Germanica

53 | 2013 Littérature et cinéma dans l'espace germanophone contemporain : jeux intermédiaux, modes de transfert, adaptations

Elisabeth Kargl et Marc Lacheny (dir.)

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/germanica/2262 DOI : 10.4000/germanica.2262 ISSN : 2107-0784

Éditeur Université de Lille

Édition imprimée Date de publication : 30 décembre 2013 ISBN : 9782913857322 ISSN : 0984-2632

Référence électronique Elisabeth Kargl et Marc Lacheny (dir.), Germanica, 53 | 2013, « Littérature et cinéma dans l'espace germanophone contemporain : jeux intermédiaux, modes de transfert, adaptations » [En ligne], mis en ligne le 09 janvier 2014, consulté le 06 octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/germanica/ 2262 ; DOI : https://doi.org/10.4000/germanica.2262

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SOMMAIRE

Avant-propos Elisabeth Kargl et Marc Lacheny

D'un médium à l'autre : jeux intermédiaux et modes de transfert

Ironie im Medienwechsel Jens Liebich

Funktionen ikonischer Zeichen in Romanverfilmungen Das Parfum und Der Vorleser Brahim Moussa

Fiktion-Gesellschaft-Differenzen am Beispiel filmischer Raumkonstruktionen in deutschsprachiger Gegenwartsliteratur der 2000er Jahre Jan Drees

Adapter les classiques : enjeux, obstacles, solutions

Un film qui vient de loin L’Antigone de Sophocle dans la transcription de Friedrich Hölderlin, retravaillée pour la scène par Bertolt Brecht et adaptée pour l’écran par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub (1991) André Combes

Transformations plus ou moins magiques. Adaptations de Der Froschkönig dans le cinéma allemand Christin Niemeyer

Freigesprochen (Peter Payer, 2007) : une réécriture contemporaine de Der jüngste Tag d’Ödön von Horváth Irène Cagneau

Literatur als „Wiederholungstäterin“ Dürrenmatts Werke zwischen Text und Film Patricia Linden

Adaptations cinématographiques d'œuvres contemporaines

L’adaptation cinématographique du roman Die Wand : un hommage au texte de Marlen Haushofer sur fond de thriller et de Heimatfilm Elisabeth Kargl et Aurélie Le Née

Baader, Vesper und Ensslin im Kino Terrorismus und memoria in Markus Imhoofs Die Reise (1986), Margarethe von Trottas Die bleierne Zeit (1981) und Andres Veiels Wer wenn nicht wir (2011) Julian Reidy

„Die Bilder wollen automatisch anders geschnitten werden“ Die Verfilmung von Daniel Kehlmanns Die Vermessung der Welt Jan Rhein

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Wer hat Angst vor heißen Eisen? Ein Vergleich von Thomas Glavinic’ Roman Der Kameramörder und seiner Verfilmung durch Robert Adrian Pejo Gábor Kerekes

Traces d’un effacement et effacement des traces : La Tour, du roman au film Éric Leroy du Cardonnoy

Dossier Alexander Kluge

Die Augen der anderen Ein Gespräch zwischen Alexander Kluge und Vincent Pauval

Der Mann ohne Eigenschaften Alexander Kluge

Les yeux des autres Entretien entre Alexander Kluge et Vincent Pauval

L’Homme sans qualités Alexander Kluge

Les nouvelles conjonctions d’images et de lettres chez Alexander Kluge Herbert Holl

Comptes rendus de lecture

Dietmar Dath, Swantje Karich: „Lichtmächte: Kino-Museum-Galerie-Öffentlichkeit“ diaphanes, 272 Seiten, 24,95 € Jan Drees

Pierre Gras, Good Bye Fassbinder ! Le cinéma allemand depuis la réunification Arles, Éditions Jacqueline Chambon - Actes Sud, 2011 Anne-Marie Corbin

Jean-Pierre Chassagne, Leo Perutz et le scepticisme viennois. L’ébauche d’une éthique du désenchantement Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2012 (CELEC, coll. « Les Scripturales »), 248 p. Éric Leroy du Cardonnoy

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Avant-propos

Elisabeth Kargl et Marc Lacheny

1 Il existe depuis plusieurs années un certain nombre de publications significatives sur les liens entre littérature et cinéma, en particulier sur les mécanismes de l’adaptation cinématographique d’œuvres littéraires1. Pour explorer une partie des relations complexes entretenues par le cinéma et la littérature, le présent numéro de Germanica propose une réflexion sur les divers modes de circulation entre ces deux formes d’art dans l’espace germanophone de 1989 à nos jours, interactions qui se manifestent notamment sous les formes suivantes : l’adaptation cinématographique d’œuvres littéraires ; les modifications, plus ou moins importantes, induites par le changement de médium (le temps infini de la lecture s’oppose au temps nécessairement limité du film, ce qui impose un certain nombre de choix du scénariste) ; la transformation, éventuellement radicale, qui peut aller parfois jusqu’à une forme d’autonomisation par rapport à l’œuvre initiale. Le passage d’un médium à un autre invite ainsi à s’interroger sur une redéfinition et/ou un effacement partiels des frontières entre les genres en présence. Se pose enfin la question des auteurs mettant leurs propres textes à l’écran (comme Handke) ou jouant un rôle – périphérique ou central – dans cette entreprise (ainsi Wolf Haas, auteur d’auto-adaptations et des scénarii de ses propres productions littéraires).

2 Sur un plan proprement thématique, on note une forte présence de certains sujets, traités sous des formes variées : thématiques historiques (problème des deux Allemagnes, réunification, travail de l’Autriche sur son passé) ; liens entre littérature expérimentale et cinéma expérimental ; littérature et cinéma « de résistance » en Autriche. La question des similitudes et des différences entre les tentatives de réponses apportées par le cinéma d’un côté et par la littérature de l’autre à ce type de problématiques ne manque pas d’être soulevée ici.

3 Ce numéro se propose d’examiner les liens entre cinéma et littérature sous trois angles principaux, qui structurent le volume :

4 – le passage d’un médium à l’autre (jeux intermédiaux et modes de transfert) ;

5 – l’adaptation cinématographique des « classiques » (romans, contes, pièces de théâtre, voire poésie) ;

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6 – l’adaptation cinématographique d’œuvres contemporaines.

7 La première partie est ainsi consacrée aux jeux intermédiaux et aux modes de transfert entre la littérature et le cinéma. S’appuyant sur les réflexions de l’historien du cinéma James Monaco (Film verstehen. Kunst, Technik, Sprache, Geschichte und Theorie des Films und der neuen Medien) considérant le roman comme le plus proche parent du film, Jens Liebich se penche sur le lien de parenté qui unit film et roman à l’exemple du roman Der Zimmerspringbrunnen de Jens Sparschuh et de son adaptation cinématographique par Peter Timm en 2001. Il montre notamment que le passage d’un style plutôt narratif à un style dramatique conduit nécessairement à des altérations dans le traitement de l’ironie. Brahim Moussa interroge, pour sa part, les fonctions des signes iconiques dans les adaptations cinématographiques du Parfum et du Liseur. Comme Liebich, mais à l’aide d’autres exemples, il met en évidence la différence de narration entre film et texte, différence liée à la transformation des mots en images. En se référant aux ouvrages Der Kameramörder et Die Arbeit der Nacht de Thomas Glavinic, ainsi qu’à Geister de Thomas von Steinaecker, l’article de Jan Drees propose d’examiner la manière dont la littérature germanophone des années 2000 utilise les constructions de l’espace dans le film afin d’illustrer une différence sociale et littéraire. À l’aide des outils développés par Rayd Khouloki sur les possibilités descriptives des « espaces filmiques », il montre que la représentation hyperréaliste de la réalité dans les textes analysés révèle, de manière nouvelle, des stratégies de mise en scène.

8 Dans la deuxième partie du volume, consacrée à l’adaptation des « classiques », André Combes examine la réécriture d’Antigone dans une configuration récente : celle qui confronte la théâtralité brechtienne (1947-48) et la cinématographie des Straub (1991-92). L’auteur montre comment, dans cette adaptation, la réécriture du mythe d’Antigone accomplit un « saut transmédial » sans qu’il s’agisse pour autant d’une rupture avec le théâtre. Il y voit plutôt une interpellation cinématographique d’un texte déjà retravaillé pour la scène. Christin Niemeyer compare, elle, plusieurs adaptations filmiques du conte Der Froschkönig oder der eiserne Heinrich (Le Roi Grenouille ou Henri de Fer) des frères Grimm. Elle montre dans quelle mesure les différentes transpositions filmiques ont recours à des techniques d’extrapolation et de réécriture, et continuent ainsi à écrire l’histoire du genre littéraire du conte, tout en véhiculant des valeurs pédagogiques et idéologiques spécifiques. Puis, à partir de Freigesprochen (Peter Payer, 2007), réécriture contemporaine de la pièce Der jüngste Tag d’Ödön von Horváth, Irène Cagneau examine tour à tour l’écriture « filmique » du dramaturge, la transposition d’une fable « intemporelle » dans le monde contemporain et les choix faits par le cinéaste pour traiter le thème fondamental de la culpabilité. Enfin, Patricia Linden se penche sur diverses adaptations cinématographiques de l’œuvre de Dürrenmatt et s’interroge en particulier sur le lien textuel entre film et texte, c’est-à- dire sur les mécanismes complexes présidant à la transformation de l’œuvre initiale en une œuvre travaillant à l’aide d’un autre langage.

9 Dans la troisième partie du volume, qui traite d’adaptations cinématographiques d’œuvres littéraires contemporaines, Elisabeth Kargl et Aurélie Le Née analysent d’abord l’adaptation cinématographique récente (2012), par Julian Roman Pölsler, du roman Die Wand de Marlen Haushofer, longtemps considéré comme impossible à transposer à l’écran. Elles soulignent que cette adaptation oscille fondamentalement entre deux pôles : l’hommage au texte de Haushofer d’une part, l’opposition entre Heimatfilm et thriller d’autre part, dans le contexte du rapport à l’Antiheimatroman en

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Autriche. Julian Reidy examine, lui, Die Reise de Bernward Vesper, forme hybride d’essai et de roman publié à titre posthume en 1977 qui a souvent été soumis à des interprétations visant à montrer que son auteur était sympathisant du terrorisme d’extrême gauche. En tenant compte de films tels que Die Reise (1986), Die bleierne Zeit (1981) et Wer wenn nicht wir (2011), l’article montre que le traitement cinématographique de la vie et de l’œuvre de Bernward Vesper participe de cette tradition polémique. Jan Rhein se penche ensuite sur l’adaptation filmique de Die Vermessung der Welt de Daniel Kehlmann, expérimentation littéraire et best-seller mondial, et parvient à la conclusion que cette adaptation, elle-même expérimentale, prend une position intermédiaire entre incorporation du texte de départ et mise à distance consciente de ce même texte. Gábor Kerekes, comparant le best-seller de l’auteur autrichien Thomas Glavinic Der Kameramörder avec sa transposition cinématographique par Robert Adrian Pejo, démontre que le film contient de nombreuses modifications au regard de l’original : transformation de la forme monologique du livre en un Psychokammerspiel à la Qui a peur de Virginia Woolf ? Il observe par ailleurs que le film escamote tous les aspects du livre qui ont trait à la politique et à la religion pour se concentrer sur la sphère privée. Enfin, Éric Leroy du Cardonnoy se penche sur l’adaptation du roman La Tour (2008) d’Uwe Tellkamp par le réalisateur Christian Schwochow et le scénariste Thomas Kirchner pour une diffusion à l’occasion de la fête nationale allemande, le 3 octobre 2012. Il montre à quel point cette situation de production et de réception a déterminé des choix d’adaptation et que le téléfilm s’inscrit dans une démarche d’interprétation purement dénotative qui fait de La Tour un film sur les dernières années de la RDA.

10 Le volume se clôt sur une section entièrement dédiée à l’œuvre de l’écrivain et cinéaste allemand Alexander Kluge (né en 1932), l’un des représentants majeurs du « Nouveau Cinéma Allemand ». Le texte inédit, Der Mann ohne Eigenschaften (hommage à l’opus maximus de l’écrivain autrichien Robert Musil), qu’Alexander Kluge – que nous tenons ici à remercier chaleureusement – nous offre pour ce numéro est précédé d’un entretien, captivant et lui aussi inédit, avec Vincent Pauval (l’un de ses plus fins connaisseurs en France, traducteur et responsable d’un projet d’édition de ses œuvres en français) et suivi d’un article de Herbert Holl portant sur l’« imagicité » d’Eisenstein et de Kluge, c’est-à-dire la fusion du mot et de l’image, la consanguinité de la littérature et du cinéma.

11 L’exemple paradigmatique d’Alexander Kluge témoigne comme nul autre de la fécondité des liens entre cinéma et littérature dans l’espace germanophone contemporain. C’est exactement ce que ce numéro « atypique » de Germanica aura tenté de mettre en évidence.

NOTES

1. Voir par exemple André Helbo, L’Adaptation. Du théâtre au cinéma, Paris, Armand Colin, 1997 ; Joachim Paech, Literatur und Film, Stuttgart/Weimar, Metzler, 1997 ; Jean-Bernard Vray (dir.), Littérature et cinéma. Écrire l’image, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne,

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1999 ; Emmanuelle Meunier, De l’écrit à l’écran. Trois techniques du récit : dialogue, narration, description, Paris, L’Harmattan, 2004 ; Jeanne-Marie Clerc et Monique Carcaud-Macaire, L’Adaptation cinématographique et littéraire, Paris, Klincksieck, 2004 ; Jean-Louis Leutrat (dir.), Cinéma & littérature. Le grand jeu, t. 1, Le Havre, De l’incidence éditeur, 2010 ; Francis Vanoye, L’Adaptation littéraire au cinéma : formes, usages, problèmes, Paris, Armand Colin, 2 011.

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D'un médium à l'autre : jeux intermédiaux et modes de transfert

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Ironie im Medienwechsel Irony in media transposition L’ironie dans la transposition médiatique

Jens Liebich

1 Der engste Verwandte des Films ist laut James Monaco der Roman, denn beide „erzählen […] lange Geschichten mit einer Fülle von Details, und sie tun dies aus der Perspektive des Erzählers, der oft eine gewisse Ironie zwischen Geschichte und Betrachter gibt“1. Diese Gemeinsamkeiten sind jedoch im Roman bzw. im Film unterschiedlich verteilt. Viele Handlungsdetails gehen bei Verfilmungen in der Regel verloren, jedoch kann der Film versuchen, sprachlich vermittelte Beschreibungen ins Visuelle zu übersetzen. Eben darin sieht Monaco den wesentlichen Unterschied: „Romane werden vom Autor erzählt. Wir sehen und hören nur, was er uns sehen und hören lassen möchte. Filme werden auch von ihren Autoren erzählt, aber wir sehen und hören sehr viel mehr als das, was ein Regisseur notwendigerweise möchte“2. Damit soll auf eine gewisse Freiheit hingewiesen werden, die der Zuschauer dem Leser gegenüber besäße. Monaco versteht alle Beschreibungen des Romanciers als durch Blickwinkel, Vorurteile und Sprache des Erzählers gefilterte, wohingegen der Film ein gewisses Maß an Freiheit lasse, auszuwählen und die Aufmerksamkeit auf dieses oder jenes Detail zu lenken3.

2 Diese Unterscheidung erscheint nachvollziehbar, doch ist sie ungenügend. Gefiltert ist die Beschreibung des Romans, wie es die Darstellung des Films ist: Kameraperspektive, Schnitt, Licht, Dekor, Kostüme, Ton und Musik bestimmen das Bild. Dies kann man nun als Filterung oder als künstlerische und dem Medium entsprechende Gestaltung verstehen. Nicht nur ergänzen, sondern widersprechen muss man Monacos Behauptung: „Die Worte auf der Buchseite sind immer dieselben, aber das Bild auf der Leinwand ändert sich ständig, je nachdem, wohin wir unsere Aufmerksamkeit lenken. Der Film ist, so gesehen, eine sehr viel reichere Erfahrung“4. Hier spricht der Filmwissenschaftler. Die Worte der Buchseite sind im materiellen Sinn immer dieselben, so wie es jedes einzelne Bild aber auch ist, doch wie die Worte verstanden werden, wie sie wirken, ist abhängig von vielen Faktoren. Alter, Geschlecht, Erziehung, Bildung, Interessen, Kulturkreis etc. bestimmen unser Verständnis, so dass uns gute

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Bücher bei jeder Lektüre etwas Neues erkennen lassen. Während des Lesens ist zudem jeder Leser Regisseur des eigenen Kopfkinos, womit ein Buch eben in der Vorstellung Bilder produziert, was ein Film eher selten vermag5. Die beim Zuschauen aufgenommenen Bilder eines Films werden nicht in dem Maß produktiv weiterverarbeitet, wie es bei den Worten eines Textes geschieht. Die bereits vorhandenen Filmbilder werden im Kopf des Zuschauers nicht durch eigene ergänzt, somit könnte eher das Buch die reichere Erfahrung sein.

3 Die besondere und auch von Monaco anerkannte Stärke des Romans scheint das Spiel mit Worten zu sein, die „subtilen und komplexen Ironien der Sprache“6. Zugleich sieht er die Ironie zwischen Geschichte und Betrachter als Gemeinsamkeit beider Medien. An einer Literaturverfilmung soll exemplarisch untersucht werden, wie sich der Humor, speziell die Ironie, durch den Wechsel vom Buch zum Film verändert und wie diese Veränderungen Auswirkungen auf die gesamte Erzählung haben.

4 Um die Veränderungen erkennen und beschreiben zu können, soll vor allem das „Wie“ – also die Darstellung – und nur beiläufig das „Was“ – also die Handlung und die erzählte Welt – in Buch und Film untersucht und verglichen werden. Wenngleich im Film kein Sprachsystem vorhanden ist, da er keine kodifizierte Grammatik, kein gelistetes Vokabular und auch keine Gebrauchsregeln hat, übt er „dennoch viele der Kommunikations-Funktionen der Sprache aus“7 und kann anhand dieser mit einem Text verglichen werden. Monaco verweist zur Filmanalyse auf das Zeichensystem und die Codes eines Films, wobei letztere auch anderen Kommunikationssystemen entlehnt sein können. So ließe sich jeder musikalische Code zum Beispiel in der Filmmusik benutzen8. Aber können Wortspielereien, Humor eines Textes im Allgemeinen und die Ironie im Besonderen verfilmt werden? Auf welche Weise wird etwas ausgedrückt und wie verändert sich das Ausgedrückte durch den Medienwechsel? Jens Sparschuhs Der Zimmerspringbrunnen soll exemplarisch daraufhin untersucht werden.

5 Die Handlung des bekanntesten Romans von Jens Sparschuh, der 1995 erschienen ist und sogar als einer der erfolgreichsten Kandidaten für den vielfach eingeforderten Wenderoman gesehen wird9, ist schnell erzählt. Hinrich Lobek, der Protagonist und Ich-Erzähler der Geschichte, arbeitete in der „Kommunalen Wohnungsverwaltung“, wurde aber nach der Wende „abgewickelt“ (S. 10)10 und ist nun seit über drei Jahren arbeitslos. Er ist zu jung, um in Rente zu gehen, aber zu alt, um unter Millionen Arbeitslosen als geeigneter Bewerber für einen beruflichen Neuanfang zu gelten. Die Zeit der Arbeitslosigkeit hinterlässt deutliche Spuren: Isoliert von der Gesellschaft lassen seine kommunikativen Fähigkeiten nach, gefangen in seinen Desillusionertheit gelingt es ihm nicht, Stabilität und Ordnung in der sich wandelnden Welt zu finden, und durch sein egozentrisches Weltbild entfernt er sich zunehmend von seiner beruflich erfolgreichen Frau11. Das „HALLO--Wochenhoroskop“ (S. 7) animiert ihn zur Eigeninitiative und er bewirbt sich auf die Vertreterstelle der oberrheinischen Firma „PANTA RHEIn“ (Vgl. S. 10f.). Nach unerwartet erfolgreicher Bewerbung versucht Lobek mit dem Verkauf von Zimmerspringbrunnen zurück ins Leben zu finden. Als sein vernachlässigter Hund durstend das Wasser eines Modells aussäuft, brennt dieses durch und muss von Lobek repariert werden. Die notgedrungenen Umarbeitungen machen ihn zum Erfinder von „Atlantis“ – einem Zimmerspringbrunnen mit dem Grundriss der DDR, in dessen Mitte ein Kugelschreiber als Fernsehturm wasserspritzend emporsteigt. Der berufliche Erfolg gibt ihm den lang

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ersehnten Halt in einer sich rasch verändernden Gesellschaft, doch seine Ehe mit Julia scheitert – vermutlich endgültig, das lässt der Roman offen.

6 Beruflicher Erfolg und privates Scheitern sind im Zimmerspringbrunnen treibende Kräfte der Erzählung. Ursächlich für beide ist der Gebrauch bzw. Nichtgebrauch der Sprache, was zu Missverständnissen führt, durch die die Handlung vorangetrieben wird. Die Krise Hinrich Lobeks ist eine Identitätskrise, die sich auch als Sprachkrise äußert: Sogar Julia fiel das auf: Mit mir könne man nicht mehr reden, ihr fehle der Austausch mit mir. Da könnte man sich gleich vor ein Aquarium setzen. – Soweit ihre Darstellung. Richtig ist: ich beschränkte mich auf „ja“ und „nein“. Damit sind die wesentlichen Dinge gesagt. Am Telefon noch ein geknurrtes „hallo“ [sic]. In komplizierten Fällen, die aber selten waren, verwendete ich außerdem noch die Wörter „eventuell“, „vielleicht“. Manchmal ließ ich mich auch zu einem „mal abwarten“ hinreißen. Das aber schon die Ausnahme. (S. 15)

7 Lobeks Kommunikation mit seiner Frau beschränkt sich nur noch auf ein rudimentäres Basisvokabular, ausreichend, um alleine zu überleben, ungenügend, um sich gemeinschaftlich zu entwickeln. Die Regression wird deutlich, wenn auch das „Hallo“ nur noch animalisch geknurrt wird. Die aufs Nötigste reduzierte Kommunikation mit den Mitmenschen kann sprachlich im Roman sehr gut umgesetzt werden, denn dank des Ich-Erzählers erfährt der Leser weit mehr über Lobeks Gedanken und Gefühle als sein Umfeld, woraus sich der Ironie-Effekt ergibt, den Julia Kormann mit einfachen Worten treffend beschreibt: „Hinrich Lobek sagt häufig genau das Gegenteil vom dem, was er meint, während die Innenperspektive des Ich-Erzählers seine Worte Lügen straft“12. Diese Feststellung erscheint zunächst recht banal, doch das dahinterliegende Muster von geteiltem Wissen, das die Ironie erst ermöglicht, ist eine genauere Betrachtung wert. Ironie funktioniert zwischen zwei Personen nur dann, wenn die Äußerung von A von dessen Meinung abweicht und B diese Abweichung erkennt. Durch die Mitwisserschaft des Lesers an Lobeks Gedanken und Gefühlen bleibt die Ironie stets gewahrt. Dass der jeweilige Gesprächspartner im Roman sie erkennt, ist nicht notwendig.

8 Der Einblick in Lobeks Gedanken- und Gefühlswelt lässt jedoch nicht nur über alle Sprachkargheit hinaus die Ironie funktionieren, sondern ist auch eine wichtige Voraussetzung für den Leser, um den Protagonisten besser kennen zu lernen. Erzählperspektivisch bedingt erfährt der Leser nichts über Lobek, was nicht zuvor durch dessen Bewusstsein gefiltert und gefärbt worden ist. Ausschließlich aus Lobeks Perspektive lernt der Leser seine Geschichte, seine kleine Welt, seine großen Ängste, sein privates Dilemma kennen. Thomas Grube beschreibt den Roman als Biografie eines Anti-Helden13, wobei dieser nie über sein Leben in Larmoyanz verfällt und selbst in depressionsähnlichen Situationen den Leser bei aller Traurigkeit zum Lächeln bringt: Die Kreise, in denen ich mich bewegte, waren in den letzten Jahren immer kleiner, immer enger geworden. Eigentlich bewegte ich mich gar nicht mehr, sondern saß, seit meiner Abwicklung, nur noch in der Wohnung herum. Oder: ich lag einfach auf dem Sofa und starrte zum Fenster, ganze Nachmittage... Das Fenster hing schief, wahrscheinlich, weil mein Kopf schief hing. Aber den verrückten Kopf geradezurücken, dazu hatte ich nicht die Kraft. (S. 10)

9 Eine traurig-schöne Beschreibung, die wohl nahezu jeder Leser – und das ist wichtig für die Anteilnahme – aus eigener Erfahrung so oder so ähnlich kennt. Bei aller vermittelten Traurigkeit bleibt aber die trocken humorvolle Selbstreflexion über den schiefhängenden Kopf, weswegen ihm das Fenster schräg erscheint. Dieser unerwartete

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Einschub des Protagonisten heitert die Situation maßgeblich auf, um sie dann zum Tiefpunkt zu bringen: die fehlende Kraft zum Geraderücken des Kopfes. Der hängende Kopf als Lebenshaltung, die sich daraus ergebende Perspektive auf die Welt ist leicht vorstellbar. Die Heiterkeit wird als Falle ausgelegt und die Melancholie tappt hinein.

10 Mit genau dieser Szene beginnt auch die 2001 unter der Regie von Peter Timm erschienene Verfilmung des Zimmerspringbrunnens. Die Ich-Erzählperspektive wurde vom Protagonisten gelöst und wechselt vom eher narrativen zum dramatischen Modus. Der Zuschauer beobachtet das Geschehen, ohne dabei die Perspektive einer Filmfigur einzunehmen und auch ohne Erzähler-Kommentare. So nutzt der Film die oben beschriebene ,Sofa-Szene‘ als Einstieg (00:00-01:25)14. Nach dem Kameraflug über graue Plattenbausiedlungen bei trübem Wetter fährt die Kamera in Lobeks Wohnung und zum stillen Blick aus dem Fenster wird das Lied „Am Fenster“ der Ost-Berliner Gruppe „City“ gespielt. Die melancholisch-wehmütige Stimmung des Liedes, das bezeichnenderweise mit „Einmal wissen, dieses bleibt für immer“ beginnt, wird bei „Nicht die Stirne mehr am Fenster kühlen“ durch die Explosion der Kugel des Berliner Fernsehturms zerstört. Lobek reißt die Augen auf, nur ein Albtraum.

11 Die Kombination aus Bildern und Musik vermag Traurigkeit und Schwere besser zu vermitteln und sie ,spüren‘ zu lassen, als es der gedruckte Text vermag. Dies liegt vor allem an der Musik, die unmittelbar auf den Zuschauer wirkt und den Effekt der Bilder verstärkt. Verloren geht hingegen die humoristisch gestaltete Reflexionsebene und somit ein sehr wichtiges Charakteristikum Lobeks.

12 Während der Hund15 im Film von Frauchen Julia mit ausführlichen Streicheleinheiten begrüßt wird und Lobek nur ein leises, mitleidiges „Und ich?“ entweicht (01:45), hat die Szene im Buch nicht diesen resignierenden, sondern einen frech anklagenden Charakter: „,Ach, wenigstens mein Hassolein sagt mir guten Tag‘, hörte ich Julia draußen sagen. Was erwartete sie eigentlich von mir? Sollte ich etwa schwanzwedelnd zur Tür rennen? An ihr hochspringen? Ihre Hände ablecken? An ihren Taschen schnüffeln? Oder was!“ (S. 18) Der ,Buch-Lobek‘ resigniert nicht, er lässt zwar lieber reden und genießt sogar sein Schweigen16, doch seine Gedanken zeigen Wachheit und bissigen Witz, der im Film abhanden kommt, was ihn wehmütig und besonders zu Beginn noch phlegmatischer erscheinen lässt. Dazu passt, dass ihn im Film kein Horoskop zur Eigeninitiative und somit zur Vertreterkarriere führt, sondern der Gang zum Arbeitsamt. Dort verschläft er im Warteflur beinahe seinen Termin und wird von seinem Sitznachbarn unsanft geweckt, was ihn letztlich zur Sachbearbeiterin mit dem Stellenangebot führt (03:30-04:15).

13 Der Ablauf des Einführungsseminars der Firma „PANTA RHEIn“ entspricht im Film nahezu dem der Bucherzählung, doch die stillen Eindrücke Lobeks erfährt der Zuschauer nicht. Vor allem der Auftritt und die Sprache des Firmenchefs Dr. Boldinger beeindrucken, wie der Leser in stiller Mitwisserschaft erfährt: „Ich sah gleich, daß es der Chef sein mußte! Nicht nur die äußere Erscheinung, auch sein Erscheinen selbst verriet das – schon wie er die Szene betrat, ein Auftritt! […] eine – man kann es nicht anders sagen – künstlerische Erscheinung!“ (S. 27) Im Buch bereitet dieser Eindruck den Effekt vor, den Boldingers Sprachgebrauch auf Lobek hat: Natürlich, nicht alles in Boldingers Rede hatte ich auf Anhieb verstanden; und die zahlreich gebrachten Details schwirrten mir noch, ohne daß ich sie recht hätte einordnen können, ziemlich zusammenhanglos im Kopf herum. Aber die Art, wie Direktor Boldinger gesprochen hatte – abgeklärt, ohne Rechthaberei, eher fragend, immer das Ganze vor Augen – , das hatte mir doch stark imponiert. (S. 30)

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14 Sinnvolle Zusammenhänge kann Lobek aus den einzelnen Teilen der Rede nicht herstellen, und sein Unverständnis stellt er auch nicht in Frage, es scheint ihm ganz „natürlich“. Geblendet und abgelenkt von der Form der Sprache, kann er sich nicht auf die Inhalte konzentrieren, gelänge es ihm, würde er sie wohl als nur scheinbare entlarven. Die ihm unverständliche Sprache ist die Sprache der Werbung und der westdeutschen Geschäftswelt. Der Schweigsame und häufig Sprachlose, der aus Überzeugung nicht redet, wenn er nichts zu sagen hat oder zweifelt, soll gerade die Sprache erlernen, die den schönen Schein zum Inhalt erhebt. Zu einer kritischen Position gegenüber dem Gesagten, besser: dem Geredeten, fehlt Lobek die notwendige Distanz. Eingelullt von schönen Worten schweigt sein sonst so bissiger Witz. Wie sehr er bei der Rede dazu neigt, Form als Inhalt zu verstehen, zeigt sich an seiner Interpretation des von Boldinger rezitierten Gedichts „Der römische Brunnen“ von C. F. Meyer. Und dann: das Gedicht! Obwohl ich von Haus aus zu derartigen Dingen eigentlich keinen Zugang habe – das sagte mir etwas. Ich kann es nicht anders sagen! Es war, als hätte dieser Herr Meyer mir heimlich über die Schulter geschaut – wie ich vormittags zu Hause durch die Wohnung stromerte, mein Morgenlied pfeifend… wie ich die Blumen goß, das Wasser strömte... und ich – unheimlich ruhig davon wurde, steinruhig. Die Zeilen drückten aus, was ich Julia vielleicht immer hatte sagen wollen, ihr aber niemals so hatte sagen können. (ebd.)

15 Der Zugang zur Bedeutungsebene ist Lobek sowohl beim Gedicht als auch bei Boldingers Rede nicht möglich. Bei beiden erliegt er der Form, dem Wie der Sprache, die ihn nicht bis zum Inhalt, dem Was, vordringen lässt. Sein oberflächliches Verständnis des Gedichts führt ihn zur obigen wortwörtlichen Interpretation. Aus den Worten kann er dank ihrer Bildlichkeit noch einen Sinn konstruieren, ein Ganzes aus Boldingers Rede zu gewinnen gelingt ihm jedoch nicht und die Details schwirren zusammenhanglos in Lobeks Kopf herum. Tief gerührt vom Gedicht macht es ihn zudem auf Ungesagtes und für ihn Unsagbares aufmerksam.

16 Mangelnde Kommunikationsfähigkeiten Lobeks führen nicht allein zu Julias begründeter Klage über den fehlenden Austausch, worauf noch ausführlich eingegangen werden wird, sie bescheren ihm zugleich beruflich unerwartete Erfolge. Beim Rollenspiel muss sich auf Geheiß Boldingers Lobek vor den Augen der erfahrenen Kollegen in einer „kreuzgefährliche[n] Phase“ (S. 48) des Verkaufsgesprächs behaupten: „Wir haben alle, wirklich alle denkbaren Argumente gebracht, sind mithin am Ende unseres Lateins, das Pulver ist sozusagen verschossen. Was aber macht unser Kunde? – Er zögert…“ (ebd.) Strüver, Leiter des Rollenspiels und sein späterer Kollege, mimt den Kunden und argumentiert, dass seine Frau mit dem Preis nie einverstanden wäre. Demonstrativ schüttelt er den Kopf und schiebt den Kugelschreiber weit von sich. Lobek, ihm gegenübersitzend, schaut ihn „voller Mitgefühl“ (S. 49) an und denkt an „jedes Sägeblatt, jeden Sperrholzposten“ (ebd.), um die er mit Julia für seinen Hobbyraum hat ringen müssen. Sprachlos verabschiedet er sich innerlich von seiner Vertreterkarriere, zum Abschied drückt er noch mal auf die Knöpfe des kleinen Kästchens mit der Aufschrift „BUDENZAUBER“ (S. 50), das einen Zimmerspringbrunnen repräsentieren soll. Dabei kommt er zu nahe an die Fontäne und spritzt sich das Gesicht nass. „,Jetzt müssen Sie unterschreiben, Strüver!‘ hörte ich aus der Tiefe des Raums Boldingers leise Stimme. ,Wenn Sie kein Herz aus Stein haben, müssen Sie jetzt unterschreiben‘“ (S. 50).

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17 Die Spielregeln der westdeutschen Geschäftswelt scheinen keine Atempausen zu erlauben, über Verlegenheit und Sprachlosigkeit wird hinweggeplappert, sophistisch wird der Kunde zur Unterschrift gelockt. Lobeks Überforderung und Hilflosigkeit werden von Boldinger als geniale Strategie gedeutet. Er habe „Tatsachen sprechen lassen“ (S. 50) und es brauche auch keine „Schnellsprechweltmeister“ (S. 51), denn „der Kunde soll ja mal einen Augenblick sprachlos sein dürfen.“ (ebd.) Das Missverstehen zwischen West- und Ostdeutschen, ihren Mentalitäten und Identitäten, wird auch von Lobek aufmerksam registriert und im Stillen kommentiert: „Boldinger sah mich bewundernd an, wie man eine exotische Pflanze ansieht: ,Herrschaften, das nenne ich östliche Ruhe und meditative Kraft! Ja, Mensch, auch wir hier im Westen können von Ihnen lernen. Durchaus!“ (ebd.)

18 Es scheint jedoch unzulänglich, den Grund des Missverstehens allein im Aufeinandertreffen zweier grundverschiedener Sozialisierungen zu sehen. Lobek scheitert am Übergang von einer sozialistischen zu einer kapitalistischen Gesellschaft und befindet sich genau dazwischen: „Alle meine Versuche, draußen, im feindlichen Leben, wieder Fuß zu fassen, waren bis dahin ja erfolglos geblieben.“ (S. 14) In diesem Niemandsland, wo sich seine Adresse ändert, ohne dass er umzieht17, fühlt er sich allein und zurückgelassen. Es ist bezeichnend, dass er Hasso vom Rabenhorst ohne Wissen Julias heimlich umtauft: „Ich legte meine Laubsäge aus der Hand und sagte mit ruhiger Stimme: ,Du bist jetzt Freitag, Hasso!‘“ (S. 18) Lobek als Robinson der Moderne18, seine Heimat- und Arbeitslosigkeit isolierten ihn, machten ihn schweigsamer. Der Schiffbrüchige hatte niemanden zum Reden, Lobek glaubt, nichts zu erzählen zu haben (vgl. S. 14).

19 Im Roman sind Sprache und Sprachlosigkeit, Heimat- und Heimatlosigkeit, Identität und Identitätsverlust auf das Engste miteinander verknüpft. Diese werden dem Leser vor allem durch den inneren Monolog des Ich-Erzählers, der einen ironisch- sarkastischen Schleier über ein faktisch tragisches Leben legt, immerfort ins Bewusstsein gerufen. Diese Reflexionsebene wird im Film ausgespart und durch den medienbedingten Wechsel vom Erzählen zum Darstellen, vom narrativen zum dramatischen Modus, werden ,bildschwache‘ Szenen wie das oben erwähnte „stumme Verkaufsgespräch“ nicht berücksichtigt – im Roman ist es eine der Schlüssel-Szenen.

20 Schweigen bringt Lobek erste ungeahnte „Erfolge“ im Beruflichen, doch im Privaten zieht ihn das Schweigen weiter in die Ehekrise. Seine Unfähigkeit, sich Julia mitzuteilen, Glück oder Angst auszudrücken, wird bereits zu Beginn des Romans deutlich. Die Freude über die Einladung zum Vertreterseminar kann Lobek ihr nicht zeigen, er bleibt isoliert in der Wohnung, legt Beethovens „Ode an die Freude“ auf den Plattenteller und sich selbst auf das Sofa (vgl. S. 20). Gefühle durch Musik auszudrücken, scheint dem Wunsch zu entsprechen, die eigene Innenwelt der Außenwelt einsehbar zu machen. Geradezu parodistisch wirkt Lobeks Verhalten, denn er produziert die Musik nicht, er reproduziert sie auf dem Plattenspieler. Er selbst liegt ruhig auf dem Sofa, die Musik, die seine Freude zum Ausdruck bringen soll, kommt also von außen und wirkt auf ihn ein. „Die Platte drehte sich. Alles drehte sich. Alles dreht sich um mich. […] Die letzten Wochen und Monate, die ganzen Jahre (und die kaputten) zogen an mir vorüber. Sie verschwanden auf Nimmerwiedersehen […]“ (ebd.) Dennoch wirkt die Musik erleichternd, sogar befreiend, die trüben Jahre der Arbeitslosigkeit ziehen davon, und entgegen aller Gewohnheit wählte er sogar Julias Büronummer, „hatte aber, als sie sich meldete, plötzlich das Gefühl, sie sei nicht allein im Zimmer;

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Hugelmann ist bei ihr […] und legte sofort wieder auf“ (S. 21). Der Wunsch zu teilen ist vorhanden, die Musik gibt ihm zunächst die notwendige Kraft, doch scheitert er an den Umständen. Dank der Ich-Erzählperspektive gelingt es Sparschuh, eine ,Beziehung‘ zwischen Leser und Lobek zu etablieren, wohingegen die Beziehung zwischen ihm und seiner Frau solche ,Komplizenschaft‘ vermissen lässt und auch an der Eifersucht zu scheitern droht. Doch auch mit seiner Angst, sie zu verlieren, kann er sie nicht konfrontieren. Bei einem Anruf Hugelmanns geht zufällig Lobek ans Telefon: Auf mein geknurrtes „Hallo“ hin legte die Männerstimme am anderen Ende eine verdutzte Schweigesekunde ein, um dann, ziemlich unbeeindruckt übrigens, Frau Lobek zu verlangen, Betonung auf Frau. Die Stimme hätte ohne weiteres ja auch fragen können „Darf ich bitte Ihre Frau sprechen?“ – aber nein, das tat sie nicht. Wahrscheinlich hatte sie Gründe dafür, in Julia etwas anderes als meine Frau zu sehen. (S. 8)

21 Die genau registrierte und analysierte Wortwahl des Anrufers bestätigt Lobek in seiner Eifersucht, doch zu helfen weiß er sich nicht. Anstatt das Gespräch mit Julia zu suchen, sucht er der gerade Duschenden einen Bademantel, „damit sie sich wenigstens, wenn sie schon mit diesem Herrn spricht, etwas überhängt“ (ebd.). Um sich zu beruhigen, zieht er sich in den Hobbyraum zurück, um dort seinen Laubsägearbeiten nachzugehen. In der Verfilmung herrscht in dieser Szene (02:10-02:33) ebenfalls noch Sprachlosigkeit, doch kurz bevor Julia die Wohnung parfümiert für einen angeblichen Computerkurs verlässt, hakt Lobek nach: „So weit ich mich erinnere, war gestern auch schon Computerkurs. Ist dieser Hamann auch da?“ Julias kühle Antwort: „Und wenn schon.“ (03:01-03:10). Die Eifersucht wird im Film expliziter dargestellt und die Beziehungskrise rückt mit zahlreichen Szenen, die im Buch nicht vorkommen, in den Vordergrund19.

22 Das Schweigen wird als Stilmittel im Roman viel stärker eingesetzt, was mit dazu führt, dass die Beziehungsprobleme des Paares zwar stets präsent sind, aber viel subtiler inszeniert werden. Im Film äußert sich Lobek in einem Streit mit Julia anklagend und mitleidsheischend zugleich: „Als Verlierer hat man’s schwer, man findet kein Verständnis mehr.“ (44:22-44:25) Wenngleich auch diese Stelle durch den Reim belustigend wirkt, so ist es doch eine direkte Konfrontation. Der ,Buch-Lobek‘ vermeidet solche Situationen, denn er erscheint sprachlich nicht mehr in der Lage, seine Frau im Gespräch zu kritisieren.

23 Seine Unzufriedenheit wird non-verbal kompensiert und findet Ausdruck in Protokollbuchnotizen à la „Ich kann mich mit Julias Gesamtverhalten nicht mehr einverstanden erklären“ (S. 23). Dieses Protokollbuch kommt im Roman weit häufiger zum Einsatz, ist es doch durch die Erzählerperspektive neben dem Monolog eine sehr gute Möglichkeit, dem Leser Einblicke in die Gedanken- und Gefühlswelt des Protagonisten zu geben. Grub spricht zwar von „Stasi-Manier“20 wenn Lobek seine Frau als „Observationsobjekt J.“ (S. 8) bezeichnet, und man kann diese und ähnliche Passagen durchaus als Parodie auf den Kontrollwahn der Staatssicherheit lesen, doch gerade als DDR-Wohnungsverwalter musste Lobek alle Probleme der Mieter und Schäden in deren Wohnungen genau dokumentieren. Und genau dies macht er: Er dokumentiert die Probleme und Schäden ihrer Beziehung. Unmittelbar helfen konnte er den Menschen schon damals nicht, die höchste Dringlichkeitsstufe für eine Reparatur lautete „nächstes Jahr“. Mit der gleichen Hilflosigkeit dokumentiert er nun routiniert und schweigend die Probleme mit Julia. Wieder im Kontrast zu diesem Verhalten steht der „Film-Lobek“, der deutlich aktiver auftritt und Julia sogar in ihrem Büro aufsucht, denn er scheut die direkte Konfrontation keineswegs.

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24 Eine auffällige und wichtige Gemeinsamkeit von Buch und Film ist der Morgen, an dem Lobek, neue Kräfte fühlend, erwacht. In der Hoffnung, langsam wieder Herr seines eigenen Lebens zu werden, versucht er auch Freitag mit einem Appell zu motivieren, der in Buch und Film nahezu identisch ist: „Beweg dich doch endlich mal, du fauler Hund […] Das Leben, Mensch, das Leben ist unendlich viel mehr als Fressen, Gassi und Glotze! Man kann nicht so wie du bloß in den Tag hineinleben. Das Leben muß doch einen Sinn haben, einen Sinn, verstehst du! … Jeder Mensch … überhaupt: jede Kreatur... man muß doch an etwas glauben in der Welt, verdammt noch mal!“ (S. 131 bzw. 1:09:36-1:10:03)

25 Durch die oben erwähnten Passagen ist deutlich die Parallele zwischen dem Hund und seinem Herrchen zu sehen: das tatenlose Hinnehmen der Ereignisse, das Hineinleben in den Tag, die sinnentleerte Existenz. In gewisser Weise führte auch Lobek lange Zeit ein sprichwörtliches ,Hundeleben‘. Doch durch den beruflichen ,Erfolg‘ zu neuem Selbstbewusstsein gelangt (sein „Atlantis-Modell“ fand unerwartet hohen Absatz in Ost-Deutschland), ist er ein anderer geworden, womöglich ohne es zu merken (S. 130). „[Z]u einer Hängepartie im alten Stile“ (ebd.) sollte und konnte es nicht mehr kommen.

26 Der neu erwachte Tatendrang richtet sich auf nur ein Ziel: „Auf der Tagesordnung stand einzig und allein: Julia!“ (S. 140) Sie ist inzwischen aus der gemeinsamen Wohnung ausgezogen, doch das Fest der Liebe steht kurz bevor und die rettende Idee scheint die Einladung zum Weihnachtsessen zu sein: „Ein großer Gedanke. Der mich ausfüllte, der keinem anderen Gedanken mehr Platz ließ.“ (S. 133) ,Buch-‘ und ,Film- Lobek‘ bereiten sich auf Julias Besuch vor: Wohnung putzen, dem Hund Kunststückchen beibringen, Essen kochen.

27 Doch nur im Buch wird die Sprache und das Problem ihres Verlustes einmal mehr thematisiert. Auslöser ist Lobeks Lieblingslied „Words are very unnecessary“ (S. 140)21, in dem die vermeintliche Bedeutungslosigkeit von Worten im Vergleich zur Bedeutsamkeit von echten Gefühlen besungen wird. Inzwischen weiß er jedoch um die Relevanz der Worte und sieht wegen seines Defizits der Begegnung mit Julia sorgenvoll entgegen (S. 142). Seine Schweigsamkeit brachte beruflichen ,Erfolg‘, der Erfolg neues ‚Selbstbewusstsein‘, doch die Sprache kam nicht mit zurück. Selbst die wenigen Worte, mit denen er die letzten Verkaufsgespräche bestreitet, gehen in der häuslichen Einsamkeit wieder verloren und „bei der zu erwartenden Aussprache mit Julia würde […] das eine oder andere sicher fehlen“ (ebd.). Der Verzweiflung nahe, sagt er, zur Selbstvergewisserung, „Tisch zum Tisch, Glas zum Glas, Zigarette zur Zigarette, Asche zur Asche, Staub zum Staub“ (ebd.) und um ein „menschliches Elementargeräusch zu hören“ (ebd.), lacht er die Küchenwand an. Es ist einerseits die soziale Isolation eines Robinson Crusoe, aufgrund derer er seine Sprache durch kontinuierlichen Nichtgebrauch zu verlieren droht, andrerseits droht sein Leben ohne Julia wieder zu einer sinnentleerten Existenz zu werden.

28 Zum geplanten Weihnachtsessen kommt es nicht, knapp verpassen sie sich und in der Wohnung findet Lobek ihre Abschiedskarte: „,Ich hab Dich sehr lieb!‘ stand da; ich setzte mich hin. Und weiter unten, unter dem goldigen Tannenzweig, las ich die Worte: ,Aber ich kann nicht mir Dir leben! – Julia.‘“ (S. 144 bzw. 1:13:45-1:13:55). Nach anfänglicher Niedergeschlagenheit raffen sich ,Buch-‘ und ,Film-Lobek‘ wieder auf, beide mit der Absicht, das sich abzeichnende Ende der Ehe nicht mehr als unabwendbar hinzunehmen.

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29 Im Film wird Julia gekündigt, Lobek beendet seine vielversprechende Vertreterkarriere und beide widmen sich ihrer Beziehung. Dieses unerwartete Ende ist wenig plausibel und kaum aus der Handlung erklärbar zumal auch noch Julia aktiv wird und zu ihrem Mann zurückkehrt. Im Roman wird ein nahezu gegenteiliges Ende erzählt: Tatkräftig springt Lobek vom Sofa auf und appelliert entschlossen an Freitag: „Los, auf! Es wird Zeit, mein Lieber, daß wir unseren hübschen kleinen Robinson-Club hier auflösen. Marsch!“ (S. 145) Durch das Schnüffeln an Julias Nachthemd soll Freitag ihre Spur aufnehmen, woraufhin er winselt und dann bellt. „Er hatte, im Unterschied zu mir, seine Sprache wiedergefunden.“ (S. 146) Als beide durch das Treppenhaus eilen, überkommt es Lobek, auch vermeintlich andere Robinsons zum Aufgeben ihres Insulaner-Daseins anzuspornen. „Kommt doch endlich raus aus euren Höhlen.“ […] „Bitte! Ihr Idioten!“ (ebd.) Im Rausch des eigenen Aufbruchs möchte er ,verhauste‘ Leidensgenossen mitreißen, sie ebenfalls retten. Diese neue Aufgewühltheit in Lobek weiß der Text sofort ironisch zu unterwandern: „Ich wollte die Haustür krachend ins Schloß werfen, aber die Pneumatik dämpfte schnaufend den wütenden Schwung.“ (ebd.) Die Ironie erlaubt Distanz zum Geschehen, Witz und Reiz liegen im Schwebezustand der Erzählung, im Halten der Balance zwischen Tragik und Komik.

30 Es ist naheliegend, dass ein solcher Romanstoff in diesem tragisch-ironischen Stil kein ,Happy End‘ verträgt, es würde den Roman selbst karikieren. Lobek und Freitag harren über eine Woche am Bahnhof aus, doch das ersehnte Wiedersehen mit Julia bleibt aus. In dieser Zeit bleiben sie jedoch nicht allein, denn „[a]n der Wand gegenüber lauerte eine graue laute Männerschar. Sie sahen aus wie Ali Babas vierzig Räuber; aber es waren weniger. Stadtstreicher, Penner, Obdachlose, wie man wohl annehmen mußte.“ (S. 150) Es hat Symbolkraft, wenn die am Rande der Gesellschaft Lebenden am Ende des Jahres zu Lobeks Notgemeinschaft werden, doch der aufgesetzte biblische Sprachgestus und sein Brechen ironisieren auch diese Situation: „Ich öffnete meinen Rucksack und sprach: ,Hört! Ich will mein Brot mit euch teilen.‘ Sie aber sprachen zu mir: ,Mann, warum sagste’n det nicht gleich!‘ Und so geschah es. […] In ihren Gesichtern stand Zufriedenheit ob der Gaben.“ (S. 152) Hier gelingt Lobek, was ihm mit Julia unmöglich war: Das sprachliche Mitteilen wird zum Teilen des Brotes, zum Aufbau einer wenn auch nur für wenige Tage bestehenden Gemeinschaft. Am Neujahrstag verlässt er sie bei Sonnenaufgang mit Freitag, der Aufbruch ist nicht enthusiastisch, doch dafür entschieden. „Ich zog Freitag an der Leine. ,Na, los, komm schon!‘ Komm.“ (S. 159) Das letzte Wort, „Komm“, durch eine Leerzeile im Roman abgesetzt, nur noch gedacht, nur hörbar für den Leser, eine Ermahnung und Aufforderung an sich selbst. Doch bei aller Traurigkeit der Situation, Lobeks Humor geht nicht verloren, und so kommentiert er den Sonnenaufgang trocken: „Daß die sich das überhaupt noch traute… Immerhin, sie war schamrot!“ (ebd.)

Fazit

31 Von der Stärke des Romans, den „subtilen und komplexen Ironien der Sprache“22, konnte nur eine kleine Auswahl berücksichtigt werden, die Der Zimmerspringbrunnen dem Leser großzügig anbietet. Durch die Perspektive des Ich-Erzählers und den burlesken Sprachgebrauch wird ein ironisch-sarkastischer Schleier über den traurigen Alltag geworfen. Bedeutungszusammenhänge werden gelöst, neu geordnet bzw. bleiben in der Schwebe, und der Text balanciert zwischen Tragik und Komik. Die

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selbstdiagnostizierte und häufig thematisierte Sprachkrise Lobeks steigert das ironische Spiel mit Bedeutungen, das der Autor treibt. Dabei ermöglicht der Roman das Lachen über die Oberfläche, aber auch das Nachdenken über die Tiefe des Witzes. Wenn beim Aufräumen des Bücherregals festgestellt wird, dass „durch die Aussortierung der Heimwerkerliteratur […] die Bereiche SF [Science-Fiction] und ML [Marxismus/ Leninismus] vollkommen ineinandergerutscht“ (S. 139) sind, deutet dies auf eine weit tiefere Bedeutungsebene.

32 Peter Timms Verfilmung ist sehr frei nach dem Romanvorbild gestaltet. Weder bedient er sich des Ich-Erzählers noch versucht er die Ironie der Vorlage in den Film zu übertragen. Eine Sprach- und Identitätskrise durchleidet Lobek nicht, innere unausgesprochene Konflikte hat er nicht. Es wäre gewiss möglich gewesen, die Stärken der Vorlage auch für den Film zu nutzen, doch Timm entwickelt neue Szenen und setzt neue Akzente. Die Sprachverliebtheit des Romans geht verloren, der Protagonist verliert an Tiefe und erscheint als sympathischer Verlierer, der auch mal Glück hat. Die filmisch leicht zu inszenierende Beziehungsproblematik wird ausgewalzt und dominiert die Handlung. Als selbstständige Arbeit gesehen ist der Film unterhaltsam und kurzweilig, jedoch weniger tiefgründig als der Roman. Der humorvoll reflektierende Erzähler des Romans lässt den Leser eine weit komplexere Welt sehen, als sie der Film dem Zuschauer zeigt. Die Fähigkeit zum Spiel mit Worten ist die größte Stärke des gedruckten Textes. Diese Stärke ausspielend, zeigt Sparschuhs Roman Merkmale von Poesie, indem er, um mit Monacos Worten zu schließen, „seine Aufmerksamkeit verstärkt auf sich selbst richtet und sein eigenes Material zelebriert: die Sprache“23. Und dies von einem Filmwissenschaftler.

BIBLIOGRAPHIE

Literatur

Grub, Frank Thomas, „Wende“ und „Einheit“ im Spiegel der deutschsprachigen Literatur, Bd. 1 Untersuchungen, Berlin, de Gruyter, 2003.

Kormann, Julia, „Satire und Ironie in der Literatur nach 1989“, in: Volker Wehdeking (Hrsg.): Mentalitätswandel in der deutschen Literatur zur Einheit (1990-2000), Berlin, Erich Schmidt Verlag, 2000, S. 165-176.

Monaco, James, Film verstehen. Kunst, Technik, Sprache, Geschichte und Theorie des Films und der neuen Medien, , Rowohlt, 5. Auflage, 2004.

Sparschuh, Jens, Der Zimmerspringbrunnen, Berlin, Goldmann Verlag, 1997.

Twark, Jill E., Humor, Satire and Identity: Eastern German Literature in the 1990s, Berlin, de Gruyter, 2007.

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Film

Timm, Peter, Der Zimmerspringbrunnen, Senator Film, Hamburg, 2001.

NOTES

1. James Monaco, Film verstehen. Kunst, Technik, Sprache, Geschichte und Theorie des Films und der neuen Medien, Hamburg, Rowohlt, 5. Auflage, 2004, S. 45. 2. Ebd., S. 46. 3. Vgl. ebd., S. 45. 4. Ebd., S. 47. 5. Dass es zumindest punktuell möglich ist, zeigt die bekannte Duschszene in Alfred Hitchcocks Film Psycho (1960), die das Grauen vor allem dadurch erschafft, dass sie es im Kopf der Zuschauer entstehen lässt, es aber nicht zeigt. 6. Ebd. 7. Ebd., S. 61. 8. Vgl. ebd., S. 61f. 9. Vgl. Frank Thomas Grub, „Wende“ und „Einheit“ im Spiegel der deutschsprachigen Literatur, Bd. 1 Untersuchungen, Berlin, de Gruyter, 2003, S. 384. 10. Seitenangaben erfolgen hier und im Folgenden direkt im Text mit Angabe der Seitenzahl in Klammern nach dieser Ausgabe: Jens Sparschuh, Der Zimmerspringbrunnen, Berlin, Goldmann Verlag, 1997. 11. Vgl. Jill E. Twark, Humor, Satire and Identity: Eastern German Literature in the 1990s, Berlin, de Gruyter, 2007, S. 59. 12. Julia Kormann, „Satire und Ironie in der Literatur nach 1989“, in: Volker Wehdeking (Hrsg.), Mentalitätswandel in der deutschen Literatur zur Einheit (1990-2000), Berlin, Erich Schmidt Verlag, 2000, S. 165-176, hier S. 176. 13. Grub, S. 385f. 14. Zeitangaben zu den Filmszenen erfolgen hier und im Folgenden direkt im Text mit Angabe des Timecodes in Klammern und beziehen sich auf die Verfilmung von Peter Timm: Der Zimmerspringbrunnen, Hamburg, Senator Film, 2001. 15. Im Buch heißt der Hund anfangs „Hasso vom Rabenhorst“, wird später dann in „Freitag“ umbenannt. Im Film bleibt es durchgängig bei „Henry“. 16. „Dabei, das muß ich der Vollständigkeit halber sagen, mir kam das Schweigen eigentlich entgegen. […] Früher war mir das peinlich, wenn plötzlich das Gespräch stockte, Schweigen eintrat – damals aber begann ich, das zu genießen. Ich nickte still, schwieg.“ (S. 16). 17. „Heimlich, über Nacht sozusagen, waren wir aus unserer Straße umgezogen worden. Sie trug jetzt einen anderen Namen.“ (S. 36f.). 18. Vgl. auch Kormann, S. 176. 19. Zur Veranschaulichung dieser Neugewichtung seien die neuen Szenen hier kurz aufgezählt: 1. Kollege Hamann (im Buch nur namentlich in Erscheinung tretend) lädt Julia zum Essen ein (16:05-16:51); 2. Betriebsfeier, Hamann spielt Klavier und singt, Lobek kommt dazu und betrinkt sich (30:54-35:43); 3. Julia lädt Hamann zu sich nach Hause ein, trifft dabei ungewollt auf ihren Mann (41:19-44-12); 4. Lobek sucht Julia bei ihrer Freundin (52:25-52:56); 5. Lobek und Julia treffen im Restaurant aufeinander (55:10-56:28); 6. Lobek ruft Julia bei ihrer Freundin an, geht anschließend zu ihrem Büro, verpasst sie knapp (1:03:22-1:05:18); 7. Hamann gesteht Julia seine Liebe (1:14:40-1:17:16); 8. Lobek fährt zu Julias Freundin, um sie dort zu suchen (1:17:18-1:18:00);

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9. Julia und Lobek sehen sich am Bahnhof (1:20:50-1:23:06); 10. Julia kommt zur Versammlung von PANTHA RHEIn (1:26:00-1:28:12). 20. Grub, S. 385. 21. Offiziell lautet der Titel „Enjoy the silence“ und gilt als erfolgreichstes Lied der Gruppe „Depeche Mode“. 22. Monaco, S. 47. 23. Ebd., S. 48.

