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700 fc / 4 euros kashkazi n° 66 / septembre 2007 les vents n’ont pas de frontière, l’information non plus

NOTRE DOSSIER Quinze après la fin du régime raciste de Pretoria, l’Afrique du Sud subit encore les conséquences de l’apartheid. La réconciliation miraculeuse de Nelson Mandela n’est pas loin de voler en éclats, tant les épreuves sont dures et

la tâche ardue. Nelson Mandela (DR) Criminalité, mercenariat, racisme, paysans sans-terre : portrait d’un pays en plein doute. afrique du sud sur les braises de l’apartheid

ENQUÊTE AU-DELÀ DES IDÉES REÇUES kwassas : l’hiver FONCIER À MAORE bic/nicom meurtrier la colonisation qui une affaire d’état TOUT LE MONDE SE LES ARRACHE ! ne dit pas son nom ordures de moroni, ce qu’il faut savoir sur les destructions de mtsagnuni orchestrée ? un marché juteux

Ndzuani, Ngazidja, Mwali : 700 fc / Maore : 4 euros / Réunion, France : 5 euros / Madagascar : 2.500 ariary Kenya Airways vous offre trois fois par semaine de très bonnes correspondances vers Dubaï, Johannesburg, Bujumbura, Cairo,Addis Abeba, Mumbai, Bangkok et Guangzhou en transitant par Nairobi. Pour plus de détails, contactez Ario Comores ou votre agence de voyage. EN PRÉAMBULE sommaire (66) Éternelle Françafrique ? 4 ENTRE NOUS LE BLOG DE LA RÉDACTION LE JOURNAL DES LECTEURS notre vécu post-colonial par Rémi Carayol DES NOUVELLES DE... alain kamal martial HORIZONS DIVERS charbel khalil, au liban PORTRAIT TYPE mahamoud abdallah IL FAUT ACCORDER au président français une activité débordan- danger n'est pas encore un délit. Mais c'est une faute morale et politique (…)" 8 FAUT QU’ÇA SORTE te. Peut-on imaginer qu'il ne s'agit là que d'une tactique déjà maintes fois éprou- ENQUÊTE le jackpot des ordures de moroni vée par le passé, consistant à faire croire -grâce notamment à des médias deman- Oui mais voilà : ce message ne s'adressait pas aux Africains. Ce mes- DIPLOMATIK’ kadhafi, le rassembleur diviseur deurs de ce type d'omniprésence - ce qui n'est pas ? Autrement dit : et si ce raz- sage était bon pour les Sud-américains, les Asiatiques, les Européens de l'Est. Les MAORE soutiens douteux au maria galanta de-marée visuel ne visait qu'à cacher une incapacité à se démarquer, sur le fond, chefs d'Etat africains étaient eux exempts de ce type de considérations. Les LA QUESTION au nouveau président mohélien de ses prédécesseurs ? Car que dit la propagande sarkozyste depuis plusieurs Bongo, Eyadéma, Habré pouvaient poursuivre leur politique de parti unique, COOPÉRATION charité mal ordonnée... mois ? Que Nicolas Sarkozy est l'homme du changement, de la rupture -tran- même après le discours de La Baule qui ne changea les règles du jeu qu’en faça- quille, comprenne qui pourra. En somme, qu'une nouvelle ère s'est ouverte avec de. On ne touche pas au pré-carré français, que l'on soit gaulliste, centriste ou 13 RUE DES INCONGRUS sa victoire en mai dernier. Passées les premières semaines de son mandat, cette socialiste. Mobutu l’avait bien compris, lui que Mitterrand invita en grande image méticuleusement travaillée ne résiste toutefois pas à l'analyse de sa poli- pompe à l'Elysée quelques mois après ce discours de Mexico. Mobutu, l'homme les jeux du sectarisme des îles de l’océan indien tique. Son voyage en Afrique, en juillet dernier, est en ce sens édifiant. qui possédait l'équivalent du budget de son pays (4 à 6 milliards de dollars selon les autorités helvétiques) dans ses comptes en banques suisses… 14 NOUVELLES DU FRONT Tandis que Washington effectuait sur “son” continent ses basses besognes, Paris QUE DISAIT LE CANDIDAT Sarkozy, avant son élection ? Qu'il poursuivait sur “son” continent sa politique cynique qui visait à faire croire que 18 GROS PLAN était de son devoir de "chasser les vieux démons", de "créer les conditions de "oui messieurs-dames, l'Afrique est libre et nous n'y exerçons aucune forme de MAHAJANGA le business du pauvre relations adultes, responsables et décomplexées" afin de "s'épanouir en pleine domination". Et ce n'est pas Chirac, lui qui aimait tant l'Afrique et ses arts qu'il lumière, sous le regard de tous" 1 (comprendre : contrairement à l'obscurantisme en conçut un musée dans lequel sont exposées les œuvres spoliées durant la colo- 22 DÉCRYPTAGE de ces 50 dernières années). Mieux : à croire le candidat "du changement", il fal- nisation, qui changea la donne. “L'ami des Africains” comme le répète sa propa- lait en finir avec "les émissaires officieux" et ces réseaux "qui ont fait tant de mal gande, était surtout celui de ces mêmes chefs d'Etat : Bongo, Biya (le successeur 22 FONCIER À MAORE la colonisation qui ne dit pas 1 son nom par le passé" ; de même, la diplomatie soutenant les dictateurs, de Bongo à d'Ahidjo), Eyadema. Eyadema oui, celui qui, lorsqu'il mourut en 2004 après 38 enquête sur les destructions de Eyadema en passant par Mobutu, Bokassa et Ahidjo, vivait ses derniers jours années de dictature digne du plus rigide des régimes soviétiques, reçut cette mtsagnuni ("Nous ne devons plus accepter que l'aide au développement puisse devenir une offrande post-mortem de Chirac : "Avec lui disparaît un ami de la France qui 26 BIC / NICOM une affaire d’état orchestrée ? prime à la mauvaise gouvernance et aux régimes prédateurs.") S'il n'a pas cité était pour moi un ami personnel (…) Je suis certain que l'Afrique ressent cruel- 28 RIZ les enjeux d’un produit stratégique le (gros) mot, tout le monde a compris qu'il s'agissait de mettre fin une bonne fois lement la perte de celui qui, depuis tant d'années, consacrait ses efforts à la 29 SANTÉ les comores à l’épreuve du choléra pour toute à la Françafrique chère à ses prédécesseurs. Enfin ! pouvaient s'écrier coopération régionale, à la médiation et à la recherche de la paix." 30 MIGRATIONS kwasa : l’hiver meurtrier les Africains, à commencer par ceux que l'on englobe on ne sait trop pourquoi dans l'ensemble "francophone" 2. Enfin un président qui non seulement affirme 32 GÉOPO qu'il va en finir avec ce système qui n'a fait que poursuivre l'exploitation colonia- MAIS AVEC SARKOZY, tout allait changer. C’est du moins ce ENVIRONNEMENT les biocarburants : une illusion ? le sous une forme plus hypocrite, mais qui, en plus, le reconnaît implicitement ! que l’on voulait nous faire croire, jusqu’à son premier voyage au sud du Sahara, en juillet. Là, tout le monde s'est souvenu que les plus fidèles amis du Sauf qu'à y regarder de plus près, avant même sa victoire, la nouvel- président sont aussi ceux qui font les meilleures affaires en Afrique : le donne africaine de Sarkozy fleurait l'arnaque à plein nez 3. Que disait-il en Bouygues, Bolloré… Quel fut son parcours ? La Lybie du désormais fréquen- 34 effet, dans ces mêmes discours au cours desquels il dénonçait à demi-mot la table Kadhafi, le Sénégal de feu le président-poète Senghor, et le Gabon de DOSSIER Françafrique ? Que ses inspirateurs en la matière seraient le "de Gaulle vision- Bongo, cet homme aussi élégant dans ses tenues vestimentaires qu'ignoble sur les braises (encore naire [qui a su] comprendre les aspirations de l'Afrique à l'autonomie puis l'in- dans sa manière de gérer un pays dans lequel les richesses immenses issues du chaudes) de l’apartheid dépendance" et le Mitterrand du "discours de la Baule", lorsqu'il exigea la démo- pétrole profitent à une clique infinitésimale. Le Sénégal et le Gabon, deux cratie à ces autocrates qu'il avait soutenu auparavant. symboles (avec la Côte d'Ivoire) de la Françafrique. Tranquille, la rupture - 34 une société en plein doute Reprenons : le “de Gaulle visionnaire” dont il parle est justement celui par qui effectivement... Et quel fut son discours ? Que les Africains doivent prendre en 36 en guerre contre ses vieux démons naquit la Françafrique, celui qui eut l'idée "de génie" de donner aux Africains leur main leur destin, que la jeunesse doit montrer sa volonté de se développer si elle 37 sida : une pandémie en guise d’alibi indépendance tout en leur imposant des pantins acquis à sa cause en guise de veut pouvoir compter sur l’aide de la France. Bref, que les nègres doivent faire 38 la société au révélateur des springboks chefs d'Etat, parce que les enjeux économiques -et preuve de leur motivation à sortir de la merde, et “entrer dans l’Histoire”. Parce 40 sans-terre : les oubliés de la réconciliation la fierté patriotique du “grand Charles”, fidèle à qu’il n’y étaient pas !? 41 des forces spéciales au mercenariat l’Empire- étaient trop forts pour se permettre une telle "amputation". Les Ahidjo, Bokassa, Bongo, Tout ne sonne pas faux dans son discours de Dakar, et nous ne som- 41 HISTOIRE les comores, un pion sur Avant même l’échiquier de l’apartheid Eyadema, "ces caricatures des caricatures", mes pas de ceux qui rejettent la responsabilité de la situation actuelle du conti- 44 la nouvelle diplomatie de thabo mbeki sa victoire, la comme les appelait Mongo Beti, placés et soutenus nent sur la seule ex-puissance coloniale, ni même sur la seule mondialisation. Les militairement par la France, firent alors "ce que les Africains ont leur part de responsabilité dans ce qui leur arrive : il n'y a qu'à voir nouvelle donne administrateurs coloniaux, les planteurs blancs, les ce qu'il se passe actuellement aux Comores pour s'en persuader. Mohamed Bacar africaine de entrepreneurs sans capitaux, rêvaient sous la IVème a beau être soutenu par des réseaux obscurs implantés à Maore et en France, il 46 HORS-PISTE République, mais ne purent réaliser, bridés qu'ils n’en reste pas moins maître de ce qu’il a engendré : la dictature. 4 LITTERATURE au pays des livres, les comoriens Sarkozy étaient par l'opinion publique de la ‘métropole’" . Mais qui est Sarkozy pour définir publiquement ce que veulent les Africains ? sont-ils aveugles ? fleurait "L'indépendance", poursuit l'écrivain camerounais, Ira-t-il dire aux Indiens d’Amérique ce qui est bon pour eux ? Non, évidemment. PORTRAIT lasbadias, le nouveau sultan blanc "a supprimé le contrôle du Parlement français et de “Mais l’Afrique, c’est un peu l’enfant de la France...” Vieux réflexe paternaliste l’arnaque à l'opinion française, mais non le personnel colonial, qui renvoie aux oubliettes son pseudo-désir de nouer des “relations adultes” ! 50 maintenu sur place sous des appellations nouvelles, Le discours ne résiste pas à l’analyse. Ainsi, quand, dans son intervention, QUESTION(S) D’ÉPOQUE plein nez. ni l'appareil économique colonial (...)." Alors que Sarkozy reconnaît que "jadis, les Européens sont venus en Afrique en conqué- tintin au congo, et pas ailleurs ? l’on comptait 7.000 administrateurs coloniaux au rants. Ils ont dit à vos pères ce qu'ils devaient penser, ce qu'ils devaient croire, ce sud du Sahara en 1956, on dénombrait en 1964, qu'ils devaient faire", il explique, quelques phrases plus loin, ce que les enfants après les indépendances, 8.500 coopérants et 2.500 de ces mêmes pères doivent penser, croire, faire... De même, lorsque Sarkozy assistants militaires...5 “Sous le porche de l’Eglise de la coopération, la France exhorte les jeunes Africains à prendre en main leur avenir, il rend visite quelques reste africaine et l’Afrique française”, ironisait en 1969 l’écrivain malien Yambo heures plus tard au Gabon de Bongo, l’homme qui a volé le destin de son peu- Ouologem. C'est donc du de Gaulle qui créa ce système symbolisé par Jacques ple pour satisfaire aux exigences de Paris - et de ses proches. Foccart, que Sarkozy veut s'inspirer. Mensuel indépendant de l’archipel des Comores édité par la SARL BANGWE PRODUCTION Mongo Beti avait assuré, avant même les premiers pas de François Troisième année - numéro 66 Mitterrand en Afrique, que ce dernier ne changerait en rien la donne de la diplo- BP 53 11, Moroni, Ngazidja, Union des Comores ET QUE DIRE DE MITTERRAND, dont le parcours africain rap- matie française sur le continent. Non pas qu’il ne le souhaitait pas, mais “il n’en Tel. Moroni : (00 269) 76 17 97 - (00 269) 36 17 97 pelle celui de Sarkozy ? Comme l'actuel président, le leader "socialiste" promet- avait pas les moyens”. S’il est encore trop tôt pour juger Sarkozy, parions qu'il Tel. Mamoudzou : 06 39 21 93 39 e-mail : [email protected] / www.kashkazi.com tait des lendemains qui chantent au continent. Finies les années Giscard, celui-là en sera de même pour lui. Les enjeux économico-diplomatiques de la Directeur de la publication : Kamal’Eddine Saindou même qui accepta par poignées les diamants de Bokassa quand le peuple centra- Françafrique sont trop forts. Les réflexes colonialistes trop prégnants. Rédactrice en chef : Lisa Giachino fricain mourait de misère ! se disait-on. N'est-ce pas Mitterrand qui, au milieu des Rédaction : Rémi Carayol, Naouerdinne Papamwegne, années 80, proclama, à Mexico, ce discours provocateur vis-à-vis de l'impéria- 1 Daan-Ouni Msoili Propos tenus au Sénégal et au Mali en décembre 2006, rapportés par Le Figaro. Collaborateurs : Ahmed Abdallah, Nassuf Djaïlani, Soeuf Elbadawi, lisme US, qui n'en finissait pas d'intervenir chez ses voisins (Chili, Argentine, 2 En 2001, seuls 5% des Africains des pays "francophones" pratiquaient régulièrement le français. Le Quotidien de la Réunion, Syfia International, Eric Tranois Nicaragua…) ? "Appliquons à tous les mêmes règles, le même droit : non-ingé- 3 Lire Kashkazi n°64, N. Sarkozy et l'Afrique, vraie rupture ou faux changement ? Impression : Graphica Imprimerie, Moroni - (00 269) 73 59 65 rence, libre-détermination des peuples, solutions pacifiques des conflits, nouvel 4 Mongo Beti, Africains, si vous parliez, Homnisphères, 2005 ordre international (…) En droit international, la non-assistance aux peuples en 5 Stephen Smith, Comment la France a perdu l’Afrique, Calmann-Lévy, 2005

kashkazi 66 septembre 2007 3 entre nous le blog de la rédaction

en tête de liste Question (des courriers de nos lecteurs que nous apprécions) de choix, très Antigone à , 1997-2007 certainement par Sambaouma A. Nassar, poète (Ngazidja) carnet de notes "Nous d'un embargo contre Anjouan ?) griffes du monstre colonial ? Par redore son allons tous Mais avant d'en arriver à cette ailleurs, condamner la "maigre" blason de roi DÉBUT AOÛT. Je suis en train de chercher porter cette extrémité, Sambi va temporiser, Antigone dont les malheurs ont "par défaut" et des photos pour illustrer un énième article sur plaie au côté, essayer de persuader la révoltée agrandi les yeux et fêlé la voix son personnage de la énième crise qui secoue l’archipel - je veux pendant des pour la faire revenir à la raison risque de polariser sur elle les noir costumé retro- parler du déni de démocratie de Mohamed siècles." Jean en lui soufflant à la fin, qui sait, compassions d'un public anony- uve sa grandeur uni- Bacar. Tout en parcourant les archives, je me Anouilh, Antigone la berceuse du Bonheur qui l'at- mement nombreux et peut-être verselle. demande à partir de quel moment l’on peut tend dans le cocon d'un mariage même d'élever, demain, au rang Et que "faire" ou quel passer du qualificatif de “Président” à celui d'amour ou de raison au sein de d'une sorte de martyre ! commentaire tenir sur de “Dictateur”. A ma connaissance, il n’y a "AU LENDEMAIN D'UNE l'Union. Un "pauvre mot" mais Antigone ? Distinguer sa pas de règle en la matière, la dictature étant RÉVOLUTION, des têtes auquel il tient. En fait, Sambi VOYONS DE PRÈS la pseudo "grandeur" nous permettrait un terme tout aussi relatif et subjectif que la tombent" assurait, à peu près tout comme Créon est convaincu victime. Depuis le début, elle peut-être de répondre de celle démocratie, n’en déplaise aux spécialistes des avec un zeste de grandiloquen- de l'existence des réseaux étran- plaide sa cause avec une outre- des autorités d'Anjouan. En “élections conformes aux règles démocra- ce, le Créon de Jean Anouilh gers manoeuvrant pour la désta- cuidance qui relève tantôt du attendant, Mohamed Bacar et tiques”, qui ont fait de cet enjeu un gagne- arrivé au pouvoir par raccroc et bilisation de son régime (on sadisme, tantôt du pur maso- ses sbires ne sauraient non pain rentable, quitte à valider des élections somme toute soucieux de panser parle même d'un projet de chisme. Il y a aussi du délire plus être placés au-dessus de la truquées -les cas sont légion en Afrique. les plaies d'une cité debout sur "démantèlement" de la cité), des dans ses propos, même si pour loi. Comme nous l'avons évoqué Je parcours les photos prises en juin donc, et ses ruines. Lui, c'est Sambi, réseaux qui tirent les ficelles ne pas avoir l'air de trop l'acca- au commencement : au lende- je tombe sur celle-ci : notre actuel chef de l'Etat. tandis qu'Anjouan ou Antigone y bler, nous pouvons mettre cela main d'une révolution des têtes Anjouan la Rebelle qui dit "Non, serait pour rien. sur le compte de la fatigue, de tombent. Surtout quand la je ne veux pas comprendre", Bien entendu, celle-ci ne cèdera l'insomnie des jours d'opprobre révolution a tourné court. c'est assurément cette intena- pas et Créon va perdre son sang- dévoilé et des deuils survenus en Gageons donc que nous assis- ble Antigone. La condamna- froid, clamer péremptoirement cascade. Point commun avec son tons ici aux ultimes soubre- tion à être enterrée vivante la fin des négociations, oubliant défunt père, son obstination sauts du séparatisme et que d'Antigone correspond paral- les liens de sang. "Enfin Créon !" effrontée jusqu'à l'aveuglement. cette crise qui perdure, dix lèlement au sort qui attend va s'exclamer celle dont l'arrêt La différence est non moins ans le 3 août dernier, peut l'île d'Anjouan, susceptible, de mort est prononcé. "Enfin", révélatrice et les oppose diamé- être qualifiée à juste titre à tout moment, de faire car comment ne pas remarquer tralement. En effet, son père est d'une deuxième lutte l'objet d'une mise au ban que depuis le début, elle se pré- mort pour avoir voulu compren- pour l'indépendance. par la communauté pare pour ce moment, jouant dre à tout prix ("Je ne peux pas internationale. (Ne insidieusement à ses proches et me résoudre à ne pas y voir UN PARTISAN DE BACAR parmi d’autres secoue-t-on pas aux spectateurs le jeu de celle clair", Sophocle, Œdipe roi), tan- qui, dans le stade de Missiri le lendemain de déjà, dans les qui s'enferre volontiers jusqu'à dis qu'elle mourra pour ne pas Vous souhaitez son “élection” non reconnue par l’Union, le coulisses de ce son imminent holocauste ? Et avoir voulu comprendre du tout ! participer au blog de 11 mai, soulève un panneau à l’effigie de son théâtre, l'é- comme avant ce moment fatal le En condamnant Antigone pour la rédaction sous candidat. En diffusant cette image, je le sais, pouvan- roi tremble ! Car ici c'est la sou- acte de rébellion, Créon donne quelque forme que ce j’accrédite la thèse avancée par certains pro- tail ris qui tient le chat. Il tremble à pourtant un exemple digne d'élo- soit ? Envoyez votre pagandistes de Ngazidja qui voudraient faire l'idée de prendre une résolution ge : nul n'est à l'abri de la loi, nul contribution à : croire que “les Anjouanais” -cette appellation impopulaire : quoi ! condamner n'est au-dessus, fût-on la fille du [email protected] si générique et tellement réductrice- soutien- la fille d'Œdipe, celui qui roi. Cette reconnaissance nent Bacar. Le poids des images... libéra jadis notre du justiciable par ou faîtes-la nous Quelques secondes plus tard, je tombe sur cité des Créon parvenir à l’adresse celle-ci : suivante : Kashkazi, BP 5311, Moroni, Ngazidja

PLUS PROCHE de la réalité du terrain -la grande majorité des Anjouanais rejette Bacar, et pourtant tellement moins parlante. “La foule n’est pas là : c’est bien la preuve de ce que nous disons !”, seraient tenter d’affirmer les tenants de l’intoxication, qui n’ont bien évidemment pas été sur place pour vérifier mais préfèrent véhiculer le message qui sied à leur opinion personnelle.

DEUX IMAGES pour deux messages. Et pourtant, il n’existe qu’une vérité. Celle que l’on veut bien diffuser -nous les journalistes- et celle que l’ont accepte d’entendre ou de lire -vous les lecteurs. Question de choix. RC

4 kashkazi 66 septembre 2007 le journal des lecteurs entre nous

Notre vécu post-colonial, une tragédie L’enseignant Ali Mlamali répond à son tour à Ahamadi Hamadi et s’en prend au bilan d’Assoumani Azali, très faible à ses yeux. Lire Kashkazi n°63 (premier courrier de Mlamali Ali) et n°64 (réponse d’Ahamadi Hamadi). Numéros disponibles sur www.kashkazi.com.

Ali Mlamali fut ministre d’Ali Soilihi. Azali, ayant pris la défense de son bilan, après avoir Non seulement, pour vous, tout est consommé, mais il propice aux interrelations et aux interactions trans- Enseignant à la retraite, il vit faussement estimé que "tragique héritage" caractérisait faudrait se conformer à une telle réalité et renoncer à insulaires, donc à un développement multipolaire. (...) actuellement à la Réunion. exclusivement sa gouvernance. A-t-il réussi à faire tout effort tendant à contrarier le tragique de notre des- Rien ne justifie, aujourd'hui comme demain, une atti- comprendre que la corruption au sein du pouvoir poli- tin. Je cite : "Le pays commun à tous les Comoriens tude d'abandon de la légitimité historique du destin tique et administratif est le mal absolu, et qu'aucune n'existe plus […] Il faut gérer le présent sans état commun du peuple comorien réparti sur les quatre îles réalisation par nos propres moyens ne verra le jour d'âme. L'accepter n'est pas être séparatiste, mais réalis- de Maore, Ndzuani, Mwali et Ngazidja. Les circons- L'ARTICLE intitulé "Hommage implicite à la pensée tant que ce mal ne sera efficacement combattu ? On te […] On ne peut pas bâtir, construire le destin des tances dans lesquelles Maore hier, Ndzuani aujourd'- visionnaire d'Ali Soilihi" (Kashkazi n° 63, mai 07) ne le constate pas. A-t-il essayé d'aider les univers autres, gérer la vie des Comoriens sur des illusions, hui, ont signifié des intentions d'emprunter des voies avait pour but d'apporter un éclairage, rétréci, j'en ruraux en soutenant de façon militante ceux qui ont la sur de la fiction, sur la vision d'un Etat aux frontières de rupture avec ce qui fonde notre destin commun conviens, sur un moment capital de notre histoire, charge de ce secteur d'activité pour créer une dyna- en pointillé". (...) Je ne puis converger vers vous : j'es- sont différentes, mais elles mettent en cause, chaque dont l'arrêt brutal inversa dramatiquement un proces- mique organisationnelle susceptible d'affaiblir les fata- time que la gestion du séparatisme d'Anjouan a man- fois, une absence de lucidité et de vision politique sus essentiel de prise de conscience et d'approche lités et d'impulser des tendances incitatives au remem- qué de franchise et d'honnêteté dans l'identification des d'anticipation des gouvernements en exercice : trans- didactique dans une perspective de maîtrise et de réso- brement des terres en vue d'une agriculture qui débou- causes profondes et dans la recherche de solutions d'a- fert prématurément inutile et sans mesures de compen- lution des problématiques spécifiques aux contextes cherait sur des initiatives agro-alimentaires ? Non. sation (je m'y trouvais) du chef-lieu, de Dzaoudzi à d'économie de subsistance, prisonniers de leurs pesan- Notre armée de développement, dont il était l'émana- “Rien ne justifie, aujourd'hui Moroni en 1966 ; refus de prendre au sérieux la mena- teurs socioculturelles. La réaction de l'ambassadeur tion en tant que colonel et le chef suprême en tant que ce du ministre [français] de l'Outre -Mer, Pierre Ahamadi Hamadi (...) apporte une vision totalement Président de l'Union, pouvait pourvoir, après forma- comme demain, une attitude Messmer, d'un décompte île par île des suffrages du en opposition avec le "tragique" que j'exprime au tion de quelques mois dans un environnement climati- d'abandon de la légitimité référendum d'autodétermination de 1974 (...). Le regard de notre vécu post-colonial. Ce qui suit est une quement proche du nôtre, des éléments disciplinés historique du destin commun transfert aurait pu, sans conséquences, s'effectuer réponse à monsieur l'ambassadeur Ahamadi Hamadi. pour servir d'appoint au travail des professionnels après l'Indépendance ; la menace de Messmer pouvait Je m'étonne qu'une personne à qui je n'ai jamais parlé, (ingénieurs et autres conducteurs d'agriculture) (...). Il du peuple comorien” susciter une requête auprès de l'OUA (aujourd'hui puisque je ne l'avais jamais rencontrée, puisse m'affu- n'en a rien été ! UA) et devant l'ONU. Sollicitée et confrontée à l'obli- bler, avec superbe, de qualificatifs (distant, ombra- Certes, comme vous l'avancez, Azali a eu à faire face paisement et de règlement. Car, tout de même, était-il gation du respect du droit international, la France n'au- geux, amer) qui ne peuvent traduire que ce que l'on a à l'incompréhension des séparatistes d'Anjouan, et cela raisonnable, pour un développement socio-écono- rait pas été en mesure de nous soustraire Maore soi-même éprouvé dans une relation vécue. J'ose en ne pouvait pas être facteur de sérénité pour des options mique équilibré, que tous les actifs d'Anjouan (admi- puisque le "fait accompli" (référendum organisé) qui outre croire que "insultant, sectaire, méprisant, mépri- essentielles de développement. Les premières déci- nistratifs, commerçants, artisans, jeunes agriculteurs nourrit son attitude aujourd'hui n'aurait pas existé. sable", qu'il martèle dans une construction nominale sions après son coup d'état (préservation des biens de même) s'installent à Ngazidja, abandonnant ainsi tous D'une manière générale, hier comme aujourd'hui, nous comme pour signifier au lecteur que je serais un autre l'état, condamnation de l'absentéisme dans le travail ceux qui ne pouvaient pas partir dans une totale iner- sommes responsables du tragique qui caractérise notre satan, puisque j'ose dénoncer l'innommable situation administratif, justice rendue moins soumise aux pesan- tie, au point d'aboutir à une situation digne de la fic- destin. (...) L'avenir rendra justice à la réalité histo- politique, sociale, économique dans laquelle nous teurs clientélistes…) n'ont été qu'un feu de paille. tion, où les quelques produits maraîchers en vente rique et culturelle : aucun des Hauts-lieux d'applica- croupissons depuis des décennies, se réfèrent à la per- Même si l'Université est une réalisation d'avenir, dépérissaient, faute d'acheteurs, de pouvoir d'achat ? tion du droit international ne peut et ne pourra donner spective de mon propos, ce qui condamnerait plutôt potentiellement facteur d'émancipation, malgré les Non ! Sans parler des autres erreurs, la cause fonda- raison à la France. (...) Ne faisons rien qui puisse enle- ma critique, et non à l'auteur, ce qui deviendrait pro- handicaps qui la menacent, même s'il a eu une volonté mentale est là. Il fallait, dès les premiers mois, être ver aux générations futures de l'ensemble de notre ter- prement une injure. (...) manifeste de mettre fin au séparatisme, Azali n'a, en lucide et examiner les préalables d'une solution tenant ritoire national, certainement plus émancipées demain Mon dieu, mon contradicteur pense, à tort, que je suis toute honnêteté, rien résolu, comme tous les autres compte de cette réalité inacceptable, sans doute en et moins prisonnières des fatalités qui nous minent "amer", "nostalgique", ce sont ses mots ; sans doute après Ali Soilihi. optant pour la création d'une capitale administrative et aujourd'hui, les chances de construire ce que nous n'a- croit-il que j'aspire vainement à exercer des responsa- Voyez-vous, monsieur l'ambassadeur, je ne puis parta- d'une capitale économique, option d'équilibre et de vons cessé de démolir par incompétence. (...) bilités politiques. Non ! Je souffre seulement, comme ger (...) votre exposé sur notre devenir institutionnel. cohérence qui générerait un paradigme naturellement Ali Mlamali des centaines de milliers d'autres, du tragique destin qu'est le nôtre. Tragique, comme "tragique héritage", cette expression que j'ai utilisée pour qualifier le contexte sociopolitique et économique actuel n'a aucun équivalent pour mieux traduire notre sort. Mon contradicteur s'est senti blessé parce qu'il en a conclu que je m'en prenais exclusivement au colonel Azali. Jusqu’à quand ? Non, monsieur l'ambassadeur Ahamada ! Le tragique n'est pas seulement le fait d'un seul homme, même si celui-ci est le premier de tous les responsables, puis- Mohamed Chanfiou pleure avec rage la disparition de son beau-frère dans le naufrage d’un kwassa. qu'il incarne l'autorité suprême. Azali a eu aussi un héritage tragique, comme Taki et comme Djohar. Le tragique nous colle. L'assassinat d'Ali Soilihi et la dia- Mohamed Chanfiou vit pourtant tout le monde le sait. Le et soeurs. Ce sable est déjà trop Anjouan et Mayotte. Qui sont bolisation éhontée de sa volonté émancipatrice, qui à Maore. Le 13 août, son matin du 13 août 2007, un kwassa nourri de leur sang. Et à chaque dévorés par des requins ou d'autres nous eut permis de nous défaire des fatalités qui nous beau-frère a disparu en a fait naufrage. Dix-sept corps fois, on nous parle de drame poissons. Combien de personnes enchaînent, traduisent d'une autre manière le tragique. même temps que 30 autre viennent d'être repêchés à la plage causé par la mer et ses vagues. portées disparues au plus profond Comme l'ont été le règne des mercenaires et les autres personnes au large de la de Moya (Labattoir) alors qu'ils Pour moi, c'est un crime causé par de l'océan sans laisser aucune trace assassinats qui ont endeuillé l'histoire post-coloniale Petite Terre. venaient juste de quitter Anjouan des personnes. Ce n'est ni la mer ? Nul ne le sait, DIEU seul est de notre malheureux pays. pour regagner Mayotte quelques ni ses vagues qui ont tué mon capable. Depuis le début de l'an- De toutes les personnalités qui ont exercé les respon- heures avant leurs décès. beau-frère. Non. C'est toute une née, plus de 600 personnes ont fait sabilités suprêmes, après Ali Soilihi, le colonel Azali J’AURAIS AIMÉ écrire ce texte La cause de ce drame comme on Nation pourrie dans sa virilité naufrage au large et plus de 5/6 était celui qui disposait des meilleurs atouts pour autrement. J'aurais aimé vanter le dit, leur père a refusé leurs lâche. Oui. C’est vous les politi- n'ont pas pu être sauvés. La plupart mieux faire que les autres : il a eu une authentique for- mon Pays et ses responsables départ en voie normale pourtant il ciens comoriens les assassins de ce sont des jeunes de 10 à 25 ans. mation militaire dans laquelle la discipline et l'intérêt mais hélas, c'est le contraire. n'arrive pas à les élever. En réali- mon beau-frère et toutes les aut- Tous ces risques, c'est parce qu'on accordé au devoir imprègnent tous les autres enseigne- J'aurais aimé rester dans mon té, leur père n'est pas pauvre mais res personnes disparues au large espère une vie meilleure. ments dispensés ; il était loin de subir l'influence alié- Pays et poursuivre mes études égoïste. Face à ces drames de tous de Mayotte. Maudites soient ces Malgré les images qui nous font nante des obscurantismes villageois puisqu'il avait dans ma région, près de ma les jours, que ce qu'on fait ? Au personnes qui se disent responsa- souffrir tous les jours sur les conquis le pouvoir par la force militaire et non avec famille mais mon gouvernement lieu de crier au secour, on se tait. bles mais qui sont à vrai dire des medias, on ne se décourage pas. les suffrages des électeurs, dont nous savons que tout ne m'a pas donné les moyens et le On va pleurer nos morts et lire le diables noirs. Ces gens qui ne On tente toujours notre chance. vainqueur, hier comme aujourd'hui, en sort prisonnier courage d'y rester. Me voici à Coran. Histoire de leur rendre pensent qu'à eux et leurs familles. Devant toutes ces souffrances, de l'archaïsme de ceux qui l'ont fait Roi. C'est là une donc à Mamoudzou. Aujourd'hui hommage. Et après ? Rien. Tout J'aurais aimé terminer ce texte par que faire ? On n'a pas d'autre réalité socioculturelle qui ne disparaîtra qu'avec des mon deuxième coeur* doit suivre sera oublié. C'est une affaire entre quelques mots de mon beau-frère choix. C'est Prison Break. Il faut avancées conceptuelles du peuple, en d'autres termes une intervention chirurgicale. deux Etats. Ce n'est pas normal. qui font rire, mais l'heure n'est pas aller. avec cette éducation de masse qui semble être le seul L'heure voire même le jour vient Ensemble crions haut et fort: à la blague. Mohamed Chanfiou aspect qui mérite positivement votre attention dans ma d'être repoussé. Pourquoi ? ASSEZ. ASSEZ. Cet océan enva- Je déplore tous ces Comoriens et critique. C'est vous qui m'obligez à parler du colonel Personne ne peut me répondre. Et hit par les cadavres de nos frères Comoriennes perdus entre *ma soeur

kashkazi 66 septembre 2007 5 DJUNarizaHmbe pvAwatsina matswandzi (LA PAGE OÙ LES JEUNES PARLENT AUX JEUNES) Un matin (presque) comme les autres...

- Attendre, toujours attendre, et l’eau qui ne vient - Et toute cette vaisselle sale - Ouille ! - Et moi qui voulais prendre une douche ! jamais ! Tant pis, j’en ai marre, je rentre à la maison ! qui attend d’être lavée... aïe !

Textes : ABDALLAH HALIFA ET ADINANE IBRAHIM Dessins : YASSER HAMZA A (financement : UNICEF encadrement : KASHKAZI) Spécial jeux !

1. Remet les images dans l’ordre

B Aïe, mon ventre !

C 3. Cherche l’erreur

3. Qui suis-je ? Joue et gagne ! a) J’aime les mains sales, les repas collectifs non protégés, et je suis transmis par la bouche. Je peux tuer. Je suis ...... Pour gagner un abonnement à Kashkazi ou un D cadeau offert par l’Unicef, envoie tes réponses b) Les hommes m’attrappent en buvant l’eau des citernes sans avant le 30 septembre à : la désinfecter. Je donne des diarrhées,des vomissements et Kashkazi, BP5311, Moroni N’oublie pas de préciser ton nom, ton âge, je peux être très grave. Je m’appelle ...... ton adresse et un numéro de téléphone (jeu ouvert aux jeunes de moins de 18 ans). c) Je suis transmis par les moustiques, qui adorent les déchets et l’eau qui traîne. Je suis ......

6 kashkazi 66 septembre 2007 les gens entre nous des nouvelles de... alain kamal martial Le dramaturge mahorais a vu l’une de ses pièces jouée au Festival d’Avignon, en France. Les prochains mois vont être chargés.

Alain-Kamal Martial est témoignage d'une prostituée agoni- Epilogues.” Après "Epilogue un météorite. Il est partout, sant après qu'un client se soit "amusé" des noyés" en 2005 et donc un peu nulle part. A sur elle, a été jouée par son actrice féti- "Epilogue des ventres" en 2006, Avignon en juillet, Mamoudzou che, Lucrecia Paco, dans le rendez- "Epilogue d'une trottoire" est la et Ilha de Mozambique (pour une vous théâtral le plus coté de France. dernière étape d'une quête de leur commémoration sur l’esclavage) en L'accueil a été excellent, affirme-t-il, auteur vers l'au-delà. Une trilogie à août, bientôt au Mali, puis à Annecy articles de presse à l'appui. Comme voir plus qu'à lire, qui n'a pour l'heu- en France… Il est même présent dans celui-ci : "(…) construite comme une re jamais été jouée dans l'archipel. un ouvrage publié récemment aux montée à l'échaffaud, cette pièce "Cela demande beaucoup de éditions CulturesFrance, "Ecritures impose une esthétique du fragment et moyens matériels et techniques, que d'Afrique !", recueil de dramaturgies met en scène une "trottoire", une pro- l'on n’a pas ici", explique-t-il. contemporaines écrites par des stituée, qui finit sur le carreau (…) C'est entre autres pour cela qu'il a Africains, dans lequel se trouve sa der- Quelque chose de l'ombre de Koltès décidé, entre deux voyages à nière création, "Epilogue d'une trot- rôde autour de cette écriture incisive Bamako (Mali) où il effectuera une toire". Le dramaturge mahorais n'en jusqu'à l'os qui visite les marges, le lieu résidence d'artiste, et Annecy, où il finit plus de répondre à des sollicita- où les mots se dérobent (…)" Ou celui- doit travailler, qu'il s'est lancé dans le tions que seule son île natale sem- là : "La langue [est] triturée, retra- projet de fonder à Maore un lieu ble lui refuser. vaillée en profondeur pour résister à la ouvert aux arts scéniques. Ce Pourtant, la consécration n'est mort de l'intérieur. C'est ce que tente théâtre, construit par la munici- pas loin quand, en tant que ce jeune homme tout en révolte palité de Mamoudzou, devrait dramaturge, on se voit invité douce". voir le jour à M'tsapere l'an- au Festival de théâtre De quoi ravir AKM : "C'était la pre- née prochaine. Il sera alors portrait type d'Avignon (dans la pro- mière fois qu'un auteur de l'océan temps pour la compa- grammation officiel- Indien était invité à ce festival. C'est gnie IstaMbul, de pro- le). Cet été, sa pièce très important, d'autant que je ne suis poser une résidence "Epilogue d'une pas un alibi. J'ai été invité pour mes digne de ce Mahamoud Abdallah trottoire", textes, pas pour mon origine. C'est le nom. lourd directeur du festival qui m'avait repé- ré en 2006, qui m'a invité. Il avait été marqué par les deux premiers le braillard d’El Maarouf

mise à pied, Mahamoud venait se rensei- “Une autorité a parlé, gner sur la flambée de choléra, qui faisait affluer les malades vers le camp d'El j'ai répondu.” Et il a Maarouf (lire par ailleurs). C'était un suffi de quelques unes de dimanche matin. La discussion avec le horizons divers directeur de la Santé de l'île, accompagné ses formules à l'emporte- des deux ministres de la Santé (Union et Ngazidja), tourne au vinaigre. "A chaque pièce lancées à la face de fois vous allez vous occuper des ateliers et Charbel Khalil deux ministres et d'un directeur des séminaires", s'énerve-t-il. "Des ateliers, des séminaires qui n'ont rien à voir avec la de la Santé pour que Mahamoud réalité de l'hôpital. Ce n'est pas normal. le rire qui fait mal Abdallah, major au laboratoire du Vous pourriez orienter ces ressources dans centre hospitalier El Maarouf et secrétaire le bon sens. Ou organiser un atelier à l'hô- général du Syndicat du personnel de santé pital, pour une fois, plutôt que dans les LA SCÈNE MONTRE UN MÉDECIN l'humour. (Synas), soit mis à pied pour trois mois. hôtels Mwafaka et Moroni. Mais vous pré- occupé à soulager un patient souffrant d'un calcul rénal. Née en 1993, cette satire débridée de la classe politique Motif ? "Manquement des respects vis-à-vis férez toucher vos per diem", lance-t-il en "Ne vous inquiétez pas, mon assistant va vous nettoyer libanaise a aujourd'hui une kyrielle d'imitateurs à la des autorités du pays, devant le public, à faisant allusion aux innombrables ateliers tout ça", assure le médecin en appelant à ses côtés son télévision libanaise. Il s'agit d'un véritable phénomène l'hôpital." "Mis à pied sans qu'on m'écoute, financés par la communauté internationale à "aide", qui n'est autre que le célèbre Abou Hureira, l'un médiatique qui, avec ses 26% de part d'audience, bat sans convocation par l'attention des cadres des ministères. des chefs du Fatah Al-Islam [mouvement islamiste sun- toute la concurrence (...). Mais, pour Charbel Khalil, un conseil de discipli- nite]. La présence du terroriste déguisé, harnaché d'une l'influence de son émission ne se mesure pas seulement ne", s'insurge-t-il avant RENTRE-DEDANS, certes. Mais pas ran- ceinture d'explosifs, panique l'épouse du patient. Ce qui en termes d'audience. Elle se manifeste aussi par toutes “Moi, je les ai d'avertir : "Je me battrai cunier. "Ce que je veux, c'est les critiquer n'empêche aucunement le médecin de continuer à la les mésaventures qu'il a traversées, des manifestations votés, ces jusqu'au bout." pour qu'on aille de l'avant", plaide-t-il. rassurer sur les "doigts de fée" du "spécialiste". populaires contre lui, où l'on exigeait son exécution, à Mahamoud Abdallah "Pour pas qu'ils se laissent aller. Moi, je les Bien sûr, le remède d'Abou Hureira consiste à passer les l'exil forcé qu'il s'imposa en 2002. pouvoirs. Je ne fait partie de la vieille ai votés, ces pouvoirs de l'Union et de l'île. explosifs au malade et à s'enfuir avec tout le matériel (...) L'ANNÉE DERNIÈRE, un mois avant la les insulte pas, garde du syndicat des Je ne les insulte pas, je les critique pour médical. Cette scène était diffusé le 7 juillet sur LBC guerre, des milliers de partisans du Hezbollah sont des- je les critique paramédicaux, qui avait qu'il y ait une amélioration. Les responsa- [première chaîne de télévision privée libanaise] (...). cendus dans les rues de Beyrouth et ont disposé des passé la main avant de bles doivent être en contact direct avec la Ce même jour, une explosion, celle-ci bien réelle et tra- pneus enflammés pour bloquer l'autoroute reliant la pour qu’il revenir ruer dans les population qui les a votés, ils doivent accep- gique, fit un mort et quatre blessés dans la ville chré- capitale à l'aéroport parce que le célèbre Charbel avait y ait une brancards. Au ministère ter qu'on discute avec eux. Le problème, tienne de Zouk Manebh, au nord de Beyrouth. "Oui, osé montrer dans son émission un homme déguisé en amélioration.” de la Santé de l'île, on c'est que Sambi a fermé toutes les portes. tout cela est très triste, mais ce que je fais, moi, c'est Hassan Nasrallah, le chef du mouvement chiite liba- lui reproche ses coups Les gens autour lui disent : ‘Tout va bien.’ opposer une sorte de résistance artistique. Il faut que nais. Les troubles ont failli dégénérer en affrontements de gueule jugés peu Bon, de temps en temps, ils écoute la radio les Libanais se moquent d'eux-mêmes, de leur histoire religieux en s'étendant au sud du pays. (...) constructifs. Lui assure et il entend que ça va pas, alors, il vient voir tragique et de leur classe politique", explique Charbel "Les tensions sont devenues telles que maintenant, au contraire qu'il fait des propositions. Son à l'hôpital qu'est-ce qu'il y a…" Khalil, l'auteur et animateur de cette émission (...). quand je fais une blague sur un sunnite, les chiites enthousiasme est communicatif, même si l'é- Au Synas, le combat du moment concerne la L'HUMORISTE RECONNAÎT que, chaque m'applaudissent, et réciproquement”, raconte Charbel tat déprimant de l'hôpital renvoie aux limites création de statuts pour le personnel hospita- fois qu'il se déplace dans une "zone problématique", Khalil. “Avant, je cherchais à ridiculiser la domina- de l'action syndicale telle qu'elle est menée à lier, en suspens depuis des années. c'est "avec un ami qui reste dans la voiture pour empê- tion syrienne. Aujourd'hui, je me moque de tous les El Maarouf depuis des années. Mahamoud a bon espoir. "La vice-présiden- cher qu'on me mette une bombe sous le moteur. politiques, parce qu'ils sont à l'origine de tous nos "On veut que les choses changent, mais on ce a compris, c'est en route, mais il faut tou- L'humour est lui aussi devenu un métier à risques au maux." Le sens de l'humour particulier des Libanais est ne veut pas conjuguer nos efforts pour qu'el- jours mettre la pression, sinon on va passer Liban. J'ai reçu toutes sortes de menaces." leur dernier rempart contre la descente aux enfers de les changent", se plaint-il. "C'est de l'hypo- à côté. Il faut stimuler pour que ça bouge. Il Dans ce pays tourmenté qui vient de célébrer le premier leur pays, secoué par une longue succession d'attentats crisie pure et simple. Il y a un syndicat de faut toujours qu'on jette des cailloux pour anniversaire du conflit de l'été 2006 avec Israël, où l'o- et embourbé dans une crise politique interne qui ne paramédicaux et un autre de médecins. Ils qu'ils fassent quelque chose. Quand on pinion redoute une nouvelle guerre, civile cette fois, cesse de s'aggraver. demandent la même chose mais ne veulent passe le message calmement, ils ne nous Charbel Khalil, avec son Basmat Watan, est l'un des JAVIER ESPINOSA, El Mundo pas s'asseoir ensemble." écoutent pas." rares rendez-vous hebdomadaires des Libanais avec (traduction : Courrier international) Le jour de sa gueulante qui lui a valu cette LG

kashkazi 66 septembre 2007 7 fqs faut qu’ça sorte , c’est pas bien voler LE QUI TUE EN MAI DERNIER, on s'en sou- "judicieusement" remis à l'équipe musique, les CD volés contenaient CHIFFRE vient, les gendarmes de Ndzuani de Radio Télé Anjouan (RTA), l'or- également les génériques de avaient, après avoir chassé l’AND gane de propagande de l'apprenti l'ORTC. Ainsi mi-juin, les audi- de l’île, dérobé le matériel de l'an- dictateur. Rien ne se perd… teurs de "la voix de Bacar" ont eu tenne locale de la radio nationale Emetteurs, table de mixage, ordi- le doux privilège d'entendre celle 331 Soit le nombre officiel de effectuées durant le premier semestre ORTC, dont la liberté de ton à l'é- nateurs, CD : de quoi permettre à de Sambi : "Vous écoutez ORTC demandes d’asile de l’année 2007 dans l’ensemble des départements et territoires d’outremer français, gard du pouvoir insulaire indispo- RTA de travailler confortablement. Anjouan sur 92.5 Mhz". De quoi parmi lesquels Maore. En 2005, ce chiffre était -pour 12 mois- d’environ 4.000. sait Mohamed Bacar et ses sbires. Mais les "journalistes" de ce média donner des sueurs froides à Bacar ! A ce rythme, il aura donc chuté de plus de 80% à la fin de l’année. Cette évolution s’ex- Matériel qui, au lieu de croupir ont semble-t-il la mémoire courte : Comme quoi, voler, c'est pas plique par la politique migratoire de la droite au pouvoir depuis cinq ans, qui a abouti dans un vieux hangar, avait été ils ont oublié qu'outre de la bien… à de nombreux refus d’asile. Traduction locale de cette nouvelle donne : début juillet, sur 28 demandeurs d’asile politique présents à Maore, la Commission des Recours des Réfugiés en a refusé... 28. “France, terre d’asile” n’est plus qu’un lointain souvenir. rien que la vérité monsieur licencie NOUS L'ANNONCIONS dans notre édition madame n°64 : la mairie de a changé de recrute secrétaire général -le précédent était jugé 20 MILLIONS DE FRANCS COMORIENS (40.000 Kadhafi, le diviseur trop critique envers Bacar, tandis que le euros). C'est le montant de la masse salariale de maire se dit franc partisan de l'apprenti dicta- l'Office de télévision et radio des Comores depuis que qui voulait rassembler teur (on le serait à moins si l'on avait comme Mohamed Abdulwahab a été élu président de l'île de lui été placé à ce poste par Bacar). Le nou- Ngazidja. Les dépenses de salaire de la station s'éle- IL EST DES DESTINS qui interpellent. Maghreb avec la Tunisie, en 1980, puis veau venu, début juillet, a bien compris que vaient auparavant à 12 millions (24.000 euros). La Comme celui de Muammar Kadhafi, pas l'Algérie, pour finalement jeter son dévo- son poste était avant tout politique : ainsi, directrice de l'ORTC n'étant autre que l'épouse loin d'entrer dans le panthéon des diri- lu sur l'Afrique. DIPLOMATIK’ l'un des premiers de ses actes aura été de d'Abdulwahab, il se chuchote que Madame a choisi ce geants les plus guignolesques de la pla- Cependant, Kadhafi n'a pas toujours joué réunir les responsables des radios privées de moyen de récompenser les partisans de son époux, nète. Il y aurait beaucoup à dire sur son dans la cours des gars sympas. Ainsi n'a- la ville. Pour leur dire quoi ? En gros : qu'il créant une joyeuse panique dans les services désor- régime très autoritaire qui ne laisse que t-il pas hésité, dans les années 1970, à n'est pas bon d'aller sur le terrain pour cher- mais surpeuplés. Seul hic : le gouvernement de peu de place aux droits de l’Homme, et soutenir des rébellions chez ses voisins cher l'information, surtout au sujet du conflit l'Union dont dépend l'ORTC a refusé de s'acquitter du sur ses actes diplomatiques qui, ces 35 du Niger et du Tchad, dont le seul aspect entre les autorités anjouanaises et l'Union. Le montant supplémentaire. Il est vrai qu'en ces temps de dernières années, l'ont vu soutenir tour à positif aura été de mettre à mal la présen- mieux pour ces journalistes, selon cet émi- dégraissage où les fonctions publiques se débarrassent tour Britanniques, Egyptiens, ce impériale française dans cette région nent démocrate, serait de rester branché sur de leurs agents recrutés en pleine campagne présiden- Palestiniens, Américains, sans que per- que Paris croyait sienne. Au Tchad, ce RTA (la radio de propagande de Bacar), qui tielle, cette générosité post-électorale fait tâche. Car sonne ne sache vraiment où il voulait en sont les rebelles Toubous qui ont pu serait mieux placée pour "dire la vérité". pendant que Madame recrute, Monsieur, lui, licencie à venir -c’est ainsi que l’ancien dictateur apprécier à la fin des années 70 les lar- C'est bien connu ! tour de bras. Belle complémentarité ! infréquentable est devenu le meilleur gesses du régime de Tripoli. Regroupés allié des Occidentaux. Mais c'est à son au sein d'un mouvement politique et mili- action continentale que l'on va s'intéres- taire (Front de libération du Tchad) dirigé ser. En effet, celui qui se présente depuis par Hissène Habré -arrivé depuis au pou- surtout, ne pas évoquer maore quelques mois comme le rassembleur des voir avec la bénédiction de Paris-, ils ont SELON UNE DÉPÊCHE DE L’A- reconduites à la frontière, 13.000 lement, le problème vient de la peuples africains, qui a prôné lors du der- dans leur lutte contre Félix Tombalbaye GENCE AP, le ministre français de avaient été effectuées à Maore, Bulgarie et de la Roumanie. nier sommet de l’UA l'union politique de été soutenus par le colonel Kadhafi, qui l'Immigration Brice Hortefeux a soit plus de la moitié. Cette année Etonnant... Veut-on cacher aux l'ensemble du continent dans ce qui s'ap- espérait récupérer au passage le nord du reconnu le 19 août que le nombre encore, l'objectif pour les forces de médias nationaux l'importance de parenterait à des Etats-Unis d'Afrique a, pays… Au Niger, le régime du "Guide" d'expulsions d'étrangers en situa- l'ordre "mahoraises" est fixé à Maore dans les objectifs chiffrés du depuis son accession à la tête de la Libye a, durant la même période, soutenu les tion irrégulière était pour l'heure 12.000. Un chiffre qu'il va cepen- gouvernement ? Mais pour quelle en 1969, sans cesse joué les diviseurs indépendantistes touaregs des plateaux chez ses propres voisins. Mangueni, en leur fournissant matériel et "légèrement en dessous" de l'objec- dant être difficile d'atteindre : en raison ? Est-ce pour ne pas mini- Comme l'affirme L'Observateur Paalga formation. L'objet de cette aide ? tif de 25.000 reconduites fixé pour effet, le premier semestre n'a pas miser "l'œuvre colossale" du pro de (journal burkinabè), "le fait même que ce Empêcher le Niger d'engager des recher- l'année 2007. Brice Hortefeux a été très favorable aux reconduites la communication qu'est Sarkozy, soit lui qui porte aujourd'hui le rêve pan- ches pétrolifères dans cette région. souligné que la difficulté à remplir à la frontière. Interdiction pour le qui dispose avec Maore d'une africain est pour le moins cocasse voire Plus récemment, c'est le Soudan qui a pu cet objectif tenait en partie à l'en- Maria Galanta de relier Ndzuani source semble-t-il inépuisable de incongru. Voici quelqu'un qui renvoie observer sa volonté quelque peu insolite trée dans l'Union européenne de durant quelques jours, manque chiffres avantageux à mettre en régulièrement chez eux les négro-afri- de rassembler le continent. En effet, les la Roumanie et de la Bulgarie, qui d'avions chez Comores Aviation avant ? Ou est-ce une volonté de cains indésirables dans sa douce et géné- janjanwids, ces milices qui font régner la a rendu plus compliquées les après l'accident du petit Let, fin ne pas trop médiatiser le cas reuse Libye. Voici quelqu'un qui est sou- terreur au Darfour depuis quatre ans expulsions de leurs ressortissants. Si des rafles villageoises… Il est quasi mahorais, et les conditions souvent vent suspecté de menées subversives (avec la bénédiction du pouvoir central), l'on s'en fie à AP, il n'a pas évoqué certain que le retard évoqué par à la limite du droit dans lesquelles pour déstabiliser d'autres Etats même s'il ont commencé à s'armer dans les années Maore. Curieux tout de même : Hortefeux est en partie dû à la sont reconduits à la frontière semble s'être assagi depuis quelques 80 grâce… à Kadhafi. A l’époque, des l'année dernière, sur 24.000 situation mahoraise. Mais officiel- Comoriens et Malgaches ? années. Voici quelqu'un qui est aux affai- cargos entiers d'armement furent amenés res depuis 1969 (bientôt 40 ans de règne) par la Libye, à qui le régime soudanais et qui se fiche de la démocratie et des avait virtuellement cédé le Darfour afin relatif droits de l'homme comme de sa première de mater les rebelles du Sud. du bon côté progrès barboteuse." Dans Le Potentiel, quotidien C’EST LE MAHORAIS (N°161), sour- 7,26% DE RÉUSSITE au premier tour, 16,84% admis au rattra- congolais (RDC), Tshilombo CERTES, Kadhafi n'est pas le premier ce infinie d’inepties, qui le dit : “l’hom- page, contre 4 et 10% l'année dernière. Bien que catastrophiques, Munyengayi n'était pas plus tendre au chef d'Etat africain à jouer dans la cour me [le journaliste parle de Sambi] les résultats du bac comorien sont "en légère progression". C'est lendemain du sommet de l'Union africai- de ses voisins. Mais cela augure d'une revendique le territoire mahorais, ne dire l'état de santé du système éducatif… Sur les 5.729 candidats ne au Ghana : "Son pays, baignant dans union des pays africains quelque peu fan- reconnaît pas l’appartenance mahoraise de Ngazidja et Mwali -Ndzuani a organisé son examen séparé- une dictature stalinienne, est en plus taisiste. D'autant, et ce n'est pas le moind- à l’Hexagone (...)” Oui, vous avez bien ment-, 416 ont été admis dès la première cession. Les résultats l'exemple le plus accompli du racisme re des reproches adressés au colonel, qu'il lu : Sambi ne considère pas que Maore sont même en régression à Mwali où le taux de réussite est de anti-noir." ne s'est guère montré ouvert aux migra- fait partie de l’Hexagone. Quel scanda- 4,84% contre 7% l'an dernier. Y’a-t-il un pilote dans l’avion ? Le curriculum vitae de Kadhafi est char- tions intra-continentales. Ainsi en 1979, le ! à en croire Samuel Bosher, l’auteur gé de coups plus fourrés les uns que les Kadhafi avait ordonné l'expulsion de de cette perle qui oublie qu’Hexagone autres. Unioniste, il l'a été à coup sûr : 200.000 travailleurs égyptiens pour sanc- n’est pas synonyme de France. Car miss développement Kadhafi n'a jamais cessé d'osciller entre tionner la politique du président Sadate, même si Maore appartient pour l’heure DANS UNE DE SES légendaires proses intitulées “Ce que j’en les deux pôles du monde arabe, le résolu à négocier la paix avec Israël ; il à la France, elle ne fait pas partie à pro- pense”, le directeur de Mayotte Hebdo, dans le n°344, nous fait Machreq et le Maghreb, épousant toutes décida cinq ans plus tard de l'expulsion prement parler de l’Hexagone (aux der- part d’un de ses rêves : voir un jour Miss Mayotte et Miss les formes d'union - confédération, fédé- de centaines de milliers de travailleurs nières nouvelles, on cherche toujours Anjouan “défiler, main dans la main”. Ce serait selon lui la preu- ration, fusion - tour à tour avec les États négro-africains ; récemment, il a expulsé l’île sur un des six côtés du pays), ni ve du développement de Ndzuani. Mater des femmes à moitié de la vallée du Nil (Égypte-Soudan), en de son territoire 150 Burkinabès en situa- même de la Métropole, encore moins nues défiler en public selon un cérémonial sexiste serait donc une 1970, avec les bureaucraties militaires tion irrégulière. Un bel exemple de soli- de l’ensemble géologique eurasien. preuve de développement. Peut-être faudrait-il inclure ce critère prosoviétiques (Égypte, Syrie, Libye, darité envers ses futurs “concitoyens”. Chez certains propagandistes, il est des parmi ceux qui définissent la richesse d’un pays. Avec le niveau Soudan), en 1971, puis avec l'Égypte vérités sûrement difficiles à entendre... de vie et l’alphabétisation... seule, avant de se tourner vers le RC

