistes qui en bénéficièrent : flore et végétation du Paraguay et du quait un droit de regard de l’Université Chaco, flore et végétation en Côte d’Ivoire et à Madagascar. Ensuite sur la nomination du dit directeur. Cette d’autres domaines furent soutenus par la Confédération, entre convention fit l’objet de plusieurs révisions autres la systématique moléculaire. sans que son contenu ne soit foncièrement transformé. Les effets de cet accord sur La création aux CJBG d’une unité de systématique moléculaire per- les CJBG ne se firent vraiment sentir que mit le développement de programmes de monographies basées sur

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 15 La Console, 1905

la phylogénie moléculaire. Cela aussi ne fut ce genre d’ouvrage, leur élaboration exi- possible que par l’attribution d’un spécia- geant trop de temps et d’énergie pour une liste de l’Université de Genève qui mit en reconnaissance universitaire générale- « Cela risque place un premier laboratoire de biologie ment médiocre. Des travaux magistraux moléculaire. Ensuite, la nouvelle patronne comme Alpina, Flora Helvetica, Flore de mettre en péril de ce laboratoire allait donner une très de Corse, Flora del Paraguay, l’Enuméra- forte impulsion à son unité en acquérant tion des plantes d’Afrique, Med-Checklist, non seulement un séquenceur automatique et en intégrant la World Flora Online, etc. ne sont que peu les concepts de la génétique des popula- ou pas reconnus par l’Université alors que la recherche, mais tions à plusieurs programmes phares de leur pérennité dépassera certainement l’institut (révisions taxonomiques, biolo- celle de nombreux articles à la mode. Bref, aussi les collections, gie de la conservation, histoire des flores et les scientifiques travaillant dans un musée phylogéographie). sont aujourd’hui soumis à une injonction car dans un musée, paradoxale, à savoir, soit satisfaire les cri- Comme on le voit, les conséquences de l’in- tères d’évaluation universitaire et délais- ce sont aussi bien tégration des CJBG à l’Université sont glo- ser les objectifs du musée basés sur le long balement positives. Néanmoins, l’appar- terme, soit accepter d’être sous-évalués les recherches tenance académique des chercheurs des par des pairs qui ne connaissent rien au CJBG va les amener à publier selon des travail avec les collections. Cela risque de qui nourrissent critères parfois éloignés des besoins des mettre en péril non seulement la recherche, musées, dans des domaines et dans des mais aussi les collections, car dans un les collections revues destinés à la recherche universi- musée, ce sont aussi bien les recherches taire du moment. C’est désormais sur la qui nourrissent les collections que les col- que les collections base d’articles généralement courts, for- lections qui influencent les programmes de matés, décrivant les résultats d’un proces- recherches. qui influencent sus expérimental standard, publiés dans des revues internationales à haut facteur Pour que les jeunes conservateurs les programmes d’impact que la valeur d’un chercheur est acceptent de s’investir dans des chefs établie, en systématique comme ailleurs. d’œuvres monographiques équivalents à de recherches. » Les grandes monographies et révisions tra- ceux des Anciens, il est urgent d’avoir un ditionnelles qui ont construit la réputation système d’évaluation de la recherche qui des CJBG jusque dans les années 60 ne tienne compte des spécificités des musées sont plus à la mode à l’Université et certains et de la mise en valeur des collections. conservateurs ont tendance à délaisser

16 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 HISTORIQUE

« L’éducation environnementale devint une exigence qu’il fallut intégrer dans les missions des musées, les parcs animaliers et les jardins botaniques, à Genève comme ailleurs. »

L’éveil de la population et à la direction actuelle, le Jardin botanique occupe une place de aux menaces choix dans le cœur des Genevois. Le Jardin reste l’outil essentiel sur l’environnement : des CJBG pour la vulgarisation botanique, tous publics confondus. l’apparition de l’écologie et de la biodiversité en tant Pour en revenir à de Candolle, il fut un précurseur de la vulgarisa- que concepts scientifiques tion scientifique en initiant la population genevoise du début du et politiques, la vulgarisation XIXème à la botanique. Cette démarche fut popularisée 150 ans plus scientifique et la gestion tard par Gilbert Bocquet qui perçut l’éclosion de la sensibilité éco- de la biodiversité. logique de la population et la nécessité de répondre à son question- nement sur l’environnement. Pour ce faire, il fit se rencontrer pro- Si l’on revient à l’origine de l’institution, le fessionnels de la botanique et amateurs. Il attira les Genevois dans jardin de 1817 que A.-P. de Candolle ins- le Jardin botanique par toutes sortes d’activités ludiques et cultu- talla aux Bastions fut d’abord une réponse relles. Les chercheurs du Conservatoire étaient sollicités pour des aux conséquences de l’ « année sans été » tâches de vulgarisation scientifiques. Monsieur et Madame Tout- causées par les éruptions d’avril 1816 le-Monde allaient herboriser dans la campagne genevoise sous du Tembora en Indonésie. Les nuages la houlette des botanistes. Ce furent les fameuses Promenades de cendres volcaniques engendrèrent Botaniques. Bref, secondé par quelques fidèles, Bocquet rendit la des conditions météorologiques cata- botanique populaire comme l’avait fait en son temps de Candolle clysmiques qui ruinèrent les cultures un auprès de la bonne société genevoise. peu partout dans le monde. Ces famines, s’ajoutant à une conjoncture économique Jusqu’à la fin des années 80, la vulgarisation scientifique, les pro- très morose, contraignirent de nombreux menades botaniques et autres « portes ouvertes » relevaient de Suisses à émigrer. De Candolle utilisa le l’initiative de la direction mais n’apparaissaient pas encore comme Jardin des Bastions pour professionnali- une mission contraignante pour l’institut. Les choses allaient évo- ser la botanique et appliquer cette science luer avec l’apparition de la conscience environnementale dès les à l’acclimatation et à la culture expérimen- années 90, et surtout avec l’arrivée à la Mairie d’hommes poli- tale de plantes dans un contexte de disette. tiques appartenant au parti écologiste. L’éducation environnemen- Après son déménagement sur l’emplace- tale devint une exigence qu’il fallut intégrer dans les missions des ment actuel, le Jardin suivit la mode euro- musées, les parcs animaliers et les jardins botaniques, à Genève péenne, à savoir une démarche paysagère comme ailleurs. Ce fut d’ailleurs le thème du congrès organisé lors biogéographique présentant des flores et du 175ème anniversaire des CJBG. des reconstitutions de végétations mon- diales pour l’édification d’un public sou- Par ailleurs, au début des années 90, la situation financière de la vent connaisseur. Il s’agrandit sur la Terre Ville se dégrada. Le politique allait s’intéresser de près aux pro- de Pregny en 1976 où l’on implanta un jardin grammes de recherche des CJBG afin d’évaluer la pertinence des des senteurs et une roseraie. La fonction de dits programmes dans un contexte sinon de pénurie, du moins de refuge et de conservatoire pour espèces ralentissement économique. Heureusement, le directeur et les végétales et animales prit de l’impor- chercheurs réussirent à convaincre l’autorité politique du bien- tance sous l’auspice de la CITES, du BGCI, fondé de cette recherche en allant jusqu’à faire visiter aux élus les de Pro Specie Rara ou d’autres réseaux. projets sur le terrain, en Amérique du Sud et en Afrique de l’Ouest. L’interactivité entre scientifiques et horti- Néanmoins, le fait d’impliquer la Mairie dans nos actions eut pour culteurs se renforça, débouchant sur des conséquence la nécessité d’intégrer à chaque programme outre- cultures ciblées et des expositions théma- mer des volets de botanique appliquée correspondant à la poli- tiques. Grâce à son personnel, à ses anciens tique de coopération de la Ville de Genève et de son Agenda 21. jardiniers-chefs Jean Iff et Raymond Tripod C’est ainsi qu’avec le financement de la municipalité s’établirent

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 17 Inauguration de l'exposition «Cap au Sud» en 2002 (R. Spichiger, alors directeur, A. Vaissade, conseiller administratif et les commissaires : D. Roguet et A. Pin)

des programmes d’éducation environ- et d’informations sur la flore de Suisse. Un nementale et de jardins ethnobota- retour en arrière s’impose pour saisir la légi- « … les CJBG niques interactifs au Paraguay, au Brésil, timité des CJBG dans le domaine de la flore en Bolivie, au Sénégal, au Burkina Faso et suisse et de l’Arc Alpin. Dans les années 70, travaillent encore en Côte d’Ivoire. Les transferts de savoirs selon un accord tacite entre le Prof. Favarger Nord-Sud concernèrent aussi la réhabili- de Neuchâtel et le Prof. Miège de Genève, dans l’esprit tation de certains herbiers historiques à les recherches sur la flore suisse et alpine Asunción et celle de jardins botaniques, se faisaient à Neuchâtel, alors que Genève de Candolle comme ceux de Dakar, de La Paz et d’Asun- s’occupait du tropical. Cela changea avec ción. A cela s’ajoutèrent des cours don- Bocquet qui confia à ses collaborateurs, qui œuvrait nés régulièrement aux Universités d’Asun- dans les années 80, la réédition de la Flore ción, de Dakar et de La Paz par le directeur, de la Suisse. De fil en aiguille, les CJBG élar- pour aider ainsi que la création d’un technicum « vert » girent leur compétence à tout l’Arc Alpin et de campagne dans la région de San Pedro rédigèrent le monumental Flora Alpina en ses concitoyens (Paraguay). Mentionnons enfin les nom- étroite collaboration avec le Jardin bota- breux étudiants sud-américains, africains nique alpin Flore-Alpes à Champex. Genève à surmonter et malgaches qui, dès cette période, seront devint ainsi un centre de compétence pour formés aux CJBG dans le cadre des pro- la recherche sur la flore alpine. S’ajoutant le marasme grammes de recherche en partenariat. Une à cette compétence thématique, une col- exposition intitulée « Cap au Sud » présenta laboratrice des CJBG mit en place un sys- de 1816, « l’ année aux Genevois en 2002 toutes ces activités tème d’information botanique qui offrit des de coopération. applications aussi innovantes qu’efficaces sans été ». » pour la gestion des collections, de l’environ- Une autre conséquence des restrictions nement et de la biodiversité. budgétaires fut la recommandation du pouvoir politique de diversifier les sources C’est ainsi que les CJBG confirmèrent de financements soit par des fonds pri- cette reconnaissance locale et régionale vés, soit par des activités d’expertises. Les en tant qu’observatoire de la diversité flo- CJBG avaient déjà l’habitude de chercher ristique par la signature entre la Ville et des financements auprès, par exemple, du l’Etat de Genève, en 2010, d’une conven- FNRS. tion pour la mise en œuvre du programme de conservation de la flore du canton sui- Dès la années 90, la direction créa une unité vie d’un contrat de prestation venant sou- de botanique appliquée qui allait valori- tenir financièrement les CJBG dans ce ser l’expertise sur l’environnement. A par- travail d’expertise. L’ensemble de ces acti- tir de cette petite entité vouée aux exper- vités, fortement ancrées sur le territoire tises, les CJBG devinrent petit-à-petit le régional, sont aujourd’hui une vitrine bien- service ressource auprès de la Ville et de venue vis-à-vis des contribuables mettant l’Etat de Genève pour la gestion de la diver- en exergue le rôle d’un musée en faveur de sité végétale et le monitoring de la flore la protection de son environnement. Cette régionale. Ces compétences furent égale- nouvelle mission n’aurait certainement pas ment reconnues au niveau fédéral avec la pris une telle importance si le successeur création et le subventionnement de la fon- du soussigné n’avait pas été passionné par dation Info Flora, sise aux CJBG, devenue l’outil informatique et son application à la aujourd’hui le centre national de données botanique et à l’étude de l’environnement,

18 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 HISTORIQUE

Augustin-Pyramus de Candolle (1778-1841). Huile sur toile de J. Hornung, 1839, © BGE - Bibliothèque de Genève

imprimant aux CJBG une orientation adap- tutelle. Compte-tenu de l’importance qu’a prise la problématique tée aux besoins de notre époque. environnementale ces 50 dernières années, il est évident que la Ville n’allait pas laisser ses experts ne produire de la science que En guise de conclusion, rappelons que les pour d’autres savants. Même si on peut regretter le temps où ils Conservatoire et Jardins botaniques sont n’étaient payés que pour rédiger de belles pages sur la botanique, des structures essentiellement muni- il semble normal aujourd’hui que les botanistes des CJBG soient cipales, qui dépendent du pouvoir poli- aussi des acteurs de la protection de l’environnement. Cependant, tique et des finances publiques. La mai- la recherche fondamentale doit perdurer, car elle seule garantit la rie s’est toujours montrée pointilleuse sur qualité de l’expertise des CJBG vis-à-vis du public et des acteurs de l’origine des fonds provenant du sponso- l’environnement. ring privé. Qu’elle le fasse discrètement ou de manière plus volontariste, la Ville de Que cela soit par l’éducation environnementale urbi et orbi, par des Genève intervient dans le fonctionnement programmes de surveillance de l’état de la flore et de la végétation, de ses musées. Néanmoins, pour la période les CJBG travaillent encore dans l’esprit de Candolle qui œuvrait que j’ai vécue, les CJBG ont toujours pu pour aider ses concitoyens à surmonter le marasme de 1816, compter sur la bienveillance de l’autorité de l’« année sans été ».

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 19 Histoire d’un patrimoine extraordinaire : la Bibliothèque des Conservatoire et Jardin botaniques de la Ville de Genève (CJBG)

La Bibliothèque des CJBG est le fruit d’un accrois- sement documentaire continu dont l’origine est antérieure même à notre institution. Différentes personnalités, plusieurs institutions et associations se sont trouvées actrices majeures de Pierre Boillat son enrichissement. Bibliothécaire principal

Quelques ouvrages du fonds ancien

20 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 COLLECTIONS « La nécessité d’associer une bibliothèque à la hauteur de ces herbiers

Le catalogue universels prend de la Bibliothèque le long des coursives de La Console, vers 1950 corps en 1872… »

La Bibliothèque est le pendant documen- de plusieurs dons de livres. Par ailleurs, et sous la responsabilité du conserva- taire indispensable à l’accroissement spec- quelques ouvrages ou revues sont ache- teur Jean Müller (1828-1896), qui devien- taculaire des collections scientifiques tés sans qu’un budget régulier d’acquisition dra directeur en 1879. Ce dernier est quali- botaniques – les herbiers – à Genève. Plus ne soit institué. La Bibliothèque demeure fié de bibliothécaire. Vingt ans plus tard ce les collections de plantes prenaient une modeste, car les rapports annoncent une registre contiendra un millier de numéros dimension universelle, plus les acquisi- collection de 391 titres en 1845 et de « 428 (un numéro correspond généralement à un tions de livres ou de revues s’affinaient et volumes et environ 25 brochures en 1851 ». livre). Des travaux de reliure sur des revues se diversifiaient. Que l’on songe à l’aventure Le rapport de 1871 est sans équivoque sont aussi déjà signalés à cette époque. grandiose du Prodromus initié par Augustin- et note que « la Bibliothèque est pauvre Pyramus de Candolle (1778-1841), ce projet en ouvrages utiles » et que les autorités La prise de fonction au poste de direc- de flore du monde ! Ne fallait-il point réunir « ferai[en]t bien de consacrer une petite teur de John Isaac Briquet (1870-1931) en toute la documentation publiée de tous les somme annuelle à l’acquisition des livres 1896 inaugure une période faste pour l’en- temps et de toutes les contrées du monde dont on ne peut pas se passer ». semble des CJBG et plus particulièrement pour relever le défi de décrire toutes les pour la Bibliothèque. Très rapidement le plantes de la Terre connues à cette époque ? La maturité de rythme des achats double pour se fixer à la Bibliothèque 1874-1931 une centaine d’ouvrages par année. Le pla- Quatre grandes étapes rythment l’histoire cement du legs de 30 000 francs de feu le de la Bibliothèque des CJBG. Ses prémices Le besoin d’une bibliothèque beaucoup directeur J. Müller permettra d’octroyer une sont à situer de 1824 à 1874, sa maturité plus riche se fera sentir lors du don excep- somme importante chaque année pour les de 1874 à 1931, sa consolidation de 1931 à tionnel en 1869 des très importants her- acquisitions (500 francs en 1896, quand le 1974 et son passage à la modernité de 1974 biers que l’industriel parisien d’origine budget du Conservatoire botanique était à nos jours. suisse, Benjamin Delessert (1773-1847), de 6000 francs). Grâce au lancement en avait rassemblés dans son « Musée bota- 1897 d’une revue scientifique, l’Annuaire Les prémices de nique », à Paris. La richissime bibliothèque du Conservatoire et du Jardin botaniques la Bibliothèque 1824-1874 Delessert de 6000 volumes ne suivra mal- de Genève (renommée Candollea en 1922), heureusement pas les plantes et sera don- qui est échangée avec d’autres périodiques Si A.-P. de Candolle fonde aux Bastions le née à l’Institut de France à Paris où elle scientifiques, la Bibliothèque va augmen- Jardin botanique en 1817, c’est en 1824 qu’il se trouve encore. Les herbiers Delessert ter ses collections de publications en série crée en son sein le Conservatoire botanique, placent dès lors les CJBG parmi les grands à moindre coût. L’ Annuaire est échangé quand un important don financier permet la centres botaniques européens. La néces- contre 36 titres de 30 villes européennes et construction d’un bâtiment destiné à abri- sité d’associer une bibliothèque à la hau- américaines différentes en 1897 ; 58 titres ter les collections scientifiques (notam- teur de ces herbiers universels prend corps de 44 villes dès l’année suivante ; 157 titres ment les herbiers). Ce bâtiment accueille en 1872 par le souhait exprimé de deman- de 105 villes du monde entier à la fin des aussi les premiers livres, car un procès-ver- der un budget « pour l’acquisition d’un choix années 1920. C’est aussi avec J. Briquet bal de 1826 évoque les « quelques frais d’ouvrages botaniques sans lesquels il est qu’est créé le catalogue sur fiches mobiles, à faire pour […] les tablettes de la biblio- impossible d’arriver à des déterminations outil moderne pour la consultation d’une thèque » qui sont logées au premier étage exactes et complètes ». Un registre d’acqui- bibliothèque. avec les herbiers. Durant cette période, sition sera commencé le 1er août 1874, sous nous retrouvons la trace dans les rapports le directorat de Jacques Brun (1826-1908)

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 21 Vue de la bibliothèque de La Console, 1904

Premier déménagement botanistes. Par une série de dons, cette collection s’accroîtra rapi- dement pour atteindre 1229 pièces à la fin de l’année suivante. Il Le déménagement des CJBG sur le site de faut encore ajouter le versement en 1921 de la correspondance et La Console en 1904 va donner de nouveaux des autographes d’E. Burnat, soit 8000 pièces de grande valeur his- espaces au Conservatoire encombré dans torique et scientifique pour la botanique. lequel « les collections et les livres avaient à tel point envahi l’espace disponible qu’il Bibliothèque de Candolle était devenu impossible aux visiteurs d’y travailler » selon le rapport de l’inaugura- Nous avons déjà évoqué ce que les CJBG devaient à A.-P. de tion. Avec le nouveau bâtiment, deux salles Candolle pour la création et le développement de notre institu- sises au rez-de-chaussée supérieur sont tion. Tout au long du XIXe siècle et jusqu’au début des années 20 dévolues aux 2000 titres de livres et aux du XXe siècle, de père en fils, quatre générations de botanistes pro- nombreuses revues de la Bibliothèque. pulseront le nom de Candolle au firmament de la botanique : A.-P. de Candolle déjà mentionné et Alphonse de Candolle (1806-1893), Bibliothèque Burnat et dans une moindre mesure, Casimir de Candolle (1836-1918) et Augustin de Candolle (1868-1920). Ces figures de la botanique pos- On ne louera jamais assez l’action posi- séderont leurs propres collections (herbiers et bibliothèque) d’une tive et désintéressée du botaniste vau- richesse sans pareille. Au décès d’Augustin de Candolle, son épouse dois Emile Burnat (1828-1920). En plus du décide de remettre les collections en mains publiques et se tourne don de ses herbiers, il a tenu un rôle discret vers la Ville de Genève ; les herbiers sont donnés et la bibliothèque mais essentiel dans la construction du nou- est vendue à la Ville de Genève, le 20 mai 1921, pour une somme veau bâtiment de La Console ; il financera symbolique eu égard à sa valeur. La bibliothèque de Candolle forme même plus de la moitié des frais d’exten- un ensemble de 3942 volumes de livres et 2167 volumes de pério- sion du bâtiment en 1911-1912 pour abri- diques. Son installation à La Console nécessite de libérer deux salles ter un nouveau don d’herbiers qu’il remet supplémentaires. Elle fait passer le nombre de « casiers » de 76 à à la Ville de Genève. Il a aussi légué sa 130 – un casier comprenant une moyenne de six rayonnages – et fabuleuse bibliothèque comprenant 904 voit le fichier du catalogue s’accroître de 12 à 36 tiroirs. Ces consi- ouvrages en 1701 volumes et 3194 bro- dérations purement quantitatives ne rendent pas justice à la qua- chures en 174 volumes. Ces ouvrages fai- lité de la bibliothèque de Candolle. Il convient de s’arrêter sur le saient tous défaut à nos collections, car E. prodigieux intérêt que représente le contenu de cette bibliothèque. Burnat avait, d’une part, donné au Musée Citons un extrait du rapport annuel de J. Briquet pour les années botanique de Lausanne les livres déjà pos- 1922-1923 : « pour apprécier comme il convient cette énorme aug- sédés à Genève et, d’autre part, veillé à mentation, il ne faut pas uniquement tenir compte du nombre, acquérir les années d’avant tout ce qui lui mais encore de la qualité des ouvrages, tant au point de vue de était signalé manquant à Genève concer- leur rareté que de leur intérêt scientifique : une très grande propor- nant la flore d’Europe. On doit aussi à E. tion des nouvelles acquisitions constitue ainsi un enrichissement Burnat la création de la collection de por- hors pair. Il convient en outre de remarquer que la Bibliothèque du traits de botanistes quand, en 1904, ce der- Conservatoire botanique, grâce aux efforts combinés du regretté nier donne 356 portraits et autographes de Emile Burnat et du directeur [J. Briquet], avait augmenté dans

22 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 COLLECTIONS

Galerie des portraits de botanistes à La Console, 1904

des directions souvent fort différentes de considérable de 18 844 volumes quand celles de la bibliothèque de Candolle. D’où celui des archives est terminé le 15 sep- il résulte que nous possédons maintenant tembre 1926 et comprend 2,868 dossiers au Conservatoire botanique de Genève une nominatifs avec 28'153 pièces. des plus grandes bibliothèques botaniques du monde, un instrument incomparable Fondation auxiliaire de travail scientifique ». En octobre 1924, Madame Augustin de Candolle remettra la Face à la crise économique des années correspondance botanique d’Augustin-Py- vingt qui entraîne une baisse drastique ramus, d’Alphonse, de Casimir et d’Augus- des budgets municipaux (le budget de la tin de Candolle. Ce fonds exceptionnel se Bibliothèque est réduit d’un quart) et afin compose de 9029 pièces. Signalons que La « de maintenir la Bibliothèque au niveau Console sera à nouveau agrandie en 1923- des progrès de la science », J. Briquet lance 1924 pour loger les herbiers de Candolle. en 1926 le projet d’une fondation pour sub- venir aux besoins d’acquisition des collec- C’est aussi dès les années 1910 qu’est tions (bibliothèque et herbiers). Une sous- signalé dans les rapports le labeur discret cription internationale est ouverte en 1928. mais ô combien indispensable de « petites Grâce à la libéralité de nombreux Genevois Une page de l'ouvrage le plus mains » œuvrant à la bonne gestion d’une et, surtout, à l’insigne générosité de l’Inter- ancien de la Bibliothèque : Bibliothèque dont l’ampleur nouvelle ne national Education Board, fondé par J.-D. Herbarius Patavie... - Passau : 1485 permet plus au seul personnel scientifique Rockefeller Jr. et de neuf citoyens améri- d’assurer le suivi courant. Des étudiants cains, la somme de 204 697,95 (dont 133 334 « ... une des interviennent notamment au dépouille- par le seul International Education Board et ment des énormes collections de tirés à 45 774,20 par les citoyens américains) est plus grandes part de revues, d’articles ou encore d’opus- réunie à la fin de l’année 1928. Cette somme cules qui, reliés, forment des séries dites forme le capital de ce qui est devenue la bibliothèques de mélanges. Ces auxiliaires révisent aussi Fondation auxiliaire du Conservatoire bota- les cotes des documents, en fonction des nique. Cette fondation est entrée en force le botaniques déplacements d’ouvrages rendus indis- 1er janvier 1929 et existe toujours. pensables par l’accroissement continu de du monde, la collection (les cotes reflétant le posi- La consolidation tionnement physique des documents). Ces 1931 - 1974 un instrument aides assurent encore des dépouillements de grandes œuvres, telles que des flores Bibliothèque Boissier incomparable ou des séries d’exsiccata (listes de végé- taux séchés). Enfin, ces personnes parti- A la mort du botaniste genevois Pierre de travail cipent aux inventaires des collections ; celui Edmond Boissier (1810-1885), ses fabu- de la Bibliothèque est achevé le 15 octobre leuses collections (herbiers et biblio- scientifique. » 1924 et chiffre la collection au nombre thèque) sont transmises à son gendre

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 23 « Dans les années 1950, la Bibliothèque est par exemple ouverte un soir par mois de 19 à 22 heures et cette tranche horaire répond à un réel besoin. »

William Barbey (1842-1914), qui les mettra à disposition des botanistes dans un bâtiment spécialement construit à cet effet à Chambésy, près de Genève (à peu de distance de La Console). Ses enfants légueront ces collections à l’Université de Genève en 1918. Dès 1935, l’administration de l’Herbier Boissier est assurée conjointement par l’Université de Genève et les CJBG. Des mesures sont immédiatement prises pour rationaliser le fonctionnement des bibliothèques des deux institutions, qui demeurent cependant chacune à leur place : suppression des quelques abonnements de revues de la bibliothèque Boissier à double avec la Bibliothèque des CJBG et rédaction d’un catalogue de la bibliothèque Boissier sur le même modèle que celui de La Console. Ce travail de béné- dictin ne s’achèvera qu’en 1942. Une convention est signée le 14 mai 1943 dans laquelle il est stipulé que l’Etat de Genève confie à la Ville de Genève la gestion des collections Boissier et Barbey- Boissier. Les livres de la bibliothèque Boissier sont triés en 1952 et les périodiques l’année suivante. La bibliothèque Boissier rejoint alors La Console. Quant aux doubles, ils seront vendus et le produit de la vente alimentera un « Fonds de Candolle » pour les acquisi- tions à venir. Grâce à la Fondation auxiliaire, les archives Boissier pourront être achetées à la famille Barbey et rejoindre les fonds des CJBG ; elles contiennent des lettres de plus de 4000 botanistes.

Ouverture au grand public

Le service au public extérieur prend de l’ampleur. Une des salles du rez-de-chaussée de La Console est réaménagée en 1943 pour permettre aux lecteurs d’y travailler. Dans les années 1950, la Bibliothèque est par exemple ouverte un soir par mois de 19 à 22 heures et cette tranche horaire répond à un réel besoin. Le nombre de renseignements donnés au public est élevé (il atteint le chiffre de 588 en 1953, dont 84 par l’intermédiaire de Radio-Genève via son émission « Questionnez, on vous répondra »). Deux cent trente- deux volumes sont prêtés à 73 institutions ou particuliers en 1955. La Bibliothèque devient aussi sujet de visites pour le grand public ; on en retrouve une première mention dans un rapport en 1935. La réunion pour la première fois de pratiquement tous les docu- ments botaniques genevois dans un même lieu aura deux consé- quences majeures. D’une part de nouvelles orientations de ges- tion seront prises. Un accord de 1944 limite par exemple l’achat des mêmes ouvrages par plusieurs bibliothèques à l’échelle gene- voise. Ou encore les ouvrages de paléontologie possédés par les CJBG sont transférés en 1946 au Muséum d’histoire naturelle de Dessin original tiré la Ville de Genève. La Bibliothèque tient aussi son rôle de fonds de de La Flore du Mexique (début XIXe siècle) référence au niveau national avec, par exemple, la fin en 1949 du

24 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 COLLECTIONS

La Bibliothèque déborde dans les couloirs de La Console…, vers 1950

recensement des périodiques étrangers à la Bibliothèque et mieux répondre aux défis classement et la description des archives destination du fichier centralisé tenu par de la conservation et de la diffusion d’une sont lancés, l’inventaire et le recondition- la Bibliothèque nationale suisse ; les nou- grande bibliothèque spécialisée. Les agran- nement des 26 fonds principaux de la cor- veaux titres seront communiqués réguliè- dissements tant réclamés arriveront dans respondance scientifique (comprenant rement à Berne jusqu’au début des années les années 1970. Il est décidé de déména- 57 000 lettres) seront achevés en 1983. 2000. En plus du catalogue par auteurs qui ger la collection dans un nouveau bâtiment, Finalement, un catalogue du fonds ancien, augmente au rythme des acquisitions, un à l’exception du fonds de cryptogamie (les dit prélinnéen, sera publié en 1985. Ces nouveau catalogue rédigé aussi sur fiches ouvrages traitant des algues, champignons, opérations ne seront rendues possibles est créé. Il s’agit d’un catalogue thématique. lichens et mousses) qui restera sur le site que grâce au concours de stagiaires biblio- Tous les botanistes des CJBG participent à historique de La Console. Il est aussi arrêté thécaires de l’Ecole de bibliothécaires de sa constitution. Il prendra très vite de l’im- que la collection sera entièrement recotée Genève. D’une manière générale, la com- portance et atteindra 270 000 indications en suivant un nouveau plan de classement plexification croissante de la gestion cou- bibliographiques en 1963. fondé sur une classification alphanumé- rante conduira à la professionnalisation rique largement utilisée dans les biblio- des bibliothécaires. D’autre part, l’arrivée des collections thèques du monde entier, la Classification Burnat, Candolle et Boissier va conduire à décimale universelle. Elle est néanmoins En plus des acquisitions courantes, des un engorgement rapide de La Console. La adaptée à la spécialisation du fonds bota- œuvres exceptionnelles ou même des fonds Bibliothèque déborde de toutes parts et nique en reprenant notamment des élé- entiers enrichiront la collection. Il faut les rapports des directeurs se font de plus ments de classement utilisés à la biblio- notamment mentionner les donations des en plus alarmants, car on craint pour la thèque des Royal Botanic Gardens à Kew. bibliothèques de la Société genevoise d’hor- conservation et la sécurité des collections. Ce plan de classement fera des émules, car ticulture (en 1974) et de la Fondation Aellen Ainsi en 1956, Charles Baehni (1906-1964) il sera repris en 1981 par la bibliothèque du de Bâle (en 1975). Des achats sur bud- écrit que : « la bibliothèque empile les livres Real Jardín Botánico de Madrid. Pour pré- gets extraordinaires permettent de com- reçus sur le parquet des couloirs d’herbier, parer cette entreprise, un poste de conser- pléter judicieusement la collection. Citons faute de place ». Ou encore Jacques Miège vateur de la Bibliothèque est créé en 19721. pour 1981 la Flora batava (1800-1940) et (1914-1993) en 1967 s’inquiète que « les D’importants travaux de reliure et de res- une série de doubles « d’ouvrages anciens livres envahissent les couloirs, les embra- tauration permettront aussi de rattra- et précieux » du Real Jardín Botánico de sures de fenêtres, les moindres recoins […]. per le retard accumulé les années précé- Madrid ou pour 1994 Les œuvres de Jacques Leur dispersion complique considérable- dentes. Le déménagement a lieu en 1974 et Paul Contant père et fils maistres apoti- ment le travail des bibliothécaires, rendant dans la partie septentrionale du bâtiment caires de la ville de Poictiers... (1628). la surveillance nulle et précaires les condi- neuf appelé « Bot. III ». La Bibliothèque est tions de conservation et de protection. installée sur trois niveaux et dispose d’une Informatisation Les risques de détérioration et de dispari- banque d’accueil, d’espaces de consulta- de la gestion et tion des ouvrages se multiplient fâcheuse- tion et de bureaux pour le personnel. ressources électroniques ment ». Le manque de moyens financiers pour effectuer les travaux de reliure et de Valorisation des fonds Le début des années 80 voit l’arrivée de l’in- restauration sera aussi régulièrement mis formatique. La Bibliothèque est par exemple en exergue. La réinstallation de la Bibliothèque inau- reliée aux bases de données documentaires gure aussi une période de grands chantiers américaines dès 1980, ce qui rendra cadu- Passage à la modernité de valorisation de ses fonds. Un manuel de que la mise à jour du fichier thématique. de 1974 à nos jours, consultation de la Bibliothèque sera rédigé L’informatisation du catalogue intervien- deuxième déménagement en 1975 ; il facilitera grandement l’utili- dra en 1984 et la Bibliothèque rejoindra le sation de la collection. Un catalogue des réseau des bibliothèques universitaires et Il aura fallu attendre de nouveaux locaux périodiques sera publié en 1980 ; il recense cantonales de Suisse romande, appelé de fonctionnels pour donner un nouvel envol à 2631 titres dont 900 couramment reçus. Le nos jours le Réseau des bibliothèques de

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 25 « Cependant les supports électroniques physiques seront rapidement remplacés par des accès en ligne beaucoup plus conviviaux. »

Suisse occidentale (RERO). La saisie rétrospective des anciens catalogues sur fiches s’opérera de 2005 à 2016, grâce à des bud- gets extraordinaires qui permettront d’externaliser une grande partie du travail. En 2002, le prêt des documents sera informatisé. Le numérique gagne les collections avec l’apparition en 1987 de Flora online publié sur disquette ou encore en 1991 de BEN (pour Botanical Electronic News) publié sur Internet. Les années 1990 verront un certain développement des publications sur CD-ROM. Cependant les supports électroniques physiques seront rapide- ment remplacés par des accès en ligne beaucoup plus conviviaux. Des revues seront ainsi avant la fin de la décennie partiellement ou intégralement disponibles en ligne. Grâce aux connexions étroites avec l’Université de Genève, les CJBG profiteront d’accès larges à ces ressources souvent très onéreuses. Il faudra attendre encore une bonne dizaine d’années pour que des grandes revues bota- niques basculent dans le tout électronique et abandonnent l’édi- tion imprimée (p. ex., The New Phytologist dès 2012, Anales del Jardín Botánico de Madrid dès 2014 ou encore Nordic Journal of dès 2015). En ce début du XXIe siècle, le livre électronique peine toujours à décoller en botanique. Nul doute que la notion de « collection » dépasse aujourd'hui le cadre des murs d’une biblio- thèque. La création de l’information en ligne couplée aux grandes opérations de numérisation des fonds anciens donnent une exten- sion numérique extraordinaire à toute bibliothèque y compris celle des CJBG.

Les années 1980 et 1990 seront des périodes difficiles pour les acquisitions, car l’inflation importante dans certains pays entraî- nera une augmentation substantielle des coûts, notamment pour Redouté, Pierre-Joseph. les abonnements aux revues. Dans un premier temps, des rallonges Les Liliacées. - Paris : 1802-1816, pl. 204 budgétaires permettront de maintenir le niveau des acquisitions. Néanmoins, des arrêts d’abonnements dans les titres non essen- tiels seront nécessaires.

Dans le cadre du projet de Répertoire des fonds imprimés anciens de Suisse aura lieu un inventaire précis des livres qui s’étalera de 2001 à 2006. Les données recueillies donneront une image exacte de la collection, soit 49 142 volumes de livres et mélanges et 48 458 volumes de revues (pour 4088 titres de revues dont 1506 sont cou- ramment reçus), le tout occupant un peu plus de 3 km linéaires de rayonnages.

Troisième déménagement

Quinze ans après son installation, la Bibliothèque commence dere- chef à cruellement manquer d’espace de rangement. De nou- Parkinson, John. veaux rayonnages vont progressivement grignoter les espaces Theatrum botanicum… - London : 1640, pp. 550-551 encore à disposition. L’extension tant attendue se fera en deux

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Volumes anciens de la revue Flora

temps : 2012-2014 avec la rénovation de la conservation et la préservation de la collection. Concernant La Console et l’attribution de nouveaux le public, la Bibliothèque est maintenant équipée pour se tour- espaces plus amples pour les ouvrages ner davantage vers le grand public. Que ce soit par son entrée qui de cryptogamie (90 m2 pour 435 mètres accroît physiquement la visibilité de la Bibliothèque, que ce soit linéaires) ; 2013-2016 avec la rénovation de par une salle de lecture mieux agencée pour l’accueil et le travail Bot. III et la redistribution des espaces qui des lecteurs, que ce soit par la création d’un fonds en libre-ac- augmente considérablement les métrages cès d’ouvrages de vulgarisation en botanique et de guides natu- linéaires à disposition pour la collection, ralistes régionaux, que ce soit aussi par l’équipement de vitrines mais crée aussi un espace public cohé- d’exposition qui nous permettront de mettre en lumière nos tré- rent, pratique et convivial de 155 m2, et des sors, que ce soit encore par un service hors les murs en dévelop- espaces de travail fonctionnels pour le per- pement (collaboration au service de question-réponse en ligne des sonnel (183 m2). A la réouverture complète bibliothèques genevoises – InterroGE – depuis ses débuts en 2013, en avril 2016, la Bibliothèque dispose pour animations d’ateliers pédagogiques depuis 2011 ou encore parti- les deux bâtiments de 2257 m2 de surface cipation depuis 2016 au parcours culturel en ville appelé « sentier et de 6,5 km linéaires de rayonnages. La culturel D’une bibliothèque à l’autre »), le virage est pris pour placer collection est estimée à 120 000 volumes les citoyens au cœur de nos priorités. Il faut aussi souhaiter que des de documents (au rythme d’acquisitions de historiens des sciences exploitent davantage le riche fonds d’ar- 1000 et 1500 livres dont les deux-tiers sont chives des CJBG. achetés), dont 2196 volumes de mélanges (avec 62 238 brochures et articles), 4415 Conservation du patrimoine titres de revues (dont 1509 vivants), 590 périodiques électroniques, 467 CD-ROMs, La conservation et la préservation du patrimoine documentaire des archives contenant notamment 60'000 reste l’une des missions essentielles de la Bibliothèque. Depuis le manuscrits et autographes, une collec- début des années 2000, des mesures préventives ont été renfor- tion de 4011 portraits de botanistes, plu- cées comme le reconditionnement des imprimés et des archives sieurs milliers de cartes géographiques et dans du matériel de conservation (fourres, chemises et boîtes en 573 références sur microfiches. En 2015, papier ou carton neutre) ou la désacidification en masse de docu- le service du prêt a enregistré 921 prêts à ments au papier friable. La rénovation a permis d’entreposer cer- domicile et 59 prêts entre bibliothèques ; tains types de documents dans de bien meilleures conditions (ran- ces chiffres relativement faibles accusent gement à plat des très grands livres et des cartes de géographie, un ralentissement principalement causé exposition moins directe des documents à la lumière du jour). par la phase des travaux (pour comparaison en 2011 : 1290 prêts à domicile et 145 prêts Les célébrations du bicentenaire des CJBG coïncident pratique- entre bibliothèques). ment avec la fin des travaux de rénovation et de réaménagement de la Bibliothèque. Une nouvelle ère s’ouvre. Le personnel de la Nouveaux services Bibliothèque est prêt à aller de l’avant et à relever les nombreux au public défis à venir.