RÉSUMÉS

Der Filmwissenschaftler James Monaco sieht im Roman den engsten Verwandten des Films. Ihre Gemeinsamkeit liege in der Ironie, die oft zwischen Geschichte und Betrachter durch die Erzählperspektive etabliert wird. Dieses Verwandtschaftsverhältnis soll anhand von Jens Sparschuhs Roman Der Zimmerspringbrunnen, der sich eines Paradebeispiels eines ironisch- sarkastischen Erzählers bedient, und Peter Timms Verfilmung genauer betrachtet werden. Der Wechsel vom eher narrativen zum dramatischen Modus führt unweigerlich zu Veränderungen hinsichtlich des Umgangs mit Ironie. Welche Auswirkungen dies auf die gesamte Erzählung haben kann, soll im folgenden Artikel aufgezeigt werden. Um die Veränderungen erkennen und beschreiben zu können, soll vor allem das ,Wie‘ – also die Darstellung – und nur beiläufig das ,Was‘ – also die Handlung und die erzählte Welt – in Buch und Film untersucht und verglichen werden.

L’historien du cinéma James Monaco considère le roman comme le parent le plus proche du film. Selon lui, leur point commun est surtout l’ironie entre l’histoire et l’observateur, qui est souvent établie par l’intermédiaire du point de vue narratif. Nous observerons plus en détail le lien de parenté qui unit film et roman à l’aide du roman de Jens Sparschuh Der Zimmerspringbrunnen et de son adaptation cinématographique par Peter Timm. Le passage d’un style plutôt narratif à un style dramatique amène inévitablement des changements dans le traitement de l’ironie. L’article tente de répondre à la question de savoir quelles répercussions ces modifications ont sur la narration. Pour pouvoir identifier et décrire ces changements, nous nous pencherons davantage sur la représentation de l’action et moins sur son contenu.

The film historian James Monaco considers neither paintings nor drama as the closest relative of film, but the novel. Hence their common ground is defined through irony which often takes root by the narrators’ perspective between the story and the observer. This relationship will be scrutinized on the basis of Jens Sparschuhs novel Der Zimmerspringbrunnen, which operates with a prime example of an ironic and sarcastic narrator, and Peter Timms film version. Alterations from a more narrative to a dramatic modus operandi, is inevitably leading to a different approach of irony. What kind of consequences this may have, regarding the entire story is illustrated in the following paper. Thus, in order to identify and describe these changes, it is necessary to focus on the representation rather than the plot of the novel and the film which are only of secondary importance here when it comes to comparison and analysis.

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INDEX

Mots-clés : film, cinéma, adaptation cinématographique

AUTEURS

JENS LIEBICH Université de Nantes

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Funktionen ikonischer Zeichen in Romanverfilmungen Das Parfum und Der Vorleser Functions of iconic signs in film adaptations The Perfume and The Reader Les fonctions des signes iconiques dans les adaptations cinématographiques Le Parfum et Le Liseur

Brahim Moussa

1 Textnarration und Filmnarration erfolgen auf unterschiedliche Art und Weise. Da das Medium im Text – im engsten Sinne des Wortes – die Sprache ist, während im Film mehrere Kanäle, wie Kameraführung, Einstellungen, Musik und Ton die Narration bestimmen, lassen sich Vergleiche zwischen Text- und Filmnarration schwer durchführen. Gleichwohl sind zwischen beiden Medien insofern Parallelen zu finden, als die erzählte Welt in einem literarischen Text und die Diegese eines Films vergleichbare Baustrukturen aufweisen können. Denn eine Folge von Ereignissen, die in einem Text das Aufeinanderwirken von Wörtern und Syntagmen begünstigt, lässt sich ebenfalls in einem Film erkennen, wenn auch die Ereignisfolgen hier durch (Bild-)Einstellungen und Sequenzen gebildet werden. Wie im Text entsteht im Film „eine Art solidarisches Syntagma, innerhalb dessen die ‚Einstellungen‘ (semantisch) aufeinander wirken“1, was auf mögliche Übereinstimmungen mit Textsyntagmen schließt, zumal eine Verkettung von Einstellungen genauso gut einen Mitteilungswert wie sprachliche Syntagmen in einem Text hat. Film und Text sind also beide Erzählmedien. Sie geben Geschichten wieder: „Film und Roman erzählen beide lange Geschichten mit einer Fülle von Details […]. Was immer gedruckt im Roman erzählt werden kann, kann im Film annähernd verbildlicht oder erzählt werden“2, da eine Geschichte – im plattesten Sinne – das einstimmige Zusammenwirken von Elementen, die nach Gesetzmäßigkeit(en) „auseinander folgen“, d. h. nach einer eruierbaren Motivierung3. Was die Verkettung von Erzählsegmenten im Text die Sprache leistet, erfüllt die Bildfolge im Film. Wir können im Film von Geschichte sprechen, „sobald in der Zusammenfügung von zwei oder mehr Bildern etwas zum Ausdruck kommt, was in

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den einzelnen Bildern nicht enthalten ist“4. Die Montage der Bildeinstellung erzählt im Film die Geschichte.

2 Kein Wunder also, angesichts dieser Schnittmengen zwischen Romantext und Film, dass sich die Filmforschung Ansätze der Literaturwissenschaft sowie der Erzähltheorie bedient. Jean Marie Peters fasst bereits in den 60er Jahren die Kinobilder als „Filmsprache“ auf: „Was die Struktur und Funktion der gebrauchten Zeichen und Zeichengruppen angeht, besteht also in wesentlichen Punkten eine Übereinstimmung zwischen Wortsprache und Film“5. Christian Metz6 und Peter Wollen7 machen in ihren Filmforschungen sowohl von strukturalistischen Theorien als auch von der Peirceschen Zeichenlehre Gebrauch. Markus Kuhn betreibt in seinem Werk Filmnarratologie eine Filmanalyse auf der Basis einer Erzähltheorie à la Gérard Genette. Das sind Beispiele aus einer Reihe von Forschern, die seit Jahrzehnten Interferenzen zwischen Filmforschung und Literaturwissenschaft zeigen.

3 Doch ein Bildmedium erzählt anders als ein Wortmedium. Ein Bildzeichen ist leichter mit seinem Bezugsobjekt zu identifizieren als ein Wort: Bild ist semiotisch eine Ikone und dementsprechend unterhält es ein Ähnlichkeitsverhältnis mit seinem Bezugsobjekt: „Die ikonischen Zeichen geben einige Bedingungen der Wahrnehmung des Gegenstandes wieder“8. Ferner werden in einer Filmeinstellung Elemente wie Raumtiefe und Farbnuancen immer mitgegeben, was in einem Text nicht von Nöten ist. Der Raum einer Filmeinstellung ist immer voll; er lässt mit Stanzel gesprochen keine „Unbestimmtheitsstellen“9, wie es in Texten gewohnt der Fall ist. So sind Filmeinstellungen in höchstem Grade Abbildungen dessen, was sie darstellen. Die Bilder sind fast die Objekte selbst. Das kann man freilich von Wörtern nicht behaupten. Gleichwohl sind die Einstellungen auf narrativer Ebene in zweierlei Hinsicht komplex: 1. Die Raumfülle kann aufgrund vieler Nebenzeichen die Aussage einer Einstellung problematisieren, da eine Filmeinstellung nicht nur aus dem zentralen Objekt – z. B. einer menschlichen Figur – besteht, sondern auch aus einem Hintergrund mit weiteren Objekten. 2. Die Einstellungen sind in narrative Ketten eingebunden und so gewinnen sie ihre Bedeutung aus ihrem syntagmatischen Gefüge, nicht unbedingt aus einer Ähnlichkeitsrelation mit der direkten Referenz. Es wird am Beispiel zweier Romanverfilmungen – Das Parfum10 und Der Vorleser11 – zu zeigen sein, dass Filmeinstellungen nicht auf eine eindimensionale Identifikation mit einem außerdiegetischen Objekt reduziert werden können, und dass ihnen mehrfache Funktionen in der syntagmatischen Verkettung filmischer Narration zukommen können.

Referentielle Funktion der Filmeinstellung: Ikone oder Index

4 Es ist vorwegzunehmen, dass Bild und Wort beide Abbildungen von Sachen sind. Sprachliches Zeichen und Bildzeichen sind Abstrahierungen von Gegenständen. Das Bild eines Mannes ist genauso wenig ein leiblicher Mann wie das Wort Mann. Peters befindet: „Tatsächlich macht ein Bild die dargestellte Sache nur sichtbar, aber in einer Weise, die stark abweicht von der Sichtbarkeit einer Sache in natura“12. Sehr einleuchtend ist bei Peters, der den Film als Sprache versteht, auch die Differenzierung zwischen Wort und Bild: „Man kann diesen Unterschied auch formulieren, indem man sagt, daß das Wort ein Konzept (eine vom Denken abgeleitete Abstraktion) einer Sache

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gibt und das Bild ein Perzept (eine von der Wahrnehmung abgeleitete Abstraktion)“13. Das Konzept als eine vom Denken her konstruierte Abstrahierung zu Begreifen mag verwundern. Wörter sind in großem Maße doch arbiträre Zeichen. Nachvollziehbar ist jedoch, das Bild als ein Perzept zu definieren, denn bildliche Zeichen werden visuell wahrgenommen. Somit legt Peters den Grundunterschied zwischen sprachlichem Zeichen und Bildzeichen fest. Bilder sind Perzepte, sie sind visuelle Zeichen, mittels derer wir Gegenstände wahrnehmen. Dieser markante Unterschied problematisiert das Verhältnis zwischen Zeichen und Bezugsobjekt und demzufolge zwischen Zeichen und der erzählten Welt: Bildliche Zeichen ähneln ihren Objekten, sprachliche Zeichen sind aber bis auf onomatopoetische Ausdrücke arbiträr. Bilder im Film sind also Ikonen, Wörter in einem Text eher nicht. So erreicht die Diegese eines Filmes einen höheren Grad der Konkretisierung als Texte. Das stellen mehrere Filmforscher fest. Die in audiovisuellen Erzählungen dargestellte Welt hat im Vergleich zur Literatur eine weit größere Explizitheit, Anschaulichkeit, Vollständigkeit und Konkretheit. Denn das audiovisuelle Erzählen entspricht – stärker als andere Erzählformen – unserer nichtmedialen, direkten Weltwahrnehmung14.

5 Dieser festen Überzeugung, dass das filmische Bild eine wirklichkeitstaugliche Präsentation liefert, liegt die Annahme zu Grunde, dass ikonische Zeichen notgedrungen eine augenfällige Ähnlichkeit mit ihren Bezugsobjekten tragen, denn „Bilder sind gewiss immer Festlegungen“15. Die Denotate der Zeichen sind im Film etwas strikter definiert als in Texten, weil sie im audiovisuellen Medium Merkmale ihrer Referenten widerspiegeln. Während im sprachlichen Medium der Literatur das Verhältnis des Signifikanten zum Referenzobjekt auf keinerlei Ähnlichkeit beruht, fallen beide im Film aufgrund der Ikonizität quasi zusammen: „Ein Bild hat eine direkte Beziehung zu dem, was es bezeichnet, ein Wort hat das nur selten“16. Demnach wird die Überzeugung fällig, dass ikonische Zeichen im Film der Garant für einen zuverlässigen Zugang zur Filmwelt sind. Kurz: Die Zeichen werden für die Bezugsobjekte selbst gehalten: In einem mechanischen, „automatischen“ Abbildungsprozess, so Bazin, überträgt der Gegenstand im photographischen Medium durch einen Effekt der „Wirklichkeitsübertragung“ etwas von seinem Sein auf sein Bild. Das Bild ist demnach nicht nur eine Spur der Realpräsenz des Dargestellten, sondern eine andere Form der Realpräsenz dieses Dargestellten, eine Form zudem, die nicht für die Wirklichkeit steht, sondern dieser etwas an Sein hinzufügt17.

6 Aus dem ikonischen Verhältnis wird folglich ein eindimensionales Identifikationsverhältnis, ohne Rücksicht auf Ambivalenzen und Mehrdeutigkeiten, aber auch ohne Rücksicht auf das syntaktische Umfeld der (Bild-)Zeichen im Film, das die Zeichenfunktion entscheidend prägt.

7 Darüber hinaus kommt dem ikonischen Charakter des Filmzeichens ein indexikalischer hinzu. Das Bild ähnelt nicht nur seinem Objekt, sondern es ist auch ein Verweis darauf. Photographisches aber auch filmisches Bild ist insofern ein Index, als es eine Spur ist, die zu einem abgebildeten Objekt hinführt. Es unterhält eine „real connection with its object“18. Ein Index fungiert immer als Verweis auf etwas Anderes, mit dem es in einem kausalen Verhältnis steht: „they [indices] direct the attention to their objects“19. Dem peirceschen Ansatz pflichtet Hediger bei, der das Zeichen im Film „mit seinem Gegenstand zugleich über eine Beziehung der Ähnlichkeit und eine der physischen Verursachung verbunden“20 sieht. Das Bild ähnelt nicht nur seinem Objekt, sondern indiziert er auch, d. h. es steht zum Objekt in einer kausalen Beziehung, die die

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Vergegenwärtigung des Objekts immer betont. Der Fokus liegt in dieser Auffassung des Filmzeichens – ob als Index oder als Ikone – auf einer Beziehung zwischen Zeichen und einem Gegenstand in der Wirklichkeit, d. h. einem Gegenstand außerhalb der Filmdiegese; nicht auf der Relation zwischen Zeichen und seinem denotierten Signifikat in der Filmwelt selbst. Gunning argumentiert zum Filmzeichen in diese Richtung: „An indexical argument, as it has been developed, based in the photographic trace, points the image back into the past, to a preexisting object or event whose traces could only testify to its having already been“21.

8 Mit dieser doppelten Funktion des filmischen (Bild-)Zeichens wird der Abstand zum Bezugsobjekt deutlich geringer als in der Literatur. Das betonen nicht nur klassische Abhandlungen zum Film: Was das filmische Bild von anderen Symboltypen unterscheidet, ist die Tatsache, dass es photographische Qualität exemplifiziert: dass es zu einem Symbolschema von außergewöhnlicher Dichte gehört, bei dem jeder kleinste Unterschied einen Unterschied macht und bei dem der Grad der Abstraktion und der Selektion von wahrnehmbaren Eigenschaften des denotierten Gegenstandes so gering ist, dass Abstraktion und Selektion als solche fast nicht auffallen und also die Zeichenhaftigkeit des Zeichens nur knapp die Schwelle der Wahrnehmung überschreitet22.

9 Dieses Verständnis der Filmzeichen kann der narrativen Strukturierung im Film nicht gerecht werden. Diese Ansätze, die von der Semiotik in der Filmanalyse Gebrauch machen, sehen mehr auf Realreferenzen der Filmzeichen ab, als auf das narrative Interagieren dieser Zeichen. Dabei behält die referentielle Funktion filmischer Zeichen ihre Geltung, wenn auch nur auf einer vordergründigen Ebene.

10 Tatsächlich – blickt man z. B. auf wenige Einstellungen im Film Der Vorleser, erkennt man sofort die Evokation einer referentiellen Bedeutung, die im Romantext Der Vorleser23 nicht intendiert wird. Der Stadtraum findet im Text en passant Erwähnung, nämlich als Randbemerkung zur Fassade des Hauses, in dem Hanna lebt: Das „Haus [war] von den Jahren und vom Rauch der Züge dunkel geworden“ (Vorleser 9) –, im Film wird aber die gesamte Lebenssphäre genauer dargestellt. Die Anfangseinstellungen aus dem Film Der Vorleser vermitteln ein Deutschland der 50er Jahre mit maroden Hausfassaden und einer allgemein tristen Stimmung, in der Michael die Bekanntschaft von Hanna macht. Damit denotieren die ikonischen Zeichen ein Nachkriegsstadtbild, das den Vorstellungen einer deutschen Stadt der 50er Jahre entsprechen könnte. Beglaubigungseffekte sind dabei Verkehrsmittel jener Zeit, z. B. Auto und Bus. So ähneln diese Einstellungen der Wirklichkeit eines Stadtbildes der 50er Jahre. Diese ikonische Funktion bescheinigt dem Film bereits am Anfang ein Echtheitsprädikat und eine anschauliche Fixierung der raumzeitlichen Konstellation. Doch diese Referentialität sagt noch lange nichts über die narrative Strukturierung im Film aus, weil diese erst durch Analyse der syntagmatischen Verkettungen von Zeichen eruiert werden kann. Es wird im Folgenden zu zeigen sein, dass die semiotische Begrifflichkeit auf Narrationsebenen in Romanverfilmungen am Beispiel von Das Parfum und Der Vorleser produktiv applizierbar ist.

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Indexikalisch-metonymische Funktion der Filmeinstellung

11 Der Roman, Der Vorleser, erzählt die Geschichte aus Michaels Sicht, der Hannas Bekanntschaft in einer seiner schweren Stunden macht. Sie verführt ihn, er verliebt sich in sie. Daraus ergibt sich eine Beziehung zwischen beiden, die aus festen Ritualen besteht: „Vorlesen, duschen, lieben und noch ein bißchen beieinanderliegen – das wurde das Ritual unserer Treffen.“(Vorleser 43) Das bildet ungefähr das erste Drittel des Romans, in dem Michael damit beschäftigt ist, seine entdeckte sexuelle Leidenschaft mit Hanna auszuleben. Der Erzählton fällt realistisch aus – wenn auch stark subjektiv eingefärbt. Die Ereignisse erfolgen aus einer kausalen Notwendigkeit aufeinander. Es ist ein ökonomisches Erzählen, das auf kontige Verkettung der Zeichen aufbaut. Die ritualisierten Begegnungen, an die der Text immer wieder erinnert, sind von einem Verhaltenskodex beherrscht, dessen Zeichen beide Beteiligten gut verstehen und respektieren. Der Film thematisiert ebenfalls die Beziehung stark, jedoch mit leichten Deviationen. Als Michael zum zweiten Mal vor dem Haus steht, werden Kohlesäcke ins Haus getragen; erzähltechnisch ein belangloses Objekt, möchte man meinen. Das Bild der Kohlesäcke wiederholt sich in wenigen Einstellungen mehrfach. Unmittelbar darauf wird Michael von Hanna aufgefordert, Kohle nach oben zu bringen. Danach muss er duschen, um dann von Hanna zum Sexualakt verführt zu werden. In diesem Sinn funktionieren die Bilder als Verweise auf kommende Ereignisse. Michael, der an dem mit Kohlesäcken voll beladenen Wagen am Eingang des Hauses vorbeigeht, muss später selbst Kohle schaufeln, was eine Dusche unerlässlich macht, die dann zum unentrinnbaren, aber stark ersehnten Körperkontakt mit Hanna führt. In dieser Hinsicht erfüllen diese Bilder, diese ikonischen Zeichen, im Film in ihrem Zusammenwirken indexikalische Funktionen, da sie kausal aufeinander verweisen. Die Einstellungen gehen ineinander über, sodass Elemente aus den einzelnen Einstellungen ihre Bedeutung erst in der ganzen Sequenz bekommen. Diese Filmtechnik beschreibt Tynjanov folgendermaßen: „Eine Einstellung folgt auf die andere, und jede trägt in sich das bedeutungshafte Zeichen der ihr vorangehenden, ist durch sie in ihrer ganzen Dauer bedeutungsmäßig eingefärbt“24. Narratologisch relevant ist hier nicht, dass das Bild Kohle Ähnlichkeit mit Kohle – die ikonische Funktion also – in Wirklichkeit hat, sondern die Relation des Zeichens Kohle mit den darauf folgenden Einstellungen in der ganzen Sequenz. Im Verlauf des Textes besteht diese Formel weiter, jedoch mit einer Substitution: Der Arbeitsaufwand, Kohle schaufeln, wird durch Lesen substituiert; Michael muss keine grobe Arbeit verrichten, damit er mit einer Dusche und einem Liebesakt entlohnt wird, sondern sich intellektuell betätigen. An den weiteren Abschnitten des Rituals ändert sich nichts: Lesen – Duschen – Lieben. Der Film gibt diese drei Abschnitte in Bildeinstellungen wieder, in denen der eine Vorgang den nächsten indiziert. In diesem Sinne kann das Lesen als Index für die Dusche, die Dusche ebenfalls als Index für den Liebesakt verstanden werden. So erfüllen die ikonischen Zeichen in der Filmdiegese auf narrativer Ebene eine indexikalische Funktion.

12 Der indexikalischen Funktion, die für eine Verkettung der Ereignisse sorgt, ist eine metonymische Funktion inhärent. Michael liest Hanna aus Schulliteratur vor; z. B. Emilia Galotti und Die Odyssee. Dass Michael Hanna aus diesen Büchern vorliest, impliziert ihre Einweihung ins Schulwesen und ihre langsame Befreiung vom Analphabetentum. Mit Michael kommt folglich ein Stück Schule in Hannas Wohnung.

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Die Einstellungen, die die Bücher zeigen, exemplifizieren auf metonymische Art Hannas Annäherung an die Bildung. Diese ikonischen Zeichen, die Bücher, die teilweise die Bildoberfläche füllen, sind also erzähltechnisch als Pars pro Toto zu verstehen: Die Schulliteratur steht für Schule und demzufolge für Bildung, an der Hanna teilhaben will. Die primären Referenzen sind in der Konstellation von zweitrangiger Bedeutung; vielmehr signalisiert das Vorlesen aus diesen Büchern einen Lernprozess, der bei Hanna schon früher angefangen hat– als KZ-Aufseherin ließ sie sich dort von Gefangenen aus Büchern vorlesen – und sich später im Gefängnis fortsetzen wird. Somit erfüllen die Filmeinstellungen in ihrer Verkettung eine indexikalisch- metonymische Funktion, die den Fortgang der Diegese begünstigen.

13 Ein Beispiel des Bild-Erzählens aus dem Film Das Parfum soll diese narrative Funktion ikonischer Zeichen noch mehr verdeutlichen. Der Roman erzählt die Geschichte des Jean-Baptiste Grenouille, der über einen außergewöhnlichen Geruchssinn verfügt, selbst aber keinen Geruch hat. Er sammelt Gerüche junger Frauen, die er tötet und deren Gerüche destilliert, bis er zum Schluss daraus sein Parfum schafft. Seine erste Mordtat erfolgt nach einer Begegnung mit einem Mädchen, das einen Mirabellenkorb in der Hand trägt. Der Romantext beschreibt die Begegnung mit dem Mädchen als eine Begegnung mit dem Geruch: Grenouille dachte, „er habe in seinem Leben noch nie etwas so Schönes gesehen, wie dieses Mädchen. […] Er meinte natürlich, er habe noch nie so etwas Schönes gerochen.“ (Das Parfum 54). Es ist also eine explizite Konzentration auf den Geruch, dem der Text mit allerlei Schilderungen der Geruchsnoten beizukommen, intendiert. Der Romantext verfolgt mehr die Geruchswahrnehmung, z. B. mittels Signifikantenhäufungen. Das Mädchen selbst wird nicht intensiv beschrieben wie die Gerüche, die es ausscheidet: Ihr Schweiß duftete so frisch wie Meerwind, der Talg ihrer Haare so süß wie Nußöl, ihr Geschlecht wie ein Bouquet von Wasserlilien, die Haut wie Aprikosenblüte…, und die Verbindungen all dieser Komponenten ergab ein Parfum so reich, so balanciert, so zauberhaft, daß alles, was Grenouille bisher an Parfums gerochen, alles, was er selbst in seinem Innern an Geruchsgebäuden spielerisch erschaffen hatte, mit einem Mal zu schierer Sinnlosigkeit verkam25.

14 Der Film aber vollzieht großformatige Darstellungen des Mädchens und rückt Gesicht, Haare, Brüste usw. in den Vordergrund. Die Verfolgung des Geruchs, auf den Geruchszeichen hinweisen, wird zu einer Verfolgung des Mädchens. So taucht das Mädchen in der Filmsequenz schon früher auf als im Textabschnitt und es kommt zu einem ersten Kontakt, doch das Mädchen rennt weg. Der unerbittliche Grenouille folgt ihr jedoch, bis er all ihre Gerüche in sich aufnimmt. Die Filmeinstellungen versuchen dem Umstand Rechnung zu tragen, textuell dargestellte Gerüche und Geruchswahrnehmung bildlich zu präsentieren. So kulminiert im Film die Geruchsekstase, in der sich Grenouille nun befindet, im Bild des Mädchens, respektive in der Ikone des Mädchens, die aber in der Engführung mit Grenouilles Riechaktivitäten in der Filmmontage zum Zeichen ihres Geruchs wird: Je stärker das Mädchen ins zentrale Geschehen rückt und sein Gesicht und Körper die Bildfläche füllen, desto intensiver die Exposition der Geruchswahrnehmung. Das Mädchen mit dem Mirabellenkorb ist in diesem Sinne eine Metonymie; es geht in dieser Sequenz nicht um die direkte Referenz rothaariges Mädchen, sondern um seinen Geruch. Das Mädchen indiziert den Geruch: Es ist mit Eco gesprochen ein Aufmerksamkeitsvektor, der Grenouilles Riechsinn lenkt. „Indizes [sind] Aufmerksamkeitsvektoren“26. Ferner – und zwar auf der breiten Ebene der Filmdiegese – präfigurieren die großformatigen

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Aufnahmen von Grenouilles Nase intensive Geruchswahrnehmungen, die in schlüssigen Stellen auf junge Mädchen schließen, die er erreicht und tötet, um von ihren Körperdüfte Besitz zu ergreifen. Nach diesem Muster erfolgt sein letzter Mord:

15 Grenouilles Nase wird gezoomt (Geruchswahrnehmung), darauf folgt die Bildeinstellung des jungen Mädchens, dann die nächsten Schritte: Mord, Enthaarung, Sammlung der Körpergerüche und als letzte Etappe die Geruchsdestillierung. Dieses Schema bildet im Parfum einen stabilen Handlungsstrang, in dem ikonische Zeichen wie im Vorleser in indexikalisch-metonymische Funktionen umgemünzt werden. Natürlich sind das keine genuinen Indexe, wie sie Semiotiker verstehen. Doch ein Index ist immer eine Spur, ein Verweis, ein „Anzeichen“27, und in diesem Sinn verwandeln sich in diesen Romanverfilmungen einige Bildzeichen – eigentliche Ikonen – in Indexe, durch eine Form der Verkettung. Jedes der obigen vier Bilder trägt einen Verweis, der wie ein Vektor auf das nächste Bild zeigt. So entsteht im narrativen Kontext des Films eine kausale Verknüpfung der Einstellungen.

16 Es ist also festzustellen, dass Filmeinstellungen, Bildzeichen, eine indexikalisch- metonymische Funktion zukommt, die die Narration in der Filmdiegese durch kausale Verweisstrukturen garantiert. Die Handlung treiben ikonische Zeichen voran, nicht durch ihre primären Referenzen sondern durch ihre Einbindung in syntagmatische Verkettungen. Doch die Spannweite der ikonischen Zeichen im Film erschöpft sich nicht in der indexikalisch-metonymischen Funktion. Es geht auch um Symbolgehalte, die auf konnotativer Ebene in Erscheinung treten.

Symbolische Funktion der Ikonen

17 Konnotationen im Film liegen vor, „wenn es erst einmal in seiner genauen syntagmatischen Position innerhalb der Rede, die der gesamte Film bildet, lokalisiert ist, gelingt es einem visuellen oder auditiven Motiv – oder auch einer Anordnung von visuellen oder auditiven Motivaten –, mehr zu sein, als es ist, und eine Sinnerweiterung zu erhalten“28. Diese Definition von Metz hat bis heute noch Geltung. Dem beipflichtend definiert Thompson die Konnotation wie folgt: „Konnotationen können als implizite Bedeutungen (implicit meanings) auftauchen, auf die das Werk verweist“29.

18 Filmeinstellungen bestehen meistens nicht aus fixen Porträtierungen der Figuren oder aus einzelnen Gegenständen vor leerem Hintergrund. Weitere Elemente wie Raumtiefe und Kostümierung sind Faktoren von erheblicher Eminenz, denn im Film muss die Raumtiefe gefüllt werden. Damit weist der Film ein Charakteristikum auf, das in Texten nicht auftritt. Solche Elemente können Einstellungen und Sequenzen mit einem Bedeutungsmehrwert aufladen, den im Text nicht-visuelle Zeichen artikulieren. Ferner kann der Mehrwert mancher Einstellungen mit dem anderer Einstellungen korrespondieren. So kann man von einer weiteren Bedeutungsebene, einer symbolischen Bedeutungsebene, sprechen.

19 Im Film Das Parfum ist eine sehr kurze Einstellung zu verzeichnen, in der ein blauer Stoff in den Vordergrund tritt. Diese Einstellung ist Teil einer langen Sequenz, in der Grenouille durch die Straßen von Paris umher läuft und alle Gerüche in sich hinein saugt. Wählerisch ging er nicht vor. Zwischen dem, was landläufig als guter oder schlechter Geruch bezeichnet wurde, unterschied er nicht, noch nicht. Er war

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gierig. Das Ziel seiner Jagden bestand darin, schlichtweg alles zu besitzen, was die Welt an Gerüchen zu bieten hatte (Das Parfum 48),

20 so der Roman. Ein Hinweis auf einen blauen Stoff fehlt jedoch, wie bei der ersten Begegnung mit dem Mädchen in Grasse, die rein olfaktorisch ausfällt: „Grenouille sah dieses Mädchen in seiner olfaktorischen Vorstellung wie auf einem Bilde vor sich“ (Das Parfum 216). Der Film macht aber aus dieser Geruchsbegegnung eine visuelle Begegnung am Grabmal der Mutter des Mädchens im großen Garten der Familie. Das Mädchen trägt ein blaues Kleid. Diese blaue Kostümierung wird am Ende des Textes nach vollbrachtem Werk, d. h. nachdem Grenouille obiges Mädchen umgebracht und dessen Geruch seinem Parfum hinzugefügt hat, in Erscheinung treten. Nun trägt Grenouille einen blauen Anzug. Diese blaue Motivik im Film konstruiert ein Setting, das vom Text abweicht. Das Blaue als Stoffmotiv am Anfang und fast flüchtig wahrnehmbar, dann als Kleid des Mädchens, dessen Geruch Grenouille im Text zum höchsten Duftprinzip erhöht, und letztendlich als Grenouilles Anzug selbst, unterstützt im Film eine andere Bedeutungsebene. Das Kleid des Mädchens ist mehr als ein Kleidungsstück. Es inkorporiert eine Sehnsuchts- und Liebesfigur: Es ist Abend, Grenouille schleicht sich in den Garten. Das Mädchen kommt in einem blauen Kleid und trägt eine weiße Rose zum Grab der Mutter: Sowohl raumzeitliche Disposition – Abend im Park – als auch Farbsymbolik inszenieren eine unstillbare Sehnsucht nach einem Liebesobjekt, das in greifbarer Nähe ist, jedoch nicht erreichbar. Nicht nur die blaue Farbe demonstriert das, sondern auch die weiße Blume, die natürlich die Trauer des Abschieds von der geliebten Mutter symbolisiert, aber auch Grenouilles Sehnsucht ins Ewige dehnt. Für ihn ist, die Liebe zu erreichen, genauso wenig zu realisieren, wie Tote ins Leben zurückzurufen. Diese Ikonen, das blaue Kleid und die weiße Rose, sind Zeichen romantischer Provenienz. Inkorporiert das blaue Kleid Grenouilles Sehnsucht – Blau ist ja dezidiert die Farbe der Sehnsucht in der romantischen Literatur –, so versinnbildlicht die weiße Rose die Unerreichbarkeit der ersehnten Geliebte. Diese Symbolebene der ikonischen Zeichen im Film stützt ein Paradigma der Sehnsucht, das im Text in dieser Form nicht dargeboten wird. Diese zentrale Sequenz im Film wird an später Stelle wieder aufgegriffen: Der Triumph im blauen Anzug vor den Grasser Massen ist konnotativ gesprochen der Triumph, in die Haut des geliebten Mädchens schlüpfen zu können, nachdem Grenouille sein Werk, sein Parfum, vollbracht hat. Diese Vollendung treibt Grenouille jedoch Tränen in die Augen, die ihn sehr weit zurückwerfen, zu seinem ersten Mord, zum ersten geliebten Mädchen mit dem Mirabellenkorb: Der Film vollzieht eine Bildmontage zwischen Grenouille im blauen Gewand auf der vom Richtplatz zum Siegespult verwandelten Stelle und dem phantasmatischen Liebesakt mit dem Mädchen, das in ihm erste Sehnsüchte erweckt hat. Somit schließt sich der symbolische Kreis einer Liebesgeschichte von unstillbarer Sehnsucht. Die Responsionen zwischen diesen ikonischen Zeichen, die allesamt eine Sehnsuchtssymbolik beschwören, transponieren die gesamte Geschichte eines mörderischen Genie-Parfümeurs in eine rührende Geschichte der Sehnsucht.

21 Mithin wird deutlich, dass die Einstellungen im Film über ihre indexikalische Funktion in der Filmdiegese als Verkettung von Ereignissen, die Grenouille zur Herstellung eines Parfums aus den Gerüchen junger Mädchen verhelfen, hinausgehen und eine symbolische Ebene schaffen, die Grenouilles Geschichte als Parfümeur in eine Liebesgeschichte umcodiert30. Die Ikonen im Film arbeiten in diesem Sinne auf zwei Ebenen: auf einer indexikalisch-metonymischen Ebene, die den Fortgang des Filmgeschehens stützt und einer symbolischen Ebene.

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22 Im Film Der Vorleser ist Ähnliches festzustellen. Hanna war bei der SS als Aufseherin in einem Lager. Frauen waren in eine Kirche eingesperrt, die von einer Bombe getroffen wird und Feuer fängt. Die Mehrzahl der eingesperrten Frauen stirbt beim Brand. Hanna und die anderen Aufseherinnen werden beschuldigt, die Tür der Kirche geschlossen zu halten und so die Frauen nicht vor dem Brand zu retten. Während der Text Hanna anhand falscher Kausalität entlastet – der Grund für ihre Taten bzw. Untat im Nationalsozialismus sei ihr Analphabetentum, setzt die Ikonik des Filmes auf eine andere Technik, die Hanna – weil zur Alleinschuldigen erklärt wird, Analphabetin ist und dies aus Scham nicht verraten will – von der Rolle der Mittäterschaft subtil in die Rolle des Opfers schlüpfen lässt. Der Film zeigt Einstellungen einer ausgelieferten Hanna im Gewand eines den Tränen nahen Opfers. Allein kämpft sie im Prozess gegen die Justiz und die anderen Aufseherinnen, die im Film anders als Hanna vom Justizpersonal abgeschirmt, gemütlich dasitzen und nicht einzeln verhört werden, dabei richtig grimmig und böse wirken und gemeinsam gegen Hanna aussagen. Mit diesen Bildeinstellungen übertrifft der Film den Text. Die Möglichkeiten, die den ikonischen Zeichen im Film zukommen, erlauben eine neue Argumentationsschiene. Die Sequenz der Gerichtsverhandlung zeigt auf der denotativen Ebene eine Hanna Schmitz, die aufgrund eines falschen Schuldbekenntnisses und schlechten Verhaltens zu 19 Jahren Haft verurteilt wird. Doch die betonte räumliche Isolierung Hannas im Gerichtssaal, die in mehrfachen Einstellungen hervorgehoben wird und ihre ins Gesicht geschriebene ausdrückliche Hilflosigkeit erzeugen einen Effekt der Rührung. Hanna wird bemitleidenswert. In der geschickten Emotionalisierung des Zuschauers wird Hanna in dem Augenblick zur Heldin, als sie die Verantwortung, die ihr von den Mitangeklagten untergeschoben wird, auf sich nimmt. Die schöne, schüchterne, freundliche Hanna wird im Zeugenstand zum Opfer, das auf das Konto der grimmigen, verhärmten, alten Aufseherinnen auf der Anklagebank geht31.

23 Die ikonischen Zeichen implizieren in diesem Sinne ein Opfer. Die ganze Gerichtsverhandlung, die auf den ersten Blick im Film und Text wohl gegen Hanna verläuft, verleiht ihr tragische Größe: Hanna sitzt im Zentrum des Gerichtssaals und trägt auf ihren Schultern die Schuld aller. Somit wird Hanna Schmitz, die Aufseherin im Lager, die Frauen und Kinder in einer Kirche verbrennen ließ, gegen das Bild einer Hanna von tragischer Größe ausgetauscht. Ihre Ikone im Gerichtssaal konnotiert ein tragisches Opfer.

24 Dieses Symbol des tragischen Opfers wird nicht nur in dieser Sequenz proklamiert, sondern im ganzen Film angedeutet. Sehr früh, noch bevor Michael von Hannas Vergangenheit bei der SS erfährt und auf einem Ausflug, den sie gemeinsam unternehmen, gehen beide in eine Kirche; der Chorgesang treibt Hanna Tränen in die Augen. Ihre groben Umgangsformen treten dabei zugunsten einer weicheren Figur zurück. Jedoch wird die Einstellung in der Kirche im Hinblick auf die späten Enthüllungen ihrer Vergangenheit insofern evident, als sie Hannas Reue und Schuldbewusstsein vorwegnimmt, Jahre bevor der Prozess beginnt. Die Einstellung in der Kirche konnotiert eine früh ansetzende Auseinandersetzung mit der eigenen Schuld.

25 Nach der Gerichtsverhandlung besucht Michael das Konzentrationslager Struthof im Elsass: „Das Lager war geschlossen“ (148) heißt es im Text. Michael, der versucht, den „Zivilisationsbruch“32, zu verstehen, steht vor der Unmöglichkeit der Erinnerung: Die Vorstellung, wie es darin war, ist nicht zu vergegenwärtigen (149): „Aber die fremde

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Welt der Konzentrationslager war mir darum nicht nähergerückt.“ (152) Die direkte Botschaft dieser Szene ist die aus Michaels Sicht dargestellte Unmöglichkeit, die Vergangenheit zu verstehen, d. h. die Vergangenheit sichtbar zu machen.

26 Doch die kinematographische Inszenierung der Sequenz liefert eine eindringliche Verfremdung, nahezu ständig in grauem Farbton: Drahtgitterzaun, Kästen voller Schuhe, Schlaflager, Krematorium, alles in schwerer Düsternis. Dieses graue Bündel von Zeichen – auch in diesem Film springt Farbikonik ins Auge – denotiert unmissverständlich, wie für Michael der Nationalsozialismus ein fremder mit Stacheldraht umzäunter Raum geworden ist, der eher geheimnisvoll wirkt als Erklärungen anbietet, konnotiert gleichwohl eine große unüberbrückbare raumzeitliche Distanz zu einer Zeit, in der Hanna schuldig war. Darin steckt eine Volte des Films: Die heutige Hanna vor dem Gericht trägt kaum Spuren jener Zeit, womöglich weil sie mit der Aufarbeitung selbständig schon lange begonnen hat, wie die Einstellung in der Kirche einräumt. Die Grausamkeiten des Nationalsozialismus stehen jedoch den anderen Aufseherinnen ins Gesicht geschrieben. Makellos sitzt aber Hanna vor dem Richter und sagt aus. Obwohl sie dabei aufgrund fehlerhafter Beweisaufnahme vom Gericht schuldig gesprochen wird, wird sie sowohl im Romantext als auch im Film zur Sympathieträgerin verklärt. Damit spinnt sich auch in diesem Film eine narrative Ebene, die die primäre Referenzebene überwindet und die Diegese des Films von einem Nazi-Prozess in nahezu eine Verurteilung einer Unschuldigen verwandelt; diese Intention ist implizit und wird von ikonischen Zeichen getragen, die auf symbolischer Ebene interagieren.

27 Die Analyse zeigt, dass die Romanverfilmungen keine simple Umwandlung von Textnarrationen in Filmnarrationen sind, sondern dass die Bilder als ikonische Zeichen, die ebenfalls von der Filmtheorie des Öfteren auch als Indexe verstanden werden, auf narrativer Ebene eine doppelte Funktion erringen: 1. Die Einstellungen als Ikonen konstruieren insofern narrative Settings als sie aufeinander verweisen, d. h. eine Einstellung indiziert die nächste und jede Einstellung verarbeitet weiter den Inhalt der vorhergegangenen. Bei diesem Interagieren ikonischer Zeichen ist nicht die primäre Referenz auf ein Bezugsobjekt relevant, sondern das kausale Umfeld. Die Abhandlung definiert diese Verkettung von Einstellungen als indexikalisch-metonymische Funktion im Film, die aus Ikonenkombination hervorgeht. 2. Ikonen stützen die Herausbildung von Symbolebenen, die implizite Bedeutungsinhalte fördern. Natürlich, nicht jede Einstellung, nicht jede Ikone, hat eine symbolhafte Dimension, sondern bestimmte, die Responsionen mit anderen Zeichen bilden und eine gefestigte mittelbare Bedeutungsebene kreieren. Das ist alles der Verdienst der Ikonen im Film, weil sie gerade in einer filmischen Narration nicht die bildliche isolierte Identifikation mit dem, was sie abbilden, sind, sondern von ihrem syntaktischen Umfeld abhängen, und zwar auf indexikalisch-metonymischer, aber auch auf konnotativer Ebene. Ikonische Zeichen bilden im Film Syntagmen auf denotativer und konnotativer Ebene.

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NOTES

1. Christian Metz, „Probleme der Denotation im Spielfilm“, in: Franz-Josef Albersmeier (Hrsg.), Texte zur Theorie des Films, Stuttgart, Reclam, 2003, S. 321-370, hier S. 328. 2. James Monaco, Film verstehen. Kunst, Technik, Sprache, Geschichte und Theorie des Films und der Neuen Medien, Hrsg. Hans-Michael Bock, Reinbek, Rowohlt, 2009, S. 48. 3. Matías Martinez / Michael Scheffel, Einführung in die Erzähltheorie, München, Beck, 1999, S. 110; dazu auch Kuhn, „Minimalbedingung der Narrativität: Es muss mindestens eine Zustandsveränderung in einem gegebenen zeitlichen Intervall dargestellt werden. Der Ausgangszustand vor und der Endzustand nach der Veränderung müssen dabei explizit repräsentiert sein, die Veränderung selbst und ihre Bedingungen nicht.“ (Markus Kuhn, Filmnarratologie. Ein erzähltheoretisches Analysemodell, Stuttgart, de Gruyter, 2011, S. 21). 4. Jan Marie Peters, „Die Struktur der Filmsprache“, in: Franz-Josef Albersmeier (Hrsg.), Texte zur Theorie des Films, Stuttgart, Reclam, 2003, S. 371-388, hier S. 376. 5. Ebd. S. 374. 6. Christian Metz, Langage et cinéma, Paris, Larousse, 1971. 7. Peter Wollen, Signs and Meaning in the Cinema, Bloomington, Indiana University Press, 1972. 8. Umberto Eco, Einführung in die Semiotik, München, Fink, 1994, S. 205. 9. Franz K. Stanzel, Theorie des Erzählens, Göttingen, UTB, 1995, S. 152 f. 10. Das Parfum, R.: Tom Tykwer, Deutschland / Frankreich / Spanien / USA, 2006, DVD, Constantin Film, 2007. 11. Der Vorleser, R.: Stephen Daldry, Deutschland / USA, 2008, DVD, Universum Film, 2009. 12. Peters, Die Struktur der Filmsprache, a.a.O., S. 372. 13. Ebd. S. 372 f. 14. Silke Lahn / Jan Christoph Meister, Einführung in die Erzähltextanalyse, Stuttgart, Metzler, 2008, S. 270. 15. Gottfried Boehm, „Jenseits der Sprache? Anmerkungen zur Logik der Bilder“, in: Dorothee Kimmich / Rolf G. Renner / Bernd Stiegler (Hrsg.), Texte zur Literaturtheorie der Gegenwart, Stuttgart, Reclam, 2008, S. 476-492, hier S. 490. 16. Monaco, Film verstehen, a.a.O., S. 169. 17. Vinzenz Hediger, „Illusion und Indexikalität. Filmische Illusion im Zeitalter der postphotographischen Photographie“, in: Deutsche Zeitschrift für Philosophie, Bd. 54 (1), S. 101-110, hier S. 101; dazu auch: Wollen: „It was the iconic aspect of the sign which Von Sternberg stressed […] in order to conjure up a world, comprehensible by virtue of resemblances to the natural world“ (Wollen, Signs and Meaning in the Cinema, a.a.O., S. 137). 18. Peirce, Charles Sanders, Collected Papers, Bd. 5., Bd. 1-6 Hrsg. von Charles Harsthorne / Paul Weiss, Bd. 7-8 von Arthur W. Burks, Cambridge / Mass., Harvard University Press, 1931-1958, S. 56. 19. Ebd., Bd. 2., S. 306. 20. Hediger, Illusion und Indexikalität, a.a.O., S. 101. 21. Tom Gunning, „Moving Away from the Index: Cinema and the Impression of the Reality“, In: Differences. A Journal of Feminist Cultural Studies, Bd. 18 (1), Duke University Press, 2007, S. 29-52, hier S. 47. 22. Hediger, Illusion und Indexikalität, a.a.O., S. 108. 23. Bernhard Schlink, Der Vorleser, Zürich, Diogenes, 1997. 24. Juri N. Tynjanov, „Über die Grundlagen des Films“, in: Franz-Josef Albersmeier (Hrsg.), Texte zur Theorie des Films, Stuttgart, Reclam, 2003, S. 138-171, hier S. 143. 25. Patrick Süskind, Das Parfum. Die Geschichte eines Mörders, Zürich, Diogenes, 1994, S. 54 f.

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26. Umberto Eco, Zeichen. Einführung in einen Begriff und seine Geschichte, Frankfurt a.M., Suhrkamp, 1977, S. 157. 27. Vgl. Uwe Wirth, „Spuren am Rande. Zwischen genuiner und degenerierter Indexikalität“, in: Heike Gfrereis / Marcel Lepper (Hrsg.), deixis – vom Denken mit dem Zeigefinger, Göttingen, Wallstein Verlag, 2007, S. 181-195, hier S. 184. 28. Metz, Probleme der Denotation im Spielfilm, a.a.O., S. 323. 29. Kristin Thompson, „Neoformalistische Filmanalyse“, in: Franz-Josef Albersmeier (Hrsg.), Texte zur Theorie des Films, Stuttgart, Reclam, 2003, S. 427-464, hier S. 433. 30. Vgl. Wolfgang Delseit und Hannes Fricke, „Das Parfum (Patrick Süskind – Tom Tykwer). Positiver Held und unbegreifliches Genie: Über die Schwierigkeiten, der (eigenen) Filmsprache zu vertrauen“, in: Anne Bohnenkamp (Hrsg.), Literaturverfilmungen, Reclam, Stuttgart, 2012, S. 351-368, hier S. 356 f. 31. Michael André, Hanna, mon Amour, in: http://www.freitag.de/autoren/der-freitag/hanna-mon- amour (26.02.2009). 32. Klaus Köhler, Alles in Butter. Wie Walter Kempowski, Bernhard Schlink und Martin Walser den Zivilisationsbruch unter den Teppich kehren, Würzburg, Königshausen & Neumann, 2009, S. 253.

RÉSUMÉS

Aufgrund der Transformation sprachlicher Ausdrücke in Bildausdrücke im Film folgt die Filmnarration anderen Gesetzen als die Textnarration. Da Bilder dem abgebildeten Gegenstand in gewissem Grade ähneln, neigt die Forschung dazu, die Filmzeichen als Ikonen bzw. als Indexe zu bezeichnen, die dann mit ihren Bezugsobjekten leicht zu identifizieren sind. Der Aufsatz verwirft diese eindimensionale Identifikationsformel und untersucht Romanverfilmungen auf der Grundlage der Interaktion von Filmeinstellungen. Am Beispiel einer Analyse der Filme Das Parfum und Der Vorleser sind zwei unterschiedliche Funktionen der Filmeinstellung zu erkennen, die jenseits primärer Referenzen filmischer Bilder die narrative Rolle der Zeichen demonstrieren. 1. Indexikalisch-metonymische Funktion: Die Einstellungen verweisen aufeinander, d. h. eine Einstellung indiziert die nächste und jede Einstellung verarbeitet weiter den Inhalt der vorhergehenden. Dabei bedient sich die Filmnarration der Trope Metonymie als Verfahren, das im ökonomischen Modus und durch Ersatzrelationen – Buch als Metonymie für Schule; Mädchen als Metonymie für ihren Geruch – die Handlung vorantreibt. 2. Symbolische Funktion: Manche Zeichen erringen in Korrespondenz mit anderen Zeichen eine Sinnerweiterung, die durch konnotierte Signifikationsverhältnisse in Erscheinung treten und der gesamten Diegese eine sekundäre Bedeutungsebene verleihen. Beide narrativen Funktionen übertreffen die direkte primäre Referenz der Zeichen und lassen neue in der syntagmatischen Interaktion der Filmdiegese entstehen.

La narration dans un film fonctionne autrement que la narration dans un texte à cause de la transformation des mots en images. Étant donné que les images correspondent à ce qu’elles présentent, les études en ce domaine ont tendance à définir les images des films comme des icônes ou des index qui peuvent être évidemment identifiés avec leurs signifiés. L’article rejette ce postulat d’identification unidimensionnelle et analyse des adaptations cinématographiques sur la base d’interactions entre les images du film. L’analyse des deux films Le Liseur et Le Parfum démontre deux fonctions narratives des images qui dépassent les signifiés primaires :

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1. la fonction indexicale-métonymique : les images sont régies par des références réciproques, une image renvoie à celle qui suit, et chaque image traite le contenu de l’image précédente. Dans ce contexte, la narration « cinéastique » utilise la métonymie comme procédure, qui gère le développement de l’action filmique dans un mode économique et remplace des objets par des signes qui leur sont reliés. 2. la fonction symbolique : les images se correspondent à un niveau connotatif, qui dévoile leurs valeurs implicites. L’interaction des icônes suggère un sens secondaire et symbolique pour toute la diégèse. Ces deux fonctions dépassent les référents primaires des signes et soutiennent la formation des autres significations dans l’interaction syntagmatique des éléments de la diégèse.

Because of the transformation of word expressions into image expressions in movies the film narration follows other rules than textual narrations. As images are in some way similar to the objects they refer to, researchers intend to define film-signs as icons or indexes that are easy to identify with their reference objects. The article refutes this univariate identificational formula and analyses film adaptations on the basis of interactions between film-images. The analysis of the movies The Reader and The Perfume demonstrates two main functions of film-images which play an important narrative role over the primary references of film-images: 1. Indexical metonymic function: images refer to each other. One image indicates the next one, and every image handles the content of the antecedent. Metonymy in this function is exactly the procedure of narration which substitutes some objects through related signs allowing an economic narration and the progress of the plot. 2. Symbolic function: in correspondence with others, some images achieve a sense on a second level, a level of connotative significations that elaborate a secondary meaning for the whole diegesis. In movies both narrative functions are more important than the primary reference, they produce new references in the syntagmatic interaction of elements within the diegesis.

INDEX

Mots-clés : film, cinéma, adaptation cinématographique, thriller

AUTEURS

BRAHIM MOUSSA Université de Carthage

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Fiktion-Gesellschaft-Differenzen am Beispiel filmischer Raumkonstruktionen in deutschsprachiger Gegenwartsliteratur der 2000er Jahre Film-aesthetic space structures to explicit literary/social differences in german literature in the 2000s Des différences sociales et littéraires illustrées par le biais de constructions d’espaces filmiques dans la littérature germanophone des années 2000

Jan Drees

Gehört das System der Literatur zur Gesellschaft, oder ist es, anders als Systeme wie Recht, Politik, Medizin, Moral, von dem, was Gesellschaft genannt wird, differenziert? Vermutet wird, dass ein Teil der deutschen Gegenwartsliteratur der 2000er Jahre eben diese Fragestellung auf eine spezifische Art und Weise thematisiert, und zwar derart eindrucksvoll, dass hieraus nahezu im Verborgenen eine Strömung entstanden ist, welche die beiden zeitgleich zu beobachtenden Phänomene der so genannten „Pop-“ und der „Fräuleinliteratur“ an Wirkungsmacht übertrifft. Zu belegen ist, dass Texte existieren, die auf eine spezifische Weise „filmische Räume“ inszenieren, um eben diese Literatur/Gesellschaft-Differenz von der Realitäts- bzw. Gesellschaftsebene auf die Fiktionsebene zu überführen. Nach einer kurzen, für den vorliegenden Aufsatz nutzbar gemachten Definition filmischer Räume folgt ein ebenso kurzer Überblick über das Problem der nach Niklas Luhmanns Systemtheorie beschreibbaren Differenz von Literatur und Gesellschaft. Anhand von drei exemplarischen Texten der in besagten 2000er Jahren

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veröffentlichenden Thomas Glavinic und Thomas von Steinaecker wird gezeigt, wie der filmische Raum als „Text im Text“ inszeniert wird. Die Argumentation meiner These steht in Bezug zu einem mittlerweile 30 Jahre zurückliegenden Happening und drei literaturwissenschaftlichen Studien jüngeren Datums1. Beim Bachmann-Preis 1983 schnitt sich der damals 29-jährige Punkautor Rainald Goetz vor Publikum in die Stirn. Sein Blut tropfte auf das Papier. Auf diesem stand Goetz’ Text Subito, der von einem Autor erzählt, der zu den Tagen der deutschen Literatur nach Klagenfurt fährt, sich dort während seiner Lesung in die Stirn ritzt – und blutet. Die im System der Gesellschaft angelegte Leseperformance tritt dadurch in eine Interdependenz zum literarischen Text. Goetz löst die Differenz Gesellschaft/Literatur zugunsten einer „besseren Differenz“ auf. Indem Goetz’ reales Blut aufs Papier tropft, in den fiktionalen Text jedoch nicht eindringt, bleibt folgende Frage offen: Blutet der Autor, weil es im Text steht, oder steht das Blut im Text, weil sich der Autor bei der späteren Lesung schneidet? Durch eine sich nicht auszutauschende Realitätsverdopplung wird die Differenz Gesellschaft/Literatur bzw. Realität/ Fiktionalität explizit2. Dieses Verfahren behält Goetz bis heute bei. Natalie Binczek schreibt in ihrem Aufsatz über die Poetik des Sekundären in Goetz’ loslabern: „Was der Ich-Erzähler hier – im Konjunktiv – erwägt und als einen ,praktischen Theoretismus‘ bezeichnet, deutet auf ein Werkkonzept hin, das die Differenz von Text und Kommentar bzw. Text und Epitext untergräbt, weil es beides beinhaltet und nur, wenn es beides beinhaltet, d.h. also auch sämtliche Reaktionen auf den Text antizipiert, ein ,fertiges Buch‘ werden kann“3. Goetz bedient sich theatraler Topographien, um die von Luhmann behauptete Kunst/ Gesellschaft-Differenz zu markieren. In der folgenden Analyse soll gezeigt werden, wie knapp 20 Jahre später neue Ausbildungen filmischer Topographien zur Markierung der Kunst/Gesellschaft-Differenz instrumentalisiert werden. In dieser Argumentation geht es keineswegs um intertextuelle Verweise, also um die Frage, welche Filme in den zu beobachtenden Texten aufscheinen4.

