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Extrême-Orient Extrême-Occident

36 | 2013 Mobilité humaine et circulation des savoirs techniques (XVIIe-XIXe siècles) Human mobility and the circulation of technical knowledge (17th-19th centuries)

Catherine Jami (dir.)

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/extremeorient/296 DOI : 10.4000/extremeorient.296 ISSN : 2108-7105

Éditeur Presses universitaires de Vincennes

Édition imprimée Date de publication : 31 décembre 2013 ISBN : 978-2-84292-404-1 ISSN : 0754-5010

Référence électronique Catherine Jami (dir.), Extrême-Orient Extrême-Occident, 36 | 2013, « Mobilité humaine et circulation des savoirs techniques (XVIIe-XIXe siècles) » [En ligne], mis en ligne le 01 juin 2016, consulté le 16 octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/extremeorient/296 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ extremeorient.296

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© PUV 1

Les études rassemblées ici analysent le rôle de la mobilité humaine dans la dynamique spatiale des savoirs en Asie orientale entre le XVIIe et le XIXe siècles. Que ce soit à l’échelle de l’individu ou celle des groupes professionnels, l’étude de l’itinéraire de savants versés dans des domaines techniques, pris dans sa dimension géographique, apporte un éclairage nouveau sur la circulation des savoirs à l’intérieur de l’espace impérial chinois, à l’échelle régionale et à l’échelle mondiale.

NOTE DE LA RÉDACTION

Ce numéro 36/2013, paru en juin 2014, a été publié initialement comme le numéro 36/2014

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SOMMAIRE

Introduction Catherine Jami

I. Itinéraires dans l’espace chinois

La carrière de Mei Wending (1633-1721) et le statut des sciences mathématiques dans le savoir lettré Catherine Jami

Les traductions de François-Xavier Dentrecolles (1664-1741), missionnaire en Chine : localisation et circulation des savoirs Huiyi Wu

II. Relations diplomatiques et circulation des livres

Journeys of the Modest Astronomers : Korean Astronomers’ Missions to in the Seventeenth and Eighteenth Centuries Jongtae Lim

Commerce des livres et diplomatie : la transmission de Chine et de Corée vers le Japon des savoirs médicaux liés à la pratique de l’acuponcture et de la moxibustion (1603-1868) Mathias Vigouroux

III. Industrialisation et innovation

Shimomura Kôtarô (1863-1937) and the Circulation of Technical Knowledge between the United States, Japan, and Belgium Aleksandra Kobiljski

IV. Regards extérieurs

Revisiting Social Theory and History of Science in Early Modern South Asia and Colonial India Dhruv Raina

La loupe et le miroir Christian Jacob

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Introduction

Catherine Jami

NOTE DE L'AUTEUR

Ce numéro d’Extrême-Orient Extrême-Occident a été préparé dans le cadre du projet « Itinéraires individuels et circulation des savoirs scientifiques et techniques en Chine moderne (XVIe-XXe siècles) » (ICCM ; voir http://www.sphere.univ-paris-diderot.fr/ spip.php?rubrique98), qui a reçu le soutien de l’Agence nationale de la recherche (contrat ANR-09-SSOC-004). Je tiens à remercier Florence Bretelle-Establet pour l’aide qu’elle m’a généreusement apportée dans le travail d’édition, et John Finlay pour sa relecture minutieuse des textes en anglais.

1 L’étude de l’histoire des sciences, des techniques et de la médecine en Asie orientale reste marquée par l’œuvre fondatrice de Joseph Needham (1900-1995) consacrée à la Chine2. Empruntant une métaphore à la chimie, Needham s’est proposé de travailler à un « titrage » des civilisations, autrement dit une évaluation des contributions de chacune d’entre elles au patrimoine des savoirs scientifiques et techniques de l’humanité3. Non seulement il a ainsi montré la richesse de l’histoire chinoise dans ce domaine, mais il a réfuté l’idée, dominante au milieu du XXe siècle, que la science ait jamais été une caractéristique ou un monopole de la seule Europe. Les conclusions de Needham sur ce dernier point sont aujourd’hui considérées comme un acquis sur la base duquel la recherche continue à avancer. Quant à l’évaluation de « la contribution chinoise » aux sciences, qui prend souvent la forme d’un inventaire de priorités dans la découverte, elle entre dans le cadre d’une historiographie « nationale », voire nationaliste. À cet égard il faut rappeler une évidence : c’est en Chine que travaillent la très grande majorité des historiens des sciences chinoises. Ces dernières années pourtant, le domaine a suivi l’évolution de l’histoire des sciences en général : visant à se situer en dehors de toute querelle de priorité et d’évaluation comparée des nations ou des civilisations, certains historiens ont choisi de concentrer leur attention sur la circulation des savoirs plutôt que sur les découvertes et les inventions. C’est l’un des choix qui président à l’élaboration du présent numéro d’Extrême-Orient Extrême-Occident.

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2 Needham a utilisé une autre métaphore, empruntée cette fois à l’embryologie, raisonnant en termes de facteurs qui ont favorisé ou inhibé le développement des sciences en Chine4 ; il lui semblait en effet nécessaire d’expliquer pourquoi la science moderne ne s’était pas développée de manière endogène en Chine, alors que, selon lui, les connaissances scientifiques et techniques y avaient connu un essor sans parallèle pendant plus d’un millénaire. Cette dernière question a fait couler beaucoup d’encre, surtout en Chine même5 ; aujourd’hui on pourrait la considérer plus comme un « catalyseur » de l’œuvre de Needham – pour emprunter un autre terme à la chimie – que comme un problème auquel il existe une solution pouvant faire l’objet d’un consensus. Cependant, la manière dont la société et la culture chinoises ont, à divers moments de leur histoire, influencé la formation et la circulation des savoirs reste un objet d’étude pertinent. Needham avait notamment suggéré que la structure de la société chinoise, qu’il a caractérisée comme « bureaucratico-féodale », et l’idéologie confucéenne qui aurait dominé celle-ci auraient « favorisé dans un premier temps le développement de la connaissance de la nature », mais par la suite « empêché l’apparition du capitalisme et de la science moderne »6. Sans reprendre ni les termes ni le jugement négatif contenus dans cet énoncé, il reste pertinent de s’interroger sur le rôle qu’a joué la fonction publique dans l’histoire des savoirs scientifiques et techniques, sinon tout au long de la période impériale (221 AEC-1911 EC), du moins dans la forme sous laquelle cette fonction publique s’est constituée à partir de la dynastie Song (960-1279)7. Il est en effet aujourd’hui admis que c’est sous cette dynastie que la bureaucratie a acquis un rôle prépondérant dans l’État chinois. Cette restriction temporelle – qui nous laisse tout de même face à une période d’un millénaire – illustre le fait que l’on hésite aujourd’hui davantage qu’à l’époque de Needham à raisonner en des termes si généraux qu’ils amèneraient à traiter la période impériale chinoise comme un tout homogène.

3 Au cours des deux dernières décennies, l’échelle spatiale de l’analyse historique a elle aussi changé : les études « locales » se multiplient, et les comparaisons se font entre des entités plus petites que des continents ou des empires. Par exemple, lorsque Kenneth Pomeranz cherche à expliquer la « grande divergence » entre diverses parties de l’Eurasie que représente à ses yeux le développement industriel que connaît l’Europe du Nord-ouest au XIXe siècle, il compare notamment l’Angleterre et le bassin inférieur du Yangzi8. Son projet d’une histoire mondiale construite à partir d’entités régionales s’appuie sur un grand nombre de travaux d’histoire locale économique portant sur telle ou telle région de Chine. L’échelle locale, qui occupe une importance croissante pour les historiens, a été encore peu explorée par les historiens des sciences travaillant sur l’Asie orientale, en dehors de certaines études portant sur la médecine9. Pour les autres domaines, notamment celui des sciences mathématiques, les comparaisons entre diverses régions du monde s’appuient encore rarement sur une localisation géographique fine des sources. Pour la période ancienne, la langue dans laquelle sont écrites les sources issues de la tradition textuelle (chinois classique, sanskrit, arabe classique, grec ancien, latin…) est souvent prise comme caractérisation de leur provenance ; et dans bien des cas, c’est en effet le meilleur, voire le seul indice disponible en la matière10. Pour les quatre derniers siècles, en revanche, l’abondance des sources se rapportant à des localités particulières permet de situer de manière beaucoup plus précise la production et la circulation des savoirs. L’enjeu de cette localisation n’est pas seulement affaire de coordonnées cartographiques : la structuration de l’espace est politique, culturelle et sociale.

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4 Prenant acte de ces évolutions historiographiques, et s’inspirant de la réflexion sur la géographie des savoirs menée dans le premier volume des Lieux de savoir11, le projet « Itinéraires individuels et circulation des savoirs scientifiques et techniques en Chine moderne (XVIe-XXe siècles)12 » s’est donné pour objectif d’étudier le lien entre les parcours de divers acteurs et la circulation des savoirs. En effet, à partir d’une réflexion sur le rôle de la bureaucratie dans la circulation des savoirs techniques s’est imposé le constat d’une mobilité spécifique des élites, liée au système de recrutement et de nomination des fonctionnaires impériaux : ceux-ci se rendaient d’abord au chef-lieu de leur district natal, puis à la capitale de leur province, et enfin à Pékin pour les examens successifs ; il étaient ensuite nommés à des postes dans d’autres provinces que celle dont ils étaient originaires, et changeaient en principe d’affectation tous les trois ans. Le rôle de ces fonctionnaires dans la diffusion de certaines connaissances, notamment dans le domaine de l’agriculture, est bien connu13. Cependant, dans les derniers siècles de l’empire, ils ne représentaient qu’une minorité des élites lettrées, lesquelles n’étaient d’ailleurs pas les seules porteuses de savoir. Il a donc paru pertinent, et même nécessaire, d’étendre l’étude au-delà du seul groupe des fonctionnaires, l’élite la plus « visible » à travers les sources historiques, à plusieurs groupes socio- professionnels. Cela devait permettre à la fois d’éviter l’écueil d’une histoire des savoirs qui ne prendrait en compte que cette élite et de donner une place plus large à certains savoirs dont la dynamique spatiale pouvait obéir à des logiques différentes de celle des carrières des fonctionnaires impériaux.

5 Portant sur une période au cours de laquelle certaines personnes et certaines connaissances ont circulé à une échelle intercontinentale, laissant de nombreuses traces dans les sources historiques, le projet s’est d’abord centré sur des acteurs dont l’itinéraire est situé au moins en partie dans l’espace impérial chinois14. Au cours du travail, il est cependant apparu que la problématique méritait d’être étendue à l’Asie orientale, pour deux raisons : d’une part, deux autres pays de la région, la Corée et le Vietnam, possédaient des administrations modelées sur celle de la Chine ; d’autre part, la mobilité à l’échelle régionale doit logiquement être prise en compte entre les échelles locale et globale. Les articles rassemblés dans le présent numéro d’Extrême- Orient Extrême-Occident donnent ainsi à voir des acteurs ou des connaissances qui ont circulé à travers des frontières politiques et linguistiques. Le pari est ainsi de construire, à partir d’un trait qui caractérise non seulement la Chine impériale tardive mais aussi certains de ses voisins, une problématique qui puisse être pertinente à des échelles multiples. Cela permettrait notamment d’intégrer, à partir du terrain familier aux spécialistes de l’Asie orientale, l’étude des échanges régionaux et celle des contacts suivis qui s’établissent entre celle-ci et l’Europe à partir du XVIe siècle, notamment par l’entremise des missionnaires jésuites. Envisageant ces contacts sur tout le spectre qui va des croyances religieuses aux connaissances techniques en passant par les représentations du monde et les arts, les historiens ont longtemps pensé ceux-ci à la même échelle que les études comparées évoquées plus haut. Beaucoup d’entre eux ont ainsi décrit une rencontre, une confrontation entre deux entités (l’Europe et la Chine, ou l’Europe et le Japon, voire l’Orient et l’Occident) supposées présenter une homogénéité forte chacune de son côté, et se différencier l’une de l’autre par des incompatibilités fondamentales15. Ici encore, l’apport de cette historiographie est indéniable, mais il convient aujourd’hui d’aller plus loin : peut-on construire une histoire mondiale des savoirs à l’époque qui nous intéresse, qui ne soit pas calquée sur le récit de l’expansion maritime européenne et des « découvertes » qui l’accompagnent,

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mais qui s’ancre plutôt dans l’expérience historique d’une autre région du monde ? L’objectif qu’on peut se fixer n’est pas de substituer une narration à une autre, mais d’assumer la multiplicité des narrations. Tout en reconnaissant le caractère expérimental d’une telle démarche, il nous semble qu’elle vaut la peine d’être tentée. C’est là l’une des motivations de l’approche mise en œuvre ici. Mais cette approche passe aussi par la lecture minutieuse de nos sources, y compris dans ce qu’elles ont de plus technique. Les lecteurs trouveront donc dans les pages qui suivent des éléments pouvant servir à la construction d’une nouvelle historiographie, plutôt qu’un édifice livré clés en main.

6 L’ordre et la structure suivant lesquels sont agencés les articles de ce numéro portant sur l’Asie orientale reflètent la démarche et les préoccupations qui viennent d’être évoquées. Ils sont répartis selon trois thèmes. Dans un premier temps, deux études sont consacrées à des personnages dont la carrière savante s’est déroulée dans l’espace chinois, l’une parfaitement représentative de la mobilité des lettrés, l’autre obéissant à la logique bien différente de la mission catholique. Dans un deuxième temps, nous suivons les itinéraires de savoirs astronomiques dans un cas, médicaux dans l’autre, véhiculés tant par des livres que par des spécialistes à travers les frontières entre les pays de l’Asie orientale. Enfin, la trajectoire d’un chimiste devenu ingénieur permet d’aborder la mobilité intercontinentale qui se développe tout à la fin de la période qui nous intéresse.

7 Les lieux successifs où se déroule la vie savante de Mei Wending (1633-1721), candidat malheureux à l’examen provincial à plusieurs reprises et spécialiste de sciences mathématiques, auraient pu servir de cadre à la carrière d’un haut fonctionnaire. Mais pour lui, Nankin, d’abord centre de l’examen provincial triennal, devient un lieu de résidence prolongée et de rencontre avec d’autres savants partageant son intérêt pour ces sciences. Il se rend ensuite à Pékin en lien non pas avec l’examen métropolitain, mais avec un projet éditorial impérial : il y contribue à la compilation des chapitres de l’ Histoire des Ming ( Mingshi) consacrés au système astronomique Datong, sur la base duquel était calculé le calendrier sous cette dynastie. C’est ainsi un projet éditorial commandité par l’empereur Kangxi (r. 1662-1722), et dont ce dernier s’est servi pour faire entrer à son service de brillants lettrés, qui occasionne le séjour de Mei à la capitale. Sa renommée parmi les hauts fonctionnaires ne suffit pourtant pas à le faire entrer au service de l’empereur. Ce dernier, fort des connaissances scientifiques qu’il a acquises auprès des jésuites, porte sur la compétence de Mei un jugement sévère. C’est en qualité d’hôte du Gouverneur du Zhili, chez lequel il enseigne les mathématiques, que Mei poursuit sa carrière. La reconnaissance impériale lui est finalement accordée sous la forme d’une audience avec Kangxi, qui avait révisé son opinion après avoir lu un traité de Mei. Si ce dernier a entrepris d’autres voyages que ceux qui marquent les étapes de sa carrière, il précise lui-même que c’était dans le but de rencontrer des savants versés comme lui en sciences mathématiques et d’avoir accès, par leur intermédiaire, à certains traités. Lorsqu’il se retire enfin, sa renommée dans ces domaines est telle que de nombreux lettrés viennent le consulter. Ainsi sa résidence, située en milieu rural, est-elle instituée en lieu de savoir – qui ne durera que jusqu’à sa mort ; c’est la marque non seulement de sa consécration, mais aussi de la reconnaissance croissante des sciences mathématiques comme relevant des savoirs lettrés.

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8 Si l’itinéraire de François-Xavier Dentrecolles (1664-1741), entré dans la Compagnie de Jésus en 1682, commence en , dès lors qu’il arrive Chine en 1699, ce sont exclusivement les besoins de la mission qui guident ses pas. Jusqu’ici, les historiens des sciences qui ont étudié cette mission et les échanges de savoirs entre l’Europe et la Chine qu’elle a portés se sont surtout intéressés à l’activité savante de la petite minorité de jésuites qui ont travaillé à Pékin en tant qu’astronomes, savants et artistes de cour. Or la mobilité de ceux-ci répondait davantage aux besoins impériaux qu’à ceux de la mission16 ; la majorité des jésuites, censés se consacrer exclusivement à l’évangélisation, sont étudiés surtout en tant qu’acteurs de l’histoire du christianisme en Chine. La manière dont les savoirs européens sur la Chine se sont construits sur le terrain de la mission reste donc assez peu connue ; c’est cette lacune que contribue à combler l’étude proposée par Wu Huiyi. Dentrecolles a travaillé au Jiangxi pendant vingt ans, notamment à Jingdezhen ; cette situation géographique a fait de lui l’informateur privilégié de l’Europe au sujet de la technique de la porcelaine. Il entreprend aussi de traduire certains passages d’un manuel à l’usage des fonctionnaires, donnant ainsi à connaître aux lecteurs européens le fonctionnement des écoles en Chine. À partir de 1719, Dentrecolles réside à Pékin, sans toutefois travailler à la cour. C’est l’accès à des périodiques européens conservés à la résidence jésuite, plutôt qu’aux ouvrages chinois disponibles dans la capitale, qui détermine une réorientation de son activité savante : sa lettre sur l’inoculation de la variole comme sa traduction d’un « dialogue philosophique » chinois s’inscrivent ainsi dans des débats européens. L’analyse de Wu Huiyi montre aussi que la proximité géographique, loin de garantir la circulation, s’y oppose parfois ; à l’inverse, les informateurs de Dentrecolles en Chine sont trop éloignés de ses lecteurs européens pour que les premiers aient à redouter la concurrence des seconds.

9 La trajectoire du spécialiste chinois de sciences mathématiques et celle du missionnaire jésuite étudiées ici ont ceci de commun qu’elles se situent entre les provinces chinoises et la capitale de l’empire Qing, tout en restant extérieures à la cour impériale ; ce, à une époque où la politique de patronage savant et les grands projets éditoriaux de l’empereur Kangxi et ses successeurs font de cette cour un haut lieu des savoirs lettrés comme des savoirs techniques. La ville appartient ainsi à – au moins – deux réseaux savants distincts. L’un, qui couvre le territoire chinois, relie entre eux fonctionnaires et savants spécialistes de domaines techniques, les premiers utilisant les seconds pour mieux servir l’empereur. L’autre, centré à Paris, inclut les missionnaires jésuites en tant qu’informateurs grâce auxquels la Chine est intégrée à un monde de plus en plus systématiquement exploré par les Européens17.

10 L’étude de Lim Jongtae nous donne à voir un troisième réseau ; celui-ci met en contact les fonctionnaires du Bureau de l’astronomie (Qintianjian) avec leurs homologues coréens qui font partie des ambassades régulièrement envoyées de Séoul à Pékin. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les astronomes coréens travaillent à s’approprier les méthodes calendaires introduites par les jésuites, qui sont mises en œuvre en Chine depuis l’avènement des Qing. Tributaire de ceux-ci, la Corée reçoit en principe leur calendrier chaque année. Mais il s’avère néanmoins nécessaire au bon fonctionnement des relations diplomatiques que les astronomes coréens soient capables d’effectuer eux- mêmes les calculs permettant à l’État qu’ils servent de disposer de son propre calendrier, et que ce calendrier s’accorde avec celui des Qing. Les obstacles à l’appropriation sont pourtant multiples : aux difficultés techniques et linguistiques

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s’ajoute un accès très restreint aux astronomes impériaux ; consultés à titre privé, ceux-ci aident parfois à l’achat des ouvrages qui expliquent leurs méthodes. Après avoir étudié ces ouvrages à Séoul, les astronomes coréens peuvent tenter de s’en faire expliquer certaines difficultés à l’occasion d’une ambassade ultérieure. Pékin apparaît ici comme une capitale des savoirs non plus seulement à l’échelle de l’empire, mais à l’échelle régionale, au-delà des frontières linguistiques et politiques. Ce statut de métropole détermine une hiérarchie épistémique qui se reflète dans le statut des astronomes royaux coréens, et dans la représentation ambivalente qu’ils donnent d’eux-mêmes : leur compétence, sur laquelle repose leur statut, ne peut s’acquérir dans l’autonomie, sans référence à un centre de savoir qui n’est pas la capitale de l’État qu’ils servent. Comme le souligne Lim Jongtae, le rôle de la mobilité géographique dans la construction des savoirs astronomiques à Séoul, située à la périphérie de l’Empire Qing, est inversé par rapport au rôle qu’elle joue pour la plupart des astronomes de l’époque. En effet, ce n’est pas la collecte d’observations et leur intégration à un système de savoir qui motivent le voyage des astronomes coréens, mais la mise en cohérence de leur propre système de savoir avec celui de la métropole dans laquelle ils se rendent.

11 Dans les domaines techniques comme dans les études classiques, ce ne sont pas les personnes mais les textes qui constituent le principal véhicule de circulation. Prenant pour objet d’étude non plus un acteur ou plusieurs acteurs, mais un domaine du savoir médical, Mathias Vigouroux analyse l’importation au Japon des connaissances liées à l’acuponcture et à la moxibustion à l’époque d’Edo (1603-1868). Ces pratiques connaissent alors un renouveau au Japon, tandis que l’entrée des livres et des personnes y est strictement limitée. L’étude quantitative des ouvrages importés montre que leur choix est déterminé non par le prestige dont ils jouissent en Chine, mais par les besoins et intérêts des médecins japonais ; ceux-ci sont également à l’origine d’éditions augmentées des textes importés. La Corée joue surtout ici un rôle d’intermédiaire dans la transmission des savoirs chinois. Comme ce fut le cas en Chine pour les astronomes, les relations diplomatiques établies entre la Corée et le Japon permirent l’envoi de médecins coréens, qui traitaient des patients et échangeaient avec leurs collègues japonais ; mais ici les envoyés jouaient souvent le rôle d’informateurs. Ils évitaient pourtant de répondre à certaines questions, notamment concernant l’acuponcture, qu’ils ne pratiquaient pas tous. Certains aspects de cette thérapie, qui sont objets d’apprentissage plutôt que d’étude, ne se transmettent que par une rencontre entre spécialistes ; ces rencontres semblent avoir joué ici un rôle de complément occasionnel de la diffusion des savoirs par l’écrit.

12 Ces quatre contributions confirment avant tout le rôle primordial des livres dans la transmission des savoirs scientifiques, techniques et médicaux. Cependant, qu’ils circulent à titre commercial ou soient copiés dans une bibliothèque d’accès malaisé, les livres ne suffisent pas tout à fait à assurer cette transmission ; en revanche, ils ont parfois motivé la mobilité humaine. La lecture – activité que l’on imagine sédentaire par excellence, et indifférente au lieu où elle se pratique – peut être le but d’un déplacement, ou bien en faire sentir la nécessité ; elle peut aussi être un préalable nécessaire à ce déplacement. La complexité des connaissances techniques et les limites de leur mise par écrit, fût-ce à l’aide d’illustrations, tiennent aux savoirs implicites qu’elles mettent en jeu, de deux manières. D’une part, certains des objets qu’elles utilisent – matériaux servant à la fabrication de la porcelaine, aiguilles d’acuponcture – n’y sont pas décrits de manière assez exhaustive pour permettre leur identification ou leur reproduction en tous lieux. D’autre part, certains segments des procédures

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décrites dans les textes – détails d’un calcul, geste de poncture – s’acquièrent non par l’étude, mais plutôt par l’apprentissage. Celui-ci nécessite à son tour soit la mobilité des détenteurs du savoir technique, soit celle des apprenants. Les frontières politiques et linguistiques limitent cette mobilité ; cela amène dans certains cas une explicitation de la part non textuelle inhérente aux savoirs techniques. Est ainsi éclairé l’un des éléments qui différencient les savoirs techniques des savoirs classiques, dont le prestige était bien plus grand en Asie orientale : les conditions du partage des savoirs implicites qui sous-tendent les uns et les autres. La maîtrise du chinois classique – la Chine restant le lieu de savoir de référence –, préalable évident à la circulation des savoirs par le véhicule des livres, était ainsi commune aux élites de tous les pays de la région. Pour les spécialistes techniques, répartis sur la même aire géographique, mais en nombre beaucoup plus restreint, la constitution de savoirs implicites communs était plus précaire, ce qui rend peut-être ceux-ci plus visibles pour les historiens. Si l’on retient cette idée, il conviendrait de s’interroger plus généralement sur le rôle de la mobilité humaine dans la construction et la circulation des savoirs lettrés en Asie orientale : cela permettrait de nuancer l’image largement répandue d’une culture toute livresque, dans laquelle l’activité savante se réduirait essentiellement à des compilations successives de textes18.

13 Si la Chine est alors perçue en Asie orientale comme le centre des savoirs, et la Corée comme une périphérie ou un simple intermédiaire, l’Europe se situe à la limite du champ de vision. Seuls de rares Européens sont présents à Pékin ; Mei Wending et certains astronomes coréens en mission les y ont rencontrés. Mais chacun connaît la provenance européenne des savoirs impériaux en sciences mathématiques. C’est Pékin, on l’a vu, et non Canton, grand port de commerce international, qui est le lieu privilégié d’accès aux savoirs étrangers. Au Japon en revanche, Nagasaki, port par lequel entrent les livres et autres produits commerciaux chinois, joue un rôle important comme lieu de savoir médical : si les ambassades coréennes se rendent jusqu’à Edo, un certain nombre de médecins chinois séjournent et travaillent à Nagasaki. C’est aussi là que les médecins japonais viennent, à partir du XVIIIe siècle, s’informer et se former auprès des médecins européens qui travaillent pour le comptoir hollandais de Dejima19. Il semble ainsi que les savoirs européens empruntent en Asie orientale les mêmes canaux par lesquels circulent les savoirs à l’échelle régionale.

14 L’échelle de la circulation des personnes et des savoirs s’élargit avec ce qu’il est convenu d’appeler l’entrée dans la modernité, tandis que la Chine perd son statut de centre des savoirs. Alors que sont fondées au Japon des institutions nationales d’enseignement des sciences et des techniques, les réseaux qu’y constituent les missionnaires protestants continuent à déterminer le parcours de certains savants. La carrière de Shimomura Kôtarô (1863-1737), analysée par Aleksandra Kobiljski, illustre parfaitement cette situation. Au contact d’un professeur américain qui lui enseigne les sciences, Shimomura se convertit à l’âge de treize ans. Cela lui ouvre d’abord l’accès au collège protestant Dôshisha qui vient d’être fondé à Kyoto par des missionnaires, puis la possibilité de poursuivre des études de chimie aux États-Unis. Là, il suscite le mécénat grâce auquel sera fondé le département de sciences de Dôshisha, qu’il dirigera pendant plusieurs années. Lorsqu’il quitte ce département, c’est à Osaka, alors en pleine industrialisation, qu’il est recruté pour mettre sur pied une usine de production de coke avec récupération des sous-produits. Il est envoyé en Belgique pour se former et à Sheffield ; à son retour, ce sont des fours et un dispositif de broyage de charbon qu’il a vu fonctionner dans ces deux lieux qu’il fait commander. Il faudra plusieurs

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années pour que ces fours fonctionnent de manière rentable : la haute teneur en matières volatiles du charbon japonais amène Shimomura à modifier le dispositif de broyage et à diviser la cokéfaction en deux étapes. Montrant le caractère actif et novateur de la réception des technologies, qui a permis l’industrialisation de l’ère Meiji, la carrière de Shimomura révèle aussi le rôle qu’ont joué, à côté de l’État et des diplômés des universités impériales de Tokyo et de Kyoto, les entrepreneurs privés et certains ingénieurs au parcours plus marginal.

15 En écho aux études portant sur l’Asie orientale, Dhruv Raina se tourne vers l’Asie du Sud durant la période couverte par ces études, pour évoquer les modalités de la circulation des savoirs, notamment dans le domaine de l’astronomie et des mathématiques. Situant son propos dans le contexte de l’historiographie récente, qui a réfuté l’idée que la période allant de 1550 à 1750 soit un moment de déclin dans les savoirs, il montre comment les savoirs ont été construits par les échanges entre deux langues savantes coexistantes, le sanskrit et le persan, d’abord à la capitale moghole, puis à la cour de Jai Singh. Sont ainsi mis en évidence deux contrastes et une similarité avec la situation de la Chine : une seule langue savante et un centre unique de pouvoir politique dominent dans cette dernière. En revanche, dans les deux cas, la présence en Asie de missionnaires jésuites conduit à l’intégration de certains savoirs en provenance d’Europe. Les deux langues savantes de l’Inde continueront à être les véhicules des savoirs scientifiques jusqu’au milieu du XIXe siècle, moment où, avec le modèle britannique d’enseignement, l’anglais s’impose comme véhicule unique des savoirs scientifiques dits modernes. La rupture qui se produit ainsi n’a pas d’équivalent en Asie orientale, où les langues des sciences modernes sont construites localement, à partir des langues vernaculaires de chaque pays.

16 Enfin, Christian Jacob formule certaines questions générales posées par l’histoire des savoirs qu’il voit à l’œuvre dans les cinq premiers articles de ce volume. Son regard permet de comprendre ce que propose cette discipline nouvelle, qui a en effet inspiré la conception de ce numéro d’Extrême-Orient, Extrême-Occident, de dégager certains enjeux du travail à l’échelle des individus, et de proposer un terrain de réflexion historique commun non seulement aux deux extrémités du continent eurasiatique, mais à l’ensemble des terrains sur lesquels le type de recherche proposé ici peut être mis en jeu.

17 Les contributions sur l’Asie orientale rassemblées dans ce volume mettent en évidence le rôle indispensable de la mobilité humaine dans la circulation des savoirs techniques. Dans les pages qui suivent, on verra que cette mobilité, si elle répond à la nécessité d’une reproduction précise, voire d’une réplication des procédures constitutives des savoirs, est aussi une condition de la construction de ces savoirs. L’examen de la mobilité géographique des savoirs techniques nous aide ainsi à envisager ceux-ci en termes dynamiques : plutôt que de les considérer comme des objets achevés, et de dissocier leur construction de leur circulation, il convient peut-être de penser les savoirs comme des entités dynamiques, en devenir constant dans l’espace comme dans le temps.

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ANNEXES

Glossaire

Datong 大統 Mei Wending 梅文鼎 Mingshi 明史 Qintianjian 欽天監 Shimomura Kôtarô 下村孝太郎 Zhili 直隸

NOTES

2. Needham 1954-. 3. Needham 1973 : 5-6. 4. Voir par exemple « Jinian Li Yuese danchen 100 zhounian » 2000. 5. Voir par exemple Ziran kexueshi yanjiu 2000. 6. Needham 1973 : 130. 7. Sur la manière dont les savoirs techniques sont intégrés dans la bureaucratie à l’époque Song, voir Lamouroux 2010. 8. Pomeranz 2000. 9. Voir notamment Scheid 2007 ; Bretelle-Establet 2010 ; Hanson 2011. 10. Chemla 2012 est un exemple d’étude comparée portant sur cette période. 11. Jacob 2007, notamment dans la 3e partie intitulée « Territoire et mobilité ». 12. Voir note 1 ci-dessus. 13. Voir par exemple Bray & Métailié 2001 ; Rowe 2001, 134-135. 14. Voir Jami 2015. 15. Voir par exemple Wu 2005 ; Gernet (1982) 1991. 16. Jami à paraître. 17. Jami 2008. 18. Sur l’activité de compilation, voir notamment Bretelle & Chemla 2007. 19. Voir Goodman 2000.

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AUTEUR

CATHERINE JAMI

Directrice de recherche au CNRS. Membre de l’équipe SPHERE (UMR 7219, Université Paris Diderot), elle travaille sur l’histoire des mathématiques en Chine et sur les contacts entre l’Europe et la Chine dans le domaine des sciences à l’époque moderne. Elle est notamment l’auteur de l’ouvrage The Emperor’s New Mathematics : Western Learning and Imperial Authority in China during the Kangxi Reign (1662-1722) (Oxford, Oxford University Press, 2012).

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I. Itinéraires dans l’espace chinois Routes through Chinese Space

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La carrière de Mei Wending (1633-1721) et le statut des sciences mathématiques dans le savoir lettré Mei Wending’s (1633-1721) Career and the Status of the Mathematical Sciences in Scholarly Learning 梅文鼎(1633-1721)的學術生涯與作為士人之學的曆算的建構

Catherine Jami

1 Alors que les mathématiques et l’astronomie sont toujours restées marginales dans les examens de la fonction publique impériale chinoise, les XVIIe et XVIIIe siècles ont vu l’intégration progressive de ces deux disciplines aux savoirs lettrés1. Nul n’incarne mieux ce processus que Mei Wending (1633-1721), l’auteur le plus prolifique de cette époque dans ces domaines. Son œuvre comporte près d’une centaine de titres, de longueur variable, presque tous consacrés aux mathématiques ou à l’astronomie, et dont seule une partie est aujourd’hui conservée2. L’objectif de cet article est de retracer la carrière de Mei Wending pour montrer que sa mobilité géographique sur le territoire impérial dessine un itinéraire caractéristique de lettré : il s’agit aussi de montrer comment, en retour, les principaux lieux où il a travaillé ont donné leur dynamique à sa carrière et à son œuvre.

2 Mei Wending a vécu dans sa jeunesse la transition dynastique des Ming (1368-1644) aux Qing (1644-1911) : sa vie a donc pour cadre historique la conquête de la Chine par les Mandchous et la consolidation de la dynastie par l’empereur Kangxi (r. 1662-1722) ; les deux derniers tiers de la vie de Mei, soit près de soixante ans, se sont déroulés sous le règne de cet empereur. Celui-ci s’est notamment efforcé de se concilier les élites lettrées parmi lesquelles étaient recrutés les fonctionnaires qui administraient l’empire sous les Ming, dont les Qing reprennent les principales institutions. Ainsi, après les troubles et parfois les ravages de la guerre de conquête, les examens qui servent à ce recrutement sont remis en place très rapidement. Dans le discours officiel, les Qing ont reçu le mandat céleste et sont donc les successeurs légitimes des Ming. Cependant, le sentiment loyaliste envers la dynastie déchue, particulièrement vif au Jiangnan, région

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dont est originaire Mei Wending, pousse certains savants à refuser d’entrer au service des Qing. C’est à la génération suivante que les Qing parviendront à se concilier les élites lettrées de cette région, qui est depuis le Xe siècle le centre économique et intellectuel de la Chine. Dans ce but, Kangxi, premier souverain mandchou né à Pékin, met tout en œuvre pour incarner le monarque confucéen ; ainsi, tout en étudiant lui- même les classiques, il promeut l’école de (1033-1107) et (1130-1200), dont la philosophie est érigée depuis les Ming en orthodoxie impériale ; l’empereur cultive aussi le patronage des activités savantes issues de la tradition chinoise.

3 Dans le domaine des sciences mathématiques, l’époque est caractérisée par l’introduction et l’appropriation de nouveaux savoirs. Les missionnaires jésuites qui sont entrés en Chine à la fin du XVIe siècle ont introduit des éléments de ces sciences telles qu’elles étaient alors enseignées dans leurs collèges en Europe. En 1607, (1552-1610), le fondateur de la mission jésuite de Chine, et Xu Guangqi (1562-1633) publient une traduction des six premiers livres des Éléments de géométrie d’Euclide3 ; quelques années plus tard, en 1614, c’est un traité de calcul écrit, le Guide du calcul dans l’écriture commune (Tongwen suanzhi) qui est publié. Ces ouvrages ont un impact d’autant plus important qu’à l’époque certains des classiques mathématiques de la Chine ancienne et les grands ouvrages des XIIIe et XIVe siècles (époque généralement considérée comme l’âge d’or des mathématiques en Chine) sont perdus. Plusieurs traités d’astronomie sont également publiés. En 1629, Xu Guangqi est chargé de réformer le calendrier impérial ; sous sa direction, plusieurs missionnaires jésuites y travaillent, écrivant notamment une série de traités qui sont rassemblés sous le titre Livres calendaires de l’ère Chongzhen (Chongzhen lishu). Dès la prise de Pékin par les Mandchous en 1644, Johann Adam Schall von Bell (1592-1666), l’un des jésuites qui ont travaillé à la réforme du calendrier, fait allégeance aux nouveaux maîtres de la capitale et reçoit la charge de directeur du Bureau de l’astronomie (Qintianjian), entrant ainsi dans la fonction publique chinoise. Les méthodes introduites par les jésuites dans leurs écrits y sont désormais utilisées pour les calculs calendaires. Les Livres calendaires de l’ère Chongzhen, désormais appelés les Livres calendaires suivant la nouvelle méthode occidentale (Xiyang xinfa lishu), représentent l’astronomie impériale. Ces changements suscitent des controverses parfois violentes : en 1664, Schall est démis de ses fonctions à la suite d’accusations portées contre lui ; tous les missionnaires sont alors expulsés des provinces. Le rétablissement d’un jésuite, Ferdinand Verbiest (1623-1688), au Bureau de l’astronomie par le jeune Kangxi en 1669 permet la poursuite de l’activité missionnaire dans l’empire et remet les savoirs occidentaux à l’honneur. L’empereur lui-même se met alors à l’étude des sciences mathématiques, prenant Verbiest comme professeur4. Il demeure cependant une certaine hostilité envers les savoirs mis en œuvre par les jésuites parmi les lettrés et fonctionnaires, et une certaine méfiance envers les jésuites eux-mêmes parmi les savants qui, comme Mei Wending, reconnaissent la valeur des méthodes occidentales en sciences mathématiques. L’attitude des lettrés chinois vis-à-vis des « savoirs occidentaux » (xixue) se comprend aussi à la lumière de leurs sentiments ambivalents à l’égard des conquérants mandchous.

4 Cet article s’appuie essentiellement sur les œuvres de Mei qui nous sont parvenues, sur une bibliographie de ses propres œuvres qu’il aurait compilée vers 1702 et qui a été revue et augmentée après sa mort5, sur l’anthologie de ses poèmes et de sa prose publiée par son petit-fils6, et sur les témoignages de lettrés qui l’ont connu. Ces sources

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sont par nature parcellaires, et éclairent davantage certains moments de la vie de Mei que d’autres ; ainsi on sait peu de chose sur les quarante premières années. Une difficulté à laquelle on se heurte est la datation de ses ouvrages et de leur impression. En effet, très peu d’éditions anthumes semblent avoir été conservées ; celles qui l’ont été n’ont pas forcément une préface écrite au moment de l’impression. Il faut aussi rappeler que le fait qu’un texte soit gravé sur des planches (rappelons que tous ces ouvrages sont xylographiés) ne nous dit rien sur le nombre d’exemplaires qui en ont été imprimés – ni sur la date à laquelle un exemplaire particulier a pu être fabriqué ; la question se pose particulièrement pour les ouvrages savants tels que ceux de Mei Wending, qui relevaient de l’édition non commerciale. Notons au passage que ces sources – comme on peut s’y attendre – sont muettes sur la dimension économique de l’itinéraire de Mei : le coût d’un voyage, celui de la résidence en un lieu donné, d’un livre chez un libraire, voire du papier sur lequel on rédige ou recopie un ouvrage, ne seront donc pas abordés dans ce qui suit. Je m’appuie aussi sur un certain nombre de travaux concernant Mei Wending7, et plus particulièrement sur deux chronologies de sa vie (nianpu), en vérifiant autant que possible les citations qui y sont données8.

I. Le district de Xuancheng

5 De la jeunesse de Mei Wending, nous ne sommes informés que par quelques souvenirs évoqués par lui-même, par quelques phrases quelque peu emphatiques dans sa biographie rédigée en 1699 par Mao Qike et dans le Registre généalogique du clan Mei de Wenfeng (Wenfeng Meishi zongpu)9. La famille Mei y aurait été présente depuis l’époque Song. La maison familiale se trouvait à la campagne ; elle a été démolie au début des années 2000. Les tombes de Mei Wending et de ses frères, en revanche, ont été restaurées et se trouvent encore non loin de là, dans des champs qui appartenaient à la famille10.

6 Mei Wending est né en 1633 près de Xuancheng, siège de la préfecture de Ningguo, alors rattachée à la zone métropolitaine Sud (Nan Zhili) de la dynastie Ming ; il était l’aîné d’une fratrie de quatre garçons nés de la même mère ; tous ont reçu l’enseignement de leur père et de leur grand-père, versés dans les commentaires du Yijing de l’époque Song, dans la tradition des « figures et nombres » (xiangshu). Celle-ci s’intéressait aux régularités du cosmos, régularités dans lesquelles les nombres étaient supposés tenir une place importante ; l’étude des relations entre les hexagrammes s’y rattache11. L’observation du ciel nocturne, dans lequel certaines de ces régularités sont visibles, faisait partie de cette culture familiale. Wending est reçu à l’examen de district en 1647, un an après que la conquête mandchoue a ravagé la région12. Le rang de « talent cultivé » (xiucai) qu’il acquiert ainsi définit son identité : il est avant tout un lettré (ru) dans la tradition confucéenne, avec les implications morales que cela comporte ; c’est en tant que tel qu’il va se consacrer à des disciplines considérées par ses pairs comme purement techniques.

7 Vers 1660, il commence à étudier l’astronomie auprès de Ni Guanhu (1616- après 1695), un savant de Xuancheng dont on sait peu de chose, avec deux de ses frères : Wennai (1637-1671) et Wenmi (1641-1716). Le premier ouvrage de Wending, intitulé Propos superflus sur l’astronomie (Lixue pianzhi), résulte de la lecture qu’il fait avec ces derniers d’écrits astronomiques de leur maître ; il est achevé en 1662. Dans les années qui

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suivent, Mei rédige un certain nombre de commentaires au fil de ses lectures, dont certaines sont des traités anciens.

8 Pendant la même période, il travaille également à deux ouvrages mathématiques : leurs titres citent les intitulés du premier et du huitième des « neuf chapitres » en lesquels étaient structurées les mathématiques dans la tradition chinoise13 : la Méthode générale des champs rectangulaires (Fangtian tongfa), préfacée par l’auteur en 166414, et la Discussion sur les tableaux rectangulaires (Fangcheng lun). Le premier, très court, consiste en une liste de relations entre les nombres. Ces relations sont de deux types : celles définies par la cosmologie chinoise telle que la transmet la tradition des « figures et nombres », et les conversions des unités de mesure. Le second ouvrage, beaucoup plus volumineux (six chapitres), est consacré à ce qu’on appelle aujourd’hui les systèmes d’équations linéaires, qui, pour Mei Wending, est l’aboutissement et la synthèse de toutes les méthodes de calcul15. Sa lecture révèle notamment certains des ouvrages auxquels Mei a accès : la traduction des Éléments de 1607, et le Guide du calcul dans l’écriture commune, ainsi que divers traités de l’époque Ming, dont le fameux Lignage unifié des méthodes mathématiques (Suanfa tongzong, 1592), qui restera un best-seller jusqu’à la fin de la dynastie Qing. Ce dernier ouvrage consacre un chapitre aux « tableaux rectangulaires », tandis que le Guide du calcul donne une méthode censée permettre de résoudre tous les problèmes tels que le système d’équations linéaires. Mei est critique envers l’un et l’autre, à des degrés divers. Sous couvert de restaurer l’un des « neuf chapitres », Mei développe le traitement des systèmes d’équations linéaires avec une rigueur sans précédent, élaborant une classification des problèmes suivant le type d’opération à effectuer pour les résoudre16. Achevée en 1672, la Discussion est préfacée la même année par Pan Lei (1646-1708), un lettré du Jiangnan s’intéressant aux mathématiques, qui est dès cette époque en correspondance avec Mei ; il est surtout connu comme disciple du savant Gu Yanwu (1613-1682)17.

9 L’année suivante, Mei Wending reçoit pour la première fois une commande ; cela nous indique qu’il était alors connu comme un spécialiste des phénomènes célestes à l’échelle locale. Shi Runzhang (1619-1683), haut fonctionnaire qui s’est alors retiré dans sa ville natale de Xuancheng, dirige la compilation de la Monographie de la Préfecture de Ningguo (Ningguo fuzhi) ; il demande à Mei d’en rédiger un chapitre, consacré à la « répartition des domaines » (fenye). Il s’agit d’une pratique particulière de l’astrologie, qui consiste à établir des corrélations entre les régions du ciel et les subdivisions d’un territoire ; sur la base de ces corrélations, les phénomènes célestes observés sont alors interprétés comme des présages concernant la partie du territoire à laquelle correspond la région du ciel où ils sont observés. Cette pratique proprement territoriale de l’observation du ciel remonterait à l’Antiquité. Un autre traité du même type sera demandé à Mei quelques années plus tard pour la Monographie du district de Xuancheng (Xuancheng xianzhi, 1678) ; il reprend alors dans les grandes lignes ce qu’il a écrit pour la préfecture de Ningguo18.

10 Les travaux d’astronomie de Mei Wending écrits dans les quarante premières années de sa vie ont un point commun : à une époque où les savoirs occidentaux jouent un rôle important mais controversé, ils sont essentiellement basés sur les savoirs chinois ; ceux-ci sont donc à la base de sa formation. En mathématiques, il connaît les ouvrages de Ricci, qui remontent au début du XVIIe siècle ; il ne semble pas avoir accès à des ouvrages plus récents. Deux raisons peuvent expliquer que ceux-ci, notamment les Livres calendaires suivant la nouvelle méthode occidentale, soient plus difficilement

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accessibles. La plupart des ouvrages de cette collection ont été imprimés pour la première fois dans les années 1630, peu de temps avant la chute des Ming. D’autre part, les ouvrages jésuites, alors produits pour l’institution impériale, n’ont peut-être pas circulé autant que des textes écrits antérieurement comme la traduction des Éléments, qui était précisément destinée à des lettrés comme Mei Wending.

II. La capitale du Sud

11 Le district de Xuancheng fut rattaché à la province de l’Anhui en 1667, lorsque la province du Jiangnan fut divisée en deux : et Anhui. Scinder le Jiangnan semble avoir fait partie d’une politique visant à affaiblir Nankin (Nanjing, littéralement « capitale du Sud »), l’ancienne capitale secondaire des Ming ; celle-ci est déchue de son statut et rebaptisée Jiangning par les Qing. Elle n’en reste pas moins la capitale du Sud – le Sud désignant en chinois la région du Jiangnan – sur les plans culturel et intellectuel. Malgré la partition en deux provinces, Nankin est restée le siège de l’examen provincial qui avait lieu à l’automne une fois tous les trois ans pour les candidats de l’Anhui comme pour ceux du Jiangsu19. À l’occasion de ces examens, un grand nombre de lettrés convergeaient donc vers la ville ; c’était l’occasion pour eux non seulement de se rencontrer et d’échanger des informations et des idées, mais aussi de consulter ou d’acquérir des livres. Ce n’est pas un hasard si le premier séjour de Mei à Nankin dont nous avons connaissance remonte à l’automne 1666, au moment d’une session triennale de l’examen provincial. Rien n’indique s’il s’est alors présenté à l’examen. Il nous dit en revanche que « […] à la librairie de M. Yu, [il s’est] procuré un ouvrage imprimé, à l’intérieur duquel il y a des cartes célestes […] ». En évoquant cet achat, Mei n’indique pas s’il s’agit d’un des ouvrages des jésuites20. Il semble qu’il s’est à nouveau rendu à Nankin en 1669, année où avait lieu la session suivante de l’examen provincial. C’est alors qu’il aurait rencontré pour la première fois le fils cadet du grand savant Fang Yizhi (1611-1671), Fang Zhongtong (1634-1698), dont Mei cite d’ailleurs l’opinion dans sa Discussion sur les tableaux rectangulaires21. Fang Zhongtong est lui-même l’auteur d’un traité mathématique, l’Expansion des nombres et de la mesure (Shudu yan). Achevé en 1661 et imprimé en 1687, celui-ci se présente comme une anthologie des connaissances mathématiques de son auteur22. Peu après cette rencontre avec le fils, Mei entre en correspondance avec le père, qui vivait alors retiré dans un temple bouddhiste du Jiangxi23.

12 L’un des sujets de conversation entre Mei Wending et Fang Zhongtong est un instrument de calcul que ni l’un ni l’autre n’ont encore vu : les réglettes de Neper (chousuan), introduites en Chine par les jésuites dans les années 163024. Il s’agit d’un ensemble de réglettes portant chacune une table de multiplication et qui servent d’auxiliaire pour effectuer cette opération (figure 1). Un manuel, intitulé Chousuan, inclus dans les Livres du calendrier de l’ère Chongzhen, les décrit et en explique l’usage.

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Figure 1

13 Les réglettes de Neper représentent les tables de multiplication. Elles servent d’auxiliaire à la multiplication (et à la division). Ainsi pour multiplier un nombre par 34, on place les réglettes 3 et 4 l’une contre l’autre. On obtient les multiples de 34 sur chaque ligne en additionnant les deux chiffres du milieu. Ainsi 8 x 34 est calculé en combinant 24 et 32 : les trois chiffres du produit seront 2, 4+3 et 2 ; ce produit est donc 272.

14 Peu après sa conversation avec Fang, Mei a pour la première fois entre les mains un jeu de réglettes de Neper que l’un de ses parents a rapporté de la capitale25, sans avoir connaissance du manuel des jésuites qui en explique l’usage. Mei rédige alors lui-même un traité sur le sujet, qu’il intitule Les Réglettes de Wu’an (Wu’an chousuan ; Wu’an était son surnom – zi). Achevé en 1678, il est imprimé à Nankin en 1681 ; ce serait donc le premier de ses ouvrages à être imprimé26. Ainsi les instruments, moins faciles à reproduire que les livres, étaient-ils aussi des véhicules des savoirs mathématiques et astronomiques. Comme les livres, ils pouvaient faire l’objet d’une mise par écrit en guise d’appropriation : comprendre, interpréter un livre donne lieu à un commentaire ; les instruments, eux, nécessitent un mode d’emploi. La circulation des instruments s’accompagne parfois d’adaptations : ainsi Mei décide-t-il de changer l’orientation des réglettes de Neper, en accord avec son choix d’écrire les nombres verticalement, comme on écrit les textes en chinois, et non plus horizontalement comme le faisaient les Européens pour poser les calculs (figure 2).

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Figure 2

15 Les cinq premières réglettes redessinées par Mei Wending. Les nombres sont écrits verticalement et disposés horizontalement de droite à gauche. Lorsqu’on place deux réglettes l’une au-dessus de l’autre, les deux chiffres à additionner sont dans un cercle. Pour effectuer 8 x 34, on lit ainsi les trois chiffres du produit l’un sous l’autre : 2, 4+3 et 2 ; ce produit est donc 272.

16 Cet instrument est particulièrement important dans l’arithmétique écrite élaborée par Mei : pour la multiplication, il adopte en effet la méthode dite « par jalousie », qu’on rencontre déjà en Chine avant l’arrivée des jésuites, sous le nom de pudijin. Il s’agit de disposer les nombres à multiplier l’un en ligne, l’autre en colonne, au-dessus et sur le côté droit d’un tableau à double entrée. On effectue chaque multiplication élémentaire dans la case correspondante, pour ensuite additionner les résultats partiels comme on le fait avec les réglettes de Neper27.

17 Mei se présente de nouveau à l’examen provincial en 1672, puis en 1675, toujours sans succès. Il passe cinq ans à Nankin à partir de cette dernière date. Il y est donc présent lors de la session suivante de l’examen, en 1678 ; il est probable qu’il tente alors une dernière fois sa chance28. On peut d’ailleurs s’interroger sur son désir de mener une carrière de fonctionnaire : plus tard dans sa vie, il sera critique vis-à-vis du système des examens impériaux29. Cependant, en tant qu’aîné d’une fratrie de quatre enfants, il était sans doute attendu de lui qu’il rehausse le prestige et le statut de la famille Mei. Quoi qu’il en soit, ce qu’on sait de ses visites puis de son long séjour à Nankin suggère qu’il y a consacré plus de temps à lire des traités de mathématiques et d’astronomie que des commentaires sur les classiques ou des manuels de préparation aux examens. L’accès à ces traités spécialisés lui est certes rendu possible par le marché du livre à Nankin, mais aussi grâce aux relations que Mei entretient avec certains lettrés qui résident dans la ville. Ainsi, l’exemplaire des Livres calendaires de l’ère Chongzhen qu’il a

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acheté à Nankin dès 1675 s’avère incomplet : il y manque l’Explication du compas de proportion (Bili gui jie)30. Trois ans plus tard, Mei fait la connaissance de Huang Yuji (1629-1691), bibliophile renommé, dont la collection comportait 60 000 juan31. Huang prête son exemplaire de l’ouvrage manquant à Mei ; celui-ci le recopie pour compléter le compendium impérial d’astronomie32. C’est également dans la bibliothèque de Huang Yuji que Mei prend connaissance du premier des Neuf chapitres sur les procédures mathématiques (Jiuzhang suanshu, Ier siècle de l’ère commune), le classique mathématique qui est alors perdu33.

18 Plus généralement, il ressort que l’accès aux livres spécialisés qui intéressent Mei Wending doit autant sinon davantage aux prêts entre lettrés qu’au marché de l’imprimé. Ses ouvrages regorgent de notes indiquant qu’il a copié l’exemplaire appartenant à tel ou tel lettré d’un livre d’astronomie ou de mathématiques, pratique qu’il continuera toute sa vie. Un voyage au Fujian, effectué alors qu’il était dans sa soixante-septième année, semble ainsi avoir eu pour but de copier un traité qu’il n’avait pas encore pu lire34. Les sources nous donnent donc à voir la mobilité de Mei et même sa sociabilité comme largement motivées par sa quête des savoirs mathématiques et astronomiques. Par ailleurs, il semble qu’il faisait lui-même la copie. Or copier un texte pour se l’approprier n’est pas forcément un pis-aller ; on aurait plutôt là un aperçu de sa pratique de savant.

19 Pendant les années qu’il passe à Nankin, c’est à Ma Decheng, un savant musulman versé en astronomie, avec lequel il s’est lié d’amitié, que Mei doit d’avoir pris connaissance d’un grand nombre de traités d’astronomie ; Ma l’autorise à recopier les exemplaires en sa possession. La présence à Nankin d’un savant musulman versé en astronomie n’a rien de surprenant. En effet, au début de la dynastie Ming, à l’époque où la ville était encore capitale, un travail de traduction d’ouvrages d’astronomie « musulmane » avait été commandité par l’empereur Hongwu (r. 1368-1398). Le Bureau de l’astronomie comportait alors une « Section musulmane » (Huihui ke) ; celle-ci existait toujours au XVIIe siècle, et fut fermée en 1657 à la suite des conflits qui opposèrent ses membres à Adam Schall35. Sous les Ming, les savoirs astronomiques se transmettaient souvent dans les familles d’une génération à l’autre. Ma Decheng était sans doute un descendant de l’un des astronomes musulmans qui s’étaient fixés à Nankin à la fin du XIVe siècle. Il n’est donc guère surprenant qu’il ait notamment fait connaître à Mei les ouvrages « musulmans » compilés au début des Ming, mais aussi des observations faites en dehors des institutions impériales. En 1680, à sa demande, Mei corrige une table des longueurs de l’ombre d’un gnomon d’une hauteur de 10 chi (environ 3 mètres) aux jours des vingt-quatre qi (instants divisant l’année tropique en vingt-quatre parties égales). Cette table était basée sur des observations faites dans les mosquées de quatre provinces (Shaanxi, Henan, Bei Zhili et Jiangnan)36. Grâce à Ma Decheng, Mei Wending a donc découvert non seulement une tradition textuelle, mais aussi un réseau d’observation astronomique couvrant plusieurs provinces et indépendant de l’État impérial. C’est l’implantation géographique des musulmans dans les provinces centrales du territoire impérial des Ming qui dessine la carte des observations communiquées à Mei Wending.

20 Mais leurs échanges ne sont pas limités à l’astronomie musulmane : Mei Wending doit encore à Ma Decheng d’avoir eu connaissance de la publication de la Véritable origine des mouvements célestes (Tianbu zhenyuan, 1653), ouvrage du jésuite Nikolaus Smogulecki (1610-1656). Celui-ci avait résidé à Nankin de 1651 à 1653, où il avait enseigné les

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mathématiques et l’astronomie ; il y avait laissé la réputation d’un homme qui ne cherchait pas à convertir ceux qui venaient vers lui pour parler de sciences mathématiques37. Parmi les savants chinois ayant étudié auprès de lui se trouvaient non seulement Fang Zhongtong, mais aussi Xue Fengzuo (1600-1680), dont Mei Wending découvre également l’ouvrage Intégration des études astronomiques (Lixue huitong, 1664) grâce à Ma Decheng. Xue avait collaboré avec Smogulecki sur la Véritable origine des mouvements célestes, dont il utilisa certains passages pour critiquer l’astronomie des jésuites du Bureau de l’astronomie38. En somme, on pourrait dire qu’à Pékin il y avait deux camps en astronomie : les jésuites et leurs ennemis – parmi lesquels les astronomes musulmans du Bureau. À Nankin la situation était plus complexe : c’est grâce à un savant musulman que Mei Wending prit connaissance d’un volet des « savoirs occidentaux » qui, bien qu’étant le fruit de l’enseignement d’un missionnaire jésuite, présentait des différences significatives avec ce qu’on appelle souvent « l’astronomie jésuite en Chine ». Un poème composé par Mei en hommage à Xue souligne que ce dernier, « bien que n’ayant jamais servi Jésus, a exploré toutes les techniques » des missionnaires en matière d’astronomie39. À Nankin, la circulation des savoirs n’était donc pas tributaire des appartenances religieuses. Même si, on l’a vu, il fallait parfois un certain temps pour que les livres et instruments « occidentaux » produits à Pékin arrivent à Nankin, cette dernière n’en était pas moins un lieu de savoir cosmopolite : loin des institutions impériales où se déroulaient des conflits aigus entre méthodes chinoises et occidentales, il semble avoir été possible de s’approprier l’ensemble des savoirs de l’astronomie sans choisir son camp.

