L'afrique Septentrionale
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HISTOIRE DE L’AFRIQUE SEPTENTRIONALE (BERBÉRIE) DEPUIS LES TEMPS LES PLUS RECULÉS JUSQU’À LA CONQUÊTE FRANÇAISE (1830) PAR Ernest MERCIER TOME TROISIÈME PARIS ERNEST LEROUX ÉDITEUR 28, RUE BONAPARTE, 28 1868 HISTOIRE DE L’AFRIQUE Livre numérisé en mode texte par : Alain Spenatto. 1, rue du Puy Griou. 15000 AURILLAC. D’autres livres peuvent être consultés ou téléchargés sur le site : http://www.algerie-ancienne.com Ce site est consacré à l’histoire de l’Algérie. Il propose des livres anciens (du 14e au 20e siècle) à télécharger gratuite- ment ou à lire sur place. HISTOIRE DE L’AFRIQUE SEPTENTRIONALE (BERBÉRIE) QUATRIÈME PARTIE PÉRIODE TURQUE ET CHÉRIFIENNE 1515-1830 CHAPITRE PREMIER ÉTAT DE L’AFRIQUE SEPTENTRIONALE AU COMMENCEMENT DU XVIe SIÉCLE Affaiblissement des empires berbères. — Formation de nou- velles provinces et de petites royautés indépendantes ; féodalité indigène et marabouts, Puissance de l’empire turc. — Les chérifs marocains. État de l’Espagne. — État de l’Afrique Septentrionale. Cyrénaïque et Tripolitaine. Tunisie. Province de Constantine. Pro- vince d’Alger. — Province d’Oran.Mag’rab. Notice sur les chérifs hassani et saadiens. — Résumé de la situation. — Progrès de la science en Berbérie ; les grands docteurs ; le Soufi sme ; les confré- ries de Khouan. AFFAIBLISSEMENT DES EMPIRES BERBÈRES. — Avec le XVIe siècle, la Berbérie est entrée dans une phase nouvelle. Décors et acteurs, tout change, et, comme prélude, le chrétien abhorré s’empare d’Oran, de Bougie, de Tripoli, de presque tout le littoral marocain de la Méditerranée et de l’Océan; il s’y installe en maître, tient Alger sous le feu de ses canons, et a reçu la sou- mission de Dellis, de Tenés, de Mostaganem et de bien d’autres places. Ainsi, de ces puissants empires qui ont maintenu l’Afrique septentrionale courbée sous le joug de Berbères régénérés : les Almoravides, les Almohades, les Merinides, les Abd-el-Ouadites, les Hafsides, il ne reste que le souvenir, car les tristes descendants de ces trois dernières dynasties achèvent de mourir, non seulement sans gloire, mais trop souvent sans dignité : celui de Tlemcen est déjà venu à Burgos apporter humblement sa soumission au roi catholique et 2 HISTOIRE DE L’AFRIQUE implorer son appui, c’est-à-dire une honteuse tutelle ; celui de Tunis ne tardera pas à l’imiter. Quant à l’empire de Fès, il se dissout dans l’impuissance résultant des compétitions et de l’anarchie. A peine ces sultans ont-ils conservé quelque autorité dans les villes de l’intérieur; le reste de l’empire n’obéit plus à personne. En un mot, toutes ces dynasties sont caduques et se survivent. C’est que l’unité de la race berbère, qui, malheureusement pour elle, n’a jamais été bien complète, s’est émiettée, et s’est fondue au cours des longues années de guerres intestines que nous avons retracées dans les volumes précédents. L’élément arabe-hila- lien, par son introduction il y a cinq siècles, a rompu, modifi é, dis- persé, grâce à une action lente, l’élément indigène, qui cependant l’a absorbé, mais ne se retrouve ou ne se reconnaît que dans les montagnes élevées et dans l’extrême sud ; partout ailleurs, il n’y a plus ni Berbères, ni Hilaliens, mais seulement une population hybride, qui, en maints endroits, va prendre ou a déjà pris de nou- veaux noms(1). FORMATION DE NOUVELLES PROVINCES ET DE PETITES ROYAUTÉS INDÉPENDANTES. — FÉODALITÉ INDIGÈNE ET MARABOUTS. — Le pays lui-même tend au fractionnement, et de nouvelles provinces, de nouvelles capitales, de nouveaux chefs-lieux vont avoir leur vie propre. L’autorité de ces gouvernements, étant plus faible, ne pourra s’étendre aussi loin, et partout, au sein de celte anarchie, se formeront de petites royautés: à Touggourt, en plein Sahara, comme à Koukou dans la Grande-Kabylie, et les maîtres de ces démocraties prendront le titre de sultan ou de roi. Ailleurs, les chefs des grandes tribus rénovées, émirs, jouant au sultan, viendront dans les vieilles cités royales, comme Constantine, dont ils se sont érigés les protecteurs, exiger des descendants de leurs anciens maîtres le tribut du vasselage. C’est une véritable féodalité qui se fonde ; et cependant, dans ces villes, qu’elles se nomment Tunis, Kaïrouan, Constantine, Tlemcen ou Fès, fl eurissent des écoles de savants remarquables ; mais, c’est là le seul reste de leur ancienne splendeur, et, dans un tel moment, ce genre de supériorité n’a guère d’utilité pratique. Les marabouts commencent A former, dans les campagnes, des centres religieux dont l’infl uence sera autrement importante. L’islamisme est donc en péril dans l’Afrique du Nord. La chré- tienté, entraînée