Au-delà des considérations purement 1 Conservateurs responsables de la Bibliothèque : quantitatives, la rénovation 2012-2016 Hervé Maurice Burdet de 1972 à 1999 ; Patrick Perret de 1999 à 2015 ; Martin Callmander dès 2015. améliore notablement l’accueil du public, les conditions de travail des bibliothécaires,

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 27 Le classement des herbiers des Conservatoire et Jardin botaniques Laurent Gautier Philippe Clerc de la Ville de Genève Conservateur Conservateur

© VDGE / D. Wagnières

28 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 « Mon problème avec les classements, COLLECTIONS c’est qu’ils ne durent pas ; à peine ai-je fini de mettre de l’ordre que cet ordre est déjà caduc. »

Philippe Clerc Georges Perec Conservateur (1982) Penser/classer. Le genre humain N°2 : 11-127

Les Conservatoire et Jardin botaniques de la Ville de Genève (CJBG) possèdent dans leurs locaux des collections scientifiques botaniques et mycologiques parmi les plus riches et les plus importantes au monde. L’accès à l’information que représente ce patrimoine est donc essentiel, et doit être servi par un classement rationnel et efficace que cet article a pour but de vous présenter.

Les herbiers du Conservatoire abritent, en effet, plus de 6 millions les espèces d’une même région et préfère- de spécimens d’une valeur inestimable sur lesquels s’appuient raient que leurs échantillons soient grou- les taxonomistes et les systématiciens du monde entier. Ces col- pés ensemble par pays, ou par continents. lections sont, par conséquent, appelées à jouer un rôle important Veut-on avant tout ranger ensemble les dans les futurs projets d’inventaire et de monitoring de la biodiver- plantes qui se ressemblent ou plutôt celles sité de la planète. qui se trouvent dans un même territoire ? Certaines grandes institutions ont choisi Depuis le grand botaniste suédois Carl von Linné (1707-1778), un partage géographique de leurs collec- la nomenclature des êtres vivants est binomiale. Cela signifie tions. C’était le cas jusqu’à récemment de que deux mots latins suffisent pour savoir exactement de quelle l’herbier de Paris, où l’on avait un étage par espèce on parle, parmi les millions d’espèces vivantes ou éteintes. continent. Cette solution n’est pas toujours Si l’on dit Fagus grandifolia, il ne peut s’agir que du hêtre à grandes satisfaisante : ainsi pour une espèce du feuilles. Le premier nom, Fagus, correspond au genre qui regroupe pourtour méditerranéen, on trouverait des un ensemble d’une dizaine d’espèces parentes, mais distinctes. échantillons dans trois continents, c’est- Le nom de genre est unique : chaque genre porte un nom diffé- à-dire à trois emplacements différents rent, on sait ainsi exactement de quel ensemble d’espèces on (Afrique, Asie, Europe). parle. Le second mot, grandifolia, est le nom d’espèce. De très nom- breuses espèces (en fait plus de 800) peuvent avoir pour nom spé- Si l’on part du principe que tous les échan- cifique grandifolia ; elles appartiennent, bien sûr, à des genres dif- tillons d’une même espèce doivent être ran- férents. On peut ainsi avoir une achillée à grandes feuilles, un houx gés ensemble, on abandonne donc l’idée à grandes feuilles, etc. Ce système génial, que le botaniste sué- d’un classement basé en premier lieu sur la dois va réussir à imposer avec conviction et fermeté (il est appelé géographie. A l’heure actuelle, l’informati- « Le grand tyran du Nord » dans la correspondance entre H. B. de sation des collections permet d’ailleurs aux Saussure et Albrecht de Haller), est toujours en vigueur aujourd’hui. floristes d’avoir une vue virtuelle de la col- lection sous l’angle géographique. Nommer les plantes est une chose, ranger des échantillons d’her- bier d’une collection de 6 millions de spécimens en est une autre. Ce choix étant fait, comment classer Entre les deux, il y a le classement qui doit répondre à un certain ensuite les centaines de milliers d’espèces nombre de critères essentiellement pratiques, comme de pouvoir de plantes et de champignons qui peuplent retrouver les échantillons et les comparer entre eux, tout en gérant notre planète et dont une bonne partie est un accroissement annuel de près de 15 000 spécimens. représentée dans nos herbiers ? On pourrait envisager de classer tous nos échantillons Un premier débat oppose deux grands groupes de botanistes qui simplement par ordre alphabétique des basent leurs recherches sur les échantillons d’herbier. Les systé- genres, puis dans chaque genre par ordre maticiens ont besoin d’accéder à toutes les plantes d’un même alphabétique des espèces. L’inconvénient groupe (par exemple tous les chênes, ou tous les bolets) en pro- est que l’on aura côte à côte des organismes venance du monde entier, afin de les comparer et d’en améliorer très différents : notre Fagus (un arbre) serait la classification. Les floristes, quant à eux, travaillent sur toutes rangé à côté de Fayodia (un champignon),

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 29 Association de lichens sur roche acide

deux organismes dépourvus de tout lien organismes traditionnellement reliés à la au sein des champignons, un classement de parenté. De plus, on ne les conserve pas botanique, se reproduisant au moyen de séparant, pour des raisons pratiques, les toujours de la même manière : le premier spores et possédant des organes reproduc- groupes dont le mode de vie est différent est un échantillon séché à plat et fixé sur teurs peu apparents. (lichens, ascomycètes non lichénisés, basi- une feuille de papier ; le second est un objet diomycètes parasites, etc.). Ces grands tridimensionnel contenu dans une boîte en C’est Linné qui, n’étant pas trop intéressé groupes sont les suivants : carton. Il est donc pratique et rationnel de par ces organismes ne produisant pas de regrouper les genres (et les espèces qu’ils fleurs, les a relégués dans une espèce de 1. Les « algues »* au sens large contiennent) dans des entités différentes. panier « fourre-tout » qu’il a nommé lui- (à l’exception des diatomées) même « cryptogames ». A l’inverse des 2. Les diatomées* Dans nos collections, comme dans la plu- plantes à fleurs, les cryptogames sont un 3. Les myxomycètes* part des herbiers, on a traditionnellement ensemble artificiel et hétéroclite d’orga- 4. Les anthocérotes* partagé ce que l’on appelait le « règne végé- nismes traditionnellement étudiés au sein 5. Les hépatiques* tal » en deux grands groupes : les cryp- de la botanique ; reliquat d’un temps où 6. Les mousses au sens strict* togames et les phanérogames. Ces deux l’Arbre de la vie se résumait à deux branches, 7. Les ascomycètes* non lichénisés ensembles concernent des organismes très celle des organismes qui bougent (ani- (Fungi*) différents les uns des autres, avec leurs maux) et celle de ceux qui ne bougent pas 8. Les lichens* (Fungi*) spécificités. Ils sont, par conséquent, gérés (« plantes »). Ce sont les « champignons »* 9. Les basidiomycètes* non parasites de manière différente et d’ailleurs localisés (avec les lichens*), les myxomycètes*, les (Fungi*) dans des bâtiments séparés : La Console « algues »*, les bryophytes* (« mousses ») 10. Les Ustilagomycotina (rouilles) pour la majorité des cryptogames ; Bot II et V et les « fougères »*, les deux premiers étant et les Pucciniomycotina (charbons) pour les phanérogames. A noter que les fou- aussi éloignés des plantes que le sont les (basidiomycètes* parasites, Fungi*) gères et plantes alliées, bien qu’étant des animaux de ces dernières. Chacun de ces 11. Les oomycètes* cryptogames, sont entreposées dans Bot II. groupes a son propre plan d’organisation, (mildious, Straménopiles*) sa nomenclature, son écologie et ses scien- 12. Les fougères et plantes alliées Nous allons à présent passer en revue le tifiques spécialistes, professionnels ou (cryptogames vasculaires*) classement de ces deux grandes collec- amateurs. Par conséquent, le terme « cryp- tions. Dans les deux cas, on poussera plus togames » n’a plus aucune raison d’être en A l’intérieur de chacun de ces groupes, le loin la division de ces deux ensembles systématique moderne et n’est plus utilisé système de classification choisi est celui majeurs avant d’y appliquer le classement que pour des raisons pratiques. des genres par ordre alphabétique, puis alphabétique des genres et des espèces. au sein de chaque genre celui des espèces Les collections des CJBG rassemblent entre par ordre alphabétique. Ce système a deux Le classement de l’herbier 1 et 1,5 millions d'échantillons de cryptoga- immenses avantages : des cryptogames mes. Comme indiqué plus haut, ce sont des organismes disparates et il est, bien sûr, 1. Il suffit de connaître le nom latin d’une Les crypto…quoi ? Cryptobiose* ? Crypto- hors de question de classer, par exemple, espèce pour la trouver immédiatement communiste* ? Cryptographie* ? Cryptor- les champignons ensemble avec les dans l’herbier ; ce qui est très pratique ; chidie* ? Cryptozoologie* ? Que nenni ! Cry- mousses. Les collections cryptogamiques ptogames : du grec kruptos « caché » et sont donc classées par grands groupes Les mots suivis d’une astérisque (*) sont gamos « mariage » ou noces cachées : taxonomiques, avec parfois, notamment expliqués dans le glossaire en fin d’article.

30 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 « Chaque espèce ne se trouve théoriquement COLLECTIONS qu’à un seul endroit dans l’herbier. »

2. Chaque espèce ne se trouve théoriquement qu’à un seul endroit elles-mêmes rangées dans de plus grandes boîtes. Les algues dans l’herbier ; ce qui est rationnel. Un seul désavantage, mais qui microscopiques (diatomées) sont conservées au moyen de prépa- peut, selon les cas, être important : un genre traditionnel issu de rations montées au styrax, substance qui peut se conserver indéfi- la taxonomie des 19e - 20e siècles peut être aujourd’hui, notam- niment, et sont contenues dans des boîtes et des armoirettes. Les ment grâce aux études moléculaires, subdivisé en plusieurs genres collections les plus prestigieuses dans l’herbier des cryptogames plus petits et naturels. Le replacement alphabétique de ces der- aux CJBG (1 = collection intégrée à la collection générale, 2 = col- niers dans la collection peut provoquer de gros déplacements de lection séparée de la collection générale) sont les collections J. piles et par conséquent demander un énorme travail au personnel Hedwig-Schwägrichen1, J.-E. Duby1, A.-P. de Candolle1 et C. G. D. de l'herbier.

Pour les lichens, les ascomycètes lichénisés, les basidiomycètes parasites (les rouilles et les charbons), les bryophytes, les algues et les fougères, les spécimens sont préparés dans des chemises, elles-mêmes placées dans des fourres portant le nom de l’espèce (comme c’est d’ailleurs le cas dans l’herbier des phanérogames). Les fourres sont disposées en piles de 10-15 cm de haut, les unes à côté des autres sur les étagères de l’herbier.

Lorsqu’une espèce est cosmopolite et a, par conséquent, été récol- tée en de nombreux échantillons sur plusieurs continents, les spé- cimens sont classés par continents à l’intérieur de l’espèce. Si cette dernière a également été récoltée en Suisse, à Genève ou aux alentours en France, les spécimens sont séparés dans des fourres correspondantes. Pour les basidiomycètes non parasites et les myxomycètes, les échantillons sont disposés dans des boîtes en carton modulaires ou des boîtes d’allumettes (myxomycètes),

Echantillons d’herbier en boites modulaires (basidiomycètes non parasites)

Echantillons d’herbier en piles dans les compactus (lichens, ascomycètes non lichénisés, basidiomycètes parasites, algues p. p., bryophytes, Echantillons d’herbier en boîtes d’allumettes (myxomycètes) fougères et plantes alliées, cônifères et plantes alliées, phanérogames)

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 31 Algues rouges Conifères Algues vertes pro parte Cycas Bryophytes Gymnospermes Fougères et plantes alliées Gingkos Phanérogames Gnetums Diatomées Angiospermes basales Algues brunes (nymphéas, etc.) Oomycètes Angiospermes Ciliés Magniolidées primitives Algues vertes pro parte (magnolias, poivres, lauriers, etc.) Sporozoaires Algues vertes pro parte Monocotylédones Foraminifères Arbre phylogénétique des Eucaryotes très Algues vertes pro parte simplifié, tiré et adapté de Adl et al. (2012) En noir : organismes non représentés Myxomycètes dans les collections des CJB Fungi En rouge : collections conservées à La Console Animaux Dicotylédones En vert : collections conservées à Bot II / Bot V

Nees1 pour les mousses au sens strict* ; la collection J. J. Brun2 pour monophylétique, c’est-à-dire issu d’un ancêtre commun, apparu les « algues »* ; les collections F. Stephani2 et J. B. Jack1 pour les probablement vers -150 000 ans. Ce groupe de plantes a rapide- hépatiques* ; les collections Müller-Argoviensis1, E. Frey1, A.-P. de ment conquis la planète et s’est incroyablement diversifié, avec Candolle1, A. L. A. Fée1 et L. E. Schaerer1, 2 pour les lichens* ; la col- actuellement quelque 400 000 espèces qui se répartissent en envi- lection K. W. G. L. Fuckel1 pour les ascomycètes* non lichénisés ; les ron 15 000 genres. Avec 4,5 millions d’échantillons dans nos col- lections, tous préparés de manière similaire (une plante séchée à plat fixée de manière permanente sur une feuille de papier fort), on aurait pu faire le choix d’un classement alphabétique des genres, puis des espèces, comme c’est le cas pour les cryptogames. Toutefois, vu l’ampleur de cette collection (près de 90 000 piles, réparties dans 15 salles d’herbier différentes), une autre solution a été choisie.

De retour d’un inventaire dans une zone à la flore encore mal connue, un botaniste va rapporter des collections qu’il va cher- cher à identifier par comparaison avec les plantes de l’herbier. Il aura sans doute pour chaque échantillon une idée du genre auquel il se rattache. Il va donc chercher à l’endroit où est classé le genre en question pour trouver l’espèce qui lui semble correspondre le mieux à son échantillon. Il lui arrivera parfois de s’apercevoir qu’il ne trouve pas d’espèce ressemblante et qu’il s’est probablement trompé de genre. Il orientera alors ses efforts vers un genre voisin. Voisin ? C’est-à-dire ?... Si les genres de notre herbier étaient clas- sés par ordre alphabétique, les genres voisins pourraient se trou- ver n’importe où dans les 15 salles de la collection en fonction de leur nom. Il est donc vite apparu qu’il était pratique de regrouper les genres proches (et donc les espèces qu’ils contiennent) en des enti- tés plus grandes. Linné avait déjà organisé ses genres en groupes qui se basaient sur des caractères communs, comme le nombre Collection de diatomées* de J. Brun de pétales, d’étamines, de carpelles, etc. Il lui était indifférent de regrouper ainsi artificiellement des genres dont il était évident que collections J. Favre2, V. Fayod2, M. Josserand2 et R. Kühner2 pour les les similitudes numériques n’étaient que des coïncidences. Sur ce basidiomycètes* ; et les collections M. Meyer1 et J. Bozonnet1 pour plan, il n’a pas été suivi car ses successeurs ont rapidement cher- les myxomycètes*. Finalement, les collections cryptogamiques les ché à remettre ensemble des genres qui leur semblaient réelle- plus importantes d’un point de vue scientifique sont les collections ment apparentés, ressuscitant un système qui existait avant lui. A types* dont la majeure partie est unique au monde. Elles ont été ce titre, la contribution du Genevois Augustin-Pyramus de Candolle sorties de la collection générale et classées à part dans les com- a été significative, même s’il utilise plutôt le terme « ordre » pour ce pactus, suivant le type d’organisme auquel elles sont rattachées. qu’on appellera ensuite définitivement une « famille ».

Le classement de l’herbier Nous avons donc à peu près 15 000 genres à ranger en un peu des phanérogames plus de 400 familles. Mais sur quoi se base-t-on pour dire que tel genre fait partie de telle famille ? La question est complexe et A l’opposé des cryptogames, les phanérogames (du grec phane- tout le monde n’est pas toujours du même avis. Dans certaines ros, apparent et gamos, mariage) représentent un groupe naturel, familles, la réponse est claire. Prenons l’exemple des Fabaceae,

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Planches d'herbiers © VDGE / D. Wagnières

l’une des plus grosses familles regroupant maintenant ranger leurs genres dans des Même si la classification des familles évo- près de 19 000 espèces rassemblées en familles dont on a de bonnes raisons de lue constamment, on ne change pas chaque 750 genres. Tous ses membres partagent penser qu’elles resteront assez stables. année le rangement d’un herbier aussi un caractère commun facile à reconnaître : grand, surtout quand les familles y sont un fruit formé d’un seul carpelle allongé, Mais alors, ces familles, comment les arrangées alphabétiquement. Qu’on s’ima- appelé « légume » (au sens le plus strict, range-t-on ? Une fois de plus, deux écoles gine : la famille des Loranthaceae (consti- d’où l’ancienne appellation de cette famille s’affrontent : celle qui place côte à côte des tuée d’un groupe de plantes parasites pre- les Leguminosae). D’autres familles sont familles qui sont proches (et les résultats nant leur sève dans le bois d’autres plantes) cependant moins facilement reconnais- d’APG III sont là pour les aider) et celle qui s’est révélée regrouper, en fait, deux familles sables. Ainsi, les Apocynaceae (famille de la préfère un classement alphabétique per- bien distinctes : les Loranthaceae vraies, et pervenche) regroupent des genres qu’on a, mettant beaucoup plus facilement à une les Viscaceae (les guis). Si nous avions voulu par le passé, classés souvent dans 2, 3 ou personne qui n’a pas de connaissances bota- suivre cette classification, nous aurions même 4 familles différentes. niques de trouver ce qu’elle cherche. C’est dû déplacer un millier d’échantillons de la cette seconde méthode qui a été préférée à salle qui contient les familles commençant Depuis de Candolle, cette quête d’une clas- Genève. Depuis longtemps on avait séparé par « L » à celle qui contient les familles sification « naturelle », c’est-à-dire repré- les phanérogames en Gymnospermes commençant par « V ». De plus, pour faire sentant de véritables lignées évolutives au (conifères et plantes alliées) et plantes à la place nécessaire, nous aurions dû dépla- sens darwinien du terme, ne s’est jamais fleurs (ou Angiospermes), elles-mêmes cer les centaines de milliers d’échantillons arrêtée. Les botanistes n’ont cessé de étant partagées en deux grands groupes : situés entre « L » et « V ». Quelques années rechercher les caractères les plus fiables, les Monocotylédones (l’embryon de la plus tard, il aurait fallu recommencer un ceux qui reflétaient le mieux ces lignées. En graine n’a qu’une seule feuille primordiale) tel bal, les Viscaceae étant incluses à pré- plus des caractères morphologiques tra- et les Dicotylédones (deux feuilles pri- sent dans les Santalaceae suite aux tra- ditionnels utilisés depuis des siècles, on a mordiales). Coup de sac : APG III révèle vaux sur l’ADN. Une mise à jour de la classi- commencé à faire intervenir l’anatomie, la que si les Monocotylédones sont bien un fication pour de si grandes collections n’est chimie, le nombre de chromosomes, affi- groupe naturel (monophylétique : issu d'un donc possible qu’exceptionnellement, par nant la classification souvent, brouillant les ancêtre commun n'est pas suffisant pouf exemple à la faveur de la mise à disposition cartes parfois. la définition de monophylétique. Il fau- d’un nouveau bâtiment. Les importants tra- drait dire "groupe issu d'un ancêtre com- vaux d’agrandissement et de rénovation de Avec le développement des techniques de mun et contenant tous ses descendants). l’herbier des phanérogames et de la biblio- biologie moléculaire, les botanistes ont Sinon les reptiles, par exemple, seraient thèque qui viennent de se conclure après 5 eu accès à un nouveau type d’informa- monophylétiques. Ces familles, qui pos- ans de chantiers représentaient une telle tion : plus l’ADN de deux genres est sem- sèdent des caractères d’ailleurs considé- occasion. La publication, au même moment, blable, plus ils sont apparentés. Un effort rés comme archaïques, sont à exclure de ce de la récente classification APG III motivait de collaboration considérable, coordonné qu’on appellera les « vraies Dicotylédones ». une telle réorganisation effectuée en deux par une équipe appelée « The Angiosperm Bien des herbiers, et c’était le cas de temps : les Monocotylédones en 2014, les Phylogeny Group », a donc été déployé Genève, avaient depuis longtemps séparé Dicotylédones et les Angiospermes primi- ces trente dernières années, afin d’éluci- les Gymnospermes, les Monocotylédones tives en 2016. Ce dernier mouvement, qui der les parentés entre les genres et former et les Dicotylédones, avec dans chaque a duré 10 semaines, a été de loin le plus des familles aussi « naturelles » que pos- groupe, un ordre alphabétique des familles. conséquent. En tout, ce sont 45 000 piles sible. Après deux classifications prélimi- Suite aux résultats d’APG III, nous avons d’échantillons qui ont été déplacées (côte naires, une troisième classification a été donc décidé de créer un quatrième groupe, à côte cela représente 11,25 km de rayon- publiée en 2009, sous le nom d’APG III. Elle les Angiospermes primitives, qui ras- nages), ce qui fait dans les 3 Mio d’échantil- a été encore améliorée en 2016, mais sans semblent les familles archaïques dont il est lons ou encore un poids total estimé à 135 changement majeur. Les herbiers peuvent question ci-dessus. tonnes. Les piles ayant été transportées

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 33 dans des chariots-tours de 12 piles, il y a eu Dans l’ensemble, on constate une aug- En conclusion 3750 mouvements de chariots. mentation du nombre de familles qui passe d’un peu moins de 350 à un peu plus Un herbier ne doit pas forcément refléter En plus de la création de ce troisième de 400, avec plus de grosses familles et l’arbre évolutif des plantes qu’il héberge. groupe des Angiospermes primitives, les plus de toutes petites, contenant seule- Le classement d’une collection aussi changements les plus importants à relever ment quelques genres. Les familles princi- importante que celle des Conservatoire dans ce passage au classement APG III sont pales, celles qui ont plus de 10 000 espèces et Jardin botaniques de la Ville de Genève les suivants : (Asteraceae, Orchidaceae, Fabaceae, Rubi- comporte toujours une part d’arbitraire, aceae, Poaceae) restent pratiquement reflétant des choix pratiques effectués L’éclatement de familles artificielles : inchangées. par les conservateurs successifs afin d’as- surer les principales missions de l’herbier : • Les Liliaceae faisaient depuis longtemps l’objet Il convient encore de mentionner ici l’exis- trouver les échantillons et permettre de de controverses sans fin. Elles ont finalement été éclatées en cinq familles tence d’un nombre limité de collections comparer aisément les espèces proches. principales. conservées à part, et appelées « herbiers Pour la plupart des travaux auxquels sert • Les Saxifragaceae ont aussi explosé en 15 fermés ». Ces collections correspondent l’herbier, il est avantageux d’avoir assem- familles différentes, dont neuf sont nouvelles. en général à un ouvrage de référence blé ce qui se ressemble, d’où la classifi- • Les Scrophulariaceae éclatent en 11 familles, selon lequel elles sont classées et dont cation en premier lieu par grands groupes dont six sont nouvelles ; de très nombreux genres l’ordre est immuable. Il s’agit des herbiers d’organismes, puis par familles (cas des se retrouvant dans les Plantaginaceae et les Orobanchaceae. suivants : phanérogames), ensuite par genres et finalement par espèces. C’est par l’infor- • Les Euphorbiaceae se sont vu amputer de nombreux genres qui forment maintenant quatre • G-DC (Herbier de Candolle) : cet her- matisation des collections qu’on peut lire nouvelles familles commençant curieusement bier comprend non seulement les la collection sous un autre angle comme toutes par la lettre « P » : les Peracaeae, les Phyllanthaceae, les Picrodendraceae et les matériaux utilisés lors de la rédac- celui de la géographie. Putranjivaceae. tion du Prodrome, mais aussi ceux • Une grande partie des Verbenaceae est passé des Monographiae Phanerogamarum Une fois qu’un tel classement a été défini chez les Lamiaceae . et de la Piperacearum clavis et mis en application, on s’y tient pour plu- analytica. sieurs décennies. Ce n’est souvent qu’à A l’inverse, certaines familles ont été la faveur, par exemple, d’un déménage- regroupées : • G-BOIS ("Flora Orientalis") : ment des collections que ce classement cet herbier a été reconstitué dans peut être remis en question. Les récents • Les Malvaceae ont absorbé les Tiliaceae, les les années 1960, sur la base développements immobiliers vécus ces Bombacaceae et les Sterculiaceae. des matériaux cités par Boissier cinq dernières années par l’institution • Les Amaranthaceae comprennent maintenant les dans le Flora Orientalis. (construction du bâtiment Bot V, rénova- Chenopodiaceae. tion de Bot II et de La Console) ont été l’oc- • Les Aceraceae (érables) disparaissent au sein des • G-BU (Herbier Burnat) : comprend casion d’adapter ce classement en pre- Sapindacae. un « Herbier des Alpes maritimes », nant en compte dans une certaine mesure • Les Ericaceae ont absorbé les Pyrolaceae et les un herbier d’Europe (comprenant les les récentes avancées en systématique. Epacridaceae. séries récoltées par John Briquet Nous avons ainsi un herbier rangé selon • Les Dipsacaceae et les Valerianaceae sont et utilisées pour son Prodrome de la une classification performante, apte à fondues dans les Caprifoliaceae. Flore Corse) et l’herbier Thuret. répondre aux missions traditionnelles de la • Les Primulaceae ont absorbé la famille tropicale botanique systématique, tout en permet- des Myrsinaceae. • G-PREL (collection prélinnéenne) : tant une ouverture de cet immense corpus • Les Salicaceae ont absorbé une grande partie des Collection d’environ 30 000 spéci- d’information vers d’autres utilisations. Flacourtiaceae (une famille tropicale qualifiée de « famille-poubelle » où l’on rangeait ce que l'on ne mens anciens et comprenant des savait pas précisément où mettre), le reste étant récoltes des XVIIe et XVIIIe siècles éclaté en 5 nouvelles familles. faites dans les Indes, à Ceylan, au • Les Apocynaceae comprennent maintenant les Cap de Bonne Espérance et dans les Asclepiadaceae. Antilles, entre autres.

34 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 COLLECTIONS

« Le classement d’une collection aussi importante que celle des Conservatoire et Jardin botaniques de la Ville de Genève comporte toujours une part d’arbitraire, reflétant des choix pratiques… »

Glossaire

Algues Cryptobiose Hépatiques Au sens large, des organismes photosynthétiques, prin- Vie latente d’un organisme qui ne présente pas de signes Bryophytes* dont la capsule, qui produit les spores, cipalement aquatiques et se reproduisant au moyen de de vie. s’ouvre en 4 valves. Ex . : Marchantia et Plagiochila. spores. Groupe artificiel correspondant à un mode de vie particulier. Les algues au sens large sont dispersées aux Cryptocommuniste Lichens 4 coins de l’Arbre de la vie en différents groupes naturels Partisan occulte du Parti communiste. Principalement des ascomycètes*, qui pour se nourrir, comme, par exemple, différents groupes d’algues vertes, sont au cours de l’évolution entrés en symbiose avec des les algues brunes, les algues rouges et les diatomées algues vertes ou des cynanobactéries microscopiques. Cryptogames vasculaires Anthocérotes Cryptogames possédant de véritables vaisseaux Mousses au sens strict conducteurs (fougères et plantes alliées) Bryophytes* dont la capsule cylindrique, produisant les Bryophytes* dont la capsule, qui produit les spores, est spores, pousse de manière continue et s’ouvre par deux couronnée d’une ou deux rangées de dents formant le fentes latérales. Ex. : Anthoceros Cryptographie péristome couvert par un opercule et une coiffe. Procédé permettant de protéger les données. Ascomycètes Myxomycètes : Champignons appartenant aux Fungi*, formant au sein Cryptorchidie Amibes caractérisées par une phase de reproduc- de leurs fructification, des asques contenant les spores. Rétention pathologique des testicules dans l’abdomen. tion dont les fructifications, produisant les spores, Ex. : morille, truffe, pézize, levure, etc. ressemblent à de tous petits champignons; raiso Cryptozoologie pour laquelle se sont les mycologues qui les étudient. Basidiomycètes Animaux dont l’existence ne peut pas être prouvée de Champignons appartenant aux Fungi*, formant au manière irréfutable. Oomycètes sein de leurs fructification, des basides au sommet « Champignons » dont les parois cellulaires contiennent desquelles sont disposées, sur des petites cornes, Diatomées de la cellulose et dont les cellules reproductives les spores. Ex. : tous les champignons à chapeaux et à Algues microscopiques unicellulaires enveloppées par possèdent deux flagelles antérieurs. Ils ne font pas lames, les amadouviers, les rouilles, les charbons, etc. un squelette externe fait de silice. partie de la lignée des vrais champignons (Fungi), mais de celle des Straménopiles. Ex. : les mildious Bryophytes Eucaryotes Petites plantes vertes, sans véritables vaisseaux Organisme dont les cellules possèdent un noyau ; Straménopiles conducteurs, se reproduisant au moyen de spores, comprend tous les êtres vivants à l'exception des bacté- Lignée évolutive dont certains organismes étaient autre- composées de trois lignées bien distinctes : les ries et des virus fois classés chez les champignons (Oomycètes, mildious) hépatiques*, les anthocérotes* et les mousses au sens ou chez les protistes. strict*. Ex. : Bryum, Polytrichum, sphaignes, etc. Fungi Champignons « Vrais » champignons* dont les parois cellulaires Types contiennent de la chitine et dont les cellules reproduc- Un spécimen-type est le matériel d’origine utilisé pour Organismes sans chlorophylle, dont les cellules sont des tives ont un seul flagelle postérieur. Ex. : ascomycètes*, décrire une nouvelle espèce et mentionné dans la hyphes formant un mycélium (le corps du champignon) et basidiomycètes*, lichens*, etc. description originale de l’espèce (protologue). Les types se reproduisant au moyen de spores. sont les échantillons « porte-nom » liés à jamais au nom de l’espèce décrite. Ils doivent être désignés en tant que tels et conservés dans des institutions reconnues.

Adl, S. M. et al. (2012). The revised classification of Eukaryotes, J. Eukaryotic Microbiol., n°59, pp. 429-493

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 35 Deux cents ans d’horticulture au service de la botanique

Pierre Mattille Nicolas Freyre Collaborateur scientifique Jardinier chef

36 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 COLLECTIONS

Bastions, vers 1909

Première période vers le Palais Eynard en construction, se trouvaient les collections agronomiques, Le Jardin botanique, créé en 1817 par dont le catalogue paru en 1820 annonçait « Cet ensemble Augustin-Pyramus de Candolle, a vu le jour déjà plus de 300 variétés de vignes et près dans un espace périphérique de la cité tout de 400 variétés d’arbres fruitiers, véritable déjà très riche à fait particulier. L’emplacement choisi se offre d’enrichissement de la biodiversité situait entre deux enceintes des fortifi- alimentaire auprès des cultivateurs. dès son départ cations de la ville, comme emprisonné de murailles. Cet ensemble déjà très riche dès son départ fut le fruit fut le fruit d’une préparation minutieuse L’endroit avait connu de meilleurs jours au par son auteur, animé d’une activité pro- d’une préparation XVIIIe siècle sous l’appellation de « Belle digieuse, enthousiaste et contagieuse. Il Promenade », aux allées régulières plan- faut se représenter cet espace de plus de minutieuse tées de marronniers, ce qui en faisait le 8000 mètres carrés, intensivement et uni- premier parc public de la ville par sa taille. quement exploité par le directeur, un jardi- par son auteur, Les vicissitudes de l’époque révolution- nier et deux orphelins confiés par l’Hospice naire ayant peu à peu transformé ce parc Général. animé d’une activité en friche impénétrable, il fallut abattre les arbres et miner le terrain. L’idée d’y cultiver Cette première période très brillante du prodigieuse, des pommes de terre fut un moyen pratique Jardin botanique, qui s’insère aussitôt dans de lutter contre le chômage et la disette qui un réseau international, sera extrêmement enthousiaste sévissait à l’époque, tout en améliorant le féconde scientifiquement et très popu- terrain. laire ; elle se termine après la mort de son et contagieuse. » fondateur en 1841 et la démission de son Le projet d’une Ecole botanique au centre fils Alphonse de Candolle en 1849, par des du nouveau jardin imposa un alignement temps difficiles. de 50 plates-bandes rectilignes, bordées de buis, pour recevoir les représentants des Deuxième période : nombreuses familles botaniques destinées temps difficiles à l’enseignement : plus de 3000 semis sont effectués dès 1818 à cet effet ! En effet, le Jardin botanique sera dirigé suc- cessivement par Georges Reuter, Jacques Il faut imaginer l’entrée de ce jardin par Brun et Jean Müller Argoviensis de 1849 à des plates-bandes destinées aux essais de 1896, sans qu’ils n’arrivent à le maintenir culture, avant d’arriver à ce grand espace en l’état en raison de décisions municipales formel orné d’un bassin rond en son centre, inappropriées. La tutelle politique change que l’on traversait en longeant une orange- de structure et d’attitude et l’importance rie flanquée de serres sur le côté du jardin ornementale des cultures prend le pas sur Jardin botanique des Bastions 1824 qui s’appuyait à la muraille. A l’extrémité, le caractère scientifique et botanique des

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 37 collections. Les postes du directeur et du jardinier ne sont pas toujours renouvelés à temps (deux ans sans direction) et le jardin passe sous la tutelle du Service des Parcs de 1865 à 1881.

Dès l’avènement de John Briquet à la direc- tion en 1896, le jardin prend un essor tout à fait extraordinaire que l’on peut quali- fier de renaissance de l’institution, avec le relogement proposé à l’Ariana, propriété léguée par Gustave Revilliod. Le plan de grande ampleur réalisé par Jules Allemand, paysagiste renommé ayant collaboré avec Edouard André à Paris, proposera entre autres un magnifique jardin alpin, un arbo- retum important et une grande serre, ce qui manquait à l’ancien jardin. Le Jardinier- chef Pierre Grandjean mettra ses nom- breuses compétences en œuvre pour pré- parer ce transfert et établir le nouveau jardin, qui sera inauguré avec le tout nou- veau Conservatoire botanique à La Console en 1904. Cascade du Jardin alpin avec Pierre Grandjean, 1904 Au cours des années suivantes, l’Arboretum de deux expéditions en 1952 et 1954. On sera fortement amputé avec l’agrandisse- peut encore mettre à son actif la construc- ment du réseau routier et les serres seront tion d’une grande orangerie en 1951 et la transférées au centre du jardin. L’Ecole de création d’un petit parc animalier après la botanique et son entretien fastidieux seront réunion de la campagne du Chêne en 1954. supprimés au profit d’une grande collection Sa carrière culminera avec le succès consi- de plantes médicinales et officinales, plus dérable remporté aux Floralies de Nantes en phase avec l’intérêt du public. Toutefois, en 1967, où il aura construit de toutes la passion pour la flore alpine longuement pièces un authentique jardin alpin en un promue par Henry Correvon, se confirme temps record. de plus en plus ; le grand public étant for- tement sensible à la mode des excursions Troisième période en montagne. Les collections ayant fortement augmenté, Albert Zimmermann est le grand spécialiste le Conservatoire botanique, comme les de toute cette période. Jardinier-botaniste plantes de serres, se sentent à l’étroit et de grand talent, il va initier la protection aspirent à d’autres horizons. Une période des plantes en site naturel, amplifier la très importante de métamorphose du Jardin construction de rocailles et compléter les botanique prend alors forme sous la direc- collections alpines et tropicales avec ses tion du professeur Jacques Miège. Très en récoltes ramenées de l’Himalaya au cours phase avec les autorités politiques de son

38 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 COLLECTIONS

Serre Tropicale

temps, et dès sa venue en 1965, il créera de conservation de la biodiversité cultivée. « En cette année avec ses collaborateurs un plan directeur Les jardiniers assurent la multiplication de qui va révéler un programme très complet : semences d’anciennes variétés de légumes du bicentenaire, construction d’un nouveau conservatoire et la conservation d’un patrimoine fruitier botanique pour abriter les collections de historique. Le parc animalier présente une l’unité Jardin l’Herbier et de la Bibliothèque qui ont consi- large sélection de races en voie de dispari- dérablement augmenté, création d’une tion, comme les chèvres bottées, les mou- compte 42 volière, extension du Jardin botanique avec tons d’Engadine ou les poules huppées l’acquisition de la Terre de Pregny, construc- d’Appenzell. collaborateurs tion de tout un ensemble de nouvelles serres et d’une maison des jardiniers. Le Jardin a traversé tout récemment une fixes aux importante période de travaux, qui a Malgré ces dépenses considérables, la consisté successivement à l’extension de compétences Ville assumera aussitôt la prise en charge l’Herbier, la construction d’un nouveau res- des Serres de Pregny en 1986, mises à dis- taurant, la rénovation du Conservatoire his- multiples. » position de l’Etat par le baron Edmond de torique de La Console et la restauration Rothschild, qui arrivent à point pour rem- complète de la Bibliothèque. placer l’orangerie et l’unité de production horticole. Elles seront restaurées en 1994 Aujourd’hui et demain suivies de la rénovation du Jardin d’Hiver en 1996. La création d’un jardin des sen- En cette année du bicentenaire, l’unité teurs et du toucher ainsi que d’une rose- Jardin compte 42 collaborateurs fixes aux raie historique, puis le contrat d’entretien compétences multiples. Au total, 28 jar- du domaine du château de Penthes, feront dinières et jardiniers (équivalents pleins passer la surface du Jardin de 12 hectares temps) entretiennent plus de 9000 taxons en 1977, à près de 30 hectares à ce jour. différents en collections vivantes. Une équipe technique (menuiserie, mécanique, Depuis 1992, le Jardin collabore avec la bâtiment, sécurité, nettoyage, logistique, fondation Pro Specie Rara sur des projets base de données) complète et soutient

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 39 Les Rocailles actuelles (massif Carpates/Balkans)

ce travail quotidiennement. Aujourd’hui, La formation constitue également un enjeu en place des cultures ex-situ, dans un la collection est riche de plus de 16 000 important, avec l’accueil d’une quarantaine objectif de multiplication de graines pour la plantes cultivées provenant des 5 conti- de jeunes chaque année qui effectuent banque de semences ou de réintroduction nents, réparties entre le Jardin botanique, des stages préalables pour entrer dans sur le terrain. Il est aujourd’hui largement les serres de Pregny et le Jardin alpin de la les Hautes écoles, des prestations de ser- admis que les compétences pratiques de Linnaea à Bourg-St-Pierre en Valais. vice civil, de peines alternatives, ou simple- culture et de conservation de la flore sau- ment des stages de découverte du métier vage se trouvent au Jardin botanique. Notre collection vivante sert également de et d’orientation professionnelle. Les colla- support à une multitude d’activités de vul- borateurs du Jardin forment également des L’avenir du Jardin s’inscrit dans une garisation. De très nombreuses visites gui- apprentis horticulteurs en production de démarche foncièrement écologique, avec la dées sont conduites tout au long de l’an- plantes vivaces. toute récente obtention du label BIO pour née, s’adressant à un large public. Plusieurs l’ensemble de la collection. Si la lutte bio- espaces didactiques, comme les nouveaux Une autre mission devenue centrale à ce logique intégrée était déjà pratiquée dans jardins ethnobotaniques, présentent au jour est la conservation de la flore mena- les serres, c’est aujourd’hui l’entièreté du visiteur la diversité des plantes et leurs cée au niveau local. Le Jardin collabore Jardin botanique qui est cultivée et certi- potentielles utilisations. Chaque année, une ainsi très étroitement avec le Conservatoire fiée en BIO. Conserver la diversité du vivant exposition temporaire est mise en scène et les instances compétentes de l’Etat de tout en respectant l’écosystème qui nous dans le Jardin pour illustrer les savoirs Genève sur des projets de sauvegarde, par entoure, tel est l’enjeu et le défi des jardi- faire de l’institution. La transmission et la exemple lors de chantiers de construction niers botanistes de demain ! diffusion du savoir est véritablement au à fort impact sur le milieu naturel. Chaque centre de notre mission à l’heure actuelle. année, les jardiniers des Rocailles mettent

40 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 COLLECTIONS

Un jardin botanique BIO

Après une période de reconversion de nombreuses années. de deux ans, le Jardin botanique La responsabilité d’un patrimoine est aujourd’hui certifié BIO ! C’est de plus de 9 000 taxons différents une grande fierté pour tous en collections vivantes ne laisse les jardiniers qui ont su relever pas le droit à l’erreur. Pourtant, ce défi. Au-delà des aspects la volonté d’ouvrir la voie à plus techniques, il s’agit véritablement d’écologie et de bonnes pratiques de réinventer son métier, oser dans l’art de cultiver les plantes Nicolas Freyre expérimenter, déconstruire nous a poussés à entreprendre Jardinier chef des principes établis depuis cette démarche vers le BIO.