8 kashkazi 66 septembre 2007 faut qu’ça sorte fqs

ENQUÊTE que cache le flou autour de l’arrivée possible de la multinationale à Moroni ? Veolia, le mystérieux bébé de M. Hamadi

QUID DU PROJET VEOLIA ? Voici ne de Moroni, affirment qu'une solution quelques mois que l'éventuelle arrivée avait été négociée avec le village. Un de la multinationale française approchée devis de 9 millions de fc (18.000 euros) par Hassani Hamadi, ancien ministre des prévoyant la sécurisation du site et la Finances et actuel ministre de remise en route de l'activité de compost, l'Economie, pour qu'elle assure le avait été accepté par les deux parties. ramassage et le traitement des ordures Mais selon différentes sources, l'Etat a de Moroni, exacerbe les rivalités qui mis plus de deux mois à débloquer une déchirent la ville. Alors que des camions partie de l'argent : seuls 3 millions et des bennes attendent au port depuis (6.000 euros) ont finalement été attri- des semaines, c'est le flou artistique bués. "Entre temps et à force d'attendre, autour des modalités de "l'accord de les gens de Selea se sont durcis", indi- principe" qui lierait Veolia au gouverne- quent les membres de la commission. ment comorien. Habitués à voir les étu- "Finalement, ils n'ont plus été d'accord." des s'entasser et les financements s'esca- Le ministre des Finances Hassani moter, des militants écolo qui suivent le Hamadi, et le receveur des douanes, tous dossier depuis des années voient là une deux membres de la cellule, étaient énième affaire de gros sous, tandis que pourtant informés de l'urgence de la les membres de la délégation mise en situation. Pourquoi ce retard ? "Kiki", le place par l'ancien président de Ngazidja receveur des douanes, ne nous a pas Soulé Elbak pour gérer provisoirement vraiment répondu. "Oh, cette histoire est la commune, échafaudent des histoires vieille… De toutes façons c'est faux, on de financements occultes. Scénarios fan- a toujours payé les montants demandés taisistes ou hypothèse plausible ? pour les ordures, et à temps. Je pourrais L'existence du projet Veolia a semble-t-il vous montrer le reçu, mais je n'ai pas la commencé à s'ébruiter après qu'un clé de mon tiroir", s'est-il excusé. ancien technicien de la Mamwe, Yahaya El-Bakri, ait été contacté par des DERNIER DÉTAIL : Hassani Hamadi La décharge de Selea, au sud de Moroni. Depuis plusieurs mois, le ramassage des ordures de la capitale est en panne. Français connus du temps où Vivendi et Kiki font partie des Comoriens pro- Universal (ancien nom de Veolia) avait ches de l'UMP (le parti français de repris la société nationale d'eau et d'élec- Sarkozy) - ils auraient même prévu de tricité. "Ils m'ont demandé s'ils pour- par Elbak, la délégation menée par sainissement, ni l'Union européenne, qui caine. Une dépêche du journal écono- se rendre à l'investiture du nouveau pré- raient venir aux Comores. C'était cou- Moilime Djoussouf réclame l'organisa- souhaite appuyer sur ce plan les collecti- mique Le Moci International 1, affirmait sident. Il y a donc tout lieu de penser rant février ou mars", précise-t-il. "J'en tion d'élections et accuse la nouvelle vités locales, n'ont visiblement été début mai : "A Casablanca on vient que les "amis du Quai d'Orsay" de M. ai tout de suite parlé aux notables, pour équipe municipale de vouloir s'accaparer approchés. d'apprendre que les autorités marocai- Hassani ont réellement joué de leur que Moroni puisse faire quelque chose." les projets et financements liés à la col- Les contacts avec la multinationale ont nes, seules ou avec leurs homologues influence pour que Veolia "fasse quelque Pour les acteurs locaux, l'enjeu n'est pas lecte des ordures. Formée de trente-huit été noués à la suite d'une "initiative indi- comoriennes, seraient prêtes à apporter chose". Simple lien d'amitié ou intérêt des moindres. Il est en effet question que personnes cooptées parmi les notables et viduelle" du ministre, indique son secré- les fonds. Raison invoquée : le Palais n'a bien compté ? Du côté de la délégation, la filiale mauricienne de Veolia, Actis cadres de la ville, qui ont le 11 mai élu taire général. "Des amis au Quai jamais oublié le soutien apporté par le ces incertitudes suffisent pour imaginer Ltd, collecte et stocke durant trois mois maire Said Ahmed Said Ali, celle-ci d'Orsay l'ont orienté vers Veolia." premier président des Comores (1975), des enjeux financiers qui dépasseraient les ordures de Moroni pour le compte de compte dans ses rangs quelques vieux Hassani Hamadi confirme : "Suite à la Ahmed Abdallah, au sultan Mohammed, les modestes poubelles de Moroni. Le Veolia Maroc. Au terme de cette premiè- loups de la politique tels que les anciens crise [du ramassage des ordures, ndlr], le futur Mohammed V, alors en exil à fait que le projet ait émergé en pleine re phase, la création d'une société mixte ministres Abbas Djoussouf et Ali j'ai saisi des amis français qui m'ont mis Antsirabé (Madagascar)." Le ministre campagne présidentielle française leur alliant la multinationale, l'Etat comorien Mroudjae, et l'ancien patron des en contact avec le secrétaire général de affirme lui que "le Maroc soutient le paraît suspect. "Ces histoires sont ridicu- et des privés, serait envisagée. Les Hydrocarbures Mahamoud Mradabi. Si Veolia. Je lui ai demandé de nous projet via Veolia Maroc". Il indique éga- les", rétorque Salim Said Aboudou, engins expédiés depuis Maurice seraient les autorités ont d'abord penché en appuyer sur un projet de développement lement que Veolia demanderait "une membre du conseil municipal et secré- cédés à cette nouvelle structure, qui faveur du nouveau conseil, elles demeu- durable composé de trois axes : ramas- participation symbolique des Comores, taire général du ministre Hassani serait logiquement rémunérée par la rent maintenant partagées et n'ont pas sage et traitement des ordures ; assai- soit 10% du montant nécessaire au pro- Hamadi. "Comment peut-on imaginer Redevance administrative unique, une clairement tranché, contribuant à la nissement, traitement de l'eau potable et jet qui s'élève à 44 milliards de fc (88 que Veolia aille blanchir de l'argent aux taxe douanière dont 11%, soit environ 9 confusion ambiante. Reconnue par arrê- distribution à Moroni et dans les envi- millions d'euros)". "La part comorienne Comores avec quelques malheureux millions de fc (18.000 euros) sont réser- té ministériel et forte du poids de ses rons ; introduction aux Comores d'éner- a déjà été payée", nous a-t-il annoncé. camions ? Une grande entreprise vés à l'assainissement. notables, la nouvelle mairie parait en gies renouvelables", nous a-t-il expliqué. comme celle-ci, la première au monde meilleure posture pour être associée à la Après le remaniement ministériel qui l'a D'AUTRES QUESTIONS demeurent au niveau environnement ?" DEUX MISSIONS VENUES du Maroc réalisation du projet Veolia. Yahaya El- privé du portefeuille des Finances, en suspens : qui financerait le reste du Certes, être une grande entreprise n'a et de Maurice ont déjà séjourné à Bakri fait d'ailleurs partie d'un groupe de Hassani Hamadi a emporté avec lui le montant ? Les engins dépêchés aux jamais empêché Veolia de corrompre Moroni, mais le projet semble aujourd'- cadres et techniciens qui ont géré pour "bébé Veolia" qui manifestement lui Comores ont-ils été payés par l'Etat ? qui que ce soit, bien au contraire 3. hui au point mort. "Les gens de Maurice elle l'enfouissement des tonnes de tient à cœur. Une note relative au projet Veolia n'ayant rien d'une entreprise phi- Quant au financement des partis poli- sont arrivés pour travailler en croyant déchets entassées sur l'ancien aéroport est passée en Conseil des ministres, où il lanthrope, on imagine mal pourquoi elle tiques par les entreprises françaises, dés- que leurs engins étaient là mais ils de Moroni, et réfléchissent à la mise en a été envisagé de créer une société ano- viendrait investir sans garanties sérieuses ormais interdit par la législation, il réus- avaient été bloqués à Mayotte", explique place d'une structure capable de supervi- nyme semi-publique en partenariat avec pour un marché extrêmement réduit, qui sit à emprunter des voies détournées - Yahaya El-Bakri, qui a accompagné les ser le traitement des ordures. Veolia. Mais cela s'est arrêté là. Les plus est dans un pays où elle a déjà ren- par le biais d'actions de "bienfaisance" deux missions. Quant à la délégation du membres du gouvernement que nous contré un échec cuisant 2. dans les pays pauvres, par exemple. Maroc, "elle est restée dix jours. On AU GOUVERNEMENT, la gestion très avons contactés paraissent ignorer que Autre élément troublant, le lien entre Mais pour l'heure, aucun fait tangible ne dirait qu'ils ont une déception, un doute personnelle du dossier par le ministre l'accord porterait aussi sur l'eau potable - l'arrivée "inespérée" de Veolia et la ges- permet d'affirmer que de telles motiva- quant à la signature du contrat par Hassani Hamadi fait que peu d'informa- ce qui ne serait pas sans conséquence. tion de la crise qui a vu les habitants de tions aient été à l'origine du projet l'Etat comorien. Il y a un blocage tions filtrent sur un contenu dont les cad- "Le ministre n'a pas réussi à nous expli- Selea, excédés par les nuisances et l'ab- Veolia. quelque part, mais on ne sait pas ce qui res du ministère de l'Environnement quer de quoi il s'agit exactement", affir- sence de traitement des déchets, bloquer LG cloche." ignorent tout. Ni le Programme des ment-ils. l'accès à la décharge dont dépendait l'as- 1 Moci News, 03/05/2007 L'un des freins à la concrétisation du Nations Unies pour le développement L'aspect le plus confus concerne les sainissement de la ville. Plusieurs mem- 2 Créée en 1997, la Comorienne d'eau et projet concerne la rivalité entre deux (Pnud), dont un expert est en ce moment modalités de financement de l'opération. bres de la cellule d'urgence constituée au d'électricité, filiale de Vivendi, a été liquidée quatre ans plus tard. groupes qui se disputent le droit de gérer aux Comores dans le cadre d'une mis- Des bruits parlent de la participation mois de novembre 2006, qui réunissait 3 M. Laimé, Main basse sur l'eau des villes, les affaires de la commune. Nommée sion exploratoire sur les problèmes d'as- d'une association de bienfaisance maro- différents services de l'Etat et la commu- Le Monde diplomatique, mars 2005.

kashkazi 66 septembre 2007 9 RUE DES INCONGRUS Les Jeux du chauvinisme no comment “13.500 reconduites ont été effectuées, mais en comptant par Rémi Carayol et Kamal’Eddine Saindou les mineurs, nous avons reconduit 16.000 personnes physiques.” GUY ADAMI, commandant de la Police aux frontières de Maore avant son départ vers la IL PARAÎT QUE L'ON FAIT PARTIE d'une région homogène ; façon, n'avait pas son mot à dire (…)". Autre représentant de la ligue présent, Corse en juillet, dans Le Mahorais. que ses habitants sont tous plus ou moins des frères et des sœurs. On aimerait tel- Dominique Goumane s'est lui aussi fait renvoyer dans ses 22 par le "dictateur" de lement y croire… Il faut dire que certains comportements ne prêtent pas vraiment la fédé malgache. "Monsieur Ahamad a rajouté qu'il n'avait toujours pas digéré à l'optimisme quant à une fraternisation aujourd'hui plus qu'hypothétique des îles. que Mada ait été volé aux Jeux de 2003 à Maurice et que, cette fois, il veillerait “Une fois que vous êtes en Irak Les septièmes Jeux des îles de l'océan Indien, censés célébrer à Madagascar cette à sa manière évidemment au bon déroulement du tournoi. Il a conclu en disant et que vous en prenez le contrôle, concorde, ont surtout révélé la persistance des délires insulaires et des passions que le foot ,lors de ces 7es Jeux, était géré par lui, sous la tutelle de FIFA. Tous que vous renversez le gouverne- sectaires. Certes, le sport est un vecteur très efficace pour ce type de comporte- les autres n'ont pas leur mot à dire"." ment de Saddam Hussein, alors ments. On ne s'attendait cependant pas à de telles réactions, qui ont quasi quoti- Pas étonnant, dans ces conditions dénoncées par l'ensemble des délégations -hor- qu'est-ce que vous allez mettre diennement frôle le chauvinisme le plus obtus. Réactions qui, soit dit en passant, mis la malgache- que la Grande île emporte haut la main la compétition, avec 232 étaient plus souvent à mettre au crédit des journalistes et encadrants que des spor- médailles, devant La Réunion (225 médailles), Maurice (172 médailles), les à sa place ? C'est un lieu très tifs eux-mêmes… Ainsi, ce qui devait être une fête -et ça l'a été tout de même- Seychelles (99 médailles), les Comores indépendantes (21 médailles) et Maore instable et si vous renversez le réunissant les athlètes de la région, a été gâché par d'innombrables mesquineries. (4 médailles). gouvernement central, vous Les exemples ne manquent pas. pouvez voir l'Irak éclater en morceaux (...) C'est un Dès avant le début de la compétition, les Réunionnais s'étaient fait LE FOOTBALL, DISCIPLINE REINE de ces Jeux, n'a pas échappé remarquer. Tandis que la majorité des habitants de la région vit avec deux francs aux polémiques. Cette fois, ce seraient les équipes "françaises" qui auraient subi cauchemar si vous allez aussi six sous -surtout à Antananarivo, lieu d'organisation de ces Jeux-, à quoi pensaient une coalition du Sud. Les pauvres qui s'allient contre les riches, reconnaissons-le, loin et tentez de prendre l'Irak.” les sportifs de la Réunion ? A l'eau chaude. Extrait d'un article de L'Express de relève d'un certain romantisme. Certes. Mais un DICK CHENEY, ancien vice-président des Maurice daté du 28 juillet : "S'il ne cache pas qu'ils ne devront pas s'attendre à romantisme au goût amer, en sport… Ainsi les équipes Etats-Unis, grand partisan de l’intervention être logés dans un "5 étoiles", le président du Cros [Jean-François Beaulieu] veut réunionnaise et mahoraises ont eu bien du mal à s'im- armée en Irak en 2003. Ces propos sont les siens, rassurer les sportifs réunionnais sur les conditions d'hébergement qu'ils trouve- poser, les premiers matches étant marqués par des mais ils ont été tenus en 1994... ront, dans quinze jours, à Madagascar. "On va faire du camping". "Il paraît que erreurs d'arbitrage flagrantes. les douches sont communes et qu'il n'y a pas d'eau chaude. Ça inquiète les filles. A Moroni, une rumeur insistante fait même état d'une “Moi, j’attend de l’Etat français Tant pis, elles ne se laveront pas." Sous forme de boutade, les réflexions ont cir- tentative d'arrangement entre l'équipe malgache et la Cette fois, ce culé dans les rangs à l'occasion du grand rassemblement des sélectionnés (…). Si sélection comorienne lors du dernier match de poule. A seraient les équipes qu’il respecte la loi. Je ne suis pas certains préféraient en rire, d'autres se posaient la question avec le plus grand en croire certains journaux de la place et des membres Kamardine ni Raos.” sérieux du monde (...). Les conditions d'hébergement et de restauration seront- du milieu sportif, les responsables de la sélection mal- "françaises" qui ABDOULATIFU ALY, député de Maore, elles celles - déjà très spartiates - annoncées ? (...) Par crainte des mauvaises sur- gache auraient approché des joueurs de la formation lors d’un entretien qu’il nous a accordé. prises, certaines sélections ont même pris les devants à l'image des footballeurs comorienne pour négocier un match nul 2-2, score qui auraient subi une qui ont décidé de coucher à l'hôtel la nuit précédant leurs matches. Les judokas, aurait permis aux deux équipes d'atteindre les ¼ de coalition du Sud. eux, n'excluent pas de prendre leurs repas à l'extérieur du village. Quant aux finale, et d'éliminer le futur vainqueur, la Réunion. Les “Pour nous, le Snic [Syndicat marathoniens, ils ont choisi d'arriver la veille de leur épreuve pour éviter les joueurs contactés auraient alors orienté leurs interlocu- Les pauvres qui national des instituteurs comoriens] risques." Pour la fraternisation avec les athlètes des autres îles, on repassera -on teurs vers le coach de l'équipe. n’existe pas.” ne parle même pas du mépris vis-à-vis des autorités malgaches... Les riches avec Celui-ci a-t-il cédé à la demande ? L'issue de la rencon- s'allient contre OMAR BACAR RIDJALI, responsable du les riches et les pauvres avec les pauvres, et les médailles seront bien attribuées. tre en faveur des Malgaches qui ont éliminé la sélec- les riches, Syndicat des enseignants primaires de Ngazidja, Mais qu’on se le dise, les Réunionnais n'ont pas le monopole du luxe. tion comorienne par 2 buts à zéro marqués en seconde créé le 22 août. Les Mauriciens, eux aussi visiblement très attachés à leur confort, semblaient période après un début de rencontre très serré, est reconnaissons-le, accorder à ce type de considérations plus d'importance qu'à tout le reste. Toujours venue conforter les colporteurs de ce qui n'est pour L'Express de Maurice, le 10 août, au lendemain de l'arrivée de la délégation mau- l'instant qu'une rumeur. Quoi qu'il en soit, cette mau- relève d'un certain “Dix projets de loi, ça fait beaucoup ricienne à Tana : "La première question des athlètes était de savoir quelles condi- vaise publicité a instauré un certain malaise au sein du romantisme. trop pour une cession qui ne peut tions prévalaient à Madagascar, surtout au niveau des installations au Village. staff de la fédération de football, qui n'exclut pas une durer que quinze jours.” Certains rechignaient à l'idée que les douches soient communes." On rassure les "volonté de nuire". Pour Camara, le sélectionneur, ces Certes. Mais un , président âmes sensibles : l'eau chaude était au rendez-vous. Il paraît même que chaque ath- accusations ne seraient que pure spéculation. "On peut SAÏD DHOIFIR BOUNOU de l’Assemblée de l’Union. lète avait un lit ! me reprocher un mauvais coaching en attendant mes romantisme au explications, mais pas d'avoir vendu le match " se goût amer, défend t-il. Le coach comorien n'avait selon lui aucun “Avec les dirigeants français, nous MAIS ENTRONS DANS LE VIF DU SUJET : la compétition. Il y intérêt à tirer d'un tel marchandage, "ni sur le plan de en sport… nous comprenons présentement.” a d'abord eu les trop nombreuses décisions arbitrales en faveur de l'équipe mal- mon éthique, ni pour ma carrière". Professionnel , président gache. Karaté, boxe : les arbitres semblent avoir intégré l'hospitalité malgache à formé au Racing club de Lens, Camara, bénévole au AHMED ABDALLAH SAMBI de l’Union des Comores. tel point qu'ils n’ont pas lésiné sur les moyens pour favoriser les représentants du sein de la Fédération, explique la défaite de son équipe pays d'accueil. Ainsi en boxe, tous ceux qui n'étaient pas Malgaches se seraient par le manque de préparation dû aux conditions d'orga- fait allègrement voler. La délégation réunionnaise a même failli quitter la compé- nisation de ces jeux. "Certains me reprochent d'avoir “Au moment où l’on parle de pêche tition. Tout est parti du combat de Lydia Bordier, en demi-finale, rapporte le eu des contacts avec les staff malgache et réunionnais. Dois-je leur répondre que accidetelle de coelacanthe tant Journal de l'île de la Réunion. "Johany Maden, désigné pour officier sur la com- je connais personnellement les entraîneurs des deux équipes, notamment l'entraî- dans le pays que dans la région, pétition, n'a pas hésité à monter au créneau. "Je ne pouvais pas fermer ma bou- neur malgache qui est un ancien du Racing ?” réplique-t-il. notre Centre national de documen- che devant une telle injustice", raconte le juge-arbitre. "Le lendemain, j'apprends que Monsieur Arvel a pris la décision sans se réunir avec les autres responsables tation et de recherche scientifique, des autres îles de me retirer de la compétition. Il prétend que c'est lui le Dieu de EN ATTENDANT D'EN SAVOIR PLUS, on ne finira pas sans évo- dans l’incapacité de garder deux la boxe. Sans le savoir, il m'a enlevé une épine du pied. Je ne voulais plus faire quer nos confrères. Les journalistes n'ont en effet pas échappé à la règle de la coelacantes, vient de s’en débarras- partie de cette mascarade. On a affaire non pas à un arbitrage maison mais diri- mauvaise foi. Et dans ce domaine, il faut reconnaître aux Réunionnais du JIR une ser comme de vulgaires poissons du gé par le médiocre monsieur Ardel qui propose à ses boxeurs d'échanger leur longueur d'avance. Voire deux... Durant dix jours, le journal n'a cessé de dénon- marché de Volovolo.” médaille contre un voyage à Pékin. Il ne grandit pas la boxe en faisant ça (…) cer les favoritismes, parfois avérés, souvent imaginaires. La thèse du journal C'est trop dur pour nos athlètes, l'esprit de la boxe est bafoué. Il serait grand populiste ? On a assisté à du “Tout sauf Maore et La Réunion”. Une idée qui LA GAZETTE DES COMORES, n°555, 17 août temps que les chefs de délégations se réunissent car l'éthique et la neutralité sont tombe à l'eau quand on sait que, par exemple, l'équipe mahoraise féminine de bas- en train de prendre un sacré coup derrière la casquette". ket a été soutenue par le public dans sa demi-finale contre les Seychelles… “Vous avez tout ici, la montagne, En karaté aussi, les arbitres ont semble-t-il failli à leur mission. Paroles de spor- D’autre part, on voit mal comment la Réunion aurait battu en finale du foot l’é- le littoral et la mer !” tifs : "Madagascar ne ressortira pas grandi d'une telle chose", (l’arbitre réunion- quipe malgache, chez elle, si les arbitres avaient été tous malhonnêtes. A la lectu- nais Georges Hafizou) ; "Je suis dégoûté. C'est une grande mascarade. Tant re du JIR durant la compétition, quelle image garde-t-on de La Réunion ? Qu'il CHRISTIAN ESTROSI, ministre français de qu'on y est, on a qu'à offrir tout de suite l'or aux Malgaches et on fait la compé- s'agit d'un pays de très mauvais perdants. Navrant ! l’Outremer, lors de sa visite à Maore en juillet. tition avec les autres équipes" (un karatéka). Dans les autres îles aussi, certaines plumes se sont lâchées. Didier Pragassa dans Dans ce contexte, le pire -un départ de la délégation réunionnaise- a été évité de L'Express de Maurice : "Hier, le football mauricien a pris un sérieux coup derriè- “Maintenant, il faut être lucide, justesse. Le JIR, encore : "A sa sortie de la commission technique hier matin, re la tête. K.-O debout avec la défaite devant Mayotte, un pays qui n'en est pas un sur les 13.500 étrangers reconduits Jacky Amanville, choqué par les déclarations du président de la fédération mal- et qui, de surcroît, participe pour la première fois en compétition officielle." à la frontière, combient sont gache ne savait plus où se mettre. "Je n'ai jamais vu ça, raconte le chef de la délé- La palme revient toutefois à Al-Watwan, qui concluait ceci après les Jeux : gation réunionnaise, appelé à prendre part aux débats et décisions en compagnie "Cinquième au classement général provisoire, les Comores ont livré, dans l'en- revenus ?” de ses homologues des autres îles et du président et vice-président de la FFA. Le semble, une exécrable prestation. Elles peuvent, cependant, se contenter d'être GUY ADAMI, commandant de la Police aux président a commencé par priver les arbitres réunionnais de demi-finale. Il a devant l'île de Mayotte si cela peut constituer vraiment une réelle consolation." frontières de Maore avant son départ vers la juste déclaré que tous les arbitres étaient critiqués et que la Réunion, de toute On en doute... Corse en juillet, dans Le Mahorais.

10 kashkazi 66 septembre 2007 faut qu’ça sorte fqs Quand le séparatisme vire à l’hystérie collective

DANS SON DISCOURS de clô- les Mohéliens, invités à “retourner Fonction publique de l’île, le Ngazidja serait victime d’un de leur rencontre en novembre écho au sein d’organisations ou ture de la session extraordinaire de chez eux”. Dans une déclaration Syndicat des enseignants primaires “détournement” d’une centrale 2006. D’un montant de 1,5 d’institutions, est celui-là même l’Assemblée de l’Union le 31 août rendue publique lors d’une confé- de Ngazidja (SEPNG) est égale- thermique prévue par la coopéra- milliard de fc (3 millions d'euros), qui a fait le lit du séparatisme. A dernier, le premier vice-président rence de presse le 30 août dans les ment clair : "S’il y a un surplus tion chinoise pour la capitale. ce projet a été confirmé le 30 Maore d’abord, qui se disait dans Youssouf Saïd a attiré l’attention locaux de l’Assemblée de l’île de d’enseignants, il ne faut pas pren- “Nous, députés de l’Assemblée de décembre 2006 par un accord de les années 60 victime de la “domi- de ses pairs et des membres du Ngazidja, une “commission des dre chez les Grand-comoriens. l’Ile autonome de Ngazidja, (…) coopération. Une mission d’étude nation de Ngazidja et de Ndzuani”. gouvernement de l’Union présents enseignants et administrateurs” est Qu’il prenne les Anjouanais et les regrettons l’acharnement du gou- de faisabilité dépêchée par la partie A Ndzuani ensuite, qui a fustigé en dans l’hémicycle, sur la montée allée droit au but : “Nous ensei- envoie chez Bacar et les vernement de l’Union à dénaturer chinoise aux Comores entre les 14 1997 “la domination de Ngazidja”. d’une “anjouanophobie” qui fait gnants et administrateurs natifs de Mohéliens chez Mohamed Saïd", le projet décidé par la partie chi- et 25 août, a prévu l’approvision- C’est maintenant au tour de craindre une explosion sociale l’île autonome de Ngazidja, (…) lance Omar Bacar Idjabou, l’un noise au profit de la capitale de nement de quatre groupes électro- Ngazidja de dénoncer “la domina- imminente. Si à l’évidence, cette demandons au président de l’île de des initiateurs du SEPNG. Sur ce l’Union des Comores et à le gènes de 1.500 kW à Ngazidja, tion de Ndzuani” comme l’a affir- détérioration du climat politique et Ngazidja d’intervenir personnelle- dossier, les autres organisations détourner de son objectif initiale- deux groupes de 1.500 kW à mé sans sourciller un représentant social est la conséquence directe ment (…) pour affecter les fonc- syndicales, notamment le Syndicat ment défini”. Le député Ali Ndzuani et deux groupes de 800 de la “commission des enseignants de l’incapacité des autorités como- tionnaires mohéliens et anjouanais national des professeurs como- Hassane affirme que “dans son kW à Mwali, ainsi que l’extension et administrateurs”, le 30 août. “Il riennes à dénouer la crise anjoua- dans leurs îles autonomes”. Ils riens, avaient pourtant dénoncé en discours, le diplomate chinois a du réseau à raison de 30 km à y a trois institutions qui défendent naise, ce “rejet de l’autre” ne sert protestent contre la suspension de mai dernier “des recrutements parlé d’une centrale thermique Mwali et 40 km dans les deux aut- les Anjouanais. Le gouvernement pas de terreau aux seules “forces 252 enseignants, suite à une mesu- inopportuns qui ne répondaient prévue pour la capitale de res îles. En dépit de ces documents de Bacar à Anjouan, le gouverne- non contrôlées” évoquées par l’élu re gouvernementale de l’île de pas à un besoin”. l’Union” et que celle-ci aurait fait officiels, les députés de Ngazidja ment de l’Union, et le gouverne- comorien. Des organisations de la Ngazidja qui entend lutter contre l’objet d’un “détournement”. continuent de crier au “détourne- ment anjouanais de Grande- société civile tout comme des des “recrutements qui n’ont pas MOINS GROSSIÈRE dans sa for- Pourtant après enquête, le seul pro- ment” de la centrale de Ngazidja. Comore [le nouveau président de institutions publiques à Ngazidja, suivi les procédure légale”, selon mulation, la résolution adoptée le jet porté par la coopération chinoi- l’île de Ngazidja, M. n’hésitent pas à afficher publique- le ministre de l’Education de 27 août par l’Assemblée de l’île de se en matière d’énergie aux CE DISCOURS de la victimisa- Abdouloihabi, est un partisan de ment leur hostilité, longtemps Ngazidja. Créé le 22 août 2007 Ngazidja laisse entendre, cette fois Comores est celui proposé par tion que développe une partie de Sambi, ndlr]". C’est tout ? contenue, envers les Anjouanais et juste après ce coup de balai par la au sujet de l’énergie, que l’île de Sambi au président Hu Jintao lors l’opinion à Ngazidja et qui trouve KES Charité mal ordonnée... Bac : des “fuites” AH, CES PAYS PAUVRES sont tellement pratiques ! S'ils n'existaient est conçue pour fonctionner avec 1.000 à 2.000 échantillons, chiffre pas, il faudrait les inventer ! Non seulement on peut y envoyer de disproportionné à Moroni, qui ruinerait un peu plus l'hôpital si elle était passées sous silence vieilles machines en fin de vie ou amputées de leurs accessoires mais utilisée. Un autre appareil fonctionne avec des réactifs incompatibles on bénéficie, en prime, de l'agréable sentiment d'avoir commis une avec ceux employés par l'établissement. "Le don y est", commente ALORS QUE LES "FUITES" de sujets aux examens font d'habi- bonne action… A.Boinali avec un sourire caustique. "Mais tout ne va pas servir…" tude grand bruit, un silence étonnant a fait suite aux découvertes du Le centre hospitalier El Maarouf, à Moroni, est un destinataire parfait Les Emirats Arabes Unis n'ont pas la primeur de ces "cadeaux" pas tou- jury du baccalauréat comorien cette année. Le directeur de l'Office pour ce genre de générosités. Il est vrai que dénué de tout et en proie à jours bien ciblés. Voici quelques années, le Rotary Club avait acheminé national des examens et concours, Nourdine Bourhani, a même une gestion chaotique depuis des années, dépendant en bonne partie de un appareil radio récupéré dans un hôpital français, livré en grande affirmé dans les médias que "les soupçons de fuite des sujets évo- l'aide extérieure, notamment française et chinoise, il n'est pas en posi- pompe à El Maarouf. "Beaucoup d'argent a été dépensé, il y a eu un qués sur le baccalauréat n'étaient pas fondés".1 Des témoignages tion de faire la fine bouche. C'est ainsi qu'un lot d'appareils médicaux banquet et des discours avec le directeur de l'Agence française de déve- attestent pourtant que des sujets d'examen ont été communiqués à offert par le Croissant Rouge des Emirats Arabes Unis a été réceptionné loppement, qui était président du Rotary Club", se souvient le techni- des candidats… récemment en présence du président Sambi. Seulement voilà : plus de cien. Malheureusement, "la radio n'a jamais marché. Ça nous aurait Le cas le plus flagrant concerne l'Histoire et la Géographie, dont les la moitié du don est inutilisable… "Il y a de bonnes machines qui mar- coûté trop cher de la faire réparer. Quant à la machine à développer les enseignants se sont étonnés de voir un sujet hors programme pro- chent", indique Mohamed Boinali, le chef de la maintenance. "Des cou- films, on l'a carrément jetée. Vieille ? Le mot est trop faible !" posé aux élèves. "Nous sommes tous tombés d'accord avant la cor- veuses, des lampes infrarouges, des nébuliseurs neufs, des incubateurs Il serait pourtant simple d'éviter ce genre de ratés, plaide M. Boinali. rection sur le fait qu'aucun jeune ne serait en mesure de traiter le et des appareils d'anesthésie. Mais pour le reste, moniteurs, bistouris et "Ces donateurs avaient sûrement le souci de nous aider, mais il n'y a commentaire sur l'interface méditerranéenne, qui n'a pas été étudié matériel de laboratoire, soit il manque des accessoires, soit le fonction- pas eu de coordination. Ce qui serait bien, dans ce genre d'aide, c'est en classe", témoigne un membre du jury de Ngazidja. Autre parti- nement est trop coûteux pour nous. Les appareils nous ont été délivrés qu'on en discute avec le bénéficiaire." Effectivement, ça serait bien. Ça cularité, "au lieu de proposer comme d'habitude des pistes de cor- démontés, et sans notice." Les moniteurs, par exemple, n'ont pas de aiderait à mieux employer le verbe “coopérer”, dont la définition rap- rection, le concepteur a livré une copie toute rédigée". Mais la sur- câbles ou de capteurs, des composants qui peuvent coûter plusieurs pelle qu’il s’agit d’opérer conjointement... avec quelqu'un. prise est à son comble quand le jury commence à tomber, à partir milliers d'euros. Une grosse machine de laboratoire, certes précieuse, LG du 13 août, "sur des candidats qui ont réussi à traiter le sujet, mais ont reproduit mot pour mot le texte proposé. Nous nous sommes concertés toute une journée avant de décider d'annuler ces copies". LA QUESTION QUI NOUS TARAUDE que fait le président mohélien de son administration ? Après vérification, il s'avère qu'aucun commentaire identique à la correction n'est retrouvé dans le lot corrigé à Mwali -les copies de Ngazidja et Mwali étant mélangées puis réparties entre les jurys des Ali Saïd : “Ils ont tout prix, et bien voilà !” deux îles. En tout, neuf devoirs sont éliminés. UNE ENQUÊTE DE LA GENDARMERIE révèle que les argent ? Par la solidarité. On a pris nos pres- Mohamed Ali Said, à peine arrivé à la Ce qui signifie que lorsque vous quitte- auteurs des neuf copies sont originaires de Mwali -deux ont com- tations de carburant, on a ouvert un compte présidence de l’île autonome de Mwali, rez le pouvoir, vos agents connaîtront posé à Ngazidja. Cinq sont de Nyumashua, le village du valida- à la SNPCF pour mettre cet argent. Chaque vous avez licencié tous les agents tra- le même sort ? teur du sujet et, accessoirement, du président de Mwali, dont la Le jour où je quitterai le pouvoir, mes agents ministre et fonctionnaire de la superstructure vaillant à la “superstructure” (prési- nièce ferait d'ailleurs partie des candidats mis en cause. Le valida- n'auront pas d'arriérés de salaire. va donner la moitié de son salaire pour qu'on dence, gouvernement et assemblée). teur du sujet, un jeune enseignant sans grande expérience, aurait achète des stylos et des cahiers aux enfants Vous avez remplacé non seulement les A Mwali, on critique le recrutement de transmis l'épreuve à sa propre sœur. "Le président du jury nous a postes politiques, mais également tous votre sœur au poste de Trésorier payeur pour la rentrée, pour l'assainissement de affirmé publiquement que les élèves avaient été entendus puis les techniciens. Pourquoi ce coup de général et celui de votre cousine direc- , pour le goudron… En deux mois, il relâchés en attendant que le concepteur du sujet rentre de voya- balai qui nuit à la continuité dans les te à l'autorité du port… faut voir tout ce qu'on a fait. Alors, puisque ge", révèle un enseignant. "Cela nous a étonnés parce que d'ha- services de l’Etat ? Et alors ? Ma sœur a une maîtrise de comp- c'est notre argent, on ne peut quand même bitude, il y a tout de suite une réaction forte des autorités. Nous La superstructure est politique. Moi, j'ai mes tabilité et gestion, elle est citoyenne comme pas passer un appel d'offre et donner ces pensons qu'ils cherchent à étouffer l'affaire et, s'il n'y a pas de agents dans la fonction publique, mes techni- tout le monde, j'ai le droit de lui faire confian- chantiers à un entrepreneur qui va faire des suite, nous nous constituerons partie civile." ciens qui peuvent occuper ces postes. C'est ce ! Les gens ont l'habitude de faire des amal- bénéfices ! Un autre problème s'est posé au jury de Mathématiques, qui s'est normal de changer quand il y a un nouveau games. Combien a collecté votre caisse de soli- rendu compte que le concepteur du sujet avait fait travailler sur l'é- gouvernement. Et puis, l'ancien gouverne- On vous reproche aussi d'avoir attribué darité le mois dernier ? preuve, au cours des deux dernières années, les élèves de plusieurs ment a volé les cautions, nous n'avons trouvé les travaux du marché et la construc- 12 millions de fc (24.000 euros), alors que les écoles privées de Moroni. Il semble que les instances éducatives que 11.000 fc (22 euros) dans la caisse en arri- tion des bureaux de la Socopotram à recettes de l'île s'élèvent à 3 millions (6.000 aient cependant décidé de ne pas considérer cette "triche" comme vant. votre propre entreprise, sans même euros). Comme Mohéli est une toute petite une "fuite". D'autres anomalies plus accidentelles ont enfin été Vous avez annoncé que ces agents ne avoir passé d'appel d'offre. île, on peut faire beaucoup avec cet argent. recensées, comme ce gendarme pris en flagrant délit alors qu'il toucheraient pas leurs arriérés de salai- Ecoutez, il faut que vous sachiez comment on Du moment qu'on a un projet, on veut nous apportait des copies aux élèves dans une salle d'examen… re… travaille à Mohéli. Je suis là depuis deux mois engager nous-mêmes. On ne va pas attend- LG C'est vrai. Ils ont tout pris, et bien voilà ce qui et je me suis engagé à donner aux Mohéliens re le FADC et la Banque mondiale. leur arrive. Ils ont perdu. C'est comme ça. des soins gratuits de 0 à 7 ans. Où j'ai eu cet Recueilli par LG et DOM 1 Al-watwan n°1005, 17 août 2007

kashkazi 66 septembre 2007 11 fqs faut qu’ça sorte Le dentifrice made in N’ayez crainte, Marc vous a à l’oeil !

China, un peu collant On savait que le président malgache avait un penchant LES PRODUITS CHINOIS inondent toxiques." légèrement autoritaire. On n'ima- les marchés du monde entier. Ceux Le quotidien US poursuit : "L'année der- ginait cependant pas une telle d'Afrique plus qu'ailleurs, coopération nière, 48% des 924 cargaisons refusées dérive. Après le vote en avril d'une ultra-active de Pékin oblige. Les car jugées dangereuses par les pays de nouvelle Constitution qui lui confè- Comores n'échappent pas à la règle : le l'UE provenaient de Chine. A titre de re beaucoup plus de pouvoirs marché de Volovolo, à Moroni, en est comparaison, ce pays ne fournit que 15% qu'auparavant (lire page 17), Marc submergé. Mais les consommateurs des importations en valeur de l'UE. Les Ravalomanana vient d'inventer feraient mieux de s’en méfier. Depuis raisons invoquées pour justifier le rejet une nouvelle forme de contrat quelques mois en effet, nombreuses ont portaient, dans un ordre décroissant, sur social : le recyclage des chefs de été les réclamations émises à propos le risque de blessure, d'électrocution, fokontany (districts comparables d'importations en provenance de Chine, d'incendie ou de brûlure ; d'étouffement aux communes) en surveillants ! comme le rapportait The Wall Street ou de suffocation ; ou sur la présence de Madagascar étant pour l'heure Journal en juin dernier. substances chimiques dangereuses." limitée financièrement, Marc "Tout a commencé fin mars", relate le Ravalomanana ne peut se payer journal américain, "lorsque la Food and TOUJOURS PLUS COCASSE, les comme les pays dits “riches” des Drug administration (FDA), l'agence autorités américaines ont récemment caméras à chaque coin de rue. américaine de contrôle des aliments et notifié des rappels de bijoux bon marché Qu'à cela ne tienne, on va utiliser des médicaments, a remonté jusqu'aux en provenance de Chine qui présentaient de la main d'œuvre. Ainsi, c'est fabricants chinois la piste du gluten de des concentrations élevées en plomb, un L'Express de Madagascar (édition blé qui avait contaminé des aliments métal toxique (son ingestion provoque le du 31 août) qui nous l'apprend : le industriels pour animaux domestiques. saturnisme). Or il se trouve qu'une partie président “a donné la consigne aux AFP Depuis, on a découvert que d'autres pro- de ce plomb proviendrait… des vieux chefs de fokontany de contrôler les duits toxiques ou défectueux, des pneus ordinateurs et autres appareils électro- mouvements qui se passent au à l'intérieur de la circonscription”. de la base qui n'existe plus, au pro- aux jouets en passant par la pâte dentifri- niques dont l'Occident s'est débarrassé en niveau de leur circonscription”. Et d'ajouter, grand prince : “Je ne fit d'un système de désignation des ce et les produits de la mer, avaient un les expédiant en Chine. Juste retour de Objectif ouvertement avoué : vous laisserai pas seuls. Si certaines responsables étatiques”. lien avec des entreprises chinoises. (...) bâton, diront les sinophiles, qui rappelle- “Concrétiser la notion de discipline”. personnes font de la résistance, fai- Ravalomanana, que les diatribes Les autorités chinoises reconnaissent ront que les Européens et les Américains On tremble ! tes-le-moi savoir et j'interviendrai de l'opposition semblent indifférer, qu'il existe des problèmes systémiques sont particulièrement rigides avec la “Dorénavant, chaque chef de ou enverrai au moins un émissaire.” poursuit quant à lui sa route visi- en matière de sécurité alimentaire, mais législation et les normes. Mais que dire affirment que la réaction des pays impor- des Japonais et des Malaisiens ? En fokontany se doit de connaître les blement inspirée par l’Oncle Sam. tateurs est exagérée. effet, toujours selon The Wall Street habitants de son quartier”, a fait Cette annonce n'a bien sûr pas Ainsi, afin de rendre les chefs de Il n'empêche qu'un nombre croissant de Journal, "au Japon, trois importateurs savoir le chef de l'Etat lors de la laissé insensible l'opposition. “Un tel fokontany plus efficaces dans leur pays intensifient leurs contrôles. Après la viennent de rappeler des millions de cérémonie de clôture de la forma- projet met à mort la démocratie et mission, il ne lésine pas sur les découverte en mai, aux Etats-Unis et tubes dentifrice chinois contenant du dié- tion des chefs de fokontany. Il a à le système républicain”, dénonce le moyens : il a annoncé récemment ailleurs, de dentifrices chinois contenant thylène glycol. En Malaisie, les autorités l'occasion livré un parfait petit sénateur Bruno Betiana, du Comité la mise en place d'un coach pour du diéthylène glycol, une substance dan- sanitaires renforcent les mesures de guide de la doctrine de Big pour la réconciliation nationale chacun d’entre eux ! Un coach qui gereuse utilisée dans l'antigel, l'Union contrôle, et elles ont mis en garde les Brother : “Il faut que les chefs de (CRN). Selon lui, “la nomination aura pour mission de conseiller européenne a ordonné aux inspecteurs consommateurs contre les dentifrices fokontany soient au courant de ce des chefs de fokontany est déjà une mais aussi, on vous le donne dans le des services de santé et de sécurité des importés de Chine." A bon entendeur... que font les habitants de leur entorse à la démocratie. mille, de surveiller les chefs de Etats membres de signaler toute saisie quartier. Il faut qu'ils sachent “qui Maintenant, c'est le principe de fokontany… Le tour est joué. récente de dentifrices contrefaits ou RC fait quoi ?” et “qui cherche quoi ?” l'aspiration populaire qui émane RC la photo parlante Cour Constitutionnelle : c’est grave docteur ? ABDOUL MADJID épistolaire entre le président de Abdallah à la tête de l'institution, YOUSSOUF, 1er conseiller et la CC, Mouzawar Abdallah, et "en présence de 5 membres sur doyen de la Cour constitution- Abdoul Madjid. Dans cette cor- les 7 qui composent la CC" -ce nelle (CC) a été "limogé" par ses respondance, ce dernier explique qui est contraire à "la loi orga- pairs suite à un conseil de disci- que sa "prise de congé est essen- nique relative à l'organisation et pline qui s'est tenu le 3 septemb- tiellement motivée par les viola- aux compétences de la Cour" re. Le procès verbal dressé par tions flagrantes des textes régis- dénonce Abdoul Madjid. Cette les 5 membres qui siègent au sant la Cour constitutionnelle, nouvelle destitution discrédite un sein de l'institution, reproche à par les 5 conseillers qui siègent". peu plus encore la haute institu- Abdoul Madjid de s'être octroyé Le 1er conseiller de la CC sou- tion du pays... un congé de 5 mois et de "ne tient qu'il s'est mis en retrait pour Si les soi-disant sages ne sont plus assumer ses obligations". protester contre la procédure de même plus capables de s’entend- Cette décision intervient un peu destitution du président Sourette re, où vont les Comores ? C’est plus d'un mois après un échange et l'élection de Mouzawar grave, docteur ? Plutôt “coeur” Il avait qu’à partager ! ou plutôt gendarmes ? ABOUBEKRE CHAHASSOU, un imprimeur TRÈS FRIAND de marketing politique, anjouanais, est aux arrêts à la prison de Koki depuis le leader du parti Ridja n'est pas en panne la mi-août. La justice anjounaise qui l'a condamné à de slogans. Sa dernière trouvaille lancée à neuf mois de prison ferme après un procès expéditif Ndzuani où il a été l'invité de la Radio en correctionnelle, reproche à cet ancien ministre de télévision anjouanaise la semaine derniè- l'Economie de l'île d'avoir subtilisé un peu plus de 44 re, Saïd Larifou a suggéré "un débarque- millions de francs comoriens (88.000 euros). Des ment des cœurs" contre l'option d'un fonds publics, cela va de soi. L'argent aurait été versé débarquement militaire pour régler la par un importateur de riz à la société d'importation de L’ETAT, UN MONSTRE FROID crise. La formule a fait mouche. Mais ce riz anjouanaise qui a fait faillite. Ce que nie le préve- sont plutôt les critiques de Larifou contre nu. La demande de mise en liberté provisoire faite Mtsagnugni (Maore). 26 juillet 2007. Un gendarme mobile se repose, au second plan, Sambi qui auraient piqué de colère le par la famille est conditionnée au paiement de 10 après avoir délogé les habitants de la maison qui a disparu sous les chenilles de la pelleteuse, pouvoir. Ce qui lui a valu le débarque- millions fc (20.000 euros). De sources proches du au premier plan. Ce jour-là, l’Etat a pris la forme d’une pellemécanique, monstre froid qui a ment des gendarmes, à son retour à dossier, il semble qu’il ait été arrêté car il n’aurait détruit les habitations de huit familles qui vivaient sur ce site hérité de leurs ancêtres. (DR) Moroni. pas... partagé le butin.

12 kashkazi 66 septembre 2007 RUE DES INCONGRUS Les Jeux du chauvinisme no comment “13.500 reconduites ont été effectuées, mais en comptant par Rémi Carayol et Kamal’Eddine Saindou les mineurs, nous avons reconduit 16.000 personnes physiques.” GUY ADAMI, commandant de la Police aux frontières de Maore avant son départ vers la IL PARAÎT QUE L'ON FAIT PARTIE d'une région homogène ; façon, n'avait pas son mot à dire (…)". Autre représentant de la ligue présent, Corse en juillet, dans Le Mahorais. que ses habitants sont tous plus ou moins des frères et des sœurs. On aimerait tel- Dominique Goumane s'est lui aussi fait renvoyer dans ses 22 par le "dictateur" de lement y croire… Il faut dire que certains comportements ne prêtent pas vraiment la fédé malgache. "Monsieur Ahamad a rajouté qu'il n'avait toujours pas digéré à l'optimisme quant à une fraternisation aujourd'hui plus qu'hypothétique des îles. que Mada ait été volé aux Jeux de 2003 à Maurice et que, cette fois, il veillerait “Une fois que vous êtes en Irak Les septièmes Jeux des îles de l'océan Indien, censés célébrer à Madagascar cette à sa manière évidemment au bon déroulement du tournoi. Il a conclu en disant et que vous en prenez le contrôle, concorde, ont surtout révélé la persistance des délires insulaires et des passions que le foot ,lors de ces 7es Jeux, était géré par lui, sous la tutelle de FIFA. Tous que vous renversez le gouverne- sectaires. Certes, le sport est un vecteur très efficace pour ce type de comporte- les autres n'ont pas leur mot à dire"." ment de Saddam Hussein, alors ments. On ne s'attendait cependant pas à de telles réactions, qui ont quasi quoti- Pas étonnant, dans ces conditions dénoncées par l'ensemble des délégations -hor- qu'est-ce que vous allez mettre diennement frôle le chauvinisme le plus obtus. Réactions qui, soit dit en passant, mis la malgache- que la Grande île emporte haut la main la compétition, avec 232 étaient plus souvent à mettre au crédit des journalistes et encadrants que des spor- médailles, devant La Réunion (225 médailles), Maurice (172 médailles), les à sa place ? C'est un lieu très tifs eux-mêmes… Ainsi, ce qui devait être une fête -et ça l'a été tout de même- Seychelles (99 médailles), les Comores indépendantes (21 médailles) et Maore instable et si vous renversez le réunissant les athlètes de la région, a été gâché par d'innombrables mesquineries. (4 médailles). gouvernement central, vous Les exemples ne manquent pas. pouvez voir l'Irak éclater en morceaux (...) C'est un Dès avant le début de la compétition, les Réunionnais s'étaient fait LE FOOTBALL, DISCIPLINE REINE de ces Jeux, n'a pas échappé remarquer. Tandis que la majorité des habitants de la région vit avec deux francs aux polémiques. Cette fois, ce seraient les équipes "françaises" qui auraient subi cauchemar si vous allez aussi six sous -surtout à Antananarivo, lieu d'organisation de ces Jeux-, à quoi pensaient une coalition du Sud. Les pauvres qui s'allient contre les riches, reconnaissons-le, loin et tentez de prendre l'Irak.” les sportifs de la Réunion ? A l'eau chaude. Extrait d'un article de L'Express de relève d'un certain romantisme. Certes. Mais un DICK CHENEY, ancien vice-président des Maurice daté du 28 juillet : "S'il ne cache pas qu'ils ne devront pas s'attendre à romantisme au goût amer, en sport… Ainsi les équipes Etats-Unis, grand partisan de l’intervention être logés dans un "5 étoiles", le président du Cros [Jean-François Beaulieu] veut réunionnaise et mahoraises ont eu bien du mal à s'im- armée en Irak en 2003. Ces propos sont les siens, rassurer les sportifs réunionnais sur les conditions d'hébergement qu'ils trouve- poser, les premiers matches étant marqués par des mais ils ont été tenus en 1994... ront, dans quinze jours, à Madagascar. "On va faire du camping". "Il paraît que erreurs d'arbitrage flagrantes. les douches sont communes et qu'il n'y a pas d'eau chaude. Ça inquiète les filles. A Moroni, une rumeur insistante fait même état d'une “Moi, j’attend de l’Etat français Tant pis, elles ne se laveront pas." Sous forme de boutade, les réflexions ont cir- tentative d'arrangement entre l'équipe malgache et la Cette fois, ce culé dans les rangs à l'occasion du grand rassemblement des sélectionnés (…). Si sélection comorienne lors du dernier match de poule. A seraient les équipes qu’il respecte la loi. Je ne suis pas certains préféraient en rire, d'autres se posaient la question avec le plus grand en croire certains journaux de la place et des membres Kamardine ni Raos.” sérieux du monde (...). Les conditions d'hébergement et de restauration seront- du milieu sportif, les responsables de la sélection mal- "françaises" qui ABDOULATIFU ALY, député de Maore, elles celles - déjà très spartiates - annoncées ? (...) Par crainte des mauvaises sur- gache auraient approché des joueurs de la formation lors d’un entretien qu’il nous a accordé. prises, certaines sélections ont même pris les devants à l'image des footballeurs comorienne pour négocier un match nul 2-2, score qui auraient subi une qui ont décidé de coucher à l'hôtel la nuit précédant leurs matches. Les judokas, aurait permis aux deux équipes d'atteindre les ¼ de coalition du Sud. eux, n'excluent pas de prendre leurs repas à l'extérieur du village. Quant aux finale, et d'éliminer le futur vainqueur, la Réunion. Les “Pour nous, le Snic [Syndicat marathoniens, ils ont choisi d'arriver la veille de leur épreuve pour éviter les joueurs contactés auraient alors orienté leurs interlocu- Les pauvres qui national des instituteurs comoriens] risques." Pour la fraternisation avec les athlètes des autres îles, on repassera -on teurs vers le coach de l'équipe. n’existe pas.” ne parle même pas du mépris vis-à-vis des autorités malgaches... Les riches avec Celui-ci a-t-il cédé à la demande ? L'issue de la rencon- s'allient contre OMAR BACAR RIDJALI, responsable du les riches et les pauvres avec les pauvres, et les médailles seront bien attribuées. tre en faveur des Malgaches qui ont éliminé la sélec- les riches, Syndicat des enseignants primaires de Ngazidja, Mais qu’on se le dise, les Réunionnais n'ont pas le monopole du luxe. tion comorienne par 2 buts à zéro marqués en seconde créé le 22 août. Les Mauriciens, eux aussi visiblement très attachés à leur confort, semblaient période après un début de rencontre très serré, est reconnaissons-le, accorder à ce type de considérations plus d'importance qu'à tout le reste. Toujours venue conforter les colporteurs de ce qui n'est pour L'Express de Maurice, le 10 août, au lendemain de l'arrivée de la délégation mau- l'instant qu'une rumeur. Quoi qu'il en soit, cette mau- relève d'un certain “Dix projets de loi, ça fait beaucoup ricienne à Tana : "La première question des athlètes était de savoir quelles condi- vaise publicité a instauré un certain malaise au sein du romantisme. trop pour une cession qui ne peut tions prévalaient à Madagascar, surtout au niveau des installations au Village. staff de la fédération de football, qui n'exclut pas une durer que quinze jours.” Certains rechignaient à l'idée que les douches soient communes." On rassure les "volonté de nuire". Pour Camara, le sélectionneur, ces Certes. Mais un , président âmes sensibles : l'eau chaude était au rendez-vous. Il paraît même que chaque ath- accusations ne seraient que pure spéculation. "On peut SAÏD DHOIFIR BOUNOU de l’Assemblée de l’Union. lète avait un lit ! me reprocher un mauvais coaching en attendant mes romantisme au explications, mais pas d'avoir vendu le match " se goût amer, défend t-il. Le coach comorien n'avait selon lui aucun “Avec les dirigeants français, nous MAIS ENTRONS DANS LE VIF DU SUJET : la compétition. Il y intérêt à tirer d'un tel marchandage, "ni sur le plan de en sport… nous comprenons présentement.” a d'abord eu les trop nombreuses décisions arbitrales en faveur de l'équipe mal- mon éthique, ni pour ma carrière". Professionnel , président gache. Karaté, boxe : les arbitres semblent avoir intégré l'hospitalité malgache à formé au Racing club de Lens, Camara, bénévole au AHMED ABDALLAH SAMBI de l’Union des Comores. tel point qu'ils n’ont pas lésiné sur les moyens pour favoriser les représentants du sein de la Fédération, explique la défaite de son équipe pays d'accueil. Ainsi en boxe, tous ceux qui n'étaient pas Malgaches se seraient par le manque de préparation dû aux conditions d'orga- fait allègrement voler. La délégation réunionnaise a même failli quitter la compé- nisation de ces jeux. "Certains me reprochent d'avoir “Au moment où l’on parle de pêche tition. Tout est parti du combat de Lydia Bordier, en demi-finale, rapporte le eu des contacts avec les staff malgache et réunionnais. Dois-je leur répondre que accidetelle de coelacanthe tant Journal de l'île de la Réunion. "Johany Maden, désigné pour officier sur la com- je connais personnellement les entraîneurs des deux équipes, notamment l'entraî- dans le pays que dans la région, pétition, n'a pas hésité à monter au créneau. "Je ne pouvais pas fermer ma bou- neur malgache qui est un ancien du Racing ?” réplique-t-il. notre Centre national de documen- che devant une telle injustice", raconte le juge-arbitre. "Le lendemain, j'apprends que Monsieur Arvel a pris la décision sans se réunir avec les autres responsables tation et de recherche scientifique, des autres îles de me retirer de la compétition. Il prétend que c'est lui le Dieu de EN ATTENDANT D'EN SAVOIR PLUS, on ne finira pas sans évo- dans l’incapacité de garder deux la boxe. Sans le savoir, il m'a enlevé une épine du pied. Je ne voulais plus faire quer nos confrères. Les journalistes n'ont en effet pas échappé à la règle de la coelacantes, vient de s’en débarras- partie de cette mascarade. On a affaire non pas à un arbitrage maison mais diri- mauvaise foi. Et dans ce domaine, il faut reconnaître aux Réunionnais du JIR une ser comme de vulgaires poissons du gé par le médiocre monsieur Ardel qui propose à ses boxeurs d'échanger leur longueur d'avance. Voire deux... Durant dix jours, le journal n'a cessé de dénon- marché de Volovolo.” médaille contre un voyage à Pékin. Il ne grandit pas la boxe en faisant ça (…) cer les favoritismes, parfois avérés, souvent imaginaires. La thèse du journal C'est trop dur pour nos athlètes, l'esprit de la boxe est bafoué. Il serait grand populiste ? On a assisté à du “Tout sauf Maore et La Réunion”. Une idée qui LA GAZETTE DES COMORES, n°555, 17 août temps que les chefs de délégations se réunissent car l'éthique et la neutralité sont tombe à l'eau quand on sait que, par exemple, l'équipe mahoraise féminine de bas- en train de prendre un sacré coup derrière la casquette". ket a été soutenue par le public dans sa demi-finale contre les Seychelles… “Vous avez tout ici, la montagne, En karaté aussi, les arbitres ont semble-t-il failli à leur mission. Paroles de spor- D’autre part, on voit mal comment la Réunion aurait battu en finale du foot l’é- le littoral et la mer !” tifs : "Madagascar ne ressortira pas grandi d'une telle chose", (l’arbitre réunion- quipe malgache, chez elle, si les arbitres avaient été tous malhonnêtes. A la lectu- nais Georges Hafizou) ; "Je suis dégoûté. C'est une grande mascarade. Tant re du JIR durant la compétition, quelle image garde-t-on de La Réunion ? Qu'il CHRISTIAN ESTROSI, ministre français de qu'on y est, on a qu'à offrir tout de suite l'or aux Malgaches et on fait la compé- s'agit d'un pays de très mauvais perdants. Navrant ! l’Outremer, lors de sa visite à Maore en juillet. tition avec les autres équipes" (un karatéka). Dans les autres îles aussi, certaines plumes se sont lâchées. Didier Pragassa dans Dans ce contexte, le pire -un départ de la délégation réunionnaise- a été évité de L'Express de Maurice : "Hier, le football mauricien a pris un sérieux coup derriè- “Maintenant, il faut être lucide, justesse. Le JIR, encore : "A sa sortie de la commission technique hier matin, re la tête. K.-O debout avec la défaite devant Mayotte, un pays qui n'en est pas un sur les 13.500 étrangers reconduits Jacky Amanville, choqué par les déclarations du président de la fédération mal- et qui, de surcroît, participe pour la première fois en compétition officielle." à la frontière, combient sont gache ne savait plus où se mettre. "Je n'ai jamais vu ça, raconte le chef de la délé- La palme revient toutefois à Al-Watwan, qui concluait ceci après les Jeux : gation réunionnaise, appelé à prendre part aux débats et décisions en compagnie "Cinquième au classement général provisoire, les Comores ont livré, dans l'en- revenus ?” de ses homologues des autres îles et du président et vice-président de la FFA. Le semble, une exécrable prestation. Elles peuvent, cependant, se contenter d'être GUY ADAMI, commandant de la Police aux président a commencé par priver les arbitres réunionnais de demi-finale. Il a devant l'île de Mayotte si cela peut constituer vraiment une réelle consolation." frontières de Maore avant son départ vers la juste déclaré que tous les arbitres étaient critiqués et que la Réunion, de toute On en doute... Corse en juillet, dans Le Mahorais.