par un puissant empereur, va sans doute reprendre ____________________ 1. Nous nous sommes appliqué, dans le 2e volume, à suivre pas à pas cette transformation. (Voir ses tables.) L’AFRIQUE SEPTENTRIONALE AU XVIe SIÈCLE 3 pied mur ces rivages, et la civilisation refl eurira dans ce Tell où elle a brillé d’un si vif éclat, dix siécles auparavant, Hélas, pas encore! Les guerres acharnées, les rivalités des nations chérifi ennes et aussi les découvertes et les conquêtes de l’Amérique défourne- ront, encore une fois, de l’Afrique l’attention de l’Europe et per- mettront à une puissance étrangère de recueillir sans peine le fruit des efforts réalisés, depuis cinquante ans, par les Espagnols et les Portugais. PUISSANCE DE L’EMPIRE TURC. — Cette puissance nouvelle est celle des Turcs, dont nous avons suivi de loin le déve- loppement. Après avoir failli être détruits par Timour, ils n’ont pas tardé à relever la tête. Mohammed I a rendu à l’empire ottoman son éclat, et bientôt Mourad II s’est lancé dans les provinces danubien- nes, a menacé la Hongrie et enveloppé Constantinople. En 1453, Mohammed II, son fi ls, prend d’assaut cette métropole et met fi n à l’empire d’Orient. La conquête de la Grèce et de la Morée, de la Bosnie, de l’Illyrie, de la plupart des îles de l’archipel, suit cette victoire. L’Italie est menacée, mais Rhodes retient les Turcs par sa glorieuse résistance, et le grand conquérant meurt, en laissant une succession disputée par ses deux fi ls (1481). Cependant Selim I, qui parait avoir hérité des qualités guerrières de son grand-père, monte sur le trône en 1512, et l’ère des grandes conquêtes, interrompue depuis trente ans, venait. Il s’empare d’abord d’une partie de la Perse, du Diarbekir et du Kurdistan, et menace la Syrie, l’Arabie et l’Égypte. Lorsqu’il aura ainsi assuré ses frontières au Midi et à l’Est, il se tournera vers l’Occident. Ainsi le jeune empire turc est encore dans la période ascendante, et sa puissance n’a pas atteint tout son rayonnement(1). LES CHÉRIFS MAROCAINS. — A l’opposé, dans la région saharienne du Maroc, d’où sont partis presque tous les marabouts qui se sont répandus depuis deux siècles dans la Berbérie, des Arabes, se disant Chérifs, descendants de Mahomet, ont acquis une grande autorité indépendante et lutté, pour leur compte, quelque- fois avec succès, contre les Portugais établis sur le littoral océanien; ils se préparent à renverser les Merinides et à prendre en main le gouvernement de l’empire du Mag’reb. Nous résumons plus loin leur histoire(2). ___________________ 1. EI-Kaïrouani, p. 305 et suiv. — Mallouf, Précis de l’histoire otto- mane, p. 19 et suiv. 2. Mochet-el-Hadi, texte arabe de Mohammed-el-Oufrani, publié par M. Houdas (Leroux 1888), p. 3 et suiv. du texte arabe, 5 et suiv. 4 HISTOIRE DE L’AFRIQUE ÉTAT DE L’ESPAGNE. - La mort prématurée d’Isabelle, le règne de Jeanne, l’introduction des Flamands en Espagne, et, enfi n, le second mariage de Ferdinand, avaient enrayé, presque détruit, l’œuvre d’unifi cation commencée pur les « rois catho- liques». Cependant, Philippe étant mort, et Jeanne incapable de régner, Ferdinand revint de Naples en Espagne et se fi t décerner de nouveau la régence, qu’il exerça au nom de son petit-fi ls, Char- les, prince régnant, élevé en Flandre sous la direction de Maximi- lien, tandis que Ferdinand, fi ls puîné de Philippe, restait en Espagne, jouissant de la tendresse et des préférences de son aïeul. Nous avons vu le grand rôle joué par Jiménez, cardinal d’Espagne, dans la direc- tion des affaires de la Castille, durant l’absence du roi d’Aragon, et les conditions dans lesquelles il s’était résigné à la retraite. Ferdi- nand entendait, en effet, gouverner seul le double royaume. En 1512, à la suite de la mort de Gaston de Foix, les Français furent chassés de l’Italie; Ferdinand arrachait ensuite la Navarre à Jean d’Albret, et celui-ci n’avait d’autre ressource que de récla- mer le secours de la France. François, duc d’Angoulême, futur roi, ayant conduit une expédition dans le but de le rétablir sur son trône, entreprit une campagne, qui aboutit à un désastre dont la vallée de Roncevaux, déjà fatale à nos armes, fut le théâtre. Peu de tempe après, Ferdinand, abreuvé d’ennuis et de cha- grins domestiques, rempli de craintes pour l’avenir, rendait l’âme (22 janvier 1516). Il n’avait pu empêcher son petit-fi ls Charles de prendre la couronne de Castille, qu’il aurait tant désiré voir passer sur la tête de Ferdinand, frère de ce dernier, mais il chargeait de sa tutelle le vieux Jiménez, âgé alors de quatre-vingts ans. L’Ara- gon et Naples étaient légués par lui à sa fi lle, Jeanne la folle, avec retour, après elle, à la couronne de Castille.