Document de communication du Festival d'Automne à Paris - tous droits réservés 101.5 Du

par Thierry Jousse

des tendances les plus répandues dans la culture cinéphilique française consiste à cir- conscrire le cinéma japonais à trois ou quatre noms forcément classiques: Mizoguchi, Ozu, UneKurosawa et dans le meilleur des cas, Naruse, quatrième mousquetaire repêché in extremis. Par un étrange effet d'amnésie, le nom d'Oshima, fer de lanceet emblème de la Nouvelle Vague japonaise, a par exemple ces dernières années pratiquement disparu denotre horizon. C'est sans doute parce qu'Oshima n'a pas tourné de film de fiction depuisune dizaine d'années (Max mon amour, 1986) qu'il est au purgatoire. Mais c'est peut-être aussi parce qu'il est un des rares à avoir ent le Cinéma pratiqué la subversion de manière aussi directe qu'on a du mal à assimilerses films à une histoire déjà écrite. En réalité, le cinéma d'Oshima demeure, au-delà des années, profondément politique si on entend le mot en un sens plus large que les préoccupations futiles de certains denos contem- rcient leurs partenaires porains. Politique au sens où il met au premier plan le désir plongéau coeur du quadrillage social ) et du dispositif cinématographique. C'est en ce sens qu'il forme, avec Pasolini et Fassbinder, une sorte de troïka du désir qui persiste à nous passionner. Voilà pourquoi il nous a semblé particuliè- rement urgent de montrer ou de remontrer les films d'Oshimal'intégrale restant un objectif impossible à atteindre, étant donné la multitude de films qu'ila réalisés pour la télévision. On enberg BAC FILMS pourra ainsi découvrir ou redécouvrir à La Villette des films aussi fondamentaux que Nuit et de Wim Wenders BAC FILMS brouillard au Japon ou Le Petit Garçon, joyaux d'une dense filmographie qui valent bienles plus HNATTAN de Tom Dicillo PYRAMIDE célèbres Contes cruels de la jeunesse et L'Empire des sens. L'occasion aussi d'entendre ànouveau la NI de Claire Denis PYRAMIDE voix d'Oshima, victime il y a plus d'un an d'ungrave accident cardiaque, à travers un entretien IELD de Charles Burnett CIBY DISTRIBUTION exclusif réalisé par nos amis des Cahiers du cinéma-Japonet que nous publions dans ce programme. PAS de Laetitia Masson UFD A l'époque où Oshima mettait très sérieusement à mal les formes traditionnelles ducinéma Lucas Belaux REZO FILMS japonais, un autre cinéaste moins célèbre les dynamitait de l'intérieur. Il s'agit de , de Benoît Cohen REZO FILMS maître du film de yakuza et de la série B élevée au rang des beaux-arts, qu'ona redécouvert ces dernières années et qui est toujours en forme. On s'aperçoit aujourd'hui UR LA TERRE de Diane Bertrand AFMD que Oshima et Suzuki représentaient les deux faces de la même révolution. C'est pourquoi l'hommage rendu àSuzuki ITH SHARKS de Georges HUANG CTV INTERNATIONAL s'intègre parfaitement aux côtés de la rétrospective Oshima, d'autant plusque ce programme ed Bouchaala LFGD nous permettra de découvrir l'incroyable Marque du tueur, déjà montré à Beaubourg lors de la de Steve Buscemi LES FILMS SANS FRONTIERES grande rétrospective du cinéma japonais, mais trèspeu vu. AVEN de Constantine Giannaris LES FILMS SANS FRONTIERES Si Oshima et Suzuki sont bien heureusement toujoursen vie, la question de leur postérité est S MAHNATTAN de Greg Mottola ARP néanmoins posée. Y a-t-il aujourd'hui un nouveau cinéma japonais digne dece nom ? L'émer- UR de Catherine Breillat HAUT & COURT gence récente de (dont nous avions montré l'an dernier une intégrale) est évi- Olivier Assayas HAUT & COURT demment le fait majeur de ces dernières années etson dernier film, le splendide Hana-Bi, Lion rs Von Trier HAUT & COURT d'or à Venise cette année, n'a fait que le confirmer. Mais la force unique de Kitanone doit pas masquer la vitalité d'un certain cinéma japonais qui, en dépit des conditions de production S de Michael Winterbottom DIAPHANA sou- vent difficiles, fait souvent preuve d'une grande invention. C'est lecas de Shinji Somaï ING de Hettie McDonald DIAPHANA cinq de ses films seront montrés pour l'occasion, dontquatre inéditscertainement le meilleur ARCHE de lim Robbins POLYGRAM FILM DISTRIBUTION cinéaste de sa génération avec Kitano. Encore derrière,ça piaffe sérieusement chez les très jeunes. ALKING de Nicole HOLOFCENER POLYGRAM FILM DISTRIBUTION Des cinéastes tout à fait inconnus en France se prennenten main hors des sentiers battus des de Laurent Bouhnik MK2 Majors et créent leur propre style. C'est lecas de , de Shinji Aoyama ou de aleshi Kitano SWIU Nabahiro Suwa. On pourra les découvrir pour l'occasion à l'UGC Cité-Ciné des Halles. Ilssont les die Curtis Hall POLYGRAM FILM héritiers fragiles et vivants d'Oshima ou de Suzuki,et les petits frères en devenir de Kitano ou NGS de Léon Gast POLYGRAM FILM Somaï. Ils sont le vif du cinéma japonais d'aujourd'hui. P.S. : Il nous faut ici remercier très chaleureusement les Cahiers du cinéma-Japon, ruce LaBruce et Rick Castro VERA ICONA et plus parti- En couverture e Olivier Doran GBVI culièrement Yoichi Umemoto et Abi Sakamoto, sans quice programme n'aurait pas été possible. La Cérémonie Et aussi Jean Viala du Festival d'Orléans quinous a permis d'élargir la palette de nos choix... de Nagisa Oshima.

III . Contact Aurélie Berry 01 53 33 33 31 Festival d'Automne Document de communication du Festival d'Automne à Paris - tous droits réservés Rétrospective Nagisa Oshima Le mal-être s'est effacé

Entretien avec Nagisa Oshima

En relisant votre entretien avec les lais faire des films, mais parce que le studio son mal-être, elle avait une présence très Cahiers du cinéma, en mars 1970, nous avons m'a engagé, tout à fait par hasard, en tant forte. été surpris qu'à la fin, vous déclariez votre qu'assistant. Je n'y travaillais pas avec les Je ne me souviens pas s'il s'agissait de haine quasi totale pour le cinéma japonais. grands maîtres, ni avec Ozu et ni avec Kino- cette actrice précisément, et pourtant pour vous avez même ajouté : «A cette haine, il shita. Etre assistant dans le studio était une une actrice comme Miyuki Kuwano, n'y a aucune exception. » Cette haine-là, des façons d'avoir du travail. l'héroïne de Conte cruel de la jeunesse, c'était l'avez-vous encore aujourd'hui ? Après vos études universitaires, vous tout à fait le cas. Il semble qu'elle ait joué Je me voyais et je me vois toujours en aviez l'intention d'être journaliste... avec entrain, mais en vérité elle le faisait cinéaste. Ce qui m'intéresse donc en tant Non, je n'avais aucune intention. Je malgré elle. C'est pour cela qu'elle a fini par que cinéaste, ce sont mes propres films. Ils déteste ce mot, « intention ». Dans ma vie, renoncer, assez jeune, à ce métier. Elle avait occupent toujours le centre de mon intérêt. je n'ai jamais eu aucune sorte d'intention. des problèmes avec sa famille et les gens Les films des autres ne m'intéressent pas Comment avez-vous commencé à sentir qui l'entouraient. Certaines de mes actrices tellement. Cette sorte de non-intérêt que cette différence avec les autres ? A partir du ressentaient ce type de malaise. j'avais et que j'ai, par rapport aux films des moment où vous avez fait vos films dans N'aviez-vous pas prévu que vous ne pour- autres, m'a fait employer peut-être le mot votre propre maison de production ? riez pas vous adapter au système des stu- « haine ». La « haine » est un mot très fort. Quand je suis entré dans le studio Ofuna dios? Et à cette époque, bien entendu, j'avais un de Shochicku, j'ai eu du mal à m'adapter. Si. On dit pourtant que les problèmes certain goût pour d'autres films japonais. Etre dans le studio, être assistant dans le avec le studio Shochicku sont survenus au J'aurais pu, dans ces conditions, exprimer ce studio, tourner un film... Ce mal-être ne me moment où je tournais Nuit et brouillard du goût personnel, ce qui aurait sans doute plu quittait pas. Japon. Mais en vérité, je n'étais déjà pas à Pascal Bonitzer et Sylvie Pierre qui Et ce mal-être, vous l'aviez encore après heureux en tant qu'assistant. Et mon m'interrogeaient pour les Cahiers. Pourtant, être devenu indépendant, avec votre propre malaise est devenu si intense que j'ai dû je ne le voulais pas. Tout simplement parce maison de production, Sozosha ? quitter ce studio à l'occasion de la sortie de que je ne voulais pas parler de mon goût, et Oui, je l'avais toujours. Mais ce mal-être Nuit et brouillard du Japon. que les critiques qui ont fait l'entretien avec est précisément devenu une de mes moti- Est-ce que la spécificité de ce malaise a moi auraient pu le considérer comme des vations pour continuer à faire des films. Et changé dès lors que vous êtes devenu indé- influences que j'aurais subies. J'avais vrai- je ne pense pas que ce mal-être pourrait pendant? ment envie d'éviter ça. Et mon goût per- s'éloigner de moi si je travaillais dans un Non, cela a continué. Mais, paradoxale- sonnel n'a aucun rapport avec ce que je vou- autre domaine que le cinéma. ment, j'ai toujours eu du plaisir à faire un lais à l'époque et ce que je veux aujourd'hui Avez-vous voulu montrer justement ce film et à m'y absorber concrètement quelles envisager dans mes propres films. C'est la malaise dans vos films ? que soient les difficultés par ailleurs. Peut- raison pour laquelle j'ai prononcé le mot Il apparaissait dans mes films comme être parce que c'est toujours ainsi, dansce « haine », c'était pour éviter de m'exprimer malgré moi. Si certains critiques de cinéma malaise, que je commence à trouverun sur des influences subies. n'ont aucune estime pour mes films, je sujet. Mais vous êtes entré dans le studio Sho- pense qu'ils y ont quand même tous res- On sent cette force dans L'Enterrement du chicku et vous y avez travaillé avec les senti ce malaise. Et qu'ils n'ont jamais pu soleil, par exemple... maîtres de ce studio. Même à cette époque, l'accepter. Parce que ce film désigne exactement la vous ressentiez cette différence ? Vous avez dit que Kayoko Honoo, l'actrice place où je vivais alors, pas seulement physi- Je suis entré dans le studio, c'est vrai. Pas principale de L'Enterrement du soleil, était quement mais aussi mentalement. Mon tra- parce que j'aimais le cinéma ou que je vou- devenue actrice malgré elle et que, grâce à vail se propose de partager avec les acteurs IV Cahiers du cinéma Document de communication du Festival d'Automne à Paris - tous droits réservés RÉTROSPECTIVENAGISA OSHIMA RÉTROSPECTIVENAGISA OSHIMA

J'avais déjà ce sentiment de refus total du lui semble vraisemblable, mais car il montre Même au sein du studio, on m'estimait Je sais très bien que je ne pourrai pas détruire « naturalisme » lors de mon premier film. sa propre résistance en soulignant aux yeux déjà comme un jeune réalisateur d'avenir Pendant que j'étais assistant, le studio m'a des spectateurs qu'il est aveugle. Il devient ou comme une sorte de jeune prince du stu- complètement la vraisemblance du cinéma, et pourtant forcé à apprendre les techniques de base du acteur à ce moment même dans ce film dio. Contrairement au mal-être dont je vous cinéma. Et ces techniques consistaient tou- documentaire parce qu'il veut montrer à ai parlé, je ne m'y sentais pas mal concrète- je voudrais toujours, au moins, la remettre en cause. jours à renforcer les aspects naturels des tous un état de choses. Pourquoi ? Parce ment. J'y avais même une petite cour choses. A cette époque, le surréalisme et les qu'il y avait devant lui un metteur en scène. d'admirateurs. J'ai eu un certain regret de films documentaires demeuraient mes C'est donc moi qui le fais jouer. Le gros les quitter. Chaque fois que j'ai changé de centres d'intérêt principaux. Un des respon- plan du mutilé coréen dont vous venez de direction, c'est-à-dire au moment où j'ai ce sentiment total de vie. Cette manière ne Mes acteurs habituels n'ont eu aucun lycéens et le blanc de la neige, qui a couvert sables du studio Shochicku m'a dit, après parler n'est pas naturel. C'est le résultat quitté Shochicku puis quand j'ai commencé consiste pas seulement en un principe de problème car ils vivaient toujours avec moi, toute la ville de Tokyo. avoir vu Une ville d'amour et d'espoir, qu'il d'un élément très fort de fiction, un élé- à travailler avec des producteurs étrangers, mise en scène, mais c'est quelque chose de dans la même atmosphère que moi et qu'ils Exactement. Mais je n'ai pas fait de n'existait pas de rat aussi gros. Mais moi, j'ai ment introduit par le metteur en scène. j'ai dû quitter, avec un certain regret, les plus fort. Je veux que les acteurs vivent véri- respiraient le même air que moi. Je pouvais prière pour avoir cette neige. C'est vraiment fait un gros plan d'un rat. Ce rat sur l'écran C'est la raison pour laquelle vous dites gens qui me soutenaient. tablement, eux aussi, sur le lieu où l'on facilement imaginer qu'ils pourraient vivre un hasard ! est donc beaucoup plus grand que d'ordi- toujours que vous « faites » un film, et non On sent une certaine libération avec tourne, de la manière la plus authentique avec moi sans problème dans chacun de Si le film avait été tourné dans un grand naire ! Voyez-vous le niveau d'intelligence que vous « tournez » un film. L'Empire des sens, votre premier film avec un possible, devant mes yeux, devant moi qui mes films. studio et que vous aviez eu besoin de la des responsables du studio ? Ils ne se ren- Précisément. producteur étranger, Anatole Dauman. Avec vis en même temps de façon aussi authen- Comment avez-vous dirigé vos acteurs neige, il n'aurait pas été difficile d'en avoir, daient même pas compte que tout ce qu'on Pensez-vous qu'Ozu et Kinoshita, tra- ce film-là, vous avez réussi à quitter les tique en ce lieu. La force que vous sentez pour qu'ils puissent vivre avec vous sur les un machiniste aurait fabriqué de la neige arti- tourne en gros plan doit être vu comme vaillant au studio Shochicku, n'ont fait leurs cadres assez fermés du cinéma japonais. vient donc de l'authenticité. Et je crois qu'ils lieux de tournage ? ficielle. Mais, dans votre cas, c'est toujours un quelque chose de plus grand que le réel ! La films qu'en obéissant à ces règles de vrai- Avant de faire ce film, j'ai dissout Sozo- étaient mal à l'aise comme moi dans ce lieu. Je ne leur explique quasiment rien. Je hasard ou une rencontre qui détermine vraisemblance du studio en reste toujours à semblance imposées par le studio ? sha, ma maison de production où m'entou- C'est sans doute la raison pour laquelle cette leur demande tout simplement de vivre l'espace et le temps précis. ce niveau. C'est pour cela que j'ai envie de la Certes, ce n'est pas seulement en obéis- raient des gens qui aimaient mes films et force est née, et se voit sur l'écran. ensemble avec moi pendant quelque Je me dis toujours que j'ai de la chance surmonter et de la détruire dans mes propres sant à ces règles imposées qu'ils les ont adoraient travailler avec moi. J'ai dû quitter Comment avez-vous choisi les acteurs des- temps. Vivre avec moi, c'est exactement et qu'elle ne m'abandonne jamais, particu- films. Je sais très bien que je ne pourrai pas faits. Ils les ont renouvelées chacun à leurs ces gens que j'aimais moi aussi. Tout en tinés à vivre avec vous ? l'équivalent de faire un film ensemble... lièrement sur les tournages. détruire complètement la vraisemblance du manières. Mais leurs manières ne sont pas déchirant ce lien amical, j'ai paradoxale- J'ai pu choisir en totale liberté. Même Cette complicité, l'avez-vous à partir du Bien que vous soyez sans cesse sur un lieu cinéma, et pourtant je voudrais toujours, au les mêmes que la mienne. Je n'avais pas ment éprouvé une certaine libération en pour un film comme L'Enterrement du soleil, moment où vous commencez un tournage ? et dans un temps précis, vous avez souvent moins, la remettre en cause. envie de les imiter et je voulais donc m'en tournant L'Empire des sens. pourtant produit par la Shochicku, les Non, même auparavant. Dès qu'on recours à la post-synchronisation... Le studio, pour vous, est donc un monde éloigner le plus possible. Dans de nombreux entretiens au moment acteurs n'étaient pas imposés. Je les ai pro- décide de tourner sur tel ou tel lieu avec tels Cela dépend des cas. J'ai toujours envie dominé par cette vraisemblance... Avez-vous discuté à ce propos avec les de la sortie de Max mon amour, vous disiez bablement choisis instinctivement en me acteurs, nous avons déjà une complicité. Ce de faire un film en son direct, mais parfois Oui, c'est une usine de fabrication des maîtres du studio. Avec Ozu par exemple ? que vous obéissiez pour ce film aux tech- fondant inconsciemment sur cette volonté qui est important alors, c'est d'être toujours les conditions diverses du tournage ne le films selon les diverses règles de cette vrai- Malheureusement, je n'en ai jamais eu niques brillantes du studio de Shochicku. de communion d'un état physique et men- ensemble. On visite ensemble le lieu de permettent pas. Comme dans le cas de La semblance. La meilleure façon de faire un l'occasion. En général, il était vraiment Pourquoi ce retour vers la place que vous tal. Je me demandais quels acteurs pou- tournage. On mange ensemble. On vit Cérémonie, où j'ai fait un mélange entre le film pour le studio est toujours et sans rare d'avoir une discussion au sein du stu- aviez autrefois quittée ? vaient vivre avec moi pendant quelque ensemble... son direct dans les parties où cela était pos- aucune exception de suivre bêtement ces dio parce qu'il était clairement hiérarchisé. Comme il s'agissait d'un sujet à dimen- temps sur le lieu que j'avais choisi. Quand Votre description de ces lieux est toujours sible, et la post-synchronisation dans les règles que les responsables n'ont aucune Aucun assistant n'osait faire le premier pas sion fantastique, j'ai eu envie que la tech- David Bowie est arrivé sur une des îles du impressionnante. La Tour de Tuutenkaku dans moments impossibles. La fin de ce film intention de remettre en cause. d'une discussion avec les maîtres. En plus, nique soit comme une sorte de protection tournage de Furyo, il a dit tout naturelle- L'Enterrement du soleil, par exemple, qu'on aussi, je l'ai voulue en son direct, mais le Nous aimons beaucoup une scène de je crois toujours que chaque metteur en élaborée à partir d'un « pied-à-terre » qui a ment que c'était dans cette île-là qu'il entrevoit de temps à autre dans ce film, bruit des vagues était trop fort. votre documentaire L'Armée oubliée de scène n'a qu'une seule façon de tourner. été le studio japonais, là où j'ai appris le deviendrait l'otage d'Oshima pendant deux résume bien l'atmosphère propre à ce lieu. On sent la différence énorme des qualités l'Empereur, où un mutilé coréen commence à Après être devenu indépendant, vous avez métier. mois. Il a vraiment eu raison. Je ne suis pas capable de prévoir à d'espaces et de sonorités dans cette scène. pleurnicher. Il nous semble que cette scène commencé à être reconnu en tant qu'auteur Voulez-vous parler de cette évolution ? Mais dans le cas du Journal du voleur de l'avance ce que je montrerai dans un film. Dès que le héros arrive sur cette île, on a est au contraire quelque chose de naturel... sur la scène du cinéma international. Com- Vous aviez montré un temps et un espace Shinjuku, vous avez intégré des figurants qui C'est toujours sur place que je décide des l'impression qu'il est entouré par le décor du Il commence par enlever ses lunettes ment vous êtes-vous senti dans cette situa- très localisés dans vos films précédents, et, n'étaient pas tous des acteurs, et choisi ceux cadrages, des angles de la caméra, des mises studio. Avant cette scène, il était dans la noires. 111e fait, non pas parce que cet acte tion? à partir du moment où vous avez travaillé qui avaient déjà vécu sur ce lieu avant le tour- en place, etc. Ou plutôt, la force d'un lieu nature... nage. vous avez donc introduit dans votre me fait décider toutes ces choses concernant Le plus difficile au cinéma, c'est que film ces gens pour que ce lieu paraisse plus le tournage. Le film, donc, se fait sur les tout ce qu'on montre sur l'écran, malgré les authentique... lieux mêmes, et non pas sur la table de efforts pour éviter toute sorte de vraisem- A mon avis, il n'y avait pas de grande dif- montage. Le lieu et le temps qu'on a vécus blance, se voit comme quelque chose de férence entre acteurs et non-acteurs, pas plus sont sans aucune exception la motivation la naturel. Il faut introduire des éléments très qu'entre ces deux films, L'Enterrement du plus forte pour faire un film. forts propres à la fiction pour que la scène soleil et Le Journal du voleur de Shinjuku. Bien Oui, le temps est aussi important que les échappe à ce monde vraisemblable. C'est que les deux lieux de tournage soient très lieux dans vos films. Le jour du 11 février justement ce monde « vraisemblable » qui différents l'un de l'autre : le quartier Shin- 1967, dans A propos des chansons paillardes s'est imposé depuis le début au cinéma. juku d'alors était le centre culturel des intel- au Japon par exemple, est un jour privilégié. Il Depuis que je suis indépendant, j'essaie lectuels, Kamagasaki, dans L'Enterrement du est à la fois le jour de début du tournage, et dans chacun de mes films de mettre à dis- soleil n'était qu'un quartier pauvre sans inté- celui où le Japon a recommencé à célébrer sa tance le vraisemblable destiné au cinéma et rêt. C'est exactement dans ces deux lieux Fête nationale alors que toute la gauche de de le surmonter. C'est pour cela que je dois que je vivais pendant quelque temps aussi l'époque y était opposée. En plus, il neigeait ! en structurer très clairement la forme. « authentiquement » que possible. Pour les Aviez-vous même prévu le climat ? Pourquoi voulez-vous éviter si ostensible- acteurs dans ces deux films, c'est la même Non (rires). Ce n'est qu'un hasard, bien ment cette vraisemblance du cinéma ? chose. Je les ai choisis parce que j'avais sûr. Mais quand nous avons vu qu'il neigeait D'abord parce que je la déteste. La ques- trouvé en eux la possibilité latente de pou- ce premier jour de tournage, nous étions tion n'est pas de demander si le cinéma doit voir vivre dans ces lieux qui m'appartenaient. vraiment excités... accepter ou non cette vraisemblance. Ce A part ces acteurs que vous avez choisis, Grâce à la neige, vous avez réussi à avoir n'est plus une question à laquelle je pourrais vous avez aussi des habitués dans vos films, un contraste très net entre le cercle noir du répondre de manière objective. Je ne la veux comme Kei Sato, Rokko Toura... drapeau du Japon, le noir des uniformes des absolument pas, du moins dans mes films. L'Empire de la passion. VI VII Cahiers du cinéma Festival d'Automne Document de communication du Festival d'Automne à Paris - tous droits réservés RÉTROSPECTIVENAGISA OSHIMA RÉTROSPECTIVENAGISA OSHIMA