kashkazi 66 septembre 2007 13 nouvelles du front

Doit-on Ndzuani : plus près du chaos s’habituer Alors que les experts de l’Union africaine se sont penchés sur les scénarios d’une sortie de crise, au pire ? les députés de l’Union ont appelé les autorités à n’exclure aucun moyen pour résoudre le cas Bacar.

ans de crise séparatiste, journal de bord DIX c'en est trop ! Dans la rue comme au sein de l’hémicycle de l’Assemblée de l'Union, c'est le refrain à le mode. "Nous sommes fatigués. QUAND L'HOMME S'HABITUE aux Particulièrement ici à Ngazidja, où pires tragédies, la déchéance de son nous avons supporté nos frères anjoua- espèce n'est jamais bien loin. Dans l'ar- nais et accepté tous les sacrifices, alors chipel, chaque semaine, meurent des qu'ils continuent de s'enfermer dans le dizaines d'hommes, de femmes et d'en- séparatisme" a lancé le député fants dans le bras de mer qui sépare Abderemane lundi 3 septembre, lors de Ndzuani et Maore. Avec le temps, tout le la première session extraordinaire de monde ou presque semble avoir intégré l'Assemblée de l'Union consacrée à cette donnée comme étant une chose cette crise. Ce ras-le-bol est exacerbé normale. Donc acceptable. Les associa- par le sentiment d'impuissance, voire de tions et observatoires apparaissent puis "complicité" qu'inspire la mollesse de disparaissent, sans qu'une réelle conti- l'action du gouvernement Sambi face à nuité permette de savoir exactement où une situation dont les répercussions qui se situe le nombre de victimes. 2.000 ? étaient jusque là limitées à la sphère 3.000 ? 5.000 depuis dix ans ? politique, affectent désormais l'ensem- L'Observatoire de l'émigration clandes- ble du corps social. Les institutions sont tine anjouanais (OECA), après avoir bloquées et l'économie s'essouffle, fonctionné quelques années, est au point réduisant en lambeaux les espoirs de mort, faute de militants (notamment à décrispation politique qu'incarnait en Maore) et de moyens. 2006 l'élection d'un président anjoua- Mohamed Bacar, président de fait anjouanais, lors d’un meeting le 11 juin à . Les médias eux aussi sont tombés dans nais à la tête de l'Union. Ce qui a fait le piège de la banalisation. Dans la pres- dire au président de l'Assemblée de se locale, les naufrages sont devenus des l'Union que "chaque jour qui passe les 17 et 18 septembre à Paris, et du anjouanais [M.Sourette, ndlr]". diplomatique "se rapproche des posi- brèves. Au niveau national (français) et rapproche le pays du chaos". Fond monétaire international en octob- Au cours de sa dernière mission du 23 tions de la France de qui elle espère un international, ils n'existent quasiment Dans son discours de clôture de la der- re à Washington. Ces organisations au 27 juillet, Francisco Madeira, soutien à sa candidature au Conseil de pas. La récente effervescence média- nière cession de l'Assemblée de "subordonnent un certain nombre de envoyé spécial de l’UA, a essuyé le sécurité de l'ONU". "Je ne pense pas tique liée au naufrage du 13 août n'aura l'Union, son vice-président Youssouf mesures importantes en faveur des même refus d'obtempérer. Le colonel qu'il y aura un débarquement. Et si été qu'une fièvre passagère et bien cour- Saïd a exhorté le gouvernement à "sor- Comores, dont l'effacement de la dette Bacar pose de nouvelles exigences à celui-ci devait se faire, il aurait un effet te. Un naufrage de ce type en octobre, tir de cette situation du ni, ni - ni force et l'éligibilité à l'initiative PPTE, au l'organisation d'élections sur l'île : elles boomerang sur le régime de l'Union", lorsque les mouvements sociaux paraly- ni négociation -, qui risque de conduire règlement de la crise à Anjouan". Une "devraient se dérouler dans des condi- pense un député de l'Union. La présen- seront la France, fera l'objet d'une brève, le pays vers une guerre civile". Des manière d'inciter à accélérer le proces- tions sécuritaires similaires à celles qui ce à Moroni d'un détachement de l'ar- à tout prendre. craintes qui rejoignent les inquiétudes sus de mise en œuvre d’une éventuelle exprimées par le président de la intervention militaire. LES MÉDIAS S'HABITUENT au pire. Commission de l'Union africaine dans “Si [un débarquement] devait se faire, il aurait Ils ne font en ce sens que suivre les un récent rapport sur la situation aux LE 13 AOÛT, après avoir regretté “que un effet boomerang sur le régime de l’Union.” citoyens. A Ndzuani, la fièvre post-coup Comores. "Aucune avancée significati- les efforts entrepris dans le cadre du UN DÉPUTÉ DE L’UNION d'Etat électoral semble retombée. Petit à ve n'a été enregistrée s'agissant de la règlement de la crise comorienne, défi- petit, avec le temps, on en oublierait réintégration au sein du nouvel ensem- ni par le Comité ministériel des pays de ont prévalu pour les scrutins de mée tanzanienne, la disponibilité presque que Bacar est devenu, en tru- ble comorien de l'île autonome la région lors de ses réunions au Cap et Ngazidja et de Mohéli et conduire à la annoncée par le Soudan de fournir des quant le scrutin du 10 juin et en imposant d'Anjouan, où l'autorité militaire, admi- à Pretoria, [n’aient] pas rencontré l'é- reprise des élections présidentielles troupes et l'acheminement dans la capi- le silence à ses opposants, un dictateur. nistrative et institutionnelle de l'Union cho favorable escompté de la part des insulaires dans les autres îles autono- tale d'une grande quantité d'armes offi- Mais que faire face à un dictateur, au n'est toujours pas établie", écrit Alpha autorités de fait anjouanaises”, le mes", relève le rapport du président ciellement fournies par le Maroc, ne quotidien ? “Il est là, on ne peut l'éviter.” Omar Konaré. Une situation qui "a Conseil de paix et de sécurité (CPS) de Konaré. Dans un commentaire laco- suffisent pas à rassurer les partisans de Son régime ne cesse d'emprisonner des contribué à l'émergence de revendica- l’UA a décidé le prolongement jus- nique, Madeira a jugé ces exigences l'option militaire. "Il y a beaucoup d'hé- personnes pour des motifs tous plus lou- tions séparatistes dans les autres îles qu’au 31 décembre du mandat de la "inacceptables et dilatoires". sitations au sein même du gouverne- foques les uns que les autres, à l'image de autonomes, notamment en Grande- Mission d'assistance et de sécurité ment", indique un ministre. l'ancien ministre de l'Economie de l'île, Comore" poursuit-il. (MAES) arrivée dans l’archipel en mai, LA RÉUNION des experts de l’UA qui Aboubekre Chahassou, enfermé on ne et surtout sa révision et l’accroissement a débuté le 4 septembre à Addis-Abeba, LUNDI 3 SEPTEMBRE à sait trop pourquoi à la mi-août. Pourtant, DANS CE CONTEXTE tendu, les de ses effectifs, rendant le scénario va-t-elle annoncer des mesures de coer- l'Assemblée de l'Union, les députés les citoyens subissent sans réagir. A autorités de l'Union et la communauté d’une attaque plausible, au cas où l'exé- cition contre les autorités de fait de étaient eux aussi partagés sur ce dos- Ngazidja, on évoque des négociations internationale multiplient les rencontres cutif de Ndzuani ne satisferait pas aux Ndzuani ? Le délai d'un mois que s'était sier. "On sait quand on va à la guerre, quand, voici deux mois, l'on demandait exigences de l'Union afri- donné le CPS pour recueillir les avis mais pas quand on revient" a averti une intervention armée. Le pouvoir du caine. Exigences parmi les- des pays de la région lors de sa 87ème Saïd Ali Kemal, favorable à l'envoi quotidien est plus fort que tout. Le poids quelles figure en priorité la réunion, se termine le 13 septembre. En d'une mission parlementaire pour de l'habitude trop puissant. “[Il faut] sortir de cette situation du ni, ni - ni force ni négociation.” tenue d’élections à Ndzuani. attendant, la psychose d'un débarque- négocier avec le pouvoir "rebelle" Or le 20 juillet, le régime ment militaire provoque un véritable anjouanais. Après un débat houleux, DOIT-ON ÉVOQUER toutes les attein- YOUSSOUF SAÏD, VICE-PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE DE L’UNION Bacar avait fait savoir dans exode d'Anjouanais vers Ngazidja, les députés ont finalement adopté une tes aux libertés individuelles à Ndzuani, un courrier à l'UA, que "l'or- Mwali et Maore. "Les gens partent par résolution qui "exhorte le gouverne- aux droits des étrangers à Maore ? Doit- et les déclarations pour trouver une ganisation de nouvelles élections à milliers", dit Mohamed Djaanfari, un ment à prendre toute mesure efficace on consacrer deux pages à chaque nau- issue à cette impasse. Si "le calendrier Anjouan ne peut être le préalable au armateur assurant la liaison maritime pour mettre fin de façon définitive à la frage de kwassa ? Ou doit-on accepter le de la communauté internationale n'est règlement des dysfonctionnement des Mutsmudu/Moroni, tandis qu’à Maore, rébellion à Anjouan". Ils demandent destin, aussi cruel soit-il ? Et s’habituer pas établi sur l'impatience des institutions comoriennes". Non seule- les arrivées de kwassas semblent se aussi l'institution "d'une cellule de en silence... Questions délicates, que Comoriens", comme l'avait souligné ment le président autoproclamé ne flé- multiplier. A Moroni, c'est plutôt le crise" en vue d'impliquer les forces doivent se poser chaque journaliste, l'ambassadeur de France Christian Job, chit pas, mais il renvoie la responsabili- scepticisme qui domine. Une source politiques nationales et la société civi- mais aussi chaque élu, chaque adminis- il y a néanmoins urgence. Dans un té de la crise à l'Union, qu'il accuse de proche du dossier rapporte qu'au siège le à ce dossier, "géré comme une affai- trateur, chaque citoyen. Peut-on tout communiqué du 12 juillet, le gouverne- "violation des lois et textes fondamen- de l'UA, on ne veut pas entendre parler re personnelle par le président accepter ? ment comorien a rappelé à l'Union afri- taux". Il met également en cause "la d'intervention militaire. Une position Sambi", reprochent les élus. RC caine (UA) les importantes réunions de légitimité de la Cour constitutionnelle partagée par l'Afrique du Sud, pays la Banque africaine de développement après la destitution de son président coordonnateur, qui selon une source KAMAL'EDDINE SAINDOU

14 kashkazi 66 septembre 2007 nouvelles du front

Une rentrée contrastée à Maore baromètre Si le mouvement de grève des instituteurs est suspendu, les imperfections sont toujours criantes.

première vue, c'est une rentrée sco- Si pour M. Kamiloudine, le bilan de cette en raison du manque de place, il n'y en a depuis 2002, est également un bol d'air À laire satisfaisante qui s'est déroulée grève est d'un point de vue syndical pas eu cette année. Enfin, M. Cirioni frais pour les établissements de la com- fin août, à Maore. 45.506 enfants ont "positif", il regrette les conséquences s'est, lors d'une conférence de presse, mune. Le vice-recteur a en outre promis repris leurs cartables, soit 3,4% de plus néfastes pour les enfants. "Les discus- félicité de l'ouverture -certes avec l'ouverture dans les années futures d'un que l'année dernière, dans le primaire. sions que l'on tient aujourd'hui avec la quelques jours de retard- de deux établis- lycée à Chirongui (2008), d'un autre à Dans le secondaire, ils sont 24.834, soit préfecture, nous aurions pu les avoir dès sements d'importance primordiale, qui Mamoudzou, et de deux collèges à 8,5% de plus qu'en 2006. On compte 136 le début !" Il déplore également que le devraient permettre de désengorger la Bouéni et Ouangani. Il a également enseignants supplémentaires. vice-recteur, qui semble s'être définitive- zone de Mamoudzou. Le collège de annoncé l'extension de nombreux éta- MOURAD SAÏD IBRAHIM Premier satisfecit pour le vice-rectorat : ment fâché avec les syndicats, ne soit pas Passamaïnty, dont 70% des classes ont blissements. "Tout ceci coûte cher", a-t-il LE NOUVEAU MINISTRE de la Justice de les instituteurs, après quatre mois de associé aux négociations. été livrées (le reste devrait suivre en octo- affirmé. "Pour la période 2000-2005, l'Union, Mourad Saïd Ibrahim, tient le grève lors du premier semestre 2007, ont bre), qui accueille 1.022 élèves, permet- nous avions eu 60 millions d'euros pour haut du pavé au sein du deuxième gou- repris le chemin des écoles. "Nous avons AUTRE MOTIF de réjouissance pour le tra d'alléger les collèges de Doujani et construire quatre collèges. Rien qu'en vernement Sambi. Avocat de formation, décidé de suspendre notre mouvement vice-recteur justement : la rentrée s'est Mgombani en accueillant les adolescents 2006-2007, nous avons dépensé 34 ce quadragénaire semble décidé à redo- car la préfecture a changé d'attitude à déroulée sans accroc majeur. Alors que des villages de Passamaïnty, Vahibe et millions d'euros pour deux collèges." rer le blason d'une justice comorienne en notre égard", explique Djanffar les années précédentes, les fermetures Tsoudzou. L'ouverture de l'école annexe mal de crédibilité. En poste depuis seule- Kamiloudine, leader syndical de la CGT- d'écoles étaient fréquentes, notamment primaire T23 de Mamoudzou, attendue TOUTEFOIS, LE CONSTAT n'est pas Ma. Selon ce dernier, la reprise des négo- aussi positif du côté des syndicats. Selon ment quatre mois, il a réussi à faire ciations date de la visite du ministre fran- D. Kamiloudine, "rien n'a changé, c'est adopter par les députés sa première Les instituteurs ont suspendu leur grève entamée en mars. (archives) çais de l'Outremer, Christian Estrosi, en de pire en pire. On n'a toujours pas de réforme visant à criminaliser le viol et à juillet. "Nous avons tout fait pour le ren- fournitures scolaires [de la responsabilité sanctionner pénalement le harcèlement contrer. Quand nous l'avons vu, il nous a des communes, ndlr]. Toujours pas de sexuel. En dépit des résistances au sein écouté et nous a dit : 'Je pensais qu'il débat sur les programmes scolaires. Et même du gouvernement, il est en train était impossible de dialoguer avec vous.' toujours pas assez de classes." Cette de bousculer la hiérarchie judiciaire au Je ne sais pas ce que la préfecture leur année, la totalité des écoles de tribunal de Moroni. Pariant sur une nou- racontait à Paris, mais depuis, elle a Mamoudzou fonctionnent sur le système velle éthique judiciaire, le ministre de la changé de ton avec nous. On sent que le très critiqué par les enseignants de la Justice s'est envolé pour Paris où il va dialogue est possible." Les revendica- rotation -cours le matin pour des élèves, défendre sa conviction d'une coopéra- tions de l'intersyndicale sont toujours les l'après-midi pour d'autres. L'ouverture de tion judiciaire indispensable au rétablis- mêmes : indexation, DSI, ajustements l'école T23 de Mamoudzou ne fait qu'al- sement de la confiance entre les dans l'intégration, embauche des contrac- léger les établissements voisins, sans tuels employés depuis 2003, table ronde répondre à la demande. Selon les syndi- Comoriens et leur justice. En charge éga- sur l'éducation à Maore… "On reste sur cats, il manquerait entre 350 et 400 clas- lement de la Fonction publique, Mourad nos positions, mais on a décidé de ses sur toute l'île, or seulement 120 Saïd Ibrahim a licencié 112 fonctionnaires repousser l'échéance. Nous n'avons pas devraient être livrées d'ici le premier fantômes, qui continuaient de figurer fixé de calendrier mais nous donnons semestre 2008 -les écoles de Majicavo dans les effectifs de la FOP tout en n'é- jusqu'à la fin de l'année pour obtenir des Lamir et Longoni ont pris du retard. tant pas à leur poste. réponses satisfaisantes. A la date butoir, Aux problèmes de concentration -selon si nous n'avons rien obtenu, nous repren- les enseignants, les cours de l'après-midi drons le mouvement", affirme D. sont délicats pour les enfants- se pose la Kamiloudine, qui avoue que la suspen- question de l'égalité des chances avec les sion du mouvement est également liée à autres Français. Outre que les enfants de l'état de fatigue des grévistes : "Après Maore rentrent plus tard à l'école mater- SAÏD LARIFOU quatre mois de grève, nous sommes tous nelle (4 voire 5 ans au lieu de 3 ans en IL SYMBOLISAIT LA NOUVELLE géné- épuisés, moralement et financièrement France), ils disposent de moins d'heures ration politique comorienne, jeune, [le vice-rectorat a décidé de retirer les de cours (23h30 par semaine contre 27 h). moderne et prête à donner le meilleur salaires des grévistes de manière étalée]". RC d'elle-même pour le pays. Autant d'a- touts qui ont placé Saïd Larifou parmi les favoris Le rocambolesque procès de Fazul de la dernière élection présiden- tielle à Ngazidja L’ancien président mohélien, reconnu coupable de “faux et usage de faux”, a écopé fin juillet de 18 mois où il est arrivé jus- de prison avec sursis et d’une amende de 300.000 francs comoriens. qu'au second tour, devançant de nouveau président mohé- vait dans l'incapacité de rembourser tribunal choisi pour juger un ancien présidence et le Trésorier payeur, vieux barons de la LE lien a la fibre revancharde. la caution des candidats à l'élection, président de l'île et des ex-membres tous condamnés à 18 mois d'empri- politique. Mais la Chef de l'UCP, le parti qui a porté y compris Ali Saïd. Information qui du gouvernement. A nouveau refu- sonnement avec sursis et à verser côte de popularité Mohamed Saïd Fazul à la tête de a abouti à l'interpellation du prési- sé… Pour justifier son rejet, le pré- 300.000 francs comoriens (600 du candidat du l'exécutif de Mwali en 2002, dent sortant Saïd Fazul, de son sident du tribunal rappelle que "le euros) d'amende. Entendus en quali- Ridja est en chute Mohamed Ali Saïd n'avait pas ministre des Finances, du Trésorier tribunal de Moroni a bien jugé et té de témoins, les autres membres du libre notamment depuis ses démêlés apprécié d'être écarté des faveurs du payeur de l'île et de plusieurs de ses condamné Cheik Bacar Kassim gouvernement sortant sont inculpés avec le fisc de la Réunion -siège de son pouvoir et s'était promis de faire collaborateurs. alors qu'il était ministre du gouver- pour "faux et usage de faux". Leur cabinet d'avocat- qui lui réclamait près payer cette infidélité à son ancien nement Elbak". de 200.000 euros. Bien qu'il ne fasse pas allié politique. A-t-il soufflé le mot à MAIS CE QUI DEVAIT ÊTRE le Sur le fond, la l'objet d'une poursuite judiciaire sur ce la justice au lendemain de son élec- plus grand procès de l'histoire judi- défense a démon- Pour les Mohéliens, ce procès ressemble dossier, l'auteur du slogan de campagne tion à la présidence de l'île ? ciaire de Mwali par la personnalité tré dans sa plai- à un “réglement de comptes”. "contre la fraude" paie la lourde facture Toujours est-il que le 25 juillet der- et la quantité des prévenus, aura doirie que leurs de cette mauvaise publicité, qui a écor- nier, le tribunal de Fomboni s'est finalement été escamoté. En effet, clients ne pou- né son image d'intégrité. intéressé à l'ex-chef de l'exécutif Maître Fahmi, l'avocat du principal vaient pas être jugés à titre indivi- procès devait débuter jeudi 6 sep- mohélien accusé d'avoir vidé les prévenu Saïd Fazul, ne pouvant se duel alors qu'ils avaient agi sur ordre tembre -jour de sortie de cette édi- caisses du Trésor de l'île et de n'a- rendre à Mwali le jour du procès, du conseil du gouvernement qui tion. Pour les nombreux Mohéliens voir pas honoré sa caution de candi- avait demandé par écrit son ajourne- avait autorisé le décaissement de qui n'ont pourtant pas renouvelé leur dat à la présidentielle de l'île de juin ment. Demande refusée par le prési- l'argent du Trésor pour les besoins confiance au président Fazul, le pro- dernier. A l'origine de l'information dent du tribunal… Les avocats de la de la gestion publique. Argument cès du 25 juillet ressemble plutôt à judiciaire ouverte par le ministère défense, MM. Fahmi et Mzimba, refusé par le juge du tribunal qui est un "règlement de comptes". public pour "détournement", l'insol- ont alors soulevé des exceptions entré en condamnation contre Fazul, vabilité du Trésor de l'île qui se trou- notamment sur l'incompétence du ainsi que le secrétaire général de la DAAN-OUNI MSOILI

kashkazi 66 septembre 2007 15 nouvelles du front revue de détails Le Galawa vendu “pour des clopinettes” La situation La “vente à l’amiable” du complexe hôtelier du nord à Dubaï World fait grincer des dents.

sanitaire à Maore du tou- re session extraordinaire, "à la demande à l'Assemblée : il a pu rallier la majorité taire, et du gouvernement comorien, qui FLEURON risme du président Sambi" pensent certains. des députés qui ont fini par autoriser le conserve une part symbolique de 5% APRÈS TROIS MOIS d'observation sur comorien jusqu'au début des années 90, le "C'est l'acquéreur lui-même qui a souhai- gouvernement à conclure ce marché. “gracieusement” accordée par Dubaï le terrain à Maore, l'organisation non gou- Galawa Beach est tombé en décrépitude té garantir la transaction par une loi" La convention adoptée par les élus World. Si le promoteur n'a pas dévoilé vernementale Médecins du Monde a éta- depuis le départ de la société sud-africai- révèle un député. approuve donc l'achat par Dubaï World tous les dessous de son projet aux bli un rapport provisoire rédigé à partir ne Sun International qui en avait la géran- du "terrain et [de] la propriété composée Comores, la convention retient le déve- des résultats de son enquête. Durant trois ce. Alors que toutes les tentatives de repri- QUEL QUE SOIT l'auteur du projet de de Galawa Beach hôtel et de l'hôtel loppement de Galawa et Maloudja en un mois, l'ONG a interrogé près de 300 per- se initiées par les gouvernements succes- loi, le gouvernement ne pouvait pas pas- Maloudja" (…) pour 5 millions de dollars hôtel de standard international (probable- sonnes venues d'elles-mêmes pour sifs se sont avérées infructueuses, le nou- ser outre la volée de critiques soulevée (3,7 millions d’euros, 1,8 milliard fc). Le ment un 5 étoiles). Celui-ci "comprendra consulter, dans trois localités : Koungou, veau gouvernement de l'Union, qui s'est par ce projet. Les plus virulentes sont texte précise en outre que la propriété de le développement de villas résidentielles, Kawéni et Boboka (Mamoudzou). engagé dans une politique de tourisme venues des élus de Ngazidja, qui accusent "Galawa et Maloudja" comprend aussi le spa, les restaurants, le beach club, le L'objectif était de recenser les principales haut de gamme, à l'instar du projet de les autorités de l'Union de torpiller leurs les "pas géométriques, notamment le centre de sport nautique, y compris le difficultés liées à l'accès aux soins, ainsi village touristique dans le nord de champs de compétences et de "brader un bord de la mer joignant cette propriété". boat club, le centre de plongée, le marina que de peindre un tableau de la situation Ngazidja porté par "Comores-Golf", un patrimoine national". Le vice-président a Le site sera géré par une société compo- et les villas de l'eau". Le tout pour un coût consortium de capitaux arabes sous la cependant réussi à éteindre ces feux face sée de Dubaï World, actionnaire majori- de 50 millions de dollars. sanitaire et sociale de l'île. houlette de l'Emir du Koweit, vient de Selon le délégué régional de Médecins du trouver un acquéreur. "Dubaï World limi- LES AMBITIONS affichées par le pro- Monde dans la zone océan Indien, Gilbert ted", une multinationale basée aux Le salon commun du Galawa. Vide depuis plusieurs années. (archives) moteur arabe sur les Comores, avaient Potier, "beaucoup de personnes sont per- Emirats Arabes Unis, a acquis le précieux suscité les inquiétudes des députés qui se dues dans le système de santé mis en site pour une poignée de dollars. "Nous sont opposés à la préférence donnée à place depuis deux ans. Il y a certes une étions prêts à le céder pour un franc sym- Dubai World pour l'achat d'autres sites majorité de personnes en situation irré- bolique" confie le vice-président de touristiques du pays tel que formulé dans gulière, mais nous avons également reçu l’Union, Idi Nadhoim, au cœur de la la convention originale soumise à des Mahorais qui ne connaissaient pas transaction. l'Assemblée. Malgré les réticences expri- leurs droits ou n'arrivaient pas à se faire Expliquant son choix, celui qui est en mées par certains élus qui craignaient un affilier à la Sécurité sociale." Parmi les charge du tourisme estime que le temps monopole du tourisme comorien par un personnes venues consulter, 95% étaient est venu de "mettre fin aux visions seul promoteur et une vision unique du en situation irrégulière. Pour ces der- archaïques qui ont abouti aux choix développement touristique, l'accord enté- niers, la moyenne de la durée de séjour hasardeux que nous avons connu dans le riné par les députés n'exclue pas totale- dans l'île s'établit à 8,7 ans ; la dernière traitement de ce dossier” et de “suivre ment cette option. Il laisse la porte ouver- reconduite remonte en moyenne à 3,5 l'exemple de nos voisins mauriciens et te pour continuer les "discussions concer- ans. "Cela démontre que ce ne sont pas seychellois qui ont su prendre des mesu- nant d'autres perspectives d'investisse- res courageuses et faire décoller le touris- ment". Dubaï World s'intéresserait les nouveaux arrivants qui viennent me dans leur pays". notamment "au développement de l'aéro- consulter", a affirmé Gilbert Potier. Cette Idi Nadhoim a été cependant contraint port des Comores et à la création d'une statistique remet en cause l'argument d'aller défendre sa stratégie devant les compagnie aérienne ". avancé par les autorités lors de l'arrivée députés de l'Union, au cours de la derniè- KES de MDM à Mayotte, qui avançaient qu'u- ne telle présence représenterait un appel d'air pour les candidats à l'émigration dans les îles voisines. Autres données saisissantes de cette Vrais et faux enseignants suspendus étude : 2/3 des mariages mixtes (Français/étranger) ne sont pas reconnus par le droit français, ce qui a pour consé- 225 enseignants du primaire sont dans la rue depuis la notification de leur suspension de la fonction quence que "beaucoup d'enfants [issus de publique, tombée le 20 août. Dans le lot, on retrouve des vrais fonctionnaires et quelques “fantômes”. ces mariages] ne font pas valoir leurs droits". D'autre part, trois femmes sur mois après ces administratifs de l'île. Pour l'instant, tés à différents postes. Après 8 mois sans mars 2007, affichent 142 admis. Mais à la cinq venues consulter vivaient seules, leur prise de seuls les enseignants ont réagi et dénon- salaire, "ils se voient répondre par le surprise générale, les décisions de recrute- avec en moyenne deux enfants à charge. QUATRE pouvoir, les nouvelles autorités de cent une mesure "injuste et de ségréga- ministre des Finances [de l'île] qu'ils ne ment publiées par la FOP le 6 juin 2007, Pour 66% d'entre elles, la survie financiè- Ngazidja frappent fort en s'attaquant au tion" selon Ali Ahamada Oula, un des peuvent pas être payés faute de dossiers portent sur 252 enseignants. "Il y a eu vio- re passait par la solidarité ; seules 30% sensible dossier des effectifs de la fonc- meneurs de cette commission. Omar de recrutement valables" explique lation des textes mais seulement pour les travaillent mais de manière non déclarée. tion publique insulaire. Le 20 août, le Bacar Idjabou, conseiller du tout nouveau Maoulida Mhadjiri. 110 recrues supplémentaires qui n'ont pas Selon l'enquête, le principal obstacle à ministère de la Fonction publique de l'île Syndicat des enseignants primaires de passé l'examen" précise M. Mhadjiri. l'accès aux soins est financier (76%). Le prononce la "suspension jusqu'à nouvel Ngazidja fondé le 23 août, rejette catégo- SOUS LA PRESSION, le gouvernement En ne prononçant pas un licenciement, déplacement vers le dispensaire (peur des ordre de 225 enseignants du primaire". riquement l'accusation de "recrutements Elbak qui avait ordonné le recrutement de mais une suspension, le gouvernement gendarmes) est également une raison qui Motif avancé, ces enseignants auraient électoralistes". Selon lui, sur les 252 ces 114 enseignants au cours d'un conseil voulait-il s'aménager un espace pour rec- fait que les malades ne vont pas se faire fait l'objet "d'un recrutement politique", agents, “140 ont passé le concours de des ministres du 18 octobre 2006, met en tifier le tir ? "Nous allons procéder à une soigner assez tôt (30%). Le mauvais en violation donc avec les statuts de la recrutement à la FOP, 38 ont satisfait au place une commission de travail chargée confrontation des dossiers pour faire le accueil au niveau des établissements de Fonction publique. Attribués au précédent contrôle de culture générale et obtenu de trouver une solution à ce dossier. Les tri" indique le nouveau ministre de santé ne représente que 4% des raisons gouvernement du président Elbak, ces leur certificat d'aptitude à l'enseignement, investigations ont identifié 166 postes l'Education. Pour Chabane Mohamed, invoquées. "Les gens attendent d'être recrutements se seraient déroulés durant et 78 provenant de l'Institut de formation budgétaires non pourvus, 32 postes attri- secrétaire régional du Syndicat national vraiment malades pour aller se faire soi- la campagne électorale de la dernière pré- des enseignants du secondaire sont des bués à des agents fictifs et 24 comptabili- des professeurs comoriens (SNPC), "il est gner", note Gilbert Potier. sidentielle de l'île. professeurs des écoles". Une explication sés dans l'Education alors que leurs titulai- temps de faire le tri et mettre de l'ordre Enfin, toujours selon l’enquête de MDM, Dans une récente conférence de presse à contestée par une partie des enseignants res relèvent d'autres services. Soit un total dans cette fonction publique". Le SNPC Moroni, une Commission des enseignants suspendus, qui affirment que 114 ensei- de 222 postes. La commission décide avait dénoncé dès le mois de juin "les le revenu moyen des personnes interro- et administrateurs qui s’oppose à cette gnants ont répondu à un appel d'offre de alors d'organiser un concours de recrute- recrutements fantaisistes" qu’opérait le gées serait de 103,50 euros par mois. décision, révèle un total de "658 fonction- l'Education nationale de janvier 2006 et ment ouvert à tous les candidats. Les gouvernement de l'époque. RC naires licenciés" sur l'ensemble des servi- ont été recrutés le mois suivant puis affec- résultats de cet examen proclamés le 19 KES

16 kashkazi 66 septembre 2007 nouvelles de la région Ravalomanana dissout l’Assemblée tête d’affiche Le président malgache espère obtenir une majorité confortable... et renforcer ses prérogatives. Pety Rakotoniaina

Ravalomanana aime autonomes à 22 régions lui permet désor- FIN DE CAVALE pour Pety MARC les élections. Après le mais de mieux contrôler les politiques loca- Rakotoniaina. L'ancien maire de référendum du 4 avril dernier qui avait vu les. D'autre part, depuis ce changement Fianarantsoa aura joué à cache-cache 75% des votants approuver sa réforme constitutionnel, le pouvoir des députés s'est durant sept mois avec les autorités, avant constitutionnelle 1, le président malgache a amoindri. Désormais, les parlementaires de se faire prendre le 20 juillet. Pety dissout l'Assemblée nationale le 26 juillet, n'ont plus le monopole de l'adoption d'une Rakotoniaina a été surpris par les élé- comme le lui permet la Constitution. Alors loi ; le Président peut en effet faire passer un ments des forces de l'ordre à que les 160 députés qui avaient été élus en texte par voie d'ordonnance en cas d'"urgen- Ambanimaso, un village périphérique de 2002 sont rentrés dans leur circonscription, ce" ou de "catastrophe", selon la loi la commune urbaine de Fianarantsoa, sur des élections législatives anticipées Fondamentale toilettée. la route menant vers Toliara, au sud de devraient se tenir le 23 septembre prochain. Madagascar. Si les circonstances de l'ar- Ravalomanana a expliqué que cette dissolu- AUTRE MOTIF d'inquiétude : depuis le tion était liée à la réforme constitutionnelle, vote du 4 avril, le président aurait dû appe- restation sont confuses, le général Claude évoquant l'adaptation nécessaire des institu- ler aux urnes les grands électeurs pour Ramananarivo, commandant de la gen- tions à la Loi fondamentale révisée. Autre renouveler le Sénat, mais il ne l'a pas fait. darmerie, a indiqué que "Pety argument avancé : la recherche d'une nou- "Notre mandat a été prolongé. On attend Rakotoniaina a encore eu l'intention de velle "représentativité territoriale", selon les élections depuis six mois mais on n'a fuir, mais un tir de sommation a eu raison ses termes. Il espère ainsi trouver une nou- rien vu venir. Avec les législatives antici- de sa détermination de s'en tirer". Selon velle majorité à l'Assemblée nationale, afin pées, on va encore attendre. Pendant ce ses proches toutefois, "il s'est rendu car il de disposer de parlementaires capables de Marc Ravalomanana. (AFP) temps, Ravalomanana profite du flou pour ne supporte plus ce qu'endure sa famille." l'appuyer dans la conquête des autres postes légiférer tout seul", se désolait en juillet un L'homme était devenu l'ennemi numéro électifs. En effet, plusieurs élections sénateur du nord-ouest. Pour Mara Nyarisi, un du régime depuis sa fuite en début devraient avoir lieu dans les mois à venir : Madagascar (PSDUM). La chance de Ravalomanana de l'emporter président du Groupe parlementaire pour le d'année. Lorsque Marc Ravalomanana sénatoriales, régionales et communales. L'opposition est d'autant plus confiante que, réside dans l'effet de surprise. Entre la date rassemblement, "la dissolution de avait expliqué les raisons de la nomina- Une victoire à chacun de ces scrutins lui comme l'explique l'ancien député Auguste de l'annonce de la décision et celle de la l'Assemblée remet en cause l'existence du tion du général Charles Rabemananjara permettrait de prouver la stabilité du régi- Ramaromisy, "la physionomie du scrutin tenue des nouvelles élections, les candidats Sénat. Que fera celui-ci pendant la vacance au poste de Premier ministre, il avait me, mais aussi, affirment ses opposants, change dans la mesure où la bataille va se n'auront disposé que de d’ailleurs cité la capture de Pety d'amplifier un peu plus encore sa mainmise dérouler au niveau local". Contrairement deux mois pour se prépa- “La dissolution de l’Assemblée nationale Rakotoniaina comme étant une priorité. sur le pays. aux législatives anticipées de 2002, rer. "En procédant à la dis- Les moyens mis en œuvre pour le retro- Ravalomanana doit adapter sa stratégie à un solution de l'Assemblée remet en cause l’existence du Sénat.” uver le confirment : sa recherche consti- CEPENDANT, l'opposition ne voit pas nouveau contexte. A l'époque, le chef de nationale, le président MARA NYARISI, PARLEMENTAIRE d'un mauvais œil cette dissolution. Elle y l'Etat avait bénéficié de l'élan populaire de coupe le peu de moyens tue l'une des plus grosses opérations trouve même son compte, espérant par là la crise post-électorale de 2001 et de l'ab- des parlementaires qui souhaitent encore de la Chambre des députés ? C'est elle qui jamais montées par les autorités, affirme prendre sa revanche sur le pouvoir, après les sence d'adversaires sur le terrain - l'Avant- rempiler", remarque le député Auguste décide en cas de litige entre les deux L'Express de Madagascar. Le gouverne- échecs des scrutins présidentiel en décemb- garde pour la rénovation malgache (Arema) Ramaromisy. Chambres. Le Sénat n'a pas sa raison d'êt- ment a notamment recouru au système de re 2006 2 et référendaire en avril. Après une avait boycotté le scrutin - pour obtenir une Mais au-delà de ces considérations électo- re si l'Assemblée n'existe pas, alors que prime, fixée à Ar.100 millions (40.000 expérience balbutiante lors du référendum, majorité confortable à l'Assemblée. Cette rales, certains voient dans cette décision une celle-ci peut exister sans le Sénat. Le prési- euros, 20 millions fc), pour obtenir des la plate-forme du "Non" espère rectifier le fois-ci, non seulement le président fera face mesure supplémentaire pour permettre au dent va profiter de la situation pour légifé- informations pouvant mener à son arresta- tir afin d'optimiser ses chances de victoire. à une opposition sur les dents, mais il devra président de diriger de main de maître le rer par voie d'ordonnance." tion. Prêts à tout pour le retrouver, les élé- "L'objectif est maintenant d'arriver à empê- en outre composer avec les dissidents de pays. Peu adepte des critiques, ments des forces de l'ordre n'ont pas hési- RC (avec L'Express de Madagascar) cher le parti présidentiel d'obtenir la majo- son propre parti, Tiako i Madagasikara Ravalomanana avait réussi avec le référen- té à fouiller des domaines religieux pour rité", soutient l'ancien député Julien (Tim). Mi-juillet en effet, des membres du dum le tour de force de faire passer la cen- atteindre leur but. Des initiatives qui ont Reboza, secrétaire général du Parti socialis- bureau du Tim ont lancé un courant rénova- tralisation du pouvoir pour une décentrali- 1 Lire Kashkazi n°65, juillet 2007 jeté un froid entre le gouvernement et 2 te et démocratique pour l'union à teur qui pourrait ne pas le soutenir. sation. En fait, le passage de six provinces Lire Kashkazi n°58, décembre 2006 l'Eglise catholique. APRÈS SA CAPTURE lourdement médiatisée, Pety Rakotoniaina, dont la fuite a été le feuilleton à épisode le plus Maurice:contre la “privatisation” de la mer populaire du pays, a été amené à Antananarivo. L'homme devra désormais s'expliquer devant la Justice sur les actes Le projet de privatisation du lagon destiné à développer le secteur aquacole inquiète de nombreux Mauriciens. qu'il a commis depuis 2002. Il devra notamment répondre aux accusations de opérat- on leur interdit l'accès à la mer", s'inquiè- l'île. Ils estiment que l'aquaculture aura un étude du bureau français IDEE a montré vol de voiture et faux et usage de faux PÊCHEURS, eurs tou- te Judex Ramphul, animateur du Syndicat impact négatif sur l'environnement en rai- aux autorités mauriciennes le grand poten- lorsqu'il était président de la délégation ristiques, société civile et écologistes mau- des pêcheurs. "Si cette démarche aboutit, son des granulés et produits chimiques qui tiel aquacole du pays, avec une production spéciale de Fianarantsoa. Il devra en outre riciens sont tous mobilisés contre le projet la mer, le lagon et l'océan autour de notre seront utilisés pour nourrir les poissons annuelle d'environ 30.000 tonnes à court répondre aux actes qu'il aurait commis de privatisation de la mer et du lagon, qui île, qui appartiennent au public, seront élevés en cage. terme et de 40.000 tonnes à moyen et long avant la tenue des élections présidentielles permettrait à des industriels de lancer des confiés à des investisseurs, étrangers pour termes. Vingt sites d'aquaculture ont déjà du 3 décembre 2006. Les autorités le activités aquacoles en vue d'exporter du la plupart, pour leur usage exclusif", ajou- À CEUX QUI AFFIRMENT que la mer été identifiés. Une dizaine d'investisseurs, soupçonnent en effet d'être impliqué dans poisson. Regroupés dans une plateforme te Jack Bizlall, un des animateurs de serait vendue aux étrangers, les autorités étrangers pour la plupart, sont prêts à se appelée Kalipso, ils protestent contre le Kalipso. répondent qu'elle sera seulement louée aux lancer dans un projet qui pourrait permett- une opération d'entrave au bon déroule- projet du gouvernement, qui souhaite Pour Roody Muneaan du groupe investisseurs. "La moindre des choses est re de créer environ 5.000 emplois et de ment du scrutin, assortie d'outrage aux accorder des concessions maritimes à des Rezistans ek Alternativ, ce projet risque de protéger leurs investissements en empê- rapporter entre 25 à 30 millions d'euros forces de l'ordre. Enfin, un haut responsa- privés pour développer l'aquaculture afin aussi d'encourager des hôteliers à réclamer chant les gens de s'en approcher. Mais, il (12,5 à 15 milliards fc) au pays "sur une ble de la gendarmerie n'exclut pas une de compenser la baisse de ses revenus, liée un bail exclusif sur la plage et la mer se n'est pas question de leur [les pêcheurs, superficie de moins d'un pour cent du possible implication dans le coup de force notamment à la fin des quotas sucriers en trouvant devant leurs établissements. Les ndlr] interdire d'aller en mer", lance Cader lagon qui fait 280 km²". du général Andrianafidisoa, les 17 et 18 2006. "Le gagne-pain des 5.000 pêcheurs écologistes, eux, craignent que la pollution Sayed Hossen, animateur du Comité d'État novembre 2006, qui avait tenté de renver- mauriciens et rodriguais sera menacé si ne ronge le lagon et la mer qui entourent sur la démocratisation de l'économie. Une NASSEEM ACKBARALLY (Syfia) ser Ravalomanana avant les élections.

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“Des gens de brousse montent en ville pour éviter le chômage. Il y a même des gens de Tana qui viennent ici.”

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Depuis 2005, c'est la ruée sur les pousse-pousse dans la ville du nord-ouest malgache. Paysans au chômage, fonctionnaires en mal d'argent rapide, artisans, citadins sans le sou : après la fermeture des grandes usines et la crise économique, tout le monde y trouve son compte. pousse-pousse à Mahajanga le business du pauvre

un travail." La phrase bord été testés à Antsirabe, au sud ancêtres : à chaque fois qu'ils ont une difficul- jusqu'au matin le client recroquevillés dans “C'EST revient comme un refrain d'Antananarivo, puis se sont répandus à té, ils vont à Mahajanga faire le pousse", leur carriole, emmitouflés dans un tissu. "Je dans la bouche des tireurs de pousse-pousse de Toliara, au sud-ouest de l'île, et Toamasina, sur confie-t-il. "Quand mes parents sont morts, me repose seulement si je suis malade", assu- Mahajanga. Une évidence qu'il leur paraît bon la côte est. Mahajanga a été la quatrième ville c'est devenu trop difficile de payer les funé- re-t-il. "Mes enfants et ma femme ne me voient de répéter pour couper court aux comparaisons à les utiliser. "Dans les années 1970, ils étaient railles et les cérémonies de la famille comme pas beaucoup mais ils sont contents que je leur désobligeantes : "Auparavant, une personne une vingtaine", affirme-t-on à la mairie. la circoncision." Le cas d'Angenus n'est pas apporte de l'argent." Comme Angenus, il pré- qui porte une autre personne était considérée Quinze ans plus tard, ils étaient des dizaines à isolé : "La plupart des pousse-pousse qui se fèrerait devenir gardien, un métier moins comme un esclave", remarque Christophe se passer le mot : tirer les pousse-pousse à déplacent ici, c'est pour payer des dettes", éprouvant et aux revenus plus réguliers. Andriamarola, président du Syndicat des pous- Mahajanga était devenu un débouché commo- constate Jean-Louis Rabe. "S'ils ont de l'ar- D'autant qu'il n'est plus tout jeune : bien que se-pousse de la ville. "En vérité, c'est un bou- de pour les fils de paysans qui souhaitaient ten- gent, ils vont le dépenser dans leur région." très physique, le métier de tireur est exercé par lot pour vivre, c'est tout. Les gens de ter l'aventure à la ville, et se rassemblaient Leur statut reste cependant précaire. "Ce n'est des adolescents comme par des hommes d'âge Mahajanga évoluent, il y en a pas mal qui ont entre jeunes célibataires. "Vers 86-87, ils pas un travail sûr", regrette le tireur. "C'est mûr, au-delà de la cinquantaine. "Selon la ça en tête maintenant." Voici quelques années avaient loué une grande maison où ils pour ça que je n'amène pas ma femme et mes réglementation, il faut au minimum avoir 18 que l'affluence des pousse-pousse a changé le logeaient tous ensemble", rapporte Christophe enfants : si je tombe malade, comment pour- ans. Mais le peuple refuse", commente Jean- visage de la principale ville portuaire du nord- Andriamarola. Le rythme des migrations s'est ront-ils manger ? Si je trouve un poste de gar- Louis Rabe. "Il y a des garçons de 14-15 ans ouest malgache, d'où s'enfuit au XIXème siècle cependant précipité récemment, à la suite de la dien, je les ferai venir. Et si je rentre chez moi, qui travaillent." Chaussés de sandales en plas- le roi sakalave Andriantsoli, qui vendra Maore fermeture des plantations et des grandes usines je voudrais acheter un terrain pour cultiver." tique ou les pieds nus épaissis par les longues à la France, et où s'est établie une forte com- sucrières 1. "C'est à partir de 2005 que le nom- En attendant, le jeune père de famille partage courses, le dos fatigué à force de se courber munauté comorienne. bre de pousse-pousse a augmenté", note un logement avec d'autres tireurs célibataires : sous l'effort, les jeunes comme les vieux n'ont Sur l'asphalte lisse, les cahots des chemins ou Rakotozara Daniel, responsable financier aux "On s'est regroupés à 10, 15 pour vivre. Si je que les os, les muscles et la peau. la poussière des ruelles, impossible de man- services municipaux. "Des gens de brousse suis malade, je paie le médecin et mes amis me quer ces hommes qui conduisent au petit trot, montent en ville pour éviter le chômage. Il y a nourrissent." A ENTENDRE Christophe Andriamarola, ils tirant par ses brancards leur carriole à deux même des gens de Tana qui viennent ici." Avec Votovelo, lui, a fait venir sa famille. Il fait par- ne sont pourtant pas à plaindre. "Les tireurs roues où se prélassent un, deux, et parfois trois son port, ses entreprises et ses vacanciers, tie de ceux que l'on peut voir accrocher une n'ont qu'à faire le calcul : ils peuvent citadins. Les pousse-pousse transportent tout et Mahajanga, ville balnéaire et relativement pro- lampe à pétrole sur leur pousse-pousse pour gagner jusqu'à 150.000 ariary par tout le monde : des marchandises, les "starlet- spère, draine en effet des hommes venus de éclairer leurs courses nocturnes, et attendre mois [60 euros, 30.000 fc, ndlr], c'est ... tes" qui pianotent sur leur téléphone portable, tout le pays en quête d'un emploi. les mamans avec leur bébé, les employés de bureau… Tous ceux qui peuvent payer la MAIS L'IMMENSE MAJORITÉ des tireurs modeste somme de 200 ariary (0,08 euro, 40 est issue du sud-est de l'île et appartient à deux fc) pour économiser leurs jambes et gagner du groupes de population parmi les plus déshéri- temps, mais n'ont pas les moyens de prendre le tés de Madagascar : les Betsirebaka et les (EXTRAIT) taxi, qui coûte environ dix fois plus cher. Alors Antandroy. Dépouillés de leurs terres par l'im- “un dur combat” que l'inflation a réduit le pouvoir d'achat des plantation des sociétés coloniales, peu considé- Malgaches et que les rares taxis individuels rés, confinés aux métiers les plus ingrats, les “Les premiers pousse-pousse s'animent dès le lever du jour. Tout doucement au début, à la cadence restent vides, les pousse-pousse assurent avec premiers furent à l'origine du massacre des mesurée de la foulée humaine, le jarret-moteur des Antandroy entraîne les roues (…) La chaleur commence à les bus collectifs l'essentiel du trafic urbain. Comoriens de Mahajanga, en décembre descendre sur la ville et le tireur échauffe ses muscles. Jusqu'à la fin de la journée, il aura parcouru en moyenne 2 "Ils charrient du riz, du ciment… S'ils n'étaient 1976 . Quant aux Antandroy (les hommes de douze kilomètres (…) Le gain qu'il a fait par jour est mis de côté dans une petite caisse en fer. Pas question de pas là, les gens de Mahajanga n'arriveraient la terre aux épines), voilà des décennies qu'ils toucher à cette fortune de guerre quelles que soient les difficultés auxquelles cet homme, souvent polygame, est pas à vivre", assure Jean-Louis Rabe, proprié- ont pris l'habitude de quitter leur terre semi taire de plusieurs pousse-pousse et membre du désertique, où ils ne retournent qu'une fois confronté (…) La durée de vie d'un pousse-pousse est de cinq ans. Les propriétaires loueurs prévoient donc leur bureau du syndicat. amassée une fortune suffisante pour acheter amortissement sur cette période. Quant au “moteur humain”, il est beaucoup plus difficile d'évaluer l'endurance. quelques zébus 3. Tirer un pousse-pousse exige un grand effort physique. Parfois chaussés de sandales en peau de zébus ressemelées LES "TIREURS", comme les appelle la muni- Beaucoup sont poussés à la migration par les d'un bout de pneu usagé, parfois pieds nus, ces tireurs ont le sourire rare et le souffle puissant pendant leur travail. cipalité, n'ont pas toujours été aussi nombreux. dépenses que leur imposent les impératifs Un métier dur certes mais aussi un dur combat que l'homme du Sud doit coûte que coûte gagner. Les premiers d'entre eux ont débuté dans les sociaux. C'est le cas d'Angenus, qui a quitté il Que le mollet se fasse douloureux ou que la tête vacille sous le soleil de midi, le jeune Antandroy verra sa peine se années 1960 à l'initiative des Indiens, qui y a un peu plus d'un an Vangaindrano, situé à transformer en richesse future sous la forme d'un troupeau de zébus, la vraie et seule richesse donc la fierté au avaient importé d'Asie ce mode de transport. 900 km environ de Mahajanga, sur la côte sud- pays des épineux (…) L'homme du Sud rejette les questions existentielles quand il s'agit d'argent et retourne "Leurs pousse étaient plus grands et n'avaient est de l'île. Il y faisait pousser du café, du savamment l'interrogation de l'étranger parfois complexé à l'idée de se faire tirer par un autre homme.” pas de chambre à air, comme des charrettes", manioc, des patates et des radis -"tout juste de précise Christophe Andriamarola. Ils ont d'a- quoi manger". "C'est une habitude de mes AMAD MDAHOMA, AL-WATWAN N°59 DU 15 SEPTEMBRE 1988

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... bien plus que le salaire minimum qui Au sein du petit peuple des pousse-pousse, il L'achat d'un pousse-pousse construit selon attelée à réglementer la circulation de ces voi- est à 63.000 ariary [25 euros, 12.500 existe quelques belles histoires, certes rarissi- des normes bien précises, revient à 400.000 tures à jambes. "On essaie d'éviter les bous- fc, ndlr]. C'est un travail pénible, oui, mes, mais qui font penser que l'ascension ariary (160 euros, 80.000 fc). Un investisse- culades", explique Rakotozara Daniel. mais pas forcément plus qu'être ouvrier dans sociale n'est pas impossible. Celle de ment hors de portée de ces anciens paysans "Comme beaucoup de tireurs ne connais- l'agriculture. Celui qui travaille de 6 à 18 heu- Christophe Andriamarola débute comme le privés de terre à cultiver, mais auquel consen- saient pas le Code de la route, on leur a res arrive à gagner sa vie." parcours de tant d'autres migrants. Lui aussi tent un nombre croissant de citoyens de donné une petite formation avec la Police vient de Vangaindrano. "Mon père et mon Mahajanga, trop heureux de trouver là un nationale. Le problème est qu'ils n'ont pas MAIS LES DIRIGEANTS du syndicat ont grand-père travaillaient dans la société moyen d'arrondir leurs fins de mois, à l'instar d'assurance, il faut donc qu'ils soient bien beau dire, la plupart des tireurs sont encore loin sucrière. En 1983, quand mes parents sont de rouler sur l'or et calculent leurs gains au jour décédés, je suis devenu tireur. J'avais trente le jour. Assis dans leur carriole respective face ans." De nombreux cousins ont suivi son “Des tas de gens en ont deux ou trois. Même les policiers et les au principal marché de la ville, Votovelo et exemple. "Le Sud est venu ici ! Beaucoup de gendarmes. L'avantage, c'est que c'est de l'argent rapide.” Mena se plaignent du manque de clients. gens de ma famille m'ont rejoint. C'est pour- JEAN-LOUIS RABE Autour, une vingtaine d'hommes tentent quoi j'ai fabriqué beaucoup de pousse-pousse. comme eux d'appâter les passants. Au départ, c'était pour eux." Pour eux, mais "Quelquefois ça marche bien, quelquefois on aussi pour changer de statut : "J'étais tireur des fonctionnaires comoriens qui confient formés." La commune a aussi encouragé la gagne pas un sou", lance Votovelo. Le tireur mais j'ai fait tout ce qui était possible pour leur voiture à un taximan. "De plus en plus de remise sur pieds du syndicat. Dirigé par des s'endette alors auprès du propriétaire, à qui il construire, pour améliorer ma vie. A partir de fonctionnaires entrent dans le pousse-pous- propriétaires de pousse-pousse, celui-ci n'a doit chaque jour ramener le véhicule et régler 1987, je suis devenu fabricant." Fort de qua- se", constate Jean-Louis Rabe. "Un commis- jamais été porteur de revendications sur les 1 Les Comoriens ont été parmi les premiers la location. "On doit payer 5.000 fmg [1.000 rante-cinq pousse-pousse, il vit aujourd'hui saire, un docteur, des instituteurs… Des tas conditions de travail. Il se consacre plutôt au licenciés. Lire à ce ariary, 0,40 euro, 200fc] au propriétaire. Le riz confortablement de leur location qui lui rap- de gens de Mahajanga en ont deux ou trois. recensement et à l'immatriculation des véhi- sujet Kashkazi n°9 du est à 3.000 fmg le gobelet, le charbon à 20 ou porte 45.000 ariary (18 euros, 9.000 fc) par Même les policiers et les gendarmes. cules : chaque pousse-pousse porte désormais 29 septembre 2005, disponible sur 25 fmg… Par exemple, depuis le matin, j'ai jour si toutes les carrioles sont empruntées. L'avantage, c'est que c'est de l'argent rapide : le numéro de son propriétaire, son propre www.kashkazi.com trouvé deux courses. Mais j'ai bu un café : mon "Je m'en suis sorti dans ma vie, mes enfants chaque jour, on se fait payer la location." matricule, et une vignette obtenue en échange 2 Plusieurs centaines argent est fini !" vont à l'école… Maintenant, je cherche de du règlement d'une patente. de Comoriens avaient Les affaires sont cependant meilleures à l'argent pour repartir dans ma région", LA RUÉE SUR LES POUSSE-POUSSE et La modeste poule aux œufs d'or va-t-elle se été massacrés. Lire 4 Kashkazi n°58 de Mahajanga qu'à Toliara , souligne Mena, avoue-t-il avant de conclure : "J'aime beau- l'afflux de tireurs ont été tels que le marché est tarir avec la réglementation ? Il reste encore décembre 2006. tireur depuis quinze ans, qui a quitté sa ville coup le pousse-pousse !" en passe d'être saturé. 2.250 pousse-pousse cir- 700 véhicules à fabriquer pour les construc- 3 Amad Mdahoma, d'origine où il avait débuté. "Ici, il y a plus de culent à Mahajanga, contre 280 taxis-ville. teurs, 700 "places" à saisir pour les chômeurs Aperçu sur les gens et plus d'argent." Il arrive même quelques CE GENRE de satisfaction ne concerne "On va limiter à 3.000", avertit Rakotozara de la brousse, 700 "placements" à faire pour les Antandroy, Al-watwan n°59, 15/09/1988 aubaines : "Quelquefois, on est porteurs dans cependant qu'une petite minorité de tireurs : Daniel. A chaque coin de rue, des tireurs dés- fonctionnaires aux revenus trop étriqués. 4 Ville située sur la les mariages, à 10 ou 15 pousse. Chacun reçoit 95% d'entre eux louent leur véhicule à une oeuvrés guettent le client. côte sud-ouest de l'île 10.000 ariary [4 euros, 2.000 fc, ndlr]." tierce personne, indique la municipalité. Pour limiter la casse, la municipalité s'est LISA GIACHINO