Narratologien im Film um das Jahr 2000

Die topographische Materialisierung der hier beobachteten deutschen Gegenwartsliteratur steht unter dem massiven Eindruck von sieben Kinofilmen, die zwischen 1998 und 2001 erschienen sind: In Lola rennt (1998) von Tom Tykwer erscheint die erzählte Welt als eine von vielen möglichen Welten, die Handlung ist inkonsistent, präsentierte Szenen werden stets aufs Neue zugunsten einer geänderten histoire zurückgenommen. Fight Club (1999) präsentiert einen schizophrenen Helden, dessen zwei Persönlichkeiten, für den Zuschauer nicht dechiffrierbar, von unterschiedlichen Schauspielern (Edward Norton, Brad Pitt) dargestellt und erst zum Schluss als Realität/ Wahn-Differenz markiert werden. Im Blockbuster The Matrix (1999) erkennt der Hacker Thomas A. Anderson, dass seine Realität lediglich eine computerbasierte Virtual Reality ist. In der „echten Wirklichkeit“ wurden die Menschen von einer kollektiv-künstlichen Intelligenz versklavt. Ihr Bewusstsein lebt in programmierten Träumen. Im Kriminalfilm Memento

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(2000) werden, zunächst unmarkiert, ein chronologisch fortlaufender und ein chronologisch entgegengesetzter Handlungsstrang präsentiert. Der Mystery-Thriller Mulholland Drive (2001) operiert mit zahlreichen Handlungswechseln und Motivumdeutungen. Die Darsteller der beiden Hauptfiguren wechseln zur Filmmitte, sodass der Aufbau einer diegetischen Realität hintertrieben wird. The Sixth Sense (1999) erzählt die Geschichte einer bereits toten Figur, deren Ermordung zu Beginn des Films gezeigt wird, ohne jedoch im Folgenden aufzuklären, dass nicht die Realität der Lebenden, sondern die Realität des Toten präsentiert wird. Dieses formalen Kunstgriffes bedient sich ebenso The Others (2001), wenn die scheinbar von Geistern heimgesuchten Figuren als die tatsächlich Untoten demaskiert werden. Den sieben Filmen gemein ist ihre Abkehr von gewohnten filmischen Erzählverfahren. In konstruktivistischer Manier wird die mise en scène als Mimesis der Realität inszeniert, um später eine Differenz zwischen Realität und Virtualität zu markieren, und der metaphysisch schicksalhaften Notwendigkeit ein Kontingenzprinzip entgegenzusetzen. Die im Folgenden zu analysierenden Texte Glavinics und von Steinaeckers spielen mit diesen bereits aus dem Film bekannten Realität-Virtualität-Differenzen. Vermittels einer „Beobachtung zweiter Ordnung“ den virtuellen Raum als Film- oder Bild-Raum in Differenz zum Text-Raum inszenieren5.

Der filmische Raum

Angelehnt an Rayd Khoulokis maßgebliche Studie über Konstruktion, Wahrnehmung und Bedeutung des filmischen Raums wird dieser formal definiert als mise en scène, bei der eine zweidimensional projizierte Aufnahme den zuvor abgefilmten dreidimensionalen Raum lediglich vorspiegelt. Die einzeln fotografierten Bilder illusionieren in der Projektion eine tatsächlich nicht existierende Bewegung: Dieser Eindruck wird durch den ständigen Perspektivwechsel verstärkt, der mit der Bewegung einhergeht, sei es die Bewegung der Kamera oder die Bewegung vor ihr. Fährt die Kamera zum Beispiel um einen Gegenstand herum, erfährt der Zuschauer dessen dreidimensionale Ausdehnung im Bewegungsablauf6. Khouloki stellt mittels Auswertung des filmtheoretischen Kanons — von Balázs’ Der Film. Werden und Wesen einer neuen Kunst über Eisensteins Montage 1938 bis zu Robin Curtis’ Über die Grenzen des Körpers hinaus, einen Überblick zusammen, der nahezu alle im Film verwendeten Gestaltungsmittel vorstellt, die bisher für die Raumillusionierung und -inszenierung nutzbar gemacht worden sind. Beschrieben wird „in einer Art phänomenologischer Darstellung“ (Khouloki S. 96), welche Möglichkeiten der Konstruktion filmischen Raums entwickelt wurden, in welcher Weise neben den bereits oben aufgezählten Techniken auch Verfahren der Raumbeleuchtung, die Verwendung von Tiefenschärfe und -unschärfe oder die Schaffung nichteuklidischer Räume die Beobachtung des Zuschauers lenken. Ein separates Kapitel analysiert Raumdynamisierungen durch unterschiedliche Arten der Kameraführung, vergleicht Montagetechniken und erläutert, wieso der Zuschauer den ihm präsentierten Filmraum über die Grenzen der Leinwand hinaus verlängert und in welcher Weise beispielsweise die Zeitlupe in hyperrealer Manier Strukturen offenlegt, die dem Bewusstsein üblicherweise unbekannt sind. Montagen, Schnitte, Überblendungen, die Verwendung verschiedener Brennweiten und perspektivische

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Bildkonstruktionen, welche wiederum zurückgreifen auf Erkenntnisse der Kognitionspsychologie, qualifizieren die Inszenierung des filmischen Raums als singuläre Kunstform, die sich insbesondere aufgrund ihrer technischen Möglichkeiten deutlich von anderen Kunstformen abgrenzt. Zwar gibt es Rückgriffe, wie auf die in der Malerei entdeckte „Zentralperspektive“. Jedoch hat ein steter technischer Fortschritt, von der ersten Kamerafahrt bis zum neuesten Computertrick, die Möglichkeit derart spezifischer Weltkonstruktionen geschaffen, dass deren Anlehnung in einem literarischen Text deutlich auf den Film rückführbar ist. Es ist also keinesfalls so, dass „filmische Räume“ lediglich durch Übernahmen von Kriterien anderer (sozialer, körperlicher, politisch-geographischer) Räume definiert sind. In einem weiteren Teil seiner Studie stellt Khouloki den technischen Möglichkeiten nun ästhetische Parameter gegenüber: „Es geht nicht darum, ob ein Bild zentralperspektivisch, mit Weitwinkel- oder Teleobjektiv oder ähnlichem konstruiert ist, sondern darum, welche Raumwahrnehmung erzeugt wird. Ist ein Raum zum Beispiel beengend, oder evoziert er ein Gefühl von Weite? Betont die Raumkonstruktion die Flächigkeit des Bildes, oder versucht sie den Eindruck von Tiefe zu erzeugen?“ (Khouloki, S. 213). Bei der Analyse der hier vorgestellten Texte werden jene filmwissenschaftlichen Termini verwendet, die Khouloki in seiner Studie erstmalig bereitstellt. Mit diesen Begriffen wird gefragt, in welchem Bezug die sinnlich zugängliche „Realität“ und die dargestellte, konstruierte Fiktionalität des Films in den jeweiligen literarischen Texten stehen. Daraus wird die Problematisierung einer grundsätzlichen Differenz literarischer Beobachtung im Verhältnis zu dem was Luhmann „Gesellschaft“ nennt eröffnet.

Luhmanns Differenz von Kunst/Gesellschaft

Da im Folgenden zu analysieren ist, in welcher Weise der Aufbau filmischer Räume eine System-Umwelt-Differenz explizit macht, soll kurz auf Niklas Luhmanns Verständnis der „Literatur als Beobachtung 2. Ordnung“ eingegangen werden. In seinem Essay Weltkunst7 wird analysiert, in welcher Weise Kunst die Welt beobachtet. Moderne Kunst möchte selbst als Beobachter wahrgenommen werden, nicht mehr bloße Mimesis sein8. Durch Form konstruiert der Künstler laut Luhmann eine fiktionale Realität, die der ontologisch fassbaren realen Realität gegenübersteht. Dieser Formunterschied lässt schlussfolgern, dass die Realität der Kunst von der Realität differenziert ist. In Luhmanns Die Kunst der Gesellschaft werden Kunstwerke des Weiteren als realisierte Beobachtungen zweiter Ordnung klassifiziert. „Das Kunstwerk stellt seine eigene Realität fest, die sich von der gängigen Realität unterscheidet“9. In ihr können auch nicht realisierte Möglichkeiten der realen Realität angeboten werden, wobei von Vision bis Kritik alles ausführbar wird. Teilsysteme beobachten die sie umgebende Umwelt nach einer jeweils spezifischen Leitdifferenz, sie operieren mittels eines binären Codes, der sie zunächst von ihrer Umwelt unterscheidet, mit dem sie aber auch selbst unterscheiden, innerhalb und in Bezug auf die Umwelt des Systems: „Der die Operationen des Rechts anleitende Code besteht in der binären Differenz Recht/ Unrecht“ (Ebd., S. 147). Kunst beobachtet ihre Umwelt nach dem Code „schön/hässlich“ 10.

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Luhmann rekonstruiert in Die Literatur als fiktionale Realität den 300-jährigen Weg nicht- realer Lektüre11. Ihr frühes Anliegen soll darin bestanden haben, die Realitätsferne unmodischer Ritterromane zu umgehen, gleichzeitig jedoch eine „virtuelle Welt“ (Ebd., S. 277) zu präsentieren, die „als andere Welt erfahren“ (Ebd. S. 277) werden kann. Durch die Figur des „re-entry“12 wird die Differenz von realer und fiktionaler Realität ins System der Fiktionalität wieder eingeführt: „Mit Realität ist einerseits eine Seite der Unterscheidung, nämlich das Antonym zu Fiktionalität bezeichnet, aber andererseits auch die Unterscheidung selbst, die ja irgendwie in der Welt getroffen wird“ (Ebd., S. 281). Da sie fiktional und eben nicht an die Kompossibilität der realen Realität gebunden ist, entsteht selbst erzeugte Kontingenz. Diese kann aufgrund ihrer „memory function“ (Ebd., S. 282). (Vergangenheit) und „oscillator function“ (Ebd., S. 282). (Zukunft) bei jeder Unterscheidung die Richtung wechseln. „Das Resultat ihrer vorherigen Operationen ist ihr durch ihre memory function gegeben, ihre Zukunft wird durch ihre oscillator function strukturiert. Sie strebt nicht bestimmte Zielzustände an (etwa: immer bessere Kunstwerke zu produzieren). Fiktionalität richtet sich nicht mehr nach der Vergangenheit aus, strebt keine Mimesis oder Imitation an, sondern beobachtet mit Blick in die Zukunft (Vgl. Ebd., S. 283), als „laufende Renovierung der Zeit.“ (Ebd., S. 284). Eine Unterscheidung trennt laufend Vergangenheit (deren Erkenntnisse akzeptiert oder abgelehnt werden) und Zukunft (als Möglichkeitsraum)13. In einer Zusammenführung von Khoulokis Annahme, dass der Zuschauer den gezeigten Raum über die Grenze des Bildes hinaus verlängert, kann bis in die späten 1990er Jahre davon ausgegangen werden, dass sich in Literatur vermittelte Filmtopographien an Rezeptionstraditionen des Mediums „Film“ orientieren. Durch neue Raumillusionierungen im Film der 2000er Jahre erhöht sich die Possibilität literarisch möglicher Filmdarstellungen. Die aktualisierte Darstellung filmischer Wirklichkeit in der Literatur bezieht sich nicht mehr auf die zuvor angenommene Konsistenz. Wenn eine Figur in der ersten Szene stirbt und in der darauf folgenden Szene lebt, so bedeutet dies nicht (mehr) automatisch, dass sie den Mordanschlag überlebt hat (The Sixth Sense). Eine im discours realisierte Szenenfolge kann sich zeitlich entgegengesetzt zur histoire aktualisieren (Memento). Figur und Darsteller können voneinander unabhängig realisiert sein. Zwei Darsteller erscheinen dann als Möglichkeitsformen einer Figur (Fight Club, Mulholland Drive). Die Diegese des Films erscheint inkonsistent (Lola rennt), als Film im Film (The Matrix), die zweite Beobachtungsebene eigentlich als die erste (The Others), usw.

Thomas Glavinic: Der Kameramörder

In seinem 2001 veröffentlichten dritten Roman Der Kameramörder entwirft der 29- jährige Wiener Schriftsteller Thomas Glavinic ein Film-Raum-Szenario, das er bei seinem fünf Jahre später erscheinenden „Meisterstück“14 Die Arbeit der Nacht formal perfektioniert. Bereits die Paratexte der Erstausgabe mit ihrem dem Teletext nachempfundenem Coverlayout zeigt an, dass hier eine über den Bildschirm vermittelte Realität dargeboten wird. Auf der vierten Umschlagseite des Buchs steht: ‚Jeder Mensch ist ein Abgrund‘, […] und oft will es scheinen, als sei das der Stoff, aus dem das Fernsehen seine Einschaltquoten macht. Manches Verbrechen wird wegen dieser Quote begangen, auch das des Kameramörders. Er hat zwei Kinder gezwungen, sich umzubringen, und sie dabei gefilmt. Aus dem Osterfest wird eine

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Orgie des Hasses und der Sensationslust, aus der Erzählung von Thomas Glavinic eine bittere, sarkastische, atemberaubende Warnung, was mit uns allen schnell geschehen kann15. Das Cover ist auf der Textebene wie eine pixelige Teletextseite gestaltet. Der Hintergrund zeigt eine Fotografie, die im Teletext nicht wiedergegeben werden kann, sondern bereits eine weitere Realitätsebene markiert: Es ist ein Blick in den Wald hinein, der im Buch wesentlich auftaucht. Beide Ebenen sind Teil des diegetischen Raums16, stehen jedoch in einem Beobachtungsverhältnis zueinander (der Bildschirm als Medium der Beobachtung einer Fahndung). Der Kameramörder wird sowohl mit dem ersten, ohne vorangestelltem Zitat präsentierten Satz „Ich wurde gebeten, alles aufzuschreiben“ (KM, S. 5), als auch durch genaue Ortsangaben wie „wohnhaft in Kaibing 6, 8537 Kaibing“ (Ebd.) und zahlreiche Abkürzungen wie „8x“ (KM, S 6.), „u.dgl.“ (Ebd), „z.Zt.“ (KM, S. 64) als Protokoll eines nicht identifizierbaren, „etwa 30jährigen, mittelgroßen“ (KM, S. 8) Ich-Erzählers inszeniert. Dieser ist mit seiner Gattin Sonja Wagner über die Osterfeiertage beim befreundeten Ehepaar Heinrich und Eva Stubenrauch in der Weststeiermark eingeladen. Man vertreibt sich die Zeit mit ereignislosen Tischtennispartien, Einkäufen, gemeinsamen Essen, mit Gesprächen. Ereignisreich ist dagegen die Medienberichterstattung in Zeitungen, im Fernseh-, ORF- Teletext-, Radioprogramm über einen gerade verübten Mord an zwei Kindern. Es gibt „Sondersendungen“ (KM, S. 19), „Laufzeilen am unteren Bildrand“ (Ebd.), „Programmänderungen aus aktuellem Anlaß“ (KM, S. 41), eine Ausgabe der Kronen Zeitung „mit 16 Seiten Bildbericht über den Mord“ (KM, S. 82) und Livebilder aus einem Hubschrauber (KM, S. 107 ff.) Die umfangreiche Medienrezeption wird ausführlich protokolliert, als Beobachtung einer Beobachtung, der immer dann, wenn die Kamerabilder des Mordes eingespielt und durch Laufzeilen kommentiert werden, eine weitere Beobachtungsebene hinzugefügt wird. Vergleichbar mit der von Khouloki analysierten Realitätsillusionierung in Filmen wie Fight Club oder The Sixth Sense wird jede einzelne Ebene in Der Kameramörder nach Erzählkonventionen inszeniert, die ein je getreues Abbild der Realität suggerieren, d.h.: • Das Video des Kameramörders behauptet eine Differenz zwischen dem handelnden Mörder und dem beobachtendem Erzähler. • Die Fernsehbilder der polizeilichen Ermittlungsbemühungen behaupten ebenfalls eine Differenz zwischen Fernsehraum und Beobachterraum. • Die beschriebene Gemeinschaft der beiden Ehepaare, ihr privates Beisammensein an den Ostertagen wird in eine behauptete Differenz zum beruflichen Tun der Polizisten, Reporter, Nachrichtensprecher gesetzt. Tatsächlich ist der Ich-Erzähler zugleich der Kameramörder. Auf den letzten Seiten bilden die zuvor in Differenz gesetzten Bilder der Kamera und jene des Ich-Erzählers eine Einheit: „Auf dem Bildschirm beobachtete ich, wie die neben mir mit dem Tablett stehende Eva einige Meter zurückwich.“ (KM, S. 156) Der berichtende Beobachter von Medienbeiträgen über den ebenfalls beobachtenden Kameramörder wird sowohl Subjekt als auch Objekt seiner Beobachtung, sodass in einem letzten Beobachtungsakt allein der Rezipient des Romans als Element des realen Raums übrigbleibt. Der Text führt durch re-entrys, die Realität/Virtualität-Differenz immer wieder neu ins System der Fiktionalität ein, bis das letzte re-entry einerseits die Differenz auf Rezipienten-Text-Ebene manifestiert, aufgrund der plötzlichen Auflösung mit dem

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letzten Satz das Bewusstsein des Rezipienten nachhaltig erschüttert. Somit wird, ähnlich wie bei Goetz die Realität/Fiktionalitäts-Differenz als Einheit markiert. Dies gelingt, weil sich Der Kameramörder klassischen Inszenierungsstrategien filmischer Räume bedient und der Rezipient ähnlich wie beim Film den diegetischen Raum über die gezeigten Orte hinaus auf eine spezifische Weise verlängert, ohne jedoch die Beobachtungsebenen als Einheit zu sehen17. Eine Differenzierung zwischen der Realität des Erzählers und der Realität der Fernsehbilder findet zuvor permanent statt, wenn beispielsweise der „Blick aus dem Fenster“ (KM, S. 153) dem Fernsehbild entgegengesetzt wird, bis die Beobachter selbst beobachtet werden: „Heinrich wandte sich vom Fenster ab. Er verkündete, wir seien im Fernsehen, allerhand. Er lief ins Zimmer und startete den Videorecorder, um die Sendung aufzuzeichnen.“ (KM, S. 154) Erst die Einheit dieser Differenz sorgt im letzten Absatz für die Auflösung des Kriminalfalls: Ich sah im Fernsehen, daß Handschellen gezückt wurden, und wandte mich um. Der kommandierende Polizist erklärte mich für verhaftet. Ich sei beschuldigt, 2 Kinder ermordet zu haben. Ich leugne nicht. (KM, S. 156)

Thomas Glavinic: Die Arbeit der Nacht

Vor dem Hintergrund, dass die literarische Inszenierung filmischer Räume geeignet ist, gängige Beobachtungskonventionen zu hintertreiben, veröffentlicht Glavinic 2006 seinen dystopischen Roman Die Arbeit der Nacht18, der die filmischen Raumillusionierungen aus Der Kameramörder auf hypertrophische Weise instrumentalisiert. Protagonist Jonas wacht eines Morgens in seiner Heimat Wien auf und stellt fest, dass alle Menschen über Nacht verschwunden sind. Er ist allein. Mit einem Truck begibt er sich auf Expedition, „in eine leere, fremdgewordene Welt“ (AN, S. 4), um das Rätsel aufzulösen. Am Ende wird er im Zustand vollständiger Depersonalisation sein Schicksal als eine von vielen Seins-Möglichkeiten akzeptieren und sich in eine glücklich-naive Kindheit fantasieren. Birgit Holzner19 untersucht das ihrer Ansicht nach (post-)apokalytische Geschehen 20 vor dem Hintergrund gesellschaftlicher Ängste, die sie als Phänomen des Milleniumswechsels qualifiziert. Jonas’ Reise erscheint bei ihr als „Spurensuche in die Vergangenheit seiner Familie“ (AN, S. 217). Julia Schöll konstatiert entgegengesetzt: Keine Katastrophe hat stattgefunden, kein atomarer Gau die Menschheit ausgelöscht; alle außer Jonas sind schlicht verschwunden, und der Roman folgt nun der Frage, was geschieht, wenn das Subjekt endgültig und absolut mit sich allein, somit der Andere endgültig und absolut abwesend ist21. Die filmtopographischen Motive erwähnt Holzner kurz, wenn sie von Jonas’ „Arbeit der Nacht“ erzählt. Denn der Held beginnt, sich selbst mit einer Videokamera aufzunehmen, und führt im Schlaf als „,Schläfer‘, ein beklemmendes Doppelleben, in dem er sich selbst auf sehr verstörende Weise gegenüber tritt“22. Dabei eröffnet der Roman bereits mit medial vermittelten Räumen, wenn „der Bildschirm flimmert[e]“ (AN, S. 7) und Jonas beim Durchschalten der Fernsehprogramme „kein[en] Empfang“ (Ebd.) erhält: „Er schaltete den Fernseher ein. Flimmern. Er schaltete den Computer ein. Server error. Er schaltete das Radio ein. Rauschen.“ (AN, S. 9). Die medialen Räume sind leer, ebenso die Straßen, Brücken,

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Plätze (die Außenräume) (AN, S. 10), die Büros (AN, S. 11) und die Privaträume seines Vaters (AN, S. 14) (die Innenräume). Khouloki beschreibt anhand von Stanley Kubricks 2001: A Space Odyssee den Aufbau sowohl agoraphobischer als auch leerer Räume und schreibt über die Eingangssequenz: „Egal, wohin man schaut, überall herrscht dieselbe Leere“23. Zur genaueren Analyse zitiert Khouloki Gilles Deleuzes’ „Unterscheidung zwischen leeren Räumen und Stilleben“ (Ebd. S. 140): Ein leerer Raum gewinnt seine Bedeutung vor allem aus der Abwesenheit eines möglichen Inhalts, während das Stilleben sich durch die Anwesenheit und Zusammenstellung von Gegenständen definiert, die sich in sich selbst hüllen oder so zu ihrem eigenen Behältnis werden24. „Viele Erklärungen gab es nicht.“ (AN, S. 16). In Die Arbeit der Nacht vermutet Jonas zu träumen, oder wahnsinnig zu sein. (AN, S. 17). Als alle Versuche, den realen Raum als Wirklichkeit einzunehmen, gescheitert sind, beschließt er, das Heil im Fiktionalen zu finden: In seiner Videosammlung suchte er nach Filmen, die er noch nicht oder lange nicht mehr gesehen hatte. Er baute einen Stapel Komödien vor dem Fernseher auf. Die Jalousien ließ er heruntergefahren. (AN, S. 17) Nach einigen Tagen installiert Jonas Kameras: auf dem Millenium-Tower, (AN, S. 74) am Stephansdom. (AN, S. 75) „Weitere Kameras stellte er vor dem Parlament auf, vor der Hofburg, im , auf der Reichsbrücke, in einer Straße im Bezirk Favoriten.“ (AN, S. 78). Auf seiner Reise wird er später die gesamte leere Landschaft mit Kameras beobachten. „Mal meinte er, die Öde nehme kein Ende, er sah grau in grau, verfallene Schuppen, verbrannte Felder, häßliche Fabriken, Kraftwerke. Ihm war alles einerlei. Mit präzisen, immergleichen Handbewegungen postierte er seine Kameras und stieg wieder in den Lkw.“ (AN, S. 316). Bereits ab Seite 100 nimmt er sich während des Schlafs auf. Die im Text beobachtete Figur wird selbst zum Beobachter und verdoppelt ihre Realität in der Hoffnung, Bewegungen aufzunehmen. Doch wenn Jonas die Videobänder betrachtet, wird eine unheimliche Differenz zwischen Realität und Fiktion offenbar. Die auf dem Bildschirm gezeigte Fläche steht, ebenso wie in den oben angeführten Filmen der 2000er Jahre in keinem mimetischen Verhältnis zur Realität. Mal ist das Band leer, obschon er „alle – alle! – nötigen Knöpfe gedrückt“ (AN, S. 89) hat, dann variiert das Bild bei mehrmaligem Ansehen (AN, S. 104). Jonas differenziert sein beobachtendes Dasein am Tag und der Beobachtung seiner Selbst in der Nacht. Betrachtet er die Videobilder seines Schlafs, so verfolgt er „ein Geschehen, das er nicht verstand“, (AN, S. 130) der Schläfer trägt an einer Stelle eine maskenartige Kapuze: „Jonas konnte nicht lange in diese Maske schauen. Er meinte in ein Loch zu blicken, seine Augen ertrugen die Leere nicht“, (AN, S. 173) er ist sich sicher: „Ich bin es nicht, der Schläfer!“ (AN, S. 296). Wenn dieser auf dem Bild zwinkert, ist sich Jonas sicher, in der vergangenen Nacht „keinesfalls in die Kamera gezwinkert“ (AN, S. 301) zu haben. Zwischen Realität und Beobachtung wird in Die Arbeit der Nacht eine Differenz behauptet, die überhaupt erst glaubwürdig wird aufgrund des kulturell vermittelten Wissens um die neue räumliche Illusionierung im Film. Erst nachdem im cineastischen System eine Differenz zwischen diegetischer Realität und rezeptionsästhetischer Beobachtung eingeführt wurde, funktioniert die Behauptung dieser Differenz auch auf dem literarischen Feld, wie in Der Kameramörder oder Die Arbeit der Nacht.

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Thomas von Steinaecker: Geister

Der nur ein Jahr nach ,Wallner beginnt zu fliegen‘ erscheinende zweite Roman Geister (2008) führt viele Themen des Debüts fort. Auch hier spielen gescheiterte Lebensläufe. Gedankenspiele, Tagträume und Parallelwelten, aber auch die verschiedensten medialen Wirklichkeiten aus Film, Fernsehen, Fotografie und Comics eine wichtige Rolle25. Der Roman beginnt, zunächst unmarkiert, als Film im Text. „Jürgen sieht seiner Geburt zu. Das Gesicht seiner Mutter ist schmerzverzerrt“26. Es folgt auf der gleichen Druckseite die Wiedergabe des Abspanns, „Regie, Produktion, Wir danken der Familie Kämmerer“ (G, S. 7) und wenige Absätze später eine Ansprache des Regisseurs Werner Bischoff27: Ja, noch ein Wort zu den Kameras, bitte nicht erschrecken. Das hat nämlich folgende Bewandtnis: Ich drehe gerade einen neuen Film über die Familie Kämmerer, das Sequel sozusagen […] Ich bitte jetzt also Frau und Herrn Kämmerer auf die Bühne. (G, S. 8) Der Roman verhandelt die Traumabewältigung einer Familie. Bereits vor Jürgens Geburt verschwindet seine Schwester Ulrike spurlos. Es wird vermutet, sie sei ermordet worden. Ihre Leiche wurde nie gefunden. Besagter Regisseur begleitet die Suche der Eltern ebenso wie das Leben mit der nur medial vermittelten Leerstelle28 Ulrike bei Jürgen selbst. Die Realitätsverdopplung, die Subjekt und Objekt des Erzählens zum Ende des Romans Der Kameramörder und mittig von Die Arbeit der Nacht in eins setzt, wird hier bereits am Anfang markiert. Zugleich erscheint der literarische Text in Differenz zum filmischen Raum, das sprachliche Erzählen wird als ein anderes Bereitstellen von Informationen inszeniert, wenn Jürgen Kämmerer beispielsweise bemerkt: Und dann hat Ulrike tatsächlich da gestanden. Für den Bruchteil einer Sekunde hat Jürgen sie für eine Sinnestäuschung gehalten, seine Schwester, in der rechten Hand den Teddybären, in der linken die Gießkanne, rote Gummistiefel, Zahnlückengrinsen, genau wie auf dem Foto, dem Lieblingsfoto der Eltern, nein, es ist das Foto, das leicht verschwommen eingeblendet wurde und über das nun der Abspann läuft, Regie, Produktion, Wir danken der Familie Kämmerer. (G, S. 7) Entscheidend ist, in welcher Weise filmische Rauminszenierungen auf die intern sehr nah fokalisierte Erzählung von Jürgen einwirken. Er übernimmt direkt technische Verfahren zur Raumkonstruktion, wenn er plötzlich „einen auf Schnelldurchlauf [macht]“, (G, S. 19) sein Dasein mit einer Zeitschleife vergleicht, „wie in einem dieser Science-Fiction-Filme“, (G, S. 16) bereits in seiner Realität aus dem Film bekannte Geigen-Untermalungen hört, (Vgl. G, S. 66) wenn er in Bezug auf seine Großmutter bemerkt, sie sei „ein Fernseher, es gibt drei Programme […] Drittes Reich, Nachkriegszeit, Alltag“, (G, S. 39) wenn er filmisch vermittelte Inszenierungen als Konstruktionen entlarvt: „Jürgen ist sich fremd. Der, den er da auf dem Bildschirm sieht, könnte auch ein anderer als er selbst sein.“ (G, S. 72). Dabei wird sein Lebensraum durch die filmische Erzählung nicht nur ontologisch beeinflusst: „Auf der Rückfahrt nach Hause sind sie mit dabei und drehen, der Kameramann hinten zwischen dem Regiefuzzi und Jürgen, für den kaum noch Platz ist“ (G, S. 12). Hinzu kommen die aktualisierten Virtualitätsebenen, bei Jürgens Luftgitarrensolo „mit dem imaginären Plektrum“ (G, S. 35), oder auch bei einer auf Text- und verschiedenen Bildebenen wiedergegebenen Comicreihe, die das potentielle Leben von Jürgens’

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Schwester fortschreibt und durch eine Dokumentation über Ulrike motiviert worden ist. Er verwandelt und medialisiert sich. Er möchte immer zur nächsten Ebene kommen und befindet sich in dem Irrglauben, dass die nächste Ebene bereits die letzte Ebene ist. Dort würde er seine verschwundene Schwester Ulrike wiedertreffen. Zuerst meint er, der Dokumentarfilm würde ihn von seinem Trauma heilen. Dann zehn Jahre später die Comics. Aber auch das ist nicht des Rätsels Lösung. Weil da eben Cordula Maas ins Spiel kommt, eine verquaste Liebe und Beziehung. Die Ebenen geraten durcheinander. (Vgl. G, S. 125) Entscheidend in Bezug auf die anfängliche These meines Aufsatzes ist, dass Geister in den Rezeptionsraum transformiertes kulturelles Wissen um Konstruktion, Wahrnehmung und Bedeutung filmischer Räume aktualisiert, um die immer wieder neue Realität-Fiktion-Differenz explizit zu machen. Das Verhältnis der filmischen „Dokumentation“ zur Realität erscheint hier ebenso arbiträr wie System- Beobachtungs-Beziehungen innerhalb der Text-Diegesis. Filmische Topographien werden in Geister instrumentalisiert, um obige Differenz auf mannigfaltige Weise zu exemplifizieren29, zudem können auf intertextueller Ebene Verweise auf Filme wie Die Freunde der Freunde30 von Dominik Graf oder Gespenster von Christian Petzold festgestellt werden.

Ausblick und Schluss

Musste Rainald Goetz für die Darstellung dieser Differenz noch echtes Blut auf das Papier tropfen lassen, diskutieren die Texte Glavinics und von Steinaeckers besagte Differenz auf zeittypische Weise mit Rauminszenierungen, die in den 2000er Jahren verstärkt über neue filmische Beobachtungsverfahren in den kulturellen Raum überführt worden sind. Wissenschaftliche Analysen von Literatur jener Zeit, die sich auseinandersetzen mit rhizomatischem Schreiben und Lesen31, novellistischen Erzählmodellen32, Narrativen der New Economy33 oder auch Form und Funktion historisch-fiktionalen Erzählens34 gibt es ebenso, wie jene über Ästhetiken totaler Medialisierung in internationaler Literatur35 usw. Allein wie neue Filmtopographien im Sinne Khoulokis die Konstruktion, Wahrnehmung und Bedeutung literarischer Texte verändert haben, ist bislang unbeobachtet geblieben. In der Analyse wurde nun belegt, in welcher Weise eine Neuinszenierung filmischer Räume mit daran anschließenden literarischen Verfahren korreliert. Glavinic hat als einer der ersten Autoren deutschsprachiger Gegenwartsliteratur neue Rauminszenierungen aus dem Film auf Texte übertragen und insbesondere in den Romanen Der Kameramörder und Die Arbeit der Nacht mit gestörten Realität/Fiktion- Differenzen operiert. Dokumentarische Bilder erscheinen bei Glavinic, aber auch in von Steinaeckers Geister als inkonsistent und in einem arbiträren Verhältnis zur Realität gesetzt. Dieses Verfahren kann seit den 2000er Jahren mannigfaltig in der deutschsprachigen Gegenwartsliteratur beobachtet werden. Es prägt als ein anti-mimetisches Konzept Texte bis in die jüngste Gegenwart. Wolfgang Herrndorfs Erzählung Diesseits des Van- Allen-Gürtels zeichnet die Analyse von Filmbildern der ersten Mondlandung nach. Vermittels rauminszenatorischer, aus Hollywood bekannter Verfahren wird hier ein Misstrauen gegenüber dokumentarischen Narrationen manifestiert36. In Schimmernder Dunst über CobyCounty von Leif Randt stehen filmdokumentarische Rauminszenierungen

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in einem ambivalenten Verhältnis zu einer ohnehin nur noch medial vermittelten Realität37. Figuren „bewegen sich so, als würden sie sich alle zeitgleich an alte Camcorderaufnahmen von ihren früheren Tänzen im Regen erinnern“38. Später schauen sich die in CobyCounty lebenden Figuren „eine leicht farbkorrigierte Langversion von ,Schimmernder Dunst über CobyCounty‘“ an, während die ganze Zeit unklar bleibt, „ob es den Ort jenseits dieser total(itär) gewordenen Utopie bzw. Dystopie CobyCounty überhaupt gibt“39. Somit erscheint offensichtlich, dass mithilfe neuerer Formen filmischer Raumgestaltung eine Differenz markiert wird, die zwar nicht klärt, ob Literatur als Teil der Realität, oder als Beobachtung 2. Ordnung qualifiziert werden kann, die anfängliche, nach Luhmann gestellte Frage jedoch auflöst in einen mehrdeutigen Raum „besserer Differenzen“40. Dies hat nichts mit Science-Fiction oder Phantastik zu tun; vielmehr handelt es sich um das nie realisierte, um Projekte und Träume, die Nachtseite der Welt der Fakten […], die letztlich genauso viel über die Gesellschaft auszusagen vermag wie das tatsächlich Geschehene41.

NOTES

1. Moritz Baßler: Der deutsche Pop-Roman: Die neuen Archivisten, München, C.H. Beck, 2002./ Johanna Bohley, Julia Schöll (Hgg.): Das erste Jahrzehnt: Narrative und Poetiken des 21. Jahrhunderts, Würzburg, Königshausen und Neumann, 2011./Susanne Krones, Evi Zemanek (Hgg.): Literatur der Jahrtausendwende: Themen, Schreibverfahren und Buchmarkt um 2000, Münster, transcript, 2008. 2. Vgl. Jan Drees: Rainald Goetz — Irre mit System. Wien, Arco, 2010. 3. Natalie Binczek: Fernsehauftritte der Literatur: Rainald Goetz. In: Sprache und Literatur, Nr. 109, 43. Jg. 2012, 1. Hj. Paderborn, Wilhelm Fink, 2012, S. 74. 4. Diese Frage wurde für die deutschsprachige Literatur der 2000er Jahre hinlänglich geklärt, beispielsweise von Moritz Baßlers Studie Der deutsche Pop-Roman: Die neuen Archivisten aus dem Jahr 2002, ebenso in dem von Evi Zemanek und Susanne Krones herausgegebenen Band Literatur der Jahrtausendwende: Themen, Schreibverfahren und Buchmarkt um 2000 aus dem Jahr 2008, und in der Sammlung Das erste Jahrzehnt: Narrative und Poetiken des 21. Jahrhunderts, 2011 herausgegeben von Julia Schöll und Johanna Bohley. 5. „MULHOLLAND DRIVE ist ein gutes Beispiel für eine Tendenz in aktuellen, auch populären Filmen (wie etwa THE OTHERS […] THE SIXTH SENSE […] FIGHT CLUB), in denen die Zuverlässigkeit des Gezeigten hintertrieben wird, indem sie sich den Realitätseindruck des Filmbildes zunutze machen — und damit auch die Konvention, nach der das, was gezeigt wird, vom Zuschauer innerhalb der diegetischen Welt auch als real angenommen wird, solange es nicht entsprechend den Konventionen als Traum oder Ähnliches markiert wird.“ Rayd Khouloki : Der filmische Raum – Konstruktion, Wahrnehmung, Bedeutung, Berlin, Bertz + Fischer, 2009, S. 183. 6. Khouloki: Der filmische Raum, 2009, S. 11. 7. Niklas Luhmann: Weltkunst. In: Ders.: Schriften zu Kunst und Literatur, Frankfurt. Suhrkamp, 2008. 8. Vgl. Stefan Lüddemann: Kunstkritik als Kommunikation – Vom Richteramt zur Evaluationsagentur, Wiesbaden, DUV, 2004.

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9. Claudio Baraldi/Giancarlo Corsi/Elena Esposito: GLU - Glossar zu Niklas Luhmanns Theorie sozialer Systeme, Frankfurt, Suhrkamp, 1997, S. 107. 10. „Die Beobachtung der Kunst basiert auf einem spezifischen Code, der in der traditionellen Ästhetik mit der Unterscheidung schön/hässlich ausgedrückt wurde. Heute wird diese Unterscheidung auf die Alternative passt/passt-nicht uminterpretiert.“ Baraldi et.al., S. 105 ff. 11. Er beginnt mit Guilleragues Lettres portugaises von 1669 und der englischen Literatur des 17. Jahrhunderts, die ebenfalls „Texte als gefundene Dokumente“ vorstellte und somit versuchte, Realität und Fiktionalität zu verbinden. Vgl. Luhmann, 2008, S. 277-278. 12. Luhmann übernimmt hier ein mathematisches Formenkalkül von George Spencer Brown, das „den Anspruch erhebt […], Paradoxien auflösen zu können, die für die mathematischen Operationen der Arithmetik und der Algebra unzugänglich bleiben.“ Ebd., S. 281. 13. „Was Literaturwissenschaftler ‚Intertextualität‘ nennen, ist nichts anderes als ein Resultat der durch die Zeit erzwungenen ständigen Neubeschreibungen. Das, was ernst gemeint war, wird jetzt parodiert oder ironisch behandelt. Was gültig war, wird so behandelt, daß es fast nicht wiedererkannt werden kann.“ Ebd., S. 285. 14. Daniel Kehlmann: „Die Hölle sind nicht die anderen“. In: Der Spiegel, 31/2006. Hamburg, 2006, S. 128. 15. Thomas Glavinic: Der Kameramörder, Berlin, Volk + Welt, 2001. Nachfolgend zitiert als KM. 16. „Ort meint einen Schauplatz, an dem sich eine Handlung abspielt und von den Teilansichten für den Zuschauer in einzelnen Einstellungen sichtbar ist. Es kann sich dabei um Gebäude, eine Straße, den Teil einer Landschaft oder anderes handeln. Die Übergänge zwischen zwei Orten können dabei fließend sein, sodass nicht immer klar zu entscheiden ist, wo ein Ort seine Grenze hat und der nächste anfängt. Der Begriff ,diegetischer Raum‘ bezieht sich auf die gesamte im Film dargestellte Welt mit allen sichtbaren und nichtsichtbaren Teilen.“ Khouloki, 2009, S. 92. 17. Khouloki über die heuristische Definition des Begriffs ,Filmischer Raum‘: „Obwohl der Film nur eine Aneinanderreihung von Fragmenten ist, kann er beim Zuschauer die Illusion eines homogenen Raums hervorrufen. Das ist nur möglich, weil der Off-Raum, also der Teil des Raums, der nicht im Bild gezeigt wird, als Verlängerung des Bildraums selbstverständlich vorausgesetzt wird. Er spielt eine fundamentale Rolle in der Filmwahrnehmung. Der nicht im Bild präsente Teil des Raums zwischen den Einstellungen wird vom Zuschauer ergänzt, sodass jeder Einstellungswechsel innerhalb einer Sequenz in der Regel, solange nichts Eindeutiges dagegen spricht, als Sprung in ein- und demselben Raum wahrgenommen wird.“ Khouloki, 2009, S. 11. 18. Thomas Glavinic: Die Arbeit der Nacht, München, hanser, 2006. Nachfolgend zitiert als AN. 19. Vgl. Birgit Holzner: Thomas Glavinics Endzeitroman DIE ARBEIT DER NACHT. In: Susanne Krones, Evi Zemanek (Hgg.): Literatur der Jahrtausendwende, 2008, S. 215. 20. Harrison schreibt in seiner Rezension für den „The Guardian“ in Zusammenhang mit Glavinics Roman über „the post-disaster story“ und stellt bereits mit der Überschrift „I am legend“ einen direkten Zusammenhang zum tatsächlich post-apokalyptischen Science-Fiction- Film „I Am Legend“ (2007) her, obschon in Die Arbeit der Nacht an keiner Stelle die behauptete Apokalypse verifiziert wird. John M. Harrison: „I am Legend“. In: The Guardian. 26.7.2008. 21. Julia Schöll: Entwürfe des auktorialen Subjekts im 21. Jahrhundert. Daniel Kehlmann und Thomas Glavinic. In: Johanna Bohley, Julia Schöll (Hgg.): Das erste Jahrzehnt: Narrative und Poetiken des 21. Jahrhunderts, 2011, S. 281. 22. Holzner, 2008, S. 219. 23. Khouloki 2009, S. 139 ff. 24. Gilles Deleuze: Das Zeit-Bild. Kino 2. Frankfurt, Suhrkamp, 1997, S. 30. 25. Wolfgang Reichmann: „Thomas von Steinaecker,“ In: Hermann Korte: Kritisches Lexikon zur deutschsprachigen Gegenwartsliteratur. München. text + kritik., S. 3 (Stand: 15.06.2011). 26. Thomas von Steinaecker: Geister, Frankfurt, FVA, 2008, S. 7. Nachfolgend zitiert als: G.

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27. Der Name Bischoff kann als Hinweis auf die geradezu theologische Erzählerautorität des Regisseurs gelesen werden. 28. Was Jürgen über Ulrike weiß, erfährt er aus nachgestellten Dokuspielszenen, in denen Ulrike von einer kindlichen Darstellerin verkörpert wird (G, S. 12), vermittels Fotografien, die „sich überall im Haus befinden (G, S. 14), aus Erzählungen seiner Eltern (G, S. 28). 29. Elmar Krekeler nennt Geister den „wahrscheinlich ersten medialvernetzten Roman der jüngeren deutschsprachigen Literatur. […] Tom Tykwers Lola rennt regelmäßig an Menschen vorbei, deren mögliches zukünftiges Schicksal immer wieder anders im Zeitraffer erzählt wird, und verwandelt sich regelmäßig in eine Comic-Figur. Was auch Lolas Fernsehschwester tut, die Comic-Zeichnerin Lolle in der Serie ,Berlin Berlin‘. Nebenbei feiert auch die legendäre und unglaublich wahre Flitcraft-Episode von Dashiell Hammett fröhliche Urständ, die uns schon in Paul Austers ,Nacht des Orakels‘ und jüngst Judith Kuckarts ,Die Verdächtige‘ begegnete.“ Elmar Krekeler: „Das Ich ist nicht genug.“ In: Die Welt, 8.11.2008. 30. „Das Buch funktioniert als ständige mediale Transformation. Es gibt Subtexte und Prätexte, die ich verarbeite. So wie der Text selbst eine ständige mediale Verarbeitung ist. Zum Beispiel waren zwei Filme wichtig für Geister. Das waren Die Freunde der Freunde von Dominik Graf, eine Internatsgeschichte und Gespenster von Christian Petzold eine Entführungsgeschichte, die aus einer völlig anderen Perpektive erzählt wird als das Drama um Ulrike Kämmerer in Geister.“ www.zeit.de/online/2008/37/interview-steinaecker/seite-3. 31. Sabine Zubarik: Rhizomatisches Schreiben (und Lesen): Albert Goldbarths PIECE OF PAIN, In: Susanne Krones/Evi Zemanek, 2008, S. 317 ff. 32. Andreas Blödorn: Restaurative Konsolidierung – oder Wiederkehr und Aufschub verdrängter Krisen. Beobachtungen zur Abstraktion eines novellistischen Erzählmodells der 2000er Jahre. In: Bohley/Schöll, 2012, S. 37 ff. 33. Anke Biendarra: Prekäre neue Arbeitswelt: Narrative der New Economy. In: Bohley/Schöll, 2012, S. 69 ff. 34. Stephanie Catani: Was bleibt von der Geschichte? Form und Funktion historisch- fiktionalen Erzählens im 21. Jahrhundert. In: Bohley/Schöll, 2012, S. 23 ff. 35. Karin Peters: „Todo se mantrifica“ oder: Die absolute Telenovele. Rodrigo Fresán und die Ästhetik totaler Medialisierung in ,Mantra‘. In: Susanne Krones, Evi Zemanek, 2008, S. 69 ff. 36. Wolfgang Herrndorf: Diesseits des Van-Allen-Gürtels, Berlin, Eichborn, 2007, S. 149 ff. 37. Jan Drees: Die Anti-Paradiso-Hölle. Wuppertal. www.lesenmitlinks.de (17.08.2011). 38. Leif Randt: Schimmernder Dunst über CobyCounty. Berlin. Bloomsbury, 2011, S. 11. 39. Moritz Baßler: Schimmernder Dunst — Konsumrealismus und die paralogischen Pop-Potenziale. In: Pop. Kultur & Kritik, Heft 1/2012, Bielefeld, transcript, S. 62. 40. Vgl. Dirk Baecker, Georg Stanitzek (Hgg.): Archimedes und wir, Berlin, Merve, 1987, S. 127. 41. Steinaecker, 2010, zit. n. Reichmann, S. 5.

RÉSUMÉS

Anhand von Der Kameramörder und Die Arbeit der Nacht von Thomas Glavinic, und Geister von Thomas von Steinaecker wird in der vorliegenden Arbeit gezeigt, wie deutschsprachige Literatur der 2000er Jahre filmästhetische Raumkonstruktionen expliziert, um eine Literatur/ Gesellschafts-Differenz darzustellen. Mithilfe der von Rayd Khouloki erarbeiteten

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Beschreibungsmöglichkeiten sogenannter „filmischer Räume“ wird belegt, dass die hyperreale Präsentation von Wirklichkeit in den untersuchten Texten auf neue Weise Inszenierungsstrategien explizit macht. Dabei wird gerade nicht beantwortet, ob zwischen Gesellschaft und Literatur eine Interdependenz bzw. ein mimetisches Verfahren besteht, sondern im Sinne Niklas Luhmanns Definition einer systemtheoretischen Beobachtung gezeigt, dass am Anfang eine Differenz stehen mag, am Ende aber eben keine Einheit, sondern vielmehr eine „bessere Differenz“.

En se référant aux ouvrages Der Kamermörder et Die Arbeit der Nacht de Thomas Glavinic ainsi qu’à Geister de Thomas von Steinaecker, cet article propose de démontrer comment la littérature germanophone des années 2000 utilise les constructions de l’espace dans le film afin d’illustrer une différence sociale et littéraire. À l’aide des outils développés par Rayd Khouloki sur les possibilités descriptives « des espaces filmiques », nous montrons que la représentation hyperréaliste de la réalité dans les textes analysés révèle, de manière nouvelle, des stratégies de mise en scène. Nous ne cherchons pas à savoir s’il existe ou non une interdépendance ou une forme de mimésis entre littérature et société, mais plutôt à prouver, en nous référant à la définition par Niklas Luhmann de l’observation théorico-systémique, que, si, au départ, il y a bien une différence, il n’y a pas d’unité à la fin, mais plutôt une « meilleure » différence.

Based on Der Kameramörder and Arbeit der Nacht by Thomas Glavinic and Geister by Thomas Steinaecker, the following paper aims to show how German-language literature in the 2000s explicate film-aesthetic space structures to illustrate a literary / social difference. Using the tools developed by Rayd Khouloki of so-called “cinematic spaces”, it is proofed that the hyper-real presentation of reality in the examined texts makes strategies of literary staging explicit in new ways. It will, thus, not be answered, whether “interdependence” or a “mimetic process” is caught between society and literature, but shown in the sense of Luhmann’s definition of a system- theoretical observation that, in the beginning, there may be a difference, but at the end, there is not a “oneness”, but rather a “better difference”.

INDEX

Mots-clés : film, cinéma, adaptation cinématographique, thriller

AUTEURS

JAN DREES Universität Münster

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Adapter les classiques : enjeux, obstacles, solutions

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Un film qui vient de loin L’Antigone de Sophocle dans la transcription de Friedrich Hölderlin, retravaillée pour la scène par Bertolt Brecht et adaptée pour l’écran par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub (1991)1 A film that comes from afar: Hölderlin’s translation of Sophocles’ Antigone revised in Bertolt Brecht’s stage adaptation and in the Straub/Huillet film Der Film, der aus der Ferne kam: die Antigone des Sophokles nach der Hölderlinschen Übertragung für die Bühne bearbeitet von Bertolt Brecht in einer filmischen Adaption von Danièle Huillet und Jean-Marie Straub (1991)

André Combes

… la même tension qui anime leur cinéma et leur marxisme : une tension que pourraient résumer deux noms : Bertolt Brecht et Friedrich Hölderlin : l’artiste qui voulut le plus rigoureusement faire du théâtre avec la dialectique marxiste et le poète qui fut parmi les premiers à concevoir cette révolution des formes du monde sensible dont le matérialisme marxiste reprit l’idée à sa façon. Brecht et Hölderlin, d’un côté le jeu dialectique des pensées mises en corps pour démonter les mécanismes de la domination et leurs effets sur les dominés ; de l’autre, l’affirmation de la nouvelle communauté sensible et du péril de ceux qui s’aventurent dans son inconnu2.

1 Si le titre du film de Danièle Huillet et Jean-Marie Straub (les Straub) nomme, une à une, les étapes des transformations qui mènent de Sophocle à leur film comme autant de variations terminologiques et conceptuelles, c’est qu’il y a là quelques enjeux dans la re-présentation d’un texte ancien – dramaturgiquement fondateur et traitant d’un mythe réputé fondateur –, mais dont le thème principal ambivalent tel que la postérité l’a canonisé (tyrannie vs démocratie, lois écrites vs lois non écrites) semble exiger la réécriture périodique. Pour le Brecht fraîchement « rémigré », la conservation et transformation de signifiants autant que de signifiés qui mêlent différents systèmes textuels, scripturaux et visuels se devait, avant toute chose, de « séculariser » et « rationaliser de fond en comble » (durchrationalisieren) ses composantes mythologiques (voir infra). Lorsqu’il réécrivit la pièce de Sophocle dans la traduction d’Hölderlin3 fin 1947 dans la ville suisse de Chur, ce fut, pour lui, la condition sine qua non à toute « actualisation » qui se concevait comme l’inscription d’une pratique artistique

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singulière dans une tradition qui, sur fond des contradictions et conflits sociaux de son temps, se constitue souvent contre d’autres traditions et réinterroge en dernière instance la liaison de l’art et du politique4.

2 Nous examinerons ici la réécriture d’Antigone dans une configuration récente : celle qui confronte, dans la deuxième moitié du vingtième siècle, la théâtralité brechtienne (1947-48) et la cinématographie des Straub (1991-92). Jusque-là cantonnée aux scènes théâtrales – de la grecque aux contemporaines –, la réécriture du mythe d’Antigone accomplit, chez ces derniers, un saut transmédial5 qu’on ne saurait pourtant interpréter comme une rupture avec le théâtre – ils conservent l’intégralité du texte brechtien et ne le « scénarisent » pas –, mais plutôt comme une interpellation cinématographique d’un texte déjà retravaillé pour la scène. Car, en choisissant de s’adosser à Brecht, les Straub savaient que son travail de réécriture, à la différence de celui d’Hölderlin, était indissociable de son travail collectif de metteur en scène sur sa propre pièce, ce dont témoignent les nombreuses indications scéniques du « Modèle Antigone » (Antigonemodell)6 qu’ils connaissaient. Elles pallient largement une absence quasi totale de didascalies, qui semblait apparenter la version brechtienne à celles de Sophocle et Hölderlin. On peut dire que la pièce s’en trouve re-théâtralisée. Le film des Straub est donc un travail prosodique et visuel proprement cinématographique sur le texte de Brecht, qui a pu se souvenir de la mise en scène de Chur telle que les commentaires et les traces écrites et photographiques du Antigonemodell l’ont fixée et non figée. Brecht y insiste longuement dès l’avant-propos (AM, 75-77), car la première mise en scène du texte réécrit ne saurait avoir qu’une valeur prescriptive limitée, ce qui vaut a fortiori pour une adaptation transmédiale.

3 De Sophocle aux Straub, ce fut donc un long parcours autant inter- que transtextuel, autant inter- que transmédial. Il y aurait à l’origine un texte dramatique grec original, d’abord « transposé/transcrit » (übertragen) par Hölderlin. Puis il y eut la manière typiquement brechtienne de « retravailler » (bearbeiten) hâtivement, en décembre 1947, le texte de Hölderlin, de le prendre pour hypotexte malgré ses « obscurités » qui le rendaient difficilement jouable7, voire difficilement compréhensible. Cela concernait par exemple les chants du chœur dont il proposera en 1951 une réécriture qui en explicite et résume le gestus fondamental (GBFA, 24, 351-353)8.

4 Mais de quoi s’agit-il chez les Straub ? De la visitation d’un dispositif textuel et idéologique de la grande mythologie mondiale pour une époque contemporaine qui, depuis longtemps, ne saurait plus le lire, le voir et l’entendre9 ? De l’adaptation d’un texte théâtral à un écran qui en recadre les images et les sons sans occulter le travail théâtral concret de Brecht sur une Antigone hölderlinienne davantage vouée à l’approfondissement des possibilités du langage poétique qu’à sa visualisation scénique ? De la réaffirmation d’une manière de faire politiquement du cinéma plutôt que du cinéma politique ? En tout cas, certainement très peu d’une conjonction doxale de la littérature et du cinéma, du simple devenir film d’un texte littéraire10.

5 Il faut prendre aussi en compte le fait que, dans le film des Straub, la transmédialité ne fut que seconde, par glissements progressifs pour ainsi dire. Ils montèrent d’abord la version brechtienne à la Schaubühne berlinoise en mai 1991, plus précisément dans l’espace restreint de la salle de répétitions. Puis, à l’été de la même année, ils la mirent à nouveau en scène, avec les mêmes acteurs, mais dans les vastes décors naturels d’un théâtre antique sicilien (Segesta), « scène millénaire pour les classiques du monde », comme le dit le pré-générique du film. C’était un amphithéâtre en ruine qu’ils avaient

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découvert lors des repérages d’un film précédent (Moïse et Aron), de construction presque contemporaine de la pièce de Sophocle et qui était parmi les mieux préservés d’une île éminemment liée à la civilisation grecque. Cette seconde mise en scène fut une sorte d’avant-film qui permit de travailler concrètement sur site la diction et le placement des acteurs – les éléments profilmiques du futur film donc – et de recadrer les espaces tout en laissant la topographie de plein air d’un théâtre antique tester en partie le dispositif technique de la mise en images. Cela concernera au premier chef le placement de la caméra : une seule position, à même le sol de la scène et à la limite excentrée de l’amphithéâtre pour les plans à hauteur d’homme ou en légère contre- plongée, avec deux trépieds pour la surélever à 4 m de hauteur dans les assez nombreux plans en plongée. Pas de rails pour des travellings : les seuls mouvements de caméra sont les quelque six panoramiques du film (entre 90° et 180°). Les personnages sont ainsi presque toujours filmés dans le même axe, le plus souvent de profil ou de semi-profil, sauf Tirésias en plans frontaux. Seule change l’échelle des plans : les protagonistes principaux sont le plus souvent filmés en plans rapprochés ou moyens, à l’exception de 14 gros plans : 8 cadrant l’un des « anciens » du chœur et 6 cadrant Antigone, dont 5 à l’identique (profil et légère contre-plongée)11. Parallèlement au découpage technique de l’espace, les Straub délégueront à celui des espaces-temps opéré par le montage cinématographique12 le soin de redistribuer tout en la conservant la conception brechtienne de la « chorégraphie » proxémique, des placements, déplacements, regroupements et postures (Hecht, 23) : « Sparsamkeit in den Hin- und Herbewegungen der Gruppen und Figuren sollte die Bedeutung dieser Bewegungen sicherstellen. Die einzelnen Konstellationen, selbst die Abstände, haben dramaturgischen Sinn und in gewissen Augenblicken ist es einer Handbewegung eines Darstellers möglich, die Situation zu verändern. » (AM, 80).

6 Ce bref état des lieux du tournage montre que les Straub, en réduisant les localisations filmiques pour construire leur espace narratif et leur mode de filmage, entendent parfaitement cadrer le déploiement de la tragédie dans un vaste espace où elle ne doit pas se disperser. De plus, ils donnent au spectateur tout le temps d’organiser leurs perceptions, dans la longue durée des images et de plans apparemment « vides », propice à une mise en rapport attentive des visages et des corps autant qu’à l’articulation des sons et à la captation des bruits ambiants les plus infimes. Car ce parti-pris filmique permet également de prélever, dans les paysages environnant le site de Segesta, des images extérieures à l’enceinte théâtrale et de mettre la parole dialoguée et les corps au centre d’événements élémentaires qui donnent au film une grande légèreté13 : le vent, omniprésent dans le film, qui met en mouvement permanent chevelures et vêtures, le ciel et l’impact des variations de sa luminosité sur les plantes et les pierres, les vêtements et les visages14. Plus que nul autre, ce cinéma, qui n’est en aucune manière assimilable au statisme du « théâtre filmé » des origines, participe, à sa manière, de la « rédemption de la réalité physique » dont parlait, avec un mélange d’accents matérialistes et théologiques, le dernier Kracauer dans sa Théorie du film. Mais, malgré l’omniprésence dans le film de l’« éther » d’un ciel sicilien d’une grande pureté azurée, il ne met pas en images un espace sacré hölderlinien en tant qu’espace néo-mythologique critique du monde contemporain. Pour les Straub, les paysages que montrent leurs films ont donc moins un statut mythologique citationnel qu’une présence physique réelle, avec des connotations symboliques propres à celle-ci (entre le minéral et l’organique par exemple), qui en fait des lieux très matériels chargés d’une histoire spécifique, toujours en excès sur les signifiés de la seule parole dialoguée et de

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la présence physique des acteurs-personnages qui les habitent sans les investir intégralement. Le changement de lieu implique également un tout autre fonctionnement du texte, en « visite » dans un lieu matériel où il est énoncé dans des paysages et des architectures associables à d’autres temps et d’autres histoires15.