21 Les écrits de Mei Wending pendant son long séjour à Nankin et pendant les années qui suivent ce séjour reflètent l’élargissement considérable des informations auxquelles il a accès. Il continue à rédiger des commentaires sur les textes qu’il lit, comme il le faisait à Xuancheng. Ainsi, il consacre deux commentaires (buzhu) aux livres d’astronomie « musulmane ». Mais plus généralement, il lit désormais textes « chinois », « musulmans » et « occidentaux » à la lumière les uns des autres, chaque tradition textuelle, chaque auteur particulier lui permettant de vérifier, corriger ou critiquer les autres.

22 Mei Wending semble avoir fait assez peu d’observations. Cependant il s’intéressait aux instruments, astronomiques comme mathématiques, et même à diverses machines et dispositifs techniques40. On sait qu’il a dessiné des cadrans solaires41. Si l’on ignore de quels moyens il disposait pour la fabrication, ses écrits donnent des descriptions détaillées des améliorations qu’il propose d’apporter à certains instruments. Cependant, sur la dizaine de titres de ce genre (consistant chacun en un seul juan), aucun n’a été inclus dans les collections qui regroupent ses œuvres42. En revanche, ses écrits sur les instruments de calcul ont été publiés : outre les réglettes de Neper, il a écrit sur le compas de proportion, sur le calcul écrit – qu’il propose de substituer à l’abaque pour les quatre opérations élémentaires de l’arithmétique –, et sur les baguettes à calculer de la Chine ancienne. Il est intéressant de noter que ces traités qui présentent les diverses méthodes de calcul numérique, et qui sont beaucoup plus élémentaires que le Traité sur les tableaux rectangulaires, ont semble-t-il été écrits pendant le séjour à Nankin. On peut penser que ses échanges avec des lettrés moins versés que lui en mathématiques l’ont amené à écrire à leur intention des initiations aux savoirs occidentaux en mathématiques. Ici, deux points sont à souligner : en adoptant comme base du calcul une technique utilisant pour tout instrument les « quatre trésors du cabinet de travail » (wenfang sibao : papier, pinceau, encre et

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encrier), Mei intègre les mathématiques aux savoirs lettrés. D’autre part, il adopte ici la posture d’un maître, alors que sa renommée s’étend dans les milieux lettrés : il espère jouer ce rôle auprès de certains d’entre eux.

23 Les deux traités de mathématiques mentionnés plus haut font partie des neuf titres que Mei voulait faire imprimer dans une collection au titre programmatique : Intégration des mathématiques chinoises et occidentales (Zhongxi suanxue tong). En 1680, un fascicule de préfaces et d’avant-propos de cette collection est imprimé ; il semble que le projet d’édition s’arrête là. Cela reflète sans doute l’intérêt assez faible des lettrés pour les sciences mathématiques. En revanche, deux ans après son achèvement en 1672, le Traité sur les tableaux rectangulaires avait été recopié par un certain nombre de savants, dont faisaient partie Fang Zhongtong et Huang Yuji ; un passage de l’ouvrage mentionne d’ailleurs une divergence de vue entre Mei et Fang quant aux fondements des mathématiques43. Premier ouvrage de Mei à circuler, le Traité sur les tableaux rectangulaires est le second à être imprimé, en 1687, par les soins de Li Dingzheng, non pas au Jiangnan, mais à Quanzhou (Fujian) dont Li était originaire. Quanzhou est situé à environ mille kilomètres de Nankin, et Li Dingzheng était à l’époque magistrat du district de Jiayu, au Hubei, situé à plus de huit cents kilomètres en amont de Nankin sur le Fleuve Yangzi : cela nous donne une idée de la portée de la circulation d’un ouvrage aussi spécialisé sous forme de manuscrit44. Il n’est pas surprenant que cette portée soit aussi celle de la mobilité géographique des fonctionnaires de l’État impérial.

24 L’intégration de Mei aux cercles savants de Nankin se traduit aussi par la demande qui lui est faite de rédiger le chapitre consacré à la « répartition des domaines » pour la Monographie provinciale du Jiangnan (Jiangnan tongzhi, 1684). Le changement d’échelle par rapport au chapitre qu’il avait rédigé pour la Monographie locale de Ningguo, qui concernait une simple préfecture, marque bien l’étendue de sa renommée à la région. Autre indication de cette renommée, dans les années qui suivent son retour de Nankin il reçoit chez lui la visite d’un certain nombre de savants45. Il voyage également : il passe ainsi l’hiver 1688 à . Parmi les personnes qu’il y rencontre pour discuter de mathématiques et d’astronomie, on compte le missionnaire jésuite italien Prospero Intorcetta (1626-1696) ; celui-ci n’est d’ailleurs pas connu comme particulièrement versé en sciences mathématiques ; il aurait cependant participé à l’observation d’une éclipse de soleil qui s’est produite en avril de cette année-là, également observée par d’autres jésuites dans d’autres villes de Chine46. Il semblerait qu’aucun missionnaire jésuite versé dans ces sciences n’ait résidé à Nankin durant les années où Mei y a séjourné47 ; ce dernier aurait cherché à rencontrer l’un de ceux qui étaient relativement proches de lui géographiquement.

III. Pékin, capitale des Qing

25 En 1678, trois ans après l’installation de Mei Wending à Nankin, l’empereur Kangxi décide la tenue d’un examen extraordinaire, dans le but de recruter des savants pour travailler à la compilation de l’histoire officielle de la dynastie Ming48. Il suit ainsi la tradition impériale chinoise, qui veut que chaque nouvelle dynastie écrive l’histoire de celle qui l’a précédée sur la base des annales dont elle a hérité ; il s’efforce aussi d’attirer au service de ce projet certains grands lettrés qui se sont jusque-là abstenus de servir les Mandchous par loyauté envers la dynastie Ming. Shi Runzhang, qui avait dirigé la Monographie de Xuancheng, et Pan Lei, qui avait écrit en 1672 une préface à la

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Discussion des tableaux rectangulaires, sont tous deux lauréats de cet examen. Lorsque le travail de compilation commence l’année suivante, Shi écrit à Mei pour lui proposer de venir à Pékin travailler au chapitre de l’Histoire des Ming (Mingshi) qui doit, suivant l’usage, être consacré au système calendaire des Ming. Mei décline l’invitation, arguant qu’il ne peut se soustraire à des engagements qu’il a pris. Demeurant à Nankin, il rédige cependant une première ébauche sur le sujet, qu’il mentionne dans sa bibliographie sous le titre Paroles superflues à propos de la monographie sur l’astronomie (Lizhi zhuiyan), et l’envoie à Shi49. Une dizaine d’années plus tard, en 1689, Mei se rend à Pékin. Ce voyage pourrait être lié à la compilation de l’Histoire des Ming, puisque peu après son arrivée, il rédige un Projet de monographie sur l’astronomie pour l’Histoire des Ming (Mingshi lizhi nigao). Il a alors eu entre les mains une autre ébauche de cette monographie due au grand savant Huang Zongxi (1610-1695), qui était assez versé dans les sciences mathématiques ; ce dernier avait rédigé cette ébauche dans le Sud et n’était pas à la capitale. Mei dit avoir trouvé plus de cinquante erreurs dans cette ébauche. Il considère par ailleurs les savants de l’Office de l’Histoire des Ming (Mingshi guan) comme peu compétents dans le domaine de l’astronomie50.

26 Peu après son arrivée, Mei devient l’hôte du frère aîné de Li Dingzheng, Li Guangdi (1642-1718), alors Chancelier de l’académie Hanlin (zhang yuan xueshi). Reçu à l’examen métropolitain dès 1670, représentant éminent de l’école philosophique de Cheng Yi et Zhu Xi, Li Guangdi fait partie de ceux qui ont enseigné les classiques à l’empereur. Si le souverain mandchou reconnaît l’autorité des savants chinois dans ce domaine, il affiche en revanche une piètre estime pour leur connaissance des sciences mathématiques, et se pose ainsi à son tour en maître vis-à-vis d’eux. C’est certainement pour lui plaire que Li Guangdi s’est mis à l’étude de ces sciences. Les ayant d’abord étudiées avec Pan Lei, de l’enseignement duquel il est peu satisfait, Li invite Mei à devenir son professeur. Ils travaillent notamment sur les Réglettes de Wu’an51. Dans le même temps, Li Guangdi incite Mei à abandonner son projet d’un grand traité d’astronomie en cinquante-huit chapitres, au profit d’un ouvrage concis qui soit à la portée de lettrés non spécialistes comme Li lui-même. Sous l’étroite surveillance de ce dernier, Mei commence donc en 1691 à rédiger un ouvrage en forme de dialogue, dans lequel un savant versé dans les sciences mathématiques, qui pourrait bien être Mei, répond aux Doutes sur l’astronomie ( Lixue yiwen) d’un autre savant aussi érudit et orthodoxe qu’ignorant de ce sujet technique, qui pourrait bien être Li Guangdi52. Cet ouvrage présente les similitudes et les différences entre les systèmes chinois (zhong), occidental (xi), et musulman (huihui). Mei y défend l’idée que l’astronomie, qui a été confiée à des spécialistes par les empereurs de la haute Antiquité, progresse au cours de l’histoire et que certaines notions introduites par les jésuites, comme la sphéricité de la Terre, ne sont pas en contradiction avec la cosmologie chinoise traditionnelle. Plus encore, il affirme que l’astronomie introduite par les jésuites est en fait d’origine chinoise53.

27 À Pékin comme à Nankin, Mei rencontre un certain nombre de grands lettrés qui le reconnaissent comme un expert dans les domaines des sciences mathématiques54 ; son nom est mentionné dans les recueils de prose (wenji) de plusieurs d’entre eux ; certains donnent des préfaces à ses ouvrages. Contrairement à ceux qu’il a connus à Nankin, ces grands lettrés sont aussi des hauts fonctionnaires. Il faut souligner que les deux milieux ne sont pas disjoints : c’est Shi Runzhang, que Mei a connu pendant une période où le premier s’était retiré chez lui, qui, en partant à Pékin, a sollicité la contribution de Mei

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à l’Histoire des Ming. Pan Lei est lui aussi à Pékin pour y travailler. Et l’on peut penser que Li Guangdi avait entendu parler de Mei Wending par son frère Dingzheng, qui avait fait imprimer la Discussion sur les tableaux rectangulaires.

28 À Pékin, Mei espérait rencontrer Ferdinand Verbiest55 ; mais ce dernier était mort en 1688. Si l’expertise des jésuites était ce qui avait attiré Mei à la capitale, son séjour, qui dura cinq ans, ne fut pas un succès à cet égard. Il rencontra au moins une fois Antoine Thomas (1644-1709), à qui la tâche d’astronome impérial était échue à la mort de Verbiest. Mei a noté qu’une conversation eut lieu entre eux le 14 janvier 1691 – ce fut peut-être la seule –. Thomas lui dit alors qu’il existait une méthode différente de celle utilisée par les fonctionnaires qui calculaient les impôts pour trouver l’aire d’un champ. Mei, d’abord en désaccord avec cette idée, y réfléchit par la suite, et mit au point une « méthode pour mesurer une aire plane à distance » (yao liang pingmian fa)56. Il n’y a à ma connaissance aucune autre mention d’une discussion portant sur les sciences mathématiques entre Mei et les jésuites. Certes, les jésuites de Pékin, qui comme Thomas travaillaient non seulement au Bureau de l’astronomie mais aussi à la Maison impériale, n’étaient pas intégrés aux milieux des lettrés fonctionnaires comme l’avait été Matteo Ricci. Mais cela ne suffit pas à expliquer pourquoi les sources ne mentionnent aucun échange entre les deux personnages qui apparaissent aujourd’hui comme les plus versés en sciences mathématiques alors présents dans la capitale, et dont l’un y était venu tout exprès. L’explication se trouve du côté de la cour impériale.

29 En 1690, Kangxi retourne à l’étude des mathématiques, qu’il avait abordée avec Verbiest dans les années 1670, sous la tutelle de nouveaux professeurs jésuites qui rédigent pour lui plusieurs ouvrages. Antoine Thomas lui enseigne le calcul, tandis que deux jésuites français traduisent pour lui, d’abord en mandchou puis en chinois, un nouveau manuel de géométrie qui doit remplacer les Éléments d’Euclide traduits par Ricci. Ce travail de rédaction et de traduction se fait dans le plus grand secret, à la demande expresse de Kangxi qui entend garder le monopole des nouveaux savoirs occidentaux ainsi mis à sa disposition57. Aucun lettré chinois ne doit lui disputer le rôle de maître en mathématiques qu’il s’est lui-même attribué. Il est significatif à cet égard que l’empereur ait alors acquis une piètre opinion de Mei Wending, comme il le fait savoir aux hauts fonctionnaires qui l’entourent alors que Mei est toujours à Pékin, en 1692 : Ces temps derniers il y a un homme du clan Mei du Jiangnan ; nous avons entendu dire qu’il maîtrise parfaitement les mathématiques. Nous avons envoyé quelqu’un pour le tester : ce qu’il dit sur la mesure de l’ombre du gnomon ne correspond pas [à la réalité]. […] Sa méthode de calcul n’étant pas exacte, il utilise un gnomon court pour mesurer les ombres, pour que sa tromperie ne soit pas visible58.

30 À ma connaissance, ni les écrits de Mei ni ceux de Li Guangdi ne mentionnent ce jugement cinglant, dont on peut se demander s’il est impartial. Quoi qu’il en soit, il faut reconnaître que l’empereur comprend l’importance de la précision dans les mesures ; c’est aussi pour lui un terrain sûr, car aucun savant n’a des moyens comparables aux siens pour la fabrication, l’entretien et l’utilisation des instruments astronomiques. De plus, la précision des mesures est vitale pour l’astronomie impériale : elle seule permet de déterminer le moment exact où doivent être conduits certains rituels. L’enjeu est ni plus ni moins que la préservation de l’harmonie entre les rythmes du monde humain et ceux du cosmos, dont l’empereur est garant. Deuxième empereur mandchou à régner à Pékin, Kangxi s’avère particulièrement soucieux d’assumer à la lettre la responsabilité

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cosmologique qui est la sienne s’il veut être un empereur dans la tradition chinoise, et pas seulement un conquérant mandchou.

31 Tout ceci donne à penser que ce n’est pas un hasard si Li étudie avec Mei et lui fait rédiger les Doutes sur l’astronomie au moment même où Kangxi fait rédiger des manuels de mathématiques par les jésuites. En prenant Mei sous sa protection, Li Guangdi cherche moins à satisfaire son propre goût pour les sciences mathématiques que celui de l’empereur. Il s’agit de donner à voir à l’empereur une expertise mathématique émanant de la communauté lettrée qui fasse pièce à celles des jésuites, et de mettre cette expertise à sa disposition. Plus que sur la compétence de Mei Wending, ou sur celle de l’empereur lui-même, le rejet du premier par le second en dit long sur la spécificité des critères de l’astronomie impériale et sur les enjeux politiques et culturels que Kangxi a placé dans les sciences mathématiques.

32 En 1693, Mei quitte la capitale pour rentrer chez lui59. S’il n’a pas gagné la faveur de l’empereur, les cinq années passées dans la capitale ont tout de même été doublement fécondes : il a composé plusieurs traités, qui sont dotés de préfaces rédigées par de prestigieux savants et hauts fonctionnaires. Li Guangdi rédige lui-même une préface aux Doutes sur l’astronomie qu’il fait imprimer en 1696, alors que son auteur voudrait encore le réviser et y ajouter des cartes60. Cet ouvrage, s’il ne satisfait pas entièrement Mei, lui ouvrira finalement la voie de la consécration.

IV. Chez le gouverneur du Zhili

33 En 1699, Li Guangdi est nommé gouverneur du Zhili (actuel ), dont la capitale se trouvait à Baoding. Vers la fin 1702, au cours d’une audience avec l’empereur, Li lui offre un exemplaire des Doutes sur l’astronomie. Quelques mois plus tard, Kangxi lui offre en retour deux ouvrages rédigés par ses professeurs jésuites dans les années 1690 pour leurs cours de mathématiques : les Éléments de géométrie (Jihe yuanben) et les Éléments de calcul (Suanfa yuanben). Le premier est une traduction partielle du manuel de géométrie d’Ignace Gaston Pardies (1636-1673), qui a été professeur de mathématiques au Collège jésuite de Paris61. Le second est basé sur le livre VII des Éléments d’Euclide, avec quelques propositions du livre VIII et la première proposition du livre IX : il s’agit des livres d’arithmétique. Dans la conception duale des mathématiques qui est celle des jésuites, les deux traités en chinois forment un tout. Les Éléments de calcul, qui donnent les fondements de l’arithmétique, semblent avoir été conçus comme le pendant des Éléments de géométrie62. L’échange de livres, tel que celui entre Li Guangdi et l’empereur Kangxi, avait cours parmi les bibliophiles de l’époque ; il était parfois régi par des contrats63. Cependant, il s’agit ici d’ouvrages qui ont été écrits sur commande – les Doutes sur l’astronomie pour Li Guangdi, les Éléments de géométrie et les Éléments de calcul pour l’empereur. Ainsi deux mécènes des sciences mathématiques partagent les fruits de leur patronage. L’opinion de l’empereur sur les Doutes sur l’astronomie est mitigée ; tout en reconnaissant les années de travail qui ont rendu possible l’écriture du livre, il déplore l’absence de calculs64. On assiste pourtant à un changement d’attitude de sa part, en comparaison avec la décennie précédente où il s’était assuré le monopole de l’enseignement des jésuites. De toute évidence, l’échange n’est pas symétrique : les sources indiquent que, tandis que l’empereur lit le texte de Mei pour le corriger, Li s’efforce de comprendre les deux manuels qui lui ont été offerts en retour. Les formes qui font de l’empereur le maître et de tous les Chinois ses élèves sont ainsi respectées.

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C’est « parce qu’il ne les comprend pas tout à fait que [Li Guangdi] invite Mei Wending au siège [de son administration provinciale] pour en discuter avec lui à ses heures de loisir65 ».

34 Ce dernier est alors dans sa soixante-douzième année ; toujours aussi prolifique, il a plus de quatre-vingts titres à son actif66. Il accepte l’invitation, et se rend à Baoding en compagnie de son frère Wenmi, de son fils Yiyan (1655-1705) et de l’aîné de ses petits- fils Mei Juecheng (1681-1763) : ce sont ainsi trois générations de sa famille versées dans les sciences mathématiques qui l’accompagnent. Li Guangdi, de son côté, rassemble des élèves pour ce maître parmi ses jeunes protégés : Wei Tingzhen (1669-1756), Wang Lansheng (1679-1737), Chen Wance (1667-1734), Wu Yongxi (dates inconnues), et son fils aîné Li Zhonglun (1663-1706)67. Il entreprend ainsi de faire former aux mathématiques une nouvelle génération, à la disposition de laquelle il met à la fois l’expertise de Mei et ce que l’empereur a bien voulu partager avec lui de ses « nouvelles mathématiques ». Mais Li reproduit aussi dans sa résidence de gouverneur le modèle institué par l’empereur au Palais impérial, à savoir un enseignement de mathématiques et d’astronomie : Kangxi en faisait dispenser un à ses fils par Antoine Thomas68. Les sujets abordés à Baoding ne sont pas limités aux deux manuels impériaux ; ainsi, une discussion sur le système calendaire des Yuan amène Mei à rédiger une Explication détaillée du calcul des anomalies moyenne, cubique et apparente (Ping li ding sancha xiangshuo) dans ce système69.

35 Pendant le séjour de Mei à Baoding, Li Guangdi continue à promouvoir son protégé. Il fait imprimer plusieurs de ses ouvrages, dont un Résumé de la trigonométrie (Sanjiaofa juyao). Il trouve également l’occasion de le recommander à l’empereur, si bien que lorsque ce dernier revient de l’une de ses tournées d’inspection dans le Sud (nanxun) au printemps 1705, Mei Wending est reçu en audience sur le bateau impérial lors d’une escale de celui-ci. La discussion se prolonge tard dans la nuit et se poursuit le lendemain. Le surlendemain, le bateau impérial continue son chemin, et Mei va saluer et remercier l’empereur à l’étape suivante. Nous avons quelques indications sur la teneur de la longue conversation entre les deux hommes. Mei Wending offre à l’empereur un exemplaire de son Résumé de la trigonométrie. Situé de plain pied dans le champ des savoirs occidentaux, celui-ci part de définitions élémentaires, puis mène le lecteur des triangles vers les polygones inscrits dans un cercle ou circonscrits à un cercle, pour se clore sur un chapitre consacré aux mesures à distance. L’ouvrage est beaucoup plus technique que les Doutes sur l’astronomie, et est certainement plus au goût de l’empereur. Mais surtout, il vient à point nommé : quelques mois plus tôt, l’empereur a dicté et fait imprimer en chinois et en mandchou une courte Discussion sur les triangles et le calcul (Sanjiaoxing tuisuanfa lun). Faute de connaître la date exacte à laquelle Li Guangdi a fait graver les planches du Résumé de la trigonométrie pour son impression, on est tenté de supposer qu’après avoir pris connaissance de l’essai impérial, il a voulu mettre en avant un ouvrage dont le contenu fait écho au titre choisi par Kangxi. La Discussion sur les triangles et le calcul donne le point de vue impérial sur les sciences mathématiques. On y retrouve l’une des idées maîtresses des Doutes sur l’astronomie : « L’astronomie a son origine en Chine et a été transmise vers l’Extrême- Occident. » Cependant, alors que Mei cite en exemple les empereurs de l’Antiquité pour arguer que l’astronomie impériale doit être confiée à des spécialistes, Kangxi soutient que sa propre maîtrise des sciences mathématiques est le moyen de tenir son rôle d’intermédiaire entre le cosmos et le monde humain70. Chacun des deux justifie donc

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par un recours à l’histoire et à la cosmologie chinoises son goût pour un domaine d’étude assez peu cultivé par les lettrés de leur temps.

36 L’idée que les savoirs occidentaux sont d’origine chinoise, qui a prévalu tout au long du XVIIIe siècle, s’avère encore plus utile au souverain qu’au savant. Mei l’a utilisée de deux manières. D’une part, il conteste l’assertion des jésuites selon laquelle ce qu’ils introduisent est radicalement nouveau. D’autre part, il souligne qu’on doit prendre le meilleur de chacun des deux systèmes de savoir pour en faire la synthèse, et que l’origine d’un savoir ne doit pas être un critère de choix. Pour Kangxi, cette thèse change la signification de son soutien aux jésuites et à leurs sciences : si ce que ces derniers enseignent provient de Chine, alors au lieu d’imposer un savoir étranger, l’empereur qui les emploie ne fait que restituer les savoirs de l’âge d’or de l’Antiquité qui ont été perdus. C’est donc pour lui une légitimation culturelle forte. Le sujet a dû être longuement discuté entre Kangxi et Mei lors de leur entrevue. Dans le poème qu’il écrit en souvenir de l’honneur insigne qui lui a été fait, Mei Wending note : « La Discussion des triangles de composition impériale dit que les savoirs européens proviennent en réalité des méthodes chinoises. Que les paroles du souverain sont grandes71 ! » Et dans les années qui suivent l’audience, il travaille à un Supplément aux doutes sur l’astronomie (Lixue yiwen bu) ; il y accumule les arguments en faveur de son idée, que Kangxi lui a fait l’honneur d’adopter72.

37 Cette audience est pour Mei Wending une consécration ; au-delà de sa personne et de son œuvre, c’est l’existence d’une expertise mathématique parmi les lettrés chinois que l’empereur reconnaît à travers lui. Il y a en fait légitimation multiple : l’audience avec Kangxi augmente certainement la renommée de Mei ; ce dernier apporte au goût de l’empereur pour les sciences et à sa politique dans ce domaine la reconnaissance d’un expert renommé de la communauté savante chinoise. Et cette promotion mutuelle contribue aussi à rehausser le prestige des sciences mathématiques.

38 La rencontre marque aussi un tournant dans la politique impériale. Dès 1703, Kangxi exprime son mécontentement devant l’augmentation, à ses yeux désordonnée, du nombre de missionnaires et de chrétiens chinois au Jiangnan. Quelques mois après sa rencontre avec Mei Wending, un légat du pape informe l’empereur de l’interdiction faite par le pape aux chrétiens chinois de participer au culte des ancêtres. À partir de là, Kangxi prend ostensiblement ses distances vis-à-vis des jésuites, qu’il ne tolère désormais « que pour utiliser leurs compétences73 ». Ayant reconnu, à travers la personne de Mei, les compétences de certains lettrés chinois en sciences mathématiques, il cherche de plus en plus activement à réunir à la cour de tels lettrés. En 1712 se tient un examen extraordinaire, qui vise à recruter le personnel d’un Office des mathématiques (Suanxue guan) conçu sur le modèle de l’Office de l’Histoire des Ming, pour travailler à la compilation d’un ouvrage impérial d’astronomie, de mathématiques et d’harmonie musicale. C’est là que s’opère la rencontre entre expertise impériale et expertise lettrée dans ces domaines. En effet, les lauréats de l’examen son placés sous la supervision du troisième fils de Kangxi, ancien élève d’Antoine Thomas, et ils travaillent, sans aucune collaboration avec des jésuites, à partir des manuels produits essentiellement par Thomas pour l’empereur à partir des années 1690. D’un autre côté, les membres les plus en vue de l’Office n’ont pas passé l’examen. Ce sont presque tous les élèves auxquels Mei Wending a enseigné les deux manuels impériaux une dizaine d’années plus tôt à Baoding : outre son petit-fils Mei Juecheng, l’un des deux compilateurs en chef, on retrouve Wang Lansheng, Wei

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Tingzhen et Wu Yongxi parmi les compilateurs. L’autre compilateur en chef, He Guozong ( ? -1666), est issu d’une famille d’astronomes professionnels : son père est fonctionnaire au Bureau de l’astronomie. Les trois ouvrages qui sont imprimés tout à la fin du règne de Kangxi sous le titre général Sources de l’harmonie musicale et de l’astronomie, de composition impériale (Yuzhi lüli yuanyuan), et officiellement promulgués par son successeur Yongzheng (r. 1723-1735) en 1724, sont ainsi le fruit d’une appropriation des savoirs des jésuites enseignés à Kangxi par les deux groupes qui étaient versés dans ces domaines : fonctionnaires astronomes et lettrés spécialistes74.

39 Mei Wending, jugé « malheureusement trop âgé » par Kangxi75, ne participe pas au travail de compilation. La reconnaissance suprême qui lui est échue permet en premier lieu l’impression de plusieurs de ses ouvrages en 1706, toujours à l’initiative de Li Guangdi. Cette même année, Mei rentre à Xuancheng, où il continue à recevoir de nombreux visiteurs. La maison familiale, isolée en pleine campagne, est devenue un lieu de savoir mathématique, et semble l’être restée jusqu’à sa mort en 1721. En revanche, la carrière de son petit-fils Mei Juecheng doit beaucoup à cette reconnaissance. Formé par son grand-père, Juecheng sera promu au grade de lauréat de l’examen provincial (juren) puis de lauréat de l’examen métropolitain (jinshi) pour sa contribution aux Sources de l’harmonie musicale et de l’astronomie. Les postes auxquels il est nommé après l’achèvement de l’ouvrage, cependant, ne font pas appel à son expertise en sciences mathématiques. L’achèvement de l’ouvrage impérial, qui signifie la fermeture de l’Office créé pour sa compilation, coïncide avec la mort de Kangxi. L’institution créée pour l’élaboration des savoirs impériaux dans ces domaines techniques n’avait pas vocation à la pérennité. En revanche, les œuvres de Mei Wending, dont une collection est publiée en 1723, une seconde en 1761, seront lues et commentées tout au long du XVIIIe siècle dans la communauté savante 76. Ainsi la reconnaissance dont a bénéficié Mei n’a pas ouvert la voie à une professionnalisation du lettré-mathématicien dont il est en quelque sorte le prototype, mais à une intégration des sciences mathématiques parmi les domaines dans lesquels les savants chinois pouvaient être spécialisés. De ce point de vue, le passage par la capitale et par les institutions impériales représente un détour crucial dont la fonction a été de rehausser le prestige d’un individu et d’un domaine d’étude. Le Jiangnan, où Mei Wending est né et où il a passé presque toute sa vie, reste le lieu de cette intégration.

40 La mobilité géographique de Mei Wending dessine un itinéraire typique de lettré de son époque : de chez lui à la capitale provinciale, suivant le parcours des examens impériaux ; à la capitale puis dans une autre capitale provinciale, à la suite d’un haut fonctionnaire. Si l’on s’en tient à la caractérisation des lieux où il a résidé suivant le système de la fonction publique, il est un exemple de ce que pouvait être la carrière de la majorité des lettrés, ceux qui échouaient aux examens. Ils suivaient souvent un haut fonctionnaire en tant qu’hôtes (ke) ou secrétaires particuliers (muyou).

41 Nankin, la ville où il passe l’examen provincial, est pour Mei Wending le premier lieu d’intégration dans la communauté savante en tant que spécialiste d’un domaine assez peu étudié dans cette communauté. L’accès aux livres et surtout la diffusion de ses propres écrits s’appuient moins sur le commerce de l’imprimé que sur la sociabilité entre lettrés, parmi lesquels se dessinent deux groupes : un petit nombre de spécialistes qui partagent son intérêt (ce sont les lecteurs de la Discussion des tableaux rectangulaires), et un groupe plus large, dont le statut social et les moyens financiers sont en général supérieurs aux siens, qui exercent envers lui une forme de patronage ; ce second

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groupe est destinataire du grand nombre d’écrits qui relèvent de la vulgarisation ou de l’enseignement (comme les Réglettes de Wu’an). Dans ce contexte, l’impression de ses livres semble avoir servi autant, sinon plus, à la promotion de leur auteur qu’à la circulation des savoirs qu’il a produits – mais ces deux aspects sont peut-être indissociables.

42 À ce stade, une question doit être posée : qu’y a-t-il de spécifique aux sciences mathématiques dans l’itinéraire, tant géographique que social, de Mei Wending et la dynamique de circulation des savoirs qui le sous-tend ? Il semble que la réponse pourrait être dans l’un des lieux où l’a mené sa quête des savoirs spécialisés : Pékin. Si Pékin était un lieu de savoir privilégié pour les sciences mathématiques, c’est d’une part à cause de l’importance de l’astronomie comme science d’État, raison structurelle, et d’autre part en raison du goût de l’empereur pour ces sciences, raison conjoncturelle. L’orientation de l’activité scientifique des jésuites vers la cour s’explique par la première de ces deux causes, et elle est à l’origine de la seconde. En d’autres termes, la mise des sciences occidentales au service du pouvoir mandchou a accentué la polarisation de l’activité dans ce domaine en direction de la cour. L’itinéraire de Mei Wending peut alors être lu comme une démarche d’appropriation des savoirs occidentaux pour la communauté lettrée chinoise et comme l’intégration de ceux-ci dans le corps des savoirs chinois.

BIBLIOGRAPHIE

ARRAULT Alain (2002). (1012-1077), poète et cosmologue. Paris, Collège de France, Institut des Hautes Études Chinoises.

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ANNEXES

Glossaire

Baoding 保定 Bei Zhili 北直隸 Bili gui jie 比例規解 buzhu 補註 Chen Wance 陳萬策 Cheng Yi 程頤 chi 尺 Chongzhen lishu 崇禎曆書 chousuan 籌算 Chousuan 籌算 Fang Yizhi 方以智 Fang Zhongtong 方中通 Fangcheng lun 方程論 Fangtian tongfa 方田通法 fenye 分野 Gu Yanwu 顧炎武 He Guozong 何國宗 Hebei 河北 Henan 河南 Huang Yuji 皇虞稷 Huang Zongxi 黃宗羲 huihui 回回 Huihui ke 回回科 Jiangnan tongzhi 江南通志 Jiangnan 江南 Jiangning 江寧 Jiayu 嘉魚 Jihe yuanben 幾何原本 jinshi 進士 Jiuzhang suanshu 九章算術 juan 卷 juren 舉人 ke 客 李迪 Li Dingzheng 李鼎徵 Li Guangdi 李光地 Li Zhonglun 李鍾倫

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Liu Dun 劉鈍 Lixue huitong 曆學會同 Lixue pianzhi 曆學駢枝 Lixue yiwen bu 曆學疑問補 Lixue yiwen 曆學疑問 Lizhi zhuiyan 曆志贅言 Ma Decheng 馬德稱 Mao Qike 毛奇可 Mei Juecheng 梅瑴成 Mei Wending 梅文鼎 Mei Wending jinian guan 梅文鼎紀念館 Meishi Congshu jiyao 梅氏叢書輯要 Mingshi guan 明史館 Mingshi lizhi nigao 明史曆志擬稿 Mingshi 明史 muyou 幕友 Nan Zhili 南直隸 Nanjing 南京 nanxun 南巡 Ni Guanhu 倪觀湖 nianpu 年譜 Ningguo 寧國 Ningguo fuzhi 寧國府志 Pan Lei 潘耒 Ping li ding sancha xiangshuo 平立定三差詳說 pudijin 舖地錦 Pushuting ji 曝書亭集 qi 氣 Qintianjian 欽天監 Quanzhou 泉州 ru 儒 Sanjiaofa juyao 三角法舉要 Sanjiaoxing tuisuanfa lun 三角形推算法論 Shaanxi 陝西 Shi Runzhang 施閏章 Shudu yan 數度衍 Siku quanshu 四庫全書 Suanfa tongzong 算法統宗 Suanfa yuanben 算法原本 Suanxue guan 算學館 Tianbu zhenyuan 天步真原 Tongwen suanzhi 同文算指 Wang Lansheng 王蘭生 Wei Tingzhen 魏廷珍 wenfang sibao 文房四寶 Wenfeng Meishi zongpu 文峰梅氏宗譜 wenji 文集 Wenmi 文鼏

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Wennai 文鼐 Wu Yongxi 吳用錫 Wu’an chousuan 勿庵籌算 Wu’an lisuan quanshu 勿庵曆算全書 Wu’an lisuan shuji 勿庵曆算書記 Wu’an lisuan shumu 勿庵曆算書目 xi 西 xiangshu 象數 xiucai 秀才 xixue 西學 Xiyang xinfa lishu 西洋新法曆書 Xu Guangqi 徐光啓 Xuancheng xianzhi 宣城縣誌 Xuancheng 宣城 Xue Fengzuo 薛鳳祚 yao liang pingmian fa 遙量平面法 Yijing 易經 Yiyan 以燕 Yu 俞 Yuzhi lüli yuanyuan 御製律曆淵源 Zhang Wenzhen ji 張文貞集 zhang yuan xueshi 掌院學士 Zhang Yushu 張玉書 Zhili 直隸 zhong 中 Zhongxi suanxue tong 中西算學通 Zhu Xi 朱熹 Zhu Yizun 朱彝尊 zi 字

NOTES

1. Elman 2000 : 481-485 ; Jami 2012 : 280-283. 2. Outre les deux collections de ses œuvres rassemblées au XVIIIe siècle (Wu’an lisuan quanshu, 1721, et Meishi Congshu jiyao, 1761), on conserve aujourd’hui de rares manuscrits et éditions de certains de ses ouvrages imprimées de son vivant. 3. Engelfriet 1998. 4. Jami 2012 : 35-81. 5. Bibliographie des œuvres astronomiques et mathématiques de Wu’an (Wu’an lisuan shumu). L’édition du Siku quanshu utilisée ici est intitulée Wu’an lisuan shuji ; SKQS 795 : 961-992. Elle comporte soixante-deux titres d’astronomie et vingt-six titres de mathématiques. 6. Mei 1995. 7. Citons dans l’ordre chronologique de première publication : Li Yan 1998 ; Hashimoto 1970 et 1973 ; Martzloff 1981 ; Jami 1994, 2004 et 2012 : chap. 4, 10 et 11 ; Han Qi 1996 ; Li Di 2006. 8. Li Yan 1998 ; Li Di 2006 : 19-55, 422-440. 9. Selon ce registre, le clan Mei serait originaire de Wenfeng au Henan. Li Di 2006 : 19-20. 10. Li Di, qui a visité cette maison en 1986, en a donné une description (Li Di 2006 : 22-24). En 2011, je me suis rendue à Xuancheng grâce à l’aide du Professeur Liu Dun (IHNS, CAS, Pékin) ;

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nous avons été informés sur place que la maison avait été démolie une dizaine d’années plus tôt, alors qu’un musée à la mémoire de Mei Wending (Mei Wending jinian guan) a été ouvert en ville. 11. Arrault 2002. 12. Wakeman 1985 : 736, n. 55. 13. Chemla et Guo 2004. 14. Li Yan 1998 : 520 ; MSCSJY 5 : 16a. 15. Jami 2012 : 90-101. 16. Martzloff 1981 : 161-234 ; Jami 2012 : 90-101. 17. Li Yan 1998 : 521. 18. Wu’an lisuan shuji. SKQS 795 : 965-966 ; le district de Xuancheng faisait partie de la préfecture de Ningguo, et abritait le siège de l’administration préfectorale. 19. Magone 2001 : 63. 20. Mei Wending 1995 : 141. 21. Li Di 2006 : 83. 22. Jami 2012 : 44-49. 23. Li Yan 1998 : 520. 24. Cervera 2011. 25. Li Yan 1998 : 520. 26. Li Di 2006 : 84, 145 ; Li Yan 1998 : 526. 27. Jami 2012 : 88-90. 28. Li Di 2006 : 427 ; Li Yan 1998 : 520. 29. Mei 1995 : 97 ; cité par Elman 2000 : 528. 30. Li Yan 1998 : 522. 31. McDermott 2006 : 160. 32. Li Yan 1998 : 523. 33. Sur cet ouvrage, voir Chemla & Guo 2004. 34. Li Yan 1998 : 536. 35. Jami 2012 : 40-41. 36. SKQS 795 : 969. 37. Engelfriet 1998a ; Jami 2012 : 43. 38. Shi 2007 : en particulier 87-92. 39. Mei 1995 : 239. 40. Tian et Zhang 2006. 41. Zhu Yizun, Pushuting ji, SKQS 1318 : 334. 42. SKQS 795 : 979-981 ; Li Di 2006 : 123-127. 43. Tong et Feng 2007 : 720-721 ; Jami 2012 : 92. 44. Li Yan 1998 : 528, Li Di 2006 : 431. 45. Li Di 2006 : 431. 46. Lecomte 1990 : 511-512. 47. Li Yan 1998 : 528-529 ; The Ricci Roundtable, http://ricci.rt.usfca.edu/index.html (consultée le 1er mai 2013). 48. Wilhelm 1951. 49. SKQS 795 : 966. 50. Jami 2012 : 214-215. 51. Jami 2012 : 215-216. 52. Jami 2012 : 216-220. 53. Jami 2004 : 717-725. 54. Li Yan 1998 : 530. 55. Li Yan 1998 : 529. 56. Jami 2012 : 216-217.

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57. Jami 2012 : chap. 8 et 9. 58. Zhang Yushu, Zhang Wenzhen ji. SKQS 1322 : 389-687, 518 ; cité par Jami 2012 : 231. 59. Li Di 2006 : 433. 60. Mei 1995 : 22-23 ; Chu 1994 : 186. 61. Pardies 1671 ; voir Jami 2012 : 160-179. 62. Jami 2012 : 195-200. 63. McDermott 2006 : 155-163. 64. Jami 2012 : 247-248. 65. Li Yan 1998 : 539-540. 66. Li Yan 1998 : 536, cite les chiffres de cinquante-huit titres d’astronomie et de vingt-deux titres de mathématiques pour 1699. 67. Li Di 2006 : 436 ; Jami 2012 : 247. 68. Jami 2012 : 244-245. 69. SKQS 795 : 982. 70. Jami 2012 : 249-250. 71. Mei 1995 : 327. 72. Han 1996 : 441. 73. Jami 2012 : 255. 74. Jami 2012 : 364-378. 75. Jami 2012 : 253. 76. Voir ci-dessus note 2.

RÉSUMÉS

Cet article s’intéresse aux quatre grandes étapes de l’itinéraire et la carrière de Mei Wending, spécialiste de sciences mathématiques, et montre ce que ces étapes doivent à certains traits de l’État et de la société des Qing : le système des examens de recrutement, le patronage impérial des savoirs, reproduit par les hauts fonctionnaires, ainsi que la mobilité géographique de ces derniers. Les liens entre certaines caractéristiques des lieux de savoir où a vécu Mei, d’une part, et l’écriture et la circulation de ses nombreux traités, d’autre part, sont mis en lumière afin de montrer comment il finit par être reconnu comme « un grand mathématicien et astronome » alors même que les disciplines dans lesquelles il se spécialise acquièrent le statut de savoirs lettrés.

This paper shows that there were four major stages in the career of Mei Wending, a specialist in the mathematical sciences, and goes on to analyse how these stages where shaped by certain features of the early Qing state and society. These included the civil examination system, imperial patronage of learning (which was itself emulated by high officials) as well as these officials’ geographical mobility. The links between certain characteristics of the sites of knowledge where Mei lived, on the one hand, and the production and circulation of his many treatises are highlighted, on the other hand, so as to show how he was finally recognized as “a great mathematician and astronomer” just at the time when the disciplines in which he specialized were gaining the status of scholarly learning.

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本文指出算學家梅文鼎的遊歷和學術生涯分為四個重要階段,並分析這種階段性與清代國家 社會某些特徵的關係:科考銓選制度、皇家(以及上行下效的高級官員)對學術的贊助、官 員在不同地區間的流動。通過分析梅氏曾逗留的學術場所特點與其作品的寫作和流傳之關 係,可以看出其如何成為公認的 “偉大天文學家、數學家”,以及其精研的學科如何隨之獲得 士人之學的地位。

AUTEUR

CATHERINE JAMI

Directrice de recherche au CNRS. Membre de l’équipe SPHERE (UMR 7219, Université Paris Diderot), elle travaille sur l’histoire des mathématiques en Chine et sur les contacts entre l’Europe et la Chine dans le domaine des sciences à l’époque moderne. Elle est notamment l’auteur de l’ouvrage The Emperor’s New Mathematics : Western Learning and Imperial Authority in China during the Kangxi Reign (1662-1722) (Oxford, Oxford University Press, 2012).

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Les traductions de François- Xavier Dentrecolles (1664-1741), missionnaire en Chine : localisation et circulation des savoirs The Translations of François-Xavier Dentrecolles (1664-1741), Missionary in China : Locality and the Circulation of Knowledge 在華傳教士殷弘緒(1664-1741)的翻譯活動:地域特徵與知識流動

Huiyi Wu

1 L’une des images les plus tenaces du missionnaire jésuite en Chine est celle d’un homme de cour, mettant son talent d’astronome, d’artiste ou de médecin au service de l’empereur qu’il espère gagner à la religion chrétienne. Il est vrai que beaucoup de jésuites gardaient à l’esprit l’idée d’une évangélisation de la Chine par le haut, sur le modèle de la conversion de l’empereur Constantin à , et que la cour et les institutions impériales ont été des lieux privilégiés d’échange de savoirs. Mais la sur- visibilité de Pékin ne doit pas faire oublier que la plupart des effectifs de la mission ont toujours été déployés dans les provinces. Un catalogue du personnel de la mission française montre qu’en 1710, parmi les trente jésuites dépendant de la mission française, six seulement sont à Pékin (carte 1)1. Les activités apostoliques des missionnaires de province font aujourd’hui l’objet de nombreux travaux de recherche ; mais on sait encore relativement peu de choses sur leurs activités intellectuelles, notamment sous les Qing, alors que les « sciences jésuites » se recentrent sur la cour.

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Carte 1. La mission jésuite française de Chine vers 1710

Source : ARSI, JS 134, f°390-391, Réalisation : Antoine Fivel, 2013

2 Le rédacteur de ce catalogue, François-Xavier Dentrecolles (1664-1741)2, supérieur de la mission française de 1707 à 1719, est précisément l’un de ces jésuites qui n’ont jamais travaillé à la cour de Pékin. Auteur de contributions majeures aux deux publications qui ont profondément renouvelé la connaissance européenne de la Chine – les Lettres édifiantes et curieuses (Paris, 1702-1776, ci-après LEC)3 et la Description de l’Empire de la Chine et de la Tartarie chinoise (Paris, 1735, ci-après Description)4 –, Dentrecolles a passé vingt ans dans les provinces, d’abord brièvement au Fujian (1699-ca fin 1700), puis au Jiangxi (ca 1701-1719). S’il passe la seconde moitié de sa carrière chinoise à Pékin (1720-1741), c’est d’abord en tant que supérieur de la résidence jésuite, sans jamais servir les empereurs5. Dentrecolles est surtout connu pour son enquête sur la technique chinoise de la porcelaine ; mais il a aussi écrit sur un grand nombre d’autres sujets, depuis la variolisation et l’élevage des vers à soie jusqu’au système éducatif et à la littérature vernaculaire. L’invariant, par-delà cet éclectisme, c’est l’importance que Dentrecolles accorde aux sources livresques qu’il traduit du chinois. Nous possédons déjà une première synthèse sur sa carrière et son œuvre grâce à Mme Thomaz de Bossierre6 ; dans les pages qui suivent, nous nous proposons de jeter un éclairage nouveau sur les conditions de production de ces œuvres en les replaçant dans l’itinéraire de Dentrecolles esquissé ci-dessus. À travers cet exemple, il s’agit d’une part de mettre en question l’historiographie traditionnelle, qui tend à faire entrer dans l’histoire des savoirs les seuls jésuites de cour tandis que leurs confrères des provinces sont décrits comme se consacrant presque exclusivement à l’évangélisation, et d’autre part de mettre en lumière la pertinence et les limites de l’hypothèse d’une corrélation forte entre les savoirs et leurs lieux de production.

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Province de Lyon (1682-1698)

3 Le nom de Dentrecolles commence à apparaître dans les sources historiques lors de son entrée dans la Compagnie de Jésus : nous savons par les catalogues du personnel – outil administratif fournissant une synthèse succincte des « moyens humains » de chaque collège jésuite – que François-Xavier Dentrecolles est né en 1664 à Limoges, qu’il est entré au noviciat en 1682 à Avignon, et qu’il est ensuite passé par les collèges de Lyon et de Pignerol7. Son parcours européen se cantonne donc à la province de Lyon8 : à la différence des jésuites italiens ou allemands qui passaient tous par le Portugal pour se rendre en Chine, il ne semble jamais avoir étudié dans un autre pays que la France et n’a sans doute jamais vu Paris.

4 Le catalogue de 1696 nous apprend que ses supérieurs le jugent apte « à prêcher et à gouverner », qu’il a enseigné six ans en classe de grammaire et deux ans en classe de rhétorique ; son caractère y est décrit, selon la typologie de la médecine humorale, comme « sanguin à tendance mélancolique9 ». D’après ces maigres indications administratives, souvent réduites à un simple « bonus » – accordé à un assez grand nombre10 –, rien ne le distingue du commun des membres les plus jeunes de la Compagnie. Il n’a rien publié avant son départ pour la Chine11, et ne semble pas avoir fait preuve de talent « scientifique » aux yeux de sa hiérarchie : ses huit années d’enseignement ne comprennent pas d’enseignement de mathématiques ou d’humanités (qui incluent la philosophie naturelle). Le seul éclairage personnel sur sa période européenne provient d’une lettre de 1713, dans laquelle il rend compte de sa vocation pour la Chine – apparemment dépourvue d’ambition savante – en citant pour modèle le jésuite missionnaire de campagne Jean-François Régis (1597-1640)12 :

5 Et afin que V[otre] R[évéren] ce reussisse pour la canonization du vénérable P. Regis, qu’elle a si a cœur, ie dirai plusieurs messes […] à son intention ; i’ai esté plusieurs fois à son tombeau et ie crois luy devoir mon entrée à la Compagnie, ma vocation à la Chine, et l’execution de cette vocation de maniere que ie ne me suis pas donné aux portugais, comme ie la [ ?] resolu d’aller faire mes estudes a Goa, lorsque i’allai faire un pelerinage a La Louvesc pour consulter mon bon sainct à la fin de ma regence, ce qui empecha que ie ne demande a passer en Portugal13…

La mer et le Fujian, antichambre de la Chine (février 1698-fin 1700)

6 Dentrecolles fait partie de la dizaine de missionnaires recrutés entre 1697 et 1698 par l’un des membres fondateurs de la mission jésuite française en Chine, Joachim Bouvet (1656-1730). Ce dernier était alors de retour en France en qualité d’envoyé de l’empereur Kangxi, au service duquel il se trouvait depuis son arrivée en Chine en 168814. Mais Le début de la carrière missionnaire de Dentrecolles, que l’on peut reconstituer à partir de sources fragmentaires, ne ressemble guère au récit conventionnel du parcours des jésuites en Chine. Bouvet avait gardé la majorité des nouvelles recrues auprès de lui à bord de l’Amphitrite qui va « en droiture » de La Rochelle à Canton15. Il leur donne des cours de chinois et de mandchou pendant le voyage16, et le groupe qui l’accompagne est accueilli en grande pompe par les fonctionnaires locaux, grâce au statut d’envoyé impérial de Bouvet17. Cependant,

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Dentrecolles et deux de ses confrères, Jean-François Foucquet (1665-1741) et Pierre Frapperie (1664-1703), ne font pas le voyage avec Bouvet mais avec l’escadre d’un certain Chevalier des Augers qui avait pour destination Chandernagor au Bengale. Multipliant les escales, passant par Madras (où ils sont rejoints par Jean de Pélisson [1657-1713] et Bernard Rhodes [1646-1715]), Batavia (actuel Jakarta), Palembang (au sud de Sumatra) et Malacca, à bord de divers navires marchands anglais, ce groupe finit par atteindre Xiamen (connu dans les sources de l’époque sous le nom d’Emoui ou d’Amoy) le 24 juillet 1699, après un voyage de dix-sept mois, neuf mois de plus que celui de leurs compagnons arrivés à bord de l’Amphitrite18.

Carte 2. Deux itinéraires des jésuites français vers la Chine (1698-1700)

Réalisation : Fivel A., 2013

7 À leur arrivée, ils ne reçoivent aucun accueil des autorités chinoises. Les nouveaux arrivants sont pris en charge par le réseau missionnaire local, et sont par conséquent immédiatement plongés dans les conflits internes à ce réseau. L’histoire de la mission catholique en Chine, en ce tournant du XVIIIe siècle, est marquée par la « querelle des rites chinois » : la politique d’« accommodation » que les jésuites appliquent depuis Matteo Ricci (1552-1610) est remise en cause par les missionnaires des autres ordres, qui trouvent qu’elle implique trop de compromis avec les traditions locales19. La situation est particulièrement complexe au Fujian, une province côtière assez fortement christianisée mais où les différents ordres présents – jésuites, dominicains, Missions étrangères de Paris (MEP) – s’opposent sur de la question des rites20. Or, dans un premier temps, c’est Charles Maigrot, MEP (1652-1730), qui offre l’hospitalité à ce petit groupe de jésuites français. Vicaire apostolique du Fujian, Maigrot a joué un rôle clé dans l’intensification de la querelle des rites en émettant en 1693 un fameux mandement (le « mandement de Maigrot ») interdisant aux chrétiens chinois de pratiquer certains rites, notamment ceux liés au culte des ancêtres ; cette mesure prohibitive allait à l’encontre de la pratique des jésuites. Un fragment d’une lettre de Dentrecolles écrite deux mois après son arrivée, retranscrit par une main anonyme et conservé à la Bibliothèque nationale de France (BnF) dans un volume intitulé Anecdotes

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Orientales, nous apprend pourtant que son séjour à la résidence des MEP à Xiamen s’est fort bien passé : Dentrecolles fait l’éloge de son hôte et exprime sa gratitude envers lui avec un « mot chinois », ce qui suggère qu’il s’est initié aux premiers éléments de la langue au cours de cette période21. Foucquet, de son côté, a préféré quitter Xiamen dès le début de mois d’août pour rejoindre le jésuite italien Gianpaolo Gozani (1659-1732) à Fuzhou (Fujian)22. Ces choix divergents illustrent l’ambiguïté du petit monde missionnaire, dans lequel la collaboration est souvent une nécessité, et l’opposition entre différentes factions, bien que réelle, peut s’avérer toute relative.

8 Cette opposition va pourtant soudain éclater au grand jour en 1700. À la veille de Pâques, Maigrot, qui vient d’être consacré évêque, décide d’imposer l’interdiction des rites chinois à Gozani, sous peine de suspension de son ministère. Lorsque la nouvelle se répand chez les chrétiens de Fuzhou (Fujian), qui se trouvent sous l’autorité du jésuite, l’opinion s’enflamme. Le 18 avril, un rassemblement devant l’église de Maigrot dégénère en bagarre, au cours de laquelle des armes auraient été utilisées, si l’on en croit le compte rendu des MEP. Celui-ci porte un titre dramatique et accusateur : « Lettre écrite de la province de Fukien dans la Chine sur la fin de l’année 1700 où l’on rapporte le cruel traitement que les chrétiens des Jésuites ont fait à Mr. Maigrot, Évêque de Conon & Vicaire Apostolique, au R. P. Croquet de l’ordre de S. Dominique ; & où l’on voit un échantillon du respect qu’ont les Jésuites pour les Évêques & pour S. Siège23. »

9 Dentrecolles n’a laissé aucun commentaire sur cet incident qui survient après qu’il a passé à peine neuf mois dans le pays : les missionnaires s’entredéchirent, des chrétiens se révoltent au nom de leurs traditions contre un évêque qu’il a côtoyé et auquel il est reconnaissant de son hospitalité. D’après les Anecdotes Orientales, en octobre 1700, Dentrecolles est toujours à Xiamen, avec deux prêtres des MEP et un dominicain. Très démoralisé, il fait part de sa désillusion à un ancien collègue de Lyon, auquel il confie qu’il « estime bien heureux le P. Burin d’avoir été appelé par le Seigneur avant que d’arriver ici ». Xiamen et ses environs où il a passé l’année entière sont décrits comme un champ stérile où il n’y a que « 3 chrétiens en tout », par opposition à « une province » où il se rend enfin, espérant y trouver « beaucoup de chrétiens24 ».

Le Jiangxi (ca 1701-1719)

10 Cette province est le Jiangxi, où Dentrecolles passera les vingt années suivantes de sa vie. La situation y est bien différente de celle du Fujian limitrophe : la présence missionnaire est alors relativement faible, laissant suffisamment de terrain vierge aux nouveaux arrivants : un bon nombre de jésuites français s’y installent en ce début des années 170025. Malgré sa situation à l’intérieur des terres, le Jiangxi n’est pas isolé du monde. Au contraire, jusqu’au milieu du XIXe siècle, c’est un carrefour où se croisent deux voies de transport majeures : le fleuve Yangzi qui traverse l’empire d’ouest en est, et la route qu’empruntent toutes les ambassades étrangères allant de Canton à Pékin, en passant par Shaoguan, le Fleuve Gan, le Lac Poyang, le Yangzi et le Grand Canal. La douane de Jiujiang qui domine la jonction des deux voies enregistre alors le plus gros montant de taxes sur les marchandises de tout l’empire26. C’est également une région aux traditions lettrées fortes : outre les nombreux philosophes néo-confucéens originaires de cette province, y vivant ou y ayant vécu27, le Jiangxi a fourni sous la dynastie Ming (1368-1644) l’un des contingents les plus importants de lauréats au concours métropolitain de recrutement de fonctionnaires (jinshi)28. Une étude

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approfondie de cette province – s’inspirant de la riche historiographie existant sur le Jiangnan voisin – serait certainement bienvenue ; contentons-nous ici de remarquer que pendant les deux premiers siècles de la dynastie Qing (pour être précise, du règne de Kangxi à celui de Daoguang, soit de 1662 à 1850), il y fut compilé le plus grand nombre de monographies locales29 : il n’est sans doute pas fortuit que le levé cartographique réalisé sur l’ordre de l’empereur Kangxi avec le concours des jésuites montre à l’endroit de cette province la plus grande précision : les monographies locales étaient en effet à la disposition des équipes chargées du levé30.

11 Après son arrivée au Jiangxi, les sources existantes sur Dentrecolles – récits publiés et correspondance avec sa hiérarchie – nous ramènent à une narration missionnaire plus conventionnelle. Son énorme correspondance traite presque exclusivement des progrès de la mission. L’image de lui qui s’en dégage est celle d’un missionnaire zélé, tout occupé à propager l’évangile parmi les classes populaires. Ses résultats doivent être suffisamment remarqués par ses supérieurs de Pékin et de Rome pour qu’il signe déjà la relatio missionis adressée au supérieur général en 1704, puis en 170631, avant d’être nommé supérieur de la mission française en 1707, succédant ainsi à Jean-François Gerbillon (1654-1707)32.

12 À en juger par les lieux d’envoi de ses lettres, les vingt années que Dentrecolles a passées au Jiangxi représentent une période de mobilité constante : son siège principal se situe à Raozhou : il se rend régulièrement dans les villes de Nanchang, Jiujiang et Jingdezhen, reliées entre elles par des voies navigables (voir carte 1). C’est au cours de cette période, en 1712, qu’il rédige sa célèbre lettre sur la porcelaine de Jingdezhen – un savoir technique localisé sur le territoire où il exerce son ministère, et qui constitue un enjeu économique important pour la France. Au fil de son enquête, il « parcour [t] les boutiques des ouvriers, s’instrui [t] de [s] es propres yeux » et pose « diverses questions aux chrétiens qui sont occupés à ce travail33 » ; il consulte au moins une source livresque, la Monographie locale du district de Fuliang (Fuliang xianzhi) : Parmi ces livres, j’ai eu entre les mains l’histoire ou les annales de Feou-leam, et j’ai lu avec soin dans le quatrième tome l’article qui regarde la porcelaine34.