avec des producteurs étrangers, vous avez goriques de la société d'alors, se transforme abordé des sujets plus universels. en une chose plus abstraite dans vos films « Le travail d'un cinéaste consiste à C'est peut-être parce que je suis parti du des années 80... trouver le tournant décisif d'une his- Japon pour faire ce film. Faire un film au C'est une bonne question. J'ai peut-être toire. » Selon lui, un film doit impé- Japon, c'est traiter son sujet dans une limite suivi ce processus que vous venez de défi- rativement contenir ce « tournant à la fois spatiale et temporelle. Le Japon est nir, mais je ne sais pas pourquoi. Il est vrai décisif » parce que l'essence du une île. Je ne pouvais faire autrement que que ce dont j'ai eu envie alors correspond à cinéma repose sur cet état d'excep- de m'engager dans une situation typique- quelque chose de plus vaste et de plus abs- tion. Qu'est-ce que ce tournant déci- ment japonaise. J'en avais un peu assez de trait que le niveau symbolique. sif? En voici un exemple éloquent cette situation. Et aussi des problèmes poli- Ne constatiez-vous pas que le moment pris dans L'Armée oubliée de l'Empe- tiques de la nation japonaise que j'avais trai- advenait où vous alliez succéder à la tradition reur, un court documentaire tés dans mes films précédents. Mon intérêt du cinéma japonais ? qu'Oshima a tourné pour la télévi- s'est alors dirigé vers des choses plus abs- Non, ce n'est pas ça. En faisant mes sion en 1963. Il y montre un groupe traites comme les rapports entre l'homme et films jusqu'aux années 70, j'avais envie de de mutilés de guerre qui deviennent le monde, des rapports plus universels. changer ou de détruire tout ce que j'avais des mendiants, car ils ne reçoivent Vous n'avez pas hésité à employer le pro- appris dans le studio Shochicku, ce qui aucune aide du gouvernement japo- cédé traditionnel et conventionnel de n'était plus du tout le cas au moment de nais. Le regard d'Oshima se champ/contrechamp pour la scène de conver- Max mon amour. concentre, parmi ces ex-soldats de sation entre Kitano et Tom Conti dans Furyo, Ce mal-être que vous avez défini tout à l'Empereur, sur les mutilés coréens par exemple, procédé que vous n'aviez l'heure comme le moteur de votre création, qui participaient, en tant que soldats jamais utilisé dans vos films précédents. Ce vous l'avez ressenti en faisant Max mon japonais, à la Seconde Guerre mon- changement a-t-il un rapport avec votre situa- amour ? diale pendant que le Japon occupait tion d'alors ? Non, je ne l'avais plus. la Corée. Sans moyens, ces « ex-sol- Je n'en étais pas vraiment conscient bien Avez-vous réalisé vos deux documentaires dats japonais » n'ont pas d'autre que j'ai toujours eu envie de changer pro- des années 90, 100 ans de cinéma japonais et choix que de rester au Japon, même gressivement des choses en faisant des Kyoto My Mother's Place, parce que vous ne après la fin de la guerre. Le gouver- films. Ce n'est pas un retour conscient aux ressentez plus ce mal-être ? nement japonais ne leur alloue procédés artisanaux du studio, mais une Oui. Je me suis peut-être réconcilié avec Nagisa Oshima sur le tournage de Furyo. aucune pension à cause de leur évolution qui a eu lieu à partir du moment le milieu dans lequel j'ai vécu autrefois. nationalité, et l'Etat coréen demeure où j'ai commencé à faire des films, soit en C'est orgueilleux de le dire, mais je me sens silencieux, le Japon devant selon lui pays étranger soit avec des producteurs maintenant plus grand que ce que le résoudre tout seul le problème. Ces étrangers. Avec les acteurs étrangers, je me cinéma japonais représente, depuis que je Unempereur mutilés coréens commencent à se suis petit à petit rendu compte qu'il n'était suis devenu universel. Je me sens beaucoup battre entre eux après une manifes- pas nécessaire de faire mes nouveaux films mieux dans cet état de choses. Mon mal- tation devant la Chambre des dépu- contre ce qu'on faisait au studio. J'ai alors eu être s'est effacé à ce moment-là. tés. La caméra montre cette bagarre envie de recommencer à zéro. puis se concentre sur le visage d'un sans par Yoichi Oguino mutilé portant des lunettes noires. Cette transformation se définit-elle Entretien réalisé parY oichi Oguino empire comme le passage du symbolique à l'abs- etYoichi Umémoto, le 18 septembre 1997, On l'entend pleurnicher. Pour trait ? La symbolique de vos films des années chez Nagisa Oshima à Kuguenuma, au Japon. s'essuyer le visage, il enlève ses dans les années 60 que le cinéma japonais, princi- 60, dans lesquels se trouvent des reflets allé- Traduit du japonais parY oichi Umémoto lunettes noires. Nous découvrons alors ses larmes, qui cou- pale industrie du pays, s'est effondré. Mais c'est à lent de ses orbites vides. Il est aveugle... C'estcette même époque que Nagisa Oshima a fait preuve Ce plan, très simple, désigne à la fois la haine, la tris- d'une étonnante activité pendant laquelle, et jusqu'à son tesse et la résistance. C'est dans ce mélange de sentiments silence vers le milieu des années 80, il est sans doute le humains indicibles que réside le talent d'Oshima. Le premier à avoir introduit la modernité dans le cinéma japo- moment où cet ex-soldat de l'Empereur commence à nais. Mais Oshima a-t-il été le seul à apporter cette moder- pleurer, c'est précisément le « tournant décisif » que le nité ? La démystification des vedettes dans les films de cinéma d'Oshima cherche à nous montrer dans chaque Shohei Imamura et de Yasuzo Masumura est-elle, par film. Là, Oshima se place en témoin, un témoin dont le exemple, comparable à la nouveauté apportée par regard est absolument sincère. Le cinéma devient alors un Oshima ? Les formes anti-classiques de Hiroshi Téshiga- dispositif de résistance pour les spectateurs, un dispositif hara et de Kiju Yoshida n'ont-elles aucun rapport avec la qui cherche à faire naître une conscience politique. Autre forme qu'Oshima a donnée à ses films ? Les quatre géants exemple, Conte cruel de la jeunesse (1960). Dans une salle du cinéma japonais (Ozu, Mizoguchi, Kurosawa et Naruse) d'hôpital, le héros, en mangeant une pomme, s'étend de ont-ils influencé le travail d'Oshima ? L'activité de trois de tout son long sur son amie qui vient d'avorter. Le gros plan ces quatre grands cinéastes a pris fin juste avant la crise sur le héros mangeant une pomme semble durer une éter- industrielle du cinéma japonais, c'est-à-dire au moment où nité. On entend alors la conversation de la salle d'à côté, Oshima et les autres jeunes cinéastes faisaient leur entrée entre une femme et le médecin qui l'a opérée, une dis- dans les studios. Il est donc impossible de comparer la cussion qui porte sur leur passé. Le bruit à peine audible grande tradition cinématographique japonaise avec le tra- de cette conversation, et celui que fait le héros en man- vail d'Oshima. Et on ne peut guère le comparer aux Yoichi Oguino geant sa pomme, forment une étrange dissonance. Dans cinéastes contemporains dans la mesure où ses films déve- est cette scène, le « tournant décisif » joue sur une sensation loppent des thèmes plus divers, plus universels. rédacteur en entêtante grâce à cette dissonance monotone et persévé- Quelles innovations Oshima a-t-il apportées au cinéma chef adjoint rante. On perçoit aussi cette dissonance dans Nuit et japonais ? Contrairement aux films traditionnels des stu- des Cahiers brouillard au Japon (1960). Je pense à un débat entre des dios (dont Oshima a subi l'emprise), ses films racontent Le Petit Garçon. du cinéma intellectuels de gauche, ponctué par des malentendus, des rarement l'histoire d'une famille japonaise. Oshima a dit : Japon. conclusions précipitées et des lapsus. Cette discussion ne VIII Cahiers du cinéma IX Festival d'Automne Document de communication du Festival d'Automne à Paris - tous droits réservés RÉTROSPECTIVENAGISA OSHIMA RÉTROSPECTIVENAGISA OSHIMA