7 De ce théâtre sicilien, Peter Handke a pu dire qu’il était conforme à la « forme [Gestalt] de la tragédie de Sophocle », comme le cinéma des Straub et le théâtre grec étaient « formellement la même chose »16. Il est donc un élément essentiel d’une adaptation qui ne fait pas de la revisitation d’un mythe une simple affaire de personnages, de dialogues, de thèmes et d’actions, mais tout aussi bien de topographies lumineuses, autant culturelles que naturelles, qu’on peut imaginer en contraste maximum avec la salle de répétitions de la Schaubühne. Il faudra donc lire aussi l’adaptation des Straub comme une transspatialisation signifiante de la pièce, une sortie de l’espace théâtral – celui de la Schaubühne et celui, tout aussi exigu et moins bien équipé, de la scène en demi-cercle prévue par Caspar Neher pour la représentation de Chur (AM, 168)17 – vers celui d’un cinéma d’extérieurs aussi apte à servir de cadre à l’intense intériorité subjective des antagonismes politiques de la version brechtienne que l’intimité de petits espaces scéniques. Une extension intermédiale de l’espace scénographique du théâtre, comme les photographies d’un théâtre antique utilisées par les Straub pour leur décor de la Schaubühne, ne produit pas les mêmes effets. Mais il ne s’agit pas, pour eux, de se contenter d’un effet de site qui baignerait le texte d’une lumière mythologique plus crue, reliant imaginairement les protagonistes humains, qui se meuvent dans l’espace symbolique de la scène de plein air, et les protagonistes divins de la mythologie grecque, habitant, invisibles, l’espace panthéiste de la nature sicilienne18.

8 La sortie de l’espace théâtral habituel, qui n’abolit pas une certaine théâtralité fondamentale de la mise en images d’un texte dialogué, pourrait s’autoriser de quelques vers de ce « Nouveau prologue [Prolog] d’Antigone », rajouté en 1951 pour une représentation à Greiz (RDA), à la place de celui (Vorspiel) de la version de 1948 à Chur : Brecht y avait introduit implicitement un double espace où l’exiguïté physique de la scène de Chur avait pour extension l’espace idéel induit par sa relecture du mythe. Dit par Tirésias, avec la présence muette de Créon et d’Antigone, il se terminait par une adresse épique aux spectateurs : Und nunmehr / Werdet ihr uns und die anderen Schauspieler / Ein um den andern den kleinen Schauplatz / Im Spiele betreten sehn, wo einst unter den / Tierschädeln barbarischen Opferkults / Urgrauer Zeiten die Menschlichkeit / Groß aufstand.

9 Ainsi, ce que montrent les photos de Ruth Berlau et la description de la scénographie de Neher (AM, 77-78 et 168), c’est à la fois un théâtre de la réduction apparente des signes scéniques à l’essentiel de ce qu’exige le gestus fondamental de la pièce et une charge symbolique importante de la scénographie19. Qu’une « petite scène », plongée dans une pénombre assez involontaire qui la rapetissait, puisse contenir la vaste métaphore des temps immémoriaux de la barbarie des sacrifices dans lesquels « émergea/se dressa, pleine de grandeur, l’humanité » semblait donc appeler un nouvel espace. On peut ainsi émettre l’hypothèse que, dans le transfert de la pièce de cette « petite scène » à un vaste site grec illuminé par le soleil sicilien, se noue une bonne part du retraitement du texte-scène par le texte-écran.

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10 Même s’il sera ici question du travail des Straub sur le texte et les indications de mise en scène de Brecht, du passage de la scène brechtienne à l’écran straubien donc, on peut commencer par inscrire dans chacune des trois réécritures mentionnées dans le titre du film des éléments du contexte de leur production qui font apparaître des connexions politiques souterraines. 1794-1804 : pour Hölderlin, c’est la contemporanéité et l’immédiat après-coup de la Révolution française et le temps d’un « retournement patriotique » (vaterländische Umkehr)20 nourri de son propre mythe grec d’une germanité rénovée dans son éthique et sa politique21 – 1948 : pour un Brecht préoccupé de faire un bilan sévère de l’Allemagne de l’après-guerre et de la situation artistique et idéologique de ses théâtres après la traversée des « temps obscurs » (cf. AM, 73), c’est l’inclusion, dans les notes de journal parallèles à la réécriture, d’une critique radicale du rôle du capitalisme impérialiste dans les entreprises nazies – 1991 : pour les Straub, c’est une date que le spectateur pouvait accoler à la toute récente réunification allemande qui restaurait une continuité que Brecht (comme les Straub ?) suspectait d’être porteuse de nouveaux « déchirements »22.

11 Les trois réécritures pourraient donc illustrer une récurrence que la thèse de l’avant- propos du Antigonemodell formulait brièvement : « Es ist ein Drama, das kämpferisch in die damaligen griechischen Zeitgeschehnisse eingreift » (GBFA, 24, 349). Pour Brecht et les Straub, qui n’ont pas choisi au hasard sa version de la pièce, cette intervention politique « combative », qu’il s’agit de refaire émerger du texte de Sophocle à travers la transposition d’Hölderlin, ne peut faire l’économie d’adjonctions directement ou indirectement actualisantes. Chez le Brecht de 1948, elle sera d’abord le fait du Vorspiel déjà mentionné, qui est une action à part entière : moins centrée sur le « rôle de l’usage de la violence dans le déclin du sommet de l’État » (AM, 74) que sur l’acte résistant d’Antigone, deux phénomènes qui seront réinterrogés dans la diégèse de la pièce. Ce Vorspiel est une sorte de long poème épico-dramatique qui recentre le tragique autour d’événements calqués sur des réalités fréquentes dans les derniers jours de la guerre : le retour d’un frère soldat qui a déserté un jour d’avril 1945, son assassinat par un SS qui le pend à un crochet, la réaction différente de deux sœurs, entre passivité résignée et résistance, l’une des grandes problématiques du théâtre brechtien des années nazies, que l’on pense à Furcht und Elend des Dritten Reiches (1937-38)23.

12 Ce premier prologue donnait une figure historique concrète à un destin dont Brecht cherche également à supprimer la dimension de « “Moira” grecque »24. Brecht entendait, au contraire, « séculariser » une conception antique selon laquelle « l’homme est plus ou moins livré aveuglement au destin, il n’a aucun pouvoir sur lui », et lui opposer un des axiomes de la modernité : « le destin de l’homme, c’est l’homme lui-même » (GBFA, 24, 349-350). Dit autrement : « Antigone, zum Tode verurteilt, fordert die Alten auf, anstatt zu ihr von der Macht des Schicksals zu sprechen, die Macht des Tyrannen zu brechen. » (Hecht, 25).

13 Les Straub font, quant à eux, commencer leur film par la longue plainte d’Antigone à sa sœur Ismène, comme chez Sophocle – chez qui elle est cependant « prologue » – et Hölderlin – chez qui elle est la première scène d’un premier acte. Mais ils ajoutent une sorte d’épilogue extra-diégétique qui cite une intervention de Brecht au Congrès viennois pour la paix en 1952 : Das Gedächtnis der Menschheit für erduldete Leiden ist erstaunlich kurz. Ihre Vorstellungsgabe für kommende Leiden ist fast noch geringer. / Diese Abgestumpftheit ist es, die wir zu bekämpfen haben. / Denn der Menschheit drohen Kriege, gegen welche die vergangenen wie armselige Versuche sind, und sie werden

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kommen ohne Zweifel, wenn denen, die sie in aller Öffentlichkeit vorbereiten, nicht die Hände zerschlagen werden.

14 C’est un long plan muet d’insert textuel, avec un bruit de moteurs d’hélicoptères en off, qui rompt avec l’économie dramaturgique du film et propulse la pièce dans une actualité pérenne : celle des angoisses de l’humanité face aux guerres à venir et à leurs dévastations inouïes. Ils peuvent ainsi relier les mises en garde prémonitoires de Brecht à la nouvelle conjoncture guerrière de 199125.

15 Un tel épilogue peut ainsi apparaître comme le prolongement logique des signifiés implicites du long titre choisi par les Straub. Ils inscrivent leur « adaptation » dans une sorte de continuité benjaminienne de la longue histoire des catastrophes humaines – celles qui nouent, comme le mythe originaire, les tueries familiales aux guerres civiles et aux guerres impériales – à un moment où l’effondrement du bloc soviétique et le « tournant » de la réunification allemande pouvaient en laisser espérer la fin. C’est cette continuité qui laisse implicitement ouverte la possibilité d’une nouvelle réécriture et d’un allongement potentiellement infini du titre de leur film : le mythe d’Antigone et sa dimension prophétique font du deuil un affect de grand avenir tant que pèseront sur l’humanité les menaces de guerres nouvelles et « si à ceux qui publiquement les préparent on ne coupe pas les mains »26. Rappeler ce contexte, c’est anticiper certains jugements critiques sur la version de Brecht et sa reprise par les Straub, comme celui de Handke, qui jouait le modernisme poétique et le sens de la tradition tragique grecque de Hölderlin contre le didactisme politique de la version de Brecht27.

16 On peut maintenant examiner les significations multiples du « retravail » brechtien – texte et mise en scène de Chur –, telles qu’on peut les reconstituer à l’aide du Antigonemodell, avant d’analyser leur « adaptation » dans la mise en scène et en images du film des Straub. Celles qui sont au fondement de la relecture/réécriture d’Antigone sont indissociables de la théorie brechtienne du nazisme. Les notes de journal parfaitement contemporaines de ce premier travail théâtral dans l’aire linguistique germanique, que les Straub citent largement dans le programme de la représentation de la Schaubühne, montrent une évidente préoccupation (GBFA, 27, 255-275) : la réécriture d’Antigone, pièce réputée emblématique de la collision entre tyrannie et démocratie, est indissociable d’une interprétation de la situation idéologique et morale héritée du nazisme et de la critique du discours dominant chez ceux des intellectuels occidentaux qui rejetaient le fascisme au nom de ces valeurs démocratiques de la « civilisation occidentale » que la réécriture d’Antigone va servir à réinterroger. Pour Brecht, ce rejet est symptomatique des refoulements et occultations qui rendent aveugle au fait que « la perte des libertés individuelles sous le capitalisme » fait de celles-ci une pure fiction tant qu’elle est référée à un nazisme qui serait l’antagoniste de la démocratie occidentale et non « son autre phase naturelle, dans laquelle la dictature de la bourgeoisie se dévoile intégralement » (J., 16 mars 1948). Démasquer le rôle de la bourgeoisie allemande dans une guerre cataclysmique qu’on ne saurait plus seulement nommer « hitlérienne » (J., 1er mars 1948) exige de montrer qu’on ne peut dénazifier la bourgeoisie qu’en la désembourgeoisant : « Das deutsche Bürgertum “entnazen” heißt, es entbürgern » (J., 1er janvier 1948).

17 La nouvelle figure d’Antigone, forgée par les nouvelles significations qu’imposent en 1947-48 les dévastations inouïes de la dernière grande catastrophe guerrière, excèdera donc la simple défense des lois immémoriales non écrites contre un pouvoir d’État qui se légitime d’un divin par lui instrumentalisé. Il excèdera ainsi le propos de la version

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inaugurale : mettre au centre des réflexions de la polis les conséquences d’un conflit entre les lois coutumières non écrites et celles édictées par les gouvernants de la cité des hommes, toutes deux aimant à se réclamer d’une origine divine. Antigone y représenterait un droit plus humain et plus intangible, en fin de compte antagonique du droit plus conjoncturel que le pouvoir d’État instaure par sa législation. C’était la problématique canonique de la « collision » structurelle des deux droits – pointée par Hegel, l’ancien condisciple d’Hölderlin – qui serait au cœur du tragique d’Antigone28.

18 Le début d’un avant-propos non retenu pour le Antigonemodell montre que, dans une première phase de sa réécriture, Brecht a pu partir de cette vision-là, majoritairement entérinée par la postérité des exégèses politiques de la pièce : « Die Antigone des Sophokles ist die betonte Absage an die Tyrannis und die Hinwendung zur Demokratie », écrit-il dans des remarques sur Antigone29. L’Antigone « sécularisée » de Brecht en fera un conflit moins abstrait entre deux pratiques exclusivement humaines : œuvres de mortels, les droits sont modifiables par d’autres mortels (v. 359-361).

19 Nous avons vu par ailleurs que l’excipit du prologue de 1951 opposait à la barbarie archaïque non plus la démocratie, mais l’humanité, soit une culture centrée sur l’humain, sorte de dialectique infernale entre culture et barbarie dont Antigone est à la fois l’instrument et la victime et dont le nazisme représentait pour beaucoup, dans les années trente et quarante, l’apogée historique : Was im zentralen Konflikt des Antigone-Stücks verhandelt wird, nämlich der Verstoß gegen die agrapta nomina, die ungeschriebenen Gesetze, geht weit über die Verletzung der geheiligten Bestattungspflichten hinaus. Eifersucht und Rivalität, Familienzwist, Blutrausch, Wutexzesse und Rache, Vatermord, Gattenmord, Kindermord, Kindes-Aussetzungen und grausame Einkerkerungen, archaische Opferriten, unerlaubte Sexualbeziehungen und illegitime Usurpationen, Verletzungen von Gastrecht und eine erschreckende Anzahl von Selbstmorden von Ehefrauen (Ino, Iokaste, Eurydike) bis zu beiden Söhnen Kreons – dies alles zusammen zeigt eine Dynamik destruktiver Energien, die jede kulturelle Ordnung in ihren Grundlagen zersetzt. […] Dies ist es, was Hölderlin die „reißende Zeit“ nannte und den „Geist der ewig lebenden ungeschriebenen Wildniß und der Todtenwelt“. Es ist das aus der Mitte der Kultur ausgebrochene Chaos. Die Barbarei. Antigone ist das „Kind“ (pais) dieser barbarischen Verkettungen. Ihr Begehren und ihr Wahn ist es, um es mit den Worten Kafkas zu sagen, das „Hinausspringen aus der Totschlägerreihe“ zu wagen30.

20 Intéressé, dans le mythe, par ce « saut » hors de l’histoire familiale et sociale des atrocités, Brecht ne va pas se satisfaire d’une simple alternative entre culture et barbarie, qui décalquerait simplement celle entre démocratie et tyrannie et qu’avait privilégié, en 1935, un « Congrès pour la défense de la culture » devant lequel il avait proclamé l’urgence de parler aussi des rapports de propriété, position réaffirmée, nous le verrons, dans sa réécriture d’Antigone. Ce qui ne signifiait pour autant vouloir occulter la barbarie ; il suffit de ne pas la mythifier en la référant à un destin supra- humain – la malédiction des Labdacides par exemple – et de ne pas en faire un « état d’exception » conjoncturel qui désarmerait tout penser politique sur celui-ci31.

21 On peut en repérer les traces dans la réécriture de la fin du célèbre stasimon du chœur : « Ungeheuer ist viel. Doch nichts / Ungeheuerer, als der Mensch », qu’Hölderlin avait placé au début de son acte II. Si Brecht ne reprend pas cette mise en exergue formelle, il lui conserve sa centralité32, modifiant néanmoins profondément le texte de Hölderlin à la fin du stasimon en ajoutant des vers qui font dériver plus explicitement le sens laudatif de l’anaphore initiale vers le « monstrueux »33. Quand l’homme perd toute

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mesure et devient un loup pour les autres mais aussi pour lui-même, quand il contraint « la nuque de son semblable » à se courber sous son joug tandis que celui-ci lui « arrache les entrailles », quand il dresse des murs autour de sa propriété et abat ceux des autres, « ouvrant le toit à la pluie », quand l’humain ne signifie plus rien pour lui, alors il devient « un monstre pour lui-même » (v. 300-310). Comme ce fut le cas dans cette « orgie sanglante la plus énorme, le plus grand déchaînement des forces destructives, collectives et personnelles » qu’était et que sera toujours pour Brecht la Seconde Guerre mondiale (J., 20 avril 1948). En contrepoint scénique de la barbarie « monstrueuse » proférée sur l’aire de jeu, le garde de la mise en scène de Chur attachait sur le dos d’Antigone la planche qu’elle va conserver jusqu’à la fin de la scène et qui à la fois la « courbe », entrave ses mouvements et soutient sa révolte. « Das Brettschleppen macht Antigone zu einem Unruhezentrum, da es ihre Reaktionen und Aktionen physisch groß umsetzt. […] Im Kampf scheint das Brett leichter zu werden » (AM, 104 et 103-111)34. Pas de « monstruosité » qui ne recèle à son insu les conditions matérielles et morales d’une résistance de l’humain.

22 Pour ne pas laisser la barbarie se réinvestir de mythologie, le propos de Brecht, tel que les notes suisses du Journal le précisent (J., 2 mars 1947 et 5 janvier 1948), fut de faire subir une torsion matérialiste à la fable et aux protagonistes principaux. Cette tâche complexe se conformait aux remarques initiales sur la fable originaire car, a priori, la pièce ne pouvait se voir conférer une « certaine actualité » qu’à condition de procéder à sa « rationalisation systématique » (Durchrationalisierung) (AM, 74), sinon sa place était dans « les cimetières barbares de crânes de chevaux morts » (J., 18 janvier 1948). La guerre de Thèbes contre Argos devient ainsi une guerre de conquête impérialiste pour un « minerai gris », qui la rapproche des guerres nazies afin de mieux interroger ce réel-là à travers l’antique fiction. Sa cruauté et sa violence doivent être montrées comme une violence des maîtres de l’État qui ont réussi à entraîner le peuple de Thèbes dans une guerre impériale contre Argos, rendant caduc le droit en vigueur et en créant un nouveau, placé non plus sous l’égide des dieux, mais sous le signe d’intérêts bien terrestres : « Krieg schafft neues Recht », dit Créon au chœur des anciens (v. 1089). Il y a là une nouvelle articulation du conflit entre Thèbes et Argos qui doit montrer le caractère indissociable de la déchéance du sommet de l’État thébain et de son incapacité à organiser à la fois son économie et ses guerres. Car le propre de la violence et de la « cruauté » de la guerre de conquête, c’est qu’elle « nécessite aussi d’être cruel envers son propre peuple » (GBFA, 24, 350) : dilemme fondamental d’un pouvoir qui entend mener une guerre de pillage vers l’extérieur avec l’aide de ceux qu’il a pillés de l’intérieur (« Les pillés sont invités à piller », J., 5 janvier 1948). La violence cruelle déchaînée envers Argos fait alors « exploser », à Thèbes, la force « humaine élémentaire » qu’elle avait artificiellement comprimée, sapant les fondations de l’entreprise guerrière et précipitant sa perte (J., 5 janvier 1948).

23 C’est ainsi que Brecht, s’appuyant sur sa propre analyse des guerres puis de la débâcle de l’État nazi – l’avant-propos du Antigonemodell fait d’Argos le lieu d’un « brusque retournement », un « Stalingrad d’aujourd’hui »35 (GBFA, 24, 350) –, relit l’« intrigue [Begebenheit] Antigone-Kreon » : elle n’est plus centrée, comme chez Sophocle et Hölderlin, sur la vengeance d’État post-guerrière de Créon à l’encontre de la « coutume humaine » qui exigeait une sépulture, même pour celui qui avait trahi la cité (Polynice), vengeance qui finissait par décimer sa propre famille et en faire une loque repentante à la fin de la pièce. Toute la problématique d’une cruelle violence d’État, inséparable de sa criminelle impéritie et de la débâcle de sa classe dominante36, doit être dépouillée

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d’une conception qui ne saisit pas ce qu’il y a en fin de compte de « non pratique » dans des guerres à la fois impérialistes et civiles, comme celles menées par le nazisme, qui compensent précisément leur échec par une débauche de violence. La morale de Créon (ou de Goebbels et Hitler), dit encore une note de journal de janvier 1948, c’est donc plutôt la mobilisation des dernières réserves sous les oripeaux d’une guerre qui devient « totale » – on pense à celle proclamée par Goebbels quelques jours après Stalingrad dans le palais des sports berlinois –, comme l’est le naufrage de l’État qui la mène : « Dieser Einsatz der letzten moralischen Reserven mißlingt und beschleunigt den Untergang […]. Der Untergang wird sozusagen umso totaler. » Ce pourquoi l’accent nouveau mis sur une trinité négative (pouvoir tyrannique / guerre impérialiste / massacres intérieurs autant qu’extérieurs37) signifie concrètement une certaine obsolescence des rites immémoriaux de sépulture38 et, partant, l’abolition des lois morales, écrites ou non. C’est la teneur des dernières déclarations d’Antigone au chœur.

24 Cependant, les analogies politiques avec le présent apparurent rapidement aussi frappantes que problématiques si on ne remettait pas en cause l’héroïsation de la protagoniste principale que des siècles d’exégèses et de réécritures avaient promue « grande figure de la résistance dans le drame antique ». Celle-ci, dit Brecht, ne saurait, une fois « rationalisée », « représenter » celles des figures de la résistance au nazisme qui « (nous) semblent les plus importantes » (AM, 74) et que la mémoire collective dominante d’après-guerre s’est empressée de refouler : pour lui, c’était la résistance communiste plus que le 20 juillet 1944 des Beck, Goerdeler et Stauffenberg qui, comme son Antigone, « ont bien trop longtemps mangé le pain cuit dans d’obscures régions [im Dunkeln] » (J, 12 janvier 1948)39. Faisant, à l’instar du chœur, partie de la classe dominante de Thèbes et donc ayant longtemps été partie prenante des modalités de cette domination, Antigone ne peut pas en être totalement exceptée : « Erst als die Gewalt, die vom Haus Ödipus ausgeteilt wurde, in dieses Haus zurückschlug, erwachte sie. » (GBFA, 24, 352)40.

25 Ce qui vaut bien davantage pour le chœur. De par son importance idéologique et scénique, le chœur a donc dû, lui aussi, être réécrit et mis en scène avec une attention particulière. Intéressé, sur un plan plus formel, par le caractère épique de la « double fonction » dramaturgique du chœur antique, « commentateur et protagoniste » (AM, 102), par son statut traditionnel de médiateur entre les protagonistes, dont il interrompt et relance les épisodes, et le public, Brecht en réoriente néanmoins la signification globale. Contrairement à Sophocle, il souligne d’abord que leur statut d’anciens de la cité (« Die Alten ») n’en fait pas les dépositaires d’une sagesse non partisane qu’illustraient, dans la tragédie grecque, les strophes et antistrophes de ses chants. D’où l’importance de trouver une figuration scénique différente des mises en scène traditionnelles : « Es wurde übrigens darauf verzichtet, die Alten zu Greisen zu machen, da weder Weisheit noch Poesie hauptsächlich bei Greisen zu finden sind, und um Kriege zu machen, muß einer nicht alt sein, sondern nur zu den Herrschenden gehören. » (AM, 102)41. C’est une option également retenue, à une exception près, par la distribution des Straub, qui maintiennent néanmoins le statisme scénique habituel des chœurs grecs. Mais Brecht en fait surtout une figure essentielle de la « représentation des Grands de Thèbes » et, par extrapolation, de la grande bourgeoisie de la polis. Il est d’ailleurs déjà nommé tel par Sophocle : « riches citoyens » (reichbegüterte Bürger) (Reclam, 39). Hölderlin en fait des « vielbegüterte Männer » (Beissner, 261), formule reprise par Brecht (v. 774). Même s’il peut, chez lui, prendre ses distances envers Créon

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dans son incitation à la mansuétude envers Antigone et la critique ambivalente d’une guerre désastreuse – allusion vraisemblable au basculement d’une partie des couches dirigeantes allemandes à partir de 194342 –, il est jusqu’à la fin le soutien indéfectible du trône, accompagnant Créon dans sa sortie de scène « vers la cité qui s’écroule », tels ces irréductibles nazis des derniers jours du bunker : « Folgten dem Führer auch jetzt, und jetzt in Verfall und Vernichtung », dit l’indication scénique (AM, 159).

26 La dernière grande réplique d’Antigone à l’adresse du chœur aurait ainsi pu s’adresser à la grande bourgeoisie allemande – de Krupp à l’IG Farben – impliquée dans les principales entreprises guerrières du régime43 : Nicht, ich bitte euch, sprecht vom Geschick. /…/ … Ihr, die dem Kreon den Krieg / Über unheimische Marken schleppet, so viele / Schlachten auch dem glücken die letzte / Will euch verschlingen. Ihr, die Beute rieft, nicht / Volle Wagen werdet ihr kommen sehen, sondern / Leere.

27 Voilà la nouvelle définition non mythifiante du destin qu’Antigone, jusque dans la signifiance poétique de sa langue44, propose dans son ultime tirade et qui, à elle seule, pourrait justifier le choix de la mise en garde brechtienne explicite dans l’épilogue straubien du film.

28 La mise en scène de Chur avait exhaussé, par divers moyens, la soumission du chœur au pouvoir tyrannique : après s’être paré d’une couronne de laurier pour fêter « la victoire au riche butin » (v. 106) (photo AM, 95)45, il répondait à Créon par un acte d’allégeance marqué qui légitime la loi du tyran dans toutes les acceptions du nómos grec, législation et droit coutumier : « Nach jeglichem Gesetz steht dir wohl zu, / Mit uns, ob tot, ob lebend, zu verfahren » (v. 213-214). Une esquisse de Neher (AM, 164) montrait également combien la position des choreutes pouvait être courbée dans une soumission qui agglutinait les corps alors que les Straub préfèrent leur maintenir en permanence une posture droite et distante, laissant à la diction et au texte le soin d’exprimer cette soumission dans toute son ambiguïté.

29 Le statut d’acolyte du pouvoir était signifié jusque dans le maquillage. Maquiller à très gros traits, « plus que de coutume », mais comme au tout début du théâtre grec, il doit rendre lisibles les effets de ce pouvoir sur les visages : « zum Beispiel bei den Alten die Verwüstungen, welche die Gewohnheit zu herrschen in den Gesichtern anrichtet und so weiter » (AM, 80)46. Dans cette même optique, la représentation de Chur semble avoir travaillé la mobilité scénique du chœur, absente du film : en agrégeant ou désagrégeant les groupes, ses placements et déplacements ont des significations cryptopolitiques qui redéfinissent le statut scénique d’un groupe qui, dramaturgiquement, constitue d’abord l’entourage immédiat de Créon, puis prend ses distances avec le tyran, opérant même un mouvement menaçant lorsque la victoire annoncée prématurément s’avère être le prélude à la catastrophe. Parallèlement à cette mobilité inhabituelle du chœur, les indications scéniques en réduisaient le caractère verbalement compact en répartissant par deux fois les répliques entre ses quatre membres alors qu’aucune didascalie de la pièce ne le stipulait : dans le chant à la gloire de Bacchus, « Geist der Lüste im Fleisch », accompagné à Chur d’un martèlement de thyrses et prononcé hors champ dans le film – et dans le dernier chant du chœur (AM, 122 et 158). En dehors d’une meilleure compréhension acoustique, cela permettait de segmenter vocalement une union apparente : les choreutes cessaient alors, l’un après l’autre, de tenir près de leur visage le masque dionysiaque, comme le montre une photo de scène (AM, 124). On peut voir là

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aussi une métaphore scénique du théâtre épique brechtien où l’acteur et le personnage ne forment qu’une unité instable.

30 Mais la segmentation des répliques permettait surtout de faire ressortir des fragments de chant, comme c’est le cas dans le dernier (AM, 158) : par la voix de l’un des choreutes s’en trouvent ainsi détachés les trois vers dans lesquels les Straub ont pu voir une incitation intertextuelle à choisir leur épilogue : « … Abgehaun wird / Daß sie nicht zuschlag mehr / Uns die zwingbare Hand ». Ils laissent, quant à eux, au montage des plans le soin de déterminer les modalités visuelles des affrontements : il n’y a pas de champs/contrechamps traditionnels – l’échelle des plans et l’angle de prises de vues varie le plus souvent d’un plan à l’autre –, mais plutôt des variations qui concernent autant le statisme de la position des personnages sur la scène de Segesta que les arrière-plans. S’ils ne reprennent pas le découpage vocal brechtien, les Straub font dire la dernière réplique de la pièce (v. 1293-1303) par l’ensemble du chœur hors champ, voix encore une fois sans visages ni corps, que la caméra a délaissés dans un lent panoramique, qui fait fugacement rentrer dans le champ la servante-messagère47, avant de s’immobiliser, dans un plan général d’un mur de l’enceinte théâtrale en premier plan et de paysage à l’arrière plan : plan « vide » d’un peuple à venir qui est encore hors champ48 et ultime résonance d’une voix venue de l’antiquité et parfaitement actuelle dans un paysage peu transformé depuis cette même antiquité, mais qu’il ne faudrait pas prendre pour le cadre d’une histoire immuable. Le plan sera d’ailleurs immédiatement suivi de l’épilogue.

31 La nouvelle relecture conjointe d’Antigone et du chœur des anciens infléchit la thématique de la dissolution de la dynastie des Labdacides décimée par la mort successive des enfants d’Œdipe (Étéocle et Polynice) et de ceux de Créon (Mégarée, Haimon), puis par la défection de Tirésias, « acolyte idéologique » (J., 12 janvier 1948) pressentant la fin et la révolte d’Antigone49. Plus que la disparition progressive d’une dynastie, dont nombre de mythologies font le cœur du tragique, ce sont les figurations du détachement du tyran et de la classe dominante que Brecht choisit de mettre en lumière. La guerre impériale et son corollaire, la guerre fratricide entre Étéocle, fidèle à Créon, et Polynice, prenant le parti d’Argos50, est un conflit fictionnel dans lequel Brecht a pu voir le symbole des deux Allemagnes sous le nazisme, Polynice pouvant figurer « l’autre Allemagne », dont parlaient nombre d’exilés et que matérialisèrent l’engagement militaire de certains d’entre eux contre l’Allemagne nazie au sein du Nationalkomitee Freies Deutschland en URSS, de la résistance européenne ou des troupes alliées lors du débarquement de juin 194451.

32 Plus on avance dans les ajouts brechtiens aux textes de Sophocle et Hölderlin dans cette grande confrontation entre Antigone et Créon, qui devient ici logiquement le meurtrier de Polynice, plus devient manifeste que la division fratricide de la fiction de base est métaphoriquement extensible aux deux camps qui divisèrent le peuple allemand entre 1933 et 1945 : ceux qui suivirent le « Führer » – ainsi est nommé parfois Créon – dans ses campagnes et ceux qui s’y refusèrent et finirent décapités à Plötzensee. La nouvelle Antigone focalise ainsi son argumentation sur les divisions du peuple suscitées par un tyran qui les exècre tellement qu’il est prêt à souhaiter aux Thébains « désunis » d’être dévorés par les vautours (v. 1286-88). Le tyran – Créon, mais aussi Hitler dont la Volksgemeinschaft exclut tous les « déviants » politiques ou raciaux – est celui qui proclame partout la nécessité de l’unité – surtout celle des dominants (v. 616-620) –, mais ne peut régner que par la désunion et l’exclusion meurtrière52. Attribuant cette

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désunion aux effets de la tyrannie locale qui chasse de larges fractions du peuple hors de leur patrie – « Weniger sind es geworden / In der Stadt, seit du herrschst, und werden noch weniger werden » (v. 453-454) –, Antigone remet en cause, du point de vue des dominés, la définition conservatrice et autoritaire que Créon donne d’une patrie ainsi épurée : « Nicht, wo einer Schweiß vergoß / Nicht das Haus, das hilflos dem Feuer entgegensieht / Nicht, wo er den Nacken beugt, nicht das heiß er Heimat » (v. 448-450). Pour ces exclus, le chez-soi, c’est souvent ce qu’il faut quitter : « Heimat ist das Entronnensein », dira Adorno qui, comme Brecht et un Jean-Marie Straub émigré en Allemagne pendant la guerre d’Algérie en 1959, a pu préférer s’en départir.

33 C’est peut-être aussi l’une des raisons pour lesquelles Brecht, ce rhétoricien-poète de l’ Einverständnis – l’« importance d’être d’accord », peut-être, mais plus sûrement la « compréhension de ce qui fait (ou défait) l’unité » –, a voulu faire d’Antigone la nouvelle figure emblématique de l’union et de la désunion dans un peuple, après l’avoir été dans sa propre famille, celle qui n’hésite pas à prendre le risque d’un effondrement de la tyrannie qui soit aussi celui de la cité53. En bonne logique, cette Antigone-là refuse radicalement l’impérialisme guerrier qui corrompt de larges couches des peuples et les entraîne dans des entreprises barbares et autodestructrices54. Lorsque Créon lie refus de dominer l’étranger et danger d’être soi-même détruit (v. 470-472), Antigone réplique : « Besser zwischen den Trümmern der eigenen Stadt / Säßen wir doch, und sicherer auch, als mit dir in den Häusern des Feinds ».

34 Dans le récit du messager, cette torsion des significations antiques permet de générer une constellation de sens parabolique : comme la guerre de conquête nazie, en particulier contre l’URSS, la défaite de Créon sonne comme le retournement de la Seconde Guerre mondiale après Stalingrad qu’il décrit avec des allusions précises à la pénétration thébaine « de plus en plus profonde dans une ville qui, dévastée, devint tombeau » (v. 1152-53). La description des aspects les plus concrets de la bataille est incontestablement inspirée par ce que Brecht pouvait savoir de Stalingrad : Doch das Gelände / Die Ausrüstung und Nahrung spielen auch mit. Und, Herr, das Argosvolk focht abgefeimt. / Die Weiber fochten und die Kinder fochten. /…/ Denn zu Schanzzeug / Und Waffe wurde Hausgerät und Wohnung (v. 1146-47).

35 C’est le balancement rhétorique de l’anadiplose qui traduit ici la mobilisation de tout un peuple contre l’envahisseur et la contre-attaque soviétique du printemps 1943, dont Brecht avait noté les développements dans son journal : « Und nicht mehr lang kann Thebe selber stehen, denn / Herauf kommt nun das Argosvolk mit Mann und Wagen auf allen Straßen. » (v. 1162-65).

36 On sait que le thème central de la désunion concerne, au début de la fiction grecque, Antigone et sa sœur Ismène. Une comparaison entre la mise en scène de Chur (qui joue le Vorspiel) et la première séquence du film des Straub montre comment en travailler les significations par l’image et le son. Le premier plan du film réunit d’abord les deux sœurs dans un plan moyen de biais, en posture statique, avec une cruche contenant le sable de la sépulture symbolique de Polynice. C’est le cadre divisé du « Gemeinsamschwesterliches ! o Ismenes Haupt » initial de Hölderlin, formule à la polysémie rugueuse que Brecht allège en une triple adresse : « Schwester, Ismene, Zwillingsreis », tout en conservant l’image d’une communauté biologique qui ne vaut pas cause commune. Ce plan des deux sœurs immobiles, le pot de sable à proximité d’Antigone55, sera suivi de plans rapprochés de chaque sœur (plans 2 et 3), en très légère contre-plongée et sur fond de ciel, qui souligne la communauté dans la

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division56, Ismène étant hors champ à partir du plan 3. Dans le dialogue qui dit leur désunion, seule Ismène se tourne parfois vers Antigone qui regarde fixement devant elle avec une diction combative57, esquisse d’un contact maintenu dans le différend que va conclure la reprise du premier plan du film. La sortie séparée de ce plan – ce que la didascalie allemande du découpage ne précise pas alors que, curieusement, la « traduction » française en regard dit : « Ismène vers le palais, Antigone vers la ville » – introduit une différence topographique dont on peut inférer une forme de choix politique (plan 7, p. 18-19). Cette désunion, inscrite dans les plans à hauteur de personnage de cette première séquence58, inscrite aussi dans les six répliques hors champ d’Ismène, alors qu’Antigone parle toujours dans le champ, est un différend non antagonique, contrairement à celui qui opposera Antigone à Créon. Elle est visualisée dans le film, qui utilise pleinement le cadre naturel du théâtre de Segesta, par l’opposition entre la minéralité du personnage de Créon, presque toujours cadré sur fond de pierres, signe de pétrification humaine du pouvoir discrétionnaire, et une Antigone plutôt associée à l’organique, comme dans la grande scène de la confrontation avec Créon, où l’arbre devient tutélaire, seul dans le champ avec Antigone en plan rapproché (plan 50, 62-64).

37 Dans la séquence qui met en scène l’antagonisme entre les deux personnages principaux, ceux-ci ne sont jamais dans le même plan, à l’exception d’un rapide panoramique en plongée (plan 40) : c’est un balayage rapide du champ – du chœur à Créon, en passant par Antigone et le garde – qui visualise l’ensemble de l’espace où se joue l’antagonisme et, partant, la différence entre un traitement théâtral et une découpe cinématographique de la scène.

38 Dans cette séquence, par leur mimique et leur diction, Créon et Antigone sont en permanence des antagonistes irréductibles. Pas de « stupeur » chez le premier quand Antigone quitte la scène, comme à Chur (AM, 112). Le conflit des répliques – avec quelques passages proches de la stichomythie – exhibe aussi les différences dans le jeu des protagonistes : le pouvoir expressif d’un acteur professionnel expérimenté comme Werner Rehm (Créon) – qui mobilise régulièrement mimique et gestuelle pour accentuer les signifiés de la diction59 – contraste avec le jeu plus statique d’Astrid Hofner (Antigone), alors jeune stagiaire de la Schaubühne. Sa diction est plus monocorde, bien que fortement scandée et soulignée par un mouvement volontaire constant de la tête. On peut aussi voir là, comme Byg et Steiner60, une séparation volontaire et signifiante de la diction du détenteur du pouvoir et de celle qui le subit, une sorte de « code sémantique » (Steiner) de la parole scénique où se concrétise physiquement l’antagonisme principal de la pièce.

39 Toutes ces significations politiques complexes exigent un rapport et un traitement particuliers du langage poétique le plus dense dont les Straub se sont fait une spécialité. Le prologue brechtien de 1951 avertit le spectateur : il sera ici en pays linguistique étranger : « Freunde, ungewohnt / Mag euch die hohe Sprache sein / In dem Gedicht, tausende Jahre alt / Das wir hier einstudiert. » (GBFA, 8, 242). Mais cette « langue noble » n’est pas celle de Sophocle. Elle est plutôt celle de Hölderlin que Brecht a choisi, dit-il, pour ses obscurités et son « gestus populaire souabe » (J, 25 décembre 1947). Ce serait donc l’alliance paradoxale d’une langue de la grande poésie réputée hermétique et de l’habitus langagier du petit peuple, le tout articulé sur des « constructions latines apprises au lycée »61, bref la langue dialecticienne de la distanciation. Opposée au « pathos sonore » d’un théâtre du « mélange inextricable des styles » de l’« époque de la

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grande braderie », celle du nazisme (AM, 80), une telle langue doit faire entendre une musicalité rugueuse et dissonante62 pour faire émerger la dimension « gestique » du texte mis en voix. Brecht et les Straub donnent ainsi à entendre les nombreuses hypotaxes des répliques de Créon comme le revers d’une même médaille : la diction aristocratiquement ampoulée du pouvoir sait, à l’occasion, être triviale63. L’objectif du travail sur la versification de la « grande langue » était donc de la contraindre à révéler l’état conflictuel des relations humaines : Es handelte sich […] nicht nur um […] einen Protest gegen die Glätte und Harmonie des konventionellen Verses, sondern immer doch schon um den Versuch, die Vorgänge zwischen den Menschen als widerspruchsvolle, kampfdurchtobte, gewalttätige zu zeigen64.

40 Brecht le réaffirmera dans le Antigonemodell : il faut que « quelque chose de contradictoire entre dans l’écoulement des vers » (AM, 124)65 qui batte en brèche les lissages de la diction classique et du « grand style ».

41 Le film des Straub et la traduction de D. Huillet dans le découpage publié manifestent en permanence qu’un tel traitement langagier, que la prise de son exemplaire de Louis Hochet fait entendre à chaque plan dans la diction des acteurs, repose lui aussi sur la ferme conviction que s’y révèle la dimension éminemment politique du texte. On peut prendre ici l’exemple des césures, si importantes pour Hölderlin et Brecht pour leur aptitude à accroître le rythme poétique, mais aussi dramaturgique66. Dans ses « Remarques sur Œdipe », le premier y voyait « une interruption à contre-rythme » qui libérait « le mot pur » et permettait « le changement torrentueux des représentations » (Beissner, 214). Comme à leur habitude, les Straub respectent systématiquement celles des césures qui marquent graphiquement la fin d’un vers. Pour eux comme pour Brecht : « La fin d’un vers signifie toujours une césure »67. Aux césures phoniques s’ajoutent, chez les Straub, les césures typiquement cinématographiques que représente l’acoutismatisation (M. Chion) des voix dans les répliques hors champ. La césure ici, c’est d’abord la disparition de l’image quand la seule voix assure la continuité dialoguée et exige du spectateur une perception clivée de l’image et des sons.

42 Pour Hölderlin, il y avait, par ailleurs, une force quasiment mortifère de la langue tragique grecque en tant qu’elle était aussi action : « das griechischtragische Wort ist tödlichfaktisch, weil der Leib, den es ergreift, wirlich tötet »68. Les Straub sont ici très proches du poète souabe quand ils écrivent dans le programme de la Schaubühne que la parole tragique « est mortelle, c’est une mort physique ». Une scène du film, conforme à une didascalie ajoutée par Brecht, en est la démonstration la plus littérale : celle du récit du messager. Quand la langue énonce la défaite et la mort, elle tue l’énonciateur qui en fut le témoin terrifié : « Und ich, der’s gesehen / Ist froh, daß er schon hin ist. Er stirbt » (v. 1165-66)69.

43 On pourrait, en conclusion, retenir ce dernier plan général de l’apparition filmique d’Antigone face à la posture pétrifiée du chœur, se dirigeant d’un pas léger et la robe flottante vers son arbre tutélaire et le contournant, comme lors de sa première sortie de scène. Dans le plan rapproché de profil qui précède, ses boucles d’oreilles pendantes se balançaient au rythme de l’obstination saccadée de la diction qui éclairait son visage. C’était un mouvement proprement « gestique », qui disait la non-réconciliation avec le pouvoir criminel et la tristesse courroucée de la mort imminente, en contraste léger avec le mouvement naturel du vent qu’on voit faire frissonner le feuillage du

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micocoulier en arrière-plan et qui pourrait avoir ici une fonction de sous-texte (ou de « sous-image »). Les Straub placeront Créon presqu’exactement en cette place d’Antigone lors de son ultime réplique qui est l’antithèse de celle de la fille d’Œdipe, comme le soulignent les crispations brutales de sa mimique, de sa gestuelle et de sa voix. C’est aussi un corps plus raide et plus lourd qui quitte une scène identique mais qui n’est pas commune, corps solitaire que Brecht faisait soutenir par les servantes d’Antigone à Chur70, qui disparaît en restant dans la négativité du mythe, celui d’un pouvoir barbare et inhumain jusqu’au bout, et non un corps léger entrant dans l’espace d’une histoire autre, qui aurait sans cesse à réitérer le gestus antagonique de la résistance. S’il y a dans la pièce un « être pour la mort » (Heidegger), il est illustré par la sortie de scène de Créon, en écho à son dernier souhait de voir sa patrie disparaître avec lui (GBFA, 24, 350) et être la proie des vautours (v. 1286-88).

44 Des premières interprétations du personnage par Brecht à sa métamorphose dans des répliques où s’affine et se renforce cette résistance à un ordre établi qui perdure de Créon à Hitler, de la petite scène de Chur aux grands espaces ensoleillés de Segesta, Antigone devient ainsi cette belle figure d’un beau poème éponyme dédié à Helene Weigel, poème-prologue écrit pour la première représentation de la pièce : Komm aus dem Dämmer und geh / Vor uns her eine Zeit / Freundliche, mit dem leichten Schritt / Der ganz Bestimmten, schrecklich / Den Schrecklichen. / … / Abgewandte, ich weiß / Wie du den Tode gefürchtet hast, aber / Mehr noch fürchtetest du / Unwürdig Leben. / Und ließest den Mächtigen / Nichts durch, und glichst dich / Mit den Verwirrern nicht aus, noch je / Vergaßest du Schimpf und über der Untat wuchs / Ihnen kein Gras71.

NOTES

1. C’est le sous-titre de la version DVD utilisée ici : Danièle Huillet / Jean-Marie Straub, Antigone, allstar MEDIA INTERNATIONAL, 2011. Les Straub en ont publié un découpage sommaire : Huillet/ Straub, Antigone – Sophocle / Hölderlin / Brecht, Toulouse, Ombres/cinémathèque française, 1992 (cité par le n° de plan). Il contient, en regard du texte de Brecht, la traduction de D. Huillet, qui laisse délibérément transparaître la langue-source dans la langue-cible, comme le fit souvent Hölderlin. 2. Jacques Rancière, « L’étrange tribunal », in : Le Monde diplomatique, avril 2003, p. 26. 3. Le texte de Hölderlin et ses « Remarques sur Antigone » seront cités d’après l’édition des Sämtliche Werke, Bd. 5, hrsg. von Friedrich Beissner, Stuttgart, Kohlhammer Verlag, 1965 (cité Beissner + n° de page). Celui de Brecht sera cité d’après la Große kommentierte Berliner und Frankfurter Ausgabe (GBFA), Bd. 8, Stücke 8, bearb. von Klaus-Detlef Müller, Berlin/Frankfurt am Main, Aufbau Verlag/Suhrkamp, 1992 (cité GBFA, n° de vol. + n° de page). Pour ce qui est du texte de Sophocle, auquel il ne sera que rarement fait référence, la version utilisée est : Sophokles, Antigone, übersetzt von Wilhelm Kuchenmüller, Stuttgart, Reclam, 20002 (cité : Reclam + n° de page). 4. Selon K.D. Müller, Brecht reprend littéralement environ 400 vers de la version d’Hölderlin, dans un ensemble qui en compte 1304. « Ganz neu sind insbesondere der Schluß der Auseinandersetzung zwischen Kreon und Antigone und das Ende der Konfrontation Kreons mit

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dem Seher Tiresias sowie das darauf folgende Streitgespräch mit Kreon und den Alten. » (GBFA 8, 493). Voir aussi Volker Riedel, « Antigone-Rezeption in der DDR », in : Brechts Antigone des Sophokles, hrsg. von Werner Hecht, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1988 (cité : Hecht + n° de page). 5. « Hinsichtlich des auf literarischen Texten basierenden Medienwechsels ist “Transformation” somit zu definieren als eine nach spezifischen medientechnologischen Konditionen vorgenommene Übertragung von deskriptiven, narrativen und argumentativen Elementen eines Zeichensystems (Ausgangstext) in ein anderes Zeichensystem (Zieltext), unter weitgehender Erhaltung der konstitutiven Bedeutungs- und Informationsstrukturen » (Michael Schaudig, Literatur im Medienwechsel, München, Schaudig Verlag, 1992, p. 25). 6. J’utiliserai largement ce Antigonemodell 1948 qui comporte 80 photos de scène prises par Ruth Berlau lors de la première représentation à Chur (Suisse), en février 1948, accompagnées des esquisses de la scénographie de Caspar Neher et de très nombreuses indications scéniques (cf. GBFA, 24, 73-168. Cité AM + n° de page). 7. Brecht note dans son journal le 16 décembre 1947: « Auf Rat von Cas (par Neher) nehme ich die Hölderlinische Übertragung, die wenig oder nicht gespielt wird, da sie für zu dunkel gilt. » (Pour une meilleure orientation dans les différentes éditions, les Journaux de Brecht seront cités: J + date de la note). 8. Je renvoie ici aux analyses du « retravail » linguistique de Brecht sur le texte d’Hölderlin par Rainer Pohl, « Strukturelemente und Pathosformen in der Sprache », in : Hecht, 245-20. Cf. également l’excellent ouvrage de Dieter Baldo (D. Baldo, Bertolt Brecht « Antigonemodell 1948 », Köln, Pahl-Rugenstein, 1987). 9. Au moment où il rédigeait quelques remarques sur son « retravail » pour la première de Greiz (RDA), en 1951, Brecht, devenu en 1949 résident d’un pays socialiste, notait déjà : « Diese Bearbeitungen verhindern nicht den Genuß an den Originalwerken. In nicht allzu ferner Zukunft wird dieser infolge der Schulung des historischen Sinns und des ästhetischen Geschmacks auch den breiten Massen der Bevölkerung möglich sein. » (GBFA, 24, 352-353). Un espoir historique que ne partageaient certainement plus les Straub en 1991. 10. Dans un entretien avec François Albéra publié dans le premier numéro de la revue Leucotheia, qui est dédiée à leur œuvre, J.-M. Straub proclame : « Pour commencer, il faut dire que la conjonction “et”, c’est toujours de la connerie : cinéma et histoire, cinéma et littérature, cinéma et musique, tout ça, c’est la fin du monde, la faillite intellectuelle… » (p. 146). Retenons-en ici simplement que le rapport entre cinéma et littérature n’est pas, pour les Straub, de l’ordre de la conjonction, mais bien plus souvent de celui de la disjonction. 11. Je m’appuie ici en grand partie sur l’excellent ouvrage de Barton Byg, Landscape of Resistances. The German Films von Danièle Huillet and Jean-Marie Straub, Berkeley, University of California Press, 1995, p. 216-235. 12. Terme à entendre comme le propose le cinéaste Jean-Charles Fitoussi, qui fut l’assistant des Straub : « montage du son et des textes et du cadre et des corps, de l’espace et de la durée – tout cela étant, dans le cas des Straub, capté en un seul temps, celui de l’enregistrement du plan ; manière pour eux de révéler de quoi la réalité se compose, de faire apparaître diversité et oppositions dans l’unité d’un monde unique et sans extérieur » (In : « Le temps d’un retour : notes de tournage de Sicilia », in : La lettre du cinéma, n°8, hiver 1999). 13. Par cette option, les Straub me semblent au plus près de l’intention brechtienne de ne pas donner à un « thème gigantesque » une « représentation d’un poids plus important » : « Es erfordert die allerleichteste (Behandlung). Bei aller Bestimmtheit der Einzelteile sollte sie im Ganzen etwas Fliegendes haben. […] Die große Linie sei eine dünne Linie. » (AM, 130). Pour Brecht et C. Neher, la légèreté était déjà dans la mobilité des corps et une scénographie minimale. Les Straub y ajouteront celle, immatérielle, du vent et de la lumière naturelle.

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14. La scène du récit de la capture d’Antigone par le garde (v. 347 ss.) est ici très significative : c’est un récit entièrement hors champ où la caméra ne montre qu’Antigone en plan rapproché sur fond d’arbre aux feuilles agitées par une légère brise. 15. Je reprendrais volontiers à mon compte cette réflexion d’Alain Badiou, selon laquelle, au cinéma et surtout chez les Straub, « l’idée visite le sensible », mais ne s’y « incarne » pas (cf. Petit manuel d’inesthétique, Paris, Seuil, 1998, p. 124). 16. Cf. Peter Handke, « Kinonacht », in : Die Zeit, 13 novembre 1992, n°47, p. 67. 17. Comme elle le reconnaît elle-même, les photos de R. Berlau, prises en légère plongée pour améliorer la « plasticité des groupes et des mouvements », souffrent d’un éclairage trop faible pour créer cette « aire de jeu bien éclairée » que voulait Brecht et qui contraignait les acteurs à « se mouvoir dans des couloirs d’ombres et brouillards lumineux incontrôlables » (cf. GBFA, 25, p. 82). 18. On pourrait citer ici, en ce sens, l’optique de Cesare Pavese, que les Straub ont longuement pratiqué et adapté : « Es ist nötig, dass die Landschaften – besser die Orte, das heißt der Baum, das Haus, der Weinstock, der Pfad, die Schlucht und so weiter – leben wie Personen, wie Bauern, und das heißt, daß sie mythisch sind. » (Lettre du 27 juin 1947 à Fernanda Picano, citée d’après la postface de Johannes Hösle à l’édition allemande des Gespräche mit Leuko, Düsseldorf, Claassen, 1989, p. 217). 19. L’aire de jeu était délimitée par quatre pieux sur lesquels étaient accrochés des crânes de chevaux morts, symboles citant une antique barbarie, accompagnés de certains attributs allégoriques liés à différents personnages, le glaive de Créon par exemple. 20. Cf. Beissner, 295. 21. Je renvoie à la traduction allemande (à cause des citations originales) du livre remarquable de George Steiner, Die Antigonen. Geschichte und Gegenwart eines Mythos, München, Hanser, 1988. Sur Hölderlin, cf. p. 86 et suiv. 22. En janvier 1948, Brecht se montre préoccupé par les formes que peut prendre l’unité allemande d’après-guerre, réflexions qui préfigurent certains discours critiques sur la réunification de 1990 : « Zugleich kann dieses Deutschland nicht mehr begriffen werden ohne Dialektik, denn seine Einheit muß es durch weitere Zerreißung erkämpfen, die Freiheit kriegt es diktiert usw. usw. » (J., 6 janvier 1948). 23. Dans une version ultérieure du prologue, la passivité craintive d’Ismène change du tout au tout : il ne s’agit plus de couper la corde à laquelle est pendu le frère avec un couteau, mais d’enfoncer celui-ci dans le corps du SS qui l’a assassiné avec l’assentiment de la sœur hésitante, action qui ressoude l’unité des deux sœurs autour d’une action plus violente que celle de la diégèse elle-même : « Ismene : Und als sie ihm das Messer eintrieb / Da war mir meine Schwester lieb » (GBFA, 8, 492). 24. Cf. la lettre de Brecht de décembre 1947 à son fils Stefan (citée in : Hecht, 19). Le terme de « Moira » se trouve également chez Sophocle dans le grand chant du chœur sur la « force du destin » qui suit la dernière apparition d’Antigone (Reclam, 42-44). Hölderlin traduit par « grand destin », tandis que Brecht supprime tout le chant. 25. Straub a pu provoquer quelque irritation, lors de la première d’Antigone à la Schaubühne, en interpellant le public sur la guerre en Irak. 26. Dans sa dernière tirade, beaucoup moins focalisée sur le tragique de son destin que chez Sophocle et Hölderlin, Antigone prophétise une longue suite de morts sans sépultures, sortant de l’espace mythique du conflit de Sophocle pour entrer dans celui de l’histoire sans fin des calamités guerrières : « Euch beweine ich, Lebende / Was ihr sehen werdet / Wenn mein Auge schon voll des Staubes ist. » (v. 849-851) 27. Cf. « Kinonacht », op. cit. De plus, Handke attribue aux Straub les inserts brechtiens de passages de Goethe et de Pindare.