Moutons roux du Valais

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 41 Un cahier des charges qui favorise la biodiversité

À ce jour, en Suisse, plus de 6000 entre- faire évoluer le cahier des charges de BIO (semences, boutures, plants, bulbes, etc.), prises agricoles et horticoles produisent Suisse vers la prise en considération des l’offre en qualité BIO étant très faible en dans le respect des principes de l’agri- spécificités de l’horticulture, de la bota- production ornementale. Il paraît évident culture biologique et sont ainsi certifiées nique et des espaces verts. Au préalable, que si la demande émanant des profession- BIO. Le cahier des charges s’adresse prin- il sera nécessaire d’avoir une masse cri- nels de l’horticulture augmente, le nombre cipalement à la production de denrées ali- tique d’entreprises et de jardins botaniques de fournisseurs, la qualité et la disponi- mentaires, animales ou végétales, et la assez importante pour pouvoir stimuler ce bilité des produits, ainsi que la diversité gestion des espaces verts en BIO reste changement. de formes et de couleurs augmentera en aujourd’hui très anecdotique. Au niveau conséquence. national, le Jardin botanique de la Ville de Avec 2 ans de recul, nous pouvons déjà Genève est la première collectivité publique dresser un premier bilan et en tirer cer- À l’inverse, c’est peut-être l’aspect phyto- à être certifiée BIO Suisse. Les espaces taines perspectives. Après plusieurs essais sanitaire qui nous a posé le moins de pro- verts urbains en Suisse étant majoritai- et recherches de solutions, des alterna- blème. Nous utilisions déjà la lutte BIO au rement gérés et entretenus par le sec- tives ont finalement été trouvées pour l’en- moyen d’auxiliaires de culture depuis plu- teur public, la suite logique est d’inciter et semble des produits qui n’étaient pas auto- sieurs années en serres. D’autre part, le d’encourager d’autres municipalités à faire risés par BIO Suisse. Le principal problème fait de travailler avec des plantes sauvages de même en s’appuyant sur cette expé- que nous avons rencontré est lié à l’acqui- et de cultiver une extraordinaire biodiver- rience. L’objectif à plus long terme serait de sition de matériel végétal de multiplication sité est en soit une grande aide pour limiter

42 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 COLLECTIONS « … la suite logique est d’inciter et d’encourager d’autres municipalités à faire de même en s’appuyant sur cette expérience. »

les attaques parasitaires ou fongiques, qui restent le plus souvent très localisées.

Au-delà des plantes, nous avons égale- ment dû adapter notre approche de l’éle- vage (ovin et caprin) en termes d’alimen- tation, de rotation des pâtures et de soins vétérinaires. L’observation et la prévention sont devenues les maîtres mots de l’élevage BIO. Certains changements stratégiques ont également été nécessaires dans le domaine apicole, de manière à être presque autonomes dans le renouvellement de nos colonies.

Il est intéressant de relever que, outre les intrants et les directives liées à la culture et à l’élevage, le cahier des charges de BIO Suisse accorde une grande importance à la biodiversité. « Les producteurs [BIO] cultivent l’ensemble de leur domaine de manière à ménager le plus possible l’en- vironnement et les plantes, animaux et microorganismes présents. Ils s’efforcent d’avoir un domaine aussi diversifié que possible qui laisse de la place à divers êtres vivants et habitats aussi bien dans les surfaces cultivées qu’à leurs abords. » 1. La sauvegarde de la biodiversité est l’une des principales missions des jardins bota- niques ! Il apparaît donc tout naturel de s’engager à cultiver notre Jardin selon les principes du BIO.

Après 2 ans d’expérience, les jardiniers sont pour la plupart tous convaincus du bien- fondé de cette reconversion BIO. Au-delà des considérations écologiques, c’est aussi leurs conditions de travail et leur santé qui se sont améliorées !

1 BIO Suisse, 2014, Cahier des charges pour la production, la transformation et le commerce des produits Bourgeon, Bâle, p.58 Désherbage thermique

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 43 Vers une nouvelle politique de gestion des collections vivantes

Les collections vivantes d’un sont avant tout le travail jardin botanique sont le résultat d’hommes et de femmes qui ont de plusieurs dizaines d’années développé leur passion au fil de travail et d’expérience ; du temps. Pour gérer cet héritage elles constituent l’essence même de manière efficiente et du Jardin en tant que musée stratégique à la fois, il convient conservatoire de la biodiversité. d’évaluer la qualité de ces collec- Il n’y a pourtant pas toujours tions et de fixer ainsi une véritable logique des priorités en termes Nicolas Freyre des collections, puisque celles-ci d’objectifs de développement. Jardinier chef

44 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 COLLECTIONS Flore des Alpes Flore de Suisse GÉOGRAPHIQUES Flore de Corse COLLECTIONS

COLLECTIONS Acer Gesneriaceae TAXONOMIQUES Agave Iris Araceae Orchidaceae Arecaceae Paeonia Artemisia Pelargonium Begonia Peperomia Betula Pinaceae Bromeliaceae Quercus Cactaceae Rhipsalis Citrus Rhododenron Cupressaceae Sansevieria Euphorbia Saxifraga Galanthus Sedum

COLLECTIONS Fougères et plantes alliées Plantes carnivores ÉCOLOGIQUES

COLLECTIONS Collection générale Patrimoine fruitier THÉMATIQUES Jardin alpin La Linnaea Plantes de Rocailles Jardin des senteurs Plantes menacées de Suisse Jardins ethnobotaniques Roseraie historique Murs de tuf

Tout collectionner est impossible et n’au- et documentées dans la base de données des CJBG (SIBG-JIC). rait surtout aucun sens pour un Jardin Chaque collection est rattachée à un jardinier botaniste qui en a la botanique de notre taille. D’où l’impor- responsabilité sur le terrain, ainsi qu’à un référent scientifique qui tance de mettre en place une vision claire apporte son expertise et ses conseils. La deuxième phase du travail et des objectifs bien définis. En d’autres a été l’évaluation qualitative de ces collections vivantes. termes, il s’agit de savoir précisément dans quelles directions le Jardin botanique sou- Selon Peter Wyse Jackson, « un jardin botanique est une institution haite développer ses collections vivantes ; qui détient des collections de plantes vivantes documentées pour quelles sont les genres, familles ou thé- la recherche scientifique, la conservation, la diffusion des connais- matiques incontournables qu’il est néces- sances et les expositions »². Nous nous sommes ainsi basés sur saire de favoriser, quelles sont nos forces, quatre grandes valeurs issues directement de nos missions pour mais également où sont nos faiblesses. évaluer nos collections : la valeur patrimoniale, la conservation de Cette analyse qualitative de notre patri- la biodiversité, le rôle éducatif et l’intérêt pour la recherche scien- moine végétal s’appelle une politique de tifique. Ces quatre valeurs institutionnelles sont déclinées en une gestion des collections vivantes. C’est un série de critères qui permettent d’évaluer l’intérêt d’une collection outil essentiel qui permet de rationnaliser donnée. Le temps de travail nécessaire pour entretenir une collec- et valoriser notre travail quotidien. tion a également été pris en compte dans l’analyse. Chaque collec- tion a été ainsi passée au crible, en présence du jardinier respon- La première phase de cette étude consiste sable, du référent scientifique et du Jardinier chef. à faire un état des lieux de l’existant. Le BGCI¹ définit une collection vivante comme La dernière partie du processus est de faire la synthèse des résul- « un groupe de plantes cultivées dans un tats avec la Direction de l’Institution et de prendre des décisions objectif précis, qui peut être géographique, stratégiques en termes de priorités pour l’avenir de notre Jardin taxonomique, thématique ou écologique ». botanique. C’est la suite de ce travail qui nous attend en ce début En suivant ces principes et au regard de d’année anniversaire, de manière à pouvoir présenter pour notre l’ensemble du patrimoine végétal du Jardin, bicentenaire une politique clairement définie de gestion de nos col- nous avons identifié 40 collections prio- lections vivantes ! ritaires qui ont toutes été inventoriées

Massif des Plantes ¹ Botanic Gardens ² Wyse Jackson P. (1999), Experimentation on a Large protégées de Suisse Conservation Scale- An Analysis of the Holdings and Resources of International. Botanic Gardens, BGCI News, vol. 3 (3), Botanic Gardens www.bgci.org Conservation International, U.K.

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 45 Quand l’Europe était tropicale… ou l’aventure de Ramonda & Co.

David Aeschimann Conservateur

Ramonda myconi : Pyrénées et Catalogne

46 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 RECHERCHE

Woodwardia fossile. Gisement : Eriz (BE). Oswald Heer, Flora tertiaria helvetiae (1855-1859). © Bibliothèque des CJBG Ramonda nathaliae : centre des Balkans (surtout Macédoine)

1816 : après plusieurs années passées à mention de la plante dans l’histoire des Ramonda myconi dans les Pyrénées, ainsi Montpellier, Augustin-Pyramus de Candolle sciences et en publie la première gravure. qu’Haberlea rhodopensis, Jancaea heldrei- est de retour à Genève. Dans ses « Mémoires Ce n’est donc que bien plus tard que cette chii, Ramonda nathaliae et Ramonda ser- et souvenirs », le père de la botanique gene- espèce sera classée dans les Gesnériacées. bica dans les Balkans. Ces plantes sont des voise nous dit : « Mon arrivée eut lieu dans témoins de l’Europe tropicale. les premiers jours de septembre 1816. Ce Les Gesnériacées : fut un moment solennel pour moi. Je retrou- vous avez dit tropicales ? A l’heure actuelle, pour se faire une idée de vais ma patrie, mes parents, mes amis d’en- la physionomie de la végétation d’Europe fance, ces mille liens graves ou futiles qui On connaît bien certaines « tropicales centrale il y a 30 millions d’années, il suffit nous rattachent aux lieux où l’on a passé de salon », comme les Saintpaulia origi- de se rendre sur le versant nord (humide) de son enfance ». L’année suivante il fonde le naires de Tanzanie, mais que font alors cinq certaines des îles des Canaries, comme La Jardin botanique, dont les Genevois s’ap- espèces de cette famille en Europe ? La pré- Gomera et La Palma, ou bien à Madère. Dans prêtent à fêter le bicentenaire en 2017. sence de ces plantes au sud du continent le sous-bois de la laurisylve, on rencontre est une longue aventure, qui commence il alors des espèces comme le Woodwardia 1816, c’est aussi l’année au cours de laquelle y a plus de 30 millions d’années ! En effet, radicans, une grande fougère dont la pré- Augustin Pyramus de Candolle formalise l’Europe était tropicale à cette époque sence au nord des Alpes avant les glacia- l’usage du nom d’une grande famille de et l’on considère les Gesnériacées euro- tions est attestée par des fossiles. C’est plantes, les Gesnériacées, en l’honneur du péennes (Ramonda & Co.) comme des ves- notamment le cas dans la région d’Eriz à savant universel zurichois Conrad Gessner tiges de l’ère tertiaire. La physionomie de l’est de Thoune (canton de Berne). (1516-1565), dont nous venons de célé- la végétation d’Europe centrale était alors brer le 500e anniversaire. Les Gesnériacées, souvent celle d’une laurisylve, ou forêt Pour en savoir plus : ce sont plus de 3000 espèces essentielle- aux essences à feuillage persistant, com- ment tropicales. Cependant, cinq représen- portant notamment plusieurs espèces Tropicales de salon, origine et diversité tantes de cette famille sont européennes et d’arbres de la famille des Lauracées. En des Gesnériacées. Série documentaire n° 40 des Conservatoire et Jardin botaniques l’une d’entre elles, Ramonda myconi, avait revanche, dès les dernières périodes du de la Ville de Genève. d’ailleurs été observée à deux reprises Tertiaire, moins chaudes, puis au cours des En vente au Botanic Shop ou à télécharger : par de Candolle lors de son voyage dans glaciations quaternaires, la végétation tro- cjb-geneve.ch les Pyrénées, les 9 et 11 août 1807. Mais picale européenne a reculé, puis disparu. Ramonda myconi est connue des botanistes Les Gesnériacées européennes étaient pro- depuis 1587 déjà, date à laquelle le lyon- bablement nombreuses au Tertiaire, mais nais Jacques Daléchamps fait la première l’on en compte plus que cinq aujourd’hui :

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 47 La taxonomie ou la fabrication d’un dictionnaire

Gabrielle Barriera Adjointe scientifique

Alain Chautems Chercheur associé

La taxonomie permet de nommer, décrire et classer les êtres vivants afin de pouvoir communiquer à leur sujet. De la même manière qu’un dictionnaire, qui définit les mots, est à la base de toute langue, Quel est le nom de ce houx sud-américain ? (spécimen récolté par Hilty, la taxonomie, qui définit les êtres vivants, est à S. n° AX23 en Colombie en 1974 et déposé dans l'herbier du United States National , photo JSTOR) la base de toutes les sciences et domaines touchant au monde du vivant.

Taxonomiste : être remises en cause à tout moment par sont proches. Ce qui permettra de commu- un métier essentiel l’obtention d’un échantillon additionnel niquer sur cet être nouvellement découvert. à la communication divergeant de ceux observés jusqu’alors. Finalement, lorsque le taxonomiste aboutit Les CJBG : Pour un taxonomiste qui travaille générale- à une conclusion assez sûre et bien étayée un environnement ment sur un groupe d’organismes dont il est par les données observées, celle-ci peut de travail privilégié le spécialiste, la principale difficulté est de faire l’objet de publications dans une revue pour les taxonomistes déterminer si les êtres qu’il étudie sont déjà scientifique ou un ouvrage floristique. connus et décrits dans la littérature scien- Les CJBG hébergent tous les outils néces- tifique ou s’il s’agit d’entités encore incon- C’est là qu’il est important de garder à l’es- saires à ce genre d’études comme, par nues. La méthode utilisée consiste () à éta- prit que quelle que soit la décision : nouvelle exemple, de riches collections de plantes blir l’existant puis à le comparer aux êtres espèce pour la science ou non, il s’agit d’une sèches dans son herbier de plus de 6 mil- étudiés afin d’identifier ceux qui sont encore décision prise sur la base de données et lions d’échantillons ou d’ouvrages de bota- inconnus pour la science. En botanique, le d’outils d’analyse disponibles à un moment nique dans sa bibliothèque ; collections matériel étudié provient des collections donné. Cette décision pourra être remise en parmi les plus complètes du genre dans le d’échantillons d’herbier ou de matériel question dans le futur soit par un taxono- monde. C’est donc un lieu idéal pour s’at- vivant observé in situ ou en culture. Toutes miste ne partageant pas la même concep- teler à la taxonomie de groupes de plantes. les caractéristiques possibles sont étu- tion, soit par la découverte de méthodes C’est ainsi qu’à l’heure actuelle plusieurs diées, telles que la morphologie, la chimie d’analyse nouvelles permettant un autre études sont menées par quelques uns de ou, depuis quelques années, la séquence éclairage. En résumé, décrire une nouvelle ses chercheurs dans différentes familles de quelques fragments d’ADN. Compilant espèce pour la science consiste à arrêter le végétales de mousses et de lichens ou de et analysant ces données, le taxonomiste temps afin de permettre de la caractériser plantes à fleurs comme les Aquifoliacées va constamment remettre en question ses en fonction des connaissances du moment. (Amérique tropicale), les Arecacées ou décisions : ce sera un aller-retour continu palmiers (spécialement des Amériques entre le regroupement d’échantillons assez Une fois ceci établi il s’agira, en reprenant le et d’Afrique), les Gesnériacées (Amérique semblables pour être inclus dans un seul parallèle avec le dictionnaire, de baptiser la du Sud), les Pandanacées (monde entier), taxon ou la reconnaissance de plusieurs nouvelle espèce, puis, de la définir en met- les Phellinacées (Nouvelle Calédonie), entités pouvant être reconnues comme des tant en exergue les caractéristiques qui la les Salicacées (Suisse) et les Sapotacées taxons différents. Ces décisions peuvent distinguent des autres êtres vivants qui lui (Afrique avec Madagascar).

48 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 La Flore de Suisse

dans l’ère numérique RECHERCHE

Beat Bäumler Adjoint scientifique

REFERENTIEL Morphologie Ecologie / Habitat / Floraison Répartition géographique Illustrations Standard nomenclatural Botanistes Inventaires/Etudes professionnels (fédéral, cantonal)

Naturalistes Editeurs/Auteurs Grand public Evolution Enseignement

Base de données AVANTAGES nationale Info ora OUTILS Portabilité Recherche Détermination Géolocalisation scientique Observations Connectivité Recherche Prise de vue Filtres Synchronisation Favoris Multi-plateforme Glossaire Multi-langue

Le virage au numérique ne décennies. Entre autres, s’arrêtant pas devant des bases de données, des sciences traditionnelles des systèmes d’information comme la botanique, différents géographique, des sites internet outils permettant de nouvelles et des logiciels pour ordinateurs façons de gérer, d’exploiter et ou, plus récemment, pour de présenter des informations appareils mobiles, font sur le monde des plantes ont aujourd’hui partie de la boîte à vu le jour ces deux dernières outils numérique du botaniste.

Un exemple phare de ces nouveaux outils qui étaient jusqu’à présent impossibles à est sans doute la flore mobile numérique, réaliser ou inaccessibles sur le terrain. présentée ici à l’exemple du Flora Helvetica. Cette application (ou « app », voire « appli »), Les nouveaux outils ou façons d’interagir publiée pour la première fois en 2012, est avec les données sont : des clés de déter- le fruit d’une collaboration entre les CJBG, mination dynamiques (sous forme de clés l’éditeur bernois Haupt, la Haute école du dichotomiques classiques, ou selon une paysage, d’ingénierie et d’architecture de approche multi-accès permettant le choix Genève, le Centre national de données et libre des critères de détermination), un car- d’informations sur la flore de Suisse Info net de terrain permettant la saisie et l’envoi Campanula cenisia L. Flora et les auteurs de l’ouvrage imprimé. d’observations floristiques (pouvant être Col du Nufenen (VS) accompagnées de photos prises avec l’ap- Au-delà de la représentation numérique pareil mobile), une consultation efficace d’un contenu de référentiel traditionnelle- des données à l’aide de filtres et d’algo- ment publié sous forme imprimée, l’appli- rithmes de recherche intégrés, la possibilité cation mobile Flora Helvetica offre à ses de créer des listes d’espèces favorites ainsi utilisateurs différents outils et avantages qu’un glossaire des termes botaniques.

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 49 Salix helvetica Vill. Vallée de Tourtemagne (VS)

Parmi les avantages d’une flore mobile numérique citons : la porta- bilité (poids très réduit par rapport à un ouvrage), la géolocalisation à l’aide du GPS intégré, la connectivité générale (envoi et réception de toute donnée numérique), prises de vue avec la caméra intégrée, la synchronisation de ses données personnelles à travers plusieurs appareils numériques, la disponibilité de l’application pour plu- sieurs plateformes (iOS, Android) et langues (allemand, français), des mises à jour régulières et facilitées par un outil centralisé de gestion des données.

Le contenu de référentiel classique du Flora Helvetica cité ci-dessus comprend : des descriptions morphologiques pour 3297 espèces, 3000 photographies, des informations sur l’écologie ou l’habitat et les mois de floraison des espèces, un standard nomenclatural aussi bien pour les noms scientifiques latins que pour les noms vernaculaires dans les quatre langues nationales et un aperçu de la répartition géographique des espèces sous forme de cartes. Le nouveau module Flora Vegetativa offre, en complément des photo- graphies, des illustrations (dessins au trait) des parties végétatives pour 2300 espèces, démontrant ainsi un avantage supplémentaire du numérique, de pouvoir facilement intégrer dans un outil unique des informations issues de différentes sources existantes.

L’application peut bénéficier d’une interconnexion diversifiée, profitant ainsi de données actuelles et de qualité à travers, par exemple, la recherche scientifique, des retours de botanistes de terrain ou encore des cartes de distribution régulièrement mises à jour par Info Flora. En outre, de par sa conception, son intégra- tion et utilisation dans d’autres stratégies numériques (inventaires, Leucanthemopsis études, enseignement) sont facilitées. alpina (L.) Heywood Val Forno (GR)

50 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 RECHERCHE

Pisum sativum subsp. biflorum (Raf.) Soldano Fully (VS)

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 51 Flore du Maghreb, entre Cloud et collections Cyrille Chatelain historiques Conservateur

52 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 RECHERCHE

Faisant suite à la publication 2000 taxons marocains et 200 de L’Index synonymique de la flore tunisiens. Les nouvelles d’Afrique du Nord en 2013 par technologies numériques offrent Dobignard et Chatelain, un projet des avantages fabuleux comme de flore numérique du Maghreb la réutilisation de documents a été mis en place en colla- existants (OCR) et surtout boration avec les botanistes le partage de données en temps de Tunisie, d’Algérie et du Maroc. réel sur le Cloud avec des collè- Cette flore, qui sera disponible gues étrangers, sans parler sur le web, est basée sur de la possibilité d’insérer les deux volumes de la Nouvelle un grand nombre d’illustrations Flore d’Algérie et des territoires en couleurs, comme des photo- méridionaux de Quézel et Santa graphies et des cartes de distri- de 1963, qui ont été convertis bution. Cette Flore, regroupant en format numérique puis mis à plus de 6400 taxons, sera rapide- jour au niveau nomenclature (vers ment utilisable en l’état online 35-45 % de changements). Plus et pourra être implémentée de 400 taxons présents en Algérie durant les prochaines années ont été ajoutés ainsi qu’environ par les différents intervenants.

Nos témoins les herbiers

« Cette Flore, regroupant La possibilité d’identifier une plante est une chose, la compréhension de l’écologie et de plus de 6400 taxons, sera la répartition des espèces en est une autre : c’est l’élément fondamental pour la conser- rapidement utilisable en vation et la protection des espèces par rap- port à la pression humaine et aux change- l’état online et pourra être ments climatiques. A ce niveau, un grand travail reste à faire sur le pourtour médi- implémentée durant terranéen et en particulier au Maghreb, et, pour cela, il est nécessaire de regrou- les prochaines années par per l’information existante et de réaliser des cartes de répartition des espèces afin les différents intervenants. » d’identifier celles dont la distribution est très réduite, voire exclusivement liée à un milieu. A ce titre, les spécimens d’herbier sont une mine d’informations pour réaliser ces cartes de distribution et ils permettent également la validation des détermina- tions lors de la consultation de ceux-ci. Il faut dire que l’herbier des CJBG abrite une importante collection originaire d’Afrique Limoniastrum feei, Maroc saharien du Nord.

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 53 Euphorbia retusa endémique d'Afrique du Nord « La mise à disposition d’une Flore est l’élément La collection-Nord Africaine indispensable de l’Herbier de Genève

pour l’identification L’herbier abrite probablement entre 30 000-40 000 échantil- lons récoltés au Maghreb, couvrant la totalité des taxons à des espèces… » de très rares exceptions près. Moins riche que l’herbier de Montpellier, mais dans un état d’accessibilité et de conser- vation excellent, il est surtout riche de nombreux échantil- incroyable, d’autant plus si on y ajoute les informations d’autres lons types, en particulier de Desfontaines (600) et pour ses herbiers comme de celui de Rabat ou de Paris, qui contiennent les collections uniques et complètes d’herbiers comme celui récoltes historiques des débuts de l’exploration française, et de d’Auguste Cuénod pour la Tunisie (médecin veveysan, 1868- l’herbier de Montpellier, qui abrite l’ex herbier d’Alger. C’est par le 1954), celui de Jacques Litardière sur l’Afrique du Nord, qui, biais des Herbonautes1 que ces nombreuses données sont saisies outre ses collections personnelles, contient de nombreux par des bénévoles passionnés de sciences ; un projet de science doubles, extrêmement bien conservés, de collecteurs comme participative du Muséum national d’histoire naturelle de Paris et Jahandiez ou Battandier. de Telabotanica2, auquel nous participons. Il faut également mentionner les nombreuses collections réa- Le travail de recherche de coordonnées et localisation des récoltes lisées par Pitard, Cosson, Chevalier, Letourneux ou Ibrahim, d’herbiers est à son début et les premières cartes sont disponibles qui a été le premier collecteur au Maroc sous les ordres de pour les Geraniaceae, Thymelaeaceae et quelques Caryophyllaceae, Cosson, et, bien entendu, un nombre important d’échantil- le reste se faisant petit à petit. Il se dessine ainsi des aires de dis- lons en double de René Maire, auteur le la Flore d’Afrique du tribution intéressantes, mettant en évidence le domaine atlan- Nord (dont seule la moitié a été réalisée). tique avec des espèces se prolongeant sur la Méditerranée, des aires disjointes, des aires montrant l’ampleur de l’endémisme de la Il faut aussi ajouter les collections réalisées en Algérie par des chaîne atlasique, qui mériteraient absolument de nombreuses mis- conservateurs de Genève comme Edmond Boissier en 1849 sions d’inventaires, car de nombreuses espèces ne sont connues (fondateur de l’herbier Boissier), par Bénédict Hochreutiner que par un ou deux échantillons, ce qui n’est pas représentatif. en 1901 (directeur des CJBG de 1906-1943), par John Briquet en 1928 (aussi directeur), puis plus récemment par Daniel Une Flore pour partager Jeanmonod, Fernand Jacquemoud et André Charpin en 1980 et protéger en Algérie et au Maroc en 1995.

La mise à disposition d’une Flore est l’élément indispensable pour On n’oubliera pas de mentionner les nombreux échantillons l’identification des espèces : sans celle-ci aucune politique de marocains récoltés par Alain Dobignard, chercheur associé, conservation ne peut se faire, aucune étude écologique n’est pos- dont une petite partie de ses 15 000 échantillons est dépo- sible pour déterminer les identificateurs que sont finalement les sée à Genève (types). Depuis 2013 nos missions nous ont per- espèces. De plus, le travail en aval qui doit être fourni permet le mis d’apporter de manière régulière environ 500 récoltes/an. développement d’échanges, de formations et de collaborations La consultation de ces échantillons est une ressource scientifiques qui sont essentiels.

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Carte générale de densité de récoltes des Geraniaceae illustrant les zones les mieux prospectées (de plus en plus rouge) et surtout celles qui seraient à inventorier d’avantage. Bénédicte P. G. Hochreutiner récoltes (vers 800), nous n’avons pas eu en Algérie cette chance, arrivant dans un paysage sec et glacé (150 récoltes en 7 jours). De ce En début du 20e siècle, la description des que nous avons pu observer, un grand tra- plantes et des milieux était en plein essor vail d’inventaire reste à faire dans ces mon- et attirait nombre de scientifiques. Avant tagnes encore partiellement préservées. de partir pour Bogor, Hochreutiner effectue Et si à cette époque Hochreutiner y décri- une mission botanique en Oranie entre mai vit deux nouvelles espèces, il est probable, et juin 1901, reliant Alger à Aïn-Sefra dans qu’aujourd’hui encore, à la faveur d’une sai- l’Atlas saharien. son favorable, on puisse en faire autant.

Dans ces notes1 on découvre les méthodes 1 Le Sud Oranais : études floristiques d’échantillonnage de cette époque : et phytogéographiques. Annuaire Conserv. Jardin Bot. Genève VII-VII 1904

« Dans le train, je disposais d’un compar- timent entier et je m’étais installé de telle sorte que je pouvais descendre herboriser à chaque station ; pendant l’intervalle entre les deux gares, je mettais mes spécimens en papier. De cette manière je pus récolter des documents tout le long de la voie, depuis Saida jusqu’à Ain Sefra qui devait être mon centre d’excursion » et plus loin on peut lire, « enfin l’oasis où nous attend l’hospita- lité plantureuse du caïd des Soualas ; aussi après diner faut-il faire la sieste. Voila bien du temps perdu ! Cependant je m’éclipse le plus vite possible pour aller faire une rapide herborisation près de l’oued et sur les rochers déchiquetés qui dominent la petite rivière. »

Après 115 ans, nous avons pu refaire une partie de l’itinéraire d’Hochreutiner jusque dans le Djebel Aïssa, situé dans l’At- las saharien. Si, grâce à une saison plu- vieuse, il avait pu réaliser de nombreuses

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 55 Du séquençage manuel au big data : Mathieu Perret 26 ans de décryptage Conservateur Yamama Naciri de l’ADN végétal Conservatrice   200 200 # #     AA AA             GT TT GT TT   #150 #150   TT TT TT TT     50 50   # #     #100 #100                         T G TA GC C A T G TA GC C A                 #240 #240   TCTTTTTCTT TCTTTTTCTT           #190 #190       CA TC C T TATA CA TC C T TATA   G GC A A T A C T A G GC A A T A C T A         40 40 #140 #140 # # GA GTTA GT TT GA GTTA GT TT                   #90 #90                     A GGGGGCGGA A GGGGGCGGA             #230 #230     ATTCGTCTTT ATTCGTCTTT           AGAAGG AAAGTAAA GG AAAGTAAA       #180 #180 30 30     TA C TA TA A T C TA C TA TA A T C   # #           GCCCCTTTAC GCCCCTTTAC #130 #130             #80 #80         G GC T G GC T                 #270 #270 A T TA GA ATA A A T TA GA ATA A               #220 #220   GAGTTTT T T G GAGTTTT T T G   Sequencher(tm) "damboldtiana_HA.spf" Sequencher(tm) "damboldtiana_HA.spf" TA T TA T GTCA TA T TA T GTCA     {Experimental Data} S_d_04_psbA_2011_11_11 {Experimental Data} S_d_04_psbA_2011_11_11 mercredi, 24. avril 2013 Page 1 of -2 mercredi, 24. avril 2013 Page 1 of -2 20 20   # #         #170 #170         GTTA T T TC T T GTTA T T TC T T                 ATTTTTTATT ATTTTTTATT   #120 #120           #70 #70         C A G T A G GC C G C A G T A G GC C G                 #260 #260 AGTTGTT GAA AGTTGTT GAA   N C T G A TA T A C N C T G A TA T A C     10 10     #210 #210 # # TAAAAAGTCT TAAAAAGTCT         #160 #160             TA AA AA A GCA TA AA AA A GCA AATTTT T TAAAAT TTT T TAAAAT           #60 #60     #110 #110                 TG GATCAA G G TG GATCAA G G                     G T CTTTTCG G T CTTTTCG   #250 #250     1 1 TAATTTAAGA TAATTTAAGA N N     C T T GA T AG AG C T T GA T #     # A TA TA A A C GA C T T T A C GA C T T T A TA TA A    

Chromatogramme d'une séquence d'ADN

56 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 « Le laboratoire de phylogénie RECHERCHE et génétique moléculaire a pour mission d’aider les scientifiques des CJBG à mieux classer les plantes et à comprendre leur évolution. »

Un peu d’histoire technologies de séquençage en masse qui évolutive. Les chercheurs des CJBG ont permettent d’analyser des génomes entiers largement contribué à cet élan en révi- Le laboratoire de biologie moléculaire a sur une puce de 1 cm2. Ces technologies sant la classification de nombreux groupes été créé en 1990 sous l’impulsion du pro- nécessitent des machines coûteuses et de plantes et de lichens (Aquifoliaceae, fesseur Rodolphe Spichiger, directeur des seules les étapes préliminaires sont effec- Arecaceae, Caryophyllaceae, Gesneriaceae, CJBG entre 1987-2006, assisté de Jean- tuées aux CJBG, le séquençage lui-même Orobanchaceae, Parmeliaceae, Rubiaceae, François Manen, biologiste de l’Université, étant confié à des plates-formes univer- Sapotaceae). Les CJBG ont également joué détaché auprès des CJBG et de Philippe sitaires de génomique, partenaires de nos un rôle clé dans la diffusion et l’enseigne- Clerc, chercheur FNRS. D’abord hébergé projets. Pour faire face à l’important travail ment de cette discipline en rédigeant un au sous-sol de la maison des jardiniers, il de bio-informatique que ces technologies livre de synthèse sur la classification des a ensuite déménagé en 1996 à La Console. génèrent, une adjointe scientifique, Camille végétaux, dont la quatrième édition est Au début des années nonante, l’analyse Christe, a été engagée en 2016. parue au début de l’année 2016. de l’ADN connaissait un essor sans pré- cédent du fait de nouvelles technolo- Pourquoi s’intéresser à Diversité génétique gies telles que la multiplication in vitro de l’ADN des plantes ? et codes-barres fragments d’ADN ou leur séquençage*. Malgré l’intérêt que ces techniques pré- Le laboratoire de phylogénie et géné- L’analyse de régions particulièrement sentaient pour mieux comprendre l’évolu- tique moléculaire a pour mission d’aider variables du génome permet d’évaluer la tion des plantes, très peu de jardins bota- les scientifiques des CJBG à mieux clas- diversité génétique des populations d’une niques s’étaient alors dotés d’une telle ser les plantes et à comprendre leur évo- même espèce, ou d’un complexe d’espèces. infrastructure et les CJBG ont été en cela lution. Aujourd’hui, ces activités se basent Ces investigations peuvent, par exemple, des pionniers. Le laboratoire a d’abord été principalement sur l’analyse de séquences expliquer les raisons du déclin d’une dirigé par Jean-François Manen, puis par d’ADN, voire de génomes entiers. Support espèce protégée, inférer les voies géogra- Vincent Savolainen, conservateur (1997- de l’information génétique, les molécules phiques de la colonisation des plantes en 1999), ensuite par Yamama Naciri, chargée d’ADN offrent, en effet, une source quasi fonction des changements climatiques, ou de recherche (1999-2015) et aujourd’hui infinie de caractères permettant aussi délimiter les espèces. Les spécificités des par Mathieu Perret, conservateur (depuis bien de retracer l’histoire du vivant que individus ou des espèces au niveau de leur 2015). Une laborantine à mi-temps, Helène d’identifier les espèces. Trois domaines de ADN rendent également possible leur iden- Geser, a rejoint le laboratoire naissant pour recherche menés dans notre laboratoire ont tification à partir de certaines régions dia- assurer une partie des travaux, puis elle a particulièrement bénéficié de l’introduction gnostiques que l’on appelle codes-barres été remplacée, à son départ à la retraite des méthodes moléculaires. génétiques. fin 2003, par Régine Niba. En 26 ans de vie, notre laboratoire a connu de multiples évo- Classification des plantes Evolution et biogéographie lutions. Le séquençage manuel, qui utilisait des plantes de la radioactivité et nécessitait de multi- La généralisation des techniques de ples précautions, a d’abord été détrôné par séquençage et le développement de Au-delà de leurs impacts sur la classifica- le séquençage automatique basé sur l’utili- méthodes bioinformatiques pour recons- tion et l’identification, les méthodes molé- sation de la fluorescence. Le laboratoire a truire des arbres évolutifs (ou arbres culaires ont aussi contribué à mieux com- fait l’acquisition d’un séquenceur automa- du vivant) sont à la base de la systéma- prendre l’évolution des plantes. Quel est tique en 1997, ce qui a permis de décupler tique moléculaire, véritable révolution l’âge d’une espèce ? Pourquoi certains le nombre de séquences produites, avec dans le domaine de la biologie. En effet, groupes de plantes sont plus divers que une moyenne annuelle de 5400 séquences les méthodes moléculaires permettent d’autres ? Pourquoi certaines régions du sur les 10 dernières années. Entièrement de mieux estimer les liens de parentés globe abritent plus d’espèces que d’autres ? rénové en 2014, le laboratoire continue de entre espèces et de proposer de nouvelles Ces questions fondamentales sont le s’adapter avec l’introduction des nouvelles classifications qui reflètent leur histoire sujet de plusieurs projets centrés sur des

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 57 Ancien laboratoire à l’entresol de La Console

groupes de plantes emblématiques de cer- tains hotspots de biodiversité comme les silènes de Méditerranée, les palmiers et Gesnériacées d’Amérique tropicale ou les Sapotacées de Madagascar. En élucidant les processus à l’origine de la biodiversité, ces études permettent également de guider les efforts dans le domaine de la conserva- tion des espèces et de leurs milieux.

Les défis

A l’heure actuelle, les techniques de séquen- çage, dites de nouvelle génération, nous permettent d’obtenir en quelques jours le génome complet d’une plante. L’application de ces techniques au matériel d’herbier ouvre également de nouvelles perspectives pour une institution, qui comme la nôtre, possède l’une des plus grandes collections botaniques au monde. Ces innovations vont sans aucun doute améliorer fondamentale- ment notre compréhension de la diversité des plantes. Elles constituent également un défi technologique que nous sommes prêts à relever.