parvient pas à atteindre une communication véritable, autour de la tour de Tutenkaku, symbole de la ville, en empire sans empereur. Forger l'empire est pour lui une chaque phrase, chaque mot se refermant sur une disso- arrière-plan. Les citoyens de cette ville ne veulent pas nécessité immédiate parce que cet acte lui permet de créer nance. On sait bien que ce film a été tourné à toute vitesse, entrer dans cette zone maudite, Oshima y a tourné ce film un autre lieu. Pour lui, le pouvoir signifie toujours la résis- les responsables du studio Shochicku étant prêts à annu- en risquant sa vie. Et le résultat fut un succès à la fois cri- tance contre le pouvoir. Puis survient le scandale de ler le tournage à tout moment. Cette situation de crise se tique et commercial. Ce film était un témoignage sur un L'Empire des sens. Le tribunal devient alors le terrain de sa retrouve donc chez les acteurs, tendus, tous debouts, figés, quartier dangereux et louche, avec ses yakuzas, ses prosti- véritable résistance contre le pouvoir. La police lui interdit obligés de dire leurs répliques sans pauses, sans en com- tuées, ses immigrés clandestins... La description minu- de publier le scénario original avec les photos de tournage, prendre le sens. Il est logique qu'il y ait des lapsus et des tieuse de ce quartier a attiré l'attention du public et des parce que, selon elle, ces photos sont purement pornogra- malentendus. Nous ne trouvons pas dans les films des critiques d'alors. Ils se sont enfin rendu compte de la phiques. Bien qu'Oshima ait gagné son procès, ce « prince autres cinéastes japonais cette tension qui manque à toute nécessité pour le cinéma d'adopter un regard brut et cruel, de l'empire vide » est chassé du Japon. Oshima devient un vraisemblance. Ce film a quitté l'affiche une semaine après un cinéma pouvant montrer sans hésitation cette partie artiste immigré, il ne peut plus trouver de producteur au sa sortie, à la suite de la décision du studio. Oshima a été cachée du Japon. Japon. Trouvant avec Anatole Dauman ou Serge Silber- sommé de démissionner. La démarche d'Oshima (et peut-être celle de Yoshida) mann une relative indépendance, il est reconnu et honoré Les films d'Oshima étant placés sous le signe de la au sein du studio Shochicku, consistait à résister à la en France, république du cinéma mondial. Comme si les modernité, on les a désignés, avec ceux de Masahiro Shi- longue tradition esthétique que ce studio avait réussi à éta- soldats coréens, dans Le Retour des trois saoulards (1968), noda et de Kiju Yoshida, sous le nom de « Nouvelle Vague de blir grâce aux films des grands maîtres. Cette résistance pouvaient vraiment devenir japonais en volant les uni- Shochicku », même si Oshima détestait cette appellation. pourrait être symbolisée comme l'acte de tuer le « père », formes des étudiants qui viennent se baigner sur la plage. Les spectateurs japonais d'alors, qui appréciaient les émo- en l'occurrence le bon vieux cinéma japonais incarné par Mais depuis quand avons-nous rencontré, dans l'espace Furyo. une famille bourgeoise habitant à Paris, et l'autre montre la tions minutieusement décrites dans les films d'Ozu, par Yasujiro Ozu. Après qu'Oshima et Yoshida ont quitté ce désert du cinéma d'Oshima, des visages paisibles ? Depuis vie d'un ex-criminel habitant dans un village japonais. exemple, grand maître du studio Shochicku, percevaient studio, personne n'a continué d'incarner cette résistance, quand ses personnages solitaires et froids veulent-ils com- Mais comme Max mon amour, qui revient à une mise en nettement la différence entre cette forme nouvelle et la tandis que , lui, poursuivit cette bonne tradi- muniquer avec les autres ? Dans Fulyo, par exemple, nous scène calme et minutieuse, L'Anguille fait le même mou- forme traditionnelle protégée par le studio. C'est ainsi tion en tournant la série Tora-San avec l'acteur fétiche avons été surpris de voir, à la fin, le visage souriant du sol- vement en arrière en racontant une histoire typique du qu'Oshima, le plus jeune réalisateur de la Shochicku, a Kioyoshi Astumi. dat japonais condamné à mort (interprété par Takeshi bon cinéma japonais d'autrefois. transformé le cinéma japonais. Pour lui, le cinéma n'était Oshima, après être devenu indépendant, commence à Kitano) qui salue poliment les soldats anglais. Ce type de Dans le Japon des années 90, Oshima est connu non plus un moyen de raconter, avec des sentiments intimistes, gagner une réputation internationale grâce à la noirceur de visage existait-il dans ses précédents films ? Le gros plan pas en tant que cinéaste, mais plutôt comme animateur une histoire bien établie à travers un scénario. Son cinéma certains films aux sujets graves comme La Pendaison et La sur le visage de Takeshi Kitano a été une surprise parce de télévision, celui qui se met facilement en colère dans est d'abord un moyen de montrer une colère. Kamagashi, Cérémonie... Mais il demeure face à un paysage violent. qu'il est tellement innocent que nous pourrions oublier sa les émissions. A part ses activités de directeur général du la partie sud d'Osaka, deuxième ville japonaise, dans Dans Eté japonais : double suicide (1967), le « paysage vio- grave responsabilité dans la guerre. En comparant le visage Syndicat des réalisateurs japonais, il n'a plus aucune acti- L'Enterrement du soleil, son deuxième long métrage, est lent » devient la ville déserte où le personnage à l'agonie souriant et paisible de Kitano, avec celui sans expression vité cinématographique, surtout depuis qu'il est malade. dépeinte à travers les visages de ses habitants, tous malfai- cherche quelqu'un qui aurait la « gentillesse » de le tuer. du garçon qui vend les pigeons dans Une ville d'amour et Après avoir tourné Max mon amour, film assez tradition- teurs. Ces visages forment un paysage fantastique disposé Dans Journal d'un voleur de Shinjuku (1968) tourné à Kino- d'espoir (1959), ou ceux des habitants de Kamagasaki dans nel, Oshima s'est enfermé dans l'identité japonaise qu'il kuniya, la plus grande librairie de Tokyo, on retrouve cet L'Enterrement du soleil, et celui du garçon dans Shonen (Le avait dépeinte avec haine dans ses films des années 60. Il espace vide et désert. Il n'y a personne dans le vaste Petit Garçon, 1969), nous nous sommes rendu compte que a réalisé deux films documentaires ces dernières années : espace de cette librairie, sauf trois personnages principaux ce sont justement ces visages sans expression qui envahis- 100 ans de cinéma japonais et Kyoto, my Mother's Place. A la qui entassent des livres sur le plancher. Les citations et les sent les films d'Oshima dans les années 60 et 70. La nou- demande du BFI, Oshima a donc réalisé une histoire du Notre souhait le plus vif : portraits des auteurs connus, lus en voix-off envahissent veauté apportée par Oshima dans le cinéma japonais cinéma japonais où il tente de forger son identité natio- cet espace. Ce film parvient à nous donner le meilleur por- prend-elle fin avec ses films des années 80 ? Oshima, nale. Dans le second film, il magnifie la beauté de la trait de Shinjuku à la fin des années 60. Tadao Sato, alors comme la famille du Petit Garçon qui s'est perdue dans la vieille capitale du Japon avec les cerisiers en fleurs... voir le public français mieux informé sur le Japon. critique de cinéma, a d'ailleurs écrit :« Après avoir vu ce neige du Nord du Japon, ne se serait-il pas égaré dans la Oshima, dans ses films des années 60, se situait toujours à Dans ce but, la librairie JUNKU film, mon image de la ville s'est transformée.» tradition du cinéma japonais, dans une mise en scène effi- la place du témoin, mais là, dans ses documentaires A ce paysage violent et vide, Oshima ajoute la froideur cace, habile et ingénieuse avec Max mon amour (1986) ? demeure à votre service. récents, surtout dans Kyoto, my Mother's Place, il se tourne et la solitude. On trouve ainsi partout chez Oshima un type Car cette mise en scène, par son efficacité, nous fait penser vers lui-même, vers ses racines. Ce retour à l'origine est-il de corps étranglé. Dans la forêt de L'Empire de la passion au prototype du studio Shochicku. Le chimpanzé est plus le fruit d'un renoncement à la résistance ? Il faut tout de Littérature japonaise (en français et en japonais) (1978), le cadavre est couvert de feuilles mortes. Et la « résistant » avec son visage froid et sans expression. Bien même signaler que c'est le sergent condamné à mort dans Manuels de japonais manifestation d'étudiants dans la neige, au début du A pro- que le sujet soit scandaleux en lui-même, Oshima et Jean- Furyo qui semble le plus conscient de la distance entre Dictionnaires divers pos des chansons paillardes au Japon (1967) se transforme en Claude Carrière n'y introduisent pas les éléments sensa- l'universalité du cinéma et l'identité nationale japonaise. Guides et cartes du Japon cortège funèbre dans la dernière scène où un jeune étu- tionnels qui marquaient tous les films du cinéaste dans les En tournant Furyo, Oshima a reconnu le talent de Kitano. diant manque de violer et d'étrangler une fille qui s'est années 60. La qualité de ce film est d'ailleurs assurée par En refusant d'être l'héritier d'Oshima, Kitano ne poursuit Livres d'art traditionnel étendue sur un bureau comme un cadavre. Même dans 300 magazines différents l'absence de sensations. Et, bien que tourné par une pas davantage la résistance. En tournant ses films selon L'Obsédé en plein jour (1966), une femme pendue dans la équipe européenne, il est marqué par une description de 4 quotidiens des rythmes et des jeux qui n'appartiennent qu'à lui, en forêt finit par être violée. Chez Oshima, on rencontre par- l'espace et une lumière qui rappellent la grande tradition Bandes dessinées jouant dans ses propres films, Kitano entre de plain-pied tout des cadavres et des corps violés. Les tentatives de viol du studio Shochicku. Serait-ce le processus d'apprentis- dans son univers. Il n'en est pas le témoin. Quant à Yochi Vidéos de films japonais (sous-titrés en français) et de strangulation se complexifient dans L'Empire des sens sage d'un cinéaste qui retrouve la tradition laissée par les Saï, l'ancien assistant d'Oshima sur L'Empire des sens, CD (1976). Les deux amants forgent pour eux seuls un empire grands maîtres comme Yasujiro Ozu ? Un rebelle enragé cinéaste coréen résidant au Japon, il a rencontré un beau Papiers de pliage au sein du Japon en 1936, tandis que l'extrême-droite a du studio fait ainsi retour vers tout ce qu'il détestait quand succès avec son premier film, Où est la lune ? Ce film pris le pouvoir par un coup d'Etat. Leur empire froidet il travaillait au sein d'un studio. Mais il faudrait peut-être retrouve lui aussi la tradition du studio. Le malheur solitaire finit par s'achever avec le cadavre étrangléet cas- noter que ce retour ne se fait pas dans un studio japonais. or r d'Oshima n'est pas dû au fait qu'il ne puisse pas tourner tré. Oshima n'est pourtant pas l'empereur de cet empire. Il Ce retour s'est paradoxalement réalisé en France. C'est en depuis Max mon amour. Son vrai malheur est de ne pas Vila/ garde son sang-froid en se maintenant dans la position du ce sens qu'il existe une ressemblance entre Oshima et un trouver dans le cinéma japonais, d'enfants qui voudraient témoin, en décrivant minutieusement ce quipasse devant autre résistant japonais, Shohei Imamura. Avec L'Anguille, 18, rue des Pyramides ses yeux. tuer le père, comme lui-même l'avait fait il y a quarante 75001 Paris grâce à l'efficacité de la mise en scène, Imamura semble ans. Agé de soixante-cinq ans, il attend en vain l'appari- Alors que Yoji Yamada continue detourner la série en effet revenir au Shimin-guéki (l'histoire des gens nor- tion de ces fils. Et il n'ose toujours pas monter sur le trône Tél. :01 42 60 89 12 Tora-San et choisit de monter sur le trône du studio, Fax : 01 49 27 04 84 maux), genre majeur de Minoru Shibuya, l'un des princi- de son empire. musée des « bons papas » d'autrefois, Nagisa Oshima, lui, paux réalisateurs du studio Shochicku. Les histoires et les collectionne les étranglés dans ses paysages vides, forge un sujets de ces deux films sont bien différents : l'un décrit Traduit du japonais par Yoichi Umémoto X XI Cahiers du cinéma Festival d'Automne Document de communication du Festival d'Automne à Paris - tous droits réservés RÉTROSPECTIVE NAGISA OSHIMA RÉTROSPECTIVE NAGISA OSHIMA

Haruaki Nozawa journaliste, ancien militant actif du mouvement est composé d'un photomontage montrant des petits Coréens étudiant au début des années 50 alors qu'il était encore lié au PCJ, protagonistes du film, n'est pas la politique, et ils n'en parlent même pauvres, accompagné d'un commentaire off, répétitif, lu par unejamais. Ce sont les lycéens qui sont montés à Tokyo pour passer et de Reiko Harada, sa jeune épouse, militante de la Zengakuren voix atone : « LiY unbogi, tu es un garçon de dix ans. LiYunbogi, tu es un Les films nouvellement détachée du PCJ. Pour le professeur Udagawa, qui leurs examens d'entrée à l'université. Ce qui les intéresse est leur garçon coréen. Li Yunbogi, tu es marchand de journaux. LiYunbogi, tu es fait le discours d'ouverture, ce mariage symbolise la réconciliation propre désir sexuel et leurs fantasmes. Bien que la ville de Tokyo cireur de chaussures. Li Y unbogi, tu es un garçon pauvre en Corée.» Au de deux générations : les époux se sont rencontrés lors des luttes du soit, au début du film, couverte de noir et blanc (presque tout le moment où ce garçon compare la récolte des blés au piment rouge monde est vêtu de noir dans un paysage neigeux), et que la mani- 15 juin, jour de la constitution d'un front unique. Les avis se qui devient de plus en plus fort au fur et à mesure de sa cuisson,on confrontent avec une hargne grandissante lorsqu'un étudiant fugitif festation contre le retour de l'ancien régime prenne une allure très Une ville d'amour et d'espoir (Ai to kibo no machi) 1959, 1h02 touche à l'essence du cinéma d'Oshima. Soudain apparaît Kagé- funèbre, cet espace neigeux apparaît pour ces quatre lycéens (recherché par la police), Ota, fait soudainement irruption au ban- maru, le personnage de la bande dessinée Ninj a Bugeicho, qui Oshima a vingt-sept ans lorsqu'il réalise ce premier long métrage, quet, prenant la mariée à partie et, à travers elle, tous ceux qui ont comme une page blanche. Ils essaient de la remplir uniquement de déclare :Je suis immortel. Je renaîtrai dans cent ans, même dans mille leur désir sexuel symbolisé par des chansons paillardes. Autrement juste après Les Soleils de demain, court métrage qu'il avait tourné avec « oublié » l'explosion populaire récente pour retourner à leur petite ans, en tant que représentant des paysans pauvres ! » Ce type de scènes dit, il s'agit d'un nouveau monde qui remplacerait le monde vide, les mêmes acteurs et pour le même grand studio Shochicku. Une vie égoïste. Son intervention est à peine étouffée qu'un autre prend fait apparaître le côté le plus optimiste d'Oshima. Yoichi Oguino ancien et traditionnel, et cela exigera d'eux une forme d'intelligence ville d'amour et d'espoir, qui marque le début de la « Nouvelle la parole. Cette fois, c'est un ancien compagnon de lutte de Nozawa, Vague » à la Shochicku, raconte l'histoire d'un jeune garçon qui qui se substituerait à leur premier désir instinctif. Ils ne cessent de dont la présence remet en mémoire certains incidents survenus dans Les Plaisirs de la chair (Etsuraku), habite dans le quartier industriel de Kawasaki, et qui va devenir 1965, 1h30 chanter la chanson paillarde qu'Otaké, leur professeur, leur a les années 50, rouvrant le débat cruel où chacun des anciens se En apprenant que sa jeune pupille Shoko, dont il était secrètement désormais le héros-type de tous les films d'Oshima : à la fois jeune, trouve mis en cause. apprise. Ils la chantent d'abord juste pour s'amuser, mais petit à pauvre, victime et rebelle de la société japonaise, et délinquant. amoureux, avait été violée alors qu'elle n'était encore qu'une petit elle prend une autre dimension : les amener à rencontrer inévi- enfant, l'étudiant Atsushi Wakisaka avait puni le coupable en le pré- tablement le monde extérieur, c'est-à-dire l'histoire du Japon qui Vendeur de pigeons sur la place de la gare, il sait pertinemment que Le Piège (Shiiku )1961, cipitant d'un train en marche. Mais il y avait eu un témoin. Il reçoit les entoure. Lorsqu'ils essaient de violer et d'étrangler une fille, ce les âmes charitables qui achètent ses pigeons, les relâchent dès leur 1h45 bientôt la visite de Hayami, un fonctionnaire de l'Etat, qui lesou- n'est plus un acte pour satisfaire leur désir, mais celui, désespéré, arrivée chez eux, et que ceux-ci lui reviennent instinctivement. Après avoir quitté le stu- met à un curieux chantage. Celui-ci, qui vient de détourner 30 mil- qui leur permettrait de parvenir à l'Autre. Ainsi, il revend, en boucle, les mêmes pigeons aux mêmes per- dio Shochicku avec les Abi Sakamoto sonnes. Jusqu'au jour où une lycéenne, se rendant compte qu'elle a lions de yens, s'apprête à passer cinq années en prison. En échange deux scénaristes Ysohiro de son silence, il exige qu'Atsushi conserve son magot à l'abri pen- été dupée, demande à son frère de tuer le pigeon d'un coup de fusil, Ishido et Takeshi Ta- ce qui met en évidence tout à coup le cercle vicieux dans lequel se dant cette période... Quatre ans ont passé. Atsushi, qui a perdu mura, Oshima fonde sa Shoko à tout jamais, mène une vie solitaire et frustrante. Il décide trouve le jeune garçon, et en fait un escroc. Un coup de fusil qui a propre maison de produc- été considéré comme le coup d'envoi de la « Nouvelle Vague » à la de dépenser les 30 millions en un an, puis de se tuer. Il se lance tion : Sozosha. Il réalise alors dans la quête d'un épanouissement amoureux impossible, dans Shoch icku. Yoichi Oguino cependant Le Piège pour une série d'aventures dérisoires et destructrices. Le Piège. une autre société indé- Conte cruel de la jeunesse (Sheishu Zankoku Mono Gatari ) 1960, 1h36 pendante, Palace Film. Le Pour rentrer chez elle après ses sorties nocturnes, l'étudiante L'Obsédé en plein jour ( Hakuchu no Torima)1966, 1h39 Piège est l'adaptation d'un roman expérimental de Kenzaburo Oé « Oublie-moi ! », dit Esuké, l'obsédé, à Matsuko, sa future femme Makoto Shinjo a coutume d'user coquettement de son charme (prix Nobel de littérature en 1996). Fidèle au roman, Oshima met d'adolescente pour se faire véhiculer par des automobilistes incon- dont il est en train de serrer le cou pour pouvoir la violer, après lui en images « l'enfermement », thème principal, à l'époque, d'Oé. avoir avoué qu'il avait forcé Shino, une autre femme, à la même nus, généralement des hommes d'âge mûr. Un soir, l'un d'eux tente Mais il y ajoute une sorte d'« état de blocus » japonais après l'échec de l'emmener de force dans un hôtel, et c'est l'arrivée d'un jeune chose. Esuké ne peut violer une femme qu'après lui avoir fait du mouvement anti-américain contre le traité de sécurité Japon- perdre connaissance, ou l'avoir tuée. Mais ce qui lui est avant tout homme, Kiyoshi, qui lui évite le pire. Après avoir rossé l'automobi- USA. Le Piège raconte l'histoire d'un soldat noir américain fait pri- liste, le jeune homme lui extorque une somme d'argent en échange indispensable, c'est qu'elle perde la mémoire, qu'elle oublie tout sonnier par des villageois après la chute de son bombardier. son passé. Il veut séparer le corps d'une femme de son histoire. de son silence. Une relation amoureuse naîtra entre eux, cyniqueet Carnet de Ninja. Enfermé dans une grange en sous-sol, il y fait la connaissance d'un Ainsi Esuké dit-il à Shino : « Tu n'es pas un être humain, tu n'es qu'un désenchantée. garçon, avant d'être tué et enterré par les villageois. Oshima décrit objet, tu n'es qu'un corps. » Un corps nu sans mémoire, disait Serge Carnet de NinjaBugeicho),1967, 2h11 minutieusement l'opposition qui règne dans cette communauté, Daney, est un corps pornographique, L'Obsédé en plein jour est une L'Enterrement du soleil (Taiyo No Hakaba )1960, 1h27 entre les villageois et le prisonnier de guerre, et la montée progres- Ce film a été tourné à l'aide d'environ quatre mille images extraites L'action se situe dans l'immeuble bidonville de Kamagasaki qui analyse critique du porno et du corps qui y résiste. de la bande dessinée Ninja Bugeicho de Sampei Shirado, extrême- sive de la haine collective à l'égard du soldat noir. L'unanimité des Oshima traite de la honte propre au sexe masculin. s'étend aux portes mêmes d'Osaka, le second centre industriel du habitants du village devient si forte qu'ils apparaissent « L'homme ment populaire au Japon il y a une trentaine d'années. Cette B.D. se comme une éprouve trop de honte, c'est pourquoi il ne peut commencer à faire l'amour Japon. Depuis la fin de la guerre, la misère la plus sombre règne masse inquiétante et sans visage. Le plan en contre-plongée du trou compose elle-même de 20 000 planches. C'est Oshima qui a expé- avec une femme normalement ;il doit donc lui faire perdre connaissance et dans les décombres de la ville bombardée ; ici se tiennent tous les dans lequel est enterré le soldat laisse apparaître des mains de villa- rimenté cette manière de filmer tout à fait nouvelle, puisqu'il avait la transformer en un simple corps, afin de faire l'amour avec elle sans marchés noirs imaginables, des faux certificats de naissancelau trafic geois. Le film met en évidence une structure symétrique où le sol- déjà tourné Journal de Y unbogi (1965) en montant de nombreuses aucune honte. » Et c'est la conscience d'être regardé qui lui fait éprou- de sang. Dans ce lieu où la dat est perçu par les villageois comme l'« autre images photographiques. Il s'agit donc d'images immobiles mon- » tombé du ciel, alors ver de la honte, car il est regardé par l'Histoire, ou par la Mémoire. haine est le seul rempart que lui-même les perçoit comme une altérité radicale. Ainsi, si le tées en un « movie ». Oshima écrit ailleurs au sujet du gros plan contre le désespoir, seuls D'où l'importance des plans de regards, particulièrement féminins, « Le gros plan était une image immobile. Le cinéma qui est défini par la soldat est enfermé à l'intérieur de la grange, les villageois,eux, sont chez Oshima : les femmes doivent préserver leur propre regard, les plus puissants ont une enfermés à l'extérieur. Le regard de la mort dans ce plan encontre- mobilité des images, a réussi à passionner le public d' autant plus fort qu'il chance de survivre. Prosti- pour survivre à la honte masculine destructrice. Pour les femmes du contenait des éléments qui vont à l'encontre de sa propre définition.[...] plongée, sera, vingt-sept ans plus tard, le thème principal de cinéma d'Oshima, regarder c'est résister. C'est en ce sens qu'avec tution, crimes crapuleux, L'Empire de la passion. Fumiko Tsuneishi C'est dans un gros plan immobile que s'enveloppe le temps où la vedettea viols et suicides sont le lot son regard extraordinaire, la force vitale de Shino, qui sera la seule commis une action fatale aussi bien que celui des spectateurs qui ont vécu la survivante du film, est celle même de la résistance du corps au pou- quotidien de ces laissés- Le Révolté (Amakusa Shiro Tokisada)1962, 1h40 même fatalité. C'est de cette façon que les spectateurs vivent un temps voir masculin du porno. Jun Hirosé pour-compte d'une société En 1637-1638, la péninsule de Shimabara, situéesur le golfe de suprême où ils s'identifient avec leur vedette. » Certes, les images de qui est pourtant en pleine Nagasaki, fut le théâtre d'une importante révolte de Ninja Bugeicho sont toujours mises en branle par le mouvement de la paysans chré- A propos des chansons paillardes au Japon ( Nihon shunka Io) 1967, reconstitution. tiens. Pour protester contre un impôt supplémentaire qui les visait, caméra et par le montage, mais ces mouvements ne fonctionnent 1h43 trente-cinq mille habitants de la région (vingt mille hommes que pour cerner l'immobilité même des images extraites de la B.D. avec En février 1967, le gouvernement japonais a décidé, magré de mul- Nuit et brouillard au Japon leurs femmes et enfants) prirent d'assaut le château local En ce sens, dans ce film, tous les plans sont des gros plans, comme et s'en tiples objections, de renouer avec une tradition abandonnée Nihon No Yoru To Kiri) emparèrent aux cris de « Jésus ! Maria ! en dans les films de Dreyer, et, par conséquent, le film tout entier ». Ils y restèrent barricadés 1945 : ré-instituer la Fête nationale supprimée par l'armée améri- 1960, 1h47 pendant près de trois mois, subissant un siège terrible des forces devient « un temps suprême ». C'est la manière dont Oshima inscrit de caine après la guerre parce qu'elle avait un rapport très étroit avec Automne 1960. Peu après Shogun, appuyées par l'artillerie de quelques navires hollandais. une passion, ou bien un événement sur la pellicule. l'échec de la lutte contre la l'idéologie impériale réactionnaire. Ainsi, comme avant la guerre, le On sait que, dans ce film, Oshima a tenté de prendreen charge la jour du 11 février redevint Fête nationale. Les forces de droite ont prorogation du Traité de Journal de Yunbogi (Yunbogi no nikki )1965,25 mn volonté d'Eisenstein de filmer Le Capital de Marx. Comment a-t-il sécurité nippo-américain, Tourné en Corée, Journal de Yunbogi s'articule alors chaleureusement fêté le retour définitif de l'ancien régime. fait ? Sans doute est-ce d'après le thème de « la révolution» ou bien autour d'un jeune C'est ce jour-là qu'Oshima a commencé le tournage de A propos des on célèbre le mariage de L'Enterrement du soleil. vendeur de chewing-gum, Li Yunbogi. Ce film, à la forme radicale, d'après « l'esprit de la révolution ». En ce sens, peut-être pourrait-on chansons paillardes au Japon. Mais ce qui intéresse les quatre lycéens, analyser le ninja en le considérant par exemple comme étantune XII Cahiers du cinéma XIII Festival d'Automne Document de communication du Festival d'Automne à Paris - tous droits réservés RÉTROSPECTIVE NAGISA OSHIMA RÉTROSPECTIVE NAGISA OSHIMA