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28. « Antigone verletzt das Recht des Staates, Kreon das der Familie. Die Antinomie zweier gleichberechtigter Prinzipien macht das Wesen der Tragödie aus. » Cf. Sophokles Antigone Erläuterungen und Dokumente, hg. von Marion Giebel, Stuttgart, Reclam, 2003, p. 60-61. Cf. également G. Steiner, Die Antigonen, op. cit., p. 54 et suiv. 29. Cf. GBFA, 24, 349. 30. Hartmut Böhme, « Götter, Gräber und Menschen in der “Antigone” des Sophokles », in : Gisela Greve (Hg.), Sophokles. Antigone, Tübingen, ed. Diskord, 2002, p. 93-124. 31. Cf. la thèse VIII de Über den Begriff der Geschichte de son ami Walter Benjamin que Brecht avait lu dès 1940. 32. Dans le film (plan 31), seuls les tout premiers vers du stasimon sont énoncés dans le champ (plan d’ensemble en plongée du chœur). Les vers suivants le sont hors champ, comme nombre d’interventions du chœur, la caméra cadrant l’une des bandes dallées du sol de terre battue. C’est un plan apparemment vide, mais plein d’une vocalité sans visage, comme en retrait d’un texte qui fait résonner l’ambivalence mortifère de l’humain. 33. Il le précise dans ses « Anmerkungen zur Bearbeitung » (GBFA, 24, 351) : « Der Mensch, ungeheuer groß, wenn er die Natur unterwirft, wird, wenn er den Mitmenschen unterwirft, zum großen Ungeheuer ». 34. Chez les Straub, pas d’accessoires pour alourdir les tuniques agitées par la brise. Le corps d’Antigone est toujours droit, plein de « grâce et de dignité », mais sans excès. Ce qui l’opprime ne marque pas ses postures, très peu également sa mimique et sa diction, et pas du tout sa gestuelle : la langue de l’oppression et de la résistance ne s’exprime pas dans le corps. Chez son antagoniste, Créon, c’est autant que la conflictualité verbale plus exacerbée – contre Antigone, Hémon, Tirésias et même le chœur – qui infléchit la diction et mobilise le plus l’expressivité du corps : les mains et bras en particulier. 35. L’avant-propos du Antigonemodell mentionne un décor envisagé, montrant une « ville en ruine », peut-être l’une de celles reproduites dans le Journal des années de guerre puis la Kriegsfibel de 1955 (AM, 78). 36. Le Journal montre à l’évidence l’intrication des réflexions sur la débâcle du nazisme, qui fut celle de la classe bourgeoise autant que de Hitler (« Die Grausamkeit der nazistischen Staats- und Kriegsführung war genau das, was die Bourgeoisie brauchte, sie empfahl ihr Hitler. », J., 1er mars 1948), et de celles sur la problématique centrale d’Antigone, réflexions nourries par Der SS-Staat de Eugen Kogon et les mémoires de Goebbels (J., 20 avril 1948). 37. Trinité déclinée ainsi par une réplique de Tirésias face à Créon ajoutée par Brecht : « Denn keiner weiß im Krieg, was er behält. / Sei’s Silber, seien’s Söhne, sei’s Macht. » (v. 973-974). 38. « Andere Körper, zerstückte / Werden euch liegen, unbestattet, zu Hauf um den / Unbestatteten. » (v. 842-844). 39. Il mettra la remarque, presque mot pour mot, dans la bouche du chœur lors de la disparition d’Antigone (v. 865-867). 40. Ce qui signifie, pour la direction d’acteurs, que l’actrice qui joue Antigone est, plus que d’autres, vouée au style épique dénué de toute empathie, car elle doit résister à la « tentation » d’inspirer de la pitié au spectateur et de lui voiler « les dissensions des dominants, auxquels (elle) appartient » (AM, 106). 41. Dans la grande confrontation entre Créon et Antigone, le chœur de Chur était d’abord regroupé autour de Créon, jusqu’à la sortie de scène de la seconde qui est le moment où il prend quelques distances avec le pouvoir, l’incitant à la clémence. Dans le film, le chœur est d’entrée installé dans un espace et un angle de prises de vue qui lui est propre (côté gradins, selon son placement antique habituel). 42. Créon a beau jeu de railler l’inconséquence de ces « hésitants », comme les nomme Brecht, à se dresser contre son pouvoir alors qu’ils ont accepté de profiter des produits de ses pillages : « Undankbare! Fresser der Fleische, aber / Des Kochs blutige Schürze gefällt nicht » (v. 1092-93).

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43. « Zur Frage der Ächtung derer, die mitgemacht haben: es war richtig, während des Kriegs den Krieg dem deutschen Volk als den Krieg Hitlers zu bezeichnen. Jetzt muss der Krieg als der Krieg der deutschen Bourgeoisie bezeichnet werden, von Hitler im Auftrag geführt. » (J., 1er mars 1948) 44. Notons qu’on perçoit bien ici le statut sémantique capital des césures de fin de vers (voir infra) quand « so viele » s’en trouve déterminer à la fois les « batailles », que l’enjambement aurait seules exhaussées, et les « marches étrangères ». 45. Les Straub font débuter la scène, filmée en plan général et en plongée, par un coup frappé avec le thyrse de Bacchus qui semble inaugurer une autre scène, plus dionysiaque. 46. Les Straub, fidèles à leur conception du visage cinématographique du personnage, au plus près du visage réel de l’acteur et de la lumière naturelle qui l’éclaire, ne le maquillent pas. Ils ne font donc aucune référence à cette théâtralité aussi ancienne que la tragédie, avant l’introduction des masques. 47. Chez Sophocle et Hölderlin, c’est le messager qui dit la réplique de la servante, sinon absente du texte. Dans le film, c’est le seul personnage accroupi, mais dans une posture pleine de dignité (elle se redresse parfois), vêtu d’une ample robe, qui couvre aussi sa tête, du même ocre brun clair que celle d’Antigone. C’est peut-être la posture scénique appropriée pour faire transparaître dans son récit le « point de vue des serviteurs [Gesinde] » voulu par Brecht qui en faisait un personnage fugace mais d’une substantialité populaire complexe : « Es soll der Genuß gezeigt werden, eine Katastrophe berichten zu dürfen, die respektvolle Gleichgültigkeit gegen den Herrn, die romantisierende Sympathie mit dem jungen Paar. » (AM, 154). 48. Absent de la scène de Chur et du film, le peuple doit se constituer dans la salle : « Frage : Welche Stellung einzunehmen soll dann das Publikum veranlaßt werden ? Antwort : Die des Volks, das dem Zerwürfnis der Herrschenden zusieht. » (AM, 118). 49. Il subit, lui aussi chez Brecht, une « sécularisation » importante : « … im alten Gedicht der Mitwisser göttlicher Voraussicht, ist (er) in der Bearbeitung ein guter Beobachter und deshalb in der Lage, einiges vorauszusagen (GBFA, 24, 351). 50. Antigone énonce, envers Créon, la vision brechtienne des enjeux nazis : « Nicht genügte es dir / Über die Brüder zu herrschen in eigener Stadt /…/…du / Mußtest zum fernen Argos sie schleppen, über sie / Zu herrschen auch dort. Und machtest den einen zum Schlächter / Dem friedlichen Argos, doch den Erschrockenen / Legst du jetzt auch gevierteilt, zu schrecken die Eignen » (v. 411-419). 51. La relecture brechtienne modifie donc radicalement la signification dramaturgique et idéologique du combat pour refuser ou imposer une sépulture décente à Polynice. La résistance d’Antigone n’est alors plus seulement dictée par la mise en conformité intransigeante avec des lois humaines immémoriales, mais par l’hommage à celui qui a su prendre les armes contre la tyrannie quitte à combattre les armées de sa propre patrie. 52. « Kreon : Uneins, so will sie uns haben unterm thebanischen Dach. / Antigone : Du, der nach Einigkeit schreist, vom Zwiste lebst du » (v. 430-431). 53. « Die große sittliche Tat der Antigone, die sich gegen den Tyrannen Kreon auflehnt, besteht darin, daß sie, bewegt durch tiefe Menschlichkeit, nicht zögert, durch offenen Widerstand das eigene Volk in die Gefahr des Besiegtwerdens in einem Raubkrieg zu bringen (souligné par moi, A.C.) », écrit Brecht en 1951 (Hecht, 214-215). 54. Aux intellectuels exilés qui, de plus en plus nombreux, « refusent de faire une différence entre les nazis et les Allemands », Brecht « propose », en 1942, de réviser leur vision du peuple pour comprendre le phénomène d’une adhésion aussi massive au fascisme hitlérien : « Faschismus ist eine Regierungsform, durch welche ein Volk so unterjocht wird, daß es dazu zu mißbrauchen ist, andere Völker zu unterjochen » (J., 28 juin 1942). 55. Les photos de R. Berlau montrent une distance maximale entre les deux mais aussi, concrètement, le geste symbolique du sable recueilli par Antigone, que Brecht nomme « Staubaufsammelnde » (v. 37). Après avoir pénétré l’aire de jeu d’un pas rapide et léger,

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Antigone se met à genoux pour recueillir le sable dans un pot de fer, tandis qu’Ismène reste debout et immobile, à l’autre bout de l’aire de jeu. 56. Cf. la réplique de la double soumission d’Ismène, en tant que femme et que dominée : « Dies auch denke: Weiber sind wir / Und dürfen so nicht gegen Männer streiten /…/…da mir Gewalt geschieht / Folg ich dem Herrschenden. Vergebliches nämlich / Zu tun, ist unweis. » (v. 62-69). 57. En opposition notable avec Helene Weigel à Chur, qui se « recroquevillait littéralement » face à « la volonté de sa sœur de se soumettre » (AM, 92). 58. Ils contrastent avec les nombreuses plongées et contreplongées des autres séquences. Par ailleurs, dans la grande scène/séquence de la confrontation entre Antigone et Créon, il y a alternance des répliques hors champ des protagonistes, sauf dans le plan 47, dans lequel Antigone énonce la contradiction principale. Sinon, la parole d’Antigone n’est quasiment jamais hors champ. 59. Dans la scène de la confrontation avec son fils Hémon (plans 64-65), Créon manie le thyrse tantôt comme un sceptre (gestus du souverain), tantôt comme une lance (gestus du guerrier), gestuelle qui résume le sens principal de son personnage. Ce en quoi il détourne l’image, donnée par Brecht dans sa réécriture, du seul dieu qu’il conserve de la pléiade sophoclienne et hölderlinienne et dont il fait – après le grand cataclysme guerrier et contre une certaine vision post-nietzschéenne – le dieu de la joie de vivre, de la beauté et du règlement pacifique des conflits (v. 742-46), même s’il peut pousser les humains « à se courber sous le joug en espérant des plaisirs » (GBFA, 24, 352). 60. Cf. Byg, op. cit., p. 222. 61. « Ich finde schwäbische Tonfälle und gymnasiale Lateinkonstruktionen und fühle mich daheim. Auch Hegelisches ist da herum. Vermutlich ist die Rückkehr in den deutschen Sprachbereich, was mich in das Unternehmen treibt. » (J., 16 décembre 1947). 62. Cf. l’ouvrage de D. Baldo, qui fait une grande part à l’interprétation idéologique des caractéristiques formelles de la langue poétique de Brecht comme langue « gestique » – versification, césures, rythmes etc. 63. On peut y voir le gestus linguistique fondamental d’un pouvoir tyrannique, fictionnel (Créon mais aussi Arturo Ui) ou réel (Hitler). « Spricht der Sophokleische Kreon noch vorwiegend als aristokratischer Repräsentant des Staates, so kennzeichnet die Sprachgestaltung Brechts ihn als unberechenbaren Tyrannen : mitunter redet er extrem drastisch und primitiv, wie einer, der sich aus der Gosse emporgearbeitet hat… » (Rainer Pohl, « Strukturelemente und Pathosformen in der Sprache », op. cit., p. 250). 64. . — B. Brecht, « Über reimlose Lyrik mit unregelmäßigen Rhythmen », in : Gesammelte Werke, Bd. 19, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1967, p. 397. 65. Les Straub citent ces remarques sur la versification dans le programme de la représentation de la Schaubühne. Dans des remarques à la fois proches des Anmerkungen zur Antigone d’Hölderlin et des réflexions de Brecht, Hans Curjel note dans le programme de celle de Chur : « Die rhythmische Aufteilung Hölderlins ist beibehalten, ja in ihrer Strenge und Unerbittlichkeit gesteigert. » (Hecht, 124). 66. « Die Pausen […] unterteilen die Verse in Handlungsblöcke und spielbare Einheiten. Sie lenken das Geschehen und machen die Zuschauer auf bestimmte Haltungen der beiden Schwestern aufmerksam. » (D. Baldo, op. cit., p. 148). 67. « Über reimlose Lyrik mit unregelmäßigen Rhythmen », op. cit., p. 401. 68. Beissner, 293. 69. À Chur, le récit du refus de sépulture et des massacres dans les propres rangs des Thébains (v. 1124-31) est prononcé à voix « très basse », et le déferlement des défenseurs d’Argos (v. 1160-62) à voix « considérablement plus haute » (AM, 155). Il n’y a pas de rupture de tonalité dans le film, mais une césure visuelle : le récit du messager est presqu’entièrement hors champ (plan 132) et proféré d’un bout à l’autre d’une voix forte, pleine de pathos tragique et de colère. Il n’y a pas non

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plus de jeux mortuaires rituels avec les accessoires (masques, couronnes, thyrses), comme à Chur (AM, 151). 70. Pourtant, les Straub ne rigidifient pas le corps de Créon : avec des parements géométriques qui peuvent connoter une magnificence du pouvoir, sa vêture est, elle aussi, ample et flottante, plus proche de la djellaba arabe que du chiton de lin et a fortiori du péplos drapé des anciens Grecs. 71. B. Brecht « Antigone », in : Gesammelte Werke Bd. 10, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1967, p. 954.

RÉSUMÉS

Autour de 1800 – 1947-48 – 1991 : trois réécritures et trois auteurs. En décembre 1947, Brecht réécrit la « transcription » de l’Antigone de Sophocle par Hölderlin (1794-1804), choisie pour ses « obscurités » et le « gestus populaire souabe » de sa langue. Choisie aussi pour une thématique « combative » – humanité + démocratie vs tyrannie – intéressante à revisiter après la fin de la guerre et du nazisme. En 1991, Danièle Huillet et Jean-Marie Straub mettent d’abord en scène la version brechtienne à la Schaubühne berlinoise, puis la mettent en images quelques mois plus tard dans le vaste théâtre antique de Segesta (Sicile). Transspatialisation transmédiale d’un texte qui vient de loin mais que Brecht a recentré sur l’histoire des « temps obscurs » et leur après- coup et que les Straub vont recadrer dans le site du théâtre de plein air de Segesta : cadrages qui captent surtout la diction, mais aussi une mimique et une gestuelle parcimonieuses, sans théâtralité superflue, et qui désignent aussi avec précision les lieux et places des personnages et l’angle sous lequel ils sont filmés, rares mouvements de caméra (panoramiques), montage fluide de quelque 150 plans pleins de lumière et agités d’une légère brise font produire au film des images-sens qui rendent visibles, lisibles et audibles pour leur temps la langue et les significations d’un mythe grec fondateur.

Around 1800, 1947-48 and 1991 : three rewritings and three writers. In December 1947, Brecht revised Hölderlin’s “Translation” of Sophocle’s Antigone (1794-1804), which he chose for the obscurities and the “Swabian popular gestus” of its language. He also chose it because it embodied notions related to the fighting spirit – humanity, democracy vs tyranny – which it was interesting to revisit after the end of the war and nazism. In 1991, Danièle Huillet and Jean-Marie Straub first staged Brecht’s version at Berlin’s Schaubühne and they shot its film adaptation a few months later in the large Greek theatre of Segesta (Sicily). The text has undergone transmedial trans-spatialisation: though the story comes from afar, Brecht has reframed it around the “dark ages” and their aftermath, while the Straubs have relocated it in Segesta open air theatre. Framing techniques mostly serve to emphasize diction as well as parsimonious mimics and gestures, free from any unnecessary theatricality; they also clearly define the locales of the characters and the shooting angle chosen to film them. To finish with, the few camera movements (panoramic views) and the smooth editing of some 150 scenes gently bathing in sunlight and dancing in the breeze produce significant images which make the language and meanings of the founding Greek myth visible, legible and audible for modern viewers.

Um 1800 – 1947-48 – 1991 : drei Bearbeitungen und drei Autoren. Im Dezember 1947 dichtet Brecht Hölderlins « Übertragung » der Antigone des Sophokles (1794-1804) nach und um. Die

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Wahl fiel nicht zuletzt auf Grund ihres « dunklen » Charakters und ihres « schwäbischen Volksgestus » auf Hölderlins Fassung des antiken Textes. Das genuin « kämpferische » Moment des Stückes – Menschlichkeit + Demokratie vs Tyrannei – war für Brecht nach Krieg und Nazismus ebenfalls ein wesentliches Kriterium seiner Bearbeitung. 1991 inszenieren Danièle Huillet und Jean-Marie Straub Brechts Fassung an der Berliner Schaubühne, bevor sie den Text einige Monate später im antiken Freilicht-Theater von Segesta (Sizilien) filmisch umsetzen. Durch den Medien- und Raumwechsel können sich Bild und Ton vor allem auf Diktion und Sprachduktus, aber auch auf eine sparsam eingesetzte, wenig theatralische Mimik und Gestik der auf der Leinwand agierenden Personen anders konzentrieren. Im Film werden auch deren Platzierung und (knappe) Bewegungen vom Blickwinkel der Kamera präzise vorgegeben und aufgenommen, während darüber hinaus der stets flüssig bleibende Schnitt die etwa 150 Filmeinstellungen durch Einbeziehung der spezifischen Licht- und Windverhältnisse des Ortes als « Errettung der äußeren Realität » (Kracauer) erscheinen lässt. Dadurch erreichen D. Huillet und J.M. Straub eine sinn-volle Verdichtung von Bild und Ton, die Sprache und Bedeutungen eines antiken Gründungsmythos für ihre Zeit sichtbar, hörbar und sichtig machen.

AUTEUR

ANDRÉ COMBES Université de Toulouse-Le Mirail

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Transformations plus ou moins magiques. Adaptations de Der Froschkönig dans le cinéma allemand More or less magical transformations. The adaptations of the tale Der Froschkönig in German films „Nun wirst du Ruhe haben, du garstiger Frosch !“ – Froschkönig-Adaptionen im deutschen Kino

Christin Niemeyer

1 Dès la première édition des Contes de l’enfance et du foyer (Kinder- und Hausmärchen) des frères Grimm, en 1812, Der Froschkönig oder der eiserne Heinrich (Le Roi Grenouille ou Henri de Fer) figure en première position. Nous le retrouvons en ouverture du recueil dans la dernière édition datée de 1857. Pourtant, une comparaison entre les versions initiale et finale montre de nombreuses modifications que les Grimm ont apportées entre-temps. Ces modifications sont, pour la plupart, des ajouts de texte successifs, qui témoignent de l’immense travail de réécriture accompli et du processus de transformation des contes entrepris par Wilhelm Grimm. Le cadet des frères Grimm travaillait les contes afin d’en augmenter la valeur morale en vue d’atteindre un public bourgeois. Son travail de réécriture, qui peut être considéré comme un véritable travail d’auteur, donna aux contes ce style typique qui conduisit André Jolles à parler du « genre Grimm ». Les modifications d’une version à l’autre se traduisaient souvent par une plus riche description des personnages et du décor, en les positionnant plus clairement dans leur environnement et en développant leur psychologie1. Par ce travail, la lisibilité et la logique de l’intrigue sont renforcées ; des explications d’ordre quasi psychologique motivent les actions des protagonistes. Dans Der Froschkönig, les frères Grimm font notamment mieux ressortir le conflit entre père et fille concernant la promesse donnée à la grenouille, renforçant ainsi les références à la morale bourgeoise que Wilhelm Grimm souhaitait évoquer (« Il faut tenir ses promesses »).

2 Si ces modifications témoignent surtout du grand travail d’écriture et de réécriture fourni par Wilhelm Grimm2, elles contredisent aussi la « légende » sur l’origine de ces

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contes prétendument issus du peuple dont les Grimm n’auraient été que les collecteurs3.

3 Le soin avec lequel les frères Grimm travaillaient et retravaillaient le conte du Froschkönig, et surtout sa position prééminente dans le recueil, laissent supposer qu’ils lui accordaient un rôle exemplaire et qu’ils voulaient en faire une sorte de « programme » au recueil qu’il ouvre.

4 Pourtant, même dans la version de 1857, une certaine incohérence peut surprendre, notamment par rapport aux valeurs morales du conte. Voyons ce qui se passe dans ce récit : La princesse rencontre une grenouille qui lui ramène son jouet contre la promesse d’être son ami. Or, elle ne tient pas sa promesse et s’en va. La grenouille la poursuit au château. À l’arrivée de la grenouille au château, la princesse est obligée par son père de tenir sa promesse, elle mange et boit avec elle mais, au moment du coucher, furieuse, elle jette la grenouille contre le mur. La grenouille se transforme en prince charmant, et les fiancés partent dans le royaume du prince, accompagnés par Henri, le fidèle serviteur du prince, dont les chaînes qu’il s’était imposées lors de la métamorphose de son maître éclatent sur le chemin.

5 Cette version du texte soulève plusieurs interrogations. Dans un premier temps, on peut se demander pourquoi la princesse semble être récompensée pour sa désobéissance en recueillant un prince charmant dans les restes de la grenouille écrasée par ses soins, alors que, pour d’autres héros et héroïnes de conte, une erreur commise peut avoir des conséquences négatives, voire funestes. (Le Petit Chaperon rouge fait un bref séjour dans l’estomac du loup pour s’être écarté du bon chemin.) Les frères Grimm, si soucieux du contenu éthique de leurs contes qu’ils les réécrivent sous bien des aspects pour en accentuer la valeur morale, auraient-ils omis la correction de cet évident manque de vertu de la part de la princesse ? Une seconde question s’impose : d’où vient le fidèle Henri de Fer et quel rôle joue-t-il dans ce conte ? Ce personnage, présent dans toutes les versions du conte, apparaît à la fin comme un deus ex machina et semble avoir pour seule fonction de vanter la fidélité d’un bon serviteur et de souligner le bonheur que lui inspire la libération du prince.

6 Dans le présent travail, nous n’allons ni chercher ni donner réponse à ces questions que d’autres ont soulevées avant nous4. Nous ne tenterons pas davantage une interprétation de cette prétendue incohérence. En revanche, ces deux éléments – le fait de projeter la grenouille contre le mur comme acte déclencheur d’un bonheur moralement non mérité et le rôle du fidèle Henri – nous serviront de points de départ pour notre interrogation sur les différentes adaptations cinématographiques de ce conte des frères Grimm.

7 Le processus de transposition d’un texte vers un film pose un certain nombre de problèmes : il faut repenser l’œuvre écrite à travers des images avec une bande sonore, des mouvements… En somme, il faut « traduire » le texte dans un autre langage, celui du cinéma. Se posent alors de nombreuses questions, et notamment celle de la fidélité au texte original : faut-il, dans la mesure du possible, adapter « mot à mot », ou bien convient-il de se permettre certaines libertés afin de respecter la logique du récit filmique qui ne correspond pas toujours à celle du récit écrit ? Ces questions ont émergé au plus tard avec la naissance du cinéma à la fin du XIXe siècle, voire bien avant, au cours de débats concernant les illustrations des contes où les problèmes du « changement de médium » (Medienwechsel) sont évoqués pour la première fois5. Comment la transposition en cet autre médium, le film, est-elle réalisée dans le cas du

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Froschkönig ? Comment expliquer la récompense de la princesse pour un comportement évidemment fautif ? Quant au fidèle Henri, que faire de lui ? Comment un film de conte de fées peut-il « compenser » ce récit qui comporte un certain nombre d’incohérences ? Enfin, comment peut-on étirer l’intrigue assez simple de ce conte sur une longueur de 60 minutes environ ?

8 N’importe quelle réalisation artistique et créative s’inscrit dans le contexte historique, politique et idéologique de son époque. À l’aide des interrogations formulées ci-dessus, nous retracerons la concomitance entre le texte « classique » et le contexte respectif dans quatre adaptations allemandes du Froschkönig. Il s’agit de films produits à trois périodes différentes : le premier, tourné en RFA en 1954 par Otto Meyer, est produit par Fritz Genschow. Le deuxième a été tourné en RDA en 1988 par Walter Beck et la DEFA, alors que les deux exemples les plus récents datent de 1990 (Der Froschkönig, BRD/ Tschechische Republik, Regie : Juraj Herz) et de 2008 (Der Froschkönig, BRD, Regie : Franziska Buch, dans la série Sechs auf einen Streich produite par le groupement de la Télévision allemande ARD). Comment les différents réalisateurs résolvent-ils les problèmes que pose le texte original ?

1. Der Froschkönig, RFA 1954 (réal. Otto Meyer, production : Fritz Genschow Film, 83 minutes)

9 Ce film est la première adaptation allemande d’après-guerre du conte Der Froschkönig oder der eiserne Heinrich6. Elle a été tournée en grande partie dans le parc du Château de Charlottenburg à Berlin. Si un certain Otto Meyer est le réalisateur de ce film, il semble plus intéressant de se pencher sur l’entreprise de production responsable de ce film : la Fritz Genschow Film. Le réalisateur et producteur Fritz Genschow était la figure de proue de la production des films de contes de fées d’après-guerre en RFA. Son engagement dans le cinéma pour enfants a pourtant un antécédent. Genschow tourna son premier film de conte de fées en 1937 : une adaptation de Rotkäppchen und der böse Wolf (Le petit Chaperon rouge et le méchant loup), qui affiche des références très explicites au national-socialisme. Comme le montre le chercheur Ron Schlesinger, Genschow et de nombreux autres réalisateurs de cette époque adaptèrent leurs scénarios basés sur les contes de fées – de préférence des frères Grimm – au contexte politique du national- socialisme afin d’en faire des outils de la propagande nazie7. Ainsi, le chasseur, dans la version du Petit Chaperon rouge de Fritz Genschow (1937), arbore fièrement la croix gammée sur le revers de sa veste. Dans la mise en scène de Hubert Schonger en 1940, Le petit soldat de plomb (Der standhafte Zinnsoldat), inoffensif dans la version littéraire écrite par Andersen, réunit ses troupes et détruit un troll dans une guerre impitoyable. Il donne ainsi l’exemple à suivre : l’Allemagne, tout comme le petit soldat, ne peut se défendre contre ses ennemis (les trolls) que par la guerre totale8. Après la Seconde Guerre mondiale, Genschow, Alf Zengerlein et Hubert Schonger continuent à réaliser et à produire des films de contes de fées. Entre la fin des années quarante et la fin des années cinquante, on enregistre même une production très dynamique de films de contes de fées9. Toutefois, la plupart de ces adaptations sont d’une qualité très médiocre.

10 Quant à la version du Froschkönig produite par Genschow et réalisée par Otto Meyer en 1954, le Lexikon des Internationalen Films en ligne la qualifie comme suit : il s’agirait

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« d’un conte des frères Grimm dans une adaptation des années 1950 destinée aux enfants et avec un jeu d’acteurs remarquable »10. Voyons cela dans le détail :

11 Le film commence par l’historique de la transformation en grenouille. Le spectateur rencontre un jeune prince au nom prometteur d’Edelmut, dont le père est gravement malade. Le prince part à la recherche du remède destiné à guérir son père. Il est accompagné de son fidèle serviteur Heinrich qui, lui, est chargé par le vieux roi de garder le trône jusqu’à la majorité du prince et de protéger ce dernier. Lorsque les deux chevaliers arrivent chez la méchante comtesse détenant la potion magique, celle-ci refuse son aide pour guérir le roi. Le prince s’emporte et la sorcière le transforme alors en grenouille. Malgré les implorations de Heinrich la priant de conjurer le sort, elle refuse, mais explique que seul le baiser d’une jeune fille vertueuse pourra délivrer le prince. Puis changement de décor : cinq ans plus tard, on voit la fille cadette du roi, prénommée Susanne, qui fête ses 16 ans. Depuis peu, elle entend des appels au secours venant du lac. Malheureusement, elle est la seule à les entendre. Mais ses deux sœurs croient se souvenir que ce fut précisément auprès de ce lac que le prince Edelmut avait été transformé en vilaine grenouille. Bien que les deux sœurs aînées, en quête d’un bon mariage, cherchent partout la grenouille, elles ne la trouvent pas. En revanche, la cadette continue d’entendre des voix et parvient même, un jour, à parler avec l’animal. Lorsqu’elle lui ramène sa balle d’or qui était tombée à l’eau, la jeune princesse invite la grenouille au château et lui promet d’être sa compagne. Dans une longue scène tendrement filmée, la grenouille se régale à la table du roi avant de se retirer dans la chambre avec la princesse. C’est même la princesse elle-même qui l’emmène dans les plis de sa robe. Sur le chemin, la princesse est bousculée et croit avoir perdu la grenouille. Triste de ne pouvoir tenir sa promesse, elle se confie à son valet Johann. Celui-ci, prévoyant et fidèle serviteur de la douce princesse, avait sauvé la grenouille et la lui ramène à présent. Arrivée dans la chambre, la grenouille demande aussitôt un baiser à la princesse. En prononçant elle-même les mots clés « Was man versprochen hat, muss man auch halten », Susanne s’empresse de l’embrasser11. La magie opère, le prince Edelmut est délivré et se présente à la princesse. Le film, auparavant tourné en noir et blanc, passe alors en couleur12. Le prince rentre aussitôt dans son royaume et promet d’être de retour sous huit jours afin de demander Susanne en mariage. Lorsque le prince revient, c’est le fidèle Heinrich qui annonce son retour et exprime sa joie de revoir le trône du royaume de nouveau occupé. Le prince demande Susanne en mariage et la ramène dans son royaume. Suit la scène connue où les chaînes que le fidèle Heinrich avait forgées autour de son cœur afin de se rappeler son vœu de fidélité envers son maître se brisent enfin. Cette scène est fidèlement reprise du récit des frères Grimm.

12 Ce film a opté pour une adaptation très fidèle du modèle littéraire – à une exception près. En ajoutant un antécédent, deux « blancs » du récit original trouvent explication : le spectateur apprend la cause de la transformation en grenouille ainsi que l’origine et le rôle du fidèle Heinrich. Quant au violent lancer de la grenouille contre le mur, il a été supprimé et remplacé par son contraire : un baiser, dont le modèle semble clairement être le monde merveilleux de Disney13. En effet, le caractère de la princesse Susanne tel que présenté dès le début du conte n’aurait pas correspondu à un acte aussi cruel que de projeter la grenouille contre le mur. La douceur de cette jeune fille modèle, accentuée par le caractère très peu aimable de ses sœurs aînées, constitue un pilier de

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cette adaptation où les bons ne sont que bons et les méchants sont gentiment punis à la fin.

13 Quant à Heinrich, c’est sa fidélité exemplaire qui est soulignée par le rôle important qu’il joue dans le récit-cadre du film. On retrouve le reflet de cette fidélité (par ailleurs une « vertu allemande » très appréciée par les nationaux-socialistes et rappelant la fameuse Nibelungentreue) dans le personnage de Johann, domestique de la princesse Susanne sans lequel la délivrance du prince n’aurait pas été possible.

2. Froschkönig, RDA 1987 (réal. : Walter Beck, 67 minutes)

14 Froschkönig, une production des studios de la DEFA en RDA, réalisée par Walter Beck, se distingue déjà par son titre : il ne renonce pas seulement à l’évocation du fidèle Henri, mais il supprime aussi l’article14. Par l’omission du déterminatif, le film Froschkönig se met sciemment à distance du récit original, et le groupe de travail « Johannisthal »15 le met en scène « librement adapté du conte des frères Grimm » (frei nach dem Märchen der Brüder Grimm).

15 Cette version de Walter Beck, réalisateur d’un grand nombre de films de conte de fées de la DEFA, rencontre un accueil mitigé en RDA. Tandis que certains critiques lui reprochent d’illustrer tout au plus le danger que présente toute adaptation d’un conte des frères Grimm et se moquent de la princesse qui ferait une formidable « fille de fermier » (Bauerntochter)16, d’autres félicitent le réalisateur et son équipe d’avoir réussi une belle « réécriture » du conte, sans pour autant mettre à l’écart ses origines. Les critiques positives soulignent surtout le scénario conséquent qui a annulé la contradiction du récit original en proposant une fin à la fois logique, merveilleuse et humaniste17.

16 En effet, cette adaptation est, pour une large part, une extrapolation du récit des frères Grimm. L’intrigue du conte ne couvre que les cinq premières minutes du film. Puis, au lieu d’épouser le prince charmant qui vient de tomber si merveilleusement du mur contre lequel elle voulait écraser la grenouille, la princesse, ici prénommée Henriette, apprend une triste nouvelle : ex-grenouille, ce jeune homme auquel elle fait aussitôt les yeux doux n’est point délivré. Comme elle n’a pas tenu sa promesse de manger, de boire et de dormir avec la grenouille, le prince doit s’en aller au bout du monde, dans un endroit où il n’est que tristesse. Puis, la majeure partie du film est consacrée à la quête de la jeune fille pour retrouver son prince charmant. Elle part au bout du monde, se travestit en garçon, se fait engager en tant que commis et valet afin de tenir enfin ses promesses et de délivrer son bien-aimé. La « contradiction » du conte qui fait profiter la princesse d’un bonheur non mérité est ici dissoute par l’extrapolation et la modification de la fin. Par la même occasion, Beck trouve aussi une solution pour « expliquer » le personnage du fidèle Henri, absent du titre. Lorsque la princesse Henriette arrive à la « citadelle de la désolation » (Zitadelle der Trostlosigkeit) où son prince vit isolé du monde, elle apprend que nulle femme ne peut y entrer. Afin de relever tout de même le défi, Henriette se sépare de sa chevelure, se déguise en garçon et se fait embaucher à la citadelle en tant que domestique. Elle se fait appeler Heinrich, version masculine de son vrai nom. C’est précisément ce personnage qui, à la fin du film, donnera la fameuse réplique à l’exclamation du prince : « Heinrich, der Wagen

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bricht » ; « Nein, Herr, der Wagen nicht, es ist ein Band von meinem Herzen, das da lag in großen Schmerzen… ». La délivrance du prince est ainsi présentée comme étant aussi celle de sa libératrice. Il y a enfin un vrai partage ; la promesse initiale, point déclencheur et pivot de l’intrigue, est tenue.

17 Walter Beck trouve des solutions très intéressantes pour combler les « blancs » du récit des frères Grimm : si lancer la grenouille contre le mur constitue l’acte de colère d’une jeune femme rebelle, la suite du récit filmique lui apprend la maturité. Cette adaptation semble illustrer la doctrine pédagogique selon laquelle les promesses sont à tenir, mais elle apprend aussi au jeune spectateur que le bonheur n’est pas servi sur un plateau et qu’on ne saurait y accéder sans efforts. Y compris dans l’univers du conte18. Cette princesse au visage très moderne doit mériter son bonheur, et elle l’obtient uniquement par la force de son caractère et de son amour. Cependant, une telle version n’est pas dénuée d’inconvénients : Walter Beck a, par exemple, dû sacrifier certains aspects romantiques du merveilleux, décontenançant ainsi certains critiques. Sa version, plutôt sombre, ne s’adresse probablement pas d’abord à un public d’enfants, mais elle constitue surtout une véritable réécriture proposant une approche moderne, sans pour autant trahir les frères Grimm, dont le récit est entièrement repris dans la première partie du film.

3. Der Froschkönig, RFA 1990 (réal. : Juraj Herz, 90 minutes)

18 Der Froschkönig, dans sa version de 1990, a été projeté pour la première fois lors du festival Kinderfilmtage Ruhr en novembre 1991 et a été diffusé à la télévision publique (ZDF) le 25 décembre 1991. Le Lexikon des Internationalen Films en ligne le qualifie sévèrement de « divertissement globalement ennuyeux dont les photos sont trop lisses et trop propres pour transmettre l’essence du conte19 ».

19 Ce film complète l’intrigue des frères conteurs par un scénario assez complexe mêlé à des éléments plus classiques :

20 Un roi a trois filles. Selon la prophétie d’une fée, son royaume sera inondé par un flot de larmes si les trois princesses ne se marient pas dans leur ordre d’âge à treize mois d’écart. L’aînée est désormais mariée, le mariage de la deuxième princesse est imminent. À cette occasion, un grand nombre de nobles arrivent pour les festivités, parmi eux un jeune prince qui a brisé le cœur de plus d’une femme. Ayant appris que la cadette des trois princesses est très belle, il a hâte de faire sa connaissance. Or, cette jeune fille ne s’intéresse pas au mariage, préférerait être un homme et passe son temps à rôder dans les forêts en habit de garçon. Son comportement ne correspond guère à celui d’une princesse. Lorsque le prince arrive à la cour, la femme de chambre de la princesse se permet une plaisanterie et avertit le valet du prince de la grande laideur de sa maîtresse. Celui-ci rapporte aussitôt cette information à son ami et maître. Lorsqu’il l’aperçoit enfin, le prince est donc passablement surpris de voir que la princesse n’a rien de laid. Dans une forêt, il essaie de l’embrasser, mais ne reçoit qu’une gifle en retour, et la princesse s’en va. Le prince s’assoit auprès d’une fontaine magique dans la forêt et s’endort. Dans son rêve, la fée de la fontaine lui apparaît et l’informe qu’elle le transformera en grenouille s’il venait à briser un autre cœur ou s’il devait être la cause d’une nouvelle affliction. Une fois transformé, seul l’amour d’une femme fidèle

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pourra le délivrer. Croyant avoir rêvé, le prince ne prend pas ces menaces au sérieux. En attendant, la princesse vient de se rendre compte qu’elle est éprise de ce prince hardi et change de comportement à son égard. Lors du bal, et à la surprise de toute la cour, elle apparaît dans une magnifique robe blanche et permet au prince de danser avec elle. Seulement, une comtesse, elle-même amoureuse du prince, est jalouse d’elle. Le prince réessaie d’embrasser la jeune fille, qui prend de nouveau la fuite. Déçu et étrangement attiré par la fontaine dans la forêt, il y retourne et rencontre la comtesse jalouse qui le provoque par des paroles osées. Retombant dans ses travers de briseur de cœur, le prince finit par l’embrasser. Or, la princesse, qui arrive à ce moment même près de la fontaine, voit ce baiser et s’en va en pleurant. La magie de la fontaine prend alors effet, le prince est aussitôt transformé en grenouille. Alors qu’il ne retourne pas au château, la princesse se reproche son comportement brusque envers lui, mais reste convaincue qu’il reviendra un jour au château. Elle refuse dès lors de se marier avec d’autres prétendants. Les treize mois s’écoulent, au terme desquels elle devrait se marier pour ne pas exposer le royaume au déclin. Juste avant la date de la terrible échéance, elle se promène près de la fontaine dans la forêt où sa balle d’or tombe à l’eau. Entendant les pleurs de la jeune fille, une grenouille apparaît et lui promet de lui rapporter sa balle à condition de manger et de boire avec elle, de dormir dans son lit et de recevoir un baiser de sa part. La princesse donne sa parole, récupère sa balle et s’en va. Or, la grenouille – nul autre, bien sûr, que notre prince malheureux – la suit dans un parcours passablement aventureux. Les treize mois étant écoulés, le peuple angoissé demande le mariage forcé de la princesse afin de sauver le pays. C’est à ce moment précis qu’apparaît la grenouille au château, demandant que la princesse tienne sa promesse. Pour le bien du peuple, elle accepte, mange et boit avec lui et l’emmène dans sa chambre. Elle s’efforce même de lui donner le baiser qu’elle demande. À ce moment- là, minuit sonne, la grenouille est retransformée en prince, le peuple est satisfait et un feu d’artifice accueille le jeune couple.

21 Dans cette version pourtant (trop) riche en action, aucune mention n’est faite du personnage du fidèle Henri. La princesse ne projette pas non plus la grenouille contre le mur, au contraire, elle respecte sa promesse en espérant sauver le pays. Elle pose un acte altruiste en donnant un baiser à une créature qui la répugne, en s’effaçant au profit du bien-être de tous. On peut y voir l’acte d’une personne qui prend enfin ses responsabilités, d’une jeune fille qui a grandi – ou celui d’une jeune femme, indépendante au départ et qui finit par se soumettre. Toujours est-il que le film procède à une réécriture plus ample que ses prédécesseurs en modifiant les scènes phares du conte. Ainsi, la violence envers la grenouille est transformée en baiser. Dans le même temps, la princesse mégère est apprivoisée : elle qui refusait d’embrasser un joli prince donne un baiser à une vilaine grenouille.

22 Le personnage de Heinrich est supprimé, et d’autres personnages secondaires (non présents dans le récit littéraire) servent de déclencheurs de l’intrigue (la femme de chambre Rose, le valet du prince). Dans l’ensemble, ce film, d’une durée considérable (90 minutes) pour une production destinée à un jeune public, meuble une intrigue globalement faible, quoique divertissante, par quelques éléments empruntés au genre de la comédie romantique ou à d’autres contes de fées, sans lien avec l’intrigue du conte original. Mais il ne propose pas de véritable interprétation ni d’explication des (prétendues) incohérences du récit Der Froschkönig.

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4. Der Froschkönig, Deutschland 2008 (réal. : Franziska Buch, 60 minutes : Sechs auf einen Streich, ARD)

23 À l’inverse, cette adaptation très récente respecte scrupuleusement le format d’un film jeune public en se contentant d’une intrigue de 60 minutes. Elle a été tournée dans le cadre du projet Sechs auf einen Streich du groupement public de neuf radiodiffuseurs régionaux allemands ARD. Depuis 2008, ce groupement de chaînes publiques a produit plusieurs séries d’adaptations de films de contes de fées classiques des frères Grimm et de Hans Christian Andersen. Der Froschkönig fait partie de la première saison, tournée en 2008. Les concepteurs de la série, soucieux de tourner des adaptations plus modernes tout en respectant le merveilleux des récits classiques et en laissant de côté tout élément anachronique, ont été nominés au prestigieux prix Adolf-Grimme en 2010. De nouvelles productions sont prévues pour une diffusion télévisée à Noël 2013. Les 26 productions tournées jusqu’à ce jour se distinguent surtout par un casting exceptionnel d’acteurs allemands connus et populaires tel que Richy Müller (Heinrich) et Friedrich von Thun (le roi) ainsi que de jeunes espoirs parmi les acteurs allemands tel que Sidonie von Krosigk dans le rôle principal de cette production. Comment se déroule donc l’intrigue de ce Froschkönig qui cherche à réconcilier le moderne et le classique ? Voici un bref résumé du récit filmique :

24 La princesse Sophie a 18 ans, et le royaume est en fête. Mais les nombreux présents et les festivités pompeuses mises en scène selon la mode rococo ne parviennent guère à dissimuler le malheur qui se profile à l’horizon : le royaume est au bord de la faillite. Le roi veut donc obliger sa fille à épouser le prince (Friedrich) du royaume voisin pour sauver le pays. Sophie, jeune fille sauvage et indépendante, rejette cette idée jusqu’à ce que la fameuse balle d’or fasse évoluer les choses. En effet, dans cette version, la balle d’or représente l’héritage spirituel de sa mère décédée dans des circonstances étranges. Grâce à elle, Sophie devra apprendre à suivre son cœur plutôt que sa raison. Et puis la balle tombe dans l’étang. La grenouille, impertinente, s’introduit dans le château et oblige la jeune fille à partager son repas et sa chambre. C’est dans la chambre où la grenouille veut gagner le lit de la jeune fille que la magie de la balle opère : la princesse jette la grenouille contre le mur et délivre le prince de son enchantement. Et, surtout, elle s’oppose à la volonté de son père en refusant le mariage de raison et en suivant son propre chemin.

25 Ici, c’est donc l’esprit de contestation, l’opposition saine à une autorité, qui est retenue : l’incohérence morale est transformée en comportement naturel et donc juste. La jeune fille rebelle de cette version doit se révolter pour s’arracher à la tutelle de son père. Grandir, c’est s’opposer, semble dire cette version très moderne du conte. Projeter la grenouille contre le mur n’est donc aucunement un acte immoral, mais représente un comportement tout à fait naturel de la part d’une jeune fille en passe de devenir adulte.

26 Cela semble être dans l’intention des producteurs, comme le prouve le dossier de presse de la production : Und die Moral von der Geschicht’? Redakteurin Margret Schepers: Wir alle kennen ja den Spruch des Königs: Was man versprochen hat, muss man auch halten! Aber nur weil die Prinzessin sich empört und den Frosch gegen die Wand wirft – und damit gegen das Verdikt des

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Vaters verstößt –, kann der Frosch erlöst werden. Also: Folge deinem Herzen – auch in der Wut und in den Widersprüchen.

27 Contrairement à la version du début des années 1990, cette princesse plus récente est donc une jeune femme dotée d’un caractère bien trempé, conçue comme le modèle d’une jeune fille moderne qui suit son propre chemin. La doctrine de la promesse à tenir est donc caduque. Il n’est plus nécessaire d’expliquer pourquoi la violence envers la grenouille est récompensée car, ici, cet acte n’est pas considéré comme immoral, mais comme une opposition naturelle et nécessaire au bon développement d’une jeune femme.

28 Quant au personnage du fidèle Heinrich, il est introduit progressivement et de manière mystérieuse. Dès le début du film, on voit évoluer un personnage taciturne muni de chaînes autour de la poitrine partir à la recherche de quelqu’un. Il approche de plus en plus du château et attend que son maître soit délivré de son sort. Comme une ombre, il suit son maître et anticipe son destin pour se tenir prêt au moment où celui-ci aura de nouveau besoin de ses services. D’une certaine manière, il peut être considéré comme le pendant de la figure de la mère de la princesse incarnée par la balle d’or et représentant le destin de la fille et la protection dont celle-ci jouit. Ce personnage n’a, certes, pas une grande importance pour la progression de l’intrigue à proprement parler, mais son apparition dès le début du conte a pour fonction de combler le « blanc » laissé par le récit original.

Bilan

29 Ce petit aperçu des adaptations du conte numéro un des frères Grimm montre que les prétendues faiblesses de ce conte, avec une intrigue dont la morale apparaît pour le moins étrange et des personnages qui semblent surgir de nulle part, s’avèrent être des richesses pour les réalisateurs. En effet, ce sont souvent ces « blancs » du récit original qui donnent lieu à une réinterprétation ou à une véritable réécriture du conte avec le langage du cinéma. Les aspects et les approches choisis varient considérablement selon l’époque de production.

30 Dans la version des années 1950 en RFA, la vertu des protagonistes et surtout celle de la jeune princesse figure au centre du film et détermine son intrigue. Par une réalisation très moralisatrice du conte portée par un ensemble de personnages exemplaires et vertueux, les réalisateurs se réfèrent clairement au récit original des frères Grimm, à l’héritage littéraire allemand et au système de valeurs que les auteurs souhaitaient transmettre par leurs contes. Par l’évocation des vertus traditionnelles – une princesse est belle, douce et fidèle ; un valet suit fidèlement son maître jusqu’au bout du monde et même plus loin, au risque de sa propre vie –, le film rappelle d’anciennes valeurs que l’on qualifiait encore de typiquement allemandes quelques années plus tôt. Cette continuité avec le passé ne peut guère surprendre si on rappelle le nom du producteur de ce film, Fritz Genschow. Sans pour autant permettre de repérer la moindre allusion à l’idéologie nazie dont les anciens films de Genschow regorgent, cette version du Froschkönig peut être qualifiée de traditionaliste à souhait.

31 Cette orientation se manifeste précisément dans la mise en œuvre des « blancs » que nous avons évoqués au début de ce texte : la question de la violence envers la grenouille est éliminée et remplacée par une modification radicale de cette bribe d’intrigue ; l’apparition du fidèle Heinrich – qui ne pourrait guère être plus fidèle que dans cette

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réalisation – souligne l’importance de la valeur qui est au centre de cette adaptation : la fidélité.

32 Les versions plus récentes accentuent d’autres éléments.

33 L’adaptation de la DEFA tournée à la toute fin de la RDA, lorsque les directives politiques pour un cinéma socialiste se faisaient de moins en moins sentir, souligne surtout les valeurs morales universelles, ici résumées par la phrase-clé du conte : « Was du versprochen hast, musst du auch halten ». Jeter la grenouille contre le mur apparaît ici comme un acte condamnable parce qu’il coïncide avec le refus de tenir une promesse donnée. C’est précisément ce comportement fautif qui lancera l’intrigue à proprement parler. La princesse de cette version a une leçon à apprendre : rien n’est servi sur un plateau ; il faut agir pour atteindre le bonheur. Dans le contexte d’une RDA d’avant la chute du Mur où l’incertitude sur l’avenir du pays et des valeurs socialistes caractérisait le travail de tout artiste, ce film, dont la couleur principale est le gris, se lit parfois comme un requiem. Les dirigeants de la RDA avaient réclamé, pendant les années 1950, une « interprétation progressiste » pour toute réalisation cinématographique des contes de fées. Ce qui voulait dire : donner des « modèles » (Leitbilder) aux jeunes spectateurs afin d’en faire des socialistes à part entière. Pendant les années 1980, cette orientation socialiste des films pour enfants se perd de plus en plus et cède la place à une vision plus universelle des valeurs du conte de fées. Le périple de la princesse Henriette illustre cette nouvelle voie en RDA. Les réalisateurs ne critiquent en rien le parti, les dirigeants de leur pays ou la situation désastreuse dans laquelle se trouvait la RDA à la fin des années 1980 – comme cela a pu se faire dans certains films de contes de fées des années 1960 et 1970. S’il y a risque, celui-ci ne ressortit qu’à la mise en scène dans les tons gris et l’extrapolation audacieuse de l’intrigue, visant à donner au récit une cohérence morale. En revanche, le film de Walter Beck propose l’interprétation la plus audacieuse et la plus moderne du personnage du fidèle Heinrich en l’associant au destin de la princesse. Henriette devient Heinrich. La beauté féminine et la séduction ne servent à rien pour le défi que cette princesse doit relever. Ce n’est que la fidélité envers sa promesse initiale qui compte. Le Heinrich du conte étant l’incarnation de cette fidélité, Henriette se transforme donc à son tour : elle devient Heinrich et change de caractère en reconnaissant l’importance de la fidélité. Les limites imposées par les rôles traditionnellement attribués aux princes et aux princesses et, par conséquent, celles des codes du genre sont repoussées dans ce récit, si bien que cette version propose une véritable réinterprétation du conte avec une modernité qui n’a pas été égalée jusqu’à nos jours.

34 L’adaptation du début des années 1990, une co-production avec des studios tchèques ayant une grande et remarquable expérience dans la production des films de contes de fées, ne s’attarde pas à expliquer les prétendues incohérences et ne conserve que les grandes lignes du conte. Les années 1990 sont la décennie où la comédie romantique fête ses plus grands succès : Pretty Woman (réal. : Garry Marshall, 1990), Bodyguard (réal. : Mick Jackson, 1992), Nuits blanches à Seattle (réal. : Nora Ephron, 1993) deviennent des films cultes pour la génération des jeunes déstabilisés par les bouleversements politiques qui secouent l’Allemagne et tout le bloc de l’Est au début des années 1990. Avec son chassé-croisé d’histoires d’amour et de malentendus, Der Froschkönig de Juraj Herz semble clairement s’inspirer de ce genre très populaire. Sur toute la longueur de ses 90 minutes, le film reste prisonnier d’une superficialité

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consternante qui paraît refuser toute allusion trop directe au récit original sur lequel il semble, toutefois, s’appuyer. En revanche, il brille par une distribution impressionnante : Michael Degen en roi père et la vedette de la télévision allemande de l’époque, Iris Berben, dans le rôle de la reine mère. Cependant, aucun message moral n’est identifiable dans ce film. L’acte consistant à lancer la grenouille contre le mur comme élément déclencheur de l’intrigue est simplement supprimé. La question de la moralité de cet acte ne se pose donc même plus. Le prince est un goujat et sa conversion après sa transformation en grenouille et sa re-transformation en jeune homme n’est pas abordée. La princesse, quant à elle, jeune femme indépendante et moderne au début du film – ce qui laissait espérer une histoire d’émancipation – est transformée également à la fin, en fille exemplaire et soumise. Si elle n’évoque guère une princesse au début du film, elle le devient trop à la fin. Si son caractère de garçon manqué au début du film rappelle la merveilleuse Libuše Šafránková de Drei Haselnüsse für Aschenbrödel (réal. : Václav Vorliček), co-production culte des studios tchèques Barrandov et de la DEFA, tournée en 1973, la fille pâle de la fin de l’adaptation n’a plus rien de commun avec cette avant-gardiste et féministe comptant parmi les princesses de l’écran. Quant au fidèle Henri, cette version ne se gêne pas non plus pour le supprimer afin de lisser, une fois de plus, son caractère romantique.

35 Ainsi, au vu de la suppression des deux « blancs » révélateurs de l’intrigue du récit original, on ne peut guère qualifier ce film de réinterprétation ou d’adaptation. L’intrigue du Froschkönig des frères Grimm n’est que la toile de fond d’une comédie romantique à la mode des années 1990.

36 Avec la dernière adaptation présentée, on revient à une réinterprétation : la princesse de ce conte est réhabilitée. Son accès de colère est, certes, immoral, mais s’explique par son exaspération envers cette pénible grenouille et surtout par un sain esprit de contestation envers un père trop dirigiste et trop protecteur. Quant au fidèle Henri, la plus récente des adaptations propose une représentation classique du fidèle serviteur avec des chaînes autour de la poitrine et un air torturé, mais elle le présente également sous l’aspect mystérieux que suggère le conte littéraire.

37 Ce film s’inscrit dans le contexte de la pédagogie moderne qui défend la nécessité de révolte de l’enfant face aux parents, surtout si ceux-ci, comme le roi-père de cette version, s’avèrent trop protecteurs. La princesse de ce conte apprend à voler de ses propres ailes. Ainsi, c’est surtout le père qui reçoit une leçon : enfermer les enfants pour qu’ils ne puissent s’enfuir ne sert à rien. Il faudrait plutôt leur fournir les moyens de préparer leur départ en paix et avec sérénité. Le cadeau de la mère, symbolisant l’invite à écouter son propre cœur plutôt que d’observer les obligations de la cour, en est le pendant positif. La princesse suit ce conseil posthume de sa mère et jette la grenouille contre le mur. Ce qui est présenté comme un accès de colère injuste dans d’autres versions est ici la réaction compréhensible, voire naturelle d’une jeune femme refusant que d’autres prennent les rênes de sa vie. Quant au fidèle Heinrich, son personnage fait allusion à la mode des romans et films fantastiques. Inspiré par l’amitié, cet homme agit en combattant solitaire et mystérieux, venant des bois brumeux. Son histoire, banale en fin de compte au vu du mystère que le film semble créer autour de lui dès le début, est révélée à la fin du film par le prince délivré. Il s’agit d’une simple histoire d’amitié et de fidélité dont le film ne fait pas grand cas. C’est certainement un de ses défauts principaux : l’histoire du fidèle Heinrich semble quelque peu forcée, « enfoncée » dans l’intrigue.

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38 Mais en somme, cette version, se référant fidèlement au récit original, réussit à concilier les deux exigences d’un bon film de contes de fées : permettre aux jeunes spectateurs de reconnaître le conte original qu’ils ont connu par le récit des frères Grimm et l’actualiser par un message clair et moderne. Le message de cette version est adressé aux enfants et aux parents à la fois, apprenant aux enfants qu’il est normal de se révolter contre un excès de protection de la part des parents et aux parents de faire confiance à leurs enfants qui grandissent. De plus, le film réussit ce pari tout en utilisant les moyens de publicité et les stimulateurs de vente qui sont à sa disposition : une distribution attrayante (Friedrich von Thun, Richy Müller) des vedettes de la télévision allemande actuelle et une vaste campagne publicitaire pour la série de contes dans laquelle est intégrée Der Froschkönig.

39 Il semble donc que ce premier des contes du foyer et de l’enfance est un cas d’école pour l’analyse des techniques utilisées dans l’adaptation d’un conte de fées pour un jeune public. Là où le conte n’est pas assez explicite pour une transposition à l’écran, là où la transposition risque de se heurter à certaines incohérences, trois techniques prennent le relais : l’extrapolation, la réécriture et la suppression. S’il n’y a pas de suppression d’éléments gênants (version de 1990), l’intrigue initiale du conte est complétée par un antécédent (version de 1950, version de 2008) ou une fin modifiée (version de la DEFA, 1987), donc des éléments qui fournissent des explications aux « blancs » ou aux prétendues incohérences du texte original. Dans ce travail de réécriture, d’interprétation, de motivation de certaines bribes d’intrigue, les équipes de films agissent comme des auteurs. En réécrivant, ils interprètent et surtout véhiculent le sens précis qu’ils souhaitent donner à leur version du conte. Ainsi, comme dans toute création, des valeurs précises et/ou une morale à retenir sont véhiculées. Évidemment, ce sens change selon l’époque à laquelle le film est produit, selon l’orientation que veut lui donner le réalisateur, selon les lignes directrices qui déterminent la production. En ce sens, l’histoire des adaptations des films de contes de fées s’inscrit dans la longue histoire de ce genre littéraire en tant que vecteur de transmission de valeurs et de contenus idéologiques.