* Séquençage : Méthode permettant de décryp- ter la succession des nucléotides (au nombre de quatre, appelés bases et notées A, C, G, T) d’un fragment d’ADN. Nouveau laboratoire inauguré en 2014 au rez-de-chaussée de La Console

58 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 La recherche et les collections, deux compères inséparables aux CJBG

Michelle Price Conservatrice

Planche originale de la mousse Dicranum spurium Hedw. dans l’ouvrage Stirpes crypto- gamicae (Tab. n°30, Vol. 2, 1787) de J. Hedwig

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 59 Préparations microscopiques de diatomées de la collection CJBG

Les collections d’histoire basées sur leurs découvertes scientifiques, en promouvant le trans- naturelle racontent fert de connaissances et en fournissant des opportunités d’ensei- la biodiversité de notre planète gnement, ces institutions garantissent la formation des généra- tions futures de jeunes scientifiques naturalistes. Elles assurent Les collections d’histoire naturelle, telles ainsi une expertise précieuse touchant aux différents aspects de que les herbiers, les collections zoolo- la biodiversité et de sa conservation, ainsi qu’une diffusion des giques, les bibliothèques, les collections connaissances au moyen de publications scientifiques, de livres et vivantes, les banques de graines ou encore de communications diverses. les collections d’ADN, sont au cœur de toutes les institutions de sciences natu- La recherche conduite dans relles (muséums d’histoire naturelle, insti- les musées est cruciale pour tutions scientifiques et jardins botaniques). la compréhension de la biodiversité Ces collections sont le résultat d’un héri- tage historique, culturel et scientifique très Malheureusement, la question de savoir si la recherche doit être riche. Chacune d’entre elles est unique et conduite ou non dans les muséums d’histoire naturelle et les jar- reliée à l’histoire de l’institution qui l’hé- dins botaniques reste récurrente. Le terme « recherche » peut être berge ; elles constituent également une interprété de différentes manières. Ainsi, d’aucuns pensent que la partie essentielle de l’inventaire de la bio- recherche per se ne devrait se faire qu’au sein des universités et diversité de notre planète. La majorité des qu’elle n’a pas sa place dans les institutions muséales. Rien ne sau- activités entreprises dans les institutions rait être plus éloigné de la vérité. Revenons, en effet, à l’une des gardiennes des collections d’histoire natu- définitions premières du terme « recherche » : « l’investigation sys- relle sont relatives à la gestion, la conserva- tématique et l’étude des objets et des sources afin d’établir des tion, l’amélioration, l’utilisation, la compré- faits et d’aboutir à de nouvelles conclusions »*. Dès lors, la descrip- hension et l’enrichissement des collections tion et l’interprétation des espèces, la compréhension, non seule- elles-mêmes. Pourtant, la science est une ment de leurs schémas de distribution passés et présents, mais activité centrale de ces institutions, et les également de leur histoire évolutive, occupe une place centrale collections sont mieux gérées, conservées, dans ce que l’on appelle la « recherche ». améliorées, utilisées, comprises et enri- chies, lorsqu’elles sont directement incor- Au-delà d’une quelconque définition la concernant, la recherche porées à la recherche scientifique. Les acti- conduite par les scientifiques dans les institutions hébergeant vités scientifiques ou de recherche ajoutent des collections est essentielle. Malgré cela, les activités de de la valeur aux collections, augmentant recherche dans les musées passent parfois inaperçues et sont ainsi leur importance en les profilant en souvent sous-évaluées. Pourtant, les données récoltées par les tant que précieux outils d’interprétation scientifiques naturalistes à partir des collections muséales sont permettant la description, la documenta- une source primaire d’information pour pratiquement toutes les tion et la compréhension du monde ani- branches de la science intéressées à la compréhension des orga- mal et végétal qui nous entoure. Les insti- nismes vivants, comme par exemple la définition et le nom des tutions de science naturelle jouent un rôle espèces. La recherche fondamentale basée sur les organismes, sociétal important pour en assurant un conduite aujourd’hui de manière quasi exclusive dans les institu- accès physique et virtuel à leurs collections tions de sciences naturelles, devrait, à notre époque de crise de la et aux nombreux jeux de données qu’elles biodiversité, être considérée comme cruciale, et les scientifiques contiennent. En proposant des expositions travaillant dans ce domaine, vus comme des acteurs principaux.

60 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 « Les activités

de recherche RECHERCHE dans les musées passent parfois inaperçues et sont souvent sous-évaluées. »

Etudes en génétique des populations : récolte de plantes en Suisse avec le Dr Y. Naciri

La recherche recouvre expositions. Etroitement liée aux collec- un grand nombre d’activités tions, il existe encore toute une palette scientifiques d’autres activités scientifiques fournissant des données fondamentales accessibles à Le terme « recherche » – utilisé en relation avec les institutions de toutes et à tous et utilisées comme informa- sciences naturelles – regroupe, en réalité, un large éventail d’acti- tions de base par les autres scientifiques, vités scientifiques, dont plusieurs d’entre elles n’ont pas ou plus les écologistes, les défenseurs de l’envi- leur place au sein des universités. ronnement et autres experts en la matière. Ces activités vont du scannage des objets Au sein des institutions botaniques, elles comprennent les études de sciences naturelles à la numérisation et floristiques (la réalisation de flores, c’est-à-dire la documentation à l’intégration de l’information qui leur est et l’identification des espèces présentes dans une région donnée), liée dans des bases de données (enregis- la taxonomie et la systématique (la description des espèces, leur trement numérique des informations pour nomenclature, leur classification, leurs interrelations et leur évolu- une diffusion à plus grande échelle). tion), la phylogénétique et la génétique des populations (l’analyse de l’ADN des espèces et des populations d’espèces pour élucider Elles comprennent également la mise sur non seulement leur évolution au cours de l’histoire, mais également pied de banques de données de spécimens leurs relations, la structure de leurs populations et leur modèle de et d’images de spécimens (une ressource spéciation), les domaines plus appliqués de l’analyse et de la carto- permettant à une vaste communauté d’uti- graphie de la végétation (qui permettent de comprendre comment lisateurs d’avoir un accès numérique aux les espèces vivent ensemble et comment ces communautés végé- collections ou à leurs archives, par exemple tales se forment et peuvent changer dans le temps, en localisant via les Virtual Herbarium Catalogues ou le les espèces dans le temps et l’espace, à différentes échelles dans Global Biodiversity Information Facility), une région donnée), l’ethnobotanique (qui recense, étudie et forma- ainsi que la création et la maintenance de lise scientifiquement les rapports d’usages que nous entretenons bases de données de référence (comme avec la flore d’une région donnée, à une époque précise), ainsi que celles contenant tous les noms scienti- la modélisation prédictive et les mesures de conservation (mises en fiques disponibles pour un groupe spéci- culture in situ ou ex situ, réintroduction d’espèces, reconstitution fique de plantes ou pour tous les groupes d’habitats, évaluation d’espèces et d’habitats, recommandations de plantes d’une région donnée). Les spé- de conservation, Listes Rouges, etc.). Ces activités de recherche cialistes travaillant au sein des institu- essayent également de mieux comprendre l’histoire des activités tions de sciences naturelles sont souvent botaniques liées aux institutions muséales, telles que l’exploration consultés en tant qu’experts de la biodiver- du développement de la pensée botanique dans le temps, la docu- sité et de la conservation, dans la mesure mentation des communications historiques entre botanistes, ou le où ils sont considérés, par les politiciens suivi des voyages d’exploration historiques en lien avec les collec- et les décideurs politiques, comme étant tions des herbiers. des autorités en la matière. Les institu- tions muséales d’histoire naturelle, en tant L’étude des collections fournit que centres d’excellence en sciences de la des données fondamentales biodiversité, contribuent ainsi à ces diffé- rentes activités et fournissent une exper- Les résultats de la recherche scientifique conduite sur les col- tise de qualité touchant à une grande diver- lections sont diffusés via les publications scientifiques, les sites sité de problématiques locales, régionales, internet, les programmes d’enseignement ou de formation et les nationales ou mondiales.

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 61 « Ces flores comprennent la documentation et l’étude des espèces de plantes ou de champignons qui

poussent dans une région Inventaire des mousses de la Ville de Genève : mousses sur un mur ou un pays donnés. » aux CJBG

La recherche se fait dans Les CJBG possèdent le cadre d’une stratégie des collections d’excellence scientifique institutionnelle Les CJBG ont une tradition botanique vielle Afin de répondre à la problématique de la de 200 ans, basée sur le désir fondamental recherche scientifique aux CJBG, les scien- de comprendre les plantes, de savoir com- tifiques et l’équipe de direction se sont réu- bien d’espèces de plantes et de champi- nis pour développer une stratégie qui défi- gnons vivent à la surface du globe, où ces nira les principes de base de la recherche et organismes poussent, pourquoi ils poussent des activités scientifiques de l’institution. à un certain endroit et pas ailleurs, quel est Cette stratégie pourra être utilisée comme leur parenté et comment ils ont évolué. un outil pour guider le développement de Connus dans le monde entier, l’herbier et la la recherche, des collections et des activi- bibliothèque des CJBG sont utilisés par les tés scientifiques qui leur sont liées pour les scientifiques et les très nombreux visiteurs dix prochaines années. La recherche menée afin d’explorer, décrire, documenter et com- aux CJBG comprend cinq missions (explo- prendre les espèces végétales et fongiques, rer, conserver, rechercher, transmettre et ainsi que les populations et les communau- protéger), concentrées autour de son vaste tés de plantes et de champignons à tra- herbier, sa bibliothèque et ses collections vers le monde. Nos activités recouvrent dif- vivantes. férents domaines et types de recherches impliquant le recours à des techniques et à Trois grands axes ont été identifiés : 1. les des outils appropriés. Fortement associées collections, 2. les compétences des scien- à la richesse de nos colletions, nos activités tifiques, 3. les activités de communication de recherche peuvent être locales (Genève), et de médiation. Cet exercice nous a per- régionales ou nationales (Alpes, Suisse), ou mis d’examiner sous la loupe nos projets de encore internationales (Afrique du Nord et recherche et autres activités scientifiques. de l’Ouest, Amérique du Sud, Brésil, Corse, Nous avons pu ainsi identifier les contribu- Madagascar, Panama, Paraguay, Venezuela, tions scientifiques uniques effectuées par Asie du Sud-Est, etc.). notre institution au niveau local, régional, national et international, et mettre ainsi Deux axes forts des CJBG : en évidence la diversité des compétences les flores et la systématique scientifiques associées à nos projets et à nos activités de recherches. Ce proces- Les CJBG se sont depuis longtemps spécia- sus nous a fourni l’opportunité de passer lisés en floristique, en dirigeant des projets en revue nos forces et nos faiblesses, et de flores ou en contribuant, avec d’autres d’identifier les domaines qui peuvent être institutions, à ces derniers (comme pour les davantage développés, en accord avec la flores de Suisse, des Alpes, de la Corse, du stratégie des musées développée à Genève. Brésil, des Néotropiques et plus récemment

62 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 RECHERCHE

Une exposition sur les collections dans le cadre de « portes ouvertes » pour le public

de l’Afrique du Nord). Ces flores com- Les axes prennent la documentation et l’étude des principaux génèrent espèces de plantes ou de champignons qui des « produits dérivés » poussent dans une région ou un pays don- nés ; ceci dans le but de proposer une étude Les activités liées à notre expertise flo- détaillée sur la biodiversité végétale de la ristique et taxonomique génèrent aussi la région concernée et de donner les moyens production de catalogues d’espèces pour à d’autres scientifiques ou amateurs bota- des groupes d’organismes et des régions nistes d’identifier les plantes et les cham- donnés (par exemple le catalogue mon- pignons rencontrés. Avec l’avènement des dial des espèces du genre Usnea, le cata- technologies numériques, la version élec- logue des lichens de Suisse, le catalogue tronique du Flora Helvetica est un exemple des Gesneriaceae néotropicales et des de l’une de nos récentes innovations. Aquifoliaceae d’Amérique du Sud, l’index des plantes à fleurs d’Afrique tropicale et Liés la découverte et à la description d’es- la contribution au Catalogue of the Vascular pèces de plantes et de champignons, ainsi Plants of Madagascar). qu’à l’élaboration et à la compréhension de leurs relations évolutives, plusieurs scienti- Nos activités produisent également des fiques des CJBG sont des spécialistes dans inventaires botaniques (bryophytes, lichens la taxonomie et la systématique de diffé- et plantes vasculaires du canton et de la Ville rents groupes de ces organismes, comme de Genève), des bases de données interna- par exemple les lichens (révision systé- tionales de référence (Index Hepaticarum, matique du genre Usnea), les bryophytes African Plant Database) ainsi que des cata- (études systématiques des Dicranaceae, logues de certaines collections (types pré- recherches sur les caractéristiques du sents dans l’herbier Hedwig-Schwägrichen, péristome des mousses) et les plantes vas- types de la collection R. Kühner, des col- culaires (études des structures florales et lections d’Emil Hassler et du Paraguay et de la systématique des palmiers du Centre correspondance d’Augustin-Pyramus de et du Sud de l’Amérique et de l’Afrique, spé- Candolle). D’autres scientifiques des CJBG ciation et phylogéographie des silènes dans se concentrent sur l’inventaire et l’analyse le bassin méditerranéen, phylogénie des des communautés de plantes dans des Capurodendron, révision des Sapotaceae de zones géographiques spécifiques (système Madagascar, structure florale, syndromes d’information du Patrimoine Vert, de la forêt de pollinisation, systématique et phylogé- de Beanka, de la montagne d’Ambre et de nie des Gesneriaceae en Amérique du Sud l’Ampasindava-Galoka à Madagascar), ainsi et systématique des Pandanaceae). que sur les modèles de distribution des

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 63 Etudes en taxonomie et systématique : la mousse Dicranum scoparium Hedw. dans le canton de Genève

Etudes en taxonomie et systématique : le genre Usnea (lichens) en Corse

espèces à travers le temps et l’espace, ou à la circonscription et à la définition des moyens alternatifs de communica- encore sur le suivi des changements au sein espèces. A cela, il faut aujourd’hui ajou- tion sont également utilisés, comme les des habitats menacés (MonGE). Les CJBG ter l’extraction de l’ADN des tissus végé- pages internet de notre site web, des ate- ont également des experts dans le domaine taux et fongiques, l’analyse de séquences liers, des conférences ou des réunions de la conservation des plantes et de la réin- d’ADN en utilisant des programmes infor- internationales. troduction des espèces rares ou menacées matiques spécifiques pour établir les sché- à l’échelle locale ou régionale ; espèces qui mas d’évolution, ainsi que les relations Conclusion jouent un rôle important dans le cadre du entre espèces. D’autres logiciels comme suivi et de la préservation de notre biodi- SIG nous permettent de cartographier la La recherche effectuée aux CJBG contri- versité locale. Finalement, notre domaine distribution des espèces ou encore d’analy- bue aux efforts collectifs dont le but est d’expertise s’étend également à l’ethnobo- ser la composition de la végétation en rela- de parvenir à une connaissance approfon- tanique appliquée (Afrique de l’Ouest, les tion avec les facteurs géographiques, topo- die de la biodiversité. Cette ambition est Alpes, Bolivie, Brésil, Paraguay). logiques, climatiques, anthropogéniques, inscrite dans la Convention sur la Diversité etc., sans oublier la comparaison des chan- Biologique (la Global Strategy for Plant Les techniques utilisées pour conduire gements de composition ou de couverture Conservation 2011-2020), ainsi que dans la notre recherche en botanique et en myco- végétales dans le temps, tout ceci dans une Swiss Biodiversity Strategy. La recherche logie sont multiples. Il y a, bien sûr, les région donnée. Nous effectuons également, scientifique aux CJBG constitue également méthodes d’observation et d’illustration des enquêtes ethnobotaniques qualitatives le fondement de nos activités d’enseigne- traditionnelles et des spécimens d’her- et quantitatives. ment, que cela soit à l’université ou ail- bier au moyen de la loupe et du micros- leurs. Elle est la base de nos programmes cope. Nous utilisons également le scan- Au niveau du Jardin, les techniques de éducatifs et de sensibilisation du grand nage et la photographie de l’ensemble ou culture et la multiplication des plantes sont public, ainsi que de nos activités de média- d’une partie des spécimens, afin d’effec- utilisées en vue de leur réintroduction en tion scientifique. Nos collections, ainsi que tuer des études comparatives. Ces données milieu. Les résultats de nos recherches sur nos efforts pour transmettre toutes nos obtenues à partir de l’analyse anatomique le monde végétal et fongique sont diffusés découvertes, s’enrichissent au contact de et morphologique des spécimens, ajou- au moyen de publications, soit par le biais la recherche scientifique sous-jacente. tées aux observations effectuées sur les de nos revues-maison comme Candollea organismes dans leur environnement natu- et Boissiera, ou par le biais d’autres paru- rel, sont ensuite interprétées pour aboutir tions internationales reconnues. Différents *Traduit du Oxford English Dictionary

64 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 Magali Stitelmann Médiatrice scientifique, CJBG

Avec la collaboration de : Arbo-r-essence SCIENTIFIQUE MÉDIATION Adriana Batalha Martin Animatrice plasticienne, MEG Regards de jeunes Denise Wenger Cheffe de l’équipe de la médiation élèves sur les diversités culturelle et scientifique, MEG végétale et culturelle Véronique Casetta Responsable secteur arts visuels menacées primaire SEE, DIP

Médiation culturelle au CJBG avec une classe

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 65 Immersion d'une classe dans le monde de l'Amazonie au MEG, dans le cadre du projet Depuis des années, les murs du passage Une immersion au cœur de la forêt, des col- sous la route qui conduit les visiteurs du lections et des savoirs scientifiques est bord du lac vers la parcelle principale des proposée pour y découvrir, d’une part, les Conservatoire et Jardin botaniques (CJBG) représentations des Indiens d’Amazonie, sont utilisés comme cimaises* pour pré- où chaque être naturel est un être pensant senter différents panneaux en lien avec nos doté d’une âme au même titre que l’humain, activités. Tous les trois ans environ, l’équipe et, d’autre part, l’histoire de la famille des de médiation des CJBG propose un nouveau Gesnériacées, ses particularités et com- sujet, et des enseignants d’arts visuels par- ment l’on étudie les degrés de parenté ticipent avec leurs classes à la création de entre familles et espèces. Deux lunettes nouvelles cimaises. Dans cette optique, ils pour regarder dans la même direction, celle étudient la proposition, explorent les col- d’une construction de sens et d’identité. lections, expérimentent des techniques, puis formulent un projet de réalisation Les conditions offertes par les CJBG dans graphique. le cadre de projets scolaires expliquent probablement le succès rencontré auprès Ainsi, en 2016, treize classes de l’ensei- des enseignant-e-s. Nous avons en effet gnement primaire, menées par leurs ensei- remarqué qu’il est fréquent que certaines gnant-e-s spécialistes en arts visuels, d’entre elles et d’entre eux s’engagent dans se sont immergées dans le monde des de telles collaborations plusieurs fois de musées. L’objectif est d’obtenir des réalisa- suite, sans doute parce que tous y trouvent tions visuelles de grand format à contenus les matériaux nécessaires pour faire vivre culturel et scientifique. Le but sous-jacent une expérience éducative à leurs élèves, est que les enfants s’approprient les savoirs pour s’inspirer et se ressourcer, en lien avec et les questionnements liés aux enjeux des la nature. Tous les partenaires institution- thématiques abordées, par le biais d’une nels acquièrent ainsi une pratique permet- pédagogie décloisonnée et d’une approche tant de travailler ensemble, tout en tenant pluridisciplinaire. Un champ d’expérimen- compte des programmes scolaires, des tation est ainsi offert à ces enseignant-e-s contingences et des attentes des uns et des et à leurs classes sous forme de produc- autres, et cela au bénéfice de tous. tions artistiques présentées en plein air au Nous souhaitons que les messages portés public. La nouveauté consiste cette fois-ci par ces nouvelles cimaises, inaugurées le 6 à le faire par le biais d’une médiation inter- avril 2017, interpellent nombre de nos visi- disciplinaire, telle deux voix tissées pour un teurs et visiteuses. discours commun par deux musées com- plémentaires – le MEG, Musée d’ethnogra- *En muséographie, on appelle cimaise le mur ou phie de Genève, et les CJBG – offrant une le panneau auxquels sont accrochés un cadre ou expérience d’immersion propice à la créati- un tableau. vité des enfants.

66 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 Candice Yvon Adjointe scientifique (Bioscope - Université de Genève)

Sofia Wyler Coordinatrice (SwissBOL - Université de Genève) Médiation scientifique

Patricia Silveira et flore genevoise : SCIENTIFIQUE MÉDIATION Doctorante (Université de Genève) des collèges genevois Louis Nusbaumer Conservateur se mobilisent aux côtés Yamama Naciri des scientifiques Conservatrice

Récolte Rousseau, 2016

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 67 Récolte et identification sur smartphone de Viola reichenbachiana

Récolte autour du collège Sismondi à l’automne 2016 en présence du professeur de biologie, Patrick Charlier

Le recensement de la biodiversité et sa pré- géo-référencement et photographie de l’espèce, chaque élève col- servation sont des enjeux majeurs au 21e lecte et presse un échantillon de la plante sélectionnée. Un frag- siècle. Ils nécessitent une bonne connais- ment de feuille est prélevé et séché pour les analyses ADN. Les sance des espèces et une sensibilisation de élèves effectuent le suivi du séchage de leur échantillon puis le la société pour un engagement efficace. transmettent aux CJBG pour montage sur une planche d’herbier. Les spécimens de ces nouveaux collecteurs rejoignent alors les 6 Les CJBG et le Bioscope (Université de millions d’échantillons de l’herbier, dont certains datent d il y a plus Genève) ont décidé d’aborder ces ques- de 300 ans. tions en développant un projet de science citoyenne, nommé CodeMyPlant, sur l’in- Dans une seconde phase, à partir des fragments de feuilles trans- ventaire génétique de la flore genevoise. mis au laboratoire, l’ADN de chaque échantillon est extrait et deux Depuis le printemps 2016, des dizaines gènes sont séquencés. Après une étape de validation par les scien- de collégiens se sont déjà mobilisés aux tifiques, les différentes informations sont transmises aux bases de côtés des chercheurs du réseau CJBG – données qui servent de référence pour la flore suisse (Info Flora) et Bioscope – SwissBOL pour compléter les pour l’identification génétique des espèces (BOLD - Barcoding Of bases de données de référence de la bio- Life Database et GenBank). Les élèves sont ensuite invités à vérifier diversité nationale et mondiale. En plus de si l’identification moléculaire correspond à l’identification morpho- documenter la diversité biologique du can- logique. Les raisons d’une non-adéquation sont l’occasion de mul- ton, CodeMyPlant vise à déclencher chez tiples questionnements tant sur la difficulté de circonscrire une les participants des questionnements plus espèce que sur les erreurs possibles ou les raisons biologiques qui généraux sur le rôle actuel de la science. peuvent expliquer les échecs (hybridation entre espèces, spécia- C’est d’ailleurs pourquoi des chercheurs en tion récente, etc.). sciences de l’éducation s’intéressent éga- lement au projet et évalueront l’évolution Les collèges genevois participent ainsi à l’implémentation de plu- de la perception des élèves. sieurs banques de données nationales et internationales tout en fournissant des données botaniques et génétiques pour les Accompagnés de leur enseignant en bio- espèces de la flore genevoise. Ces données sont dès lors dispo- logie et de scientifiques, chaque élève nibles pour la communauté scientifique qui peut les utiliser pour est amené à repérer l’une des 1400 des recherches taxonomiques, biogéographiques ou évolutives. espèces de plantes vasculaires du can- Sur la durée du projet (2016-2018), plus de 500 élèves auront ainsi ton encore absente de l’inventaire géné- contribué à la connaissance de la flore genevoise. tique. Après identification, documentation,

68 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 Transmettre nos savoirs : une nouvelle équipe Yamama Naciri MÉDIATION SCIENTIFIQUE MÉDIATION Conservatrice pour de nouveaux défis

L’équipe de médiation regroupe maintenant l’équivalent de 2 postes, et des compétences complémentaires : (de gauche à droite) Magali Stitelmann, Yamama Naciri, Louis Nusbaumer, Cédric Fawer et Mélanie Zogheb

Le souci d’une bonne transmission des dont elle est tout d’abord l’organe de diffu- nouvelle compétence soit ajoutée avec la savoirs scientifiques n’est pas une préoccu- sion, avant de devenir le média privilégié transformation du poste de photographe pation récente aux CJBG. En effet, l’intérêt de la vulgarisation des CJBG. L’AAJB vient en poste de scénographe. Tout au long de pour la médiation scientifique est explicite ainsi prêter main forte aux CJBG avec de ces années, la vulgarisation a tantôt consti- dès 1967 avec l’apparition du terme « vulga- nombreuses visites guidées. L’année sui- tué une entité en soi, tantôt été rattachée risation » au côté des « expositions » dans vante voit l’engagement d’un photographe, à d’autres secteurs. Depuis novembre 2015, le rapport annuel de l’institution. Simone Bernard Renaud, qui nourrira l’iconothèque celle-ci est intégrée à l’unité Systématique Vautier, conservatrice entre 1963 et 1970, des CJBG pendant 34 ans. Sous la direc- et enseignement. Cette réorganisation, s’est illustrée dans cette activité. Adélaïde tion de Rodolphe Spichiger (1986-2006), ainsi que les nouvelles forces allouées, per- Stork, conservatrice entre 1973 et 1999, la médiation se recentre autour des acti- mettent de renforcer la médiation scien- complète régulièrement la série Histoire vités du jardin. Si le lien au public scolaire tifique. D’autant que les défis sont nom- des plantes destinée au public. La relève est est déjà mentionné en 1973, l’attention au breux, entre nouvelles technologies (média ensuite assurée par Marc-André Thiébaud, jeune public se renforce dès 1996. sociaux, blogs) et évolution des modes de conservateur entre 1971 et 2003. Gilbert communication et de partage (sciences Bocquet, directeur des CJBG (1979-1985), Les CJBG profitent en effet de l’année participatives, pages 69-70). L’objectif prin- investit fortement dans la vulgarisation Töpffer pour lancer les Ateliers à la manière cipal de la nouvelle équipe est ainsi de durant son mandat et engage Christoffel- de Töpffer destinés aux enfants entre 8 et rendre nos activités scientifiques encore Frederick Haarman comme chargé de l’in- 12 ans, avec l’aide de bénévoles de l’Univer- plus visibles, tout en expliquant au public formation au public et des animations en sité du 3ème âge autour d’activités ludiques en quoi une recherche active sur la bio- 1980. et scientifiques. Ces ateliers sont rebatisés diversité est essentielle. Il s’agit égale- Ateliers Verts du Jardin botanique en 2003. ment de trouver la meilleure façon de tou- Didier Roguet, alors assistant conservateur, En 2002, et pour la première fois dans le cher de nouveaux publics et d’élargir notre lui succède quatre ans plus tard et reste en service, une médiatrice scientifique, Magali cercle au-delà des convaincus qui nous charge de la médiation jusqu’en 2015 en Stitelmann, est nommée, puis un horticul- connaissent déjà, qui suivent nos exposi- tant que conservateur. La Feuille Verte voit teur-médiateur, Jean-Christophe Lauraux tions et qui participent régulièrement aux le jour en 1981, en même temps que l’Asso- (2004-2005), remplacé depuis par Cédric visites proposées, comme les Variations ciation des Amis du Jardin botanique (AAJB) Fawer. Il faudra attendre 2016 pour qu’une botaniques ou la Visite du jardinier.

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 69 Un outil de gestion opérationnel et décisionnel pour répondre aux nouvelles missions des instituts de botanique

Raoul Palese Cyril Boillat Laetitia Dallinge Conservateur Informaticien de gestion Informaticienne de gestion

Interface de gestion de la nomenclature dans Botalista

Gestion Modules des Flores Gestion des herbiers transversaux

BOTA-FLO Flores BOTA-BIB BOTA-TAX BOTA-HER Bibliographie Taxons Prêts et rangement

BOTA-DOC Documents BOTA-PART BOTA-EXC Images BOTA-NOM Echantillons Achats-Dons- Nomenclature d’herbier Echanges BOTA-PER BOTA-REP Personnes Reportings (autorités, collecteurs, déterminateurs, etc.) BOTA-REC Récoltes BOTA-COR BOTA-MAP Correspondants Spatial BOTA-IS Index seminum BOTA-MOB BOTA-ACQ Mobilité Acquisitions BOTA-CMD Commandes de BOTA-WEB BOTA-COL matériel végétal Diffusion Collections Modules BOTA-BS BOTA-CULT Banque de semences d’administration Cultures

BOTA-USER Gestion des Utilisateurs collections vivantes Modules annexes BOTA-ANI BOTA-VIS BOTA-TIME Parc animalier Visites Heures travaillées

70 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 CONSERVATION

« Botalista sera proposé sous forme de modules interdépendants, chaque module étant en charge de la gestion d’un processus métier particulier. »

Vus souvent par le passé comme le Système d’information botanique de Un concept innovant de simples espaces d’agréments, Genève (SIBG), un outil propre aux CJBG les jardins botaniques sont et répondant à l’ensemble de ses besoins : Botalista prendra en compte l’ensemble aujourd’hui des acteurs clés tant des processus « métiers » liés à la ges- pour la conservation des plantes • la gestion des herbiers (récoltes, tion de collections botaniques : gestion et de leurs ressources génétiques parts, collecteurs, prêts, etc.) des acquisitions (herbiers, semences, que pour l’éducation. Ils sont de plantes vivantes), gestion de la nomencla- ce fait de plus en plus activement • la gestion des collections vivantes ture botanique et de la taxonomie, gestion engagés dans la résolution des (acquisitions, cultures, index des récoltes, suivi des cultures, gestion des défis environnementaux majeurs seminum, banque de semences, etc.) images et des documents, gestion des pro- pour la société. grammes de conservation ex situ et in situ, • la gestion des informations liées à localisation des spécimens cultivés, etc. Partage et diffusion des projets scientifiques tels que des connaissances check-lists, flores, traitements taxo- Botalista sera proposé sous forme de nomiques (nomenclature, synonymie, modules interdépendants, chaque module De par la richesse de leurs collections, les localités, etc.). étant en charge de la gestion d’un pro- Jardins et Conservatoires botaniques se cessus métier particulier : gestion de la doivent aujourd’hui de se doter des outils Du SIBG sont extraites les informations dif- nomenclature, gestion des récoltes, gestion informatiques nécessaires à la gestion, fusées par la grande majorité des bases de des parts, gestion des acquisitions, etc. au partage, à l’interprétation, à la mise en données proposées en ligne par les CJBG5. valeur et à la diffusion de leurs connais- Le développement par modules présente sances. Deux possibilités s’offrent à eux : Le SIBG reposant aujourd’hui sur des tech- les avantages suivants : disposer des ressources nécessaires pour nologies dites « propriétaires » (payantes) développer leur propre système infor- et de plus obsolètes, les CJBG ont décidé • chaque module fait l’objet d’un pro- matique de gestion ou utiliser des appli- de développer un nouvel outil de gestion, cessus de développement qui lui est cations existantes telles que BG-Base1, appelé Botalista, reposant exclusivement propre : organisation d’ateliers pour IrisBG2, Brahms3, toutes payantes. sur des logiciels et technologies libres et identifier les besoins, cahiers des donc gratuits. charges spécifiques à chaque module De l’autonomie au partage et mise en production par module. Une fois opérationnel, Botalista sera alors Cette démarche permet, tant aux Il y a tout juste 20 ans, une collaboratrice déposé dans le monde des logiciels « open développeurs qu’aux utilisateurs, des CJBG publiait son travail de thèse « Un source » et, par conséquent, mis à dis- de se concentrer sur des processus système d’information botanique : contribu- position des instituts de botanique gra- métiers bien circonscrits et d’obte- tion au désenclavement de l’information »4. tuitement. Se constituera ainsi autour de nir ainsi plus rapidement des modules Depuis la publication de cette étude totale- Botalista une communauté d'instituts, qui répondant à l’ensemble des besoins ment innovante dans le monde de la bota- pourront alors partager plus aisément leurs exprimés. De plus, ce processus par- nique (utilisation du concept de bases de données et leurs expériences. ticipe activement à la mise en place données relationnelles dans le but d’intégrer d’une communauté d’utilisateurs différents projets de recherche et de ges- Botalista a d’ores et déjà été cité dans tion des collections au sein d’un même sys- le Manual on Planning, Developing and • mise en production par modules : tème, de manière à partager concepts, don- Managing Botanic Gardens6 édité par appropriation de l’outil par les utilisa- nées, méthodes et applications), les CJBG le Botanic Gardens Conservation Interna- teurs facilitée n’ont cessé de s’investir dans le développe- tional7, organisation faîtière regroupant des ment de ce que nous appelons aujourd’hui Jardins botaniques du monde entier.

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 71 Interface de gestion de la nomenclature dans Botalista

• application facilement évolutive : mises à disposition par la commu- fait que les CJBG accueillent en ses locaux un nouveau module = une nouvelle nauté Botalista. Ainsi, chaque ins- l’ensemble de l’équipe de développement. fonctionnalité titut pourra diffuser de l’informa- tion via son propre site internet alors Botalista pour • application à la demande : installation que sur le site de la communauté les le bicentenaire des CJBG des modules en fonction des besoins internautes auront à disposition un des instituts utilisateurs. point d’accès central à l’ensemble des La présentation officielle de Botalista se informations fournies par les instituts fera lors du 6ème Congrès International des Plus qu’un simple outil utilisant Botalista (p. ex. : connaître Jardins botaniques8, que les CJBG auront de gestion des informations les partenaires cultivant une espèce le plaisir d’accueillir du 26 au 30 juin 2017 particulière) dans le cadre des festivités de leur bicen- Pour répondre à l’ensemble des besoins de tenaire de fondation par Augustin-Pyramus ses utilisateurs et aux missions des insti- Un projet collaboratif de Candolle en 1817. tuts de botanique, Botalista devra égale- ment être à même de garantir le partage et Une étude, réalisée dans le cadre du projet Compte tenu du public visé lors de ce la diffusion des informations, notamment de remplacement de l’outil de gestion des congrès, l’objectif sera de présenter grâce à la mise en place d’une communauté collections du Jardin botanique de la Ville Botalista dans sa version « Gestion des col- Botalista. de Paris, a mis en évidence que les diverses lections vivantes ». Les développements solutions commerciales existantes étaient des modules liés à la gestion des herbiers et • Partage : aujourd’hui, de nombreuses inadéquates et que Botalista couvrira en des projets floristiques, ainsi qu’à la version informations identiques sont saisies grande partie leurs besoins fonctionnels. « mobile » de Botalista viendront ensuite, dans différents instituts (p. ex. : noms Une convention de partenariat entre la Ville avec pour objectif d’offrir l’ensemble des de personnes, noms latins d’espèces, de Paris et la Ville de Genève a ainsi été modules fin 2018. descriptions d’espèces, etc.) ; l’idée signée. sera donc de permettre aux membres Les informations sur l’avancement du pro- de la communauté Botalista de parta- Au-delà de la Ville de Paris, les Jardins bota- jet sont disponibles sur le site des CJBG9. ger entre eux ce type d’informations, niques de Berne et de Bordeaux ont égale- réduisant ainsi l’effort de saisie et la ment manifesté leur intérêt pour ce projet disparité des informations. Au-delà et participent activement à cette « aven- 1 www.bg-base.com 2 du partage de données, il s’agira éga- ture », en apportant un soutien financier www.irisbg.com 3 www.herbaria.plants.ox.ac.uk/bol/brahms/ lement de faire profiter à tous de l’ex- et leur propre expertise, participant ainsi 4 ZELLWEGER, C. (1994). Un système d’information pertise propre à chaque institut directement à l’amélioration des modules botanique : contribution au désenclavement de l’infor- mation. Thèse n° 400 de la Faculté des sciences écono- existants et au développement de nouvelles miques et sociales de l’Université de Genève. 190 pp. 5 • Diffusion : Botalista offrira égale- fonctionnalités. www.ville-ge.ch/cjb/bd.php 6 www.bgci.org/files/Resources/chapter5.pdf - p. 105 ment un module de diffusion destiné 7 www.bgci.org 8 au public, ce module pouvant égale- Pour des questions d’efficience, les parte- www.6gbgc.org 5 www.ville-ge.ch/cjb/modules.php ment s’appuyer sur les informations naires du projet se sont mis d’accord sur le

72 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 La base de données des plantes d’Afrique CONSERVATION ou African Plant Database (APD)

Cyrille Chatelain Martin Callmander Conservateur Conservateur

Euphorbia calyptera des zones sèches d'Afrique du Nord

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 73 Lors de la mise en ligne en 2006 et de divergences taxonomiques d’une base de données présentes entre les ouvrages sur les plantes africaines, et entre les régions africaines ; appelée Plantes à fleurs d’Afrique certaines espèces pouvaient subsaharienne, nous disposions donc apparaître sous deux noms de la première évaluation différents, ou inversement, deux de la richesse floristique de espèces sous le même nom ou à cette partie de l’Afrique. Cette un rang différent (p. ex. espèce base, qui plus tard s’appel- et sous-espèce). Les différents lera simplement African Plant états de connaissance entre Database (APD) 1, était basée les flores anciennes (forcément sur une liste de plantes que nous parfois partielles) et des flores pensions complète et révisée. récentes étaient également Les informations jusqu’alors un frein supplémentaire disponibles s’appuyaient unique- à une synthèse globale, ment sur des évaluations peu motivation première de fiables à cause principalement cette nouvelle base africaine. de problèmes de nomenclature

20 % des taxons connus uniquement et 11 000 pour Madagascar (soit 20 % des quelques sur notre planète recensés 350 000 connus au niveau planétaire). Néanmoins, ce chiffre reste sur le continent africain clairement sous-estimé, car on sait que les scientifiques décrivent encore aujourd’hui quelques 250 espèces nouvelles de plantes par Après dix ans, cette liste a été multipliée an pour l’Afrique et renomment (recombinent) au moins le même par quatre, notamment grâce à de nouvelles nombre chaque année. collaborations avec le Missouri Botanical Garden et M. Alain Dobignard, botaniste Un travail de détective indépendant, qui ont permis l’ajout des colossal plantes d’Afrique du Nord, de Madagascar et des îles périphériques. L’APD compte Le travail continu de nos collègues Jean-Pierre Lebrun et Adélaïde désormais 200 000 noms avec l’addition Stork, qui depuis plus de 40 ans révisent, regroupent et synthé- des conifères et d’une grande partie des tisent la littérature, est le socle de la base donnée. Ils publient fougères. ensuite ces données botaniques sur l’Afrique tropicale, famille après famille, dans la série Tropical African Flowering Plants édi- Depuis 2006, plus de 2500 noms ont été tée par les CJBG et qui sont intégrées à l’APD. Le défi d’envergure ajoutés pour l’Afrique tropicale, dont 66 % de ces deux infatigables chercheurs est de regrouper et examiner sont des synonymes, et 1780 pour l’Afrique l’ensemble des flores d’Afrique, soit plus de 2300 titres et, surtout, australe, dont 34 % sont des synonymes. l’ensemble des publications (plus de 19 000) éditées dans diffé- Aujourd’hui on estime à 67 000 le nombre rents pays et d’en proposer une vision cohérente et la plus homo- de taxons présents sur le continent africain gène possible.

74 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 CONSERVATION

« L’ APD est devenue le référentiel taxonomique utilisé pour toutes les études sur le continent africain. »

Canopée de la forêt ivoirienne du Banco (projet « Rpod » CJBG HEIG -VD)

L’un des défis essentiels de l’APD est la quasi-totalité des publications éditées dans ce domaine, ce qui est mise à jour continue des informations taxo- le cas aux CJBG. Actuellement, ce sont entre 70 et 100 articles par nomiques et nomenclaturales de tous ces an qui sont lus, examinés et intégrés dans la base, pour un total de taxons, car bien entendu toutes les infor- plus de 600 000 liens bibliographiques. mations sur ces espèces ne sont pas encore saisies (ni connues pour certains taxons…). Un outil unique et fondamental A chaque nouvelle publication, les connais- pour la communauté scientifique sances sont remises en doute, à chaque nouvel inventaire publié, les cartes de dis- Au même titre que la base de donées Euro+Med2, qui couvre l’Eu- tribution doivent être mises à jour. Ainsi, rope et la Méditerranée, et que l’Australian Plant Name Index3, nombre d’espèces considérées comme seules bases complètes couvrant tout un continent, l’APD est endémiques ou rares sont identifiées dans devenue le référentiel taxonomique utilisé pour toutes les études d’autres régions et donc perdent leur sta- sur le continent africain. La mise à disposition et l’utilisation d’un tut. Il en va de même pour les espèces intro- consensus commun des noms pour le continent a ainsi intensifié et duites ou naturalisées, parfois oubliées des simplifié les échanges entre les chercheurs et les institutions. Elle inventaires nationaux ou même ignorées. Ce a aussi a été la référence pour de nombreux projets, par exemple travail considérable de détective demande Tela Botanica sur l’Afrique Tropicale4, African Plants a Photo Guide5 un suivi bibliographique de tous les ins- de Frankfurt, la Flore du Maghreb 6, JSTOR Global Plants7 ou encore tants, qui n’est possible à long terme que Pl@ntNet8, et pour de nombreux référentiels d’herbier comme s’il est mené au sein d’une institution dotée Naturalis9 à Leiden qui nous envoie régulièrement des informa- d’une bibliothèque complète recevant la tions, et bien d’autres.