à chaque ville son pousse

Au détour d'une rue de l'Abattoir, le quartier des Comoriens de Mahajanga, la cour familiale de Manzovala est devenue un refuge pour les pousse-pousse aux roues déboîtées, aux capotes arrachées ou aux banquettes défraîchies. Lieux de fabrication ou simplement de répara- tion, on trouve des ateliers comme le sien dans toute la ville de Mahajanga : l'engouement pour les pousse-pousse fait aussi le bonheur des artisans. Ce matin-là, Manzovala est absorbé dans une opération délicate : "Je transforme un pousse d'Antsirabe en pousse de Mahajanga." Explication : "Ceux d'Antsirabe ne sont pas rentables ici car ils ne peuvent pas se plier pour porter des bagages." Chaque ville possède en effet ses propres canons de fabrication. Antsirabe, ville moyenne située au sud d'Antananarivo, produit des voiturettes de mêmes dimensions que celles de Mahajanga, mais “En 1983, munies d'une petite rambarde de bois plutôt que d'une capote pliable. "A Toliara, ils ont des cor- quand mes des, des roues sans pneu, et peuvent porter trois personnes au lieu de deux", poursuit Manzovala. parents sont "Les routes sont très bonnes là-bas", ce qui évite d'investir dans les pneus qui amortissent les cahots décédés, je suis de la route, mais alourdissent le coût de fabrication des véhicules. A Mahajanga, les pousse-pousse se ressemblent tous : caisse de bois peinte en rouge et bleu, capote verte, banque en skaï rouge. devenu tireur. Les dimensions correspondent à des normes établies. "On a appris à construire comme ça", précise J'avais Christophe Andriamarola, président du syndicat des pousse-pousse de la ville. trente ans.” 20 kashkazi 66 septembre 2007 www.kashkazi.com les vents n’ont pas de frontière, l’information non plus Bientôt du nouveau sur kashkazi.com La rédaction de kashkazi vous proposera très bientôt sur son site gratuit plusieurs nouveautés un fil actualité en cas d’événement majeur, des articles seront publiés en ligne et consultables gratuitement chaque semaine, une revue de presse de la région sera proposée des blogs thématiques chaque journaliste vous proposera de suivre au fil des jours sa vision très personnelle de l’actualité régionale les archives complètes il vous sera possible d’acheter tous les numéros de kashkazi depuis ses débuts (aout 2005) en version PDF des documents inédits kashkazi.com deviendra un complément de la version papier, avec la mise en ligne de documents liés aux articles du mensuel kashkazi Participez à l’indépendance de votre journal ABONNEZ-VOUS LES TARIFS (pour 1 an, 12 numéros) Mwali, Ndzuani, Ngazidja / particuliers : 8.000 fc / administrations, entreprises : 12.000 fc Maore / particuliers : 40 euros / administrations, entreprises : 60 euros

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kashkazi 66 septembre 2007 21 décryptage foncier Mtsagnugni, histoire d'un village Le 26 juillet dernier, la préfecture ordonnait la démolition de huit maisons situées sur le site de Mtsagnugni

sieurs constructions ont été érigées sur des ter- rains naturels, notamment sur la zone des pas géométriques. La zone des pas géométriques est une composante du domaine public mariti- me de l'Etat. A ce titre (…) elle est inaliénable et imprescriptible : nul ne peut s'y installer, à quelque titre que ce soit, sans que l'administra- tion l'ait expressément et individuellement autorisé. (…)" Toujours selon la préfecture, les constructions détruites le 26 juillet "ont été éri- gées sans aucune autorisation administrative (…) Il s'agit là purement et simplement d'une appropriation privative du domaine public". D'autre part, ces maisons avaient été érigées "sans permis de construire" et sans "tenir compte des règles d'urbanisme". L'argumentation de la préfecture se base notamment sur le schéma d'aménagement de la commune, dont le règlement précise que la zone est classée ND -"zone à protéger en raison de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique et écologique". Cette zone, en outre, est répertoriée selon l'atlas des risques majeurs réalisé par le BRGM (Bureau des recherches géologiques et minières) en zone d'aléa fort de houle cyclonique. Tout est clair ? Pas vraiment. Si l'administration se base sur une décision de justice, si certains de ses arguments sont justifiés, et si les habitants du village ne sont pas exempts de tout reproche, le sujet est bien plus complexe qu'il n'y paraît. Dans cette affaire, qui remonte à bien plus loin que la décision de justice de décembre 2005, de nombreuses données ont été soigneusement cachées au public. Car si Tahiti Plage n'a pas d'histoire, Mtsagnugni, si. Mtsagnuni ou Tahiti Plage : de l'importance de la sémantique sur le lit de sa cousine qui l'héber- Ce même soir, les Mahorais assistent à ces des- Tribunal administratif de Mamoudzou a ordon- QUAND LA PRÉFECTURE parle de Tahiti ge depuis la destruction de sa mai- tructions sur RFO. Les images sont choquantes : né : 1- l'expulsion des occupants des terrains Plage, les Mahorais comprennent Mtsagnugni. ALLONGÉ son, le vieil homme se remet diffi- des gamins réveillés pour être délogés, des fem- occupés situés sur le domaine public dans le sec- "Tahiti Plage n'existe pas pour les Mahorais", cilement. A 85 ans, le coup est rude. Certes, les mes en pleurs, des vieux bousculés. Et des occu- teur de Tahiti Plage, si besoin avec le concours affirme Abdoulatifu Aly, le député qui, en tant gaz lancés par les gendarmes, le 26 juillet au pants qui ne savent que faire de leur mobilier, de la force ; 2- de procéder à la remise en état par qu'avocat, a eu à défendre certains des habitants matin, ont sensiblement détérioré son métabolis- pendant que les pelles s'écrasent sur le toit de la libération de toute construction et de tous du village. "Mtsagnugni est un vieux village qui me. Mais c'est surtout le moral qui est touché. leur maison. Vague d'indignation… D'autant ouvrages ; 3- qu'en cas de carence dans la remi- existait avant l'arrivée de la France à Mayotte "Je suis né à Mtsagnugni. Ma mère est née à que rien n'a été prévu pour les personnes délo- se en l'état des parcelles, l'Etat pourra procéder en 1841." Il existait avant même Sada, certifie la Mtsagnugni. Son père est né à Mtsagnugni 1. J'y gées, qui ont dû trouver refuge chez leur famille, d'office à cette remise en état aux frais de l'occu- mémoire collective. ai grandi. J'y ai construit ma maison. La mos- avant de se voir proposer une maison provisoire pant." Le communiqué poursuit : "Il est à noter Selon la légende, Mtsagnugni fut fondé au début quée… J'y ai vécu mes vingt dernières années. par la mairie de Sada. Sur le tard. que les occupants sans titre, avertis de la procé- du XVIIIème siècle, lorsque les habitants du villa- Et aujourd'hui, on vient me dire que je n'ai pas ge de Bandrakuni (sur le site actuel de Coconi), le droit de vivre sur la terre de mes ancêtres !" eux-mêmes descendants des fondateurs de s'insurge dans un élan de colère le vieil homme. “Je suis né à Mtsagnugni. Ma mère est née à Mtsagnugni. Caroni -village situé au sud de Chirongui, dont Avant de se calmer : "Je suis très triste. Son père est né à Mtsagnugni. C’est toute ma vie.” il reste quelques traces-, effrayés par l'arrivée de Mtsagnugni, c'est toute ma vie." deux wazungu, s'enfuirent vers le littoral. Ils Ancien fonctionnaire de la collectivité territoria- MADI, HABITANT DÉLOGÉ ÂGÉ DE 85 ANS s'installèrent à Mtsagnugni. De cette époque, il le, Madi, qui vivait seul, fait partie des huit reste des fondations répertoriées par les Affaires familles délogées de chez elles, à l'aube du 26 Aussitôt, la préfecture, sentant venir le boulet de dure, avaient choisi d'ignorer l'instance (…). Les culturelles. "Il y a encore les traces de la maison juillet. Ce jour-là, vers 5 heures, les forces de la révolte, produit deux communiqués visant à occupants ont, par deux courriers envoyés en de mes ancêtres", renchérit Madi. A la fin du l'ordre qui ont barré la route reliant Sada à légitimer sa décision. Le premier, intitulé "Tahiti recommandé le 7 juin 2006 et le 19 juillet 2007, XVIIIème siècle, les razzias malgaches poussèrent Chirongui, frappent aux portes des maisons du Plage - Urbanisme illégal", retrace la chronolo- été mis en demeure de quitter les lieux (…) Ces les habitants à fuir vers un lieu moins exposé. petit village de Mtsagnugni. Leurs habitants, gie qui a abouti à cette opération : "Un agent deux mises en demeure n'ont pas davantage été C'est à cette époque que remonte la fondation de Ci-dessus, des hagards, ont quelques heures pour sortir leurs assermenté de la Direction de l'Equipement a, suivies d'effets." D'où l'intervention de l'Etat, qui Sada, qui se situe sur une plaine plus vaste et habitantes de affaires personnelles que sont venus chercher par constat du 13 janvier 2004, relevé les occu- précise, en guise de conclusion assassine : "Le mieux protégée, à environ 2 kilomètres au nord. Mtsagnugni des déménageurs, et évacuer la place. Leur mai- pations illégales sans autorisation administrati- coût de revient de cette opération qui se chiffre à Ainsi, selon Moussa, un vieux du village, observent, sur les débris de son est vouée à la destruction. Le soir, malgré ve. Des arrêtés interruptifs des travaux ont été plusieurs milliers d'euros sera mis à la charge "Mtsagnugni a existé avant Sada". "Les habi- leur maison, quelques timides résistances des occupants, il ne adressés aux intéressés le 11 janvier 2005. L'Etat des occupants sans titre." tants de Sada viennent de Mtsangachéhi, les déména- restera plus rien. Deux pelleteuses se seront propriétaire a, le 19 mai 2005, saisi le Tribunal Domweli, Itoika et Mtsagnugni", affirmait un geurs emporter leurs affaires chargées de transformer des maisons plutôt administratif de Mamoudzou d'une requête ten- LE SECOND communiqué évoque la situation autre vieux du village dans un entretien réalisé personnes. coquettes en amas de pierres, de béton et de car- dant à demander l'évacuation des lieux ainsi que particulière du site. Que dit-il ? "Dans le sec- en 1997 par les Archives orales. Toutefois, pour- (DR) relage… leur remise en état. Le 2 décembre 2005, le teur de Tahiti Plage, commune de Sada, plu- suit Madi, "certains habitants sont restés à

22 kashkazi 66 septembre 2007 foncier décryptage presque comme les autres -ou Tahiti Plage. Mais tout n’a pas été dit sur ce sujet. Enquête sur une décision très contestée.

Mtsagnugni jusqu'au début du XXème siècle." pour les jeunes de la commune ? Interrogés par son de l'échec de ce projet se trouve dans l'attitu- reux exemples de personnes expropriées qui S'ensuit à cette époque la désertification du villa- la municipalité, les notables se sont prononcés de des habitants de Mtsagnugni. "Les proprié- n'ont toujours pas été relogées. "Partout, il y a ge. "Les gens sont partis vers Sada pour ne pas en faveur de la seconde option. "Tout le monde taires n'ont jamais voulu vendre leur terrain", se des exemples de gens qui habitaient dans leur rester isolés", dit Madi. Mtsagnugni n'est pas était d'accord pour dire : 'Non, on n'y touche pas désole un observateur qui suit l'actualité depuis maison, qu'on a déplacés pour construire un pour autant abandonné : le lieu reste habité à la car ce sont des terrains agricoles qui font vivre plus de 20 ans. "Ils ont privilégié leurs propres équipement public, auxquels on a promis de les saison des récoltes. "C'était un tobe où se ren- nos familles'", raconte un Sadois qui a tenu à intérêts à l'intérêt général. Aujourd'hui, ils en reloger et qui, 20 ans après, ne sont toujours pas daient de très nombreuses familles de Sada. On garder l'anonymat du fait de ses fonctions. A payent les conséquences." A la mairie (le maire relogés, et continuent à vivre chez la famille." y cultivait beaucoup de riz, des bananes aussi", cette époque, "il y avait déjà des maisons en dur, n'a pas souhaité nous répondre, mais un collabo- Ces exemples sont particulièrement nombreux poursuit Moussa. Jusque dans les années 70, mais c'était marginal". rateur a accepté de nous rencontrer dans l'anony- dans la commune de Mamoudzou, à Mtsapere Mtsagnugni est un lieu de vie durant la moitié de En 1988, le Conseil municipal de Sada, alors mat), l'on estime aussi que les l'année. Un village de gratte. "Des familles entiè- dirigé par Mansour Kamardine, privilégie pour- propriétaires n'ont pas joué le res y restaient pendant six mois. C'était plus pra- tant la première option. Une délibération prise le jeu. Cependant, on reconnaît la “Partout, des gens qu’on a déplacés pour construire tique que de faire l'aller-retour matin et soir 15 juin de cette année, dont l'objet est "l'acquisi- complexité du dossier : "Sada depuis Sada", dit Sahimi, dont l'une des sœurs a tion foncière à Mtsangachéhi", évoque "la créa- est la commune la moins four- un équipement public, 20 ans après, ne sont pas relogés.” vu sa maison détruite le 26 juillet. Qui se sou- tion du nouveau village de Sada-Pia". nie en terrains. Il est devenu SAHIMI, FRÈRE D’UNE DES FEMMES DÉLOGÉES vient : "Quand j'étais petit, quasiment tout Sada "Considérant que ce nouveau village devra être impossible de se loger. Je com- possédait un terrain à Mtsagnugni et venait y construit sur le site de Mtsagnougni où plus de prend que quand on a des terrains familiaux notamment, où plusieurs dizaines de personnes cultiver. Nous allions y passer des jours et des 50% de la population effectue sa gratte pour ailleurs, on s'y installe" dit notre interlocuteur. continuent, après leur expropriation en 1992, jours à la saison. Il y avait peut-être 100 familles subvenir aux besoins du foyer et qu'il convient "Leur argument qui consiste à dire : 'Vous nous d'attendre un logement de la SIM. "Nous ne vou- dans la zone." de proposer en contrepartie aux actuels occu- interdisez de construire ici, mais où pouvons- lions pas vivre ça. Quand l'Etat ment aux gens, Dans les années 70, Madi, proche de la retrai- pants un autre terrain dans la même région ; nous aller ?' est valable." les gens ne font plus confiance à l'Etat !" "Sada te, décide de revenir habiter sur son lieu de considérant la nécessité et l'urgence de créer le La sœur de Sahimi est de ceux-là. "Elle n'avait est saturé !" renchérit Toilibou Abdallah. naissance. Il s'y installe et construit sa maison. nouveau village de Sada (…) Le Conseil plus de place à Sada, alors elle est venue sur "Comment faire ? Que le préfet vienne dans le La première en dur. "J'avais à cœur de revenir Municipal de Sada à l'unanimité des présents : cette terre qui avait appartenu à notre arrière village pour se rendre compte de la situation. Il sur la terre de mes ancêtres", dit celui qui, seul, confirme sa volonté d'acquérir dans la région de grand-père et qui avait été tout le temps occu- ne reste plus un mètre carré constructible !" a également érigé une mosquée. Dans les Mtsangachéhi (…) une parcelle ; demande à M. pé par la famille" dit son frère. "Comment vou- Dans les années 90, la bétonisation -toutefois années 80, il fut rejoint par d'autres Sadois le Maire de négocier avec les propriétaires ces lez-vous faire autrement quand il n'y a pas de raisonnée- du lieu s'est donc poursuivie sans désireux de trouver plus d'espace. Dès cette acquisitions ; dans le cas où ces négociations logement locatif, qu'il n'y a plus de place, et qu'une solution soit trouvée. Des familles qui ne époque en effet, Sada subit de plein fouet la seraient infructueuses, de solliciter de M. le qu'on n'a pas assez d'argent pour acheter des trouvent pas de place viennent s'y installer. pression démographique. Préfet la mise en œuvre de la procédure d'expro- terrains ? Il faut bien aller quelque part !" Pendant une décennie, l'urbanisation anarchique priation par une déclaration d'utilité publique. 3" Quant au refus de sa sœur comme des autres du lieu se poursuit, tandis qu'aucun des PLUS QUE D'INSTALLATION récente, on Preuve de la volonté des élus à faire de habitants de vendre ses terrains au profit d'un maires qui se succèdent n'ose expro- peut donc parler d'une ré-installation. Comme Mtsagnugni une extension urbaine, lors de ce projet collectif, Sahimi l'explique par les nomb- prier leurs habitants. " Cela ne se fait pas ... l'affirme Abdoulatifu Aly, "ce n'est pas un même Conseil municipal, une autre délibération hasard si la préfecture évoque Tahiti Plage et liée à l'implantation du nouveau dispensaire jamais ne cite le nom de Mtsagnugni". Tandis prend prétexte de "la création du nouveau Sada- que Mtsagnugni a une histoire, donc ses habi- Pia sur le site de Mtsagnougni" pour demander tants qui se disent propriétaires coutumiers une à ce que ce dispensaire soit construit "entre le certaine légitimité, Tahiti Plage ne représente village de Sada et Mtsagnougni 4". curieuse argumentation qu'un lieu parmi d'autres de bronzette, sur lequel toute construction s'apparente à un détourne- HUIT ANS PLUS TARD, la durcification du NOUS NOUS SOMMES PROCU- tous les terrains non bâtis, ni enclos passons. Le pire est à venir. ment du domaine public. Ce nom d'ailleurs, croit site se poursuit sans que l'extension n'aie débuté. RÉS LE MÉMOIRE de la préfectu- qui, au jour de la promulgation Contrairement aux autres habi- savoir Toilibou Abdallah, porte-parole des habi- En 1996, les conseillers municipaux relancent le re 1 visant à défendre devant le dudit décret, ne sont pas possédés tants de Mtsagnugni, Said tants de Mtsagnugni, aurait été donné dans les débat, mais l'objectif a changé. Le 27 novembre, Tribunal administratif les intérêts de par des tiers en vertu de titres fon- Abdallah possède un permis, accor- années 1980 par un responsable préfectoral, qui sous la présidence d'Hassani Said, ils votent à l'Etat contre Saïd Abdallah, un des ciers d'immatriculation (…) Cette dé en 1984 par la mairie. Or selon la aurait été marqué par la ressemblance de cette l'unanimité une délibération demandant "la occupants de Mtsagnugni -le seul à présomption pourra, toutefois être préfecture, ce permis n'a aucune plage avec celles du Pacifique… transformation de la zone des pas géométriques posséder un permis de construire. A combattue par la preuve contraire valeur. Explication : “Il est impor- Si Mtsagnugni est considéré comme un village de Mtsagnougni en zone 1 NAT [zone d'urbani- la vue des arguments de la préfec- établissant (…) que leur droit de tant d'éclairer votre juridiction sur ancestral, alors ses habitants sont tout aussi légi- sation future] 5". Cependant, ils semblent réser- ture, l'on ne peut que s'interroger propriété est antérieur à la loi du 18 les circonstances de l'époque à times que ceux de Mtsapere, de Sada ou de ver à ce site un avenir plus touristique que rési- Bandrele, qui se trouvent eux aussi dans la zone dentiel. Ils comptent en effet en faire "une zone quant à ce que Toilibou Abdallah mars 1896. Le témoignage ne sera laquelle a été accordé ce permis”, des pas géométriques. De fait, si les habitants de d'urbanisation future à vocation touristique". nomme "un acharnement". Outre pas en cette matière admis comme précise le mémoire. “En 1976, les Mtsagnugni sont jugés hors-la-loi, alors ceux de A cette époque, la préfecture qui proclame un déni complet de l'histoire -"Il est moyen de preuve”. Du coup, esti- communes sont instituées fraîche- tous les villages de Maore situés en bord de mer aujourd'hui cette zone non-constructible, ne tout à fait invraisemblable que me l'administration, “il revient aux ment dans l'île. (…) La commune le sont aussi (lire page suivante). Voilà pourquoi semble pas opposée à la décision de la munici- cette zone de brousse ait été occu- consorts Said Abdallah (…) de de Sada n'était à la date du 8 août la préfecture a intérêt à enlever à ce site son his- palité. Dans un courrier adressé le 6 mars 1997 pée en 1841, le village d'origine démontrer qu'ils ont acquis un ter- 1984 dotée d'aucun document et toire. Donc son nom. Une forme comme une au maire, le secrétaire général adjoint de la pré- ayant été constitué à plusieurs kilo- rain (…) et en possèdent un titre règlement locaux d'urbanisme autre de colonisation 2. fecture, M. Lefebvre, rappelle que "ces parties mètres de là, à Sada même" peut- antérieur au 18 mars 1896”. Mais déterminant les zones constructibles [Mtsagnugni et Mtsangamtiti] sont des terrains on lire avec effroi- l'on note des pas avec des témoignages oraux ; ou non.” Elle n'avait donc pas com- qui font partie du Domaine Public Maritime de contradictions saisissantes. Ainsi, la avec des traces écrites ! pétence pour accorder un permis. Entre égoïsmes et intérêt général l'Etat, imprescriptibles et inaliénables". préfecture se base sur les lois héri- Ainsi, selon la préfecture, il est essen- AVEC LES PREMIÈRES constructions en dur Toutefois, il prétexte le Code de l'urbanisme tées de la colonisation pour arguer On nage là en pleine tactique de tiel de rappeler le contexte d'une commence l'affaire de Mtsagnugni. Un véritable applicable à Maore pour proposer de "déclasser que le terrain n'appartient pas à M. type colonial, qui vise à demander ère effectivement baignée dans l'a- feuilleton à épisodes dans lequel chacun porte les parties (…) situées au pourtour des sites de Abdallah. Elle fait référence aux “indigènes” à l’époque étran- narchie suite à la séparation de une part de responsabilité. Dans les années 80, Tahiti Plage et Mtsagnougni". "Ces zones seront notamment à l'article 6 du traité gers à toute forme de contrat écrit, Maore avec les autres îles, mais on avec les premières maisons, se pose la question classées dans le cadre de l'élaboration de votre de cession de Maore à la France de des preuves écrites d'une occupa- peut se fier à des lois érigées sous la de ce lieu qui faisait jusqu'à présent office de jar- Plan d'Occupation des Sols en zone 1NAT, des- 1841, qui stipule que “les terres non tion depuis des siècles fondée sur la colonisation, qui imposaient aux din pour les Sadois -mais aussi un lieu de priè- tinée à recevoir des équipements touristiques." reconnues propriétés particulières mémoire collective et orale. indigènes des règles totalement res. Faut-il en faire une zone d'extension de Problème : aujourd'hui encore, Sada ne possède appartiennent de droit au gouver- Comment expliquer qu'en 2007, étrangères à leurs moeurs dans un Sada, dont les limites foncières semblent déjà pas de POS. La déclassification, ni même l'ex- nement français”. La préfecture l'Etat se base encore sur des lois but bien précis... Cela en dit long sur atteintes ? ou faut-il préserver cet espace pour tension, ne s'est du coup jamais faite. rappelle que l'article 29 du décret coloniales, issues d'une période où l'état d'esprit de l'administration. soit lui conserver son rôle de jardin, soit le réser- Outre l'absence d'outils pour définir une poli- du 28 septembre 1926 indique que l'accaparement des terres indigènes ver à un futur projet hôtelier, vivier d'emplois tique à long terme d'occupation des sols, la rai- “l'Etat est présumé propriétaire de était un principe de base ? Mais 1 Dossier n°0500173-1, signé G. Mascres

kashkazi 66 septembre 2007 23 décryptage foncier

... entre Mahorais, surtout à cette époque", La persévérance acharnée condamné qu'à une amende (500 euros). Après à la mairie de Sada démontre une curieuse affirme un Sadois. "Personne n'a eu le ces trois jugements civils, la préfecture s'est manière de traiter une question aussi essentielle courage de mettre fin à cette situation. de la préfecture tournée vers une autre juridiction. pour les Mahorais que le foncier. Les élus n'ont pas rempli leur rôle", ajoute notre ON CONNAÎT LA SUITE : le 2 décembre "Incompréhensible !", indique un avocat de la La préfecture n'ayant pas souhaité nous recevoir, observateur. "A Sada, les gens pensaient que ce 2005, le tribunal administratif (TA) de place. "Je ne vois pas comment une affaire jugée difficile de comprendre l'enjeu que revêt n'était pas normal ces constructions, car elles Mamoudzou donne raison à la préfecture. Mais par un juge judiciaire peut l'être ensuite par un Mtsagnugni. Les délogés croient dur comme fer brisaient le pacte qui avait été scellé dans les ce que l'administration s'est bien gardée de dire, juge administratif." que derrière leur expulsion se cache un projet années 80", rapporte notre Sadois anonyme. c'est qu'avant ce jugement, elle avait été par trois Cet "acharnement" dont parle Toilibou Abdallah hôtelier. "Quand j'étais maire", affirme Toilibou fois déboutée par la justice. Prenons le cas d'Ali 1 Nous avons choisi d'or- CEPENDANT, lorsqu'en 2005, les habitants de Madi, l'une des personnes délogées le 26 juillet, thographier Mtsagnugni Mtsagnugni demandent à la mairie d'être raccor- qui commence à maîtriser la procédure judiciai- et non Mtsagnougni, “Je ne vois pas comment une affaire jugée par un juge conformément aux dés aux réseaux d'eau et d'électricité, celle-ci re. Et pour cause : c'est à un véritable acharne- judiciaire peut l’être ensuite par un juge administratif.” principes de la langue refuse. La réunion tourne court. Les habitants de ment de la préfecture qu'il a eu à faire depuis dix comorienne. Mtsagnugni en gardent un souvenir amer, qui ans. Celle-ci saisit la justice pour la première fois UN AVOCAT DE MAORE 2 C'est un procédé déjà en 1996, pour les mêmes raisons (construction bien rôdé, qui fut leur fait dire aujourd'hui que le maire est coupa- employé notamment par ble. La municipalité a en effet toujours privilégié sans permis dans une zone appartenant à l'Etat). aurait pu ne pas prendre cette tournure si un dia- Abdallah, "des personnes étaient venues me Israël en Palestine. En l'option touristique. Pourtant, il n'est pas sûr que En décembre 1996, Ali Madi est condamné à logue s'était ouvert. Or, affirment les délogés de voir. Elles avaient l'aval de la préfecture et du vue de judaïser la terre, David Ben Gourion créa si la mairie avait demandé à l'époque le déclas- une simple amende par le Tribunal de première Mtsagnugni, "jamais personne de l'Etat n'est Conseil général pour construire un hôtel sur au lendemain de la nais- sement du site pour en faire des parcelles pri- instance (TPI) de Mamoudzou. La préfecture venu nous voir". "On a effectivement reçu des cette plage. Moi, j'ai toujours refusé. Mais sance de l'Etat d'Israël vées, l'Etat aurait accepté. Lorsqu'elle l'avait fait revient à la charge sept ans plus tard. Mais enco- lettres, des convocations au tribunal, mais aujourd'hui, je crois que cette idée est revenue." une commission dont la tâche fut de renommer en 1988, un aperçu des communications échan- re une fois, le 3 décembre 2003, elle n'obtient jamais on n’est venu discuter avec nous", dit Patrice Faure, directeur de cabinet du préfet, l'a dans la langue hébreu gées entre les différents services étatiques (DAF, pas ce qu'elle souhaite : le TPI condamne Ali Toilibou Abdallah. Lorsque la décision a été affirmé le jour des destructions : ici pourrait être tous les lieux, les monta- préfecture, Equipement) montre que l'adminis- Madi à une amende (90 euros), ainsi qu'à la prise, personne à la préfecture n'a cru bon d'en- érigé un complexe touristique. Si du côté de la gnes et les vallées. tration a toujours été réticente à l'idée de faire de démolition… du premier étage seulement, et voyer ne serait-ce qu'une assistante sociale (si ce mairie, on n'est pas contre cette idée, on voit mal 3 PV n°20/CS/88 non de l'ensemble de la maison. Ce dernier fait 4 PV n°19/CS/88 Mtsagnugni un lieu de résidence. n'est le matin même des destructions) pour pré- comment, après ces destructions, un tel projet 5 PV n°59/CS/96 Depuis 2005, le dialogue était inexistant entre alors appel. Le 23 mars 2004, le Tribunal supé- venir des conséquences et envisager un reloge- pourrait voir le jour sans une riposte des proprié- 6 Les Nouvelles de mairie et administrés. L'Etat, en saisissant le tri- rieur d'appel (TSA) de Mamoudzou confirme sa ment. Le fait que la lettre prévenant des destruc- taires coutumiers. Mayotte n°664 bunal administratif, a pris le relais. culpabilité, mais infirme la peine : il n'est plus tions ait été envoyée le matin même du 26 juillet RC Une colonisation qui ne dit pas son nom

savez aujourd'hui, on vit l'eau. La première lui a été accordée ; pas la A. Allaoui. "La colonisation continue !" que les 80 premiers mètres du litorral appar- rain. Ainsi, reconnaît Chihabouddine, "si un “VOUS avec la peur. Et ce n'est seconde. "On descend au village en acheter. tiennent à l’Etat. En 1955, une loi a déclassé jour l'Etat veut virer les personnes qui habi- pas seulement moi et ma femme. Beaucoup Pour le linge on prend l'eau de la rivière", RÉSULTAT : ON ASSISTE à un cercle la ZPG afin de permettre à l'État d'en vendre tent dans la ZPG, il le pourra. Depuis 1992, de gens sont dans cette situation." Depuis explique Mariama qui, inquiète, avoue avoir vicieux dans lequel nombre de Mahorais se certaines portions. La loi Littoral de 1986 a je me bats avec M. Kamardine pour permett- qu'il a reçu une convocation du Tribunal de été effrayée par les images des destructions sentent piégés. "Que voulez-vous qu'on replacé la zone dans le domaine public mari- re un déclassement de la ZPG afin que les première instance de Mamoudzou, Amjadi de Mtsagnugni. "Je me suis dit qu'on allait fasse ? On est obligé de tomber dans l'illéga- time de l'État, supprimant la possibilité de propriétaires coutumiers puissent acquérir Said Ali dit ne plus dormir. "Je vis avec le faire pareil à ma maison. Et je me suis dit lité parce qu'il faut bien que l'on vive quelque cession. Une loi votée en 1996 prévoit ces parcelles. Nous avons obtenu un aména- stress. C'est épuisant." L'administration lui aussi que ma mère, qui habite près de la mer part", se désole Sahimi, le frère d'une des cependant des aménagements afin de régler gement de la loi, mais le décret qui permettra reproche d'avoir construit sa maison sans en bas, devait elle aussi être hors-la-loi. C'est femmes délogées le 26 juillet. "Si vous ajou- les problèmes posés par l'utilisation illégale son exécution n'a toujours pas été pris." autorisation, dans une zone classée NC, injuste ! Il y a des années, elle a donné ses tez à ça le manque de logement social, dont de cette zone par des particuliers. Pourtant, des exemples existent prouvant la réservée exclusivement à des travaux agrico- terrains pour construire le dispensaire et la le programme de la Sim [Société immobiliè- capacité de l'administration à s'adapter à la les. Le 21 novembre, il sera certainement gendarmerie. Contre rien. Pas un franc. Elle re de Mayotte] est en panne depuis cinq ans, A MAORE, la ZPG n'était pas censée situation locale. Seulement voilà, ils ne condamné à détruire sa maison. disait que c'était pour le bien du village." vous obtenez une situation intenable." "Le concerner les villages historiques, comme le concernent que ceux qui ont les moyens. Le Amjadi et Mariama ont débuté la construc- système actuel spolie les Mahorais de leurs stipulait le traité de cession passé entre cas de la pointe de Koungou est en ce sens tion de cette maison en 2004, sur les hauteurs PATRICE FAURE l'a affirmé le 26 juillet : droits élémentaires en faisant d'eux des Passot et Andriantsoli, en 1841. Cependant, révélateur : originellement située en zone de Mtsamboro, au-dessus d'un lotissement en Mtsagnugni n'est pas le seul cas de zones étrangers sur leur île", clame l'association de le flou juridique provoqué par ces nombreux NC, elle a été déclassée en zone NA (zone construction. "Avant, nous vivions en bas, au habitées pourtant classées non constructibles défense des intérêts des Mahorais Oudailia textes et par la persistance à Maore de certai- d'urbanisation future) lorsque la Sim en eu milieu du village, chez ma mère", dit (NC). Plus de 300 maisons seraient dans la Haqui za M'mahore. Qui poursuit : "La nes lois issues de l'ère coloniale, rend la besoin pour construire un mzunguland. Ce Mariama. "Mais nous avons cinq enfants. On même situation, a-t-il affirmé le jour des des- croissance démographique de Mayotte est situation confuse. "C'est un vrai problème à alors que la bande de terre qui la relie au ne pouvait pas vivre éternellement dans une tructions. Le lendemain, Les Nouvelles de beaucoup plus élevée qu'en métropole et que Mayotte", reconnaît Chihabouddine Ben village de Koungou est elle toujours classée case de deux pièces. On a décidé de venir Mayotte, journal proche de la préfecture, dans les départements d'outre-mer. En effet, Youssouf, président du Conservatoire du en zone NC. "C'est inconcevable", explique construire ici." Ce terrain appartient selon la Littoral. "La zone des cinquante pas géomé- un géographe de la place. "La règle veut que loi coutumière à sa famille. Autour de leur triques relève du domaine public de l'Etat. l'on ne sépare jamais deux bandes NA par maison en parpaings, trois autres habitations “Maintenant, on veut nous chasser du littoral pour, Mais historiquement, la grande majorité des une bande NC. Soit la zone qui sépare la sont en construction. "Ce sont mes sœurs." villages de Mayotte sont situés justement pointe de Koungou au village aurait du être Celle située 10 mètres en dessous n'a pas de encore une fois, se faire de l’argent sur notre dos.” dans cette zone. Cela empêche tout dévelop- déclassée en zone NA, donc constructible, problème. "Car elle est en zone NA [urbani- ASKANDARI ALLAOUI pement organisé des quartiers situés en bord soit la pointe de Koungou n'aurait pas dû sation future]" dit Amjadi. Les deux autres, de mer car les habitants ont du mal à obtenir être déclassée". Résultat : tandis que les situées au-dessus, sont dans la même situa- des AOT [Autorisation d'occupation tempo- riches (Mahorais comme wazungu) peuvent tion que Mariama. Lorsqu'ils se sont instal- affirmait que "d'autres démolitions concer- le taux de croissance annuel moyen est esti- raire, valable pour 10 ans, renouvelable ou profiter de la vue imprenable du lagon, les lés, le Cnasea, en charge de la régularisation nant plusieurs centaines de maisons mé à 4,3% à Mayotte contre 1,5% à La pas] et des permis de construire." Une situa- pauvres ne le peuvent pas. foncière, a enregistré le terrain et reconnu suivront"1. Depuis, les services préfectoraux Réunion et 0,23% en Métropole. Aussi, dans tion qui ne permet pas aux Mahorais de se leur propriété. Mais ils n'ont pas pensé à se sont faits plus discrets. Volonté de calmer le cadre d'extension des villages : est-ce que sentir chez eux. Comme le rappelle l'associa- MAIS IL EST UN AUTRE cas plus révéla- demander un permis de construire à le jeu ? Une chose est sûre : si la loi était la les terrains urbanisables augmentent dans la tion Oudailia Haqui za M'mahore, "l'AOT ne teur encore de cette colonisation par l’argent. l'Equipement. "Nous ne savions pas que c'é- même sur tout le territoire, des pans entiers même proportion chaque année ? Non ! Est- permet pas de sécuriser juridiquement notre En détruisant les habitations de Mtsagnugni, tait nécessaire", dit Amjadi, vendeur de liv- de Mtsapere par exemple (dont la Direction ce que le fameux code de l'urbanisme favori- patrimoine. Il n'est pas possible de faire de l'Etat a visiblement voulu créer un exemple. res coraniques à Mamoudzou. de l'Equipement) seraient rasés. En effet; se la densification urbaine ? Non, la hauteur donation ni de succession. Et si par hasard, Un autre aurait été tout aussi symbolique, et "L'administration croit que les Mahorais 90% des villages sont concernés. Et pour maximum autorisée est de 11 mètres." Rare, le particulier que nous sommes tous, obte- moins dramatique : il s’agit d’une maison, sont au courant du droit. Mais tout ceci est cause : Askandari Allaoui, auteur d'un essai la terre est donc devenue chère. Le prix nons un permis, la banque ne nous fera une seule, située elle aussi dans la zone des nouveau pour nous. Nous sommes nombreux sur la question foncière à Maore 2, rappelle moyen d'un terrain urbain est estimé à 145 aucun crédit." Résultat : "Si 2/3 des cinquante pas géométrique, également clas- à être perdus. Pas géométriques, domaine que "c'est la France qui a poussé les euris le m², quand le Smig est de 4,57 euros Mahorais construisent sans permis de cons- sée en zone NA, que tout le monde peut voir public : ça ne veut rien dire pour nous, alors Mahorais à aller vivre sur les cotes. Alors de l'heure. "L'acquisition d'un terrain urbani- truire c'est tout simplement parce que les tex- depuis la barge. Mais il faut dire que cette imaginez pour nos parents !" "De toute qu'ils vivaient à l'intérieur des terres et sur sable est devenue impossible pour un tes mis en application à Mayotte n'ont pas su maison qui a une vue splendide sur le lagon, façon", poursuit-il, "même si on avait su, cela les plaines, les colons, qui avaient besoin de Mahorais", dénonce l'association. Seuls les tenir compte des spécificités locales." à Kaweni, n'appartient pas à une famille prend des années d'obtenir un permis. On ne ces terres pour leurs plantations, ont poussé wazungu et les Mahorais les plus riches peu- Alors que dans les Antilles, la loi du 30 mahoraise qui prétend défendre un héritage pouvait pas attendre. On a 5 enfants !" les indigènes vers les cotes ou dans les mon- vent se permettre d'acheter des terres quand décembre 1996 a permis la création d'une ancestral. Il s'agit de la possession de l'une Depuis qu'il a reçu la première lettre lui indi- tagnes en leur donnant des réserves, moins la plupart des familles trime pour trouver une Agence pour la mise en valeur des espaces des femmes les plus riches de l'île : Ida Nel. quant qu'il était hors-la-loi, en janvier 2006, il intéressantes pour eux." 150 ans plus tard, à parcelle…3 urbains de la ZPG, qui a permis le déclasse- RC ne construit plus. La maison, à moitié finie, l'ère du tourisme roi, les enjeux économiques La zone des cinquante pas géométriques ment de nombre de sites qui étaient déjà pas peinte, est restée en l'état. "Je ne peux se sont déplacés ; ils ne se situent plus sur ces (ZPG), qui a servi de prétexte à la préfecture habités, à Maore, aucun organisme ne gère 1 Les Nouvelles de Mayotte n°664, 27/07/2007 pas investir alors qu'on risque de la plaines, mais sur le littoral. "Et maintenant, pour raser Mtsagnugni, est un des outils de cette question spécifique. Les services admi- 2 A. Allaoui, L’évolution du marché foncier à détruire", dit-il. Récemment, il a fait la on veut nous y chasser pour, encore une fois, cette colonisation. Son origine remonte à très nistratifs, eux, appliquent froidement les tex- Mayotte, de 1841 à nos jours, L’Harmattan, 2006 demande de raccordement à l'électricité et à se faire de l'argent sur notre dos", dénonce loin : à Louis XIV et à Colbert. Elle stipule tes, sans vraiment connaître la réalité du ter- 3 Lire Kashkazi n°45, notre dossier sur le foncier

24 kashkazi 66 septembre 2007 santé décryptage Les Comores à l'épreuve du choléra Pour la première fois depuis 1975, l'Etat comorien assume pleinement la gestion de l'épidémie de choléra qui sévit depuis le début de l’année à Ngazidja. Mais que le réveil fut difficile...

fallu 120 malades Vendredi de Moroni autour du Grand Mufti et IL AURA pour que les villa- des autorités sanitaires. Tous ont alors affirmé geois de Moinzaza Boueni décident d'inverser le leur adhésion à l'interdiction provisoire des repas sort. Situé à une quinzaine de kilomètres au sud collectifs, nombreux en cette période de Grands de Moroni, ce bourg de 900 votants est un foyer mariages. Mais par la suite, beaucoup se sont idéal pour le vibrion responsable du choléra : ses gardés de faire usage de leur pouvoir pour sensi- criques accueillent une multitude de marigots, biliser leurs ouailles, certains refusant de s'asso- où les habitants ont l'habitude de faire leurs cier à une initiative du pouvoir en place… besoins mais aussi, quand l'eau vient à manquer, La gestion de la crise par les autorités n'est elle leurs ablutions, leur vaisselle et leur lessive. Ce non plus pas exempte de critiques : parmi les n'est pas un hasard si c'est ici que s'est allumée la acteurs de terrain, des voix s'élèvent pour dénon- première flambée qui a sorti Ngazidja de la tor- cer un "retard à l'allumage" et un certain "laxis- peur des mariages : le vibrion prolifère dans l'eau me". "Les volontaires du Croissant Rouge qui salée et contamine l'homme par le contact avec gèrent les camps sont très motivés mais ne sont la bouche. pas accompagnés, ce qui représente un danger", Jusqu'alors, l'épidémie de choléra progressait se désolait un observateur peu avant la flambée lentement mais sûrement -500 cas avaient été du 3 août. "L'hôpital devrait avoir mis à dispo- enregistrés depuis son début, le 25 février. sition du camp cholérique d'El Maarouf deux Moinzaza comptait d'ailleurs ses premiers médecins et quatre sages-femmes. Mais il n'y a malades : "Ça faisait déjà trois mois que ça avait qu'un médecin stagiaire et deux infirmiers si peu commencé, mais les gens ne savaient pas que valorisés qu'ils se désengagent totalement… c'était le choléra", affirme Mahamoudou Soule, D'autre part, l'eau qui ruisselle dans la citerne qui a pris la tête du comité villageois de lutte peut ramasser le vibrion, or l'hôpital utilise cette contre l'épidémie. Puis, le week-end du 3 août, eau, il y a un très gros risque de propagation !" après un repas de mariage, "tout le monde est Autres lacunes, "comme il n'y a pas de camp à allé à l'hôpital". Contaminé au cours des festivi- Fomboni, les malades du sud sont transportés tés, un père de famille vivant à Vuvuni décède. en taxi non désinfecté. Les protocoles ne sont Au ministère de la Santé, on s'arrache les che- pas rigoureusement respectés. C'est comme ça veux : malgré les "tournées de sensibilisation", qu'un homme est entré dans un camp pour voir les organisateurs ont lavé la salade ou les assiet- sa femme, et le jour suivant quand il est revenu, tes dans la mer. "Il y a eu de la négligence", il avait le choléra. Il en est mort." C'est maintenant qu'on a pris les choses au On a eu une réunion avec les maires, préfets et Ci-dessus, reconnaît Mahamoudou Soule. "Avant, le sérieux, que les citernes de l'hôpital ont été rem- certains comités villageois. Mais avant la flam- volontaire du Croissant Rouge venait pour nous expliquer AU LENDEMAIN du pic, les ministres de la plies d'eau. On avait pourtant commencé à crier bée, les gens n'ont pas adhéré", reconnaît-il. Croissant Rouge depuis longtemps qu'il faut de l'eau à l'hôpital, et Toutes ces lacunes sont cependant à relativiser au camp mais il n'y avait pas de comité formé et person- Santé de l'Union et de Ngazidja se réunissaient à cholérique de ne n'écoutait vraiment. Maintenant, le village a El Maarouf pour tenter d'apporter des réponses à les autorités ne nous ont pas écoutés", s'énerve- au regard de la gestion des trois autres épidémies Moroni. voté 2 millions [4.000 euros, ndlr] pour engager ces problèmes. Des citernes, des moyens t-il. recensées depuis 1975. Cette année là -en jan- des véhicules transportant les malades et ache- humains et matériels supplémentaires étaient vier, six mois avant l'indépendance des ter des pompes pour la désinfection, sans budget attribués… "L'hôpital nous a affecté des infir- L'ETAT S'EST ÉGALEMENT trouvé confron- Comores- des pèlerins comoriens de retour de de l'Etat. On a désinfecté les places publiques, miers. Aujourd'hui, sept sont affichés et on n'en té à des problèmes d'organisation. Au début du La Mecque attrapent le choléra à Dar-Es-Salam. les écoles, les mosquées. Les gens sont très a eu que quatre", soupirait lundi 6 août Daniel mois de juillet, une commission unique regrou- La thèse d'un médecin de l'époque 2 rapporte que concentrés. On a stoppé les ambiances sur la Ali, responsable du camp, alors que celui-ci, pant tous les services publics et organisations des négligences dans la vaccination des voya- plage, on surveille que personne n'aille y faire prévu pour 50 malades, en accueillait 180... impliqués dans la lutte, commence à se réunir geurs et une grève des médecins comoriens ont ses besoins. Ça fait trois jours que personne Ce réveil tardif au sommet de l'Etat a fait grincer deux fois par semaine. "Jusque là, on ne savait contribué à l'expansion de l'épidémie. Bilan : n'est allé à l'hôpital", se félicitait-il deux semai- 2.885 cas et 474 blessés. En 1998-1999, plus de nes après la flambée. 11.000 cas sont recensés à Ngazidja, Ndzuani et “Quand tu dis sensibilisation et que ça ne marche pas, Mwali, tandis que l'épidémie de 2002 touchera CETTE PRISE de conscience tardive est à l'i- il faut changer de stratégie !” 1.644 personnes (47 decès). Le 1er septembre, le mage de la gestion de l'épidémie dans l'ensem- bilan de l’actuelle épidémie s’élevait à 1.150 cas ble de l'île -Mwali n'a enregistré que quatre cas MAHAMOUD ABDALLAH, DU SYNDICAT DES PARAMÉDICAUX dont 27 décès. et Ndzuani, aucun. Les acteurs de la santé ne cessent de le répéter : la population n'a pas voulu des dents. "Si vraiment on avait donné la priori- pas exactement s'il y avait des stocks de chlore, APRES LES PRÉCÉDENTES épidémies, un entendre les messages de sensibilisation qui lui té au traitement du choléra, on n'en serait pas des provisions de médicaments, si les camps rapport du Service de surveillance épidémiolo- ont été prodigués. "Elle ne s'est pas intéressée arrivés là", protestait au début du mois d'août un étaient bien gérés", avoue l'un de ses membres. gique 3, relève "une médiocre implication des aux tournées effectuées dans l'île", regrette cadre du ministère de la Santé. "Si on dit qu'il Autre cafouillage : un arrêté pris le 27 février par autorités sanitaires dans la gestion de l'épidémie. Hachim Ahamadi, secrétaire exécutif national manque telle chose, pourquoi ne pas prioriser le gouvernement de Ngazidja, le même que Le même constat avait été fait lors des épidémies du Croissant Rouge. "Les Comoriens, s'ils ne ces demandes ? Les moyens nous font défaut. celui mis en application dernièrement, prévoyait de 1975 et 1998, lesquelles avaient bénéficié voient pas des gens mourir, ils ne sont pas L'une des premières choses, c'est d'avoir assez dès le début de l'épidémie de suspendre les repas d'une forte mobilisation de la communauté inter- convaincus." Même son de cloche chez le doc- de véhicules pour les équipes. Or ce n'est que collectifs et la vente de nourriture immédiate- nationale, via les organisations non gouverne- teur Moussa Ahmed, directeur national de la dernièrement qu'on nous en a donnés. Un de ment consommable dans la rue. "Le ministère de mentales en particulier. (...) En 2002, l'organisa- Santé : "Après une, deux, trois épidémies, les l'OMS, un de l'Unicef, un du Croissant Rouge, et l'Intérieur aurait dû veiller à sa mise en œuvre tion de la riposte contre l'épidémie avait été gens se sentent familiarisés avec la maladie et deux du gouvernement. C'est insuffisant. Après par les préfets", indique le directeur de la Santé tenue à bout de bras par les intervenants exté- ne respectent pas les mesures d'hygiène. On a le pic, la dernière semaine on a eu l'Etat et tous de l'île. Contexte préélectoral puis changement rieurs, au premier rang desquels le Croissant 1 Référence aux "ate- liers nationaux" orga- pourtant parcouru 234 villages !" Même après les ministres à l'hôpital… S'ils avaient fait ça de gouvernement aidant, l'arrêté est tombé aux Rouge comorien [qui s'est] souvent trouvé tout nisés régulièrement la flambée qui a vu 179 cas, dont 5 décès, enre- depuis le début, on aurait pu éviter tout ce scan- oubliettes. Au ministère de l'Intérieur de l'île, seul dans des activités." dans des hôtels de gistrés du 1er au 6 août, des réticences ont conti- dale !" personne ne dit en avoir entendu parler… Si les volontaires du Croissant Rouge, indemni- grand standing, sur financement des nué d'entraver la lutte contre le virus. "Le lende- Mis à pied du laboratoire pour avoir "manqué de sés pour une bouchée de pain, ont cette année organisations interna- main de la flambée de Moinzaza, il y a eu une respect" à ces ministres le jour de leur passage à PLUS QU'UN MANQUE de volonté, c'est encore assuré le gros du travail avec l’appui de tionales manifestation à Hatsambu", relève le vice-prési- El Maarouf, Mahamoud Abdallah, secrétaire donc un problème de stratégie et d'évaluation la Croix Rouge française, l'Etat comorien a donc 2 Cité par Salim Hatubou, Kashkazi dent de l'Union des Comores en charge de la général du syndicat des paramédicaux, épingle des priorités qui s'est posé aux gouvernements franchi un pas en ne s'en remettant pas les yeux n°18, 01/12/2005 Santé, Ikililou Dhoinine. "On a été obligés de lui aussi dans sa vindicte le décalage entre les national et insulaire. Le vice-président Ikililou fermés à la bonne volonté de la communauté 3 Bilan de l'épidémie faire intervenir la gendarmerie et d'arrêter grands principes affichés et la réalité. "Le cholé- Dhoinine, estime que l'Etat a fait ce qu'il devait. internationale. Ni Médecins du Monde, ni de choléra 2002 en quelques heures le père de la fiancée." ra ne se traite pas au Moroni ou à l'hôtel "Nous savons très bien que la mesure première, Médecins sans Frontières ne sont cette fois inter- Union des Comores, Service de surveillan- 1 Le 7 août, les ulema, maires, chefs de village, Mwafaka ! Quand tu dis sensibilisation et que c'est la sensibilisation. Nous avons fait le tour de venus. ce épidémiologique préfets et notables étaient réunis à la mosquée du ça ne marche pas, il faut changer de stratégie ! l'île, sommes passés par les structures sanitaires. LG national, mai 2003

kashkazi 66 septembre 2007 25 décryptage migrations Traversée Ndzuani-Maore en kwassa : l’hiver meurtrier Plus de 100 personnes ont péri ces deux derniers mois dans le bras de mer qui sépare les deux îles.