NOTES

1. C’est également la syntaxe des phrases qui a changé entre les différentes versions du Froschkönig : les phrases de la version finale sont beaucoup plus complexes au niveau syntaxique que celles de la version initiale. Lutz Röhrich compte 58 propositions subordonnées dans la version de 1857, alors qu’il n’y en avait que 27 dans celle de 1812. Cf. Lutz Röhrich, Wage es, den Frosch zu küssen. Das Grimmsche Märchen Nummer Eins in seinen Wandlungen, Köln, Diederichs, 1987, p. 14. 2. Cf. les travaux fondamentaux pour la recherche sur les contes de fées entrepris par Heinz Rölleke : Heinz Rölleke, Die Märchen der Brüder Grimm. Eine Einführung, Stuttgart, Reclam, 2004 ; Heinz Rölleke, Grimms Märchen und ihre Quellen, Trier, Wissenschaftlicher Verlag, 2. Aufl., 2004. 3. Il faut ici rappeler le rôle éminent joué par les travaux de Heinz Rölleke, qui a su démontrer que l’origine des contes dans la classe populaire est une légende créée par les frères conteurs

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eux-mêmes dans une perspective romantique de « retour aux sources ». En réalité, les contes ont souvent été racontés et transmis aux Grimm par des femmes issues de la grande bourgeoisie et familiarisées avec la tradition des contes français. Cf. Heinz Rölleke (éd.), Es war einmal: Die wahren Märchen der Brüder Grimm und wer sie ihnen erzählte, Köln, Eichborn, 2011. 4. L’auteure recommande notamment la consultation des ouvrages de Lutz Röhrich et de Heinz Rölleke mentionnés ci-dessus. C’est notamment Röhrich qui livre une analyse complète de ce premier conte du recueil des Grimm : Lutz Röhrich, Wage es, den Frosch zu küssen, op. cit. 5. Cf. notamment Fabienne Liptay, Wunder Welten. Märchen im Film, Filmstudien 26, Remscheid, Gardez-Verlag, 2004, mais aussi Emmanuelle Meunier, De l’écrit à l’écran. Trois techniques du récit : dialogue, narration, description, Paris, L’Harmattan, 2004, Jeanne-Marie Clerc et Monique Carcaud- Macaire, L’Adaptation cinématographique et littéraire, Paris, Klincksieck, 2004, et Joachim Paech, Literatur und Film, Stuttgart/Weimar, Metzler, 1997. 6. Il existe une version du Froschkönig de 1940, tournée par Alf Zengerling. Malheureusement, cette version, certainement hautement intéressante en raison de son contenu idéologique, ne nous était pas accessible au moment de la rédaction de cet article. 7. Dans ce contexte, il est intéressant de rappeler que le film d’animation était également souvent au service de la propagande nazie. Enthousiaste devant les productions de Walt Disney, Hitler avait commandé des films d’animation du même genre qui devaient servir ses buts de propagande. Douze de ces films d’animation tendancieux sont réunis dans le coffret de DVD Geschichte des deutschen Animationsfilms publié, en 2011, par absolutMedien et sous la direction d’Ulrich Wegenast. Y sont représentées également des productions de Schonger. Cf. entre autres http://www.fr-online.de/kultur/trickfilme-zur-ns-volksaufklaerung/-/1472786/9550624/-/ index.html (consulté le 15/08/2013, CN). 8. Cf. Ron Schlesinger, « Heil dem gestiefelten Kater! » – NS-Propaganda in Märchenfilmen zwischen 1933 und 1945. À consulter sur Internet à l’adresse : http://leviathan0712.posterous.com/heil-dem- gestiefelten-kater-ns-propaganda-in (consulté le 17/08/2011). 9. Pour en savoir plus sur le film de contes de fées en RFA, voir la thèse de doctorat de Christoph Schmitt, chercheur à l’Université de Rostock : Christoph Schmitt, Adaptionen klassischer Märchen im Kinder- und Familienfernsehen. Eine volkskundlich-filmwissenschaftliche Dokumentation und genrespezifische Analyse der in den achtziger Jahren von den westdeutschen Fernsehanstalten gesendeten Märchenadaptionen, mit einer Statistik aller Ausstrahlungen seit 1954, Frankfurt am Main, Haag + Herchen, 1993 (Studien zur Kinder- und Jugendmedienforschung; 12). 10. http://www.zweitausendeins.de/filmlexikon/?wert=25579&sucheNach=titel, consulté le 19 avril 2013, « Grimmsche[s] Märchen in einer kindgerechten und schauspielerisch beachtlichen 50er- Jahre-Fassung » [Trad. CN]. 11. Dans la version des frères Grimm, ces mots sont prononcés par le roi rappelant à sa fille les règles d’un comportement correct. 12. On se réfère à la version DVD sortie par ICESTORM. 13. Celui-ci s’était déjà servi du pouvoir universel et magique du baiser romantique pour le tournage de plusieurs de ses grands succès de film d’animation, comme Blanche-Neige et les sept nains (1937) et Cendrillon (1950). 14. Le réalisateur Walter Beck, dans une lettre personnelle à l’auteure de cet article, insiste sur la suppression de l’article comme acte et volontaire et réfléchi. 15. Les studios de la DEFA étaient divisés en différents groupes de travail. Le nom du groupe « Johannisthal » était une référence au quartier berlinois dans lequel était située la société Johannisthaler Filmanstalt GmbH depuis 1920. Elle produisit, entre autres, des classiques du cinéma allemand tel que Nosferatu le vampire de Friedrich Wilhelm Murnau (1922). Avec l’arrivée du cinéma parlant, ces studios furent repris par la société Tobis-Filmkunst GmbH qui, elle-même, fut reprise par la DEFA après la Seconde Guerre mondiale et lors de la mise en place des studios est- allemands en 1946. Cf. Wolfgang Jacobsen, Babelsberg. 1912-1992. Ein Filmstudio, Berlin, Stiftung

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Deutsche Kinemathek, 1992 ; Günter Jordan, Film in der DDR. Daten, Fakten, Strukturen, Potsdam, filmmmuseum Potsdam, 2009. 16. Anonym, Gebrüder Grimm brav und bieder, dans : « Mitteldeutsche Neueste Nachrichten » (Leipzig), 2. Juli 1988 : « […] In einer gedrechselten Kunstsprache konversieren blutleere Gestalten in stillosen Puppenstuben-Interieurs. Der Frosch ist eine artig gestylte Aufblaskreation und Jana Mattukat wäre eine prima Bauerntochter. Unerbittlich fotografiert die Kamera diese Fehlbesetzung einer Prinzessin, während der veränderte Fabelfaden, brav und bieder inszeniert, vor sich hin dröselt. […] Walter Becks Film nimmt sich wie eine Warnung aus: Grimmsche Märchen sind verdammt sperrige Adaptionsstücke. » 17. Heinz Hoffmann, Wunderbare Wandlung durch Liebeskraft. Das Märchen vom Froschkönig filmisch neu erzählt, dans : « Nationalzeitung » (Berlin), 5. Juli 1988 : « Walter Beck fand in der Szenaristin Brigitte Bernert und im Dramaturgen Gert Gericke aufmerksame Partner, denen d[…]er Widerspruch und die Zweiteilung des Märchens nicht entgangen waren. Sie erzählen das Märchen neu, ohne seinen Ursprung auszugrenzen. Sie erzählen in poetischer Erweiterung den moralischen Reifeprozess und die wundersame Wandlung der Königstochter Henriette durch die Kraft der Liebe […]. So denken sie das moralische Anliegen des Grimmschen Märchens logisch zu Ende und setzen an die Stelle des Widerspruchs eine klare geistige Orientierung auf den zutiefst humanistischen Anspruch menschlicher Bewährung. […] » 18. En effet, Henriette insiste, à plusieurs reprises, sur le fait que, selon les codes du conte, le prince devrait être délivré. Apprenant que tel n’est pas le cas, elle s’écrie même qu’il ne devrait pas en être ainsi. Le spectateur a l’impression que l’héroïne elle-même connaît le fonctionnement « normal » d’un conte et qu’elle dénonce ici la dérogation à la règle. Ce jeu avec les codes du conte est une caractéristique que l’on retrouve dans plusieurs adaptations des contes de fées tournées à la DEFA. 19. http://www.zweitausendeins.de/filmlexikon/?sucheNach=titel&wert=27554; consulté par l’auteure le 19 mai 2013 : « Weitgehend langweilige Unterhaltung, deren Bilder allzu sauber und eindeutig sind, um die Essenz des Märchens […] einfangen zu können. » [Trad. CN]

RÉSUMÉS

Der Froschkönig oder der eiserne Heinrich (Le roi Grenouille ou Henri de Fer) des frères Grimm a été adapté à maintes reprises au cinéma. Cela peut paraître surprenant puisqu’il s’agit plutôt d’un conte avec une intrigue limitée et d’un texte, qui plus est, moralement douteux. Il apparaît pourtant que c’est justement cette prétendue incohérence de la morale du conte qui a suscité des réinterprétations créatives de nombreuses adaptations, et notamment des plus actuelles. Après une brève introduction, nous analysons et comparons, dans notre contribution, plusieurs adaptations : une, plus ancienne (Der Froschkönig, RFA 1954) et d’autres, plus récentes (Froschkönig , RDA 1988 ; Der Froschkönig, RFA 1990 et Der Froschkönig, Allemagne 2008). Notre analyse a pour but de montrer dans quelle mesure la transposition filmique a recours à des techniques d’extrapolation et de réécriture, et c’est ainsi qu’elle continue à écrire l’histoire du genre littéraire du conte, tout en véhiculant des valeurs pédagogiques et idéologiques.

Der Froschkönig oder der eiserne Heinrich (The Frog King, or Iron Heinrich) by the Grimm Brothers was adapted several times. It could be surprising because the tale offers a fairly limited plot and is also morally dubious. But this supposed incoherence of the moral in the tale seems precisely to

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be the reason of the creative reinterpretations of the many adaptations, and especially of the most recent ones. After a short introduction, our point, in this article, is to analyse and compare many adaptations: one, older (Der Froschkönig, BRD, 1954) and others, more recent (Froschkönig, DDR 1988; Der Froschkönig, BRD 1990 and Der Froschkönig, Deutschland 2008). The purpose of our analysis is to demonstrate how the movie transposition uses the techniques of extrapolation and rewriting and so continues to write the story of the literary genre of the tale and to transmit pedagogical and ideological values.

Der Froschkönig oder der eiserne Heinrich der Brüder Grimm hat eine Vielzahl von Regisseuren zu Verfilmungen angeregt. Und genau das kann erstaunen, handelt es sich doch um ein vergleichsweise handlungsarmes und in seiner Moral eher fragwürdiges Exemplar der Hausmärchen. Doch es scheint, als wäre es gerade diese vermeintliche Inkohärenz der Märchenmoral, die in zahlreichen und besonders in modernen Verfilmungen Anlass zur kreativen Neuinterpretation bietet. In diesem Beitrag möchten wir nach einer kurzen Einleitung eine vergleichende Analyse von einer älteren (Der Froschkönig, BRD 1954) und drei jüngeren deutschen Verfilmungen dieses Grimm’schen Textes (Froschkönig, DDR 1988 ; Der Froschkönig, BRD 1990 und Der Froschkönig, Deutschland 2008) erarbeiten. Sie soll zeigen, inwiefern gerade dieses Märchen in der Geschichte seiner filmischen Umsetzung auf Techniken der Extrapolation und Umschreibung zurückgreift und in diesem Sinn die Geschichte des literarischen Genres „Märchen“ als Vehikel pädagogischer und ideologischer Wertevermittlung weiterschreibt.

INDEX

Mots-clés : film, cinéma, adaptation cinématographique, thriller

AUTEUR

CHRISTIN NIEMEYER Université de Caen – Basse Normandie

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Freigesprochen (Peter Payer, 2007) : une réécriture contemporaine de Der jüngste Tag d’Ödön von Horváth Freigesprochen (Peter Payer, 2007): a contemporary rewriting of Ödön von Horváth’s Der jüngste Tag Freigesprochen (Peter Payer, 2007): eine zeitgenössische Bearbeitung von Horváths Der jüngste Tag

Irène Cagneau

Lieber Rudi, das wäre ja ungemein vorteilhaft, wenn Du es fertigbringen würdest, dass irgendwas von mir verfilmt wird. Ödön von Horváth1

1 Dans les années 1960-1970, à l’époque de ce qu’il est convenu d’appeler la « renaissance » d’Ödön von Horváth dans l’espace germanophone, stimulée par l’essor rapide des rapports intermédiatiques entre théâtre et télévision2, les œuvres de l’écrivain austro-hongrois ont été adaptées à de multiples reprises à la télévision allemande et autrichienne. Les transpositions cinématographiques de ses écrits sont, en revanche, plus rares. La plus célèbre est sans doute le long métrage Wie ich ein Neger wurde, adapté du roman Jugend ohne Gott par le metteur en scène Roland Gall en 1971. Ce roman fait partie, avec les pièces de théâtre Der jüngste Tag, Geschichten aus dem Wiener Wald et Hin und her, des œuvres qui ont connu le plus grand nombre d’adaptations en Allemagne et en Autriche (télévision et cinéma confondus) de la fin des années 1950 à aujourd’hui [tableau n°1].

Tableau n°1 :

Adaptations à l’écran de l’œuvre de Horváth dans l’espace germanophone (1954-2013)

Titre Nombre Année Réalisateur

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1957 Rolf Hansen (cinéma) 1960 Erich Neuberg Der jüngste Tag 4 1961 Michael Kehlmann 2007 Peter Payer (cinéma)

1961 Erich Neuberg 1964 Michael Kehlmann Geschichten aus dem Wiener Wald 4 1979 Maximilian Schell (cinéma) 2013 André Turnheim

1948 Theo Lingen (cinéma) Hin und her 3 1954 Erich Geiger 1963 Otto Schenk/Kurt Wilhelm

1969 Eberhard Itzenplitz Jugend ohne Gott 3 1971 Roland Gall (cinéma) 1991 Michael Knof

1963 Axel Corti Ein Dorf ohne Männer 2 1969 Michael Kehlmann

1965 Günther Fleckenstein Figaro läßt sich scheiden 2 1999 Luc Bondy

1958 Franz Peter Wirth Glaube, Liebe, Hoffnung 2 1980 Michael Kehlmann

1959 Michael Kehlmann Kasimir und Karoline 2 2011 Ben von Grafenstein

Die Unbekannte aus der Seine 1 1968 Michael Kehlmann

Don Juan kommt aus dem Krieg 1 1963 Kurt Wilhelm

Italienische Nacht 1 1966 Michael Kehlmann

Sladek, der schwarze Reichswehrmann 1 1976 Oswald Döpke

Zur schönen Aussicht 1 1972 Hans Hollmann

Sources : Birgit Schulte, Ödön von Horváth verschwiegen – gefeiert – glattgelobt. Analyse eines ungewöhnlichen Rezeptionsverlaufs, Bonn, Bouvier Verlag, 1980, p. 38 sq ; Base de données en ligne http://www.imdb.com, consultée le 30.06.2013.

2 Parmi les vingt-sept adaptations recensées ci-dessus, la première position occupée par Der jüngste Tag3 montre que cette pièce de théâtre, pourtant moins connue que les « quatre grandes “pièces populaires” »4 rédigées par Horváth au début des années 1930, a suscité non seulement l’intérêt de célèbres metteurs en scène pour la télévision (Erich Neuberg et Michael Kehlmann)5, mais également celui des cinéastes6. Dans un entretien accordé en 2007 à la Commission du cinéma autrichien, Peter Payer, réalisateur de Freigesprochen7, l’adaptation la plus récente de la pièce, expose ainsi les raisons qui ont présidé à la réalisation de son film :

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Für mich ist Horváth überhaupt ein sehr filmisch schreibender Dramatiker, sowohl was seine Romane als auch was seine Theaterstücke betrifft. Seine Themen sind sehr zeitlos, fast archaisch. Genau diese Themen sind es auch, die mich am Kino interessieren. Der jüngste Tag ist nochmals um vieles facettenreicher ; es geht darin um das Thema Schuld, um den Umgang damit und die Unentrinnbarkeit ; um Flucht in Obsessionen und obsessive Affären und das Scheitern daran. Alles Dinge, mit denen jeder schon einmal, wahrscheinlich in abgeschwächter Form, in Berührung gekommen ist8.

3 Dans cet extrait, le réalisateur autrichien, qui est également le scénariste du film, fait ressortir avec pertinence trois caractéristiques de l’œuvre de Horváth qu’il nous semble intéressant de développer plus en détail : l’écriture filmique du dramaturge, le caractère intemporel, quasi archaïque des sujets qu’il développe et, concernant plus spécifiquement la pièce de théâtre Der jüngste Tag, la question centrale de la faute et de la culpabilité. À la lumière du film Freigesprochen, nous tenterons ainsi de comprendre en quoi Der jüngste Tag se prête remarquablement à la réécriture cinématographique, comprise ici comme le processus complexe de transposition d’une fable « intemporelle » dans le monde contemporain, et nous mettrons en relief les éléments principaux que Peter Payer a choisi d’éclairer dans son adaptation. Nous examinerons ensuite les choix esthétiques opérés par le cinéaste, en particulier sa manière de filmer les multiples variations autour du thème fondamental de la culpabilité.

1. Une écriture filmique ?

4 Peter Payer n’est pas le seul observateur à souligner les caractéristiques filmiques de l’écriture de Horváth. Wolfgang Lechner, par exemple, insiste sur l’influence incontestable du cinéma parlant du début des années 1930 sur le découpage formel des pièces de théâtre de l’écrivain : la brièveté des scènes et l’alternance fréquente des lieux de l’action, notamment dans Kasimir und Karoline, Glaube, Liebe, Hoffnung et Don Juan kommt aus dem Krieg, sont, selon l’auteur, les signes manifestes d’un intérêt marqué de Horváth pour les diverses possibilités offertes par cette nouvelle forme d’expression artistique9. Dans la même perspective, Evelyne Polt-Heinzl et Christine Schmidjell se demandent, à la fin de leur étude très documentée sur Horváth et le cinéma, si l’insertion de chansons et de Couplets dans des pièces comme Hin und her, Don Juan kommt aus dem Krieg et Mit dem Kopf durch die Wand, s’inscrivant dans la tradition de la dramaturgie viennoise, ne correspondait pas également à une tentative de « prendre pied » dans l’industrie cinématographique autrichienne de l’époque, fortement marquée à Vienne par l’essor du cinéma parlant et musical10. Si Horváth lui-même s’est peu exprimé sur ce sujet11, son intention de porter à l’écran Kasimir und Karoline, dont il fait part dans son journal intime en 1933-193412, montre qu’il était tout à fait conscient du potentiel cinématographique de sa pièce de théâtre. Dans la même perspective, l’écriture d’un synopsis (Filmexposé) pour Don Juan kommt aus dem Krieg en 1936 13 et les négociations engagées à partir du mois de mars 1938 avec le cinéaste allemand Robert Siodmak en vue de l’adaptation de Jugend ohne Gott, brutalement interrompues par le décès accidentel de l’écrivain à Paris, témoignent d’une volonté certaine d’exploiter les multiples ressources du cinéma.

5 Cependant, l’analyse du potentiel cinématographique des écrits de Horváth ne saurait se restreindre au seul examen du découpage séquentiel de ses pièces de théâtre (nombre et longueur des scènes), à la mesure de la fréquence des changements de lieux

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ou encore à la présence de passages musicaux. Si l’on examine Der jüngste Tag à l’aune de ces critères, la structure dramatique en sept tableaux adoptée par Horváth, l’alternance d’un faible nombre de lieux (1. Gare, 2. Lieu de l’accident, 3. Auberge, 4. Viaduc, 5. Auberge, 6. Droguerie d’Alfons, 7. Lieu de l’accident) et l’insertion de Couplets dans le troisième tableau sont destinées à la mise en scène théâtrale et ne permettent en rien de conclure à une écriture proprement filmique. Comme le souligne Peter Payer dans son entretien, la « cinégénie » de Der jüngste Tag réside bien davantage dans l’intemporalité de l’intrigue qui rend possible son adaptation dans le monde contemporain, c’est-à-dire sa mise en conformité avec un nouveau contexte historique et socioculturel. Cela nécessite certes un travail intensif de réécriture, mais laisse en même temps au cinéaste un large espace de transposition et de création : Ich versuche bei jeder Form von Literaturadaptierung den Atem und den Geist, den der Stoff heute hat, zu spüren. Das erfordert oft einen sehr intensiven Aufwand. Da ich im Heute lebe, versuche ich ihn ans Heute zu adaptieren und dabei muss man Entscheidungen treffen darüber, was nicht mehr zeitgemäß ist bzw. was als Überhöhung durchaus gut ist14.

6 Le terme « Überhöhung », qui postule ici la mise en relief de certains éléments à partir du vaste territoire qu’offre l’œuvre première, laisse entendre que le cinéaste, dans son processus de réécriture, ne cherche pas tant à être fidèle au texte d’origine qu’à en restituer le « souffle » (Atem) et l’« esprit » (Geist). Dans la « banque de données »15 que constitue l’œuvre source, Peter Payer puise ainsi deux « instructions » fondamentales : le « fait divers », qui correspond à la catastrophe ferroviaire provoquée par le baiser d’Anna à Hudetz, et le « drame à stations »16 qui, dans Freigesprochen, est transposé sous la forme de l’errance des deux personnages principaux sur le chemin de la culpabilité et de la rédemption.

2. Du fait divers…

7 En 1978, dans le compte rendu de deux représentations théâtrales de Der jüngste Tag, Helmut Schödel explique qu’à la lecture du drame, il a l’impression d’être dans la peau d’un « chroniqueur judiciaire » (Gerichtsreporter) qui assiste aux péripéties successives d’une « affaire criminelle » (Kriminalfall)17. Dans les cinq premiers tableaux de la pièce, l’intrigue semble effectivement « empruntée à quelque rubrique de fait divers »18 : le chef de gare Thomas Hudetz, fonctionnaire consciencieux et époux malheureux d’une femme âgée de treize ans de plus que lui, est distrait, pendant son service, par les provocations et le baiser fugace de la jeune Anna (la fille de l’aubergiste du village) qui entend bien attiser la jalousie de Madame Hudetz, connue pour guetter les moindres allées et venues de son mari. Hudetz oublie alors de déclencher un signal et provoque un grave accident de train, entraînant la mort de dix-huit personnes. Acquitté après quatre mois de détention préventive, grâce au faux témoignage d’Anna, le chef de gare est fêté en héros à son retour par les habitants du village. Cependant, Anna, torturée par sa « voix intérieure » (innere Stimme)19 et rongée par la culpabilité, donne un rendez-vous nocturne à Hudetz afin de s’entretenir avec lui. On comprend, dans le cinquième tableau, que Hudetz a assassiné Anna.

8 Dans Freigesprochen, il n’est pas question, comme Horváth le fait magistralement dans sa pièce de théâtre, de décrire un « microcosme socioculturel » (soziokultureller Mikrokosmos)20, ni de peindre une « grande fresque locale » (große Lokalfreske)21, peuplée de petits-bourgeois aux sentiments versatiles qui, à l’image de Madame Leimgruber,

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porte-voix bavard et indiscret de la petite communauté, se repaissent de la catastrophe et de ses conséquences22. Peter Payer estompe la dimension sociocritique du fait divers et choisit plutôt d’en accentuer l’impact émotionnel. Dans les quinze premières minutes du film, il met ainsi minutieusement en place les signes annonciateurs de l’accident ferroviaire. Aux personnages principaux, exposés dans cette première partie (Thomas Hudetz et sa femme Hanni, Anna et son fiancé Ferdinand), il ajoute la figure de Josef, le meilleur ami de Hudetz, qui va trouver la mort dans la collision avec l’express « Budapest-Paris ». Le montage alterné des plans, montrant d’une part Josef qui conduit sa camionnette le long de la voie ferrée, d’autre part un train rouge et blanc qui file à grande vitesse au milieu des champs, ainsi que la séquence où l’on aperçoit les voyageurs dans le train (notamment deux petites filles qui jouent ensemble) préparent le spectateur à la catastrophe imminente et favorisent l’empathie et l’identification avec les victimes. En outre, le réalisateur crée une tension certaine grâce au contraste entre les séquences lumineuses et paisibles, quasi idylliques, du début du film (Hudetz cueille des fleurs dans un champ de maïs, Hudetz et Josef font du canoé sur le lac, Anna et Ferdinand se préparent joyeusement à aller à la gare) et des séquences toujours plus courtes et saccadées, illustrant une agitation grandissante, accentuée par les annonces des haut-parleurs à la gare, les bruits de voix des voyageurs et les crissements des roues des trains sur les rails. Point d’orgue de cette première partie, le signal oublié par le chef de gare pendant sa conversation avec Anna, qui retentit quatre fois, annonce l’imminence de l’accident.

9 La séquence filmée sur les lieux de la catastrophe, qui correspond au deuxième tableau de la pièce de théâtre, est la plus longue de Freigesprochen (cinq minutes trente) et sans nul doute l’une des plus réussies. Décrite par Peter Payer comme un « tableau infernal » (Infernogemälde), dont l’ambition est de faire naître une « poésie oppressante » (bedrückende Poesie)23, elle livre un regard à la fois collectif et individuel sur le fait divers. Sous un ciel assombri, éclairé par une lumière pâle, qui rappelle le « jour blafard » (fahler Tag)24 mentionné dans les didascalies du deuxième tableau de la pièce, le spectateur découvre la scène apocalyptique d’un train en flammes autour duquel s’affairent les pompiers qui évacuent les morts et les blessés. Les badauds, figurés par le patron de l’auberge, sa fille Anna et la serveuse Leni, observent la scène. Comme dans la pièce, Leni et le patron posent des questions à un policier dont les réponses permettent d’en savoir plus sur l’accident : vingt-deux personnes sont mortes, dont le livreur Josef Schremser, une centaine de personnes sont grièvement blessées. Dans cette séquence, rythmée par les bruits des hélicoptères, les sirènes des pompiers et les voix des petites filles qui cherchent leur mère, le montage alterné permet de focaliser progressivement l’attention du spectateur sur les deux personnages principaux, Hudetz et Anna, et de mettre en lumière le « mécanisme de la faute »25. Au fil de cette « vision guidée »26, Hudetz, emmené par la police sur les lieux de l’accident, apparaît seul, hagard, au milieu des gravats et des blessés. Un autre plan montre Anna, le regard fixe, qui contemple la scène. Les gros plans sur les visages des deux personnages se succèdent, illustrant la prise de conscience progressive de la faute et de ses conséquences. Dans le même temps, les questions du juge d’instruction, se mêlant aux litanies des rescapés et aux voix des deux fillettes, se multiplient et se confondent dans l’esprit de Hudetz. Ses réponses mécaniques et elliptiques à l’interrogatoire du juge, sa gestuelle désordonnée, son regard figé illustrent son égarement et son impuissance face à la catastrophe. La séquence se termine par un plan d’ensemble dans lequel Hudetz semble complètement désorienté, perdu dans un soliloque inaudible (on retiendra ici l’excellent jeu de

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l’acteur Frank Giering). À cette image succède un plan plus resserré où Josef, vêtu de blanc, apparaît à Hudetz sous la forme d’une figure fantomatique. Il s’agit de la première « apparition » du personnage qui, tout au long du film, symbolise la « voix de la conscience » (Stimme des Gewissens)27 de Hudetz et vient le hanter de manière récurrente. Elle rappelle, sous une autre forme, la dimension métaphysique du septième tableau de la pièce de théâtre dans lequel les victimes de l’accident, Pokorny et le garde-voie, « visitent » Hudetz et tentent de le convaincre de les rejoindre dans l’au-delà. Anna, qui apparaît à son tour, réussit cependant à l’en empêcher et le persuade de se livrer à la justice des hommes.

3. … au « drame à stations »

10 Après la scène de l’accident, le fait divers et ses conséquences judiciaires sont filmés de manière conventionnelle, sans originalité particulière, par Peter Payer. Outre les séquences en prison, au parloir et au tribunal lors du procès de Hudetz, le réalisateur rend compte de l’évolution des événements par le biais de la télévision, des journaux et de la radio locale dont les nouvelles ponctuent régulièrement le récit. Ce n’est pas tant l’intrigue policière qui retient l’attention du cinéaste, mais bien davantage la manière dont Hudetz et Anna supportent le poids psychologique de la faute : Bei Freigesprochen haben wir uns jedenfalls bemüht, keinen Justizthriller daraus zu machen. Es geht um eine innere Schuld, das besonders Spannende daran ist, dass es sich um eine nicht mehr delegierbare Schuld handelt28.

11 En évoquant la « culpabilité intérieure » (innere Schuld) des deux personnages, le cinéaste met en évidence la thématique qui se situe au cœur de la pièce de théâtre. Dans le quatrième tableau, Anna figure en effet, physiquement, la « caisse de résonance » (Resonanzraum)29 des cris des morts qui viennent la harceler et doit « se boucher les oreilles » pour ne plus les entendre30. Hantée par sa voix intérieure, elle est prête à se sacrifier en se livrant aux mains de Hudetz dans une dernière étreinte. Celui- ci, incapable d’entendre – et surtout d’écouter – sa propre voix intérieure, ne prend conscience de la faute commise qu’après le meurtre de la jeune femme, semblable en cela au « criminel par sentiment de culpabilité » (Verbrecher aus Schuldgefühl)31 décrit par Freud, qui se délivre, par ce nouveau crime, du poids inconscient d’une faute obscure et éprouve un soulagement psychique : HUDETZ […] Ich hab sie gepackt und geschüttelt, aber sie war nicht mehr da – ich hab noch nach ihr gerufen, aber sie gab keinen Laut mehr von sich. Dann bin ich nach Haus und habe mich niederlegt. Ich hab plötzlich wieder schlafen können, seit vier Monaten, wie ein pflichtgetreuer Beamter32.

12 Le fait que Peter Payer, dans la deuxième partie de Freigesprochen, s’éloigne sensiblement de l’intrigue originale de la pièce peut sembler à la fois regrettable et contestable. Certes, après l’acquittement de Hudetz, le dialogue entre les deux personnages principaux a bien lieu, comme dans le quatrième tableau de Der jüngste Tag. Au cours de cette conversation, qui s’apparente plutôt à un double monologue, Hudetz et Anna, marchant le long du lac, semblent d’abord se fuir, puis se rapprochent progressivement et finissent par s’embrasser. Cependant, la séquence, au lieu de se clore par une « union symbolique » (symbolische Vereinigung)33 figurant le meurtre d’Anna, marque le début d’une relation amoureuse entre les deux personnages, placée sous le signe de l’errance et de l’obsession sexuelle. La fin du film est également fort différente de l’original : Anna se suicide en se jetant du haut du viaduc, suivie quelques

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heures après par Hudetz, qui se laisse mourir dans la neige après avoir consommé un cocktail suicidaire d’alcool et de médicaments.

13 Malgré ces « erreurs d’aiguillage »34, susceptibles, à juste titre, de dérouter le lecteur- spectateur de la pièce d’origine, le film a le mérite de représenter les différentes « stations » de la faute à travers le cheminement psychologique de chaque personnage. Il nous semble alors possible de voir en Freigesprochen un « drame à stations » contemporain au cours duquel le spectateur suit pas à pas les errances d’Anna et de Hudetz. Dans son entretien, Peter Payer souligne d’ailleurs explicitement cette intention : Es gibt bei Horváth wie bei mir die verschiedenen Phasen der Schuldaufarbeitung, Schock und Verdrängung gehören dazu, das ist ein völlig normaler Vorgang. Irgendwann lässt das nach und da versuche ich bei meinen Figuren unterschiedliche Mechanismen zu zeigen, wie sie letztendlich eine nahezu lustvolle Verdrängung zu suchen, indem sie die Schuld mit einer sexuellen Obsession zu übertünchen versuchen, die auch nur kurz halten kann, bis sie dann den finalen Weg in der Erlösung suchen35.

14 C’est précisément à travers ces « phases » successives, dévoilant les « différents mécanismes » de la culpabilité, que le film se révèle très riche, tout particulièrement d’un point de vue esthétique.

4. Esthétique de la culpabilité

15 Dans Freigesprochen, nombreuses sont les séquences non verbales qui mettent en lumière les errances psychiques des personnages principaux. La conscience de la faute – immédiate chez Anna, progressive chez Hudetz – n’est pas « mise en mots », mais « montrée », dans un « acte d’ostension »36 caractéristique du discours filmique.

16 Dans la première partie du film, avant le tournant correspondant à la conversation de Hudetz et d’Anna près du lac, c’est chez la jeune femme que les différents mécanismes de la culpabilité et du repentir sont les plus manifestes. Ils se traduisent tout d’abord par des actes itératifs de commémoration, presque obsessionnels. Après la catastrophe, une séquence montre Anna au milieu des champs de maïs, cueillant des fleurs de plus en plus fébrilement. On comprend, dans la séquence suivante, que ces fleurs sont destinées aux victimes de l’accident ; la jeune femme, après avoir découpé les photos des défunts dans le journal local, pose minutieusement un bouquet à côté de chacune d’elles sur le sol de sa chambre. Quelques jours plus tard, après la libération provisoire de Hudetz, on la retrouve sur le lieu de l’accident, en train de fleurir les croix et d’allumer des bougies en souvenir des victimes. Progressivement, ces actes commémoratifs font place à une claustration physique et psychologique, figurée par des séquences récurrentes dans la piscine du sous-sol de l’hôtel. Dans ce lieu aux couleurs froides, qui semble désaffecté, Anna passe de longues heures, seule et recroquevillée sur elle-même. Le plan rapproché sur les murs de la piscine, constitués de parpaings à l’état brut, évoquent ceux d’une cellule carcérale et rappellent, comme en contrepoint, le séjour de Hudetz en prison. Deux autres séquences, placées respectivement dans la première et la deuxième partie du film, présentent cette fois-ci Anna en hauteur, assise en équilibre sur le rebord de la fenêtre de sa chambre, qui observe la vie extérieure autour d’elle. Ces séquences, brèves mais éloquentes, sont comme un présage à la chute finale de la jeune femme du haut du viaduc. Dans la même

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optique, la prolepse (ou le flashforward) placée au tout début de Freigesprochen, qui montre, par une froide nuit d’hiver, la chute soudaine d’un corps encore anonyme dans la neige, met également l’accent sur cette séquence à venir et prépare subtilement le spectateur au suicide d’Anna.

17 La focalisation sur le personnage d’Anna dans cette première partie ne fait qu’accentuer les difficultés de Hudetz à prendre réellement conscience de sa faute et à s’engager sur le chemin du repentir et de l’expiation. Seules les apparitions de Josef lui rappellent sa culpabilité. Au début du film, celui-ci ne parle pas. Mais après l’acquittement, au moment où Hudetz rentre chez lui, il se manifeste subitement à lui et répète le verdict du juge d’un ton moqueur : « Acquitté ! Félicitations ! Enchaînement de circonstances malheureuses… »37. La séquence suivante est alors révélatrice du désarroi de Hudetz : un plan d’ensemble le montre seul près du lac. Il semble vouloir faire du canoé, mais il y renonce et s’enfuit. Ses mouvements désordonnés rappellent la scène de l’accident et illustrent, davantage qu’une évolution psychologique, une dérobade, un refus d’écouter sa voix intérieure.

18 Dans la deuxième partie du film, on observe un renversement de situation. L’attention se concentre à présent sur Hudetz qui, comme Anna dans la première partie, cultive la mémoire des victimes de la catastrophe. Au fil d’un enchaînement de séquences, on suit le personnage sur la tombe de Josef, puis dans un cimetière de Budapest où reposent les membres d’une famille hongroise, décédés le jour de l’accident. Hudetz se rend également à Paris, au cimetière du Père-Lachaise, où il se recueille sur la tombe de la mère des deux petites filles aperçues au début du film. Ces différentes « stations » commémoratives, accompagnées parfois d’une musique mélancolique, constituent l’avant-dernière étape sur le chemin de l’expiation. Au moment où Hudetz reçoit de l’argent en dédommagement de son séjour en prison, il ne supporte pas d’être payé pour ce qu’il a fait. Dans la séquence suivante, le spectateur est témoin de sa colère et de son désespoir : près du lac, il détruit le canoé à coups de hache, le brûle et jette l’argent au feu. La reconnaissance individuelle de la faute est désormais accomplie, comme Hudetz réussit enfin à l’exprimer lorsqu’il retrouve Anna sur les lieux de l’accident : Anna Wie war’s ? HUDETZ Schrecklich… Anna, wir haben sie umgebracht. Einundzwanzig Menschen aus Ungarn, Frankreich, von überall… Und bezahlt haben sie mich dafür auch noch. ANNA Die brauchen uns hier nicht mehr. HUDETZ Wir brauchen sie nicht mehr.

19 Dans les dernières séquences du film, la reconnaissance individuelle de la faute s’accompagne d’une « reconnaissance mutuelle »38 des deux personnages, dont le destin est scellé par le secret qui les unit. Intimement soudés par la conscience de la faute commise, ils semblent désormais prêts à en assumer les conséquences. La scène sur le viaduc est, sur ce plan, révélatrice : le seul mot échangé par Hudetz et Anna, avant que celle-ci ne bascule dans le vide, est un « oui » mutuel, suggérant une union symbolique ante mortem. Cependant, dans Freigesprochen, cette union n’a pas la dimension « biblique »39 ou « parabolique »40 de la pièce de théâtre de Horváth. Elle est, davantage qu’une conversion mystique des deux personnages, le signe annonciateur d’une délivrance face à une culpabilité trop lourde à porter. À cet égard, le sourire d’Anna avant son suicide, et celui de Hudetz, allongé sur la voie ferrée et attendant la mort sous la neige, sont à l’image de la rédemption tant attendue.

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BIBLIOGRAPHIE

Adaptations à l’écran de Der jüngste Tag dans l’espace germanophone (1957-2007)

1957 – … und führe uns nicht in Versuchung (CCC-Film GmbH Berlin)41 Réalisation : Rolf Hansen Scénario : Hans Höllering Caméra : Franz Weihmayr Montage : Anna Höllering Son : Erwin Schänzle Costumes : Manon Hahn Décors : Robert Herlth, Kurt Herlth Musique : Mark Lothar Sortie au cinéma : 31 octobre 1957 Distribution principale : Gerhard Riedmann : Thomas Hudetz – Johanna Matz : Anna – Heidemarie Hatheyer : Frau Hudetz – Annie Rosar : Frau Leimgruber – Bruno Dallansky : Ferdinand – Wolfgang Hebenstreit : Staatsanwalt – Martin Berliner : Kommissar Producteur : Artur Brauner Format : 35 mm Durée : 100 minutes

1960 – Der jüngste Tag (ORF)42 Réalisation : Erich Neuberg Adaptation : Erich Neuberg Première diffusion TV : 13 février 1960 Distribution principale : Hans Holt : Thomas Hudetz – Gretl Elb : Frau Hudetz – Josef Hendrichs : Alfons – Oskar Wegrostek : Wirt – Christiane Hörbiger : Anna – Bruno Dallansky : Ferdinand – Helli Servi : Leni – Paula Pfluger : Frau Leimgruber – Florl Leitner : Feldarbeiter – Alfred Böhm : Vertreter – Hans Kammauf : Gendarm – Karl Hackenberg : Kohut – Ludwig Hillinger : Staatsanwalt – Carl Heinz Friese : Kommissar – Fritz Holzer : Kriminaler Durée : 80 minutes

1961 – Der jüngste Tag (ARD/BR)43 Réalisation : Michael Kehlmann Adaptation : Michael Kehlmann Première diffusion TV : 16 février 1961 Distribution principale : Klausjürgen Wussow : Thomas Hudetz – Ilse Steppat : Frau Hudetz – Rudolf Vogel : Alfons – Fritz Eckhardt : Wirt – Hertha Martin : Anna – Siegfried Breuer Jr. : Ferdinand – Claudia Gerstäcker : Leni – Elisabeth Neumann-Viertel : Frau Leimgruber – Hans Stadtmüller : Feldarbeiter – Max Buchsbaum : Vertreter – Walter Sedlmayr : Gendarm – Peter Brand : Kohut – Karl Lieffen : Staatsanwalt – Kurt Bülau : Kommissar – Paul Bös : Kriminaler Durée : 103 minutes

2007 – Freigesprochen (Lotus Film/Iris Productions)44 Réalisation : Peter Payer Scénario : Peter Payer Caméra : Andreas Berger

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Montage : Cordula Werner Son : Philippe Kohn Costumes : Uli Simon Décors : Christoph Kanter, Christina Schaffer Musique : André Mergenthaler Sortie au cinéma : 18 janvier 2008 Distribution principale : Frank Giering : Thomas Hudetz – Lavinia Wilson : Anna – Corinna Harfouch : Hanni Hudetz – Alfred Dorfer : Josef – Robert Stadlober : Ferdinand – Thierry van Werweke : Hotelier Producteur : Erich Lackner Format : 35 mm Durée : 95 minutes

NOTES

1. Ödön von Horváth, lettre à Rudolph S. Joseph du 30.10.1933. Cité par Evelyne Polt-Heinzl/ Christine Schmidjell, « Geborgte Leben. Ödön von Horváth und der Film », in Klaus Kastberger (Hrsg.), Ödön von Horváth. Unendliche Dummheit – dumme Unendlichkeit, Wien, Paul Zsolnay Verlag, 2001, p. 242. 2. Voir Birgit Schulte, Ödön von Horváth verschwiegen – gefeiert – glattgelobt. Analyse eines ungewöhnlichen Rezeptionsverlaufs, Bonn, Bouvier Verlag, 1980, p. 38 : « In dieser Phase dominiert das Phänomen, daß Horváth in einer Kette von Neu-Inszenierungen dem wirklich breiten Publikum durchs Fernsehen gebracht wurde. » 3. Der jüngste Tag (1936) fut créé par Paul Marx le 11 décembre 1937 au Deutsches Theater de Mährisch-Ostrau (Ostrava) en Moravie. Après la Seconde Guerre mondiale, elle fut la première des pièces de Horváth à être représentée en Autriche, le 7 décembre 1945, au Theater in der Josefstadt de Vienne. Jouée cinquante-neuf fois dans une mise en scène de Rudolf Steinboeck, elle reçut un accueil très positif. Sur cette mise en scène, voir Kurt Bartsch, « Frühe Horváth- Aufführungen in Österreich nach 1945 », in Klaus Kastberger (Hrsg.), Ödön von Horváth. Unendliche Dummheit – dumme Unendlichkeit, op. cit., p. 142 sqq. 4. Florence Baillet, Ödön von Horváth, Paris, Belin, « voix allemandes », 2008, p. 97. Il s’agit des quatre pièces de théâtre écrites par Horváth dans les années 1930-1933 : Italienische Nacht (1930), Geschichten aus dem Wiener Wald (1931), Kasimir und Karoline (1932) et Glaube, Liebe, Hoffnung (1933). 5. Dans les années 1960, Michael Kehlmann, réalisateur de sept adaptations de Horváth pour la télévision, et Erich Neuberg, auteur de deux adaptations, faisaient partie de la jeune génération de metteurs en scène issus des cafés-théâtres qui contribuèrent à la redécouverte de l’écrivain dans l’espace germanophone. Voir Herbert Gamper, « D’un scandale à l’autre : la réception d’Ödön von Horváth dans les pays de langue allemande », in Ödön von Horváth, Les Nouveaux Cahiers de la Comédie-Française, La Comédie-Française, L’avant-scène théâtre, 2008, p. 79. 6. Voir en détail les informations sur chaque adaptation à la fin de cet article. 7. Freigesprochen est le premier titre que Horváth avait l’intention de donner à sa pièce de théâtre. Voir Ödön von Horváth, Der jüngste Tag und andere Stücke, Gesammelte Werke. Kommentierte Werkausgabe in Einzelbänden, hrsg. von Traugott Krischke unter Mitarbeit von Susanna Foral- Krischke, Bd. 10, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1988, p. 423. 8. « Peter Payer über Freigesprochen », entretien réalisé en 2007 par Karin Schiefer pour la Commission du cinéma autrichien (Austrian Film Commission). Consultable en ligne sur http:// www.afc.at.

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9. Voir Wolfgang Lechner, Mechanismen der Literaturrezeption in Österreich am Beispiel Ödön von Horváths, Stuttgart, Akademischer Verlag Hans-Dieter Heinz, « Stuttgarter Arbeiten zur Germanistik », Nr. 46, 1978, p. 138 sq. 10. Voir Evelyne Polt-Heinzl/Christine Schmidjell, « Geborgte Leben. Ödön von Horváth und der Film », op. cit., p. 255 sq. Sur le cinéma parlant et musical à Vienne dans les années 1930, voir Siegfried Mattl, « Utopies du cinéma parlant ou les Semaines internationales du cinéma de Vienne et la connexion entre l’opérette et le cinéma autrichien », Austriaca, n°64, juin 2007, p. 27-38. 11. Voir en détail Evelyne Polt-Heinzl/Christine Schmidjell, ibid., p. 193-261. 12. Voir Heinz Lunzer/Victoria Lunzer-Talos/Elisabeth Tworek, Horváth. Einem Schriftsteller auf der Spur, Salzburg, Wien, Frankfurt am Main, Residenz-Verlag, 2001, p. 121. 13. Voir Ödön von Horváth, Gesammelte Werke, Bd. 8, op. cit., p. 636-642. 14. « Peter Payer über Freigesprochen », op. cit. 15. André Gardies, « Le narrateur sonne toujours deux fois », in André Gaudreault/Thierry Groensteen (dir.), La transécriture pour une théorie de l’adaptation. Littérature, cinéma, bande dessinée, théâtre, clip, Colloque de Cerisy, Québec, Nota bene, Angoulême, Centre national de la bande dessinée et de l’image, 1998, p. 68. Voir également André Gardies, « La littérature comme banque de données », in Jean-Bernard Vray (dir.), Littérature et cinéma. Écrire l’image, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 1999, p. 103-111. 16. Dans son analyse de Der jüngste Tag, Florence Baillet voit dans la pièce de Horváth un « drame à stations », inspiré du modèle strindbergien qui, « tel une sorte de “théâtre d’apprentissage” », figure le « drame itinérant d’un personnage ». Voir Florence Baillet, Ödön von Horváth, op. cit., p. 166 sq. 17. Helmut Schödel, « Über zwei Inszenierungen von Horváths “Jüngster Tag” », Theater heute, 19. Jg., Nr. 7, Juli 1978, p. 20-22. L’auteur commente les mises en scène de Michael Gruner à Düsseldorf et de Henning Rühle à Nuremberg. 18. Jean-Claude François, Histoire et fiction dans le théâtre d’Ödön von Horváth, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 1978, p. 282. 19. Ödön von Horváth, Der jüngste Tag, op. cit., p. 50. 20. Johanna Bossinade, Vom Kleinbürger zum Menschen. Die späten Dramen Ödön von Horváths, Bonn, Bouvier Verlag, 1988, p. 88. 21. Dieter Hildebrandt, Ödön von Horváth. Mit Selbstzeugnissen und Bilddokumenten, Reinbek bei Hamburg, Rowohlt, 1975, p. 102. 22. Dans Freigesprochen, les personnages issus du « microcosme socioculturel » de la pièce de théâtre de Horváth, tels que Madame Leimgruber, le bûcheron, le représentant ou encore le client de l’auberge, sont supprimés. Le regard du cinéaste se focalise sur quatre personnages principaux (Thomas Hudetz, Anna, Hanni Hudetz et Ferdinand) et sur les relations complexes qu’ils entretiennent les uns avec les autres. Dans cette étude, nous concentrerons notre analyse sur les figures centrales de Hudetz et d’Anna. 23. « Peter Payer über Freigesprochen », op. cit. 24. Ödön von Horváth, Der jüngste Tag, op. cit., p. 24. 25. Jean-Claude François, Histoire et fiction dans le théâtre d’Ödön von Horváth, op. cit., p. 283. 26. Jean-Paul Sartre, « Théâtre et cinéma », in Un théâtre de situations, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », p. 94. 27. Johanna Bossinade, Vom Kleinbürger zum Menschen. Die späten Dramen Ödön von Horváths, op. cit., p. 82. 28. « Peter Payer über Freigesprochen », op. cit. 29. Johanna Bossinade, Vom Kleinbürger zum Menschen. Die späten Dramen Ödön von Horváths, op. cit., p. 92. 30. Voir Ödön von Horváth, Der jüngste Tag, op. cit., p. 51.

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31. Sigmund Freud, Einige Charaktertypen aus der psychoanalytischen Arbeit (1916), in Studienausgabe in zehn Bänden, Bd. 10, Frankfurt am Main, Fischer, 1980, p. 253. À ce sujet, les réflexions de Jacques Lassalle sur les rapports entre Horváth et Freud sont fort éclairantes : « Car chez Horváth, il n’y a pas que la société qui est mauvaise ; chez ce contemporain et lecteur de Freud, quelque chose en l’homme fait aussi le bourreau de l’homme. Son théâtre est un théâtre des pulsions inavouables, de la traque inlassable de la raison par l’inconscient. Il y a chez Horváth un regard de proximité, attentif, amical, une empathie pour les personnages, surtout quand ils n’ont ni le savoir, ni les moyens de surmonter leur condition. Mais il y a aussi, par éclairs, la perception sidérée du bestial, du monstrueux, de l’inquiétante étrangeté de l’autre et de soi. » Voir Jacques Lassalle, « Le monde comme un mauvais rêve », in Ödön von Horváth, Les Nouveaux Cahiers de la Comédie-Française, op. cit., p. 84. 32. Ödön von Horváth, Der jüngste Tag, op. cit., p. 66. 33. Heinz Lunzer/Victoria Lunzer-Talos/Elisabeth Tworek, Horváth. Einem Schriftsteller auf der Spur, op. cit., p. 139. 34. Jean-Louis Leutrat, « Deux trains qui se croisent sans arrêt », dans Jean-Louis Leutrat (dir.), Cinéma & littérature. Le grand jeu, t. 1, Le Havre, De l’incidence éditeur, 2010, p. 14. 35. « Peter Payer über Freigesprochen », op. cit. 36. André Helbo, L’adaptation. Du théâtre au cinéma, Paris, Armand Colin, 1997, p. 53. 37. « Freigesprochen ! Gratuliere ! Verkettung unglücklicher Umstände… » 38. Voir Johanna Bossinade, Vom Kleinbürger zum Menschen. Die späten Dramen Ödön von Horváths, op. cit., p. 91 : « Sie, die “Fremden” in der sie umgebenden Kleinbürgergesellschaft, haben einander als “Menschen” erkannt. Das bezeugt ihr Gespräch kurz vor Annas Tod. » 39. Voir ibid., p. 85 sq. ; voir également Meinrad Vögele, Ödön von Horváth. Der jüngste Tag, Bern, Frankfurt am Main, New York, Peter Lang, 1983. 40. Voir Florence Baillet, Ödön von Horváth, op. cit., p. 168 sqq. 41. Source : http://www.filmportal.de. 42. Source : base de données en ligne http://www.imdb.com. 43. Source : base de données en ligne http://www.imdb.com. 44. Source : Institut du film autrichien, http://www.filminstitut.at.

RÉSUMÉS

Depuis la fin des années 1950, les œuvres d’Ödön von Horváth, en particulier ses pièces de théâtre, ont été régulièrement adaptées à la télévision allemande et autrichienne. Les transpositions cinématographiques de ses écrits sont en revanche plus rares. Parmi ces adaptations figure celle, récente, de la pièce Der jüngste Tag, réalisée en 2007 par le cinéaste autrichien Peter Payer sous le titre Freigesprochen. L’examen des choix scénaristiques opérés par le réalisateur permet, dans un premier temps, de faire ressortir le potentiel filmique de l’écriture dramatique de Horváth et de comprendre dans quelle mesure Der jüngste Tag se prête à une transposition cinématographique dans le monde contemporain. Dans un deuxième temps, cet article se focalise sur deux « instructions » fondamentales puisées par le réalisateur dans la « banque de données » (André Gardies) que constitue l’œuvre source : le « fait divers », qui correspond à la catastrophe ferroviaire provoquée par le baiser d’Anna à Hudetz, et le « drame à

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stations », transposé dans le film sous la forme de l’errance des deux personnages principaux sur le chemin de la culpabilité et de la rédemption.

Since the late 1950s, the works of Ödön von Horváth, especially his plays, have been regularly adapted for German and Austrian television channels. However, the film adaptations of his writings have been less frequent. Among them the recent adaptation of the play Der jüngste Tag was carried out in 2007 by the Austrian director Peter Payer under the title Freigesprochen. Firstly the study of scriptwriting options taken by Peter Payer in his adaptation allows to highlight the cinematic potential of Horváth’s plays and to examine why Der jüngste Tag is fitted to a cinematic transposition in today’s world. Secondly this article focuses on two basic “inspirations” drawn by the director in the “database” (André Gardies) offered by the original work: the “news story”, which the rail disaster caused by Anna’s kiss to Hudetz illustrates, and the “stations drama”, which appears in the film through the two main characters’ wanderings on the path of guilt and redemption.

Seit Ende der 1950er Jahre wurden Horváths Werke, insbesondere seine Dramen, regelmäßig für das deutsche und österreichische Fernsehen adaptiert. Seltener sind hingegen die Umsetzungen seiner Schriften für das Kino. Zu ihnen gehört die zeitgenössische österreichische Verfilmung des Dramas Der jüngste Tag, 2007 von Peter Payer unter dem Titel Freigesprochen gedreht. Ein Überblick über die vom Regisseur ausgewählten Gestaltungsmittel bietet zunächst aufschlussreiche Einblicke in das filmische Potenzial von Horváths szenischem Schreiben und zeigt, inwieweit sich Der jüngste Tag für eine filmische Übertragung auf die heutige Zeit eignet. Dann konzentriert sich der Beitrag auf zwei grundlegende „Anweisungen“, die Peter Payer aus der vom Quellenwerk gelieferten „Datenbank“ (André Gardies) schöpfte: das tragische „Lokalereignis“, d.h. das vom verhängnisvollen Kuss zwischen Anna und Hudetz verursachte Zugunglück, und das „Stationendrama“, das im Film in die Form der Verirrungen beider Hauptfiguren auf dem Weg zur Schuld und Erlösung umgesetzt wird.

AUTEUR

IRÈNE CAGNEAU Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis

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Literatur als „Wiederholungstäterin“ Dürrenmatts Werke zwischen Text und Film La littérature comme « récidiviste ». L’œuvre de Dürrenmatt entre texte et film Literature as a persistant offender. Friedrich Dürrenmatt works between text and film

Patricia Linden

Die junge Dame: Dürrenmatt hat einen neuen Schluß geschrieben. Der Autor: Schreibt der immer noch? Die junge Dame: Nur noch um1.

1 Der Schweizer Autor Friedrich Dürrenmatt schrieb 1958 das Drehbuch für den sehr erfolgreichen Kriminalfilm Es geschah am hellichten Tag. Im gleichen Jahr bearbeitete er den Drehbuchtext für seinen Roman Das Versprechen – Requiem auf den Kriminalroman. Hier kritisiert Dürrenmatt die Trivialisierung des Kriminalromans und – genauer betrachtet – auch die in seinen Augen naive Narrativik, wie sie bei Verfilmungen angewandt wird. Im Roman finden sich zahlreiche Anspielungen auf die Behandlung einer Gattung, die für Dürrenmatt keine gültigen Aussagen mehr machen kann, da sie dem Faktor Zufall, durch die gegebenen äußerlichen Zwänge, nicht den ihm gebührenden Stellenwert einräumen kann: „Ein Geschehen kann schon allein deshalb nicht wie eine Rechnung aufgehen, weil wir nie alle notwendigen Faktoren kennen, sondern nur einige wenige, meistens recht nebensächliche. Auch spielt das Zufällige, Unberechenbare, Inkommensurable eine zu große Rolle“2. Andererseits nutzt Dürrenmatt die Gattung als Vehikel, um den Leser oder Zuschauer wachzurütteln, da er die Meinung vertritt, dass gerade die scheinbare Leichtigkeit einer Gattung verstören kann. Dürrenmatts Roman, bzw. sein Drehbuch wurden noch fünf Mal verfilmt:

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2 1979 erscheint der zweiteilige italienische Fernsehfilm La Promessa unter der Regie von Alberto Negrin. 1990 verwendet György Fehér den Stoff für die ungarische Produktion Szürkület (Dämmerung), 1994 läuft die niederländisch-amerikanische Koproduktion The Cold Light of Day, von Rudolf van den Berg in den Kinos an. 1997 erscheint dann ein weiteres, diesmal deutsches Remake: Es geschah am helllichten Tag von Bernd Eichinger und Nico Hofmann. Die vorläufig letzte Verfilmung, diesmal als Verfilmung des Romanstoffes und nicht als Remake des Films konzipiert, ist der Film The Pledge aus 2001 von Sean Penn.

3 Auf diese Art wird also der Kriminalroman, dessen Requiem Dürrenmatt bereits 1958 komponierte, zum filmischen Wiedergänger. Gerade diese Reihenfolge verschiedener Fassungen und Auffassungen, verschiedener „Verbuchungen“3 und Verfilmungen macht den Fall Dürrenmatt interessant für die Adaptionsforschung. Viele Werke von Dürrenmatt waren Anlass zu Adaptionen, sowohl für das Theater als auch für den Film, wobei Der Besuch der alten Dame, der insgesamt sechs Mal verfilmt wurde, besonders erwähnenswert ist.

4 Der Film von Sean Penn (2001) basiert auf dem Roman Dürrenmatts, während sich die Verfilmung von Nico Hofmann und Bernd Eichinger (1997) eher als Remake des Films von 1958 versteht und sich an das von Dürrenmatt verfasste Drehbuch hält, den Plot gegen Ende aber wesentlich abändert. In der Verfilmung von Rudolf van den Berg wird die Handlung wieder auf andere Weise vom Text losgelöst, während eine gewisse Treue zum Originaldrehbuch bestehen bleibt. Die Handlung wird für die verschiedenen Verfilmungen auch aus dem Schweizer Umfeld jeweils nach Nevada, Deutschland, Südtirol, Ungarn oder in den Ostblock der 70er Jahre verlagert. Die einzige ‚richtige‘ Romanverfilmung in dieser Reihe ist die italienische Produktion La Promessa, die alle Elemente aus dem Roman aufgreift und auch die filmische Darstellung der Rahmenhandlung und deren Gattungskritik mit einbezieht.

5 Anhand dieses Korpus gehe ich auf folgende Fragen ein: Welche Änderungen am Drehbuch führen zur Romanfassung des Stoffes? Welche Intertextualität verbindet Drehbuch, Roman und die verschiedenen Verfilmungen? Wie kommt es zur textuellen Bindung von Film und Text, bzw. von Übertragung und Transformation? Die nähere Betrachtung der konkreten Text- und Filmgenese möchte eine Anregung für neuere theoretische Ansätze der Film- und Adaptionsanalyse sein.