« une machine nomade de guerre ». Mais ce thème apparent ne serait le lieu où naissent toutes les tentatives, où s'imaginent toutes les d'alors. Il commence aussi par la rêverie. Un étudiant qui s'est sui- que secondaire : il y aurait quelque chose de plus profond. Ce serait aventures. C'est à Shinjuku, aussi, que se déclarèrent les guerres cidé à cause de l'échec de son mouvement politique laisse un testa- plutôt dans la passion que la véritable volonté d'Eisenstein s'est estudiantines successives des années 50 et 60. ment en forme de film. C'est à ce moment-là que la rêverie de son épanouie chez Oshima. En d'autres termes, seule cette passion ami commence : le testament-film laissé est un document qui serait pourrait pousser le public à la révolution. Jun Hirosé Le Retour des trois saoulardsKaette Kita yopparai)1968, 1h20 partagé par tous les jeunes du monde et, en même temps, il serait le Le film débute avec le refrain d'une chanson populaire de secret privilégié de son ami... Il devient alors une sorte d'homme à Eté japonais, double suicide ( Muri shinju nihon no natsu) 1967, 1h38 l'époque : «Je suis mort ! Je suis mort ! Je suis au paradis ! » Cette la caméra et essaie de suivre ce que lui a montré le film-testament Le film le plus étrange d'Oshima, unique même dans les films asia- chanson, Le Retour des trois saoulards, qui ressemble aux chansons de son ami. En portant la caméra à la main, il devient donc lui aussi tiques. On peut rarement le voir, même dans les salles d'art etfolkloriques acides de Caroline Rainbow, fut pendant longtemps le cinéaste. C'est à son tour de commencer à écrire sous forme de film d'essai de Tokyo. La parenté de ce film avec A propos des chansons numéro 1 au hit-parade. Le film est étrange comme Eté japonais, son propre testament. Mais à partir du moment où sa caméra est paillardes au Japon, Le Retour des trois saoulards, Journal d'un voleur de double suicide. Deux déserteurs coréens de la guerre du Viêt-nam volée, il ne peut plus continuer son activité. Pour lui, la caméra est le Shinjuku et Il est mort après la guerre est évidente. Cette parenté réussissent à voler les uniformes de lycéens sur une plage pour aller seul outil qui l'enchaîne à ce monde. Il est donc important de noter consiste en un désespoir et en une humeur tordue qui pourraient à Tokyo. Les lycéens, en s'apercevant que leurs uniformes ont été que dans ce film, la rêverie d'Oshima se pose aussi comme la forme même cacher le profond désespoir de l'oeuvre. Ce film a été tourné dérobés, n'ont pas d'autre solution que de porter les uniformes de du film que tourne cet étudiant. Il faut ajouter que le compositeur en 1967 alors que le mouvement anti-establishment était actif et les ces soldats coréens. On les traite alors en déserteurs. Cette intrigue Toru Takémitsu collabore avec Oshima pour la première foissur ce étudiants politisés. Ces cinq films, bien qu'ils aient été marginaux, comique n'a pas de développement. Comme toujours chez Oshima, film. Yoichi Oguino représentent clairement l'atmosphère de l'époque dans laquelle les elle tourne en rond comme le refrain de la chanson. Ce qui caracté- gens pouvaient garder un certain humour même en pleine saison rise le film d'Oshima est davantage l'expression tendue de la nature La Cérémonie (Gishiki )1971, 2h03 de militantisme politique. humaine dans un espace limité. Ce film tourné pendant la période «La féodalité d'avant-guerre s'est à peu près effondrée mais elle est restée L'Empire de la passion. Une fille de dix-huit ans cherche un homme qui accepterait de cou- post-68 est un road-movie dans le vaste paysage touristique du bord dans le coeur de chaque Japonais. C'est le sujet de La Cérémonie. cher avec elle. Et un homme appelé « Otoko », c'est-à-dire littéra- » de mer. (Oshima). Comme Nuit et brouillard au Japon, La Cérémonie est réa- lement « homme », voudrait rencontrer quelqu'un qui le tuerait. On opposé contretypique. Le film se déroule en 1895, pendant l'ère Selon la classification faite par Oshima lui-même, il a tourné deux lisé au terme d'une période de lutte intense menée par les étudiants voit en arrière Meiji, dans un village isolé du Kanto où règne une pauvreté proche sortes de films. D'abord, les films logiques comme La Pendaison et nippons. de la misère. Gisaburo est un conducteur de pousse-pousse âgé et plan quelques La Cérémonie. Puis des films situés au-delà de toute logique comme Masua Sakurada et sa cousine Ritsuko se retrouvent à l'aéroport de diminué par le travail. Malgré son âge mûr, son épouse Seki est res- gangsters A propos des chansons paillardes au Japon et Le Retour des troissaou- Haneda. Nous sommes en 1971 et ils ont été prévenus par un télé- tée assez désirable et le jeune soldat Toyoji Tanaka, dont elle errer dans la lards. Oshima a tourné ce film après La Pendaison, selon un mouve- gramme de la mort d'un membre de leur famille, Terumichi. Le repoussait les avances, la prend par surprise pendant son sommeil. ville déserte ment qui consiste à tourner un film à grand sujet puis un autre qui télégramme émane de Terumichi lui-même. Masuo et Ritsuko veu- Ils vivent dès lors une passion charnelle absolue et décident de de Tokyo en explique le film précédent par son regard critique, cette dialectique se lent se rendre dans l'île où habitent leurs parents. Pendant le débarrasser de Gisaburo. Les deux amants, soupçonnés par les villa- été. Ils aime- qui ne cesse de jouer tout au long de sa filmographie. Yoichi Oguino voyage, Masuo se remémore les grandes étapes du passé familial, geois, sont contraints à la clandestinité, et hantés par leur culpabilité. raienttous toutes liées à des cérémonies. mourir, et La Pendaison ( Koshikei ) 1968, 1h57 Furyo ( Merry Christmas Mister Lawrence), pourtant, pré- L'action se déroule dans le quartier des exécutions d'une grande 1983, 2h02 Une petite soeur pour l'été ( Nastu no imooto) 1972, 1h36 A Java, en 1942, un camp de prisonniers est tenu par l'armée nip- cisément à prison. R, un jeune Coréen condamné à mort pour le viol et le Voici le film ambigu d'un cinéaste qui pose toujours la mêmeques- ponne. Des troubles opposent les Japonais aux prisonniers britan- cause de leur meurtre de deux jeunes filles japonaises, y attend d'être pendu. Le tion : qu'est-ce que l'identité japonaise Le film, en apparence, est niques qui refusent de donner certains renseignements, et d'assister pulsion de la film se divise en sept tourné avec aisance et liberté, choses inhabituelles chez Oshima. Eté japonais, double suicide. mort,leurs segments : à la mort du garde-coréen Kanemoto. Ils subissent alors un jeûne Pourtant même dans ce film, il continue à poser la même question. forcé. Alors qu'il est ivre, le sergent Hara libère, le jour de Noël, le comporte- Le corps de R refuse C'est parce qu'il se passe à Okinawa, une île occupée par l'armée ments semblent très amusants. Les gangsters préparent la bagarre, colonel Lawrence (jusque-là officier de liaison entre les captifset l'exécution. américaine jusqu'à 1972, mais lieu par excellence des vacances pour mais cet événement n'arrive pas. Les mouvements de tous les per- les geôliers) et le major Celliers, tous deux mis au cachot. Plus tard, R ne reconnaît pas les Japonais. Le film est tourné juste au moment de la restitution sonnages finissent par tourner en rond. Rien ne s'achève. Cette Hara est condamné à mort pour crimes de guerre, et Lawrence lui être R. d'Okinawa au Japon. La clarté et la transparence de la belle plage de sorte de temps mort nous fait penser à Sonatine de Takeshi Kitano R reconnaît R comme raconte que Yonoi (le commandant du camp, exécuté) lui a remis l'île et les costumes blancs des personnages, commeune toile une mèche de cheveux appartenant à Celliers, pour qu'il la porte et le double suicide accidentel de la fin ressemble à Crash de Cro- une autre personne. blanche offerte à un peintre de talent avant de commencer nenberg. Mais ce film respire le même air qu'Anne Wiazemsky un sur l'autel de ses propres ancêtres, au Japon. por- R essaie d'être R. tableau, sont comme le degré zéro du décor à partir duquel Oshima tant le petit livre rouge dans La Chinoise de Godard. Il faut se sou- Si F wyo est bien un film de guerre, il l'est surtoutpar l'exploration R est défendu comme se met à réfléchir sur l'identité japonaise sous la forme d'une petite venirdu torse nu de Kei Sato qui joue « Otoko» dans ce film, un Coréen. des conflits intimes, suscités par le conflit général. La scène inau- histoire. Une petite fille de Tokyo va sur cette île avec sa précep- gurale a aussi le mérite d'introduire dans le film une présence expli- torse magnifique, brillant de millle feux, sublimation du signe dis- R redevient enfin R. trice à la recheche de son frère, habitant d'Okinawa. En suivant tinct des yakuzas des années 60. Après ce film, le cinéma japonais cite de l'homosexualité. a R accepte d'être R. La Pendaison. cette recherche mêlée peu à peu à l'histoire d'amour qui se noue commencé à perdre de la tendresse et de l'érotisme. entre le frère et la jolie préceptrice, les spectateurs commencent à Max mon amour,1986, 1h32 Le Petit Garçon ( Sho- découvrir les racines ambiguës et compliquées de la famille de cette Avec Max mon amour, Oshima est le premier réalisateur japonais à Journal du voleur de Shinjuku (Shinjuku Dorobo Nikki ) 1968, 1h34 nen ),1969, 1h34 se petite soeur, qui serait aussi celle du Japon. L'ambiguïté du film est placer délibérément en position de travailler hors de son pays. Shinjuku est à la fois un quartier populaire de Tokyo et l'équiva- L'anecdote du film est le type même du fait diversqui parle de la lent local du Quartier Latin parisien. Point de rencontre des intel- donc produite par l'opposition entre la beauté de la nature, aspect Jeune diplomate britannique en poste à Paris, Petersoupçonne réalité mieux que toutet constitue, selon Oshima, une sorte de rare chez Oshima, et sa recherche obsessionnelle de l'identité lectuels, des témoignage sur le Japon contemporain. quelque infidélité de la part de son épouse Margaret. Bien que le jeunes,des impure de ce pays. Après ce film, Oshima entre dans un silence de détective privé qu'il attache aux pas de la jeune femme confirme le Pour subsister, les parents d'un enfant de dixans feignent d'être trois ans jusqu'à sa rencontre avec Anatole Dauman pour tourner marginaux. accidentés et blessés, ce qui leur assure des indemnités de la bien-fondé de sa méfiance, les choses pourraient nepas aller plus part L'Empire des sens. Yoichi Umémoto loin : la pratique de l'adultère réciproque appartient Creuset de la des « responsables ». Lorsque leur fils atteint un certain âge, les en effet depuis vie culturelle longtemps à la vie du couple, qui n'en mène pas moinsune exis- parents lui demandent de faire de même. Obéissant, il permet à sa L'Empire des sens (Ai No Corrida)1976, 1h42 et artistique famille de survivre. tence harmonieuse. Pourtant, Peter va ressentir une jalousie d'une japonaise, c'est Ode à l'amour fou (ou à sa variante, le sexe fou), L'Empire dessens est intensité nouvelle ; il s'avère en effet que Max, l'amant de Margaret, l'histoire d'une possession mutuelle, du désir charnel illimité de n'est rien de moins qu'un véritable chimpanzé, le lieu privilé- Il est mort après la guerre (Tokyo senso sengo hivva ) 1970, 1h34 un animal de taille gié où ger- deux êtres qui élèvent la pratique sexuelle, littéralement, à la hau- adulte qu'elle a arraché du zoo où il s'ennuyait ! Les films d'Oshima expriment souventune sorte de rêverie. Testuo teur du modus vivendi. ment tous les Abé, le garçon de Shonen parle par exemple àson petit frère de espoirs d'une Les notes non signées sont extraites de Nagisa Oshimapar Louis Danvers « l'extra-terrestre de l'Andromède qui rend la justice ». Comme L'Empire de la passion (Ai No Borei),1978, 1h48 génération qui dans Shonen, les films d'Oshima se tournent souvent et Charles 'Fatum Jr, Editions des Cahiers du cinéma, 1986. vers la rêverie. L'Empire de la passion forme un dyptique avec L'Empire dessens, mais La rétrospective Oshima est une coréalisation Cahiers du cinéma, étouffe. C'est Jounal du voleur de Shinjuku. Il est mort après la guerre, film curieux, fut un échecpour les critiques ce second volet est beaucoup moins une suite du premier que son Festival d'Automne, Parc de La Villette. XIV XV Cahiers du cinéma Festival d'Automne Document de communication du Festival d'Automne à Paris - tous droits réservés HOMMAGE À 5 EIJ 1JN SUZUKI