étaient partis vers 17 heures la coûté 120 euros. Nous étions 38, parmi les- bateau qui s'est renversé. D'autres vagues la côte par ses propres moyens", ndlr]. ILS veille, depuis Bambao Mtsanga, quels plusieurs enfants. Je me souviens nous ont tous séparés. J'ai entendu des cris Quand je suis arrivé, nous étions quatre à la deuxième "gare à kwassa" de Ndzuani, d'un bébé de trois mois, et de trois enfants dans l'eau. J'ai nagé. Puis j'ai trouvé un nous en être sortis, dont une femme. J'ai vu après Chiroroni dans le Nyumakele. de 7, 8 et 9 ans environ. Avant le départ, jerrican sur lequel je me suis appuyé. Nous un gardien et je l'ai appelé. Je lui ai dit Babylone était l'un des 38 passagers - beau- j'ai dit au passeur que nous étions trop nous sommes renversés vers 5h15, et je ne qu'un kwassa avait coulé au large et il a coup de Grand-comoriens, des Anjouanais nombreux, mais des femmes m'ont dit de suis arrivé sur la plage que vers 5h50 [d'a- prévenu la police. Moi je suis parti me et quelques Malgaches. Il raconte. me taire ; il fallait partir, elles étaient pres- près le lieutenant-colonel de la gendarme- cacher sur les hauteurs." Depuis, "J'avais été renvoyé de Mayotte une semai- sées. La météo était bonne. La mer aussi. rie de Maore, Patrice Martinez, les pre- Babylone, qui a peur de se faire à nouveau ne plus tôt par la PAF [Police aux frontiè- La traversée a duré toute la nuit. Mais miers éléments de l'enquête indiquent que attraper, n'a croisé aucune des têtes qui l'ac- res]. Je suis originaire de la Grande- quand on est arrivés au large de la Petite l'accident est survenu à environ 500 mètres compagnaient dans cette traversée. Comore mais je vis à Mayotte depuis trois Terre, il y a eu de grosses vagues. Nous du rivage, à un endroit où de forts rouleaux Le naufrage de ce lundi 13 août au large de ans. J'ai attendu que ma famille m'envoie étions encore assez loin de la plage. L'une rendent la navigation difficile ; “il semble la plage de Moya, qui a mis un coup de de l'argent pour repartir. La traversée m'a d'elles est tombée directement dans le qu'une dizaine de personnes a pu rejoindre projecteur national (lire ci-contre) sur les migrations dans l’archipel, est l'un des plus meurtriers recensé ces dernières années. Le bilan officiel fait état de 17 morts, 17 dispa- rus et 4 personnes repêchées. Il vient com- pléter une liste déjà très longue (et non À Ndzuani, les autorités ambiguës exhaustive) de sinistres survenus ces der- niers mois entre Ndzuani et Maore, faisant de cet hiver austral 2007 une saison parti- Nombreux sont ceux qui pensent que des haut gradés trempent dans le trafic de “clandestins”. culièrement funeste. Au cours du mois de juillet, cinq kwassa (connus) ont coulé, fai- la nuit du 21 au 22 juillet derniers, Ndzuani, entre la théorie et la pratique, le fossé est complicité de certaines autorités, surtout de la gen- sant près de 100 morts et disparus. DANS un kwassa parti de Domoni fait immense. Pour preuve : les départs ne sont pas darmerie qui ne fait pas son travail", estime pour sa naufrage au large de Majicavo-Koropa, ville située moins nombreux qu'avant, affirment les passeurs. part M. Gharibou, directeur de l'hôpital et ancien LE 3 JUILLET, une vingtaine de person- au nord de Mamoudzou. Bilan : un mort, 26 dispa- "C'est vrai qu'on nous surveille", dit l'un d'eux. maire de Domoni cité par l’agence HZK. Racontant nes avaient disparu entre les deux îles, rus, 9 rescapés. Le 27 juillet, un nouveau drame se "Mais on arrive quand même à partir en étant disc- sa courte expérience de maire de la ville, il a affirmé parmi lesquelles une dizaine issue du déroule à quelques dizaines de mètres seulement de rets. Tous les après-midi, les gens se rassemblent que "même les rapports qu'il adressait à la gendar- même village, , à Ngazidja, Domoni, lorsque le kwassa qui vient tout juste de aux lieux connus et les bateaux partent. Il y a merie de la ville étaient montrés aux passeurs ou à endeuillé depuis (lire page suivante). Le 22 partir se retourne, faisant quatre morts et 22 disparus notamment beaucoup d'Africains et de Grand-como- leurs chefs". juillet, on comptait un mort, 26 disparus et (pour 14 rescapés). Entre ces deux accidents, un riens en ce moment." Bambao Mtsanga, Chiroroni, 9 rescapés. Ce jour-là, quatre kwassas dénominateur commun : le passeur. Tandis que cer- Domoni : les ports de départ sont les mêmes depuis LES PASSEURS que nous avons interrogés à ce étaient partis, deux depuis Bambao tains de ses "confrères" limitent depuis quelques des années. sujet affirment ne pas savoir ce qu'il se trame au-des- Mtsanga, deux autres depuis le sud du temps le nombre de passagers en raison du mauvais Manque de moyens, argue le commandant Fattah en sus d'eux. "Nous ne sommes que des employés. Nous Nyumakele. Les deux premiers -dans les- temps -ce qui, par conséquent, augmente le tarif de guise d'explication, pour qui "nous n'avons pas la ne savons pas avec qui nos patrons s'arrangent" dis- quels se trouvaient de la drogue et de la la traversée-, lui n'a pas hésité à envoyer à la mort capacité de surveiller résine- furent arraisonnés par la Police aux ses "clients". Connu de tous à Domoni, il n'est pour- toutes les cotes et sur- “Parfois, les gendarmes nous voient. Ils ne nous disent frontières. Les deux autres ont eu des fortu- tant pas inquiété par les autorités. tout d'intercepter les nes diverses : tandis que l'un d'eux faisait A la gendarmerie de Domoni, le commandant Fattah kwassas." Un argument jamais d’arrêter, juste de ne pas dépasser le poids.” demi-tour en raison d'une mer trop agitée, Abdoul Wahab affirme être à sa recherche. "C'est un là aussi difficile à croi- UN PASSEUR DE DOMONI l'autre, chargé à l'extrême (on y comptait grand drame", dit-il. "On est en train de le recher- re, alors que depuis une quarantaine de personnes ainsi que des cher. On pensait qu'il avait quitté l'île mais on vient trois mois, la quasi-totalité des cotes anjouanaises est ent-ils. Une chose est sûre : "On n'est jamais inter- vaches et des chèvres), disparaissait. de nous signaler qu'il est ici, à Domoni. Nous allons gardée par la gendarmerie, dans la crainte d'une pellé." L'un d'eux pense, sans en apporter la preuve, Le 27 juillet, un autre kwassa a coulé. Parti le retrouver et l'arrêter." Difficile de croire en sa intervention armée de l'Union des Comores. que son patron graisse la patte de certains gendar- de Domoni avec une surcharge liée à de bonne foi, quand nous-mêmes n'avons eu aucun mal mes. "Avec le retard des salaires depuis plusieurs nombreux bagages selon les témoins, il n'a- à le croiser dans les rues de la vieille ville. Lorsque LA VRAIE RAISON de l'impuissance des autori- mois, c'est facile de corrompre" dit-il. "Parfois, les vait pas perdu de vue la ville du sud l'on fait remarquer au commandant Fattah que tés se trouve ailleurs. L'arrêté pris en 2006 n'est gendarmes nous voient. Ils ne nous disent jamais anjouanais (il se trouvait selon des chaque jour, des kwassas partent de Domoni, mais toujours pas respecté, explique Mohamed Ahmed d'arrêter, juste de ne pas dépasser le poids". Domoniens à 250 mètres des côtes) qu'il que jamais ceux qui organisent ces traversées ne Mohamed, substitut du Procureur au Tribunal de Un autre assure qu'il a régulièrement à faire à des s'éclipsait sous les vagues. 14 personnes sont arrêtés, nous obtenons un silence pour toute première instance de Mutsamudu. "Il y a ces textes hautes personnalités de l'île. "Ils viennent souvent furent sauvées par les pêcheurs, après que réponse. effectivement, mais depuis leur entrée en vigueur, nous demander de les amener à Mayotte pour faire les haut-parleurs des mosquées eurent on ne les a jamais appliqués car il paraît que d'au- des courses, passer des vacances ou pour amener appelé à l'aide, tandis que l'on dénombrait OFFICIELLEMENT, le discours des autorités tres dispositions vont être prises très bientôt" dit-il. un membre de leur famille se faire soigner." Pour quatre morts et 22 disparus, essentielle- anjouanaises certifie que tout est mis en œuvre pour D'autre part, se pose un problème juridique : "Dans lui, un vaste réseau s'est mis en place : "J'entends ment des Grand-comoriens et des lutter contre les départs de kwassas. "Notre gouver- notre code pénal, aucune loi n'a été prévue pour des collègues qui disent que des militaires collabo- Malgaches. nement a toujours pris en compte cette question. parler de cette question de la clandestinité." Si rent aux voyages clandestins. Que ce sont eux- Aussi, je peux vous assurer que notre police des selon lui, "notre gouvernement n'a jamais baissé mêmes qui amènent les passagers, notamment les SELON UN RAPPORT rédigé par des par- frontières joue son rôle et tente de stopper ces émi- les bras ; actuellement nous sensibilisons sur ce Africains. Il ne faut pas oublier que ces gens, quand lementaires français en mars 2006, entre grants depuis le port ou l'aéroport", clame M. sujet avec des messages à la télévision", la respon- ils arrivent à Anjouan, passent par le port et l'aéro- 100 à 200 personnes périraient chaque Fattah. Le 13 mars 2006, le ministre de la Justice, sabilité de cette situation revient avant tout à la port." M. Abdou Mohamed nie ces accusations : année dans cette traversée. Un chiffre large- des Finances et de l'Intérieur de l'époque avait pris France : "Elle est la seule à pouvoir trouver la "Les passeurs s'organisent pour faire venir un kwas- ment en deçà de la réalité, qui non seule- un arrêté (n°06/007/MIATIPTCAI/MEEC) portant solution." sa depuis Mohéli ou Ngazidja. Mais nous restons ment ne prend pas en compte tous les nau- interdiction du trafic de passagers clandestins à desti- Cependant, la lenteur des autorités quant à l'applica- vigilants. Récemment, la gendarmerie a arrêté des frages connus, mais en plus feint d'ignorer nation de Maore. Son article premier précise que "le tion de l'arrêté ministériel pourrait trouver sa source étrangers qui venaient pour partir vers Mayotte." A les innombrables disparitions non réperto- départ à destination de Mayotte d'embarcations à dans une corruption généralisée. Des journalistes de la Police aux frontières, on confirme l’arrestation riées. Des chiffres plus proches de la réalité bord desquelles se trouvent des passagers de façon l'île affirment que parmi les hauts gradés de la gen- d'une dizaine de Tanzaniens. Mais le problème reste font état d'une fourchette allant de 300 à un clandestine est formellement interdit". Son article darmerie insulaire, certains n'hésitent pas à tremper entier concernant les Comoriens. "On ne peut pas millier de morts chaque année. Ce depuis second prévoit que "tout contrevenant à cet arrêté dans le trafic de "clandestins". "Les passeurs sont interdire à des Comoriens de venir à Anjouan", pré- l'instauration en 1995 du “visa Balladur”. doit payer une amende allant de 1 million fc jusqu'à encouragés par le prix alléchant de la traversée esti- cise M. Attoumane, le chef de la PAF. 1,5 million fc [2.000 à 3.000 euros]". Mais à mé à 150 euros par personne actuellement et la NEP et RC RC

26 kashkazi 66 septembre 2007 migrations décryptage

Migrations : au-delà des mythes Une immigration exclusivement miséreuse que seule une lutte intense pourra étouffer. Voilà le plat que l’on veut nous faire avaler.

qu'ils ne s'intéressent que Mais ce n'est pas non plus la seule explication. En Salima faisait partie des personnes arrêtées. passé quinze ans de sa vie à Maore, sur les traces ALORS très rarement au phénomène ne relayant que celle-ci, les médias font de Maore Arrivée à Maore quatorze années auparavant, elle des membres de sa famille installés là-bas depuis migratoire dans l'archipel, les médias français ont une île comme les Canaries, une enclave françai- était reconduite à la frontière le soir même. "On est des lustres. Ses propres enfants y ont grandi, étu- repris en boucle l'information concernant le nau- se qui n'aurait aucun lien particulier avec ses voi- venues à Mayotte en 1992", racontait l'une de ses dié, se sont mariés et ont eu eux aussi des enfants. frage du 13 août dernier. Ainsi le 14 août, le site sins : il s'agit là d'une oeuvre de propagande qui filles. "Moi j'avais 5 ans. Avant on vivait à Parce que Maore est aussi chez elle, Inaya y est google.com recensait 72 articles de presse mis en consiste à passer sous silence la situation particu- Tsembehou [Ndzuani, ndlr]. Mon père était venu allée plusieurs fois. "La première fois pour me pro- ligne liés à ce naufrage, tandis que lors des précé- lière de Maore au sein de l'archipel des Comores ici travailler, puis on l'avait rejoint. dents accidents, il n'en dénombrait qu'une demi- -sur France 2, on a même entendu ceci : "Mayotte On était venues en avion, on a même douzaine. Cette surenchère médiatique qui a vu est à 70 kilomètres de la première des îles le tampon [de la Police aux frontiè- “Quand elle est arrivée à Mayotte, les gens n’avaient notamment Le Monde consacrer un article, et Comores" ! Les migrants ne seraient que des mis- res, ndlr] sur notre passeport. A l'é- pas besoin d’avoir des papiers.” France 2 envoyer une équipe sur place, a mis en éreux en quête d'un mieux vivre dans un pays du poque, il n'y avait pas de visa, les lumière les mythes qui entourent l'immigration Nord. C'est négliger les liens familiaux qui persis- gens étaient libres. Mais trois ans LA FILLE DE SALIMA dite clandestine à Maore. Tenaces, ces contre-véri- tent, malgré la séparation de 1975. Comme le fait après notre arrivée, mon père est tés veulent faire de l'immigration des Comoriens remarquer un communiqué du collectif Comores mort. Ma mère a dû se débrouiller pour nous don- mener et rendre visite à ma famille. La deuxième un phénomène à ranger dans la même catégorie Masiwa Mane, "face au drame du 13 août 2007, ner à manger. Elle a travaillé dans les champs. fois aussi" explique-t-elle. Deux voyages effec- que celle des Africains qui tentent de rejoindre les médias français se contentent de dire que ce Nous, on a fait toutes nos études ici. Ses cinq tués en avion. Elle ne se rappelle pas de la date. l'Europe via les enclaves de Ceuta et Melilla au sont des "clandestins Comoriens qui souhaitent enfants vivent à Mayotte. Depuis 1992, c'était la "C'était il y a longtemps" lancait-elle en novembre Maroc, ou les îles Canaries dans l'Atlantique. se rendre dans "l'île française de Mayotte". Or les première fois qu'elle se faisait arrêter." 2005, "bien avant que la route soit fermée" - enten- Quels sont ces mythes ? choses ne sont pas aussi simples". A 55 ans, Salima s'est trouvée dans l'obligation de dez l'instauration du visa en 1995. "La troisième Depuis l'instauration du visa Balladur en janvier refaire sa vie dans un village où elle n'avait plus fois, j'ai pris une barque ici à Mjoumbi avec un 1995, nombre de personnes vivant à Maore aupa- aucune attache. "Comment puis-je comprendre, frère pour rattraper les obsèques d'un autre frère 1 - C'est la misère qui pousse ravant en toute légalité sont devenues, du jour au moi qui ai vécu à Mayotte depuis 14 ans ?" disait- qui s'est suicidé à Nyambadao [un village du sud les Comoriens à venir à Maore lendemain, clandestines. Elles y ont leurs enfants, elle quelques jours après son "retour" au village de Maore, ndlr] A l'époque, on ne se cachait pas en "L'extrême pauvreté pousse les Comoriens à tout leurs parents enterrés parfois, leur travail, leur natal. "Il y a des gens qui sont arrivés en kwassa arrivant là-bas par la mer, ni en quittant ici." tenter pour rejoindre Mayotte" titre le 14 août Le conjoint. L'histoire de Salima dont nous évoquions depuis moins de trois ans et qui obtiennent des L'annonce du mariage de l'une de ses filles restée Monde, dont le correspondant, directeur de le cas en janvier 2006 1 est en ce sens édifiante. papiers. Nous on est là depuis 14 ans et on n'a à Domoni et la voilà de nouveau sur le chemin du Mayotte Hebdo, affirme que "la pauvreté des Âgée de 55 ans, cette mère de cinq enfants dont rien." Depuis, Salima est revenue en kwassa. Elle retour vers son île. Les noces terminées, elle prend Comores, l'absence de travail et d'espoir, condui- trois filles -une de 19 ans, les deux autres, des fait partie de ces “clandestins” selon les médias. le premier kwassa... "Ma vie s'était faite à Maore sent la population à tout tenter pour venir à jumelles, de 22 ans-, elles-mêmes mères de deux où j'étais habituée à vivre après 15 ans. Je devais Mayotte". L'Humanité, de son côté, titre : "Les enfants chacune, tous nés à Maore, n'avait jamais QUE DIRE DU CAS d'Inaya, qui habite une peti- retourner à Ndzuani pour la famille, mais je n'étais naufragés de la misère". Il n'est pas un journal qui demandé de titre de séjour. "Quand elle est arrivée te maison à deux pas de la plage de Mjoumbi, une plus ici chez moi. C'est à Maore que je travaillais n'évoque "l'Eldorado" mahorais. Ce n'est certes à Mayotte, on n'en demandait pas. Les gens n'a- crique de Domoni qui sert de port de départ des et gagnais de quoi nourrir ma famille. Je n'avais pas faux. Nombreux sont les Comoriens qui ten- vaient pas besoin d'avoir des papiers", nous racon- kwassas ? Lorsque nous l'avons rencontré en pas de papiers parce que je n'ai pas pensé à les Ci-dessus, une tent leur chance à Maore pour échapper à la situa- tait à l’époque l'une de ses filles. Le 5 janvier novembre 2005 2, elle affirmait avoir rejoint cinq faire à temps, mais je me sens chez moi à traversée en tion économique dramatique qui règne dans 2006, alors que des policiers organisaient une des- fois Maore en kwassa. Clandestine récidiviste ? Mayotte" expliquait-elle. kwassa en 2005. l'Union des Comores, particulièrement à Ndzuani. cente dans son quartier de Majicavo-Koropa, Pas vraiment. Si Inaya est née à Ndzuani, elle a On est là bien loin des poncifs véhiculés ... (Imaz Press Réunion)

kashkazi 66 septembre 2007 27 décryptage migrations

... par la pensée dominante, selon lesquels Depuis des années, ces derniers sont comparés bles à l'emprisonnement de petits dealers de cocaï- che française l'annula. Durant une quinzaine d'an- seule la misère pousse les Comoriens à aux pires des meurtriers. Tous dans le même sac : ne tandis que les gros trafiquants continuent leur nées, les Comoriens pouvaient se rendre libre- tenter la traversée… Ils sont pourtant profitant de la situation, s'enrichissant sur la misè- business. Intercepté en 1997 à l'entrée de Bouéni, ment, sans remplir aucune formalité administrati- nombreux dans ce cas, à prendre le kwassa pour re des autres… La réalité est toute autre. La plu- Loutfi a été condamné une première fois à huit ve, à Maore. L'immigration était alors assez faible, voir la famille, retrouver les enfants, trouver un part sont des pêcheurs au train de vie extrêmement mois d'emprisonnement ferme. Six ans plus tard, basée sur des échanges commerciaux et familiaux. emploi pendant six mois et repartir. Dernier limité. De simples "employés" qui ne font que le passeur tombait à nouveau dans le piège de la Dans les années 1980, il était banal de se rendre à détail : en 1995, l'Institut national de la statistique transporter des passagers pour le compte d'un brigade nautique mahoraise, en septembre 2003, Maore depuis l'une des autres îles, en bateau ou en et des études économiques (Insee) comptait 0 patron, propriétaire de la ou les barque(s). et écopait d'une peine plus lourde -20 mois de avion, pour voir la famille, trouver du travail ou clandestin à Maore. En 2002, ils étaient 40.000. Certes, les récits de traversées qui se finissent à détention. Malgré tout, il nous affirmait être prêt à même faire ses courses. Les accidents étaient alors "Parmi ces chiffres il y a tous ceux qui ont tou- l'eau parce que les passeurs ont ordonné aux pas- s'y remettre. "On ne dit jamais qu'on ne reprendra très rares, car les barques peu chargées. Mais jours vécu à Mayotte, qui n'étaient pas clandes- sagers de sauter pour pouvoir échapper aux forces pas un chemin qu'on a pris une fois. Quand j'ai la lorsque commença au début des années 1990 le tins et qui le deviennent depuis la loi Balladur de de l'ordre sont avérés. Les cas de surcharge des corde, je n'hésite pas à le faire." processus d'intégration de l'île aux institutions 1995", précise Corneille Mandja, ancien prési- kwassas sont nombreux, comme le montre la métropolitaines, la politique migratoire de Paris dent de la Ligue des droits de l'Homme à Maore. récente arrestation au large de Sada, par la PAF, changea du tout au tout. d'une barque comptant huit zébus en plus de la 4- Les responsables sont En 1993, alors que les premières grèves secouent vingtaine de passagers. "Mais comme partout, il y les autorités comoriennes l'île, les leaders politiques mahorais incapables de 2 - La porte dérobée de l'Europe a des fous de la mer. Des têtes brûlées qui ne veu- Difficile de ne pas accorder du crédit à cette thèse. répondre aux attentes de la population agitent le C'était un titre du Monde en 2006. C'est également lent rien comprendre, qui embarquent plus de 20 Les autorités anjouanaises, non seulement ne font chiffon rouge de l'immigration, qui devient pour la l'idée reprise par France 2 dans son récent repor- personnes, 30, 40… Ces gens là ne connaissent rien pour éviter les départs de kwassas, mais en première fois l'explication de tous les maux. Ils tage. Faux, et archi faux. D'abord parce que les pas la mer en réalité. On les trouve surtout dans le plus y participent, du moins pour certains de leurs réclament la mise en place d'un visa entre Maore Comoriens souhaitant se rendre en France ne le Nyumakele" dénonçait un passeur de Domoni, responsables (lire page précédente). Cependant, il et les autres îles de l'archipel. Des manifestations Loutfi, en novembre 2005 2. Un recense- convient de replacer dans son contexte géopoli- sont organisées pour faire pression sur les pou- ment des kwassas partis depuis Bambao tique et historique cette assertion. voirs publics. De son côté, Edouard Balladur, alors “Il faut être lucide, sur les 13.500 étrangers reconduits Mtsanga en avril-mai 2006, effectué par Tout d'abord, comme l'affirme l'ancien président Premier ministre et candidat à la présidentielle, à la frontière [en 2006], combien sont revenus ?” les militants de l'Observatoire de l'émi- de la Ligue des Droits de l'Homme à Maore, escompte satisfaire à la demande des Mahorais

L’EX-DIRECTEUR DE LA PAF DE MAORE gration clandestine anjouanaise (OECA), Corneille Mandja, "les Comoriens considèrent pour gagner leurs suffrages. Le 18 janvier 1995, démontre que tous les passeurs n'abusent que Mayotte n'est pas un territoire français et son gouvernement instaure un visa pour tout res- pas de leur pouvoir. Selon cette étude, les espèrent toujours sa rétrocession." La commu- sortissant comorien souhaitant se rendre dans l'île font que très rarement par Maore. La plupart pos- kwassa étaient la plupart du temps constitués de nauté internationale n'ayant pas reconnu la légiti- restée française : il est depuis appelé "visa sédant la double nationalité ou ayant un membre moins de 15 personnes (5 cas sur 9), alors qu'un mité de la France à Maore, les autorités comorien- Balladur". Un visa qui, depuis une dizaine d'an- 3 de la famille installée en France , il n'ont pas seul, parti le 22 mai, dépassait les trente passagers nes, qui revendiquent toujours le retour de l'île née, est quasi impossible à obtenir. besoin de passer par Maore pour rejoindre la (36). Sur ces neuf départs, deux ne sont pas arrivés dans l'ensemble national, n'ont aucune raison d'in- C'est depuis cette date que remontent les premiè- France. D'autre part, si les médias pré-cités s'é- à leur destination. terdire ce qui ne s'apparente, pour elles, qu'à des res disparitions en mer -du moins leur recense- taient renseignés, ils sauraient que l'obtention d'un déplacements de population à l'intérieur des fron- ment. Si "le véritable bilan est impossible à éta- visa pour Maore ne permet en aucun cas de rejoin- PÈRE DE FAMILLE soucieux de la scolarité de tières. Dans cette perspective, le seul reproche que blir", assure Mélanie Portmann, ancienne coordi- dre la France, ni l'Europe. En effet, le visa d'entrée ses enfants -l'un d'eux est inscrit dans une école l'on peut faire aux autorités comoriennes est de ne natrice de l'OECA, on peut l’estimer à 3.000 vic- sur le territoire mahorais est propre à ce territoire, privée qui coûte cher-, Loutfi a commencé à "tra- pas faire respecter certaines règles de sécurité. times depuis dix ans. A titre d’exemple, selon une et ne permet pas d'aller plus loin. Pour rejoindre la verser" des passagers en 1994. "Quand j'ai besoin Si l'on peut, comme l'ont fait nombre d'associa- étude de l'OECA, entre le 1er juillet 2000 et le 31 France ou la Réunion, il faut demander un autre d'argent, je fais les démarches auprès des proprié- tions ces dernières semaines, déplorer le "laxisme" décembre 2001, les accidents de kwassas avaient visa, très difficile à obtenir. taires et parfois, ce sont eux qui font appel à moi, des autorités comoriennes, il ne faut pas perdre de fait 183 morts (et 224 rescapés) pour 17 naufrages. s'il y a un voyage programmé", expliquait-il en vue l'autre partie prenante, tout aussi responsable 3- Les passeurs sont des salauds 2005. Il touchait alors 75.000 fc (150 euros) pour de ces tragédies : la France. En instaurant un visa Selon une dépêche AFP du 20 août, le pilote de la traversée. Un salaire plus que correct comparé en 1994 pour tout ressortissant comorien souhai- 5 - La solution : les expulsions 1 Lire Kashkazi l’embarcation qui avait fait naufrage le 13 août a au revenu moyen de l'île, mais qui ne tient pas tant se rendre à Maore, en dépit des liens familiaux Au lendemain du naufrage du 13 août, le ministre n°23, janvier 2006 été mis en examen et écroué. L'homme, dont l'i- compte des risques encourus. Car l'on oublie bien très forts qui ont continué à se développer malgré de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité 2 Lire Kashkazi dentité et la nationalité n'ont pas été précisées, a souvent que quand un kwassa coule, les passeurs la séparation, celle-ci a ouvert la vanne des tragé- nationale et du Codéveloppement, Brice n°18, novembre "reconnu avoir déjà piloté à de nombreuses repri- s'en sortent rarement. dies maritimes et des trafics en tous genres. Elle Hortefeux, envoyait un communiqué complète- 2005 ses des embarcations de ce type entre Anjouan et Depuis quelques années, la Justice française tient avait pourtant su éviter dans un premier temps ce ment hors sujet. Après avoir "déploré" cet acci- 3 La diaspora como- dent, il rappelait que "plus de 16.000 Comoriens rienne en France est Mayotte et avoir été condamné pour cela à deux à réprimer cette activité. Les peines encourues type de décision unilatérale. estimée à environ reprises, ce qu'a confirmé l'enquête". Encore un sont souvent très lourdes, allant jusqu'à 3, 4 ans de Si la séparation en 1975 vit la mise en place d'un ont été éloignés en 2006". Selon le ministre proche 800.000 personnes. salaud de passeur qui va payer ! prison. Les effets sont cependant nuls - compara- visa, lorsqu'elle arriva au pouvoir en 1981, la gau- de Sarkozy, "ce nouveau drame (...) illustre tragi- quement les risques que font courir les trafiquants qui exploitent la misère de ces migrants". Dans ce même communiqué, il "confirme la détermination totale du gouvernement à poursuivre sans répit la lutte contre ces filières criminelles". Quelques mtsamdu, ngazidja, pleure ses morts lignes plus tôt cependant, il affirmait que c'est parce que l'embarcation "tentait d'échapper à la vigilance des moyens de surveillance côtiers" qu'elle a "emprunté une voie difficile avant de cha- DARSALAM. CE QUARTIER DE MTSAMDU, ce naufrage. Seuls trois sur les dix ont échappé à la avaient déjà coulé. D'autres se sont accrochés à des virer". Un aveu qui ne dit pas son nom… Il ne lui village du Washili, au nord-est de l'île de Ngazidja, mort, parmi lesquels Jevredi, considéré comme l'or- bouées de fortune et ont été emportés dans le noir. viendrait pas à l'esprit que c'est l'intensification de est encore sous le choc. Parmi les victimes du nau- ganisateur de cette expédition."C'est vrai que je vis Sept d'entre nous sont morts dans la barque et on cette lutte qui est à l'origine de la multiplication frage d'un kwassa, le 3 juillet au large de Domoni, à Mayotte depuis longtemps et que je viens régu- a jeté les corps dans l'océan. Je pense qu'il était 16 des drames. En effet à cause des risques, les pas- sept étaient originaires de ce quartier. Blottie dans lièrement à Ngazidja. C'est mon dix-huitième heures le lendemain, lorsqu'une pirogue de seurs empruntent des voies dangereuses pour un coin de la minuscule pièce qui fait office de salle voyage", affirme ce jeune, qui se défend d'avoir pêcheurs nous a retrouvés”, raconte Jevredi. échapper aux deux radars installés en 2005 dans le de séjour dans sa case en tôle, Ma Halima est une quelconque responsabilité dans cette aventure lagon. Nombreux sont ceux qui, désormais, ten- effondrée. Elle a perdu ses deux filles, Halima, qui fatale. "Comme je connais bien Mayotte, ces gens Au bled, ce 3 juillet est marqué d'une pierre tent de joindre Maore en la contournant par le sud. avait moins de 25 ans, et sa petite sœur, étaient rassurés de partir avec moi. Je n'ai incité noire. "C'est une journée de deuil que nous enten- Or, affirme un géographe mahorais, la barrière corallienne est très dangereuse à partir de Sada Moinourou, âgée de 8 ans. Toutes deux faisaient personne à partir. La seule personne que j'ai dons commémorer chaque année pour sensibiliser jusqu'à Saziley. Qu'à cela ne tienne : on préfère partie des dix habitants de Mtsamdu qui s'étaient emmenée avec moi, c'est un petit garçon de la les gens sur les risques de l'immigration", affirme jouer avec la vie des clandestins plutôt que de rendus à Ndzuani pour monter dans la même famille qui avait 5 ans et qui est mort dans mes l'adjoint au préfet de la région. trouver une solution alternative. La preuve : le ter- embarcation. bras", se défend Jevredi. Posé sur les versants volcaniques du Karthala, le ritoire va être prochainement équipé d'un troisiè- Halima revenait de vacances passées auprès de sa village n'offre rien qui retiendrait ses habitants sur me radar pour intercepter les embarcations. mère. Vivant en situation irrégulière à Maore, elle Selon lui, il y avait une vingtaine de passagers à ces terres arides. Mais contrairement aux villages avait passé quelques temps au village, pendant bord du kwasa. "Nous sommes partis de Domoni. voisins, Mtsamdu compte peu de migrants. Une NOMBRE DES PASSAGERS du kwassa qui a que son conjoint était rentré en France. "Elle avait La météo ne présentait pas beaucoup de risques. vingtaine de ressortissants vivrait à Maore. coulé le 13 août étaient des personnes récemment décidé de retourner à Mayotte de peur de compli- Nous étions à une heure des cotes parce qu'on L'installation de ces personnes sert cependant de reconduites à la frontière. Cela n’empêche pas les cations pour la première grossesse qu'elle venait de apercevait encore les lumières. Le téléphone porta- pompe aspirante pour d'autres candidats même si, autorités de réaffirmer leur volonté d'atteindre débuter", explique sa mère. "C'est également pour ble d'un des pilotes a sonné, mais celui-ci n'enten- selon Barouf, leur principale motivation serait d'or- l'objectif chiffré à 12.000 reconduites cette année. des raisons sanitaires, que Moinourou a fait partie dait rien à cause du bruit du moteur. On l'a appe- dre sanitaire. "La complication des démarches Pourtant, ce n'est un secret pour personne, la poli- du voyage", poursuit Ahamada Abdou Islam, alias lé une deuxième fois, puis une troisième fois. Au administratives pour l'obtention d'un visa et l'in- tique du chiffre n'a résolu en rien le problème de l'immigration "clandestine". Renvoyés un jour, Barouf, adjoint au préfet de la région et habitant bout du troisième appel, les pilotes ont éteint les compétence des établissements hospitaliers de l'île, les "clandestins" reviennent le lendemain. En de Mtsamdu. Quant à Fatouma et Hamida, deux moteurs pour entendre leur correspondant. C'est à expliquent en grande partie le recours aux voies juillet, le directeur de la PAF lui-même le recon- autres jeunes filles du quartier, "elles espéraient ce moment là qu'une vague a renversé la barque. illégales", affirme-t-il. Comme pour étayer son pro- naissait. Dans un entretien accordé au Mahorais, refaire leur vie à Mayotte", indique un jeune Nous nous sommes tous trouvés dans l'eau. Les pos, il révèle que "trois malades [des femmes, ndlr] il déclarait : "Il faut être lucide, sur les 13.500 homme du village… pilotes ont rapidement détaché les moteurs, per- sont partis pour Mayotte, juste avant le dernier étrangers reconduits à la frontière [en 2006], Au total, quatre femmes et trois enfants entre 5 et mettant ainsi à la barque de se redresser. Mais il drame". combien sont revenus ?" 8 ans, tous originaires de Mtsamdu, ont péri dans n'y avait plus rien à faire. Certains passagers KAMAL'EDDINE SAINDOU RC

28 kashkazi 66 septembre 2007 enquête décryptage AFFAIRE BIC-NICOM Une bombe à retardement Comment un conflit banal entre une banque et son client est-il devenu une affaire d'Etat menaçant l'équilibre financier du pays ? De la corruption judiciaire aux luttes d'influences en passant par le marché du ciment, les enjeux dépassent de loin les seuls Christian Gout et Shemir Kamoula. Enquête.

ce qu'ils veulent, c'est ren- “EUX, verser le gouvernement." La phrase lâchée par le vice-président Idi Nadhoim à propos de l'affaire Bic-Nicom, rap- pelle si besoin était le tour passionnel et haute- ment politique qu'ont pris les derniers rebon- dissements du feuilleton judiciaire opposant la Banque industrielle de commerce (Bic), à l'en- treprise de Shemir Kamoula. Réunions au plus haut sommet de l'Etat, menaces de sanctions économiques proférées par les institutions financières françaises, coup de balai au sein du Palais de justice… et même pénurie de riz : si l'affaire n'est toujours pas terminée, ses consé- quences actuelles et à venir font peser un climat lourd d'inquiétude sur Moroni. Le feuilleton débute en 2005. La presse s'y intéresse en octobre, sollicitée par Me Mzimba, l'avocat de Shemir Kamoula, qui explique que la Bic a fait subir à son client "une rupture abu- sive de contrat inacceptable" en fermant ses comptes commerciaux, après avoir repéré des anomalies sur des documents fournis par Nicom 1. "Etant la seule banque des Comores, la Bic asphyxie par sa décision l'entreprise qui ne dispose d'aucun recours sur place pour poursuivre ses activités", soutenait l'avocat. La direction de la banque avait de son côté porté plainte au pénal pour "faux et usage de faux" contre Nicom. Après avoir entendu les parties, le parquet classera cette plainte sans suite pour "charges insuffisantes", avant de relaxer Shemir au cours d'une citation directe sollicitée par la Bic. L'affaire ne resurgit que plus d'un an et demi plus tard dans l'opinion publique où elle fait l'effet d'une bombe. La justice, qui a poursuivi la procédure civile sollicitée par Shemir, Le nouveau ministre de la Justice de l’Union, Mourad Said Ibrahim, frère de l’avocat de la Bic. condamne en mai dernier solidairement la banque et son directeur général, à verser au plaignant la somme de 3,8 milliards de fc (7,7 publiquement qu'il est disposé à chercher une d'une affaire Bic-Nicom, mais d'une affaire Nicom. "Tout ça, tout ce que vous voyez, c'est millions d'euros), à titre de dommages et inté- solution négociée avec la Bic. Sans effet. Enfin entre Nicom et le gouvernement". foutu à cause de lui. Cet homme m'a détruit." rêts, pour avoir fermé unilatéralement ses le 24 août, le procureur général, le premier pré- Cette vision de l'affaire est largement véhiculée "Il s’agit d’un crime économique", commente comptes commerciaux. La Bic fait appel. Le sident du tribunal et plusieurs magistrats sont par les médias grâce à la campagne de presse Me Mzimba. "Il avait 200 employés qui sont 24 mai, les dommages et intérêts sont revus à remplacés, officiellement dans le cadre d'une offensive que mène Shemir Kamoula entouré aujourd'hui au chômage, il payait 600 millions la baisse, fixés cette fois à 1,4 milliard de fc restructuration du système judiciaire. de ses deux avocats. Il faut dire que l'histoire [120.000 euros, ndlr] d'impôts à l'Etat !" (2,8 millions d'euros) avec obligation de consi- est belle : Shemir, franco-comorien d'origine De leur côté, les avocats font de cette affaire gner 600 millions (1,2 million d'euros) à la DANS LA CAPITALE, ces multiples rebon- indienne au regard sombre et aux bras tatoués, une bataille pour l'indépendance de la justice, Banque centrale. Le versement du montant res- dissements font scandale. Alors que la Bic fait "voyou peut-être mais pas voleur", parti de pas menacée selon eux par le comportement ana- tant est soumis à un jugement sur le fond. savoir qu'elle ne dispose pas des réserves suffi- grand-chose pour devenir numéro un du chronique de la direction française de la Bic et Deux jours plus tard, un décret signé du minis- santes pour payer ce qui lui est demandé, les ciment dans le pays, aurait vu son tre de la Justice et de son collègue assurant l'in- milieux économiques manifestent leur inquié- ascension économique brisée par un “Il s’agit d’un crime économique. Il avait 200 employés térim des Finances, exonère les banques du tude par la voix de l'Organisation patronale des directeur de banque arrogant, à peine principe de l'exécution provisoire. Son effet Comores (Opaco), qui déplorait le 12 juin "la dégrossi du moule colonial et avide de qui sont aujourd’hui au chômage.” rétroactif évite à la Bic de payer la consigna- passivité avec laquelle le gouvernement a suivi protéger les intérêts de ses amis -l'ex- MAÎTRE MZIMBA, AVOCAT DE NICOM tion. Du coup, Nicom se retourne contre le ce dossier. En sa qualité d'actionnaire de la portateur français Eli Biccairé, en parti- directeur, Christian Gout, et l'attaque en cita- Bic, de garant de la stabilité des systèmes culier. Et le directeur de Nicom de raconter par les pressions de l'Etat français sur le gou- tion directe pour avoir refusé de payer la consi- monétaire et financier du pays, [il] a entre ses comment Christian Gout lui aurait dit : "On ne vernement comorien. "Les Comores ne sont gnation. Convoqué le 14 juin, celui-ci quitte mains tous les moyens pour intervenir dans ce vous aime pas, il faudrait que vous quittiez pas une République bananière", lançait Me deux jours plus tôt Moroni pour la France. Il est dossier". Quelques jours plus tôt, Me Harmia, notre banque", et aurait expliqué à des tiers Harmia le 5 juin lors d'une conférence de pres- condamné par contumace à une peine de qui défendait Nicom aux côtés de Me Mzimba, qu'il ne supporterait pas ses tatouages. En fer- se. "La Bic s'est trompée d'époque et de pays… quelques mois de prison, mais le Parquet fait déplorait au contraire l'immixtion du gouverne- mant ses comptes commerciaux, la Bic l'a La justice comorienne est souveraine. Nous la appel de cette décision. Le 21 août, Shemir ment dans la justice, estimant que le décret coupé de ses fournisseurs internationaux qui saluons." Et Me Mzimba d'enchaîner : Kamoula tient une conférence de presse avec exonérant les banques du paiement de la consi- ont fini par se détourner de lui, nous a-t-il pré- "Comment un cadre de très bas niveau son "médiateur", Youssouf Mliva, annonçant gnation "a déplacé l'enjeu, il ne s'agit plus cisé en désignant les entrepôts déserts de peut-il manipuler les ministres, terro- ...

kashkazi 66 septembre 2007 29 décryptage enquête

... riser notre pays ? La Bic a eu un com- de bon ton de prendre du recul vis à vis du sta- ne fait pas d'effort pour régler ses échéances et au pénal contre Shemir pour escroquerie et portement de bandit. 2" Autre cible de tut de victime accordé à Shemir Kamoula par préfère faire transiter de l'argent par son usage de faux, introuvable au greffe et effacé leurs attaques, les interventions du gou- la justice, et de ses prétentions à se faire rem- compte en France", prétend notre interlocuteur. des fichiers informatiques de la gendarmerie. vernement et particulièrement de l'actuel bourser une somme jugée déraisonnable. On Shemir accuse par ailleurs Gout et son équipe ministre de la Justice, Mourad Said Ibrahim, lui reproche à demi-mot de mettre en péril l'é- de l'avoir brusquement et sans raison privé des qui tente par tous les moyens de modérer les quilibre du pays en défendant ses propres inté- facilités de crédit accordées par l'ancienne 3. Les voies parrallèles de la Bic ardeurs du tribunal sur cette affaire. rêts. L'Opaco, qui demandait le 13 juin aux direction, avec qui "tout se passait très bien". SI LE TRIBUNAL a pu paraître acquis à la Excepté quelques discrètes déclarations de Me autorités de "se ressaisir pour trouver (…) une Dans ce contexte de relations difficiles avec l'é- cause de Nicom, c'est aussi que la Bic a délibé- Fahami, la Bic brille quant à elle par son silen- solution équitable, respectueuse des intérêts tablissement bancaire, est-il imaginable que rément emprunté des voies parallèles pour par- ce. Tandis que Shemir mobilise deux avocats supérieurs du pays et qui puisse préserver la l'importateur ait utilisé une lettre de crédit ficti- venir à ses fins, zappant de fait le système judi- comoriens, travaille en liaison avec un cabinet solvabilité de l'Union des Comores au niveau ve non pour détourner de l'argent, mais pour ciaire. Après le classement de sa plainte par le parisien et s'est associé les services d'un comp- international 3" -autrement dit en évitant à la faire patienter un banquier ou un créancier ? substitut du procureur, le directeur de la Bic table expérimenté en matière de joutes finan- banque de payer la somme due à Shemir- s’est Ou bien la Bic a-t-elle monté de toutes pièces demande à rencontrer Jeannot, alors procureur cières, la banque se contente de déléguer l'avo- ainsi désolidarisé de l’importateur. un traquenard pour se débarrasser d'un client de la République. "Il m'a demandé de me pen- cat habituel de l'ambassade de France et ne fait En filigrane, des sources qui se disent bien indésirable ? Les deux scénarios paraissent cher sur le dossier, qu'il y avait quand même pas recours aux services juridiques de sa mai- informées affirment que Shemir Kamoula a aussi irréalistes l'un que l'autre. Certes, en des éléments à charge", dit celui-ci. "Je lui ai son mère, la Banque nationale populaire (BNP- bien produit des faux documents -il l'aurait relaxant Shemir pour "charges insuffisantes", répondu qu'il pouvait nous apporter tous les Paribas). Tout semble indiquer qu'elle a déser- même reconnu devant témoins en ajoutant : "Et la justice a tranché. Mais en rejetant l'argument éléments de preuve dont il disposait pour alors ?" Cette accusation, ses avo- de la Bic selon lequel produire de faux docu- reconsidérer le dossier. Il n'est jamais venu." cats ne veulent cependant plus en ments est en soi un préjudice moral et un dan- Mais c'est au cours de la procédure civile inten- “On va être obligés de marcher sur quelques principes entendre parler. "Est-ce qu'il a gereux précédent, elle n'a pas cherché à savoir tée par Nicom que la banque semble se désen- pour ne pas que le régime saute.” truandé la banque ? On n'en est si oui ou non il avait produit ces documents, ce gager totalement, n'opposant aucune conclu- plus là. La justice a tranché en le qui aurait pu lever définitivement le doute. sion convaincante au dossier fourni à la justice IDI NADHOIM, VICE-PRÉSIDENT DE L’UNION DES COMORES relaxant", explique Me Mzimba. par l'homme d'affaires. Manquant de spécialis- "Le contentieux est maintenant tes en matière de commerce et de finance, les té le champ judiciaire pour livrer bataille sur le strictement commercial." La culpabilité ou non 2. La justice corrompue ? juges s'en remettent facilement au topo bien plan politique, prêtant le flanc à toutes les cri- de l'homme d'affaires est pourtant à la source L'AMBASSADEUR de France C. Job ne s'est ficelé qu'a concocté pour eux le conseil finan- tiques scandalisées par ce comportement "au- de tout l'imbroglio politico-judiciaire dans un pas gêné pour le dire : "Les juges du tribunal de cier de Shemir, avec les conclusions que l'on dessus des lois". Car des menaces de sanctions contexte où la crédibilité du tribunal est mise en Moroni sont corrompus." Des opérateurs éco- connaît. Le comptable a en effet produit une économiques françaises ont suivi de près le cause. S'il a réellement commis ce faux, c'est nomiques qui ont suivi l'affaire de près confir- simulation tenant compte non pas des bénéfi- jugement du tribunal : on parle rien de moins toute l'institution judiciaire qui vacille -donnant ment, indiquant que le directeur de Nicom, sûr ces ou du chiffre d'affaire de l'entreprise, mais que de "sortie des Comores de la zone franc"… de l'eau au moulin de la Bic qui prétend que de sa victoire future, a "arrosé" et distribué des du "manque à gagner" causé par son éjection face à la corruption de la justice, elle ne peut promesses pour obtenir des soutiens dans les du circuit des transactions internationales : ON COMPREND MIEUX, alors, que ce dif- agir qu'au niveau politique. Son innocence milieux économique et judiciaire -l'un d'eux confiance des fournisseurs brisée, clientèle per- férend entre une banque et son client soit deve- mettrait au contraire en évidence une réelle prétend avoir été approché dans ce sens. Des due, filière désorganisée… Un rapport solide- nu une affaire d'Etat. On est même tenté de voir volonté de nuire de la part de la banque. membres du tribunal nous ont indiqué émettre ment argumenté, mais discutable. Or, la Bic ne dans cet invraisemblable enchaînement de sur- des doutes quant à l'origine de l'acquisition de l'a pas discuté… enchères une machination destinée à déstabili- OR, LES PÉRIPÉTIES judiciaires n'ont pas biens de certains magistrats -sans disposer de ser Sambi, enfermé dans un dilemme : mettre à permis de discuter du fond de l'affaire, affirme preuves. Mais du côté de Nicom, on retourne N'AVAIT-ELLE RIEN à répondre pour sa mal l'indépendance de la justice et céder aux une source proche de la Bic (lire ci-contre). Sur l'accusation : "La Bic a tenté de monnayer le défense, ou a-t-elle simplement laissé filer ? Les e injonctions françaises, ou prendre le risque de les deux accusations portées par la banque, une soutien des magistrats", lance M Mzimba. avocats du commerçant ont basé leur argumen- voir le pays dériver dans un cycle infernal de seule aurait été discutée -et c'est de celle-ci dont Sans preuve non plus. L'ancien procureur de la tation sur deux axes. Le premier consiste à dif- blocages financiers, de crise monétaire et de parle le plus volontiers Shemir Kamoula. "Une République Jeannot, souvent cité par les avo- férencier les personnes morale et physique face pénuries qui le rendront encore plus vulnérable personne que je ne connaissais pas, un ‘je cats de Shemir comme l'objet de pressions à un délit. "Il faut distinguer l'homme et l'entre- e sur le plan social -"une prise en otage du pays", viens’, m'a demandé un devis pour 15 millions émanant de la banque, indique que Christian prise", souligne M Mzimba. "On ne tue pas selon les mots de l'Opaco. "Cette affaire a [30.000 euros] de matériaux de construction", Gout l'a contacté en 2005 "pour me demander une société qui fait travailler 200 employés, valeur de test pour la France", avait averti nous a-t-il expliqué. "Au bout d'une semaine, il d'examiner les charges pesant contre Nicom, quand bien même son dirigeant serait coupa- l'ambassadeur Christian Job au début du mois revient en me disant qu'il a fait un virement. mais non pour me proposer de l'argent". ble." Le second touche aux modalités des sanc- de mai lors d'une conférence de presse. "On va J'ai envoyé l'information à ma banque en Un certain nombre de faits poussent cependant tions imposées par la Bic. Selon la législation être obligés de marcher sur quelques principes France pour lui dire de me faire signe quand à s'interroger sur le traitement du dossier par la française antérieure à 1975 -applicable aux pour ne pas que le régime saute", semble lui l'argent serait viré. Une semaine après, l'ar- justice comorienne. La plainte déposée par la Comores- un délai de six mois est exigé d'une faire écho le vice-président Idi Nadhoim. gent n'est toujours pas arrivé. J'ai dit à ma Bic contre Nicom en juin 2005 aboutit à une banque souhaitant fermer les comptes de l'un de Comment cette affaire d'apparence anodine a- banque : ‘Questionnez la Bic, pour savoir où relaxe "faute de charges suffisantes". Jeannot, ses clients. Or les démarches effectuées par la t-elle pu déboucher sur des enjeux aussi explo- est l'argent’[le client de Nicom disait posséder le procureur de la République de l'époque, Bic auprès de Nicom après avoir été déboutée sifs ? Si le silence de la Bic -sa direction n'a pas un compte à la Bic, ndlr]. La Bic a répondu que indique avoir interrogé son substitut sur sa par la justice, paraissent lapidaires : "Nous n'a- souhaité s'exprimer et son avocat était en l'avis de crédit était un faux. J'ai cherché à décision de classer l'affaire après avoir été vons plus convenance à apporter notre concours France lors du bouclage de cette édition- n'aide retrouver le client puis, comme personne n'était pas à éclairer ses rouages, on peut tenter de l'in- lésé dans l'histoire, j'ai laissé tomber. C'est terpréter selon différents niveaux de lecture. alors que Gout me convoque. Il me tend une “"La banque [estimait] que ses relations avec un client 1. Les zones d'ombre de Shemir feuille blanche et me dit : ‘Avouez que c'est pratiquant des actes frauduleux n'avait plus lieu d'être.” vous qui avez fait ce faux ou j'appelle le procu- AU SEIN de l'élite politico-économique, il est UN PROCHE DU DOSSIER reur.’ Il m'a accusé d'avoir fait un autre faux, auparavant, pour demander un virement de mon compte à moi sur celui de mon fournis- contacté par le directeur de la Bic. "Il y avait un à votre entreprise", dit la lettre de M. Gout qui a seur. Mais le virement avait bien été effectué. Si seul papier dans ce dossier : la facture profor- précédé la rupture de l'accès au crédit. le document était faux, pourquoi en avaient-ils ma de Nicom signée par un ‘je viens’", affirme- "La banque estimant que ses relations avec un tenu compte pour m'accuser ensuite ?" Et d'in- t-il. Or, des proches de la Bic et des opérateurs client pratiquant des actes frauduleux n'avait harmia / mourad : terroger : “Pourquoi moi qui avais un chiffre économiques prétendent que le dossier conte- plus lieu d'être, elle a retiré sa confiance", d'affaires de 4 milliards [8 millions d'euros, nait à l'origine d'autres documents : "Le PV expliquent des proches du dossier. Pourquoi des conflits d'intérêt ? ndlr], qui suis installé ici avec une réputation, d'enquête de la gendarmerie qui accusait dans ce cas n'a-t-elle pas délivré un préavis en j'aurais fait un faux document pour 15 millions Shemir et l'avis de crédit" notamment, disent- bonne et due forme ? La Bic argue par ailleurs sur lesquels je n'aurais aucun bénéfice ? Alors ils. Faux, rétorque Jeannot. "Et s'il manquait que les comptes de Nicom n'étaient pas fermés L'affaire Bic-Nicom a cristallisé la sourde lutte d'influen- que je n'ai aucun problème avec la banque ! Je des pièces au dossier, pourquoi ne pas les avoir -mais leur ouverture était toute théorique, ce que se livrent les avocats Harmia Kassim et Mourad Said ne lui dois rien", lance-t-il en sortant une lettre rapportées ?" puisque leur propriétaire n'était plus en mesure Ibrahim au sein du gouvernement et du système judiciaire. de sa banque française attestant qu'il règle à Ce n'est pas tout : aux dires de proches de la de payer ses fournisseurs étrangers. Conseillère juridique du vice-président Idi Nadhoim et avoca- temps toutes les échéances de ses crédits. banque, la plainte qui a été classée par le pro- te du gouvernement, Me Harmia assure aussi la défense de Si la première accusation (liée au client qui a cureur était la seconde déposée par la Bic. La Nicom -un mélange des genres qui lui est souvent reproché. 4. Une affaire diplomatique disparu dans la nature) peut paraître douteuse, première, transmise au parquet par la gendar- Indéboulonnable grâce à un "contrat béton", elle a cependant une source sûre proche de la Bic atteste qu'un merie, se serait mystérieusement volatilisée IL FAUT remonter à la fin du régime Azali vu son influence diminuer à l'arrivée au ministère de la Justice sans laisser de trace. pour comprendre le poids de l'affaire dans les e échange de correspondances entre celle-ci et le de M Mourad, qui a résolu de mettre à mal les réseaux tissés fournisseur Morema a bien eu lieu concernant Ces zones d'ombre dans le traitement judiciai- relations entre la France et les Comores. Au par sa collègue au sein du tribunal. Bien que réputé intègre, re de l'affaire sont mises en évidence dans un début de la procédure judiciaire, la direction de e un faux document fourni par Shemir. Cette le nouveau ministre, qui n'est autre que le frère de M source indique aussi que contrairement à ses rapport commandé par l'ancien ministre de la la Bic s'entretient avec le ministre des Finances Fahami, avocat de la Bic et connu pour ses affinités avec les dires, le patron de Nicom est lourdement endet- Justice, M'madi Ali, peu après l'élection de de l’époque, Abou Oubeid. "La Bic étant une milieux de l'ambassade de France, est la cible de rumeurs té auprès de la seule banque commerciale du Sambi. La plus grosse irrégularité relevée société anonyme dont les actionnaires sont la depuis qu'il influe sur le cours de l'affaire. pays. S'il est loin d'être le seul dans ce cas, "il concerne la disparition du dossier de la plainte BNP, l'Etat et des particuliers, il était normal

30 kashkazi 66 septembre 2007 enquête décryptage qu'elle informe ses partenaires et notamment l'Etat comorien", défend à l'époque Me Fahami 1. "Est-ce cette exigence de transparen- ce que le conseil de Nicom qualifie de pres- sions ?" Toujours est-il qu'à l'issue de ces démarches, le dossier n'a pas connu de rebon- dissements jusqu'à la fin du mandat d'Azali. Il a fallu attendre mai 2006 pour que l'affaire resurgisse. M'madi Ali, le ministre de la Justice du premier gouvernement Sambi, raconte qu'"à [son] arrivée au ministère, les responsa- bles de la Bic sont venus [le] voir avec le dos- sier pour [lui] expliquer les irrégularités qui ont entaché la procédure engagée par le par- quet, et [lui] demander d'intervenir.” “Je leur ai fait comprendre que je ne pouvais pas inter- férer sur le fonctionnement de la justice. Shemir m'a également interpellé. Néanmoins, j'ai tenu informé le procureur et demandé à l'inspecteur de mener une enquête et de rouvrir le dossier si cela était nécessaire. Le rapport qui m'a été remis par le magistrat, a mis en évi- dence des irrégularités." A son départ du ministère, "j'ai laissé la situation en l'état".

LA PARTIE FRANÇAISE n'est pas restée inactive pour autant. Déjà, lors de son premier contact avec le président Sambi, l’ex-ministre française de la Coopération, Brigitte Girardin, lui avait remis deux dossiers concernant les menaces qui pesaient selon elle sur "les intérêts français aux Comores". L'un concernait la Comaco 4, l'autre la Bic. Un an plus tard, l'ambassadeur indiquait sans Parquet, représenté par le Procureur de la Rachida Dati, dans une perspective de coopé- qui ont profité de sa déchéance sur les marchés Ci-dessus, ambiguïté qu'il avait "saisi les plus hautes République, fait appel dans le sens de la relaxe, ration, ne pourra que renforcer sa position en du ciment et de la viande, dont il était le troisiè- Maîtres Mzimba et Harmia, autorités de l'Etat sur cette affaire". Sans effet, estimant que la procédure d'exécution n'a pas faveur d'un règlement de l'affaire plus conci- me importateur… avocats de Shemir du moins au début. "Ils ont commencé à avoir été menée dans les règles par Nicom, et tenant liant envers la Bic. Le président Sambi semble, Kamoula Sambi dès son élection", affirme un membre compte des "conséquences socio-écono- le couteau sous la gorge, s'être rallié à cette 7. Une énorme manipulation ? (à droite) (L’Archipel) du gouvernement. "Ils ont fait des pressions, miques" de la décision. Est-ce une coïncidence vision des choses. "DÉVALUATION", "sortie du pays de la zone l'ont rencontré plusieurs fois, mais jamais il ? Le même Procureur de la République sera CFA"… à en croire les menaces émanant des n'en a parlé en Conseil des ministres. C'est seu- épargné par le coup de balai donné au tribunal autorités françaises, le récent blocage du finan- 5 lement maintenant que l'on commence à inter- par Mourad quelques jours après cette déci- 6. Le marché du ciment, cement de la cargaison de riz populaire n'est venir." L'idéal d'une justice libre et indépendan- sion, tandis que le procureur général, le pre- véritable enjeu de l'affaire ? que le hors d'œuvre de la dégringolade finan- te prôné par Sambi au cours de sa campagne mier président et plusieurs chefs de juridiction TOUTES ces péripéties ont fait oublier un élé- cière qui guette les Comores… si la justice per- s'accordait mal avec une immixtion de sa part seront remplacés. ment qui, dans l'argumentation de Nicom, n'est siste à condamner la Bic. Pour justifier sa posi- dans cette affaire… ressorti dans les médias que de manière vague : tion, la banque indique que ses réserves ne lui Mais la nomination de Mourad Said Ibrahim au "La Bic a voulu m'éjecter du marché du ciment permettent pas de payer les 3,8 milliards fc (7,6 poste de ministre de la Justice va servir de déto- 5. Un front anti-Bic que je détenais à 70%", prétend Shemir. millions d'euros) réclamés, réduits à 1,4 nateur à la réaction de l'Etat, qui commence à SI UNE TENDANCE s'est imposée pour Simple accusation ou clé de l'énigme ? Quand milliards (2,8 millions d'euros). Coïncidence : paniquer. "Le réveil du gouvernement fait suite demander une gestion concertée et réaliste de on connaît la structure du marché au Conseil d'administration de la Banque cen- la crise, ce que l'on pourrait appeler un "front d'importation de ciment avant trale qui s'est tenu à Paris", indique un opéra- anti-Bic" n'en a pas moins émergé au sein de que Nicom n'entre en course, en “Un groupe semble vouloir ne pas faire de compromis et teur économique qui a participé à une rencont- l'élite politique, économique et judiciaire. 2004, on est tenté de pencher traiter la banque comme le citoyen ordinaire.” re avec le gouvernement. "C'est là que le Trésor L'enchaînement des décisions défavorables à la pour la seconde hypothèse. Selon français a remis un courrier au ministre des Bic qui a pu être perçu comme de l'acharne- une source bien informée, les cré- UN CONSULTANT Finances. Selon celui-ci, si la Bic est condam- ment semble être moins l'effet d'une corruption dits sur l'importation de ciment née, l'Etat comorien sera dégagé de la zone généralisée que d'une volonté de "coincer la représentaient avant l'arrivée de celui-ci 50% son dernier bilan montre qu'entre 2005 et 2006, franc, toutes les négociations avec les institu- Bic", jusqu'alors intouchable du haut de son des bénéfices enregistrés par la banque, devant ses réserves, stables les années précédentes, tions de Bretton Wood [qui auraient été lancées monopole. " La Bic a coulé des tas de commer- le financement du riz et les prêts ordinaires. sont passées de 12 milliards de fc à 7,7 avec l'appui personnel de Jacques Chirac, ndlr] çants comoriens, ça lui apprendra !" entend-on L'homme d'affaires français Elie Biccairé, qui milliards. La différence -un peu plus de 4 seraient rompues." Déterminé à remettre de un peu partout. Il est vrai que l'évènement est intervient aux Comores depuis plus de vingt milliards de fc- a semble-t-il été transférée vers l'ordre dans un tribunal qu'il estime peu crédible de taille : jamais le tribunal de Moroni ne s'était ans, assurait les importations grâce aux garan- la maison mère, la BNP. La banque, qui a refu- et en désaccord avec la manière dont a été trai- offert le luxe de condamner à la prison un ties que lui procurait la Bic auprès des fournis- sé de mener toute conciliation avec Nicom, se tée l'affaire Bic-Nicom, le nouveau ministre de directeur de banque français -quand bien seurs. La banque ouvrait ensuite des lignes de préparait-elle à ne pas pouvoir exécuter la déci- la Justice n'hésite pas à intervenir pour tenter de même tout le monde sait qu'il ne viendra crédit à destination des commerçants qui la sion de justice ? Un habitué des litiges finan- rectifier le tir. La partie Nicom rapporte qu'au jamais purger sa peine. remboursaient au fur et à mesure qu'ils écou- ciers s'étonne par ailleurs que Christian Gout, moment de rendre le délibéré, le juge qui avait Au sein du gouvernement, "un rapport de laient la marchandise. condamné solidairement à payer cette somme, suivi l'affaire a été remplacé sur ordre du minis- force s'est installé autour de l'affaire de la Bic", En mettant en place son propre système d'im- "ne songe pas à faire jouer la police d'assuran- tre. "Le nouveau juge est arrivé et a dit : ‘Je ne observe un consultant bien introduit dans les portation avec des bateaux plus petits que ceux ce à laquelle souscrit tout directeur de banque 1 Kashkazi n°11, connais pas l'affaire, on reprend tout’", raconte affaires économiques. "Un groupe semble vou- de M. Biccairé et un financement pratiquement pour couvrir ce genre de risque". En faisant porter le chapeau de la crise au tribu- 13/10/2005 Shemir. "Il a fallu la mobilisation de tous les loir ne pas faire de compromis et traiter la indépendant de la Bic, Shemir Kamoula aurait 2 L'Archipel n°228, chefs de juridiction pour imposer que le pre- banque comme le citoyen ordinaire. Il pousse bousculé une machine bien huilée. "Les com- nal, la Bic -aidée d'une partie de l'élite- a réussi 23/05/2007 mier juge rende son délibéré", dit son avocat. vers une liberté de la justice." Ce groupe serait merçants venaient chez lui car il proposait de le tour de force d'éluder le problème de fond 3 La Gazette des Comores La première intervention du gouvernement mené par le vice-président Idi Nadhoim, sa plus petites quantités en échange d'un chèque posé par cette affaire : à savoir que les Comores n°512, 13/06/2007 sont à la merci d'une banque à capitaux majori- 4 Société commerciale de assumée comme telle concerne cependant la conseillère juridique Harmia (qui est aussi l'une qu'il encaissait une fois la marchandise ven- droit comorien à capitaux sortie du décret évitant à la banque de s'acquit- des avocates de Nicom) et le directeur de cabi- due", affirme un proche du dossier. "Ils n'a- tairement étrangers dont la direction tient l'éco- majoritairement français, ter de l'exécution provisoire du jugement, en net de la présidence Mohamed Dossar. Sans vaient pas besoin de s'endetter aussi lourde- nomie du pays dans le creux de sa main. “On a qui gérait le port de transformé une affaire entre deux Français en Moroni avant que celui-ci attendant la fin du procès. Un texte contesté car forcément prendre le parti de Nicom, ceux-ci ment. Il est arrivé un moment où Biccairé ne ne soit confiée à signé par le ministre alors que la publication estiment que la banque ne doit pas profiter de pouvait plus placer un seul bateau." mise à l’index de la justice”, s’étonne un juge. l'entreprise Gulfcom, des décrets est l'apanage du président de la son monopole pour dicter sa loi à la justice, Comment dès lors interpréter l'absence de soli- Christian Gout a-t-il dérapé, sous-estimant la basée aux Emirats Arabes Unis. République. N'en ayant cure, le tribunal réagissant de façon épidermique aux pressions darité autour de Shemir dans le milieu écono- capacité de résistance du tribunal face à ses soutiens en haut lieu, où ce feuilleton est-il le 5 En raison de difficultés condamne Christian Gout à de la prison ferme de l'Etat français. Le ministre de la Justice mique ? Sa victoire judiciaire constituerait une de trésorerie, l'Onicor, en citation directe pour "refus de s'acquitter de incarne lui une tendance qui se veut réaliste et première susceptible de garantir les droits des fruit d'une stratégie ? Une seule certitude : les société nationale possédant l'exécution provisoire"... le jour même où la fait primer les intérêts de l'Etat, menacé dans entrepreneurs du pays face aux établissements véritables enjeux de l'affaire dépassent de très le monopole sur le riz loin cette histoire de faux documents. ordinaire, dépend de la Bic Bic se préparait à assouplir sa position quant au son équilibre et actionnaire de la Bic. Sa récen- bancaires. Mais son retour aux affaires repré- pour financer ses financement d’une cargaison de riz ! Le te visite à la ministre française de la Justice, senterait une menace économique pour ceux L.GIACHINO et K’E. SAINDOU cargaisons

kashkazi 66 septembre 2007 31 géopo environnement Biocarburants : de l’espoir écolo Brésil, Inde, USA... Le monde est fou de la nouvelle mode écologiste : les biocarburants. Conscients de l’enjeu, les pays

revit. Sinistré l'imam du village qui compte aussi des protes- prévu que l'usine utilise de la canne de du bio-diesel créeront plus de 10.000 emplois KATSEPY depuis la ferme- tants. "Certains pêchent. D'autres trouvent Madagascar. Les jeunes vont pouvoir trouver directs. "Aujourd'hui, près de 1.000 paysans ture des usines de Mahajanga et la lente agonie rarement un petit travail à Mahajanga. Mais du travail. Le village pourra revivre." "Ce sera sont déjà concernés par la culture du jatropha de l'industrie sucrière, où travaillaient aupara- la plupart attend un avenir incertain." Dans le une bonne chose pour tout le monde, car la vie dans tout le pays", soutenait en novembre vant nombre de ses jeunes, ce village du nord- village, l'économie est essentiellement basée est difficile aujourd'hui. Tout le monde en est 2006 Hary Andriantavy, secrétaire exécutif de est malgache, situé dans la baie de la Betsiboka sur les gens de passage qui, en attendant le bac, réduit à cultiver son bout de terre", affirme l'Agence de développement de l'électrification et dont les maisons en durs se comptent sur le s'arrêtent pour manger ou boire. Les petits res- Bacar Goulamal. rurale (Ader)3. L'exploitation de la canne à doigt d'une main, voit le bout du tunnel. taurants familiaux pullulent. sucre pour la production d'ethanol prévoit de Habituée à suivre le rythme des deux bacs quo- Depuis quelques mois cependant, la torpeur a DANS UN PREMIER TEMPS, la société créer un plus grand nombre d'emplois : tidiens qui relient cette partie enclavée de laissé place à l'ambition. Bientôt ici, s'implan- Jason World Energy (JWE), qui a obtenu le "30.000 emplois directs devront être créés par Madagascar au port international de tera l'une des 34 usines de production d'éthanol droit d'exploiter (et de construire) l'usine de les sept usines destinées à produire ce bio-car- Mahajanga, la population de Katsepy 1, plon- de Madagascar. "Cela va donner de l'emploi Katsepy, importera d'Inde la totalité de la burant", affirmait à la même époque Hughes gée dans l'inactivité, s'était endormie ces der- aux jeunes", pense Bachir Soudjay, sénateur de matière première nécessaire. Cela se fera "en Rajaonson, secrétaire général du ministère de nières années, bercée par la nostalgie de l'é- la région de Boeny originaire de Katsepy. "Il attendant que les producteurs locaux soient en l'Energie et des mines. Selon les autorités, 80% poque où la canne à sucre faisait vivre la com- va falloir relancer la culture de canne à sucre. mesure de produire selon nos besoins", affir- de cette production seront achetés par le grou- munauté. "Depuis la fermeture de l'usine Au début, la canne sera importée d'Asie car les mait en février dernier son directeur, Jacquelin pe indien Vertical South East Asia, qui vendra Sirama, situé à quelques kilomètres, les jeunes champs de la région ne sont plus cultivés Rananjason 2. "Nous sommes également prêts par la suite aux gros consommateurs que sont ne font plus rien", se désole Bacar Goulamal, depuis des années. Mais dans trois ans, il est à appuyer les paysans locaux pour qu'ils arri- les États-Unis, l'Inde, la Norvège et le Brésil. vent à fournir les besoins des usines locales", Les 20 % restant seront mis en vente sur le continuait-il. La JWE est l'une des nombreuses marché local, à un prix au litre estimé entre Une coupeuse de canne, à Maurice. L’île s’est, comme Madagascar, lancée dans la production d’éthanol. sociétés impliquées dans ce vaste chantier 660 et 880 ariary (0,27 et 0,37 euros, 132 et national. En effet l'implantation d'une usine de 182 fc). production d'éthanol à Katsepy -son ouverture est prévue début 2008, la première pierre a été LA PRODUCTION D'ÉTHANOL recèle de posée voici quelques mois- fait partie d'un plan nombreux atouts. Outre le vivier d'emplois enclenché par Marc Ravalomanana, le prési- directs -"une chance extraordinaire pour dent. Depuis 2004, ce dernier travaille en par- Katsepy et sa région" affirme Bachir Soudjay ; tenariat avec l'île Maurice au développement "ce projet aura des impacts importants à la fois d'une filière de production de biocarburant sur la réduction de la pauvreté et la rentrée de obtenu à partir de la canne à sucre. Ce pro- devises dans les caisses de l'Etat", renchérit gramme, qui a débuté avec l'ouverture de deux Jacquelin Rananjason-, elle devrait aboutir au usines pilotes en avril 2007, prévoit en 2008 développement de nombreuses autres activités l'ouverture de 34 usines dans le pays, qui annexes. Cela devrait également participer au devraient disposer chacune d'au moins 4.500 maintien des activités rurales, outil de lutte hectares de champs de canne pour produire 27 contre l'exode des campagnes. Elle permettra à 28 millions de litres d'éthanol par an. De aussi d'atténuer la flambée du prix du pétrole. source officielle, à l'horizon 2010, les projets Enfin, l'aspect écologique est un des arguments relatifs à l'exploitation des ressources énergé- avancés par les autorités pour promouvoir cette tiques d'origine végétale entraîneront la créa- filière. Le biocarburant est en effet pré- tion d'environ 40.000 emplois 3. En vitesse de senté comme l'alternative au pétrole. croisière, la production et la commercialisation A Katsepy, on se prend à rêver. ... un calcul écologique illusoire