Drehbuch-Film-Roman

„Die Transposition eines Stoffes in ein anderes Medium stellt nicht so sehr ein Problem der Phantasie als eines des Denkens dar – zu dem freilich das neue Medium zwingt. Transponieren ist daher oft schwerer als Erfinden4.“

6 1957 wurde Friedrich Dürrenmatt engagiert, um das Drehbuch für einen Film über Sexualverbrechen an Kindern zu schreiben. Während der Arbeit am Drehbuch gab es sehr regelmäßige Kontakte zwischen dem Auftraggeber, Hans Wechsler, und Dürrenmatt. Wechsler ging eigentlich davon aus, dass Dürrenmatt ein Treatment schreibe, während letzterer erst einen Handlungsverlauf mit der Überschrift „Folgende Handlung wäre denkbar“ und dann eine Erzählung, die Dürrenmatt selbst eine „Vorfassung des Romans“5 nennt, schreibt. Die Auftragsarbeit wird genau umschrieben:

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Dürrenmatt solle einen Film über „Sittlichkeitsverbrechen“6 konzipieren, wobei die Möglichkeiten einer filmischen Übersetzung wie folgt zusammengefasst werden: Der Stoff müsse sich auf „Tatsachen stützen“7 und das Publikum müsse „informiert, aufgeklärt“ (ebd.) werden. Da Wechsler bereits mehrere aufklärerische Filme produziert hat8, hat her eine genaue Vorstellung des Films: dokumentarische und didaktische Elemente sollen mit Spielszenen vermischt werden. Schließlich werden für den Film Ladislao Vajda als Regisseur und Heinz Rühmann als Hauptdarsteller verpflichtet. Rühmann macht zur Bedingung für seine Mitarbeit, dass Hans Jacoby am Drehbuch mitwirke. Jacoby geht hierbei auch auf die Wünsche Rühmanns ein, und man kann wohl kaum verkennen, dass die Rolle eigens für Rühmann konzipiert wird. Insofern wird Dürrenmatts schriftstellerische Freiheit um ein weiteres eingeengt. Allerdings erklärt Dürrenmatt sich am Ende mit dem Film zufrieden, betont jedoch im Nachwort zum Roman, dass zwar „der Film meinen Intentionen im wesentlichen entspricht“, aber dass „der Roman einen anderen Weg gegangen ist“. In seinem Nachwort weist er auch vorsichtig auf die Folgen der Zusammenarbeit, auf den Film „als eine Kollektivarbeit“ hin. In Interviews äußert sich Dürrenmatt etwas genauer: „Man hätte ruhig frecher und burlesker sein dürfen. Rühmann ist mir zu bürgerlich, zu wenig von der Idee besessen9.“ In Dürrenmatts Titelvorschlägen, die von den Produzenten strikt abgelehnt wurden, lässt sich unschwer ein gewisser Sarkasmus erkennen: Gott schlief am Vormittag und Schrott geht bummern10. Gerade das dem Erwartungshorizont des breiten Publikums entsprechende, politisch korrekte Ende des Films, in dem der Täter bestraft wird und der Kommissär als Held siegt, war für Dürrenmatt eher unbefriedigend. Zwar kann hiermit die Tragik des Geschehens nicht aufgehoben werden, da die Mutter des ermordeten Kindes die Inhaftierung des Täters nicht mehr mitbekommt, aber immerhin siegt schließlich die erhoffte Gerechtigkeit.

7 Die in der Sekundärliteratur öfters vorgebrachte These, Dürrenmatt habe das Drehbuch größtenteils übernommen, jedoch nur das Ende abgewandelt, lässt sich bei genauerer Betrachtung leicht widerlegen. Das Ende steht keineswegs für sich, sondern bildet eine Einheit mit den anderen Abwandelungen im Buch. Der Kommissär geht an seinem Versprechen zugrunde, der Mörder bleibt unsichtbar, stirbt bei einem Autounfall und kann somit nicht in die Falle gehen. Jegliche Anerkennung bleibt dem Kommissär verwehrt, schlimmer noch, er wird ob seiner unmoralischen Methoden – denen ja eigentlich nur der Wunsch, sein Versprechen einzuhalten, zugrunde liegt – schwer verurteilt. Außerdem verstärkt die Unsichtbarkeit des Mörders den Zweifel an Matthäis psychischer Verfassung. Wir können also sagen, dass Dürrenmatt die für den Film gedachte Erzählung auf intelligenteste Weise dekonstruiert und in der Rahmenerzählung seine Figuren darauf hinweisen lässt, dass Drehbuch und Film eine überwachte Arbeit darstellen, während der Autor eines Romans viel unabhängiger arbeiten kann.

8 Das häufige Umschreiben des Drehbuchs lässt sich sicherlich auch dadurch erklären, dass Dürrenmatt gleichzeitig den Roman denkt. Insofern sollte man Roman und Film nicht absolut als Ergebnis getrennter Arbeitsstufen betrachten, genauso wenig, wie man von Verfilmung oder Verbuchung – der Roman als Buch zum Film – reden könnte. In der Sekundärliteratur finden sich verschiedene Spekulationen zur Textgenese von Drehbuch und Roman. Florian Schwarz behauptet in seinem Werk „Der Roman Das Versprechen von Friedrich Dürrenmatt und die Filme Es geschah am hellichten Tag (1958) und The Pledge (2001)“ allerdings: „In der einschlägigen Forschungsliteratur wird der

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Roman durchweg als Vorlage für die späteren Verfilmungen angesehen […] Dabei wird der Roman stets als eigenständige literarische Vorlage angesehen11.“ Dies wird bei genauerer Betrachtung der Forschungsliteratur jedoch gar nicht bestätigt. Textgenese von Drehbuch, Roman und Film werden von den einschlägigen Quellen durchaus korrekt beschrieben. Außerdem formuliert bereits Dürrenmatt selbst die genauen Begebenheiten zum Entstehen des Romans in seinem Nachwort zu demselben. Dürrenmatt dekonstruiert vielmehr die für den Film gedachte Geschichte, entwirft Rahmen- und Binnenhandlung und lässt den Mörder als literarische Figur verschwinden. Ein Ich-Erzähler (ein Autor von Kriminalromanen) führt in die Handlung ein und trifft zufällig auf den Erzähler der Binnenhandlung. Aber auch diese Konstruktion wird von Dürrenmatt regelmäßig zugunsten des Zufalls durchbrochen. „Ich griff die Fabel aufs Neue auf und dachte sie weiter, jenseits des Pädagogischen. Aus einem bestimmten Fall wurde der Fall des Detektivs, eine Kritik an einer der typischen Gestalten des neunzehnten Jahrhunderts […]12“

9 Dürrenmatt möchte sich somit aus den Zwängen der Auftrags- und Kollektivarbeit lösen und eine Gattungskritik formulieren. Insofern geht in den Roman vieles ein, was im Drehbuch keinen Platz fand oder finden durfte. Gerade die überwachte Arbeit am Drehbuch dürfte Anlass gewesen sein, über das Schreiben von Kriminalgeschichten an sich nachzudenken. Der Roman hat eine Rahmenhandlung, in der das Schreiben von Kriminalgeschichten und die Tätigkeit ihrer Hauptperson, des Detektivs (Kommissärs) von Grund auf kritisch dargestellt wird. Außerdem wird der Mörder als sichtbare (und somit auch fassbare) Figur aus der Handlung ausgeschlossen. Er fungiert im Roman als eine Art von Phantom, das ferner nur in Matthäis Gedanken existiert und der Leser sich selbst vorstellen muss.

10 Dürrenmatt formuliert im Roman seine Zweifel an der Gattung des Kriminalromans und begründet somit auch den Untertitel „Requiem auf den Kriminalroman.“ Die Rahmenerzählung setzt damit ein, dass deren Ich-Erzähler „über die Kunst, Kriminalromane zu schreiben, einen Vortrag zu halten“ hat13. Er kommt bei kaltem, tristen Wetter im provinziellen Saal „des Kaufmännischen Vereins“ an: „Publikum war nur spärlich vorhanden, da gleichzeitig in der Aula des Gymnasiums Emil Staiger über den späten Goethe las.“ Sein Vortrag ist weder für ihn noch für das Publikum wirklich interessant („Weder ich noch sonst jemand kam in Stimmung14.“) und einige Zuhörer verlassen sogar vorzeitig den Saal. Der „späte Goethe“ scheint beim Publikum jedenfalls beliebter zu sein als der Kriminalroman. Dürrenmatt lässt diesen Vortrag über Goethe übrigens nicht von einer fiktiven Figur abhalten, sondern von dem Schweizer Literaturwissenschaftler Emil Staiger, den Dürrenmatt wegen seiner unkritischen Haltung dem literarischen Kanon gegenüber nicht besonders schätzte15. Und in dieser Gegenüberstellung zweier Arten der Literatur gleich am Anfang des Romans, wobei „Goethe“ für die ‚höhere‘ stehen soll, und der Kriminalroman für die trivialere, die wenig Beachtung findet, liegt ein weiteres interessantes Thema vor: Dürrenmatt wollte, wie oben bereits erwähnt, im Roman die Sache „jenseits des Pädagogischen“ behandeln. Gerade eine beliebte, sozusagen leichtere Gattung liefert ihm den Rahmen für seine Dekonstruktionen16: „Wie besteht der Künstler in einer Welt der Bildung, der Alphabeten? Eine Frage, die mich bedrückt, auf die ich noch keine Antwort weiß. Vielleicht am besten, indem er Kriminalromane schreibt, Kunst da tut, wo sie niemand vermutet. Die Literatur muss so leicht werden, dass sie auf der Waage der heutigen Literaturkritik nichts mehr wiegt: Nur so wird sie wieder gewichtig17“.

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11 Nach dem Vortrag begibt er sich in sein womöglich noch trostloseres Hotel, wo er an der Bar mit Dr. H., einem ehemaligen Kommandanten der Kantonspolizei Zürich, ins Gespräch kommt. Die Trostlosigkeit setzt sich auf den nächsten Seiten des Romans unvermindert in Betrachtungen und Landschaftsbeschreibungen fort, bis Kommandant und Schriftsteller zusammen an der Tankstelle des vollkommen heruntergekommenen Kommissär Matthäi angelangt sind und der Erzählstrang der Binnenerzählung seinen Anfang in der gleichen Atmosphäre nimmt. So wie der Zufall die beiden zusammen gebracht hat, wird der Zufall auch zum Thema des Verbrechens und seiner Aufklärung. Der Kommandant, der beim Vortrag des Schriftstellers anwesend war, nicht etwa aus Interesse, sondern weil „ihn das Wetter an der Rückfahrt hinderte“18 bemerkte im nächtlichen Gespräch in der Hotelbar bereits „Sie tragen ziemlich ungeschickt vor“. Dies ist eine erste, milde Kritik an den Kriminalschriftsteller, die im weiteren Verlauf immer stärker wird: „[…] hoffen die Leute eben, daß wenigstens die Polizei die Welt zu ordnen verstehe, wenn ich mir auch keine lausigere Hoffnung vorstellen kann19.“

12 Dr. H. klärt den Schriftsteller weiter auf: „Doch wird leider in all diesen Kriminalgeschichten ein noch ganz anderer Schwindel getrieben. Damit meine ich nicht einmal den Umstand, daß eure Verbrecher ihre Strafe finden. Denn dieses schöne Märchen ist wohl moralisch notwendig. (…) all dies will ich durchgehen lassen, und sei es auch nur aus Geschäftsprinzip, denn jedes Publikum und jeder Steuerzahler hat ein Anrecht auf seine Helden und sein Happy-End, sind wir von der Polizei und ihr von der Schriftstellerei gleicherweise verpflichtet20.“

13 Diese Aussagen können m.E. nicht nur als Gattungskritik am Kriminalroman, sondern auch als Kritik an der Verfilmung des Drehbuchs verstanden werden. Die Erwähnung des „Steuerzahler(s)“ und des „Geschäftsprinzip(s)“, die ein Happy-End benötigen, sind eindeutig eine Kritik an der Filmindustrie. Interessanterweise ist es der ehemalige Kommandant, also sozusagen derjenige, der sich wirklich mit Kriminalgeschichten auskennt, der dem Schriftsteller die Leviten liest: „Ich kann mir sogar vorstellen, was Sie sich nun in Ihrem Schriftstellerhirn ausdenken. Man braucht nur, werden Sie sich listigerweise sagen, Matthäi Recht bekommen und den Mörder fangen zu lassen, und schon ergebe sich der schönste Roman oder Filmstoff … ich kann geradezu voraussagen, dass diese Variante meiner Geschichte so erhebend ist und positiv, dass sie demnächst einfach erscheinen muss, sei es nun als Roman oder als Film21.“

14 Die Kritik gilt einmal der fast vorprogrammierten Überführung des Täters, der Tatsache, dass der Kommissär als Held aus der Geschichte hervorgeht und dem erhebenden und positiven Grundton, der den Film begleitet. Unter erhebend kann man dann unschwer politisch korrekt und moralisch indiskutabel verstehen.

15 Insgesamt gilt, dass der Roman Das Versprechen längst kein Kriminalroman mehr ist, sondern dessen Dekonstruktion. Rein gattungstechnisch betrachtet handelt es sich eher um einen Detektivroman, da die Handlung nicht länger um das Verbrechen an sich, sondern um die Gedanken und Gefühle des Detektivs kreist. Aber auch diese werden dekonstruiert: Matthäi geht an seinem Berufsethos, an seinem Versprechen, den Mörder zu finden und zu bestrafen, zugrunde. Der Roman betont den Untergang des Rechercheurs an seinem Engagement, den Fall zu lösen. Diese Geschichte wird dem eher erfolglosen Schriftsteller von einem Ermittler der Kantonspolizei in der Rahmenerzählung erzählt. Die Rahmenerzählung enthält jedoch nicht nur den Dialog zwischen den beiden, sondern auch wesentliche Angaben zum Plot der Geschichte. So

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wird auch in der Rahmenerzählung der Faktor Zufall, der für den ganzen Roman von wesentlicher Bedeutung ist, eingehend thematisiert. Gerade das Motiv des Spiels der logischen Wahrscheinlichkeit und des Zufalls, der alle Überlegungen herausfordert, ist in Rahmenhandlung wie in Binnenerzählung enthalten und ermöglicht erst die intertextuelle Dekonstruktion. Rahmen- und Binnenerzählung sind aber nicht so scharf voneinander getrennt, wie man auf den ersten Blick annehmen würde: im Erzählfluss sind sie stark verwoben, und schließlich löst die in der Rahmenerzählung enthaltene Geschichte, die Frau Schrott auf ihrem Sterbebett dem Kommandanten erzählt, den Fall unverhofft, auch wenn inzwischen alles zu spät ist.

Intertextualität

Kerr: „Welche Fassung veröffentlichst Du?“ Dürrenmatt: „Die neue, die dritte. Eigentlich ist das die vierte, denn die erste habe ich auch schon geändert.“ Kerr: „Also kommt die zweite, unsere erste, eigentlich die dritte, gar nicht heraus?“ Dürrenmatt: „Die kommt dann nach meinem Tod noch heraus, für die Germanisten22.“

16 Sicherlich hatte der Begriff der Intertextualität in den letzten Jahren eine sehr hohe Inflationsrate erlebt. Allgemein steht er für die Beziehungen die Texte zueinander haben und dafür, wie Texte sich gegenseitig beeinflussen. Allerdings ist die Intertextualität beim Medienwechsel, ob man diesen nun Transformation, Adaption oder gar Translation nennt, eine sehr nützliche Kategorie für die Filmanalyse. Die Forschung hat sich inzwischen intensiv mit Adaptionen beschäftigt. Auf dem Gebiet der filmischen Adaption von Literatur haben insbesondere die Begriffe Transposition, Transformation und auch Translation starken Eingang gefunden. Generell wird gerne die komparative Analyse der unterschiedlichen Textsysteme und ihrer narrativen Strukturen als wichtigste Forschungsmethode angewandt23.

17 Deskriptive Analysen von Filmadaptionen können zeigen, dass Adaptionen sich meistens nicht auf eine treue ,Translation‘ des literarischen Werks beschränken und sogar Verfilmungen von sehr bekannten literarischen Werken auch andere Quellen anbohren/nützen. Neben diesen Erweiterungen gibt es natürlich die obligatorischen Kürzungen, die meist der erste Gegenstand der Kritik sind.

18 Dürrenmatts Versprechen weist eine sehr komplexe Form der Intertextualität auf, zumal der Roman gewissermaßen auf einem Drehbuch basiert, jedoch keineswegs als sogenanntes „Buch zum Film“ betrachtet werden darf. Neben der Intertextualität im Roman selber, die durch Märchenmotive, Anspielungen auf Kriminalromane und vieles mehr entsteht, ist für diesen Beitrag vor allem die Intertextualität zwischen dem Drehbuch, dem Film, dem Roman und allen weiteren Verfilmungen von Bedeutung. Eine weitere Form der Intertextualität entsteht durch die kritischen Anspielungen auf die Gattung des Kriminalromans. Lange Zeit galt die Werktreue zum ‚Original‘ innerhalb eines eher moralisierenden Diskurses als wichtigstes Qualitätsmerkmal der Literaturverfilmung. Diese Werktreue angesichts der narrativen, thematischen und ästhetischen Elemente des literarischen Werks ist auch heute noch ein Anliegen vieler Rezeptoren, Kritiker und Forscher24, während auch andere Kategorien innerhalb der

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Literatur- und Medienwissenschaft oft noch einen prinzipiellen Charakter bekommen: Äquivalenz, Hierarchisierung von Quellen- und Zieltext, Funktionalität. Dürrenmatt unterläuft in seinen Texten zu Drehbuch und Roman diese Kategorien immer wieder und scheint sie somit schier überflüssig zu machen. In seinem Standardwerk Intertextualität geht Manfred Pfister auf diese Art von intertextueller Verweisung ein: „Schließlich kann intertextuelles Verweisen durch Sinnkontrast zu einer Auf- oder Abwertung des Wirklichkeitsmodells im Folgetext führen.“. In Das Versprechen werde „das neue Wirklichkeitsmodell (des Folgetextes) auch durch die explizite Zurückweisung des Modells des klassischen Detektivromans sichtbar gemacht […]“25.

19 In diesem Fall ist also der Roman der Folgetext zum Filmtext, der Filmtext sozusagen das „Original“ und der Roman die Adaption, die eine „explizite Zurückweisung“ dieses „Originals“ formuliert.

20 Dürrenmatts konträre Haltung gegenüber dem traditionellen Erzählstil ist genügend bekannt. Seine Kriminalromane wurden oft als Anti-Krimis oder als anti-aufklärerisch bezeichnet26. Dürrenmatt baute nämlich in die Plots systematisch Zufallsfaktoren zum Vor- oder Nachteil der handelnden Personen ein, um dem Ablauf unvorhersehbare Wendungen zu geben, eben weil er davon überzeugt war, dass „der Wirklichkeit mit Logik nur teilweise beizukommen“ sei.

Die Filme

„The death of a text through translation is an age-old trope, but it takes on new meaning with its transposition into cinema.“27

21 Sicherlich sollte man unterscheiden zwischen den Filmen, die auf Dürrenmatts Drehbuch basieren, denjenigen, die auf dem ersten Film und dem Drehbuch basieren und denen, die sich explizit auf den Roman beziehen. Dies sind allesamt Formen der Adaption, mit sehr unterschiedlichen Ausgangspositionen.

22 Vom Drehbuch gibt es insgesamt vier Fassungen, wobei das jeweilige Ende immer nur auf ausgesprochenes Drängen des Produzenten hin von Dürrenmatt selbst verfasst wurde, dies aber nach den Wünschen der Produktionsgesellschaft und des Hauptdarstellers. Wie bereits erwähnt, kannte das Drehbuch auch verschiedene Entstehungsstufen. Im Auftrag war festgeschrieben, dass aufklärerische wie didaktische Elemente nicht fehlen durften und von dokumentarischem Wissen abgelöst werden sollten28. Dem „Sittlichkeitsverbrechen sollte ein „menschliches Gegengewicht“ gegenübergestellt werden: die väterliche Liebe eines (kinderlosen) Detektivs zu einem Mädchen29. Nach diesen Vorgaben entsteht allmählich die erste Fassung der Filmerzählung, der noch drei weitere folgen werden. Für die dokumentarische Komponente sammelt Dürrenmatt Materialien bezüglich psychiatrischer Anstalten, der psychischen Verfassung von Triebtätern und polizeiliche Berichte von konkreten Lustmorden30. Bei dieser Suche wird er übrigens von Otto Rigenbach, Direktor einer psychiatrischen Klinik, auf Fritz Langs Film M- Eine Stadt sucht einen Mörder (D, 1931) aufmerksam gemacht, wodurch eine weitere Intertextualitätskomponente entsteht.

23 In seiner umfangreichen Studie Intertextualität und Variation im Werk Friedrich Dürrenmatts skizziert Oliver Möbert eine detaillierte Werkgenese des Drehbuchs zu Es geschah am hellichten Tag. Die Änderungen haben viel öfter mit gesellschaftlicher Akzeptanz zu tun als mit filmischen oder künstlerischen Elementen. So muss zum

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Beispiel die Szene, in der Kommissär Matthäi sich im Waisenhaus ein Kind beschaffen möchte, gestrichen werden. Der nächste Vorschlag, dass Matthäi sich eine ehemalige Prostituierte mit Kind ins Haus nimmt, wird vom Produzenten genauso wenig akzeptiert31. Schließlich werden auch in der vierten Drehbuchfassung von Hans Jacoby noch weitere Änderungen im Sinne Heinz Rühmanns eingebracht. Insgesamt weist der Film von 1958 keine unterschiedlichen Zeitebenen auf und er enthält auch wenige filmische Narrationstechniken. Die Montage ist eine klassische Erzählmontage, in der Kontinuität von Zeit und Raum und logische Übergänge vorherrschen. Ein wichtiger Punkt in diesem Film ist, dass der Zuschauer die Handlung unmittelbar nachvollziehen kann, und nichts dem Zweifel überlassen wird. Im Gegensatz zu den Filmen, die auf dem Roman basieren, gibt es z.B. keine Überlappung zwischen dem Wahrnehmungshorizont des Zuschauers und dem Matthäis.

24 Die beiden Filme, die sich explizit als Remake des Originalfilms aus dem Jahr 1958 verstehen (Van den Berg 1994; Eichinger/Hoffmann 1997) übernehmen den Titel des Originals, oder wandeln ihn leicht ab (In the Cold light of Day/Tod im kalten Morgenlicht). Der Van den Berg-Film verkündet sich selbst sogar als „Das Remake des RÜHMANN/ FRÖBE Films „Es geschah am hellichten Tag“. Jedenfalls haben beide Filme keinen Bezug zum Roman und basieren rein auf dem Drehbuch Dürrenmatts. Diese Filme haben beide ein „Happy End“, insofern der Mörder in eine Falle gelockt wird und der Kommissär den Fall trotz widriger Umstände klärt. Gerade dieses Ende erschien Dürrenmatt realitätsfern. Es passt auch überhaupt nicht in Dürrenmatts dramatisches Konzept, wie er es später in Die Physiker formulierte: „Eine Geschichte ist dann zu Ende gedacht, wenn sie ihre schlimmstmögliche Wendung genommen hat.“32 Man könnte die Kritik des Dr. H. aus Das Versprechen fast direkt auf diese Art von Kriminalfilmen beziehen: „Man braucht nur, werden Sie sich listigerweise sagen, Matthäi Recht bekommen und den Mörder fangen zu lassen, und schon ergebe sich der schönste Roman oder Filmstoff33.“

25 Das Drehbuch überlässt nichts dem Zufall, während dieser für Dürrenmatt gerade eine äußerst wichtige Handlungsinstanz ist. Dr. H. kritisiert nochmals den Autor von Kriminalromanen (oder gar Drehbüchern?): „Ihr baut eure Handlungen logisch auf; wie bei einem Schachspiel geht es zu, hier der Verbrecher, hier das Opfer, hier der Mitwisser, hier der Nutznießer; es genügt, dass der Detektiv die Regeln kennt und die Partie wiederholt, und schon hat er den Verbrecher gestellt, der Gerechtigkeit zum Sieg verholfen. Diese Fiktion macht mich wütend34.“

26 Es ist, als wollten die weiteren Filme dieser Kritik gerecht werden: Der zweiteilige italienische Fernsehfilm La Promessa ist eine sozusagen „treue“ Adaption des Romans und die einzige Verfilmung, die auch die Rahmenhandlung mit einbezieht. Handlung, Personen und Erzählsituation sind filmisch umgesetzt und stimmen mit denen des Romans überein. Die einzige Nuancenverschiebung liegt im Status des Schriftstellers: dieser ist im Film ein erfolgreicher Kultautor, der vor einem großen, interessierten Publikum einen längeren Vortrag hält. Der ehemalige Kommandant lauscht dem Vortrag vom Restaurant aus. Er belächelt die Aussagen des Schriftstellers und schüttelt ab und zu den Kopf. Die beiden gehen ansonsten nur im Hotel aneinander vorbei und treffen sich zufälligerweise bei einer Autopanne auf der Landstraße wieder, an der Matthäi seine Tankstelle hat. La Promessa setzt die Narrationstechniken des Romans filmisch um und übernimmt die verschiedenen Erzählebenen wie auch das erlebende

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(der Kriminalautor) und das erzählende Ich (der Kommandant Dr. H.) des Romans. Auch das Setting, das im Roman ebenfalls thematisiert wird35, wird im Film angeglichen: der Drehort ist Bozen.

27 Eine äußerst bemerkenswerte Adaption des Drehbuchs ist der Film des ungarischen Regisseurs György Fehér, Szürkület. Szürkulet ist ein außergewöhnlicher Film, der zwar auf dem Drehbuch von Dürrenmatt basiert, sich aber einer sehr filmischen Narrativik bedient. Die Geschichte wird hauptsächlich in schattenhaften Schwarzweiß-Bildern erzählt, ständig von Dröhnen, Regengeräuschen und unheimlichen Gesängen untermalt. Die Kameraführung ist unendlich langsam: der ganze Film enthält nicht mehr als 50 Shots, die langsam ineinander übergleiten. In jeder Szene wird ein Puzzlestück zum Fall gezeigt. Als Adaption ist diese Produktion besonders interessant, da sie einerseits eine bestimmte Treue zum Drehbuch aufweist, was die Handlung anbelangt, diese andererseits aber völlig neu schreibt. Wenn man die Geschichte nicht bereits kennt, könnte man sie nur schwer aus dem Film heraus verstehen: „Fehér didn’t choose to draw attention to the plot’s development at all. What the spectators are invited to examine is not a crime story, as they would be led to believe. The story is simply a frame or, rather, a leitmotif bringing together the various sequences. What Fehér composed is a visual suite, an entrancing trip through the dusky territories of the human soul.“36

28 Die Geschichte wird hier als eine Art Leitmotiv dargestellt, das verschiedene Sequenzen zusammenbringen soll. Der Film wird zur visuellen Suite, zu einem bewegenden Trip durch die staubigen Regionen der menschlichen Seele37. Dieser Film hebt sich quasi völlig von seiner Vorlage ab und reduziert die literarische Narrativik auf das reine Zusammenspiel von Bild und Ton. Auch Kausalität und Erzählstrang werden in diesem Film dekonstruiert; Erwartungen werden nirgends erfüllt. Die Kamera filmt „die Gesichter der Schauspieler als seien es Landschaften und die Landschaften als seien es Gesichter38.“ Hier finden wir also die Adaption einer Kriminalgeschichte, die diese ohne jede „Action“ umsetzt. Hier sucht die Kamera den Mörder in den Gedanken der Personen und in den dunklen Landschaften, der Text ist zum Bild geworden39.

29 Die vorläufig letzte Verfilmung des Stoffes ist Sean Penns The Pledge, die sich wiederum explizit als Verfilmung des Romans versteht und die Handlung nach Nevada verlegt. Im Mittelpunkt steht die tragische Person des Kommissärs, von Jack Nicholson gespielt, der genau am Tage seiner Pensionierung mit dem Mord an Gritli Moser konfrontiert wird, und – obschon er nicht mehr in Dienst ist – sein Versprechen unbedingt halten will. An dem Zwiespalt zwischen diesem Versprechen und der Liebe zu Frau und Kind geht er zu Grunde. Die Verfilmung reduziert die Rahmenhandlung des Romans wesentlich, verzichtet aber nicht gänzlich auf sie. Ansonsten setzt der Film die Akzente sehr ähnlich wie der Roman. Auch die zeitlichen Ebenen sind nicht linear angeordnet und die Narrativik benutzt Vorausdeutungen, Flash-backs, Träume und Brüche.

Fazit

STIMME GREEN Du hast mich erfunden. F. D. Gefunden. STIMME GREEN Da sollte ich doch wissen, wie ich aussehe. F. D. Mir scheißegal. STIMME GREEN Die Zuschauer sitzen im

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Stockdunkeln vor einer schwarzen Leinwand. F. D. So säße ich manchmal auch ganz gern im Kino. STIMME GREEN Ich muß endlich auf der Leinwand erscheinen. F.D. Niemand hindert dich daran. STIMME GREEN Ich weiß ja nicht, wie ich aussehe. F. D. Ich auch nicht40.

30 Das obige Zitat aus Midas oder die schwarze Leinwand – von dem es übrigens nicht weniger als 14 Fassungen gibt – zeigt eindeutig, dass Dürrenmatt sowohl seinem „Umschreiben“ als auch der Transposition seiner Werke weder gleichgültig noch humorlos gegenüberstand. Hier nimmt er sarkastisch Stellung zur filmischen Umsetzung seiner Figuren und deutet an, dass das filmisch sichtbar machen seiner literarischen Personen und Handlungen ihm „scheißegal“ ist und er auch gerne mal „im Stockdunkeln vor einer schwarzen Leinwand“ sitzen würde.

31 Dies ist der letzte Text Dürrenmatts vor seinem Tod im Jahr 1990. Er bezeichnete ihn selbst als einen „Film zum Lesen“41. Es ist eine Art von Drehbuch, das sich nicht verfilmen lässt, obschon die Kriminalgeschichte, die hier erzählt werden soll, denkbar einfach ist. Im Drehbuch diskutiert der Autor, „F.D.“, in ironischen Dialogen mit seinen Rollen, bis die Geschichte an sich nicht mehr von der Metaebene unterschieden werden kann. Dürrenmatt hatte tatsächlich vor, diesen Text auch zu verfilmen, und schrieb eine ‚brauchbare‘ Drehbuchfassung, die jedoch nie verfilmt wurde. Sonst wäre sicherlich auch dieser Text zum „Wiederholungstäter“ geworden.

NOTES

1. Friedrich Dürrenmatt, Dichterdämmerung, WA= Werkausgabe in 37 Bänden, Zürich: Diogenes 1998. Bd. 9, S. 143 (1956/1980). 2. Friedrich Dürrenmatt, Das Versprechen. Requiem auf den Kriminalroman.Zürich, Diogenes, 1985, S. 13. 3. „Längst werden nach Filmen und Fernsehspielen Romane geschrieben, Filmdrehbücher werden auf der Bühne adaptiert. Die ‚Verbuchung’ von Filmen läuft parallel zur Literaturverfilmung (in Kino und Fernsehen). […] Solch intermediale Vernetzung hat natürlich auch Rückwirkungen auf den Buchmarkt. Selbst von den Gegnern der Literaturverfilmung wird ihre oft auflagensteigernde Servicefunktion als angenehme Begleiterscheinung konzediert.„ Albersmeier, Franz-Josef und Volker Roloff (Hrsg.): Literaturverfilmungen. Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1989, S.17 4. Dürrenmatt, WA 16, 64. 5. Das Versprechen, Nachwort. 6. Oliver Möbert, Intertextualität und Variation im Werk Friedrich Dürrenmatts. Peter Lang Frankfurt a/M, S. 38. 7. Dürrenmatt 1957a, S. 1. 8. z.B. Frauennot – Frauenglück (1930), Feind im Blut (1931), Sie fanden eine Heimat (1953)

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9. http://www.welt.de/print/die_welt/hamburg/article112527465/100-Jahre-Gert-Froebe.html . Letzter Zugriff: 8.07.2013 10. http://cinematographicblog.wordpress.com/2013/02/25/es-geschah-am-hellichten-tag/ . Letzter Zugriff: 8.07.2013. 11. Florian Schwarz, Der Roman “Das Versprechen” von Friedrich Dürrenmatt und die Filme “Es geschah am hellichten Tag” (1958) und “The Pledge” (2001), Würzburg: Lit Verlag 2007, S. 52 12. Das Versprechen, Nachwort. 13. Dürrenmatt WA Bd. 23, S. 11. 14. Das Versprechen, S. 5. 15. Möbert, a.a.O., S. 120. 16. Zitiert nach Roland Bursch Wir dichten die Geschichte: Adaption und Konstruktion von Historie bei Friedrich Dürrenmatt, Würzburg, Königshausen & Neumann, 2006. S. 126. 17. So bezeichnete Dürrenmatt auch die Komödie als „Mausefalle“: „Die Komödie muß die Mausefalle sein, in die man das Publikum lockt“. Gespräche I, S. 107. 18. Zitiert nach Roland Bursch Wir dichten die Geschichte: Adaption und Konstruktion von Historie bei Friedrich Dürrenmatt, Würzburg, Königshausen & Neumann, 2006. S. 126. 19. Das Versprechen, S. 6. 20. Ebd. S. 12. 21. Ebd. S. 12. Meine Kursivierung, PL. 22. Friedrich Dürrenmatt und Charlotte Kerr, Rollenspiele, Zürich, Diogenes, 1986, S. 17. 23. Z.B. Franz-Josef Albersmeier/Volker Roloff, Literaturverfilmungen, Frankfurt, Suhrkamp, 1989; Joachim Paech, Literatur und Film, Stuttgart, Metzler, 1988; Irmela Schneider, Der verwandelte Text, Tübingen, Niemeyer, 1981; Marie-Laure Ryan, Narrative across media: the languages of storytelling, Lincoln, University of Nebraska Press, 2004. 24. z.B.: Kamilla Elliot, Rethinking the novel/film debate, Cambridge, Cambridge University Press, 2003; Cattrysse Patrick, “Media Translation. Plea for an interdisciplinary approach”, In: Versus. Quaderni di studi semiotici, 85 (“Sulla traduzione intersemiotica”), 2002, 251-270. 25. Ulrich Broich / Manfred Pfister (Hg.), Intertextualität. Formen, Funktionen, anglistische Fallstudien, Tübingen, Narr, 1985. 26. Z.B. Jochen Schmidt in Gangster, Opfer, Detektive, Göttingen, Ullstein Verlag, 1989, S. 567 ff. 27. Abe Mark Nornes, For an Abusive Subtitling. Subtitles of Motion Pictures. In: Film Quarterly, I 1999 S.19 28. Möbert, S. 38. 29. Ebd. S. 38f. 30. Ebd., S. 43-45. 31. Ebd. S. 33-86. 32. Dürrenmatt, 21 Thesen, Punkt 3, Die Physiker, Anhang. WA, Bd.7 33. Das Versprechen, S. 132f. 34. Das Versprechen, S. 15f. 35. Z.B.: “Sein Verstand war überragend, doch durch das allzu solide Gefüge unseres Landes gefühllos geworden.“ Ebd., S. 14. 36. Christi Puiu: http://icelandchronicles.com/2010/10/riff-2010-szurkulet-by-gyorgy-feher/ http:// thequietus.com/articles/09594-gyorgy-feher-twilight-szurkulet-horse-hospital-screening 37. Meine Übersetzung, PL. 38. Meine Übersetzung von: „The eye of the camera silently explores the actors’ faces like they were landscapes and landscapes like they were actors.“ Christi Puiu: http://icelandchronicles.com/ 2010/10/riff-2010-szurkulet-by-gyorgy-feher/ 39. Ebd. 40. Dürrenmatt, WA 26, 140f.

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41. Vgl. Ulrich Weber und Anna von Planta: Nachweis zu Publikationsgeschichte sowie zur Textgrundlage, in: Friedrich Dürrenmatt: Minotaurus. Der Auftrag. Midas. Zürich, Diogenes 1998 [=Werkausgabe Bd. 26]. S. 195-196.

RÉSUMÉS

Der Schweizer Autor Friedrich Dürrenmatt schrieb 1958 das Drehbuch für den sehr erfolgreichen Kriminalfilm Es geschah am hellichten Tag. Im gleichen Jahr bearbeitete er den Drehbuchtext für seinen Roman Das Versprechen – Requiem auf den Kriminalroman. Hier kritisiert Dürrenmatt die Trivialisierung des Kriminalromans und – genauer betrachtet – auch die in seinen Augen naive Narrativik, wie sie bei Verfilmungen angewandt wird. Dürrenmatts Roman, bzw. sein Drehbuch wurden zwischen 1979 und 2001 noch fünf Mal verfilmt. Auf diese Art wird also der Kriminalroman, dessen Requiem Dürrenmatt bereits 1958 komponierte, zum filmischen „Wiederholungstäter“. Gerade diese Reihenfolge verschiedener Fassungen und Auffassungen, verschiedener „Verbuchungen“ und Verfilmungen macht den Fall Dürrenmatt interessant für die Adaptionsforschung. Im vorliegenden Artikel werden folgende Fragen besprochen: Was fügt Dürrenmatt seinem eigenen Drehbuch hinzu, um einen Roman zu erhalten ? Welche Intertextualität verbindet Drehbuch, Roman und die verschiedenen Verfilmungen ? Wie kommt es zur textuellen Bindung von Film und Text, bzw. von Übertragung und Transformation ?

En 1958, l’écrivain suisse Friedrich Dürrenmatt a écrit le scénario du thriller Es geschah am hellichten Tag (C’est arrivé en plein jour). Ce film fut un grand succès. La même année, il a édité le scénario de texte pour son roman La Promesse – Requiem du roman policier. Ici, Dürrenmatt a critiqué la banalisation du roman policier et – vu d’un peu plus près – la narrativité, naïve selon lui, telle qu’elle est appliquée à des versions cinématographiques. Le roman de Dürrenmatt comme son scénario ont été filmés à cinq reprises entre 1979 et 2001. De cette manière, donc, le roman policier, dont Dürrenmatt a écrit le Requiem en 1958 devient un récidiviste cinématographique. C’est précisément cette séquence de différentes versions et interprétations, de diverses adaptations cinématographiques et « novellisations » qui rend le « cas Dürrenmatt » aussi intéressant pour la recherche sur l’adaptation. L’article aborde les questions suivantes : qu’est-ce que Dürrenmatt ajoute à son propre scénario afin d’obtenir un roman ? Quelles formes prend l’intertextualité qui relie le script, le roman et les diverses adaptations ? Quels éléments engendrent un lien textuel entre le film et le texte, c’est-à-dire dépassent la transmission pour aboutir à la transformation de l’œuvre initiale ?

In 1958 the Swiss author Friedrich Dürrenmatt wrote the screenplay for the succesful suspense film It Happened in Broad Daylight. In the same year he edited the screenplay for his novel The Pledge – Requiem for the Detective Novel. Here Dürrenmatt criticizes the trivialization of detective fiction and the in his eyes naive narrativity, as applied to film adaptations. Still, between 1979 and 2001 Dürrenmatt’s novel and his screenplay were adapted into film five more times. In this way the detective novel, whose Requiem Dürrenmatt composed in 1958, becomes a cinematic persistent offender. This sequence of different versions and interpretations and various adaptations makes the case interesting for adaptation research. In the article, the following questions are discussed: What is Dürrenmatt adding to his own script in order to obtain

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a novel ? What kind of Intertextuality connects script, novel and the various adaptations ? How does the textual bond between film and text, or of transmission and transformation occur ?

INDEX

Mots-clés : film, cinéma, adaptation cinématographique, thriller

AUTEURS

PATRICIA LINDEN Universität Antwerpen

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Adaptations cinématographiques d'œuvres contemporaines

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L’adaptation cinématographique du roman Die Wand : un hommage au texte de Marlen Haushofer sur fond de thriller et de Heimatfilm From the novel Die Wand to the movie adaptation: a tribute to Marlen Haushofer’s text, blending thriller and Heimatfilm Die Verfilmung von Marlen Haushofers Die Wand: eine Hommage an den Text zwischen Thriller und Heimatfilm

Elisabeth Kargl et Aurélie Le Née

Introduction

1 En octobre 2012 est sortie, après plusieurs années de tractations et de travail, l’adaptation cinématographique par Julian Roman Pölsler du roman Die Wand de Marlen Haushofer, paru en 1963. Le roman, fondé sur la perspective interne du personnage principal féminin, développe une narration qui devient possible par un isolement radical dans un territoire cerné par un mur invisible, derrière lequel une sorte d’apocalypse vient d’avoir lieu. Le « peu d’action » du roman a été critiqué lors de la sortie du livre et semble faire de Die Wand une œuvre a priori peu propice à l’adaptation cinématographique1. Pourtant, si la genèse du projet a duré si longtemps, c’est davantage pour des raisons de droits2 qu’à cause de ces spécificités narratives, auxquelles Pölsler semble s’être plié. Selon Daniela Strigl, biographe de Marlen Haushofer3, Pölsler a en effet respecté dans les moindres détails le texte original, tout en proposant un langage visuel et sonore qui lui est propre4. Dans ce contexte, il ne s’agit donc pas uniquement de poser la question de la fidélité au roman, mais aussi et surtout celle des modalités de l’adaptation qui « n’est pas seulement une opération factuelle – traduction d’un langage dans un autre […], mais un faisceau de réalités sémiotiques et esthétiques. Réalité plurielle et réversible, l’adaptation témoigne de ce

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que littérature et cinéma entretiennent une relation dynamique. […] Quel que soit le niveau ou l’angle sous lequel on l’aborde, l’adaptation n’est pas seulement une transposition, une sorte de décalque audiovisuel de la littérature, mais un mode de réception et d’interprétation des thèmes et formes littéraires5 ». C’est cette « réception » dynamique que nous interrogerons ici. Le roman de Marlen Haushofer a conduit à de nombreuses interprétations (robinsonnade, crise identitaire, roman écologique, féministe…), qu’il s’agira de confronter aux choix interprétatifs véhiculés par le film qui, dans le paysage des adaptations cinématographiques de roman, constitue un cas particulier en raison de la spécificité du roman et du choix du réalisateur de rendre hommage au texte de Marlen Haushofer : le récit écrit et le récit filmique se confondent, le personnage principal du film étant aussi le narrateur du récit écrit en voix off, qui relate par flash-backs sa vie derrière le mur invisible.

2 Après une première partie qui abordera le travail de transposition du roman dans le film, le resserrement de la tension narrative autour de l’opposition entre Heimatfilm et thriller dans le contexte du rapport à l’Antiheimatroman constituera le centre de la deuxième partie, et la troisième partie abordera les conséquences de l’actualisation du roman par le film.

I. Questions de transposition

1) Le texte et rien que le texte

3 Dans les suppléments du DVD Die Wand6, Julian Roman Pölsler explique qu’avec son film, il a voulu créer une « plate-forme pour [le] magnifique texte » de Marlen Haushofer7. C’est pourquoi il a décidé de conserver le plus possible le texte original8. Le film commence d’ailleurs par un visuel en mouvement qui reproduit des manuscrits, renvoyant à la fois aux brouillons de Haushofer et aux notes du personnage principal dans le film et le roman. Ces premières images, qui aboutissent à la formation du titre Die Wand, révèlent l’attention portée au texte ainsi qu’une conception dynamique de l’écriture.

4 Les premiers mots du film reprennent les premières lignes du roman : « Heute, am fünften November, beginne ich mit meinem Bericht. »9 (DW 7/DWf 01 : 07), intégrant les réflexions sur l’écriture : « Ich schreibe nicht aus Freude am Schreiben ; es hat sich eben so für mich ergeben, daß ich schreiben muß, wenn ich den Verstand nicht verlieren will. » (DW 7/DWf 01 : 56) et les conditions de rédaction : « Ich schreibe auf der Rückseite alter Kalender und auf vergilbtem Geschäftspapier. » (DW 8/DWf 03 : 44). Tout le film est ensuite construit à partir de citations du roman qui en constituent la trame, bien sûr plus resserrée à cause de la durée du film10. Il est alors intéressant de relever les passages cités et de noter les omissions dans la mesure où ces choix représentent déjà une forme d’interprétation. Les citations du texte original s’organisent en quatre groupes : les datations, les références aux actions qui font évoluer le récit, les réflexions et commentaires introspectifs et l’absence de certains éléments du roman.

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Datations

5 Le film est ponctué de diverses dates qui permettent de situer l’action et de la faire évoluer : « Am […] dreißigsten Mai regnete es den ganzen Tag einen warmen, fruchtbaren Regen […] » (DW 47/DWf 35 : 25) « Am zwanzigsten Juli fing ich mit der Heuernte an. » (DW 78/DWf 50 : 00) « Am siebenundzwanzigsten Oktober fiel der erste Schnee. » (DW 120/DWf 01 : 00 : 35) « Am elften Jänner blutete Bella ein wenig. » (DW 141/ DWf 01 : 07 : 52) « Am sechzehnten Oktober, seit ich von der Alm zurück war, machte ich wieder regelmäßig Notizen. » (DW 223/DWf 01 : 18 : 54) « Am zehnten Dezember finde ich eine seltsame Notiz. » (DW 236/DWf 01 : 19 : 21) « Heute, am fünfundzwanzigsten Februar, beende ich meinen Bericht. » (DW 276/ DWf 01 : 38 : 09).

6 Ces dates introduisent une chronologie conforme à celle du roman. Toutefois, cette précision apparente est d’emblée problématisée, dans le roman comme dans le film, puisque la première date est immédiatement remise en question : « Aber ich weiß nicht einmal, ob heute wirklich der fünfte November ist. » (DW 7/DWf 01 : 17), ce qui entraîne une réflexion sur la temporalité qui sera développée par la suite.

Actions

7 Les allusions à différents mois de l’année renvoient à diverses actions qui structurent le récit, telles que l’inventaire (DW 41-43/DWf 33 : 25), la plantation des pommes de terre (DW 45-46/DWf 33 : 45-34 : 12), les foins (DW 78-80 ; 205/DWf 49 : 53-52 : 02 et 01 : 36 : 24-01 : 36 : 44), la naissance du veau (DW 141-145/DWf 01 : 08 : 02-01 : 08 : 48), les excursions et séjours dans les alpages incluant le meurtre des animaux et de l’homme (DW 111-113 ; 169-216 et 260-274/DWf 41 : 57-45 : 02 ; 01 : 11 : 53-01 : 18 : 59 et 01 : 25 : 09-01 : 36 : 16).

Réflexions introspectives

8 Si, de par ces actions, le roman de Marlen Haushofer a souvent été considéré comme le récit de la survie d’une femme dans la nature (« robinsonnade »), il est également traversé de réflexions introspectives, en grande partie reprises dans le film, comme le souligne Martina Gedeck, l’actrice interprétant le personnage principal11. Ces réflexions portent sur le rapport entre les hommes et les animaux (DW 44/DWf 35 : 00 et DW 238/ DWf 01 : 21 : 10), conduisant à un questionnement identitaire (DW 185/DWf 01 : 17 : 43), sur le temps (DW 237/DWf 01 : 20 : 35) ou sur le sens de la vie (DW 128/DWf 01 : 03 : 24). Deux procédés techniques transposent à plusieurs reprises cette attitude introspective à l’image : le gros plan sur le visage du personnage (DWf 35 : 00 et DWf 01 : 20 : 35) et le plan d’ensemble tout d’abord flou, le personnage à peine visible à l’arrière-plan, puis de plus en plus net au fur et à mesure que celui-ci progresse vers le premier plan (DWf 01 : 03 : 24 et DWf 01 : 21 : 10). Ce mouvement retrace la progression de la pensée, d’abord imprécise, puis plus tranchée pour aboutir à une position sur le monde, comme lorsque le personnage se demande s’il doit tuer le renard parce qu’il a peut-être causé la mort de son chat et prend finalement la décision d’épargner la vie de l’animal (DW 128). Parfois, l’image matérialise plus précisément le contenu de la

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réflexion. Il en va ainsi quand le personnage s’interroge sur son identité et souligne son lien avec la forêt : Manchmal verwirren sich meine Gedanken, und es ist, als fange der Wald an, in mir Wurzeln zu schlagen und mit meinem Hirn seine alten, ewigen Gedanken zu denken. Und der Wald will nicht, daß die Menschen zurückkommen. […] Es fällt mir schwer, beim Schreiben mein früheres und mein neues Ich auseinanderzuhalten, mein neues Ich, von dem ich nicht sicher bin, daß es nicht langsam von einem größeren Wir aufgesogen wird. (DW 185)

9 Dans le film, le dédoublement du personnage et l’identification avec la forêt sont traduits par le jeu des ombres dans la forêt justement : les ombres du personnage et les ombres des troncs d’arbres se superposent (DWf 01 : 17 : 43). L’association de l’image et du texte permet de condenser le propos, ce qui répond à la durée limitée du film. Cette exigence entraîne également la contraction de plusieurs descriptions en une image pour des raisons scéniques (la description du vieil homme et celle de la vieille femme correspondant à deux passages du roman – DW 17 et DW 31 – sont fondues en une image à l’écran – DWf 16 : 53), voire la suppression de certains éléments du roman.

Absence de certains éléments du roman

10 Le film se caractérise par deux omissions majeures : l’absence de certaines références à la vie antérieure du personnage, notamment à ses enfants (DW 39-40), et l’absence des descriptions de maladies, mis à part la dépression et l’épuisement. Le réalisateur n’a, par exemple, pas repris la scène de la rage de dents (DW 67-68), particulièrement violente dans le roman. Cette suppression suggère la volonté, de la part du réalisateur, de favoriser l’aspect idyllique de la vie dans la nature, ce qui ne l’empêche pas de souligner par ailleurs l’angoisse du personnage prisonnier du mur, comme nous le verrons par la suite. Le refus de l’évocation précise de la vie antérieure du personnage peut être un moyen de laisser le personnage dans une indétermination relative et de faciliter ainsi l’identification entre le personnage et le spectateur. Cette indétermination s’exprime dans le roman par l’absence de description physique précise du personnage. Dans le film, le personnage étant incarné par une actrice, il était impossible de maintenir l’indétermination à ce niveau. On peut considérer que la suppression de certaines références au passé du personnage est une manière de transposer cette indétermination.

2) Les personnages

11 Si certains aspects du passé du personnage ne sont pas conservés, ils ne sont pas tous omis. De nombreux détails sur la vie du personnage avant l’apparition du mur sont suggérés dès le début. Comme dans le roman, la protagoniste du film incarne le type de la citadine, même si ce trait est largement accentué par le réalisateur, qui a renoncé aux allusions à l’expérience de jeunesse du personnage principal à la campagne, évoquée dans le roman. Au début du premier flash-back, la protagoniste apparaît à l’écran très soignée avec lunettes de soleil, boucles d’oreilles, alliance, maquillage, foulard, talons, robe blanche, vernis à ongles, bijoux. Le réalisateur ajoute une scène où l’on voit, le premier soir, le personnage appliquer un masque de beauté sur son visage (DWf 07 : 57). Dans la suite du film, l’évolution du personnage principal reprend celle de la protagoniste du roman : transformation physique allant vers une plus grande masculinité, adaptation du corps à l’environnement (mains calleuses, cheveux courts,

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visage hâlé…). Cette évolution est sans surprise plus rapide et plus manichéenne dans le film que dans le livre.

12 En dehors de la protagoniste, le réalisateur choisit de conserver seulement les personnages de Luise et Hugo, qui justifient l’intrigue parce qu’ils ont invité le personnage principal au chalet. Le chasseur, qui dresse le chien, n’est par exemple pas évoqué. Le personnage d’Hugo est assez proche de la description qu’en fait Haushofer dans son texte, même si le choix de la voiture décapotable et de la musique rock met en avant un certain dynamisme absent dans le roman. Luise, quant à elle, ne correspond pas exactement au personnage du livre : « Luise war eine leidenschaftliche Jägerin, eine gesunde, rothaarige Person, die mit jedem Mann anbändelte, der ihr über den Weg lief » (DW 9). Dans le film, ce personnage paraît simplifié et correspond à l’image de la mégère, sans allusion à son attitude séductrice, comme le prouve un des rares dialogues du film : Luise [zu Hugo]: « […] Also […] komm jetzt! Pause Wir werden nicht allzu lang bleiben, schließlich gehen wir morgen sehr früh zur Jagd. HUGO [zur Ich-Erzählerin]: Der Autoschlüssel steckt, falls du noch nachkommen willst. LUISE: Komm jetzt! HUGO: Ja. Pause HUGO: Wo ist der Hund? Luchs?! LUISE: Der Hund bleibt da! Das Hundsvieh folgt ja nicht! HUGO: Luchs, komm! Brav! […] LUISE: Luchs, bei Fuß! Wenn du nicht bei Fuß gehen willst, dann bleibst du eben hier! Jetzt geh! Geh! … Geh! (DWf 05 : 54-06 : 52)

13 En revanche, l’opposition fondamentale entre Luise et Hugo est conforme à la description dans le roman, même s’il y a dans ce cas substitution du texte par l’image. Durant les dix premières minutes du film, la richesse d’Hugo (« ein ziemlich vermögender Mensch » DW 8) transparaît dans les images du chalet, sa tenue vestimentaire, sa voiture, une Mercedes rouge (noire dans le texte DW 14).

14 Le deuxième personnage principal du roman est le chien Luchs, comme le rappelle le réalisateur dans une interview12. La relation avec cet animal diffère quelque peu au départ à l’écran : à la confiance au début du roman répond la méfiance dans le film, ce qui met l’accent sur l’inadaptation de la citadine au monde de la nature. Peu à peu s’instaure une grande proximité, pleine de tendresse (DWf 58 : 18), qui aboutit à une communion entre les deux personnages : « In jenem Sommer vergaß ich ganz, daß Luchs ein Hund war und ich ein Mensch. Ich wußte es, aber es hatte jede trennende Bedeutung verloren. » (DW 265/DWf 01 : 26 : 41). La mort de Luchs conduit à une forme de désorientation, qui est même présentée comme une mutilation physique : « Er war mein sechster Sinn. Seit er tot ist, fühle ich mich wie ein Amputierter. » (DW 149/DWf 01 : 11 : 08). On perçoit alors toute l’importance de l’animal, et ce encore plus dans le film que dans le livre, puisque le réalisateur s’est focalisé sur le chien dans le choix des citations et des plans. Il s’intéresse moins aux chats (d’ailleurs, Tiger et Ka-au Ka-au ne sont pas évoqués). Il n’y a pas de dialogue et peu de commentaires sur les chats (sauf sur Perle) même si, après la disparition de Luchs, le chat est visuellement plus présent, ce qu’indique la narratrice dans le roman (DW 51). Ce choix dramaturgique instaure un

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équilibre spécifique, qui peut justifier le meurtre de l’homme après l’assassinat du chien. Ainsi, le spectateur sera moins enclin à condamner la protagoniste.

15 Comme avec le chien, la première rencontre avec la vache Bella (DWf 26 : 42) montre la méfiance du personnage principal vis-à-vis de la nature. Dans le film, la femme a peur et se réfugie derrière un rocher, ce qui n’est pas le cas dans le livre : « Ich versuchte sofort, ihr Erleichterung zu verschaffen. Als junges Mädchen hatte ich zum Spaß melken gelernt […] » (DW 31). Au fil du temps, dans le livre comme à l’écran, Bella devient plus qu’une vache : « eine arme geduldige Schwester » (DW 234/DWf 01 : 04 : 30).

3) Récit écrit / récit filmique

Narrateur et voix

16 Dans le roman comme dans le film, le personnage principal est en même temps le narrateur, ce qui a conduit, à l’écran, au choix d’une « voix off », selon les termes du réalisateur. Dans l’acception courante, la voix off est une voix hors champ qui n’apparaît pas sur l’écran et qui n’est pas liée à l’image. Dans le cas du film Die Wand, cette acception habituelle n’est pas tout à fait satisfaisante puisqu’il s’agit plutôt d’une forme de voice over telle qu’elle est définie dans la citation suivante : « ein Ich-Erzähler, der zur erzählten Welt oder sogar zur Geschichte gehört und seine subjektive Erfahrung des Geschehens berichtet oder das Geschehen kommentiert13. »

17 L’on a effectivement affaire à une narration à la première personne où la voix en off appartient au personnage que l’on voit sur l’écran. Cette voix cite le texte que le personnage est en train ou vient de rédiger et qui correspond, comme nous l’avons indiqué, au texte de Haushofer. La voice over incarnée par l’actrice Martina Gedeck a bien la distance du commentateur sans pour autant être tout à fait neutre. Elle contribue à véhiculer la vie intérieure du personnage. Le réalisateur traduit davantage le point de vue interne par la citation du texte original que par un travail sur la caméra subjective. Il va même jusqu’à problématiser le point de vue narratif par le positionnement de la caméra de l’un ou de l’autre côté du mur invisible dans certaines séquences. Cela induit une narration omnisciente dans le film, à la différence de la narration du livre. C’est le cas dans la scène de l’accident de voiture (DWf 30 : 20), où la caméra se place de l’autre côté du mur. Ce procédé matérialise le mur et, de ce fait, soulève des questions : qui regarde le mur ? Qui se trouve de l’autre côté ? Où se situe le spectateur par rapport à la protagoniste et à la « catastrophe » qui lui est arrivée ?