13 Les travaux de Dentrecolles durant cette période se comprennent mieux en mettant en lumière ce qu’il ne fait pas. Sa correspondance ne contient nul écho du riche héritage lettré de la région du Jiangxi, et son nom est remarquablement absent des activités collectives des jésuites français en matière d’interprétation de la philosophie chinoise. Car ces deux premières décennies du XVIIIe siècle marquent l’apogée du « figurisme », dont les tenants s’organisent autour de Bouvet. S’inscrivant dans le sillage de la politique d’accommodation lancée par Ricci, Bouvet va beaucoup plus loin, en défendant non seulement la compatibilité entre le christianisme et le confucianisme mais leur identité, et en considérant les canons chinois antiques, notamment le Yijing (Classique des Mutations), comme des livres révélés. Le figurisme de Bouvet peut être compris comme le fruit de la rencontre entre deux traditions numérologiques, celle de l’Europe et celle de la Chine, toutes deux encore fort dynamiques à son époque35. Mais il est aussi ancré dans le contexte plus particulier de la cour impériale, puisqu’il répond à l’intérêt de Kangxi pour le Yijing, s’adressant à l’empereur et à son entourage : c’est la raison pour laquelle Bouvet rédige ses ouvrages en chinois. L’un de ceux-ci, le Tian xue ben yi (Sens originel des études célestes), est présenté au légat du pape, Charles-Thomas Maillard de Tournon (1668-1710), à l’occasion de son arrivée à Canton le 8 avril 1705, comme l’un des éléments de la plaidoirie jésuite en faveur des rites chinois. Un premier

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rejet par le légat, qui n’est pas sinisant, oblige les jésuites à entreprendre une traduction latine de ce texte36. Ce travail est confié à un groupe de jésuites œuvrant au Jiangxi, tous issus du Collège de Paris. Une lettre qu’Alexis de Gollet (1764-1741) adresse depuis Ningbo à Gerbillon le 23 septembre 1705 révèle la composition et le fonctionnement de ce groupe : Ve Rce a tres bien fait d’ordonner aux PP. Foucquet, de Premare (1666-1736), Hervieu (1671-1746) et Chavagnac (1670-1717) de s’assembler à Voutcheou (Fuzhou, Jiangxi) pour conférer ensemble et refuter les accusations qu’ils trouveront fausses dans les escrits de nos adversaires. Conformément a l’ordre de Ve Rce, je vais aussi ecrire au cher P. Contancin (1671-1733) qu’il vienne me trouver icy pour y passer 15 jours. J’y vay apres en passer autant chez luy pour travailler conjointement a l’abrégé latin de l’Apologie du P. Bouvet37.

14 Dentrecolles reste à l’écart de l’entreprise qui se déroule dans la province même où il réside. Il passe bientôt au rôle de censeur intransigeant, une fois devenu supérieur de la mission française. Entre avril et novembre 1711, lorsque Foucquet, son ancien compagnon de voyage devenu le plus fervent des figuristes, est convoqué à Pékin sur ordre impérial pour seconder Bouvet dans ses recherches sur le Yijing, Dentrecolles leur envoie une série de lettres, dont des copies sont conservées dans les archives de la Compagnie de Jésus à Rome, leur enjoignant d’être prudents38. Ses arguments sont d’abord politiques : il ne faut pas donner de grain à moudre aux détracteurs des jésuites au sein de l’Église, en prétendant que le Yijing permet de calculer le terme de la fin du monde39 ; il ne faut pas non plus risquer de paraître défendre des vues hétérodoxes devant l’Empereur, en soutenant que les dynasties anciennes de la Chine ne sont qu’« allégoriques »40. Dentrecolles critique également les méthodes de numérologie employées par Bouvet qu’il juge « arbitraires »41. Mais on peut aussi sentir dans ces lettres l’opposition entre deux stratégies d’évangélisation, l’une « par le bas » et l’autre « par le haut », la première voulant « donner pour marque de notre mission que nous évangélisons les pauvres », chez lesquels Dentrecolles trouve « moins d’obstacles et plus de docilité aux vérités du salut que dans les grands et dans les puissants du siècle42 », la seconde procédant par l’initiation aux « mystères » qu’on pense découvrir dans les livres classiques, accessibles aux seuls érudits. La position de Dentrecolles sur ce point est sans équivoque : Ce n’est pas le temps d’occuper les chinois a des questions trop relevées, […] cela nuit à la simplicité et docilité d’esprit qui est la grande vertu des neophites et dans les infidelles une excellente disposition au don precieux de la foy43.

15 Cette position de Dentrecolles et la priorité qu’il donne aux couches inférieures de la société semblent trouver un écho dans la seule traduction que nous ayons de lui qui soit clairement datée de la période de son séjour au Jiangxi. La source principale traduite est le Fu hui quan shu de Huang Liuhong (1651- ?), titre ainsi rendu par Dentrecolles : L’Art de rendre le peuple heureux44. Le motif de la traduction, passé sous silence lors de sa publication dans la Description, est explicite dans le manuscrit conservé à la BnF45 : en voyant fonder par des fonctionnaires locaux à Raozhou des « y hio » [yixue], écoles caritatives pour enfants pauvres, Dentrecolles a « eu la curiosité de s’instruire dans les livres ». Mais contrairement à de nombreux récits sur la Chine de cette époque qui font l’éloge du système chinois, Dentrecolles cherche à montrer le « prodigieux avantage que nous avons en Europe » en matière d’éducation : Si l’on peut un jour fonder icy un College, tel que nous en avons en France, les Chinois sentiront avec étonnement la supériorité de nos voiës Européanes sur celles de leurs Sages.

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Il conclut par une demande adressée à son correspondant : Je conjure votre Révérence de s’employer, pour faire fonder par les personnes dévotes, dans les endroits où nous avons des Églises, des écoles pour nos jeunes Chrétiens. C’est un préservatif bien nécessaire pour eux contre l’erreur et la corruption, dont leur esprit et leur cœur sont à cet âge si susceptibles entre les mains d’un Infidèle46 […].

16 Si Dentrecolles n’est pas le seul missionnaire à exprimer son souci d’apporter une éducation appropriée aux enfants des chrétiens, sa démarche consistant à s’informer des pratiques locales et à les présenter à l’aide d’une traduction semble unique. Que cherche-t-il dans cet ouvrage ? Le Fu hui quan shu est l’un des plus célèbres manuels pour fonctionnaires (guanzhen)47, qui restera jusqu’à la fin des Qing un best-seller, disponible « partout dans les librairies48 », et que l’on trouve « entre les mains de presque chaque fonctionnaire débutant49 ». L’existence de ces manuels se justifie par le décalage supposé entre deux registres de savoir, celui des lettrés et celui des administrateurs : les fonctionnaires débutants, frais émoulus des examens qui sélectionnent ceux qui connaissent le mieux les classiques, n’ont pas nécessairement les compétences techniques requises sur les lois, les institutions et la société qu’ils doivent gouverner50. On trouve dans le Fu hui quan shu – véritable encyclopédie sur la bureaucratie chinoise au niveau d’un district – des admonestations à la probité et à la prudence, une description sans concession de la misère et de la violence qui règnent dans la société rurale, des conseils pratiques pour accomplir son devoir de magistrat et, parfois, des projets contribuant au bien public. Ce sont bien les chapitres préconisant la création d’écoles caritatives pour pauvres – l’expression d’un idéal plus que d’une réalité – que traduit le jésuite.

17 Pour Dentrecolles, la lecture de ce manuel semble d’abord répondre à un besoin personnel de connaître les us et coutumes de la Chine. Les connaissances qu’il en tire se trouvent complétées par ses propres observations, démarche épistémologique qui se reflète dans une structure textuelle faisant alterner traduction et « remarques du traducteur ». Après avoir traduit les propos de l’auteur du Fu hui quan shu qui enjoint, en référence à un idéal confucéen, les « Lettrez aisés » et les « gens riches qui en ont la charge » de « se faire un plaisir de s’unir », pour fonder des écoles qui « s’ouvrent principalement aux enfans du pauvre peuple qui, sans ce secours, ne sçauroient jamais avancer dans les Lettres51 », Dentrecolles remarque que, dans la réalité, les « y-hio [yixue] […] sont rares en Chine, autant je puis le juger52 ». D’après lui, les missionnaires auraient beaucoup à gagner s’ils pouvaient combler ce vide, en raison de l’importance du rapport entre maître-disciple dans la culture chinoise : La qualité de maître, ou Sien sem (xiansheng), ne se perd point à l’égard de ceux qui ont été disciples. Celui, dit le proverbe, qu’on a une fois reconnu pour maître, doit être regardé durant toute la vie comme pere. C’est sans doute, selon ce principe Chinois, que le fameux Ministre d’Etat Paul Siu, grand Protecteur de nôtre sainte Religion ayant appris la mort du Missionnaire qui l’avoit instruit & baptisé, prit le deüil, & le fit prendre à toute sa famille, comme il avoit fait pour son propre pere53.

18 Ces informations tirées d’un manuel pour fonctionnaires ont sans doute aussi été rassemblées en vue d’un type d’intervention dans laquelle le missionnaire se reconnaît. Il est révélateur que Dentrecolles ait laissé une note sur le terme muzai, par lequel Huang Liuhong désigne le magistrat local : « Le mot Chinois est Moutsai, Mou, signifie Pasteur, Tsai, signifie Gouverneur54. » Il explique par ailleurs qu’« à la Chine le Mandarin de ville est le chef de police et de la religion55 ». Il y a effectivement superposition entre le projet missionnaire et les domaines d’intervention traditionnels

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du fonctionnaire – en l’occurrence l’éducation élémentaire – et analogie entre les valeurs confucéennes d’humanité (ren) et de justice (yi), piliers de l’éthique du fonctionnaire selon Huang Liuhong, et les vertus chrétiennes de « charité » et de « piété », termes utilisés par Dentrecolles dans sa traduction. Mais le jésuite dessine aussi une hiérarchie entre la « vraie charité » chrétienne et la « compassion naturelle » des « gentils » : les écoles où l’on accueille gratuitement des enfants pauvres ne seront « véritablement des y hio, écoles de piété dans le motif, dans les moyens et dans les suites56 » que si l’on réussit à leur insuffler un contenu chrétien.

19 Nous ignorons les suites qu’a pu avoir ce projet comme, de manière plus générale, nous savons peu de chose sur l’œuvre éducative des missionnaires catholiques en Chine avant le XIXe siècle. En 1722 – bien avant la publication de cette traduction dans la Description en 1735 –, une lettre de Dentrecolles nous apprend toutefois que dans « une chrétienté qui est sur la route allant en Tartarie », il y avait « trois bandes de jeunes chrétiens au nombre de quarante, de divers ages, ayant trois maîtres d’escoles xns (chrétiens) pour les instruire, surtout dans la doctrine xne, dont ils respondoient à merveille, plusieurs sachant par cœur un assez gros cathechisme du P. Brancati57 ».

À Pékin, avant l’interdiction du christianisme (1720-1724)

20 À la fin de l’année 1719, Dentrecolles est déchargé de sa fonction de supérieur de la mission française et part prendre la tête de la résidence de Pékin. Cette mutation ne semble au départ qu’une solution ad hoc pour répondre à une crise disciplinaire interne : il faut une figure d’autorité pour maîtriser les excès de tempérament de Foucquet qui refuse de reconnaître comme supérieur de résidence tous les candidats éventuels déjà sur place58. Dentrecolles accepte cette mutation à contrecœur : les missions de provinces manquent cruellement d’effectifs59, et il pressent des mesures anti-chrétiennes imminentes de la part de l’empereur, le pape ayant refusé tout compromis au sujet des rites chinois60. Mais Dentrecolles s’adapte vite à la réalité de la capitale ; dès octobre 1720, il envoie la traduction d’un second passage du Fu hui quan shu, exposant cette fois-ci des projets de secours aux pauvres, et notamment aux enfants abandonnés, dont le très grand nombre représente la misère en Chine d’une manière particulièrement choquante pour la sensibilité européenne61 ; de surcroît l’abandon des enfants semble sévir davantage à Pékin qu’à Raozhou62. Dentrecolles continue également à diriger à distance les missions du Jiangxi, et y retourne au moins une fois à la fin de l’année 1721, après que l’église de Jingdezhen a subi des dégâts lors d’une émeute dirigée contre les « musulmans »63 : ce séjour d’un mois est l’occasion d’une seconde enquête sur la porcelaine, dont il rend compte depuis Jingdezhen dans une lettre datée de janvier 172264. En septembre 1722, il espère quitter bientôt la capitale de façon définitive65 ; mais cela ne se fera pas. En janvier 1724, le couperet tombe : l’empereur Yongzheng (r. 1723-1735) interdit l’évangélisation et ordonne l’expulsion de tous les missionnaires des provinces. Dentrecolles restera à Pékin jusqu’à la fin de sa vie.

21 La plupart des écrits à caractère savant de Dentrecolles sont postérieurs à son arrivée à Pékin, ce qui peut s’expliquer par la plus grande sédentarité de sa vie pékinoise, qui offre un cadre propice au travail savant. À l’égard de ses confrères figuristes qui revendiquent une expertise en lettres et philosophie chinoises, il ne se contente plus

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d’exercer une censure mais entend désormais les combattre avec leurs propres armes. Ainsi, en traduisant en 1722 un traité sur « la monnaie qui en différents tems a eu cours en Chine66 », un catalogue numismatique illustré intitulé Quan zhi ( Mémoire sur les monnaies) de Hong Zun (1120-1174)67, Dentrecolles explique à sa hiérarchie romaine qu’« il y a des choses assez curieuses et utiles » dans ce livre qui prouvent que : […] les trois fameuses dynasties du Chu Kim [Shujing, Classique des Documents], c’est-à-dire celle des Hia, des Cham et des Tcheou ne sont point une mythologie, comme disent les PP. Bouvet et Foucquet, mais qu’elle ont esté tres réelles, puisqu’on trouve dans le tresor royal des pieces de monnaye de plusieurs Empereurs de ces anciennes dynasties68 […].

22 La différence essentielle entre Pékin et les provinces semble tenir plus encore à la facilité d’accès à l’actualité savante de l’Europe. Il est sans doute opportun de rappeler à cet égard que ce n’est qu’après le départ de Dentrecolles pour la mission en 1698 que les polémiques sur la Chine commencent à prendre de l’ampleur dans la sphère publique en Europe : la condamnation en Sorbonne des Nouveaux Mémoires sur l’état présent de la Chine (1696) du jésuite Louis Le Comte (1655-1728) date de 1700 ; la traduction française du Traité sur quelques points de la religion des Chinois de Niccolò Longobardo (1565-1655), successeur de Matteo Ricci, mais critique de la stratégie d’accommodation de celui-ci, est publiée en 1701. Le philosophe Nicolas Malebranche (1638-1715), puisant dans cette source et dans ses conversations en 1707 avec Artus de Lionne, des Missions étrangères de Paris (1655-1713), un détracteur des jésuites qui a lui-même travaillé en Chine, publie en 1708 un dialogue fictif intitulé Entretien d’un Philosophe Chrétien & d’un Philosophe Chinois, dans lequel il compare la notion néo-confucéenne de li avec l’« athéisme » de Spinoza69. Dans la correspondance de Dentrecolles avec Rome et Paris, rien n’indique que sa « petite bibliothèque européenne70 » ait été actualisée pendant les vingt ans qu’il a passés au Jiangxi, où elle avait suscité la curiosité des lettrés. Les bibliothèques jésuites à Pékin sont plus riches et plus à jour. Elles possèdent surtout les principaux périodiques savants européens, comme les Mémoires de Trévoux, l’Histoire de l’Académie royale des Sciences, les Philosophical Transactions de la Royal Society de Londres ou les Acta Eruditorum de Leipzig71. Invention de la seconde moitié du XVIIe siècle72, les périodiques qui, à l’instar du périodique jésuite Mémoires de Trévoux veulent « donner des extraits de tous les livres de sciences imprimés en France, en Espagne, en Italie, en Allemagne et dans les royaumes du Nord, en Hollande, en Angleterre, etc.73 », constituent un nouvel outil de communication des savants européens. Si des ouvrages savants sont disponibles dans plusieurs résidences jésuites des provinces, seules celles de Pékin semblent avoir constitué des collections de périodiques74.

23 Grâce à ces ressources disponibles à la capitale, Dentrecolles semble s’être mis au fait des débats savants en Europe au cours des deux décennies qui venaient de s’écouler75. Dorénavant, ses traductions répondent à des polémiques européennes, et non plus à un besoin de connaissance du terrain chinois où il exerce son ministère. Il en va ainsi de deux traductions touchant à des questions doctrinales. Dans une note de traducteur de la première, intitulée Dialogue, où un Philosophe Chinois moderne nommé Tchin expose son sentiment sur l’origine & l’état du Monde76, Dentrecolles attaque l’Entretien d’un philosophe chrétien & d’un philosophe chinois de Malebranche, en citant textuellement le compte rendu hostile de ce dernier ouvrage publié en 1708 dans les Mémoires de Trévoux. Ce compte rendu lui-même citait quelques lignes de Malebranche : Au reste le Philosophe Chinois, moins par le génie propre de sa nation, que par l’admiration de tant de subtilitez, ne se rend point contentieux. Il expose ainsi son

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systême : « Nous ne recevons que la Matiere, & le Ly, cette souveraine vérité, sagesse, justice, qui subsiste éternellement dans la Matière, qui la forme & la range dans le bel ordre que nous voyons, & qui éclaire aussi cette portion de matiere épurée & organizée, dont nous sommes composez. Car c’est nécessairement dans cette souveraine Verité, à laquelle tous les hommes sont unis, les uns plus, les autres moins, qu’ils voyent les veritez & les loix éternelles, qui font le lien de toutes les Societez77. » Et Dentrecolles de reprendre dans sa note de traducteur du Dialogue : […] ce R. Pere (Malebranche) assûre que selon le systême de la Philosophie Chinoise, toutes les véritez sont vûës dans le Li, & c’est selon ce systême qu’il a imaginé dans l’Ouvrage intitulé, Entretien d’un Philosophe Chrétien avec un Philosophe Chinois : Nous ne recevons que la Matiere, & le Ly, cette souveraine vérité, sagesse, justice, qui subsiste éternellement dans la Matière, qui la forme & la range dans le bel ordre que nous voyons, & qui éclaire aussi cette portion de matiere épurée & organisée, dont nous sommes composez. Car c’est nécessairement dans cette souveraine Verité (le li), à laquelle tous les hommes sont unis, les uns plus, les autres moins, qu’ils voyent les veritez & les loix éternelles, qui font le lien de toutes les Societez. […] Malheureusement ce langage est nouveau & inoüi à la Chine, & il n’y a point de Lettré qui ne fût étrangement surpris d’apprendre qu’on lui fît tenir un pareil discours78.

24 L’identité au mot près des deux citations, ainsi que l’absence de source prouvant l’existence de l’ouvrage de Malebranche dans les bibliothèques jésuites à Pékin, laisse à penser que Dentrecolles s’engage dans le débat autour de cet ouvrage en s’appuyant uniquement sur l’information rapportée dans le périodique, sans avoir eu directement accès à l’ouvrage critiqué.

25 La seconde traduction, intitulée « Caractère et mœurs des chinois, par un Philosophe moderne de la Chine79 », est envoyée à Rome et à Paris. À ses supérieurs romains, Dentrecolles explique sobrement que dans cette « version d’un livre chinois ouvrage d’un philosophe chinois peu ancien, il y a de bons endroits, propres a iustifier nos anciennes pratiques ». Dans sa lettre à Du Halde, en revanche, sa cible est désignée par une question rhétorique : […] on me demandera peut estre, que iugez vous de votre auteur, le faites vous deiste ou bien athée ? Réponse : Ie dirai seulement sur ce point, que si mon escrit passoit en angleterre, et qu’il y fut examiné par Mr Hyde ou par ses vrais disciples, cet illustre auteur de l’ouvrage tant loüé historia religionis veterum persarum declareroit mon auteur chinois un deiste […] mais si mon escrit tomboit entre les mains de Mr Tolandus, autre escrivain anglois, dont il est fait mention dans les memoires curieux de Lipsic [Leipzig] au tome de l’année 1709 et ailleurs, mon auteur chinois courreroit le risque a un tel tribunal d’estre iugé un vrai athée80 […].

26 C’est dans le numéro de septembre 1709 des Mémoires de Trévoux que paraît une critique de l’Adeisidaemon, sive Titus Livius a superstitione vindicatus… Annexae sunt ejusdem Origines judaicae de John Toland (1670-1722). Ce dernier, selon son critique, soutient que « la Nature est son Dieu et toutes les autres religions sont superstitions » ; pour cela, il invoque non seulement des auteurs grecs et latins, mais aussi « l’autorité des Lettrez Chinois, & des Philosophes d’Orient81 ». Au Jiangxi comme à Pékin, Dentrecolles a toujours défendu avec ardeur et verve la position officielle des jésuites dans les débats internes de l’Église, contre les dissidents de la Compagnie comme contre l’hostilité des autres ordres ; ce n’est néanmoins qu’avec la facilité nouvelle d’accès à l’actualité savante de l’Europe que lui procure son séjour à la capitale qu’il peut contribuer à la

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défense de la position jésuite dans la sphère publique européenne, où les philosophes sont en train de se saisir des sujets ayant trait à la Chine.

À Pékin, après l’interdiction du christianisme (1725-1741)

27 L’année 1726 marque un nouveau tournant dans la carrière de Dentrecolles. Il signe en cette année-là un long traité intitulé Réflexions pour l’intelligence d’un point important dans l’histoire de la Chine82, qui ne cite aucune source chinoise, mais fait étalage d’érudition sur l’histoire des débuts de la Chrétienté, époque où de nombreux compromis furent consentis à l’égard des pratiques païennes, pour appeler à des « permissions adoucissantes… pour rendre plus facile l’obéissance au dit precepte apostolique83 ». C’est son dernier écrit portant sur l’entreprise missionnaire, le dernier envoyé à Rome aussi. Il tourne la page, et passe de l’« édifiant » au « curieux ».

28 Ce déplacement de son champ d’intérêt est contemporain des efforts d’autres jésuites français de Pékin – notamment Antoine Gaubil (1689-1759) et Dominique Parrenin (1665-1741) – pour renouer des liens avec l’Académie des sciences de Paris84, sans que l’on puisse affirmer qu’il y ait eu concertation entre eux et Dentrecolles. Pour ce dernier, en tous cas, l’intérêt pour les « arts » chinois remonte à son séjour au Jiangxi, pendant lequel il a fait preuve de son talent d’observateur avec l’enquête sur la porcelaine de Jingdezhen. Sa correspondance de Pékin après 1726 s’inscrit dans un même schéma de pensée : il s’intéresse aux savoirs naturalistes et techniques qui présentent une utilité immédiate pour la France, qu’il s’agisse de la possibilité d’acclimatation d’une plante ou de l’amélioration d’un savoir-faire artisanal. Il écrit ici comme sujet du roi de France, au service de ses intérêts, dans un esprit de concurrence avec d’autres puissances maritimes. En filigrane de ses suggestions d’acclimatation notamment, on voit se dessiner l’espace colonial français – la Guyane, les Antilles, Madagascar, et « nos îles » en général – comme dans la conclusion de sa traduction de 1736 sur le camphre : Ne pourroit-on pas se procurer à Canton un petit plant de l’arbre d’où l’on tire le camphre, où je crois qu’il n’auroit pas de peine à croître ? […] M. Lemery dit qu’il vient de Hollande en France du camphre de la Chine : peut-être que les Hollandois ont trouvé dans leurs îles, ou qu’ils y ont transporté d’ailleurs des arbres de camphre, et qu’ils le vendent sous le nom de camphre de la Chine85.

29 L’installation à Pékin a néanmoins introduit des changements subtils, à commencer par la distance qui le sépare de certains objets de savoir. À Jingdezhen étaient réunies l’extraction des matières premières et la production ; à la capitale, les fabricants de fleurs artificielles, dont Dentrecolles a décrit avec admiration en 1727 l’art d’« imiter si bien la Nature », utilisent le tongcao ( Tetrapanax papyrifer (Hook.) K. Koch, aralie à papier de Chine), une plante qui croît dans le sud de la Chine mais « point dans cette province » (celle qui entoure Pékin). Dentrecolles n’a donc pu « l’examiner par [lui]- même », et ce qu’il a « appris de ceux qui travaillent aux fleurs ne suffisoit pas » pour lui « donner des indices capables de [la] déterrer en France86 ». C’est ici qu’interviennent les sources écrites : après s’être informé du nom chinois de la plante (tongcao), il consulte un « herbier chinois » et traduit en détail les vertus médicinales et les caractéristiques de l’habitat naturel de celle-ci :

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Si ces connoissances peuvent aider à trouver en Europe un arbrisseau semblable à celui qui fournit aux Chinois la matière dont ils font leurs fleurs artificielles, il ne sera pas difficile aux ouvriers européens d’imiter, et même de surpasser l’adresse chinoise dans cette sorte de travail87 […].

30 Mais plutôt que lui faire découvrir des savoirs radicalement nouveaux, le passage du Jiangxi à Pékin invite parfois le jésuite à revoir certains jugements qu’il avait portés sur des savoirs chinois observés. C’est le cas pour la variolisation, sujet d’une lettre en 1726 – sa seconde contribution savante la plus connue après la porcelaine. En lisant depuis peu les mémoires de Trévoux de l’année 1724, je suis tombé sur l’extrait d’une lettre de M. de la Coste, dans laquelle il parle de l’insertion ou inoculation de la petite vérole ; et je me suis souvenu d’avoir lu quelque chose d’approchant dans un livre chinois88 […].

31 L’extrait en question, paru en juin 1724 dans les Mémoires de Trévoux, est le premier compte rendu donné en France de la pratique de variolisation – l’inoculation volontaire de la variole à des fins immunitaires – que Lady Montagu, épouse de l’ambassadeur anglais à Istanbul, venait d’introduire en Angleterre en 172189. Les Mémoires de Trévoux plaident ardemment pour qu’une expérience semblable soit menée en France – prise de position audacieuse de la part d’un journal jésuite, étant donné les débats intenses engageant physiciens, philosophes et théologiens90. Dentrecolles avait en réalité non seulement « lu quelque chose d’approchant », mais observé directement la variolisation lorsqu’il était dans le Jiangxi, où cette pratique était particulièrement courante91. Il l’a même rapportée en 1715, dans une lettre consacrée au « progrès des travaux apostoliques » publiée dans les LEC. Après avoir raconté le baptême in extremis d’une fille morte de la variole, il décrit « la manière dont quelques médecins chinois traitent ceux qui ont la petite vérole ». Il donne là une première description de la variolisation sommaire mais exacte, contenant des éléments clés comme l’introduction de l’inoculum par voie nasale, particularité de la technique chinoise. La pratique telle qu’il l’a observée était associée à une « superstition », le culte de la « déesse de la petite vérole », à qui le père de la défunte est allé rendre hommage92. Dentrecolles trouve la pratique extraordinaire, mais il « ajoute peu de foi à ce remède », et lui préfère « sans difficulté une prise de poudre de vipère93 ».

32 Pékin, capitale de la dynastie mandchoue, était en ce début du XVIIIe siècle porteuse d’une histoire bien différente en la matière. Dentrecolles note très justement en 1726 que les Mandchous sont particulièrement vulnérables à cette maladie. L’empereur Shunzhi (r. 1644-1661) en était mort ; Kangxi, qui y a survécu dans son enfance et qui en est resté marqué, fait inoculer ses enfants comme ses troupes94. D’après Dentrecolles, en 1724, une nouvelle campagne de variolisation est lancée par Yongzheng, qui « envoya […] des médecins du palais en Tartarie, pour y mettre cette méthode en pratique95 […] ». Dans ce nouveau contexte pékinois, la variolisation perd sa connotation superstitieuse et se rationalise comme pratique purement médicale96.

33 Ce sont ces nouvelles connaissances autorisées par les milieux savants des diverses capitales – Pékin, Londres, Paris, Istanbul – qui ont remis en question le préjugé de Dentrecolles sur cette pratique qu’il avait observée dans les provinces. Toutefois, il s’abstient de prendre position, et veut « indifféremment citer les auteurs qui la décrient, et ceux qui la défendent » : il traduit un auteur moralisateur qui « vivoit à la fin des Ming », hostile à la variolisation, qui soutient que « le moyen le plus sûr de conserver [les enfants de la variole], c’est le soin qu’ont les parens de pratiquer constamment la vertu97 » ; il traduit aussi trois recettes qu’il a obtenues des « médecins

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au service du palais » subalternes, en leur offrant des « présents » et en leur promettant de ne pas diffuser en Chine « ce qu’on ne [lui apprend] qu’en faveur de l’Europe ». Il est intéressant de noter au passage que le secret qui entoure certains savoirs et entrave leur circulation locale peut être levé en faveur d’un public assez distant pour ne pas entrer en concurrence avec les détenteurs de ces savoirs. Dentrecolles annote minutieusement ces recettes, faisant la synthèse de leurs points communs et montrant ceux sur lesquels elles divergent, et cherche dans l’« herbier [chinois] » des éclaircissements sur les plantes utilisées98. Il cherche également dans les sources chinoises des réponses aux questions soulevées par le débat en Europe : la cause de la variole, son universalité ou non dans le monde antique, l’origine de la pratique de variolisation, et si la « petite vérole artificielle est la même espèce que la naturelle99 ». Il termine sur cette proposition, qui évoque une République des sciences élargie : La connoissance des maladies et des remèdes n’a pas été si négligée à la Chine qu’on se l’imagine peut-être en Europe […] le peu de ces livres que j’ai eu l’occasion de feuilleter m’ont persuadé que s’ils étoient traduits en notre langue, les médecins européens seroient contens de ce qu’ils disent100 […].

Les limites de la circulation des livres

34 Le parcours personnel de Dentrecolles, de France en Chine, du Fujian et du Jiangxi à Pékin, est entièrement dicté par une logique missionnaire, et non par des décisions de la cour impériale, comme ce fut le cas pour ses confrères qui y travaillaient. Il a cependant été l’un des contributeurs majeurs à la connaissance européenne de la Chine, y compris dans des domaines techniques spécialisés. L’accès aux livres imprimés, tant européens que chinois, a été crucial dans la formation de son expertise : c’est par ce biais qu’il identifie les débats européens et parvient à une juste compréhension des savoirs chinois. L’une des questions qui se posent lorsqu’on confronte l’évolution de l’œuvre écrite de Dentrecolles à son itinéraire géographique est la suivante : que peut nous révéler ce cas particulier quant à la distribution et la circulation des savoirs sous forme livresque en Chine à cette époque ?

35 La première conclusion que l’on peut tirer de notre analyse concerne la circulation des livres européens en Chine. En ce début du XVIIIe siècle, cette circulation semble être marquée – beaucoup plus qu’à la fin des Ming – par la centralité de Pékin. La capitale impériale est le lieu de l’activité savante la plus intense des jésuites et attire par conséquent la plupart des ressources savantes en provenance d’Europe ; elle tire ainsi avantage d’un investissement lourd dont les postes de mission dans le Jiangxi, consacrés exclusivement à l’évangélisation, ne semblent pas avoir bénéficié101. La différence entre la capitale et les missions des provinces tient ici à la disponibilité inégale des ressources intellectuelles.

36 En revanche, la géographie des livres chinois dont disposent les jésuites est beaucoup moins évidente à dessiner. Aucune politique bibliothécaire ne nous est connue en la matière, et les rapports que Dentrecolles entretient avec les livres chinois, à en juger par nos sources, semblent constants. Le monde des livres en Chine au début du XVIIIe siècle est caractérisé par l’abondance et la circulation, et ce tant par le biais des manuscrits, dont l’importance persiste, que par celui des imprimés ; pour comprendre ce monde, il faut prendre en compte à la fois les éditeurs commerciaux en plein essor depuis le XVIe siècle et les initiatives d’édition des autorités publiques à divers

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échelons102. Les livres chinois auxquels Dentrecolles a eu accès, dont le présent article ne peut fournir une analyse complète, s’inscrivent de plain-pied dans ce contexte : on y retrouve à la fois des imprimés commerciaux dont la diffusion est attestée à l’échelle de l’empire, des livres à vocation locale (comme la monographie locale de Fuliang), et des recettes médicales manuscrites obtenues par des contacts privés.

37 Cependant, l’accès aux connaissances par les livres avait ses limites. De manière révélatrice, Dentrecolles se plaint de l’impossibilité de trouver des écrits sur les procédés techniques de la porcelaine : « C’est pour des Chinois que se font ces recueils, et non pas pour les Européens ; et les Chinois ne s’embarrassent guère de ces sortes de connoissances103. » L’aspect technique de sa lettre est ainsi entièrement basé sur ses enquêtes in situ et ses discussions avec les praticiens. Or, une description de la fabrication de la porcelaine existait bel et bien à cette époque dans un ouvrage imprimé : le Tian wu ( Exploitation des Œuvres du Ciel) de Song Yingxing (1587-1666 ?), auteur que Joseph Needham considérait comme « le Diderot de la Chine104 ». Le fait que Dentrecolles, dont la lettre sur la porcelaine sera d’ailleurs reproduite in extenso dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, se plaigne de l’absence de textes sur les techniques de la porcelaine laisse penser qu’il n’a jamais eu entre les mains l’ouvrage de Song Yingxing105. Cela n’est pas en soi surprenant : la célébrité du Tian gong kai wu, dont la diffusion à l’époque était certainement très limitée106, tient beaucoup à une construction historiographique a posteriori. Il est néanmoins frappant que d’un point de vue géographique, à intervalle de moins d’un siècle, Dentrecolles ait presque marché dans les pas de Song Yingxing, au sens le plus littéral du terme : Raozhou est situé sur la rive est du Lac Poyang, alors que Fengxin, la ville natale de Song Yingxing, se trouve à l’ouest de ce même lac. La première édition du Tian gong kai wu avait été imprimée à Nanchang, où le jésuite se rendait régulièrement. De plus, à l’époque même où Dentrecolles rédigeait depuis Pékin sa nouvelle série de lettres sur les « arts » des Chinois (1726-1737), non loin de la résidence jésuite, un exemplaire du Tian gong kai wu se trouvait dans la collection des livres du Palais et l’ouvrage était en cours d’intégration dans deux compilations impériales importantes : le Gu jin tu shu ji cheng [Collection d’écrits et d’illustrations d’antan et d’aujourd’hui] (1725), et le Qin ding shou shi tong kao [Compendium impérial sur les jours et les travaux] (1742) 107. Ainsi la proximité physique n’est-elle pas une condition suffisante pour qu’un savoir soit disponible, même lorsque celui-ci ne fait pas l’objet d’un secret.

38 La mise en regard de l’œuvre savante de Dentrecolles et de son itinéraire dans l’empire chinois suggère qu’il existe certaines corrélations entre les sujets qui l’occupent et les lieux où il se trouve à chaque moment de sa carrière missionnaire. Mais chacune de ces séries d’éléments comporte de multiples dimensions. D’un côté, son travail de traduction, travail textuel par excellence, fait largement appel à des savoirs oraux et empiriques. De l’autre, le réseau missionnaire, qui détermine l’itinéraire de Dentrecolles, possède ses ressources et préoccupations propres qui ne recouvrent ni celles des milieux savants chinois ni celles de la cour impériale. La transmission d’un savoir de la Chine vers l’Europe est ainsi soumise à de multiples facteurs géographiques, sociaux, institutionnels. L’apparente systématicité du projet, qui aboutit à la publication de la Description de la Chine en 1735, ne saurait masquer la contingence à laquelle reste soumise cette transmission.

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ANNEXES

Glossaire ce 策 Daoguang 道光 Dou peng xian hua 豆棚閒話 Dou shen 痘神 Dou zheng jin jing lu 痘疹金鏡錄 Fengxin 奉新 Fu hui quan shu 福惠全書 Fuliang xianzhi 浮梁县志 Fujian 福建 Fuzhou 福州, Fujian Fuzhou 撫州, Jiangxi Gu jin tu shu ji cheng 古今圖書集成 guanzhen 官箴 Hetu 河圖 Hong Zun 洪遵 Huang Liuhong 黃六鴻 Huang Zongxi 黃宗羲 jian 簡 Jiangnan 江南 Jiangxi 江西 Jiangyou Wang men 江右王門 jinshi 進士 Jingdezhen 景德鎮 Jiujiang 九江 Kangxi 康熙 li 理 Luoshu 洛書 machixian 馬齒莧 Ming ru xue an 明儒學案 Nanchang 南昌 Ningguo xiansheng 寧國先生 Qin ding shou shi tong kao 欽定授時通考 Quan zhi 泉志 Raozhou 饒州 ren 仁 Shujing 書經 Song Yingxing 宋應星 Tian gong kai wu 天工開物

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Tian hua niang niang 天花娘娘 Tian xue ben yi 天學本義 tongcao 通草 xiansheng 先生 Yijing 易經 yi 義 yixue 義學 Yu Tianchi 俞天池

NOTES

1. Archivum Romanum Societatis Iesu (ARSI), Japonica-Sinica (JS) 134, f° 390-391. Le document ne comporte pas de date, mais on peut affirmer qu’il date de 1710 ou 1711 puisque Guillaume Melon (1666-1710) y est signalé comme « mort en 1710 », et que Jean-François Foucquet, qui part pour Pékin en 1711, y est encore localisé à Linjiang, au Jiangxi. 2. L’identification de Dentrecolles comme auteur de ce catalogue est faite sur une base graphologique. De plus, il est le seul dont les compétences n’y sont pas évaluées. 3. J’utilise l’édition d’Aimé-Martin [1702-1776] 1853. 4. Du Halde 1735 : tome 1, lj-lij ; Landry-Deron 2002 : 68-70. 5. Gaubil au P. Gaillard, Pékin, le 8 oct. 1727, « Les PP. Derezende et Dentrecolles ne sont pas au service de l’empr. Le feu empr. les souffroit icy, on ne leur a pas dit de s’en aller, et jusqu’ici on n’a craint pour eux aucune avanie. » (Gaubil 1970 : 181.) 6. Thomaz de Bossierre 1982. 7. Son nom apparaît dans le catalogue des collèges : celui d’Avignon jusqu’en 1690 (ARSI, Lugd [unensis] 22, f° 361), celui de Lyon en 1693 (Ludg. 23, f° 5), celui de Pignerol (actuel Pinerolo en Italie) en 1696 (Lugd. 23, f° 167). 8. La Compagnie de Jésus compte alors cinq « provinces » dans le Royaume de France : « France » (qui recouvre à cette époque la partie nord-ouest du royaume, y compris la Bretagne, la Normandie et Paris), Lyon, Champagne, Aquitaine, Toulouse. 9. ARSI, Lugd. 23, f° 210. 10. En 1690, par exemple, dans la colonne « profectus in litteris », Dentrecolles est jugé « bonus in omnibus » 11. Sommervogel [1941] 1960 : vol. 2, 1932-1935, « d’Entrecolles ». 12. Jean-François Régis a travaillé comme « missionnaire de l’intérieur » dans les monts du Vivarais et dans les Cévennes. Il meurt à Lalouvesc (Ardèche) qui devient vite un lieu de pèlerinage. En 1737, il est le premier jésuite français à être canonisé. Sur la vie de Régis, voir Ortroy 1910. 13. Dentrecolles à Daubenton, Jiujiang, le 23 juin 1713, ARSI, JS 174, f° 493. 14. Sur les débuts de la mission française en Chine avec l’envoi de cinq jésuites connus sous le nom de « Mathématiciens du Roi », voir Landry-Deron 2001 : 423-463. Pour la biographie de Joachim Bouvet, voir von Collani 1985. 15. L’Amphitrite est le premier navire marchand français à voguer directement vers les côtes chinoises (Pelliot 1930). 16. Ce détail nous est appris par le journal de navigation de François Froger, l’un des seconds de l’Amphitrite lors de ce premier voyage : « Le 15, 16, 17 et 18, nous eumes les vens variables du Sud Sudoüest au Nordouëst, bon frais, beau tems. Le Pere Bouuet Bouvet, Joachim commença ses leçons pour les langues Chinoise et Tartare. » (Froger 1926 : 3.)

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17. Bouvet à de la Chaize, le 30 novembre 1699. (LEC : 17-22.) 18. Dentrecolles n’ayant pas laissé de récit de voyage, c’est grâce au journal de Foucquet, son unique compagnon d’un bout à l’autre, que nous connaissons les détails du voyage. Ce journal est conservé à la Bibliothèque apostolique vaticane (Borgia Latino 523) et a été étudié par Witek 1982 : 87-92. 19. Standaert (éd.) 2001 : 680-682. 20. Menegon 2009 : 59-116. 21. Bibliothèque nationale de France (BnF), Ms Fr. 25056, f° 83. 22. Witek 1982 : 94-102. 23. Wu Min et Han Qi 2004 : 83-91. 24. BnF, Ms Fr. 25056, f° 83. 25. Standaert 2012 : 189-191. 26. Naquin et Rawski 1989 : 162. 27. L’historiographe des écoles néo-confucéennes Huang Zongxi (1610-1695) consacre neuf des soixante-deux juan (fascicules) du Ming ru xue an [Études des écoles confucéennes des Ming, 1676] aux « partisans de Wang Yangming au Jiangxi » (Jiangyou Wang men, Jiangyou, « rive droite du Fleuve », étant une dénomination du Jiangxi). (Huang Zongxi [1676] 1985, vol. 1 : 335-881.) 28. Ho Ping-ti 1964 : 226-231. 29. Naquin & Rawski 1989 : 165. 30. Wang 1995 : 143 évalue la précision de la carte de Kangxi province par province, en la comparant aux données obtenues par les techniques cartographiques modernes. Sur la mise des monographies locales à la disposition des cartographes, voir Cams 2012 : 15. 31. ARSI, JS 168, f° 31-32 (1704), JS 169, f° 378 (1706). 32. Sur Gerbillon, voir Thomaz de Bossierre 1994. 33. Dentrecolles au Père ***, le 25 janvier 1722. (LEC : 309.) 34. Dentrecolles à Orry, Raozhou, le 1er septembre 1712. (LEC : 207.) 35. Sur le figurisme de Bouvet, voir Mungello 307-328 ; von Collani 2007 : 227-387. 36. Sous le titre de Caelestis disciplinae vera notitia, Pistoia, Biblioteca Fabroniana, ms. 53. (Standaert (éd.) 2001 : 676.) 37. ARSI, JS 168, f° 322v. 38. ARSI, JS 174, 45-46 ; 51-54 ; 55-57 ; 65-70 ; 71-72 ; 93-95 ; 110-115. D’importants extraits ou des résumés de ces lettres sont donnés dans Thomaz de Bossierre 1982 : 14-16. 39. Dentrecolles à Contancin, Raozhou, 23 juillet 1711 (ARSI, JS 174, f° 56 ; voir aussi Thomaz de Bossierre 1982 : 15). « Ie defends in virtute s [anc] ta obedientia de proposer a l’Empr, comme chose seure, le terme de la durée du monde, le fixant v. g. au jour qui finiroit dix mille ans de cette durée, pretendant que l’autorité des Kims [Jing] est claire sur cela, et qu’elle est d’ailleurs irrefragable à raison de la révélation. » 40. Dentrecolles à anonyme, Raozhou, le 13 février 1713 (BnF, Ms NAF 6556, f° 85v-86) : « On conclura que toutes l’ancienne cronique des livres classiques n’est point reelle mais purement allegorique, et que c’est un ouvrage qui contient toute autre chose que des faits reellement historiques. ie ne scai si Ve Rce voit tout le mal dont nous sommes menacés si l’Empr vient a s’appercevoir qu’on vise a cela […] L’Empr s’en serait desia apperceu si un Chinois pouvoit s’imaginer qu’un European veut montrer que Yao, Xun [Shun], Vouen Vam [Wenwang], Vou Vam [Wuwang] et les autres grands roys ou ministres des trois fameuses dynasties de leurs livres classiques sont des personnes mythologiques. C’est ainsi que le P. Bouvet s’explique dans plusieurs de ses lettres… » De longs extraits de cette lettre sont donnés dans Thomaz de Bossierre 1982 : 17-21. 41. Dentrecolles à Bouvet, le 3 mai 1712, Raozhou (ARSI, JS 174, f° 176-191). « Mon Rd Pere, j’ai lu les escrits que V. R. a envoyé dans les provinces en differens temps […]. Je ne suis pas versé dans les mathématiques, mais il me semble que dans la science des nombres tout va par

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demonstrations et que les principes de cette [ ?] science sont necessaires… » F° 181 : « […] il me semble aussi sur la lecture de ses escrits, que les combinaisons qu’elle faict sont fort arbitraires, et qu’elle n’apporte point de raison et d’engagement selon la doctrine chinoise, pour chercher plutost ce nombre qu’un autre, pour le chercher plutost dans le lo chu (Luoshu) que dans le ho tou (Hetu), plutost par la multiplication que par l’addition ; car i’ai omit dire qu’il n’y a point de nombre qu’on ne put trouver en combinant ceux de ces deux figures, […] que les nombres des deux grandes periodes de V. R. se peuvent tirer en bien des manieres soit du ho tou soit du lo chu indifferemment… » 42. Propos rapportés dans la lettre de Foucquet au Duc de la Force, Nanchang, le 26 novembre 1702 (LEC : 57). 43. Dentrecolles à Contancin, Raozhou, 23 juillet 1711 (ARSI, JS 174, f° 55-57). Pour plus de détails concernant le débat entre jésuites français autour du figurisme, voir Wu 2013 : 121-158. 44. Du Halde 1735 : 259. Isabelle Landry-Deron a identifié le Fu hui quan shu comme la source de cette traduction (Landry-Deron 2005). Il existe une traduction anglaise intégrale du Fu hui quan shu : Huang [1696] 1984. 45. BnF, MF 34566, f° 14v-27. 46. BnF, MF 34566, f° 13. 47. Sur le Fu hui quan shu, voir Will 1989 : 71-80. P.-E. Will prépare actuellement une bibliographie critique des guanzhen : Official Handbooks and Anthologies of Imperial China : A Descriptive and Critical Bibliography. 48. Selon Liu Heng ( ?-1841), qui a fait sa carrière dans le Sichuan. Will 2003 : 33. 49. Selon Zhou Shouchang (1814-1884), fonctionnaire à Pékin. Du 2011 : 102. 50. Will 2003 : 7-10 et 28-36. 51. Du Halde 1735 : t. 2, 260. 52. Bnf, Ms Fr 17238, f° 23 ; Du Halde 1735 : t. 2, 263. 53. BnF, Ms Fr 17238, f° 24v ; Du Halde 1735 : t. 2, 264. Il s’agit de Xu Guangqi (1562-1633), baptisé en 1603 par João da Rocha (1565-1623). 54. Du Halde 1735 : t. 2, 263. 55. Dentrecolles à Madame *, Pékin, le 19 octobre 1720 (LEC : 302). 56. BnF, MF 34566, f° 13-14. 57. Dentrecolles à Guibert, Pékin, le 12 octobre 1722 (ARSI, JS 199-1, f° 306). 58. Dentrecolles à Guibert, Jiujiang, le 9 septembre 1718 (ARSI, JS 182, f° 30-38) ; Dentrecolles à Nyel, Jiujiang, le 18 septembre 1718 (JS 182, f° 41-42). 59. Dentrecolles à Guibert, Jiujiang, le 9 septembre 1718 (ARSI, JS 182, f° 32) : « […] pouvoit ie quitter mes eglises, m’aller ietter a Pekim ou les embarras causés par la constitution estoient les plus grands, d’ailleurs j’eus une grosse maladie en juillet qui me laissa long temps convalescent, et durant la convalescence le P. de Chavagnac qui m’assistait fut attaqué et mourant entre mes bras me laissa chargé de 4 eglises outre les miennes propres : il fallû donc me determiner. » 60. Dentrecolles à Nyel, Jiujiang, le 30 septembre 1719 (ARSI, JS 182, f° 63) : « […] ie vous dirai en deux mots l’estat de la mission, elle est à demy perdue, les Xns n’approchant point des sacremens, et elle va achever de se perdre, si dans toute cette mousson il n’est arrivé en Chine aucun ordre de sa Sté, dont l’Empr soit content et qui tirent les missionnaires d’embarras ; i’ai crû le danger si present, que i’ai représenté à N R P Supr. pour différer de quelques mois mon voyage pour Pekim, iugeant que j’allais là pour en estre chassé, n’ayant aucune habileté pour le service de l’Empr […]. » 61. Mungello 2008 : 7-8. 62. Dentrecolles à Madame *, le 20 octobre 1720 (LEC : 295). La destinataire est une bienfaitrice anglaise, dont Dentrecolles dit de ne pas connaître l’identité, mais qui a financé le baptême des enfants abandonnés moribonds. Dentrecolles explique la différence de situation entre la capitale et une ville provinciale de second ordre dans une note de traducteur : « À Jao-tcheou [Raozhou],

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et dans les villes qui se trouvent aux environs, on expose peu d’enfans : les pauvres les mettent pendant la nuit à la porte de l’hôpital ; en hiver il y a une espèce de crèche avec du coton, on y met l’enfant. Le portier accourt et prend l’enfant, qu’il remet entre les mains des nourrices. Je viens d’apprendre qu’il ne me sera pas difficile de gagner le portier de l’hôpital de Jao-tcheou, et de procurer, par ce moyen-là, le baptême à plusieurs enfans moribonds. » (LEC : 296.) Sur la réception de cette lettre, voir R. Hsia 2006 : 41. 63. LEC : 308-309. Cette « émeute » n’est pas enregistrée dans les sources locales de Jingdezhen : je remercie le Dr. Liu Zhaohui (Université de Fudan) d’avoir confirmé leur silence à ce sujet. 64. Dentrecolles au Père ***, le 23 janvier 1722 (LEC : 309-316). 65. Dentrecolles à l’assistant de France Guibert, Pékin, le 22 septembre 1722 : « […] me voilà au bout de ma superiorité et par consequent prest à quitter Pekim. » (ARSI, JS 199, f° 297 ; voir aussi Thomaz de Bossierre 1982 : 57.) 66. Du Halde 1735 : t. 2, 164-167. 67. Hong 1991. 68. Dentrecolles à Guibert, Pékin, le 12 octobre 1722 (ARSI, JS 199-1, f° 305v.). 69. Mungello 1980 ; Landry-Deron 2002 : 87-88. 70. Du Halde 1735 : t. 2, 266. 71. Nous pouvons avoir une idée précise des périodiques que possède la bibliothèque des jésuites français de Pékin grâce à la correspondance d’Antoine Gaubil. Par exemple, Gaubil à Souciet, le 23 septembre 1732 : « Des Mémoires de Trévoux 1701, 1702, 1703, 1704 nous manquent ; juillet- août, 7bre [sic pour septembre] de 1706, les 9 derniers mois de 1720, et les 9 premiers mois de 1726 nous manquent » ; Gaubil à anonyme, probablement Souciet, Pékin, le 25 septembre 1732 : « Des Leipsik, 1722 et 1724 manquent, et nous avons jusqu’à 1727 inclus » (Gaubil 1970 : 333, 338 ; voir aussi Golvers 2012, vol. 1 : 170). 72. Peiffer et Vittu 2008. 73. Mémoires de Trévoux, 1701 : iii-iiij, « préface ». 74. Joseph de Prémare est le seul jésuite qui dit avoir lu des périodiques hors de Pékin (à Jiujiang en 1723 et à Canton en 1725) : il s’agit sans doute d’une exception qui confirme la règle, les deux villes étant des étapes obligées par lesquels les livres arrivés d’Europe sont acheminés jusqu’à Pékin (voir Golvers 2012 : 475). Je remercie Noël Golvers pour son aide sur cette question. 75. Je parle ici des débats savants, par opposition aux disputes internes à l’Église. Bien entendu, la démarcation entre les deux n’est pas nette, la qualité d’homme d’Église et celle de savant étant souvent cumulées par la même personne. Mais la question de l’érection de la mission française en vice-province, par exemple, au sujet de laquelle Dentrecolles a échangé une correspondance interminable avec Rome durant toute l’année 1712, n’a suscité nul intérêt en dehors de la Compagnie de Jésus. 76. Du Halde 1735 : t. 3, 42-64. Curieusement, l’original chinois est un roman vernaculaire, le Dou peng xian hua (Propos oisifs sous la tonnelle aux haricots). Voir Wu 2012 pour l’identification de l’original ; et Wu 2013 : 169-227 pour une analyse détaillée de la traduction. 77. Mémoires de Trévoux, juillet 1708 : 1134-1143, décembre 1708 : 1977-2003. 78. Du Halde 1735 : t. 3, 56. 79. Du Halde 1735 : t. 3, 131-185. (BnF, Ms. Fr.17238, f° 111-174 ; ARSI, JS 156.) 80. Dentrecolles à Du Halde, Pékin, le 14 août 1722 (ARSI, JS 156, f° D-E). 81. Mémoires de Trévoux, septembre 1709 : 1604-1606. 82. Biblioteca centrale di Roma Vittorio Emanuele II (BVE), GES 1597 83. BVE, GES 1597, f° 1. 84. F. Hsia 1999 : 125-126, 153-155 ; Anonyme, 1er mai 1723 (LEC : 330-346). 85. Dentrecolles à Du Halde, Pékin, le 8 octobre 1736 (LEC : 724). 86. Dentrecolles à Du Halde, Pékin, le 7 juillet 1727 (LEC : 547). 87. LEC : 546.

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88. Dentrecolles à Du Halde, Pékin, le 12 mai 1726 (LEC : 535). 89. Mémoires de Trévoux, juin 1724 : 1073-1090. 90. Sur le contexte européen, voir Puente Ballesteros 2006 : 90-91. 91. Selon le Dou zheng jin jing lu (1727) de Yu Tianchi, « la pratique de l’inoculation de la petite vérole débute sous le règne de Longqing (1567-1572) dans la préfecture de Ningguo (dans l’actuel Anhui, limitrophe à Raozhou) » (cité dans Needham, Lu et Sivin 2000 : 134). La fonction d’inoculateur semble être monopolisée par les médecins originaires de Ningguo, appelés les « maîtres de Ningguo » (Ningguo xiansheng) (Wang 2002 : 258). 92. Il s’agit du culte du Dou shen, ou Tian hua niang niang, extrêmement répandu dans le sud de la Chine. (Chang 1996 : 106-121 ; Wang 2002 : 265-269.) 93. LEC : 244-245. 94. Needham, Lu et Sivin 2000 : 139-140 ; Chang 2002. 95. LEC : 537. 96. Dentrecolles ne semble pas être au courant de l’appropriation du culte de la déesse de la variole par les Mandchous. (Voir Chang 2002 : 185.) 97. LEC : 536. 98. LEC : 537. 99. LEC : 540. 100. LEC : 543. 101. Sur la distribution des livres jésuites à l’intérieur de la Chine, voir Golvers 2012 : 464-478. Plus spécifiquement, sur les collections des bibliothèques jésuites à Pékin et en province, voir Golvers 2013. 102. Sur la coexistence d’imprimés et de manuscrits parmi les textes en circulation, voir McDermott 2006 : 44-79 ; sur les éditeurs commerciaux au début des Qing et le périmètre de diffusion géographique des textes imprimés, voir Brokaw 2007 : 546-559. 103. Dentrecolles à Orry, Raozhou, le 1er septembre 1712 (LEC : 207). 104. Needham et Wang Ling 1956 : 13. 105. Outre que Dentrecolles se plaint de l’absence d’écrits concernant la porcelaine, il y a des citations d’« auteur chinois » dans ses écrits qui contredisent les propositions du Tian gong kai wu ; cela souligne l’originalité de la pensée de Song Yingxing, tout en confortant l’hypothèse que Dentrecolles n’a pas eu accès à son ouvrage. Par exemple, dans le chapitre sur le papier, Dentrecolles cite un « auteur chinois » non identifié qui affirme que les termes jian et ce font référence à des tablettes de bois et de bambou (Du Halde 1735 : t. 2, 240), idée que réfute (à tort) Song Yingxing (Song Yingxing [1637] 1992 : 291) ; une lettre de Dentrecolles en 1734 contient une très longue argumentation en faveur de l’idée que les poursalanes (machixian) contiennent du mercure (Dentrecolles à Du Halde, Pékin, le 4 novembre 1734, LEC : 692-693), idée que Song Yingxing juge « sans fondement et téméraire » (wuduan kuangwang) (Song Yingxing [1637] 1992 : 295). 106. Schäfer 2011 : 259. La première gravure du Tian gong kai wu n’aurait donné lieu qu’à une cinquantaine d’exemplaires sur papier. 107. Schäfer 2011 : 262-265.

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RÉSUMÉS

Cet article propose d’examiner les contributions savantes du jésuite français François-Xavier Dentrecolles – l’un des missionnaires les plus prolifiques et éclectiques qui aient travaillé en Chine dans la première moitié du XVIIIe siècle – en rapport avec son itinéraire géographique. Formé dans la province jésuite de Lyon, après son arrivée en Chine il travailla pendant vingt ans dans les provinces du Fujian et du Jiangxi, puis pendant vingt ans à Pékin. Son œuvre a la caractéristique d’être essentiellement traduite des sources chinoises, et son itinéraire, celle de n’être jamais passé par la cour impériale. La mise en regard de ces deux éléments permet de réfléchir sur les conditions de production et de circulation des savoirs sur la Chine dans le contexte de la mission catholique, ainsi que sur les limites de cette circulation.

This article examines the scholarly contribution of the French Jesuit François-Xavier Dentrecolles, one of the most prolific and eclectic missionaries who worked in China during the first half of the eighteenth century, in relation to his geographical itinerary. Trained in the Jesuit province of Lyon, he worked for twenty years in the provinces of Fujian and Jiangxi after his arrival in China ; he then spent another twenty years in Beijing. His work mainly consists of translations of Chinese sources, and his itinerary did not include the Chinese court. Confronting these two facts enables us to reflect on the conditions of the production and circulation of knowledge about China in the context of the Catholic mission, as well as on the limits of this circulation.