Les défenseurs enthousiastes des biocarbu- Les chiffres concernant la Chine et l'Inde méritent rants prétendent que leur production n'affec- également que l'on s'y arrête, car ces deux pays tera en aucun cas l'alimentation de ceux qui les représentent près du quart de la population de produiront. C'est en tout cas ce qu'ont affirmé les la planète. Avec respectivement 0,44 hectare et présidents Bush et Lula au moment de concréti- 0,18 hectare de surfaces agricoles par habitant, ser leur alliance énergétique. Mais, si l'on exami- l'expansion de ces deux colosses économiques et ne les données de l'Organisation des Nations de leur demande en aliments va intensifier unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) extraordinairement la pression sur les pays capa- concernant les surfaces agricoles et la consom- bles d'en produire, et l'on imagine la tension qui mation de fertilisants dans le monde, la réalité pourrait en résulter lorsqu'il s'agira d'assigner des semble bien différente. Dans les pays développés, terres à la production d'aliments ou à celle de la superficie agricole par personne est en moyen- biocarburant. Enfin, si l'on observe les Caraïbes, ne deux fois plus élevée que dans les pays sous- on peut facilement avoir une idée de ce qui développés. On compte en effet 1,36 hectare par attend le reste du continent. Les petits pays personne dans le Nord, contre 0,67 dans le Sud. antillais qui se sont traditionnellement consacrés (...) Il existe évidemment d'importantes varia- à la monoculture de la canne à sucre sont les tions selon les pays. Ainsi, en Amérique latine, mêmes qui utilisent le plus de fertilisants par hec- l'Argentine, la Bolivie et l'Uruguay se situent bien tare (109 kg en moyenne, contre 84 kg dans les au-dessus de la moyenne des pays développés, pays développés). Or qui dit fertilisant dit tandis que le Brésil est légèrement au-dessous. Il consommation de pétrole. Dans ces conditions, est donc évident que le Brésil devra utiliser ses vanter la production d'agrocarburants pour L’Express de Maurice immenses étendues de forêt pour répondre à la réduire la consommation d'hydrocarbures semble nouvelle donne énergétique ; il est tout aussi évi- plus illusoire que réelle. dent que la destruction de la forêt amazonienne ATILIO A. BORON entraînera un désastre écologique qui affectera América Latina en Movimiento l'ensemble de l'humanité. (traduction : Courrier international)

32 kashkazi 66 septembre 2007 environnement géopo à la désillusion alimentaire ? du Sud dont Maurice et Madagascar s’y sont lancés à corps perdu... sans percevoir les risques d’une crise alimentaire.

... Brésil, le développement économique en effet cultiver six fois la surface terrestre si cours mondiaux du maïs de 20% d'ici 2010 duction mondiale, satisfait un tiers des auquel l'éthanol aboutit, on se dit que on voulait remplacer tous les carburants fossi- et de 41% à l'horizon 2020. besoins caloriques des populations d'Afrique nous sommes au début d'une ère nou- les par des biocarburants ! Pour faire le plein subsaharienne. C'est l'aliment principal de velle pour le village mais aussi toute la d'un gros 4x4 avec de l'éthanol pur, il faut plus L'EXEMPLE DU MANIOC, excellente sour- plus de 200 millions d'Africains parmi les région", s'emporte Bachir Soudjay. Mais atten- de 200 kg de maïs, soit assez de calories pour ce d'éthanol, est, lui aussi, très inquiétant. Sur plus pauvres, soit plus d'un quart de la popu- tion au retour de bâton. Car le tableau n'est pas nourrir une personne pendant un an… les mêmes périodes, dans les régions les plus lation du continent. aussi rose qu'il n'en a l'air. Sur le plan local, rap- La demande de céréales comme le maïs ou pauvres d'Afrique subsaharienne, son prix A l'échelle de la planète, selon les prévisions portait en 2006 La Tribune de Madagascar, le soja à des fins énergétiques tire les cours devrait augmenter de 33 et de 135%. En 2007, les plus alarmistes, si les prix alimentaires, "une vigilance s'impose sur les conditions de mondiaux à la hausse et réduit la disponibi- d'après la FAO, la production mondiale de ce boostés par la demande en biocarburants, culture des jachères. En effet, une utilisation lité de céréales alimentaires. Par ricochet, tubercule "pourrait être supérieure au niveau continuent d'augmenter au même rythme, plus irraisonnée d'engrais entraînant une pollution d'un milliard de personnes risquent de ne plus des sols et des eaux peut contrebalancer le impacts importants manger à leur faim en 2025. bilan écologique positif lié à la combustion des “Ce projet aura des sur la réduction Dans un rapport publié le 7 juin dernier, la 1 Les ancêtres de Katsepy biocarburants. 4" de la pauvreté et la rentrée de devises dans les caisses de l'Etat.” FAO tire la sonnette d'alarme. Selon l'organis- auraient fondé les villages antalotse de Maore : D'un point de vue plus général, le discours JACQUELIN RANANJASON me international, les pays "en développement" Poroani, Ouangani et quant à l'intérêt des biocarburants a radicale- devraient être confrontés à une augmentation Mbalamanga (Mtsapere). ment évolué depuis quelques mois. De l'alter- les cours de toutes les céréales, y compris record de l'an passé compte tenu des mesures de 9% de leurs dépenses globales d'importa- Nous y reviendrons dans une prochaine édition. native rêvée au pétrole, en voie de disparition5, celles dont on ne tire pas de biocarburants visant à accroître l'utilisation de cette culture tions alimentaires en 2007. Toujours dans les 2 L'Express de Madagascar, les biocarburants sont devenus une menace, comme le riz, sont tirés vers le haut. Ce qui dans les plus grands pays producteurs, en par- pays dits "pauvres", le panier d'importations 10/02/2007 notamment pour les pays pauvres. pénalise les consommateurs des pays afri- ticulier à des fins industrielles, notamment alimentaires coûte cette année en moyenne 3 L'Express de Madagascar, L'idée d'utiliser des végétaux pour fabriquer cains à faibles revenus et gros importateurs. pour la production d'éthanol." Plusieurs pays 90% de plus qu'en 2000. Si le pétrole vert fera 19/10/2006 des carburants est dans l'air depuis les deux cri- D'après l'International Food Policy africains, dont le Nigeria, envisagent de pro- peut être l'affaire des producteurs du Nord 4 La Tribune de ses pétrolières des années 1970, mais la forte Research Institute (IFPRI), un institut amé- duire de l'éthanol à partir de l'amidon de comme du Sud, les consommateurs, eux, ris- Madagascar, 14/01/2006 hausse du cours du pétrole depuis 2004 et l'é- ricain de recherche sur les politiques ali- manioc, à l'échelle industrielle. quent de rester sur leur faim. Les villageois de 5 Lire Kashkazi n°59, dossier “Et si l'archipel puisement annoncé de l'or noir, l'a fait se mentaires, compte tenu des prix élevés du Beaucoup craignent d'ores et déjà une cata- Katsepy pourraient rapidement déchanter… possédait du pétrole...” concrétiser rapidement. Consommateur pré- pétrole, l'augmentation de la production des strophe alimentaire dans la mesure où cette 6 The Independant on curseur, le Brésil produit à l'heure actuelle, biocarburants entraînera une hausse des culture, qui assure plus de la moitié de la pro- RC (avec E.de Solère Stintzy, Syfia) Sunday, janvier 2007 essentiellement à partir de la canne à sucre, plus de 12 milliards de litres de biocarburants par an, soit près du tiers de la production mon- diale. Dans les 18 mois à venir, la capacité de production américaine de biocarburant devrait doubler et remplacer 7% du pétrole consommé ; dans son discours sur l'état de l'Union, en jan- Les coupeurs de canne victimes du succès vier 2007, George Bush a souhaité qu'il repré- sente 15% du carburant utilisé par les véhicu- les aux Etats-Unis. L'Union européenne table Au Brésil, les conditions de travail des coupeurs rappellent l'esclavage, rapporte un journal du pays. de son côté sur une utilisation d'un peu moins de 6% de biocarburants à la fin de la décennie. de cent-vingt ans après l'abolition Carlos, pour couper 10 tonnes et gagner 24 reais tonnes par jour, le gato touche en moyenne 60 PRÈS de l'esclavage, les coupeurs de [environ 9 euros, 4.400 fc], il faut parcourir près de reais [23 euros, 11.500 fc]. Les coupeurs sont TOUTEFOIS, PRÉSENTÉS tout d'abord canne, asservis à la terre, subissent encore des coups 9 kilomètres à pied entre les cannes, donner près de choisis de telle manière qu'ils ne se plaignent pas comme une solution écologique à la crise de "fouet invisible", selon les termes employés par 73.260 coups de machette avec 36.000 flexions des de devoir vivre dans des logements décrépis. Ils ne pétrolière, les biocarburants sont à présent de Maria Cristina Gonzaga, chercheuse au ministère jambes. Pis, les coupeurs de canne doivent chacun se plaignent pas non plus de leur paie, inférieure plus en plus contestés. Dans un article intitulé du Travail. Et, lorsqu'on pénètre dans les champs de soulever et transporter au moins 800 tas de 15 kg au salaire minimum. "Les dangers d'un miroir aux alouettes", l'heb- canne à sucre brésiliens, on a l'impression de faire de canne sur une distance de 3 mètres pour empiler domadaire britannique The Independant on un voyage dans le temps et de retourner au XVIIème la production du jour. (...) CETTE CROISSANCE ACCÉLÉRÉE de la Sunday dénonçait les effets pervers d'une telle siècle. Femmes et hommes sont exploités comme Le pire est que la situation de ces forçats de la terre plantation et de la production de canne préoccupe filière : "Ceux-ci favorisent la déforestation du bétail, travaillent jusqu'à douze heures par jour, risque de s'aggraver. On s'apprête dès cette année à les gouvernants comme les économistes. Beaucoup puisqu'il faut libérer de l'espace pour ces nou- récolter un nouveau type de canne (...). Outre le fait craignent que ce boom ne ramène le Brésil aux velles cultures. Les biocarburants sont égale- qu'elle est plus légère - car elle retient moins l'eau -, temps de la monoculture. Aujourd'hui, plusieurs ment à l'origine d'une hausse des prix des den- “Les pratiques qu'ils imposent cette canne concentre une quantité bien supérieure types de cultures et de zones de pâturage sont rem- rées alimentaires, dont les populations les plus sont bien souvent du type esclavagiste.” de saccharose (sucre). Tout cela est parfait, sauf placées par la canne à sucre. Inquiets, certains Etats pour le travailleur, qui doit faucher 100 mètres de se préparent déjà à affronter la situation. Dans la pauvres de la planète sont les premières victi- MARIA CRISTINA GONZAGA, CHERCHEUSE AU MINISTÈRE DU TRAVAIL mes. Selon le Conseil international des céréa- canne pour produire 10 tonnes et qui, en raison de région du Pantanal (Mato Grosso), l'implantation les, à la fin du mois de juin 2007, les réserves cette nouveauté transgénique, devra en couper le tri- d'usines d'éthanol a d'ores et déjà été interdite. Dans mondiales de maïs, de blé et d'orge auront souffrent de la faim et meurent même d'épuisement. ple pour produire la même quantité. l'Etat de Goiás, certaines municipalités veulent limi- atteint leur plus bas niveau depuis les années "Le sucre et l'alcool brésiliens sont imprégnés de ter la pénétration de la culture de la canne. A São 1970, principalement à cause de la demande sueur, de sang et de mort", dénonce Maria Cristina TRÈS HABILES quand il s'agit de moderniser les Paulo, où se concentrent 60% de la production croissante en biocarburants. En outre, les pro- Gonzaga. Selon ses calculs, au cours des cinq der- technologies, les producteurs n'ont apparemment nationale, un projet du député Simão Pedro [du cessus de fabrication et de raffinage de certains nières années, le travail dans les champs de canne à pas l'intention de modifier les conditions de travail Parti des travailleurs (PT)] propose que les fazendei- de ces carburants "verts" consomment en fait sucre a fauché la vie de 1.383 travailleurs. archaïques qui prévalent dans le secteur de l'alcool ros [grands propriétaires] des régions de l'Etat où davantage d'énergie qu'ils ne permettent d'en de canne. "Les pratiques qu'ils imposent sont bien s'étend la culture de la canne soient obligés de réser- économiser.6" "LE COUPEUR de canne espère qu'on fabriquera souvent du type esclavagiste", affirme Maria ver 10% de leurs terres à d'autres types de cultures. Le bilan énergétique et économique global des une machine", raconte Miguel Ferreira, président Cristina Gonzaga. Il suffit par exemple de se pen- "La croissance de ce secteur est une réalité, mais biocarburants apparaît ainsi moins bon que du Syndicat des travailleurs ruraux de la canne à cher sur le processus de sélection des travailleurs. nous devons fixer certaines limites. Sinon, nous prévu car ils sont gourmands en énergie, sucre de Jaboticabal, dans l'Etat de São Paulo, Ceux-ci sont "vendus" par des intermédiaires qui serons obligés, un jour ou l'autre, d'importer des coûteux à cultiver, à collecter et à transformer. région d'où proviennent 60% de la production sélectionnent la main-d'œuvre pour les usines. produits alimentaires de base", soutient Simão Et surtout, ils instaurent une concurrence nationale d'alcool et de sucre. Miguel en sait Amenés du fin fond du pays pour travailler dur Pedro. Le président Lula, sans doute enivré par les redoutable entre cultures énergétiques et cultu- quelque chose. Il a lui-même été coupeur de canne dans les champs de canne à sucre, ces esclaves du vapeurs d'éthanol, déclare quant à lui que les pro- res alimentaires. L'Agence internationale de pendant six ans et a produit, tout comme ses sem- XXIème siècle sont triés par des gatos [chats], sorte ducteurs, qui étaient auparavant des bandits, sont l'énergie (AIE) note que, si leur production blables, 6 tonnes de canne par jour. "Aujourd'hui, d'entrepreneurs à la recherche de personnes qui, en devenus des héros. augmente encore de manière significative, les on demande aux travailleurs de produire au moins échange de quelques miettes, se plient à toutes sor- besoins en terres seront considérables. Sur la 10 tonnes de sucre par jour. Aucun homme ne peut tes d'humiliations. Pour chaque coupeur de canne ALAN RODRIGUES, Istoé base des consommations de 2004, il faudrait tenir", assure-t-il. Selon l'université fédérale de São amené à l'usine et capable de produire ses 10 à 12 (traduction : Courrier international)

kashkazi 66 septembre 2007 33 dossier Sur les braises (encore

Quinze après la fin du régime raciste de Pretoria, l’Afrique du Sud subit encore Nelson Mandela n’est pas loin de voler en éclats, tant les épreuves sont dures et la tâche

juste 30 ans, un martyr -certaine- On connaît la suite de l'histoire : Biko mort, dans un bain de sang." Certes également, apparue, estimée à 1 ou 2 millions d'individus ; IL Y A TOUT ment la plus célèbre des nombreu- l'ANC a poursuivi son combat pour l'emporter l'Afrique du Sud propose un tableau écono- d'autre part, entre 1991 et 2002, le chômage des ses victimes de l'apartheid- nais- d'abord en 1990, avec la libération de Nelson mique satisfaisant : elle pèse un quart du PIB Noirs a augmenté moins vite que celui des sait. Le 12 septembre 1977, Stephen Biko mou- Mandela et l'entame de négociations pour met- africain, a ramené depuis 1998 sa dette Blancs (105%, contre 150%). Cependant, la rait seul dans une cellule de Pretoria, quelques tre fin au régime raciste, puis en 1994, avec l'é- publique à moins de 3% du PIB, connaît une politique de l'ANC a aussi généré un certain jours après son arrestation à un barrage routier. lection à la tête du pays de Mandela. Pourtant, inflation acceptable (autour de 4%) et tire pro- nombre d'effets pervers. Plongé dans un coma rédhibitoire provoqué par aussi paradoxal que cela puisse paraître, c'est fit de ses innombrables richesses naturelles "La discrimination positive ou le BEE ne fonc- les coups des policiers qui n'ont pas permis aux bien la philosophie de Biko qui est en passe de (premier producteur mondial d'or, de manganè- tionnent que si vous disposez de gens formés. Si médecins de lui apporter les soins nécessaires, il l'emporter. C'est que la réconciliation miracle se et de platine). Certes aussi, Pretoria a su ce préalable est rempli, vous pouvez améliorer fut durant 20 ans officiellement mort pour avoir des premières années de la nouvelle Afrique du s'imposer dans le concert des nations de ce les conditions de vie des classes historiquement refusé de se nourrir… Ce n'est qu'en 1997 que Sud -ainsi est dénommé le pays depuis la fin de monde : autrefois reniée de tout le continent, défavorisées. Dans le cas contraire, celui de la Commission Vérité et Réconciliation mise en l'apartheid- n'est plus qu'un vieux souvenir. l'Afrique du Sud a réussi à devenir en dix ans l'Afrique du Sud, vous ne favorisez que ceux qui place par Nelson Mandela fit la lumière 1 sur cet Jamais depuis quinze ans le pays n'avait été un acteur de poids pour la diplomatie africaine; sont proches du pouvoir et des partis", expli- assassinat politique lourd de conséquences, et plongé dans une crise que l'on peut qualifier de elle s'est même imposée au niveau mondial en quait en 2004 Adam Habib, directeur du Centre toujours impuni 2. générale : tant identitaire qu'économique, sani- taire que sociale. TRENTE ANS APRÈS ce meurtre qui, par l'é- “La classe dominante noire rejoint ses homologues motion qu'il suscita tant au niveau national SOUS LA DIRECTION du Congrès national qu'international, marqua une étape importante africain (African National Congress, ANC), au blancs et tente de s'enrichir.” dans la mise au ban de la communauté interna- pouvoir depuis 1994, la nouvelle Afrique du JOHANN ROSSOUW, JOURNALISTE tionale du régime de l'apartheid, la personnalité Sud est loin d'avoir tenu ses promesses. Certes, de Biko est plus que jamais présente dans les les droits civiques sont acquis, la démocratie s'alliant aux autres pays émergents que sont le de recherche en sciences humaines (HRCS) 3. esprits des Sud-africains. Alors que l'ANC sud-africaine fonctionne et la stabilité politique Brésil et l'Inde. Certes enfin, le pays compte Cette politique d'affirmative action est d'autant reconnaissait aux Blancs le droit de rejoindre le règne, même si le vote des Sud-africains a une des succès symboliques qui construisent une plus critiquée que le BEE est devenu au fil des combat des Noirs pour leur libération, Biko s'y forte connotation ethnique et raciale. Comme nation, comme ses deux victoires en Coupe du ans "le paravent d'un nouvel élitisme clanique", opposait. D'inspiration non violente, sa philoso- le rappelait Jeune Afrique en 2004 3, "ce n'était Monde de rugby en 1995 (à domicile), et en dans lequel les proches du président sont favo- phie refusait d'adopter les réflexes occidentaux pas si évident il y a dix ans, quand l'on craignait Coupe d'Afrique des Nations de football en risés. Ancien responsable de l'ANC sous l'apar- et prônait l'africanité. que les premières élections libres se finissent 1996 (toujours à domicile). En 2010, l'Afrique theid, Frederik Van Zyl Slabbert évoque une du Sud sera même le premier pays africain à "cooptation constitutionnelle" de l'ANC, qui organiser la Coupe du Monde de football. installe partout ses cadres loyaux. "A la faveur de la lutte contre les discriminations séculaires MALGRÉ TOUTES ces avancées qui pou- dont ont été victimes une grande majorité d'ha- vaient paraître illusoires au tournant des années bitants, une caste politico-affairiste s'installe à la le dilemme des “diamants noirs” 1990, le pays est en crise. En 2004, environ tête de l'Afrique du Sud. Le pays devient, sur ce 40% de la population vivait encore en dessous point, comme les autres Etats africains : la clas- Mzamo Xala rejette le terme étudier le marketing grâce à une pal facteur de croissance de leur du seuil de pauvreté. Dans le palmarès du déve- se dominante noire rejoint ses homologues de "diamants noirs" utilisé pour bourse. Aujourd'hui, il admet avoir pays. D'autant que depuis 2005, loppement humain dressé par le Programme blancs et tente de s'enrichir" analysait en 2006 qualifier la classe moyenne noire "pas mal de revenus disponibles" et leur pouvoir d'achat a beaucoup des Nations unies pour le développement la journaliste Johann Rossouw dans Le Monde en plein essor en Afrique du Sud. un mode de vie "avec beaucoup augmenté. "Ça prouve qu'ils grim- (Pnud), l'Afrique du Sud est passée du 90ème diplomatique 4. Selon lui, cela implique une notion de joie et de distractions". pent rapidement les échelons dans rang en 1994 au 111ème en 2001, et au 121ème de supériorité et ne rend pas justice Mais selon lui, ceux qui s'en sont les entreprises. Ce n'est pas artificiel, en 2006. Le chômage, loin de se résorber, cul- RÉSULTAT, SELON L'HISTORIEN Sampie à l'esprit de groupe de sa commu- sortis sont accablés par un fort sen- c'est réel", dit-il. mine à 40% de la population active. Chez les Terreblanche, cité par Johann Rossouw 4, "la nauté. "Cela n'évoque pas d'où timent de culpabilité, déçus que le Les "diamants noirs" peuvent être Noirs, il atteignait presque 50% en 2002, tandis société sud-africaine s'est restructurée : jadis nous venons, ce 'un pour tous’", combat contre la minorité blanche fonctionnaires, employés et "un que les Blancs connaissaient un taux de seule- rigidement divisée sur une base raciale, elle estime ce gestionnaire d’une gran- au pouvoir jusqu'à la fin de l'apar- nombre significatif" d'entre eux ment 10 %. Les jeunes, encore plus touchés (75 s'est très nettement stratifiée en classes socia- de société commerciale. theid en 1994 n'ait pas profité à chefs d'entreprise, selon M. % de chômage chez les 16-24 ans), se réfugient les". La crise économique a eu des répercus- Un "diamant noir" est un Sud- tous. "On se sent coupable. Ce n'est Simpson. Pour Mzamo Xala, cet dans le secteur informel, dans le meilleur des sions sur l'ensemble de la société. Pris dans la Africain noir disposant d'un revenu pas à cause de nous si les autres enrichissement ne va pas sans une cas, ou dans la criminalité, qui est devenue un nasse, l'ANC a dû changer de perspectives. d'au moins 7.000 rands par mois n'en profitent pas, mais on sait qu'il adaptation difficile, puisqu'il véritable fléau (lire page suivante). Ainsi, les Après des débuts en fanfare, le parti de (1.000 dollars, 715 euros), éduqué, y a eu un temps où nous étions implique un mode de vie moins Noirs sont toujours exclus de l'économie -à la Mandela, dont le programme économique avait qui a un emploi décent, peut pré- tous impliqués dans le combat." communautaire. "Dans les towns- tendre à un crédit bancaire et pos- Selon un rapport de l'institut hips, ça vit. Il y a beaucoup de lien Bourse de Johannesburg, seules 6% des entre- traditionnellement pour priorité la lutte contre sède ou acquiert une maison, une Unilever de l'Université du Cap, le social. Tout le monde se mélange prises sont à capitaux noirs, 98% des patrons les inégalités sociales, a opéré, à la fin des voiture ou tout autre bien ména- nombre de "diamants noirs" a dans la rue. Il y a vraiment une des entreprises cotées sont Blancs- et de l'agri- années 90, un virage à 180° en optant pour une ger. M. Xala correspond à la défini- augmenté de 30% en 2006, totali- bonne ambiance", raconte-t-il. culture -les Noirs ne détiennent que 3% des ter- politique néolibérale classique. tion : il possède son appartement sant 2,6 millions de Sud-africains, "Dans les banlieues (blanches), les res arables, lire par ailleurs. Le symbole de cette nouvelle orientation fut l'a- et sa voiture, il a quitté son "towns- sur une population de 48 millions, choses sont très différentes. C'est Pour tenter de conjurer cet héritage tenace, le doption du programme GEAR (Growth, hip", un ghetto noir à la périphérie et ils représentent 28% du pouvoir plutôt 'rentre chez toi, reste chez gouvernement et le secteur privé se sont alliés Employment and Redistribution ; "croissance, du Cap, pour s'installer dans une d'achat du pays. Plus de la moitié toi, sors'. Rien ne se passe dans la pour mettre en oeuvre le Black Economic emploi et redistribution"), qui prévoyait la pri- banlieue à majorité blanche. vivent dans des quartiers qui rue. C'est très structuré". C'est peut- Empowerment (BEE), une politique destinée à vatisation des entreprises d'Etat. Mais ce pro- Célibataire et sans enfant, à 29 étaient exclusivement blancs il y a être pour cela qu'il se rend souvent favoriser l'accès des Noirs au capital des entre- gramme défendu par Mbeki, économiste de for- ans, il dépense environ un cinquiè- 13 ans, et 12.000 familles soit au township de Gugulethu le prises. Dans de nombreux secteurs, des Blancs mation fasciné par la "troisième voie" sociale- me de son salaire pour venir en 50.000 personnes quittent les dimanche. "Les gens se rencontrent ont été invités à faire valoir leurs droits à la libérale de Tony Blair qui voulait à tout prix évi- aide aux membres plus défavorisés townships chaque mois. Le respon- et se saluent Ce mode de vie retraite ou à accepter des licenciements, moyen- ter les désillusions du socialisme africain post- de sa famille, dont certains vivent sable de cette étude, John accessible me manque". nant une forte indemnité de départ. Les progrès indépendances, n'a pas eu de bons résultats. encore dans un township. Lui, a pu Simpson, estime qu'ils sont le princi- AFP sont notables : une classe moyenne noire est Tandis que le GEAR prévoyait de créer

34 kashkazi 66 septembre 2007 dossier chaudes) de l’apartheid les conséquences de l’apartheid. La réconciliation miraculeuse de ardue. Criminalité, mercenariat, racisme, sans-terre : portrait d’un pays en plein doute.

400.000 emplois nouveaux, le chômage a conti- nué à augmenter. Aux conséquences négatives du GEAR se sont ajoutées des tensions dues à la politique dite de "transformation", clé de voûte du nationalisme africain de Mbeki, qui est devenue au fil des ans une politique de la "race". En 1997, lors de la cinquantième conférence nationale de l'ANC, Mandela fixa un nouvel objectif à l'Afrique du Sud : une "transformation sociale fondamenta- le", dont l'objectif principal était la représenta- tion des différentes composantes de la popula- tion à tous les niveaux de la société. Avec l'arri- vée au pouvoir de Mbeki, cette transformation a pris une tournure racialiste. L'ANC, rapporte J. Rossow, est devenu "le parti de la classe moyenne noire et non plus le parti des pauvres et des travailleurs".

"EN CHERCHANT à corriger les injustices du passé, l'Afrique du Sud s'écarte de plus en plus du non-racialisme pourtant prescrit par la Constitution", notait J.Rossow en 2006. "Le choix de la "race" comme critère, plutôt que la classe sociale ou la langue - le pays en compte onze, qui se trouvent dispersées dans chacune des neuf régions administratives -, contribue à ce qu'elle demeure la référence sociopolitique en Afrique du Sud." Mais au-delà du secteur économique, Mbeki développe depuis quelques années un discours afro-nationaliste qui inquiète. Son idéologie se base sur la "Renaissance africaine" -le nom du mouvement qu'il a lancé- et le retour aux origi- nes, seules à même de donner au Noir les chan- ces de s'en sortir, sans l'aide de quiconque. Une idéologie qui, on y arrive, s'inspire de celle de Biko. Dès la fin des années 90, le journaliste libéral Peter Beinart (The New Republic) dénonçait cette évolution 5. "Depuis près de dix ans", écrivait-il en 1999, "le fantôme de Steve Biko hante les célébrations de la liberté en Afrique du Sud. L'ANC a exclu des annales révolutionnaires le leader de la conscience noire. (…) On comprend aisément pourquoi. Biko, qui s'opposait à la participation des Blancs dans la lutte contre l'apartheid, est en contradiction avec le discours sacré que tient l'ANC sur la libération. (…) Mais, aujourd'hui, ils [les leaders de l'ANC] tentent d'invoquer cet esprit. Ces derniers mois, l'ANC a entamé une métamorphose politique en faveur d'un nationa- lisme noir à la Biko."

LES RAISONS de cette évolution sont, estime P.Beinart, avant tout conjoncturelles 6. "La poli- tique économique de l'ANC a sauté l'étape de la social-démocratie, passant directement du socialisme au thatchérisme. Les Sud-africains noirs démunis ont accepté cette volte-face parce que le chef de l'ANC était Nelson Mandela", expliquait-il toujours en 1999. Une fois Mandela parti, Mbeki savait qu'il n'au- rait pas les moyens d'étouffer les contestations de sa politique libérale - ... Nelson Mandela, le père de la “Nation Arc-en-Ciel”, en 2004. (DR)

kashkazi 66 septembre 2007 35 dossier afrique du sud : sur les braises de l’apartheid

... "Mbeki sait une chose sur l'idéologie lons pas accéder au gouvernement. Nous vou- sud-africaine noire que nombre de lons changer le système", déclarait-il à l'AFP commentateurs ignorent : le capitalis- après un meeting à Johannesburg 7. Son dis- me peut tout à fait s'accommoder du "racialis- cours est empreint de la nostalgie de l'ancien me"", écrit Beinart. D'où l'utilisation du racialis- régime, du temps où la minorité blanche me comme d'un argument pour continuer à bâillonnait la majorité noire. Pour M. Vermaak, bénéficier du soutien de la population noire du les douze dernières années ont démontré qu'il pays, malgré une politique impopulaire. "La est insensé de croire que les Noirs et les Blancs seule idée qui leur reste, c'est la race", a décla- puissent vivre ensemble. "Je ne pense pas qu'il ré au début de l'année Hellen Zille, la nouvelle y ait de volonté de réconciliation de la part du présidente de l'Alliance démocratique, principal gouvernement (...) Ils changent les noms des parti d'opposition des Blancs. villes et nous confisquent nos affaires", affirme- t-il. Il est également persuadé qu'un complot CES CHOIX ÉCONOMIQUES et politiques vise à exterminer les Blancs, notamment par de Mbeki isolent de plus en plus le pouvoir de une plus grande accessibilité à la contraception sa base sociale. La réconciliation tant voulue et à l'interruption volontaire de grossesse. "Je par Mandela est en train de voler en éclats. suis convaincu que l'avortement vise à se Parmi les Blancs, nombreux sont ceux qui débarrasser des bébés blancs", pense M. fuient. En dix ans, la population blanche s'est Vermaak. Le Sida, selon lui, n'est en outre qu'un réduite de 16,1%. Selon Frans Cronje, de prétexte pour obliger les Blancs à utiliser des l'Institut sud-africain des relations raciales préservatifs. "Aucun Boer n'a jamais eu le Sida. (SAIRR), les raisons de cette émigration mas- Cela n'existe pas. C'est la plus grosse escroque- sive sont "la violence, mais surtout les consé- rie jamais inventée", assure-t-il. quences de la discrimination positive qui ne Bien que le parti n'appelle pas à la restaura- tion du droit de vote pour les “Aucun Boer n'a jamais eu le Sida. C’est la plus seuls Blancs, il rejette ferme- ment le concept de suffrage uni- grosse escroquerie jamais inventée.” versel en vigueur depuis la fin COEN VERMAAK, LEADER DU PARTI BOERESTAAT D’EXTRÊME-DROITE de l'apartheid. Pour M. Vermaak, il est ridicule qu'un leur permet plus d'accéder à un emploi". La médecin et un vagabond aient le même droit grande majorité des "fuyards" s'installe en de se prononcer sur la façon de diriger le Grande-Bretagne, en Australie, en Nouvelle- pays. "C'est logique, le vote de certains Zélande, au Canada et aux Etats-Unis. Un devrait compter davantage que d'autres". départ semble-t-il sans lendemain : "On a constaté", expliquait en 2004 M. Cronje, "que DU CÔTÉ DES NOIRS aussi, la contestation le nombre de Sud-africains blancs nés sur le enfle et prend des formes multiples : sociales, territoire national, diminuait de façon très avec la création du Forum antiprivatisation ou rapide. Ce qui laisse supposer que ceux qui du Comité de crise de Soweto, ou bien identitai- partent ne reviennent pas. Ils aspirent à avoir res. En 2004 est apparu le Mouvement des pay- les mêmes droits que les Noirs et ont l'impres- sans sans-terre (lire par ailleurs). Durant toute sion qu'ils sont, à leur tour, les victimes d'un l'année 2005, des manifestations ont eu lieu apartheid économique." contre la corruption et l'insuffisance des servi- Mais tous ne partent pas. Et certains qui restent ces sociaux. Dans les campagnes, une révolte a comptent bien se battre pour conserver leurs commencé au milieu de 2004, quand des privilèges -dont beaucoup oublient comment ils milliers des gens ont protesté dans les petits les ont acquis. Ainsi l'extrême droite sud-afri- villages contre l'absence des services essentiels. caine, sur la touche depuis la fin du régime Au mois de mars 2006, le ghetto noir de raciste, a refait surface. Le 2 janvier 2007, le Khutsong, dans la province du Nord-Ouest Boerestaat (Etat afrikaner) a officiellement été (30.000 habitants), a refusé en masse de voter enregistré en tant que parti. Son chef, Coen aux élections locales parce que l'ANC lui avait Vermaak, estime qu'il est temps que les Blancs, imposé ses candidats. qui représentent 5 des 47 millions d'habitants du Si la criminalité touche essentiellement les pays, rejettent le concept de "Nation Arc-en- Noirs, les crimes racistes sont nombreux. Les Soweto, 1976. La répression d’une manifestation d’étudiants noirs fait entre 25 et 100 morts. (DR) Ciel", cher à Nelson Mandela. "Nous ne vou- assassinats de fermiers blancs se multiplient - un pays en guerre contre ses propres démons

L'Afrique du Sud est un pays désormais considéré comme le sujet, avait déclaré en 2006 que pact de cette mesure "ne se tra- Elizabeth, Tokoza et Kagiso. Les compétence des structures socio- en guerre. Pas une de ces guer- plus violent du globe, avec la la majorité des Sud-Africains ne duit pas par un sentiment de attentats se multiplient à économiques à satisfaire l'attente res "conventionnelles" qui voient Colombie et l'Irak. pensent pas que la criminalité sécurité accrue pour tous", a Johannesburg et Pretoria, et tou- des jeunes Noirs. Chômage, pau- s'affronter deux pays voisins ou Comme le note le professeur augmente. Il a dû reconnaître, reconnu M. Mbeki. chent les quartiers blancs ; les périsme, violence ambiante et deux parties d'un même pays. irlandais de justice criminelle, quelques mois plus tard, que les homelands que l'on tenait à l'é- analphabétisme constituent donc Non. Il s'agit d'une guerre d'un Mike Brogden 1, Johannesburg citoyens vivent "dans la peur". Comment expliquer une telle cart réintègrent par la violence des maux que le premier gou- type nouveau, qui trouve sa est devenue bien malgré elle "la "Nous ne sommes pas en mesure situation ? Le poids du passé bien l'Afrique du Sud ; les marginaux vernement de la future RSA source dans l'histoire mal digérée capitale mondiale du meurtre" ; de revendiquer la joie de notre sûr, pèse énormément. Avant et les fanatiques de tous bords devra impérieusement s'efforcer de l'apartheid et dans les inégali- Le Cap collectionne les hold- liberté acquise si des commu- même l'apartheid, régime ségré- s'arment et promettent l'apoca- de réduire." tés qui ne cessent de se creuser hup non élucidés ; Durban nautés entières vivent dans la gationniste basé sur le racisme lypse. Le processus de marginali- Les statistiques font apparaître malgré la fin du régime afrika- compte plus de 3.000 agents de peur, enfermées derrière des qui a façonné la société contem- sation et "d'antagonisation" s'est un accroissement conséquent, ner. Une guerre indéfinissable services de sécurité privés… murs et des barbelés, connais- poraine, l'histoire de l'Afrique du tellement développé dans le entre 1989 et 1990, des attaques menée par des belligérants Comme le décrit Stephen Smith sant l'anxiété dans leurs maisons, Sud est marquée par les guerres pays au cours de l'année 1990 à main armée (+ 18%), des meur- insondables, en tous lieux et à dans un ouvrage très discuté 2, dans la rue et sur les routes, sans et les massacres : des colons cont- que la bipartition traditionnelle tres (+ 11%), des viols (+ 22%), des tous instants. "tout est cadenassé et chacun pouvoir profiter librement de re les indigènes, des Boers contre des belligérants a éclaté." faits de violence sur la voie Les chiffres parlent d'eux-mêmes: barricadé, dans les townships nos espaces publics", a-t-il décla- les Zoulous et contre les publique (+ 131%) et des attaques depuis une décennie, on y comp- pauvres comme dans les fau- ré devant le Parlement en Britanniques, des Afrikaners A cette époque, "la criminalité, sur des personnes âgées (+ te environ 20.000 meurtres par bourgs cossus." février dernier 3. "Nous devons contre les Noirs… liée à des causes économiques, 100%)… Depuis, ces chiffres se an, 30.000 tentatives de meurt- poursuivre et intensifier la lutte En 1990, alors que l'apartheid est aussi placée sous le signe retrouvent chaque année. re, plus de 50.000 viols et près La situation est tellement cri- contre la criminalité", a-t-il ajou- n'était pas encore mort, Philippe d'une "politisation par le bas", Tandis que M. Chapleau affir- de 300.000 cambriolages. tique que le gouvernement de té lors de son discours annuel sur Chapleau 4 tirait la sonnette d'a- d'une révolte des jeunes Noirs, mait en 1990 que "l'accélération Ramenés à l'échelle de la jour- Thabo Mbeki a interdit en 2007 l'état de la Nation. Bien que le larme : "On se bat dans les des exclus…, qui va au-delà des du processus de démantèlement née, ces chiffres font froid dans le la publication des chiffres offi- gouvernement ait atteint l'ob- townships, dans les écoles, dans luttes syndicales. (…) On a affaire de l'apartheid, loin d'apporter la dos : chaque jour meurent près ciels. Le président, contradictoire jectif qu'il s'était fixé de recruter les églises et dans les lieux de tra- à une criminalité nihiliste née stabilité, va certainement rendre de 50 personnes dans un pays dans ses commentaires à ce 152.000 agents de police, l'im- vail. On se bat à Soweto, Port d'un refus du système et de l'in- encore plus imminente la possibi-

36 kashkazi 66 septembre 2007 afrique du sud : sur les braises de l’apartheid dossier

environ 1.600 depuis dix ans- et les courants ouvertement racistes se développent. Il n'est pas rare que des jeunes militants de l'ANC entonnent des chants hérités de la lutte anti-apartheid, Sida : une pandémie réadaptés afin de transmettre un nouveau messa- ge politique. Ainsi une chanson telle que "One bullet, one boer" (une balle pour un fermier) est en guise d’alibi souvent entendue dans les boîtes de nuit. Certains Blancs, comme à l’époque de l’apar- theid, n’hésitent pas pour leur part à briser les bar- rières raciales et à rappeler le passé. Comme M. Réticent à lancer une véritable campagne de lutte contre la pandémie Beinert, qui écrivait en 1999 : “Mais n'y a-t-il pas qui ravage son pays, Thabo Mbeki préfère soutenir la thèse racialiste de quoi être un brin sceptique quand on entend les Sud-Africains blancs affirmer qu'ils ne peuvent d’une maladie typiquement africaine. admettre que l'on empiète sur leurs libertés civiques sacrées ? Après tout, ils ont vécu fort devait y avoir un symbole erreur fondamentale de croire que la accusé les multinationales pharmaceu- heureux avec un apartheid qui brimait beaucoup S'IL représentant la philosophie de guérison du Sida en Afrique exige des tiques d'avoir exagéré l'ampleur de l'épi- plus les libertés fondamentales que ne pourra Thabo Mbeki et la lente évolution idéo- traitements antiviraux. Ces traitements démie pour vendre leurs médicaments. jamais le faire Mbeki. En fin de compte, si un logique d'une partie des dirigeants de seraient un désastre supplémentaire car En octobre dernier, il a déclaré que les gouvernement post-Mandela empiète un jour sur l'ANC, qui prônent la "Renaissance afri- ils ruineraient davantage encore le systè- travailleurs des ONG étrangères qui lut- la culture de la démocratie libérale, ce sera pour caine" et soutiennent des thèses racialis- me immunitaire de ces malades. Leur tent contre le Sida considéraient les empêcher une flambée de violence anti-Blancs, tes, il porterait quatre lettres. Quatre immunodéficience, en effet, provient tout Africains comme des "porteurs de ce que les Blancs ne comprennent pas encore”. initiales bien connues depuis vingt ans : simplement des carences, infections et microbes et des êtres humains infé- SIDA. parasites, ainsi que des guerres civiles et rieurs". Son précédent ministre de la 17 ANS APRÈS LA FIN de l'apartheid, la socié- Durant les premières années de sa prési- des funestes conséquences de la mondia- Santé s'est rendu célèbre pour avoir affir- té sud-africaine reste encore très marquée. "Si les dence, M. Mbeki a joué au petit scienti- lisation et des plans d'ajustements struc- mé que les chercheurs sud-africains barrières raciales ne sont plus infranchissables, fique dissident. Jusqu'en 2003, année au turels imposés par le FMI qui les ont avaient trouvé un remède contre le virus, elles sont loin d'être tombées", notait en 2004 cours de laquelle il a effectué un virage à réduits à la misère". Pour le deuxième, et son actuel ministre de la Santé a Jeune Afrique. Qui poursuivait : "Les liaisons 180°, notamment suite aux pressions de "la prétendue épidémie africaine de Sida récemment fait distribuer un document interraciales paraissent toujours aussi inconceva- la communauté internationale et de la a été utilisée pour justifier la médicalisa- affirmant que les Blancs avaient introduit bles, de part et d'autre. Seule la communauté société civile -et à une popularité en tion à outrance de la misère en Afrique le Sida pour éliminer les Noirs." Le pro- métisse démontre une relative souplesse dans des chute libre-, le successeur de Nelson subsaharienne. C'est ainsi que l'aide blème, poursuivait-il, "c'est que Mbeki unions mixtes qui relèvent d'une infime minorité. poursuit sa stratégie politique en tirant Chose impensable il y a dix ans, quelques lycéen- parti du fléau le plus terrible de l'histoire nes blanches parlent, à la télévision, de leur petit “[Nous continuerons à] chercher des solutions spécifiques contemporaine." ami noir ou métis. Mais dès qu'il s'agit de maria- et ciblées à la réalité spécifique du Sida en Afrique.” ge, les tabous sont tels que ces amours restent "A POSTERIORI", analyse le journaliste impossibles." Si Johannesburg la cosmopolite THABO MBEKI, DANS UNE LETTRE ADRESSÉE À SES HOMOLOGUES OCCIDENTAUX EN 2000 français Stephen Smith, dans un ouvrage reste une enclave de brassage et de tolérance, qualifié par certains de raciste anti-noirs 6, ailleurs, au Cap ou à Durban, on peut encore refu- Mandela a systématiquement repoussé la médicale occidentale a pris la forme "la thèse de Thabo Mbeki gagnera en ser une chambre d'hôtel à un client jugé trop noir distribution d'AZT (qui permet de rédui- d'expérimentation de vaccins, d'essais de consistance" au fur et à mesure de la ou pas assez blanc. "Droit d'admission réservé", re la transmission du VIH de la mère à médicaments, de pressions moralisantes. décadence engendrée par l'épidémie. indiquent encore des panneaux discrets à l'entrée l'enfant de 25% à moins de 2%) aux Les responsables de la santé publique Ces dernières années cependant, le gou- des restaurants. futures mères séropositives, ainsi que la devraient reconnaître que ce sont la mal- vernement a fait des efforts : il a consulté RC mise en place de campagnes de sensibili- nutrition, les conditions sanitaires défi- les organisations non gouvernementales sation dignes de ce nom. Cela a eu pour cientes, l'anémie et les infections endé- et élaboré un plan pour les années 2007- 1 Le 11 septembre 1977, inconscient, Biko était transporté effet l'explosion de l'épidémie dans le miques qui sont à l'origine des symptô- 2011 qui prévoit d'améliorer la préven- nu à la prison centrale de Pretoria, à l'arrière d'un Land pays, dont les voisins sont les plus tou- mes cliniques du Sida et non le virus tion et l'accès aux traitements -avec pour Rover. Quelques heures après son arrivée, il décédait de 1 lésions cérébrales à même le sol d'une cellule. chés au monde . En 2002, 5 millions de HIV". Quant au troisième, il estime que objectif de placer 80% des malades sous 2 En 2003, la justice a renoncé à poursuivre les policiers Sud-africains, soit 11% de la population, la transmission du Sida par le VIH est antirétroviraux en 2011. Mais Thabo responsables de sa mort pour manque de preuves. étaient séropositifs ; chaque jour, un "un mythe". Mbeki n'a pas pour autant abandonné sa 3 Jeune Afrique, mai 2004 (www.jeuneafrique.com) millier de Sud-africains meurt du Sida et thèse racialiste. Le monde s'en est rappe- 4 J. Rossouw, Le Monde diplomatique, septembre 2006 5 millions devraient succomber d'ici C'EST À PARTIR de ces thèses que lé le 9 août, lorsqu'il a limogé la vice- 5 P. Beinart, The New Republic, mars 1999 2013 ; le taux de prévalence est de 18% Mbeki a écrit aux présidents des pays du ministre de la Santé, Nozizwe Madlala- 7 AFP, 03/01/2007 parmi les 70.000 enseignants du pays ; Nord en 2000 : "Nous ne voulons pas Routledge, qui était justement à l'origine chaque année, ce sont 70.000 bébés qui nous-mêmes condamner à mort notre de la nouvelle politique gouvernementale naissent avec le virus 2. Dans un rapport peuple en renonçant à chercher des solu- plus volontariste. Si aucun motif officiel publié en 2003 3, la Banque mondiale tions spécifiques et ciblées à la réalité n'a été donné, il ne fait guère de doutes assimilait la réticence du pouvoir sud-af' spécifique du Sida en Afrique. 4" Le mot pour l'opposition -qui parle de retour à à engager le combat contre la pandémie est lâché : le Sida serait une spécificité "l'époque noire du déni de la à un suicide national. "Ne rien faire aura africaine. Le Sida serait africain… pandémie 7 "-, que son éviction est liée à des conséquences désastreuses", préve- Dans ce même message, Mbeki compa- sa politique que ne goûtait guère le prési- lité d'affrontements", les gouver- ment lorsque s'y associent des nait-elle. Et pour cause, selon des chiff- rait la communauté des chercheurs ayant dent. Depuis plusieurs mois, Mme nements successifs ont été inca- inégalités trop voyantes. Aucune res dévoilés en 2003, 30% de la généra- accepté la théorie en cours sur la pandé- Madlala-Routledge avait profité de l'ab- pables d'endiguer ce phénomè- de ces conditions, à vrai dire, tion qui naîtra après 2010, si rien n'est mie à ceux qui avaient soutenu le régime sence de la ministre de la Santé, ne. Et s'il y a eu du mieux en n'est tout à fait étrangère au fait, atteindra l'âge adulte sans avoir de l'apartheid… Une association a priori Tshabalala Msimang, pour mettre en 2005 et 2006 -selon les données cœur de la question du contrôle fournies par le gouvernement-, il de la criminalité, à savoir l'ac- perdu l'un de ses deux parents… insensée, qui pourtant éclaire sur l'arriè- place un nouveau plan de lutte. s'agit d'une évolution trop faible ceptation d'un ordre politique et re-pensée de Mbeki. En effet, les dissi- Désormais, la ministre proche de Mbeki pour tenir un discours optimiste. économique tenu pour juste. EN 2000, dans une interview accordée à dents auxquels il a offert une tribune va reprendre le dossier à con compte. Quelles raisons la jeunesse sans l'hebdomadaire américain Time, Thabo inespérée en 2003 lorsqu'il les a invités à Surnommée "docteur Betterave" pour Si selon M. Brogden, l'héritage travail des townships aurait-elle Mbeki expliquait sa réticence à se lancer participer à un comité de travail sur la ses positions en faveur de thérapies alter- de l'apartheid, "qui obère de de respecter un ordre social où dans un plan de lutte digne de ce nom : pandémie, lui servent plus d'alibi qu'autre natives - notamment l'emploi de certains part en part le processus pénal l'exploitation raciste a fait place, "De toute évidence, il existe une immu- chose. Pas vraiment scientifique, la pos- fruits et légumes -, elle a été longtemps sud-africain", est responsable, il si largement, à l'économie de nodéficience acquise. Mais la question ture orthodoxe de Mbeki sur la question hostile à l'utilisation des antirétroviraux n'explique pas tout. Certes, les marché "occidentale" ?" est de savoir ce qui provoque cette défi- est avant tout politique. Le Sida sert sa pour lutter contre la maladie. Blancs sont victimes de meurtres RC cience. Parmi les causes possibles, on ne thèse qui voudrait que les Noirs doivent RC à caractère raciste -notamment peut exclure l'existence d'un virus parti- seuls se relever des innombrables maux les fermiers, dont 1.600 d'entre 1 M. Brogden, La criminalité en Afrique du culier, mais il est impossible de soutenir qui les touchent. eux ont été tués ces dix dernières Sud, l'héritage de l'apartheid ?, revue 1 Kashkazi n°59, janvier 2007 Au risque des espaces publics, 2007 que l'immunodéficience n'est provoquée En 2002 le journaliste Peter Beinart ana- années. Mais ce type d'attaques 2 Source : Onusida (www.unaids.org) (www.annalesdelarechercheurbaine.fr) que par un seul virus. 4" Il reprenait ainsi lysait ainsi la position de Mbeki -dans le reste marginal. Car les raisons 3 Les coûts économiques du Sida à long terme, 2 Stephen Smith, Négrologie, 5 sont avant tout économiques. la thèse des scientifiques dissidents qui journal sud-africain The New Republic : rapport de la Banque mondiale, 2003 Calmann-Lévy, 2003 "Le chômage et la pauvreté ne combattent les idées prédominantes sur "Il fait ce que les hommes politiques 4 Cité par Jeune Afrique, 18/02/2002 3 AFP, 09/02/2007 provoquent certes pas directe- l'origine du Sida, parmi lesquels Marc sud-africains noirs ont toujours fait 5 www.courrierinternational.com 4 Philippe Chapleau, La pérennité des 6 ment le crime, mais ils créent des conflits en Afrique du Sud et Australe, Deru, Charles Geshekter et Roberto quand ils étaient attaqués par la gauche : S. Smith, Négrologie, Calmann-Lévy, 2003 conditions criminogènes, spéciale- revue Cultures & Conflits n°1, 1990 Giraldo. Selon le premier, "c'est une jouer la carte raciale. Ses conseillers ont 7 AFP, 10/08/2007

kashkazi 66 septembre 2007 37 dossier afrique du sud : sur les braises de l’apartheid Rugby : la société sud-africaine Longtemps considéré comme le fleuron du nationalisme boer et du régime d’apartheid, le rugby est devenu

des souvenirs impérissa- ce à la population sud-africaine. "Quoi que nous tout son sens. Le rugby, ce sport qui fut pendant L'affaire a été d'autant plus médiatisée qu'elle IL EST bles… Nous sommes en ayons fait, nous n'en avons jamais autant fait, et des années le fleuron du régime raciste de est intervenue alors qu'une rumeur affirmait 1995, le 24 juin, à Johannesburg. Vêtu du nous n'en ferons jamais autant que vous pour Pretoria, désormais perçu comme le moteur de que le futur sélectionneur des Springboks, Peter maillot vert de François Pienaar, capitaine l'Afrique du Sud". Mandela est au bord des lar- l'unité sud-africaine : voilà une belle revanche de Villiers (le premier Noir à obtenir ce poste), emblématique de l'équipe nationale de rugby mes. Libéré cinq ans plus tôt alors que l'apar- de l'histoire, pense-t-on alors. envisagerait d'imposer un quota de joueurs d'Afrique du Sud, Nelson Mandela serre dans theid vivait ses dernières heures, élu président Les années ont passé depuis ces images qui res- noirs dans l'effectif de la sélection -débat qui ses bras celui qui vient de soulever la coupe du quelques mois auparavant, il voit son vieux rêve teront parmi les plus symboliques du XXème siè- jusqu'à présent n'avait pas été abordé. Dans le monde remportée par les Springboks (le nom se matérialiser à l'issue de cette compétition cle. Les illusions aussi. Des décennies d'apar- même temps, l'actuel sélectionneur, Jack de l'équipe sud-africaine) face aux redoutables d'importance mondiale. Lui qui, depuis le début theid ne peuvent pas s'effacer en quelques suc- White, dévoilait les trente noms retenus pour la All-Blacks de la Nouvelle-Zélande 1. Pienaar, de la compétition, était devenu le premier sup- cès ; dans le sport comme ailleurs. Coupe du Monde : sur sa liste ne figurent que grand mastodonte aux cheveux blonds profon- porter de cette équipe "de Blancs", avait com- six joueurs noirs. De quoi faire perdurer la dément calviniste, laisse parler l'émotion pris que si réconciliation il devait y avoir, c'est APRÈS QUELQUES ANNÉES marquées par polémique… devant celui qui symbolise le martyr du peuple par ce vecteur symbolique qu'elle passerait. cette embellie aveuglante, les premiers soubre- noir. "Nous n'étions pas quinze, nous étions 44 L'expression "une équipe, une nation", dont les sauts racistes ont refait surface. En 1997, le CETTE NOUVELLE AFFAIRE démontre la millions", déclare-t-il dans le stade, en référen- Springboks avaient fait leur slogan, prend alors sélectionneur André Markgraaff avait été obli- fragilité du rêve de Nelson Mandela. C'est que gé de démissionner pour avoir tenu des propos rugby et apartheid furent pendant de longues racistes à l'encontre des dirigeants noirs du années intimement liés. Comme le note Pierre sport sud-africain. Markgraaff s'était aupara- Chaix, universitaire français 4, "le rugby a été vant fait remarquer en sélectionnant H. Tromp, au cœur des conflits politiques et raciaux de Bryan Habana, 24 ans, l’un des six joueurs noirs retenus en sélection pour la Coupe du Monde 2007. (DR) joueur célèbre condamné à la prison pour avoir l'Afrique du Sud. D'abord, il a été le lieu d'ex- corrigé à mort, à l'aide d'un fouet, un de ses pression de l'apartheid. Ensuite, avec le boycott ouvriers noirs durant l'Apartheid. international il a eu une influence au moins En 2002, l'autobiographie de Chester comparable à celle de ces fameuses rencontres Williams 2, premier joueur noir à avoir été de tennis de table qui inaugurèrent de nouvelles sélectionné dans l'équipe nationale après la fin relations entre la Chine et les États-Unis de l'Apartheid et vainqueur de la Coupe du [durant la Guerre Froide, ndlr]. Enfin, dans un Monde 1995, avait mis en évidence le quotidien pays en pleine évolution, les milieux du rugby du racisme chez les Springboks, fait de brima- sont apparus comme les plus conservateurs, des et d'insultes. Un quotidien dont pouvaient maintenant leur sport dans un exercice racial encore témoigner les membres de la sélection inégalitaire." lors de la Coupe du Monde 2003 : Geo Cronje, Lorsqu'en 1948 les Afrikaners, vainqueurs des jeune avant des Springboks, avait alors refusé élections contre les partis anglophones, décident de partager sa chambre avec Quiton Davids, son de mettre en place un système de ségrégation

“De par ses caractéristiques, ce sport collait parfaitement aux fondements identitaires du peuple afrikaner.”