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 75 L’APD n’est pas seulement une base de consultation de noms, mais aussi un outil de recherche pour la biogéographie, Régions couvertes puisqu’il contient des données de distribu- par les flores ; les pays en blanc n’ont actuellement tion des espèces sur tout le continent (plus pas de flore de 900 000 occurrences), références toutes ou une flore partielle validées, contrairement à la plupart des autres sources que l’on retrouve en ligne, permettant des analyses rapides, la créa- Évolution du nombre tion de Listes Rouges, d’aires de distribu- de noms par régions tion, de listes par pays, par régions etc.

Afr. Australe (50% A) 7000 Dans un contexte de changements cli- Madagascar (30% A) matiques, ces données sont d’une impor- 6000 Afr. Nord (47% A) tance cruciale car elles permettent d’ob- 5000 Afr. Tropicale (34% A)

tenir une vision globale de la distribution 4000

d’une espèce, d’un genre voire d’une famille 3000 entière. 2000 noms ajoutés Un appui de 1000 la communauté 0 des botanistes essentiel 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 années A l’avenir, au vu de l’importance que l’APD a pris cette dernière décennie, il faudra Ajout croissant de noms rendre accessible directement les don- dans APD pour les diffé- rentes régions depuis nées de cette base à un ensemble d’experts sa mise en ligne externes, afin qu’ils puissent les cogérer et les valider. Il sera aussi nécessaire de déve- lopper un lien direct et étroit avec les bases de données d’herbiers afin de consolider 1-6 www.cjbg-geneve.ch 2 le référencement. Un tel référentiel pour www.bgbm.org 3 www.anbg.gov.au l’Afrique comme l’est l’International Plant 4 www.tela-botanica.org 5 Names Index à l’échelle mondiale permet www.africanplants.senckenberg.de 7 www.plants.jstor.org aux CJBG de remplir son rôle institutionnel 8 www.plantnet-project.org 9 dans la gestion et la diffusion des connais- www.bioportal.naturalis.nl 10 www.ipni.org sances botaniques.

76 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 CONSERVATION

Quelques exemples de cartes de distribution particulières d’espèces de la famille des Amaranthacées : Cyathula orthacantha (est africaine), Celosia leptostachya (tropicale); Hermbstaedtia odorata (australe)

La taxonomie et l’état des connaissances botaniques

Le principe de la science botanique seule collection correspondait souvent à valeurs de 40 à 60 noms pour un seul taxon. est de publier toute nouvelle décou- une espèce et le deuxième échantillon était Les botanistes ont décrit environ 554 000 verte, toute nouvelle recherche, afin rattaché souvent à un autre nouveau taxon. spécimen types de toute sorte sur le conti- qu’elle puisse être validée ou invalidée Aujourd’hui, avec une prospection et une nent africain, dont 226 000 seraient des par la communauté scientifique. C’est connaissance plus large, les nouvelles col- holotypes, étalon de référence unique à de cette manière que la connaissance lections découvertes montrent qu’il s’agit chaque taxon. Le nombre réel de types est botanique avance. Aussi, la découverte en fait de la variabilité naturelle morpho- probablement bien plus élevé ( +10-20 000) d’une plante était la plupart du temps logique d’une espèce liée, par exemple, à et l’on imagine facilement la nécessité d’or- nommée comme espèce nouvelle, voire son milieu ou à une écologie un peu diffé- donner tout cela. Avec des réseaux rapides comme variété, si elle ressemblait un rente. Ceci n’empêche pas les botanistes de d’échanges d’informations, la possibilité peu à une espèce déjà connue, quitte à découvrir des « vraies » nouvelles espèces offerte par la consultation des spécimens ce qu’elle soit reconnue plus tard comme fréquemment. La connaissance botanique d’herbiers numérisés disponibles en ligne, une espèce à part entière ou considérée est donc dynamique. A l’échelle du conti- le fastidieux travail de « nettoyage », hérité comme un synonyme d’une espèce exis- nent africain, avec des amplitudes éco- des confusions passées afin d’obtenir une tante. Ces principes ont induit la descrip- logiques fortes, le nombre de noms mis vision claire de la diversité botanique réelle tion d’un nombre extraordinaire de noms. en synonymie est considérable, quatre en Afrique est en marche ! Il faut dire qu’une plante connue par une en moyenne, ce qui en nombre atteint des

Quelques chiffres

Le continent africain compte environ 5043 les régions d’Afrique subsaharienne. En « Les botanistes genres. Le plus diversifié est probable- Afrique du Nord, deux genres dépassent les ment le genre Erica (avec 971 spp) que l’on 100 espèces : les genres Silene (140 spp) ont décrit environ connait en Suisse par une espèces emblé- et Centaurea (103 spp) appartenant res- matiques des sous-bois forestiers de nos pectivement aux Caryophyllacées et aux 554 000 spécimens montagnes. Il est pourtant surtout repré- Asteracées, toutes deux très diversifiées au senté en Afrique australe. En Afrique tro- nord du Sahara. A Madagascar, ce sont les types de toute picale, les genres les plus riches sont genres Bulbophyllum (215 spp) et Dombeya Crotalaria (551 spp) et Indigofera (385 (208 spp) qui sont les plus diversifiés, mais sorte sur spp), deux légumineuses des milieux de ce qui reste l’élément le plus particulier de savanes, mais le genre Euphorbia (631 l’île est le taux impressionnant d’espèces le continent spp) est l’un des plus riches dans toutes endémiques. africain… »

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 77 Pl@nt Net8, et pour de nombreux réfé- rentiels d’herbier comme NATURALIS9 à Leiden qui nous envoie régulièrement des informations, et bien d’autres. évolution du nombre de noms par régions L’APD n’est pas seulement une base de consultation de noms, mais aussi un outil de recherche pour la biogéographie, Afr. Australe (50% A) puisqu’il contient7000 des données de distri- bution des espèces sur toutMadagascar le continent (30% A) (plus de 900’000 occurrences), références toutes validées,6000 contrairement Afr. àNord la plupart (47% A) des autres sources que l’on retrouve en ligne, permettant5000 des analysesAfr. Tropicale rapides, (34% A) la création de Listes Rouges, d’aires de « Dans les climats tempérés, distribution,4000 de listes par pays, par régions etc. Dans un contexte de changements clima- contrairement aux zones tropicales, tiques, ces 3000données sont d’une impor- tance cruciale car elles permettent d’ob- la grande majorité des semences tenir une vision2000 globale de la distribution d’une espèce, d’un genre voir d’une famille noms ajoutés de plantes sauvages peut être entière. 1000 Un appui de conservée au froid après dessiccation. » la communauté 0 des botanistes essentiel

A l’avenir, au vu de l’importance que 200 200 200 200 201 201 201 201 201 201 201 l’APD a pris cette dernière décennie,années il faudra rendre accessible directement les données de cette base à un ensemble d’experts externes, afin qu’ils puissent les cogérer et les valider. Il sera aussi nécessaire de développer un lien direct et étroit avec les bases de données d’herbiers afin de consolider le référen- cement. Un tel référentiel pour l’Afrique comme l’est l’International Plant Names Index10 à l’échelle mondiale permet aux de remplir son rôle institutionnel dans la gestion et la diffusion des connaissances botaniques.

78 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 La banque de semences CONSERVATION des CJBG, un outil au service de la conservation de la biodiversité

Catherine Lambelet Moins médiatisée que la sauve- développé, qui définit la conservation ex Conservatrice garde des espèces animales, la situ comme une police d’assurance, une préservation du monde végétal action devenue souvent indispensable pour Florian Mombrial est tout aussi fondamentale : les restaurer, voire réintroduire, des popula- Collaborateur scientifique scientifiques estiment que près tions in situ. Dans un contexte toujours plus d’un tiers des quelques 350 000 difficile, ces deux types de conservation Cédric Fawer plantes vasculaires de la planète sont très régulièrement combinés. Médiateur-horticulteur sont menacées d’extinction complète si rien n’est entrepris Les banques de semences pour les conserver. pour une conservation ex situ à long terme La conservation in situ : une priorité pour Les plus de 2500 jardins botaniques du la conservation monde entier peuvent jouer un rôle impor- tant dans la préservation de la biodiver- La conservation des plantes menacées sité végétale. Ils sont particulièrement bien comprend plusieurs niveaux : préserver les outillés pour participer à la conservation ex milieux naturels et les communautés végé- situ de par leur expertise et leurs infrastruc- tales qui y vivent, conserver les espèces tures. Un outil particulièrement efficace dans leur aire de distribution originelle et de conservation ex situ est le stockage de maintenir la diversité génétique au sein des graines dans une banque de semences. espèces et des populations. Pour enrayer Cette technique a d’abord été largement la perte de la biodiversité végétale, la pre- utilisée pour préserver les plantes cultivées. mière démarche est d’agir in situ, en pré- Depuis une trentaine d’années, on a déve- servant et en gérant les milieux au sein des- loppé également le stockage des plantes quels les plantes vivent et se reproduisent. sauvages, avec un succès croissant.

La conservation ex situ : Dans les climats tempérés, contrairement une police d’assurance aux zones tropicales, la grande majorité des semences de plantes sauvages peut Aujourd’hui, on constate que les éco- être conservée au froid après dessiccation. systèmes se modifient rapidement, que D’après le Botanical Garden Conservation de nombreux habitats se raréfient et se International (BGCI2), 400 jardins bota- retrouvent de plus en plus isolés. En paral- niques dans le monde ont installé des lèle, l’impact des changements climatiques banques de semences pour conserver des augmente sans cesse. Ainsi, les possibilités graines à moyen ou long terme3. Ce déve- de préserver les espèces in situ diminuent, loppement est réjouissant, car la Stratégie voire disparaissent complètement, au sein mondiale pour la conservation des plantes d’espaces toujours plus vastes. Il devient (GSPC4), ratifiée par la Suisse dans le cadre alors nécessaire de recourir à la conserva- de la Convention sur la diversité biologique tion ex situ, qui consiste à conserver pro- (CBD5), recommande la conservation ex visoirement des plantes en dehors de leur situ d’au moins 75 % des espèces mena- Test de germination milieu naturel. Dans la Stratégie euro- cées, préférentiellement dans leur contrée d’un lot de micrope dressé péenne pour la conservation des plantes1, d’origine. Les banques de semences sont (Micropus erectus) un concept de conservation intégrée a été le plus à même d’atteindre rapidement cet

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 79 Tube à essai en pyrex pour le stockage des graines

« Conformément à l’Agenda international des jardins botaniques, auquel les CJBG ont adhéré, les objectifs de récolte sont orientés sur Scellage des tubes à la flamme dans la flore régionale. » la chambre sèche (15 % d’humidité relative)

objectif : elles permettent de stocker à long conservation des graines dans les banques terme la diversité génétique de nombreux de semences européennes, la technique lots, car les échantillons sont de petite retenue est celle de la dessiccation à 15 % taille, demandent peu d’entretien et restent d’humidité relative, suivie d’un stockage viables pour de longues périodes. Il est en à des températures inférieures à 0 °C. Des outre assez facile d’adapter la technique de tests de germination sont également effec- conditionnement aux moyens à disposition. tués sur les lots conservés pour évaluer le taux de semences qui pourront germer lors La banque de semences de la réutilisation des lots. des CJBG : un outil unique en Suisse Conformément à l’Agenda international des jardins botaniques8, auquel les CJBG En Suisse, à notre connaissance, seuls ont adhéré, les objectifs de récolte sont les CJBG ont développé, dès l’an 2000, orientés sur la flore régionale, particulière- une banque de semences de plantes sau- ment le canton de Genève. Le processus de vages selon les standards internationaux, récolte bénéficie d’un soutien de l’État de notamment ceux élaborés par le Millenium Genève, dans le cadre du contrat de presta- Seed Bank (MSB6) à Wakehurst Place et tion du projet de Surveillance de la flore et les Conservatoires botaniques nationaux des milieux naturels (projet MonGE9 ). Des (CBN7) en France. Les techniques actuelles collaborations, au sein de la Coordination privilégient un stockage de longue durée régionale pour la sauvegarde de la flore ou ne nécessitant pas de renouvellement du avec le canton de Zurich par exemple, per- stock de semences par multiplication, un mettent également de récolter des espèces procédé qui est très onéreux. Il est donc dans d’autres régions de Suisse. Un nou- indispensable que la procédure ne soit pas veau projet, Alpine Seed Conservation and interrompue et que les récipients conte- Research Network10, vient de démarrer en nant les graines soient étanches à long 2016 dans le cadre du réseau de banque Lots de semences prêts pour le stockage terme. Nos installations sont adaptées à de semences européennes ENSCONET11. Il au congélateur dans une double enceinte de récipients hermétiquement clos : tubes ces exigences depuis 2008. Parmi les deux est mené par le MSB et rassemble 5 institu- de semences scellés contenus dans un bocal principales techniques utilisées pour la tions de 4 pays alpins (Autriche, France, Italie, de conserve sur un lit de silicagel

80 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 CONSERVATION

Récolte de la centaurée luisante (Centaurea splendens) dans le Locarnese (TI) pour le projet « Alpine Seed Conservation and Research Network »

Suisse). Ce projet vise à la conservation des Plantation à l’Allondon (GE) dans le cadre espèces endémiques ou menacées de l’arc du plan d’action pour l’aïra caryophyllé alpin. (Aira caryophyllea) à Genève (collaboration avec la Direction générale de l’agriculture et de la nature, DGAN) D’après une enquête du BGCI de 2014, seules Nettoyage des semences 29 % des plantes menacées au niveau mon- dans le local de la graineterie dial sont conservées en collection ex situ (banques de semences, cultures ex situ, cultures in vitro, etc.). Aujourd’hui, la banque de semences des CJBG héberge environ 450 L’expertise essentielle espèces menacées soit au niveau national, de nos jardiniers soit au niveau régional, réparties en plus de 1000 récoltes. Cela représente environ 25 % Les activités conservatoires aux CJBG béné- des espèces menacées au niveau suisse et ficient d’une étroite collaboration avec les 50 % pour le canton de Genève. La collec- jardiniers responsables du secteur des tion est dédoublée en deux lieux de stockage Rocailles. Ceux-ci ont consacré une partie des pour plus de sécurité. Une convention avec couches de multiplication à la culture ex situ. 1 www.plantlife.org.uk/publications/a_sustai- Agroscope, site de Changins, a été signée à Ainsi de nombreux lots ont pu être multipliés nable_future_for_europe_the_european_ strategy_for_plant_conser cet effet. Une partie des lots est également pour enrichir la banque de semences ou pour 2 bgci.org conservée au MSB. Cette collection occupe des projets de réintroduction en nature. Au 3 bgci.org/ressources/seedbanks peu de place, mais représente plus de 1 mil- printemps 2016 par exemple, 3000 plantons 4 cbd.int/gspc liard de graines. d’une graminée très menacée à Genève, Aira 5 www.admin.ch/opc/fr/classified-compila- tion/19920136/index.html caryophyllea, ont pu être multipliées à par- 6 kew.org/science-conservation/collections/ En 2017, lors du congrès du BGCI qui se tien- tir du stock conservé au froid et transplan- millennium-seed-bank dra à Genève, les banques de semences tés en nature, dans deux localités différentes. 7 www.fcbn.fr 8 cbd.int/doc/submissions/plt-conserv-in- seront à l’honneur dans le cadre du « Global Plus de 100 accessions ont été ainsi cultivées tern-agenda-fr.pdf seed conservation challenge »12, une initia- depuis les débuts de cette collaboration. Les 9 ville-ge.ch/cjb/cjb/pdf_fv/fv46.pdf tive visant à renforcer l’engagement des jar- jardiniers, qui produisent chaque année un 10 www.alpineseedconservation.eu dins botaniques dans ce domaine et dévelop- Index Seminum13, contribuent aussi au net- 11 ensconet.maich.gr 12 bgci.org/plant-conservation/seedconservation per des réseaux d’échanges d’informations et toyage des lots de graines. 13 ville-ge.ch/cjb/jardin_missions_index.php de ressources.

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 81 La cartographie Pascal Martin des milieux naturels Adjoint Scientifique Nicolas Wyler du canton de Genève Conservateur

Après avoir réalisé en 2010 la cartographie de la mensuration officielle, diffusion, etc.). d’une région prioritaire du Grand Genève1, La version actuelle comprend dorénavant « En analysant les CJBG ont produit, entre octobre 2010 plus de 260 000 objets répartis en 85 caté- et novembre 2011, une carte complète gories d’occupation du sol et permet d’in- finement la carte des milieux naturels du canton de Genève tégrer des cartographies plus détaillées, au 10 000ème. Cette première version est le comme par exemple celles des réserves produite, fruit d’une approche en modélisation / pré- naturelles. Les scientifiques des CJBG et diction / validation de terrain basée sur les de l’Université de Genève utilisent désor- les données excellentes données dont dispose le canton mais cette carte pour produire de nou- de Genève2, particulièrement les photogra- velles informations visant à améliorer notre spatiales phies aériennes et les informations Lidar compréhension du territoire et à appuyer (mesure de la hauteur de la végétation par concrètement les politiques de conserva- deviennent radar aéroporté). tion (services écosystémiques, réseau éco- logique, corridors, etc.). un formidable Ce projet a pu être réalisé grâce à un par- tenariat avec le canton via la Direction Un nouveau programme de 4 ans (2016- outil d’aide Générale de l’Agriculture et de la Nature 2019) sur le suivi de la biodiversité per- (DGAN). La DGAN a en effet la responsabi- mettra entre autres de poursuivre la mise à la décision… » lité de mettre en œuvre toutes les mesures à jour en continu des données, mais éga- pour conserver les milieux et les espèces. lement de les compléter avec la publica- Depuis 2012, les CJBG, avec différents par- tion d’une série de fiches descriptives très tenaires (DMO, SITG, UNIGE), mènent une complètes sur les différentes catégories de politique de mise à jour en continu des don- la carte (description, photos, écologie, phy- nées, afin de les améliorer en d’en faire tosociologie, enjeux de conservation, ges- un outil de suivi et d’analyse de la végéta- tion, espèces emblématiques). A noter que tion. Une carte des milieux naturels com- l’aGlomération genevoise a commencé la plète et actuelle permet en effet de dresser réalisation d’une carte des milieux natu- un état des lieux très précis de l’environne- rels semblable, ce qui permettra à terme ment. En analysant finement la carte pro- de mener des politiques de conserva- duite, les données spatiales deviennent un tion transfrontalières à l’échelle du bassin formidable outil d’aide à la décision et per- Genevois. Cette nouvelle est très réjouis- mettent de mettre en avant les enjeux de sante, car les différents gestionnaires des conservation présents et à venir. espaces naturels auront bientôt une vision complète et homogène des enjeux régio- Entre 2012 et 2015 un premier projet de naux. Les efforts de conservation et de mise suivi de la biodiversité végétale du can- en réseau seront plus pertinents et pour- ton (en partenariat avec la DGAN – voir ront s’intégrer plus en amont dans les choix Carte simplifiée des milieux naturels du canton de article « Un engagement partagé en faveur politiques d’aménagement de notre espace. Genève et exemples d’applications pour les communes de Lancy (corridors biologiques, en orange les zones de la flore » ) a permis d’améliorer les don- d’intérêt et en bleu les corridors potentiels) et Veyrier (valeur des différents éléments forestiers nées(nouvelles catégories, corrections de 1 www.projet-agglo.org pour la connectivité globale, du plus important terrain et de bureau, intégration de données 2 www.sitg.ch en rouge au moins important en vert).

82 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 CONSERVATION

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 83 « Depuis près de 120 ans, les Éditions diffusent et vulgarisent les résultats des chercheurs des CJBG et du monde entier. »

Boissiera 70 publié en octobre 2016 avec le nouveau logo des CJBG / Candollea / Volume 45 de la Flora del Paraguay / Tropical African Flowering Plants, vol 9. Orchidaceae (genera A-G)

84 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 Martin W. Callmander

Conservateur ÉDITIONS

Patrick Bungener Collaborateur scientifique

Cyrille Chatelain Conservateur

Lorenzo Ramella Les Éditions : Conservateur 120 ans d'histoire

La connaissance scientifique des découvertes scientifiques. est basée en grande partie sur La Bibliothèque des CJBG - qui la publication des résultats de inclut une des collections les la recherche dans des pério- plus complètes en matière de diques ou des monographies littérature botanique - a pour afin que ceux-ci soient acces- principe de base, entre autres, sibles validés et reconnus par les d’offrir au public la consultation chercheurs. Les CJBG font partie de nombreuses publications des institutions qui éditent ses scientifiques botaniques issues propres périodiques et mono- du monde entier. graphies servant à la diffusion

Depuis près de 120 ans, les Éditions dif- sé leurs recherches. Citons, pour anec- se consacrent soit à des révisions taxo- fusent et vulgarisent les résultats des cher- dote, le célèbre Jean Piaget qui publiera un nomiques complètes, soit à des recense- cheurs des CJBG et du monde entier. Du article marquant sur les Sedum en 1966. ments de types existants dans les herbiers périodique Candollea aux monographies du Aujourd’hui, Candollea est constitué d’ar- de Genève, soit enfin à des inventaires flo- Boissiera, de la Flora del Paraguay aux publi- ticles concis dont plusieurs sont à la base ristiques, comme par exemple des régions cations hors-série consacrées soit à la flore d’un fascicule. La revue continue à rem- riches en biodiversité et mal connues régionale (Listes Rouges, Atlas de la Flore plir sa mission originelle, soit de trans- (Madagascar, Côte d’Ivoire). du Canton de Genève) soit à la flore afri- mettre les résultats issus de la recherche caine (Tropical African Flowering Plants), les (principalement d’ordre taxonomique et Flora del Paraguay Éditions reflètent la diversité des missions floristique) conduite sur les plantes et les des CJBG et de ses engagements auprès collections d’herbiers. Son impression Le projet de rédaction d’une flore du des scientifiques, du public et potentielle- bisannuelle est aujourd’hui accompagnée Paraguay et de son édition aux CJBG est le ment des décideurs politiques. d’une publication électronique selon le sys- résultat de travaux scientifiques initiés à tème « online first » grâce à notre parte- la fin du 19ème siècle. Il a fallu 30 ans au Dr Les périodiques naire BioOne qui permet de rester compé- Emil Hassler (1864-1937) pour rassembler Candollea et Boissiera titif dans un univers éditorial mondialisé de et étudier la collection la plus importante plus en plus exigeant. de plantes du Paraguay qu’il a déposée en La revue Candollea trouve son origine dans 1919 aux CJBG. A la suite de celà, en 1983, l’Annuaire du Conservatoire et du Jardin Prévu originellement comme un supplément le projet Flora del Paraguay a été conçu botaniques de Genève, initié par le directeur à Candollea, la revue Boissiera, fondée par comme une suite naturelle des travaux du John Briquet en 1897. En 1924, en l’hon- l’ancien directeur Bénédict Hochreutiner, a Dr Hassler pour décrire une flore estimée à neur des quatre générations des botanistes été éditée dès 1936 sous le titre Mémoires quelques 5 000 espèces. Candolle ayant « glorieusement illustré la du Conservatoire de botanique et de l’Insti- science genevoise », Briquet décide de rem- tut de botanique de l’Université de Genève. La publication de Flora del Paraguay s’ef- placer l’Annuaire par un périodique au nom Son premier volume a publié une œuvre fectue par familles : 45 volumes ont été « court, commode et éminemment caracté- posthume de John Briquet. publiés, décrivant environ 1000 espèces. ristique », le Candollea. Depuis Briquet, de L’édition de cette flore est complétée par nombreux rédacteurs se sont succédés à la Actuellement, Boissiera permet de diffu- des articles qui traitent des problèmes de tête de la revue, de Bénédict Hochreutiner ser des travaux importants qui ne trouve- classification et de nomenclature, publiés à Hervé Burdet et plus récemment Patrick raient pas leur place en raison de leur lon- dans Candollea sous le titre : Notulae ad flo- Perret. D’éminents scientifiques y ont diffu- gueur dans Candollea. Ces monographies ram paraquaiensem. Enfin, la Serie especial

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 85 « Depuis 1977, les publications concernant l’Afrique tropicale ont été nombreuses. » « L'Atlas regroupe les données de base pour suivre l’évolution

complète ces publications en traitant de de la flore du canton la botanique au Paraguay sous un plus large aspect que la seule classification des et contribue à la connaissance espèces. de la flore de Suisse. » L’actualisation des collections de cette région d’Amérique du Sud, conservées aux CJBG et dans d’autres musées, est ainsi actuel de conservation des espèces selon accessible pour toute personne ou insti- les critères de l’UICN, ont pour but de mettre tution grâce à l’édition de ces travaux en à disposition des acteurs politiques et des langue espagnole. La rédaction d’une flore gestionnaires dans le domaine de l’environ- est un travail dont la lenteur étonne sou- nement une information essentielle pour la vent : la botanique est une science qui uti- sauvegarde de la flore menacée. Flore en lise toute l’épaisseur du temps, depuis Ville est quant à lui un ouvrage de vulgarisa- son origine avec Linné en 1753. Il y a ainsi tion pour le grand public qui met en valeur une analogie entre le métier de botaniste la diversité des connaissances acquises et celui d’historien que Patrick Boucheron récemment sur la végétation urbaine. définit de cette manière : « [...] lire, lire len- tement, ne pas partir en grandes envo- De l’Enumération des lées mais au contraire ralentir l’allure pour plantes d’Afrique au Tropical laisser faire l’étrangeté des mots, les lais- African Flowering Plants ser installer leur bizarrerie, faire entendre les stridences, apprendre à ne pas d’em- Depuis 1977, les publications concernant blée les identifier et à les reconnaître pour l’Afrique tropicale ont été nombreuses. Mais les neutraliser dans une fausse familiarité c’est dès 1991 avec l’édition des volumes de [...] ». l’Enumération des plantes à fleurs d’Afrique tropicale que ces publications hors-sé- Les publications ries ont commencé à paraître une fois par hors-série: an. Les premiers volumes concernaient la Flore régionale synonymie des plantes à fleurs d’Afrique tropicale (série de 1991 à 1997), et actuel- Principalement consacrées à des inven- lement ils concernent la biologie, l’éco- taires floristiques de la région genevoise, logie et la cartographie. Ces travaux réa- les publications hors-série, dédiées à la lisés par Jean-Pierre Lebrun et Adélaïde flore régionale, se présentent sous diffé- Stork, infatigables chercheurs associés aux rentes formes parce qu’elles s’adressent CJBG, sont intégrés après chaque publica- à un public varié. L’Atlas de la Flore du tion, dans l’African Plant Database pour une Canton de Genève s’adresse aux amateurs large diffusion sur internet. Ils ont engen- curieux et aux botanistes professionnels. Il dré d’autres publications, comme l’Index regroupe les données de base pour suivre synonymique d’Afrique du Nord rendant ces l’évolution de la flore du canton et contri- « hors séries africaines » des incontour- bue à la connaissance de la flore de Suisse. nables pour la botanique de ce continent et reconnus à l’échelle internationale. Les Listes Rouges ainsi que la Liste priori- taire de la flore vasculaire, incluant le statut

86 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 ÉDITIONS

Sélection de diverses publications éditées aux CJBG

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 87 200 ans de vie commune, du cabinet à l’interprétation Didier Roguet de la collection Conservateur

Si l’objet de travail du botaniste systématicien reste espèces ? Nos prédécesseurs avaient-ils imaginés l’échantillon d’herbier, les moyens pour l’aborder que les mêmes feuilles qu’ils observaient sous leur évoluent en permanence. Des échantillons qui loupe seraient cent ans plus tard broyées pour en avaient été étudiés il y a cent ans et plus sont extraire l’ADN ? Tout cela est rendu possible grâce réétudiés, réinterprétés à la lumière d’observations à la longue chaîne des botanistes qui conservent au microscope électronique à balayage, de séquen- depuis 200 ans cette collection d’échantillons d’herbier, çages d’ADN ou de statistiques biométriques. Qui ainsi qu’aux autorités qui ont pris conscience de sa sait quelle méthode sera utilisée demain pour valeur et qui accordent, années après années, les encore mieux cerner notre compréhension des moyens nécessaires à son maintien.

88 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 « … les jardins botaniques sont devenus des lieux patrimoniaux de savoirs et d’échanges pour des villes qui se « multiculturalisent » et pour des citadins en quête de référentiels identitaires ou de réminiscences voyageuses. » ÉVÉNEMENTS COMMUNICATION &

Le rôle du Jardin botanique à la connaissance, à la transmissions des savoirs et à la gestion de la biodiversité Depuis toujours les botanistes se sont naturelle et culturelle au service d’une attachés à faire connaître l’objet de leurs croissance raisonnée, éthique et durable. études. Augustin-Pyramus de Candolle dis- C’est particulièrement vrai dans les pays pensait des cours de botanique à la fois à en voie de développement, où nous avons l’Académie et à la population genevoise développé un programme appliqué cohé- dans la première moitié du 19ème siècle. rent et durable. Le Jardin lui-même était apprécié essen- tiellement comme lieu d’acclimatation de Développement, développement durable, le variétés destinées à nourrir la population. terme est lâché. On ne parle plus que de lui. Rapidement pourtant, il devient un espace S’il est, à notre avis, approprié de le systé- de collection et de présentation de plantes matiser dans les pays du Sud, où nous tra- exotiques. Cette soif de connaissance doit vaillons en collaboration avec de nombreux être mise en forme : c’est le Jardin de la acteurs locaux, il l’est peut-être moins chez Systématique qui présente dans un ordre nous. Une réflexion s’impose en effet sur phylogénique la connaissance des espèces notre mode relationnel avec l’environne- végétales dans le nouvel emplacement de ment au sens large et notre phytosphère en la campagne Revilliod dès 1904, mais c’est particulier. La croissance forcenée induite aussi les Rocailles, fleuron de ce nouveau par le développement, tout « durable » Jardin botanique, qui donnent, sur plus d’un soit-il, est-elle indispensable chez nous ? hectare, des envies d’aventure et d’explora- La question est posée et nous ne possé- tion, grâce à une mise en scène évocatrice. dons pas la réponse. Il nous apparaît sim- plement qu’il serait certainement adé- Lieu de connaissance sur le végétal, le quat de réfléchir sur un mode relationnel à Jardin botanique devient tout naturel- notre environnement moins consommateur lement lieu de sa protection. La prise de et plus équilibré. Une relation, sans fuite conscience par la population de notre envi- en avant permanente, plus proche d’une ronnement, de sa fragilité, de sa diversité, décroissance soutenable que du dévelop- conduit le Jardin botanique à jouer un rôle pement durable prôné par la plupart des clé dans la diffusion de la connaissance économistes. végétale. Car on ne protège bien que ce que l’on connaît. Démocratisation de l’horticulture De collectionneur, l’horticulteur-botaniste et médiation devient médiateur, fier de sa collection, fier de la montrer et chantre d’un Jardin L’horticulture et la connaissance du monde botanique éducatif et interprété qui valo- en général se sont démocratisées ; elles sont rise son travail. Source de connaissances devenues dans le Nord une forme de loi- et de pédagogie environnementales appli- sirs utiles, ludiques et quotidiens pour une quées, ce nouveau Jardin se révèle être un grande partie de la population. La demande acteur central de l’éducation environne- a crû en conséquence et les Jardins bota- mentale ex situ. Au Nord comme au Sud, il niques ont dû répondre à ce nouvel engoue- Exposition REAGIR (2007) est devenu, ces vingt dernières années, une ment. Médiations en tout genre, formations sur le développement durable, plateforme inventive dédiée à la recherche, continues, ateliers et séminaires, toute une en collaboration avec le PNUE

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 89 La Serre temperée, un haut-lieu de l'exposition-promenade « Jardin de maths »

Une politique de vulgarisation

Cette politique « publique », parfois chrono- phage pour les scientifiques et les horticul- Module d'exposition pour comprendre et interagir le diagramme floral teurs, dont la mission principale n’est pas la médiation, permet de mettre en valeur leur travail. Du statut rébarbatif de l’obliga- palette d’activités parabotaniques se sont développées au sein des Jardins botaniques. tion professionnelle, elle est souvent deve- Véritables microcosmes planétaires du monde végétal, ils sont devenus des lieux patrimo- nue source de plaisir. La « chose » vulga- niaux de savoirs et d’échanges pour des villes qui se « multiculturalisent » et pour des cita- risée acquiert petit à petit ses lettres de dins en quête de référentiels identitaires ou de réminiscences voyageuses. La civilisation noblesse et la littérature grise n’est plus des loisirs de plein air est venue s’ajouter fort heureusement à ce phénomène et elle occa- autant rejetée qu’il y a quelques années. Il sionne des fréquentations décuplées des parcs et jardins botaniques. Ces derniers ont dû y a de la bonne et de la mauvaise vulgarisa- s’adapter pour répondre à ce nouveau défi. Accueillir ces nouveaux publics, leur donner à tion, comme c’est le cas pour la recherche voir et à savoir, se « muséographier », sans modifier drastiquement la mission et le travail et ses marqueurs, les publications scien- de l’horticulteur, responsable de collection. Une gageure au demeurant, mais qui semble tifiques. Si John Briquet avait fait un peu néanmoins fonctionner, car nous ne dénombrons, par exemple, que fort peu de dépréda- de vulgarisation botanique en 1904, il y tions intentionnelles et d’incivilités dans notre Jardin botanique. Les propositions muséo- aurait certainement pris un certain plaisir. graphiques et le manque apparent de forces répressives dans nos allées seraient-elles un C’est probablement un des changements facteur positif ? On aurait pu en douter et pourtant. majeurs de ces 100 dernières années, l’ap- propriation par les publics de leur Jardin Nous avons dénombré en juin de cette année et en une après-midi plus de trente classes botanique. Respecté, visité (ne sommes- dans le Jardin botanique, plus de 500 bambins qui s’égayaient aux quatre coins de nos nous pas le 6ème musée visité en Suisse pelouses. Forte pression sur les collections horticoles qui ont néanmoins bien résisté. La avec plus de 300 000 visiteurs par année ?), création d’espaces privilégiés, Les Jardins ethnobotaniques, le Jardin des senteurs et du le Jardin botanique est parfois jalousé, sou- toucher, le carrousel et la place de jeu, y seraient-ils pour quelque chose, canalisant les vent imité et de plus en plus utilisé quand il attentions et les énergies, en polarisant l’attention des enfants et en permettant aux col- s’agit de défendre une Genève verte, géné- lections plus fragiles de souffler un peu ? reuse et multiculturelle.

90 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 ÉVÉNEMENTS COMMUNICATION &

Final de « Rousseau, une promenade » , mise en scène dans le Jardin en 2012

Concert lors d'une fête aux CJBG

Atelier jeune public dans le cadre de l'exposition « Cap au Sud » (2002)

Visite guidée de l'exposition « Jardin de maths » en 2008 Formation continue des enseignants dans les années 1990

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 91 La dune des expositions consacrées aux palmiers (2013-2015)

Montage de l'œuvre « La Coulée » de Bob Verschueren (2013)

Arbre à vœux, en prélude à l'exposition « Plantes & Spiritualités » (2015-2016)

92 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 Quelques années d’interactions avec le public… ÉVÉNEMENTS COMMUNICATION & Didier Roguet Il y a quelque 35 ans, le regretté Professeur Bocquet, nourri Conservateur de ses visites exploratoires dans les jardins botaniques anglo-saxons, initiait l’idée et le concept d’un jardin botanique (CJBG) interactif, attractif et animé, tourné vers la population. Il invitait le public dans ses allées pour faire de la botanique populaire, au sens noble du terme, mais aussi pour admirer une sculpture ou pour écouter un concert de jazz dans un écrin de tulipes.