Le sujet de votre premier film, A la santé du port/La victoire est entre mes mains, a-t-il été imposé par le studio ? Le studio était contraint de produire un grand nombre de films pour pouvoir assurer Hommage à la distribution de toutes ses salles. Or, chaque salle proposait un double programme : un film de série A et un autre de série B. Ce sys- tème de production en série obligeait donc les producteurs et les scénaristesqui tra- vaillaient ensembleà écrire, à l'avance, Seijun Suzuki beaucoup de scénarios, que le studio confiait, au fur et à mesure, aux réalisateurs engagés. C'est ainsi que je m'en suis vu imposer un. C'était donc le choix du hasard ? C'était la logique du système. Un assis- tant nommé auprès du réalisateur de films de fiction était condamné à tourner des films du même genre, et ainsi de suite. C'est pourquoi vous avez très vite été classé dans la catégorie des réalisateurs de très longtemps, on parable à celui que suscita le limogeage d'Henri Lan- films d'action. Aimiez-vous tourner ce genre pensait pouvoir distinguer glois. de films ? pendantdeux grands blocs dans l'his- Près de trente ans plus tard, en découvrant le travail Comme je vous l'ai dit, je ne pouvais que toire du cinéma japonais : un âge de ce cinéaste virtuose, on comprend peut-être mieux Le Vagabond de Tokyo. me plier à la règle. Je ne pouvais pas envisa- g d'or qui s'étendrait du muet à comment un art parvient à s'émanciper grâce à l'action ger de faire un film d'art ! _'? l'après-guerre, âge d'or marqué souterraine de ces agents « intermédiaires ». La seule Que pouvez-vous dire de votre premier 5:7' par les acteurs-clés (Ozu, Mizogu- chose qui intéresse Suzuki, c'est la mise en scène, par- film ? chi, Naruse et Kurosawa) ; puis fois au détriment des intrigues, souvent incompréhen- C'était un moyen métrage. Un film une rupture, avec l'émergence de "J'ai goûté à la liberté" d'action tout court ! A cette époque, un par Nicolas Saada sibles. Mais, au fond, peu importe ses plus beaux films cinéastes contestataires au début bouillonnent d'idées, chaque plan chassant l'autre pour cinéaste débutant devait obligatoirement, des années 60 : Oshima, Ima- y introduire une trouvaille visuelle ou sonore qui rend la Entretien avec Seijun Suzuki avant de se lancer dans la réalisation d'un mura, Yoshida. Raccourci facile, typique de ceux qu'on précédente déjà caduque. Un décor passe du jaune au long métrage, tourner deux ou trois moyens trouve dans certaines histoires du cinéma rédigées à la rouge. Un brusque changement d'axe nous montre une métrages pour se faire la main. Ces petits va-vite. scène en plongée, un effet de fondu-enchaîné bouscule Comment êtes-vous entré dans le milieu A cette période, pensiez-vous déjà tourner films étaient projetés dans les salles du stu- En réalité, derrière ces grands blocs, se cachent des le temps et l'espace. Dans un de ses plus beaux thril- du cinéma ? votre propre film ? dio, avant un film de série A. glissements, des changements subtils, des étapes tout à lers,La Jeunesse de la bête, des yakusas se tirent dessus Après la guerre, au Japon, il était très diffi- Non, je ne pouvais pas même l'imagi- Travailliez-vous toujours avec les mêmes fait fondamentales qui expliquent le soudain et récent dans une salle de projection, tandis que défilent à cile de trouver du travail. J'avais entendu dire ner. Car lorsque j'ai débuté, à la Shochicku scénaristes ? que le studio Ofuna de Shochicku recrutait regain d'intérêt pour le cinéma de genre japonais. Ses l'arrière-plan les images d'un mauvais film de gangsters. par exemple, il y avait déjà plus d'une Non. Et puis, c'était le studio Nikkatsu et je me suis présenté aux entretiens, juste grands maîtres ont pour noms Inoshiro Honda, Hideo C'était sa manière ironique de rejeter les ingrédients du soixantaine de réalisateurs sous contrat. Je qui les choisissait. Gosha, Kenji Misumi, Tai Kato et surtout l'incompa- genre. Les personnages de ses films sont eux aussi des pour voir. A ma grande surprise, j'ai été ne savais donc pas quand viendrait mon Concrètement, comment cela se passait- engagé en qualité d'assistant-réalisateur. rable Seijun Suzuki. Son nom semble presque paro- marginaux hostiles aux convenances et au bon goût. Le tour. il ? Combien de temps avant le tournage dique. Et pourtant, son oeuvre est peut-être une des cliché « zen », que beaucoup associent au grand cinéma De quel genre d'entretiens s'agissait-il ? La situation était-elle la même à la Nik- aviez-vous accès au scénario ? plus sidérantes qui soit. Redécouvert à Rotterdam à japonais, ne fait pas partie de l'oeuvre de Suzuki. Il n'y Il y avait une dissertation, puis des tests katsu ? Une dizaine de jours avant. Après la lec- l'occasion d'une grande rétrospective en 19911, Seijun est jamais question de retenue, ni de maîtrise. Son dans une langue étrangère. Pas tout à fait. Tout en étant assistant, ture du scénario, j'avais environ une Suzuki débute sa carrière à la fin des années 50, avant cinéma est traversé par un goût immodéré de la provo- Rien concernant le cinéma ? j'ai commencé à écrire des scénarios. semaine de repérages, suivie de discussions de se lancer dans le thriller et le film érotique au tout cation. Provocation qui atteindra son comble dans La Non, rien du tout. Et vous songiez à réaliser vos propres avec l'équipe technique... Nous commen- début des années 60. L'agressivité de son style visuel, Marque du tueur, sorte de film testament, croisement Combien d'années avez-vous été assistant films ? cions donc à tourner une quinzaine de jours l'imagination sans limites dont il fait preuve, ouvrent de entre la série noire et Bufiuel qui le fit sortir du circuit au studio Shochicku ? Non, c'était plutôt pour me distraire. après la lecture du scénario. nouvelles voies dans le cinéma japonais. Suzuki se commercial. Seijun Suzuki est un cinéaste kamikaze. Pendant sept ans. Puis, je suis entré au Pourquoi êtes-vous passé du studio Sho- Pour combien de temps ? studio Nikkatsu, où là aussi j'ai été assistant confronte à toutes sortes de tabous, en premier lieu Sans doute conscient du fait que le studione le proté- chicku au studio Nikkatsu ? Tout dépendait s'il s'agissait d'un film durant deux ans. ceux imposés par la censure. Pour la jeune génération, gerait pas longtemps, il a choisi d'aller jusqu'au bout de Tout simplement parce que le salaire y de série A ou B. Mais généralement, il fal- Suzuki est synonyme de liberté et d'une nouvelle façon sa logique, pour voir où on l'arrêterait. Suzuki s'adres- Qu'avez-vous appris du métier de réalisa- était trois fois plus élevé ! lait compter vingt-cinq jours de tournage. de montrer à l'écran la nudité et la violence. Jugé vul- sait consciemment à ceux qui allaient s'engouffrer dans teur durant toutes ces années ? C'est au studio Nikkatsu que vous avez Le choix des acteurs était-il fait entière- gaire et trivial par certains, Seijun Suzuki est en réalité l'énorme brèche que ses petits films policiers étaient J'ai appris que ce métier consistait à débuté en tant que réalisateur. Dans quelles ment par le studio ? en consommer du saké, des femmes et des un visionnaire, comme Jean-Pierre Melville en France train d'ouvrir. Son oeuvre est un authentiquegeste de circonstances ? Le studio n'imposait qu'un seul acteur cigarettes (rires).. ou Samuel Fuller et Robert Aldrich à Hollywood. L'his- cinéma, génial et désespéré, qui aujourd'huiencore ne J'étais le plus jeune des assistants. A (ou une actrice), celui du rôle principal, car toire est parfois cruelle à l'égard de ces novateurs dont peut qu'impressionner et émouvoir. Car il l'a mené à Etiez-vous assistant sur des tournages de cette époque, un contrat liait les cinq stu- le scénario était écrit pour lui. Pour les on reconnaît toujours tardivement l'importance. Suzuki son terme, au risque de se perdre, de se détruire, de se courte durée ? dios de cinéma les plus importants : un réa- seconds rôles, je choisissais parmi les comé- n'y a pas échappé. En 1967, la Nikkatsu, studio pourconsumer dans son art, à l'image de ses héros désespé- Il était difficile d'évaluer les temps de lisateur engagé par l'un d'entre eux ne pou- diens sous contrat au studio, en accord avec lequel il avait travaillé depuis ses débuts, le licencie rés et suicidaires. tournage, car après la guerre, les problèmes vait travailler pour les autres. La Nikkatsu le producteur. après la projection de son chef-d'oeuvre, La Marque du d'électricité étaient nombreux et les inter- était un nouveau studio et outre quelques Aviez-vous la liberté de modifier le scéna- tueur. L'affaire Suzuki entraînera la mobilisation de tous 1. Cf. Cahiers du cinéma n° 441, mars 1991, article de Fré- ruptions fréquentes. Mais les conditions se cinéastes invités, seuls deux ou trois réalisa- rio? les jeunes cinéastes japonais, dans un mouvementcom- déric Sabouraud sont peu à peu améliorées et nous avons teurs étaient sous contrat. J'ai alors pensé Dès le premier tour de manivelle, le stu- alors pu respecter les délais prévus. que j'avais ma chance... dio n'intervenait plus en quoi que ce soit. XVI Cahiers du cinéma XVII Festival d'Automne Document de communication du Festival d'Automne à Paris - tous droits réservés HOMMAGE À SEIJUN SUZLII

temps, il m'arrive de diriger les acteurs, mière fois que les responsables du studio D'après eux, mes films étaient incom- Le kabuki m'a profondément influencé. Ce qui m'intéresse mais uniquement ceux de moins de 30 ans. Nikkatsu m'autorisaient à tourner un scéna- préhensibles et ne rapportaient pas Vous avez souvent travaillé avec l'acteur Jo rio que j'avais écrit avec des amis. Bien d'argent. le plus, ce n'est pas le mélodrame ni la tragédie, mais le grand Shishido. Discutiez-vous avec lui de son jeu ? qu'ils n'y comprenaient rien, ils n'avaient Il y a eu tout de suite après votre renvoi un Je n'osais pas dire aux acteurs ce que je plus le choix :la Nikkatsu était déjà sur le mouvement de réaction et de protestation spectacle, y compris dans le théâtre de kabuki. On retrouve voulais sur le plateau. Mes indications déclin, ils n'avaient aucun scénario sous la venant de tous ceux qui appréciaient votre dépendaient de l'atmosphère du plateau ; main. Ce fut ma dernière contribution à la travail. Avez-vous été surpris ? ce type de spectacle au coeur même du film d'action. de même, les comédiens, inspirés par cette Nikkatsu. Le problème découlait directement de atmosphère, me répondaient à leur Vous semblez tout à fait libre dans ce mon contrat avec le studio Nikkatsu : au manière. film... même moment, Kazuko Kawakita projetait J'ai donc pu modifier des scénarios en cours leur. Etait-ce votre façon d'affirmer votre deuxième partie de votre carrière, il y a une Mais quand le cinéaste travaille avec un Oui, avant même d'être indépendant, je de faire une rétrospective de tous mes de tournage, improviser pour améliorer des style au sein du studio ? part très importante de fantaisie, voire de acteur sur plusieurs films, il y a forcément goûtais à la liberté. films ; or, la Nikkatsu refusait de lui prêter scènes, l'essentiel étant de ne pas dénaturer Je n'avais aucune intention d'affirmer désinvolture. Le faisiez-vous consciemment ? des automatismes et une complicité qui se Dans La Marque du tueur, vous semblez les copies. Il y avait donc affrontement de la tendance artistique du studio... Il m'est mon style. Simplement, comme les scéna- J'avais très envie de montrer au public créent... avoir affirmé plus que jamais vos parti pris. Il deux volontés. arrivé que l'on m'impose un scénario de rios qu'on m'imposait n'étaient pas toujours que je pouvais faire dans la production indé- Je ne fréquente jamais les acteurs en y a par exemple un érotisme brûlant dans ce Etait-ce lié à l'agitation politique de film d'action, mais après l'avoir tourné, intéressants, je commençais par les décons- pendante des films fantaisistes et désin- dehors du lieu du tournage. film. l'époque ? c'était un film comique ! Comme vous pou- truire, pour les améliorer ensuite au cours voltes, parce qu'au studio Nikkatsu, je ne Avant de commencer un tournage, vous Ah oui ? Je n'aime pourtant pas accumu- Oui, bien que je ne sois guère engagé vez l'imaginez, le studio était furieux de la réalisation. Si j'avais été fidèle au scé- pouvais que faire des films d'action. Je me ne faisiez jamais de répétitions ? ler les sentiments dans mes films. politiquement, je me sentais entraîné par le Vous aviez déjà une distance ironique par nario, le film n'aurait eu aucun intérêt. suis donc essayé à des genres différents. Aucun des réalisateurs engagés au studio L'érotisme prend le pas sur les senti- courant de l'époque. En fait, je ne sais pas rapport aux codes du genre ? Quel type de déconstruction avez-vous Comment conceviez-vous le découpage ? ne faisait de répétitions avant le début d'un ments. même si le problème de mon contrat avec C'était peut-être inconscient de ma part, pratiqué ? Lorsque j'étais au studio Nikkatsu, je ne tournage, sauf les grands maîtres comme Je commence toujours par penser au le studio Nikkatsu était politique. Au je ne sais pas... En fait, cela dépendait des films. Mais disposais que de vingt-cinq jours de tour- Kurosawa, Ozu... Ce qui m'intéresse, c'est style. Par exemple, dans une scène de bai- départ, il fallait simplement dire au studio Il reste que vos films se distinguaient du généralement, en lisant un scénario, je nage, je ne pouvais donc pas me permettre le hasard. Lorsqu'un acteur joue devant moi ser entre un homme et une femme, je mets Nikkatsu qu'il était injuste de rompre arbi- reste des productions Nikkatsu, non ? recherchais toujours une scène importante de dessiner le découpage des scènes. Une de façon inattendue, c'est un moment fabu- d'abord au point leurs positions, leurs gestes trairement mon contrat, mais comme des C'est bien pour ça que je suis resté si ou spectaculaire. Si elle manquait au scéna- fois sur le plateau, je devais donc avoir tout leux pour moi. J'aime être conduit par le et leur comportement. Même quand cela étudiants très militants s'en sont mêlés, longtemps sur le sable ! rio, je pouvais l'ajouter, et si elle ne me décidé dans ma tête. hasard. Si un acteur joue constamment devient difficile, je les leur impose. notre mouvement a commencé à se politi- Mais vous y avez pourtant travaillé pen- convainquait pas, je la transformais. Après Sur quels critères choisissiez-vous les comme prévu ou que le climat reste tou- Il y a une très belle séquence dans le film, ser dans un certain sens. dant dix ans, et de manière intensive ! ce premier travail, je pouvais suivre ce qui plans ? Est-ce que le studio vous imposait un jours fidèle aux indications d'un scénario, ça quand le tueur n'arrive pas à tirer à cause Qui était à la tête du mouvement ? Etiez- A l'époque, les réalisateurs du studio était écrit. certain nombre de gros plans ? n'aurait aucun intérêt. C'est pour ça que d'un papillon qui vient se coller sur la lunette vous soutenu par les gens du cinéma ? étaient censés tourner trois ou quatre films Vos films sont-ils tous tournés en scope ? Comme je vous l'ai dit, le studio n'inter- c'est toujours sur le lieu du tournage que je de son fusil. Comment cette idée vous est- Oui, il y avait Nagisa Oshima et Heino- par an. Or, quand le résultat ne les satisfai- Ce format était aussi imposé par le stu- venait pas du tout sur les lieux du tournage. révèle le scénario aux acteurs, et jamais elle venue ? suké Gosho, qui était alors le chef du syndi- sait pas, ils ne me donnaient plus aucun scé- dio Nikkatsu. De même qu'il avait décidé Je pouvais donc tourner les plans comme je avant. En écrivant le scénario, on a beaucoup cat des réalisateurs. Le syndicat était un de nario pendant six ou huit mois : j'étais donc du format standard de mes premiers films. l'entendais. Dans vos films des années 60, il semblerait réfléchi et travaillé sur cette scène, et on a nos plus importants soutiens. au chômage. Il fixait même par avance leur durée : tel Deviez-vous tourner entièrement en stu- qu'il n'y ait pas de continuité dans le temps : finalement opté pour le papillon. Dans les années 60, avez-vous suivi le Vous dites que vous étiez tout à fait libre film, par exemple, devait durer 85 minutes. dio? par exemple, on passe souvent du soleil à la Comment travailliez-vous sur le scénario mouvement de la nouvelle vague japonaise, au moment du tournage : tout de même, Cette décision n'avait aucun rapport avec le Non, je tournais en décor naturel de pluie. Est-ce volontaire de votre part ? avec vos collaborateurs ? avec les films d'Oshima, de Yoshida... ? n'étiez-vous pas surveillé, quant à votre fidé- contenu du film, elle dépendait directe- temps en temps, et quand je suis devenu Oui, c'est ma spécialité de sauter dans le Comme j'avais participé au scénario, il Oshima et les autres avaient occupé la lité au scénario original ? ment du nombre de projections par salle, indépendant, le décor naturel s'est imposé, temps et dans l'espace (rires). m'était beaucoup plus facile de le tourner. meilleure partie du studio, et puis l'avaient Non, il n'y avait aucun système de afin d'avoir un maximum d'entrées. par manque de budget. En discutant avec Etait-ce une façon de vous démarquer du J'avais dès le départ mes propres idées sur quitté. Pour nous qui étions au studio, il ne contrôle. Dans l'ensemble, vos films rapportaient-ils mon décorateur, nous avions convenus de studio ? ce que je voulais faire, comme par exemple restait donc que des poussières... Mais je ne Une fois le film terminé, y avait-il une de l'argent au studio ? ne pas réutiliser le décor préfabriqué Non, pour moi, c'était tout à fait naturel. la séquence du papillon : ce n'était pas la vois aucun rapport entre mon travail et leurs intervention du studio ? Le fait que j'ai été renvoyé de la Nik- d'autres réalisateurs. Pas pour le studio... (rires) peine de déconstruire le scénario, cette fois. films. Oui, au terme des projections, les res- katsu répond directement à votre question. Travailliez-vous toujours avec le même Pourtant, vous vous distinguiez nettement Comment s'est passé la rupture avec le N'aviez-vous pas de liens personnels avec ponsables du studio pouvaient décider de Les responsables m'ont déclaré qu'aucun décorateur ? du cinéma classique, et même aujourd'hui, studio Nikkatsu ? eux ? l'avenir de telle ou telle scène, et décider, de mes films n'avait été rentable. Pourtant, Oui, presque toujours. De même que j'ai vous faites figure de marginal. Le studio Nikkatsu m'a dit qu'il n'avait Je leur ai été reconnaissant de m'avoir comme ce fut le cas pour moi à deux ou un film comme La Barrière de chair a fait des presque toujours travaillé avec l'un de mes Que dire ? (rires) Je ne pense pas avoir plus besoin de moi. Déjà à l'époque, on soutenu quand on m'a renvoyé. Mais ils trois reprises, de son éventuel remaniement. bénéfices... deux chefs-opérateurs. fait quelque chose de bizarre... reconstruisait la société. m'avaient prévenu que je serais mal vu si je Par exemple, j'ai dû refaire la fin du Vaga- J'ai noté l'influence du théâtre dans des La façon de diriger vos acteurs semble très Votre cinéma est atypique :il dynamite la Sur quels arguments vous ont-ils renvoyé ? ne tournais pas de film d'ici un an. En fait, bond de Tokyo, et celle du Vagabond du Kanto films comme La Barrière de chair ou Histoire stylisée. Quel genre de choses leur deman- notion de réalisme au cinéma. la communication entre studios était telle Dans L'Age de la supernudité, il y avait au d'une prostituée... diez-vous? Ah oui ? Eh bien, je ne vois pas l'intérêt que je ne voyais pas comment un nouveau milieu du film une scène dans laquelle un Le format cinémascope correspond par- Je leur demandais toujours des choses de ce réalisme. Pour moi, il est ennuyeux. studio pourrait engager un réalisateur ren- clochard promenait un loulou : pour le stu- faitement au cadre du théâtre de kabuki. impossibles. Par exemple, si un acteur doit Avez-vous conscience du culte dont vous voyé par l'un des grands studios. dio, ce n'était pas un chien mignon comme Les acteurs se déplacent obligatoirement de chercher quelque chose sur un pont, je des- faites l'objet, et ce depuis les années 60, chez Vous n'avez donc rien tourné pour le le loulou qu'il fallait à ses côtés, mais plutôt façon latérale. On fabrique le décor selon sine un cercle au milieu du pont et les étudiants comme chez les cinéphiles ? cinéma entre 1967 et 1977. Vous avez fait un un chien enragé :il m'a donc fallu couper le ces mouvements. demande à l'acteur de ne pas sortir de ce Je crois que je suis un homme normal et peu de télévision ? gros plan du loulou. Vous vous intéressez au théâtre de cercle :il doit marcher sur le pont, trouver sans véritable intérêt... Et puis, c'est sur- En fait, il s'agissait plutôt de spots publi- Pourquoi le studio n'aimait-il pas la fin du kabuki ? quelque chose au milieu tout en restant tout pendant les mouvements politiques citaires. Vagabond de Tokyo, par exemple ? Oui, cela remonte à mon enfance. Le dans le cercle, etc. D'ailleurs, un acteur d'étudiants qu'on parlait de mes films. Etait-ce pour gagner de l'argent ? Initialement, dans la scène finale où le kabuki m'a profondément influencé. Ce qui lutte toujours contre un décor. C'est au moment de votre rupture avec la Oui. Dans la plus grande société publici- héros et son serviteur se séparent, le décor m'intéresse le plus, ce n'est pas le mélo- C'est une façon de solliciter la volonté de Nikkatsu qu'on observe ce mouvement taire du Japon, Dentsu, des admirateurs de était entièrement blanc, avec un arbre drame ni la tragédie, mais le grand spec- l'acteur. d'intérêt pour votre oeuvre ? mes films me procuraient du travail. blanc dont seule la coupe était rouge : le tacle, y compris dans le théâtre de kabuki. A partir du moment où un acteur est ins- Probablement. Vous avez finalement gagné votre procès studio n'a pas compris la séquence et l'a On retrouve ce type de spectacle au coeur piré, je le laisse jouer. Je dis toujours aux A ce propos, La Marque du tueur m'appa- contre le studio Nikkatsu. rejetée. même du film d'action. acteurs : « Un acteur de plus de 30 ans doit être raît comme votre film le plus explosif. Il s'agissait avant tout d'un arrangement, Vous avez beaucoup travaillé sur la cou- J'ai l'impression que dans les films de la responsable de son jeu ». Donc, de temps en Pour La Marque du tueur, c'était la pre- La Vie d'un tatoué. sous trois conditions : d'abord, la Nikkatsu