本文將法國耶穌會傳教士殷弘緒的學術成就與其遊歷路線作對照考察。殷弘緒是十八世紀初 在華傳教士中最多產且涉獵最廣者之一,早年受訓於耶穌會里昂教省,來華後在福建和江西 傳教二十年,晚年在北京度過二十年。較為獨特的是,其學術貢獻主要基於對中文書籍的翻 譯,而其一生從未在宮廷服務。這種“學”與“行”的對照考察有助於思考天主教入華背景下中國 知識的傳播途徑及其局限性。

AUTEUR

HUIYI WU Elle a soutenu en 2013 une thèse de doctorat (Université Paris Diderot/Istituto Italiano di Scienze Umane) intitulée « Traduire la Chine au XVIIIe siècle : les jésuites français traducteurs de textes chinois et la reconfiguration des connaissances européennes sur la Chine (1687-ca 1740) », pour laquelle elle a reçu le Prix de thèse pluridisciplinaire de l’Institut des humanités de Paris. Elle travaille actuellement au Needham Research Institute (Cambridge, Royaume-Uni), avec un contrat post-doctoral ISF/NRI.

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II. Relations diplomatiques et circulation des livres Diplomatic Relations and the Circulation of Books

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Journeys of the Modest Astronomers : Korean Astronomers’ Missions to Beijing in the Seventeenth and Eighteenth Centuries Les voyages des modestes astronomes : les missions des astronomes coréens à Pékin aux XVIIe et XVIIIe siècles 謙卑的天文學旅行者:十七十八世紀出使北京的朝鮮天文學者

Jongtae Lim

An earlier version of this article was presented at the International Conference on “Individual Itineraries and the Circulation of Scientific and Technical Knowledge in East Asia,” held at the Université Paris Diderot, Paris, November 26-28, 2012. I would particularly like to thank Professor Catherine Jami for kindly inviting me to the conference. In revising this article, I am very much indebted to critiques and comments from many colleagues, particularly from the participants of the conference, an anonymous referee, and Professors Catherine Jami, Kim Yung Sik, Koo Bumjin, Min Eun Kyung, and Dr. Lee Jung. This article was made possible through the support of a grant from the Templeton Religion Trust. The opinions expressed in this publication are those of the author and do not necessarily reflect the views of the Templeton Religion Trust.

1 Our conventional image of astronomers has commonly depicted them as calm observers of the sky in isolated places. In contrast, recent research in the history of modern Western science increasingly emphasizes the central role of astronomers’travel in producing knowledge and in establishing their professional identity. To observe major astronomical phenomena, for which only certain limited sites allowed a perfect view, or to satisfy other practical needs of navigation, cartography, and meteorology, astronomers either traveled to remote places themselves or had their agents travel to those places for them. Astronomy in modern Europe might therefore be considered one of the “field sciences,” consisting of a long-

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distance network, through which men, artifacts, and knowledge circulated under the control of the academies and observatories at the imperial metropolises. Since astronomers had come to view their travel as an important means to serve the cause of science and the empire, traveling became crucially incorporated into astronomers’self- perception. They portrayed themselves as the emissaries of scientific empires dispatched to peripheral worlds.2

2 The central role of travel in astronomy may also be found in non-Western empires, in particular that of the Qing dynasty (1644-1911). The Qing maintained its own bureaucratic network, through which astronomical data, collected throughout its territory and in the regions under its political influence, came to be gathered in institutions located in Beijing. For example, in a grand cartographical survey of the empire in the early eighteenth century, the Qing emperor dispatched imperial astronomers, including European Jesuits at his court, to various parts of the empire and its “tributary states,” such as Tibet and Korea.3

3 This picture of a traveling astronomer as portrayed by recent scholarship is mostly an outcome of historians’conscious efforts to follow the itineraries of the imperial astronomers dispatched from the metropolitan center. How differently then would the matter look, if we were to turn our attention to people at the margins of the imperial traveling network ? Would we find only the “indigenous people” or the “local informants” who passively received the visits of the imperial guests or, if allowed to exercise a modicum of agency, occasionally provided them with their folk wisdom ?4

4 This article aims to present a picture seen from the peripheries of the Qing empire by examining the cases of the two official astronomers of the Chosŏn dynasty (1392-1910) of Korea who made their journeys to Beijing in the mid-seventeenth and early eighteenth centuries, respectively. Although their travel was conditioned by the politico-epistemic hierarchy between the two dynasties, Korean astronomers never viewed themselves as mere local informants who by their traveling would do no more than reinforce the already powerful metropolitan center. They traveled to Beijing with a more ambitious aim, namely to acquire the secrets of astronomical calculation possessed by the Qing Bureau of Astronomy (Qintianjian), the inner mechanism of which was less than transparent and thus not easily accessible to the visitors from a tributary state of the empire.

5 This article thus examines the unremitting efforts of Korean astronomers to gain access to the center of astronomical calculation, while paying close attention to the sociopolitical, cultural, and institutional settings that conditioned their efforts. In the course of the travel that offered the Korean astronomers both frustrations and opportunities, I shall argue that traveling to the metropolitan center became crucially incorporated into their self-portrait. They presented themselves modestly as the astronomers of a “marginal state” who could not expect to be competent in their specialty without making pilgrimages to the imperial metropolis. This rhetoric of modesty reflected the paradoxical position of the Korean official astronomers, who could promote their sociocultural interests only by negating their ability to be competent in their specialty on their own.

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1. “An astronomer traveling to the center” : self- portrait of a court astronomer

6 In the summer of 1710, Hŏ Wŏn, an official astronomer of the Royal Bureau of Astronomy (Kwansanggam) in Korea, wrote a preface to an astronomical manual that he had compiled for his fellow astronomers in the Bureau. The contents of the manual, as reflected in its title, the Classified Collection of Manuscript Pieces for Calculating Celestial Phenomena According to the New Methods ( Hyŏnsang sinbŏp sech’o ryuhwi), were mathematical algorithms, arranged by subtopics for making civil calendars and predicting eclipses and other planetary phenomena. This was not Hŏ’s original work but rather an outcome of Hŏ’s two journeys to Beijing in the preceding decade, during which he learned from a Qing astronomer how to calculate ephemerides according to the new Shixian li method, the official calendrical system of the Qing dynasty since its official promulgation in 1644.

7 Written in classical Chinese that was not especially elegant—perhaps typical of a technical manual authored by a lower functionary official—Hŏ’s preface nevertheless reveals vividly the complex position of calendrical astronomy and its practitioners in a country at the margins of the Qing imperial world order. Speaking both to his fellow astronomers and high court officials, Hŏ’s voice in the preface oscillated between pride and modesty, reflecting his dual rhetorical aim, which was to emphasize the significance of his recent achievement while at the same time apologizing for the incompetence that Korean astronomers had previously shown.

8 First, Hŏ boasted that his compilation of the Classified Collection of Manuscript Pieces marked the completion of the long-delayed court project for astronomical reform (kaeryŏk)—that is, the conversion of the state’s official astronomy from the previous Datong li to the new Shixian li system. Although the Chosŏn dynasty had issued its civil calendar according to the new Qing system since as early as 1654, Hŏ argued that this was not a perfect implementation of the new system. Because the astronomers of the Bureau were incapable of predicting planetary movements and solar and lunar eclipses according to the new method, they therefore relied upon the old system in those important tasks of calendrical astronomy. However, with the publication of his manual, which contained all of the important algorithms for calculating ephemerides according to the new system, he proudly announced : For the next two hundred years hereafter, there will never be a repetition of the previous failures in making annotations for civil calendars and in predicting eclipses. Therefore, there would never be a case in which [the calendrical astronomy of the state] shows even the smallest discrepancy in [predicting the movements of] the celestial images. How could this be a shallow contribution to the state’s governance [in the matter of] “being in reverent accordance [with the broad heaven] and delivering [seasons to the people] respectfully (hŭmyak kyŏngsu)” ?5

9 In the last sentence, Hŏ alluded to a passage from the Classic of Documents (Shujing), which described the Emperor Yao’s world-ordering act, in which the emperor ordered his legendary astronomers, Xi and He, to be in “reverent accordance” (hŭmyak) with the broad heavens, to observe the movements of the , the moon, and the , and to “deliver respectfully” (kyŏngsu) the seasons to the people.6 Drawing on this classical locus for a sagely origin of the state’s calendrical astronomy in Chinese antiquity, Hŏ emphasized the significance of his compilation of the manual, which would keep the

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state’s calendar in exact accordance with the heavenly phenomena, and thereby contribute to realizing the ideal kingly governance of the state.

10 Why then had Hŏ’s self-proclaimed completion of an astronomical reform been so long delayed ? Was it not because of the incompetence, or worse, the dereliction of duty of the astronomers in the Bureau of Astronomy ? Perhaps anticipating this line of accusation against his profession, Hŏ advanced an interesting apology for his fellow astronomers. In this, Hŏ’s voice turned very modest, taking for granted the inability of Korean astronomers to accomplish an astronomical reform on their own. As for the New [Shixian li] system, a Westerner named Tang Ruowang (Adam Schall von Bell) illuminated its principle and established its method. It corresponds to the celestial movements very precisely, to the extent that its precision goes far beyond all the previous systems… Alas ! Even the Great Country (taeguk, i.e., China), having numerous men of talents, had failed to produce a man like him (i.e., Schall), who was in fact the only one after Wang [Xun] and Guo [Shoujing]. [If this being so in the Great Country], how could men of a marginal country (p’yŏnbang chi in) expect to be capable of [the new calendrical astronomy] without learning it [from the Great Country] ?7

11 Hŏ claimed that the mastery of the new calendrical system was beyond the capacity of the astronomers of a marginal country. In Hŏ’s usage, the term “margin” was not defined only geographically ; it had an epistemic connotation as well. Since the astronomers at the margin had by nature limited intellectual capacity, he argued, a journey to the center was indispensable for mastering the astronomical system of the “Great Country.” For this reason, the Court of our Dynasty in the previous reign period issued an order upon ch’ŏmji Kim Sangbŏm, an official of the Royal Bureau of Astronomy, to travel to the north to study (pukhak) [in Beijing]. After many years of traveling to the north, however, the method that Kim acquired was only a rough outline of the solar path and the lunar position. As for the method of the movements of the seven governors and the eclipses of the two luminaries, he had acquired none of them. After traveling back and forth for a decade, he was buried in vain in a remote foreign land. Since then, our state has continuously relied upon the incomplete method of the solar path and the lunar position.8

12 The reason for the technical incompetence that Korean astronomers had previously shown, according to Hŏ’s diagnosis, lay in the interruption of the “travel to the north” after Kim Sangbŏm’s failed attempts in the early 1650s. As an inevitable consequence of this long-lasting disconnection from “the north,” Hŏ claimed, the calendar began to show serious errors, as indeed happened in the ŭryu year (1705-06), when the local calendar differed from the Qing calendar in the lengths of the lunar months.9 This failing eventually caused the Chosŏn court to resume dispatching its astronomers to Beijing, and, this time, to choose Hŏ Wŏn for the mission. In the winter of the ŭryu year, the Court issued a special order upon Your Subject [Hŏ] Wŏn to follow in the footsteps of [Kim] Sangbŏm. Upon receiving the order, Your Subject went to Yanjing (Beijing) and acquired exhaustively the two calendrical methods from an official astronomer of the Imperial Bureau of Astronomy named He Junxi… Now, the important task of an astronomical reform has fortunately been completed after sixty-odd years of endeavor.10

13 By ascribing the previous failures in calendrical astronomy to the halting of astronomers’travels to Beijing, Hŏ’s apology impressively expressed another, perhaps more fundamental, aspect of a Korean astronomer’s self-perception of his own profession. In this, Korean astronomers were portrayed as those who, by being

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displaced from the center of astronomy, were destined to journey toward that source of knowledge.

14 To give a sense of nobility to this otherwise frankly modest self-portrait, Hŏ called the travel of Korean astronomers to Beijing an enterprise of “pukhak.” This is an allusion to a phrase in the Mencius, one of the Neo-Confucian Four Books, in which Mencius praises the deeds of Chen Liang, a man from the barbarian southern state Chu, who nevertheless “loved the Way of the Duke of Zhou and Confucius and thus went to the north to study in the Middle Kingdom.”11 Drawing on this passage, Hŏ attempted to legitimize the Korean astronomers’travels as following the exemplary deeds of the noble barbarian who allegedly aspired to replace local customs with the culture of “the Middle Kingdom.” It was indeed a forceful strategy for the cultural legitimation of astronomers’travels to China, considering that the “pukhak” enterprise had represented for centuries the cultural aspiration of Korean literati elites who themselves had attempted to adopt and thereby to transform their dynasty into a cultural equivalent of the “Middle Kingdom.”

15 In sum, Hŏ’s voice in the preface oscillated between confidence and modesty. As a result, his self-portrait of the Korean astronomers was riddled with self-contradictions and confusions. As cited above, Hŏ promised that, with the compilation of the manual, “[calendrical astronomy in Korea] would never show the smallest discrepancy with the celestial images for the next two hundred years.” Yet Hŏ’s ambitious claim for the right to observe “the celestial images” starkly contradicted his self-portrait as an astronomer from a marginal country who was not entitled to confront directly the “heavenly images.” It might be said that Hŏ had made a promise that neither he nor any other astronomer in Chosŏn was able to keep on his own.

2. “An astronomical reform in a tributary state” : the political and diplomatic setting of the astronomers’mission

16 The inner contradiction found in Hŏ’s preface should not be viewed merely as an expression of the author’s personal character. Obviously, Korean astronomers, including Hŏ himself, did not travel to Beijing merely to satisfy personal curiosity about the new astronomy. They traveled as government officials with specific goals given them by the court. In other words, their journey was an official tour bound by institutional constraints of the government bureaucracy of Chosŏn and the politically hierarchical relationship between the Chosŏn and Qing courts. The inner contradiction in Hŏ’s preface should therefore be viewed as being deeply rooted in the doubly marginal position Hŏ and his fellow astronomers assumed in the state bureaucracy of Chosŏn on the one hand and with respect to the Qing imperial world order on the other.

17 First, the astronomers at the Chosŏn court were lower-ranked functionaries in the state bureaucracy who, together with the officials of other specialties, such as foreign languages, medicine, painting, and calligraphy, constituted a distinct sociocultural stratum in late Chosŏn society, collectively called chungin. Serving at the government offices in their respective specialties, the chungin officials played an indispensable role, satisfying various technical needs of the government. Yet they did so as mere “tools” to

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be employed under the supervision of the yangban literati officials who, allegedly as men of a higher culture in literature, history, and philosophy, took the position of the ruling elites of the dynasty.12

18 Among the important matters where the court needed the chungin officials’service were its diplomatic relations with Qing China. For this reason, the Korean embassies sent to the Qing included, in addition to a few literati envoys, various kinds of chungin officials : interpreters (yŏkkwan), doctors (ŭigwan), painters (hwawŏn), and transcribers (sajagwan). While carrying out their ordinary duties, such as translation (yŏkkwan), seeing to the envoys’health (ŭigwan), carrying diplomatic documents (sajagwan), and making copies of documents and paintings of strategic and artistic importance (hwawŏn and sajagwan), these chungin officials also performed a variety of other functions in the missions, for instance, in commercial trade and information gathering.13

19 From the mid-seventeenth century, the chungin astronomers, called ilgwan, were also included in the missions as a result of the court’s heightened interest in learning the Shixian li system. In Beijing, however, as astronomers from a tributary state, they were to experience still another kind of marginalization, this time with respect to the Qing Imperial Bureau of Astronomy. This layer of marginalization reflected the lower position of their ruler, the Chosŏn king, with respect to the Qing emperor, given that calendrical astronomy played an important role in managing the hierarchical relationship between the two. This being so, Hŏ Wŏn’s oscillating self-perception, mentioned in the preceding section, might also be viewed as a reflection of the awkward position of the Chosŏn court with respect to the Qing in the matter of calendrical astronomy.

20 To the Chosŏn king, calendrical astronomy, or the official calendar in its materialized form, symbolized at once his sovereignty over his state and his submission to the Chinese imperial world order. On the one hand, the Chosŏn king promoted calendrical astronomy to show himself off as a Confucian monarch who, like the legendary Emperor Yao, regulated his people’s lives by issuing the official calendar. However, the Chosŏn king’s aspiration to be another Emperor Yao was compromised to a considerable degree by his lower position in the hierarchical world order dominated by the imperial dynasties of China. In this, the Chosŏn king was supposed to be the ruler of a “tributary state,” whose mandate to rule his state was not given by heaven, but, in principle, by the emperor at the Beijing court. This so-called tributary relationship between “the Middle Kingdom and the outer barbarians” was to be managed, again in principle, by a series of rituals, including the emperor’s annual granting of calendars to his tributary states. This ritual of receiving the imperial calendar, or zhengshuo (literally, the first day (shuo) of the first month (zheng) of a year in the Chinese lunisolar calendar), symbolized the tributary rulers’submission to the imperial power which, by issuing the calendar, set out the rhythm of the people’s lives for “all under heaven.”14

21 This politically ambivalent stance of the Chosŏn king toward the matter of calendrical astronomy both promoted and limited his astronomers’efforts to possess techniques in calendrical astronomy, putting them in a very awkward situation in their ordinary work of calendar-making. The tributary relation of Qing and Chosŏn required that the Korean Bureau of Astronomy reissue only the calendars given by the imperial court. But considering the long and complicated process of calendar making, including the publication and distribution of the calendar, the Bureau could not simply wait for the imperial calendar for the next year, which was normally brought by envoys to Seoul in

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the eleventh month.15 This means that the Bureau of Astronomy had to calculate calendars independently and much earlier than the arrival of the imperial calendars.16 However, the independence of the Chosŏn Bureau in astronomical calculation should be understood only in a limited sense, because the results of calculation by the Korean astronomers, or the local calendar made by the Bureau, had to be in exact accordance with the imperial calendar. Otherwise, differences between the calendars of the two countries might cause serious diplomatic problems.

22 A series of embarrassing experiences caused by discrepancies between the local and imperial calendars provided the Chosŏn court with more than enough reason for its investment in the project of learning the Shixian li system. This project thus aimed at a self-contradictory goal : to possess an independent ability to implement the new astronomical system in order to keep the local calendar in accordance with that of the Qing.

23 The project began soon after the Qing adopted the Jesuit-inspired Shixian li as its official astronomical system. As is well known, upon the Qing occupation of Beijing in 1644, the German Jesuit Adam Schall von Bell presented to the Shunzhi emperor the astronomical treatises that Xu Guangqi had submitted to the Ming Chongzhen emperor about a decade previously. On the basis of the treatises, newly titled the Treatises onCalendrical Astronomy According to the New Western Method (Xiyang xinfa lishu), the Qing promulgated the Shixian li calendar for the second year of the Shunzhi reign period (1645-1646).17 Seen from the politico-ritual function of astronomy in regulating the hierarchical relations of the two countries, the Ming-Qing dynastic change and the Qing adoption of a new calendrical system signaled that it was time for the Chosŏn court, now a tributary state of the Qing, to change its astronomy from the Datong li of the previous to the Shixian li, a calendrical system that was to regulate the new imperial world order.18 Thus, soon after the news of the Qing astronomical reform spread to Korea, some court officials, including the Minister of Rites, Kim Yuk, submitted memorials to the king that emphasized the urgent need to adopt the new Western system employed by the Qing.19

24 But the first meaningful effort of the Chosŏn court to learn the new Qing astronomy was made three years after Kim’s proposal, only after finding serious discrepancies between the two calendars. In the third month of the twenty-sixth year of King Injo’s reign period, the Royal Bureau of Astronomy reported that the local calendar for that year, calculated from the old Datong li system, showed discrepancies with the Qing calendar “not only in the fortnight periods but also in the intercalary month.”20 According to the report of the , the local calendar inserted the intercalary month after the third month of the year, while the Qing Shixian calendar inserted it after the fourth. This discrepancy might cause confusion in diplomatic matters with the Qing, and therefore the court had no choice but to use the dates of the Qing calendar, at least in the diplomatic documents to be sent to the Qing.21 After endorsing this ad hoc measure, the king nevertheless complained : “We should not keep going on in this manner for every occasion [wherein we find discrepancies between the two calendars].” A fundamental solution had to be sought immediately. He thus ordered that a capable official, one whose mission would be to learn the new astronomy, would henceforth accompany annual missions to the Qing court.22

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25 Upon this directive, an astronomer named Song Innyong was dispatched to Beijing twice that year, only to discover that it was never an easy task to learn the new method during such short stays in Beijing.

26 This pattern was to be repeated for over a century, through the mid-eighteenth century, in the course of which the Royal Bureau of Astronomy learned the Qing astronomy bit by bit. A rough outline of the process can be summarized as follows23 : • In the first year of King Hyojong’s reign (1650-1651), the Korean calendar, still calculated from the old methods, showed discrepancies from the Qing calendar in the length of the lunar months and the intercalation. Accordingly, the court dispatched Kim Sangbŏm to Beijing four times from 1651 to 1654. Kim learned eventually how to calculate the civil calendar in accord with the new method. The Chosŏn court was thereupon able to issue its own Shixian calendar starting from the year 1654. • In the thirtieth year of King Sukchong’s reign (1704-1705), the court found that the local Shixian calendar for the next year differed from the Qing calendar in the length of the lunar months. This time, Hŏ Wŏn was sent to Beijing to solve the problem. During his trip, he learned what had remained unstudied since the death of Kim Sangbŏm. From that point on, the Chosŏn court was able to issue its official “planetary calendar” (ch’iljŏng ryŏk) according to the Shixian li system. • In the third year of King Yŏngjo’s reign (1727-1728), the court dispatched an astronomer named An Chungt’ae to resolve many discrepancies between the Qing and Chosŏn calendars. These were, as would later turn out, an outcome of the Qing implementation of a new system from the previous year, based upon the new treatise entitled the Thorough Investigation of Calendrical Astronomy (Lixiang kaocheng). An’s mission in this year thus marked the beginning of the project to introduce the Thorough Investigation from the Qing, which would be carried out for several years thereafter. • In the tenth year of King Yŏngjo’s reign (1734-1735), after spending several years in learning the Thorough Investigation, the Bureau of Astronomy still found a major difference between the two calendars in the length of the lunar months of the year. An Chungt’ae, sent again to resolve the problem, found that the Qing Bureau of Astronomy had recently made several new modifications to their system, particularly in the matters of the starting point of calendrical calculation (liyuan) and the method of describing the solar and lunar paths. • In the seventeenth year of King Yŏngjo’s reign (1741-1742), the Bureau of Astronomy again discovered an accumulation of discrepancies between the two calendars and dispatched to Beijing an astronomer named An Kungnin. Ignatius Kögler, a Jesuit astronomer who was then the director of the Imperial Bureau of Astronomy, gave An news of another major astronomical reform. The Qing Bureau was reportedly compiling the Sequel to the Thorough Investigation of Calendrical Astronomy (Lixiang kaocheng houbian), which would be completed in the following year, 1742.24 The Chosŏn court thereafter sent astronomers to Beijing almost every year in order to report on recent changes in the Qing calendrical system.

3. Institutionalizing astronomers’travel to Beijing

27 As evident from the previous discussion, the way that the Chosŏn court carried out “astronomical reform” was simply to send its astronomers to Beijing on the occasion of the annual tributary mission. In these cases, the Korean embassies included professional astronomers, whose assignment was to obtain calculation manuals and

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instruments or to learn the methods directly from the Chinese astronomers in the Imperial Bureau of Astronomy.

28 The scheme of dispatching astronomers to Beijing, first suggested by Kim Yuk in his memorial in the winter of 1645-1646, was first implemented in 1648. This was continually repeated, in spite of occasional pauses, well into the early nineteenth century. For about a century, from 1648 to 1751, astronomers were sent to Beijing approximately twenty-five times, to which might be added several instances in which official interpreters or yangban literati were sent for astronomical purposes without accompanying astronomers.25 Excluding the long suspension of astronomy missions from 1655 to 1705, the court dispatched astronomers almost every two years on the average. The frequency of astronomy missions, however, sharply increased during the mid-eighteenth century, a period of frequent Qing astronomical reforms. From 1741, in particular, the astronomy mission became even an annual event, and it was specified as such in the Sequel to the Great Code for the State Governance (Sok taejŏn) promulgated in 1746.26 Korean astronomers’travel to Beijing was an institutionalized government mission in its fullest sense.

29 To support astronomers’travels, the Korean court enacted a set of rules and regulations in the first decade of the project, particularly during the years of Kim Sambŏm’s missions in the early 1650s. These were needed mainly to deal with the practical difficulties that the astronomers would confront in their missions. At first, when he proposed the project, Kim Yuk seems to have underestimated its difficulties. Only one mission with one or two astronomers, he predicted, would suffice to master the new Shixian li system.27 But, as it turned out in Song Innyong’s mission, Song simply could not acquire even the basic part of the Shixianli system during his two travels to Beijing.

30 The difficulties that plagued the astronomers’mission can be summarized in terms of the following three categories : first, the technical difficulties of the Shixian li astronomy ; second, the political constraints arising from the Qing regulations on matters of calendrical astronomy and the behavior of the Korean envoys ; and last, the problem of communication between Korean and Qing astronomers.

31 First, the Shixian li system, devised by the Western Jesuits, was based upon a European astronomical model that was completely alien to the traditional Chinese calendrical system in which the Korean astronomers had been trained for centuries. Although they immediately noticed the apparent differences of the Shixian li from the previous system, such as in the method for setting the fortnight periods, the esoteric parts of the new astronomy were mostly hidden from them. These could not be mastered by an astronomer during a month’s stay in Beijing. Thus, in 1650, Yŏ Ijing, the director of the Royal Bureau of Astronomy, suggested to the king a more prudent approach to the project : The Western [astronomical] texts contain the techniques from a remote foreign land. Although they were not similar to the old methods, the discrepancies [between the two calendars] were seen only in the matter of the fortnight periods, which differed by one or two days [from each other]. Without knowing in detail the hidden methods of the [new system], it seems very difficult for us to make a final decision about whether or not to discard the old and to follow the new.28

32 If the technical difficulties of the new method were already insurmountable, the situation worsened because of what might be called the political constraints imposed by the Qing. The Qing court simply did not cooperate with Korean efforts to learn their

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astronomy. Calendar making was considered an imperial prerogative and thus not to be practiced by its subjects, not to mention the ruler of a tributary state. Even though the Ming and Qing courts in reality seemed to overlook the “illegitimate” practice of calendar making by the Chosŏn, they never allowed the Koreans free access to their astronomical knowledge. In his proposal, Kim Yuk expressed his awareness of this difficulty. The practice of calendar making by foreign countries is what the Middle Kingdom does not allow. It is therefore impossible for us to send envoys and to make an official request [to the Qing] to learn [their astronomy]. Only “illegal” measures, such as secretly contacting the Jesuit and Chinese astronomers, were available to the Koreans.29

33 Another political factor that caused difficulty in the mid-seventeenth century was the antagonistic political relations of the two dynasties in the direct aftermath of the Qing military campaign against Korea in 1637. Highly suspicious of Korea’s loyalty to the new imperial regime, the Qing court imposed strict regulations on the behavior of the Korean envoys in Beijing. Thus, Song Innyong, dispatched to Beijing in the spring of 1648 with the mission to contact Adam Schall, was forced to spend most of his stay confined to the Korean residence in Beijing, with no chance of meeting the alleged founder of the Shixian li system.30

34 Although Song was able to meet Schall during his second visit, in the winter of the same year, he soon encountered another kind of difficulty. His only means of communication with Schall was “brush talk” using Chinese, which was not a very effective means for communicating technical knowledge.31 Owing mainly to this problem, we are told, Song could learn from the Jesuit “only the method of calculating the solar movement.”32 Considering that the Korean court astronomers were not by training specialists in foreign languages, the problem of communication would not be greatly abated, even if they chose as their counterparts the Chinese or Manchu astronomers rather than the Western Jesuits. They needed a better means of communication with imperial astronomers who spoke different languages.

35 To cope with these difficulties and other contingencies in the astronomy mission, the Chosŏn court in the early 1650s established a series of rules and regulations and thereby set out the precedents to be followed, with some modifications, in the subsequent course of a century-long astronomy project.

36 First, mainly out of an awareness of the technical difficulties presented by the new astronomy, Yŏ Ijing, the director of the Bureau of Astronomy, organized in 1650 a study group of a few chosen astronomers. This inner study group, whose assignment was to investigate the new method thoroughly, was not established as an alternative to “studying abroad.” According to Yŏ’s plan, it was intended as a “preparatory course” for the future mission to Beijing. The five astronomers selected were required to study the new method as much as they could without help from the Qing astronomers. The astronomers would thereby identify their last remaining questions that were to be brought to Beijing. This exercise also aimed at choosing the most capable astronomer in the Bureau, who would then to be sent to Beijing to solve those questions. After three months, Kim Sangbŏm was selected. It was reported that only Kim among the five could “understand the methods of the solar paths and the lunar positions, except only for a few points of discrepancies.”33 He traveled to Beijing the next year. There, it is

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reported, he completely learned how to make civil calendars according to the new Shixian li method.34

37 This study group operated as a temporary measure to cope with the calendar discrepancies in 1650 but seems not to have survived after Kim Sangbŏm was selected as the future leader of the astronomy project. Nevertheless, the system for selecting the astronomer to be sent to Beijing was later institutionalized, perhaps sometime in the eighteenth century.35 This suggests that Korean astronomers in this period did not regard travel to Beijing as a mere hardship to be avoided. On the contrary, it was an opportunity to gain professional honor, a privilege allowed to only a selected few. Appreciating Kim’s contribution to the “astronomical reform” of the dynasty, the court in 1653 promoted his official rank at court to the rank 3A, the highest rank that a chungin official could climb to in the bureaucracy of the Chosŏn dynasty.36

38 The second difficulty encountered by the astronomy mission, arising from the political constraints by the Qing court, could be circumvented by employing various “illegal measures.” But the “illegal measures” or “secretly purchasing (milmae) books and techniques” tended to entail additional costs incurred in negotiating with relevant persons in the Imperial Bureau of Astronomy. In other words, if astronomical manuals and techniques owned by the Qing astronomers were to be offered, they had to be exchanged for corresponding “gifts.”

39 The rules of the Chosŏn court in support of the expenses of the astronomy mission were first extended in 1648 after Song Innyong returned empty-handed from his first mission. Beginning with Song’s second trip, upon the request of the Bureau of Astronomy, the government began to provide the astronomer, like other mission personnel, with “traveling expenses” (panjŏn). These expenses consisted of clothing, rice, and other Korean local products to be used for various purposes during the mission, including paying the Qing officials as “gifts.”37 Perhaps the modest success in Song’s second mission was an outcome of this support. But Song’s achievement was still modest, and the Bureau claimed that the usual “traveling expenses” were not enough to meet the ever-increasing demand for “gifts” from the Qing side. Upon the request of the Bureau, therefore, the court in 1652 would provide additional money for astronomy missions, amounting to two hundred silver taels.38 By the early eighteenth century, “200 silver taels” became the standard amount of financial support for each astronomy mission.39

40 Third and last, there was an easy solution for the problem of communication between Korean and Qing astronomers : using the official interpreters. First suggested in Kim Yuk’s memorial in 1645-1646, this scheme of pairing an astronomer with an interpreter was first implemented in Kim Sangbŏm’s missions, to the success of which an interpreter named Yi Chŏm reportedly made a crucial contribution.40

41 The role of interpreters in the astronomy mission was not confined to foreign-language translation, however. In fact, they engaged in the matter of “communication” in a broader sense. Being specialists in foreign languages, these interpreters took charge of various matters in the Beijing missions, including political, diplomatic, and commercial affairs. Having many years of experience in the tributary missions, they had acquired business know-how and had established personal connections in the Qing officialdom.41 In the astronomy mission too, therefore, their service was essential in finding ways to approach relevant persons in the Imperial Bureau of Astronomy and in carrying out negotiations with them. In its recommendation of an interpreter to support Kim

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Sangbŏm’s mission, for example, the Bureau of Astronomy described his ability as “having a good understanding of the affairs [in the mission business] in addition to having a ready tongue.” In other words, he was an able negotiator.42

42 Given the crucial importance of negotiation with the Qing officials to the success of the astronomy project, the interpreters did not play simply a supporting role in the astronomy mission. Without their efficient intervention, the astronomers would have been incapable of carrying out their mission. In this sense, the official interpreters, together with their colleagues, the chungin astronomers, came to be the main actors in the “astronomical reform.” Scientific practice in “the marginal state,” required, more explicitly than in the case of astronomers from the metropolis, competence in foreign languages and business know-how.

4. Traveling to the unpredictable center

43 How well did the rules and regulations set down by the Chosŏn court in the 1650s to support the astronomers’travels work in the subsequent course of the astronomy project ? Did they function well in helping the astronomers to gain access to the source of imperial knowledge in Beijing ?

44 There is no general answer to these questions that can be validly applied to all cases over the period of a century. The rules and regulations functioned differently depending upon the ever-changing circumstances surrounding each individual trip. In fact, the government rules and regulations were made to cope with contingencies that the astronomers would meet during the mission, and contingencies by their nature tended to be beyond expectations based upon previous experiences. Similarly, the Chosŏn court’s support of the astronomy mission was not always guaranteed, because the court often withdrew its formerly supportive stance and voiced skepticism about the costly astronomy mission. Korean astronomers therefore traveled to Beijing in a precarious position, being vulnerable both to the contingencies awaiting them in Beijing and to the whims of Chosŏn court policy.

45 The interplay of these two factors, for example, ruined the second phase of Kim Sangbŏm’s mission in the early 1650s. Soon after his success in learning how to construct the civil calendar, Kim proceeded to the next, more demanding, phase of the astronomy mission, namely to learn the method of planetary motions. But the hardship encountered by this mission arose not only from the technical difficulties of the task. The “Qing man” whom Kim and his interpreter contacted in 1651 asked from them an unexpectedly high price for the technical manual of the method. For this purpose, as we have seen above, the court provided 200 silver taels for Kim’s second mission. But according to the report of the Bureau of Astronomy, the “Qing man” turned out to be a very unreliable person. In Kim’s mission during the winter of 1653-1654, the Bureau reported, “the Qing man at first declined our request or postponed his final answer. As soon as he accepted our request, however, he asked us for gifts, the reason why we gave him the entire three hundred taels that the envoy, upon the Royal endorsement, had brought there. But, after all, he suggested that Kim visit him again in the next year, saying that many of the manuals were not yet completed and were in fact under revision….”43 The “Qing man” evidently did not return the silver taels to the Koreans.

46 Meanwhile, the court, particularly the Ministry of Revenue (hojo), which was in charge of the expenses of the tributary mission, was becoming increasingly suspicious of the

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astronomy mission. The Ministry became impatient with Kim’s continual travel, which cost a great many silver taels without any tangible benefit. The Ministry even suspected a possible embezzlement of the expenses by the astronomers and interpreters, under the pretext of satisfying the Qing man’s greedy request for “gifts,” because the expenses that the Bureau of Astronomy reported to have used in the mission, according to the Ministry of Revenue’s estimation, was unreasonably high. “What those interpreters say could not be wholly trusted,” added the Ministry.44 In so saying, the Ministry expressed its deep distrust of the lower moral capacity of the chungin officials, particularly that of the interpreters. Perhaps, Kim Sangbŏm, too, could not escape from such a line of moral doubt from the high literati officials. Having once been able to issue its civil calendar according to the new system, the court now seemed to lose interest in supporting the cause of calendrical astronomy. The court might have thought that Kim Sangbŏm was stressing the need to continue the astronomy mission not for purely astronomical reasons but to anticipate other benefits of the mission, such as opportunities to enjoy private commercial trade in Beijing, which was allowed to the mission personnel.45

47 It was under these hostile circumstances that Kim Sangbŏm made his last journey to Beijing, during the winter of 1654-55. Before Kim’s departure, the Ministry of Revenue warned him, under royal endorsement, that if the mission failed again, Kim would have to return to the Ministry all of the previous expenses that he had used up.46 Due to the lack of records, we do not know exactly what happened in Beijing that winter. In any case, it seems that Kim failed. As Hŏ Wŏn told us, Kim could not return from the journey, “being buried in vain in a remote foreign land.”

48 But the travel by Korean astronomers to Beijing did not always end in tragedy. Hŏ Wŏn, who “followed in Kim’s footsteps” half a century later, proved a happier case, in which all of the contingencies proved to be favorable to his mission.

49 First, in his initial mission, in the winter of 1705-1706, Hŏ was able to meet a person named He Junxi, an astronomer of the Imperial Bureau of Astronomy, who kindly helped Hŏ’s mission for several years thereafter. He Junxi helped the Korean astronomer to purchase astronomical manuals and tables and taught him in person how to calculate ephemerides. Known to be a disciple of Yang Guangxian, the famous arch-enemy of the Jesuits in the 1660s, He Junxi seemed, by this time, to have successfully cultivated his own family, now seen to be one of the prominent clans in imperial astronomy at the Kangxi court. In the early 1710s, his sons, He Guozhu, He Guozong, and He Guodong played important roles in various imperially commissioned projects in the field of mathematical sciences.47

50 The favorable relationship between He and Hŏ seemed to reflect, at least partly, the ongoing amelioration of the Qing-Chosŏn political relationship in the early eighteenth century. Even though there had been little change in the Qing policy concerning astronomy, the new and improved political environment afforded Hŏ and his interpreter in Beijing much more room to maneuver than before in their negotiations with the Qing astronomers.48 This might, at the least, have lowered the price of technical manuals or personal astronomy lessons from the Qing astronomers. Of the two hundred silver taels brought in Hŏ’s second mission in 1708-1709, according to the envoy’s report to the king, hundred taels were paid for the tables and manuals for calculating planetary movements, and about sixty taels for several books on

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astrology and instruments, two astronomical clocks, and a telescope for observing eclipses. Remarkably, the remaining forty taels were returned to the government.49

51 Second, the Chosŏn court’s attitude toward calendrical astronomy also warmed considerably in the first decade of the eighteenth century. Various political factors, such as an improved image among the literati elites about the Qing dynasty and the ever-increasing interest of the king and his court in promoting royal power contributed to the change of the court’s attitude toward the Qing Shixian li system. It was in this new climate of opinion that the Bureau of Astronomy aggressively proposed a full-scale implementation of the Shixian li system, an ideal that had remained unfulfilled for the previous half century. In their proposal, the Bureau officials criticized the previous state of calendrical astronomy as an undesirable mixture of the two different methods, the Datong li and the Shixian li. “[This means that] a state has a calendrical system consisting of two different methods,” the Bureau continued, “a situation that is extremely inappropriate to the prestige [of our state].”50 The Bureau proposed the implementation of the Shixian li system as a necessary requirement of kingly governance, and, quite unlike the case in the mid-seventeenth century, this claim was well accepted by the king and the high literati officials. Hŏ Wŏn was one of the main beneficiaries of this favorable climate at the Chosŏn court as concerned calendrical astronomy. In 1711, as seen above, Hŏ was able to announce the conclusion of an “astronomical reform” that had been delayed for half a century since Kim Sangbŏm’s tragic death.

52 Notwithstanding Hŏ’s confident voice, however, the compilation of the manual was not at all the end of the “astronomical reform.” Ten years later, Hŏ had to make still another trip to Beijing to resolve the discrepancies between the calendars of the two countries in eclipse predictions and calendar annotations.51 Worse, this pattern would be repeated for another half century, which suggests that the contrast between Kim and Hŏ should not be overemphasized. Although the circumstances surrounding the astronomy mission improved considerably in the eighteenth century, both in Seoul and in Beijing, the precarious position of the Korean astronomers which had ruined Kim’s mission did not fully improve. This can be illustrated by a passage in Hŏ’s preface where he described the process of his learning from He Junxi. The method [of predicting planetary movements] was extremely difficult. Therefore, when learning it [from He], we exchanged dialogues item by item. There were cases, [in which we exchanged them] through short letters or through [notes on] small pieces of paper. I added them into a volume, which, for this reason, was titled the Classified Collection of Manuscript Pieces (Sech’o ryuhwi).52

53 In this, Hŏ Wŏn frankly showed the clumsy way of learning astronomical methods and of compiling the manual that he claimed marked the completion of an astronomical reform. Hŏ’s piecemeal arrangement of knowledge in the manual might be viewed as a reflection of the awkward process of his learning, consisting of “brush talks” with the Qing astronomer in a series of visits of a few hours each, and exchanges of short letters and memoranda. It took almost five years for Hŏ to gather all of the necessary pieces and thus to comprehend, according to his claim, the whole picture of planetary astronomy.

54 Two years after the compilation of the manual, Hŏ had yet to repeat another round of astronomy lessons, this time from He Junxi’s son Guozhu, then the Calendar Manager of the Five Bureaus (wuguan sili) in the Imperial Bureau of Astronomy. The lesson,

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however, was occasioned by the imperial astronomer’s visit to Korea as a member of the imperial embassy in 1713, whose mission was to obtain geographical information about Korea, particularly concerning the Qing-Chosŏn border area, to be used in the great cartographic project commissioned by the .53 Although greatly suspicious of the hidden Qing military intention behind their geographical survey, the Korean officials nevertheless welcomed He Guozhu’s visit as a rare opportunity to learn about Qing astronomy, particularly about the astronomical instruments brought by the imperial astronomer.

55 In spite of several factors favorable to the Korean side, however, Hŏ Wŏn’s meeting with He Guozhu was, in a fundamental sense, not much different from the meeting with He’s father in Beijing. First of all, being concerned about the possibility that the Qing envoys might provoke a diplomatic incident because of Korea’s “illegitimate” practice of astronomy, King Sukchong and several high officials recommended that Hŏ conceal his identity as an official astronomer when approaching the imperial astronomer.54 Perhaps realizing after all Hŏ’s pervious connections with his father, He Guozhu reportedly gave some lessons to the Korean astronomer. Yet this was still only the beginning of another round of piecemeal learning. Upon Hŏ’s requests to acquire books on astronomy, according to the Korean court record, He Guozhu responded that “the secret books on astronomy and astrology could not be given privately. After returning [to Beijing], I will ask the emperor to grant the books and instruments your country does not have. You would do well to make a visit to Beijing.”55 Hŏ made his third visit to Beijing the next year.56

56 Hŏ thus had to adopt the piecemeal way of learning, not only because the method was too difficult to master in a short period, but because the imperial astronomers did not let him know all of the “national secrets” at once. Behind all of the difficulties experienced by Korean astronomers in learning imperial astronomy lay the fundamentally unpredictable nature of the Imperial Bureau of Astronomy. Its inner workings and the knowledge produced in it were mostly hidden from the astronomers of a tributary country. It revealed itself to them only bit by bit and, in a lucky case like Hŏ’s, through the kindness of imperial astronomers. Yet even in that case, the Imperial Bureau did not allow the visitors instant access to its whole workings. In spite of his successful relationship with He Guozhu, for example, Hŏ Wŏn seemed not to be aware that the Qing had just started an imperial project for renewing its mathematical sciences, a project that would culminate a decade later in the promulgation of the Thorough Investigation of Calendrical Astronomy.57

57 To the Korean visitors, the astronomical knowledge produced by the Imperial Bureau was fundamentally arbitrary. They had no way of knowing in advance which constants and algorithms the Imperial Bureau would adopt in calculating ephemerides. The Imperial Bureau set the rules, constants, and algorithms—the core information of calendrical astronomy—for reasons that the Korean astronomers could not have predicted.58 Finally, the Imperial Bureau was an ever-changing entity, and the directions, timing, and contents of its future reforms were beyond an outsider’s prediction. In 1722, Hŏ Wŏn had to make his fourth, and perhaps the last, trip to Beijing to resolve the discrepancies that had recently appeared for unknown reasons. Later, the Qing Board of Rites informed the Chosŏn court, unusually in this case, that the Qing had changed the algorithms and constants for eclipse predictions.59 Yet there was no way to know in any detail what happened within the Imperial Bureau of Astronomy

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without going there. During the mid-eighteenth century, when the Qing made a series of changes in the calendrical system, the Korean astronomers had to pay frequent visits to Beijing to keep up with the ever-changing astronomical methods of the Qing Bureau. In 1727, the Chosŏn Bureau of Astronomy presented a memorial to the king in which the Bureau emphasized an urgent need to dispatch an astronomer to Beijing. From remote antiquity, the calendrical systems have been made by making adjutments to [the previous system] according to the observation of the phases of the moving qi and the changes of its magnitudes and numbers […]. But our state, being not able to understand the method of how make adjustments, has relied in every occasion upon the method of the Middle Kingdom as the way to examine thoroughly [the heavenly phenomena]. For this reason, our court, from the previous reign periods, continually dispatched astronomers there to learn the newly changed methods, and then had them calculate the calendar accordingly. Since doing this, there has been no case in which the Qing and the local calendars showed even the smallest discrepancy. Yet in the previous kyemyo year (1723-1724), the route to exchange diplomatic documents was blocked due to the trouble of transportation […]. Since then we have had no means to address questions to the Qing, and the discrepancies accumulated year by year60 […].

58 In this memorial, the Bureau openly acknowledged that calendrical astronomy in Korea was in a state of continuous dependency upon the Qing. This was a flat denial of Hŏ Wŏn’s claim in the preface of his manual. Sixteen years before, Hŏ had hopefully expected that, with the compilation of his manual, “the calendrical astronomy of the state would never show any discrepancy with the celestial images for the next two hundred years.” Yet, by 1727, the Bureau declared that this was an unattainable goal. The astronomical reform of the Chosŏn dynasty, or to put it in a more realistic way, the adoption of Qing astronomy, was not a project that could be completed in one stroke. Considering the unpredictable behavior of the Qing Imperial Bureau, the only way to keep the local calendar in accordance with the Qing calendar was, the Bureau argued, to keep in contact with the Imperial Bureau by means of continuous travel by Korean astronomers to Beijing.

59 As proposed in this memorial, a period of frequent travel to Beijing would soon begin, during which a number of court astronomers made successive journeys to Beijing to become the Xi and He of the Chosŏn king. Korean astronomers’travel to Beijing did not continue indefinitely, however. Rather, it ended in the late eighteenth century. This happened partly because Korean astronomers had by that period become confident in their mastery of the Qing astronomical system. But the Korean astronomers could not have gained this confidence if the Qing had maintained its previous vigor in calendrical astronomy. After promulgating the Sequel to Thorough Investigation of Calendrical Astronomy (Lixiang kaocheng houbian) in 1742, the Qing did not implement major changes to its astronomical system. The unpredictability of the Qing Bureau of Astronomy, which had forced the Korean astronomers to travel continuously to Beijing, thus lessened considerably.

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APPENDIXES

Glossary

An Chungt’ae 安重泰 An Kungnin 安國麟 pukhak 北學 ch’iljŏngnyŏk 七政曆 Chen Liang 陳良 ch’ŏmji 僉知 Chongzhen 崇禎 Chu 楚 Chungguk 中國 chungin 中人

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Datong li 大統曆 郭守敬 He Guodong 何國棟 He Guozhu 何國柱 He Guozong 何國宗 He Junxi 何君錫 Hŏ Wŏn 許遠 hojo 戶曹 Hong Chŏngha 洪正夏 hŭmyak kyŏngsu 欽若敬授 hwawŏn 畵員 Hyojong 孝宗 Hyŏnsang sinbŏp sech’o ryuhwi 玄象新法細草類彙 ilgwan 日官 Injo 仁祖 kaeryŏk 改曆 Kangxi 康熙 Kim Sangbŏm 金尙範 Kim Yuk 金堉 kyemyo 癸卯 Kyŏngjong 景宗 Kwansanggam 觀象監 lantou 攔頭 Lixiang kaocheng 曆象考成 Lixiang kaocheng houbian 曆象考成後編 liyuan 曆元 milmae 密買 p’yŏnbang chi in 偏邦之人 panjŏn 盤纏 Qintianjian 欽天監 sajagwan 寫字官 Shixian li 時憲曆 Shoushi li 授時曆 Shujing 書經 Shunzhi 順治 Sok taejŏn 續大典 Song Innyong 宋仁龍 Sukchong 肅宗 taeguk 大國 Tang Ruowang 湯若望 ŭigwan 醫官 ŭryu 乙酉 wuguan sili 五官司曆 Wang Xun 王恂 Xi [and] He 羲和 Xiyang xinfa lishu 西洋新法曆書 Xu Guangqi 徐光啓 yangban 兩班

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Yang Guangxian 楊光先 Yanjing 燕京 Yao 堯 Yi Chŏm 李點 Yi Imyŏng 李頤命 Yŏ Ijing 呂爾徵 yŏkkwan 譯官 Yŏngjo 英祖 yun 閏 Zhamen 柵門 zhengshuo 正朔

NOTES

2. Pyenson 1989 ; Harris 1998 ; Pang 2002. 3. Jami 2012 : 277-279. On the Kangxi Atlas project, see Foss 1988 : 220-240. 4. Recent research in the history of modern European science increasingly emphasizes the contribution of indigenous knowledge of non-Western (colonial) societies to building modern (Western) science. See, for example, Drayton 1999 ; Raj 2007. 5. Hŏ [1711] 1986 : 3-5. 6. Sun 1986 : 10-12. 7. Hŏ [1711] 1986 : 3-5. Wang Xun and Guo Shoujing were astronomers in the , famous for having made the Shoushi li calendrical system. This system was continuously used, with some modifications, through the end of the Ming, although it was differently titled the Datong li system. 8. Hŏ [1711] 1986 : 3-5. 9. For the discrepancy between the Qing and Chosŏn calendars in the ŭryu year, see Sŭngjŏngwŏn ilgi (hereafter SJWIG), Sukchong 30/12/11 ; 12/18 (1704-1705). This means the entries for the 11th and 18th days, the 12th month, in the 30th year of King Sukchong’s reign. The dates, months, and years are according to the Chinese lunisolar calendar. I add in parenthesis the corresponding years in the Gregorian calendar. In this case, the 30th year in King Sukchong’s reign corresponds to a year between 1704 and 1705 C.E. 10. Hŏ [1711] 1986 : 3-5. The two calendrical methods mentioned by Hŏ are the methods (1) for calculating the solar and lunar movements from which to make a civil calendar, and (2) for predicting the planetary movements and the solar and lunar eclipses. 11. Zhu 1983 : 260. 12. Extensive research has been done on the origin, the social status, and the sociocultural roles of the chungin officials in late Chosŏn Korea. See, for example, Park 1983 ; Han 1988. 13. An ordinary Korean “winter solstice mission” consisted, in principle, of thirty-five envoys. Seven of them were literati members (the main and associate-envoys, a secretary, and their attendants), and the remaining twenty-eight members consisted mainly of the chungin officials— mostly interpreters, except for a few officials of other specialties. On the composition of the mission personnel and their respective duties, see Yu and

Yi 2002 : 46-51. As for the roles of the painters and the transcribers, see Chŏng 2008. 14. For a general survey of the Chinese world order based upon the so-called “tribute system,” see Fairbank 1968. As for Qing-Chosŏn relations, see Chun 1968. Lim 2012 examines the introduction of the Shixian li system into Chosŏn from the perspective of the Qing-Chosŏn tributary relations.

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15. Regulations on the “calendar mission,” including its travel schedule, are specified in Sayŏgwŏn [1720, 1882] 2006 : vol. 1, 198-199. 16. On the detailed process of calendar making in late Chosŏn period, see Hu 2000 : 28-32. 17. Jami 2012 : 35-37. 18. It was as a result of the Qing military campaign in 1637 that Chosŏn became its “tributary state.” From then on, Chosŏn officially received calendars from the Qing instead of from the Ming. But because the Qing calendar was almost the same as that of the Ming, Chosŏn continued to rely on the old Ming method. See, for example, Chosŏn wangjo sillok (hereafter CWS), Injo 17/04/27 (1639-1640). On the issues of calendrical astronomy at the Chosŏn court in the period of Ming-Qing dynastic transition, see Jun 2004 : 12-20. 19. Those proposals are recorded in the CWS, Injo 23/06/03 ; 12/18 (1645-1646). 20. SJWIG, Injo 26/03/07 (1648-1649). 21. SJWIG, Injo 26/03/07. 22. Ibid. 23. This process is well documented in Jun 2004 : 15-40. 24. On Kögler and the compilation of the Sequel, see Jami 2012 : 378-379. 25. This number is based upon the court records in CWS and SJWIG. There could have been more cases that are not recorded in those documents. 26. SJWIG, Yŏngjo 28/02/16 (1752-1753). 27. CWS, Injo 23/12/18 (1645-1646). 28. CWS, Hyojong 1/07/19 (1650-1651). 29. CWS, Injo 23/12/18 (1645-1646). For example, the main envoy of the 1720 Korean embassy, Yi Imyŏng, contacted the Jesuits in order to purchase from them books on astronomy. However, the Jesuits declined his request, for the reason that those books were classified by the court as secrets and thus not to be sold to foreigners. See Lim 2013 : 303-304. 30. SJWIG, Injo 26/09/20 (1648-1649). 31. CWS, Hyojong 1/07/19 (1650-1651). 32. SJWIG, Hyojong 1/07/19. 33. SJWIG and CWS, Hyojong 1/07/19 (1650-1651) ; SJWIG, Hyojong 1/10/16. 34. CWS, Hyojong 3/03/11 (1652-1653). 35. Sŏng Chudŏk [1818] 2003 : 64-65. 36. CWS, Hyojong 4/01/06 (1653-1654) ; SJWIG, Hyojong 4/01/24 (1653-1654). 37. SJWIG, Injo 26/09/20 (1648-1649). 38. SJWIG, Hyojong 3/09/24 (1652-1653). 39. See, for example, SJWIG, Sukchong 34/08/19 (1708-09) ; Sukchong 40/10/23 (1714-1715). 40. CWS, Hyojong 4/01/06 (1653-1654). 41. On the role of interpreters in the tributary mission, particularly in commercial trade, see Yu and Yi 2002 : 36-70. 42. SJWIG, Hyojong 3/09/15 (1652-1653). 43. SJWIG, Hyojong 5/09/14 (1654-1655). We do not know who the “Qing man” was. Nor is it certain that “the Qing man,” mentioned several times in the reports of the Bureau, was the same person. 44. SJWIG, Hyojong 3/09/24 (1652-1653). 45. In the mission of 1654, Kim Sangbŏm was reported to have brought too much “traveling expenses,” which were transported by as many as “three horses.” The king expressed his anger at Kim, denouncing his behavior as “very presumptuous.” It seems that Kim had brought commodities to be sold in Beijing. See Pibyŏnsa tŭngnok, Hyojong 5/11/24 (1654-1655). In the Qing period, every Korean envoy was allowed to bring a certain amount of ginseng or silver to Beijing for private trade. See Yu and Yi 2002 : 51-57. In 1734, a few officials at the Chosŏn court once again questioned the astronomers’commercial motives. See SJWIG, Yŏngjo 10/04/10 (1734-1735).

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46. SJWIG, Hyojong 5/09/24 (1654-55). 47. Jami 2012 : 260-283, particularly, 263-264, 268, 277-280. 48. On the changing relationship between the Qing and Chosŏn Korea and its cultural impact upon Chosŏn society, see Kim 2009 : 39-44. 49. SJWIG, Sukchong 35/03/23 (1709-1710). 50. SJWIG, Sukchong 33/02/27 (1707-1708). 51. SJWIG, Kyŏngjong 2/06/12 ; 10/14 ; 10/20 (1722-1723). 52. Hŏ [1711] 1986 : 3-5. 53. For He Guozhu’s mission to Korea and its background, see Ledyard 1994 : 298-305. 54. SJWIG, Sukchong 39/yun 05/13 (1713-1714). At this moment, the Korean side, including Hŏ Wŏn as well, did not know that He Guozhu was the son of He Junxi, who had established a close relationship with Hŏ. 55. Pibyŏnsa tŭngnok, Sukchong 39/08/01 (1713-1714). 56. SJWIG, Sukchong 40/10/23 (1714-1715). A Korean mathematician named Hong Chŏngha described his meeting with He Guozhu, which also occurred during his stay in Korea, in a very different tone. Hong emphasized the superiority of his own computational skill over the Qing mathematician’s. See Jami 2012 : 278-279 57. Jami 2012 : 260-283. 58. For instance, the process of the Qing reform of its official astronomy in the 1710s, including modifications of a few astronomical constants and algorithms, was unknown to Korean astronomers. On this process, which would culminate in the promulgation of Lixiang kaocheng, see Jami 2012 : 370-372. 59. SJWIG, Kyŏngjong 02/10/14 (1722-1723). The Qing did so in order to ask the Chosŏn court to report eclipse observations in Seoul, so as to check its own new method for eclipse prediction. 60. SJWIG, Yŏngjo 03/05/12 (1727-1728). The incident in the kyemyo year mentioned in the memorial perhaps refers to the chaotic situation at the Qing-Chosŏn border caused by the Chosŏn government’s effort to abolish private trade at the border city, Zhamen, which had been dominated by a group of Qing transporters-cum-brokers, collectively called lantou. See Yu and Yi 2002 : 112-114.

ABSTRACTS

This article focuses on the Korean court astronomers who made the journeys to Beijing in the seventeenth and eighteenth centuries. Conditioned by the politico-epistemic hierarchy between the two countries, Korean astronomers traveled to Beijing with the task of acquiring the secrets of astronomical calculation possessed by the Qing Bureau of Astronomy. The author argues that in the course of these journeys that offered the Korean astronomers both frustrations and opportunities, traveling to the metropolitan center became crucially incorporated into their self- portrait. They presented themselves modestly as the astronomers of a “marginal state,” who could not expect to be competent in their specialty without making pilgrimages to the imperial metropolis. This rhetoric of modesty reflected the conflicted position of the Korean official astronomers, who could promote their sociocultural interests only by negating their ability to be competent in their specialty on their own.