PIERRE CHAIX, UNIVERSITAIRE FRANÇAIS AUTEUR D’UN TRAVAIL SUR LE RUGBY SUD-AFRICAIN

équipier noir. La démission qui suivit du chargé basé sur une politique raciste, le sport est soumis de communication de la sélection, déclarant ne aux mêmes lois, son organisation s'inscrivant pas pouvoir "continuer à faire partie d'une progressivement dans le droit-fil de la séparation sélection au sein de laquelle le préjugé est tolé- des races. "La montée en puissance des nationa- ré, étouffé, absout", avait démontré qu'il ne s'a- listes afrikaners influença violemment cette nou- gissait pas d'un incident isolé. velle donne politique racialement inégalitaire. Le sport devint un instrument fondamental de ce LES RÉCENTES DÉCLARATIONS de Nick nationalisme", écrit Pierre Chaix. Le rugby en Mallet, ancien sélectionneur sud-africain devint même le fer de lance. aujourd'hui coach de la Western Province, ont, Introduit au tournant du XIXème siècle par les à la veille de la sixième Coupe du monde de Anglais (des soldats de la Couronne débarqués rugby organisée du 7 septembre au 20 octobre pour mater les Zoulou et les Boers), ce sport eut en France, en Ecosse et au Pays de Galles, une un rapide succès. Les Afrikaners -ou Boers- en nouvelle fois réveillé les vieux démons. firent leur discipline favorite au détriment du Dans une interview accordée à des entraîneurs football, lui aussi importé par les colons britan- français, publiée sur le site de leur club 3, M. niques. "En l'espace d'une décennie, des clubs Mallet affirme que les problèmes de quotas de quartiers essaimèrent dans les grandes raciaux auxquels sont soumis les joueurs sud- agglomérations", rapporte l’historien français africains sont l'une des causes de leur migration Jean-Baptiste Onana 5. Qui poursuit : "Par vers l'Europe. Selon lui, à niveau égal voire nécessité sportive davantage que par une quel- moindre, les clubs sont parfois obligés de titu- conque affinité, nombre de ces clubs étaient lariser un Noir. Si ces propos ne visaient pas ethniquement mixtes, regroupant aussi bien des selon l'entraîneur à émettre un quelconque Britanniques que des Afrikaners. Ainsi le rugby jugement quant à l'utilité de ces quotas, ils ont constitua-t-il un point de rencontre forcé entre provoqué l'ire de Mveleli Ncula, un des respon- deux communautés qui ne s'aimaient guère sables de la Fédération sud-africaine. Selon ce depuis l'humiliante défaite des Afrikaners lors dernier, "la Western Province doit mettre de la guerre des Boers (1899-1902)." Mallett au tapis. C'est idiot de sa part d'encou- rager les joueurs à partir à l'étranger, particu- "DE PAR SES CARACTÉRISTIQUES, ce lièrement si peu d'opportunités sont créées sport collait parfaitement aux fondements iden- pour les Noirs. La Western Province compte de titaires du peuple afrikaner, dont le rapport à la nombreux Noirs dans ses rangs mais il y a en a terre et à la ruralité est primordial", relève rarement plus de deux ou trois dans une équi- Pierre Chaix. " Le rugby est un sport de combat pe. Tout ça, c'est une question d'argent, rien collectif rude, dur, où il faut s'imposer pour d'autre. Ils devraient être honnêtes." "survivre". Le parallèle avec le mode de vie des

38 kashkazi 66 septembre 2007 afrique du sud : sur les braises de l’apartheid dossier au révélateur des Springboks avec Mandela le vecteur de la réconciliation entre Blancs et Noirs. Mais le poids du passé est lourd...

Boers, avec leur lutte pour l'existence contre les vous ferez non seulement avancer notre idéal Anglais et les populations africaines est évi- commun, mais honorerez parallèlement les dent. Le rugby constitua donc, au cours de la pères fondateurs de notre nation afrikaans première moitié du XXème siècle, la véritable séculaire et immortelle." assise de la propagation d'un nationalisme boer. Il était alors quasiment interdit aux Noirs de (…) Parallèlement, il a joué un rôle intégrateur jouer au rugby, tout comme leur était prohibée entre les deux communautés anglaise et boer. la pratique du sport à l'école. "Le sport de haut Le rugby est alors devenu le symbole de la niveau, symbole de la vitalité de notre jeunesse puissance blanche, avec des joueurs principale- et de l'inébranlable volonté de dépassement et ment issus du monde rural, faisant étalage de d'accomplissement de notre race, est et doit leur force et de leur virilité." rester une activité blanche par excellence. Il se pervertirait autrement en se noyant dans un C'EST DONC TOUT naturellement que le cosmopolitisme qui nous ferait perdre notre rugby devint, au lendemain de la victoire du âme et dans lequel nous ne saurions de toute Parti national en 1948, le sport de l'Apartheid et façon nous reconnaître", affirmait en 1950 le le symbole de la domination blanche, indique ministre des Sports du tout premier gouverne- JB Onana. L'université de Stellenbosch est ment d'apartheid… représentative de la stratégie des élites afrika- ners et du poids du rugby dans cette politique, COMME POUR TOUS les autres sports, note P. Chaix. Célèbre dans le monde du rugby l'organisation répondait à quelques règles pour la qualité des joueurs qui en sortaient, simples : Blancs et Noirs devaient organiser Stellenbosch fut, dès 1918, la première univer- séparément leurs activités sportives ; aucun sité de langue et de culture afrikaners. Les idées sport mixte n'était autorisé à l'intérieur du qui y avaient cours furent à l'origine de l'élabo- pays ; aucune équipe mixte ne pouvait être ration et de la mise en place du système de l'a- formée en vue de concourir à l'étranger ; les L’équipe nationale d’Afrique du Sud en 1906. On cherche la différence... (DR) partheid. "Dans ce cadre fut formée l'élite intel- équipes internationales en tournée rencon- lectuelle et politique "afrikaan" qui, à terme, trant les sportifs blancs sud-africains devait mener le pays vers des ambitions natio- devraient être exclusivement blanches. Si ces nalistes. Le rugby s'intégrait totalement à ce pro- rencontres faisaient souvent l'objet de LE RUGBY SUD-AFRICAIN, comme les "Les provinces les plus rétives, socles de la jet, avec une omniprésence du culte du corps et contestations et de manifestations d'oppo- autres sports dont le football, ne réintégrera le culture afrikaner, comme le Transvaal ou le développement de qualités physiques confor- sants à l'Apartheid, les exemples ne man- giron international qu'à la fin de l'apartheid. l'Orange Free State, freinent autant que possi- mes au souci dominant de l'élitisme." quent pas des nations qui sont passées outre Après avoir manqué les deux premières ble cette politique, se contentant souvent de Autre symbole de ce lien étroit entre apartheid la situation des Noirs sud-africains pour Coupes du monde (1987, 1991), l'Afrique du faire venir des joueurs de couleur d'autres et rugby : le Broederbond (Fraternité). Créée affronter les "légendaires Springboks" (restés Sud se vit confier, en avril 1992, l'organisation provinces plutôt que de mettre en place une en 1918, cette société secrète avait pour objec- invaincus entre 1903 et 1956 !). France, de la troisième en 1995 -dix mois seulement politique de formation", regrette Pierre tif de promouvoir les intérêts du peuple afrika- Angleterre, Australie, Nouvelle-Zélande : après l'abandon officiel de la Constitution qui Chaix. L'accès des Noirs à l'équipe nationale ner. Strictement réservée aux hommes blancs aucune des grandes nations du rugby n'a formait le corps légal de l'apartheid. des Springboks reste extrêmement difficile. de plus de vingt ans, parlant l'afrikaan, elle opposé de résistance au racisme sud-af' - les "La suite des relations entre le rugby et Selon un rapport divulgué en 2004, 70% des devint la pierre angulaire de l'apartheid. Le Néo-Zélandais se voyaient notamment inter- l'Afrique du sud n'en reste pas moins équi- joueurs de rugby sud-africains sont noirs ; un Broederbond plaça les siens à tous les postes dire de sélectionner leurs joueurs maoris voque, car elle se prête à deux lectures oppo- taux qui descend à 25% au niveau des sélec- clés -des élections de 1948 jusqu'aux premiè- pour rencontrer les Springboks. sées", analyse cependant Pierre Chaix. Selon tions régionales, et à 10% chez les res élections libres de 1994, tous les responsa- Avec le temps, cette ségrégation obligea les cet universitaire basé à Grenoble, la première, Springboks. "Si 70% des joueurs sont noirs, bles politiques d'importance en furent memb- instances sportives internationales à sanc- positive, loue l'effort d'unification du pays et pourquoi ne les retrouvons-nous pas dans les res-, notamment au niveau des instances diri- tionner l'Afrique du Sud. "Le sport sud-afri- des races à travers ce sport. La victoire des sélections nationales ?" s'interrogeait après la geantes du rugby. L'influence du "Bond" allait cain dans son ensemble ne fit pas exception Springboks en 1995, et le geste symbolique de publication de ce rapport un responsable de la même plus loin, poursuit Pierre Chaix, à la règle", affirme Pierre Chaix, "car sa Mandela revêtant le maillot de François Fédération. "Il y a manifestement un problè- 1 Afrique du Sud - puisque la majorité des capitaines des structure était totalement inscrite dans la Pienaar eurent un retentissement énorme dans me structurel" ajoutait-il. Certains coachs Nouvelle Zélande : le pays et à l'étranger. "L'événement signifiait le comme Nick Mallet avancent pour leur part 15-12. Il s'agit pour l'heure de la seule retour de l'Afrique du Sud sur la scène interna- des arguments biologiques : les Noirs victoire des “Vos prestations doivent en permanence témoigner tionale, au sein des pays démocratiques et non d'Afrique du Sud seraient moins solides que Springboks en Coupe raciaux. Mais il aura aussi permis, pour un les Blancs. du Monde. de la combativité et de la bravoure légendaires des Afrikaners.” 2 temps, le rapprochement des différentes popu- Dans son autobio- HENDRIK VERWOERD, PREMIER MINISTRE DU RÉGIME DE L’APARTHEID, EN 1958 graphie non traduite lations de l'Afrique du Sud. (…) Tous les Sud- "ALORS QUE DES SPORTS comme le foot- en langue française, il Africains purent se réjouir de la victoire et per- ball ou le cricket sont mis en valeur pour la qua- a évoqué ses relations avec ses collègues de Springboks en faisait partie, ainsi que tous les logique de séparations des races ; mais les sonne n'apparaissait exclu de la fête." lité de leurs politiques de développement et de l'équipe nationale, managers chargés de gérer l'équipe pendant conflits se concentrèrent en priorité sur le sensibilisation, le rugby reste montré du doigt certains l'évitant, ses tournées à l'étranger 6. rugby." Il faudra cependant attendre 1984 TOUTEFOIS, LE SUCCÈS des Springboks pour son adaptation limitée à la nouvelle donne d'autres allant jusqu'à utiliser des mots pour que l'International Rugby Board (IRB) devait être utilisé à bon escient. Car "si la sud-africaine", remarque Pierre Chaix. Ainsi, si racistes à son égard. CETTE ETHNICISATION du rugby sud-afri- applique l'embargo sportif contre l'Afrique cohabitation était devenue possible, l'union selon S. Tshwete, ministre sud-africain des 3 www.montpellier- cain se doubla d'une politisation exacerbée, du Sud, longtemps après toutes les autres restait à construire". Pour ce, des mesures ont Sports, "le sport doit être un catalyseur pour l'in- rugby.com, site portée à son paroxysme quand plusieurs gou- fédérations internationales. L'Angleterre fut été prises. Un système de quotas -conformé- tégration raciale et la réconciliation dans notre Internet du club de vernements successifs firent de la prééminence la dernière nation à rencontrer officiellement ment à la Constitution du pays- oblige sous pays", le rugby n'en a pas fini avec son héritage Montpellier. 4 P.Chaix, Les jeux des sportifs blancs un objectif prioritaire au les Springboks. peine d’amendes les clubs à intégrer un cer- raciste et continue à se montrer réticent. Pour troubles du rugby même titre que le développement économique, Cet ostracisme fut très durement ressenti par les tain nombre de joueurs noirs dans leurs effec- Jean-Baptiste Onana, si le ballon ovale veut défi- sud-africain, l'emploi ou la santé, indique JB.Onana Blancs. "Le rugby sud-africain a alors cherché tifs. En 2000, la Fédération sud-africaine de nitivement échapper à ses vieux démons, "il lui Géopolitique africai- ne, 2004 Recevant l'équipe nationale de rugby au lende- par tous les moyens à s'affranchir du boycott", rugby avait d'ailleurs condamné les deux faut impérativement s'engager dans une nouvel- 5 JB. Onana, Le sport main de sa nomination au poste de Premier note Pierre Chaix. L'Afrique du Sud n'hésitera fédérations provinciales de Bulls et de le voie et se restructurer en profondeur." Cela sud-africain entre ministre en 1958, Hendrik Verwoerd eut ces ainsi pas à utiliser des moyens sonnants et tré- Golden Lions à verser respectivement 45.000 implique des mesures strictes, mais aussi du déclin et renaissance, mots prophétiques : "Vos prestations dans les buchants pour convaincre les sélections de rands (6.300 dollars) et 30.000 rands (4.200 temps. Ce problème n'est, là, pas propre au article de la revue Des peuples et des arènes sportives nationales et internationales venir jouer contre les Springboks. En 1986 dollars) à son fonds de développement, pour rugby, mais à l'ensemble de la société sud-afri- jeux - Géopolitique doivent en permanence témoigner de la comba- notamment, Pretoria invite une trentaine de All- ne pas avoir respecté ces quotas. Un travail de caine qui, malgré une réconciliation exemplaire, du sport tivité et de la bravoure légendaires des Blacks pour la tournée dite des "Cavaliers". sensibilisation a en outre été mené dans les continue de subir les conséquences de 6 De 1960 à 1972, Afrikaners, et refléter la nécessaire suprématie Chacun des joueurs (et leur conjointe) touche quartiers défavorisés pour amener les jeunes l'Apartheid. pour un total de 58 rencontres, 52 capi- de la race blanche sur les Cafres et les croisés. l'équivalent de 400.000 francs français pour à pratiquer le rugby. taines appartenaient Chaque fois que vous gagnerez sur le terrain, disputer quatre test-matchs... Douze ans après, les résultats sont contrastés. RC au “Bond”.

kashkazi 66 septembre 2007 39 dossier afrique du sud : sur les braises de l’apartheid Paysans sans-terres : les oubliés de la réconciliation La fin de l’apartheid devait permettre aux millions de déracinés de retrouver la terre de leurs ancêtres. Ils attendent toujours.

les campagnes sud-africaines, la réforme agraire de Mugabe. L'attitude conci- theid, la question de la répartition des terres est (AFRA), qui lutte depuis vingt ans pour la réfor- DANS que l'on guette vers l'ouest -la liante de Mbeki envers son voisin n'est pas la au centre des discussions, au même titre que la me agraire, regrettait en 2003 dans les colonnes Namibie- ou vers l'est -le Zimbabwe-, l'horizon seule raison qui angoisse les fermiers afrikaners. structure institutionnelle du pays et le devenir du Monde diplomatique que "le gouvernement, adopte toujours les mêmes couleurs au crépus- S'ils craignent une dérive, c'est aussi parce que la des cadres de l'ancien régime. "D'un commun au lieu de donner priorité aux pauvres, a choisi cule. Le blanc auparavant hégémonique a ten- réforme agraire engagée en 1994 à la fin de l'a- accord et après trois ans de négociation, il fut de parier sur les plus forts, ceux que l'on appel- dance à laisser la place à quelques touches noi- partheid est loin de satisfaire à ses objectifs. décidé de constitutionnaliser l'indispensable le les "fermiers émergents"". L'AFRA reconnaît res dans un flot de liserés rouges. Un rouge sang, rééquilibrage foncier", note T. Vircoulon. cependant que "le principal acquis du nouveau comme celui qui a coulé au Zimbabwe. AUJOURD'HUI, Mbeki l'affirme lui-même : la Ainsi la Constitution de 1994 prévoit-elle régime, c'est d'avoir déracialisé l'iniquité. Depuis que Robert Mugabe a entamé en 2000 question de la terre en Afrique du Sud est "pire" l'"engagement de la nation dans la réforme Certains fermiers noirs ont été cooptés par les une réforme agraire dévastatrice pour l'écono- qu'au Zimbabwe. L'Afrique du Sud, indique foncière", qui devra se faire autour de trois Blancs. Leur réussite est mise en avant". "En mie du pays, privilégiant les expropriations for- Thierry Vircoulon 3, a hérité de l'histoire longue axes : la restitution des propriétés accaparées ; fait, loin d'adopter un programme en faveur des cées -et parfois sanglantes- plutôt que le dialogue (la colonisation) et de l'histoire courte (l'apar- la redistribution des terres agricoles ; et la pauvres, l'ANC a entrepris la modernisation du avec les fermiers blancs 1, le spectre zimbabwéen theid) une structure foncière très inégalitaire. Les sécurité résidentielle des ouvriers agricoles qui secteur rural, désormais centré sur les exporta- chiffres parlent d'eux-mêmes : étaient auparavant victimes d'expulsions arbi- tions génératrices de devises et la logique du “Il ne s'agit plus de distribuer la terre aux "plus pauvres sur les 122 millions d'hectares traires des propriétaires. marché", analysait Colette Braeckman. de l'Afrique du Sud, 82 millions des pauvres" mais de créer une classe de fermiers noirs.” appartiennent aux Blancs tandis LE PROGRAMME est à l'époque ambitieux. COMME DANS tout autre domaine, la loi du THIERRY VIRCOULON, CHERCHEUR que les anciens bantoustans5 où En 1994, le gouvernement fixe l'objectif de marché implique l'émergence d'une classe de étaient parqués les Noirs repré- redistribution à 30% des terres arables : 1/3 de la laissés pour compte. Tandis que les "réserves de n'est jamais bien loin. Si, comme le rapportait la sentent 15 millions d'hectares. Le résultat d'une propriété agricole blanche devait être transféré chasse" et les "game parks" pour touristes se journaliste Colette Braeckman dans Le Monde politique de cantonnement territorial des popula- en 5 ans à 600.000 fermiers noirs. Mais "comme multiplient dans les propriétés blanches -un sec- diplomatique en 2003, "l'Afrique du Sud ne veut tions africaines qui a débuté au début du XIXème tant de politiques bien intentionnées du premier teur plus rentable que l'agriculture-, des milliers pas croire que les Blancs seront demain expulsés siècle et a perduré jusqu'en 1990. gouvernement démocratique, la correction de l'i- de ruraux continuent à cultiver de minuscules manu militari pour être remplacés par des fer- Après la conquête coloniale et la naissance en négalité foncière s'est heurtée au principe de lopins. Les paysans sans terre sont plus margina- miers mal formés ou incompétents 2", l'inquiétu- 1910 de l'Union sud-africaine, les autorités blan- réalité budgétaire. (…) Pendant les dix ans qui se lisés que jamais, et aucune solution n'est propo- de demeure du côté des Blancs. Selon Thierry ches votèrent en 1913 une loi foncière qui para- sont écoulés depuis l'avènement du régime sée aux citadins qui, victimes d'un chômage éva- Vircoulon, qui s'est intéressé en 2004 à la réfor- chevait leur domination politique : le Natives démocratique, force est de constater que la redis- lué à 45%, souhaiteraient revenir à l'agriculture. me agraire en Afrique du Sud dans la revue de Land Act réservait 7% du territoire aux Africains tribution des terres a fait peu de progrès. (…) Conséquence : la tension est de plus en plus pal- géographie Hérodote3, "cette décolonisation ter- et leur interdisait d'acquérir ou de louer de la Seulement 3% des terres censées être redistri- pable. Après neuf années de grâce, la patience rienne inachevée fait craindre une contagion du terre ailleurs que dans les "scheduled native buées l'ont été : si la redistribution se poursuit à des ruraux sud-africains pourrait atteindre ses nord vers le sud, et l'on dort plus mal dans les fer- areas", futurs bantoustans. En 1936, une secon- ce rythme, 4,6% des terres arables privées auront limites. Ainsi les laissés-pour-compte sont de mes sud-africaines depuis le début de la "réfor- de législation confirmait la politique de ségréga- changé de mains en 2015", notait en 2004 plus en plus nombreux à rejoindre le me agraire zimbabwéenne"." tion foncière mais prévoyait l'augmentation des Interrogé par RFI en 2006 4, Ian Rossouw, un territoires accordés aux "indigènes" - dans les grand fermier afrikaner, disait redouter des inva- années 1980, la surface consentie aux Africains “Nous allons créer l'armée des paysans sans terre, non pas sions de fermes, mais aussi la "zanufication" représente 13,6% du territoire sud-africain. pour attaquer qui que ce soit, mais pour nous défendre.” (dérivé du Zanu-PF, le parti de Mugabe) du L'apartheid a ainsi organisé les plus vastes mou- MANGALISO KUBHEKA, FONDATEUR DU MOUVEMENT DES PAYSANS SANS-TERRE Congrès national africain (ANC) de Mbeki. vements de population et de dépossession du siè- Ces craintes s'expliquent par l'attitude confuse de cle dernier : entre 1960 et 1980, plus de 3,5 Thierry Vircoulon. Pendant ce temps, 50.000 Mouvement des Paysans Sans Terre (MPST), Thabo Mbeki vis-à-vis de Mugabe. Sa diploma- millions de Noirs ont été chassés de leurs terres, fermiers blancs se partagent encore 80% des ter- fondé en 2002 par Mangaliso Kubheka, qui tie "silencieuse" adoptée à l'égard du Zimbabwe relégués dans les "foyers tribaux" ou dans les res arables (contre 4.500 fermiers blancs et 65% prône des actions directes : "Nous désapprou- est de plus en plus critiquée -seuls les observa- townships aux abords des grandes villes. des terres au Zimbabwe) 6. vons les méthodes employées au Zimbabwe", teurs électoraux sud-africains ont trouvé "libre et En 1991, alors que la route vers la réconcilia- affirmait-il en 2004, "où ce sont des fonctionnai- juste" le scrutin de mars 2002, entaché de lour- tion est ouverte, le Parlement annule cette FACE À CE MANQUE de moyens, le gouver- res, des membres du parti, qui se sont approprié des fraudes, et il a fallu attendre 2005 pour ségrégation foncière. Lorsque s'ouvrent les nement Mbeki a changé de tactique au début du la terre redistribuée. Mais nous finirons nous entendre Mbeki désapprouver très discrètement négociations entre l'ANC et le régime de l'apar- XXIème siècle 7. Le débat qui opposait les tenants aussi par recourir aux occupations. Déjà, nous d'une redistribution à visée sociale et les tenants allons créer l'armée des paysans sans terre, non d'une redistribution à visée économique a été pas pour attaquer qui que ce soit, mais pour remporté par les seconds. Plutôt que de rendre nous défendre contre les compagnies privées de anciens bantoustans : l’autre héritage les terres aux plus pauvres, comme cela était sécurité. Leurs commandos, engagés par les fer- prévu, il s'agit désormais de les donner aux plus miers, harcèlent les travailleurs. Ils empêchent compétents… et solvables - il faut ainsi s'acquit- les familles d'enterrer leurs morts sur des terres "À l'inégalité foncière racia- l'État sud-africain (...) s'est conten- l'inégalité foncière raciale. (…) Il ter de la somme de 5.000 rands (600 euros) pour où elles ont vécu depuis des décennies." le, le côté blanc du problème, té d'être un propriétaire formel, s'agit bien sûr d'un problème recevoir des crédits, ce qui exclut 70% de la Les cas de violences (assassinats, châtiments) fait écho une inégalité foncière laissant l'administration foncière modeste quant aux superficies population rurale. "Il ne s'agit plus de distribuer faites à des Noirs tentant de s'implanter sur une sociale qui est le côté africain du aux mains de l'élite terrienne que concernées (15 millions des 122 la terre aux "plus pauvres des pauvres" mais de propriété privée appartenant la plupart du temps problème de la terre. La ségréga- sont les chefs traditionnels. Ils se millions d'hectares du territoire créer une classe de fermiers noirs", note T. à un Blanc, mais qui est aussi la terre de leurs tion foncière imposée au cours du sont vu confier la responsabilité de national) mais considérable quant Vircoulon. "Une approche plus qualitative a ancêtres, sont nombreux. Les assassinats de fer- ème XX siècle s'est doublée d'une réguler l'occupation foncière dans aux populations en cause (13 remplacé l'approche quantitative, et elle vise à miers blancs aussi. Ces dix dernières années, les autre inégalité dans les 13,6% du les bantoustans en délivrant des millions des 46 millions de Sud- promouvoir une élite d'agriculteurs africains. autorités en ont dénombré 1.600. territoire réservés aux Africains. En "permis d'occupation" qui autori- Africains). [Cette situation] favori- (…) La réforme foncière n'est plus dès lors per- RC effet, dans ces "natives reserves" saient l'installation et la résidence se l'émergence de revendications çue comme la "welfare policy" du monde rural du XIXème siècle qui devinrent les d'une famille sur une parcelle. Ils foncières concurrentes, transfor- mais comme la déracialisation de l'agriculture 1 bantoustans du XXème siècle (…), la ont donc gardé la haute main sur mant ces espaces ruraux en rentable des Blancs." Lire Kashkazi n°62 (www.kashkazi.com) 2 terre était et reste propriété d'É- la gestion des terres. (…) Le autant de "mini-Balkans" tra- Aider à l'émergence d'une élite rurale noire en C. Braeckman, Le Monde diplomatique, sept.2003 3 T. Vircoulon, Les questions de la terre dans la tat. Cependant, sa gestion n'est contrôle communautaire de la vaillés par des rivalités et des espérant qu'elle entraînera une redistribution des Nouvelle Afrique du Sud, Hérodote n°111, 2004 pas assurée directement par les terre s'est mué en contrôle person- inimitiés. (…) Des clans différents se terres plus naturelle : cette politique ne plaît pas 4 www.rfi.fr autorités étatiques mais a été nel. (…) La réflexion ministérielle disputent les mêmes espaces et aux organisations de défense des agriculteurs. 5 Les bantoustans (mot construit à partir de "bantu" - déléguée aux chefs traditionnels. sur ce sujet n'a débuté qu'en 1998 font de certaines campagnes sud- Plusieurs syndicats et associations ont vu le jour peuple- et "stan" -terre de-) étaient des régions situées en Afrique du Sud et en Namibie réservées aux popula- En échange de leur soutien à la avec un premier projet de loi, vite africaines des zones instables (…).” ces dernières années, afin de défendre les droits tions noires. Elles jouirent de différents degrés d'auto- politique de grand apartheid, ils remis dans les tiroirs. À dire vrai, le THIERRY VIRCOULON, Les questions de ceux que l'on appelle désormais, comme au nomie durant la période d'apartheid. ont pu conserver leur pouvoir fon- problème de la tribalisation des de la terre dans la Nouvelle Afrique Brésil, les sans-terre. Sanjaya Pillay, porte-paro- 6 www.gov.za (site du gouvernement) cier (…). Au cours du XXème siècle, terres a été largement occulté par du Sud, Hérodote n°111, 2004 le de l'Association for rural advancement 7 www.polity.org.za (site d’information sud-africain)

40 kashkazi 66 septembre 2007 afrique du sud : sur les braises de l’apartheid dossier Des forces spéciales au mercenariat Nombreux sont les Sud-africains employés en Irak par des sociétés privées de sécurité. Un sport national depuis 20 ans.

papier - et sur son site la "bande à Denard" et part s'installer en taire à l'étranger", qui interdit les activités de retranchements, la droite militarise alors son SUR LE Internet - il organisait Afrique du Sud, officiellement pour repré- mercenariat, y compris l'entraînement et le discours, évoque "la troisième guerre des de jolis safaris destinés aux riches occidentaux senter deux sociétés françaises. En fait, recrutement. Boers", jure de "tuer tous les Noirs non civi- pouvant se permettre de sortir plusieurs Sanders travaille directement pour le régime lisés", estime qu'"il vaut mieux mourir glo- milliers de dollars pour séjourner en Afrique de l'apartheid -son groupe est chargé de tra- VOILÀ DES ANNÉES que le gouverne- rieusement que de vivre dans la dégradation du Sud et y chasser l'hippopotame. Mais en quer les leaders de l'ANC en Europe. Après ment de Pretoria tente de mettre un terme à en acceptant l'autorité des Noirs" 2. Très fait d'animaux, c'est les primes que poursui- la fin du régime raciste, Richard Rouget ne ce secteur d'activité dans lequel les Sud-afri- populaire au niveau des policiers -en 1989 vaient Richard Rouget et ses "clients" de mer- quitte pas le milieu du mercenariat, ni cains pullulent. Les grandes com- cenaires. l'Afrique du Sud. Naturalisé, il poursuit offi- pagnies de sécurité qui avaient D'origine française, cet ancien membre de ciellement ses activités d'organisateur de pignon sur rue ont été fermées. “Il vaut mieux mourir glorieusement que de vivre dans l'armée tricolore se rapproche dans les safaris tout en participant au recrutement de La plus célèbre d'entre elles est la dégradation en acceptant l’autorité des Noirs.” années 1980 du milieu des mercenaires qui "soldats de fortune" pour d'autres fronts afri- Executive Outcomes. Créée en UN DES DISCOURS DE LA DROITE CONSERVATRICE, EN 1989 gravitent autour de Bob Denard. Son nom de cains. En 2002, il est arrêté en Côte d'Ivoire 1989 par d'anciens militaires et guerre est Sanders. Avec eux il commence à -où il aurait combattu auprès des loyalistes membres des forces spéciales sud-africaines on estime que 60% des policiers blancs sont rendre quelques services au régime sud-afri- de Laurent Gbagbo-, peu après le putsch du impliqués dans l'apartheid, cette société a sympathisants ou membres d'organisations cain, qui apprécie que les Comores soient 19 septembre1. Extradé vers son pays d'a- été dissoute en 1998. Son histoire résume à conservatrices-, ce discours aboutit à la nais- ainsi devenues un véritable centre d'écoutes doption en 2003, il sera condamné à une elle seule celle du mercenariat sud-af'. Elle sance de ces sociétés. Un document des permettant aux tenants de l'apartheid de tra- amende de 11.000 euros en 2004. Il est ainsi apparaît à l'époque où la droite dure craint Nations unies considère ces combat- quer les responsables de l'ANC de Nelson le premier Sud-africain à tomber sous le une ouverture vers l'ANC, et la fin du régi- tants "comme des criminels aux Mandela. Puis Richard Rouget s'éloigne de coup de la loi de 1998 sur "l'assistance mili- me de l'apartheid. Poussée dans ses derniers idéologies fasciste et raciste, généra- ... Les Comores, un pion sur l'échiquier de l'apartheid Denard avait fait des Comores une véritable plaque tournante pour l'Afrique du Sud, qui finançait la Garde présidentielle des mercenaires en échange de bons et loyaux services. Retour sur une période peu glorieuse de l’archipel.

des sujets sur lesquels IL EST le secret jalousement gardé vient au secours de l'amnésie col- lective, évitant aux élites politiques et économiques de regarder en face un passé peu glorieux. Les relations des Comores avec l'Afrique du Sud de l'apar- theid sont de ceux-là. Orchestrée par Bob Denard, cette coopération très spé- ciale qui a alimenté pendant près de dix ans le système des mercenaires aux Comores, n'est connue dans tous ses détails que par une poignée d'hommes. Hormis les mercenaires eux-mêmes et le défunt ministre des Affaires étrangères Said Kafe, Ahmed Abdou est de l'avis de tous la personne la mieux informée de la nature de ces accords, dont aucune trace écrite n'a pour l'heure été révélée publi- quement. Dans l'une de ses biographies 1, Bob Denard décrit l'ancien directeur de cabinet d'Ahmed Abdallah comme l'un des plus proches collaborateurs poli- tiques comoriens des mercenaires, un interlocuteur privilégié qui les aidait à faire valoir leur point de vue auprès du président. Plusieurs anciens Gardes pré- sidentiels (GP, encadrés par les merce- naires) affirment que c'est "Ahmed Bob Denard Abdou qui a amené un avion à 10 heures arrêté par l’armée du soir pour faire les relations avec française l’Afrique du Sud, sans autorisation de après son l'Etat !" "Retiré de tout ça", M. Abdou coup d’Etat contre refuse de parler à la presse. Djohar, Les anciens membres du gou- en 1995. vernement d'Abdallah se mont- ... (AFP)

kashkazi 66 septembre 2007 41 dossier afrique du sud : sur les braises de l’apartheid

... lement associés aux trafics illicites les anciens agents des forces spéciales qui mants -dans ce dernier pays, EO s'est fait par le pouvoir. Ces faits d'armes ont abouti d'armes, de stupéfiants et même aux voulaient continuer à mener une carrière payer en recevant une partie des mines de à sa dissolution. prises d'otages". Laurence Mazure, lucrative à agir dans le cadre d'une entrepri- la région-, la société se fait rapidement un journaliste basée à Johannesburg, affirmait se privée (…) Il est possible que la société nom. A son apogée, elle était présente dans TOUTEFOIS, les efforts du gouvernement en 1996 que "l'histoire d'EO [Executive ait été, à l'origine, un de ses paravents, deve- plus de trente pays essentiellement afri- sont vains. Les sociétés interdites réappa- Outcomes] peut être vue comme la réponse nu un bateau de sauvetage providentiel cains, et employait près de 500 employés. raissent sous d'autres noms, dans d'autres des élites des services spéciaux de l'armée et lorsque les membres [des forces de sécurité] Mais son rôle obscur dans les questions pays. Et les mercenaires sud-africains recru- de la police de l'apartheid à un monde où les se sont rendu compte que leurs unités spé- politiques a couru à sa perte. Selon tés aux quatre coins du monde sont légion. ciales et leurs organisations Laurence Mazure, EO a aidé le Autrefois en Afrique : en Sierra Leone, au secrètes allaient être démante- Mouvement populaire pour la libération de Liberia, en Angola, en Guinée équatoriale 4. “Les contrats sont bien plus intéressants [en Irak]. En deux lées après la libération de M. l'Angola (MPLA, ancien parti unique mar- Aujourd'hui en Irak, où les sociétés de sécu- mois, ils vont gagner l'équivalent d'un an de salaire ici.” Nelson Mandela et la légali- xiste-léniniste), en 1994, à reconquérir des rité emploient selon des estimations concor- sation de l'ANC 3". territoires qui étaient tombés aux mains de dantes quelque 20.000 agents -plus du dou- UN RESPONSABLE GOUVERNEMENTAL SUD-AFRICAIN, À PROPOS DES MERCENAIRES l'UNITA lors de la reprise de la guerre civi- ble du contingent britannique. Alors que les REPAIRE DE MERCENAI- le, fin 1992. En Sierra Leone, EO, qui avait Américains et les Britanniques aimeraient motivations racistes et anticommunistes RES, Executive Outcomes "a su jouer au obtenu un contrat en vue de remettre à pouvoir réduire leurs forces armées en Irak ayant présidé à leur formation semblaient en maximum les cartes conjuguées de l'ambi- niveau les troupes d'un gouvernement épui- et faire assurer le contrôle de la sécurité par passe d'être frappées d'obsolescence, et avec guïté politique et de l'esprit d'entreprise.3" sé par cinq ans de guerre civile contre le des compagnies, le recours au privé contri- elles leurs emplois. (…) Les changements Engagée dans des actions en Angola, puis Front révolutionnaire uni (FRU), a permis bue à réduire les coûts : les contractants politiques de 1990 auront simplement forcé en Sierra Leone, deux pays riches en dia- la reprise de plusieurs champs de diamants sont seulement payés en fonction des

Les Comores, un pion sur l'échiquier de l'apartheid

... rent quant à eux extrêmement éva- intervention au Bénin, tandis que les subsi- mettra de mieux contrôler les renseigne- critiques de l'Afrique du Sud. Mais le pré- de savoir quelle est l'ampleur du rôle tenu sifs, arguant que les ministres des alloués à la garde présidentielle se font ments en provenance d'Afrique australe." sident a prononcé le discours tel quel." par les Comores dans l'échiquier du régi- étaient tenus à l'écart des tracta- plus rares. C'est à ce moment là, assure un La présence sud-africaine reste cependant me d'apartheid. En finançant totalement la tions entre la présidence, les mercenaires et ancien GP, que la coopération sud-africai- extrêmement discrète. "Les mercenaires DENARD, dit sa biographie, "ne parvien- Garde présidentielle, l'Afrique du Sud l'Afrique du Sud. Il faut dire que la ne a été imposée au président. "Abdallah les appelaient ‘nos amis belges’", raconte dra pas à vaincre la crainte viscérale que le dispose d'une base militaire de repli fiable condamnation morale qui pesait alors sur n'a jamais voulu ces relations. Mais pen- un GP. "On savait sans savoir qui c'était… président a de se retrouver au ban de et qui ne peut rien lui refuser. "Elle assu- l'apartheid rend cette ancienne liaison diffi- dant quelques mois, les mercenaires ont J'ai accueilli le chef des armées, pour faire l'OUA. Le ton des relations entre Abdallah rait le matériel, l'armement, les véhicules, cile à assumer -surtout pour des Africains. changé de tenue : ils s'habillaient en civil, le tour de l'île en Land Rover avec le et l'Afrique du Sud ne changera pas. En elle fournissait tout, même les repas : Quant à la coopération économique, ses pour montrer qu'ils étaient prêts à partir… BLU… En les entendant parler j'ai cru 1985, pour le quarantième anniversaire de chaque mois, un transall amenait des fruits étaient distribués de façon si opaque Abdallah n'avait pas le choix." que c'étaient des Anglais, jusqu'à ce qu'on l'ONU, tandis que l'aide de la RSA s'ac- pommes et tout ce qu'on ne trouvait pas qu'il est difficile d'imaginer qu'une bonne Si l'on en croit Bob Denard, les accords obtienne la liaison avec l'Afrique du Sud, croît sans cesse, il se paiera le luxe d'un sur place. Ils payaient les salaires… même partie de la classe dirigeante n'en ait pas avaient en réalité été noués deux ans plus l'essence", témoigne Ibrahim Papa. Selon profité… tôt, facilités par ses nombreux contacts un autre GP, "il existait des accords secrets acquis au cours de pérégrinations africai- “Il existait des accords secrets qui faisaient des qui faisaient des Comores le septième MALGRÉ TOUTES LES ZONES d'omb- nes en faveur du camp pro-occidental. Dès Comores le septième bataillon d'Afrique du Sud.” bataillon d'Afrique du Sud. C'est ce qui re qui recouvrent encore cette période, les 1979, "des tractations souterraines sont en explique que notre financement était inté- IBRAHIM PAPA termes de l'échange sont néanmoins bien route, qui le rassurent", affirme sa biogra- gré au budget de l'armée sud-africaine et connus : l'Afrique du Sud jouait le rôle de phie. "Les amis du Sud, c'est-à-dire les que nous devions parfois saluer des offi- "robinet" -ou de "vache à lait"- pour la Sud-Africains, sont contactés avec l'accord depuis le Lac salé. J'ai alors compris. A discours violemment anti sud-africain pour ciers et même le chef de l'armée sud-afri- Garde présidentielle, tandis que celle-ci de la Grande Maison [les services secrets partir de là, ils se sont intéressés aux se faire bien voir des pays "progressistes". caine, sans forcément savoir qui c'était". transformait les Comores en plaque tour- français, ndlr] : "C'est OK, l'important Comores, ont fait des petits cadeaux…" Auprès des journalistes, sa tendance sera "On faisait les revues quand ils venaient", nante aveugle… et équipée de grandes reste la discrétion."" Alors qu'officielle- Des liaisons commerciales s'instaurent : les toujours de minimiser ou même de nier poursuit Ibrahim Papa. oreilles toutes acquises à la cause de leur ment l'Afrique du Sud est mise au ban de Sud-af’ vendent des pneus, de la bière, de l'aide sud-africaine, ce qui agace les autori- "bienfaiteur". la communauté internationale, Paris prend la viande… tés de Pretoria. Bob ne cesse de lui répéter S'ILS AVAIENT "leur propre petit camp", Des proches des mercenaires attribuent à part aux négociations et autorise Denard à le même conseil, à chaque visite de minist- les cinquante militaires sud-africains qui l'élection du président français François retourner aux Comores. "L'accord à trois EN ROMPANT les relations de Denard res ou d'experts sud-africains : ‘Il serait géraient la station d'écoute portaient les Mitterrand, en 1981, le lancement de la est conclu, entre les Sud-Africains, les avec les services français, l'élection de maladroit de les tenir à l'écart et de leur mêmes tenues que la GP et partageaient coopération entre le régime d'apartheid et Français et les Comoriens représentés par Mitterrand va en revanche précipiter une donner l'impression qu'on les camoufle !’” les repas des mercenaires. "C'était tous des la République fédérale islamique des Bob (…) La France, à tout prendre, préfè- certaine officialisation de la coopération, officiers supérieurs, et bien sûr il n'y avait Comores. A l'époque, pour ménager l'opi- re ces alliés là à tous autres sur le champ en poussant le mercenaire à tout miser sur EN 1985, une représentation commerciale que des Blancs", témoigne Ibrahim Papa. nion internationale et sur pression des de la lutte russo-américaine dans l'océan l'Afrique du Sud, où il effectue de fré- sud-africaine est finalement ouverte à "Ils montaient dans un bus pour venir Services français, Denard n'est plus physi- Indien. Les services sud-africains -au sein quents voyages. La pression s'accroît sur Moroni. "Une mission", précise un rapport manger au mess avec les autres. Mais au quement dans l'archipel. Tombé en disgrâ- du ministère de la Défense- ont subordon- Abdallah, qui jusqu'alors s'en sortait en fei- post-apartheid de l'armée sud-africaine. radar, personne à part eux n'entrait sauf ce auprès des réseaux français avec la vic- né leur accord à l'installation aux Comores gnant l'ignorance. "Les mercenaires nous "C'est ainsi que l'on appelait les ambassa- Bob, Marques, Hoefman, les mercenaires toire de la gauche, il est poursuivi pour son d'une station d'écoute secrète qui leur per- demandaient de dire à ses enfants que des pour ne pas embarrasser les pays d'ac- les plus hauts placés. Il y avait beaucoup sans les ‘Belges’, il n'y aurait plus de GP, cueil très amicaux." Construction de l'hôtel de secrets que nous on ne savait pas." et sans les GP, il était foutu", témoigne un Galawa, de routes, de logements, action de Pour un autre garde, la station d'écoute ancien garde. En 1983, le président finit reboisement, évacuations sanitaires vers constituait "une protection au cas où les par accepter une visite officielle. "Abdallah Pretoria, ouverture de "fermes modèles"… touristes sud-africains seraient menacés, et a eu le courage de se rendre à Pretoria, L'Afrique du Sud multiplie les actions de une garantie pour les pétroliers qui pas- mais au prix de quelle violence sur lui- coopération, presque toutes gérées par la saient dans le canal de Suez". Mais la sta- relations stratégiques même !" commente le biographe de Garde présidentielle et dotées de budgets tion d'écoute permet surtout au régime de Denard, qui cite le mercenaire : "En quit- dont Denard dispose directement. Pretoria de traquer les responsables de Si les relations avec l'Afrique du Sud de l'apartheid étaient publi- tant Moroni, Abdallah s'est littéralement "L'argent m'était versé par le Trésor et l'ANC (African National Congress), le quement décriées, nombreux sont les Etats et forces politiques qui pré- caché dans sa voiture comme ses trois Abdallah ne me demandait aucun parti de Nelson Mandela, notamment dans voyaient le rôle majeur que jouerait le pays une fois réintégré à la conseillers accompagnateurs, Saïd Kafe, compte", affirme-t-il. A qui allaient les leurs principales bases arrières situées en scène internationale, et prenaient soin de ne pas couper tous les ponts. Saïd Hassan et Ahmed Abdou, si bien que bénéfices ? Le chassé-croisé entre Afrique Tanzanie et en Zambie, tout en tendant l'o- Les Comores n'ont pas fait exception. "Sous l'autonomie interne, des Charles, qui les amenait à l'aéroport, avait du Sud, garde présidentielle et présidence reille à ce qu'il se passe dans les pays de la contacts avaient été noués avec les pays de la zone. On y allait, l'air tout seul !"" Une version contredite était loin d'être transparent. Pour ce qui est côte africaine hostiles à l'apartheid. comme tant d'autres, dans l'optique de préparer l'indépendance", rap- par l'ancien ministre Said Hassane Said du Galawa, "c'était un dossier privé de la Outre le renseignement, Moroni constitue porte Said Hassane Said Hachime. Sous le régime Abdallah, le parti Hachim, qui affirme qu'il n'y a "jamais eu présidence et des mercenaires. Je n'y ai une plaque tournante qui permet à d'opposition URDC a également tenté de créer des liens avec les auto- de pression en quoi que ce soit" et que les jamais mis les pieds sous Denard", indique l'Afrique du Sud de contourner l'embargo. rités sud-africaines. Le 1er octobre 1987, le journal Al-watwan indique relations des Comores avec l'Afrique du l'ancien ministre d'Abdallah, Mtara Bob Denard explique dans son autobio- ainsi que Mouzawar Abdallah, alors en exil en France, "s'est rendu en Sud étaient "normales"… L'ancien ambas- Maecha. La GP, qui avait monté sa propre graphie qu'il procurait aux hommes d'af- Afrique du Sud fin juillet 1987, accompagné d'un citoyen mauricien du sadeur Ali Mlahaïli, auteur d'un discours société de construction, voyait ses presta- faires sud-africains des passeports "leur nom de Naïdoo. Lors de cette visite, il a rencontré M. Van Heerden, d'Ahmed Abdallah aux Nations Unies, tions rémunérées… par l'Afrique du Sud. permettant de se rendre dans les pays les directeur général des Affaires étrangères, le 27 juillet 1987, apprend-on indique quant à lui que "Bob Denard m'a La contrepartie de cette générosité n'est un plus hostiles à l'apartheid", et avait orga- de sources bien informées." téléphoné pour que j'enlève du discours les secret pour personne, même s'il est difficile nisé le convoyage d'un bateau chargé

42 kashkazi 66 septembre 2007 afrique du sud : sur les braises de l’apartheid dossier besoins. En outre, utiliser discrètement des d'eux, François Strydom, était tué dans un loi de 1998, Erinys peut être poursuivie sont établis généralement pour une durée entreprises permet d'échapper au contrôle attentat devant l'Hotel Shahine à Bagdad, et pour activité illégale. Mais il est difficile de de trois mois avec des salaires se situant des parlementaires, des médias et de l'opi- quatre de ses compatriotes blessés 5. clarifier la notion de mercenaire -c'est ce sur entre 35.000 et 100.000 rands par mois (de 1 19 septembre 2002 : nion publique, notamment lorsqu'il y a des François Strydom était employé par la com- quoi jouent toutes les sociétés privés de 4.200 à 12.000 euros, de 2 millions à 6 Robert Gueï, ancien prési- morts : les pertes parmi les mercenaires ne pagnie britannique Erinys, société spéciali- sécurité. millions fc), alors que les plus hauts gradés dent de la Côte d'Ivoire, sont pas comprises dans le décompte officiel sée dans la "sécurité et le renseignement" en ne peuvent espérer gagner plus de 1.500 tente en vain de reprendre le pouvoir par les armes des victimes. Au jeu des recrutements de Afrique et au Moyen-Orient, qui a signé en APRÈS LE DÉCÈS de François Strydom, euros (740.000 fc) mensuels en Afrique du après sa défaite électorale mercenaires, l'Afrique du Sud est en bonne mai 2003 un contrat de 39,4 millions de le gouvernement a assuré n'avoir aucune Sud. Salaire auquel s'ajoute une assurance face à Laurent Gbagbo. position, derrière les Etats-Unis et la dollars avec la coalition américaine pour la information sur les Sud-africains employés d'une valeur de 1,5 à 2 millions de dollars 2 Ph. Chapleau, La pérenni- Grande-Bretagne - le nombre de Sud-afri- protection de sites pétroliers. Erinys n'est en Irak. Attirés par les primes, ils sont en cas de décès. té des conflits en Afrique du Sud et Australe,Cultures cains travaillant en Irak varie de 100 à 1.000 pas inconnue en Afrique du Sud : cette com- cependant de plus en plus nombreux. Ainsi, Si ces hommes sont condamnables en s'en- & Conflits n°1, 1990 selon les sources. pagnie y compte une succursale. "Nous ne depuis quelques années, la police sud-afri- gageant dans le conflit irakien - tout Sud- 3 L. Mazure, Le Monde nous occupons pas des contrats en Irak. En caine constate de multiples défections dans africain qui exerce des activités dans le diplomatique, sept.1996 LOURDEMENT armés ces hommes tant qu'Erinys Afrique, nous fournissons ses rangs. Sur la centaine de membres de domaine de la sécurité, du renseignement, 4 Mark Thatcher, fils de l'ancienne Premier ministre "savent se servir d'armes", déclarait en des informations sur les risques aux entre- l'unité d'élite Task force, six ont démission- du recrutement ou même de l'assistance britannique, fut impliqué en 2006 le responsable britannique d'une équi- prises qui veulent travailler sur le conti- né en 2004 pour s'engager en Irak. "Les médicale en Irak peut être poursuivi par la 2004 dans la tentative de pe de sécurité opérant dans la partie sud de nent. En aucun cas nous ne sommes respon- contrats sont bien plus intéressants. En Justice-, les conditions financières qui renversement du président de la Guinée équatoriale Bagdad. Malgré tout, ils sont à la portée sables de l'emploi de personnel de sécuri- deux mois, ils vont gagner l'équivalent d'un contrastent avec le marasme économique du par un groupe de mercenai- des attaques irakiennes, comme les soldats té", se défendait en 2004 le directeur an de salaire ici", expliquait au Monde un pays ne les font guère réfléchir. res sud-africains. "officiels". Ainsi en janvier 2004, l'un d'Erinys Afrique, Johan Viljoen 5. Selon la responsable. Ces contrats, renouvelables, RC 5 Le Monde, 09/03/2004

Ci-dessous, des mercenaires installés aux Comores dans les années 80. (DR) au moment de l'assassinat. Ce n'est qu'en- suite qu'il a rejoint les Comores, où il devint l'un des bras droits de Denard.