X V III X I X Cahiers du cinéma Festival d'Automne Document de communication du Festival d'Automne à Paris - tous droits réservés À HOMMAGE À SEIJUN SUZUKI HOMMAGE SEIJUN SUZUKI donnait les copies de La Marque du tueur et des productions indépendantes. Pour moi, mier film avec Arato, Mélodie tzigane, d'après Histoire d'une prosti- de L'Ele'gie de la bagarre à la Cinémathèque il était donc beaucoup plus facile de tra- le roman de Hyakken Uchida, n'est pas un tuée1965, 1h36 japonaise, puis la Nikkatsu devait me don- vailler au studio, puisque j'ai très souvent film d'art. Je ne l'ai pas fait parce que c'est Un sujet à la Mizo- ner un million de yens, et enfin il devait tendance à improviser. un film d'époque, mais plutôt pour le trai- Les films guchi revu par Su- faire connaître publiquement ses excuses. Le style de vos films indépendants est ter sous l'angle du fantastique, genre qui zuki. La vie d'une C'est tout. assez différent de celui de vos films anté- n'existe plus au Japon. prostituée pendant Après combien d'années de procès ? rieurs :ils semblent plus statiques, plus Revenons à vos films du studio Nikkatsu : la guerre 39-45, en Quatre ans. proches de ce qui se fait dans le cinéma japo- il me semble que les scènes de bagarre entre Chine. Un mélo- Jeunesse de la bête Pourquoi n'avez-vous pas pu tourner pen- nais. les yakuzas ressemblent à celles de lutte 1963, 1h31 drame framboyant, dant cette longue période de dix ans, et de Ce que je montre le plus souvent dans dans les films de samouraï... Règlements de compte sur fond de guerre des gangs. Suzuki genre inhabituel quelle façon êtes-vous devenu indépendant à mes films indépendants, c'est l'atmosphère Pendant un tournage, j'essaye toujours oscille entre la peinture réaliste des bas-fonds et des séquences dans la filmographie partir de 1977? du Japon des années 20. Mais comme le de penser à l'effet que produira telle ou très stylisées, presque oniriques. Un film noir en couleurs, typique de Suzuki, fina- Histoire d'une prostituée. De temps en temps, j'ai évoqué des pro- décor naturel m'est imposé, je ne peux pas telle scène. Par exemple, ce que je n'aime du style de Suzuki. La plus belle séquence est celle d'un parrain lement très proche jets pendant cette période, mais tous les faire de panoramiques. Cet espace japonais pas dans la série , qui met en scène vicieux corrigeant sa maîtresse dans un paysage désertique balayé de La Barrière de chair. Un des films majeurs de Suzuki. T.J. producteurs hésitaient à travailler avec moi n'existe plus. C'est à mon avis la raison pour un justicier aveugle, c'est que tout est basé par le vent. N.S. à cause du procès avec le studio Nikkatsu. laquelle mes films vous semblent plus sta- sur un certain réalisme. Moi, si je devais La Marque du tueur I Karashi no rakuin I 1967, 1h31 En 1977, j'ai rencontré un producteur indé- tiques. montrer le monde de cet aveugle, je choisi- Ce film coûta sa carrière à Suzuki. Il est tourné au début de 1967, à pendant, Genjiro Arato, qui m'a donné 50 Dans ce cas, pourquoi tournez-vous tou- rais le jaune et le violet comme couleurs l'époque où le cinéma japonais est secoué par le cinéma de la nou- millions de yens pour faire un film. jours des films en costumes ? dominantes. Je pense systématiquement à velle vague. La Marque du tueur refuse toute narration, pour se Préférez-vous ce statut d'indépendant ? Mon premier film indépendant avec l'effet produit sur le spectateur. concentrer sur une série de tableaux vivants. Sa forme rappelle par Je ne me pose pas la question de cette Arato se passe à cette époque. Et il a eu des Il y a quelque chose de frappant au niveau moments les films d'Antonioni et d'Oshima. Suzuki isole les per- manière. La question est plutôt de savoir échos positifs. C'est pourquoi Arato a voulu des héros que vous mettez en scène : ils sont sonnages dans des décors déserts : appartements immenses, pay- dans quel lieu il m'est plus facile de tra- continuer dans cette même direction. tous plus ou moins amoraux et en révolte par sages urbains abandonnés. Le film raconte les tribulations d'un vailler. Lorsque j'étais au studio Nikkatsu, Avez-vous écrit vous-même les scénarios rapport à la société. Est-ce que cette idée est tueur à gages désabusé, trahi par son entourage. Baroque, comique, il y avait un certain nombre d'avantages, de de tous ces films ? recevable ? violent et désespéré : Suzuki signait là son chef-d'oeuvre. N.S. moyens dont je disposais. Par exemple, ils Non, c'est Yozo Tanaka qui les a écrits. Le cinéma est déjà en soi anti-social. Par pouvaient m'obtenir le jour même les acces- Il semblerait que vos derniers films trai- l'intermédiaire du cinéma, il faut mettre du soires que je demandais. Je pouvais même tent de sujets plus nobles : Yumeji, par poison dans cette rivière qu'on appelle la modifier le scénario sur les lieux du tour- exemple, est un film sur un peintre. société. Les yakuzas et les vagabonds que nage, ou demander qu'on m'amène un Ltant donné que je suis réalisateur de je décris dans mes films sont toujours des acteur pour les besoins d'une scène. Je ne films destinés au divertissement, je peux hors-la-loi, des asociaux. peux pas demander ce genre de choses sur m'adapter à n'importe quel sujet ! Mon pre- Le monde des yakuzas est très hiérarchisé et codé : pourtant, vos personnages sont eux- mêmes peu respectueux de ces codes. La Barrière de chair. (Rires) Oui, tout à fait. Quand je tourne FUTONS OMOTÉ un film de yakuzas, je m'intéresse surtout La Barrière de chair ( Nikutaino man)1964, 1h30 au lieu, au moment et à la manière dont le Destins croisés d'un groupe de prostituées dans le Japon d'après- héros meurt. C'est ce qu'il y a de plus guerre. Conçu au départ comme un film érotique, La Barrière de important dans la vie d'un homme :si chair est un témoignage fascinant sur la société japonaise laminée quelqu'un meurt sur un lit d'hôpital en par la guerre. Suzuki théâtralise le jeu de ses comédiens à regardant le plafond, ce n'est pas très inté- l'extrême, et brutalise les techniques classiques du découpage en Dormezzen. ressant ! cassant les champs-contrechamps par des effets de superposition. Pendant la guerre, j'étais sur un navire de N.S. transport. Beaucoup de mes collègues sont La Marque du tueur. morts. Une fois, j'ai demandé à un médecin La Vie d'un tatoué I(Irezumi ichidai)1965, 1h27 de l'armée : « Est-ce que l'on souffre en mou- Le film est inspiré par des épisodes de la guerre des gangs à la fin Mélodie tzigane (Zigeunerweisen)1980, 2h25 Song rant? », et il m'a répondu :« Oui, mais la des années 20. La Vie d'un tatoué est un mélange entre « cham- Nous sommes dans les années 20. Aochi, un professeur allemand, bara » (film de sabre) et le film de gangsters. C'est peut-être son rencontre par hasard son ancien collègue Nakasago, dans une sta- lit-tiroirs 1 naissance est déjà une souffrance, sauf qu'on ne (housse s'en souvient plus ». Je me suis alors dit que film le plus rigoureux d'un point de vue narratif. Le combat final tion balnéaire. Ce dernier mène une vie décousue. Ensemble, ils et tatamisl est extraordinaire. N.S. rendent visite à la geisha Koine... Six mois plus tard, la vie de en sus) j'aimerais ne pas souffrir au moment de ma 147, Bld du Montparnasse Nakasago a changé :il s'est installé et marié. Alors que Aochi lui 3990F* mort. Le navire était alors en pleine mer, au 75006 Paris - Tel.: 01 43 26 33 58 sud de la Chine. J'ai regardé la lune claire L'Elégie de la bagarre I Kenka erjii1966, 1h26 rend visite, il est frappé par la ressemblance entre la femme de son 31, Bld des Batignolles - 75008 Paris 45, Av Maréchal de Saxe A la fin des années 30, la confrontation de bandes rivales d'ado- ami et Koine. Ceci advient lorsque Nakasago passe un disque de Tel.: 01 43 87 42 26 69006 Lyon - Tel.04 78 24 00 94 au-dessus des vagues. Je me suis dit que la lescents. Moins abouti que les autres films de Suzuki pour la Nik- Zigeunerweisen. Cinq ans plus tard, après la mort de Nakasago, 47, Fbg St Antoine -75011 Paris 11, rue des Clercs - 38000 Grenoble mort était justement ce paysage que je Tel.: 01 43 42 35 74 Tel.: 04 76 01 06 70 voyais pour la dernière fois devant mes katsu, L'Ele'gie de la bagarre est un curieux mélange de farce et de Koine rend visite à Aochi pour récupérer son disque. Mais il ne le 66, Av Jean Jaurès - 75019 Paris 109, Av de Genève - 74000 Annecy tragédie, qui vaut surtout pour sa séquence finale, tournée en stu- lui avait jamais emprunté... Tel.: 01 40 40 73 59 Tel.: 04 50 57 48 65 yeux. J'ai peut-être essayé de me convaincre en me disant que la mort n'était dio. N.S. pas une souffrance, mais que ce beau pay- Brumes de chaleurKageroza I1981, 2h19 Soutien ferme du dos, doux au contact et confort accueillant : pour bien dormir, sage paisible était son incarnation même. Le Vagabond de Tokyo (Tokyo nagaremono)1966, 1h23 Kageroza est un film pratiquement dépourvu d'intrigue Au moyen dormez futon. Canapés convertibles, lits, supports en bois massif, housses aux décors Le destin solitaire d'un gangster au grand coeur, perdu entre d'une histoire épuréeune magnifique femme follement amou- multiples : chez Omoté, vous trouverez le futon qu'il vous faut à partir de 1 250 F. C'est pour ça que j'aime faire mourir mes héros dans ce type de paysage. Tokyo et des paysages enneigés. C'est l'un des meilleurs films de reuse d'un homme qui l'abandonnele film suit son chemin Suzuki, entre la comédie musicale et le thriller. Le travail sur la jusqu'à une fin surprenante. Nous ne savons rien des personnages, Entretien réalisé par Thierry Jousse, couleur est poussé à l'extrême, les décors se réduisant par de leurs activités, etc. D'après Suzuki, le plus fascinant avec Kage- OMOTÉ. UN ETATD'ESPRIT à Tokyo, le 16 avril 1997. moments à de simples fonds peints. N.S. roza fut la découverte de la difficulté que représentait le fait de I Traduit du japonais par Yoichi Umémoto filmer l'histoire sur laquelle le film est basé. XX XXI Cahiers du cinéma Festival d'Automne Document de communication du Festival d'Automne à Paris - tous droits réservés Cinéastes japonais d'aujourd'hui Contempler la transformation du monde par Yoichi Umémoto