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Cet article s’intéresse aux astronomes de cour coréens qui se sont rendus à Pékin aux XVIIe et XVIIIe siècles. Conditionnés par la hiérarchie politique et épistémique entre les deux pays, les astronomes coréens allaient à Pékin pour y acquérir les secrets des calculs astronomiques détenus par le Bureau de l’astronomie des Qing. Ces voyages, riches en opportunités et en déceptions, devinrent un élément central dans la construction par les astronomes coréens de leur propre image. Ils se représentaient modestement comme les astronomes d’un « État marginal » qui ne pouvaient être compétents dans leur domaine sans effectuer des pèlerinages à la métropole impériale. Cette rhétorique de la modestie reflète la position conflictuelle des astronomes officiels coréens, qui ne pouvaient promouvoir leurs intérêts socio-culturels qu’en niant leur capacité à être compétents par eux-mêmes dans leur domaine.

本文著重關注十七十八世紀訪問北京的朝鮮宮廷天文學者。由於兩國政治和知識形態的等級 關係,前往北京的朝鮮天文學者負有獲取欽天監曆算秘密的使命。透過他們機遇和挫折並存 的旅程,作者認為北京之旅是朝鮮天文學者自我形象構建的核心元素。他們謙虛自稱來自“邊 鄙之邦”,若不到帝京朝覲,則無法勝任天文領域的專業職責。這套自謙的說辭反映了朝鮮宮 廷天文學者矛盾的立場,他們必須通過否定自身的專業能力,才能取得最大的社會文化利 益。

AUTHOR

JONGTAE LIM Enseigne l’histoire des sciences dans le cadre du Programme d’histoire et de philosophie des sciences de l’Université nationale de Séoul, Corée du Sud. Il travaille sur la transformation des sciences en Corée entre le XVIIe siècle et le début du XXe siècle. Parmi ses publications récentes : « Matteo Ricci’s World Maps in Late Joseon Dynasty », The Korean Journal for the History of Science, n° 33 (2), 2011, p. 277-296 ; « Locating a Center on the Surface of a Globe : Negotiating China’s Position on the Spherical in Seventeenth and Eighteenth-Century China and Korea », Historia Scientiarum, n° 17 (3), 2008 : 175-188.

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Commerce des livres et diplomatie : la transmission de Chine et de Corée vers le Japon des savoirs médicaux liés à la pratique de l’acuponcture et de la moxibustion (1603-1868) Book Trade and Diplomacy : The Transmission of Medical Knowledge Related to Acupuncture and Moxibustion from China and Korea to Japan (1603-1868) 書籍貿易和外交:中國和朝鮮針灸醫療知識向日本的傳播(1603-1868)

Mathias Vigouroux

Je tiens à remercier Catherine Jami, Florence Bretelle-Establet et les trois lecteurs anonymes qui ont bien voulu relire le manuscrit pour leurs remarques et suggestions. Les erreurs et imprécisions qui demeurent sont de mon entière responsabilité.

1 Les sources des époques de Heian (794-1185) et de Kamakura (1185-1333) offrent une image contrastée de l’acuponcture introduite au Japon aux alentours du VIe siècle. En effet, si elles indiquent que les médecins japonais avaient accès aux principaux traités chinois d’acuponcture, elles suggèrent que les aiguilles d’acuponcture, comparées aux remèdes et aux applications de moxa, étaient peu utilisées en pratique clinique et que leur utilisation se limitait principalement au traitement des abcès et autres furoncles2. L’acuponcture connut néanmoins un renouveau à partir de la fin du XVIe siècle, sous l’impulsion de Manase Dôsan (1507-1594) et par la mise en place de nouvelles écoles. Dôsan avait une approche textuelle, c’est-à-dire qu’il étudiait de manière approfondie les traités d’acuponcture chinois des époques Song (960-1279) et Ming (1368-1644) afin de sélectionner les passages qui pouvaient avoir une application clinique immédiate3. Parallèlement à Dôsan, certaines écoles d’acuponcture commencèrent à prendre leurs distances avec la tradition chinoise en innovant aussi bien sur le plan théorique que sur le plan technique. Ces deux orientations, qui n’étaient pas nécessairement antinomiques – d’un côté, la fidélité aux savoirs chinois et, de l’autre, l’apparition de

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nouvelles techniques et théories indigènes –, se retrouvèrent tout au long de l’époque d’Edo (1603-1868) durant laquelle l’acuponcture japonaise évolua en suivant de manière générale les grandes tendances de la pensée médicale japonaise.

2 Dans cet article, nous nous attacherons à mettre en lumière la manière dont les savoirs et les savoir-faire médicaux liés à la pratique de l’acuponcture et de la moxibustion ont pénétré le Japon à l’époque d’Edo en tenant compte de la politique de contrôle très stricte des relations diplomatiques et commerciales mise en place par les Tokugawa4. Notre analyse portera plus particulièrement sur la transmission des traités d’acuponcture et de moxibustion depuis la Chine et la Corée vers le Japon et sur le rôle que jouèrent les médecins chinois et coréens qui séjournèrent au Japon pendant la période considérée. En dehors de quelques travaux précurseurs5, les processus de circulation des savoirs médicaux en Asie, particulièrement entre les pays qui adoptèrent la médecine chinoise comme modèle, sont encore relativement peu connus. Les sources sont pourtant nombreuses et, dans notre étude, nous avons tout particulièrement mobilisé les archives liées au commerce avec la Chine et la Corée et les transcriptions des conversations entre les médecins lettrés chinois, coréens et japonais.

La transmission au Japon des ouvrages d’acuponcture

Les ouvrages chinois d’acuponcture

3 Les archives des entrepôts de Nagasaki étant soit incomplètes soit perdues, il est aujourd’hui difficile de connaître le nombre exact de livres importés pendant l’époque d’Edo6. Les registres du commerce avec la Chine suggèrent néanmoins que le nombre de livres apportés chaque année par les navires marchands chinois ne cessa de croître à partir de la fin du XVIIe siècle. Par exemple, les registres Tôban kamotsu chô (Registres des marchandises chinoises et barbares) indiquent que pour l’année 1711, la seule année pour laquelle les archives sont complètes, seuls six des cinquante-quatre navires chinois transportaient des livres. Un siècle plus tard, en 1804, dix des onze navires marchands chinois avaient des caisses de livres dans leur cargaison7.

4 Huit cent quatre traités de médecine chinoise mentionnés 1917 fois dans les archives de Nagasaki furent importés de Chine pendant l’époque d’Edo8. Autrement dit, certains traités furent importés plusieurs fois. Parmi ces ouvrages, seize étaient des manuels consacrés à la pratique de l’acuponcture, et vingt-trois autres provenaient du Huangdi nei jing (Classique interne de l’Empereur jaune) et du Nan jing (Classique des difficultés), deux ouvrages achevés sous la dynastie des Han (206 av. J.-C.-220 ap. J.-C.) et expliquant les théories fondamentales de la médecine chinoise9. Pour chaque entrée dans les deux tableaux ci-dessous, nous indiquons le titre de ces ouvrages et leur date d’importation10.

Tableau 1. Traités consacrés à l’acuponcture

Titre des traités Année d’importation

Zi wu liu zhu zhen jing 子午流注鍼經 (r. 1153) 1638 ; 1688

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Zheng zhi zhen jing 証治鍼經 (p. 1823) 1849 ; 1850

Xu shi zhen jiu 徐氏鍼灸 (p. 1591) 1638 ; 165

∟ Xu shi zhen jiu da quan 徐氏鍼灸大全 1856

Zhen jiu zi sheng jing 鍼灸資生經 (p. 1220) [1363 ;1563] ; 1819

Zhen jiu jie jing 鍼灸捷經 (dynastie Qing) 1652 ; 1783

Zhen jiu jie yao ju ying 鍼灸節要聚英 (r. 1529) [1574] ; 1645

1641 ; 1706 ; 712 ; 1714 ; 1724 ; 1763 ; 1842 ; Zhen jiu da cheng 鍼灸大成 (r. 1601) 1843

∟ Chong kan zhen jiu da cheng 重刊鍼灸大成 1712 ; 1803

Zhen jing zhi nan 鍼經指南 (r. 1295) 1638

Zhen fang liu ji 鍼方六集 (r. 1618) 1642

Tong ren shu xue zhen jiu tu jing 銅人俞穴鍼灸圖經 [1363 ; 1454 ; 1533] ; 1654 ; 1688 (r. 1026)

Tong ren tu 銅人圖 1849

∟ Tong ren xing tu 銅人形圖 1849

Ming tang jiu jing 明堂灸經 [époque de Heian] ; 1638

∟ Huangdi ming tang jiu jing 黄帝明堂灸經 1688

Zhen jiu wen dui 鍼灸問對 (r. 1530) (Wang Shishan yi 1699 shu ba zhong 汪石山醫書八種 ; p. 1633*)

Shi si jing fa hui十四經發揮 (Xue shi yi an 薛氏醫案 ; 1638 ; 1710 ; 1719 ; 1722 ; 1725 ; 1735 ; 1759 ; p. 1529) 1763 ; 1837 ; 1839 ; 1844 ; 1845 ; 1849

∟ Shi si jing fa hui (Xue ji er shi si zhong 薛己二十四 1699 種 ; p. 1529)

Zhen jiu jia yi jing 鍼灸甲乙經 (r. 256-259) 1856

Légende : – nous donnons le titre des ouvrages tel qu’il apparaît dans les sources primaires et secondaires ; – nous indiquons entre parenthèses le titre auquel l’entrée fait référence, et entre crochets la somme médicale dans laquelle l’ouvrage est inclus ; – r. indique la date de rédaction et p. la date de publication. Sauf indication contraire, nous indiquons uniquement la date de la première publication. Pour les dates, nous nous sommes référés au dictionnaire Zhongguo yi ji da ci dian ; – dans la colonne des dates d’importation, nous indiquons entre crochets la première mention de l’ouvrage au Japon lorsque cette information est disponible ; – dans certains cas l’ouvrage a pu être transmis au Japon avant d’avoir été publié en Chine ; – les dates en italique renvoient aux sources secondaires.

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Tableau 2. Traités dérivés du Huangdi nei jing et du Nan jing

Titre des traités Année d’importation

Huangdi su wen 黄帝素問 1639 ; 1688 ; 1710 ; 1711 ; 1714 ; 1763 ; 1839

Huangdi su wen zhi jie 素問直解 (p. 1695) 1705 ; 1706 ; 1763 ; 1838 ; 1839

Huangdi nei jing su wen ling shu zhu zheng fa wei 1604 ; 1688 ; 1689 ; 1711 ; 1719 ; 1735 ; 1763 ; 1839 ; 黄帝内經素問靈樞注証發微 (r. 1586) 1842

Huangdi nei jing su wen ling shu jing 黄帝内經素 1604 ; 1638 ; 1642 ; 1712 ; 1714 ; 1719 ; 1726 ; 1733 ; 問靈樞經 1840 ; 1842 ; 1847 ; 1850

∟Ming ban ling shu jing 明板靈樞經 (dynastie 1840 Ming)

Nei jing su wen 内經素問 (Huangdi nei jing su wen jie wen zhu jie 黄帝内經素問節文注解, 1657 p. 1619)

Nei jing ji zhu 内經集注 (dynastie Qing) 1694 ; 1706 ; 1707

Nei jing lei zuan yue zhu 内經類纂約注 (Su wen Ling shu lei yuan yue zhu 素問靈樞類纂約注, r. 1726 ; 1719 1688)

Nei jing zhi yao 内經知要 (p. 1642) 1649

1706 ; 1707 ; 1712 ; 1713 ; 1714 ; 1719 ; 1722 ; 1724 ; Nei jing zuan yao 内經纂要 [Feng shi jin nang mi 1725 ; 1726 ; 1733 ; 1742 ; 1750 ; 1751 ; 1754 ; 1759 ; lu 馮氏錦嚢秘錄, p .1702] 1846 ; 1850

Su wen shi yi 素問釋義 (r. 1829) 1856

Su wen xuan ji yuan bing shi 素問玄機原病式 [Liu Hejian yi xue liu shu 劉河間醫學六書, 1797 ; 1803 ; 1804 ; 1805 p. 1601]

Du su wen chao 讀素問鈔 [Wang Shishan yi shu 1699 ba zhong 汪石山醫書八種, p. 1522]

Nan jing bian zhen 難經弁真 (Tu zhu ba shi yi 1655 nan jing 圖注八十一難經, p. 1510)

∟ Nan jing tu zhu 難經圖注 (Tu zhu ba shi yi nan 1837 jing 圖注八十一難經, p. 1510)

Nan jing zheng yi 難經正義 (r. 1678) 1710 ; 1763

Nan jing zhu 難經注 (dynastie Qing) 1856

Nan jing ben yi 難經本義 (r. 1361, p .1590) 1604

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Nan jing mai jue 難經脈訣 (Tu zhu nan jing mai 1688 ; 1711 ; 1735 ; 1763 ; 1783 ; 1837 jue 圖注難經脈訣, p. 1510)

Nan jing jing shi 難經經釋 [ Xu shi yi shu liu 1711 ; 1763 ; 1782 ; 1800 ; 1839 ; 1842 ; 1844 ; 1845 ; zhong 徐氏醫書六種, p. 1727] 1846

Nan jing ben yi 難經本義 [Xue shi yi an 薛氏醫 1638 ; 1710 ; 1719 ; 1722 ; 1725 ; 1735 ; 1759 ; 1763 ; 案, p. 1529] 1837 ; 1839 ; 1844 ; 1845 ; 1849

Nan jing 難經 [Yi fang xuan yao 醫方選要, r. 1639 ; 1726 1495, p. 1545]

Lei jing 類經 (p. 1624) 1642 ; 1689 ; 1712 ; 1714 ; 1717 ; 1718 ; 1726 ; 1763

Ling lan chu er ji 靈蘭初二集 1699

Su wen, Ling shu, Nan jing, jiu jia jing Nan jing ben yi [Gu jin yi tong zheng mai quan shu 古今醫統正 1765 脈全書, p. 1601]

5 Les inventaires des livres importés de Chine, que l’on peut partiellement reconstituer, permettent de savoir quels types d’ouvrages et par conséquent quels types de savoirs liés à la pratique de l’acuponcture étaient acheminés de la Chine vers le Japon et devenaient ainsi accessibles aux médecins japonais. Il convient cependant d’interpréter ces deux tableaux avec précaution. Nous avons inclus dans le deuxième tableau les traités dérivés du Huangdi nei jing et du Nan jing mais l’impact sur l’acuponcture japonaise de ces deux ouvrages est difficile à évaluer car ils avaient un lectorat beaucoup plus large que les seuls acuponcteurs11. Les compendiums de médecine tels que le Qian jin fang (Prescriptions valant mille onces d’or, 652) ont aussi été exclus car l’acuponcture ne représente qu’une partie du contenu de ces ouvrages. Enfin, il faut souligner que certains traités d’acuponcture furent reproduits dans des sommes médicales. Le Shi si jing fa hui (Élucidation des quatorze vaisseaux, 1341), par exemple, est inclus dans le Xue shi yi an (Cas médicaux de M. Xue), une somme médicale composée de vingt-quatre traités de médecine et compilée par le médecin Xue Ji en 1529. Il est difficile de savoir si le nombre d’importations du Xue shi yi an traduisait l’engouement des médecins japonais pour son contenu en général ou pour sa réédition du Shi si jing fa hui.

6 Par conséquent, si l’on exclut du tableau 1 les trois sommes médicales (Wang shi shan quan ji, Xue shi yi an, Yi xue liu yao), force est de constater que les traités d’acuponcture ont été importés en petit nombre sur une période de plus de deux cent cinquante ans : douze traités mentionnés au total vingt-neuf fois dans les archives de Nagasaki. Deux facteurs expliquent l’insignifiance de ces chiffres. D’abord, la plupart des traités d’acuponcture chinoise, tels que le Zhen jiu zi sheng jing (Traité d’acuponcture et de moxibustion pour nourrir la vie, 1169), le Zhen jiu ju ying (Collection d’éléments essentiels à l’acuponcture et la moxibustion, 1529), le Tong ren shu xue zhen jiu tu jing (Classique illustré des points d’acuponcture et de moxibustion de l’homme de bronze, 1027), le Huangdi nei jing ming tang (Classique interne de l’Empereur jaune et du hall lumineux, ca VIIe siècle), ou encore le Zhen jiu jia yi jing (ABC d’acuponcture et de moxibustion, ca IIIe siècle), circulaient au

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Japon bien avant l’époque d’Edo12. Certains étaient déjà utilisés à l’époque de Nara (710-794) pour former les médecins acuponcteurs au service de la cour impériale13. La plupart de ces textes furent réimprimés pendant l’époque d’Edo14. Ensuite, les faibles importations de textes d’acuponcture en provenance de Chine reflètent l’absence de renouvellement de l’offre du côté chinois. En effet, après les dernières grandes publications de l’époque Ming, le Shen ying jing (Classique de la réponse divine) de Chen Hui publié en 1425, le Zhen jiu ju ying de Gao Wu publié en 1525 et le Zhen jiu da cheng (Grand compendium d’acuponcture et de moxibustion) de Yang Jizhou publié en 1601, les médecins lettrés chinois semblent s’être désintéressés progressivement de l’étude de l’acuponcture qui, tombée en disgrâce au sein des élites, finit pas être supprimée, en 1822, au sein du Collège impérial de médecine (Taiyi yuan)15. Ainsi, mis à part le Zheng zhi zhen jing (Traité de traitements par acuponcture, 1823) et le Zhen jiu jie jing (Classique d’acuponcture et de moxibustion rapide, dynastie Qing), tous les traités d’acuponcture importés qui figurent dans le tableau 1 sont antérieurs à l’époque des Qing (1644-1911).

7 La nature des importations chinoises et celle des éditions japonaises des textes chinois traduisent aussi un changement d’attitude des médecins chinois et japonais face au savoir médical textuel ancien. En effet, si des commentaires du Huangdi nei jing furent importés régulièrement tout au long de l’époque d’Edo, à partir des années 1700 ce sont essentiellement les deux parties de ce texte, dans leur édition originale, qui furent importées. Dix des douze importations du Ling shu (Pivot Merveilleux), l’une des deux parties, et cinq des six importations du Su wen (Questions simples), l’autre partie, sont ainsi postérieures à cette date. Inversement, le nombre d’éditions japonaises des commentaires chinois du Huangdi nei jing ou du Nan jing, constant pendant le XVIIe siècle, chuta brusquement à partir des années 1710. Ainsi, le Nan jing ben yi (Le sens authentique du classique des difficultés, 1366), fut réimprimé dix fois au cours du XVIIe siècle sur un total de onze rééditions et le Su wen xuan ji yuan bing shi (Modèles de maladies originales à partir des mécanismes mystérieux des Questions simples) neuf fois sur un total de dix rééditions16.

8 Cet attrait pour les éditions les plus anciennes de ces textes médicaux chinois s’explique par une évolution de la pensée médicale en Chine à partir de la fin des Ming lorsque des médecins remirent en cause les théories de l’époque Song et prônèrent un retour aux sources de l’Antiquité, notamment au Shang han lun (Traité des coups de froid) de Zhang Zhongjing (150-219). Ils s’inspiraient des méthodes philologiques des lettrés du mouvement intellectuel appelé kaozheng (j. kôshô ; souvent traduit par « critique textuelle ») pour approcher de manière critique les textes médicaux17. Ce mouvement influença les médecins japonais dès la seconde moitié du XVIIe siècle. Les partisans de l’école dite des anciennes prescriptions (kohô ha) étaient ainsi convaincus que seules les versions anciennes des classiques, expurgées des commentaires postérieurs qui avaient, selon eux, corrompu le sens original des textes, leur offraient la possibilité de retrouver la véritable compréhension des pathologies et des thérapies18. Ce retour critique aux sources inspira également certains lettrés confucéens, comme Itô Jinsai (1627-1705) et Ogyû Sôrai (1666-1728), qui rejetèrent l’orthodoxie officielle basée sur les enseignements du philosophe Zhu Xi (1130-1200) de la dynastie Song et recommandèrent l’étude du sens ancien des mots ou des textes classiques du confucianisme (kogigaku chez Jinsai et kobunjigaku chez Sôrai) afin de retrouver le véritable enseignement de Confucius et de Mencius.

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9 À la fin du XVIIIe siècle, la familiarité avec les méthodes philologiques du mouvement kaozheng permit aux médecins lettrés japonais de réexaminer les classiques chinois à l’aide de nouveaux outils : la phonologie (guyinxue), la paléographie (wenzixue) et l’étymologie (xunguxue)19. Si le Shang han lun continuait de focaliser l’attention des médecins, certains médecins japonais s’intéressèrent également au Huangdi nei jing et à ses nombreuses éditions chinoises commentées20. Le médecin lettré Murai Kinzan (1733-1815), par exemple, rédigea une étude exégétique du Su wen dans laquelle il comparait les rythmes des phrases entre les différentes éditions en circulation afin de révéler les ajouts des commentateurs postérieurs. Il proposa une recomposition des soixante et un chapitres originaux du Su wen xun jie ( Commentaires du Su wen), la première version commentée connue du Su wen compilée au VIe siècle par Quan Yuanqi21. Les professeurs à l’Igakkan, l’école de médecine ouverte en 1765 à Edo par la famille Taki, qui formait les médecins travaillant pour le bakufu (gouvernement shogunal), adoptèrent une approche philologique dans leur travail d’édition des anciens classiques de la médecine chinoise22. Un des directeurs, Taki Motoyasu (1755-1810), composa notamment le Somon shi (Comprendre les Questions simples, 1806) et le Reisû shi (Comprendre le Pivot merveilleux, XIXe siècle), deux ouvrages d’analyse critique des différentes éditions des deux traités du Huangdi nei jing.

10 Ce retour aux sources anciennes de la médecine chinoise, caractérisé par une nouvelle approche méthodologique, eut pour conséquence la publication de dizaines de livres de commentaires japonais qui venaient s’ajouter aux importations et aux éditions japonaises de livres de commentaires chinois. Le tableau 3, qui recense les différentes éditions du Nan jing circulant au Japon pendant l’époque d’Edo, en offre un exemple éclairant.

Tableau 3. Les différentes éditions du Nan jing en circulation à l’époque d’Edo

Éditions japonaises du Nan jing et Année d’importation de ses éditions commentées chinoises

Wu ting zi Nan Nan su jie Commentaires Nan Nan jing Huangdi jing Nan ba shi japonais Nan jing jing mai ba shi yi Nan jing jing yi nan jing jing ben yi jue Commentaires nan jing jing shi ben yi jing 難 shi 難 難經 難 Chinois 黄帝八 難 難 難經 勿聴 經* 經經 本義 經 十一難 經 經 本義 子俗 釋 ** 脈 經 經 解八 訣 釋 十一 難經

1600-10 1607

1611-20 1617 1617

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1630 (Nangyô 1621-30 1623 1627 shô 難經抄)

1637 (Nangyô 1631-40 1639 1638 1633 shôkei 難經捷 径)

1649 (Nangyô 1644 ; 1641-50 1645 shôkei 難經捷 1648 径)

1655 (Nan jing 1652 ; 1651-60 bian zhen 難經 1660 1660 1659 弁真)

1661-70

1671-80

1684 (Nangyô 1684 ; 1681-90 1688 chûso 難經註 1690 疏)

1691-00 1691

1710 (Nan jing 1701-10 1710 zheng yi 難經 正義)

1715 (Nangyô 1711-20 1711 1719 1711 wakumon 難經 或問)

1722 ; 1721-30 1726 1725

1731-40 1735 1735

1750 (Nangyô 1741-50 tekkan 難經鉄 鑑)

1751-60 1759

1763 (Nan jing 1761-70 1765 1763 1763 1763 zheng yi 難經 正義)

1771-80

1781-90 1782 1783

1791-00 1800 1800

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1803 ; 1801-10 1808 1804

1811-20

1822 (Nangyô 1821-30 soshô 難經疏 証)

1837 (Nan jing 1837 ; 1831-40 1839 1837 tu zhu 難經圖 1839 注)

1842 ; 1844 ; 1844 ; 1841-50 1845 ; 1845 ; 1849 1846

1857 (Nangyô 1856 (Nan jing 1851-60 mojikô 難經文 zhu 難經注) 字攷)

1861-70

*Les dates d’importations correspondent au Yi fang xuan yao 醫方選要 et au Yi tong zheng mai quan shu 醫 統正脈全書

** Les dates d’importations correspondent au Xue shi yi an 薛氏醫案

11 Ce tableau témoigne, par ailleurs, d’un marché du livre médical florissant dont le développement fut favorisé par l’essor de l’imprimerie et la diffusion de l’instruction à toutes les classes de la société. Ces différentes éditions, originales ou commentées, publiées soit en chinois classique avec ou sans les signes de lecture (kaeriten) pour permettre sa lecture selon l’ordre syntaxique japonais, soit en langue vernaculaire, reflètent aussi une certaine segmentation du marché du livre médical : toutes ces éditions ne s’adressaient probablement pas au même lectorat. La comparaison des trois premiers livres les plus importés avec les trois premiers livres les plus réédités semble aussi indiquer qu’en dehors des commandes spéciales du bakufu et de quelques médecins lettrés, la nature des livres importés répondait aux critères des marchands chinois23.

Tableau 4. Les trois traités d’acuponcture les plus importés et réédités

Les 3 traités d’acuponcture les plus importés (sommes Les 3 traités d’acuponcture les plus médicales exclues) réédités

Zhen jiu da cheng 鍼灸大成 (10 fois) Shi si jing fa hui 十四經發揮 (19 fois)

Huangdi ming tang jiu 黄帝明堂灸經 Xu shi zhen jiu da quan 徐氏鍼灸大全 (3 fois) (6 fois)

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Zheng zhi zhen jing 証治鍼經 (2 fois) Zhen jiu ju ying 鍼灸聚英 (2 fois)

Tableau 5. Les trois traités dérivés du Neijing/Nanjing les plus importés et réédités

Les 3 traités dérivés du Nei jing/Nan jing Les 3 traités dérivés du Nei jing/Nan jing les plus importés les plus réédités

Nei jing zuan yao 内經纂要 (Jin nang mi lu 錦嚢秘錄) Su wen ru shi yun qi lun ao 素問入式運氣論奥 (18 fois) (13 fois)

Huangdi nei jing su wen ling shu 黄帝内經素問靈樞 Nan jing ben yi 難經本義 (11 fois) (13 fois)

Nan jing ben yi 難經本義 (Xue shi yi an 薛氏醫案) (13 Su wen xuan ji yuan bing shi 素問玄機原病式 fois) (9 fois)

12 Selon l’historien Mayanagi Makoto, les marchands chinois choisissaient de préférence des ouvrages qui avaient déjà connu un succès de librairie en Chine, minimisant ainsi les risques d’invendus lors de la vente aux enchères qui avait lieu à Nagasaki chaque fois qu’une nouvelle cargaison arrivait ; de plus, ils privilégiaient les livres volumineux, car ces derniers étaient vendus plus cher aux Japonais. Cette stratégie commerciale de maximisation des profits est confirmée par l’analyse des cinq ouvrages les plus importés toutes catégories confondues24 : 1. Ben cao gang mu (Matière médicale classifiée, 1578) : 52 fascicules, 55 éditions, importé 34 fois. 2. Yi zong jin jian ( Le miroir doré pour médecins orthodoxes, 1742) : 92 fascicules, 28 éditions, importé 31 fois. 3. Xue shi yi an (Cas médicaux de M. Xue, 1528) : deux versions importées ; une première regroupe 10 traités de médecine chinoise ; une deuxième plus complète en regroupe 24. 18 éditions, importé 28 fois. 4. Jing yue quan shu (Œuvres complètes de Jing yue, 1624) : 64 fascicules, 45 éditions, importé 26 fois. 5. Jin nang mi lu (Le sac de brocart aux instructions secrètes, 1702) : 49 fascicules, 11 éditions, importé 23 fois.

13 Ces ouvrages, qui, à l’exception du Ben cao gang mu, étaient des sommes médicales couvrant tous les domaines de la médecine chinoise en une seule collection de plusieurs dizaines de fascicules, étaient susceptibles d’intéresser un lectorat beaucoup plus large que des ouvrages spécialisés. Néanmoins, les marchands chinois n’eurent qu’une influence limitée sur la nature des traités de médecine privilégiés au Japon. En effet, lorsque plusieurs ouvrages traitant du même sujet étaient disponibles, ce sont en fin de compte les médecins japonais qui faisaient leur choix. La manière dont le Shi si jing fa hui fut reçu au Japon et dont la théorie des vaisseaux (c. jingluo ; j. keiraku), appelés aussi méridiens, qu’il expose y fut assimilée illustre bien ce point.

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La réception du Shi si jing fa hui

14 Le Shi si jing fa hui est un petit opuscule en un volume sur la circulation du qi (j. ki), le trajet des vaisseaux et la localisation des points d’acuponcture rédigé par Hua Shou. Publié pour la première fois en 1341, il fut réédité en 1528 par le médecin Xue Ji (1487-1559) qui l’inclut dans son ouvrage Xue shi yi an. Manase Dôsan (1507-1594) fut probablement le premier médecin japonais à mentionner le Shi si jing fa hui dans son traité d’acuponcture intitulé Shinkyû shûyô ( Éléments essentiels d’acuponcture et de moxibustion, 1563). Il ne le considère pas néanmoins comme une source majeure. En effet, la plupart des citations des différentes rubriques sur les vaisseaux et les points d’acuponcture proviennent principalement d’ouvrages d’acuponcture généralistes, notamment le Zhen jiu da quan (Somme d’acuponcture et de moxibustion) et le Zhen jiu ju ying ( La quintessence de l’acuponcture et de la moxibustion), plutôt que d’ouvrages spécialisés. Le Tong ren shu xue zhen jiu tu jing, un ouvrage similaire au Shi si jing fa hui, n’est pas cité et le Shi si jing fa hui n’est cité que deux fois25.

15 Huit ans plus tard, en 1571, Dôsan rédige un kirigami (litt. « papier coupé »), des notes de cours qu’il distribuait à ses disciples, comportant un schéma intitulé « Jûni keimyaku ei’e ryûchû geizui gyaku no zu » (Schéma de la circulation du [qi] nutritif et défensif dans les douze vaisseaux dans le sens de circulation [du qi] ou à contre-courant) avec, au verso, une note dans laquelle il donne le titre des six textes chinois consultés pour le dessiner26. Autrement dit, neuf ans après la rédaction du Shinkyû shûyô, Dôsan faisait toujours appel à plusieurs sources chinoises pour traiter de la question de la circulation du qi et du trajet des vaisseaux. Pourtant, trois ans plus tard, en 1574, il écrit sur la dernière page d’un manuscrit intitulé Kôtei meidô kyû kei fushin shôshô (Quelques doutes sur le Classique de moxibustion du hall lumineux de l’Empereur jaune) que le Shi si jing fa hui devait être considéré comme le traité de référence sur ce sujet27. La même année, il rédige une seconde postface au Yuketsu sango teki hô (Méthode pour classer les points d’acuponcture)28, un manuscrit sur les vaisseaux et les points d’acuponcture rédigé par son disciple Hata Sôha (1549-1610), indiquant que l’ouvrage de Hata était la synthèse de son analyse comparative des sources chinoises. Le contenu du Yuketsu sango teki hô étant principalement basé sur le Shi si jing fa hui, la contribution de Hata a donc dû jouer un rôle important dans les recherches de Dôsan sur les vaisseaux et les points d’acuponcture car deux ans plus tôt, le Shi si jing fa hui était cité simplement comme une source parmi d’autres29.

16 Le Shi si jing fa hui fut publié dans sa version originale pour la première fois en 1598 par le médecin lettré Oze Hoan (1564-1640), un autre disciple de Dôsan, et réimprimé au total vingt et une fois fois pendant l’époque d’Edo30. Tanimura Gensen rédigea en 1661 le premier commentaire japonais intitulé Jûshikei hakki shô (Commentaire de l’Élucidation des quatorze vaisseaux). Les soixante années qui séparent ces deux publications témoignent ainsi du long processus d’appropriation du texte par les médecins japonais31. Les nombreuses versions commentées (au moins huit entre 1670 et 1700), écrites soit en chinois classique, soit en langue vernaculaire, et éditions japonaises du texte de Hua Shou, publiées dans leur version originale ou avec des signes de lecture auxquels s’ajoutait parfois la lecture des caractères chinois (okurigana), jouèrent un rôle important dans l’assimilation et la dissémination au Japon de la théorie des vaisseaux.

17 La réception du Shi si jing fa hui illustre combien les médecins du pays récepteur (Japon) choisissaient eux-mêmes les textes du pays diffuseur (Chine) sans tenir compte de

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l’importance ou de la popularité que ces textes pouvaient avoir dans leur pays d’origine. Le Tong ren shu xue zhen jiu tu jing de , publié en 1026, qui, selon l’historien Asaf Goldschmidt, contribua fortement en Chine à la dissémination de la théorie sur la circulation du qi et la standardisation du trajet des vaisseaux et de la localisation des points d’acuponcture, n’eut quasiment aucune influence au Japon où il fut imprimé une seule fois en 1654 et importé une seule fois en 1694. Ironie du sort, le Shi si jing fa hui fut ignoré des médecins chinois après l’édition de 1529. Ils ne le redécouvrirent qu’au XXe siècle grâce à sa popularité au Japon. Lors de sa visite au Japon dans les années 1930, le médecin chinois Cheng Dan’an (1899-1957) constata que le Shi si jing fa hui était utilisé dans toutes les écoles d’acuponcture de Tôkyô. Il décida d’en rapporter un exemplaire en Chine qui servit de base à la publication de la première édition chinoise moderne publiée en 193632. Le cas du Shi si jing fa hui montre combien la circulation des textes médicaux entre la Chine et le Japon fut souvent plus complexe qu’une circulation à sens unique : il n’est en effet pas rare que certaines éditions japonaises de textes chinois transmis au Japon pendant la période prémoderne (voire avant) mais qui, par la suite, avaient été perdus ou circulaient dans des versions apocryphes en Chine, aient été à leur tour transmises à la Chine par les médecins chinois qui se rendirent au Japon à partir de l’ère Meiji (1868-1912)33. À ces échanges réguliers de textes médicaux entre la Chine et le Japon s’ajoutent un certain nombre de textes médicaux en provenance de Corée.

Les traités coréens d’acuponcture

18 Deux traités coréens de médecine en rapport avec l’acuponcture furent transmis au Japon pendant l’époque d’Edo. Le premier est le Tongŭi pogam (j. Tôi hôkan ; Le précieux miroir de la médecine orientale) rédigé en 1610 par le médecin Hŏ Chun (1537/1539-1615). Cette somme de savoirs médicaux chinois et coréens (quatre-vingt-six sources citées) qui n’est pas à proprement parler un traité d’acuponcture – un seul des vingt-cinq volumes est consacré à l’acuponcture – acquit une grande notoriété non seulement en Corée mais aussi au Japon34. Si la seule date d’importation mentionnée dans les sources de l’époque d’Edo est 1842, de nombreux indices laissent à penser que cet ouvrage arriva sur le sol japonais bien avant35. En effet, les Japonais durent prendre connaissance de sa publication assez rapidement puisque, dès 1636, le médecin coréen Paek Sa-rip discute de cet ouvrage avec son homologue japonais Yasan Kantake lors de la venue au Japon d’une ambassade coréenne36. En 1662, les autorités japonaises transmettent la première commande officielle de cet ouvrage à la Corée37. Le Hôsha zensho (Recueil complet de médicaments préparés à la poêle), rédigé par le médecin lettré Inô Jakusui (1655-1715) en 1689, étant le premier ouvrage japonais à le mentionner, l’historien Miki Sakae suggère que ce traité de médecine coréenne fut probablement transmis pour la première fois au Japon durant l’ère Kanbun (1661-1672)38. D’autres requêtes furent ensuite envoyées aux autorités coréennes. Le Tongŭi pogam fut publié pour la première fois en 1724 à Kyôto, puis de nouveau en 1799 à Ôsaka39.

19 Le Tongŭi pogam ne semble pas avoir eu une influence notable sur l’acuponcture japonaise : son volume sur l’acuponcture coréenne ne fut pas réédité, et les médecins japonais ne le mentionnent jamais en rapport avec l’acuponcture dans leurs entretiens avec leurs homologues coréens lors de la venue au Japon des ambassades coréennes. En revanche, sa partie consacrée à la pharmacopée fut très commentée40. Certains historiens de la médecine japonaise considèrent même l’ouvrage de Hŏ Chun comme le

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point de départ de l’enquête sur les produits médicinaux coréens (Chôsen yakuzai chôsa) commandée par le shogun Tokugawa Yoshimune (r. 1716-1745) dans le cadre de son vaste programme de réformes de l’ère Kyôhô (Kyôhô no kaikaku) qui avaient pour objectif, entre autres, l’acclimatation de produits naturels que le Japon importait en grande quantité et souvent à un prix très élevé41.

20 Le deuxième traité coréen est le Ch’imgu kyŏnghŏmbang (j. Shinkyû keikenhô ; Traité d’acuponcture clinique), composé en 1644 par Hŏ Im (j. Kyo Jin). La préface de la première édition japonaise, publiée en 1725 et signée par le médecin Yamagawa Junan, est la seule source d’information dont nous disposons pour comprendre comment cet ouvrage fut transmis au Japon. Junan raconte qu’il découvrit ce traité d’acuponcture lors d’un séjour en Corée, probablement effectué au début du XVIIIe siècle. Il explique que le Ch’imgu kyŏnghŏmbang était très apprécié des médecins coréens en raison, d’une part, de sa synthèse de toutes les connaissances nécessaires à la pratique de l’acuponcture et, d’autre part, parce que son auteur Hŏ Im avait inventé une technique originale dite de « tonification et de dispersion du qi42 ». Une seconde édition identique à la première fut publiée à Ôsaka en 1778, puis une troisième en 1807 révisée cette fois par le médecin Ôishi Ryôho du fief d’Owari qui lui donna un nouveau titre : Shinkyû meikan (Le miroir lumineux de l’acuponcture et de la moxibustion)43.

21 Le Tongŭi pogam et le Ch’imgu kyŏnghŏmbang rendent difficilement compte de l’influence de l’acuponcture coréenne sur l’acuponcture japonaise. Le Ch’imgu kyŏnghŏmbang, réimprimé deux fois, semble avoir suscité un certain intérêt de la part des médecins japonais mais le nombre total d’exemplaires imprimés en circulation à l’époque d’Edo n’est pas connu44. Par ailleurs, nous n’avons recensé qu’un seul ouvrage japonais d’acuponcture citant un ouvrage coréen de médecine45. Il s’agit du Keiketsu ikai (Explication des points d’acuponcture) rédigé en 1803 par Hara Nanyô (1753-1820) qui cite le Tongŭi pogam en plus de vingt-six autres traités de médecine chinoise et d’un traité japonais de médecine46. Les autres traités japonais d’acuponcture citent surtout des ouvrages chinois. Par exemple, le Zôfu keiraku shôkai ( Explications détaillées sur les vaisseaux et les organes) d’Okamoto Ippô (1654-1716) publié en 1690, cite cinquante et un ouvrages chinois. Le Meika kyû sen (Sélection de traitements de moxibustion de familles illustres) rédigé par Asai Nankô (1760-1826) en 1781 et publié pour la première fois en 1813 cite dix-sept traités chinois et trois japonais47. L’abondance des sources chinoises citées dans les textes japonais peut naturellement rendre compte d’une influence chinoise particulièrement importante sur la médecine japonaise, même si celle-ci se l’appropria et la réinterpréta à sa manière48 ; elle peut aussi rendre compte de la volonté des médecins japonais d’inscrire un nouvel ouvrage dans ce qu’ils considèrent alors comme le courant le plus légitime, celui des classiques chinois, sur lequel s’appuyait l’éducation des lettrés japonais. Citer une source coréenne n’aurait peut-être pas eu le même impact que citer une source chinoise pour légitimer un nouvel ouvrage. Le peu d’influence de l’acuponcture coréenne sur l’acuponcture japonaise, tel qu’il transparaît à la lumière des citations ou des rééditions japonaises, contraste d’ailleurs avec le rôle important que joua la Corée dans la transmission au Japon des savoirs médicaux chinois.

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La Corée : pays véhicule des savoirs chinois

22 De nombreuses éditions coréennes de traités chinois d’acuponcture furent importées pendant l’époque d’Edo. Parmi celles-ci : le Xin kan Huangdi nei jing ling shu zhu (Nouvelle édition annotée du Pivot merveilleux du Classique interne de l’Empereur jaune), le Su wen ru shi yun qi lun ao ( Discussion approfondie du modèle des influences cosmiques des Questions simples), le Xin kan bu zhu Tong ren shu xue zhen jiu juan jing (Nouvelle édition augmentée et annotée du Traité illustré des points d’acuponcture de l’homme de bronze), le Bu zhu shi wen Huangdi nei jing su wen (Édition augmentée, annotée et commentée des Questions simples du Classique interne de l’Empereur jaune), le Xin kan bu zhu shi wen Huangdi nei jing su wen shi er juan ba ce (Nouvelle édition augmentée, annotée et commentée en douze volumes des Questions simples du Classique interne de l’Empereur jaune). Les dates exactes de la transmission de ces éditions coréennes ne sont pas connues. Elles ont été retrouvées pour la plupart dans les collections d’illustres familles de médecins, notamment celles des familles Taki, Fukui et Shinojima49. Comme leur titre l’indique, il s’agissait le plus souvent d’une nouvelle édition (co. singan), parfois augmentée (co. boju) voire annotée (co. sŏkmun). La plupart de ces ouvrages avaient déjà été importés directement de Chine via le commerce chinois de Nagasaki mais les Japonais qui, depuis les deux tentatives d’invasion de la Corée par Hideyoshi à la fin du XVIe siècle, connaissaient et appréciaient la qualité des éditions coréennes, envoyaient des requêtes aux autorités coréennes pour les importer de nouveau50.

23 L’exemple du Shen ying jing fu ba xue jiu fa (j. Shinô kei tsuki hakketsu kyûhô ; Classique de la réponse divine suivi de la méthode de moxibustion des huit points) illustre la manière dont certains traités de médecine pouvaient circuler entre la Chine, le Japon et la Corée. Rédigé en 1425 par le médecin chinois Liu Jin à partir des enseignements de son maître Chen Hui, le Shen ying jing fut transmis au Japon pour la première fois pendant l’époque de Muromachi (1337-1573). En 1473, le moine japonais Ryôshin, vice-ambassadeur de l’ambassade envoyée en Corée par le seigneur de la province de Noto, Hatakeyama Yoshimune ( ?-1497), offrit au roi de Corée une copie japonaise de ce traité accompagnée d’un petit opuscule japonais de moxibustion, le Hakketsu kyûhô, transmis au sein des familles Wake et Tanba. L’année suivante, en 1474, les autorités coréennes ordonnèrent la publication d’une édition réunissant les deux traités. Cette nouvelle édition coréenne fut introduite au Japon lors des campagnes de Corée de Toyotomi Hideyoshi à la fin du XVIe siècle, puis publiée en 1645 à Kyôto par le libraire Tahara Nizaemon51. Cette édition japonaise de l’époque d’Edo servit de base à l’édition chinoise de 199052. Ainsi, les différentes éditions du Shen ying jing fu ba xue jiu fa montrent que la transmission des textes médicaux d’un pays à un autre ne s’accompagnait pas seulement d’un processus de sélection par le pays receveur comme ce fut le cas avec le Shi si jing fa hui mais aussi d’un processus de transformation au cours duquel la version originale était parfois augmentée d’un nouveau texte53. La circulation, active et complexe, des livres entre la Chine, la Corée et le Japon ne fut cependant pas le seul mode de transmission des savoirs médicaux. Les médecins coréens et chinois qui séjournèrent au Japon pendant l’époque d’Edo contribuèrent aussi à la transmission des savoirs et des savoir-faire dans leurs échanges avec les médecins japonais.

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La venue au Japon de médecins coréens et chinois

Les conversations au fil du pinceau entre médecins lettrés japonais et coréens

24 L’envoi régulier d’ambassades coréennes au Japon – la première en 1607, pour échanger les lettres officielles avec les autorités japonaises annonçant la reprise des relations diplomatiques, et la dernière en 1811 – constitua la pierre angulaire de nouvelles relations diplomatiques entre les deux pays fondées sur un principe d’égalité, même si, dans la réalité, leur venue était interprétée différemment par les autorités des deux pays. Pour les Japonais qui considéraient la Corée comme un pays tributaire, les ambassades coréennes représentaient une certaine forme d’allégeance à leur autorité en Asie. Pour les autorités coréennes, ces ambassades étaient non seulement un moyen d’obtenir des informations sur leur voisin, mais aussi une contribution au rayonnement de la culture coréenne, qu’ils considéraient comme plus avancée que la culture japonaise54. Elles choisissaient donc avec soin les membres de la délégation, composée généralement de trois à cinq cents personnes, en y intégrant, outre des diplomates, des artistes, des peintres, des lettrés, des artisans et des médecins. Ces derniers étaient particulièrement sollicités par leurs homologues japonais, pour qui les ambassades représentaient une occasion unique de converser avec un étranger partageant les mêmes références intellectuelles. Leurs entretiens étaient transcrits sous la forme de dialogues écrits en chinois classique, la lingua franca des lettrés de l’Asie orientale, que les médecins coréens et japonais appelaient « conversation au fil du pinceau » (hitsudan). Nous avons recensé trente et une de ces conversations qui se déroulèrent entre 1636 et 1764 au cours des ambassades coréennes. Leurs transcriptions constituent des sources exceptionnelles pour l’historiographie des sciences car elles permettent de suivre les rencontres d’individus, la nature de leurs échanges, les incompréhensions qui en résultent parfois à cause des différences culturelles ou linguistiques, mais aussi de saisir la manière dont les savoir-faire ont pu se transmettre oralement.

Tableau 6. Conversations entre médecins japonais et coréens

Année Titre des conversations

1636 Chôsenjin hitsudan 朝鮮人筆談

Ninjin fu 人参譜 1655 Tôgen iji 桃源遺事

Shôni hitsuyô sodatekusa 小児必用養育艸

1682 Wakan shôshû 和韓唱酬

Sôkan idan 桑韓醫談

1711 Keirin Shôwashû 雞林唱和集

Keirin Shôwashû 雞林唱和集

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Ryôtô shôwa kôroku 両東唱和後錄 (*)

Wakan ninjinkô 和漢人參考

Sôkan inko shû 桑韓塤箎集

Ryôkan shôwa shû 両関唱和集 1719 Sôkan shôshû shû 桑韓唱酬集

Tairei hitsugo 對麗筆語

Sôkan sôkô roku 桑韓鏘鏗錄 (*)

Sôkan imondô 桑韓醫問答 (*)

Hankei kantan 班荊間譚

Zenrin fûga furoku 善隣風雅

Kansa inko shû 韓槎塤箎集 1748 Wakan shôwa roku 和韓唱和錄

Kankaku chiken 韓客治驗

Kankaku hitsutan 韓客筆譚 (*)

Chôsen hitsudan 朝鮮筆談 (*)

Ryôtô hitsugo 両東筆語

Wakan iwa 和韓醫話

Sôkan hitsugo 桑韓筆語 (*)

Wakan idan 倭韓醫談

Ryôtô tôgo 両東闘語 (*) 1764 Keidan Ômei 雞壇嚶鳴

Hôreki 14 nen chôsenjin raichô ni tsuite goyô ishi gyôfu sôrôsetsu no ki

宝暦十四年朝鮮人来朝ニ付御用醫師仰付候節ノ記

Nagamon kiotsu monsa 長門癸甲問槎

(*) indique les entretiens qui abordent le sujet de l’acuponcture et/ou de la moxibustion.

25 L’augmentation du nombre d’entretiens à teneur médicale à partir de la fin de l’ère Shôtoku (1711-1715) tient d’une part au lancement de la politique de production locale du shogun Tokugawa Yoshimune, dont l’un des principaux objectifs était

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l’acclimatation au Japon du ginseng coréen. Certains des médecins participant à ce projet profitèrent de la venue des ambassades coréennes pour interroger des médecins coréens sur les propriétés du ginseng coréen et la manière de le cultiver55. D’autre part, c’est à partir de cette époque que les autorités japonaises envoyèrent des requêtes à la cour coréenne afin que cette dernière leur envoie un « bon médecin » (ryôi) à chaque nouvelle ambassade56. Ces médecins lettrés versés dans les classiques chinois avaient un rang supérieur à celui des autres médecins des ambasssades57. Ils étaient très estimés des médecins japonais qui n’hésitaient pas à profiter de leur venue pour leur demander de rédiger la préface d’un livre qu’ils venaient de terminer58. D’autres encore sollicitaient leur avis sur un patient qu’ils avaient du mal à traiter, ou allaient même les rencontrer directement à leur auberge, avec le patient, pour leur demander une consultation59.

26 Sur les trente et un livres d’entretiens répertoriés dans le tableau 6, huit seulement abordent l’acuponcture. Les questions sur le sujet y sont très hétérogènes. D’une manière générale, les non-spécialistes préféraient ne pas répondre ou répondaient très superficiellement lorsque les questions devenaient trop précises. Par exemple, interrogé par son homologue coréen sur les neuf aiguilles d’acuponcture décrites dans le Ling shu, le médecin Hyakuda Antaku répondit simplement qu’il n’était pas acuponcteur et la conversation changea de sujet60. Lorsque le médecin du bakufu Noro Genjô (1694-1761) fut interrogé sur la pratique de l’acuponcture au Japon au cours d’un entretien avec un médecin coréen membre de l’ambassade de 1748, au Temple Hongan situé dans la quartier d’Asakusa à Edo, il répondit simplement en décrivant le type d’aiguille utilisé au Japon ; mais le médecin coréen enchaîna avec une deuxième question, plus technique, sur les applications cliniques de l’aiguille ronde et de l’aiguille triangulaire. Noro se contenta alors de répondre que leur fabrication était différente, avant de conclure modestement que l’acuponcture n’était pas sa spécialité61. Depuis la fin du XVIe siècle, les acuponcteurs japonais avaient mis au point de nouvelles techniques de poncture dont l’utilisation était très différente des neuf aiguilles traditionnelles chinoises. Par exemple, le fondateur de l’école Misono inventa une nouvelle méthode de poncture appelée uchi-bari ou dashin (litt. « aiguille frappée ») qui consistait à insérer les aiguilles d’acuponcture à l’aide d’un petit maillet. L’acuponcteur Sugiyama Waichi (1610-1694) mit au point une autre technique de poncture dite kuda- bari (litt. « tube aiguille »), consistant à insérer l’aiguille à l’aide d’un tube. Il était donc difficile pour Noro, qui pratiquait la pharmacothérapie, de répondre à des questions en rapport avec la pratique clinique de l’acuponcture. En effet, si la formation théorique des médecins japonais, quelle que soit leur spécialité, reposait sur la maîtrise d’un corpus de base composé des traités fondamentaux de la médecine chinoise, ces deux spécialités évoluèrent séparement à l’époque d’Edo.

27 Parmi ces huit entretiens évoquant la question de l’acuponcture, le Ryôtô shôwa kôroku, qui se déroula le 20 septembre 1711 au temple Nishi hongan à Ôsaka, lieu de résidence de la délégation coréenne, est le seul où l’un des deux protagonistes, le médecin japonais Murakami Keinan, était un spécialiste d’acuponcture. Très impatient de pouvoir discuter avec un médecin coréen, Murakami commença la conversation par un long monologue sur le concept des maladies zedôbyô (maladies d’origine externe) et shoseibyô (maladies d’origine interne) décrites dans le chapitre sur les pouls du Ling shu, à la fin duquel il demanda au médecin coréen des éclaircissements sur la manière de traiter ces maladies en pratique clinique. Loin de partager l’enthousiasme de

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Murakami, le médecin coréen répondit laconiquement qu’il avait du mal à se concentrer sur la question car il était fatigué par son long périple et les diverses tâches qu’il devait accomplir en sa qualité de médecin de l’ambassade. Murakami s’excusa de son empressement tout en insistant sur l’occasion unique que représentait pour lui cette rencontre. Il continua la conversation et lui posa une deuxième question à propos d’un passage d’un livre que ce médecin coréen avait écrit et qu’il avait pu consulter ; le médecin coréen lui répondit que tout ce qu’il avait à dire se trouvait déjà dans son livre et qu’il n’avait rien d’autre à ajouter. Malgré le peu d’ardeur du médecin coréen à répondre à ses questions, Murakami ne se découragea pas et posa une troisième question sur les différentes théories concernant la localisation des points d’acuponcture, profitant de cette question pour offrir à son interlocuteur un livre qu’il venait de terminer sur les cinquante points d’acuponcture les plus importants en lui demandant s’il pouvait écrire une préface. Le médecin ajourna sa réponse en le remerciant.

28 L’entretien se poursuivit avec le fils de Murakami qui posa des questions plus orientées sur la pratique clinique de l’acuponcture. Nous proposons la traduction de cette dernière partie de la conversation qui rapporte un exemple de transmission de savoir- faire dans un contexte d’oralité. Murakami Shûnan : – Je m’appelle Murakami. Mon nom personnel est Shûnan, mon nom de lettré est Tokuôsai. Je suis le fils aîné de Keinan. Je connais l’emploi de l’aiguille fine utilisée dans notre pays comme méthode de poncture mais je ne connais pas encore la méthode de poncture de l’aiguille émoussée. Je vous serais très reconnaissant de bien vouloir me la montrer. Ki Tu-mun : – Quel dommage que nous ne puissions pas nous comprendre [oralement] ! En général, l’aiguille fine et l’aiguille triangulaire sont toutes les deux utilisées en employant le majeur de la main gauche qui presse le point, l’insertion se faisant sur le côté externe de l’ongle. Murakami Shûnan : – Cette méthode de poncture ne m’est pas familière. Pourriez- vous me l’enseigner en essayant de me poncturer la peau ? Ki Tu-mun : – Pour cette méthode de poncture, procédez comme ceci. ([Le médecin coréen] me ponctura au point quchi [11GI] et au point sanli du pied [36E]. L’aiguille était grande mais je ne ressentis aucune douleur.) Murakami Shûnan : – Existe-t-il d’autres méthodes de poncture ? Ki Tu-mun : – L’aiguille du grand abcès, l’aiguille du moyen abcès et l’aiguille du petit abcès. ([Le médecin coréen] sortit alors de sa poche trois sortes d’aiguilles de diamètres différents, large ou étroit.) Ces [aiguilles sont utilisées] lorsque la chaleur humide bloquée provoque une tuméfaction et une douleur intense. Murakami Keinan : – Pour nous qui vivons dans un endroit isolé où il n’y a pas de professeur pour nous aider, ce fut une grande opportunité de pouvoir rencontrer un grand médecin d’un pays étranger auprès duquel nous avons pu éclaircir certains points théoriques difficiles. Nos plus vifs remerciements pour avoir bien voulu répondre à nos questions. L’entretien écrit est terminé, salutations. Ki Tu-mun : remerciements adressés à [Murakami] Keinan. — Les théories médicales dont nous avons discuté ne sont pas différentes des méthodes des anciens. En persévérant, vous vous approchez du talent de celui qui a les intestins lavés et l’estomac nettoyé. N’est-ce pas là quelque chose de formidable ? Par conséquent, persévérez et appliquez-vous. Si vous voulez connaître les méthodes de tonification et de dispersion des vides et des plénitudes, étudiez de manière approfondie la méthode dite du flux et du reflux de minuit-midi du Yi xue ru men (Manuel d’introduction à la médecine, 1575) et les points d’acuponcture du Shen ying jing ( Classique de la méthode divine, 1425). Apprenez-les bien pour discerner clairement et préservez-les afin de ne pas vous tromper. Vos traitements seront

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efficaces à chaque fois et vous guérirez toutes les maladies. Vous deviendrez alors le Bian Que62 du Japon63.

29 Cet entretien est très instructif car il montre que ces rencontres n’étaient pas toujours à la hauteur des attentes des médecins japonais. Beaucoup d’entre eux venaient dans l’espoir de confronter leur point de vue sur telle ou telle théorie, de demander des éclaircissements sur certains passages obscurs des traités de médicine, ou d’apprendre de nouvelles techniques. Mais les médecins coréens très sollicités durant leur séjour au Japon ne se montraient pas toujours coopératifs, voire affichaient une certaine lassitude lorsque le sujet ne les intéressait pas. Par ailleurs, aucun des médecins japonais ou coréens, en dehors de Murakami Keinan, n’était spécialisé en acuponcture. Les questions et les réponses sur ce sujet étaient donc souvent superficielles et s’enchaînaient sans véritable cohérence, révélant même parfois de profondes divergences sur la manière d’utiliser les aiguilles (type d’aiguille, profondeur et lieu d’insertion) ou dans l’interprétation des classiques chinois.

30 Ainsi lorsque le médecin Kawamura Shunkô expliqua à son homologue coréen qu’il existait au Japon deux catégories de médecins, ceux spécialisés en pharmacothérapie et ceux spécialisés en acuponcture, ce dernier lui fit remarquer qu’à l’origine ces deux thérapies étaient complémentaires et ne devaient donc pas être employées séparément. Il critiqua aussi l’utilisation exclusive de l’aiguille fine par les acuponcteurs japonais, la profondeur à laquelle ils inséraient les aiguilles et leur tendance à poncturer uniquement l’abdomen. Toutes ces pratiques n’avaient rien à voir, selon lui, avec l’enseignement des classiques chinois64. Des médecins japonais s’étonnèrent aussi de certaines pratiques coréennes. Ainsi, Yamada Seichin (1749-1787) ne comprenait pas pourquoi, en Corée, les médecins ne ramassaient pas eux-mêmes les herbes médicinales et préféraient confier cette tâche à des spécialistes de la cueillette. Lors d’un entretien tenu à l’occasion de l’ambassade coréenne de 1764, ce dernier expliqua au médecin coréen que cueillir les plantes soi-même était une étape importante pour apprendre à les identifier, ajoutant que dans l’Antiquité les médecins chinois ramassaient eux- mêmes les herbes médicinales. L’arrogance du jeune Yamada Seichin, alors âgé de seize ans, sidéra le médecin lettré coréen qui se leva et partit sans dire un mot65. La plupart du temps, les deux parties cherchaient néanmoins à éviter les confrontations lorsque leurs opinions divergeaient. Ainsi, face aux critiques de son interlocuteur coréen, Kawamura choisit de ne rien répondre et changea de sujet.