LA FIN DES ANNÉES 80 voit cependant se diluer les relations qui unissent Denard à ses alliés sud-africains. Alors que le pou- voir blanc se prépare à renoncer à l'apar- theid, cherche une nouvelle respectabilité et abandonne peu à peu les fronts de com- bat contre les forces "progressistes", les Comores perdent leur intérêt à ses yeux. La coopération quitte les mains des seuls militaires ; les hommes politiques sud-afri- cains ne voient plus d'un bon œil que tous les projets soient contrôlés par la garde présidentielle. Ils envoient des techniciens qui prennent peu à peu la place des soldats à la ferme de Sangani, privant la GP d'une partie de ses revenus locaux. Le budget alloué à la garde diminue en même temps que le rand perd de sa valeur par rapport au franc comorien. Bob Denard est aux abois, lâché par la France comme par l'Afrique du Sud : tout comme elles se sont entendues sur sa présence aux Comores, les deux puissances s'accordent sur le fait que le système Denard a vécu. "Il y avait des tractations entre la France et les merce- naires", rapporte Mtara Maecha. "La France promettait de remplacer la GP par une garde normale. Ça devait se faire vers décembre 1989. L 'Afrique du Sud était d'accord pour passer la main : j'ai cru comprendre qu'ils commen- d'armes transitant par les Comores, desti- dat justifie notamment ses présomptions armes transitent sur son territoire à destina- complotent pour renverser le pouvoir de çaient à en avoir marre de Bob." 2 nées aux alliés africains de Pretoria . Un par les "miettes" qui revenaient à la garde tion d'un quelconque pays et a fortiori d'un France-Albert René aux Seychelles. En 1992, l 'Afrique du Sud ferme son Boeing "offert" aux Comores permet en présidentielle : "Sur quelques centaines pays voisin ou islamique. Ceci n'est qu'une Leur tentative échoue et tous prennent consulat à Moroni. "Les Comores n'ont réalité à la compagnie nationale sud-afri- de caisses, une demi caisse débarquait… affirmation d'un journaliste malhonnête, la fuite en direction de l'Afrique du Sud, plus d'intérêt dans la politique d'Afrique caine de desservir de nombreuses destina- Quelques armes légères, des munitions… soudoyé par l'opposition de Moroni", affir- d'où ils étaient venus, en se faisant pas- du Sud", expliquait alors Jean-Luc tions sous pavillon comorien… tout en On n'a jamais su le pavillon de l'avion." me-t-il. Difficile de croire après ça qu'il ne ser pour des touristes. Le régime de l'a- Sibiude, l'ambassadeur de France à transportant les pèlerins de l'archipel à La partheid feint de les arrêter, mais ils Moroni. "Les Sud-africains redéploient Mecque. Mais la présence de Pretoria “J'ai cru comprendre qu'ils [les Sud-africains] sont vite libérés, ce qui suscite une vive leurs moyens à Madagascar et sur le semblait surtout "rentabilisée" par le indignation sur la scène internationale. continent. Les cartes ont changé de commerce de armes. "Jamais il n'a été commençaient à en avoir marre de Bob."” Ils auraient transité à l'aller par les main avec la fin de l'apartheid." 4 Il fau- question d'utiliser les Comoriens dans la MTARA MAECHA Comores, en se faisant passer pour une dra attendre la "Renaissance" impulsée guerre", estime un GP. "Leur ambition équipe de football ou de rugby… par Thabo Mbeki pour voir la puissance était surtout de vendre leur armement. La "Le soir, des avions arrivaient et par- savait pas… En échange de cette indul- africaine reprendre toute sa place aux moitié de l'armement qui allait en Iran et taient", confirme Mtara Maecha sans en gence, l'archipel reçoit à la fin de la guerre DEUX ANCIENS MERCENAIRES de la Comores. Irak transitait par les Comores", croit-il dire plus. en Angola, où l'Afrique du Sud intervenait GP sont par ailleurs soupçonnés d'être LG savoir. "Des fois, il y avait deux Transall contre Cuba et à laquelle Denard s'était mêlés à l'assassinat à Paris de Dulcie qui arrivaient pendant que les EN OCTOBRE 1987, La Lettre de intéressé, "tout le petit armement" utilisé September, militante de l'ANC, en 1988. 1 P. Lunel, Bob Denard, le Roi de fortune, Comoriens, eux dormaient… C'est un l'Océan Indien fait état de ce ballet noctur- dans le conflit. L'un, Richard Rouget dit Sanders, s'est Edition n°1, 1991 2 B.Denard, Corsaire de la République, Robert moment où l'aéroport échappait à tout ne. Le gouvernement comorien répond par Au cours de cette période, les Comores installé en Afrique du Sud où il a travaillé Laffont, 1998 3 contrôle. De 82 à 86, il n'y a pas eu le un communiqué offusqué : "Jamais jus- servent enfin d'escale aux mercenaires pour le régime d'apartheid (lire ci-dessus). 3 Al-watwan n°36, 01/10/1987 contrôle d'un seul Comorien sur la piste qu'à ce jour et jamais à l'avenir, le gouver- de tous poils. En 1981, 49 mercenaires Le second, Jean-Paul Guerrier dit 4 P. Peri, Les nouveaux mercenaires, la nuit, sauf quelques GP." L'ancien sol- nement n’a accepté et n'acceptera que des dont 26 Sud-africains et 11 Britanniques Capitaine Siam, vivait en Afrique du Sud L'Harmattan, 1994

kashkazi 66 septembre 2007 43 dossier afrique du sud : sur les braises de l’apartheid Diplomatie : le grand écart de Ce concept imposé par Thabo Mbeki sert un objectif diplomatique à double tranchant : devenir

ème siècle sera africain." En pro- africaine 1. "Elle devait également prendre un l' Afrique du Sud se veut le porte-étendard présent lors des sommets de l'Organisation de nonçant ces mots lors de son peu de distance avec ses propres problèmes continental ; et développement - fondement de l’unité africaine (OUA, devenue UA),Thabo “LE XXI investiture à la présidence de la intérieurs, à la résolution desquels contribue la renaissance africaine théorisée par Nelson Mbeki fait en effet partie des chefs d'Etat qui République sud-africaine, le 16 juin 1999, d'ailleurs l'image fortement mise en scène de Mandela et portée par Thabo Mbeki", écrit l'u- ont œuvré à sa transformation en Union africai- Thabo Mbeki s'adressait d'abord à ses conci- ses nouvelles ambitions africaines." niversitaire français Jean-Baptiste Onana 3. "Il ne et à l'abandon du principe de non-ingérence. toyens : cinq ans seulement les séparait alors du s'agit, schématiquement, de mettre l'accent L'Afrique du Sud est également l'un des pro- régime raciste de l'apartheid qui a nié pendant PAR LA SEULE FORCE de son charisme et autant sur la position centrale du continent moteurs du Nepad, qui vise à donner de nou- presque quarante ans l'africanité du pays. Il s'a- du symbole qu'il incarne, Mandela s'est ensui- africain que sur le rôle que l' Afrique du Sud veaux fondements à l'aide au développement, dressait également à son continent, où l'Afrique te rapidement lancé dans une "diplomatie devrait y jouer, forte qu'elle est de son expé- selon des critères de "bonne gouvernance" et du Sud s'efforçait déjà de jouer un rôle de pre- morale", faite de promotion de la paix et de rience unique de transformation sociale, poli- de promotion du rôle du secteur privé… critè- mier plan dans l'émergence d'une force morale médiation dans les conflits. Mais il signera sa tique et économique pacifique, alors qu'on lui res qui la placent à l'avant-garde du continent et et économique émancipée de l'occident. Il première action d'envergure après avoir quitté prédisait le chaos au sortir de l'apartheid ; lui permettent de jouer le rôle de garant, sinon envoyait enfin un message au monde, aux yeux le pouvoir, en 1999-2000, en conduisant au d'œuvrer en faveur de la prévention et de la de gendarme, aux yeux de la communauté duquel il entendait devenir le chef de file d'une dialogue les factions rivales du Burundi qui résolution pacifique des conflits ; de vendre à internationale. "Profitant de l'image positive Afrique décomplexée et assumant ses respon- construite autour de son expérience de démo- sabilités. Un message emblématique donc, qui cratisation, l'Afrique du Sud se projette comme sonnait comme un avertissement et comme un “Profitant de [son] image positive, l'Afrique du Sud la conscience morale du continent. Les diri- rappel de l'incroyable chemin parcouru par la se projette comme la conscience morale du continent.” geants sud-africains martèlent un discours très plus grande puissance du continent depuis la proche de celui des Nations unies, notamment IVAN CROUZEL sortie de prison de Nelson Mandela. La philo- en matière de démocratie et de droits de l'hom- sophie sud-africaine est ainsi : "Prenez exem- me. Cette posture morale facilite la revendica- ple sur nous qui avons dépassé pacifiquement mettent à sang le pays depuis 1993. "Du suc- l'étranger l'image d'un pays tout acquis au tion sud-africaine d'une position de leadership les discriminations pour construire une démo- cès de M. Mandela au Burundi dépend large- modèle économique libéral (…) ; de consoli- en Afrique", note Ivan Crouzel dans Politique cratie", semblent proclamer ses dirigeants. ment l'avenir de la diplomatie sud-africaine, der les bases d'un développement efficient du africaine 4. "Puisque l'Afrique du Sud est redevenue afri- dont les initiatives - en dépit de quelques réus- continent, sous l'impulsion, bien évidemment, caine, le XXIème siècle le sera aussi…" sites momentanées, notamment au moment de de sa première puissance économique." CETTE ASPIRATION au leadership est Sortie de l'isolement qui pesait très lourde- la signature des accords de Lusaka (1994) sur encouragée par les pays africains et occiden- ment sur elle depuis les années 80, l'Afrique l'ex-Zaïre - ont rarement abouti à des résultats L'ARRIVÉE AU POUVOIR de Thabo Mbeki taux. "À l'image de Julius Nyerere [ancien pré- du Sud de Mandela a commencé par panser tangibles", indiquait alors Le Monde diploma- marque un nouveau tournant dans la diploma- sident de la Tanzanie, ndlr], certaines voix afri- ses propres plaies avant de songer à influer sur tique 2. Son intervention qui suscite d'immen- tie sud-africaine : c'est lui, beaucoup plus que caines demandent à l'Afrique du Sud de prend- le continent. "Partie plus tard dans la course ses espoirs et lui vaut une reconnaissance Mandela, qui impose à l'intérieur et à l'extérieur re ses responsabilités envers le continent et de au maintien de la paix, il lui fallait en effet internationale donne le départ d'une ascension du pays le concept de la Renaissance africaine. répondre aux attentes des peuples ayant aidé commencer par bâtir un nouveau système sud-africaine qui va bouleverser les rapports Théorie complexe qui associe les idées de l'ANC dans sa lutte contre l'apartheid", pour- politique stabilisé après la chute du régime de de force sur le continent. "L'élection de Nelson modernisation, d'appropriation par l'Afrique de suit Ivan Crouzel. Quant aux puissances occi- l'apartheid et reconstruire ces deux outils de Mandela à la présidence de la république est la démocratie et du développement écono- dentales, notamment les Etats-Unis, elles projection que sont la diplomatie et les forces venue inaugurer une phase de profonde res- mique, et d'affirmation de son identité, elle voient en elle un interlocuteur commode pou- armées", indique Jean-Bernard Véron, tructuration de la politique étrangère sud-afri- prône aussi un partenariat africain basé sur vant jouer le rôle d'intermédiaire avec les pays conseiller à la direction de la stratégie de caine, dont le fil rouge se décline en quatre d'autres principes que la simple "fraternité" plus imprévisibles ou difficiles d'accès. l'Agence française de développement, dans maîtres mots : coopération - tant régionale entre pays noirs. Marquées de son influence, Misant sur sa crédibilité mondiale mais ne sou- un article qui compare l'Afrique du Sud au qu'internationale ; compromis - en l'absence les deux institutions sur lesquelles elle s'appuie haitant pas se couper de la base africaine, la Nigeria, son principal concurrent sur la scène de consensus politique ; démocratie - dont sont caractéristiques de cette approche. Très nouvelle Afrique du Sud se livre à un jeu sub- til. "Les tensions avec l'Angola ou le Zimbabwe, notamment dans le cadre de la recherche d'un accord de paix en RDC, sont emblématiques des difficultés qu'éprouve l'Afrique du Sud à manifester, comme l'y une “nouvelle colonisation” par l’économie encouragent nombre de pays occidentaux, son "autorité morale" sur la scène africaine sans provoquer l'irritation de ses partenaires", écri- conditions, qu'elle abrite l'essentiel des en 2002 (…) De 2000 à 2004, 55% des “GUIDÉ PAR L'IDÉAL DE LA RENAIS- vait en 2000 Le Monde diplomatique 2. "Or le gouvernement entreprises africaines qui figurent au top investissements étrangers en Ouganda SANCE AFRICAINE, Washington verrait bien Pretoria s'affirmer poursuit son objectif de développement des 500 mondial ; qu'elle compte à elle seule étaient sud-africains. Sur la même période, comme la locomotive politique et économique échanges commerciaux et d'implantation en pour 25% dans le PIB du continent, 33% ce ratio est de 44% pour le Kenya, 50% de l'ensemble du continent noir. Mais l'Afrique Afrique afin de promouvoir la régénération dans celui de l'Afrique subsaharienne et 75% pour le Mali, 33% pour le Mozambique, 46% du Sud rechigne à assumer trop directement ce et le développement du continent”, décla- dans celui de l'Afrique australe. Et qu'elle pour l'île Maurice et autant pour la rôle de relais de l'Occident, car elle nourrit rait à la fin des années 1990 Alec Erwin, fournisse 40% de la production industrielle Tanzanie.” l'ambition - aux contours encore flous - de alors ministre du Commerce et de l'Industrie du continent et 60% de celle de l'électricité”, Cela ne va pas sans quelques tensions, pour- prendre la tête d'un mouvement revendiquant, 1 de l'Afrique du Sud . On l'aura compris, le remarquait en 2005 l'universitaire Jean- suit Jean-Baptiste Onana : “En établissant pour le continent, un statut de véritable interlo- 2 rôle messianique que s'est arrogé le pays de Baptiste Onana , qui évoque une volonté des rapports asymétriques avec ses parte- cuteur auprès des puissances mondiales." Mandela en élaborant le concept de néocoloniale de la part de Pretoria. “Un tel naires et en soutenant une intégration “renaissance africaine” fait la part belle à la potentiel ne pouvait que nourrir des ambi- régionale fondée sur le schéma boiteux C'EST LÀ LA PLUS HAUTE aspiration défense de ses propres intérêts économiques. tions d'expansion continentale, lesquelles ne d'une périphérie défavorisée gravitant diplomatique poursuivie par la "nation arc-en- Réseau de télécommunications dense et sont pas moins légitimes que celles dont sont autour d'un centre avantagé, l'Afrique du ciel" : accéder à un rôle planétaire tout en conti- sophistiqué - plus d'un téléphone fixe ou animées certaines capitales occidentales en Sud fait plus qu'agacer ses partenaires”, nuant de représenter l'Afrique qui lui confère mobile répertorié sur deux en Afrique se terre africaine.” dont certains n'hésitent pas à dénoncer “l'in- toute sa légitimité. Le concept de renaissance trouve en Afrique du Sud ; structures ban- vasion des produits sud-africains” sur leur africaine se montre là encore très utile. "Il per- caires performantes - Johannesburg figure L' Afrique du Sud est aujourd'hui le pre- marchés ou une “nouvelle colonisation”. met à l'Afrique du Sud de se positionner en tant parmi les dix premières places boursières du mier investisseur sur le reste du continent. que porte-parole du continent africain et de monde ; potentiel industriel, agricole et “Loin devant les États-Unis (10 milliards de LG légitimer ses intérêts sur le plan mondial", minier ; savoir-faire dans des secteurs straté- dollars), la France (6 milliards) et le constate Ivan Crouzel. "Selon Thabo Mbeki, giques comme l'armement, la production et Royaume-Uni. Si l'Europe reste son principal par exemple, l'acceptation de la candidature du la distribution d'électricité, la liquéfaction partenaire économique, ses exportations Cap aux Jeux Olympiques de 2004 [finalement 1 Ivan Crouzel, La "renaissance africaine": un dis- du charbon, la maîtrise de l'énergie nucléai- vers le marché africain ont considérable- cours sud-africain ?, Politique africaine n° 77, organisés à Athènes, en Grèce, ndlr] aurait tra- re et des technologies de pointe… ment augmenté. De 5 milliards de rands mars 2000 duit un engagement de la communauté interna- L'économie sud-africaine est de loin la plus sud-africains en 1991, elles ont réalisé un 2 Jean-Baptiste Onana, L'Afrique (du Sud) coloni- tionale en faveur de la renaissance africaine. solide du continent. "Pas étonnant, dans ces bond vertigineux pour passer à 43 milliards sateur de l'Afrique ?, Université Paris XII, 2005 De même, dans sa candidature à un siège per-

44 kashkazi 66 septembre 2007 afrique du sud : sur les braises de l’apartheid dossier la “renaissance africaine” incontournable sur la scène mondiale sans se couper de la base africaine. Un jeu subtil… manent au sein d'un conseil de sécurité de l'Onu refondé, le thème de la renaissance afri- caine permet à Pretoria de se présenter à la fois en tant que représentant de l'Afrique et comme candidat africain idéal."

UN VÉRITABLE GRAND ÉCART qui ne va pas sans difficulté. Car en projetant sans cesse sur l'Afrique sa propre image idéalisée, la puis- sance continentale tend à se couper des réalités du continent et à faire subir aux pays voisins le poids de son hégémonie, d'autant plus que les grands principes moraux de la "renaissance" sont souvent foulés aux pieds des intérêts éco- nomiques, sécuritaires ou stratégiques du pays. "Renaissance africaine rime bien souvent avec ‘Afrique du Sud d'abord !’", remarque Ivan Crouzel. "Et ce d'autant plus que les Sud- Africains ont tendance à considérer que ce qui est bon pour leur pays l'est aussi pour le conti- nent, un sentiment qui découle largement d'une réelle méconnaissance sud-africaine de l'Afrique". "Une logique de méfiance est ainsi à l'oeuvre à l'égard de l'Afrique du Sud et de sa position hégémonique. Le développement d'é- changes inégaux au profit de Pretoria porte en effet le risque d'une déstructuration des écono- mies africaines." Il n'en demeure pas moins que la puissance africaine incarne une nouvelle voie dans les rapports de l'Afrique à l'Occident : ni soumise, ni hostile. "L'étroitesse des liens de l'Afrique du Sud avec les États-Unis est notamment illustrée par la création d'une Commission bilatérale entre les deux États, mécanisme exceptionnel dans le dispositif de relations internationales de Washington ; cependant, afin de marquer son indépendance, Pretoria Thabo Mbeki, lors d’un sommet de l’Union africaine, en 2005. (AFP) cultive soigneusement ses relations avec des États "parias " tels Cuba ou la Libye, et de vifs différends commerciaux existent entre les deux pays, à l'image de celui sur l'usage de médicaments génériques dans la lutte contre le Les Comores au crible de la “realpolitik” Sida", observe Ivan Crouzel. Outre l’attitude ambiguë de Mbeki vis-à-vis de L'Afrique du Sud accompagne l'archipel depuis le début de la crise séparatiste. Dans la limite de son voisin Robert Mugabe, quand la commu- nauté internationale fait de lui un despote infré- ses propres intérêts stratégiques… quentable 5, cette indépendance s’illustre actuellement dans la campagne menée par développement de la crise sépa- étape significative. Favorisée par les bon- africaine à l'issue de la mission conduite zone. Le réalisme peut la pousser à l'Afrique du Sud contre le projet de création LE ratiste comorienne est allé de nes relations qu'Azali avait réussi à nouer par la ministre sud-africaine des Affaires intervenir militairement si elle en tire un d'un centre de commandement militaire améri- pair avec l'ascension de l'Afrique du Sud avec Thabo Mbeki, cette grande messe étrangères, au plus fort de la crise, est bénéfice économique ou si le calme dans le concert diplomatique. Les diffé- correspond à un autre principe majeur de vécu comme un "lâchage". Dans les régional est menacé. Elle ne se met en cain sur le continent. Le ministre de la Défense rents modes d'intervention dans l’archi- la diplomatie sud-africaine : favoriser le milieux diplomatiques comoriens, la très porte-à-faux avec la communauté inter- sud-africain, Mosiuoa Lekota, est allé jusqu'à pel de la plus grande puissance continen- développement économique et un épa- grande modération sud-africaine est attri- nationale que lorsque le poids du pays menacer de représailles le pays qui accepterait tale reflètent la philosophie et les princi- nouissement "à l'africaine" du libéralis- buée aux ambitions internationales de concerné sur son propre développement la base américaine. "L'unité des nations afri- pes qui guident sa politique étrangère. Sa me dont le nouveau président, formé en Pretoria, en concurrence avec l'Egypte et le lui impose –c'est le cas du caines dépasse tout intérêt individuel", a-t-il position de leadership dans la gestion occident et admirateur de Tony Blair, le Nigeria pour obtenir le siège perma- Zimbabwe, dont elle a besoin pour averti. "J'imagine que tout pays tenté d'aller à internationale du problème comorien s'est fait le chantre. La mise en scène du nent africain au sein du Conseil de sécu- assurer son leadership régional. Qui l'encontre de la décision de l'Union africaine date des premières années du séparatis- trio Mbeki-Rangoolam (Premier ministre rité des Nations Unies. Or, pour obtenir plus est, son rôle de modérateur, de sera conscient des répercussions que cela me. "On s'est dit qu'il fallait un pays qui mauricien)-Azali renvoie aussi à l'idée ce siège, l'Afrique du Sud a besoin du puissance africaine "raisonnable" lui pourrait avoir, certains pays frères pouvant lui coordonne les actions, un interlocuteur d'une Afrique capable de gérer ses prop- soutien de la France, elle-même extrême- impose de prôner une solution pacifique refuser leur aide dans d'autres domaines." Aux crédible", rapporte un ancien ambassa- res problèmes. La France, premier dona- ment réticente à l'idée d'une intervention tant que des vies humaines et la sécurité dernières nouvelles, l'Amérique se fait claquer deur des Comores. L’ex-président Taki a teur lors de cette conférence, sera militaire à Ndzuani. "Certains commen- dans la zone ne sont pas menacées la porte au nez sur tout le continent. Seul le demandé : "Pourquoi pas Mandela ?" d'ailleurs délibérément écartée des pro- cent à douter de la sincérité de l'action directement. "Intervenir pourrait nuire Libéria s'est déclaré prêt à héberger sa base. C'est le temps de la "diplomatie morale" jecteurs. L'idée du donnant-donnant, aide de l'Afrique du Sud", commente un cadre à sa crédibilité", note notre ancien du président charismatique qui, à l'instar contre "bonne gouvernance", défendue du ministère des Affaires étrangères. "Ils ambassadeur. Face aux ambitions mon- LISA GIACHINO de ce qu'il a accompli dans son propre sur le continent par l'Afrique du Sud ne ont fait un point d'honneur d'obtenir ce diales de la première puissance du pays, plaide pour la réconciliation paci- sera pas oubliée avec les discours insis- siège et sont capables de laisser tomber continent, la question de "l'unité natio- fique entre les groupes rivaux. Durant tants de Mbeki et Rangoolam quant à la ce qu'ils sont en train de faire." nale" d'un minuscule archipel ne pèse 1 JB. Véron, L'Afrique du Sud et le Nigeria : du main- cette période, l'Organisation de l’unité fin du mandat d'Azali, et la nécessité D’autre part, l'idée que l'Afrique du Sud évidemment pas lourd. "Si la région tien de la paix à la recherche d'un positionnement stra- africaine n'aura d'ailleurs de cesse de pré- pour lui de quitter le pouvoir… puisse favoriser un débarquement à décide une chose, l'Afrique du Sud ne tégique sur le continent africain munir le régime de Moroni contre une Ndzuani parait peu réaliste au regard de pourra pas s'isoler", tempère cependant 2 A. Conchiglia, L'Afrique du Sud piégée au Burundi, nouvelle tentative de règlement armé de APRÈS LA FORTE implication des l'intérêt géostratégique qu'elle tirerait le vice-président Idi Nadhoim. "Mais Le Monde diplomatique, juin 2000 la crise. Sud-africains dans le processus électoral, d'une telle opération. En dépit des elle ne prendra pas l'initiative." Les 3 JB Onana, L’Afrique du Sud colonisateur de l’Afrique ?, revue Outre-terre, 2005 La conférence des bailleurs de fonds des une incompréhension est cependant en grands principes moraux affichés, pays de la région oseront-ils prendre 4 I.Crouzel, La "renaissance africaine": un discours Comores de décembre 2005, portée à train de naître quant à la faible activité de Pretoria défend avant tout sa propre une décision qui n'arrangerait pas leur sud-africain ?, Politique africaine n° 77, mars 2000 bout de bras par l'Afrique du Sud et Pretoria face au régime de Mohamed sécurité et son rayonnement écono- leader ? 5 Lire Kashkazi n°62, avril 2007 Maurice, représente une autre grande Bacar à Ndzuani. Le recul de l'Union mique en maintenant la paix dans la LG

kashkazi 66 septembre 2007 45 hors-piste littérature Au pays des livres, les Comoriens

approche versets qui s'enroulent dans la psalmodie collec- pour une fois que nous avions trouvé le moyen L’édition comorienne LA RENTRÉE avec son tive suffirait amplement. Certains font même de faire exister ce pays sur la page blanche. porte-monnaie vide et ses angoisses de fin de semblant de ruminer leurs textes. Nul ne vérifie Nous devrions effectivement encourager nos étant essentiellement vacances. De nouvelles résolutions seront à s'ils lisent vraiment ou non dans le livre. Seul petits écoliers à lire davantage. Peut-être même prendre pour améliorer le quotidien. Et la fré- Dieu connaît le secret de ses ouailles comorien- que cela aiderait le système scolaire à produire basée en France, elle quentation des bibliothèques ou encore les nes, qui, bien souvent, préféreront miser sur la moins de crétins à la sortie. Sans ignorer le achats de livres en librairie n'en feront certaine- musicalité des textes, en apprenant le tout par poids des grands classiques dans ce processus, n’échappe pas à la mode ment pas partie. Secret de polichinelle ! Le cœur plutôt que d'avoir à revenir sans cesse l'idée serait de convaincre sur la base de ces his- Comorien ne lit pas ou très peu. Pour beaucoup, dans le corps du livre. Un livre qui, parfois, toires comoriennes que des auteurs compatriotes de la rentrée littéraire. le fait de lire signifie un retour au sacré. Le oblige à des rituels (les ablutions notamment) ou étrangers tissent sur nos quotidiens cham- Saint Coran et autres livres de prières plus ou dont certains se passeraient volontiers pour boulés, de Saïndoune Ben Ali à Hortense Cette année, les ouvrages moins consacrés dans nos pratiques multisécu- gagner du temps sur le temps. Dufour, en passant par Isabelle Mohamed ou d’auteurs comoriens ne laires sont là pour nous servir de témoins à char- Mohamed Toihiri. Un pari difficile dans la ge. On connaît la fameuse blague des lunettes MAIS PARLONS DES AUTRES LIVRES. De mesure où nos autorités semblent à chaque fois manquent pas. oubliées. Pour ceux qui ne souhaitent pas se liv- ceux qui sont écrits en français ou en langue avoir d'autres chats à fouetter. Un pari qui rer à un exercice épuisant de lecture, y compris shikomori par des compatriotes ou non, qui devrait pourtant les interpeller fortement, Etat des lieux avec lors des hitima du deuil, la parade est toute trou- relèvent d'un imaginaire littéraire proche de nos puisque la fabrique du citoyen passe de nos vée. "Désolé ! Je n'ai pas mon binocle sur moi réalités insulaires et qui attendent d'être secourus jours, surtout dans un pays qui subit la fracture l’écrivain Soeuf Elbadawi. et je ne vois plus très bien". Lire est un exercice des bacs de libraire. Le Comorien n'achetant pas numérique de plein fouet, par le savoir-lire. physique qui exige de la patience et de la de livre, ces auteurs sont sans visibilité aucune concentration, encore plus lorsqu'il s'agit d'une et ne parlons pas de rentabilité. Pas de promo- LONGTEMPS, NOUS AVONS CRU que le pro- écriture portée par une langue compréhensible. tion, pas de soutien étatique, peu de libraires blème venait de là. Du fait d'être confronté à des Car lire des sourates n'impose pas de forcément attentionnés, si l'on excepte l'expérience de la histoires qui n'entretiennent aucune relation comprendre selon nos maîtres en la matière. Le Bouquinerie d'Anjouan ou de la Maison du directe avec le commun des Comoriens. Faux ! comique de répétition et la douce mélodie des livre. Alors que l'on se serait attendu à mieux, Il nous faut reconnaître qu'il y a quelques

La secte de la virginité de Fahoudine Ahamada-Mze, Kwaanza éditions, 2006

DES VOIX QUI S'ENTRECOUPENT femmes dont il parle subissent le choc des ture", dont le seul but serait de "donner des Comoriens ne supportent pas d'être cro- cimens, l'horrible Mwezaadabu, personna- dans un univers clos où les personnages se décisions du groupe. Une femme ("la angoisses à l'état pur". Mais à qui ? "Ce qués de manière critique, il faut se rappeler ge taillé dans le marbre de l'obscurantisme chevauchent sans respecter les codes de comorienne") à destinée rompue, et ce, que j'ai à dire, personne dans la commu- qu'il y a quelques mois, des fils de la séculaire, suffit pour jeter l'opprobre sur bienséance de la littérature en vogue. Le bien avant sa naissance, dans la mesure où nauté ne veut l'entendre, même pas ma diaspora comorienne en France lui sont tous. Il ira jusqu'à s'autoproclamer "troisiè- lecteur s'interroge sur qui parle à chaque les astres se chargent de déterminer son propre mère" s'exclame un personnage. tombés dessus pour un bon mot lancé me vénération du village", après Dieu et phrasé qui gicle sur la page. Le temps est avenir sur l'autel du machisme insulaire. Un aveu déguisé de la part d'un transfuge comme un pavé contre l'orgueil d'un de ses son prophète Mohammed, qu'il considère probablement venu pour que la littérature Fille d'une communauté sacralisant la vir- du clan ? Fahoudine Ahamada Mze ne s'a- pairs. Il avait accusé Salim Hatubou, écri- d'ailleurs comme son aïeul. Et pan ! sur les comorienne ne s'invente plus dans la linéa- ginité ("qui troque inexorablement une vie, dresserait-il pas plutôt à ses compatriotes vain prolifique, de tirer aussi vite en écritu- mythes "charifiens". L'auteur ne rate pas rité des intrigues trop bien ficelées. Ecrire une jeunesse et une vieillesse pour une de la république des lettres ? Pour qui re qu'un lapin dans un clapier. Simple pro- ses cibles, y compris lorsqu'il s'attaque à la pour nos auteurs va enfin devenir un acte goutte de sang nuptial"), fonctionnant telle écrit-on ? Pour soi, pour les siens ou pour vocation ou véritable volonté d'en découd- noblesse du "maele" ("le Comorien n'est de pure jouissance avec les mots ! Et si une secte ("les mythes traditionnels et reli- l'universel ? Ce jeune Comorien, installé à re avec un frère aîné en littérature ? pas difficile, maele na mapesa, et son bon- nos compatriotes, qui lisent peu ou pas du gieux sont là pour servir de bâton au ber- Marseille, est l'archétype même de l'auteur heur est fait") ou à la lâcheté de celles qui tout, n'apprécient guère les scénarios com- ger fossoyeur de vagins") et contre laquel- qui triche avec sa prose pour mieux flin- EN TOUS CAS, il est clair que ce roman tuent le rêve par leur silence ("culpabiliser plexes et les écritures audacieuses, le le poète le plus détraqué, qu'il se guer la bêtise des siens. Son premier opus, sur "la secte" va lui valoir bien des inimi- la victime est le meilleur moyen de tuer Fahoudine Ahamada Mze doit être le pre- nomme Loudi ou Assad M. ou encore également paru cette année, sonnait déjà tiés. L'intrigue parle de viol et d'inceste tout remord") face à l'insoutenable. Un des mier à s'en contrefoutre. Car le lire exige l'Araignée, ne peut rien. Un roman qui comme un procès. L'honneur des lâches - ("Tout en moi sera promesse à l'inceste") narrateurs parle de "destin de naufragés" à de la persévérance et de la passion, surtout rompt avec le fatalisme des situations et son titre- pourfendait une élite trop consen- et les amours étouffés ne lui servent que la fin du roman. A moins que ce ne soit le qu'il nous livre là son premier roman sans l'amertume des destins. suelle dans ces îles et dans notre diaspora. de prétexte pour indexer une fois de plus même personnage qui se déploie à l'infini aucun mode d'emploi. Un roman dans Quant au prochain, annoncé pour bientôt, cette société figée… où les techniciens de depuis les premières pages jusqu'à la fin, lequel il affirme que le sexe ravagé de nos UN DRÔLE DE TEXTE dans lequel l'au- il porte son titre sans équivoque : La pro- surface (TDS) jouent aux fils prodiges histoire de mieux leurrer le lecteur sur les jeunes filles n'est que le miroir déformé teur donne l'impression de vouloir "assas- stitution en héritage. revenus de Marseille durant la coûteuse intentions réelles de l'auteur, ce "conteur d'une société malade d'elle-même, qui siner" son lecteur, tout en faisant dire à l'un Fahoudine serait-il devenu l'homme de la saison des grand-mariages ("la gangrène d'anecdotes" qui se cache derrière chacun croule sous le poids de sa tradition. D'un de ses personnages qu'il écrit là "une his- "énième" polémique littéraire dans qui tue le peuple comorien") avec des cré- de ses avatars fictifs. bout à l'autre de sa chaîne d'existence, les toire sans queue ni tête, sans corps ni ossa- l'Archipel ? Au-delà du fait que les dits à vie sur leur dos. Un seul de ces spé- SE

46 kashkazi 66 septembre 2007 littérature hors-piste sont-ils aveugles ? années, Pif gadget, Arthur Rimbaud ou Ce qui devait jouer selon eux contre le livre, nos auteurs. Encore faudrait-il voir émerger une livre en denrée de première nécessité. Ce qui Sembène Ousmane avaient pas mal de succès qui, forcément ne parlait que d'imaginaire étran- critique digne de ce nom, qui s'inquiète de signifie que nous le payerions moins cher chez sous nos cieux, du moins en milieu scolaire. ger. La brèche ouverte aux éditions L'Harmattan défendre le livre dans les médias. Une critique le libraire. Hélas ! Personne ne l'écoute, y com- Paradoxalement, les gens lisaient plus que par Toihiri en 1986 a permis l'existence des qui accompagnerait les quelques lecteurs poten- pris au ministère de la Culture, où siège pourtant maintenant dans une période où il y avait moins Baco Abdou et autres Soilhaboud, aujourd'hui tiels dans leur soif de mots. En espérant que les un représentant de l'Unesco chargé des dossiers de bibliothèques, moins de libraires et surtout rejoints par de nouveaux auteurs, grâce à l'appa- lecteurs les plus assidus trouvent en face d'eux pointus depuis l'arrivée d'Abdourahim Said moins d'argent. Ils se refilaient leurs coups de rition de labels d'édition comorienne. Komedit, des librairies, dont le métier ne consiste pas à Bacar (est-il encore la bonne tutelle ?) dans ce cœur. Un Zembla contre un Picsou, un éditions de la Lune et autres Kwanzaa éditions confondre les livres avec le contenu d'une épi- secteur. Un combat qui est loin de payer et que Bibliothèque rose contre les aventures offrent un paysage inhabituel en matière de tex- cerie de lingerie fine from Dubaï. Défendre le les associations culturelles devraient se réappro- d'Amadou Coumba, un roman-photo contre un prier. Car on ne compte plus le nombre de Harlequin, ce qui finissait par vous traîner un bibliothèques sans livres créées par ces associa- jour (et par la seule magie des mots) vers un Combien sommes-nous à Moroni à préférer trois bières tions dans les villages ou les quartiers. Baudelaire ou vers un Cheikh Hamidou Khane. et une partie de brochettes quotidienne à l'achat d'un livre ? Des bibliothèques, qui, lorsqu'elles ne sont Les explications ne manquent pas pour dire que pas vides, se remplissent des déchets de livres la responsabilité des enseignants est immense scolaires en provenance de l'humanitaire fran- dans cette désaffection pour les choses du livre. tes sur l'Archipel. La question ne se pose donc livre renvoie à plus d'attention dans le choix des çais, livres qui ne correspondent que trop rare- Mais il y a quand même tous ces autres, qui ne plus au même endroit, ou plutôt si ! On s'est univers promis au tri du lecteur averti. Il est ment à nos attentes bien comoriennes. Reste à sont plus collégiens ni lycéens, et que rien vite rendu compte qu'il y a autant de gens, sinon aussi permis de penser qu'une fabrique de lec- citer les quelques exceptions là aussi. La poi- n'empêche de lire. Combien sommes-nous par plus, qui n'aiment plus lire, quelle que soit l'in- teurs à grande échelle devrait s'ouvrir dans le gnée de Clacs francophones existant dans exemple dans une cité comme Moroni à préfé- trigue proposée, qu'elle soit de facture como- pays. Sauf que là il faudrait que les autorités y l'Union ainsi qu'une discrète politique sur le rer trois bières et une partie de brochettes quoti- rienne ou étrangère. mettent un peu du leur. Dans l'Union des livre encore en développement à Maore. Trop dienne à l'achat d'un livre que l'on pourrait se Comores, cela fait plus de dix ans qu'un homme peu pour crier victoire mais les optimistes repasser d'aîné à cadet ou de père en fille ? ECRIRE ET PUBLIER DU "LOCAL" ne suffit comme Hassan Ahmed Halidi essaie de vous diront que c'est déjà ça ! Nombre d'auteurs du cru se sont plaints il y a évidemment pas à assurer une existence intel- convaincre sur la nécessité de signer les accords dix ou quinze ans de ne pouvoir se faire éditer. lectuelle aux trafiquants d'imaginaire que sont de Florence à l'Unesco, afin de transformer le SOEUF ELBADAWI

Ci-dessus, Fahoudine Ahamada Mze, nouvel auteur comorien. Les berçeuses assassines de Said-Ahmed SAST, Komedit, 2007 (DR)

IL Y A DES LIVRES qui se racontent les mains comme d'habitude et arri- visas pour l'Europe, avec la complici- secret des livres que se fabriquent dés- avec emphase, d'autres qui se lisent vent parfois à passer pour les "héros té de ses amis ministres. ormais les vraies épiceries à polé- avec un malaise certain. Ce recueil de des temps modernes" lorsqu'ils sont Ceci bien entendu n'est que fiction. mique dans ce pays. Said-Ahmed Sast nouvelles entremêlées ferait-il partie douaniers. Quant au communautaris- Cependant, l'auteur (ou son éditeur ?) inscrit ses pas dans l'invention d'un du deuxième cas de figure ? A priori, me des Moroniens, il rend ses enfants prend soin de préciser dans la préface nouveau regard sur les réalités como- l'auteur n'y va pas de main morte. Il plus bêtes qu'ils ne le sont, essaie-t- que "cet assemblage de fragments de riennes mais ne propose pas d'issue dresse depuis Moroni le bilan d'une on de le faire croire en certaines vie prélevés dans le microcosme (est-ce le rôle d'un écrivain ?), à moins société relativement immonde. pages. comorien, pris au hasard" n'est que de vouloir singer son fabuleux fou, Corruption, prostitution, dépravation "photographies instantanées, prises sur Djitihadi, qui, plutôt que de prolonger en tous genres. Au menu, le succès PENDANT QUE LA "MAYOTTITE" le vif, qui rendent compte des socio- sa névrose sur la place Badja à A PARAÎTRE du blanchiment de peau à coup de exprime un état de "souffrance facts apparus ces dernières années" Moroni, choisit de prendre le large. PROCHAINEMENT : "pandalau", le naufrage d'une jeunes- psychotique aïgue", synonyme de dans l'Archipel. Il y ajoute que "le se en manque de repères, l'imposture "harakiri identitaire", à l'heure où caractère cru de ces photos était néces- IL S'AGIT ICI DU DEUXIÈME livre Comores Zanzibar de décrétée sport national, la "bonne Maore passe justement pour la nou- saire pour mieux saisir la partie visible plus ou moins bien ficelé d'un auteur Salim Hatubou et mangeance" instituée en lieu et place velle "undroni" (là où l'on est bien/ le de ce dangereux iceberg", tout en cul- qui promet. Certains se rappellent enco- Jean-Pierre Vallorani, de la bonne gouvernance. Dans ces nom de l'ancienne cité moronienne) tivant le doute sur une ambiguïté litté- re son premier coup d'essai : Le crépus- Françoise Truffaut éd. "berceuses assassines", un bel oxy- pour des milliers de morts que l'océan raire, à savoir que "toute ressemblance cule des Baobabs, sorti chez le même more pour conter le désespoir du avale sous les kwassa de la dernière [avec] une ou plusieurs personnes éditeur. En ce qui nous concerne, nos Le tam-tam des bannis Comorien, les femmes devenues chat- chance. Aux plus hardis, l'auteur sug- vivantes" dans ce recueil est sciem- préférences dans ce livre vont vers les de Ibrahim Youssouf, tes ambulantes se vendent au plus gère d'offrir une partie de "touze" à ment "voulue". A ceux qui disent que "Gloutonneries" et "Les totalitarismes éditions de la Lune offrant, la "bledocratie" se joue de la un certain "Jimmy", employé à l'am- la vieille morale est en perdition, de la bêtise permanente". Des petits méritocratie de ceux ont rompu la bassade de France. Amateur de "peti- comme le constate amèrement le nar- morceaux de bravoure en écriture qui Le palimpseste du silence bande ("halatsa kaseti") à force de tes blacks", il se fait un max de rateur de cette jungle d'histoires, l'au- se distinguent nettement du lot. de Yazidou Maandhui, convictions, les parvenus s'en frottent millions de francs en délivrant des teur nous rappelle que c'est dans le SE éditions du Baobab

kashkazi 66 septembre 2007 47 hors-piste portrait

Jean-Louis Victor Alexandre Gayout de Falco de Puyraveau-Puybereau de Miglos et Casteldiai XVème Baron-Seigneur et Roy de Lasbadias Le nouveau sultan blanc

septembre 1997. Ce jour là, en officiers et de chefs religieux. On m'ap- 30 pleine genèse de l'Etat sépara- Lasbadias avec pelait le sultan de Domoni ! Je voulais tiste anjouanais, débarque à Ndzuani Abdallah Ibrahim, faire la révolution sociale qui n'avait durant la sécession. un improbable personnage qui, dans la (photo appartenant à Lasbadias) jamais été faite depuis les Bantu. Il fal- rébellion et l'emblème du sultanat lait en profiter pour s'émanciper du brandi par ces insulaires, croit aperce- carcan féodal maintenu par le sultanat voir la confirmation de ses propres et la colonisation. Qu'il y ait eu des rêves. La main blanche sur fond rouge, aspects paramilitaires dans notre mou- empruntée au sultanat d'Oman par les vement, je ne m'en cache pas, mais nos familles régnantes de Ndzuani et remi- intentions étaient bonnes !" se au goût du jour par le mouvement séparatiste, ressemblait “si étrange- C'EST À CETTE ÉPOQUE que ment au drapeau rouge et or de face à sa "brigade" rangée au garde-à- l'Occitanie" 1… Pour le "Baron de vous sous le drapeau français, le "colo- Lasbadias", loin d'être un hasard, "les nel" lance une phrase qu'il aime à se couleurs, les dates et les signes ont un remémorer : "Baissez moi ce torche- sens". Dix ans plus tard, "Jean-Louis cul colonial ! Hissez-moi nos couleurs Victor Alexandre Gayout de Falco de nationales !" Car contrairement à Puyraveau-Puybereau de Miglos et Chamasse, qui a pris en juillet 1998 la Casteldiai, XVe Baron-Seigneur et place d'Abdallah Ibrahim à la tête de Roy de Lasbadias", pour citer tout le l'île, le baron n'affiche aucune sympa- patronyme dont il s'honore, continue thie pour les thèses rattachistes. "Il y d'arborer dans les grandes occasions avait deux tendances. L'une absolutis- une cravate ou un blason frappés de te, intégriste, à laquelle j'étais rallié. l'insigne du mawana… Nous ne devions être ni une sous-pré- Jean-Louis Gayout, qui préfère se faire fecture de Mayotte, ni une dépendance appeler Lasbadias ou encore territoriale de Ngazidja, rejetant d'un Abousseine, son surnom adopté après même geste drapeau vert et drapeau sa conversion à l'Islam, ne connaissait tricolore. Les rattachistes étaient eux en 1997 des Comores que ce qu'il en réunis autour de Chamasse." avait entendu par les médias et les A la fin du mois d'octobre cependant, expatriés. "L'affaire d'Anjouan avait les ennuis commencent. Arrêté à atteint la France, la Réunion et Débarqué à Ndzuani en 1997 pour soutenir la cause séparatiste, Mamoudzou, il est mis en examen Mayotte", explique-t-il. "J'ai pris pour détention et usage de faux docu- contact avec la diaspora. Pour moi, ce nostalgique de la monarchie poursuit dans l'archipel ments administratifs, et accusé d'avoir cela représentait un vieux rêve sépara- les rêves vieux de mille ans de sa famille occitane. organisé le prélèvement par les embar- tiste. Nous avons pensé faire, mon fils gos de taxes sur les kwasa à destina- et moi, ce que nous ne pouvions pas tion de Maore…4 Les Renseignements faire pour notre pays, l'Occitanie où, généraux s'inquiètent quant à eux des en 1273, ont été brûlés les derniers agissements incontrôlables de ce Cathares. Nous sommes arrivés ici avec une arrière- milices séparatistes qui ont mis, quelques semaines Cependant, "seule la principauté de Liechtenstein [au Français sorti de nulle part… "‘Vous êtes comme un pensée politique, mais nous n'étions pas téléguidés plus tôt, l'armée comorienne en déroute. "Nous vou- centre de l’Europe] a accepté de nous recevoir, mais chien au milieu d'un jeu de quilles’, m'ont-ils dit. ‘De par un mouvement quelconque. Nous n'avions rien à lions jouer auprès des Anjouanais le rôle qu'a eu elle dépendait de la Suisse qui ne veut se mouiller quel droit vous vous occupez du pétrole ? Vous êtes un voir avec cette partie de l'extrême droite qui se flattait Lafayette pour les Américains. Comme lui, nous étions avec personne…" fouteur de merde, un fauteur de troubles.’J'ai dû m'ex- de voir flotter le drapeau tricolore sur les miettes de venus par nos propres moyens dans la perspective de pliquer à Mayotte, où on me faisait passer pour un l'ancien Empire…" Ce nostalgique de la monarchie participer à un combat, et ne représentions aucune PARMI LES HAUTS faits du "baron" figure mercenaire allemand..." française voit plutôt dans l'aristocratie anjouanaise, puissance." "Bien accueilli" par Abdallah Ibrahim, également la recherche de pétrole dans le sous-sol de Le Roy de Lasbadias a aujourd'hui rangé son épée. dont quelques membres sont à l'avant-scène du sépa- Lasbadias lui parle stratégie militaire. "En mettant l'île, qui lui a valu de nombreux sarcasmes et une soli- Dans sa maison de Domoni qui lui a été attribuée jus- ratisme, le moyen de revivre une époque qu'il aurait mon épée à son service, je lui ai fait remarquer que de réputation d'hurluberlu. "Mais ça n'avait rien de qu'à ce qu'il quitte Anjouan, entouré de son épouse voulu connaître, celle où la République française n'a- l'armée comorienne allait sûrement changer de sec- bidon", s'insurge-t-il en exhibant une liasse de cour- comorienne et de leurs enfants, il vit "des quelques vait pas balayé les identités régionales et où dans le teur. Mon idée était qu'après le premier débarquement riers échangés avec un institut de recherche. "J'ai fait récoltes des terres que j'ai pu acquérir", en attendant sud du pays, le Royaume d'Oc signifiait encore opéré le 3 septembre à Wani, où elle avait essayé de établir une étude et je me suis mis à creuser là où la retraite qu'il devrait percevoir bientôt. "C'est quel- quelque chose… "Cela ne relève pas d'une idéologie prendre les objectifs stratégiques et était restée coin- Forbes avait déjà creusé. Il y avait une sortie de qu'un qui a souffert parce qu'il a commis des erreurs, récente", confie-t-il, "cela remonte à mille ans. Il s'a- cée sur le port, il fallait empêcher un débarquement à pétrole que les autorités coloniales avaient fait rebou- mais il vit dans le Nyumakele, et je le considère git d'un vieux fondement familial, un attachement per- , sur l'île de la Selle, qui pouvait servir de tête cher avec du béton. On a creusé jusqu'à 12,50 mètres comme un des nôtres", commente Ibrahim Halidi, qui sonnel et intime au passé qui fait que nous sommes de pont. On les a attendus pendant trois semaines et on a trouvé une sorte de liquide jaunâtre que j'ai bu a fait un bout de chemin politique avec lui. Pour des sympathisants actifs de toutes les causes sépara- avec quelques kalach’, quelques HW7, un mortier de moi-même pour le goûter. Il était fadasse. On l'a mis autant, Lasbadias ne s'avoue pas vaincu. "Le mouve- tistes". A-t-il influencé le docteur Zaïdou, idéologue 40. Ils ne sont pas venus." Cette première opération le dans un bocal. Il a bleui et quinze jours après, il puait ment séparatiste n'est pas encore réalisé et se fera tôt installé à la Réunion qui l'a mis en contact avec le lea- rapproche du "président de l'Etat d'Anjouan", qui fait l'essence ! J'ai creusé avec nos équipes de soldats ou tard", assure celui qui s'était entendu prédire "un der du mouvement sécessioniste Abdallah Ibrahim ? de lui l'un de ses conseillers et lui donne la "citoyenne- embargos qui n'avaient même pas de culottes et de pays entouré d'eau dont vous serez le porte-drapeau". "Il y avait autrefois à Anjouan une monarchie qui se té anjouanaise"… souliers. C'est moi qui sortais l'argent de ma cassette "C'est ma vision des choses, même si vous trouvez que départissait totalement des autres pays indépendants Nommé "ambassadeur plénipotentiaire extraordinaire pour leur donner le riz et le poisson…" 3 c'est celle d'un vieux fou !" Qui a dit ça !? des Comores et qui incarnait le sentiment nationalis- itinérant de l'Etat d'Anjouan", il tente d'obtenir de En octobre 1998, alors que deux clans s'affrontent à la LG te", prétend-il avant de proposer, à l'instar du docteur quelques pays la reconnaissance de l'Etat séparatiste. tête de l'île, Lasbadias connaît son heure de gloire Zaïdou, le retour aux sultanats à Ndzuani, "et pour- Mission impossible… "J'ai fait onze voyages en dans le Nyumakele où il s'est installé. "Les embargos 1 Région du Sud de la France 2 quoi pas dans les autres îles". ciblant ma zone d'investigation sur le pourtour médi- de Domoni m'ont plébiscité pour être colonel." Ala 2 Lire Kashkazi n°64 de juin 2007 (www.kashkazi.com) terranéen et le centre de l'Europe. Je suis allé jusqu'en faveur du chaos ambiant, il profite de son autorité 3 Lire Kashkazi n°59, janvier 2007 (www.kashkazi.com) TOUJOURS EST-IL que lorsqu'il débarque à Norvège, j'ai même essayé de contacter Saddam pour tenter de concrétiser ses rêves. "J'ai bénéficié du 4 Dans la presse locale, M. Lasbadias affirme alors : "Il y a des Mutsamudu avec son fils adolescent, cet "universitaire Hussein : il était dans la même situation que nous, pouvoir absolu pendant 23 jours, du 3 au 25 octobre. passeurs qui ont affirmé que c'était moi qui imposais les taxes (…) J'ai tout simplement interdit cette pratique, j'étais déjà passé passionné par l'ésotérisme" et passé par l'armée fran- sous embargo, nous étions des frères musulmans, et J'ai rendu la justice comme l'aurait fait un souverain général lorsque cela est arrivé sur la table." çaise, se lance immédiatement dans l'encadrement des avions besoin de reconnaissance et d'armes…" mais toujours avec une assemblée populaire de sous- in Journal de l'île de Mayotte, 27/10/1998

48 kashkazi 66 septembre 2007 Inscriptions pour les cours : jusqu'au vendredi 21 septembre 2007 Le test de niveau aura lieu le lundi 1er octobre 2007 à 8h.

Les cours commencerontAlliances le 15 octobre Franco-Comoriennes 2007 et se termineront le 5 janvier 2008 (2Moroni cours : 73 par 10 87semaines). Anjouan : 71 11 94 Les examens DELF/Mohéli DALF : :72 du 05 1400 janvier au 29 janvier 2008.

Les inscriptions pour les examens : du 1er décembre 2007 au 1er janvier 2008.

TARIFS : Alliances Franco-Comoriennes ALPHABETISATION : 50 heures + examen final = 20 000 Fc - Moroni : 73 10 87 - A1, A2, B1, B2 : 60 heures sans l'examen final = 20 000 Fc Anjouan : 71 11 94 - C1, C2 = tarif selon le nombre d'inscriptions Mohéli : 72 05 00 - Carte d'adhésion obligatoire

kashkazi 66 septembre 2007 49 QUESTION(S) D’ÉPOQUE Tintin au Congo, pas ailleurs ?

par Vincent Misson

AINSI DONC, TINTIN, le journaliste le Enright, c'est son nom, y a vu un véritable dérapage caine -il s’agissait d’une commande-, a puisé sa plus connu au monde (pensez donc : ses aventu- raciste : "Ces propos suggèrent [aux enfants] que les documentation au Musée colonial de Tervueren. Les res ont été traduites en 77 langues et vendues à Africains sont des sous-hommes, des imbéciles à clichés qui nous semblent racistes aujourd'hui sont à VOILÀ POUR L’HISTOIRE. Le topo a été 220 millions d'exemplaires), le plus mal habillé demi sauvages" affirme-t-il. Et il a raison : Hergé y l'époque la norme. D'ailleurs, lorsque les aventures de un peu long, mais il était de mon devoir de replacer aussi, serait raciste. relate les aventures congolaises de son héros blanc, Tintin au Congo paraissent dans les pages du réac- l’affaire dans son contexte. Car c'est de cela qu'il s'a- un journaliste aussi peu charismatique que puceau - tionnaire journal d'un abbé, Le Petit vingtième, per- git : de contexte. Si le racisme de Tintin n'est plus à jamais en 23 aventures on ne l'a vu fricoter avec une sonne n'est choqué par le cours de Tintin aux "petits démontrer, si les vignettes montrant des Congolais VOILÀ LE TOPO : LE 12 JUILLET dernier, la dame- avec, en toile de fond, une population noire nègres", à qui il apprend la géographie ("Aujourd'hui moins humains que des singes sont une caricature Commission britannique pour l'égalité des races juge inepte et semblable à une bande de chimpanzés, qui je vais vous parler de votre pays : la Belgique", leur pitoyable, doit-on en arriver pour autant à censurer “raciste” le plus décrié des Tintin, Tintin au Congo, et finit par considérer Tintin et son chien Milou dit-il). Pas plus d'ailleurs que par l'élocution quasi cet album, conçu il y a 76 ans ? Plutôt que de s'en ser- demande à ce qu’il soit retiré des librairies. Borders comme des divinités. incompréhensible des indigènes, bien moins bonne vir comme d'un alibi de la bien-pensance blanche -j'ai ne se fait pas prier et enlève de ses rayons “enfants” que celle des animaux qui, magie de la bande dessi- bien dit alibi, car sous les belles paroles demeurent l’album en question. Cette multinationale devrait née, pratiquent un français impeccable. les réflexes paternalistes-, ne pourrait-on pas l'utiliser faire de même aux Etats-Unis, où l'album sera comme un document d'histoire décrivant la banalisa- désormais rangé à côté des BD pour adultes tion du racisme à l’ère coloniale ? Plutôt que de - on ne sait pas encore s'il sera classé HERGÉ AFFIRMA plus tard condamner une oeuvre à du racisme par contumace, dans le coin la plupart du temps bien que lors de la création de Tintin au ne serait-il pas plus judicieux d'apporter une note pré- caché des mangas pornogra- Congo, il vivait dans un milieu bour- liminaire à l’ouvrage afin d'avertir les parents de ce phiques. geois plein de préjugés. "Je ne que leurs enfants pourraient y trouver, et de rappeler Cette annonce a été suivie, connaissais de ce pays que ce le contexte ? quelques jours plus tard, que les gens en racontaient à Comme l'indiquait un lecteur de Tintin sur le blog par celle de deux maisons l'époque : "Les nègres sont de d’Assouline, quelques jours après la décision de d'édition sud-africaines grands enfants, heureuse- Borders, "Tintin, dans Tintin au Congo, est un abruti qui elles aussi, ont déci- ment que nous sommes là !", complet, tuant des animaux sans aucune limite, et dé que Tintin n’était pas etc. Et je les ai dessinés, ces traitant les noirs comme des gamins. Bref c'est une vraiment fréquentable : Africains, d'après ces critè- assez bonne description de l'européen colonialiste et l'éditeur sud-africain res-là, dans le pur esprit con de cette époque". Un autre affirmait : "Qu'on d'Hergé -le père de paternaliste qui était celui veuille éviter de promouvoir ou nourrir un fond racis- Tintin-, Human & de l'époque en Belgique." te, je veux bien, mais ça n'est franchement pas la Rousseau, a décidé de Voire... Comme le rapporte manière. Il y a quelque chose d'aberrant dans cette ne pas traduire cet album l’écrivain Pierre Assouline volonté de cacher ce qui a réellement existé." Un troi- en afrikaans, au motif qu'il sur son blog personnel 1, sième s'interrogeait : "Mais quel monde sommes- présente "les Africains de Hergé ne devait toutefois pas nous en train de construire à nos enfants ? En occul- façon stéréotypée et peu flat- ignorer que, trois ans avant le tant ce qui a existé, en ne prononçant que les paroles teuse" -c'est peu de le dire-, tan- voyage de Tintin au centre de politiquement et socialement correctes, mais en agis- dis que Penguin Books a annoncé l’Afrique, André Gide avait publié sant toujours plus violemment et cyniquement, qu'il allait accompagner sa version son Voyage au Congo 2, où perçait son pense-t-on leur donner le bon exemple ?" anglaise d'un avertissement au lecteur. indignation contre les abus de la Colonie. DR La mondialisation pénétrant tous les domai- De même, il devait très certainement savoir EN 1969, LA REVUE AFRICAINE Zaïre, nes, y compris prohibitifs, nul doute que d'autres qu'un an auparavant, Albert Londres avait publié guère susceptible d'avoir appartenu à des réseaux contrées devraient suivre cet exemple. D’ailleurs, fin une série d'articles 3, dénonçant l'exploitation crimi- racistes, s'était intéressée à cet album. Qu'en avait-elle juillet, un étudiant congolais a porté plainte devant la nelle des Africains dans la construction du chemin conclu ? "Si certaines images caricaturales du peuple justice belge pour dénoncer le caractère raciste de l'al- Lorsque Tintin part pour le continent noir, nous som- de fer Congo-Océan 4. congolais données par Tintin au Congo font sourire bum et demandé qu'il soit retiré de la vente. mes en 1931, période durant laquelle la colonisation De tout cela, Hergé ne s’en inspira pas, préférant les Blancs, elles font rire franchement les Congolais, et son corollaire, l’acte de “civiliser”, sont au plus fort se fier aux stéréotypes de son entourage. Il le paya parce que les Congolais y trouvent matière à se A VRAI DIRE, TINTIN AU CONGO est de leur popularité, en France (c'est l'époque des un peu lorsque dans les années 60, Tintin au moquer de l'homme blanc qui les voyait comme taxé de racisme depuis des années. Les fans du petit Expositions universelles à grand succès) comme en Congo était introuvable en librairie, son éditeur ne cela." Raciste certes, mais tellement significatif... Et reporter belge eux-mêmes n'en disconviennent pas. Belgique, le pays d'Hergé, de Tintin, mais aussi du l'ayant pas réédité, non par peur des Africains qui si, au final, cette censure visait seulement à se donner Il aura fallu la promenade d'un père de famille et Congo, immense territoire de l'Afrique centrale qui avaient à l'époque d'autres colons à fouetter, mais bonne conscience ? avocat spécialiste des droits de l'Homme -c'est la tomba entre les mains de ce minuscule Etat suite aux par crainte d'une campagne d'opinion néfaste des dépêche d'Associated Press qui le dit, personnelle- ambitions démesurées d'un roi mégalo. tiers-mondistes. Dans une lettre du 26 juin 1963, 1 ment, il me semble que tous les avocats sont censés Hergé implora son éditeur de ressortir l’album au passouline.blog.lemonde.fr 2 êtres spécialistes des droits de l'Homme, mais peut- moins en Europe : selon son argumentation, ses A. Gide, Voyage au Congo, Gallimard, 1927 3 A. Londres, Terre d’ébène, Albin Michel, 1929 être suis-je trop naïf-, il aura fallu cette promenade jamais quitté sa personnages n’étaient que de simples caricatures. HERGÉ, QUI N'AVAIT 4 Chemin de fer de 502 kms construit au donc, avec ses enfants, pour qu'il tombe au hasard Belgique natale et qui, affirment les “tintinologues”, Une lucidité qui convint son éditeur, jusqu'à ce 12 Congo-Brazzaville de 1921 à 1934 par la France, du shopping sur cette BD "so choking". David n’était pas vraiment partisan de cette destination afri- juillet 2007. qui coûta des milliers de vies humaines. le mois prochain dans kashkazi n°67 notre dossier “les hommes sont des salauds !” analyse la faillite des élites politiques dans les kiosques jeudi 5 octobre

50 kashkazi 66 septembre 2007 Parce que la vie est une grande aventure, la BIC-Comores propose Le Prêt Personnel BIC-C

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Ensemble, construisons l’avenir Réhabilitation de la tour de contrôle (Hahaya)

Ouvrage de Sidju

Construction du Boulevard du Karthala

Station de concassage

52 kashkazi 60 février 2007