Une nouvelle vision du Jardin botanique été expositions, concerts, pièces de théâtre, « Nous avons née à Genève, celle du musée vivant de la visites guidées de tous types, application Cité, développant une attractivité pour tous smartphone et blog, espaces interactifs, QR aussi souvent les publics. Le nouveau jardin était sur ses codes, portes ouvertes, nuits des musées rails, il dépassait le concept de la collection ou des sciences, ateliers ludiques ou péda- joué les précurseurs végétale et de simple parc étiqueté pour gogiques, affiches et catalogues d’exposi- entrer dans l’aire de l’institution média- tions, séries éducatives et documentaires, et les modèles trice et productrice de vulgarisation scien- newsletters, autocollants, pin’s et objets tifique, par ses scientifiques, ses horticul- dérivés, guides, œuvres artistiques et ins- pour de nombreux teurs et pour ses publics. Il s’agissait dans tallations, cirque, fêtes, colloques, confé- un premier temps de faire venir aux CJBG rences, congrès, activités et expositions confrères un public plus large que les connaisseurs et extra-muros, marchés, démonstrations, amateurs de diversité botanique organisée cours, etc.. J’en oublie probablement, nos d’autres jardins et interprétée. Il a été question ensuite de aficionados, forts nombreux, ne manque- proposer au public genevois des excursions ront pas de me le rappeler. Il s’agit d’un vrai botaniques. » publiques à la découverte de la richesse inventaire à la Prévert…, mais que de beaux floristique et paysagère du bassin gene- souvenirs pour nous et nos publics ! vois. Ces invitations à la balade floristique, gratuites et novatrices dans le années 80, Nous avons pratiquement toujours été sui- étaient très populaires et pouvaient drainer vis par ces publics. Nous avons aussi sou- plus de 400 personnes au Coin du Salève ou vent joué les précurseurs et les modèles à l’Allondon pour une découverte encadrée pour de nombreux confrères d’autres jar- et guidée de ces sites d’importance inter- dins botaniques. On peut citer parmi les nationale pour la biodiversité. expériences pionnières en Europe conti- nentale : les expositions de plein air et leurs Une mobilisation des forces scientifiques contingences techniques, notre muséolo- de la maison était assurée pour proposer gie permanente d’extérieur et ses vitrines, à un public conquis un éclairage sur leur les solutions innovatrices dans le domaine patrimoine naturel et son indispensable de l’interprétation des collections vivantes protection. Ces visites guidées étaient sou- (visites théâtralisées, tours audio-guidés tenues, intra et extra-muros, par des publi- applications géo-référées, etc.). cations « grand public » largement diffu- sées, les « Séries documentaires », dont Nous n’entrerons pas ici dans un descrip- nous avons presque atteint la quarantaine tif rébarbatif détaillé de ces nombreuses de numéros. expériences de communication scienti- fique et de vulgarisation. Elles ont fait appel Nous avons expérimenté à peu près toutes à beaucoup de collaborateurs de l’institu- les formes de médias durant ces trois décen- tion et de bénévoles (qu’ils en soient tous nies au service du public : publications, ici chaleureusement remerciés), car, sans flyers, plans, vidéo, audio, tour audio-guidé, eux, il eut été fort difficile de proposer une interprétation des collections, enquêtes, vision vulgarisée cohérente aux publics du

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 93 Module interactif du « Botanicum », 1995-2015

La perception sensorielle, une des clés d'accès aux collections du Jardin botanique

Jardin botanique genevois. Nous vous pro- programme annuel des « Variations bota- posons en marge de cette contribution un niques ». Cette dernière formule est un bon choix des plus belles affiches d’expositions exemple d’innovations des CJBG qui a fait des CJBG ces dix dernières années. N’ayant école, celle de la visite guidée « sandwich » à notre disposition aucune salle d’exposi- et de la rencontre avec un spécialiste à la Percevoir et interpréter son environnement tion permettant d’accueillir une exposition mi-journée. Le succès de cette expérience sonore, un module du Botanicum, 1995-2015 d’envergure, avant le modeste Cabinet de est symptomatique de l’engouement de nos curiosités qui occupe maintenant le fond publics pour nos propositions. Une belle de notre boutique, nous avons souvent dû institution mérite un beau public. Notre faire preuve d’ingéniosité pour pouvoir pré- Jardin botanique reste ainsi ouvert, gra- senter au public une interprétation per- tuit et libre d’accès. Malgré quelques déra- formante de nos collections vivantes. Les pages non-citoyens dans nos collections plus beaux exemples d’ expositions que vivantes (vols, cueillette, manque de res- nous avons pu présenter, sont : « La plante pect des consignes), l’institution garde son compagne », « Réagir », « Jardin de maths », cap public. « Rousseau et la botanique », « Edelweiss, mythes et paradoxes » ; « Ambiguë, la rela- Ces deux cents ans d’histoire commune n’y tion plante-insecte », « La trilogie des pal- changeront rien et nous allons continuer à miers », « Plantes et spiritualités » et proposer des activités variées et novatrices « Tropicales de salon », pour ce qui concerne à nos publics, en créant de nouvelles inte- ces dernières années. ractions dans nos collections et en répon- dant avec enthousiasme aux sollicitations Vous trouverez aussi en marge de ces extra-muros de qualité qui nous sont pro- quelques lignes rappelant la doréna- posées par nos multiples partenaires ou vant tradition de médiation scientifique et nos autorités de tutelle. d’animations de l’institution, un choix du

94 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 ÉVÉNEMENTS COMMUNICATION &

Exposition « Cap au sud » dans les serres de Pregny, 2002

Le module sur les écorces du regretté Botanicum, 1995-2015

Le Cabinet de curiosités « Ethnopalmes », 2015-2017

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 95 10 années d’affiches et d’expositions Didier Roguet aux CJBG Conservateur

Cette petite rétrospective raconte 10 années d’exposition et d’événements aux CJBG. Elle matérialise nos choix et nos enthousiasmes, grâce à l’ap- port décisif de notre graphiste Matthieu Berthod et de quelques invités. Le public a toujours répondu présent à ces proposi- tions qui présentent tour à tour des aspects scientifiques de notre institution, mais aussi une lecture ethnobotanique et écolo- gique du monde végétal qui nous occupe et nous entoure.

96 FV N°47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 Conservatoire & Jardin botaniques

MATHS, RYTHMIQUE & MUSIQUE AU JARDIN BOTANIQUE SAMEDI 30 & DIMANCHE 31 Août 2008 Variations ÉVÉNEMENTS COMMUNICATION & botaniques Programme 2009 Les Visites guidées du Jardin botanique

Y Le mardi à 12h30 – Visites gratuites sur inscription au 022 418 5100 ou par e-mail [email protected]

Conservatoire et Jardin botaniques

Variations botaniques Programme 2010 Les Visites guidées du Jardin botanique

Y Le mardi à 12h30 – Visites gratuites sur inscription au 022 418 5100 ou par e-mail [email protected]

Conservatoire et Jardin botaniques

VB11:Mise en page 1 22/03/11 10:17 Page 1

Variations botaniques Programme 2011 Les Visites guidées du Jardin botanique Y

Conservatoire et Jardin botaniques

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N°47 97 www.ville-ge.ch/cjb Une institution Ville de Genève

Les conservatoire & Jardin botaniques présentent Les conservatoire & Jardin botaniques présentent Les conservatoire & Jardin botaniques présentent © M. Berthod – CJB 2012

design graphique m.berthod ©cjb 2014 design graphique Exposition – du 13 octobre 2012 au 13 octobre 2013 design graphique mberthod © cjb 2013 design graphique

conservatoire au Cabinet de C uriosités des Conservatoire et Jardin botaniques – ville de genève et Jardin ExpositionExposition –– du 14 mai au 19 octobre 2014 botaniques entrée par L e botanic shop – nov.-mars: 11h/12h & 13h/17h – avriL - oct.: 11h/12h & 13h/18h30 Exposition-promExposition-promEE nadEE du 21 mai 2013 au 2 mars 2014

UZH

21. Mai –16. Oktober 2011 Botanischer Garten EdElwEiss Aussteller/Exposants � Mythos & Paradox

Botanischer Garten der Universität Zürich ubikon

B EXPOSITION PROMENADE rachtenvereinigung, T chweizerische S

& Conservatoire arballo

C du 25 mai au

estor & Jardin botaniques N

:

Photos Ville de Genève 14 octobre 2012 ExPo EDELWEISS Conservatoire et .ch Jardin botaniques Ville de Genève Visites, animations, ateliers, spectacles – www.ville-ge.ch/cjb EdElwEiss � MythEs & ParadoxEs

19 mai –16 octobre 2011 m. berthod – © cjb 2012 m. berthod

98 FV N°47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 ÉVÉNEMENTS COMMUNICATION &

DU 4 MAI AU 17 OCTOBRE 2010 CONSERVATOIRE ET JARDIN BOTANIQUES - VILLE DE GENÈVE

IN SITU EX SITU

CONSERVATOIRE & JARDIN BOTANIQUES VILLE DE GENÈVE EXPOSITIONS ° EXCURSIONS ° ATELIERS ° VISITES

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N°47 99 Le jardin ethnobotanique comme vecteur privilégié de médiation et d’éducation environnementale, au Jardin botanique de Genève et dans ses projets de coopération (Paraguay, Sénégal, Bolivie, Brésil et Côte d'Ivoire)

Didier Roguet Conservateur

La multiplication, une des clés des jardins ethnobotaniques au Sud

Les jardins ethnobotaniques communautaires de nos projets de coopération au Paraguay (région de San Pedro)

100 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 Les anciennes « Terrasses des officinales et utilitaires » COOPÉRATION & RELATIONS INTERNATIONALES vont devenir les « Jardins ethnobotaniques » des CJBG dès 2017

L’ethnobotanique et sa formalisation sous forme d’espaces jardinés est à la base de nombreuses expériences de médiation aux Conservatoire et Jardin botaniques de la Ville de Genève (CJBG) et dans ses projets de coopération technique avec différents pays du Sud.

Ethnobotanique et Cette prise de conscience est hautement médiation pédagogique, car elle permet d’engendrer une réaction et un changement de compor- Cette histoire commune a commencé il y a tement souvent bénéfique. Nous utilisons une trentaine d’année lors de la mise sur cette modification de comportement quo- pied de l’exposition « Plante compagne », tidiennement dans notre travail de média- sur la base de l’ouvrage original et magistral tion. Cette découverte du végétal utilitaire, de Pierre Lieutaghi, édité à l’époque, par les omniprésent et universel, est fondamentale CJBG en collaboration avec l’Alimentarium dans la prise de conscience du visiteur. Le de Vevey et le Musée d’histoire naturelle végétal change de statut, le bouquet floral de Neuchâtel. Ce compendium d’ethnobo- n’est plus décor, mais acteur de notre sur- tanique régionale interprétée est épuisé vie sur la planète. C’est, en particulier chez sous son édition originale et a été réédité le très jeune public, le moteur d’un change- depuis par Acte Sud, avec toujours autant ment radical de point de vue sur la nature de succès. végétalisée et sur l’environnement en géné- ral. Les graines d’un « conservationisme » Ce texte fondateur et sa matérialisation raisonné sont plantées et le monde des muséographique est un des fils inspirateur plantes semble déjà aller mieux… ? et conducteur de notre politique de média- tion scientifique depuis lors. Cette des- Partant de ce constat et de cet espoir, les cription patrimoniale des rapports hom- CJBG ont développé une politique d’accueil mes-plantes en régions médio-euro- des publics et de médiation basée sur diffé- péennes a débouché sur un constat très rents axes et lieux de travail : clair en matière de pédagogie appliquée à la botanique. On ne protège bien que ce • des espaces de médiation et d’inter- que l’on connaît ou reconnaît comme utile. prétation des collections utilitaires On n’identifie souvent que ce que l’on sait permanents, (nous y reviendrons ou croit utile pour sa petite personne ou ci-dessous) parfois plus altruistement pour les autres. C’est le passage pour une espèce donnée, • des séries de publications (éducatives de la phytodiversité naturelle, notre chère et documentaires) spécialisées et des biodiversité, à la phytodiversité culturelle fiches pédagogiques à l’attention des (celle des usages) qui engendre souvent familles et des enseignants pour cette espèce sa mise sous tutelle, sa conservation ou plus paradoxalement, • des expositions temporaires mettant mais, plus rarement aussi, sa destruction en exergue le rapport homme-plante (surconsommation et récolte non durable). de manière plus ou moins directe,

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 101 Le Jardins des senteurs et du toucher des CJBG, un espace d'interactions sensorielles privilégié avec le monde des plantes utiles

dans un cadre historique et biogéo- des régions médio-européennes. Ces plantes sont classées thé- graphique matiquement en terrasses : médicinales, alimentaires oubliées, ali- mentaires de cueillette, condimentaires, artisanales et pré-indus- • une politique de formation continue trielles (plantes à parfums, plantes à sucres, plantes tinctoriales, (enseignants et médiateurs) basée sur plantes à fibres, mellifères, plantes à huiles, plantes sacrées). Ils la méthodologie décrite s’appuient sur trois ouvrages publiés aux CJBG avec différents éditeurs. Un savant mélange d’ethnobotanique appliquée, d’éducation environnemen- Ces Jardins ethnobotaniques se prolongent dans notre Jardin d’hi- tale et de techniques muséographiques qui ver, sous le vocable « Utiles tropiques », en référence à l’ouvrage de tendent vers les mêmes objectifs : C. Lévy-Strauss « Tristes tropiques ». Véritable conservatoire des plantes utiles des tropiques, qu’elles soient horticoles ou utili- • conserver une diversité végétale, taires, cette serre enchante par son architecture et par les décou- naturelle et culturelle maximum, au vertes que l’on y fait. C’est un espace muséal, qui présente une profit du plus grand nombre centaine d’espèces utilitaires et souvent domestiquées des pays chauds. Différents thèmes sont abordés et interprétés : épices, • gérer ce patrimoine selon les prin- boissons, fruits tropicaux, plantes masticatoires, racines alimen- cipes du développement durable, en taires et fibres ou encore plantes médicinales. Des vitrines mettent particulier dans le Sud, et en évaluant en relation pour nos publics les objets qu’elles contiennent avec pour le Nord un concept de décrois- la thématique du massif considéré. Des dispositifs d’interprétation sance soutenable et confortable. modernes (QR codes, application sur smartphone ou module infor- matique) seront proposés dès 2018 aux visiteurs pour éviter une Espaces privilégiés surcharge informative dans les collections. De nombreux ateliers aux CJBG sont conduits dans cet espace sur des thématiques touchant à la coopération et au commerce équitable. Le Jardin botanique de Genève abrite ainsi plusieurs espaces de contacts et de Par Le Jardin des senteurs et du toucher propose un espace de connaissances ethnobotaniques. Des jar- contact physique avec le monde végétal, le seul du Jardin bota- dins thématiques interprétés (avec diffé- nique. Destiné initialement au monde des aveugles - et malvoyants, rents niveaux de lectures) et des vitrines in ce jardin sensoriel accueille aussi beaucoup de familles et de sco- situ font office de bases muséographiques laires. Les espèces et variétés horticoles présentées ont été choi- à ces présentations, qui sont parmi les lieux sies en collaboration avec les associations concernées et selon les plus appréciés et visités de nos publics leurs critères (reconnaissance et originalité tactiles, molécules (environ 300 000 visiteurs par année aux olfactives, épines même parfois). Ce jardin peut être taxé d’eth- CJBG). Ces Jardins ethnobotaniques sont nobotanique, car il abrite de nombreuses plantes aromatiques et soutenus par différents supports péda- joue sur le rapport sensoriel et parfois sensuel entre le visiteur et gogiques (publications, fiches, etc.), des le monde végétal. Il permet à nos publics, en particulier les plus visites, des ateliers et des cours à l’atten- jeunes, une expérimentation physique de notre rapport au monde tion de publics fort variés (scolaire, familial, végétal, essentielle à une empreinte pédagogique persistante, enseignants, universitaires, guides, etc.) : consacrant le rôle fondamentalement utile, socialisateur et civili- Les nouveaux Jardins ethnobotaniques sateur de la plante. regroupent plus de 500 espèces utilitaires

102 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 COOPÉRATION & RELATIONS INTERNATIONALES

Notre Jardin d'hiver abrite une belle collection ethnobotanique tropicale interprétée

Coopération au Sud autres principaux musées de notre métro- pole internationale (Musée d’art et d’his- Ce modèle pédagogique, faisant appel au toire, Musée d’ethnographie et Museum « Les jardins vecteur ethnobotanique sous forme jar- d’histoire naturelle), bénéficient du cadre dinée, est également très utilisé dans le de ces conventions pour travailler. Le finan- ethnobotaniques, cadre de nos programmes de coopéra- cement de ces programmes est, en très tion technique et éducatifs avec le Sud. grande partie, assuré par le Fonds de soli- collections Il est proposé, à la demande, à nos parte- darité de la Ville de Genève. Cette dernière naires locaux, municipaux et/ou associatifs, ayant signé la Charte d’Aalborg, elle octroie thématiques en marge ou en complément à des projets environ 0,6 % de son PNB annuel (0,7 % de recherches botaniques ou floristiques demandé par la charte) à l’aide au déve- de plantes utiles (flores, inventaires, etc.). loppement. Nous sollicitons annuellement ce Fonds pour un montant global oscillant interprétées, sont Les jardins ethnobotaniques, collections entre 80 000 et 150 000 CHF. Ces deniers thématiques de plantes utiles interprétées, sont répartis entre les différents micro-pro- une constante sont une constante de ces programmes jets présentés ci-dessous, en fonction des de développement appliqué. Ils sont sou- desideratas et des mandats présentés par de ces programmes vent mis en place dans des structures exis- les coordinateurs locaux. Ces six projets tantes (jardins botaniques, parcs, espaces font l’objet, dès cette année, d’une conven- de développement verts), qui bénéficient déjà de compétences tion signée entre les CJBG et le Fonds de horticoles générées et entretenues par les solidarité sur la base d’un plan quadrien- appliqué. » municipalités locales, avec lesquelles la nal. Si un contrôle scientifique, administra- Ville de Genève a souvent signé des conven- tif et technique est effectué par nos soins tions culturelles. depuis Genève, la gestion des projets se fait en autonomie dans les pays hôtes. Les Conservatoire et Jardin botaniques de la Ville de Genève, qui appartiennent au Passons en revue les différents projets Département de la culture et du sport de actuels de ce Programme cadre pour un la Ville de Genève, au même titre que les développement durable au Sud et analysons

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 103 « Ces Jardins sont parcellisés de manière thématique et bénéficient du savoir de botanistes et de guérisseurs locaux. »

Elèves du secondaire travaillant dans le Jardin ethno-médicinal d'Asunción au Paraguay

le rôle des jardins ethnobotaniques dans ledit programme :

- Le Jardin ethno-phytomédicinal EPY d’Asunción, au Paraguay, présente en collection plus de 500 espèces médicinales utilisées dans ce pays d’Amérique du Sud. Il est situé dans le Jardin bota- nique d’Asunción, un jardin historique qui abrite aussi un Centre Formation continue dans le Jardin ethnobotanique de Patino (Paraguay) d’éducation à l’environnement que nous avons installé, il y a plus de 20 ans, avec la Municipalité de la capitale paraguayenne et l’Ambassade de Suisse au Paraguay. Cette collection, unique en - Le Jardin ethno-phytovétérinaire de l’Uni- Amérique du Sud, dans un pays qui utilise encore, à une très large versité de Patos (Paraïba-Brésil) fait partie échelle, les plantes médicinales de cueillette, est très visitée par d’un programme de développement origi- les écoles et le public qui fréquentent le Jardin botanique en fin nal lié à l’usage traditionnel d’une pharma- de semaine. Ce jardin « ethnomédicinal » fait l’objet de beaucoup copée traditionnelle vétérinaire dans le de visites guidées conduites par les collaborateurs du projet EPY Nord-Est brésilien. Le marché local abrite (Etnobotanica paraguaya). Il accueille régulièrement des stages de des stands consacrés uniquement à cette formation professionnelle ciblés : pour des enseignants, des récol- médecine populaire vétérinaire, essentiel- teurs de plantes médicinales, des associations de quartier (jardins lement basée sur l’usage de plantes ou de communautaires), des vendeurs de plantes médicinales, des res- dérivés végétaux. Une étude ethnobota- ponsables de jardins de plantes médicinales pour les associations nique classique a été menée par la Faculté paysannes, etc. Il fonctionne en interaction avec le Centre d’édu- de biologie et de sciences vétérinaires de cation à l’environnement (CEAM) et les services compétents de la l’Université locale de Patos. Elle a débou- municipalité locale. Il est le témoin vivant des connaissances tradi- ché sur la création d’un Jardin ethno-phyto- tionnelles, répertoriées par les enquêtes ethnobotaniques menées vétérinaire de démonstration et de mul- par nos soins sur les marchés d’Asunción, et de leur sauvegarde. Ce tiplication, jumelé à un centre de docu- jardin et sa collection ont été dédoublés, par sécurité, sur le cam- mentation et à un herbier. En parallèle aux pus de l’Université nationale paraguayenne (Faculté de chimie et de enquêtes ethnobotaniques auprès des botanique) et dans le cadre du Jardin éducatif de Patino, au bord du communautés paysannes locales, un pro- lac Ypacaraí. Il est répertorié et référencé sous forme d’herbiers de gramme socio-pédagogique est conduit contrôle et le Centre d’éducation environnementale du Jardin bota- pour faire prendre conscience à ces popu- nique abrite un référentiel documentaire sur ce thème, fonds ali- lations, souvent fort démunies, de la néces- menté par le programme EPY. Un guide scientifique sur les plantes sité de conserver leurs connaissances tra- médicinales paraguayennes, de nombreuses publications éduca- ditionnelles et la biodiversité qui leur est Le puits providentiel du tives et des expositions liées au thème sont proposées par le projet liée. Le projet comme ses alter ego para- Jardin ethnobotanique de Fandène (Sénégal) et et son dépositaire, l’association AEPY, notre partenaire local. guayens et africains a pour ambition, à sa pompe solaire

104 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 Le Jardin ethnobotanique de Hann-Dakar (visite de notre magistrat, Sami Kanaan) COOPÉRATION & RELATIONS INTERNATIONALES

moyen terme, la restitution de données référencées et validées, botaniquement parlant, aux utilisateurs. Une attention particu- lière est accordée, dans le domaine des soins au sens large, à la connaissance des plantes toxiques et aux bonnes pratiques à favo- riser (hygiène, récolte, conservation, conditionnement, conditions de vente). Ce projet, qui a fait l’objet d’une publication vulgari- sée, est dorénavant en mains brésiliennes. Il se développe et sert d’exemple dans d’autres universités vétérinaires de ce pays.

Les Jardins ethnobotaniques du Parc de Hann à Dakar (Sénégal) abritent depuis 18 ans une collection ethnobotanique interpré- tée, consacrée aux espèces utiles du Sénégal et à leur nombreuses plantes de cueillette. Ces Jardins sont parcellisés de manière thé- Les jardiniers du nouveau matique et bénéficient du savoir de botanistes et de guérisseurs Jardin ethnobotanique de locaux. Un nouveau centre d’éducation environnementale a été Fandène (Thiès - Sénégal) construit et inauguré en 2015 à côté des Jardins ethnobotaniques. Un centre de documentation, une connexion Internet et une grande salle de cours ont pu être aménagés. De nombreux écoliers visitent le centre et les jardins en semaine, dans le cadre scolaire et avec leur famille le week-end. Des stages de formation continue pour les enseignants sont mis sur pied périodiquement. Une collaboration active est instituée avec les écoles riveraines et la Commune voi- sine de Hann pour la création de potagers et de vergers d’écoles. Nous bénéficions d’une collaboration efficace avec le Département des Eaux et Forêts du Ministère de l’environnement et l’Ambassade de Suisse au Sénégal. Un deuxième jardin ethnobotanique est en voie d’aménagement en banlieue de Thiès, à la demande du village de Dayanne (Fandène). Ce projet bénéficie de l’expérience du CEEH de Hann-Dakar. Il se situe en zone sahélienne, au sein d’une com- munauté cultivant et travaillant le rônier (Borassus aethiopum) de manière traditionnelle. Volonté des villageois, ce projet, qui voit un jardin émerger du désert, grâce à la réalisation d’un puit, est emblématique de la force de conviction, d’espoir et de partage que représente le végétal utilitaire dans les pays du Sud.

Le Jardin des palmiers du Centre de formation et d’éducation envi- ronnementale aux métiers des palmiers fonctionne à Divo en Côte d’Ivoire Une équipe de scientifiques des CJBG travaille depuis bien- tôt dix ans sous la direction scientifique du Dr Fred Stauffer sur la famille emblématique des palmiers, en particulier en Amérique néo-tropicale et en Afrique de l’Ouest. De nombreuses publica- tions scientifiques et vulgarisées, ainsi que des expositions ont permis de sensibiliser le public genevois à la problématique de la conservation des palmiers. Plusieurs masters universitaires ont été

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 105 « Le jardin ethnobotanique est donc pour les CJBG une des pierres angulaires de son action formatrice, Pressage communautaire de l'huile de palme traditionnelle que nous soutenons (Divo - Côte d'Ivoire) à Genève, comme dans le Sud. »

Pépinière de palmiers (Abidjan - Côte d'Ivoire) Plantation du premier palmier du Centre de formation de Divo (Côte d'Ivoire)

réalisés sur les palmiers utiles d’Afrique de artisanal en quantité suffisante aux des couleurs édaphiques. Ces pagnes sont l’Ouest et de Côte d’Ivoire en particulier. Ils artisans. ensuite découpés et façonnées pour créer ont permis de mettre en évidence le taux de • Ce n’est qu’avec l’application et la des vêtements consacrés aux rituels de menace élevé qui pèse sur la plupart des mise en œuvre de ces mesures que passage de la petite enfance et du pre- palmiers utiles de ce dernier pays (en par- l’on pourra garantir la pérennité de mier âge adulte. Ces vêtements sont très ticulier pour des espèces comme le rotin et ces artisanats traditionnels de haute recherchés et très onéreux de par le nombre le raphia). valeur socio-économique et celle des d’heures considérable qu’ils nécessitent populations sauvages régénérées de pour être confectionnés, mais aussi, proba- Tout le matériel qui alimente l’artisanat du palmiers utiles. blement, à cause de la rareté croissante du rotin et du raphia est en effet intégralement matériel de base utilisé. prélevé en nature sur des peuplements Le projet est basé sur le travail de terrain sauvages, souvent menacés par la défo- de l’Association pour la sauvegarde de la Un des axes de développement du pro- restation, l’urbanisation et les drainages. culture Dida (ARCULDI). Cette ville est une jet pourrait ainsi être de mettre sur pied, La récolte du matériel primaire se fait ainsi municipalité de 100 000 habitants située à en parallèle au projet lui-même, un mas- de plus en plus loin des zones d’utilisation environ 200 km au Nord-Est d’Abidjan, en ter en économie, qui aurait pour vocation artisanale. Côte d’Ivoire. Ce pays meurtri par plus de 10 et objectifs de définir des filières crédibles ans de guerre civile se relève difficilement de commercialisation de l’artisanat produit Afin de contrecarrer cette tendance il faut de ces années de plomb. et de proposer des modèles équitables de prévoir trois types de mesures : négoces autour de ces palmiers à fibres uti- La région de Divo est celle de la culture du litaires ivoiriens. • La mise sous protection des zones de cacao et de l’hévéa (cultures postcoloniales prélèvement (ou le respect des zones s’il en est), ainsi que du palmier à huile, plus Il en va de même pour les rotins africains, déjà protégées) traditionnelle. C’est aussi une région de qui servent à faire des corbeilles, paniers, récolte et d’extraction de fibres de raphia, meubles et autres dérivés tressés de • L’extraction durable de matériel sau- utilisées en particulier par les artisans commercialisation locale. Le matériel de vage en respectant la régénération Dida. Ces fibres, souvent teintées par des base (matière première) vient de plus en naturelle de ces palmiers utiles matières premières naturelles, servent à plus loin et s’achète de plus en plus cher. tisser de manière très traditionnelle, sans L’artisanat du cocotier ivoirien, plus proche • La domestication des espèces de pal- métier à tisser, des pagnes colorés aux des côtes et des plages, est plus dirigé vers miers à rotin et raphia afin de pouvoir, teintes naturelles, allant du noir au beige, un tourisme renaissant maintenant en Côte à moyen terme, fournir du matériel dans une gamme de couleur très proche d’Ivoire. Il produit des objets plus ou moins

106 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 COOPÉRATION & RELATIONS INTERNATIONALES

Les nombreuses publications produites par les CJBG, ici et là-bas, sur la thématique ethnobotanique

élaborés comme des récipients, des bijoux, stockage et de conservation pour répondre développement durable intégré et celle des des statues ou des ustensiles de cuisine. de manière autonome aux fluctuations du valeurs patrimoniales et fédératrices liés Le palmier à huile industriel a été large- marché. Il s’agit de valoriser cette produc- aux phyto-usages traditionnels. Le jardin ment planté en Côte d’Ivoire à partir des tion, en particulier par une labellisation ethnobotanique est donc pour les CJBG une années 60, après déforestation, pour la pro- appropriée, qui répondrait aux critères d’un des pierres angulaires de son action forma- duction d’huile alimentaire. Ces plantations marché qualitatif. Il y a en effet et très clai- trice, à Genève, comme dans le Sud. Nous sont actuellement remplacées par celle de rement deux types d’huiles végétales de sommes intimement persuadés que l’édu- l’hévéa, au demeurant et maintenant plus palmier : une huile industrielle, destructrice cation environnementale, associée à l’eth- rentable. Il reste néanmoins, en particu- de l’environnement, peu respectueuse d’un nobotanique appliquée, favorise, dans un lier dans la région de Divo qui nous occupe, point de vue social, qui est à rejeter et une cadre floristique investigué et maîtrisé, une des plantations familiales qui respectent huile de terroir, produite localement et de intégration patrimoniale des concepts de l’environnement. Les arbres sont espacés manière artisanale, qui est à valoriser. conservation de la phytosphère. Cette poli- et assez âgés ; une biodiversité apparente tique éducative est maintenant largement anime ces plantations. L’huile de ces plan- Conclusions soutenue par des organismes fédérateurs tations est produite de manière artisanale. dans le monde des jardins botaniques, Cette production, ainsi que celle des savons Ces projets de jardins thématiques, basés comme le Botanic Gardens Conservation et des balais dérivés, occupe des groupes sur des enquêtes ethnobotaniques, sont International (BGCI). de femmes dans la campagne environnante souvent associés à un centre d’éduca- de Divo leur fournissant malgré le travail tion ou de formation environnementales Les Conservatoire et Jardin botaniques de harassant de l’extraction, un revenu d’ap- (CEE). Ceux-ci proposent un programme la Ville de Genève en ont été les précurseurs point non négligeable. Ces groupes orga- de médiation intégrée, débouchant sur une il y plus de vingt ans et restent persuadés de nisés produisent une huile de grande qua- mise en valeur patrimoniale des principes la pertinence et de l’actualité, ici et là-bas, lité, bio et organique, sans aucune chimie fondamentaux que défendent les CJBG, des programmes de floristique et d’ethno- de fertilisation ou de traitement. Toutefois, ici et là-bas : la conservation de la nature, botanique appliquées, dont un des fleurons il manque drastiquement de capacité de en particulier végétale, la promotion du est la création de jardins ethnobotaniques.

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 107 « Les CJBG sont depuis le début impliqués dans la nomenclature botanique, l’art de nommer les plantes, puisque c’est en 1867 qu’Alphonse de Candolle proposera à Paris le premier Code de nomencla- ture, l’ouvrage recueillant l’ensemble des règles permettant de donner un nom scientifique aux plantes. »

108 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 Les CJBG Pierre-André Loizeau et les relations Directeur des CJBG Michelle Price internationales Conservatrice

La création de partenariats inter- les attentes et toutes les questions. Une deuxième nationaux entre les institutions tient au fait que ce sont nos institutions qui de sciences naturelles et leur possèdent les spécialistes pouvant répondre aux collaboration dans des efforts grandes questions du moment sur l’environnement.

globaux de compréhension et Par chance, notre époque permet grâce à l’informa- COOPÉRATION & RELATIONS INTERNATIONALES de protection de la biodiversité tique de partager de nombreuses données végétale est importante pour de et d’échanger des informations au niveau mondial, multiples raisons. La première est dans un esprit collaboratif, chacun apportant qu’aucune institution ne peut à sa pierre à l’édifice pour le bien commun elle seule répondre à toutes que constitue le patrimoine végétal.

Les CJBG sont présents dans de nom- 2010, dans la mesure où le deuxième auteur de cet article en a été breuses entités, représentés par le direc- élu présidente pour les périodes 2013-2016 et 2016-2019, diri- teur ou un collaborateur spécialisé dans geant particulièrement la rédaction d’une stratégie de dévelop- un domaine particulier. Il serait fastidieux pement ou d’un code de conduite dans le cadre des contraintes de dresser une liste exhaustive, tant les légales du Protocole de Nagoya (ABS : Access and Benefit Sharing). contacts sont nombreux. Nous aimerions Ce travail a permis à l’association de devenir membre du Forum de cependant présenter ici quelques collabo- consultation ABS de la Commission européenne. rations particulièrement fructueuses. Les CJBG ont été sollicités pour participer au Conseil straté- Dans le domaine des collections vivantes, gique du Botanic Gardens Conservation International (BGCI). Le les CJBG participent aux comités de l’as- BGCI, organe faîtier des Jardins botaniques mondiaux, a pour but sociation suisse des Jardins botaniques, de promouvoir la conservation des plantes dans les Jardins bota- Hortus Botanicus Helveticus, et de l’asso- niques et dans le cadre de projets scientifiques sur le terrain. Il ciation des Jardins botaniques de France est un interlocuteur privilégié du secrétariat de la Convention sur et des pays francophones. Celles-ci orga- la Diversité Biologique (CDB), et est à l’origine notamment de la nisent notamment des ateliers profession- Stratégie Mondiale pour la Conservation des Plantes, adoptée par nels qui permettent à nos collaborateurs la CDB. Cette stratégie guide l’activité de nombreux Jardins bota- de se former, d’échanger et de former leurs niques dans le monde en matière de protection des espèces. L’un collègues. de ses objectifs est la constitution d’une Flore du Monde sur inter- net (WFO : World Flora Online) à l’échéance de 2020. Les CJBG sont En tant que représentant du réseau des un membre très actif du Consortium de la WFO, assurant la co- Jardins botaniques suisses, les CJBG par- présidence de son conseil, et ayant été choisis comme fournisseur ticipent au Consortium des Jardins bota- de l’outil de gestion des noms scientifiques. niques européens, qui a notamment mis en place un système d’échange de plantes Les CJBG sont depuis le début impliqués dans la nomenclature entre Jardins botaniques respectant la botanique, l’art de nommer les plantes, puisque c’est en 1867 qu’Al- législation tout en allégeant la charge phonse de Candolle proposa à Paris le premier Code de nomencla- administrative relative. ture, l’ouvrage recueillant l’ensemble des règles permettant de donner un nom scientifique aux plantes. Ce Code est revu environ En 2007, les CJBG et le Muséum d’histoire tous les 6 ans à l’occasion du Congrès International de Botanique. naturelle de Genève ont formé un consor- Les auteurs de cet article participent à différents comités qui pré- tium genevois leur permettant d’adhérer parent les modifications de ce Code. Les CJBG participeront acti- au Consortium of European Taxoxonomic vement au prochain congrès qui aura lieu en Chine en juillet 2017. Facilities (CETAF). Le CETAF a pour objectif Nous aimerions terminer ce bref aperçu en rappelant que les CJBG de réunir les institutions européennes (60 soutiennent d’autres Jardins botaniques dans le cadre de projets institutions de 20 pays européens) conser- de coopération financés par la Délégation Genève Ville Solidaire. vant des collections de sciences naturelles Actuellement, des projets sont soutenus au Paraguay, au Sénégal, et conduisant des recherches sur celles-ci. en Côte d’Ivoire et au Liban. Les CJBG y jouent un rôle important depuis

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 109 La Société de Physique et d’Histoire Naturelle et les Conservatoire et Jardin botaniques : 200 ans de fructueuse Michel Grenon Président de la Société de Physique collaboration et d'Histoire Naturelle

Pour la Société de Physique et d’Histoire naturelle instaurée par Charlemagne avec le Capitulaire (SPHN) de Genève, la création du Jardin botanique De Villis de 792, mais aussi les plantes régionales en 1817 représente l’aboutissement de près d’un et alpines, puis celles d’autres pays ou continents, quart de siècle d’efforts pour doter notre Ville d’un dans le but de les décrire, connaître leurs exigences site où présenter aux étudiants et au public à la fois en matière de sol et de climat, éventuellement les plantes utiles à la pharmacie, à la médecine et à les acclimater pour décorer parcs et jardins. l’assaisonnement des mets, dans la grande tradition

Les Sciences à Genève de la paléontologie (les frères Deluc), des 1791, à l’instigation de H.-A. Gosse, H.-B. au XVIIIe siècle roches et minéraux (Saussure et Necker de de Saussure et J.-P. Vaucher, a considé- Saussure), de l’entomologie (Jurine père), rablement changé l’approche et les buts Au XVIIIe s., Genève était encore une de la botanique (Jurine fils, J. Necker) , et de la recherche naturaliste à Genève : elle République au territoire éclaté entre une à les présenter dans des cabinets privés, marque le début des recherches coordon- ville enserrée dans ses murailles et une montrés aux visiteurs de marque. nées. Il est notamment décidé de procéder demi-douzaine de territoires dédiés à l’éle- à un inventaire de l’ensemble des produc- vage, la vigne, ainsi qu'aux cultures céréa- L’un des plus anciens et plus célèbres, tions de la Nature, vivantes et inanimées, lières et maraîchères, sur des sols encore celui des Deluc, a été ouvert en 1772 et de présenter l’ensemble des collections pauvres. Le souci principal des natura- déjà. En matière de botanique, l’explora- dans un lieu accessible à la fois au public listes genevois – souvent eux-mêmes pro- tion des Alpes centrales et occidentales et aux savants de passage, en fait dans un priétaires fonciers – était alors de nourrir et de leurs piémonts était déjà très avan- futur Muséum. On se propose également la population en améliorant la qualité des cée dès les années 1770. La grande flore d’observer tous les phénomènes naturels terres par l’assolement et l’irrigation, et de Haller Historia stirpium indigenarum dans le territoire de la Ville et ses envi- la productivité par les engrais, la connais- inchoata avait paru en 1768. Elle incluait rons, qu’ils soient météorologiques, hydro- sance du climat et la sélection des variétés les observations de H.-B. de Saussure, col- logiques, sismiques ou autres. Pour étu- les mieux adaptées aux conditions locales. lectées durant ses premiers voyages dans dier l’histoire de la Terre, en particulier la les Alpes en 1761-62. La Flore du Piémont, formation et l’érosion des chaînes de mon- Dans la République de Genève, les sur- publiée par Allioni en 1785, couvrait tout tagnes, les mouvements des glaciers, les faces laissées à l’état naturel étaient le territoire de la Lombardie à la Ligurie, propriétés de l’atmosphère ou la distribu- rares : fossés en partie inondables, bas- Savoie incluse. La flore du Jura et du pays tion en altitude des espèces vivantes, il fal- tions et murailles, grèves du lac, glariers de de Gex était traitée dans la Flore française lait un espace plus diversifié en altitude Plainpalais, berges du Rhône, Vallon de l’Al- de Lamarck (première édition en 1778). et en substrat géologique que les basses london… Les amateurs de botanique et de dans ce contexte rédiger une flore de la terres de la République. La zone d’explora- géologie devaient se rabattre sur les ter- République de Genève n’était pas une prio- tion adéquate est vaste : soit 12 à 15 lieues ritoires voisin, de France, du Royaume de rité. Si les thèmes de recherche naturaliste (53 à 67 km) autour de Genève. Elle englobe Piémont-Sardaigne, des colonies de LL. relevaient du libre choix des individus, les le territoire compris entre la chaîne du Jura EE. de Berne ou du Valais. Les chaînons du domaines d’exploration étaient limités par Sud, le massif du Mont-Blanc et la fron- Jura occidental et, plus proche, le Salève leur état de fortune et de santé. La piètre tière avec le Valais (les incursions dans ce tenaient lieu de jardin botanique natu- santé d’un Charles Bonnet ou Jean Senebier canton seront fréquentes). Elle coïncide rel pour les excursions des étudiants en par exemple, les a contraints à des travaux assez exactement avec le territoire du futur médecine. en laboratoire plutôt que sur le terrain. Département du Léman sous l’occupation française. Dès 1740 environ, les Genevois ont com- La fondation de la SPHN mencé à constituer des collections natu- Les inventaires seront entrepris dans ralistes entre autres dans les domaines La fondation de la SPHN en septembre les domaines de la géologie (minéralogie,

110 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 PARTENAIRES CJBG PARTENAIRES