Les missions médicales coréennes

31 À côté de ces ambassades, le fief de Tsushima envoya sept requêtes aux autorités coréennes au cours du XVIIe siècle, soit pour qu’elles autorisent des personnes du fief à se faire soigner en Corée, soit pour leur demander d’envoyer des médecins coréens à Tsushima. Ces envois de requêtes s’expliquent principalement par deux raisons : la proximité géographique de Tsushima avec la Corée et l’excellente réputation des médecins coréens. En effet, l’île de Tsushima est située à seulement cinquante-trois kilomètres de la ville portuaire du sud-est de la péninsule coréenne, Pusan, où les Japonais disposaient d’un comptoir (wakan), et à quatre-vingt-dix kilomètres de Kyûshû 66. La fréquence des requêtes et le statut social des malades japonais, tous dignitaires de haut rang, attestent aussi de l’excellente réputation dont jouissaient les médecins coréens qui étaient probablement l’ultime recours lorsque les médecins locaux échouaient dans leurs tentatives de traitement. Ces requêtes illustrent aussi la

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difficulté de trouver des médecins compétents en dehors des principaux centres urbains au début de l’époque d’Edo. Examinons à présent les sept requêtes des autorités de Tsushima67 : Mois de mars 1643 (an 20 de l’ère Kan’ei) : le supérieur du temple Zen Iteian de Tsushima tombe gravement malade. Les autorités de Tsushima demande à la Corée d’envoyer un médecin. Les autorités coréennes répondent favorablement en envoyant en avance l’un des médecins qui doivent accompagner l’ambassade de 164368. Mois de novembre 1652 (an 1 de l’ère Jôô) : Taira Seishun, vassal du fief de Tsushima, et le moine supérieur du temple Seizanji tombent malades. Les autorités du fief demandent alors à la Corée d’envoyer le médecin acuponcteur Yi Si-ch’an : « Demande de traitement par acuponcture des deux personnalités de l’île [Tsushima], le magistrat Taira Seishun et le moine supérieur Joshuza, qui souffrent tous les deux d’une maladie de type vent. Les autorités de l’île nous seraient très reconnaissantes d’envoyer notre médecin acuponcteur, l’archiviste Yi. […] L’archiviste Yi est aussi appelé Yi Si-ch’an. Les Japonais se rendent au Wakan pour commercer et connaissent l’acuponcture69. » Voyant les négociations s’éterniser, en avril 1653, le moine décide de se rendre directement au comptoir japonais à Pusan où il réitère sa demande de traitement. La permission lui est finalement accordée un mois plus tard. Il se fait soigner par Yi Si-ch’an et les autorités coréennes profitent de cette occasion pour distribuer des remèdes médicinaux aux Japonais du comptoir de Pusan70. Mois de décembre 1656 (an 2 de l’ère Meireki) : requête pour faire venir un médecin coréen afin de soigner le daimyô de Tsushima Sô Yoshinari tombé gravement malade71. Le médecin coréen Han Hyŏng-guk, qui avait pris part à l’ambassade de 1655, est de nouveau missionné par les autorités coréennes pour partir au Japon. Il arrive à Tsushima en janvier 1657 mais le daimyô décède en décembre de la même année lors d’un séjour à Edo72. Mois de décembre 1661 (an 1 de l’ère Kanbun) : deux officiels japonais, Tachibana Seihan et Taira Seikyô, envoyés à Pusan pour diriger les négociations concernant une éventuelle relocalisation du comptoir japonais, tombent malades. Ils demandent aux autorités coréennes la permission de se faire soigner par un médecin coréen. Ces dernières décident d’envoyer le médecin Han Hyŏng-guk qui était déjà allé deux fois au Japon73. Mois de janvier 1671 (an 11 de l’ère Kanbun) : le magistrat de Tsushima, Tachibana Shinchô, se fait soigner au Wakan de Pusan par le médecin coréen Pak Sang-mun74. La même année, au mois d’août, les autorités de Tsushima demandent des produits médicinaux à la Corée pour préparer un remède au daimyô tombé malade75. Mois de juin 1672 (an 12 de l’ère Kanbun) : le supérieur du temple Iteian tombe gravement malade. Les autorités japonaises demandent aux autorités coréennes l’assistance d’un médecin76. Ces dernières décident de faire partir Kam Tŭk-il accompagné d’une équipe de sept personnes. Le moine décède peu de temps avant son arrivée mais les autorités japonaises maintiennent leur requête, prétextant que le gouverneur de l’île venait lui aussi de tomber malade. À son arrivée au Japon, Kam Tŭk-il soigne plusieurs malades du fief avant de rentrer en Corée au mois de décembre de la même année77. Mois de juin 1678 (an 6 de l’ère Enchô) : le clan de Tsushima envoie une requête aux autorités coréennes pour faire venir au Japon le médecin coréen Pak Sang-mun afin qu’il soigne le gouverneur et d’autres malades du fief78. C’est la première fois que les Japonais demandent officiellement que le médecin coréen s’occupe non seulement d’un haut dignitaire mais aussi d’autres malades du fief79. Réponse favorable des autorités coréennes qui décident d’envoyer le médecin Pak Sang-mun accompagné d’une équipe de cinq personnes. Au mois de décembre de la même année, les autorités japonaises soumettent une nouvelle requête afin que les autorités

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coréennes autorisent Pak Sang-mun à se rendre à Edo pour lui faire rencontrer des médecins japonais. La demande est rejetée car il n’y a pas de précédent80.

32 La mission médicale conduite par Pak Sang-mun fut la dernière envoyée officiellement par la Corée. Face à l’attitude des autorités japonaises qui essayaient de détourner les médecins coréens de leur mission principale, à savoir soigner les officiels de Tsushima, en leur faisant prendre en charge d’autres malades du fief, ou en tentant de les faire venir à Edo, les autorités coréennes décidèrent de ne plus envoyer de missions médicales81. Il est particulièrement difficile d’évaluer l’impact intellectuel que ces médecins lettrés coréens ont pu avoir sur les médecins du fief de Tsushima car les sources mentionnent uniquement les requêtes japonaises et la réponse des autorités coréennes. La longueur du séjour à Tsushima laissait certainement à ces ambassades le temps de rencontrer la communauté lettrée locale mais il n’est resté aucune conversation au fil du pinceau similaire à celles rédigées lors de la venue des ambassades coréennes. Par ailleurs, aucun acuponcteur de l’époque d’Edo ne dit avoir été formé par un médecin coréen envoyé à Tsushima82.

La venue de médecins chinois

33 De nombreux médecins chinois séjournèrent au Japon pendant l’époque d’Edo malgré l’absence de relations diplomatiques entre les deux pays. Certains furent amenés de force, notamment au début du XVIIe siècle, époque où les enlèvements de médecins chinois étaient très fréquents83, d’autres furent invités par les autorités japonaises, et d’autres enfin se rendirent au Japon avec les marchands chinois pour s’installer au sein de la communauté chinoise de Nagasaki. Leurs activités sont particulièrement bien documentées pour le règne du shogun Tokugawa Yoshimune (r. 1716-1745) qui, en 1718, demanda expressément aux marchands chinois de faire venir des médecins à Nagasaki84. Ainsi, en 1723, le médecin chinois Zhu Laizhang, qui avait déjà séjourné au Japon deux ans auparavant, revint à Nagasaki accompagné de ses deux frères aînés, Zhu Peizhang et Zhu Zizhang, avec des cadeaux pour le shogun ainsi que soixante-dix livres qu’il avait l’intention de vendre aux Japonais, dont deux ouvrages de médecine équine, dix ouvrages de médecine (mais aucun traité d’acuponcture), et cinq ouvrages de pharmacopée85. Son entretien avec le botaniste (honzô gakusha) Kurimoto Zuiken (1756-1834) fut compilé dans un ouvrage intitulé Zhu Lai zhang zhi yan (Traitements de Zhu Laizhang)86. Laizhang est aussi l’auteur d’un texte, le Zhou Zhu fu yan ( Paroles échangées entre Zhou et Zhu), transcrivant une discussion sur la médecine avec Zhou Qilai, un autre médecin chinois arrivé à Nagasaki en 172587. L’aîné de la famille, Peizhang, fut chargé par le bakufu de faire venir de Chine des spécialistes des chevaux ainsi que des ouvrages de médecine équine, alors que son deuxième frère, Zizhang, lui aussi médecin de formation, fut interrogé par le médecin Imaôji Chikaaki, et Kurimoto Zuiken et s’entretint avec le médecin Ujita Un’an du fief Kushû88. Le premier chapitre du Toseki sasaroku (Récit détaillé de la variole) mentionne que Zizhang aurait transmis une méthode de traitement de la variole à Manao Shun’an et Yanagi Jotaku lors de son séjour au Japon89.

34 Arrivé à Nagasaki en 1725 accompagné de deux préparateurs en pharmacopée (chôzai hô ) et d’un serviteur, le médecin chinois Zhou Qilai contribua à la publication du You ke zhe zhong ( Diverses approches en pédiatrie) du médecin Qin Changyu (1547-1629) de l’époque Ming. Contacté par les autorités du fief de Kumamoto qui souhaitaient connaître l’importance de ce texte de médecine pédiatrique, Qilai rédigea une note

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explicative intitulée Zhe zhong yuan liu ( Origines du[You ke] zhe zhong) ainsi qu’une préface qui furent toutes les deux ajoutées au manuscrit original lors de sa publication à Kumamoto en juillet 172690. En août 1726, Qilai et le médecin Zhu Laizhang furent chargés par le bakufu d’identifier cent quarante-cinq espèces de poissons, trente-quatre plantes et treize animaux. Leur travail est à mettre en relation avec le Qiyang cai yao lu (Recueil de plantes médicinales ramassées à Qiyang [Nagasaki]), un autre mémoire sur les plantes médicinales rédigé cinq ans plus tôt par le médecin chinois Chen Zhenxian à la demande des autorités japonaises91. Ces deux projets correspondent au moment où le shogun Tokugawa Yoshimune avait lancé sa politique de production domestique dont le premier objectif était l’identification de la faune et de la flore du Japon. Zhou Qilai rentra en Chine en 1727 puis revint de nouveau à Nagasaki quatre ans plus tard, mais il n’existe quasiment aucune information sur ses activités lors de ce dernier séjour92.

35 Zhao Songyang séjourna trois ans à Nagasaki d’octobre 1726 à août 1729. Le Hakusai shomoku (Catalogue des livres apportés par les bateaux) donne la liste des vingt et un livres, pour la plupart des traités de médecine et de matière médicale, que Songyang avait l’intention de vendre aux Japonais93. Ses activités à Nagasaki, notamment ses consultations médicales à la résidence de l’interprète supérieur Kawama Yaheiji où il était hébergé, sont décrites dans un manuscrit intitulé Tôi Chô Shôyô bunroku (Collection des écrits du médecin chinois Zhao Songyang). Durant son séjour, Songyang correspondit avec le médecin japonais Katsuki Gyûzan (1656-1740) par l’intermédiaire du moine d’obédience Zen Takebayashi Dôhon. Ils s’envoyèrent des poèmes et discutèrent de divers sujets liés à la pratique de la médecine. Leur échange épistolaire est annexé à la fin du sixième volume du Yakurô honzô (Cabinet de matière médicale), un livre de Katsuki Gyûzan sur les plantes médicinales, sous le titre Banri shinkô (Correspondance entre deux amis intimes distants de dix-mille lieues)94.

36 En 1802, le fonctionnaire en charge de l’administration de la ville Nagasaki (Nagasaki bugyô) demanda au capitaine d’un bateau chinois s’apprêtant à rentrer en Chine de revenir l’année suivante avec un médecin lettré qui pourrait s’occuper des malades du quartier chinois et converser avec les médecins japonais. Un an plus tard, le capitaine revint à Nagasaki accompagné de Hu Zhaoxin, un médecin originaire de Suzhou. Peu de temps après son arrivée, Hu Zhaoxin fut autorisé à traiter des habitants locaux aux temples Seifuku et Suifuku. Ces consultations, qui se tinrent de septembre à décembre 1804, sont réunies dans le Hu shi fang an ( Cas médicaux de M. Hu) qui mentionne cent soixante-douze traitements avec pour chacune le nom des malades (la plupart japonais) et la date de la consultation. L’analyse des prescriptions de Zhaoxin révèle notamment que le dosage des remèdes qu’il prescrivait était plus important que celui des médecins japonais95. Les compétences de Zhaoxin furent très vite remarquées par le bakufu qui demanda à un premier groupe de médecins de l’Igakkan mené par Taki Motoyasu de s’entretenir avec lui, puis envoya un deuxième groupe étudier sous sa direction. Les différents thèmes abordés pendant la discussion avec les médecins de l’Igakkan montrent que ceux-ci souhaitaient avant tout s’instruire sur la pratique de la médecine en Chine et sur les méthodes de traitement employées par les médecins chinois, plutôt qu’avoir de longues discussions théoriques96. Un passage d’une conservation entre Zhaoxin et les quatre médecins japonais venus étudier sous sa direction révèle également qu’il leur enseigna une méthode de prise des pouls97. Ces rencontres s’avérèrent donc importantes pour les médecins japonais qui en profitèrent pour s’informer et se former à de nouvelles méthodes de diagnostic ou de traitement.

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37 Cependant, aucun de ces médecins chinois n’est présenté dans les sources japonaises comme spécialiste de l’acuponcture et seulement trois entretiens mentionnent, brièvement, des aspects théoriques ou cliniques en rapport avec la pratique de l’acuponcture ou de la moxibustion : le Zhou Zhu fu yan (Paroles échangées entre Zhou et Zhu), mentionné plus haut, le Tsûkô ichiran (Rapports sur les relations avec l’étranger) qui reproduit la conversation entre le médecin chinois Zhu Xishang et les médecins japonais Imaôji Chikaaki et Kurimoto Zuiken, enfin le Shinkyaku hitsugo (Conversation avec notre hôte chinois) qui rapporte la discussion entre Hu Zhaoxin et les médecins du bakufu. Dans la première discussion, un court passage sur le traitement de l’affection dite sha jin fait référence à une pathologie des veines situées dans la région du coude, caractérisée par des sinuosités veineuses vertes foncées, violettes ou noires. Zhu Laizhang recommande d’appliquer une aiguille sur la partie affectée pour expulser le poison avec le sang98. Il ne s’agit pas vraiment d’une aiguille d’acuponcture appliquée à un point spécifique mais d’une aiguille utilisée pour pratiquer une saignée. Par ailleurs, même si les médecins japonais ont eu connaissance de sa transcription, il ne s’agit pas d’un échange direct entre un médecin chinois et un médecin japonais. Dans la deuxième discussion, le médecin japonais demande l’opinion du médecin chinois à propos du chapitre 35 du Ling shu intitulé « Zhang lun » (Discussion sur les intumescences) qui analyse les causes, les symptômes, le diagnostic et le traitement des différents types de turgescence99. Enfin, dans la troisième discussion, les médecins japonais posent trois questions à Hu Zhaoxin sur l’acuponcture et la moxibustion, dont deux sur les types d’aiguilles utilisées en Chine et une sur la quantité de moxa à employer selon qu’il s’agit d’une maladie aiguë ou chronique100.

38 L’analyse de diverses sources – archives liées au commerce extérieur et conversations transcrites – met en lumière les différents canaux par lesquels les savoirs théoriques mais aussi pratiques circulèrent depuis la Chine et la Corée vers le Japon à l’époque prémoderne. Certes, les textes plus que les hommes jouèrent un rôle important dans la transmission des savoirs médicaux liés à la pratique de l’acuponcture. L’intensité des échanges commerciaux et la diffusion de l’imprimerie au Japon au début du XVIIe siècle permirent notamment à certains traités tels que le Shi si jing fa hui ou le Nan jing de circuler sous de multiples formes : en édition originale chinoise, en édition japonaise, et en édition commentée. Néanmoins, le nombre total de traités d’acuponcture importés tout au long de l’époque d’Edo est relativement faible par comparaison avec les autres spécialités médicales. Parmi les facteurs qui expliquent cette tendance, il faut noter, entre autres, une diminution significative des publications sur le sujet en Chine à partir de la fin de l’époque Ming, des éditions japonaises disponibles à la vente souvent peu de temps après l’importation des traités chinois, et enfin une relative saturation du marché intérieur du livre avec la publication de dizaines de traités japonais d’acuponcture.

39 Les médecins chinois ou coréens qui se rendirent au Japon par le biais des ambassades, dans le cadre d’une mission médicale, à l’invitation des autorités japonaises ou pour accompagner les marchands chinois ne semblent pas avoir contribué directement à la diffusion de l’acuponcture chinoise ou coréenne. Très peu de questions portent sur l’acuponcture dans leurs entretiens avec les médecins japonais, et les réponses font surtout apparaître des divergences sur la manière d’interpréter les classiques chinois ou d’employer l’acuponcture, révélant ainsi que l’assimilation de l’acuponcture chinoise au Japon ne s’est pas faite de manière automatique ni sans appropriation. La

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principale raison de ce manque d’intérêt pour l’acuponcture est, à l’exception d’une rencontre, l’absence de spécialistes. Les médecins lettrés japonais qui venaient à la rencontre des médecins coréens et chinois pratiquaient tous la pharmacothérapie. L’apparition de nouvelles écoles d’acuponcture au XVIe siècle et le droit octroyé par le shogun Tokugawa Tsunayoshi (1646-1709) à la guilde des aveugles de pratiquer l’acuponcture, en plus de leur activité de prêteurs sur gages et de saltimbanques, contribuèrent à isoler l’acuponcture de la pharmacothérapie et à abaisser le statut social des acuponcteurs101.

40 Par conséquent, il faut se garder de généraliser les résultats de notre analyse, qui donne la primauté aux textes sur les hommes dans la circulation des savoirs liés à l’acuponcture, à l’ensemble des spécialités médicales. D’une part, les sources permettent d’évaluer plus facilement la circulation des textes d’un pays à un autre que la part de l’oralité dans la transmission de savoirs ou savoir-faire lors des échanges entre les médecins japonais et leurs homologues chinois et coréens. D’autre part, la transcription de l’entretien entre l’acuponcteur Murakami Keinan, son fils et le médecin coréen venu au Japon avec l’ambassade coréenne de 1711 montre clairement que les livres ne suffisaient pas toujours à transmettre certains savoir-faire, mis en pratique au cours de ces rencontres. La prise des pouls à laquelle les médecins du bakufu furent initiés par Hu Zhaoxin était également une méthode de diagnostic dont les subtilités se transmettaient probablement mieux par l’apprentissage du geste, sous la direction d’une personne expérimentée, que par les textes. Ainsi les sources examinées ici nous donnent-elles à voir l’importance du contact humain, auquel la lecture des textes ne peut pas se substituer dans la transmission de certains savoir-faire médicaux102.

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ANNEXES

Glossaire

Asai Nankô 淺井南皐 Banri shinkô 萬里神交 Ben cao gang mu 本草綱目 Bian Que 扁鵲 Bu zhu shi wen Huangdi nei jing su wen (co. Pojusŏkmun Hwangje nagyŏng somun) 補註釋文 黄帝内經素問 Chen Hui 陳會 Cheng Dan’an 承淡安 Chen Zhenxian 陳振先 Ch’imgu kyŏnghŏmbang 鍼灸經驗方 Chôsenjin hitsudan 朝鮮人筆談 Chôsen yakumeige 朝鮮藥名解 Chôsen yakuzai chôsa 朝鮮藥材調査 chôzai hô 調劑方 Danxi xin fa 丹溪心法 Enpô 延寳 Fukui 福井 Gao Wu 高武 guyinxue 古音學 Hakketsu kyûhô 八穴灸法 Hakusai shomoku 舶載書目 Han Hyŏng-guk 韓亨國 Hara Nanyô 原南陽 Hata Sôha 秦宗巴 Hatakeyama Yoshimune 畠山義統

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Hatta Taikyô 八田泰興 He ji ju fang 和劑局方 hiden no jôjô 秘傳之條々 hitsudan 筆談 Hŏ Chun 許浚 Hŏ Im 許任 hôgen 法眼 hôin 法印 hondô 本道 honzô 本草 Hôsha zensho 炮炙全書 Hu Zhaoxin 胡兆新 Hua Shou 滑壽 Huangdi ming tang jing 黄帝明堂經 Huangdinei jing 黄帝内經 Huangdi nei jing ling shu zhu zheng fa wei 黄帝内經靈樞注証發微 Huangdi nei jing su wen zhu zheng fa wei 黄帝内經素問注証發微 Hu shi fang an 胡氏方案 Hyakuda Antaku 百田安宅 Igakkan 醫學館 ihô 醫方 Imaôji Chikaaki 今大路親顯 Inô Jakusui 稲生若水 Ishinpô 醫心方 Iteian 以酊庵 Itô Jinsai 伊藤仁斎 Jin nang mi lu 錦嚢秘錄 Jin gui yao lüe 金匱要略 Jing yue quan shu 景岳全書 Jôô 承應 Joshuza 恕首座 Jûni keimyaku ei’e ryûchû geizui gyaku no zu 十二經脉榮衛流注迎隨逆之圖 Jûshikei hakki shô 十四經發揮抄 Katsuki Gyûzan 香月牛山 kaeriten 返り点 Kam Tŭk-il 感得一 Kanbun 寛文 Kan’ei 寛永 kaozheng 考証 Kawama Yaheiji 河間八平次 Kawamura Shunkô 河村春恒 Kawazumi Seijitsu 河澄正實 Keiketsu ikai 經穴彙解 keiraku 經絡 kirigami 切紙 Kimura Motosada 木村元貞 Kitao Shunpo 北尾春圃 Ki Tu-mun 竒斗文

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kobunjigaku 古文辭學 kogigaku 古義學 kohô ha 古方派 Kôtei meidô kyû kei fushin shôshô 黄帝明堂灸經不審少々 kuda-bari 管鍼 Kurimoto Zuiken 栗本瑞見 Kwŏn To 権道 Kyôhô 享保 Kyôhô no kaikaku 享保の改革 Liu Jin 劉瑾 Manao Shun’an 間野春庵 Manase Dôsan 曲直瀬道三 Meika kyû sen 名家灸選 Meireki 明暦 Misono 御園 Murai Kinzan 村井琴山 Murakami Keinan 村上溪南 Murakami Shûnan 村上周南 Nagasaki bugyô 長崎奉行 Nagata Tokuhon 長田徳本 Nishi hongan 西本願 Niyûdô 二酉洞 Noro Genjô 野呂元丈 Ôishi Ryôho 大石良輔 Oda Kigorô 小田幾五郎 Ogawa Hikokurô 小川彥九郎 Ogyû Sôrai 荻生徂徠 Okamoto Ippô 岡本一抱 okurigana 送り仮名 Owari 尾張 Oze Hoan 小瀬甫庵 Paek Sa-rip 白士立 Pak Pang-kwan 朴方貫 Pak Sang-mun 朴尚文 Qian jin fang 千金方 Qin Changyu 秦昌遇 Qiyang cai yao lu 崎陽採藥錄 Quan Yuanqi 全元起 Reisû shi 霊枢識 ryôi 良醫 Ryôshin 良心 Ryôtô shôwa kôroku 両東唱和後錄 Sakagami Zenno 坂上善之 Seifuku 聖福 Seizanji 西山寺 sha jin 痧筋 Shang han lun 傷寒論 Shen ying jing 神應經

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Shen ying jing fu ba xue jiu fa (co. Sinŭnggyŏngbu palhyŏlgubŏp) 神應經附八穴灸法 Shinkyaku hitsugo 清客筆語 Shinkyû gokuhiden 鍼灸極秘傳 Shinkyû meikan 鍼灸明鑑 Shinkyû shûyô 鍼灸集要 Shinkyû takujitsu 鍼灸擇日 Shinojima 篠島 Shi si jing fa hui 十四經發揮 Shôtoku 正徳 shoseibyô 所生病 Somon shi 素問識 Sô Yoshinari 宗義成 Sugiyama Waichi 杉山和一 Suifuku 祟福 Su wen ru shi yun qi lun ao (co. Somunipsik’unginon’o) 素問入式運氣論奥 Su wen xun jie 素問訓解 Tachibana Isamu 橘元勲 Tachibana Shinchô 橘真重 Tahara Nizaemon 田原仁左衛門 Taira Seikyô 平成喬 Taira Seishun 平成春 Taiyi yuan 太醫院 Takebayashi Dôhon 竹林道本 Taki 多紀 Taki Motoyasu 多紀元簡 Tanimura Gensen 谷村玄仙 Tanba 丹波 Tanba Genki 丹羽元機 Tanba Yorimasa 丹波頼理 Tatsui Fumitaka 辰井文隆 Tôban kamotsu chô 唐蠻貨物帳 Tôhonmokuroku 唐本目錄 Tôi Chô Shôyô bunroku 唐醫趙淞陽文錄 Tôi hôkan yueki hen onji wage 東醫寶鑑湯液篇諺字和解 Tôi hôkan yueki wamei 東醫寶鑑湯液和名 Tôi hôkan yueki hen wamei kanshô 東醫寶鑑湯液篇薬名韓稱 Tokugawa Hidetada 徳川秀忠 Tokugawa Ieharu 徳川家治 Tokugawa Iemitsu 徳川家光 Tokugawa Yoshimune 徳川吉宗 Tokugawa Tsunayoshi 徳川綱吉 Tokuôsai 得應齋 Tongŭi pogam 東醫寶鑑 Toseki sasaroku 屠赤瑣瑣錄 Toyotomi Hideyoshi 豊臣秀吉 Tsûkô ichiran 通航一覽 uchi-bari 打鍼 Ujita Un’an 宇治田雲庵

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Wakan 倭館 Wake 和氣 Wan bing hui chun 萬病回春 Wang Weiyi 王惟一 wenzixue 文字學 Xin kan bu zhu shi wen Huangdi jing wen shi er juan ba ce (co. Singanbojusŏkmun hwangjenaegyŏngmun sip’igwŏnp’alch’ek) 新刊補註釋文黄帝内經問十二巻八冊 Xin kan bu zhu Tong ren shu xue zhen jiu juan jing (co. Singanboju dong’inyuhyŏlch’imgudogyŏng) 新刊補註銅人腧穴鍼灸圖經 Xin kan Huangdi nei jing ling shu zhu (co. Singan hwangjenagyŏng yŏngch’ujipju) 新刊黄帝内 經靈樞集註 Xu Zhilin 徐之遴 Xue Ji 薛己 Xue shi yi an 薛氏醫案 xunguxue 訓詁學 Yakurô honzô 藥籠本草 Yamada Seichin 山田正珍 Yamagawa Jun’an 山川淳菴 Yanagi Jotaku 柳如澤 Yang Jizhou 楊繼洲 Yang Shoujing 楊守敬 Yasan Kantake 野三間竹 Yi chu-bu 李主簿 Yi Chwa-guk 李佐國 Yi Si-ch’an 李時粲 Yi lin cuo yao 醫林撮要 Yi xue ru men 醫學入門 Yi xue zheng zhuan 醫學正傳 Yi zong jin jian 醫宗金鑑 Yôrô ritsuryô 養老律令 Yuketsu sango teki hô 兪穴參伍的法 You ke zhe zhong 幼科折衷 Zatsubyô kôyô 雜病広要 zedôbyô 是動病 zhang lun 脹論 Zhang Zhongjing 張仲景 Zhao Songyang 趙淞陽 Zhen jiu da quan 鍼灸大全 Zhen jiu jia yi jing 鍼灸甲乙經 Zhen jiu ju ying 鍼灸聚英 Zhe zhong Yuan liu 折衷源流 Zhou Qilai 周岐來 Zhou Zhu fu yan 周朱復言 Zhu Laizhang 朱來章 Zhu lai zhang zhi yan 朱來章治驗 Zhu Peizhang 朱佩章 Zhu Xi 朱熹

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Zhu Zishang 朱子章 Zôfu keiraku shôkai 臓腑經絡詳解

NOTES

2. Par exemple, dans l’Ishinpô (Remèdes au cœur de la médecine, 984), le plus ancien ouvrage japonais de médecine qui nous soit parvenu, des applications de moxa sont recommandées dans 390 cas contre seulement six cas pour l’acuponcture. (Shinohara 1994 : 109-110.) Sur la fonction des acuponcteurs, voir aussi Macé 1985 : 31. 3. Voir notamment son traité d’acuponcture, le Shinkyû shûyô (Éléments essentiels d’acuponcture et de moxibustion, 1563). Au total, Dôsan cite quatorze traités de médecine chinoise, dont treize traités des époques Song et Ming. Cf. Dôsan 1995. 4. La série de décrets adoptés dans les années 1630 par les shoguns Tokugawa Hidetada (r. 1605-1623) et Iemitsu (r. 1623-1651) fixa définitivement les contours de la politique étrangère du régime des Tokugawa. Les Portugais furent expulsés et les Japonais eurent l’interdiction de quitter le territoire ou d’y rentrer ; l’accès à certains ports fut limité à quatre pays : la Chine, la Hollande, la Corée et les Ryûkyû. Les relations entretenues par les autorités japonaises avec ces pays n’étaient cependant toutes pas de la même nature. Alors qu’elles étaient strictement commerciales avec la Chine et la Hollande, elles étaient commerciales et diplomatiques avec la Corée et les Ryûkyû que le Japon considérait comme des pays vassaux. (Kazui 1982 : 283-306 ; Toby 1984.) 5. Sur la transmission des traités de médecine chinois, voir par exemple Mayanagi 1992, 1994, 1997, 2001 et Kosoto 1990, 1996. Sur les échanges entre médecins coréens et Japonais, voir Cha 2005 et 2006. 6. Nous considérons comme « importé » un traité d’acuponcture mentionné dans une (ou plusieurs) source japonaise liée au commerce extérieur. 7. Oba 1967 : 12 et 144-145. 8. Mayanagi 1997 : 301-340. 9. À ces deux catégories s’ajoutent 87 traités de pharmacopée (honzô), 64 traités dérivés du Shang han lun (Traité des coups de froid, ca iiie siècle), 10 traités dérivés du Jin gui yao lüe (Synopsis du coffret d’or, ca iiie siècle), 37 livres sur les maladies telles que la rougeole et la variole et enfin, 570 traités sur les traitements médicaux (ihô), la plus importante catégorie. 10. Notre méthodologie s’inspire de celle adoptée par Ôba Osamu et Mayanagi Makoto dans leurs études sur la transmission des livres chinois pendant l’époque d’Edo. Voir Ôba 1967 et Mayanagi 1992 : 151-183. Nous distinguons deux types de sources : primaires et secondaires. Les sources primaires correspondent aux archives de Nagasaki directement liées au commerce entre la Chine et le Japon. Les sources secondaires sont des documents de l’époque d’Edo qui ne sont pas directement liés au commerce de Nagasaki. Il s’agit par exemple d’ouvrages de médecins lettrés (Hôsha zensho, Zatsubyô kôyô, etc.) ou de catalogue de libraires (Tôhon mokuroku, Niyûdô, etc.). Ces sources secondaires permettent d’identifier la première fois qu’un ouvrage est mentionné au Japon en l’absence d’indication claire dans les sources primaires. La date de rédaction de l’ouvrage sert alors de référence (en italique dans les deux tableaux). 11. S’agissant de deux traités fondamentaux de la médecine chinoise, ces deux classiques furent commentés par des lettrés qui n’étaient pas nécessairement des spécialistes d’acuponcture. Voir par exemple le Somon hyô du lettré Ogyû Sorai (1666-1728) et le Somon shi du médecin lettré Taki Motoyasu (1755-1810). Cf. Ogyû 1711 et Taki 1837. 12. Pour une liste complète des ouvrages médicaux chinois transmis au Japon avant le XVIe siècle, voir Mayanagi 2001 : 17-51.

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13. La section du code Yôrô (Yôrô-ritsuryô) concernant l’organisation de la médecine à l’époque de Nara indique que les étudiants en médecine de l’Office des Remèdes devaient étudier le Zheng jiu jia yi jing, le Huangdi nei jing et le Huangdi ming tang jing. Voir Ritsuryô 1977 : 421-422. Sur la médecine à l’époque de Heian, voir aussi Macé 1985. 14. Kosoto 1990 : 459-494. 15. Pekin chûigakuin (dir.) 1964 : 169. 16. Vigouroux 2011 : 110-113. Ces chiffres ne prennent pas en compte les catalogues individuels en fin de volume de plus en plus fréquents après 1700. 17. Elman 2008 : 108-109. Sur le mouvement kaozheng en Chine, voir Elman 1983 : 67-89. 18. Mieko Macé donne un aperçu des théories défendues par cette école. Macé 1994 : 138-150. 19. Sur l’introduction de ce mouvement au Japon, voir Kosoto 1999 : 162-168. Voir aussi Elman 2008 : 109-110. 20. Ce mouvement d’étude critique prit une telle ampleur en Chine et au Japon que le nombre d’éditions annotées chinoises et japonaises du Shang han lun rédigées pendant les époques Qing et Tokugawa dépassa largement la somme des éditions des époques précédentes (Elman 2008 : 108). 21. Murai, vol. 4. Sur Quan Yuanqi, voir Unschuld 2003 : 24-25. 22. Sur l’Igakkan et le mouvement kaozheng, voir notamment Machi 2004. 23. Dans les tableaux, nous indiquons entre parenthèses le nombre total des importations et rééditions japonaises des traités d’acuponcture à l’époque d’Edo. 24. Mayanagi 1997 : 301-340. 25. Manase 1995 : 409 et 421. 26. Il s’agit du Shi si jing fa hui, Xu shi zhen jiu da quan, Ming tang jiu jing, Zhen jiu ju ying, Zhen jiu jie yao, et du Tai ping sheng hui fang. Cf. Manase 1979 : 104. 27. Kôtei meidô kyû kei fushin shôshô 1574 : sans pagination. 28. Asada 1983 : 347-350. 29. Nagano 2001 : 60. 30. Deux versions du Shi si jing fa hui circulèrent au Japon pendant l’époque d’Edo : la version chinoise éditée par Xue Ji en 1528 et une version coréenne non datée, probablement ramenée au Japon lors des campagnes militaires de Toyotomi Hideyoshi. Cf. Machi 2008 : 43-50. 31. Sur l’ouvrage de Tanimura Gensen, voir Lukacs 2010 : 91. 32. Mayanagi 2006 : 605-615. L’édition japonaise achetée par Cheng Dan’an chez un bouquiniste de Tôkyô était la version éditée par Tatsui Fumitaka en 1929, qui était elle-même une réédition de la version éditée par Hatta Taikyô en 1829. 33. Par exemple, le médecin chinois Yang Shoujing (1839-1915) collecta de nombreux livres de médecine lors de son séjour au Japon à l’ère Meiji. Cf. Mayanagi 2008. 34. Selon Kang Yeonseok, il existerait une trentaine d’éditions étrangères mais il ne précise pas s’il s’agit d’éditions chinoises et/ou japonaises. Voir Kang 2011 : 40. 35. Le Henrei shûyô (Important recueil des précédents frontaliers) référence les demandes faites en 1662, 1676, 1681, 1690 et 1725. Voir Henrei shûyô 1971 : 221, 229, 233, 237 et 291. Sur la transmission de cet ouvrage en 1842, voir Oba 1967 : 470. Voir aussi Kôrai shoseki mokuroku transcrit dans Oba 1968 : 40. 36. Leur entretien fut compilé dans un petit fascicule intitulé Chôsenjin hitsudan (Conversation au pinceau avec un homme de Corée). Sur ce manuscrit, voir Yoshida 1988 : 32-33. 37. Wajin kyûsei toroku 1992 : vol. 1, 505. 38. Inô 1689 : 6v. Voir aussi Miki 1962 : 322. 39. Kosoto 1990 : 479 et 488. 40. On peut citer, entre autres, le Tôi hôkan yueki wamei (Les noms japonais des remèdes médicaux du Précieux miroir de la médecine orientale) de Tanba Genki, le Chôsen yakumeige (Explications sur le nom des remèdes Coréens) du médecin coréen de Satsuma Pak Pang-kwan, le Tôi hôkan yueki hen wamei kanshô (Les noms coréens des médicaments du volume sur la pharmacopée du Précieux miroir de la

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médecine orientale) et le Tôi hôkan yueki hen onji wage (Traduction en japonais vernaculaire du volume sur la pharmacopée du Précieux miroir de la médecine orientale) rédigés par Oda Kigorô. 41. Sur la politique de production locale de Yoshimune, voir Oishi 1996 : 460-506 et Kasaya 2001 : 168-180. 42. Kyo 1990 : 115. Voir aussi Miki 1973 : 110. 43. L’édition de 1807 est en réalité similaire à la première édition de 1725. Les principales différences sont l’ajout de deux nouvelles préfaces, une de Tanba Yorimasa et une autre de Asai Nankô, et la suppression du chapitre sur les jours propices à la pratique de l’acuponcture. Voir Kosoto 1990 : 485 et 489. 44. Le Ch’imgu kyŏnghŏmbang semble avoir été un des derniers grands traités d’acuponcture publiés sous la dynastie Chosŏn (1392-1910). Ainsi, lors de la venue au Japon de l’ambassade coréenne de 1748, lorsque le médecin japonais Tachibana Isamu interroge son homologue sur les traités coréens de médecine, ce dernier ne cite que le Ch’imgu kyŏnghŏmbang comme traité d’acuponcture. Mais cela ne signifiait pas pour autant que l’acuponcture n’était plus utilisée en pratique clinique. Interrogé par le médecin japonais Sakagami Zenno sur les différentes spécialités médicales en Corée, le médecin coréen membre de l’ambassade de 1764 mentionne, entre autres spécialités, l’acuponcture. Voir Tachibana 1748 : 24 et Sakagami 1764 : 12. 45. Dans la préface du Shinkyû goku hiden (Les enseignements très secrets de l’acuponcture et de la moxibustion) publié en 1778, Kimura Motosada explique appartenir à une école dont l’ancêtre fondateur Nagata Tokuhon (1513-1630) aurait été initié à l’acuponcture par un médecin coréen à la fin du xvie siècle. Mais en l’absence d’autre référence dans l’ouvrage, il est difficile de distinguer une quelconque origine coréenne à son contenu. La partie centrale de l’ouvrage intitulée Enseignements secrets (hiden no jôjô), qui liste un certain nombre de maladies courantes avec pour chacune d’elle les points principaux où appliquer les aiguilles d’acuponcture, les moxa ou la saignée, ne présente pas de différence significative avec d’autres traités japonais d’acuponcture publiés à la même époque. Kimura 1997. 46. Hara 1854. 47. Okamoto 1690 : 4 r.v. et 5 r. Voir aussi Asai 1978 ; Lukacs 2010 : 24. 48. Macé 1994. 49. Miki 1962 : 326-328. 50. Le Henrei shûyô mentionne par exemple plusieurs requêtes concernant des ouvrages médicaux chinois : Wan bing hui chun (requête envoyée en 1660), Yi lin cuo yao (requêtes envoyées en 1662 et 1678), Yi xue ru men (requête envoyée en 1670), Yi xue zheng zhuan (requête envoyée en 1678) et le He ji ju fang (requête envoyée en 1678). Cf. Henrei shûyô 1971, vol. 2 : 219, 221, 226, et 229. Les médecins coréens s’intéressaient aussi aux éditions japonaises d’ouvrages médicaux chinois. Le médecin coréen Yi Chwa-guk, par exemple, profita de sa venue au Japon en 1764 en tant que membre de la délégation coréenne venue saluer le shogun Tokugawa Ieharu (r. 1760-1786) pour demander à ses homologues japonais de lui procurer une édition du Shang han lun et une autre du Danxi xin fa. Cf. Yamaguchi 1765 : 7. 51. Sur ces deux classiques, voir Miki 1973 : 221-224 et 372-373. 52. Mayanagi 1994 : 208-215. 53. Sur la contribution des éditions japonaises de l’époque d’Edo à l’édition moderne d’ouvrage chinois de médecine, voir Mayanagi 2006 : 605-615. 54. Grépinet 2010 : 65. 55. Kasaya 2001 : 168-180 56. Cette requête est notée dans le Tsûshinshi tôroku (Archives des ambassades). Voir Tsûshinshi tôroku 1991 : vol. 1, 540. Lors de la description des membres de l’ambassade, le Zôsei kôrinshi (Annales des relations de bon voisinage, version augmentée et corrigée) note à propos du médecin lettré : « Bon médecin. Suite à la requête japonaise nous envoyons un médecin versé dans la pratique clinique de la médecine. » Voir Zôsei kôrinshi 1940 : vol. 6, 216.

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57. Sur les rouleaux de peinture décrivant la procession des ambassades coréennes au Japon, ils sont représentés dans une chaise à porteurs et accompagnés d’une suite d’une dizaine de personnes, alors que les autres médecins de rang inférieur se déplaçaient uniquement à cheval. Shin 1985 : 32 et 35. 58. Voir, par exemple, la requête de Yamada Seichin lors de son entretien avec le médecin coréen venu avec l’ambassade de 1764. Yamada 1764 : 5-6 59. Dans le Sôkan idan, par exemple, Kitao Shunpo (1659-1741) explique que le médecin coréen ausculta un de ses patients et lui prescrivit une décoction. Voir Kitao 1711 : 6. Lors de son entretien avec le médecin coréen Kwŏn To à l’occasion de la venue de l’ambassade de 1719, Kawazumi Seijitsu demanda conseil pour un de ses patients, un enfant de quatre ans, qui souffrait de douleur à la jambe droite et de fièvre. Voir Mitaku 1831 : 17-19. 60. Hyakuda 1748 : 4. 61. Noro 1748 : 13 et 14. 62. Aussi connu sous le nom de Qin Yueren. Il aurait vécu au VIIe siècle av. J.-C. Sa légende est racontée dans le Shiji (Mémoires historiques) de l’historien chinois Sima Qian (145-86 av. J.-C.). 63. Murakami 1712. 64. Kawamura 1748 : 4-6. 65. Yamada 1764 : sans pagination. 66. Selon James Lewis, pendant la première moitié du xxe siècle les habitants de Tsushima préféraient aller s’amuser et se faire soigner à Pusan, la ville de Fukuoka leur paraissant trop éloignée. Lewis 2003 : 34. 67. Ces requêtes sont mentionnées dans Tashiro 1997. Nous avons complété les informations données par Tashiro Kazui à partir des sources japonaises et coréennes. 68. Henrei shûyô 1971 : vol. 2, 522. 69. Wajin kyûsei toroku 1992 : 317. 70. Wajin kyûsei toroku 1992 : 349-350. 71. Henrei shûyô 1971 : vol. 1, 27. 72. Hayashi (1912) : vol. 3, 510. Voir aussi Zôsei kôrinshi 1940 : 313 ; Henrei shûyô 1971 : vol. 1, 28 et vol. 2, 594. 73. Wajin kyûsei toroku 1992 : vol. 1, 489-492. 74. Wajin kyûsei toroku 1992 : vol. 2, 153-154. 75. Henrei shûyô 1971 : vol. 2, 248. 76. Hayashi 1912 : vol. 3, 510. Voir aussi Zôsei kôrinshi 1940 : 316. 77. Wajin kyûsei toroku 1992 : vol. 2, 198-205. 78. Hayashi 1912 : vol. 3, 510. Voir aussi Zôsei kôrinshi 1940 : 317. Voir enfin Henrei shûyô 1971 : vol. 2, 598. 79. Wajin kyûsei toroku 1992 : vol. 2, 372. 80. Henrei shûyô 1971 : vol. 2, 598. 81. Wajin kyûsei toroku 1992 : vol. 2, 385. 82. Tashiro 2002 : 149. Voir aussi Tashiro 1997 : 290. 83. Sur l’enlèvement des médecins chinois, voir notamment le cas du médecin Xu Zhilin, ramené de force au Japon en 1619, et qui deviendra le médecin personnel du seigneur de Hyûga. Cf. Nakajima 2004. 84. Oba 1980 : 185. 85. La liste complète des ouvrages est donnée par Oba 1995 : 707-708. 86. Reproduit dans Nankyô Shitsu Raishô chiken 1995. 87. Reproduit partiellement dans Oba 1995. 88. Hayashi 1967. 89. Oba 1980 : 190. 90. La préface est reproduite dans Oba 1995 : 665-666. Voir aussi Oba 1980 : 186.

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91. Le texte du Qiyang caiyao lu est reproduit dans Oba 1995 : 689-700. 92. Oba Osamu mentionne seulement qu’il rédigea une préface pour Ogawa Hikokurô. Cf. Oba 1974 : 46. 93. Hakusai shomoku 1972 : 29. 94. Katsuki 1734 : vol 6, 1-20. 95. Guo 2001 : 91. 96. Guo 2001 : 94. 97. Shinkyaku hitsugo : sans pagination. 98. Nankyô Shitsu Raishô chiken : 661-662. 99. Hayashi 1967 : vol. 5, 459. 100. Shinkyaku hitsugo : sans pagination. 101. Les médecins du bakufu recevaient des rangs honorifiques qui avaient une origine bouddhique. Ainsi, le rang hôin (litt. « le sceau de la loi ») était réservé aux médecins spécialisés en médecine interne (hondô), autrement dit aux spécialistes de la pharmacothérapie. Le rang le plus élevé que pouvaient atteindre les médecins des autres spécialités, dont les acuponcteurs, était hôgen (litt. « œil de la loi »). Sur la guilde des aveugles, voir Groemer 2001 : 349-380. 102. Cette importance du contact humain dans la transmission des savoir-faire explique probablement pourquoi l’îlot de Dejima à Nagasaki, où résidaient les médecins hollandais, attira à partir de la fin du xviiie siècle de nombreux médecins japonais qui souhaitaient se former à la médecine hollandaise. Sur ce point, voir Jannetta 2007.

RÉSUMÉS

Les archives des entrepôts de Nagasaki et la transcription des conversations entre médecins chinois et coréens, d’une part, et médecins japonais, d’autre part, mettent en lumière les différents canaux par lesquels le savoir médical circula depuis la Chine et la Corée vers le Japon à l’époque d’Edo (1603-1868). Les textes jouèrent un rôle plus important que les hommes dans la transmission des savoirs liés à la pratique de l’acuponcture. Les médecins chinois ou coréens qui se rendirent au Japon ne contribuèrent pas directement à la diffusion de l’acuponcture. Peu de questions portent sur le sujet dans leurs entretiens avec les médecins japonais et leurs réponses font surtout apparaître des divergences sur la manière d’interpréter les classiques chinois ou sur l’emploi des aiguilles d’acuponcture. Plusieurs conservations révèlent néanmoins que certains savoir-faire, tels que la prise des pouls ou certaines techniques de poncture, furent transmis oralement plutôt que par les textes.

The archives of the Nagasaki trade and the transcription of the conversations between Chinese and Korean physicians on the one hand and Japanese physicians on the other provide information about the different channels through which medical knowledge circulated from China and Korea to Japan during the Edo period (1603-1868). Texts rather than men played an important role in the transmission of knowledge related to the practice of acupuncture. The Chinese and Korean physicians who went to Japan did not contribute directly to the diffusion of acupuncture. Only a few questions on this topic were asked in their conversations with Japanese physicians, and their answers mainly reveal differences in the interpretation of the Chinese classics or in the use of acupuncture needles. However, several conversations show that certain

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elements of know-how, such as pulse diagnosis or some acupuncture techniques, were transmitted orally rather than by texts.

長崎的貿易檔案以及中國、朝鮮醫者與日本醫者的對話實錄展示了江戶時期(1603-1868)中 國和朝鮮的醫學知識向日本傳播的途徑。在有關針灸的實踐知識傳播中,文本發揮了比人更 為重要的作用。親身赴日的中國和朝鮮醫者並未對針灸的傳播作出直接的貢獻。與之對話的 日本醫者很少問及這一主題,中朝醫者的回答則主要反映了各國對中國經典的不同詮釋和針 的不同用法。不過就一些對話來看,某些醫學知識,如診脈和某些穴療技術,仍主要通過口 頭而非文本途徑傳播。

AUTEUR

MATHIAS VIGOUROUX Lecteur à l’Université du Zhejiang. Sa thèse de doctorat en études chinoises, soutenue en 2011 à l’Université Nishogakusha (Tokyo), a pour thème la réception de l’acuponcture au Japon et en Europe à l’époque pré-moderne. De 2011 à 2013, il a été chercheur associé au Département d’études sur l’Asie orientale à l’Université de Princeton.

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III. Industrialisation et innovation Industrialisation and Innovation

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Shimomura Kôtarô (1863-1937) and the Circulation of Technical Knowledge between the United States, Japan, and Belgium Shimomura Kôtarô (1863-1937) et la circulation des savoirs techniques entre les États-Unis, le Japon et la Belgique 下村孝太郎(1863-1937)與美、日、比利時之間 技術知識的傳播

Aleksandra Kobiljski

This article would have been impossible without the generous help of the staff at the Dôshisha University Archive (Kyoto, Japan), especially Tomoko Fuse, who shared my passion for opening dusty boxes, odd-sized blueprints, and unwieldy rolls of correspondence. I am grateful to Muneharu Kitagaki, Asako Matsuki, Catherine Jami, Delphine Spicq, Antonella Romano, Annick Guénel, Nicolas Coupain, and two anonymous reviewers for helpful and stimulating comments on an earlier version of this article. The research was supported by a fellowship from Harvard University (USA), the ANR (France) grant ICCM ANR-09-SSOC-004, and the D. Kim Foundation for the History of Science and Technology in East Asia (USA). The Needham Research Institute has provided an intellectual home for the final corrections of the article.

1 Sometime in 1873, in an innovative domain school in northern Kyûshû, one young student, Shimomura Kôtarô (1863-1937), placed a tree leaf in his desk drawer and started reading the Gospel of Matthew.2 His hope was that in so doing he would be able to induce the leaf’s transformation into gold. Recounted in his autobiographical writings many years later, this episode is more than a negligible example of simple childhood reverie. In fact, it is a hallmark of Shimomura’s career as a chemical engineer whose life’s work seemed to his European colleagues equally impossible : turning highly bituminous Japanese coal (40 % volatile matter on average) into anthracite-grade coal (around 10 % volatile matter).3

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2 The present article, which examines the itinerary and work of this chemist and engineer, is a product of the confluence of two lines of inquiry : an investigation into innovation in coking technology and its role in the emergence of modern steel industry in Japan on the one hand and an investigation into the impact of human mobility on the circulation of scientific and technological knowledge on the other. The first is inspired by the author’s personal research in progress and based in large part on the private archives of a key figure in the early history of byproduct coking in Japan. The other is inspired by the author’s participation in a collective research project focusing on the role of individual mobility in the circulation of scientific and technical knowledge in China.4 This article focuses on Shimomura’s itinerary between Japan the United States and Europe as well as within Japan itself in pursuit of the scientific knowledge and technical expertise he would put to use in developing a particular coking protocol.

3 Shimomura’s itinerary is that of an engineer whose atypical career path has resulted in his historiographical marginalization. This is, first, the result of his educational background. In his seminal work, Foundation of Science in Japan: Building a Research Tradition, James Bartholomew discusses the work and career of a number of Japanese scientists over a period of four decades. All of them were either graduates or students of the Imperial University of Tokyo. In a recent article on the struggle of engineers to improve their social status, Erich Pauer discusses a number of Japanese engineers in the first half of the twentieth century, all of whom were also Imperial University graduates.5 Shimomura, however, was educated at a small, American-staffed Protestant college in Kyoto, entirely outside of and partially at odds with the Imperial University’s network. Second, he was one of only a handful of Japanese scientists who had a lasting connection with the Christian faith. Converting at the age of twelve, he grew to see his faith as a continuation of his scientific pursuit to understand the universe, not as opposed to it.6 Third, he was a chemist trained in the United States, and not, as was the norm at the time in Germany. Consequently, in building his professional and personal networks, he gravitated towards New England rather than Germany. Finally, his career included an uncommon switch from academia to the world of industry, as he went from being a chemistry teacher to a chemical engineer.

4 Although he worked on the margins of the scientific and industrial landscape of his time, Shimomura left his mark on both. Perhaps paradoxically, his contribution was both made possible and obscured by the singularity of his intellectual path within the context of the emerging scientific and industrial establishment. His education, outside the dominant networks, enabled him to effectively question received wisdom on what is done or possible. By questioning the limits of the possible or practical, he was able to produce locally the kind of fuel without which the nascent Japanese steel industry would have come to a standstill in the early 1900s. This success was further facilitated by the fact that he worked in a relatively small private company, where his technical decisions were not under the scrutiny of a host of bureaucrats, as was common in state- run enterprises. At the same time, his positioning on the margins of both state academic institutions and major military-industrial venues throughout his career made his contribution to putting in place Yawata Steel Works’coking plant possible.7 He was neither a Tokyo alumnus nor had he studied in Germany ; he was not an employee but merely a consultant at Yawata. As such, he has been almost completely excluded from most accounts of Yawata’s early years and subsequent accounts of coking innovation at

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the company in favor of a later generation of Yawata coke experts, such as Kuroda Taizô (1883-1961), whom he helped train.

5 Finally, as a study of a individual itinerary, this analysis—as well the project within which it developed—is anchored to a greater or lesser degree in biographical study. In the eyes of many historians of science and technology, biography—understood to mean history of great men and their inventions—has long been a marginalized genre in academic if not trade publishing. The recent revival of interest in the utility of biography (and biographical data) for historical inquiry has been coupled with a rethinking of the biographical method, which developed in parallel in history and sociology. In its initial incarnation, it came largely from scholars working on European and North American societies. Nevertheless, some of the most innovative uses of biographical data have emerged in other modern historiographies—for example in the history of the late Ottoman Empire (1299-1922) or of Qing China (1644-1911).8 These works rely on culling information from relatively large data pools, such as local gazetteers in China (difang zhi) or career records of Ottoman bureaucrats found in the Register of the conditions [of state employees] (Sicill-i Ahval Defterleri), which contains over 50,000 personnel records. As such, they rely on new technology that allows the manipulation of data sets following a clear definition of parameters used in collection and analysis. Methodologically, such biographical studies make a strong case for a reasoned use of hitherto neglected sources of biographical data. Analytically, they offer what the French sociologist Jean-Claude Passeron calls “a degree of aggregation of synchronic properties,”9 whether this be a collective portrait of social or professional groups, such as Chinese medical experts from the far south, demoted Tibetan officials, or promoted Ottoman bureaucrats.

6 This article is inspired by these works and benefits from their methodological reflections, although its analytical goal is slightly different. Rather than use biographical data to aim at a collective portrait, I use a single man’s biographical sketch as a springboard into two questions of broad import for the study of the history of technology in Meiji Japan (1868-1912). First, Shimomura’s individual itinerary and professional career are difficult to fit into currently existing typologies of the nascent and consequently fluid category of engineer in Meiji Japan. Thus the present article hopefully makes a contribution towards nuance in our understanding of where Meiji engineers came from in terms of educational background and professional paths.10 Second, it contributes to the literature on the role of small and medium companies in Japan’s modernization drive.

7 Because of its exceptional character, Shimomura’s career needs to be analyzed while keeping in mind the question of the relevance of an individual, non-representative case for historical inquiry. These issues have been raised in the context of two decades of debates about the scale of historical analysis, notably within the context of micro- history. As one among several critical trends of the 1980s and 1990s, micro-history represents a reaction to macro-historical approaches that, in many different forms, dominated historiography. At its core lies an effort to make visible individual historical actors and their experiences of large-scale social and historical processes. Methodologically, it decoupled the notion of scale and importance, and, in a relatively short span of time, it helped revise axioms on the construction of historical subject. For example, it is not widely accepted that the process of industrialization was not simply a capital-labor-technology macro dynamic but needs to be understood in terms of the

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experiences of individuals and the logic that guided their choices and paths.11 In outlining Shimomura’s career, this article does not aim to “give the microphone to an ant,” as critics may suggest, but rather use an ant—Shimomura Kôtarô—to ask questions and generate hypotheses about a certain segment of the anthill’s history—the industrialization of Japan in the Meiji period (1868-1912) and its actors.

The making of a chemist (1872-1895) : Kumamoto to Kyoto

8 Shimomura was born in 1863, the first son and the heir of a low-ranking samurai family in Kumamoto, on the island of Kyûshû. Kumamoto, the capital of the Higo domain, the fifth largest domain in Tokugawa Japan (1600-1868), was officially taxed at 540,000 bales of rice or koku but with an actual annual income of some 720,000 koku (a koku was an official measure of volume, and in Edo, the capital, 1 koku was approximately 278.3 liters). Although officially an outside or tozama domain and thus barred from the Tokugawa government’s inner administrative circle, Higo had established close ties to the Shogunate. By the later part of the Tokugawa period, it was one of not only the largest but also the most influential outside domains, known for its staunch conservatism. Although, at least since the 1850s, both the signs of weakness in the Shogunate and the need to end Japan’s seclusion were evident, the Higo leadership was unable to respond to the growing sense of crisis in any way other than to uphold the existing order. Thus, Higo’s conservatism effectively prevented it from participating in the reform movement driving the Restoration in the 1850s and 1860s. It was Higo’s neighboring domains—the Satsuma to the south, Hizen to the north, and the nearby Chôshû and Tosa—that took the intellectual and military initiative in the movement that would become known as the 1868 Meiji Restoration. By 1870, having risked and invested in the uncertain project of regime change, those domains were reaping the dividends of the transition while Higo was being bypassed.

9 If Higo was not to be left behind by the “new” Japan, the domain’s leadership had to find a way to change its official ideological orientation, which rested on a particular interpretation of Neo-Confucianism that had buttressed feudal Japan. This meant a struggle against the domain’s official academy—the Jishûkan, the bastion of this orthodoxy—and an entrenched group of political actors gathered under the banner of the so-called School Party (Gakkotô), which had run Kumamoto politics before and was still a force in the aftermath of the 1868 Restoration.