inspecteurs de police contemplent silencieuse- la transformation progressive de la vie quotidienne d'un peur qu'un homme normal pourrait rencontrer, et la vie intense Wild Life bruit reprend. Ce serait une scène ordinaire de la vie quo- ment un paysage. Ils ne sont pas situés à la même inspecteur qui suit la piste d'un criminel. Alors que ce de cet homme ayant la peur pour énergie. Il est facile de montrer de Shinji Aoyama.tidienne s'il y avait du linge dans la machine. Dans la irroisplace. Ils ne le regardent pas de la même manière. cinéaste a toujours travaillé dans des conditions de pro- un homme tremblant de peur, mais il est vraiment difficile de mesure où ce geste se répète chaque soir, on se rappelle 1,1s ne se connaissent pas les uns les autres. Ils n'appartien- duction très pénibles depuis son premier long métrage, La décrire la peur elle-même. Il est aussi facile de filmer un homme en que le film s'ouvrait sur une scène dans un hôpital psy- nent pas aux mêmes films, et pourtant, il semble qu'ils Lutte obscène de la rivière Kanda, en 1983, ce nouveau film train de surmonter la peur, mais il est extraordinairement difficile chiatrique. Ce bruit suggère sans doute la folie de cette appartiennent au même monde. Ce monde, devant les produit par une puissante maison de production, Daiei, de montrer celui qui accepte sa peur et vit avec », écrit-il dans le femme, que Takabé voudrait accepter telle qu'elle est. yeux des autres, reste stable et immuable, mais devant ces avec comme vedette Koji Yakusho (qui a notamment court texte de présentation de Cure. Cet homme vivant Mais, à partir du moment où on entend ce bruit de nou- inspecteurs qui le contemplent, il commence à se transfor- incarné le héros de L'Anguille) pour tenir le rôle de l'ins- toujours avec la peur au ventre, difficile à montrer, est veau sans arrêt, comme une basse continue, dans les mer. Devant eux, le paysage est en train de bouger. Dans pecteur Takabé, est le premier que les spectateurs japo- l'inspecteur Takabé que Koji Yakusho interprète à mer- scènes de rencontres entre Takabé et le criminel, un ce monde en transformation, ils perdent leurs repères. Et nais pourront voir dans des conditions normales. Le destin veille. Dès le premier plan, on entre dans le monde des ancien étudiant en médecine psychiatrique, il devient abs- commencent alors à se perdre eux-mêmes. De la tristesse, de tous les films précédents de Kurosawa était d'être édi- films psycho-thrillers, d'une manière comparable au Silence trait, perdant toute signification précise et vraisemblable. de la fatigue, du vide, de la vanité. A travers le monde tés en cassettes après une semaine de projection dans une des agneaux. Pourtant, peu à peu, on se rend compte que ce C'est justement par ce bruit-là que l'espace de l'inspecteur qu'ils regardent, les films nous donnent cette variété de salle mineure de Tokyo, une fois par jour après 21 heures. que Kurosawa envisage de faire n'est pas de montrer avec au travail et celui de sa vie privée se superposent. La peur sentiments. Même si les critiques, découvrant son univers à travers ses clarté les intrigues assez complexes propres à ce genre, ni abstraite que Kurosawa veut introduire s'incarne et se Ces inspecteurs ont des points communs. D'abord, ils premiers films, avaient signalé le talent de cet ancien étu- même de raconter grâce à un montage efficace l'histoire concrétise alors en ce bruit. C'est avec ce bruit omnipré- se dévouent tous les trois à leur métier. Ils souffrent dans diant de Shiguéhiko Hasumi, c'est la première fois, avec plutôt compliquée de l'inspecteur et du criminel, mais sent que vit l'inspecteur comme il vit avec sa femme souf- leur vie privée, chacun ayant un problème avec sa femme. Cure qu'un de ses films sera distribué d'une manière adé- d'introduire la peur elle-même dans un monde en trans- frant de sa propre folie. Tous les espaces de Takabé La femme de l'inspecteur Nishi souffre d'un cancer qui, quate. Mais dans le milieu des cinéphiles de Tokyo, le formation, un monde bouleversé qui serait vu, entendu et deviennent ainsi homogènes : ils se contaminent. En d'après le médecin, ne lui laissera que trois mois à vivre. nom du jeune cinéaste, par hasard le même qu'un des vécu par cet inspecteur. empruntant comme un prétexte la forme d'un film d'hor- Celle de l'inspecteur Takabé, on la rencontre d'emblée grands maîtres du cinéma japonais, fait l'objet d'une sorte Chaque soir, après l'enquête menée en vain sur le cri- reur, Kurosawa arrive ainsi à décrire précisément le pro- chez son psychiatre. Et celle de l'inspecteur Saga le quitte de culte depuis une dizaine d'années. Beaucoup d'admi- minel, l'inspecteur rentre chez lui. Et commence à man- cessus d'une contamination des objets, des corps, des parce qu'elle est fatiguée d'attendre en vain un mari qui rateurs se sont précipités au ciné-club où étaient projetés ger le repas que sa jolie femme lui a préparé. A ce rituel espaces par la folie ambiante. est toujours en train de risquer sa vie. Le monde dans ses films d'amateur en 8 millimètres réalisés alors qu'il ordinaire, Kurosawa ajoute un élément purement cinéma- Pour l'inspecteur Saga, héros de Sang froid, le nouveau lequel habitent ces inspecteurs leur apparaît comme un était étudiant. Dans ses films amateurs, on pouvait déjà tographique pour mettre un peu de distance entre la vie film de Shinji Aoyama, le monde qui lui fait face paraît paysage vide, ce paysage qui hante les films récents de trouver des moments rares de mise en scène à la manière quotidienne et l'espace/temps vécu par cet inspecteur. Un d'emblée « transformé ». Ce jeune cinéaste, né en 1964, Kiyoshi Kurosawa, Shinji Aoyama et Takeshi Kitano. Pour- de la série B américaine des années 50. Kiyoshi Kurosawa bruit à peine audible pénètre par exemple peu à peu dans que l'on a découvert il y a deux ans avec son superbe Help- quoi ces cinéastes ambitieux ont-ils choisi ce type d'ins- en était conscient puisqu'il a cité le nom de Richard Flei- cet espace. Takabé se dirige alors mécaniquement, et sans Iess, est hanté par l'image d'un « trou ». Les héros pecteur de police pour protagonistes ? Pourquoi les pay- scher comme son cinéaste favori. dire un mot, vers la machine à laver et, sans montrer de d'Aoyama, eux seuls, peuvent reconnaître que le monde sages qu'ils regardent ont-ils un caractère identique ? Ensuite, son intérêt s'est plutôt dirigé vers un autre sentiment particulier, coupe le courant en vérifiant qu'il devant eux est troué, alors que pour les autres personnages, Cure, le quatorzième long métrage de Kiyoshi Kuro- genre : les films d'horreur. « Un homme peut vivre plus inten- n'y a rien dans la machine. Le bruit s'arrête. Sa femme il reste opaque et harmonieux. C'est la raison pour laquelle sawa, né en 1955, est un chef-d'oeuvre. Ce cinéaste montre sément quand il vit dans la peur. J'ai envie de décrire à la fois la s'approche alors silencieusement et rétablit le courant. Le les héros d'Aoyama se trouvent presque toujours devant un XXII XXIII Cahiers du cinéma Festival d'Automne Document de communication du Festival d'Automne à Paris - tous droits réservés CINÉASTES JAPONAIS D'AUJOURD'HUI CINÉASTES JAPONAIS D'AUJOURDHUI tunnel, trou par excellence comme image cinématogra- avec le criminel ne le comble pas. Ce criminel, lui aussi, phique. Aoyama, après avoir écrit quelques articles dans les souffre gravement d'une maladie mentale. Aoyama filme Cahiers du cinéma-Japon, est devenu assistant de Kiyoshi cependant une fin heureuse, ou du moins « non malheu- Kurosawa pour Le Gardien de l'enfer et de Daniel Schmid reuse ». Après le départ de sa femme, Saga l'a au télé- pour Visage écrit. Il s'est mis à tourner son premier film, Hel- phone et lui demande maladroitement la réconciliation. Un air sombre et poli pless, dans un bar minable construit et oublié devant un Après avoir entendu sa voix joyeuse, il fait plusieurs fois tunnel de sa ville natale de Kyushu. En acceptant les com- de grands sauts en criant :« Jump ! Jump ! Jump ! » Cette mandes de toutes sortes, il a déjà fait quatre films dans des fin nous paraît être le nouveau point de départ d'un Rencontre avec Shinji Somaï, Cannes 1993 conditions toujours difficiles. Deux semaines de tournage cinéaste qui aurait achevé de traverser son tunnel. et une semaine de montage par exemple, avec des acteurs Le monde qui fait face à l'inspecteur Nishi de Hana-bi et des actrices imposés par les producteurs. est plus cruel. En montrant d'innombrables cadavres, Aoyama ne quitte pas l'image obsessionnelle du trou Kitano décrit minutieusement le processus de la pulsion dans Sangfroid. C'est ainsi dans un tunnel que l'inspecteur de mort. Au bout de ce processus, voilà le dernier voyage Saga a failli être tué au début du film. Il échappe finale- silencieux de Nishi avec sa femme. Contrairement aux ment à la mort, mais en ayant perdu la moitié d'un pou- scènes cruelles, violentes et sanglantes, dans leur voyage mon. Le corps de Saga est donc désormais une matière on ne rencontre, comme souvent chez Kitano, que des la plage du Goéland l'écoute du retentissement des sentiments les plus trouée par une balle de criminel. Ce trou n'est pas seule- paysages paisibles vus par le couple en voyage, un voyage à Cannes, le jour où vint secrets, comme un récit dont la liberté ne pourrait qui mène cependant à la mort. Le mont Fuji, la mer du ment un manque corporel, il devient aussi mental. C'est à la pluie, Shinji Somaï, être scénarisée. « Il est rarement nécessaire de travailler partir du moment où il reconnaît ce trou ou ce manque nord, un village recouvert de neige... Les paysages que sur m'attend emmitouflé dans un avec un scénario très peaufiné, et cela importe encore moins montre Kitano semblent typiques du Japon. Et pourtant, dans son corps que Saga commence à remettre en cause manteau, l'air sombre malgré quand on fait un film sur et avec des enfants. Après avoir son métier d'inspecteur. Malgré l'aide amicale d'un col- ce qui différencie les paysages de Kitano de la beauté son air poli. Je voudrais qu'il lu le roman dont ce film est adapté, j'ai seulement demandé lègue, il ne veut plus, ou il ne peut plus, continuer son médiocre de la « carte postale », c'est qu'ils sont toujours parle de sa carrière, commencée deux scénaristes, un jeune homme et une jeune femme, pour vus par les yeux de personnes prêtes à mourir. Ce couple, métier pour des raisons aussi physiques que mentales. Et en 1980 à trente-deux ans, et de avoir plusieurs points de vue, plusieurs façons possibles de ce manque ne fait qu'augmenter quand sa femme décide comme celui des sourds-muets dans A Scene at the Sea, parle la place qu'y occupe son der- raconter cette histoire, mais je ne leur ai pas donné d'indi- très peu et connaît déjà depuis le début de ce voyage sa de le quitter en lui laissant une simple déclaration de nier film, mais il me répond que cations précises. Au roman original, publié récemment et destination. Puisqu'ils savent que c'est la dernière fois de divorce. L'ex-inspecteur Saga se trouve donc entouré par c'est là une trop longue histoire écrit par un écrivain féministe qui a particulièrement soigné les images de ses propres manques. Le poumon, le métier, leur vie qu'ils les contemplent, les paysages deviennent et qu'il préfère songer à l'ave- les personnages de femmes, nous avons ajouté certains élé- leurs paysages. C'est la raison pour laquelle Kitano montre la volonté de vivre et même la femme qu'il aime, lui man- nir. J'avance une remarque sur ments et j'ai en particulier développé le rôle du père. Ily a quent. Ainsi, il est tombé dans un monde où il ne trouve sans cesse dans ce film des tableaux qu'il a peints lui- Déménagement, où la mise en aussi l'inspiration de chaque jour, la découverte de ce que je même. Ils sont, bien entendu, ses tableaux-paysages. Le Déménagement. que les signes de ses manques. Cet état de frustration et scène donne une forme inatten- vais vraiment tourner en arrivant sur le plateau. Il est monde que contemple ce couple se transforme en celui de d'effroi est le point de départ de son enquête. Il com- due à une histoire de divorce assez difficile de dire comment ces trois étapes, l'adapta- mence lui-même la recherche de celui qui l'a « troué », de Kitano et en sa propre pulsion de mort. par Frédéric Strauss très banale. « Merci, si vous pen- tion, l'écriture et le tournage, se complètent pour former un ce criminel qui a failli le tuer et lui a fait apercevoir ce Alors, pour quelles raisons ces trois cinéastes choisis- sez que le traitement de l'histoire est seul récit. » Ce qui étonne dans Déménagement, c'est la « monde troué ». sent-ils des inspecteurs comme protagonistes ? Parce qu'ils intéressant, merci beaucoup ». complicité, la communauté d'âme qui lie Shinji Mais contrairement aux règles du jeu de ce genre, tout sont, par excellence, ceux qui contemplent. La situation Catherine Cadou, la traductrice, m'avertit gentiment Somaï et son héroïne adolescente. Une rencontre qui en convoquant des éléments caractéristiques des films de leur vie conjugale, comme leur métier, les transforme que Shinji Somaï est coutumier de ce genre de scelle la réussite du film. « Je ne suis pas sur un plan en hommes de contemplation. Pour ces cinéastes, ce qui policiers, le film du jeune cinéaste ne cesse de stagner, réponses lapidaires. Dans l'espoir de parvenir à rete- d'égalité avec elle ni avec les jeunes en général mais nous d'être inactif: le monde se stabilise et ne bouge plus. Mal- est important n'est pas de travailler de nouveaux aspects nir son attention, j'évoque d'autres films japonais vus vivons ensemble, c'est une même respiration, une commu- gré le désir qui habite l'inspecteur Saga de comprendre et Cure du film criminel, ni de raconter efficacement, avec la mise l'an dernier au festival de Berlin, tous traversés par nication à travers l'air que nous respirons. » d'élucider les mystères qu'il rencontre, plus il mène son de Kiyoshi en scène et le montage adéquats, des histoires. Mais c'est une folie furieuse, un dérèglement des sentiments et Typhoon Club, réalisé en 1984, le seul film de Shinj enquête, plus le monde devient troué. Même sa rencontre Kurosawa. de montrer la transformation du monde vue et vécue par de la communication qui renvoie l'image d'un Somaï sorti en France, était déjà une aventure d'ado- les protagonistes. Ce que ces hommes voient monde cruel et énigmatique comme celui de Sona- lescents. L'auteur de Déménagement se spécialiserait-il et contemplent, ce n'est pas un instantané tine de Takeshi Kitano présenté quelques jours plu- dans le cinéma de la jeunesse ? « Les films que j'ai vus du monde tel qu'il est, ni sa beauté, mais le tôt à un Certain Regard. La violence plus sourde de quand j'étais enfant sont ceux qui m'ont le plus marqué et monde en mouvement et sa transformation. Déménagement laisse au contraire progressivement ils guident encore mes pas. Depuis que je suis- devenu adulte, Ce n'est donc pas par hasard que ces place à un sentiment de sérénité profonde auquel j'ai vu beaucoup plus de films mais il n'y en a pas un seul trois cinéastes choisissent des inspecteurs. appartient l'ordonnance précise des plans qui, chez qui me soit resté en tête. C'est pourquoi j' aime tourner des Ainsi que leur métier le leur commande, ils Shinj Somaï, semble l'expression d'un attachement films pour les jeunes. Ils ne comprendront peut-être pas tout doivent être en dehors des paysages pour à un certain classicisme du cinéma japonais. Cette le film, mais je sais qu'en revanche ils comprennent paifois les contempler le plus objectivement pos- fois, le metteur en scène est plus disert. « Je crois en des choses que les autres spectateurs ne voient pas. Je suis sible, pour en saisir le moindre élément de effet que je suis d'une certaine manière l'héritier d'une tra- content si les adolescents aiment le film mais je n' ai pas transformation. Comme le bruit bizarre que dition du cinéma japonais. Mais le problème n'est paspour l'intention de tomber dans le cinéma pour enfant. » Dis- Kurosawa fait pénétrer dans les scènes quo- moi d'être ancien ou moderne, c'est simplement ma façon tribué dans dix salles au Japon, Déménagement n'a pas tidiennes, les images de trou omniprésentes de concevoir le cinéma. Selon moi un film doit toujours remporté un grand succès, sauf à Kyoto, où le film a dans les films d'Aoyama et la cruauté à la partir d'une petite intrigue, puis étendre son mouvement été tourné. Shinj Somaï redevient laconique lorsque fois intense et silencieuse chez Kitano, il est jusqu' à la révélation d'une vision du monde. Peu importe je lui demande si la famille des cinéastes japonais est indispensable de faire entrer des éléments ce que l'on traite, l'important est que cela débouche sur ce plus soudée que celle de son film. « Non. Tout le hétérogènes dans le paysage en transforma- point de vue presque universel pour que le film prenne un monde est de toute façon de plus en plus solitaire et je n'ai tion si un jeune cinéaste veut renouveler les images harmonieuses et stabilisées que sens. Les autres cinéastes japonais, dont l'univers est plus pas envie, quand je me divertis le soir, de parler de cinéma. marginal ne m'intéressent que si leur description de la vie J'évite donc les autres cinéastes. » Un dernier mot sur montrait le cinéma japonais traditionnel. La débouche sur un regard plus profond, plus grand. «. Un Cannes et le festival ? « Je ne peux pas vous dire lutte commune de ces trois cinéastes conti- homme et une femme qui se séparent sous les yeux aujourd'hui ce que je pense de Cannes, j'ai la gueule de nue donc pour faire entrevoir, même un de leur fille : Déménagement observe le moindre mou- bois. » instant, une brèche dans le monde qui nous vement à l'intérieur de ce triangle impossible, à Cahiers du cinéma n° 469, juin 1993 fait face. XXV XXIV Cahiers du cinéma Festival d'Automne Document de communication du Festival d'Automne à Paris - tous droits réservés CINÉASTES JAPONAIS D'AUJOURD'HUI CINÉASTES JAPONAIS DAUJOUR D'HUI

sante du cinéma Makoto Shinozaki japonais. Yoichi Umémoto Les films Okaeri1995, 1h39 Yuriko et Takashi forment un jeune couple marié depuis trois ans, Chinpira/Tvvo Punks qui semble mener une vie stable. Takashi enseigne dans une 1996, 1h41 « boîte à bachotage », tandis que Yuriko est à la fois femme au Ce deuxième film de foyer et audiotypiste à domicile. Elle tente d'oublier l'époque où Shinji Aoyama, un elle rêvait de devenir pianiste. remake du film du Shinji Somaï même titre de Shun- suke Kanéko, réalisé Shonben Rider1983, 1h58 il y a près de dix ans, Dans son troisième long métrage, le style du cinéaste s'affirme raconte les vies de dès le premier plan-séquence, qui dure huit minutes. deux voyous (« chin- La caméra de Somaï parvient à capter le mouvement des corps de pira », en japonais). trois collégiens, dans leur jeunesse éphémère. Son film tourne Bien que nous puis- autour de l'errance corporelle et émotionnelle de l'adolescence. sions détecter des Abi Sakamoto Jardin d'été. trouvailles de mise en scène, il ne trans- Dès la première scène, Somaï nous plonge au coeur de la situation. gresse pas les règles Une petite fille court à toute vitesse dans le jardin de l'école, sur le des films de yaku- quai de la rivière et dans les rues pour arriver le plus vite possible zas. Alors que beau- chez elle. Elle court vite pour ne pas manquer le déménagement coup dejeunes de son père. Yoichi Umémoto cinéastes ont du mal Wild Life. à trouver un produc- Jardin d'été1994, 1h53 teur après leurs premiers films, Aoyama a pu, grâce à ce projet Trois écoliers vivent des heures inoubliables à travers l'observa- Okaeri. imposé, commencer un tournage juste après la sortie de son premier tion de la mort d'un vieil homme, seul dans une maison en ruines, film Helpless. Yoichi Umémoto avec un petit jardin en désordre. Comme dans Typhoon Club, Yuriko se met à quitter le foyer à plusieurs reprises sans raison Some montre la vie d'adolescents, mais il l'oppose ici à celle du apparente. Takashi découvre alors que sa femme part « en vieillard. Abi Sakamoto patrouille » pour une « organisation ». Yuriko est en fait affectée de schizophrénie. Tatsumi Kumashiro Ryosuke Hashiguchi Like a rolling stone (Bo no kanashimi)1994, 2h Typhoon Club. Tanaka est un yakuza (voyou d'un quartier de Tokyo) qui reçoit Grains de sable1995, 2h09 des indemnités de l'Etat. Il vient d'être libéré de prison, où il a Ito, jeune collégien japonais, est amoureux du beau Yoshida qui Typhoon Club1983, 1h54 passé huit ans, et découvre que son patron veut se débarrasser de ne se doute pas des sentiments réels que son meilleur ami Some retrouve ici la triade japonaise de l'adolescence : famille lui. Tanaka n'est pas un yakuza habituel : il voyage avec les trans- éprouve pour lui. De son côté, Yoshida hésite entre sa gentille étouffante, école disciplinaire, sexualité frustrée. Mus par leur ports publics. Il a deux maîtresses : Ayumi, qui tient un night-club, petite amie Shimizu et Aihara, la jeune rebelle de la classe. Aihara désir croissant, et énervés par l'embrigadement social et leur et Yoshie, une tenacière de maison close. Quand son patron se perce rapidement à jour le secret de Ito, et celui-ci découvre bien- méchant professeur de maths, tous ces jeunes gens, filles et gar- retrouve à l'hopital, son adjoint Kurauchi exerce des pressions de tôt que la jeune fille a subi un viol. Leurs premiers affrontements çons mêlés, vont peu à peu s'échauffer, rire, jouer, se battre, se plus en plus importantes sur Tanaka. Celui-ci se blesse volontai- cèdent la place à une intense affinité. Progressivement, chacun courir après. Evidemment, comme les jeux de mains sont souvent rement pour échapper aux requêtes de Kurauchi. Bien que le film découvre et révèle sa propre identité. Un triangle romantique des des jeux de vilains, tout ceci va finir beaucoup plus mal que ça ne repose que sur un maigre budget, Kumashiro réussit à commu- plus étranges s'ébauche. Véritable entrelacs, Grains de sable Chinp ra. n'avait commencé. Et le typhon fera des ravages. Pour filmer cetteniquer une énergie immense. Kitakata Kenzo, l'écrivain de l'his- observe avec une intensité quasi hypnotique, les émois amoureux explosion des sens, Somaï a choisi la même violence que ses per- toire dont s'inspire le film, affirme :« la version filmique fut un de l'adolescence, son trouble, ses désirs, sa douleur. sonnages. Il privilégie les longs moments documentaires sans trop choc pour moi. Bien que l'histoire soit à peu près la même, l'uni- Kiyoshi Kurosawa d'intrigue, la déformation du regard, les bizarreries du montage. Il vers est bien différent de celui que j'ai écrit. Je dois admettre que rejoue, et plutôt bien, à son niveau la révolte et l'aspiration à la Kumashiro a gagné. » Cahiers du cinéma n°513, mai 1997 Shinji Aoyama Cure1997, 1h55 liberté de ses personnages. Stéphane Bouquet C'est le quatorzième film de Kurosawa, avec lequel il fait pleine- Flelpless1996, 1h20 ment montre de son talent. Cure s'apparente au genre criminel, Love hotel1985, 1h28 Junji Sakamato Un yakuza n'ayant qu'un bras et à la recherche du chef de clan mais ici l'espace et le temps débordent les règles réalistes pour for- Ce film, qui retranscrit la tristesse de deux corps essayant de s'unir décédé, un ancien ouvrier sur le point de mourir et chantant mer une sorte de labyrinthe. La peur (le sujet privilégié de tous malgré leurs différences, se présente comme un requiem pour les Tokalev1994 l'Internationale, un fils un peu distant... Toutes sortes de person- ses films) éprouvée par le protagoniste (merveilleusement inter- productions romantiques et pornographiques, dont le studio Nik- C'est le film le plus obscur de Sakamoto. L'histoire se déroule nages curieux et anachroniques sont convoqués dans ce premier prété par Koji Yakusho), perd de sa concrétude pour rejoindre le katsu s'était fait une spécialité depuis quinze ans. Mais, contrai- dans la banlieue déserte de Tokyo : un père, dont le fils est kid- film d'un cinéaste de talent, qui montre la situation étrange des domaine de l'abstraction. Yoichi Umémoto rement à cette série, le film de Somaï dépasse l'érotisme pour faire nappé puis tué, décide de se venger. Le père est extraordinaire- années 90. Yoichi Umémoto advenir dans le monde ce qu'on pourrait appeler un cinéma de ment interprété par l'ancien champion de boxe Takeshi Yamato. Corps. Abi Sakamoto Yoichi Umémoto Wild Life1996, 1h43 Nobuhiro Suvva Avec cette histoire imposée par le producteur, le cinéaste expéri- Déménagement1992 mente diverses formes de mise en scène. « Wild Life » ne désigne 2 Duos 1997, 1h30 Dans son dixième long métrage, Some parle pour la première fois donc pas uniquement la dure vie du héros mêlé à un kidnapping, Nous assistons à la transformation des rapports d'un couple, en du problème de la société japonaise : la destruction de la famille. mais aussi celle du jeune cinéaste qui subit l'atmosphère oppres- huis-clos. Leur rapport étouffant, qui fait penser aux films de