Le flanc Sud-Est des fortifications de Genève avec l’ancien Jardin botanique de la SPHN (en jaune), le nouveau Jardin botanique de 1817 au centre, et le Conservatoire à gauche (en orangé) (Carte de Briquet et Dubois, 1830)

paléontologie), de la botanique, de l’ento- véritable jardin botanique dans les fos- mologie, de l’ornithologie, de l’ichtyologie, sés, entre les bastions du Cendrier et de etc. Pour un cercle initial de 12 membres Cornavin, dédié à des recherches agrono- de la SPHN (22 en 1803), la tâche était miques et à l’acclimatation des plantes très ambitieuse. En botanique, les progrès utiles. ont été lents : I.-L. Gaudy, propriétaire d’un Jardin botanique à Confignon, présentera Des agronomes renommés étant déjà actifs un Abrégé de la flore genevoise en 1792. à Genève, avec des terrains bien mieux La constitution d’un herbier de la Société orientés et surtout plus vastes, le projet sera votée en 1794. Afin de constituer un tourna court. Un nouveau projet de Gosse premier fonds, Jurine offre son herbier en 1792 ne sera pas réalisé à cause de la de 1300 plantes des environs de Genève, Révolution, les autorités ayant été chas- reclassées par Gosse selon la méthode sées avant d’avoir pris une décision. La dis- de Linné. Le catalogue des plantes crois- ponibilité du bastion de St-Léger – dit le sant spontanément autour de Genève, Cavalier – fut accordée à la SPHN en 1793, avec leur lieu de récolte et la description en contrepartie d’un cours public de bota- d’éventuelles espèces nouvelles, ne paraî- nique, qui y serait dispensé par J.-P. Vaucher tra jamais (les plantes rares des zones fron- (l’un des premiers auditeurs fut A.-P. de talières seront incluses dans la réédition de Candolle, alors âgé de 16 ans).Le terrain fut la Flore Helvétique de Haller, en 1795). En aménagé par Gosse et Vaucher, les plates- effet, A.-P. de Candolle, reçu membre de la bandes remplaçant les arbres. Un petit SPHN en mai 1798, va s’attaquer à la réé- local fut aménagé en salle de cours. Les Avis aux Compatriotes sur la culture dition de la Flore française de Lamarck dès frais d’installation seront couverts par un des pommes de terre (7 pp., Chez Bonnant à Genève). la fin de 1804. L’inventaire botanique fran- legs (partiel) de Ch. Bonnet et par un don de çais s’étendra alors aux territoires annexés, la Société d’Histoire naturelle de Paris. La dont celui du Département du Léman, avec surface du jardin n’excédant pas ~1200 m2, des pommes de terre à Genève. Depuis Genève comme préfecture. La flore des la priorité sera décembre 1798, le petit Observatoire environs de Genève sera de ce fait incluse météorologique de F.-G. Maurice, à dans l’édition de la Flore de France de juil- ... de réunir le plus grand nombre de plantes Genthod, est déplacé au Jardin de St-Léger. let 1815. utiles pour faire des recherches sur leur En plus des valeurs de pression, d’humi- culture et leurs usages. dité et d’évaporation du sol, la température Le jardin botanique sera mesurée à 4 pieds au-dessus du sol, de St-Léger En prévision de la disette de céréales au sol, à 3 pouces et à 4 pieds sous terre - attendue pour 1794, les naturalistes tes- données cruciales pour suivre la germina- La SPHN concentrera ses efforts sur la tèrent des plants de pommes de terre reçus tion et la croissance des plantes. En 1799, création d’un jardin botanique en Ville de de Paris, Londres et Bâle, cultivés par M. le gouvernement français donne le bastion Genève. H.-A. Gosse, pharmacien depuis Micheli de Châteauvieux, alors directeur du de St-Léger à la SPHN. 1788, louait une parcelle dans les fossés Jardin. secs pour y cultiver des plantes alpines Au début du XIXe siècle, le jardin est bien pour son plaisir, et des médicinales pour En avril 1794, la SPHN pouvait édi- tenu, cultivé avec soin et contient un assez son officine. En 1790, il avait projeté un ter des recommandations sur la culture grand nombre de plantes rares, mais il reste

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 111 « Les liens étroits des botanistes avec la SPHN ont conduit A.-P. de Candolle à confier à la SPHN l’encouragement à la relève scientifique dans le domaine de la botanique systématique. »

peu attractif pour les visiteurs étrangers. Il est fort honorable selon le botaniste ber- nois Wyttenbach, qui assure que le jardin de Berne n’est ni aussi [bien] exposé ni aussi riche que celui de Genève. En 1805, Micheli rapportait que le jardin contenait 1200 plantes étrangères, toutes en bon état. On relevait qu’il était susceptible d’être étendu dans l’actuel Parc des Bastions. L’Epidendrum dédié à Augustin-Pyramus de Candolle Deux évènements vont précipiter la fon- par John Lindley en 1839. Cette orchidée mexicaine a fleuri dans les serres du Jardin botanique des Bastions. dation du nouveau Jardin des plantes à la Cette planche constitue le type de l’espèce E. candollei promenade des Bastions : l’éruption du vol- (Mémoires de la SPHN, Vol. 9/1, Pl.3, 1841). can Tambora en avril 1815 en Indonésie, et la Restauration de la Monarchie en France. Les poussières du premier seront la cause charges financières du Jardin. En 1822, paraîtra un volume double d’étés pourris, sans récolte. La disette 1821-22, avec 17 mémoires, dont quatre de J.-P. Vaucher. de l’hiver 1816-17 forcera les autorités à défoncer la promenade des Bastions pour Cette publication sera soutenue par la Ville dès 1829 et ne sera y planter des pommes de terre. Le nou- interrompue qu’à la fin du XXe siècle. Elle était ouverte aux scien- vel ostracisme envers les Réformés encore tifiques de toutes les disciplines. La Table générale des matières en France décidera Candolle à quitter contenues dans les volumes I-XL des Mémoires, établie en 1930 Montpellier pour Genève, où il trouvera une par John Briquet, alors directeur du Jardin botanique, recense parcelle déjà préparée, une chaire à l’Aca- 502 mémoires, dont 140 en zoologie, 121 en botanique, 66 en phy- démie, un poste de directeur et un fonds sique, 60 en sciences de la Terre, 39 en astronomie et géodésie, 33 levé par souscription publique afin de créer en chimie, etc. Ces nombres illustrent bien l’importance des bota- un nouveau Jardin des plantes. L’arrivée nistes dans la communauté scientifique genevoise (tous les bota- de Candolle redynamise la SPHN, qui tient nistes professionnels ou amateurs de haut niveau étaient membres désormais deux séances par mois. de la SPHN). Durant le premier siècle d’existence des Mémoires, plus de 900 planches seront publiées, en partie en couleurs. Les Mémoires de la SPHN Celles dédiées à la description des espèces botaniques nouvelles comptent parmi les plus belles. Dès l’ouverture du nouveau Jardin, puis des serres en 1819, le besoin d’un périodique Au cours de l’histoire de la SPHN, la proportion de botanistes est de qualité se fait sentir pour la publication restée stable : environ un quart des membres. Plusieurs botanistes des descriptions des espèces nouvelles, de renom ont présidé la SPHN après 1857, lorsque cette fonction dont celles cultivées à Genève. Le projet est devenu annuelle : Alphonse de Candolle, Casimir de Candolle, de Mémoires remontait à 1792, mais il ne Jean Müller, Jacques Brun, John Briquet, Robert Chodat. Les verra le jour qu’une fois la SPHN libérée des Mémoires de la SPHN seront déposés au Conservatoire botanique

112 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 PARTENAIRES CJBG PARTENAIRES

Le nouveau Jardin alpin, 1904

dès 1824. Ce n’est qu’en 1872 qu’ils migre- « 7° Je donne à la Société de Physique et et / ou l’utilité l’exigent. Sur les 180 bourses ront à l’Université des Bastions, nouvelle- d’Histoire naturelle de Genève une somme allouées entre 1998 et 2015, 23 sont allées ment construite, puis au nouveau Muséum de deux-mille-quatre-cents francs, pour à de jeunes étudiant(e)s en botanique, aussi à Malagnou dès 1966. fonder un prix en faveur de la meilleure enthousiastes qu’intrépides. Avec la spécialisation des sciences, la monographie d’un genre ou d’une famille de nécessité d’organes de diffusion par dis- plantes. La Société fixera les conditions du Certaines missions de terrain ont un carac- cipline incitera les botanistes genevois à concours et le jugera ; l’ouvrage couronné tère d’urgence, quand elles sont liées à créer leurs propres titres : les périodiques sera imprimé, ou par l’auteur, ou dans les des phénomènes imprévisibles comme Candollea en 1922, puis Boissiera en 1936 Mémoires de la Société. » des séismes, des éruptions volcaniques, El pour les articles volumineux. Ils sont le Niño, ou des sécheresses extrêmes. Aucune pendant des Archives des Sciences et des Dès le début, le prix est ouvert à tous les institution n’existant pour financer sans Mémoires de la SPHN. chercheurs, sans condition de nationa- délai de telles missions, la SPHN a créé en lité ou domicile. Les langues de rédac- 2015 une Bourse extraordinaire, dotée de Le Prix de Candolle tion des textes, latin ou français au début, 40 000 Fr. s’ouvriront à l’allemand, l’anglais et l’ita- Les liens étroits des botanistes avec la lien et, dès 2004, au portugais. Le prix, de Une première bourse a été attribuée en SPHN ont conduit A.-P. de Candolle à 500 Fr en 1841, sera porté à 5000 Fr en 2015 à un groupe pluridisciplinaire réuni confier à la SPHN l’encouragement à la 2004, après recapitalisation du Fonds par par le D F. Stauffer des CJBG, dans le but relève scientifique dans le domaine de la la SPHN. Bien que modestement doté par de sauver les palmiers Doum, en voie d’ex- botanique systématique. Au terme d’une rapport aux grands Prix internationaux, le tinction pour des causes climatiques et brillante carrière de botaniste et de res- Prix de Candolle reste précieux pour la car- démographiques, alors qu’ils sont à la base ponsable académique et politique, A.-P. de rière des jeunes lauréats en raison de la de l’économie rurale dans de vastes zones Candolle lègue aux Genevois un testament notoriété de son fondateur. Il est décerné semi-arides africaines. spirituel, dont les considérants sont tou- conjointement par les CJBG et la SPHN. Le jours d’actualité au XXIe siècle : Prix de Candolle a été attribué pour la 27e La SPHN est fière de pouvoir contribuer, fois en 2016. Il récompense un travail d’en- malgré la modicité de ses moyens, à la « Je prie tous les Genevois auxquels ma vergure sur un genre difficile de Rubiacées recherche scientifique conduite aux CJBG, mémoire pourra être chère de l’exprimer non (famille du caféier) d’Afrique tropicale, avec une institution qui s’illustre par la qua- pas par des discours ou autres marques de 78 espèces nouvelles sur les 232 décrites ! lité esthétique et la richesse floristique ce genre, mais en encourageant de toutes des rocailles et des serres, par la qualité leurs forces les études scientifiques dans Les Bourses Augustin didactique des expositions thématiques, notre ville, comme étant la carrière qui a le Lombard ainsi que par la valeur scientifique de ses plus honoré ses habitants et qui convient le recherches de terrain, souvent conduites mieux à leur position et à leur caractère… » De son côté la SPHN, avec le soutien de dans les régions où la biodiversité est la A.-P. de Candolle, 9 septembre 1841 la famille descendante du géologue A. plus menacée et encore méconnue. Lombard, soutient la relève scientifique, Il donne l’exemple en créant un Fonds de en particulier dans les disciplines de niche Que toute l’équipe des CJBG soit remer- 2 400 francs-or auprès de la SPHN, qui lui pratiquées par un petit nombre de cher- ciée pour son engagement et son effica- est chère, pour doter un Prix en faveur de cheurs, mais indispensables à la bonne cité à transmettre le savoir des chercheurs l’auteur de la meilleure monographie d’un gouvernance d’un pays (la botanique sys- au grand public, dans un site élégant qui genre ou d’une famille de plantes. tématique et la géobotanique en font par- repose et interpelle l’esprit, charme la vue tie). Les bourses permettent aux étudiants et, en saison, flatte l’odorat. Extrait du testament d’A.-P. de Candolle, d’effectuer des études de terrain partout recopié par Alphonse de Candolle : dans le monde où l’intérêt scientifique

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 113 114 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 Des nouvelles

de l’AAJB CJBG PARTENAIRES

C’est bientôt le 200ème des CJBG et pour l’AAJB bientôt 35 ans ! La force de l’âge ! Dominique Thomasset Née le 4 mars 1982 à 18h au café de la Comédie Présidente de l’AAJB

1982 nous renvoie à David Aeschimann qui a beaucoup œuvré pour Pro Specie Rara et des membres de l’AAJB. l’AAJB jusqu’au début des années 2000. C’est Raoul Palese qui avait Par ailleurs, des conférences de spécia- écrit un article sur l’AAJB à l’occasion des 175 ans des CJBG. J’en listes ou des activités avec des jardiniers profite pour remercier tous les coordonnateurs et membres actifs (p. ex. aux serres de Pregny, fabrication de du comité, pleins d’idées et d’enthousiasme, qui se sont succé- cosmétiques avec les produits du jardin) dés à l’AAJB et qui ont porté l’association. Les activités de l’AAJB sont organisées. L’AAJB soutient aussi des d’alors : excursions, cours, séries documentaires, conférences, publications comme en 2011 avec la par- bénévolat, voyages… C’était aussi la parution de la BD « Le Parfum ticipation de 10 000 CHF pour l’Atlas de la du Magnolia » de Marini et Pop, devenue « collector » (que vous pou- flore du canton de Genève. vez gagner si vous faites partie des 10 premiers à la demander par e-mail à notre secrétariat). Depuis 2013, l’association s’ouvre aux jeunes publics en collaboration avec les Trente-cinq ans, plus tard on retrouve, fondamentalement les CJBG par un programme de visites pour mêmes activités mais renouvelées bien sûr pour que vous y preniez des classes faisant aussi appel à des toujours autant de plaisir : des excursions à la belle saison (p. ex. chercheurs, des jardiniers et des guides Drôme, dinosaures de Plagne, Moosalp) ; des cours donnés par les de l’AAJB. Plus récemment, l’AAJB sou- naturalistes romands et des conférences. Mais aussi… tient des étudiants en botanique comme Pierre - Emmanuel Du Pasquier qui vient de Des voyages plus ou moins lointains soutenir sa thèse de doctorat en Juin 2016. Organisation : Christine Kursner Les guides AAJB 2011 : Costa Rica, sa très grande biodiversité et sa nature exubé- rante. Dans la canopée, nous avons été séduits par les plantes épi- Depuis une quinzaine d’années l’AAJB phytes, dont des orchidées avec de minuscules fleurs. forme des guides bénévoles, motivés et très demandés. En 2014 , elle a organisé 24 2012 : Ecuador, de l’Amazonie jusqu’aux hauts-plateaux de la visites. Lors de ces visites, les guides vous Cordillère. Un voyage botanique et culturel passionnant. Nous emmènent dans tous les recoins du jar- avons appris l’utilisation ancestrale des plantes locales avec la din, selon leur sensibilité ou votre demande population indigène. et vous font profiter de leurs grandes connaissances. 2013 : Pérou Une croisière sur l’Amazone avec des scientifiques locaux ; la région de Cuzco et du Machu Picchu, avec une excursion La formation continue des guides est assu- dans une forêt endémique de Polylepsis. rée par Christian Bavarel, jardinier aux CJBG. Elle est ouverte à tous les membres 2014 : Madagascar, l’île rouge et ses lémuriens. Voyage riche en et s’étale sur quatre soirées par an environ. découvertes, des rizières omniprésentes, mais un arrière-goût Les visites sont possibles en anglais avec amer quant à l’avenir de cette grande île. Alice Tulloch, en espagnol avec Inès Calstas et en allemand avec Charlotte Sebastian. 2016 : Laos, le long du Mékong depuis Vientiane jusqu’à la frontière Mais tous peuvent vous assurer une très cambodgienne. Un pays multiethnique avec un dénominateur com- belle visite en français ! mun : le sourire et l’amabilité Comme vous le voyez, l’AAJB poursuit vail- Mission de l’AAJB : lamment sa mission de soutien et promo- soutenir et promouvoir les CJBG tion des CJBG !

De nombreuses activités font appels aux compétences des jardi- Venez nous rejoindre avec vos envies, vos Cypripedium calceolus niers et des chercheurs, comme p. ex. le travail sur les familles de idées et votre disponibilité. (Sabot de Vénus) plantes avec une partie aux herbiers et une partie pratique avec

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 115 Message du Secrétaire général du BGCI

Paul Smith Le Botanic Gardens Conservation International Secrétaire général (BGCI) est ravi de célébrer le bicentenaire des du BGCI Conservatoire et Jardin botaniques de la Ville de Genève (CJBG) dans cette édition spéciale de la Feuille Verte.

Le Conservatoire botanique de Genève n’est pas seulement un des membres dirigeants du BGCI, mais il est aussi un merveilleux exemple de jardin botanique moderne, adapté aux défis du 21ème siècle.

Ce n’est pas une coïncidence si les CJBG seront l’hôte du Congrès Mondial des Jardins Botaniques en juin 2017, lequel mettra l’ac- cent sur le rôle des jardins botaniques dans la résolution des enjeux environnementaux majeurs de notre temps, tels que la sécurité alimentaire, la pénurie d’eau, l’énergie, la santé et le changement climatique. Le programme des CJBG englobe les multiples missions importantes attendues d’un jardin botanique international.

L’intérêt pour les plantes d’Afrique et les partenariats avec les jardins de ce continent témoignent d’une culture d’échange des connaissances que nous encourageons et promouvons. La recherche scientifique à Genève sur la conservation de la phyto- diversité suisse et étrangère, comme celle du Madagascar, de Côte d’Ivoire, du Paraguay et du Brésil, illustre l’importance de cette institution à l’échelle mondiale. A relever encore que les CJBG sont l’un des 22 jardins représentés dans le Conseil consul- tatif international du BGCI, un forum de leardership mondial qui permet de guider notre communauté professionnelle. Le secteur des jardins botaniques a besoin d’individus et d’institutions qui travaillent en donnant l’exemple.

Pour leurs 200 ans, les Jardin et Conservatoire botaniques de Pisum sativum subsp. Genève peuvent s’enorgueillir d’être l’un des plus importants biflorum, une plante sauvage indigène appa- jardins du monde. rentée aux pois cultivés

116 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 Un engagement CJBG PARTENAIRES Bertrand von Arx partagé en faveur Directeur du Service de la biodiversité de la flore

Emmanuelle Favre Responsable Les Conservatoire et Jardin programme Flore botaniques de la Ville de Genève Actions spécifiques (DGAN) (CJBG) jouent aujourd’hui un rôle et suivis majeur indéniable dans la conser- Raoul Palese vation du patrimoine végétal Les données rassemblées aux CJBG - Conservateur genevois et régional. notamment grâce aux milliers de planches d’herbiers, aux notes historiques ou Une synergie forte et nécessaire récentes de nombreux spécialistes et son extraordinaire bibliothèque – sont un atout Cette vocation trouve ses racines dans l’engagement de botanistes irremplaçable pour la biodiversité de notre pionniers qui ont fondé, voici deux siècles, les bases d’une insti- région. Ce savoir, valorisé par des spécia- tution scientifique et d’un jardin botanique. Bien plus tard, pre- listes, permet de trouver aujourd’hui des nant conscience des enjeux liés à la biodiversité, le peuple suisse solutions de conservation novatrices, sus- adoptait en 1966 la loi fédérale sur la protection de la nature et du ceptibles de répondre aux nouveaux défis paysage (LPN) : l’avenir des espèces sauvages et des habitats était sociétaux et climatiques que rencontre la reconnu comme un enjeu majeur. Conscients de cette évolution, les flore. Les mesures de conservation sur le CJBG ont alors intégré un volet « conservation des espèces canto- terrain revêtent un rôle clé dans ce domaine. nales » au côté des autres programmes plus traditionnels que sont Ainsi, de nombreuses plantes bénéficiant l’étude de la flore nationale ou exotique. Une synergie forte a ainsi d’un plan d’action sont victimes de la frag- pu être engagée entre les CJBG et l’Etat de Genève, compétent en mentation des milieux, avec des effectifs matière de protection et de survie des espèces menacées au regard insuffisants. Les jardiniers des CJBG multi- de la LPN. En 2010, une convention bilatérale avec la direction plient ces espèces au Jardin (ex-situ) en vue générale de l’agriculture et de la nature (DGAN) a permis de formali- de (re)créer de nouvelles populations dans ser cette collaboration et asseoir des projets concrets. Aujourd’hui, des sites favorables. Il s’agit de cultures ce travail en commun se poursuit avec l’appui de l’Office fédéral très délicates qui requièrent le savoir-faire de l’Environnement (OFEV) avec l’objectif de connaître, protéger et de jardiniers professionnels. En partenariat valoriser notre patrimoine pour le bien-être de chacun. avec les acteurs locaux concernés, la DGAN assure ensuite la pérennité de ces plantes Listes rouges, listes prioritaires dans les sites naturels choisis pour les et plans d’action accueillir. Le suivi de ces actions sur le ter- rain permet d’adapter au mieux les mesures Depuis 2006, les collaborations entre nos institutions ont ainsi per- et de les valoriser auprès des partenaires. mis la rédaction d’ouvrages de référence, légalement reconnus en matière de conservation. Perspectives

• Tout d’abord, une Liste Rouge, répertoriant les 1246 espèces La flore représente la base de nos écosys- (la moitié de la flore de Suisse !) présentes sur le territoire tèmes et donc de notre cadre de vie ! Elle cantonal ainsi que leur statut. est à l’origine des différents milieux natu- rels qui abritent la faune, façonnent le pay- • Ensuite, une Liste Prioritaire permettant d’identifier sage naturel et fournissent de nombreux les espèces les plus sensibles. services à l’homme. Il est donc primordial de garantir la pérennité de notre flore can- • Enfin, des plans d’actions ciblant les espèces les plus priori- tonale pour le bien-être de la population. taires qui décrivent les mesures à prendre pour assurer leur La collaboration que les CJBG et la DGAN sauvegarde. ont engagés contribue à cet enjeu de façon exemplaire – sachons la cultiver et la faire encore durablement fructifier !

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 117 Les jardins botaniques de la Suisse : Hortus Botanicus Helveticus et les Conservatoire et Jardin botaniques de Genève

Actualités par ailleurs constaté une augmentation remarquable de visiteurs francophones Peter Enz Très modernes, les Conservatoires et durant l’été 2016. Comme président de l’As- Président HBH Jardins Botaniques (CJBG) de la Ville de sociation des jardins botaniques suisses, Genève sont non seulement connus dans le la collaboration avec d’autres jardins bota- monde entier, mais ils jouent aussi un rôle niques me semble très importante. très important sur le plan national. Historique En plus de fonctionner comme relais vers l’extérieur, leurs connaissances en bota- En 1972, les jardins botaniques suisses se nique et leurs savoir-faire en gestion sont associés pour former un groupe indé- et conservation de l’environnement les pendant vis-à-vis des établissements hor- rendent très importants pour notre asso- ticoles des villes. Leurs intérêts étaient dif- ciation. Grâce à sa direction, toute l’équipe férents de ceux de ces dernières. Sous la de Genève soutient notre association en direction de Joseph Tièche (JB Porrentruy) matière d’administration, de techniques et de Peter Enz (JB Fribourg), ce consor- modernes et de savoirs horticoles. De plus, tium a organisé des visites, des ateliers et les CJBG ont soutenu et conseillé de nom- des conférences. Entre autres, vers la fin breux jardins botaniques à l’étranger et en des années 1980, les listes rouges et les Suisse (Champex-Lac, Meyrin, La Linnaea). plantes menacées ont commencée à jouer un rôle très important. Les liens personnels entre le Jardin Botanique En 1995, le consortium a changé de sta- de l’Université de Zurich tut administratif. L’Association des jardins et les CJBG botaniques et des collections de plantes de la Suisse, Hortus Botanicus Helveticus Depuis quelques années il y a une colla- (HBH), était fondée et le premier président, boration plus étroite entre les deux ins- pour les dix premières années, était notre titutions susmentionnées. L’exposition collègue genevois, Raymond Tripod. Comme « Edelweiss » en 2011 a notamment pu association faitière, nous avons tout de montrer combien une collaboration fruc- suite été reconnus nationalement par les tueuse au-delà de la « barrière des lan- offices fédéraux et cantonaux. En 2001, gues » pouvait s’avérer une source d’ins- HBH a décidé d’implanter le système IPEN piration pour les deux parties. C’est pour dans les jardins botaniques suisses et cinq cette raison qu’à l’occasion du 500e anni- ans plus tard HBH a lancé la semaine des versaire de la naissance du célèbre zuri- jardins botaniques. Avec le jubilé en 2016 chois Conrad Gessner, nous avons réalisé (10 ans de Botanica), nous avons mis le conjointement un deuxième projet d’expo- focus sur les plantes menacées avec de sition intitulé « Tropicales de salon – Origine Suisse un plan d’action jusqu’en 2018 et & diversité des Gesnériacées ». Cette expo- nous avons publié une belle brochure, dans sition sur la famille des Gesneriaceae a été laquelle nous avons présenté les Jardins le fruit d’une belle collaboration très colo- botaniques et quelques plantes menacées. rée et en trois langues. A Zurich nous avons www.hortus-botanicus.info

118 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 Le mot du président CJBG PARTENAIRES des Jardins botaniques de France

C’est avec beaucoup de plaisir que j’écris ces quelques mots à l’occa- sion du 200ème anniversaire des CJBG en 2017 et du 6ème Congrès mondial des jardins botaniques qui aura lieu à Genève du 26 au 30 juin 2017.

Fanch Le Hir Ce congrès, organisé par les Conservatoire et Jardin botaniques de Chaque année l’association JBF organise Président de JBF la Ville de Genève et soutenu par le Botanic Gardens Conservation des journées techniques sur différentes International (BGCI), va réunir plusieurs centaines de personnes du thématiques : la collecte des semences, monde entier pour échanger sur le rôle des jardins botaniques dans les plantes médicinales et tinctoriales, la la société. En effet, les jardins botaniques sont des outils incom- coopération internationale, les réglemen- parables et incontournables pour nos sociétés afin d’améliorer nos tations internationales, les serres, l’éro- connaissances sur le monde végétal, de conserver in situ et ex situ sion de la biodiversité, la recherche dans les espèces menacées, d’éduquer le grand public, de participer à la les jardins botaniques… L’association JBF réflexion citoyenne sur le devenir de notre planète de plus en plus collabore avec le BGCI afin de soutenir et malmenée et d’atteindre les objectifs de la Stratégie mondiale pour de développer les jardins botaniques dans la conservation des plantes (GSPC). les pays francophones du Sud qui sont sou- vent dépourvus de ressources financières L’association des « Jardins botaniques de France et des pays fran- et techniques. cophones » (JBF) réunit environ 90 institutions à travers le monde. De nombreux pays sont représentés : Belgique, Canada, France, Nous sommes heureux de compter comme Monaco, Vietnam, Laos, Cambodge, Madagascar, Sénégal, Maroc, adhérent depuis de nombreuses années Haïti, Suisse, Luxembourg, République démocratique du Congo… les Conservatoire et Jardin botaniques de la Ville de Genève. D’ailleurs Pierre-André Les objectifs de l’association sont : Loizeau, directeur des CJBG est membre du conseil d’administration de JBF. Les • de multiplier les rapports qu’ils sont appelés à avoir entre eux CJBG sont une institution modèle, qui rem- pour l’extension et la promotion des Jardins Botaniques, le plit avec excellence toutes les missions perfectionnement de leurs connaissances, l’échange d’idées, d’un jardin botanique moderne. Ils mettent d’expériences et de plantes de collection. leurs compétences au service d’une meil- leure connaissance de la flore mondiale • de participer à la conservation des plantes et des biotopes (Amérique du Sud, Afrique de l’Ouest, menacés, dans toutes les zones géographiques, d’interve- Madagascar) et appuient des institutions nir en tant que consultant dans les projets d’aménagement botaniques issues des pays du Sud comme mettant en jeu l’environnement, d’organiser des séminaires, le Sénégal, le Paraguay ou la Côte d’Ivoire. journées d’études, conférences ainsi que la diffusion des connaissances nouvelles, et favoriser leur rôle éducatif. Les jardins botaniques d’aujourd’hui jouent un rôle majeur pour la conservation de la • de prévoir et d’établir une participation ou coordination avec biodiversité, l’observation du changement les pouvoirs publics et les autres associations similaires climatique, l’éducation du public et la sen- françaises ou étrangères. sibilisation des décideurs.

• de servir de conseil et de défense pour les statuts des per- J’espère que ce congrès mondial permet- sonnels des Jardins botaniques. tra de développer des idées nouvelles pour atteindre ces objectifs à l’occasion du • d’aider à la création ou au développement d’autres Jardins bicentenaire de cette prestigieuse institu- botaniques à l’échelle internationale. tion genevoise.

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 119 Mot du président du Jardin botanique du Missouri, St-Louis à l’occasion du bicentenaire des Conservatoire et Jardin botaniques de Genève

Je suis ravi d’avoir été invité à contribuer à cette édition spéciale de la Peter Wyse Jackson Feuille Verte qui marque le bicentenaire des Conservatoire et Jardin Président du Missouri Botanical botaniques de Genève. C’est avec plaisir qu’à l’occasion de cet événe- Garden, St-Louis, U.S.A. ment majeur, j’exprime mes sincères félicitations de la part du Jardin botanique du Missouri à tous ceux qui sont associés aux CJBG.

Votre institution a une histoire singu- conservation biologique et l’éducation envi- lière et prestigieuse, qui est marquée par ronnementale. En outre, elle demande non des contributions éminentes, aussi bien seulement aux jardins de sensibiliser le à l’échelle suisse qu’à l’échelle mondiale. public au sort des plantes, en jouant le rôle Au fil des ans, les CJBG ont été, et conti- de défenseurs, mais aussi de convaincre nuent d’être, un centre de découverte et les décideurs d’adopter des politiques en de taxonomie des plantes, qui possède l’un faveur des plantes et d’assurer une pro- des plus importants herbiers et l’une des tection adéquate aux espèces sauvages plus grandes bibliothèques au monde. Plus et à leurs habitats. Ceci implique le fait de récemment, vous êtes aussi devenus des développer, de documenter et de mainte- leaders mondiaux dans l’éducation environ- nir des collections de plantes vivantes qui nementale et la conservation des plantes, peuvent être des ressources aussi bien sans compter le fait que vous êtes une res- pour l’horticulture que pour l’éducation. source remarquable pour les Genevois et Ces collections peuvent également fournir pour les nombreux touristes qui visitent la les ressources génétiques nécessaires à la ville. Il n’est donc pas surprenant que les réintroduction des plantes à l’état sauvage, CJBG soient considérés comme l’un des y compris en matière de gestion, liée à la plus beaux trésors de Genève et comme une restauration des milieux. source de grande fierté pour la Suisse. De nos jours, nous voyons les jardins bota- botaniques et à leur association au sein du Au cours des trois dernières décennies, les niques de nombreux pays faire des efforts Botanic Gardens Conservation International jardins botaniques du monde entier ont significatifs pour développer leurs res- (BGCI) lequel a fermement insisté pour que subi des transformations importantes. Leur sources, leurs compétences et leurs les gouvernements s’occupent d’urgence nombre est passé de plus de 700, en 1980, à infrastructures pour inscrire leur travail de de la situation critique dans laquelle se plus de 3000 aujourd’hui. Il est évident que conservation dans de nombreux champs trouvent des dizaines de milliers d’espèces cette augmentation reflète un besoin crois- d’activités qui leur permettent d’intervenir de plantes qui sont actuellement confron- sant de ces institutions de s’investir dans à toutes les échelles de la diversité : gènes, tées à un risque élevé de disparition à l’état la conservation des plantes, en particu- individus, populations, espèces et écosys- sauvage. La GSPC avait initialement adopté lier pour la flore de leurs régions et de leurs tèmes. Ce faisant les jardins botaniques seize objectifs à atteindre d’ici 2010, qui pays. La conservation des plantes est tou- sont devenus une part essentielle des ont été reportés à 2020, après avoir été tefois une mission complexe. Elle requière efforts internationaux pour atteindre les actualisés et renouvelés. Parallèlement, les une compréhension approfondie de la objectifs de la Stratégie mondiale pour la jardins botaniques du monde entier se sont diversité, du statut et de la distribution des conservation des plantes (Global Strategy engagés à atteindre ces objectifs, ce qui a espèces à conserver et implique la prépa- for Plant Conservation, GSPC), laquelle a été permis à toutes ces institutions de parta- ration minutieuse de plans d’action cohé- adoptée et approuvée par la Convention des ger un agenda commun pour un plan d’ac- rents et détaillés pour la réhabilitation des Nations Unies pour la Diversité Biologique tion de conservation collectif. espèces à l’état sauvage, en utilisant sou- (CBD) à la Haye, aux Pays-Bas, en 2002. vent une expérience et des compétences En effet, la création et l’adoption de la En 2004, le Global Partnership for Plant qui sont fondamentales pour les jardins GSPC peut être attribuée, du moins en par- Conservation a été initié et les CJBG en botaniques : l’horticulture, l’écologie, la tie, aux revendications des grands jardins sont devenus un membre important. Ce

120 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 PARTENAIRES CJBG PARTENAIRES

Jardin japonais du Missouri Botanical Garden à St-Louis

partenariat, qui inclut les principales ins- chargés de le concrétiser. Créer la première celles des Conservatoire et Jardin bota- titutions botaniques et de conservation base de données moderne sur les plantes niques de la Ville de Genève, nous pourrons des plantes, vise à soutenir les efforts qui (noms, synonymes, descriptions, statuts déclarer victoire. Il est presque certain que sont déployés dans le monde entier pour et répartitions géographiques) est une lorsque les gens regarderont rétrospective- atteindre les objectifs fixés par la GSPC. A tâche majeure et ambitieuse. Avec plus de ment les années qui ont précédé 2020, ils moins de quatre ans avant l’échéance pour 400 000 plantes à inclure, il n’est pas aisé se demanderont pourquoi le monde n’a pas « stopper l’appauvrissement de la diver- d’assembler, d’organiser, de synthétiser, déployé plus d’efforts pour relever tous les sité végétale à travers le monde », voulu par d’examiner et de présenter des connais- défis auxquels nous sommes confrontés la GSPC, toutes nos missions deviennent sances exhaustives sur le monde végétal. aujourd’hui : développement durable, pau- de plus en plus urgentes. C’est par consé- Lorsqu’elle aura vu le jour, elle permettra vreté, bien-être humain, changements cli- quent un véritable plaisir de voir que les de fournir une base de connaissances, sur matiques, sauvegarde de la biodiversité et Conservatoire et Jardin botaniques de la laquelle les nombreux autres objectifs de la protection de l’environnement. Je sais que Ville de Genève prennent ce rôle de chef GSPC pourront s’appuyer. Elle servira aussi la communauté des jardins botaniques de file, en étant l’hôte du 6e Congrès mon- de ressource à l’échelle mondiale pour s’as- tient à s’assurer que nous aurons joué un dial des jardins botaniques à l’occasion de surer que l’on conserve et l’on utilise dura- rôle efficace et significatif dans la résolu- leur 200ème anniversaire. Ayant été étroite- blement la plus belle ressource naturelle tion de ces problématiques. A l’occasion ment impliqué à l’organisation de la plupart renouvelable, à savoir le végétal. du bicentenaire de votre jardin botanique, de ces congrès, je sais que cet événement l’un des plus importants au monde, regar- fait appel à un engagement institution- Ce fut pour moi un plaisir de collabo- dons un instant en arrière et saluons tout nel et individuel majeur de la part toutes rer avec votre directeur, le Dr Pierre-André ce qui a été réalisé, durant ces années, par les personnes impliquées et je salue donc Loizeau, comme co-président du World les directeurs, les scientifiques, les horti- les efforts de votre directeur et du person- Flora Online Council. A l’heure actuelle, culteurs, ainsi que par les membres de l’ad- nel pour rendre cette rencontre possible. Il nous pouvons rendre compte des excel- ministration et de la médiation. N’oublions ne fait aucun doute qu’il s’agira d’un évé- lents progrès faits par trente-quatre ins- toutefois pas de tirer des leçons de ce qui nement phare qui nous aidera grandement titutions qui ont travaillé conjointement s’est produit par le passé pour nous assu- à concrétiser nos objectifs communs d’ici pour réaliser cette tâche. Avant que nous rer que les efforts seront redoublés à l’ave- 2020. puissions déclarer victoire, il reste cepen- nir pour préserver la biodiversité, afin que dant de nombreux défis à surmonter pour les générations futures puissent aussi en La GSPC a aussi introduit, en 2010, un nou- mener à bien ce projet complexe. Mais en profiter. vel objectif prioritaire, à savoir la mise en nous fondant sur la détermination, les com- ligne d’une World Flora (World Flora Online, pétences et les connaissances de toutes Félicitations pour votre 200ème anniversaire Flore mondiale en ligne) d’ici à 2020. Si les personnes impliquées et en utilisant et mes meilleurs vœux à tous ceux qui sont les gouvernements l’ont adopté, les jar- les bases de données, ainsi que les collec- associés au Conservatoire et Jardin bota- dins botaniques, les CJBG inclus, ont été tions d’herbiers des institutions, comme niques de la Ville de Genève !

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 121 ProSpecieRara au Jardin botanique, Denise Gautier-Béguin Responsable ProSpecieRara une vitrine vivace Suisse romande

En 1817, Augustin-Pyramus de Candolle se souciait déjà de la propaga- tion des variétés locales de plantes cultivées. Une invitation au travail de transmission, toujours actuel, de Pro Specie Rara

Augustin-Pyramus de Candolle créa le pour la mise en place de nos principes premier Jardin des plantes de Genève, de conservation, à savoir la préservation dans la partie centrale de la promenade des variétés vivantes et leur maintien des Bastions. Ce terrain avait été défriché au travers de leur propagation et de leur et, durant la période de disette de 1816- utilisation ? Au regard de cette situation 1817, planté de pommes de terre. Notons notre présence au CJBG semble toute que De Candolle, fervent promoteur de naturelle – les CJBG sont le pôle d’ex- la culture de pommes de terre, a attendu cellence pour la conservation de la flore la récolte de ce précieux tubercule pour sauvage et ouvrent, avec notre présence, tracer les premières plates-bandes. Il a une fenêtre sur la conservation du monde aussi souhaité que le terrain, jusqu’alors domestique. Dans le potager de multipli- occupé en partie par des jardins potagers, cation ProSpecieRara, les jardiniers du conserve cette vocation et soit planté de CJBG ont ainsi produit des semences de légumes et d’arbres fruitiers. près de 80 variétés de légumes menacés, dont un grand nombre de variétés d’origine Porte-graines de poireau Dubouchet, Il souligne : « Nous ne nous sommes pas historique genevoise. Dans ce même pota- une variété historique genevoise bornés à considérer le jardin comme un ger prolifèrent 19 de nos variétés de petits simple établissement académique, nous fruits (des groseilles, groseilles à maque- avons cru dès l’origine, qu’il convenait de le reaux et des cassis) et dans le verger rendre utile à l’embellissement des jardins du domaine de Penthes prospèrent 30 particuliers et à la culture des campagnes. variétés régionales d’arbres fruitiers (des Sous l’un et l’autre rapport, nous avons cerisiers, pêchers, pommiers, poiriers et donné avec facilité les plants, graines, pruniers). Et du côté des animaux, se sont boutures, greffes et semences, dont nous 8 de nos races animales (des moutons, pouvions disposer […] Déjà par l’effet de des chèvres et de la volaille) qui se repro- ces distributions nous voyons quelques duisent dans les enclos des CJBG. Une cultures nouvelles se répandre peu à peu source précieuse de graines, de boutures autour de nous ; quelques légumes peu et de jeunes animaux que nous expédions, connus dans ce pays, tels que les pois et comme le faisait déjà Augustin-Pyramus les pommes de terre de Knigth, le chou de Candolle il y 200 ans, à des amateurs, à mille tête de Bruxelles commencent à mais aussi à des maraîchers, des pépinié- se multiplier dans les jardin potager ; un ristes ou des éleveurs, garantissant ainsi grand nombre de greffes distribuées aux l’utilisation de ces variétés et de ces rares amateurs et aux pépiniéristes donneront et par là même leur sauvegarde. la chance d’obtenir plus de variétés dans Le potager de multiplication nos arbres fruitiers et surtout une régula- Notre présence aux CJBG est une géné- ProSpecieRara des CJBG rité de nomenclature qui seule peut favo- reuse et féconde opportunité qui nous riser et fixer parmi nous ce genre d’indus- est offerte depuis 20 ans. Bien plus qu’un trie » .1 bureau de coordination, nous y bénéfi- cions, grâce au soutien de la direction 1 Rapport sur la fondation du Jardin de botanique Une véritable invitation au travail de et au travail des jardiniers, d’une vitrine de Genève, fait à l’assemblée générale des sous- ProSpecieRara ! Nous serions-nous même vivace pour notre travail de conservation cripteurs et donataires de l’établissement, le 3 avril 1819, par M. de Candolle. inspirés d’Augustin-Pyramus de Candolle de la diversité agricole en Suisse romande.