10 The job of reforming the intellectual heart of the domain fell to long-time opposition figures, literati loosely gathered around the Practical Learning Party (Jitsugakutô), which centered on Yokoi Shônan (1809-1869) and his students.12 During the 1840s and 1850s, Yokoi taught in his private academy in Kumamoto and attracted students from two social groups : lower-ranking samurai youth and the sons of wealthy peasants. By the mid-nineteenth century, the latter group had grown rich and saw economic and social opportunities in the changes taking place in the late Tokugawa period. Aspiring to buy their way into the status of low-ranking samurai, they shared with them a keen interest in and concern for practicality. While for the low-ranking samurai this was a matter of survival amid rising inflation and diminishing stipends, for wealthy peasants it was a question of maximizing their economic well-being.

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11 In 1863 (the year of Shimomura’s birth), Yokoi was placed under house arrest outside Kumamoto and stripped of his stipend. The immediate cause was the circulation of his seminal tract on three issues in state policy, the Kokuzen sanron, which would later serve as one of the foundation texts of early Meiji statecraft.13 Yokoi was released five years later, in the aftermath of the Restoration, and left Kumamoto for Kyoto, where he advised the emperor on the reform that he had spent decades advocating. Only months after his release, he was assassinated in Kyoto by a group of lordless samurai (rônin) who were opponents of the Restoration.

12 Although he was an important architect of the movement that brought about the Restoration, Yokoi did not live to see the implementation of reforms he helped engineer. But his legacy was felt in some of the most important documents of the Meiji Restoration ; one of his students wrote his ideas into the Charter Oath, a document that outlined the Restoration’s aims promulgated on April 7, 1868. To Shimomura, who was five years old at the time, Yokoi’s posthumous reputation as a proto-architect of the Restoration may not have meant much had it not had another, very local, incarnation. Yokoi’s teaching became the foundation of a plan drawn two years after his assassination to establish a school that was to become Shimomura’s first training ground, the Kumamoto School of Western Learning.14 In 1870, as the tide of change was rising, two of Yokoi’s students—Tokutomi Ikkei (1822-1914) and Takezaki Sadô (1812-1877)—and a number of their supporters seized the opportunity to depose the conservative officials in power. Their offensive began with a reform initiative : a call on Higo’s domain lord to return from Tokyo and undertake sweeping administrative and fiscal reforms. Echoing Yokoi’s considerable concern with educational reform and his insistence on the opening of Japan to the outside world and education, they made establishing of a new kind of school an important part of the reform agenda. The return of Lord Hosokawa to Kumamoto in May, 1870, marked the implementation of this plan and led to what was to be called the Higo Restoration.

13 The newly founded Kumamoto School for Western Learning, the Kumamoto yôgakko, had the task of combining Japan’s Confucian ethics with Western science and technology, most importantly those elements that could help prop up Japan’s military apparatus and devise new defense strategies. For that purpose, the founders developed a school and a curriculum divided between the study of Confucian classics on the one hand and what they called Western learning (yôgaku), a mix of English language, geography, history, literature, and a science curriculum that included chemistry, physics, astronomy, and mathematics. To take charge of the “Western” part of this curriculum, in 1871 the Kumamoto domain arranged to hire a West Point graduate and US Civil War veteran, Captain Leroy Lansing Janes (1837-1909).15 His teaching was an indispensable ingredient of a policy intended to immunize Japan from weakness. By hiring an American military man, the Kumamoto proponents of practical learning sought to follow a well-known belief of the day : that there could be no better combination than that of Japanese spirituality with Western technology. Yokoi was an early proponent of the policy, which by 1870 had become one of the early Meiji period’s slogans : “Japanese spirit and Western technology,” or Wakon yôsai.16 However, Janes’task was neither pedagogically simple nor socially without its challenges. It meant teaching students who spoke no English while living with his wife well outside the treaty ports, a life isolated in the Japanese interior. He spoke no Japanese, and it is not clear to what point any of his hosts had a functional command of English.17

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14 These were turbulent times, since the school had opened its doors only four years after the emperor was brought or “restored” to power and Japan embarked on what seemed a path of unprecedented changes. In 1872, when the school was in its second year and Shimomura enrolled, the central government announced the abolition of hereditary stipends for samurai families. For Shimomura, the opportunity to attend the school was an exciting encounter with the basics of the science curriculum as it was taught to children of his age in the United States. He was nine years old, four years younger than the average student in the class, and for him, as for many of his peers, Janes was the first foreigner he had ever seen. At the same time, the scholarship to attend the Kumamoto School for Western Learning gave him a chance to receive an education that could help a youngster designated as his family’s heir weather a profound social crisis.

15 In pursuit of a mixture of Western learning and Japanese spirit, the students’days at the Kumamoto’s yôgakko were divided in two parts : instruction in English language, physics, astronomy, chemistry, mathematics, geography, and military drill on the one hand, and a Confucian Classics curriculum of reading, reciting, and composition in Classical Chinese on the other. However, the mission of grafting modern science onto a basis of Confucian ethics did not proceed as smoothly as planned. Early in the school year, Captain Janes and Takezaki sensei, the school’s famous Confucian scholar, found themselves in a position of rivalry.18 It did not help that they knew little about each other and were prejudiced toward each other’s world view. Takezaki and other Japanese teachers referred to Christianity in derogatory terms.19 Janes went into the dormitory rooms of his students and snatched their “Chinese books”—probably not realizing that much of what he was confiscating were not Confucian Classics but adventure novels.20 Regardless of their level of (in) comprehension, Janes spoke only English to his students and seems not to have learned more than a few words of Japanese. He pursued the English section of the curriculum as if the Confucian section did not exist ; the same was true of his Japanese counterparts. At the heart of the matter lay two different visions of the place of science and technology in a modernizing society. Jitsugaku (practical learning) scholars argued it was possible (and necessary) to cherry-pick elements of an intellectual tradition, in this case a science curriculum and military tactics, and mix them with a curriculum based on Neo-Confucian precepts. On the other hand, Captain Janes—like many of his Protestant missionary contemporaries —believed that Christianity was at the core of Western civilization and technological progress. Although, for the first four years of teaching, Janes did not spell out his views, in his mind it followed that importing Western technology was futile if not accompanied by its ethical source : Christian morality and faith.21

16 For many Kumamoto students of the first generation, the school experience was a rather destabilizing one. The pedagogy behind the experiment seemed to imply that the mixture of Confucian ethics and Western science was to materialize not in discussions between the teachers but in the minds of the students. In other words, the main work of harmonizing two intellectual perspectives and of actually grafting one onto the other was left to the Kumamoto domain’s brightest teenagers. This was no small responsibility, as the combination was perceived to be the key to their country’s self-strengthening and modernization project.22

17 When Shimomura’s American teacher first arrived in Kumamoto, he brought with him a vision of a Christian as a radical reformer in the service of his community. For many boys in his class, becoming leading reformers of their society, being a moral example,

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and using science and technology to improve the lives of those around was exactly what they aspired to. What Janes believed and was teaching his students without saying so explicitly was that this kind of service to the community was in itself a form of prayer. Without confronting them with the Bible but by teaching about science, technology, and nature, Janes was preaching God’s “other book.” In the words of one of his students, this was a kind of preaching that did not require words.23 As time went by and, in part, due to his social isolation in Kumamoto, Janes turned to faith and experienced a personal renewal.24 With his new-born faith came a conviction that learning astronomy, botany, and English could not strengthen Japan if his boys did not understand Christianity, the ostensible core of the civilized ways his students were trying to penetrate. Very few Japanese at the time and not many foreigners other than the missionaries subscribed to the idea that Japan had to Christianize to be counted among the civilized nations. Lafcadio Hearn, a long-time American resident of Japan, illustrated the sentiment when he wrote that “Japan has nothing to gain by Christianity.”25 Yet Janes came to Kumamoto in early 1871 believing that there was a direct link between Western progress and its Christian ethos, and he came to be a living example of it in and out of the classroom.26

18 His educational philosophy aside, upon his arrival Janes had to concentrate most of his energies on overcoming the language barrier which is why the first year of study was devoted to intensive learning of English, military drills, and the basics of Western-style arithmetic or yôsan.27 As soon as they could communicate in English, some of the older students challenged Janes’vision by reciting arguments for Confucian superiority over Christianity.28 Although by this time the second half of the popular late Tokugawa period (1600-1868) slogan “revere the Emperor and repel the barbarians” (sonno jôi) had been quietly dropped from political discourse, many of his students grew up with the image of Westerners as barbarians.29 However, with time, the intensity of the contact between the students and their American teacher, coupled with Janes’enthusiasm for his students and passion for teaching worked to chip away the layers of his students’cultural discomfort with and intellectual prejudice against foreigners. The more they got to know Janes, the more he looked like an American version of a samurai.30 This made them more attentive to his message. And thus, students and teacher changed each other’s lives.

The boy who wanted to go to the moon

19 In the winter 1875, Janes started organizing weekly Bible study meetings at his home for interested students. Usually these sessions started with prayer by him, continued with Bible reading and discussion, and closed with hymn singing. The word soon spread around the school that Janes was talking about magical things, possibly a misinterpretation of Janes’explanations of Jesus’miracles such as walking on water, curing the sick, and feeding the hungry. While Janes meant this as proof of Jesus’credentials as the Son of God, at least some of his students understood it to be a story of a powerful Western sorcerer with tricks up his sleeve. Shimomura was one of these. Before entering Kumamoto School for Western Learning, Shimomura spent hours reading Takizawa Bakin’s magic-infused The Eight Dog Chronicle (Hakkenden), a serialized novel from the late Tokugawa period (1600-1868) which remained popular well into the nineteenth century. Reading it stimulated the child Shimomura’s interest

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in mastering the magic that made the adventures and transformations described in the novel possible. A little later, during his Kumamoto school days, a fellow student suggested reading and gave him a copy of “a Christian book” (kirishitan bateren hon) that could help him learn about Western alchemy and magic.31 Both boys were interested in magic, and one of Shimomura’s projects was to try to turn an ordinary tree leaf into a golden one by stashing it in a desk drawer and reading the Bible.32 Although his attempts failed, young Shimomura continued searching. A reading of the Gospel of Matthew—where the miracle of the seven loaves and fishes is described—confirmed his understanding of Jesus as a master of magic tricks.33

20 After his attempt to turn a leaf into gold, Shimomura’s interest in astronomy brought about a new fascination with going to the Moon, which led him to his first prayer meeting. Following the contemporary logic of belief in the superiority of Western science, it was a small step for eleven-year-old Shimomura to assume the superiority of Western magic and sorcery over its Japanese counterpart. From the students’viewpoint, Janes spoke of magic (the Second Coming of Christ, Jesus’return to the Earth) and supernatural acts (Jesus’miracles). During the meetings, Janes, like Jesus before performing the miracle of the loaves and fishes, often looked up to the sky when offering prayers and giving thanks. Thus, Shimomura had reason to believe “that the study of Christianity enables one to learn the way of going to the Moon” and that Janes could help with that.34 Teach about Christianity he did, although not in the manner that Shimomura expected.

21 In February 1876, during his fifth year at Kumamoto, Janes led a group of 40 (out of an estimated 200) students to a nearby hill where they read a Covenant, a document defining their conversion to Protestant Christianity.35 While school authorities expected them to add Western science and technology to their Confucian education, the boys had become convinced that that “there is a chain connection between Christianity and Western learning.”36 Embracing Christianity seemed a way of fulfilling their Confucian duty to their teacher, the school’s mission, and their country’s future. But their parents and the school administration disagreed. Janes was dismissed, while his students faced various degrees of family wrath. Some spent weeks in confinement, some were even deprived of water and food for days. Shimomura was an exception ; during the interrogation that followed he could calmly say that he obtained his father’s permission to become a Christian, leaving the school’s principal, certain professor Morita, at a loss for words.37

22 A few months later, before leaving Japan, Janes secured the admission of all forty of his protégés to Dôshisha, a newly founded Protestant college in Kyoto, which enabled them to escape further persecution in Kumamoto. There, Shimomura continued his education under two tutors : an American, Jerome Davis, graduate of Beloit College (in the US state of Wisconsin) and Niijima Jô (1843-1890), a Christian convert and a graduate of Amherst College and Andover Theological Seminary (both in Massachusetts), at whose initiative Dôshisha was established in 1875. Shimomura spent most of his time studying scientific subjects sandwiched between morning and evening prayer, with weekly Bible study on the Sabbath. After the loss of his stipend, Shimomura’s father had started an agricultural venture, but his death in 1876 left Shimomura responsible for supporting the family. After graduation in 1879, Shimomura briefly returned to Kumamoto before being called back to teach at Dôshisha ; he then settled in Kyoto with his mother and sisters.

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23 During his first round as a teacher at Dôshisha, from 1882 to 1885, like his other colleagues, Shimomura taught a wide variety of subjects, including natural philosophy, physics, astronomy and geology, reading and spelling (English), rhetoric (Japanese), history of civilization, history of the United States, arithmetic, and algebra. Yet he gradually started specializing in teaching mostly physics, chemistry, and mathematics, and by 1885 the college prospectus lists him as a designated teacher of these three subjects.38

24 His students described him as a dedicated teacher, “a profound thinker” and not dogmatic.39 “Sensei was the kind of man,” one student remembered, “who would clearly say ‘I don’t know’when he didn’t and ‘I don’t understand’when he didn’t.”40 To those students who asked, he would give additional help and lessons, becoming one of busiest teachers in the college.41 Perhaps the most remarkable aspect of Shimomura’s first teaching period was the breadth of mind with which he mentored his students. As revealed in a diary of one of his students, to those students who sought advice on how to prepare for Christian work, he recommended not the study of the Bible, but that of politics and economics. “Looking at the current situation of the country,” Shimomura told them “for the next forty or fifty years, I urge you to pay attention to politics. If you don’t know everything about it, you will get laughed at and surely sully the reputation of Christianity.”42 When abandoning traditions was the slogan of the day and in the middle of the Meiji government’s campaign against the Buddhist establishment, Shimomura urged his students with evangelistic ambitions to study the Confucian classics and the basic tenets of Buddhism.43 Finally, he urged them to worry not only about ideas but also about the practical challenges of building a country while keeping in mind that Japan “is different from other countries in terms of how things are done.” 44

From Japan to the United States and back

25 Around the time he became Dôshisha’s principal teacher of physics and chemistry, Shimomura started thinking intensively about going abroad for further study. Consistent with the advice he was giving his students about learning about the world around them in order to be of good service to Christianity, he too wished to become a better scientist and thus a better advocate for Christianity in Japan. Believing that “whether politically or morally, Christianity alone can save Japan,” he proceeded to define the “the lack of Christian scientists”45 as the greatest need of the moment and the biggest obstacle in this struggle.46 By 1884, Shimomura was eager to go abroad for further scientific study. “The idea of going to the West has occupied my mind for the last five years,” he wrote (in English) to Dôshisha’s president and his mentor Niijima, “and now my heart burns. I pray for the opening of the way. I feel my future usefulness depends upon it.”47

26 The first step on his way to the United States was overcoming the reluctance of the American missionaries at Dôshisha, whose approval and connections were essential for the realization of his plan. In the late summer of 1885, he sailed for the Worcester Polytechnic Institute (WPI) in Worcester, Massachusetts. Once there, Shimomura found that he was behind in his “knowledge of technical and scientific terms” and decided he was “not fond of mathematics.” However, in the words of WPI’s director about his first Japanese student, Shimomura “applied himself so diligently that he soon took high

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rank in one of the best classes the [Worcester] ‘Tech’ever had,” and in the year of his graduation he was voted the smartest person of the class of 1888.48

27 In 1888, Shimomura obtained his Bachelor of Science (BS) degree with a thesis on theories of the formation of chemical elements, graduating second in his class. Instead of returning to Japan and reassuming his teaching position, as his family and colleagues expected, Shimomura decided to enroll in a PhD program in chemistry at Johns Hopkins University so as to “broaden [his] knowledge of Chemistry.”49 He went to study with Ira Remsen (1846-1927), the founder of the American Chemical Journal, one of the original faculty members at the Johns Hopkins University and the head of the laboratory that discovered saccharin.50 A year later, in 1889, he obtained a PhD degree in chemistry, in a short period not uncommon at the time. He again delayed his return for the purpose of fundraising for Dôshisha’s new School of Science. “I believe,” he wrote, “one who does to the school the greatest good […] is he who helps to put [it] in a firm financial condition and not he who comes back glittering with his degrees […] to sit down in an easy professor’s chair.”51 Thanks to the introductions of friends, missionaries, and acquaintances, he had the good fortune of meeting Jonathan Newton Harris, a New London, Connecticut, entrepreneur.52 Shimomura’s science background combined with his faith seems to have deeply impressed Harris, who consequently decided to give him a $ 100,000 endowment with additional smaller sums for special purposes (including $ 10,000 for erecting a specialized building with an observatory, $ 8,000 for laboratory equipment, books, and Shimomura’s travel expenses).53 The interest from the endowment was intended to fund a new department for scientific work at Dôshisha, and the Harris School of Science opened in September 1890, the first of its kind at a private college in Japan.

28 To the great pleasure of both its principal benefactor and Shimomura himself, the Harris School of Science was a temple of science on a Protestant college campus, a living argument for the unity of religion and science.54 What made any school of science worth its name and what stood at its heart was a well-equipped laboratory. “I must say frankly,” Shimomura wrote during the negotiations for his return, “I cannot teach chemistry if you do not give me a chemical laboratory to work in ; for I hold any matter of teaching chemistry but the laboratory & study method has no educational value whatever.”55 He secured a separate grant from Harris for the purpose of purchasing best available German laboratory equipment.56 But Shimomura’s laboratory teaching dream did not last. The opening of the new department coincided with the death of Dôshisha’s principal founder and launched the institution into a crisis that would engulf Shimomura’s career. After five years at the head of Dôshisha’s School of Science, Shimomura resigned over a conflict with the administrators (who were also his childhood friends and fellow Kumamoto bando converts) over channeling of the Harris trust fund income towards the operating cost of the college preparatory department. Feeling that such a use was a breach of the donor’s intent, Shimomura resigned in 1895, leaving the world of academia, and was obliged to go into that of industry and applied research.

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The making of an engineer (1895-1914) : Osaka to Brussels

29 Personal and family reasons limited Shimomura’s professional mobility, focusing his job search on the city of Osaka, a commercial hub and an emerging industrial city.57 Upon leaving Dôshisha, Shimomura became interested in the new technology of coking and was able to attract the attention of the Osaka-based entrepreneur and banker Toyama Shûzô (1862-1916).58 With the support of Matsukata Masayoshi (1835-1924), Japan’s longtime finance minister, Toyama undertook the opening of a chemical plant in Osaka, hired Shimomura, and sent him abroad for training.59 Records of Toyama’s initial business plan are unclear, but judging by where he chose to send Shimomura, it seems that he planned to set up a byproduct coking plant so as to sell coke (perhaps to the Osaka Arsenal) while commercializing the byproducts, such as coal gas, coal tar, benzene, and/or ammonia.

30 When Shimomura went to Solvay & Cie in Charleroi, Belgium, for training in 1897, he found himself at one of the leading chemical companies in Europe.60 This trip was not simply a study trip or an inspection tour, but rather a transformative experience for a chemistry professor tasked with reinventing himself as a chemical engineer and coking specialist.

31 Coke is a solid fuel obtained by a process of coking, essentially the heating of coal in the absence of air so as to drive off the impurities commonly found in coal. There are many complex differences in techniques, but there are basically two ways of coking coal : 1) one that makes no provision for the recuperation of impurities that are driven off in the process, and 2) one that enables recuperation, processes the impurities, and commercializes the byproducts.61 Shimomura went to Belgium to train in a company that was one of the pioneers of byproduct coking and which, several years before his arrival, became confident enough to start expanding its coking operation internationally.62

32 Solvay & Cie was established in 1863 by the chemical engineer Ernest Solvay (1838-1922), who had earned fame and fortune by patenting a process for manufacturing soda ash, an indispensable component in glass production, water treatment, and soap making. Cheaper and less polluting than the more common Leblanc method for producing soda ash, the Solvay method spread rapidly. In 1874, Solvay opened a larger plant in Nancy, France. Up until the middle of the 1880s, the Solvay soda ash plants obtained their ammonia from local gas plants, an arrangement that occasionally put a stress on supply due to transportation difficulties.63 This fact, along with ever-increasing production and concomitant profits made Solvay both interested in and able to invest in the research and development of byproduct coking technology.

33 Interestingly, the principal drive in developing what would become one of the most advanced coking technologies of its generation was not a need for coke itself but rather a demand for one of the byproducts of coke’s production—ammonia. Solvay’s idea was to secure his own ammonia supply and offset the supply costs in part by the sale of coke to the metallurgical industry. In 1876, he gave Louis Semet (1844-1920) the responsibility for devising a technology mostly valued for its secondary production. Semet, who was Solvay’s cousin and brother-in-law, had considerable experience in gas

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production. He was born into the family that owned the Saint-Josse gas plant near Brussels where he had begun his career.64 The prospects of developing an economically viable coke oven that would allow recovery of byproducts at a steady rate and at a reasonable cost seemed bleak in the late 1870s. A number of such experiments had taken place across Europe in the late 1860s, but they consistently failed to produced metallurgical grade coke and/or were commercially unviable because of high recovery costs.65 Likely starting with an improved Carves oven as the basis, by early 1882 the first battery consisting of six ovens that would become the Semet-Solvay type was built in Mons (40 kilometers west of the original Solvay soda plant at Charleroi).66 A second battery of twenty-five ovens was built in 1886 at the coal mine at Havré, just outside Mons, setting in place Solvay’s business model for its coking plants. Typically, Solvay built batteries of ovens at its own cost at the customers’facilities. This arrangement benefited clients unwilling or unable to invest large sums of money in building and operating a coking plant. While the client received the coke that was produced, Solvay recuperated its investment by retaining the rights to all the byproducts. In 1892, the first battery of this type of ovens was built overseas, in Syracuse, New York, before expanding to Pennsylvania, Alabama, Kentucky, Ohio, Michigan, West Virginia, Massachusetts, and locations in Canada.

34 At present, few records are available on Shimomura’s stay in Belgium, but it is certain that once he arrived in Brussels in April 1896, Shimomura went through intensive training. In addition to mastering the chemistry and physics of coking, he had to learn about how practically to go about setting up and operating the coking and recovering the valuable byproducts. His training was organized and supervised by William Kirkpatrick, a Solvay company engineer who was soon to become one of the two men responsible for the Solvay byproduct coking operation.67 Finally, while based in Brussels, Shimomura traveled to England for the purpose of visiting the machine and mining equipment suppliers in Sheffield.68

35 Shimomura went to Belgium before the Osaka Chemical Works was even officially registered as a company. Upon his return, he was designated as the Director, and he was the highest-ranking technical expert at the company ; he left Japan a former college professor of chemistry and returned as an Engineer-in-Chief. He soon placed two orders : one for a coal mixing, washing, and grinding plant from Sheffield, and another for a battery of sixteen Semet-Solvay ovens from Brussels. This was an indication of a careful start, since a standard-size plant would have a battery of an average of 25 ovens. But it was Semet-Solvay’s first step into the potentially lucrative Japanese market. If successful, the Osaka installation would serve as a model plant, and Shimomura was given a monopoly over the sale of Semet-Solvay coke ovens in Japan in the hope that the business could expand, particularly to the Mitsui and Mitsubishi mining enterprises on the archipelago.

Geology vs technology : high volatile content coal and innovations in coking protocol

36 The Meiji period in Japan was a time of belief not only in the ideology of progress but also in the universal applicability (and thus transferability) of technology. In the realm of industrial development, progress in late nineteenth–century Japan seemed to hinge on importing foreign technology for making a “rich country, strong army” (fukoku

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kyôhei).69 Like numerous examples of the impossibility of a simple, mechanical transfer of Western technology to Japan, byproduct coking was one of those areas that strongly challenged the universalist view of technology reigning among Meiji bureaucrats. This meant that purchasing ovens in Belgium and installing them in Japan was not a simple question of raising the capital and training or recruiting technical experts. Before the ovens could be successfully made to work and the enterprise could become profitable, Shimomura had to overcome a major obstacle inherent in seeking to combine Japanese coal and Belgian technology. Putting the plant into operation was not simply a question of unpacking and assembling the equipment according to the blueprints enclosed in the crates and written instructions from Brussels. This was mostly due to the fact that the imported ovens were made to coke a kind of coal very different from the one Shimomura wanted to coke. Most European coking coals contained an average of 15 % to 18 % of volatile matter, and no Semet-Solvay coke oven in Europe had to coke coal above 22 %.70 Practically all coal in Japan contained between 38 % and 40 % volatile matter. Given that the higher the volatile content in coal, the lower the quality of the coke produced from it, this was no small challenge. What may have initially seemed to Toyama a simple question of purchasing the equipment and shipping it to Japan turned out to involve considerable innovation in production protocols and raw material manipulation. This was in addition to trying to lower operating costs, secure a stable supply of raw materials, and reverse-engineering and improving pieces of equipment to keep the production going.

37 It took Shimomura about two years to start getting hard coke from a mix of local bituminous coal (40 % to 60 % carbon content) and imported anthracite coal (90 % carbon content). But he could not consider this a success because the process still depended on imported coal, albeit less of it. It took several more years of experimentation before he was able to develop a protocol for obtaining hard coke exclusively from local coal.71 By 1904, Shimomura had devised a procedure that dispensed with the use of imported anthracite coal and enabled coking of domestic high volatile – content coke without imported high-quality coal. Perhaps the most interesting aspect of Shimomura’s innovation was that it had more to do with the preparatory phase than with the actual coking in the ovens. There are two elements that were crucial to the success of the procedure : 1) Shimomura’s decision, in preparing coal for coking, to grind before washing, and 2) the decision to coke specific coal mixtures in two steps instead of one, as was the norm of the day.

38 Of the two innovations, the former, namely grinding before washing, was the more controversial at the time. Early in the process of setting up the coking plant at the Osaka Chemical Works, Shimomura insisted on reversing the usual order of preparing coal for coking. He was warned by the Sheffield engineers from whom he bought coal- washing equipment that it was inadvisable and even “suicidal to grind this material before washing.” If he “wish [ed] to be successful,” they warned, he “must wash first and grind afterwards.” They even threatened not to send the equipment if he planned to use it in such a way.72 There was good reason for their misgivings about Shimomura’s idea. The mixture of different sizes of coal allows a freer passage of water and prevents production of coal too fine to coke, not to mention requiring less time, labor, and water for the washing.73 While Shimomura knew all the arguments in favor of washing before grinding, he also knew that the kind of coal he wished to coke could benefit from any method of impurity elimination, no matter how outlandish it sounded in Sheffield.

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Grinding coal and thus physically breaking down its structure was a way to disrupt the impurities as well and literally try to wash some of them away before coking. In terms of labor hours and water use (and waste water created in the process), this was not the optimal way of preparing the coal for coking. But in terms of the geological equation Shimomura had to solve, it was perhaps one of the best solutions given his constraints (the poor quality of the coal) on the one hand and available resources on the other (the availability of water and relatively low costs of unskilled labor).

39 The second innovation, known and later patented as the Shimomura Procedure, was a protocol for mixing coal with semi-coke or X-coal, as Shimomura called it, instead of the commonly used anthracite. The principle of the process consisted in coking high volatile coals at 400° to 600°C, thus obtaining X-Coal, mixing it with high volatile coal in a proportion ranging from 15 % to 40 %, and then proceeding to coke that in the usual way.74 The advantage of using semi-coke was that it could be produced by coking highly bituminous Japanese coal and could substitute for the imported anthracite coal. Although Shimomura’s procedure made getting the final product a longer, two-step operation, its importance lay in that it was a technology that was operational solely using natural resources available on the archipelago itself, if necessary. This was of particular symbolic importance in the late 1890s and early 1900s due to the strong impulse to self-sufficiency driving the second wave of Japan’s industrialization.75 Therefore, technologies such as Shimomura’s were as much appreciated as they were rare ; they were both homegrown and reliant on locally available raw materials.76 At a political moment when the supply of raw materials (coal and iron ore) was far from secure and stable, this technology held a promise of energy self-sufficiency, albeit an economically and environmentally costly one.

The making of an industry

40 Similar to Ernest Solvay’s interest in innovation in coking technology, a large part of Toyama’s incentive for setting up his Osaka plant lay in the commercialization of the byproducts. The production of coke was a long-term goal, and devising a way of reaching it was made possible by the profits from the sale of byproducts. Thus Shimomura’s principal job was increasing recuperation rates to enable the financial viability of the enterprise and allow him to pursue his interest in coke. It was his goal to produce metallurgical-grade coke without having to use imported coal that would become the trademark of his early career at Osaka Gas (1897-1905). In 1905, the combination of these two lines of work—byproducts and coke—brought him to the attention of General Nakamura Yûjiro (1852-1928), the head of the deeply-troubled government-run iron and steel venture, the Yawata Steel Works (Yawata seitetsujô).77

41 While small-scale efforts to modernize iron and steel production in Japan can be documented beginning in the final decades of the Tokugawa period (1600-1868), it was only after the Sino-Japanese war (1894-95) that the sense of urgency and influx of capital from war indemnities enabled the launch of a sustained effort in that direction. By the provisions of the Treaty of Shimonoseki (known in China as the Treaty of Maguan), the Qing Empire was to pay to Japan a sum of 200 million taels of silver (some 7,400 tons) as war indemnities. This sizable capital (amounting to 2.3 times the annual expenditures of Japan) enabled the allocation of 4 million yen for the building of a government-owned iron and steel plant.78 The estimate was based on an earlier

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proposal by Noro Kageyoshi (1854-1923), a metallurgy professor at the Imperial University of Tokyo, with a goal of the annual production of some 60,000 tons of steel. Between the approval by the Diet in 1895 and that establishment of Yawata as a legal entity a year later, however, Noro was implicated in a scandal that resulted in his being stripped of all public functions, including the advisory one in Yawata project.79

42 The implications for the plant proved significant. Noro’s initial plan included a mix- and-match of equipment from different suppliers, including two Bessemer converters, four Siemens Martin open furnaces, six puddlers and one crucible furnace. His successor, Ôshima Michitarô (1860-1921), changed both the scale and the specifications of the equipment. With the backing of his father’s reputation as Japan’s pioneering metallurgist and his own credentials as a German-educated metallurgist, Ôshima was given a free hand in choosing Yawata’s technological partner. His choice fell on a single company—Gutehoffnungshütte A.G. (GHH)—that was to provide a ready-made solution for Japan’s first iron and steel mill. While Noro’s specifications were home-grown and involved starting a small plant before expanding it, Ôshima’s idea was to leave the design and installation largely in the hands of the GHH engineers, doubling the size of the original plant, and hiring a team of German engineers and foremen to lead the installation. For a number of reasons, the cooperation between Japanese and German engineers and workers was less than amicable. Just to what extent things went sour is clear from the fact that the majority of the Germans, including the Chief Engineer, Gustav Toppe, were dismissed before the end of their contracts, and one of the dozen Germans disappeared under what seemed to be mysterious circumstances.80 By the time of the first blow-in, in February 1901, only three German workers remained onsite.

43 Since the operation was an integrated iron and steel – making plant, its steel production was done in two steps. First the oxygen was removed from the iron ore in a blast furnace (iron ore reduction) turning it into molten pig iron. Poured out of the blast furnace, pig iron was then oxidized to remove a large portion of the carbon, thus making it into steel. In November 1901, the Imperial Yawata Steel Works were inaugurated in a solemn ceremony. But despite the initial enthusiasm, igniting the furnace was far easier than keeping it in continuous operation. Despite its high-end design, the furnace was considered to have performed poorly because the pig iron coming out of it was not suitable for steel production. While the quality of iron ore had something to do with the poor results, Noro concluded that one of the major problems was the poor quality of the coke used in smelting.81 One of most damaging technological consequences of the use of substandard fuel was that it was unlikely to produce temperatures high enough to yield a molten pig-iron mass. As a consequence, instead of flowing out of the oven in a molten state, heated iron lumps would harden on the walls of the blast furnace. This meant a complete interruption of the production, cooling down of the oven, and replacement of the blocked pipes and lower parts of the oven—a long and costly process.

44 Newly-found documentary evidence dating from 1898 shows that long before the coke became a major cause of a halt in production in 1902, Yawata engineers were well aware of the gravity of the problem.82 Yet they were unable to bring their point across so that the allocations would be made to build a top-of-the-line coking plant to go along the high-end blast furnaces. Instead, until 1905, Yawata kept focusing on improving the design of the blast furnaces and neglecting the coking facilities, entering a vicious

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circle of bad coke causing damage to the furnaces and more money going to their repair instead of addressing the root cause of the damage.

45 After production came to a standstill in April, 1902, General Nakamura was appointed Yawata’s new director, and the beginning of his tenure was marked by a series of drastic measures that included the suspension of all attempts to blow-in the blast furnace, dismissal of the majority of employees, including top management personnel Chief Engineer Ôshima and W. Neuhauser, one of the two German foremen at the blast furnace, two years before the end of his contract. This meant that Noro’s student Hattori Susumu (1865-1940) and seven German foremen were left to restart the production and build a second blast furnace. Shortly after, with the scandal that had cost him his position several years earlier largely forgotten, Noro Kageyoshi was brought to Yawata to help with the revival efforts. Although he clearly identified the lack of good-quality coke as a major technical reason for Yawata’s crisis, his experience in that field was limited. While he was able to improve the design of the first blast furnace and help Hattori to build the second blast furnace with minimal help from two German foremen, he was unable to offer a practical solution to the coke problem.

46 By March 1904, Japan was at war with Russia, a major military engagement, and the second blast furnace at Yawata was ready for blow-in, but the existing in-house coking facilities were still performing poorly. Aware that without good coke, the second blast furnace would share the fate of the first, Nakamura embarked on an inspection of coking facilities in the country. In early 1904, during a visit to the Osaka Chemical Works, he met Shimomura, a man who seemed capable of helping Yawata. Nakamura had good reasons to be interested in Shimomura as much as to be suspicious of him. On the one hand, by this time Shimomura had the experience—unique in Japan—of setting up and running a byproduct coking plant. Not only could he set up a production protocol for obtaining blast-furnace grade coke, but he could also help Yawata collect and commercialize coal tar, one of the byproducts of coking and an indispensable ingredient for much-needed coal briquettes used as naval fuel.83

47 However, Shimomura must have struck Nakamura as an odd, if not suspicious, figure for at least two reasons. First, he was very different from other engineers Nakamura interacted with at Yawata or those he would later meet in Manchuria. During Nakamura’s time at Yawata, virtually all the engineers for whom data is available were graduates of the University of Tokyo’s Science Department, the Kôbudaigakkô (the College of Engineering and Technology), today’s Faculty of Engineering, which was founded in 1877. Those who, like Noro, graduated in the 1880s had studied under the Kôbudaigakkô’s foreign experts, who had been hired to teach and train future Japanese faculty, and they often logged years of study abroad. Noro himself spent seven years studying mechanical and electrical engineering at the University of London and metallurgy at Freiberg University of Mining and Technology in Germany. The following generation, represented at Yawata by Hattori Susumu, the head of the blast furnace division at the time of the coke crisis, was less likely to have been abroad and more likely to come to Yawata straight from their Tokyo classrooms. Shimomura was not a graduate of the University of Tokyo nor was he connected to it in any way. Seven years younger than Noro, Shimomura had a profile and career with little in common with Noro’s or with that of most Yawata engineers ; he was in many ways an outsider.

48 Second, Shimomura was very likely the only practicing Protestant Christian with whom Nakamura dealt professionally, since Christians were virtually absent from high Army

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echelons. At the time the two met, Shimomura was the president of his alma mater, Dôshisha, a church member, and the leading pastor of the college’s congregation. In the late-Meiji mindset, Christians could hardly be patriots since their loyalties were suspect. According to the stereotypical view, they bowed to Jesus instead of the emperor and had perhaps too close ties with foreigners. In today’s vocabulary, one might say that, from Nakamura’s perspective, Shimomura was not the ideal candidate for a security clearance and full access to one of the country’s major military facilities. Yet it was precisely Shimomura’s identity and itinerary as an outsider to the nation’s science and technology mainstream that facilitated his acquisition of the technological know-how that would turn out to be game-changing for the Imperial Steel Works and propel Nakamura’s career. This acknowledgement that he gained as the man who brought Yawata from ruin to profitability would contribute to his future political career. In 1914, when Yawata was profitable, Nakamura was appointed Director of the South Manchurian Railroad (a conglomerate that coordinated Japanese penetration into Manchuria) which was a major promotion and a stepping-stone into big-league politics.

49 Shimomura’s expertise outweighed Nakamura’s possible suspicions, and in 1905 Shimomura helped put in an order for 75 coke ovens for Yawata. In 1906 he made several trips to Kyûshû to install the ovens and train the engineers and foremen in operating them. The first half of the total of 150 ovens was installed in November 1906, while the rest were put in operation between 1907 and 1909. As noted above, the key element in coking local coal and getting metallurgical-grade coke lay not in learning how to use the ovens themselves but in mastering the art of preparing and mixing the coal. One of Shimomura’s brightest students was the young Kuroda Taizô (1883-1961). Born in Osaka, twenty-two years old and only half of Shimomura’s age at the time, he was a recent graduate of the Imperial University of Tokyo’s School of Engineering. Hired a few months before Shimomura was brought to consult at Yawata, he was seemingly a fast learner and soon became Yawata’s foremost coke expert.84

50 With Shimomura’s procedure in place and the Semet-Solvay ovens operating, Yawata had finally obtained the coke it needed to start efficient operation. A year after the planned coking plant was installed in 1909, Yawata registered its first profits, and Shimomura, uninterested in moving to Yawata, could return to his research in byproduct chemistry. On the evening of August 14, 1914, however, there was an explosion in his private laboratory in Kyoto, and Shimomura suffered burns to his hands and face, severely damaging his eyesight. The explosion took place just as Japan was heading into a conflict against Germany. Only a few hours before Shimomura went into his laboratory on that evening, Japan had issued an ultimatum to Germany to remove all its soldiers and armed vessels from Japanese waters and to deliver to Japanese authorities the Kiaochau concession (Jiaozhou Bay), a recently acquired 552 km2 German foothold in northern China. Most agreed that this ultimatum would lead to Japan’s entry into what was becoming a major global conflict.

51 For a Japanese chemist like Shimomura, impending war with Germany had one significant implication : imports of dyestuffs were going to be interrupted at the time when 90 % of synthetic dyes used in textile and related industries were imported from Germany. As a chemist, Shimomura was well aware that war with Germany would thus mean an interrupted supply of synthetic dyes from Germany and “a dyestuff famine.”85 Synthetic dyestuff were an essential component of Japan’s textile industry, the

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country’s premier export. Thus, the Japanese ultimatum would mean an economic crisis by practically halting textile exports. Shimomura went into his private laboratory that Sunday to try to reproduce an experiment he noted during his time at Johns Hopkins, fifteen years before, and which he hoped could help to synthesize a black dye. 86 It was during this attempt that an explosion took place. Although his eyesight partially recovered and he was able to continue his career as the Managing Director of the Osaka Chemical Works, the accident forced his research career into quieter waters. He continued being an important player in the chemical industry while occupying positions at the Japanese Dyestuff Company and the Japanese Wood-preservation Company. He also went on to publish a collection of poems, a book of philosophical reflections on the human soul, and an autobiography.

Conclusion

52 From the outline of his personal and professional itinerary, it is clear that as a chemical engineer Shimomura was both exceptional and marginal. At the same time, Shimomura’s life, travels, and work are of interest precisely because they can help add nuance to our understanding of the emergence of the engineering profession, the public-private cooperation in late-Meiji heavy industry, and the place of technological innovation in the study of Japanese industrialization.87

53 In existing studies on the emergence of the specific category of an engineer, careful attention has been given to the difficulty of studying the subject due to a confusion in terminology used. In particular, the term “engineer” or gishi rarely appears in company records until 1905. When it does, it can figure as a category in civil-service ranking and not necessarily designate a person with technical qualifications. Thus, analyses hinge on the close examination of a number of generic terms, such as shokutaku, joshu, yatoi, or gitei, used to designate a person whose job description requires some level of technical training. Regardless of the terms used, current consensus is that most technicians were trained on the job or in technical schools organized in connection with large industrial complexes.88 A minority of technically-trained men and a majority of those we could comfortably call engineers had diplomas from the Imperial Universities. I would like to suggest that Shimomura’s career and itinerary reveals a need to broaden this typology and that there may have been different kinds of engineers, notably those trained at a high level but outside the Imperial University network, who worked toward Meiji industrial development. This opens the question of whether, although less visible in the archives, engineers educated at small private colleges and/or trained abroad may have been just as creative and productive as their counterparts trained in Tokyo, and later Kyoto.

54 This leads to the second important question that Shimomura’s career raises. Up until the 1990s, small and medium-size companies were considered as a residue or vestiges of the feudal economy. With the pioneering work of economists such as Sawai Minoru and Suzuki Jun, small and middle-size enterprises emerged as active and important elements of Japanese industrialization, the spiritus movens of a dynamic private sector.89 Regardless of its aspirations and later development, during the late Meiji period, Osaka Chemical Works was one of those medium-size companies. What Shimomura’s itinerary reveals is that not only were small and medium-size companies important ingredients of economic growth but that they were also important sites of technological

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innovation. This is not a point of minor importance. In theory, knowledge of the latest development in byproduct coking existed at both Osaka Chemical Works and at Yawata. In practice, it was the much smaller Osaka Chemical Works that invested in bringing the technology to Japan and building expertise. This required adapting the technology to the local raw materials—a complex, expensive and lengthy project. Once Shimomura developed a coking protocol that enabled the use of Semet-Solvay ovens with local Kyûshû coal in a medium-size, private venture, the state-run Yawata Steel Works absorbed the technology, albeit with next to no acknowledgement of either Shimomura’s role or that of the Osaka Chemical Works. I would like to suggest that this episode opens the question of the role of small and medium-size companies in technological innovation, as distinct from the overall economic growth, that characterized Meiji industrialization.

55 Finally, Shimomura’s innovations are an excellent example of the changes that technical knowledge undergoes in the process of circulation. His career shows that the notion of technology transfer conceived of merely as a mechanical transplantation from place A to place B is simplistic. The circulation of technological expertise does not simply rely on reproduction but depends in great measure on innovation. Shimomura’s effort to bring byproduct coking technology from Belgium to Japan depended as much on him learning its rules in Brussels as it did on his figuring out a way to adapt those same rules in order to accommodate a local configuration of resources. In that, the attempt to coke Japanese coal in the Semet-Solvay ovens, unsucessful at first because the ovens were designed to coke a different kind of coal, is not very different, for example, from the failure of a French-made Gasogen device to function in Costa Rica because it was fed a different kind of wood.90 This story suggests that in Meiji Japan, too, complex technological systems could not be simply plugged in but had to be redesigned before they could even begin to be reasonably workable. This in turn suggests that, upon closer inspection, the importation of technology in Japan, as elsewhere, has been coupled with more innovation than Meiji oligarchs and bureaucratcs would lead us to believe.

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APPENDIXES

Glossary

Chôchû 長州 chûtetsu 鋳鉄 Dôshisha 同志社 difang zhi 地方志 Edo 江戸 fukoku kyôhei 富国強兵 Fukui 福井 Gakkotô 学校党 gishi 技師 gitei 技手 Hakkenden 八犬伝 Hattori Susumu 服部進 Higo 肥後 Hizen 肥前 Hosokawa 細川 Jishûkan 時習館 Jitsugaku 実学 Jitsugakutô 実学党

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joshu 助手 Kiaochau (Jiaozhou) 胶州 kirishitan bateren hon キリシタン バテレン本 kirishitan bateren キリシタン バテレン kirisutan bateren キリスタン バテレン Kôbudaigakkô 工部大学校 kôki 好機 koku 石 Kokuze sanron 国是三論 kôtetsu 鋼鉄 Kumamoto bando 熊本バンド Kumamoto yôgakko 熊本洋学校 Kumamoto 熊本 Kuroda Taizô 黒田泰造 Kyoto 京都 Kyûshû 九州 Maguan (Treaty of) 马関条約 Matsudaira Shungaku 松平春嶽 Matsukata Masayoshi 松方正義 Meiji 明治 Morita 森田 Nakamura Yûjiro 中村雄次郎 Niijima Jô 新島襄, Noro Kageyoshi 野呂景義 Osaka 大阪 Ôshima Michitarô 大島道太郎 rentetsu 錬鉄 rônin 浪人 Sakuma Shôzan 佐久間 象山 Satsuma 薩摩 Sawai Minoru 沢井実 Sensei 先生 Shimomura Kôtarô 下村孝太郎 Shimonoseki 下関 shokutaku 嘱託 sonno jôi 尊皇攘夷 Suzuki Jun 鈴木淳 Takezaki Sadô 竹崎茶堂 Takizawa Bakin 滝沢馬琴 tetsu 鉄 Tokugawa 徳川 Tokutomi Ikkei 徳富一敬 Tokyo 東京 Tosa 土佐 Toyama Shûzô Tôyô no dôtoku, seiyô no gakugei 東洋の道徳西洋の学芸 tozama 外様 Wakon yôsai 和魂洋才

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wasan 和算 yatoi 雇 Yawata seitetsujô 八幡製鉄所 yôgaku 洋学 Yokoi Shônan 横井小楠 yôsan 洋算

NOTES

2. All Japanese names in this article are listed in their customary order in which surname precedes the given name. 3. English-language studies on Shimomura Kôtarô are non-existent and those in Japanese are scarce. See Shimao 1975 : 4-10, Shimao 1991 : 197-210, and Shimao 2002 : 102-109. 4. ICCM (Itinéraires individuels et circulation des savoirs scientifiques et techniques en Chine moderne, XVIe-XXe siècle) ANR-09-SSOC-004. 5. Pauer 2013. 6. For an introduction to Shimomura’s ideas on faith and science, see Kobiljski 2014 (forthcoming). 7. See the extended discussion the Yawata Steel Works below. 8. See Feng and Shao 1994, Gyatso 1998, Bretelle-Establet 2009, Bouquet 2007, and Travers 2009. 9. Passeron 1990 : 6. 10. For a classic examination of the industrialization of Japan from the perspective of the history of technology, with special emphasis on technological innovation and its actors, see Nakaoka 2006. For a recent study of technical education and professionalization, see Sawai 2012. 11. Revel 1996 : 7-36. 12. Discussion of Yokoi’s ideas in English can be found in Harootunian 1970. For an English translation of Shonan’s Kokuze sanron, his seminal 1860 tract, see Miyauchi 1968. 13. Strictly speaking, the Kokuze sanron was written down by one of Yokoi’s students during his stay in Fukui domain where he was invited by its lord Matsudaira Shungaku (1828-1890) to teach. Therefore, it consists of a text based on lecture notes followed by questions and answers. 14. For Yokoi’s legacy in the Kumamoto School of Western Learning, I used a classic biography of Yokoi in Japanese ; see Yamazaki 1938. See also Notehelfer 1985. 15. For an English-language account of Janes’stay in Japan, see Janes 1970. For a synthetic historical account of Janes’teaching years in Japan, see Notehelfer 1985 : 130-178. For a Japanese- language account of the experience of his students in his classroom see, for example, Ebina, 1935. 16. This was a Meiji version of a late-Tokugawa period slogan Tôyô no dôtoku, seiyô no gakugei or “Eastern ethics and Western Science” popularized by Sakuma Shôzan (1811-1864). Although reformulated and widely used in the early Meiji period, this slogan was used well into the twentieth century. See, among others, Mizuno, 2008 : 57. 17. Details on the tasks of the school and desired qualifications of the foreign teachers to be hired at the Kumamoto School of Western Learning are outlined in Higo han kokuji shiryô 1932 : 691-3. 18. Sensei is a noun designating a teacher, a professor, or in certain cases religious dignitaries and is obligatorily used to address them or refer to them. 19. This was not surprising in view of the official governmental ban on Christianity in Japan that was still in effect when Janes arrived in 1871 and in light of Kumamoto’s staunch anti-Christian atmosphere, which persisted even after the ban was lifted in 1872. Although liberal on the question of opening Japan to the world, even proponents of practical learning were anti- Christian. In his autobiography, Shimomura recalls the school principal using the term kirisutan

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bateren, more commonly given as kirishitan bateren, a derogatory designation for Christianity in the Tokugawa period. Some of the students used the same designation. The word bateren comes from the Portuguese for a Catholic priest, padre. See Shimomura 1931 : 6, 10. 20. Ibid. : 8-9. 21. For an analysis of the different shades of Janes’Christianity and how it changed during his Kumamoto years, see Notehelfer 1985 : 179-209. 22. Even the Kumamoto students’later embrace of Christianity did not entail a complete rejection of Confucianism. Rather, it marked the beginning of another stage of grafting a version of Protestant values onto a late Edo – period inflection of Neo-Confucian ethics that was characteristic of early Meiji Christians. For an analysis of one of Janes’student’s life-long blending of Confucianism and Christianity, see Ballhatchet 1988. 23. As cited in Notehelfer 1985 : 181, from the now apparently lost Fukunaga 1893 : 82. 24. Some mission historians have subsequently suggested that Janes was sent by a missionary organization ; see Andersen 1999 : 327. The attempts to claim him as a missionary are grossly inaccurate. After being dismissed from his teaching position in Kumamoto, when Janes wanted to become a missionary, the American Board of Commissioners for Foreign Missions (ABCFM) rejected the idea, despite the unanimous support of their missionaries stationed in Japan. See Notehelfer 1985 : 210-217. 25. Hearn to Chamberlain, January 19, 1893, in Hearn 1922 : vol. 15, 359. 26. Notehlefer 1985 : 192. 27. On the Japanese mathematics tradition referred to as wasan, see Horiuchi 2010 : esp. xix-xxvii, on the scope of the term. 28. Kozaki 1933 : 35-36. 29. Following common practice, I translate the late Tokugawa period slogan sonno jôi as “Revere the emperor and repel the barbarians.” Jôi is ocasionally translated as “expel foreigners” because the more neutral “foreigner” better suits contemporary sensibilities of political correctness. I use the term “barbarian” because it conveys the sensibility of the period. 30. Notehelfer 1985 : 104, 149. 31. Its virtually impossible to identify precisely which book it was. 32. Shimomura 1931 : 6. 33. Shimomura refers to a woodblock-print edition of the Gospel of Matthew, which was likely Hepburn’s translation, printed in 1873 ; see Cohen 2013 : 30-41. 34. Kiristosha retsuden : shinkô sanjûnen 1921 : 56. 35. My estimate is based on a register of students transcribed by an unknown author and found in the Kumamoto Prefectural Library, Archive section, call no. 0112610. 36. Shimomura 1931 : 7. 37. Shimomura 1931 : 8. 38. Dôshisha circular 1885. Faculty records for 1882/3 and 1883/4 show that his teaching load was very varied. See Dôshisha Faculty Records 1879-1895 (2004) : 36-55. The mention of Shimomura teaching Japanese rhetoric is from Abe Isoo’s diary entry for January 10, 1884. See Abe 2009 : 74. 39. Sôritsuki no Dôshisha : sotsugyôseitachi no kaisorokoku 1986 : 26. 40. Ibid. 41. Abe diary entry for September 28, 1883, reads : “At 4 p.m., went to Mr. Shimomura’s house to take the exam in the History of Western Civilization.” See Abe 2009 : 66. 42. Abe diary entry for August 5, 1884 ; see Abe 2009 : 68-69. 43. For a self-definition of their aspiration to be men of education, see Shimomura Kôtarô, The Aim of My Life. 44. Abe diary entry for August 5, 1884 ; see Abe 2009 : 68-69. 45. Shimomura, Kôtarô to Jô Niijima, Kyoto, 9 September, 1884, in Niijima Jô ate eibun shomotsu 2007 : 265.

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46. Ibid., 266. 47. Ibid., 267. 48. Homer T. Fuller, “Kotaro M. Shimomura,” The Journal of the Worcester Polytechnic Institute 7 (1903-1904) : 312 ; The Log, 64 (Worcester Polytechnic Institute Archive). 49. The Ferdinand Hamburger Archives of The Johns Hopkins University, Baltimore, Maryland ; Record Group 13.010, subgroup 1, series 2 [Kotaro Shimomura]. 50. Warner 2008. 51. Shimomura to Niijima. April 15, 1888. See Nijiima Jô eibun shomotsu 2007 : 605. 52. Ibid. : 646. 53. Dôshisha hyakunenshi vol. 1. 1979 : 373 ; Shimomura to Niijima, May 20, 1889, Nijiima Jô eibun shomotsu 2007 : 695 ; August 25, 1889, ibid. : 716. 54. Dôshisha hyakunenshi vol. 1. 1979 : 373-375. 55. Shimomura to Niijima, May 20, 1889. See Nijiima Jô eibun shomotsu 2007 : 694 ; August 15, 1889, ibid. : 716 ; emphasis in the original. 56. Shimomura to Niijima, August 15, 1889 ; and see Shimomura to Niijima, May 20, 1889. And see Nijiima Jô eibun shomotsu 2007 : 694. 57. For English sources on the rise of industrial Osaka, see Sawai 1999 and Mosk 2001. 58. The encounter is briefly mentioned in Shimomura 1925 : 3 59. Shimao 1991 : 199. 60. For the place of Solvay & Cie in the context of the Belgian chemical industry and for a sketch of its early history, see Bertrams 2013 ; 65-97. For the overall importance of Belgium in the global chemical industry, see Haber 1971. 61. For a detailed technical description of both processes in contemporaneous coking manuals, see Fulton 1895 : 92-229. 62. For detailed description of the technique as it was practiced at the time, see Fulton 1895, and for a slightly later period, see Dixon 1939. 63. Bertrams 2013 : 59. 64. Ibid. 65. Burn 1961 : 204. 66. Designed by François Carves and patented in Britain in 1879 and in the US in 1883, the oven was designed as to collect some coal tar and ammonia emitted in the process of distillation. See : Specification forming part of Letters Patent no. 287,905, dated November 6, 1883, United States Patent Office. Accessible at www.google.com/patents/US287905. 67. Personnel files, Archives of the Solvay Corporate Secretariat, Brussels. 68. See references in the correspondence with the Hardy Patent Pick Co., Dôshisha University Archives, Shimomura Papers, G : Y-SK-6, folder 51. 69. Wittner 2008 : 1-18. 70. Four à Coke Semet-Solvay (1913) : 63, Archives of the Solvay Corporate Secretariat, Brussels. 71. Letter from Shimomura Kôtarô, Osaka, to William Kirkpatrick, Brussels, September 16, 1899 ; Dôshisha University Archives, Shimomura Papers, G : Y-SK-6, folder 51. 72. Letters from Hardy Patent Pick Co., Sheffield, to Shimomura Kôtarô, Osaka, September 1, 1898, and September 6, 1898 ; Dôshisha University Archives, Shimomura Papers, RG : Y-SK-6, folder 53. 73. Letter from Hardy Patent Pick Co., Sheffield, to Shimomura Kôtarô, Osaka, July 6, 1897 ; Dôshisha University Archives, Shimomura Papers, folder 53. 74. Shimomura, Kôtarô. Shimomurashi sekitan teionkanryûhô—yûryô gaitan wo seizô (Shimomura Process of Low Temperature Carbonisation—Method of Producing Superior Coke). Dôshisha University Archives, Shimomura Papers, pamphlet, uncatalogued material, box 7 of 21. 75. The rough periodization of Japanese industrialization in four phases—1868-1912 (beginnings), 1912-1945 (rapid growth, further stimulated by the war effort between 1937 and 1945),

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1945-1970s (economic recovery), and 1980 to the present (period of de-industrialization)— is widely assumed to be axiomatic. See, for example, Gerteis 2013. There is still no consensus on the sub-periodization of Meiji industrialization (1868-1912). My use of the term “second wave” is an adaptation of Mosk’s “second long wave.” It refers to the period in which a capital-intensive massive industrial upswing, especially in the heavy-manufacturing sector, took place, becoming subsequently the driver of the Japan’s economic growth in the 1910s. 76. This is evident not only from the fact that it was patented in Japan, but also by the fact of its longevity. It features prominently in US occupation – period reports on Japanese industrial capacity written half a century later. Unfortunately, data on sales of the patent are unavailable for this period. For an example of treatment of the Shimomura Procedure in the US occupation – period reports, see General Headquarters Supreme Commander for the Allied Powers, Natural Resources Section, Low Temperature Carbonization of Coal in Japan, Report no. 74, April 16, 1947 ; Dôshisha University Archive, uncatalogued material, box 3 of 21. 77. Yawata is the placename for the plant’s location ; seitetsujô literally means “iron- manufacturing place.” The company name was commonly translated to English as either Yawata Steel or Yawata Steel Works and more rarely Yawata Iron and Steel Works. The rendering of the character tetsu as steel in this case is not a vestige of poor understanding of the ferrous metals typology. Rather, the character tetsu is used to signify ferrous metals as a family of materials. Thus, in the metallurgical terminology of the time it was used in compounds such as kôtetsu (steel), chûtetsu (cast iron), or rentetsu (wrought iron). 78. Yonekura 1994 : 37. 79. Noro’s biography is based on Sôritsu nanjûsyûnen kinenn nippon tekko kyokai 1982 : 169-177. 80. For a seminal study of German influence on early Yawata technology and a Japanese translation of German documents pertaining to this period, see Fukuokakenshi 1995 and 1998. For a summary see Mathias & Pauer 2004 : 730-746. 81. Noro 1915 : vol. 1, no. 8, 845-857 and vol. 1, no. 10, 1125-1138. 82. The private archive of Shimomura Kôtarô, discovered during my dissertation research in 2009, contains references to the 1898-1899 negotiations between Yawata Steel Works and Osaka Gas regarding the setting-up of a coking plant. These negotiations have previously gone unmentioned in any company history or analysis of the coke problem at Yawata. 83. Evans and Peattie 1997 : 66. 84. Kuroda 1912. 85. Hashimoto 2007 : 36. 86. Shimomura, Kôgyô rireki. 87. See, among others, Pauer 2013, Sawai 2012, Sawai 1998, Odaka and Sawai 1999, and Suzuki 1996. 88. For example, see Uchida 1974 ; Fukasaku 1992 : 57-78 ; and Sawai 2012. 89. See Sawai 1998, Odaka and Sawai 1999, and Suzuki 1996. 90. Akrich 1994 : 289-337.