XXVI XXVII Cahiers du cinéma Festival d'Automne Document de communication du Festival d'Automne à Paris - tous droits réservés CINÉASTES JAPONAIS D'AUJOURD'HUI

Jacques Doillon, est sans cesse distancié par les échanges entre le de ses parties truquées, sinon c'est l'expulsion et le retour en cinéaste et ses interprètes. Les acteurs cherchent leur personnage Chine. Le voleur est prêt à tout pour échapper à cela. Incapable de tout au long du film. Cette « expérimentalité » distingue le film au réunir l'argent de sa dette, il accepte le marché du yakuza et lui sein du cinéma japonais, qui fonctionne encore selon les règles des cède sa petite amie Ailin. Cahiers du cinéma n°463, janvier 1993 genres. Yoichi Umémoto Yoichi Higashi Takeshi Kitano

Le Village de mes rêves1995, 1h52 Violent Cop (Sono Otoko Kyobo Ni Tsuli)1989, 1h43 Inspiré d'un livre des frères Tashimadeux jumeaux illustrateurs A l'origine, Kitano devait seulement être l'interprète de Violent très célèbres au JaponLe Village de mes rêves est le récit filmé de Cop, produit par la major Shochicku. Par chance, Kinji Fukusaku, leur enfance, en 1948, dans la province de Hochi. Construit en une scénariste, renonça finalement à la réalisation du film pour laisser suite de petits épisodes, le film oscille entre réalisme et onirisme, sa place à Beat Takeshi, acteur réputé et personnage déjà très en jouant sur l'inclusion d'éléments extérieurs au genre, en parti- célèbre pour secs prestations télévisuelles. culier la présence de trois vieilles dames perchées sur des arbres, Sur une trame franchement classiqueun flic violent est aux qui forment une espèce de choeur aussi drôle qu'énigmatique. prises à la fois avec la hiérarchie policière et un gang sauvage dirigé Cahiers du cinéma n°512, avril 1997 Mitsuo Yanagimachi

Les Feux d'Himatsuri1985, 2h Le film part d'un fait divers réel, survenu il y a quelques années au Japon : un homme tue toute sa famille avant de se suicider. Mais ce fait divers n'est pas l'objet du film (c'est que qui peut dérouter, c'est aussi ce qui fait sa force et sa singularité), c'est son prétexte, la chute d'une grande chronique sur les rapports de l'homme avec la Nature et le Sacré, d'une radiographie de l'âme japonaise et de son devenir dans le monde contemporain. Cahiers du cinAna n°374, juillet-août 1985

Violent Cop.

par le sans foi ni loi KiyohiroKitano fait ses gammes, invente une figure marquante et trouve instantanément son style dépouillé. Il en résulte un film d'une grande sécheresse où la folie et la violence sont à la fois parfaitement concrètes et résolument abstraites. T.J.

A Scene at the Sea (Ano Natsu Ichiban Shizukana) 1991, 1h41 Changement de cap : Kitano passe de la Shochicku à la Toho, autre major japonaise et il ne joue plus dans son film. Changement de registre aussi : plus question de yakuza, le héros est un jeune éboueur sourd-muet emporté par une soudaine et dévorante pas- Saraba. sion pour le surf. Un film attachant et obsédant sur l'obsession, marqué par l'horizontalité de la mer et du paysage, un sens aigu Saraba (L'Adieu à la terre natale)1988, 2h10 de la répétition et un esprit très zen. T.J. Saraba est certainement l'oeuvre la plus crue et brutale de Yana- gimachi, encore une fois inspirée d'un authentique crime qui eut lieu en 1997 près de Kashima, à Ushibori, ville natale du cinéaste. Ce film est une métaphore de toute l'histoire du Japon moderne. Un modernisme qui est le fruit de cent vingt années d'imitation 411e- ,ae de l'Occident. Cahiers du cinéma n°440, février 1991

About love, Tokyo1992, 1h50 Ho Jun et Zhang, venus de Pékin à Tokyo pour étudier le japo- nais, travaillent comme tueurs dans un abattoir. Zhang, déçu de n'apprendre rien d'autre qu'à tuer, retourne en Chine. Ho Jun, lui, A Scene of the Sea. choisit de rester au Japon et, bien décidé à se battre pour gagner Ci-contreTakeshi Kitano dans son film Violent Coli. de l'argent, se met à tricher au pachinko (sorte de billard élec- trique japonais). Le propriétaire de la salles de jeux, un yakuza Programme réalisé en collaboration avec les Cahiers du cinéma Japon et musclé, découvre le trafic et oblige Ho Jun à rendre le bénéfice la Biennale du cinéma japonais d'Orléans.

XXVIII Cahiers du cinéma Document de communication du Festival d'Automne à Paris - tous droits réservés LE PROGRAMME LE PROGRAMME

CINÉASTES JAPONAIS D'AUJOURD'HUI RÉTROSPECTIVE OSHIMA du 12 au 25 novembre 1997 / UGC Ciné CitéLes Halles du 19 novembre au 16 décembre 1997 / La Villette

Mercredi 12 novembre Lundi 17 novembre Samedi 21 novembre Mercredi 19 novembre Samedi 29 novembre Lundi 8 décembre 10 h 00La Marque du tueur de Seijun 9 h 45 Grains de sable de Ryonosuke 9 h 45 Histoire d'une prostituée de 20 h 30La Cérémonie 14 h 30L'Empire des sens relâche Suzuki Hashigushi Seijun Suzuki 17 h 00La Pendaison 12 h 00Helpless de Shinji Aoyama 12 h 30Ele'gie de la bagarre de Seijun 11h 45Histoire d'une prostituée de Jeudi 20 novembre 20 h 00Une Petite Soeur pour l'été Mardi 9 décembre 14 h 00Ele'gie de la bagarre de Seijun Suzuki Seijun Suzuki 20h 30Conte cruel de la jeunesse 20 h 30L'Empire des sens Suzuki 16 h 15Saraba - Adieu à la terre natale 13 h 45A Scene at the Sea de Takeshi Dimanche 30 novembre 16 h 00Chinpira de Shinji Aoyama de Mitsuo Yanagimachi Kitano Vendredi 21 novembre 15 h 30L'Empire de la passion Mercredi 10 décembre 18 h 15 La Barrière de chair de Seijun 19h 002 Duos de Nabahiro Suwa 16 h 00 Shonben rider de Shinji Somaï 20 h 30Nuit et brouillard du Japon 18 h 00La Cérémonie 20 h 30Le Piège Suzuki 21 h 00Wildlife de Shinji Aoyama 18 h 30Like a rollingstone de Tatsumi 20 h 30 Déménagement de Shinji Somaï En présence du réalisateur Kumashiro Samedi 22 novembre Lund 1" décembre Jeudi 11 décembre Soirée d'ouverture 21 h 00Cure de Kiyoshi Kurosawa 14 h 30L'Enterrement du soleil relâche 20 h 30Le Petit Garçon Mardi 18 novembre En présence du réalisateur 17 h 00Le Révolté Jeudi 13 novembre 10 h 00 La Jeunesse de la bête de Seij un 20 h 00Le Petit Garçon Mardi 2 décembre Vendredi 12 décembre 10 h 00Le Village de mes rêves de Yoichi Suzuki Dimanche 23 novembre 20 h 30Max mon amour 20 h 30 Le Peti t Garçon Higashi 12 h 00 2 Duos de Nabahiro Suwa 9 h 45 A scene at the Sea de Takeshi Dimanche 23 novembre 12 h 30 Brumes de chaleur de Seijun 14 h 15LaVie d'un tatoué de Seijun Kitano 15 h 30Max mon amour Mercredi 3 décembre Samedi 13 décembre Suzuki Suzuki 12 h 00 Like a rollingstone de Tatsumi 18 h 00L'Obsédé en plein jour 20 h 30Eté japonais : double suicide 14 h 30Le Journal deYunbogi + Une 15 h 30Chinpira de Shinji Aoyama 16 h 30Love hotel de Shinji Somaï Kumashiro ville d'amour et d'espoir 18 h 00 Mélodie tzigane de Seijun 18 h 45 La Jeunesse de la bête de Seijun 14 h 30 Shonben rider de Shinji Somaï Lundi 24 novembre Jeudi 4 décembre 17 h 00Ilestmortaprès guerre Suzuki Suzuki 17 h 00SarabaAdieu à la terre natale relâche 20 h 30L'Enterrement du soleil 20 h 00Carnet de Ninja 21 h 00 Jardin d'été de Shinji Somaï 21 h 00 2 Duos de Nabahiro Suwa de Mitsuo Yanagimachi 19 h 30Cure de Kiyochi Kurosawa Mardi 25 novembre Vendredi 5 décembre Dimanche 14 décembre Vendredi 14 novembre Mercredi 19 novembre 21 h 45Like a rollingstone de Tatsumi 20 h 30A propos des chansons paillardes 20 h 30Le Journal deY anbogi + Une 15 h 30Futyo 9 h 45 Ele'gie de la bagarre de Seijun 9 h 45 Love hotel de Shinji Somaï Kumashiro au Japon. ville d'amour et d'espoir 18 h 00Journal du voleur de Shinjuku Suzuki 11 h 45 Tokalev de Junji Sakamoto 11 h 45Déménagement de Shinji Somaï 14 h 15Shonben rider de Shinji Somaï Mercredi 26 novembre Samedi 6 décembre Lundi 15 décembre 14 h 15La Jeunesse de la bête de Seijun 16 h 45La Barrière de chair de Seijun Lundi 24 novembre 20 h 30Les Plaisirs de la chair 14 h 30 Conte cruel de la jeunesse relâche Suzuki Suzuki 10 h 00Les Feux d'Himatsuri de Mitsuo 17 h 00Nuit et brouillard du Japon 16 h 15 Grains de sable de Ryonosuke18 h 45Wilde de Shinji Aoyama Yanagimachi Jeudi 27 novembre 20 h 00L'Obsédé en plein jour Mardi 16 décembre Hashigushi 21 h 00Okaeri de Makoto Shinozaki 12 h 30 Le Village de mes rêves de Yoichi 20 h 30Le Retour des trois saoulards 20 h 30L'Empire de la passion 19 h 00 La Marque du tueur de Seijun En présence du réalisateur Higashi Dimanche 7 décembre Suzuki 15 h 00LaVagabond de Tokyo de Seijun Vendredi 28 novembre 15 h 30Les Plaisirs de la chair 21 h 00Helpless de Shinji Aoyama Jeudi 20 novembre Suzuki 20 h 30Fulyo 18 h 00A propos des chansons paillardes En présence du réalisateur 9 h 45 La Vie d'un tatoué de Seijun 17 h 00Jardin d'été de Shinji Somaï au Japon Suzuki 19 h 30 La Vie d'un tatoué de Seijun Samedi 15 novembre 11 h 45Violent cop de Takeshi Kitano Suzuki 10 h 00About love Tokyo de Mitsuo 14 h 00Tokalev de Junji Sakamoto 21 h 30 Grains de sable de Ryonosuke FESTIVAL D'AUTOMNE À PARIS - 156, rue de Rivoli75001 PARIS - Tél. : 01 53 45 17 00 Yanagimachi 16 h 30Déménagement de Shinji Somaï Hashigushi Adresse du site internet : http://www.festival-automne.com 12 h 30Mélodie tzigane de Seijun 19 h 00A Scene at the Sea de Takeshi Président du Conseil d'Administration : André BénardDirecteur général : Alain CrombecqueDirectrices artistiques : Marie Collin Suzuki Kitano Mardi 25 novembre et Joséphine Markovits 15 h 30Helpless de Shinji Aoyama 21 h 00Cure de Kiyoshi Kurosawa 9 h 45 SarabaAdieu à la terre natale 17 h 30Brumes de chaleur de Seij un En présence du réalisateur de Mitsuo Yanagimachi CAHIERS DU CINÉMA9, Passage de la Boule Blanche75012 PARIS - Tél. : 01 43 43 92 20 Suzuki 12 h 45Typhoon club de Shinji Somaï Rédacteurs en chef : Antoine de Baecque et Serge Toubiana 21 h 00Chinpira de Shinji Aoyama Vendredi 21 novembre 15 h 15La Barrière de chair de Seijun En présence du réalisateur 9 h 45 Tokalev de Junji Sakamoto Suzuki Programmation : Thierry Jousse 12 h 00Violent Cop de Takeshi Kitano 17 h 15About love Tokyo de Mitsuo Réalisation : Françoise Bévérini, Claudine Paquot, Delphine Pineau, Ouardia Teraha, avec la collaboration de Jeanne Dressen. Dimanche 16 novembre 14 h 15Wildlife de Shinji Aoyama Yanagimachi Ont collaboré à ce supplément : Stéphane Bouquet, Jun Hirosé, Yoichi Oguino, Nicolas Saada, Abi Sakamoto, Fumiko Tsuneishi, 10 h 00Mélodie tzigane de Seijun 16 h 30Le Vagabond de Tokyo de Seijun 19 h 30LeVagabond de Tokyo de Seijun Yoichi Umemoto Suzuki Suzuki Suzuki 13 h 00Jardin d'été de Shinji Somaï 18 h 45Love Hotel de Shinji Aoyama 21 h 30 Les Feux d'Himatsuri de Mitsuo UGC-Ciné Cité-Les Halles 7, Place de la Rotonde Forum des Halles75001 PARISTél. : 01 40 26 40 45Répondeur : 08 36 68 68 58 15 h 30Brumes de chaleur de Seijun 21 h 00Okaeri de Makoto Shinozaki Yanagimachi Suzuki En présence du réalisateur Grande Halle de La Villettesalle Boris Vian 211, avenue Jean Jaurès 75019 ParisRenseignements : 01 40 03 76 92 18 h 30Les Feux d'Himatsuri de Mitsuo Yanagimachi Programme réalisé avec le concours du Centre national de la Cinématographie[el[61 21 h 00Typhoon club de Shinji Somaï et avec l'aide de la Fondation du Japon Ce programme est susceptible de modifications de dernière minute. Remerciements à Jean Viala, à la Biennale du cinéma japonais d'Orléans et à l'Institut franco-japonais de TOKYO

Tiré à part des Cahiers du cinéma n° 518 novembre 1997

XXX Cahiers du cinéma Festival d'Automne Document de communication du Festival d'Automne à Paris - tous droits réservés Des rendez-vous culturels toute l'année dans le forum de la Fnac Cnit La Défense. Gratuits et libres d'accès.

Agenda mensuel disponible à l'accueil du magasin, sur www.fnac.fr et 3615 Fnac(2,23 F/mn) E BATS 1 :111P DEDICACES :111714EiLli PROJECTIONS frillimAI d 41 EXPOSITIONS Fnac Cnit La Défense 2, place de La Défense 92053 Paris La Défense Tél. :01 40 90 40 90 Ouvert du lundi au samedi de 10 h à 20 h.

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