122 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 PARTENAIRES CJBG PARTENAIRES

Cultivons Bernard Schaetti Président notre jardin Chalet La Linnaea, 1946 Bourg-St-Pierre (VS) de la Société de botanique de Genève alpin

« La Nature est un livre ouvert », affirmait la vieille tradition apologétique, voulant élever les âmes de la contemplation des merveilles du monde à la foi en leur Créateur. Aux botanistes, terre-à-terre par nature, et le nez à ras des mottes, semble échapper l’esprit de ce précepte qu’ils ont l’air de ne vouloir prendre qu’à la lettre : ils arpentent les paysages les plus beaux sans lever les yeux, tournant inlas- sablement les pages de leurs flores – de nos jours, ils sont munis d’applications numériques, ce qui Le professeur Robert Chodat au laboratoire de La Linnaea et ses étudiants leur donne l’allure d’adolescents mutins obnubilés, même en plein air, par leur téléphone.

Ce doit être une passion fondamentale de du paysage : rivière, rocher, pelouse. Ce jeu Il est aussi possible, en outre, d’en mieux l’être humain, qui se suffit à elle-même, que d’échelle, ce charme du panorama minia- comprendre l’écologie, ou d’évaluer leur celle d’inventorier, de classer, d’ordonner, ture, certes un peu désuets (les jardins capacité de diffusion – car les plantes de vouloir faire correspondre à sa systéma- alpins furent conçus en majorité il y a plus s’échappent, s’hybrident, bousculent les tique la multiplicité chatoyante du réel. Il se d’un siècle), leur donnent un pittoresque cadres intellectuels et physiques auxquels trouve des personnes, paraît-il, qui passent encore très émouvant à mes yeux. on cherche à les contraindre. leurs loisirs à comparer les grains d’asphal- tage des routes, d’autres qui parcourent les Lors d’un colloque qui eut lieu en juillet 2014 Il a été donné à la Société botanique de brocantes à la recherche des joujoux que à l’occasion du 125ème anniversaire du jar- Genève, à la suite de ce colloque, d’ex- contenaient des œufs en chocolat. Il y a din alpin La Linnaea de Bourg-Saint-Pierre périmenter avec bonheur une des fonc- décidément, en tous domaines, des classe- – la Société botanique de Genève vient tions premières d’un jardin alpin, celle qui ments à concevoir, des collections à monter, d’en publier les actes dans ses Mémoires, consiste à s’en servir comme camp de base des pièces banales et d’autres plus rares, sous la direction du Professeur Daniel pour des herborisations à l’entour. A côté du très convoitées. Pour le meilleur et pour le Jeanmonod des Conservatoire et Jardin gîte (au confort suffisant et adapté aux exi- pire, les amateurs d’herbier furent les pré- botaniques de la Ville de Genève – la ques- gences contemporaines), parmi les belles curseurs de Pokémon GO ! tion de leur utilité dans le monde actuel, rocailles qu’entretiennent les jardiniers de et donc de leur pérennité a été débattue. Genève, se trouve encore le cabinet de tra- Un jardin botanique, avec ses mas- S’il ressort que c’est avant tout les fonc- vail, largement vitré, qui accueillait pendant sifs ordonnés, ses collections étique- tions d’animation touristique et de sensi- l’entre-deux guerres les étudiants en bota- tées, sa nature apprivoisée, correspond bilisation du grand public, plus encore que nique de l’Université, ainsi que les membres bien entendu à l’idéal d’un monde rationa- de vulgarisation, qui sont mises en avant, de la Société de botanique de Genève, qui lisé. C’est particulièrement frappant dans les opportunités d’expérimentations et de y tenaient régulièrement session. Ce décor les jardins botaniques d’altitude, où l’en- recherches scientifiques ne sont pas négli- rudimentaire, qui semble n’avoir subi aucun semble majestueux des sommets qui les geables, notamment en lien avec le phéno- changement, a plongé les participants de enserrent semble se reproduire en modèle mène du changement climatique, auquel notre stage dans l’ambiance d’une autre réduit, comme leur reflet dans un lac. La réagissent les plantes cultivées en jardin époque, qui paraît si lointaine aujourd’hui, mise en scène, d’ailleurs, vise à imiter, tant alpin de façon plus nette, car libérées des et dont pourtant ils perpétuaient les inté- que faire se peut, les caractères naturels contraintes liées à la concurrence. rêts et les joies.

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 123 Une collaboration aux multiples ramifications Yves Flückiger Avoir pour partenaire une institution du calibre des Conservatoire et Recteur de l’Université de Genève Jardin botaniques (CJBG), abritant une des plus importantes collec- tions d’espèces végétales au monde, constitue un immense privilège et une richesse incomparable pour l’Université de Genève (UNIGE). Au fils des décennies, la complémentarité entre nos deux maisons s’est affirmée, surmontant plusieurs défis scientifiques de taille.

Pour les biologistes de l’Université, les domaine du système d’information géo- CJBG représentent un lieu d’expérimenta- graphique, très utiles pour la protection de tion d’une grande valeur. Plusieurs géné- l’environnement. rations d’étudiants en botanique ont ainsi pu compléter leur formation théorique par Le plus important défi scientifique pour la des études sur le terrain, au contact de pro- collaboration entre nos deux institutions a fessionnels, non seulement dans le Jardin toutefois été le développement de la biolo- genevois, mais aussi au cours d’expédi- gie moléculaire à partir des années 1970. tions dans les Alpes, le pourtour méditer- Ce nouveau champ scientifique est rapide- ranéen et jusque sous les tropiques, la bio- ment devenu une spécialité de la Faculté diversité tropicale étant devenue un des des sciences. Il a cependant impliqué des pôles d’excellence genevois. A n’en pas changements importants dans la façon de douter, ces expéditions ont rodé nos étu- travailler des botanistes des Conservatoire diants au travail en équipe et ont contri- et Jardin botaniques. Il a fallu par consé- bué à leur insertion dans la vie profession- quent beaucoup de persévérance de part et nelle. Notre Université n’est certes pas une d’autre pour mener à bien cette petite révo- école professionnelle, mais nous avons le lution et introduire les méthodes de l’ana- « Maintenir souci constant de préparer nos étudiants lyse moléculaire et génétique dans l’étude au monde du travail et, dans cette optique, des plantes. Avec le recul, on mesure les un niveau la collaboration avec des acteurs du milieu bénéfices de cette transformation dans économique et culturel nous est d’un laquelle la Faculté des sciences et les CJBG d’excellence apport très précieux. ont joué un rôle pionnier en Europe. Elle a permis de mieux comprendre comment les scientifique qui Ce contact avec le terrain a également espèces végétales se créent et évoluent bénéficié à nos chercheurs pour des rai- ainsi que leurs migrations au cours de l’his- fait de Genève sons similaires. Cela est vrai en premier toire. Elle a également contribué à main- lieu pour les botanistes, mais aussi pour tenir un niveau d’excellence scientifique une place certains de nos collègues travaillant dans qui fait de Genève une place de réputation des domaines a priori éloignés de la biolo- mondiale dans le domaine de la botanique. de réputation gie végétale. Dans les années 1980 et 1990, l’informatisation des collections d’her- Pour toutes ces raisons, le Rectorat se mondiale dans biers a constitué un projet pilote en ville félicite d’avoir signé en 2014 une nou- de Genève, dans lequel le Département velle Convention avec la Ville de Genève le domaine d’informatique de l’UNIGE s’est fortement qui assure la pérennité de notre collabo- investi. Prévoir un système de base de don- ration. A l’heure où l’on parle beaucoup de de la botanique. » nées susceptible d’effectuer le catalo- perte de la biodiversité et de changements gage de plus de 6 millions d’échantillons climatiques, qui ont déjà un impact sur les s’est avéré un puissant stimulant pour les espèces végétales, cette collaboration sera informaticiens de l’UNIGE. Ces développe- très certainement amenée à connaître de ments ont abouti aujourd’hui à la mise en nouveaux développements et à renforcer sa place de plusieurs applications numériques pertinence aussi bien pour les chercheurs pour la gestion de la biodiversité et dans le que pour le public.

124 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 Un musée Ville de Genève www.cjb-geneve.ch 200

Un musée Bicentenaire 2017 & Ville de Genève www.cjb-geneve.ch Rétrospective 2016 200

Célébration Expositions et du bicentenaire événements 1817 - 2017 www.cjb-geneve.ch

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 125

Célébration Expositions et du bicentenaire événements 1817 - 2017 www.cjb-geneve.ch 1982 1992 1997 2002

126 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 Le nouveau

logo des CJBG BICENTENAIRE & RÉTROSPECTIVE 2017 2016

Les Conservatoire et Jardin botaniques de la Ville de Genève sont fiers de vous présenter une nouvelle identité visuelle permettant d’entrer de plain-pied Danièle Fischer Huelin dans un nouveau siècle d’existence. Réalisée par Administratrice des CJBG l’atelier genevois Z+Z, elle se compose d’un logo et d’une nouvelle police de caractères.

Le travail proposé a séduit aussi bien les « Cinq ateliers de la place CJBG que le Département de la culture et de Genève ont été invités du sport. S’agissant d’un élément végétal stylisé, à soumettre un projet en l’occurrence une fleur, il symbolise à la fois le Conservatoire et le Jardin grâce à sa élaboré sur la base lecture multiple. En effet, d’aucuns retien- dront au premier regard la composante d’un cahier des charges. » organique du logo, d’autres les formes géométriques qui évoquent les bâtiments de l’institut, et certains verront quant à eux des strates qui rappellent les empile- ments de planches d’herbier conservées dans l’enceinte réservée aux collections. Ce sigle fort, intemporel et virtuelle- ment indémodable, notamment grâce au choix du caractère, possède les qualités requises pour une communication insti- tutionnelle efficace. En outre, ce logo est compatible avec la charte graphique de la Ville de Genève et déclinable sur tout type de support de communication, ainsi que sur les produits dérivés destinés au public.

La répétition du logo, tel un parterre de fleurs, génère un motif moderne et modu- lable. Cette utilisation originale a été choi- sie pour la création de l’affiche officielle du Bicentenaire qui vous est également présentée dans ce numéro.

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 127 Programme du bicentenaire

L’esprit naturaliste qui régnait à Genève au XVIIIe permit à Augustin- Pyramus de Candolle de fonder le premier Jardin botanique genevois inauguré le 19 novembre. Situé initialement au parc des Bastions, il fut transféré en 1904 sur son emplacement actuel.

2017, année de notre Bicentenaire, est donc l’occasion de mettre en lumière la richesse historique des Conservatoire et Jardin botaniques de la Ville de Genève à travers des événements exceptionnels :

Dès le 1er décembre 2016 29 mars à fin 2018 18 mai au 15 octobre 2017 Inauguration le 29 mars à 18h00 Inauguration le 18 mai 2017 à 18h00 L’illumination de la Serre tempérée Un nouveau Cabinet de curiosités Deux expositions liées, intitulé « Les multiples vies sous forme d’hommage au des herbiers » charismatique fondateur Augustin-Pyramus de Candolle : « La passion du savoir » et « Le Jardin, 200 ans de passion », toutes deux sous le nom : « A.-P. de Candolle : une passion, un Jardin » 20 et 21 mai 2017

La Fête populaire du 200e 19 au 23 juin 2017 dans le cadre de la Nuit des musées et de la Journée Sylvain Meyer, artiste-plasticien internationale des musées (JIM) en résidence au Jardin botanique pour la réalisation d’un œuvre landart éphémère autour de notre célèbre chêne de l’Avenue de la Paix 26 juin 2017 à 18h00

Une nouvelle présentation permanente intitulée « Les Jardins ethnobotaniques » inaugurée dans le cadre du 26 au 30 juin 2017 Congrès mondial des Jardins botaniques Le 6e Congrès mondial des Jardins botaniques 19 novembre 2017 avec la venue de quelque 400 participants du monde entier La célébration du Bicentenaire et et l'organisation de divers des CJBG au Parc des Bastions événements publics en collaboration avec l’Université www.6gbgc.org de Genève

128 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 Dès le 15 mars 2017 D’avril à novembre 2017 Ateliers Les Variations

verts botaniques BICENTENAIRE & RÉTROSPECTIVE 2017 2016

Les mercredis éducatifs reprennent le 15 mars. Ces visites aux thématiques variées permettent En 2017, les Ateliers Verts s’ouvrent aux 6-9 ans de dialoguer avec les professionnels des CJBG et aux 10-13 ans. que sont les jardiniers, les scientifiques et les commissaires d’expositions.

6 avril 2017 à 18h Dès le 2 mars 2017 Inauguration La Visite des nouvelles du jardinier cimaises Les visites grand public du jardinier Des réalisations artistiques d’enfants, fruit d’une recommencent. Venez découvrir le jardin au fil collaboration originale entre DIP, MEG et CJBG, des saisons avec des surprises viendront éclairer le passage sous-voies. et des découvertes chaque semaine.

16 juin au 17 juillet 2017 Botanica Semaine suisse des jardins botaniques

Thématique « Les dernières de leur espèce – Plus d’informations sur : Conservation dans les Jardins botaniques de plantes sauvages menacées » www.cjb-geneve.ch

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 129 Laurent Gautier Conservateur

Yamama Naciri Cabinet de curiosités : Conservatrice les multiples vies des herbiers, ou comment 29 mars les plantes séchées et mortes à fin 2018 nourrissent les sciences de la vie

Planche d'herbier de Silene patula

130 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 BICENTENAIRE & RÉTROSPECTIVE 2017 2016

Les herbiers contiennent-ils des espèces dispa- rues ? Collecte-t-on encore et toujours des échantil- lons ? Pourquoi avoir plusieurs spécimens pour une même espèce ? Utilise-t-on encore les herbiers ? Pourquoi ne pas remplacer les anciens spécimens par de plus récents ou par des photos numériques ?

C’est à toutes ces questions, et à bien La digitalisation des échantillons d’her- d’autres encore, que la prochaine expo- biers offre une deuxième vie à ces plantes sition du cabinet de curiosités répondra collectées parfois très loin de chez nous en mettant en scène des histoires tirées et qui peuvent maintenant voyager, sous de l’activité scientifique et des projets de forme numérique, sans risque de perte ou recherche des CJBG. d’altération. Il en est ainsi de la collection De Candolle qui, sans quitter nos locaux, Organisée autour de 4 pôles, l’exposition voyage maintenant virtuellement à travers commence par les usages classiques des le monde. herbiers (descriptions d’espèces, mono- graphies taxonomiques et flores) pour rapi- Les données géographiques contenues dement s’intéresser à leurs utilisations sur les étiquettes d’herbier ont de même plus récentes, qui n’avaient certainement trouvé une nouvelle utilisation. En effet, la pas été imaginées par les collecteurs des connaissance des localités géographiques siècles passés. A la faveur de progrès tech- où une espèce a été récoltée permet, par nologiques récents, ils livrent en effet bien le biais de la modélisation spatiale et des plus d’informations qu’on ne l’imaginait. données environnementales, de se figu- rer où il serait possible de la retrouver ail- Les herbiers renferment en effet des don- leurs. En esquissant la distribution poten- nées cachées. L’ADN contenu dans les tielle des espèces, on peut alors organiser plantes séchées en est l’exemple le plus de nouvelles récoltes, ou prédire le dépla- spectaculaire. A l’aide des techniques cement de l’aire de l’espèce suite aux chan- actuelles de séquençage, il est maintenant gements climatiques et mieux planifier sa envisageable d’accéder au génome entier conservation. Ces nouvelles techniques d’une plante, même si celle-ci a été récoltée sont particulièrement utiles sous les tro- il y a 200 ans. Sur la base de l’ADN extrait, Il piques, où chaque espèce connue n’est le est alors possible de reconstruire les liens plus souvent représentée que par quelques de parenté entre espèces ou de retracer spécimens, du fait des difficultés d’accès à leurs voies de colonisation. Les spécimens ces régions. d’herbier de certains organismes gardent également les traces des conditions envi- Les herbiers ont beau être compo- ronnementales dans lesquelles ils ont vécu. sés d’échantillons séchés et morts, ils C’est le cas des lichens grâce auxquels nourrissent de nombreux domaines Prédiction, sur la base des échantillons d’herbier l’évolution de la concentration de mercure de recherche, traditionnels mais aussi connus (en haut) de la distribution potentielle dans l’air peut être suivie, sur plusieurs modernes, dont les enjeux majeurs sont la de Capurodendron gracilifolium (Sapotaceae) à Madagascar (en bas) dizaines d’années, par l’analyse spectro- connaissance et la préservation de la biodi- photométrique d’échantillons d’herbiers. versité sur Terre.

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 131 132 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 Patrick Bungener Collaborateur scientifique A.-P. de Candolle : BICENTENAIRE & RÉTROSPECTIVE 2017 2016 Pierre Mattille une passion, un Jardin Collaborateur scientifique

Nicolas Freyre Jardinier chef En 2017, les Conservatoire et Jardin botaniques rendront hommage à leur charismatique fondateur au travers de deux expositions liées. « La passion du savoir » explorera la vie d’Augustin-Pyramus de Candolle (1778-1841) et son œuvre scientifique. Sa création du Jardin botanique des Bastions en 1817 sera aussi l’occasion de présenter l’histoire des CJBG à travers l’exposition « Le Jardin, 200 ans de passion ».

« La passion du savoir » Bibliothèque des CJBG. 18 mai au De la mort de Louis XV en 1774 à la crise L’exposition se partagera en plusieurs pôles 15 octobre économique de la Monarchie de Juillet à thèmes consacrés à la vie et l’œuvre 2017 1840, en survolant l’ère napoléonienne, scientifique de Candolle. Un premier pôle la fin de la République de Genève et le illustrera ainsi sa carrière de vie nomadique régime de la Restauration, le savant gene- menée entre Paris, Montpellier et Genève vois Augustin-Pyramus de Candolle appa- durant la période post-révolutionnaire, l’ère « Votre amour raît dans cette période tourmentée comme napoléonienne et celle voyant la formation une figure emblématique dans l’histoire de de la Suisse. Découpé en tranches chrono- de la gloire et du la botanique. logiques suivant les chapitres de l’autobio- graphie de Candolle (Mémoires et souve- savoir est plus L’exposition « La passion du savoir » explo- nirs), ce pôle sera richement illustré par une rera la vie de ce savant genevois et de son iconographie provenant de musées gene- fort qu’aucun œuvre scientifique. Héritier des Lumières vois et européens. De nombreuses cita- par son attachement à la tolérance et tions, issues en grande partie de sa corres- autre et s’il l’est ses actions philanthropes, une carrière pondance privée méconnue et aujourd’hui de nomade et des thèmes de recherche en mains familiales, mettront en lumière dans ce moment, propres à la seconde moitié du XVIIIe siècle, les différentes phases présentées de sa Candolle incarne aussi le savant-citoyen vie et sa formation scientifique. C’est donc que sera-ce dans passionné du XIXe siècle. Homme d’utilité un portrait de la vie de Candolle qui sera publique et personnage social de premier dressé à ce poste au travers d’un double la suite ? » plan à Genève, il se constitue tout au long de regard porté à la fois sur le texte de ses sa carrière un herbier et une œuvre scienti- Mémoires et souvenirs et sur ses propres Lettre d’Henriette Rath à A.-P. de Candolle, 28.08.1801 fique démesurée tout en se dévouant à ins- lettres issues de sa correspondance fami- titutionnaliser et professionnaliser la bota- liale totalement inédite. nique. Sa fondation du Jardin botanique de Genève en 1817 est une de ses réalisations Trois autres pôles se consacreront à pré- les plus marquantes. senter les grands axes de son œuvre scien- tifique. L’un rendra compte de sa vision Cette exposition, sous forme d’un par- en matière de botanique taxonomique et « Portrait d’Augustin Pyramus cours-promenade, sera accessible prin- nomenclaturale exprimée dans son œuvre de Candolle », Henriette Rath, miniature sur vélin, 1824 cipalement au visiteur dans le Jardin majeure, la Théorie élémentaire de la bota- © Musée d’Art et d’Histoire, botanique. Seule une petite partie sera nique, en la situant dans le contexte des Ville de Genève / inv. n° I 0120 Photo: M. Aeschimann présentée au travers de vitrines dans la sciences du végétal de la seconde moitié

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 133

Le Jardin, 200 ans de passion 1817 Pommes de terre

1820 1820-1840 Collection fruitière Ecole de botanique

1911 1904 Jardin d’hiver Rocailles

1954 1904 Orangerie Rocailles

1940 Jardin des of cinales 1980 Dahlias 1988 1960 Serre tempérée Massifs horticoles 1992 Roseraie et Jardin des senteurs

1996 2005 Prospecierara Cultures de conservation

2014 Exposition Palmiers 2017 Jardin BIO

134 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 BICENTENAIRE & RÉTROSPECTIVE 2017 2016

Projet par A.-P. de Candolle pour le Jardin botanique aux Bastions en 1816 © BGE, Ville de Genève

du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle. botanique ! La traditionnelle descente des Un autre pôle détaillera ses travaux entre- massifs fleuris le long du parc animalier pris de l’inventaire du monde végétal en fera sa mue cet hiver pour se révéler sous lien avec la constitution de son herbier, un nouveau jour au printemps prochain. en se focalisant sur l’entreprise de son Une mise en scène diversifiée présentera Prodromus, une œuvre inachevée de son la riche histoire du Jardin botanique, de vivant et qui sera continuée par ses des- sa création au Parc des Bastions en 1817 cendants. Ses réflexions importantes sur jusqu’au Jardin BIO d’aujourd’hui. Imaginée la géographie botanique – Candolle est en comme une promenade chronologique, 16 effet à l’origine de la première carte bio- massifs illustreront le savoir-faire des jar- géographique – seront aussi évoquées à diniers et les différentes techniques horti- ce pôle. Un dernier pôle témoignera enfin coles développées à travers deux siècles de ses rapports avec l’étude de la physiologie botanique à Genève. végétale en lien avec l’école genevoise d’ex- périmentalisme du XVIIIe siècle où il a bai- Le visiteur traversera la collection fruitière gné jeune et dont il reconnaitra lui-même et l’école de botanique de Candolle, les la profonde influence sur le contenu de ses Rocailles dessinées par Jules Allemand en travaux scientifiques. 1904, la construction du Jardin d’hiver et de l’emblématique Serre tempérée, un jardin « Le Jardin, 200 ans potager de conservation, une parcelle de de passion » roses… Deux cents ans de passion au ser- vice des plantes et du public résumés en Dans le cadre des événements du bicen- une exposition de plein air, réalisée par des tenaire, nous vous proposons une prome- jardiniers… passionnés ! nade illustrant 200 ans d’histoire du Jardin

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 135 Racine de mandragore arrachée par un chien pour éviter la folie, « Tacuinum sanitatis » de Vienne (vers 1400)

« Les myrtilleuses », gravure du XIXème

136 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 Nouveaux jardins

ethnobotaniques BICENTENAIRE & RÉTROSPECTIVE 2017 2016

Ces jardins regroupent des plantes qui entre- Inauguration tiennent (ou ont entretenu) avec l’homme européen 26 juin un rapport d’usage, dans son cadre géographique 18h et à travers son histoire fort complexe. Ils ont été revisités par une équipe mixte de jardiniers, média- teurs, techniciens en parfumerie, phytopharma- ciens et ethnobotanistes, pour proposer au public des CJBG un espace permanent à la scénographie renouvelée.

Ces Jardins ethnobotaniques composent Médicinales, mais aussi aromatiques, pota- Didier Roguet plusieurs espaces jardinés en terrasses, gères domestiquées ou espèces sauvages Conservateur regroupés en quatre catégories, pour quatre de cueillette, artisanales, domestiques ou couleurs d’étiquettes différentes et dispo- industrielles, plantes à parfum, à huiles ou Assisté de : sées sur deux axes paysagers : fibres végétales, teintures, etc., plus de 400 M. Godoy, C. Fawer, C. Bacquet , taxons sont présentés et nous interpellent J.-M. Robert-Nicoud, P. Christen (UNIGE) 1. Le Jardin des alimentaires sur plus de 550 m2, quant au rapport que et D. Vernaz (COTY) • Jardin des condimentaires nous entretenons quotidiennement avec le • Jardin des cueillettes sauvages monde végétal. • Jardin des légumes méconnus • Jardin des alicaments Sauvages ou domestiquées, locales ou introduites, ces espèces ont toutes une 2. Le Jardin médicinal histoire commune avec notre civilisation • Phytothérapie médio-européenne. Ce parcours commun • Médecine allopathique, peut être fort long, comme pour la framboise médecine traditionnelle (Rubus idaeus L.), qui était déjà récoltée il y • Organes et principes actifs a plus de 8000 ans par les chasseurs-cueil- « Sauvages ou • Pharmacie du Bon Dieu leurs paléolithiques. Pour d’autres plantes, cette relation débute seulement. C’est le domestiquées, 3. Le Jardin économique cas pour une variété d’edelweiss, qui a été • Le Jardin parfumé domestiquée au tournant du siècle par les locales ou • Le Jardin sucrier stations fédérales de recherches agrono- • Le Jardin tinctorial miques et qui a été mise à disposition des introduites, • Le Jardin des huiles et résines cultivateurs de montagne pour l’industrie ces espèces ont • Le Jardin des fibres cosmétique. 4. Le Jardin des utilités ethnobotaniques Le rapport d’usage que nous entretenons toutes une histoire • Le Jardin sacré avec la nature et avec le monde végétal en • Le Jardin empoisonné particulier a fluctué au cours de notre his- commune avec • Le Jardin bio toire, au gré : • Le Jardin de la vigne et du blé notre civilisation • Le Jardin artisanal (tressage et bois) • Des périodes de disette (guerre, catastrophe, famine) qui ravivent le médio-européenne. » recours direct au monde végétal et

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 137 L'impératoire (Peucedanum ostruthium), une panacée alpine ignorée par nos pharmacopées

Récolte de la reine des prés (Filipendula ulmaria), une de nos aspirines locales

Habit d'apothicaire (Les métiers de N. Larmessin, vers 1660)

Le pavot somnifère (Papaver somniferum) dans les Terrasses actuelles consacrées aux plantes utilisées depuis fort longtemps dans nos régions

138 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 BICENTENAIRE & RÉTROSPECTIVE 2017 2016

Dégustation de tomates anciennes aux CJBG (Atelier Pro Specie Rara)

des introductions (exemple : la pomme exemples très probants. Chaque plante est de terre d’origine sud-américaine a étiquetée spécifiquement avec les informa- remplacé, dans nos assiettes, plus de tions suivantes : 20 espèces de racines comestibles appartenant à notre flore). • utilisations et/ou classes thérapeutiques • Des découvertes, en particulier tech- nologiques, qui ont supplanté de nom- • partie de la plante utilisée breux usages phyto-artisanaux (van- nerie, utilisations des bois, lessives • binôme latin (genre & espèce) et désinfectants ménagers végétaux, « Si la biodiversité cosmétiques, etc.). • nom populaire en français naturelle a subi • Des sélections anthropogènes (croi- • toxicité sements, manipulations du génome, au cours etc.). • famille botanique e du XX siècle • Des effets de mode favorisent des • origine géographique résurgences et des adaptations spec- des atteintes taculaires de certains savoirs (cos- Des vitrines interprétées complétent métologie, phytothérapie). Ce sont les les panneaux tables largement illustrés. inégalées « cueillettes de supermarchés ». Plusieurs parcours « izi.TRAVEL » per- mettant aux visiteurs de renforcer leurs dans l’histoire Si la biodiversité naturelle a subi au cours perceptions ethnobotaniques avec des info- du XXe siècle des atteintes inégalées dans rmations complémentaires (floraisons, uti- de l’humanité, l’histoire de l’humanité, il en a été de même lisations, photographies, vidéos docu- pour la diversité culturelle liée à l’utilisation mentaires, etc.), seront mis en place dès il en a été de des espèces végétales. Ces jardins portent l'automne. à cet effet témoignage d’usages ances- même pour traux parfois oubliés, ou en voie de l’être. L’inauguration de l’ensemble est prévue S’il s’agit parfois d’usages historiques et dans le cadre du Congrès international des la diversité un peu archaïques, il peut en être souvent jardins botaniques, le 26 juin à 18h00, pour ème culturelle liée autrement. le 200 anniversaire des CJBG. La logique et le bien-fondé des remèdes Cette présentation muséographique ethno- à l’utilisation de grand-mère, l’utilisation par des cuisi- botanique, novatrice et permanente, sera niers renommés des goûts et des arômes complétée, dès 2018, par celle des serres des espèces des herbes sauvages, la saveur et le poten- et en particulier de la collection des plantes tiel génétique des variétés potagères et utilitaires du Jardin d’hiver. végétales. » fruitières anciennes sont, à cet égard, des

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 139 140 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 Bienvenue BICENTENAIRE & RÉTROSPECTIVE 2017 2016

26 au à Genève ! 30 juin Pierre-André Loizeau 2017 Invitation au 6ème Congrès Mondial des Jardins Directeur des CJBG Botaniques, organisé par les Conservatoire et Jardin botaniques de la Ville de Genève, Suisse, Paul Smith du 26 au 30 juin 2017 Secrétaire général du BGCI

Les Jardins botaniques dans la société : Cinq thèmes principaux ont été choisis pour ce congrès : visions pour le futur La science pour la société Dans le but de stimuler des discussions et des réflexions innovantes sur le rôle et Comment les Jardins botaniques mettent-ils l’apport des Jardins botaniques dans la à disposition leur expertise scientifique pour société, nous aimerions cordialement vous aider à résoudre les « grandes questions » ? inviter au 6e Congrès Mondial des Jardins Botaniques en 2017. Le programme scienti- Conservation des plantes fique se concentrera sur le rôle des Jardins botaniques dans la résolution des challen- Comment les Jardins botaniques garantissent-ils ges environnementaux majeurs pour la qu’aucune espèce de plantes ne disparaîtra ? société : sécurité alimentaire, pénurie d’eau, énergie, santé, perte de biodiversité Education et diffusion et changements climatiques. Comment les Jardins botaniques peuvent-ils communiquer Les thèmes principaux toucheront à la avec la société et la rendre plus forte sur les grandes questions ? conservation des plantes, l’éducation et la sensibilisation, les challenges de la ges- Les defis de la gestion tion d’un Jardin botanique et la communi- cation sur les « grandes questions » via le Comment les Jardins botaniques peuvent-ils utiliser paysagisme, incluant des ateliers et des des approches et des techniques de gestion nouvelles sessions de discussion organisées pen- et innovantes ? dant le congrès afin d’aborder des ques- tions spécifiques. La communauté des Communiquer par l’amenagement Jardins botaniques, ainsi que ses experts – paysager horticulteurs, médiateurs, communicants, directeurs et gestionnaires – y trouveront Comment les Jardins botaniques peuvent-ils communiquer l’occasion d’explorer et de développer col- des visions pour le futur grâce aux aménagements paysagers lectivement et de manière collaborative et au design ? différentes visions pour les Jardins bota- niques et leurs activités fondamentales Pour tout renseignement concernant pour le futur. le programme et inscription, merci de vous référer au site du congrès : Nous nous réjouissons de vous accueillir ici à Genève en 2017. www.6gbgc.org

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 141 « L’aimant d’érable », œuvre et photographie de S. Meyer, 2012 (anamorphose de feuilles d’érables)

142 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 Sylvain Meyer en résidence

au Jardin botanique BICENTENAIRE & RÉTROSPECTIVE 2017 2016 de Genève

Artiste vaudois, 26 au Sylvain Meyer est spécialisé 30 juin dans le landart 2017 Fasciné par les nouvelles technologies, il a découvert la photogra- phie avec l’arrivée du numérique. Cette passion l’a amené à sillon- ner la nature, d’abord à la recherche de paysages à immortaliser. Puis un jour, au hasard d’une balade, il a assemblé des galets sur une plage et a photographié la forme qu’il venait de façonner : ce fut sa première œuvre.

Depuis, il n’a de cesse de plonger au cœur de la nature pour créer les sujets de ses photos. Avec une précision et une patience excep- tionnelles, il assemble des matériaux empruntés à la nature pour créer des toiles qui s’intègrent parfaitement au paysage. Faites de morceaux d’écorce, de pétales de fleurs, de pives ou d’épines de sapins, ses créations transforment et subliment les lieux où elles prennent vie.

Dessinateur en machines de métier, Sylvain Meyer aime jouer des Sylvain Meyer dans sa sylve régionale lignes et des formes pour tromper l’œil. Il utilise le procédé de l’ana- morphose pour créer des illusions aussi spectaculaires que poé- tiques. Les créations de Sylvain Meyer sont par nature éphémère, mais la photographie leur permet de continuer d’exister. Plusieurs de ses images ont déjà fait le tour du monde. Le jeune vaudois a également fait l’objet de plusieurs portraits télévisés. Des sites internet de référence en art et design l’ont propulsé au rang d’ar- tiste internationalement reconnu.

Quelques mots sur l’œuvre qui sera conçue au Jardin botanique

Ils sortent de terre ? Quittent leur nid ? Difficile à dire… une chose est sûre, ils convergent vers le chêne en suivant des routes en relief. Sur ces chemins sombres, ils exhibent volontiers leur couleur vive. Le corps souple et ce besoin d’être connecté à leurs voisins fait Croquis de la future qu’ils forment naturellement des motifs ornementaux. Arrivés à œuvre de landart l’arbre, ils grimpent le long du tronc en se faufilant discrètement qui sera réalisée en juin 2017 aux CJBG dans l’écorce éclatée du tricentenaire. Mais qui sont-ils ? Et sur- par Sylvain Meyer tout, où vont-ils ? A ce jour, personne ne l’a encore découvert.

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 143 Histoire

en photo L'orangerie, 1955

Plantation aux rocailles, 1952

Plates-bandes de la classification systématique,1904

Tina Moruzzi à l'herbier de La Console, vers 1970

144 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 BICENTENAIRE & RÉTROSPECTIVE 2017 2016 Cultures de subsistance du Plan Wahlen, 1944

Jardin botanique des Bastions, vers 1850

Orangerie des Bastions, vers 1900

Albert Zimmermann au cours d'une visite guidée, vers 1955

John Briquet dans son laboratoire de La Console, 1904

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 145 Rétrospective photographique 2016

146 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 BICENTENAIRE & RÉTROSPECTIVE 2017 2016

Différents regards sur « Tropicales de Salon » consacrée à la famille des Gesnériacées et proposée (mai à octobre 2016), une exposition trilingue proposée en collaboration avec le Jardin botanique de Zurich

Le camp de base des botanistes en expédition dans le cadre de l'exposition

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 147 Visite guidée aux CJBG par A. Chautems, un des commissaires

A. Chautems lors du vernissage zurichois (26 mai 2016)

148 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 P.-A. Loizeau, pour Genève , P. Enz pour Zurich, avec les commissaires de "Tropicales de salon" (A. Chautems, M. Perret et D. Aeschimann) lors du vernissage genevois du 12 mai 2016 BICENTENAIRE & RÉTROSPECTIVE 2017 2016

Un dernier né pour la fin de l'année dans notre parc animalier dédié aux races suisses menacées de PSR

La photo du mois de novembre sur l'Intranet de la Ville de Genève: toutes les unités des CJBG y sont représentées.

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 149 Interview de notre directeur (P.-A. Loizeau) pour la TSR

Remise du Prix de Candolle par la SPHN (16 novembre 2016)

150 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 Nuit de la science 2016, un stand commun avec le Bioscope de BICENTENAIRE & RÉTROSPECTIVE 2017 2016 l'Université de Genève (9-10 juillet)

Le nouvel espace de consultation de notre Bibliothèque

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 151 Projet global Une nouvelle entrée pour les CJBG

Depuis mars 2016, nous travaillons au projet de requalification de l’entrée place Albert Thomas, principal et emblématique point d’accès au Jardin botanique. Les objectifs sont les suivants :

• Travailler la perspective et la transparence sur le Jardin (Rocailles et Arboretum)

• Créer une place de rassemblement, avec des bancs généreux permettant aux gens de s’attendre

• Assurer une fonction d’accueil du public, à la fois passive et active

• Nécessité d’un abri pour la médiatrice d’accueil et pour le public (pluie et soleil)

• Proposer une identité végétale originale et pérenne, avec notamment une collection de plantes grimpantes

• Proposer un revêtement de sol pour donner une identité propre à cette entrée

152 FV N° 47 – Célébration du bicentenaire – 1817-2017 Impressum

Direction Pierre-André Loizeau

Rédacteur responsable Didier Roguet

Assisté de Martin Callmander, Mathias Godoy, Beat Bäumler

Auteurs D. Aeschimann, G. Barriera, A. Batalha Martin, B. Bäumler, M. Berthod, C. Boillat, P. Boillat, P. Bungener, M. Callmander, C. Chatelain, A. Chautems, P. Clerc, L. Dallinge, P. Enz, E. Favre, C. Fawer, N. Freyre, D. Fischer Huelin, Y. Flückiger, L. Gautier, D. Gautier-Béguin, M. Grenon, S. Kanaan, C. Lambelet, F. Le Hir, M. Leyvet, P.-A. Loizeau, P. Martin, P. Mattille, F. Mombrial, Y. Naciri, L. Nusbaumer, R. Palese, M. Perret, M.J. Price, L. Ramella, D. Roguet, B. Schaetti, P. Silveira, P. Smith, R. Spichiger, P. Steinmann, M. Stitelmann, D. Thomasset, B. von Arx, D. Wenger, N. Wyler, S. Wyler, P. Wyse-Jackson, C. Yvon

Photographie Auteurs, B. Renaud, D. Roguet, M. Cramatte

Conception graphique Martin Cramatte / www.martincramatte.com Atelier d’édition des CJBG / M. Berthod

Impression Imprimerie Saint-Paul / Fribourg

Le journal des Conservatoire et Jardin botaniques de la Ville de Genève paraît une fois l’an.

© 2017 Conservatoire et Jardin botaniques, Genève. Toute reproduction intégrale ou partielle des textes ou des illustrations de cette édition est strictement interdite sans l’accord préalable des CJBG.

Vous pouvez télécharger la Feuille Verte au format PDF sur notre site internet :

www.cjb-geneve.ch

1817-2017 – Célébration du bicentenaire – FV N° 47 153 Case postale 71 Chemin de l’impératrice 1 CH-1292 Chambésy/Genève Tél. 022 418 51 00 Fax 022 418 51 01 www.cjb-geneve.ch