ABSTRACTS

Using the career of the Japanese chemist and engineer Shimomura Kôtarô as its focus, this article explores the intersection of an individual itinerary and the beginnings of byproduct coking in

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Japan at the turn of the twentieth century. Trained in Japan and then in the United States, Shimomura adapted coking ovens designed to process coal extracted in Europe for processing Japanese coal, which had a higher volatile content. By analyzing the way in which knowledge and expertise of the manufacture of coke traveled, it can be shown that in this particular case the circulation of technology involved a significant degree of innovation. Based on recently discovered and hitherto unstudied archival material, this article seeks to raise the question of the place of engineers and innovation in Meiji period industrialization (1868-1912).

À travers la carrière du chimiste et ingénieur Shimomura Kôtarô, cet article explore l’intersection entre un itinéraire individuel et les début de la cokéfaction avec récupération des sous-produits au Japon au tournant du XXe siècle. Formé au Japon puis aux États-Unis, Shimomura a adapté au traitement du charbon japonais, à haute teneur volatile, des fours importés de Belgique, conçus pour traiter les charbons extraits en Europe. En analysant la manière dont les savoirs et l’expertise liés à la production du coke ont circulé, on peut montrer que dans ce cas précis le mouvement des techniques s’est accompagné d’une part significative d’innovation. Sur la base d’archives récemment découvertes et jusque-là inexploitées, cet article s’interroge également sur le rôle des ingénieurs et de l’innovation dans l’industrialisation de l’époque Meiji (1868-1912).

本文以化學家、工程師下村孝太郎的事業為切入點,探討個人遊歷與二十世紀初日本副產回 收煉焦的起步之間的關係。下村孝太郎先後在日本和美國求學。他改造了為歐洲煤所設計的 煉焦爐,使之適應揮發性物質含量更高的日本煤。通過分析焦炭生產的知識和專業技術的傳 播方式,作者指出,在下村的個案中,科技流動的過程很大程度上也是創新的過程。本文基 於新近發現、尚無人利用的檔案材料,討論工程師和創新在明治時期(1868-1912)工業化中 發揮的作用。

AUTHOR

ALEKSANDRA KOBILJSKI Boursière de la Fondation D. Kim au Needham Research Institute (Cambridge, Royaume-Uni), et chercheuse invitée à l’École des hautes études en sciences sociales (Paris). Ses principaux sujets de recherche sont l’histoire des techniques dans le Japon moderne, et les problèmes relevant de l’histoire mondiale dans l’histoire du Japon. Elle prépare actuellement un livre sur les notions de technologie et d’innovation à l’époque Meiji et l’influence de celles-ci sur l’industrialisation du Japon.

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IV. Regards extérieurs

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Revisiting Social Theory and History of Science in Early Modern South Asia and Colonial India Retour sur la théorie sociale et l’histoire des sciences de l’Asie du Sud de la première modernité et l’Inde coloniale 重估近代早期南亞與殖民地印度的社會理論和科學史

Dhruv Raina

1 The expansion of the history of sciences of the Asian regions has thrown up a number of historiographic challenges and openings for reconceptualising the field, the least of which today has to do with the expansion of the dominion of modern sciences following the voyages of discovery.1 As the essays in this volume testify, as do several other volumes,2 discussion has ranged between the distinct sciences and technological practices of the Asian region and within the region as much as between so called “modern (Western) science” and the so-called “traditional sciences,” though both terms within quotation marks have been extensively problematised.

2 As Catherine Jami’s introductory remarks suggest, the historiographic turn inaugurated by Joseph Needham’s Science and Civilisation in China project3 played a central role in “catalysing” research in the Asian sciences in the form of a renewal extending from Japan to Turkey and beyond. The widely prevalent frames of civilizations, united by the so-called classical languages and, much later, by culture and nation, dominated that initial phase of renewal and interrogation and provided the medium for the counter-narratives of the history of sciences of the first decades of decolonisation. Over the next three decades, a variety of cognitive and interdisciplinary movements have transformed that academic landscape and created a space for a shift in social theoretic emphasis.

3 The papers in this volume examine in detail the vocation of “itinerant savants” from East Asia in the transmission of scientific knowledge with very diverse motivations, contexts, and historical periods in mind. These itinerant savants, state officials, and missionaries, to borrow a term from The Brokered World, serve as “go-betweens”

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engaged in translating knowledge between two or more distinct worlds and traditions.4 These go-betweens were not just information carriers—we have long since abandoned any linear theory of translation—but co-creators of new knowledge, traditions, institutional practices who reworked organizational landscapes for the production of knowledge. In conformity with the spirit of the essays, I restrict my “regard extérieur” to the form of comments in comparative context. Not being a specialist of the Chinese, Japanese, or Korean histories of knowledge, my remarks are to be seen as jottings in the margin of the essays, highlighting what may have happened in a neighbouring Western world before the “West” itself shifted in the social imaginary of East Asia, underlining similarities and differences arising perhaps from similar processes unfolding in time but different contexts. And all along while discussing India or South Asia, the referent is a large geographical expanse that we are habituated to sweep into a civilizational or homogenous entity in a way that runs counter to the spirit of current historiographical trends. These contemporaneous jottings in the margin are inspired by the idea of histories being not only connected but also deeply entangled.5

4 While several interesting themes and historiographic apercus come up for discussion, some important themes could possibly become subjects for future discussions in a comparative perspective. The first has to do with the encounter between distinct or related knowledge systems in South Asia—ilm al hayá or jyotisha for astral sciences, unāni or āyurveda in medicine—separated by physical and political boundaries. In the circulation of knowledge, one form of system differentiation is reflected in centre- periphery relations produced between different knowledge – producing communities. While the framework is possibly appropriate to the study of the forms of legitimation and appropriation of knowledge in Japan or Korea and China, the framework works out differently in the Mughal Empire on the one hand and in what constituted its periphery, and colonial India and the metropolis of modern science in the 19th century on the other. In this last period, as Ian Inkster pointed out, the absence of political sovereignty is played out very differently in the circulation of knowledge when compared with 18th- and 19th-century Japan or China.6

5 This brings us to the related question of strategies of appropriation/assimilation of new knowledge and the associated strategy of legitimation. In the discussion that follows, in contrast with the case of the Japanese engineer Shimomura Kôtarô,7 I present the case of “engraftment” in mathematics education, both as an instance of legitimating new knowledge as well as an example of the technology of translation from the European mathematical tradition to the largely composite Indian one. In fact, the study on the Japanese engineer intersects most closely with the issues that surface in my own work. The second issue raised in Aleksandra Kobiljski’s paper is a larger question of the use of biographical material in the history of sciences. But, most importantly, each of the studies focuses on more or less itinerant intellectuals or individuals, some of whom were practicing scientists, state officials, travellers, merchants, and missionaries. Often enough, the itinerant’s or go-between’s creativity and capacity for innovation derive from the transformation into what Veblen would have called a “hyphenate… in the gentle republic of learning,” since she or he acquires that sceptical animus, the “ Unbefangenheit, release from the dead hand of conventional finality.”8 At a more systemic level, centre-periphery models have explained how distance from the centre plays itself out in idea hybridizations at the periphery in the absence of peer pressure.9

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The “knowledgescape” of Early Modern and Precolonial South Asia

6 The term “science” is employed as shorthand for the variety of constellations of knowledge dealing with the natural world, though not exclusively. In early modern South Asia, we cannot but encounter the connectedness between knowledge forms and practices from other regions of the world. But in this case, the intent is not so much to reiterate the Needhamian argument of how this connectedness prepared the ground for the rise of modern science itself, but on the contrary seeks to interrogate some of the premises on which the narratives of the modernity of science itself is constructed. In that sense, the newer historiographies seek to abandon overdeterminationist theories of history10 while at the same time conceptually pushing research on early modern South Asia or East Asia towards a revised social history of knowledge. However, while the papers in this volume observe a deep sensitivity to local context, my remarks for the sake of comparison in the first half will attempt to present a broad “knowledgescape”11 of early modern South Asia before the advent of colonialism and then very briefly substantiate a case of mathematics education during the colonial period in order to contrast the different modalities of “brokering” during the two periods.

7 The history of knowledge, like the history of sciences in South Asia, during the period of early modernity has for long been framed by a social theory now considered problematic. The scientific renaissance that swept Europe between the 16th and 18th centuries has been paradigmatic for writing these earlier histories of knowledge in South Asia. In these histories, a gigantic institutional and epistemological transformation characterized the world of knowledge in Europe. In contrast, the period in South Asia was more often than not portrayed as either a dark age or one of decline or stagnation, depending upon the historiographical orientation of the scholar concerned. These frames have since undergone a major revision both at the level of the social theory that underpins historiography and in terms of the historical material on which these narratives have been drawn up. While the issue of modernity has been central to discussions of science and knowledge in the modern world, this frame of modernity has structured the discussion of knowledge in South Asia. Colonialism was seen ambivalently as a force that rushed in to reverse the process of decline or stagnation that had set in over the centuries. The accent of postcolonial theory and history, on the other hand, has been to highlight the epistemological violence that colonial education inflicted in the transition from the South Asian epistemic orders to the Western one.12

8 However, a double error frequently marks both sides of the epistemic divide. On the one hand, while the exceptionalism of European modernity is often exaggerated, the newer histories of knowledge have begun to underscore the entangled, connected, and transcultural nature of both modernity and history. On the other hand, the accounts of indigenous knowledge overplay the nature of the indigenous and its lack of connection with the Western forms of knowledge—in fact, both standard accounts overplay civilizational exceptionalism. Over the last decade, studies on Sanskrit knowledge systems have begun to tell a different story of the world of knowledge in South Asia before colonialism, suggesting important areas of convergence with knowledge in the age of European modernity as well as significant points of departure.13 For one, the pre-

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colonial period is no longer considered a dark age or an age of stagnation characterised by the reproduction of the traditional order with little scope for innovation. This change in perspective occurred in two stages. In the first instance, historical studies from the 1970s disclosed how the 18th century was often portrayed as a century of political instability and decline—and then went on to undo this standard picture.14 In the decade that followed, as will be suggested, this idea was then extended into the preceding centuries. The new studies seem to suggest, on the other hand, that there was a South Asian modernity ; its beginnings are more or less concurrent with European modernity, and it may not be very difficult to argue that these modernities were connected or entangled.15 As in most other parts of the world, the region was marked by multiple and overlapping cosmological orders inscribed textually by the major language systems, namely the Sanskritic and the Persianate. In late antiquity, Pali, Prakrit, and Sanskrit were the languages of written communication. However, as we move into early modernity, besides the major languages of Sanskrit and Persian, a variety of vernacular languages ascend to the status of languages of literary communication, learning, and instruction.

9 In like manner, the world of learning in early modern South Asia presents not just a new intellectual order but also the proliferation of new literary genres and conceptual engagements with the past and what was considered to be the grand tradition. We are informed that the region was marked by the presence of at least three distinct scholarly communities.16 There were the cosmopolitan intellectuals who wrote in Sanskrit, which had been the language of scholarship in the sciences and social sciences for centuries just as Latin was in Europe. Similarly, there were intellectuals who wrote in Persian. Till recently, it was often thought that these two groups worked in relative isolation from each other. In fact, the underlying assumption was that within the Persianate order the Sanskrit cosmopolis was marginalised and possibly in a state of decline. Furthermore, the Islamic and Sanskritic orders were more or less separate spheres with little connection between them. Closer scrutiny reveals that the interaction between intellectuals of these two linguistic orders was far more frequent and deeper than is often thought. Medicine, astronomy, and philosophy were clearly constellations where there is ample evidence of the sociality of scholars belonging to the two orders, and the emergence of entangled and hybrid forms of knowledge is clearly evident. And finally, we have the vernacular intellectuals who wrote in more than a dozen regional languages on diverse subjects ranging from theology to hagiography, the practical arts such as medicine, and belles-lettres. And here, too, Pollock sees a striking parallel with Europe of the first half of the second millennium that witnessed a proliferation in literary production in the vernaculars.17

10 Consequently, rather than being seen an age of scholarly stagnation, the period from 1550 to 1750 is now considered as one of an intellectual renewal that Pollock considers “one of the most creative eras in Indian intellectual history.”18Across the disciplines we witness a renewed production of texts in vyākarana (grammar), mimāmsa (hermeneutics), nyāya (logic), dharmasāstra (traditional law), alankārasāstra (poetics or aesthetics), āyurveda (medicine), jyotisha (astral sciences), and ganita (mathematics). This renewal was witnessed along regional complexes extending over the subcontinent and further characterized by an increased production of texts in the disciplines just mentioned, obviously generated by a renewal within each of the said disciplines, which required the introduction of new conceptual categories and discursive practices. This

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meant that traditional problems came to be formulated in new ways and were expressed in new discursive styles and genres of scholarly writing.19

11 And, more recently, Jonardon Ganeri has been speaking of a lost age of reason more or less concurrent with the South Asian modernity that Pollock and others discuss.20 Just as the Dark Age is now problematised, so must the historiography of ages of decline and lost ages. Nevertheless, the transition from past forms of knowledge to the new forms of knowledge was not just about the organization or classification of knowledge but as much about the methods of producing it. The claim to novelty was justified on the grounds of greater coherence, economy, and explanatory ability. It is in this sense that Pollock and others begin to see the rise of an Indian modernity. For, as he writes : “If we accept the construction of modernity that takes it to be… a different mode of structuring temporality, whereby the continuous present of tradition gives way to a world in which the past and the future are discrete phenomena, a modernity of a certain sort must be said to confront us in 17th-century India.”21 There existed several modalities of coping with the arrival of a new ecumene on the Indian subcontinent that reveals itself to us in the variety of conversations across equally variegated disciplinary borders.

12 The circulation of knowledge between the Sanskrit and Arabic constellations of knowledge dates back at least to the 8th century AD. By the 12th and 13th century, Indian scholars probably learned to read Arabic texts from Persian scholars. Two areas of the astral sciences particularly benefited from the conversations that occurred between the two ecumenes. At the level of technical instruments used in astronomy, the astrolabe probably arrived in India in the 11th century, but it was only towards the end of the 14th century, during the reign of Firuz Shah Tughlaq (r. 1351-1388), that the production of astrolabes received a fillip in the subcontinent. Firuz Shah went on to encourage the publication of manuals in Persian and Sanskrit. Hindu and Jaina jyotisis responded enthusiastically to the introduction of the device that they referred to as the yantra raja (the king of instruments) and went on to produce a large number of manuals and devices with Sanskrit inscriptions on them that S. R. Sarma calls Sanskrit astrolabes. In the last millennium, between 1370 and the middle of the 19th century, the yantra raja was easily among the most enthusiastically received foreign devices or ideas among scholarly communities of pundits.22

13 Furthermore, testimony to the new conversations between the two orders was the invention of an astral science referred to as tājika.23 One of the first texts on tājika astronomy was the Tājikatantrasara (also called the Karmaprakasika, the Ganakabhusana, or the Manusyajataka). The text was probably written around 1388. For the first century and a half after its appearance, tājika was confined to that portion of the peninsula where Hindus, Muslims, and Jainas shared common commercial and intellectual interests. By the end of the 16th century, the influence of the Mughal Empire extended over the Western peninsula.24 Abdul Rahim Khan-i-Khanan (1556-1626), an important savant and official in the Mughal court, wrote a celebrated poem on tājika called the Khetakautuka, comprising 124 verses in Persian and Sanskrit. The Moghul court gradually acquired an interest in tājika. The Jyotisraja (chief astrologer) in Akbar’s (r. 1556-1605) court was Nilakantha, who composed a widely popular text called the Tājikanilakanthi. Nilakantha was also commissioned by Todaramalla25 to work on a Sanskrit encyclopaedia, the Todarananda, that he probably completed in 1587. The work was a compendium of all Sanskrit learning that preceded the age. However, the

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Tājikanilakanthi was introduced into the same region where Greek astrology had been introduced a millennium earlier. It reached all parts of India by the 17th century.26 The excitement over the new knowledge reflected in the texts produced indicates that pragmatic considerations prevailed over the preservation of tradition. Several textual stratagems were employed to legitimate the tājikatantra or the methods of tājika. There was a constant return to the dual origins of the subject, and a narrative of reincarnation was introduced to appropriate tājika within Sanskritic astronomy.27 These cross-cultural interactions were further reflected in the works of Siddhichandra, who was the interlocutor for Hindawi culture for the great Persian litterateur and historian in Akbar’s court, Abu Fazl (1551-1602). Siddhichandra later became a teacher of Akbar’s sons, for whom he recited poetry in Persian. These exchanges between the two traditions continued during the centuries of Mughal rule. In the late 17th century, the Maharastrian Hindu litterateur and renunciant Kavichandra Sarasvati, was an intimate of Dānishmand Khan, Moghul courtier and companion of François Bernier (1625-1668), who translated Descartes into Persian—whether this translation was further transmitted is still an open question.28

14 The decline of the Mughal Empire had set in during the late 17th century when it encountered the limits of its economic and territorial expansion. Interestingly enough, its greatest failure, according to some, was the inability to innovate in the scientific, intellectual, and technical fields. But this view leans heavily on a remark of François Bernier, who writes that the Mughals made few attempts to reach out to the variety of developments of Western science and technology, and that their sole preoccupation was restricted in significant ways to artillery. By the early decades of the 18th century, Delhi was still the seat and capital of the Mughal Empire, whose dominion was rapidly shrinking.29 But as far as cultural life was concerned, it was a period of brilliance. The 18th century was witness to a resurgence in painting, musicology, and literature—in fact the golden age of Urdu literature more or less commences in the middle of the 18th century, as prose simultaneously begins to coruscate as a new literary genre in the several vernaculars. This naturally led Panikkar to pose the question whether empire was any longer necessary for a cultural efflorescence. The decline of the Mughal Empire was not necessarily accompanied by a decline of the domestic economy till the middle of the 18th century. This is explained by the mushrooming of new regional states where new centres of economic growth flourished. During the phase extending from 1740 to 1760—one of growing anarchy—poets, artists, writers, and the well-to-do citizenry left Delhi in search of patronage and refuge in the provincial capitals.30 As the empire declined, musicians, poets, and litterateurs moved to kingdoms at the periphery of empire seeking new patrons and establishing new schools and traditions. Consequently, the provincial capitals, infused with new ideas and styles, became centres of renewal and innovation.31

15 Historians of science and technology have since contested the notion of the decline of the sciences in late-medieval and early-modern India. On the contrary, the eclipse of the knowledge systems and ecumenes of the subcontinent is now located in the politics of colonialism and the substitution of several coexisting epistemic regimes by another. 32 Internal structural contradictions that triggered the decline of the Mughal Empire led to the decline and withdrawal of state patronage of scholarly activity. While the Mughal Empire declined, the astronomer-king Jai Singh’s (r. 1699-1743) dominion expanded territorially during the first half of the 18th century, located as it was along

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crucial trade routes. It could be reasonably suggested that Jai Singh and other rulers were inspired by the cosmopolitan practices of Mughal predecessors.

16 As a scholar and student of mathematics and astronomy, Jai Singh was driven by a passion to build a number of astronomical observatories. He went on to design and build a new city at the base of a hill on which stood the traditional dynastic palace and fortress. The modern city of Jaipur, also the new capital of the Amber dynasty, was geometrically planned, with streets broad enough to accommodate a procession of six elephants across—clearly a symbolic display of his imperial power.33 The city was built on entirely new lines and was unlike anything that preceded it ; and scholars often see in its geometrical design a reflection of Jai Singh’s mathematical disposition. As a ruler and administrator, he was endowed with a far more cosmopolitan ethos, which has led historians of another generation to make of him a visionary prefiguring a conception of a composite religious and cultural Indian state. We get a flavour of this cosmopolitanism when we examine his astronomical project, which in its own times was possibly among the largest projects undertaken in that century, not just on the subcontinent but anywhere. From a purely astronomical point of view, Jai Singh’s greatest contribution comes from the importance accorded to observational astronomy evident in the masonry observatories that he supported and for which he designed some instruments. In addition, he contributed towards authoring a treatise in Persian, the Zij-i-Muhammad Shahi, which in a qualified way was positioned within the Islamic tradition of zij astronomy, whose genealogy is traced back to the work of Ulugh Beg (1394-1449). This aspect of Jai Singh’s immediate astronomical projects is noteworthy.34 In addition to which, he was also acquainted and engaged with the work of the French mathematician and astronomer Philippe de la Hire (1640-1718). While grounded in jyotisha-vidyā (knowledge of astronomy and astrology in Sanskrit), his familiarity with Greco-Arabic ilm al hayá was substantial enough to prompt him to refine Ulugh Beg’s tables, a task for which he would seek resources from within European astronomy as well. In short, one of the objectives of this project in astronomy was to consolidate his appreciation of the development of the astronomy of his times—whether Asian or European.35 Furthermore, as just pointed out, he designed new astronomical instruments in order to improve the accuracy of his measuring devices. This entailed the construction of five mammoth observatories across northern India. The previous two goals were subordinate to the overarching objective, which was to compile an accurate set of astronomical tables in order to correctly predict eclipses and introduce major calendar reform.

17 In addition to this astronomical activity, he supported an immense project in the translation of Ptolemy and Euclid into Sanskrit and Persian. He actively sought European contacts and enrolled some of them into his project. Jai Singh’s first exposure to the new developments in the sciences was through the Jesuit Superior in Goa, the Portuguese Manuel de Figuereido, who visited his court in Jaipur in 1728. He succeeded in arousing Jai Singh’s interest and led a delegation of Jai Singh’s scholars to Lisbon. The delegation is reported to have returned to Jaipur in 1730 with the tables of Philippe de la Hire and John Flamsteed (1646-1719). Xavier da Silva, a recognised astronomer and physician, accompanied the delegation on its return journey to Jaipur.36 As suggested earlier, in addition to the immediate astronomical imperatives that drove this collaboration, an attempt by Jai Singh to model himself on the cosmopolitan persona of Akbar cannot be ruled out.

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18 However, with shifting patronage in certain fields, creativity reached new heights, and in some others it strove to attain new forms of expression.37 The problem that remains, without idealizing the Indian past, is whether the dynamism of intellectual and creative life was disrupted by the onset of colonialism.38 The newer work from the perspective of a social theory premised on the idea of multiple modernities suggests that by the end of the 18th century the Sanskrit cosmopolis went into rapid decline ; on the other hand, the vernacular traditions of knowledge and writing were themselves being revolutionized. The dynamism of the Sanskrit ecumene declined with the consolidation of colonial power and ended the power of Sanskrit to shape Indian intellectual history ; after 1820, European modernity irreversibly “changed the rules of the game of language and power.”39 These were on the point of vanishing when they were supplanted by different principles of epistemology, sociality, and polity. However, it is here that we move into the domain of counterfactuals and confront a number of tropes that have come down to us from Orientalist, imperial, and nationalist historiography, which, along with a revised social theory, beg for a re-examination of the history of knowledge as well as the history of education, its forms and institutions of the pre- colonial period.40

Colonial India : engrafting modern mathematical ideas

19 The encounter between “modern sciences” and the knowledge forms of the subcontinent date back to the beginnings of modernity itself. Scholarship over the last decade has pointed out how modernity has been constitutive of the identity of modern science41. On the other hand, both imperial history and postcolonial history of science have frequently played upon the radical break or discontinuity that marks the eclipse of the so-called traditional knowledge systems of India and the ascent of modern science that came to be institutionally anchored in the period of early to late colonialism.42 Running against these trends are the interpretive frames of “engraftment” and “entanglement.” Recognizing the limitations of epistemological or osmotic explanations for the circulation of knowledge, theories of engraftment focus upon the varied uses that traditional or modern knowledge resources were put to by equally varied learned communities. This re-examination divulges the complexity of the process of engraftment and opens the black box of hybrid knowledge by moving the history of knowledge to the history of knowability that traces the genealogy of how “particular knowledges become powerful through their value in furthering specific socio-cultural projects.”43

20 On the other hand, the idea of entanglement operates at two levels. As historical sociology it has a bearing upon social theory by bracketing some of the central concepts that frame historical narratives within quotation marks, thereby pressing for a more complex understanding of the phenomenon and processes involved. Thus, in the sphere of religion and politics, it has been argued that “national culture in Britain and India developed in relation to a shared colonial experience” in which the notions of religion and secularity were common to imaginings of the British and Indian nations respectively, and finally that these imaginaries developed in relation to issues of gender, race, language, and science.44 In fact, the argument can be extended, as has become evident in the critiques of the idea of “science” that proliferated in the 1980s, that the sciences in the colonies played a fundamental role in reconstituting the

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identity of Western science. The point was further underscored in the elaboration of one version of postcolonial theory of science.45 This section reflects on what this historiography means by taking up a couple of mathematical works in English, Hindi, and Urdu published between the second half and the end of the 19th century.

21 The starting point requires a shift of focus from the history of science to the history of knowledge. That shift recognizes that science as a concept is inscribed within the institutional structure of the university and disciplines that emerged in 19th-century Europe and thereby broadens the quest of the history of science to other ways of knowing and knowledgeability. As far as the history of sciences of South Asia is concerned, these changes have been accompanied by other developments discussed in the previous section that have revised our appreciation of pre-colonial knowledge systems, the knowledge game, and learned communities, throwing up a challenge for one version of postcolonial history of the region, questioning the idea of civilization and nation as adequate units for historical study, and challenging modernization theory on which much of this history has been premised—reflecting the deeply entangled nature of the categories and histories of West and East.

22 Nevertheless, an important concern relates to the ways in which one might include in a narrative those constellations of knowledge that do not follow the pattern proposed by Joseph Needham, who used the metaphor of rivers flowing into the sea46—in other words that are not rendered visible in the histories of the modern scientific disciplines —namely, those that escape the net of presentism of modern science. These presentist practices extend beyond the conceptualization of science but are structured by notions of spatiality and nation. In Refashioning Iran, Tavakoli-Tarighi reminds us that between 1750 and 1850 there were more books in Persian published from the Indian cities of Delhi, Lucknow, Hyderabad, and Lahore than from Iran, parts of Turkey, and Central Asia.47 The author further argues that the Hegelian conception of history renders such texts and projects homeless : ignored in India, ignored in Iran. “The convention of history with borders has created many homeless texts that have fallen victim to the fissure of Indian and Iranian nationalism. Although abolished as the official language of India in the 1830s, the intellectual use of Persian continued and Persian publications in 19th-century India outnumbered those produced in other languages.”48 Publishers from cities in the Indian subcontinent also published more Persian books than their counterparts in Iran. Furthermore, “the literary and historical texts edited and published in India achieved canonical status in the neighbouring Iran.”49

23 My colleague and collaborator, S. Irfan Habib, and I have worked on one 19th-century mathematician and one astronomer-savant who belonged to this order.50 The work we did on the mathematician Ramchundra (1821-1880) and the work we intend to undertake on the mathematical work of Munshi Zakaullah (1832-1910) of Delhi51, known in his time as the geometer of Delhi, we believe now needs to be reframed by another historiography. The standard historiography concerning the beginnings of the modern system of education in India is shared by imperial history, postcolonial history, and triumphalist accounts of science. This historiography sees Thomas Babington Macaulay’s “Minute on Indian education” (1835), which led to the withdrawal of British financial support from Sanskrit and Arabic language book publication and education in India, as the end of the Anglicist-Orientalist controversy, the end of engraftment, or the possibility of engrafting modern scientific knowledge onto a Sanskritic base.52 The end

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of this phase marks the introduction of systems of learning on British lines and the marginalization of the existing systems—a total rupture with tradition.

24 However, the idea of engraftment was premised on the notion that study of Sanskrit “was worthy in its own right” and that the mathematics (arithmetic and algebra) of the Hindus was “grounded on the same principles as those of Europe.” An educational methodology referred to as “engraftment” was adopted so as to “allure the learned natives of India to the study of European science and literature, we must… engraft this study upon their own established methods of scientific and literary instruction.” Dodson suggests that it was a “conciliatory policy” proceeding from an understanding that “a rational comparison of the contents of Indian and European science would always favour the latter.”53 We saw the failure of Ramchundra’s project as an outcome of the installation of a new epistemic regime and pedagogy.

25 Recent studies have prompted a revision of this position following extensive research done on science textbooks in the vernacular languages of South Asia, and the new histories of knowledgeability have argued for a revision of the idea of radical rupture— the notion that the 1840s marks a pedagogic break with the past is untenable. On the contrary, the new histories suggest what might have been intuitively obvious to those doing a historical sociology, namely that the process of engraftment continued for several decades despite Macaulay’s “Minute” and in fact went on to shape systems of education and a number of historical discourses in the century that followed—not just in the colonial cities of Mumbai and Calcutta but at the traditional centres of learning such as Delhi, Banaras, and Pune. At Banaras, so-called traditional Sanskrit scholars and mathematicians like the legendary Bāpu-Deva Sāśtri (1821-1890), and his contemporary Vithala Rāo collaborated with James Robert Ballantyne54 in the translation of Bacon’s Novum Organum into Sanskrit, responded to the work, and critiqued it. 55 But the translations of these mathematician-philosophers gave credence to the idea of the nyāya constituting the methodological organon of the Indian sciences and prepared the ground for the reception of inductivism as a theory of science among India’s first generation of modern scientists and historians of science.56

26 In Delhi, Bāpu-Deva Sāśtri and, later, Pandit Sudhākar Dwivedī and Laksmishankar Mishrā served as go-betweens in the translation of terminology and concepts from three distinct mathematical traditions – the Sanskritic, the Arabic and modern mathematics, finally rendering these works into Hindi.57 Similarly, in Maharashtra, as Mādhav Deshpānde has so carefully chronicled for us, the scholarly activities of cultural amphibians such Pandit Rāghavchārya, Krishnashāstri Chiplunkar and his son Vishnushastri Chiplunkar, Balsāśtri Jāmbhekar, and others mediated the transition between different knowledge constellations and theories of knowledge. More specifically, as teachers and producers of mathematics and science textbooks, they played a central role in the 19th century translation of texts into Sanskrit and the vernaculars.58

27 The science textbooks produced for instruction became sites for translating the unfamiliar into the language of familiarity. This in itself was a very innovative task that needs to be explored through novel spectacles rather than as has been traditionally done by studies in the popularization of science that work either with a deficit theory or, as Shapin once put it, osmotic models.59 Furthermore, the textbooks themselves became the medium for the production of reverse commentaries and the contestation of colonial constructions of the universe of knowledge in the subcontinent. In the

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process, through strategies of domestication and naturalization, the pursuit of modern science was legitimated.60 In the early decades of the nineteenth century, inspired in part by the studies of German and British Indologists, new historical imagined communities were created, wherein second-order constructions of the so called Indian sciences were produced. By the early decades of the 20th century, several Indian interlocutors preferred to drop the term Western to qualify modern science, their own readings having been shaped by the idea of science as a cultural universal. Several of them within their epistemological orders would have found it difficult to qualify knowledge in civilizational or ethnic terms.61

28 This of course poses a moral problem for historians whose theories of knowledge may be out of phase with the tradition being interpreted. The time is then ripe for new historical engagements. Postcolonial scholarship, as has been pointed out, has often functioned as an imperial sociology of knowledge and ignored the social history of knowledge on the eve of colonialism, which in a way reinforces the perspective that colonialism certainly marked the end of the Sanskrit episteme and thereby changed the rules for the generation of knowledge on the subcontinent.62 On the contrary, on this side of the knowledge divide this would require that we study the knowledge game without—rephrasing the title of a friend’s book—playing the nation game63 and do so in a more transcultural way.

29 One last remark that cannot escape attention of South Asia historians—and this raises a question Catherine Jami has often posed to this author and several others : What about the circulation and transmission of knowledge between South Asia and East Asia ? This has been and continues to be a woefully neglected and under-researched theme. Most research that has been done focuses upon the pre-Christian era, through the centuries of Buddhist pilgrim literature to the end of the first millennium of the Christian era. A relatively recent volume authored by Tan Chung and Geng Yinzeng seeks to survey “twenty centuries” of exchange between and across the two regions.64 The focus is not so much on “scientific ideas” as on temple cultures, imperial structures, personalities, and pilgrimage literature, drawing upon a huge corpus of writing of itinerant Buddhist monks. There is also a fairly substantial listing of historical events extending over a hundred pages. But what is bothersome is how little, if any, work at all has been done on the second millennium on the circulation of knowledge between these regions. It is likely that the volume was commissioned out of an urgently perceived omission that needs to be addressed and perhaps listings such as these will serve as a platform for the research of future scholars.

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NOTES

1. Basalla 1968 ; Storey 1996. 2. Bretelle-Establet 2010 ; Günergun and Raina 2011. 3. Needham et al. 1954- 4. Schaffer et al. 2009. 5. Subrahmanyam 1997. 6. Inkster 1988. 7. See Aleksandra Kobiljski’s article in this issue. 8. Veblen 1919 : 38-9. 9. Gizycki 1973. 10. Overdeterminationism could be seen as a metahistorical frame providing an explanation for “the apparent irreversibility… of the spread of the Western conception of science” by appealing to the rationality of science as a motive force of history. The idea then is that the so called expansion of Western science is premised on “humanity’s natural susceptibility to the scientific world-view.” Consequently, the non-West becomes a “voluntary collaborator” in the Western scientific project. See Fuller 1997, p. 87. In other words, the accidents of history must be evoked to explain the disruption of the natural pathways of scientific evolution in non-Western societies. 11. The term was introduced by Ulf Matthiesen to underscore the context dependency of spatial developmental pathways of knowledge production processes. Attempting to overcome the “one-

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size-fits-all” descriptions, it emphasizes spatial dependency of knowledge-based social dynamics. The term could be used as a shorthand for the more current “geographies of knowledge.” See Matthiesen 2005. 12. Cohn 1997. 13. Pollock 2001a. 14. Pannikar 1980. 15. Van der Veer 2001. 16. Pollock 2001a. 17. Ibid. 18. Ibid. 19. Pollock 2004. 20. Ganeri 2011. 21. Pollock 2001a : 22. 22. Sarma 1999. 23. The term tājika as employed here alludes to an amalgam of Indian and Persian astronomy. The term itself was employed in Sanskrit to connote immigrants from Iran in India. But as astronomical/astrological practice it came to designate the amalgam of Indian and Arab/Persian genethlialogy. See Pingree 1997 : 79, 87. 24. Pingree 1997. 25. Todaramalla was a physician and was a minister or vizīr in the court of Akbar around about 1577 ce. See ibid. 26. Ibid. 27. Ibid. 28. Wujastyk 2005. 29. Chandra 2008. 30. Ibid. 31. Panikkar 1980. 32. Cohn 1997. 33. Tillotson 2006. 34. Sharma 1995. 35. Ibid. 36. Forbes 1982. 37. Panikkar 1980. 38. Panikkar 1995. 39. Pollock 2001 : 400 ; Bayly 1997. 40. Baber 1996. 41. See the essays in Habib and Raina 2007. 42. Roughly speaking the process is inaugurated by the early 1820s and continued into the early decades of the 20th century. 43. Dodson 2010 : 15. 44. Van der Weer 2001 : 3. 45. Harding 1998 ; Raina 2007. 46. Chemla 1999. 47. Tavakoli-Targhi 2001. 48. Ibid. : 9. 49. Ibid. 50. Raina and Habib 2004. 51. Habib 2000. 52. As the stranglehold of colonial rule became increasingly evident between 1800 and 1830, the programme of engraftment steered by the Orientalists was challenged by colonial officials who

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wondered about the utility of this programme of education. Thomas Babington Macaulay (1800-1859) proposed a fund “for the purpose of promoting learning in India in any way which may be thought most advisable,” directed at “the intellectual improvement of the people of this country.” But this meant that hereafter instruction was to be in English for in the region “there are no books on any subject which deserve to be compared to our own, whether, when we can teach European science, we shall teach systems which, by universal confession, wherever they differ from those of Europe differ for the worse, and whether, when we can patronize sound philosophy and true history, we shall countenance, at the public expense, medical doctrines which would disgrace an English farrier, astronomy which would move laughter in girls at an English boarding school…” In other words, not only was engraftment out of vogue, but the patronage of educational systems would shift from the Madrassa and the Sanskrit College at Calcutta to institutions reconfigured on lines where “the English language might be well and thoroughly taught.” See Macaulay 1835. 53. Dodson 2010 : 75. 54. Ballantyne was the Superintendent of Benares College between 1846 and 1861. 55. Dodson 2010. 56. Raina 2011. 57. Raina 2013. 58. Deshpānde 2001. 59. Shapin 1983. 60. Raina 2012. 61. Raina 2003. 62. Pollock 2003. 63. Zachariah 2011. 64. Tan and Geng 2005.

ABSTRACTS

Historiographies of the sciences in Asia have undergone a major revision over the last three decades—inspired by changes in the social theory of science, a robust contextualism, and growing scholarship in local histories. These revisions have equally been an outcome of the mutual shaping of social theory and historical practices. Responding to the role of “itinerants,” be they scholars, missionaries, officials, or scientists in the circulation and transmission of knowledge in East Asia, the present essay synchronously moves to the geographical region of South Asia and attempts to draw the landscape of the circulation of knowledge in early modern and colonial South Asia. In the second part, it briefly instantiates the process of translation of modern mathematical knowledge in colonial India, illustrating the different strategies of legitimation of new knowledge in varied national and cultural contexts.

Les historiographies des sciences en Asie ont connu un changement majeur au cours des trois dernières décennies, changement inspiré par ceux de la théorie sociale des sciences, par un fort contextualisme et par le développement des recherches en histoire locale. Ce changement résulte aussi des interactions entre théorie sociale et pratique historique. En réponse à la question du rôle des « itinérants » – lettrés, missionnaires, fonctionnaires ou savants – dans la circulation et la transmission des savoirs en Asie orientale, cet essai se tourne vers l’Asie du Sud, et tente

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d’esquisser le paysage de la circulation des savoirs dans cette région au cours de la première modernité et de la période coloniale. Dans une seconde partie, la traduction des mathématiques modernes dans l’Inde coloniale est prise comme exemple pour illustrer les différentes stratégies de légitimation de nouveaux savoirs dans différents contextes culturels et nationaux.

近三十年來,受科學社會理論的變革、強勁的語境主義以及日益發達的區域史研究的影響, 亞洲科學史經歷了重大的修正。這些修正同時也是社會理論與史學實踐相互塑造的結果。作 為對“旅者”(無論是學者、傳教士、官員或科學人士)在東亞知識流動和傳播中的角色問題的 回應,本文將視線轉向同一時期的南亞地區,嘗試勾勒近代早期和殖民地時期南亞知識流動 的圖景。文章的第二部分將簡要地以現代數學知識在殖民地印度的翻譯過程為例,說明不同 的國族與文化語境下新知識合法化的不同策略。

AUTHOR

DHRUV RAINA Professeur au Zakir Husain Centre for Educational Studies, School of Social Sciences, de la Jawaharlal Nehru University (New Delhi). Il travaille notamment sur l’histoire des sciences en Inde aux XIXe et XXe siècles et sur l’historiographie des sciences. Il a co-édité de nombreux livres sur l’histoire sociale des sciences en Asie du Sud. Son prochain livre, à paraître, est intitulé Decolonizing the History of Science in India. 1950-1970, New Delhi, Yoda Press, 2014.

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La loupe et le miroir The Magnifying Glass and the Mirror 微觀與對照

Christian Jacob

1 Au fond, quel est l’objet d’une histoire des savoirs ? Qu’implique un tel projet, tant pour la démarche historienne elle-même que pour les questions qu’elle choisit de traiter ?

2 Les textes réunis dans ce volume ont sur le lecteur non spécialiste que je suis un double effet : ils m’invitent à découvrir des situations, des moments, des acteurs dans des contextes culturels et historiques éloignés de mon terrain de compétence, ils les soumettent donc à l’éclairage de l’exotisme, de l’altérité, entre Chine, Japon et Corée. Mais d’un autre côté, ces études savantes ont aussi un effet de loupe, qui concentre l’attention sur un nœud de questions fondamentales, centrales. Je voudrais dans ces quelques pages tenter de rassembler et de formuler certaines de ces questions.

3 — Où résident les savoirs ? Nous trouvons des savoirs incorporés et inscrits dans des personnes : il peut s’agir d’individus, ou d’un groupe d’individus identifiés par un statut social et professionnel, il peut s’agir également d’institutions ; mais ces savoirs peuvent aussi être inscrits dans des textes ou d’autres dispositifs graphiques, et ces textes peuvent être mis en circulation. Il convient de prendre le temps de réfléchir à ces différentes catégories. Savoirs incorporés : ils définissent une qualité particulière d’un individu ou d’un groupe d’individus, une compétence. Celle-ci peut rester latente, virtuelle. Ou au contraire se manifester dans un savoir-faire particulier, par exemple un savoir technique, mobilisant des gestes et des instruments, savoir-faire dont on peut évaluer la performativité, les résultats, qu’il s’agisse de guérir un malade ou de penser un processus industriel innovant. Elle peut aussi se manifester dans une forme discursive, un certain type de compétence oratoire donnant à voir l’étendue des savoirs, mais aussi les raisonnements, les opérations logiques, la mémoire, l’aptitude à résoudre des problèmes ou à répondre à des questions. Ce savoir, cette compétence peuvent être les qualités propres d’un individu, ou caractériser un groupe social ou professionnel : les médecins, les astronomes, les lettrés, les mathématiciens, les ingénieurs. Ces collectifs peuvent être institutionnalisés et investis d’une autorité particulière. Quant aux savoirs objectivés, dans un texte écrit, une carte, des schémas,

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des tables, ils présupposent que la compétence particulière d’un individu ou d’un groupe peut être inscrite sur un support extérieur et matériel, qui permettra de conserver ce savoir ou de le transmettre à un tiers, par le biais des opérations spécifiques liées à la lecture, à l’interprétation et à l’apprentissage. Cette objectivation peut être régie par différentes contraintes : les savoirs peuvent être dépendants d’une langue ou d’un registre particulier de cette langue, d’une écriture, d’une forme discursive, d’un support matériel. La transitivité des savoirs inscrits de l’une à l’autre de ces modalités d’inscription dépend des institutions, de la politique des savoirs, de l’autonomie des textes à l’égard des explications orales, des instruments et de la bibliothèque, et de la mise en place de relais de transmission et de traduction d’une culture et d’une société à l’autre.

4 — Les savoirs comme objets et enjeux sociaux. Les savoirs deviennent tels à partir du moment où ils entrent dans des formes d’interaction sociale. Il y a d’un côté ceux qui les produisent et les détiennent, de l’autre ceux qui désirent les acquérir. Il y a ainsi une économie et une politique des savoirs. Ceux-ci sont investis d’une valeur particulière, valeur pratique, technique, symbolique, spirituelle, culturelle. Cette valeur ne réside pas seulement dans les formes d’application pratique des savoirs, dans ce qu’ils permettent de produire, mais aussi dans les qualifications qu’ils apportent à celui qui les détient, en termes de positionnement social et institutionnel, en termes de stratégies de carrière et de prestige personnel. Les savoirs assignent un lieu à qui les maîtrise, et le désir d’apprendre porte aussi bien sur le contenu et les effets des savoirs que sur ce lieu. Cette économie des savoirs peut prendre différentes formes. Il est des savoirs qui peuvent être partagés, distribués et communiqués sans restriction : dans ce processus, ces savoirs ne perdent pas leur valeur propre, ils ne sont pas dévalués en devenant publics. Leur maîtrise partagée, validée par des épreuves qualifiantes, est signe d’appartenance à une communauté, à une classe sociale, à une tradition culturelle. En revanche, il est des savoirs dont la valeur se fonde sur la rareté, sur la rétention, sur le monopole d’un milieu savant : ils sont alors les instruments de relations dissymétriques, un enjeu de pouvoir, un objet de négociation. Entre ces deux pôles se déploie un arc de situations où les savoirs font l’objet d’échanges, de transactions, de dons et de contre-dons. La valeur intrinsèque de ces savoirs peut elle- même varier, selon qu’ils sont marqués par la nouveauté ou par leur origine autorisée (la science et la technique occidentales, l’astronomie impériale chinoise…), par leur efficacité, par leur application pratique et leurs effets, par exemple thérapeutiques, par leur ancrage dans une tradition. Les savoirs les plus modernes, les plus à jour, les mieux actualisés peuvent faire l’objet d’une rétention institutionnelle, comme dans le cas de l’astronomie chinoise et de son application à l’établissement du calendrier. Pouvoir surmonter l’embargo sur les livres, sur les instruments, sur les savoir-faire suppose des stratégies complexes de contournement et de soumission, où les savants doivent cultiver les vertus de la diplomatie et parfois de l’espionnage. Don, contre-don, transaction : la vie sociale des savoirs déploie un véritable « marché des changes », où la valeur des connaissances, des livres, des calendriers, des savoir-faire pratiques se renégocie en fonction des aléas de la vie politique des états concernés.

5 — La morphologie des savoirs et leur plasticité. Les savoirs n’existent pas indépendamment d’une forme qui les construit, les fixe, les met en œuvre et les déploie. Cette forme peut être une séquence de gestes, un discours oral, un texte écrit, mais aussi différents diagrammes ou schémas. L’histoire des savoirs, et en particulier l’histoire de leur circulation sociale, doit prendre en compte les modalités de cette mise

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en forme et les marges de plasticité et de modification qu’elle peut subir sans que ses contenus s’en trouvent dénaturés. Les savoirs peuvent être attachés à une forme discursive particulière, à la littéralité d’un texte et à sa langue d’origine, à un ordre d’exposition précis. Inversement, dans certaines situations, ils peuvent être reformulables, traductibles, réinscriptibles, sans rien perdre de leur efficacité. Ici encore, nous nous trouvons face à un arc de possibles délimité par deux pôles. Particulièrement intéressantes sont les situations où des difficultés de compréhension linguistique conduisent à utiliser d’autres codes de communication, impliquant la traduction, mais aussi une grande déperdition et schématisation des savoirs concernés. Comment enseigner les sciences occidentales modernes en anglais à des élèves japonais ? Comment se faire expliquer le mode de constitution des calendriers chinois lorsqu’on parle coréen et dans quelle mesure l’usage des signes d’écriture permet-il un niveau de communication translinguistique ? La traduction des savoirs ne concerne pas seulement la lettre, mais aussi les cadres de référence idéologiques et spirituels : comment transposer les savoirs occidentaux, marqués par le christianisme, dans l’univers confucianiste ou néo-confucianiste ? Et inversement.

6 — Il faut qu’un savoir soit ouvert ou fermé. Par « savoir fermé », j’entends un savoir complet, autonome, qui peut être transféré d’un bloc. Par « savoir ouvert », j’entends un savoir qui se prête aux corrections, aux ajouts, mais aussi aux suppressions, à une évolution cumulative, et parfois aussi à une révolution structurelle. Les savoirs « ouverts » intègreraient leur propre historicité, leur devenir, leur évolution, leur actualisation. L’ouverture et la clôture ne dépendent pas seulement de la nature des savoirs concernés, mais des dispositifs matériels ou discursifs dans lesquels ils sont fixés, qui peuvent ou non faciliter, ou simplement rendre possibles les mises à jour, les compléments, les corrections. Les savoirs « fermés » peuvent relever d’une stratégie particulière de communication et de transmission, sous la forme de « boîtes noires » dans lesquelles les savoirs sont encodés sans que leurs destinataires disposent des outils pour les modifier ou les actualiser. Le cas de l’établissement des calendriers chinois est particulièrement intéressant, dans la mesure où le calendrier lui-même n’explicite pas les savoirs et les règles de sa construction, des calculs qu’il présuppose. De plus, la mise à jour permanente de ces principes de construction, selon des savoirs eux-mêmes importés, l’astronomie européenne enseignée et traduite par les jésuites, rend les utilisateurs de cette technologie de comput du temps tributaires du bon vouloir de ceux qui en maîtrisent tous les arcanes. Les études réunies dans ce recueil soulignent les stratégies différentes d’explicitation des savoirs et de leurs principes, qui sous-tendent des stratégies de pouvoir et de monopole institutionnel. Je pense à un parallèle dans le monde contemporain : les logiciels « propriétaires », qui imposent régulièrement à leurs utilisateurs des updates et des upgrades payants ; les logiciels « libres » ou open source, dont la mise à jour et les évolutions peuvent être réalisées par des communautés de développeurs décentralisées.

7 — L’histoire des savoirs comme genre discursif et ses différentes échelles. Les textes ici réunis relèvent tous de la micro-histoire : même s’il s’agit d’éclairer des phénomènes plus généraux, les transferts de techniques et de savoirs entre Occident et Extrême- Orient et aussi entre pays d’Extrême-Orient, l’accent est mis sur des personnages particuliers, sur leur circulation et leur œuvre propres, sur leurs réseaux et leurs sphères d’activités. Parmi les différents registres narratifs convoqués, la biographie occupe une place notable : comment situer l’activité intellectuelle, savante, scientifique dans une trajectoire de vie, avec ses facettes familiales, sociales, professionnelles, son

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déroulement linéaire, de l’enfance et des années de formation à la maturité ? Une même enquête, du reste, peut croiser les points de vue et les perspectives, entre les différents acteurs et institutions impliqués. On retrouve la dimension interactive et sociale des savoirs, qui n’existent que dans la négociation, l’échange, la tractation, la conversion. Le choix de la micro-histoire permet également des jeux de décentrement, en se focalisant sur des acteurs secondaires, voire marginaux, dont la formation et l’activité se situent à l’écart des grandes institutions savantes. La micro-histoire met au premier plan de l’enquête des expériences localisées et datées, centrées sur un individu, un lieu ou un milieu : ces expériences introduisent de la complexité et la singularité de leurs scénarios dans la compréhension de phénomènes plus vastes, qu’il s’agisse des transferts de savoirs ou des hybridations entre savoirs locaux et savoirs étrangers, des rapports entre innovation et tradition. Cette pratique de la micro- histoire, dans différentes aires culturelles et à différents moments historiques, met aussi en lumière la diversité des stratégies narratives et interprétatives résultant de la disparité même des sources, tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif. Qu’il s’agisse d’archives, de correspondances, d’annales, de récits autobiographiques, de textes officiels, d’écrits savants, les sources apportent autant des informations factuelles que des points de vue, partiels, biaisés, orientés, dont les angles morts sont aussi suggestifs que les données explicites.

8 — Lieux de savoir, espaces savants. Dans chacune de ces études, nous nous trouvons face à une pluralité de lieux et d’espaces. Il y a d’abord des lieux de savoir génériques, l’école, l’université, l’usine, qui définissent des sphères d’activités particulières – enseigner, apprendre –, reposant aussi sur le partage de rôles sociaux et institutionnels. Il y a ensuite des lieux géographiques, qui ne sont jamais isolés, mais prennent place sur une carte, dans un réseau de relations se déployant à différentes échelles, locales, régionales, nationales, transnationales. Ces relations sont modalisées et sémantisées par un ensemble de variables, relevant de la géographie physique et humaine, du positionnement des lieux par rapport aux centres de pouvoir et de savoir, de la hiérarchie et des rapports de concurrence entre ces lieux, mais aussi du réseau des voies de communication, de l’articulation du temps et de l’espace qui éloigne ou rapproche des lieux et en détermine l’accessibilité. Le voyage terrestre ou maritime et ses échelles temporelles, entre Occident et Extrême-Orient, mais aussi entre Chine, Corée et Japon, et à l’intérieur même de ces différents territoires imposent leurs rythmes propres, leur durée, leurs sas successifs au transfert des savoirs, des livres et des hommes qui en sont détenteurs. Les idées, les techniques, les innovations, la modernité se diffusent selon les rythmes multiples des moyens de communication et des vecteurs matériels, qu’il s’agisse de la correspondance, des revues, des livres, ou des savants eux-mêmes. Dans cette géographie, les catégories de centre et de périphérie sont certes opératoires, mais demandent à être mises en abyme, à être redéfinies au fil de changement d’échelles successifs où les lieux les plus excentrés deviennent eux- mêmes les pôles de nouvelles constellations et jouent à leur tour un rôle dans la diffusion des savoirs.

9 — Possibilité d’une histoire croisée ou parallèle des savoirs, statut de la comparaison. Les contributions réunies dans ce volume s’inscrivent dans le renouveau d’une histoire des sciences et des savoirs transnationale, qui s’intéresse aux transferts et aux points de contact plus qu’à la problématique classique de l’antériorité ou des influences. De ce point de vue, un nouvel objet historiographique et anthropologique émerge : les lieux, la temporalité, les acteurs des transferts de savoirs ou de technologies et les phases de

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négociation comme les sas de traduction et d’acculturation qui permettent ces opérations. Une telle approche éclaire comme un entre-deux ou un no man’s land des histoires nationales des sciences, et propose aussi différentes échelles d’observation : non seulement la confrontation de l’Occident et de l’Orient, mais aussi les interrelations multiples entre États et cultures de l’Extrême-Orient et, à l’intérieur de chacun de ces territoires, entre les centres de pouvoir et de savoir et les lieux périphériques. Dans ce paysage historiographique, déployé de manière très convaincante et suggestive dans cette livraison d’Extrême-Orient, Extrême-Occident, une perspective me semble particulièrement prometteuse : une histoire croisée des modes de rationalité, des styles intellectuels et des cadres épistémologiques. Il s’agirait moins de revenir à une histoire comparée des idées qu’à une histoire de leurs vecteurs, de leur mise en forme, de leur architectonique discursive et logique, de leurs fondations culturelles. Il s’agirait ainsi de cerner ce qui résiste au transfert, à la compréhension, à l’appropriation, d’une culture et d’une langue à l’autre, la part d’« intraduisible » dans les savoirs, et d’observer les stratégies de contournement, de déplacement, de « bricolage » mises en œuvre pour permettre la circulation de ces savoirs, au moins à un certain niveau. L’échelle d’une telle enquête ne serait pas les grands mouvements de transferts culturels, d’une aire à l’autre, mais les situations localisées, singulières, circonscrites à des individus et des groupes particuliers. La micro-histoire me semble être la bonne échelle pour comprendre ces jeux à l’intérieur de cadres prédéterminés, jeux avec les traditions, avec les langues, avec les concepts, avec le sens des mots, avec les savoir- faire. Dans cette histoire croisée, l’enjeu est non seulement de comprendre comment des savoirs et des savoir-faire peuvent être importés, traduits, adaptés, mais aussi d’observer ce que ces transferts produisent sur les détenteurs mêmes de ces savoirs et sur leurs savoirs eux-mêmes : d’une certaine manière, il s’agirait d’étudier les effets de feedback et de rétroaction du transfert sur les cultures savantes dominantes.

10 L’histoire des savoirs est un champ en devenir, qui croise de multiples perspectives, de multiples outils intellectuels. Ce n’est que par des études de cas situées, écrites par des spécialistes des sociétés et des cultures concernées, que l’on peut aiguiser les questionnements et construire de nouveaux objets. La richesse des matériaux empiriques réunis dans ces études et les multiples jeux de miroir qu’elles créent entre différents mondes savants invitent à réfléchir sur les enjeux historiographiques et épistémologiques de l’étude des sciences, des savoirs et des techniques, de leur ancrage et de leur circulation dans l’espace. Ces quelques notes n’ont pas d’autre prétention que d’ouvrir les perspectives de réflexion, les questionnements que m’ont suggérés les études réunies par Catherine Jami.

RÉSUMÉS

L’histoire des savoirs est une discipline neuve, qui se développe au carrefour des humanités et des sciences sociales. Aux grandes généralisations et aux paysages diachroniques, elle préfère les études de cas, focalisées sur des lieux, des personnages, des moments particuliers. Les études de

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cas permettent cependant de réfléchir sur les objets mêmes de l’histoire des savoirs, sur ses enjeux, sur ses formes de problématisation. Ces notes tentent de formuler quelques-unes des questions théoriques découlant des textes réunis dans ce numéro d’Extrême-Orient, Extrême- Occident et d’en souligner les apports pour un historien des savoirs travaillant sur d’autres aires culturelles.

History of knowledge is a new discipline, one which has developed at the intersection of the humanities and the social sciences. Rather than broad generalisations and diachronic landscapes, this discipline works by case studies, focussing on particular times, places, and persons. Case studies, however, enable one to reflect on the objects, stakes, and modes of problematization of the history of knowledge. The notes proposed here attempt to formulate some of the theoretical questions stemming from the studies included in this issue of Extrême-Orient, Extrême-Occident, and to underline what they can offer to a historians working on other cultural areas.

知識史是一門在人文與社科的交叉點上發展出的新興學科。它不追求建構宏大的普遍性模式 和歷時性全景,而更偏重個案研究,將關注焦點投向個別的場所、人物、時刻。而個案研究 亦能促進對知識史的對象、意義及問題意識形態的思考。本文旨在歸納本期《遠東遠西》雜 誌集結的文章所提出的理論問題,並以一名不同文化區域的知識史研究者身份,強調這些研 究的貢獻和啟示。

AUTEUR

CHRISTIAN JACOB

Directeur de recherche au CNRS et directeur d’études à l’EHESS. Membre de l’équipe ANHIMA (UMR 8210), son champ de recherche est l’histoire du monde gréco-romain et l’histoire des savoirs dans une perspective comparative et interdisciplinaire. Il dirige le projet collectif des Lieux de savoir, dont deux volumes sont déjà parus : Espaces et communautés (Albin Michel, 2007) et Les Mains de l’intellect (Albin Michel, 2011).

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