Espace et temps

18 La narration se compose de deux strates temporelles : le temps de l’écriture et les flash- backs, qui sont facilités par le recours à la « voix-over »14. Afin de transposer ces deux strates, le réalisateur utilise la citation différée du texte par la voice over et la représentation visuelle avant tout fondée sur la transformation physique du personnage. Le temps de la narration, caractérisé par un personnage aux cheveux courts, correspond aux moments où l’on voit la protagoniste écrire, mais aussi où l’on entend le récit tandis que la protagoniste exécute une autre action. Le temps du récit en revanche est caractérisé par une protagoniste aux cheveux longs exécutant les actions relatées dans les flash-backs.

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19 Dans le roman, ces deux strates temporelles se croisent constamment, ce qui se traduit dans le film par un travail sur le dédoublement du personnage15. Celui-ci se fonde essentiellement sur une opposition entre l’intérieur et l’extérieur. Dans une scène, la protagoniste aux cheveux courts (temps de l’écriture) se trouve à l’intérieur du sombre chalet et regarde par la fenêtre. La caméra est alors subjective, puisque le spectateur suit le regard de la protagoniste. Lorsque l’on entend la citation du texte en off, on voit à travers les yeux de la protagoniste aux cheveux courts la protagoniste aux cheveux longs à l’extérieur, au soleil (flash-back) (DWf 23 : 19). La fenêtre a dès lors une double valeur, symbolique et concrète. Ce dédoublement est ensuite rendu visible par les reflets sur les plans d’eau (DWf 23 : 28-23 : 48).

20 Tandis que le temps de l’écriture est dominé par des couleurs sombres, il y a une évolution dans les flash-blacks. On passe progressivement d’une lumière aveuglante (ciel bleu, ouverture soulignée par la contre-plongée, DWf 04 : 09) au marron/gris. Lors des premiers flash-backs, l’intérieur du chalet paraît plus luxueux et chaleureux avec des couleurs chaudes (DWf 8 : 24), comparé à l’évolution ultérieure (sombre et froid, le chalet n’est plus un refuge). Il en va de même lors de la découverte du mur : les couleurs sont lumineuses, l’eau se reflète sur les rochers, la vallée ne paraît pas menaçante, mais plutôt idyllique (DWf 12 : 25). En revanche, lorsque la protagoniste évoque sa peur du mur (DW, 15), on repasse dans le film au temps de l’écriture et donc aux couleurs sombres.

La représentation du mur invisible

21 À la différence du roman, l’apparition du mur est annoncée dans le film de manière plus théâtrale avant sa découverte par la protagoniste. À un écran noir succède un plan d’ensemble sur le paysage entourant le chalet. Ces images sont accompagnées d’un bruit sourd, désagréable, qui indique que le mur s’abat sur la vallée. Ce déploiement lent diffère du traitement dans le roman (DWf 9 : 50/DWf 10 : 10) et introduit une dimension cauchemardesque qui contribue à l’effet de thriller. Cependant, la découverte du mur par le personnage principal est moins violente dans le film que dans le texte : le spectateur ne voit pas la blessure du chien qui s’est cogné contre le mur (DW 14).

22 Dans la suite du film, le mur est suggéré par ce bruit spécifique qui découle du choix du réalisateur de ne pas le matérialiser visuellement16. C’est également la raison pour laquelle on ne voit pas la protagoniste délimiter le mur par des branchages (DW 28-29). Cette importance du bruit va de pair avec l’introduction de la musique dans le film.

Introduction de la musique

23 Le réalisateur explique en effet que la musique joue dans le film le rôle d’une « autre voix » : Ich lasse sie [Martina Gedeck] nur aus dem Off sprechen. Und diese Off-Sprache hat dann ihre Fortsetzung, ihre Überhöhung erfahren in den Bach-Partiten. Denn für mich ist Bach in diesem Film keine Musik, sondern eine andere Form der Sprache. Und die dritte Überhöhung ist die Stille. (02 :30)

24 Il recourt à plusieurs reprises aux Sonates et Partitas pour violon seul de Bach (BWV 1001-1006), interprétées par Julia Fischer : lorsque la protagoniste retourne voir si le mur existe bel et bien (DWf 19 : 22), le réalisateur choisit la sarabande de la Partita n°2.

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En arrière-plan à la première randonnée dans les alpages (DWf 42 : 00), il opte pour la fuga allegro de la Sonate n°1, au rythme enjoué, ce qui souligne le caractère idyllique du lieu. Le tempo plus modéré, tout en demeurant enlevé, du double de la Partita n°1 accentue la dimension sereine de l’idylle familiale, lorsque la protagoniste, entourée de ses animaux, profite des récoltes qu’elle a effectuées les mois précédents (DWf 53 : 24). L’adagio de la Sonate n°1 est lié à des images plus sombres de la protagoniste écrivant ses souvenirs, dans le froid de l’hiver. Toutefois, la grandiloquence de ce mouvement lent sert également la beauté de la nature hivernale (DWf 01 : 04 : 34). Le premier séjour dans les alpages est marqué par le mouvement largo de la Sonate n°3, mouvement très lent qui s’accorde avec la lenteur des images, très descriptives, comme situées hors du temps (DWf 01 : 13 : 50). Ce morceau est également empreint d’une certaine douceur qui correspond au premier séjour dans les alpages. Pour la scène cruciale du meurtre, le réalisateur utilise la célèbre chaconne de la Partita n°2. Cette danse lente et solennelle indique qu’il se passe alors un événement important (DWf 01 : 29 : 20). L’évocation de la mort de Luchs est accompagnée de l’adagio de la Sonate n°3, ce qui renforce le pathos de la scène (DWf 01 : 34 : 50). Enfin, le générique du film reprend la sarabande de la Partita n°2, liée dans le film au mur invisible (DWf 19 : 22) et exprimant une gravité sérieuse et mélancolique.

25 Ce rapide panorama des morceaux de Bach introduits dans le film aide à percevoir que la musique sert à magnifier le paysage17 et à créer, tout particulièrement lors des moments idylliques dans les alpages, une situation hors du temps, ce qui correspond à un emploi classique de la musique au cinéma18. Le réalisateur a également recours, lors de la scène du meurtre, à une forme de « musique anempathique », peut-être moins classique, mais courante au cinéma19. Enfin, le choix des Sonates et Partitas pour violon seul de Bach contribue à instaurer une dimension spirituelle dans certaines scènes, comme lorsque la protagoniste retourne voir si le mur existe bel et bien (DWf, 19 : 15). L’esthétisation de l’image (coucher de soleil, lumière douce qui vient du ciel) introduit une certaine mélancolie qui peut ici représenter une forme de fatalité et de deuil. Cette dimension spirituelle que l’on retrouve tout au long de la découverte des alpages fait écho à un passage du texte cité ultérieurement dans le film : Wenn der Mann am Brunnen tot war, und daran konnte ich nicht mehr zweifeln, mußten alle Menschen im Tal tot sein, und nicht nur die Menschen, alles was lebend gewesen war. Nur das Gras auf den Wiesen lebte, das Gras und die Bäume ; das junge Laub spreizte sich glänzend im Licht. (DW 21/ DWf, 25 : 22)

26 En contrepoint à la musique classique de Bach, le réalisateur introduit à plusieurs reprises une musique rock au son saturé : « Freedom is a journey »20. On entend ce morceau dans les scènes de flash-backs avec la voiture, lorsque la protagoniste arrive au chalet avec Hugo et Luise (DWf 04 : 20), lorsqu’elle fonce dans le mur avec la voiture et lorsqu’elle retrouve la voiture au hasard d’une promenade et allume l’autoradio. Le texte de ce morceau est en lien avec la question de la liberté posée par le roman. Il fait aussi écho au discours en birman de Aung San Suu Kyi que la protagoniste entend à la radio le premier soir au chalet (DWf 08 : 00). Ces choix favorisent l’actualisation du roman dans le film et créent une opposition musicale qui correspond à la tension entre Heimatfilm et thriller structurant le film.

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II. Heimatfilm ou thriller

27 Le roman de Marlen Haushofer problématise l’appropriation de la nature par la protagoniste. Il est alors à confronter avec le film de Pölsler aux paysages idylliques dans la tradition du travail du réalisateur, notamment avec son film précédent, Geliebter Johann, geliebte Anna.

1) Die Wand, un Anti-Heimatroman ?

28 Die Wand, par son style détaché et sobre, s’inscrit dans un courant néoréaliste, malgré la présence irréelle du mur invisible. Même si l’on y trouve des moments d’harmonie, voire de communion entre la protagoniste et la nature qui l’entoure, celle-ci n’est pas représentée de manière idyllique. Est-ce suffisant pour classer le roman parmi les textes de l’Anti-Heimatliteratur21 après 1945 ? Une des caractéristiques de cette dernière est de se tourner résolument contre une amnésie consciemment mise en scène et utilisée22 dans les textes de la Heimatliteratur, qui occultent toute implication et responsabilité de l’Autriche pendant la Seconde Guerre mondiale. La Heimatliteratur est, surtout depuis le XIXe siècle, une réponse à une industrialisation et à une urbanisation galopantes. Elle met en scène une idylle protectrice, une vie simple liée à la nature, détachée d’une logique productiviste destructrice. Le récit de l’auteur styrien Peter Rosegger Als ich noch ein Waldbauernbub war, de 1902, en est un très bon exemple. Il y souligne l’apport émotionnel du concept de « Heimat » : Heimat, das heißt hier ein konfliktfreies Dekorum duftender Almen, rauschender Tannen, fröhlich plätschernder Bäche, unschuldiger Tiere, prächtiger Blumen. Ein spärlicher aber immer zweckdienlicher und formschöner Hausrat und rauhe aber wahre Menschen, die Werte zu bewahren und zwischen Gut und Böse zu unterscheiden wissen23.

29 Cette thématique a été exploitée par le nazisme et utilisée comme arme idéologique de propagande par une littérature « Blut-und-Boden ». Le genre a connu une renaissance après 1945, notamment dans ses adaptations filmiques liées à la construction d’une identité autrichienne « nouvelle », mettant en avant des paysages magnifiés24, tout en oubliant son détournement idéologique par l’austro-fascisme et le nazisme.

30 Si, pour l’auteure Marlen Haushofer, la nature peut être synonyme de « Heimat »25, elle est empreinte dans Die Wand d’une vision existentialiste, puisque la protagoniste se retrouve enfermée par le mur invisible dans ce décor alpin qui n’est pas son milieu naturel. Elle doit composer avec cet environnement non choisi qui s’avère, il ne peut en être autrement, hostile. Wendelin Schmidt-Dengler, en comparant Die Wand à Frost de Thomas Bernhard, évoque une fin du monde (« das Ende der Welt26 »), une négation de la nature (« die Natur verneint sich ») dans le roman. Par là, le texte s’oppose à la Heimatliteratur triviale et classique qui exalte la nature. Mais, à la différence du texte de Bernhard, Schmidt-Dengler voit dans Die Wand une forme de « restauration » (« Restaurierung ») de la nature, voire des « moments idylliques », mais pas d’idéalisation, puisque « das Idyll als solches ist ja die Folge einer Katastrophe27 ». Dans d’autres interprétations, toute forme d’idylle dans le texte est complètement niée : « Die neue Existenz ist kein glücklicher Naturzustand, keine Idylle28 », et dans Die Wand, on peut lire : « Ein Paradies könne nur außerhalb der Natur liegen » (DW 78).

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31 La protagoniste de Die Wand est obligée de se détacher de toute civilisation, et ce sont les animaux qui se substituent aux êtres humains. Il s’agit moins d’exaltation de la nature que d’une sorte de retour aux sources critique (« Kulturkritik »)29, d’un retrait individualiste et subjectif (qui soulève par ailleurs la question de l’existence réelle du mur) : « Die Wand stellt für die Protagonistin nicht nur eine Bedrohung dar, sondern auch Schutz. Das Zurückgeworfensein auf die nackte Existenz setzt neue Kräfte frei30. »

32 C’est une existence dans un autre lieu, caractérisée par la résignation, mais aussi par l’espoir vague de quelque chose de nouveau. Liée étroitement aux cycles de la nature, cette existence est en même temps limitée, et l’espoir qui surgit par moments ne semble pas définitif31. La nature dans Die Wand est certes opposée à la vie en ville, les habitudes et tout le savoir accumulé paraissent ici superflus et inappropriés. La protagoniste, malgré les efforts qu’elle doit fournir, y trouve une certaine satisfaction, ou du moins une forme d’apaisement.

33 L’absence de civilisation, de contact avec les autres êtres humains semble lui convenir (DW 124 : « Nur ist es eben viel leichter, Bella oder die Katze zu lieben, als einen Menschen. »), mais cela ne fait pas de son lieu de vie un endroit utopique et idyllique. S’il peut y avoir des moments d’harmonie avec la nature, notamment lors de son premier séjour dans les alpages, le meurtre annonce la fin de ce paradis éphémère, et la protagoniste ne retourne plus dans les alpages.

34 Ce qui rend le texte résolument différent du genre Anti-Heimatliteratur, c’est le fait de ne pas du tout être lié à une nation spécifique, même si l’action se déroule bien en Autriche. Il n’est pas une réponse critique à un détournement idéologique comme c’est le cas du Heimatroman et surtout des films des années 50 qui occultaient le passé autrichien et utilisaient la topographie et le paysage pour consolider une identité factice. En ce sens, Die Wand n’est pas représentatif de la Anti-Heimatliteratur d’un Hans Lebert (Die Wolfshaut), d’un Gerhard Fritsch (Fasching), d’un Franz Innerhofer (Schöne Tage) ou d’une Elfriede Jelinek (Die Liebhaberinnen), pour ne citer que quelques auteurs. C’est un texte qui interroge, bien avant l’heure, l’utilisation des ressources naturelles et qui prône une vie simple en lien avec la nature et les animaux sans pour autant la magnifier ni exploiter ce décor à des fins idéologiques.

2) Die Wand, un Heimatfilm ?

35 Le film de Pölsler, en revanche, semble se rattacher – au moins partiellement – au genre du Heimatfilm32. Pölsler, réalisateur de séries télévisées, avait produit en 2009 un film pour la télévision, Geliebter Johann, geliebte Anna, rediffusé en 2011 sous le titre Anna und der Prinz. Ce film, par ailleurs le plus grand succès de la télévision autrichienne en 2009, met en scène la relation morganatique entre l’archiduc Johann von Österreich et Anna Plochl dans les années vingt du XIXe siècle. Outre la focalisation sur l’histoire d’amour, ce film s’inscrit, par des images grandioses de paysages alpins, dans la tradition des Heimatfilme des années 50.

36 Ce genre s’attachait tout d’abord à l’adaptation de la Heimatliteratur (Ganghofer, Anzengruber), alors appelée « Volksfilm ». Suivent alors des films « dans les montagnes » (Bergfilme, Skifilme) et les films de propagande pendant le Troisième Reich. Le genre atteint son point culminant dans les années 50 où il sert à consolider la vision d’une identité autrichienne immaculée liée à un essentialisme certain – les paysages magnifiques correspondant aussi à une mentalité simple, saine, en opposition à une

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société urbanisée dépravée. Les traditions jouent alors un rôle important, et le Heimatfilm est un genre conservateur par excellence. Bien évidemment, il s’agit d’une mise en scène consciente de clichés qui représentent une « Heimat » mythifiée.

37 Même si Julian Pölsler affirme dans une interview abhorrer le kitsch33, le décor alpin est magnifié dans Geliebter Johann, geliebte Anna. Les représentants des Habsbourg éloignés du peuple (à l’exception de l’archiduc, bien sûr) et un Metternich aux mœurs dépravées sont opposés aux paysans simples, accomplissant courageusement leur travail. Les intérieurs sont certes dépouillés mais propres, les habits traditionnels immaculés, et l’on ne trouve aucune trace de dur labeur sur les visages ou les mains. Il s’agit ici d’une idéalisation du genre, très éloignée de la vie des paysans de Schöne Tage de Fritz Lehner de 1981 par exemple, adaptation du roman de Franz Innerhofer.

38 Dans le film Die Wand, on retrouve le même traitement des images en ce qui concerne la nature, et plus précisément le décor alpin : « Pölsler hat den Film in langen, ruhigen Einstellungen gedreht, er schwelgt in schönen, ja erhabenen Bildern der Natur34. »

39 Tout comme dans Geliebter Johann, geliebte Anna, la musique souligne la mise en scène des paysages magnifiés. Tel est le cas dans une des premières scènes où l’eau se reflète sur les rochers (DWf 19 : 15), la beauté du panorama étant soulignée par la noblesse de la sarabande de Bach (Partita n°2), ou bien lors du lever de soleil (DWf 38 : 54) symbolisant la quête du personnage, presque spirituelle et apparentée à une recherche de soi en harmonie avec la nature. On retrouve cette configuration dans les scènes ayant lieu lors du premier séjour dans les alpages (DWf 41 : 33 et DWf 42 : 02-43 : 34).

40 Les images et la musique semblent refléter les réflexions de la narratrice sur la nature qu’il s’agit de préserver. C’est le cas pour la scène représentant un paysage enneigé immaculé et un renard qui vient s’abreuver au fleuve (DWf 01 : 03 : 04), ce qui correspond à une citation du texte (DW 127-128). Dans le roman, ce n’est pas tant la beauté de la nature qui est mise en avant que l’harmonie entre la nature, l’être humain et les animaux. Le décor alpin ne paraît pas aussi idyllique. Le film, quant à lui, souligne la beauté des images non sans rappeler les prospectus de la Österreich-Werbung.

41 Les mouvements de caméra classiques (gros plans, plans d’ensemble et ralentis) contribuent à introduire une certaine émotion, comme lors des moments qui suivent la mort du chien, abattu par l’intrus. Dans une scène filmée au ralenti (DWf 01 : 34 : 5), Luchs court dans l’herbe, accompagné par la musique de Bach, puis s’éloigne vers un coucher de soleil, acte qui symbolise son passage vers un autre monde. L’association de l’image et de la musique dans cette scène est censée émouvoir le spectateur, mais elle s’avère en réalité particulièrement kitsch. En revanche, le jeu pudique et peu ostentatoire de l’actrice représente un contrepoint à ce pathos.

42 À plusieurs reprises, les images de la nature sublimée, transposant des passages du texte qui ne sont pas cités dans le film, renforcent l’aspect idyllique et le lien avec le Heimatfilm. C’est le cas pour la citation « Der Herbst war mir immer die liebste Jahreszeit » (DW 116), que l’on voit retranscrite par des couleurs automnales chaudes et agréables (DWf 56 : 56). Un peu plus tard, un gros plan et un travelling lent (DWf 57 : 28), qui permettent de souligner la sérénité de la forêt et des alpages, correspondent à un passage du livre (DW 62) : « Der Wald lag in der Mittagssonne, und warme Duftwolken stiegen aus den Latschen zu mir auf. […] Ein Raubvogel zog hoch im Blauen seine Kreise […] und die große Stille senkte sich wie eine Glocke über mich. Ich wünschte, immer hier sitzen zu dürfen, in der Wärme, im Licht, den Hund zu Füßen und den kreisenden Vogel zu Häupten. » La perspective de ces scènes est, par ailleurs, toujours la même :

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une ouverture vers le ciel bleu, le soleil, un oiseau qui vole – des symboles de liberté qui rappellent l’image du début du film et que l’on pourrait interpréter comme le pouvoir libérateur du mur.

43 D’autres éléments classiques du Heimatfilm sont repris : lors des foins (DWf 50 : 05-50 : 40), la protagoniste porte des habits plus traditionnels, notamment le fichu, et apprend à manier des outils comme la faux. Même si elle transpire et que ses mains sont calleuses (comme dans le livre DW 78-79), les images paraissent tout de même esthétisées. Lorsque la caméra montre le fruit de son labeur – la récolte engrangée dans le chalet –, le réalisateur opte pour un lent travelling souligné par la musique pour s’arrêter ensuite en gros plan sur la protagoniste en train de manger (DWf 53 : 25-55 : 13). Les images, dans une lumière douce et diffuse, sont d’une grande beauté et font penser à certaines natures mortes des peintres flamands.

44 La même esthétisation peut être observée lors de la scène où la vache Bella met bas. La protagoniste est, cette fois encore, habillée en paysanne. La caméra s’attarde sur elle, alors qu’elle fait des efforts pour extraire le veau, mais montre peu la réalité physiologique de l’accouchement (DWf 01 : 08 : 08) décrit avec bien plus de précisions dans le livre : « Es war ganz unsinnig, an den Vorderbeinen zu ziehen, das mußte den Schädel des Kalbes zurückreißen statt nach vorne drücken. Ich wusch mir die Hände und tastete mich vorsichtig in Bellas warmen Leib hinein. » (DW 143).

45 Toutefois, à la différence de Geliebter Johann, geliebte Anna, la structure par contrastes marqués est une des caractéristiques de Die Wand de Pölsler, ce qui l’éloigne en même temps du Heimatfilm. Les décors de carte postale (DWf 44 : 40) alternent rapidement avec d’autres images, bien plus sombres ou violentes, de la chasse (DWf 45 : 06) ou encore avec des éléments empruntés au thriller.

46 Si, dans une scène (DWf1 : 05 : 08) où daims et biches sortent de la forêt au ralenti avec la musique de Bach en fond sonore, le parallèle avec un des films les plus connus du genre Heimatfilm, Der Förster vom Silberwald d’Alfons Stummer (1954), semble évident, cette image est déconstruite par le fait que la protagoniste va évider par la suite le daim qu’elle vient de tuer.

47 Cette alternance entre images idylliques et images sombres reflète aussi l’état d’esprit de la protagoniste. Dans l’ensemble, l’adaptation de Die Wand par Pölsler s’inscrit dans un cinéma classique conscient de ses traditions (Heimatfilme), les perpétuant35 partiellement, sans souscrire pour autant à l’orientation idéologique de celui-ci.

3) En contrepoint du Heimatfilm : le thriller

48 Comme dans le roman, il y a dans le film une alternance entre des moments sombres et clairs, même si l’adaptation paraît, d’une part, plus idyllique et, d’autre part, plus noire que le texte de Haushofer. Dès le début du film, le réalisateur intègre des éléments empruntés aux films à suspense et au thriller36.

49 Le film débute par un visuel sombre, le titre se constitue petit à petit par un lent mouvement accompagné du bruit des corbeaux qui se fait de plus en plus fort. L’allusion au film Les Oiseaux d’Alfred Hitchcock paraît évidente, celui-ci s’ouvrant également sur ce fond sonore. Les images choisies introduisent d’emblée une atmosphère angoissante, ce qui est souligné par le choix des extraits récités par la protagoniste. Comme le réalisateur procède à des coupures, l’extrait du texte choisi

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met davantage l’accent sur la peur : « Ich bin ganz allein und ich muß versuchen, die langen dunklen Wintermonate zu überstehen. » (DW 7). Le texte est ensuite coupé et la protagoniste poursuit : « Ich habe diese Aufgabe auf mich genommen, weil sie mich davor bewahren soll, in die Dämmerung zu starren und mich zu fürchten. Denn ich fürchte mich. Von allen Seiten kriecht die Angst auf mich zu […] » (DW 7-8).

50 Les scènes introduisant des éléments du thriller sont presque toutes des ajouts et diffèrent parfois considérablement des descriptions du livre. Cette alternance entre des moments quasi idylliques et des moments noirs participe de la dramaturgie et compense l’absence de dialogues, tandis que l’aspect visuel et sonore gagne en importance.

51 À la différence du livre, le réalisateur introduit des scènes angoissantes que l’on identifie à des cauchemars à la fin de la séquence. Dès la deuxième nuit au chalet, la protagoniste entend le bruit du mur qui semble se rapprocher (DWf 20 : 00). Saisie d’effroi, elle s’avance dans un couloir sombre avec trois lucarnes bleues à l’arrière-plan. Le réalisateur change de perspective et filme longtemps de l’extérieur le dessin géométrique de la porte, aux mêmes couleurs noires et bleues. La protagoniste ouvre lentement cette porte et se heurte au mur (DWf 21 : 36). Les emprunts à des films à suspense sont très nets ici, la scène faisant penser aux classiques du genre. Le cri d’angoisse que pousse la protagoniste se mêle au bruit du mur, le réalisateur joue donc consciemment sur le sonore et le visuel, soulignant l’aspect angoissant de l’atmosphère, ce qui diffère du livre : « Ich träumte nicht und erwachte ausgeruht gegen sechs Uhr, als die Vögel zu singen anhoben. » (DW, 26)

52 Le visuel de la porte (le dessin géométrique) est par ailleurs repris dans une autre scène où la protagoniste, ayant entendu des bruits, ouvre cette porte, un couteau à la main. Finalement, elle ne trouve qu’un chat (DWf 36 : 00). Dans le livre, cette séquence est décrite de manière très différente : « An jenem Abend kam die Katze in mein Haus. Als klatschnasses graues Bündel hockte sie vor der Tür und jammerte. » (DW 48)

53 L’alternance entre des couleurs sombres et claires est également très présente dans une scène où la forêt paraît menaçante. La protagoniste marche de nuit dans un bois sombre (DWf 38 : 32). La contre-plongée accentue la puissance et l’aspect menaçant des arbres. À nouveau, il s’agit d’une interprétation du réalisateur, absente du texte original : « Ich habe mich nie nachts im Wald gefürchtet, während ich in der Stadt immer ängstlich war. » (DW 57). À cette scène angoissante succède une image de lever de soleil empreinte de spiritualité (DWf 38 : 54) et correspondant tout à fait à un extrait du texte de Haushofer : « Die ganze Bedrücktheit der letzten Zeit glitt von mir ab und ließ mich leicht und befreit zurück. Wenn ich jemals Frieden empfunden habe, dann war es in jener Juninacht auf der mondbeschienenen Lichtung. […] Der graurosa Himmel färbte sich orange und feuerrot. Es war der erste Sonnenaufgang im Gebirge, den ich erlebte. » (DW 58)

54 Dans une autre scène, la protagoniste découvre des outils de bûcheron abandonnés – on entend alors des bruit mécaniques et sourds lorsque, soudain, la protagoniste pointe son bâton de randonnée comme une arme, ce qui instaure du suspense et contribue aussi à l’évolution du personnage, qui se transforme petit à petit en guerrière (DWf 40 : 24). À nouveau, on entend le bruit spécifique qui annonce le mur, et on voit un tracteur abandonné de l’autre côté du mur – une scène qui ne figure pas dans le texte de Haushofer.

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55 Le réalisateur joue sur un certain suspense entre cauchemar et réalité : juste après le long travelling sur les provisions dans le chalet évoquant une nature morte, il insère des images de thriller (DWf 55 : 14-56 : 36). De nouveau, on perçoit le bruit du mur, la nature paraît hostile, le réalisateur introduit un gros plan sur des rochers noirs. Le personnage principal au teint blafard porte un bonnet sombre et un manteau noir, ce qui tranche avec le plan précédent. Une fois de plus, Pölsler fait allusion au cinéma de Hitchcock (Psychose, 1960, 01 : 14) : des lambeaux noirs sont accrochés dans les arbres. Un sifflement et le bruit du vent accompagnent ces images symbolisant la mort – la protagoniste se réveille soudainement dans le chalet. S’il est question de cauchemars dans le roman, ce rêve précis n’y est pas relaté.

56 En revanche, la longue séquence filmique sur le foehn correspond au contenu du texte original (DW 121). Un gros plan, sombre, lent, lors duquel on entend les cerfs bramer et le vent siffler, annonce la mort de Perle (DWf 01 : 00 : 39-01 : 01 : 38). On perçoit cette fois-ci une musique angoissante associée au bruit du mur, et lorsque la protagoniste part à la recherche de l’animal mort, on ne voit que les lampes à pétrole qui se balancent dans la nuit. Cette dernière scène est toutefois à nouveau très différente de celle du livre où l’animal blessé retourne à la maison (DW 122).

57 En contrepoint des images idylliques qui rappellent le Heimatfilm, le réalisateur souligne l’atrocité de la chasse à laquelle la protagoniste doit se livrer pour survivre. Lors d’une scène qui est soit un cauchemar, soit un rêve éveillé ou bien encore la réminiscence d’une réalité affreuse, les images de la chasse ressortent à la surface. En gros plan, au ralenti, on suit l’agonie de l’animal, associée au bruit du mur. Ces images alternent avec des gros plans sur le visage sombre de la protagoniste allongée dans son lit la nuit (DWf 45 : 04-45 : 46 : 06).

58 Après avoir évidé un daim, la protagoniste pose le cœur de l’animal sur un crochet au milieu d’une fenêtre ouverte (01 : 06 : 28) dans le froid hivernal. Cette séquence figure également dans le texte de Haushofer : « Lange lag ich wach in der knisternden Dunkelheit und dachte an das kleine Herz, das über mir in der Kammer zu einem Eisklumpen gefror. » (DW 141). Cependant, le réalisateur souligne cette image en filmant en gros plan, sur fond noir, le cœur ensanglanté, accompagnant cette scène du bruit diffus du vent (01 : 07 : 29). Mais là encore, l’horreur est esthétisée (proche des natures mortes de Chardin), et à nouveau, la protagoniste se réveille à la fin de la séquence. Dans le texte de Haushofer, elle se contente d’évider l’animal, puisqu’elle est obligée de le faire, et donne le foie à manger à Luchs et au chat – un détail omis à l’écran.

59 Dans le film, l’alternance de scènes idylliques, proches du Heimatfilm, et de scènes angoissantes, qui rappellent le thriller, modifie le message du livre, ce qui est également le résultat de la transposition de l’action romanesque dans l’époque contemporaine du spectateur37.

III. L’actualisation du roman dans le film et ses conséquences : quelques pistes interprétatives

60 Près de quarante ans séparent la publication du roman de Haushofer du film de Pölsler : l’inscription dans des contextes différents de production (1963/2012) entraîne-t-elle inévitablement un décalage, une inflexion du sens ? Quelles sont les conséquences de

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l’actualisation sur le traitement des grands thèmes abordés dans le livre, comme l’écologie, le féminisme, le rôle du mur et la dimension utopique ?

61 Alors que la chasse est présentée dans le roman comme un acte rebutant, mais nécessaire à la survie, elle s’accompagne dans le film d’une critique plus sévère, qui répond à la condamnation de cette activité par un spectateur citadin contemporain dans le contexte d’une société occidentale bien-pensante. La lente agonie d’un jeune cerf (environ une minute, entrecoupée de gros plan sur le visage de la protagoniste) est un exemple de cette critique.

62 De la même façon, l’évocation de la vie de la protagoniste au sein de la nature, telle une nouvelle Robinson38, semble avant tout extraordinaire, cette fois dans le livre comme dans le film, à un lecteur/spectateur citadin. La récolte des foins, la chasse, les plantations et récoltes des pommes de terre, les soins apportés aux animaux constituent le quotidien de la vie à la campagne, surtout dans les années cinquante. On comprend alors que, pour l’auteure comme pour le réalisateur, il s’agit de montrer la transformation d’une femme de la ville en femme de la campagne, dans une situation d’isolement extrême. C’est en ce sens que le roman et le film peuvent être rattachés au genre de la « robinsonnade ». Toutefois, cette transformation ne constitue qu’un aspect de l’évolution. La vie au sein de la nature, détachée des autres hommes, conduit à une problématisation de l’identité du personnage, comme le souligne Wendelin Schmidt- Dengler dans son étude du roman : « Aber das Buch handelt nicht davon, wie ein weibliches Individuum zum Bewußtsein seiner (prometheischen) Individualität kommen kann, sondern vielmehr davon, wie problematisch diese Identität auch wird39. »

63 Cette problématisation est symbolisée par l’opposition entre la figure de la mère et celle de la guerrière, moins nuancée dans le film que dans le roman. La figure de la mère transparaît notamment dans les moments de tendresse avec Perle (DWf 48 : 27) ou avec Luchs (DWf 58 : 18). Ils sont contrecarrés par des images de la protagoniste en costume de guerrière (vêtement dans les tons marron/kaki/noirs, deux fusils portés en croix sur le dos, DWf 48 : 57, 58 : 40). Cette alternance, qui permet de marquer les différentes strates temporelles (protagoniste aux cheveux longs et protagoniste aux cheveux courts), est aussi un moyen de souligner les différentes facettes du personnage. L’image très forte de la guerrière accentue l’interprétation féministe du roman de Haushofer, qui a été tout particulièrement développée lors de la redécouverte du livre à partir des années quatre-vingt40.

64 Parallèlement, la critique n’a pas manqué de relever le rôle métaphorique du mur en s’appuyant sur les propos de Marlen Haushofer elle-même : « Aber, wissen Sie, jene Wand, die ich meine, ist eigentlich ein seelischer Zustand, der nach außen plötzlich sichtbar wird41. » Même si le réalisateur a fait le choix de matérialiser le mur avant tout par le son, il n’en reste pas moins que la métaphore psychologique du mur est plus en retrait dans le film. Alors que le mur est parfois souhaité par une protagoniste misanthrope dans le livre (DW 66, 104, 185), il est subi dans le film, ce qui répond davantage aux attentes du public actuel et pose la question d’une possible utopie.

65 Le roman de Marlen Haushofer a souvent été qualifié par la critique d’« anti-utopie », voire d’« utopie négative »42. Il est vrai que si le premier séjour dans les alpages présente une dimension idyllique, celle-ci est anéantie par l’intrusion meurtrière de l’homme lors du second séjour. Du reste, un passage du roman, repris dans le film, prouve que l’utopie est, au fond, irréalisable : « Dabei wäre es möglich gewesen, anders

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zu leben. Es gibt keine vernünftigere Regung als Liebe. […] Ich weiß nur, daß es zu spät ist. » (DW 238/DWf 01 : 21 : 29). Dans le film, le paysage sombre et le chemin solitaire parcouru par la protagoniste abattue soulignent la mélancolie de ce constat. Derrière le personnage, on peut entendre la voix d’un écrivain d’après-guerre, l’expression « ein unendliches Heer von Toten » évoquée dans cet extrait suggérant une allusion à l’Holocauste.

66 Même si le personnage accepte finalement le mur (DW 264/DWf 01 : 26 : 30) et entre dans un « nouvel ordre » (DW 250/DWf 01 : 24 : 11), cet ordre n’est pas synonyme de paradis. Le visuel du film présentant un personnage de dos dans un paysage hivernal le souligne. La vie du personnage est alors proche du sacerdoce, comme le suggère ce passage du roman, cité dans le film et qui réitère aussi le lien étroit entre la femme et le chien : « Solange es mich gibt, wirst du meine Spur verfolgen, hungrig und sehnsüchtig, wie ich selbst hungrig und sehnsüchtig unsichtbare Spuren verfolge. Wir werden beide unser Wild nie stellen. » (DW 117/DWf 59 : 45). La citation est accompagnée par un gros plan sur le visage désespéré de la protagoniste. Faut-il par ailleurs rappeler qu’après la mort de Luchs, la protagoniste est représentée à l’écran, lorsqu’elle est hors du chalet, avec deux fusils en croix sur le dos ? La comparaison avec le Christ permet au réalisateur d’accentuer, avec une image forte, le sacerdoce de la femme.

67 Le meurtre même réinvestit le motif du péché originel43. Il se déroule en effet dans les alpages, qui incarnent avant cet événement une sorte de paradis, un refuge. Dans le film, le meurtre est annoncé par un bruit sourd, qui est aussi celui associé au mur (DWf 01 : 27 : 40). Plus la protagoniste se rapproche de la cabane avec Luchs, plus le volume sonore augmente. Un gros plan sur une fourmilière, symbole du travail méticuleux accompli par la femme depuis l’apparition du mur, entrecoupe la progression vers la cabane. Cette insertion, comme celles qui suivent et montrent la protagoniste aux cheveux courts, rappelant qu’il s’agit d’un souvenir, renforce le suspense, jusqu’à ce que le spectateur voie la hache, puis l’homme de dos, puis brièvement de face – hirsute et barbu, ce qui tranche avec le physique de la femme, plus soignée, plus humaine. À partir de ce moment, le réalisateur fait le choix du ralenti. Ce choix indique que la séquence est un événement essentiel, tout en traduisant la lenteur de la protagoniste, qui arrive finalement trop tard pour sauver Luchs. Le ralenti permet aussi de s’arrêter sur des détails horribles, comme la tête ensanglantée du taureau. Cependant, l’horreur est contrecarrée par la musique de Bach, qui s’arrête dès que l’homme choit sur le sol. Le bruit strident revient, soulignant le malaise de la protagoniste qui découvre son chien mort. Après un silence lors d’une incursion dans le temps de la narration, la voix en off retentit à nouveau pour commenter ses actions (enterrement de Luchs, soins à Bella), puis le meurtre de l’homme : « Ich war froh, daß er tot war. Und am Leben hätte ich ihn doch nicht lassen können. Oder doch, ich weiß nicht » (DW 273/DWf 01 : 33 : 45). On retrouve ici la misanthropie du personnage, qui creuse une tombe pour le chien et jette l’homme dans le ravin. Après le ralenti très kitsch centré sur Luchs, le plan sur la femme, les cheveux ébouriffés, fait ressortir une ressemblance avec l’homme. On peut imaginer qu’elle a décidé de se couper les cheveux pour supprimer cette ressemblance, même si les cheveux courts contribuent aussi à la masculinisation, voire à la disparition de l’identité sexuelle du personnage44.

68 Le film, comme le livre, s’achève par l’annonce d’un nouveau départ et une forme d’apaisement du personnage après la scène de meurtre : « Jetzt bin ich ganz ruhig. Ich sehe ein kleines Stück weiter. Ich sehe, daß dies noch nicht das Ende ist. Alles geht

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weiter. » (DW 275/DWf 01 : 37 : 27) / « Etwas Neues kommt heran, und ich kann mich ihm nicht entziehen » (DW 275/ DWf 01 : 37 : 38). Le dernier gros plan sur la femme, le regard tourné vers le haut, le visage baigné de lumière sur un fond sombre, puis le blanc indéterminé pourraient suggérer que ce nouveau départ serait la mort, interprétation possible du livre. Pourtant, la mention de la corneille blanche, déjà évoquée auparavant (DW 251-252/DWf 01 : 22 : 10), exprime l’espoir d’un prolongement du quotidien45, même si la corneille blanche incarne aussi la vanité de l’espoir, ce dont la protagoniste a conscience : « [I]ch will, daß die weiße Krähe lebt, und manchmal träume ich davon, daß es im Wald noch eine zweite gibt und die beiden einander finden werden. Ich glaube nicht daran, ich wünsche es mir nur sehr. » (DW 252)

69 L’adaptation cinématographique de Die Wand par Julian Pölsler se caractérise donc par une fidélité certaine au roman, le réalisateur ayant choisi de conserver le texte de Haushofer. Ce choix contribue à l’originalité du film puisqu’il conduit au recours à la voice over. Ce procédé aurait pu aboutir à un film monotone, ce qui est contrecarré par l’opposition entre Heimatfilm et thriller. Cette opposition est en même temps le signe d’une interprétation personnelle du roman par le réalisateur. Ainsi, ce dernier accentue certains aspects du texte, comme l’indépendance de la femme et la dimension écologique. Ce sont du reste ces aspects qui ont contribué à la popularité du roman et qui semblent correspondre à des thématiques proches des préoccupations du public de 2012.

NOTES

1. « Lange hat man den Roman überhaupt für unverfilmbar gehalten: eine Frau allein im Wald, umgeben von einigen Tieren – wie sollen da die Dialoge aussehen? Wie bringt man Haus- und Wildtiere dazu zu tun, was die Geschichte verlangt? Was fängt man filmisch mit der unsichtbaren Wand an? Und wie zwingt man den Wald dazu, seine Hauptrolle im Wechsel der Jahreszeiten zu spielen? » Daniela Strigl, « Frau, allein im Wald. Julian Pölslers gelungene Verfilmung von Marlen Haushofers Roman Die Wand », Volltext 4/2012, p. 22. 2. Pölsler a dû racheter les droits aux ayants droit de la réalisatrice Karin Brandauer, qui avait travaillé sur ce projet jusqu’à son décès. Daniela Strigl, « Frau, allein im Wald. Julian Pölslers gelungene Verfilmung von Marlen Haushofers Roman Die Wand », op. cit., p. 22. 3. Daniela Strigl, « Wahrscheinlich bin ich verrückt… » Marlen Haushofer – Die Biographie, Berlin, List Verlag, 2007. 4. « Einerseits hält Pölsler sich geradezu peinlich genau an die literarische Vorlage, andererseits hat er eine eigenwillige Bild-, aber auch Tonsprache entwickelt, die den Film souverän für sich bestehen lässt. » Daniela Strigl, « Frau, allein im Wald. Julian Pölslers gelungene Verfilmung von Marlen Haushofers Roman Die Wand », op. cit., p. 22. 5. Michel Serceau, L’Adaptation cinématographique des textes littéraires, Liège, Éditions du Céfal, 1999, p. 9. 6. Julian Roman Pölsler, Die Wand, Studiocanal (Arthaus), 2013. Cité par la suite : DWf. 7. « [Die] größte Intention bei der Verfilmung war mit dem Film eine Plattform schaffen können für diesen großartigen Text. » (DWf bonus 01 : 32).

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8. « Und dann war es mir wichtig, möglichst viel von diesem Text in den Film hineinzuübernehmen. » (DWf bonus 01 : 41). 9. Marlen Haushofer, Die Wand, Berlin, List Verlag, 2012, p. 7. Cité par la suite : DW. 10. Certaines citations sont très légèrement déplacées, notamment pour constituer des unités narratives comme celle consacrée à la vache Bella où, dans un passage cité (DW 128), est insérée une citation antérieure (DW 118) suivie d’une citation ultérieure (DW 234/DWf 01 : 04 : 10 – 01 : 04 : 30). 11. Interview de Martina Gedeck, DWf bonus 01 : 18 (« Philosophische Texte »). 12. « [F]ür mich ist der Hund der männliche Hauptdarsteller ». Julian Pölsler im Gespräch mit Christa Gürtler cité dans Marlen Haushofer. Die Wand, édité par Andreas Brandtner et Volker Kaukoreit, Stuttgart, Reclam, 2012, p. 86. 13. http://filmlexikon.uni-kiel.de/index.php?action=lexikon&tag=det&id=1637 [page consultée le 26 juin 2013]. Toutefois, les termes « voix off » et « voice over » peuvent aussi être compris différemment : « […] la voix off est associée par le spectateur à un locuteur situé dans l’univers diégétique, à proximité du “point d’écoute” supposé, mais hors-champ ; la voix-over est quant à elle rapportée à un énonciateur absent, en tant que source verbale, du monde du film (ou de l’un de ses mondes). » : Alain Boillat, Du bonimenteur à la voix-over. Voix-attraction et voix-narration au cinéma, Lausanne, Éditions Antipodes, 2007, p. 23. 14. Boillat, op. cit., p. 328. 15. Dans le texte de Haushofer, le dédoublement est déjà très présent : « Wenn ich jetzt an die Frau denke, die ich einmal war, ehe die Wand in mein Leben trat, erkenne ich mich nicht in ihr. Aber auch die Frau, die auf dem Kalender vermerkte, am zehnten Mai Inventur, ist mir sehr fremd geworden. » (DW 44) 16. Interview de J. R. Pölsler, DWf bonus (07 : 56-09 : 05). 17. Michel Chion rappelle que la musique sert souvent à traduire l’ampleur du décor alpin. Michel Chion, La Musique au cinéma, Paris, Fayard, 1995, p. 220. 18. « La musique a donc ceci de particulier qu’elle peut créer du hors-temps dans le temps – du temps entre parenthèses ». Ibid., p. 212. 19. Celle-ci consiste à introduire une musique en opposition à la scène visualisée. Chion, op. cit., p. 229. 20. Texte de Julian Pölsler, musique de Bernd Jungmair, Cornelius Dix et Jürgen Haiden, interprétée par Zabine. 21. Sur cette question, voir, entre autres, Ulrike Landmann, Der Anti-Heimatroman – ein österreichisches Phänomen ?, Université de Vienne, Mémoire de master, 2012, et Ingeborg Rabenstein-Michel, « Bewältigungsinstrument Anti-Heimatliteratur », in Germanica 42, 2008, p. 157-169. 22. « […] gegen die öffentliche Inszenierung der Amnesie » : Rabenstein-Michel, Ibid., p. 162. 23. Rabenstein-Michel, Ibid., p. 164, et Landmann, op. cit., p. 15. 24. « Heimat wurde so zur überwältigenden, unschuldigen und identitätsstiftenden Naturkulisse stilisiert, die vortheilhaft die historischen Fehlentscheidungen der Menschen verbarg, das heißt, dazu beitrug, die nach 1945 einsetzende Amnesie effizient zu unterstützen. » Ibid., p. 161. 25. « Nicht in ihrer Haut, sondern in der Natur, die ihr zur schützenden Heimat wurde, konnte sie frei sein und in ihren Texten ». Klaus Antes, Das unlebbare Leben der Marlene Haushofer, in Marlen Haushofer, Die Wand mit Materialien, Gisela Ullrich (Hg.), Stuttgart, Klett, 1986, p. 242. 26. Wendelin Schmidt-Dengler, Bruchlinien. Vorlesungen zur österreichischen Literatur, Salzburg/ Wien, Residenz Verlag, 1995, p. 190 sq. 27. Ibid., p. 191. 28. « Einleitung », in Marlen Haushofer, Die Wand mit Materialien, op. cit., p. 229. 29. Marlen Haushofer. Die Wand (Reclam), op. cit., p. 91 et 117.

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30. Strigl, « Frau, allein im Wald. Julian Pölslers gelungene Verfilmung von Marlen Haushofers Roman Die Wand », op. cit., p. 23. 31. Cf. Schmidt-Dengler, op. cit., p. 191. 32. Pour les définitions du genre, voir, entre autres, Lena Marie Gonschiorek, Der österreichische Heimatfilm der 1950er Jahre als Konstrukteur nationaler Identität, Université de Vienne, Mémoire de Master, 2009, p. 59 sq. 33. Isabelle Wallnöfer, Julian Pölsler, « Ich habe Angst vor Kitsch », Die Presse, 29 décembre 2009. 34. Strigl, « Frau, allein im Wald. Julian Pölslers gelungene Verfilmung von Marlen Haushofers Roman Die Wand », op. cit., p. 23. 35. « Hier ist nichts albtraumhaft verzerrt oder originell symbolisch überhöht. Analog zu Haushofers sprachlicher Nüchternheit wählt Pölsler eine durch und durch naturalistische Darstellung. Die Mischung aus Verzweiflung, Angst und unerwartetem Glück findet ihre Übersetzung abwechslungsweise in schwach ausgeleuchteten Bildern, die auch die innere Düsternis der Protagonistin widerspiegeln, und in Postkartenidyllen einer Aussteiger-Einsamkeit mit urigen Holztischen, getrockneten Früchten und malerisch drapierten Katzen, die der Regisseur mit Bach-Partiten unterlegt. » Michèle Wannaz, « Die Wand. Philosophischer Horrortrip », Neue Zürcher Zeitung, 3 janvier 2013. 36. « Thriller ist eine äußerst vage Genrebezeichnung für eine besondere Spielart von Spannungsfilmen. Die Spannung, die im Thriller herrscht, unterscheidet sich aber deutlich vom Suspense: Während im Suspense-Film der Zuschauer einen Wissensvorsprung vor der Figur hat, ist er im Thriller auf gleichem Informationsstand, so dass auch das einfühlende Miterleben des Zuschauers sich auf eine Erlebenssituation richtet, die ausweglos erscheint. Das Genre ist vergleichsweise offen, es ist weniger über eine bestimmte Figurentypik oder thematische Festlegungen definiert als über das Merkmal des thrills, einen hoch wirksamen Mix aus Nervenkitzel und Spannung, der das Publikum bis hin zur Erzeugung physischer Reaktionen erfasst. Um ihn zu erzeugen, ist eine starke Identifikation mit der Hauptfigur nötig, die nicht als Held, sondern als Normalbürger daher kommt. Die Erzählung ist eindeutig aus der Perspektive des Protagonisten erzählt, der in eine Geschichte verstrickt ist, die er weder überblicken noch beherrschen kann. Meist ist er mit dem Tode bedroht – als äußerster und dennoch glaubhaftester Gefährdung. Der Thriller ist die Geschichte eines möglichen Opfers und darum auf eine einzelne Person fokussiert. » http://filmlexikon.uni-kiel.de/index.php?action=lexikon&tag=det&id=362 [26.06.2013] / http://filmlexikon.uni-kiel.de/index.php?action=lexikon&tag=det&id=597 [page consultée le 26 juin 2013] 37. Sur ce point, nous ne partageons pas l’opinion de Daniela Strigl, qui parle de « merkwürdig entrückte Gegenwart ». Daniela Strigl, « Frau, allein im Wald. Julian Pölslers gelungene Verfilmung von Marlen Haushofers Roman Die Wand », op. cit., p. 22. 38. « Halb Robinson, halb heiliger Franziskus ». Schmidt-Dengler, op. cit., p. 191. Pour une comparaison entre le roman de Marlen Haushofer et la tradition du « Robinson » depuis Daniel Defoe, voir Michael Hofmann, « Verweigerte Idylle. Weiblichkeitskonzepte im Widerstreit zwischen Robinsonade und Utopie: Marlen Haushofers Roman Die Wand », in Anke Bosse / Clemens Ruthner (Hrsg.), « Eine geheime Schrift aus dem Splitterwerk enträtseln… » Marlen Haushofers Werk im Kontext, Tübingen/Basel, Francke, 2000, p. 193-205 et plus particulièrement p. 194-199. 39. Ibid., p. 191. 40. « Dieser Roman verweist auf die Situation der Frau, vor allem der Frau, die sich der Kommunikation verweigert, die durchschaut, in welche Dienste sie genommen wird. Die Wand ermöglicht es ihr, unter Schmerzen, sich anders zu realisieren, als es ihre Umgebung zulässt. Aber nicht nur dies: Das Buch ist auch eine Zeitdiagnose, die sich einem unreflektierten Opportunismus sperrt. » Schmidt-Dengler, op. cit., p. 193 ; « […] Reflexion der gesellschaftlichen und der literarischen Stellung eines weiblichen Ich in einer grausamen, bedrängenden, beengenden Umgebung. » Klaus Zeyringer, Österreichische Literatur 1945-1998, Innsbruck, Haymon,

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1999, p. 152. Voir aussi Dagmar C. G. Lorenz, dans Marlen Haushofer. Die Wand (Reclam), op. cit., p. 94-96 et Ulrike Landfester: « Die Frau an der Wand. Projektion und Rezeption Marlen Haushofers in der feministischen Literaturkritik », in Anke Bosse / Clemens Ruthner, op. cit., p. 219-230. 41. Marlen Haushofer im Gespräch mit Raimund Lackenbucher, in Marlen Haushofer. Die Wand (Reclam), op. cit., p. 27. 42. Konstanze Fliedl parle de « Negativutopie », cité d’après Marlen Haushofer. Die Wand (Reclam), op. cit., p. 96. 43. I. L. : « Conditio Humana », Die Presse, 29/30 août 1964, cité d’après Marlen Haushofer. Die Wand (Reclam), op. cit., p. 61-62. 44. Voir DW 82 : « Manchmal war ich ein Kind, das Erdbeeren suchte, dann wieder ein junger Mann, der Holz zersägte, oder, wenn ich Perle auf den mageren Knien haltend auf der Bank saß und der sinkenden Sonne nachsah, ein sehr altes, geschlechtsloses Wesen. » 45. « Die Krähen haben sich erhoben und kreisen schreiend über dem Wald. Wenn sie nicht mehr zu sehen sind, werde ich auf die Lichtung gehen und die weiße Krähe füttern. Sie wartet schon auf mich. » (DW 276/DWf 01 : 38 : 21).

RÉSUMÉS

En octobre 2012 est sortie l’adaptation cinématographique par Julian Roman Pölsler du roman Die Wand de Marlen Haushofer, pourtant a priori peu propice à une transposition à l’écran en raison de son « peu d’action » et de la narration qui se fonde sur le monologue intérieur. Grand admirateur de l’œuvre de Haushofer, le réalisateur a choisi de rendre hommage au texte en le citant, supprimant tout dialogue, à l’exception de quelques bribes de mots. Il ne s’agit pourtant pas d’une simple mise en images du texte original, mais bien d’une adaptation, c’est-à-dire d’une réception dynamique et personnelle. Après avoir abordé le travail de transposition, le présent article se penche sur le rapport du film de Pölsler au Heimatfilm et au thriller. En se référant à ces genres, le réalisateur signe une œuvre personnelle et actualise le message du texte paru en 1963. L’inscription du livre et du film dans des contextes différents est traitée dans une troisième partie, qui rappelle la richesse interprétative du roman de Marlen Haushofer.

Im Oktober 2012 kam Julian Roman Pölslers Verfilmung von Marlen Haushofers Roman Die Wand in die Kinos. Lange galt dieser Roman als „unverfilmbar“, u.a. wegen angeblich „mangelnder“ Handlung und der Erzähltechnik, die fast ausschließlich auf dem inneren Monolog beruht. Der Regisseur, ein großer Bewunderer von Haushofers Werk, zollt dem Ausgangstext Tribut, indem er Originalzitate einbaut und, bis auf einige wenige Ausnahmen, völlig auf Dialoge verzichtet. Und dennoch handelt es sich nicht nur um eine bloße filmische Transposition des Ausgangstextes, sondern um eine wirkliche Bearbeitung, d.h. eine Form von dynamischer und persönlicher Rezeption. In vorliegendem Artikel wird zunächst auf die filmische Umsetzung an sich eingegangen, danach der Bezug zu Heimatfilm und Thriller hinterfragt. Der Regisseur bringt beide Genres in seinen Film ein und aktualisiert gleichzeitig den Roman aus den 60er Jahren. Im dritten Teil des Artikels werden die verschiedenen Interpretationsstränge, die auf unterschiedliche Entstehungskontexte zurückzuführen sind, skizziert.

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In October 2012, the movie adaptation by Julian Roman Pölsler of the novel Die Wand by Marlen Haushofer was released, although it might have seemed hardly suitable for a transposition to the screen at first sight because of its lack of action and of a narration that is based upon the interior monologue. Being a great admirer of Haushofer’s works, the director decided to pay a tribute to the text by quoting it, erasing any dialogue, except for a few words. Yet, it is not a simple turning of the original text into images, it is a true adaptation, i.e. a dynamic and personal perspective. After presenting the work of transposition, the paper will highlight the relation between Pösler’s movie and Heimatfilm and thriller. By referring to these genres, the director creates a personal work and modernizes the message of the text published in 1963. The setting of the novel and the movie within different backgrounds will be presented in a third part, stressing the interpretative wealth of Marlen Haushofer’s novel.

INDEX

Mots-clés : film, cinéma, adaptation cinématographique, thriller

AUTEURS

ELISABETH KARGL Université de Nantes

AURÉLIE LE NÉE Professeur CPGE, lycée Guist’hau de Nantes

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Baader, Vesper und Ensslin im Kino Terrorismus und memoria in Markus Imhoofs Die Reise (1986), Margarethe von Trottas Die bleierne Zeit (1981) und Andres Veiels Wer wenn nicht wir (2011) Baader, Vesper and Ensslin at the movies. Terrorism and memoria in Markus Imhoof’s Die Reise (1986), Margarethe von Trotta’s Die bleierne Zeit (1981) and Andres Veiel’s Wer wenn nicht wir (2011) Baader, Vesper et Ensslin au cinéma. Terrorisme et memoria dans Die Reise (1986) de Markus Imhoof, Die bleierne Zeit (1981) de Margarethe von Trotta et Wer wenn nicht wir (2011) d’Andres Veiel

Julian Reidy

Leben ist narrativ, nicht biologisch. Felix Ensslin

1 Bernward Vespers 1977 posthum erschienener ‚Romanessay‘ Die Reise wird zumeist der sogenannten ‚Väterliteratur‘ zugeordnet, die in jüngster Zeit durch die Forschung neu evaluiert wird1. Der Text hat eine problematische Rezeptionsgeschichte: Oft versuchte die Literaturwissenschaft, Vesper, den Sohn des Nazi-Dichters Will Vesper und Ex- Verlobten Gudrun Ensslins, in die Nähe des Linksterrorismus beziehungsweise eines durch Jürgen Habermas sprichwörtlich gewordenen ‚linken Faschismus‘2 zu rücken. Frederick A. Lubich beispielsweise glaubte in der Reise nachgerade eine „Konversion von der extremen politischen Rechten zur extremen politischen Linken“ wahrzunehmen, mithin „nicht eine Befreiung von der Vergangenheit […], sondern vielmehr ihre Rekapitulation unter ideologisch umgekehrten Vorzeichen“3: Der als Kind durch den Vater rechtsradikal indoktrinierte Vesper geriere sich in seiner literarischen Abrechnung mit der Elterngeneration als ‚linker Faschist‘. Ähnlich, wenn auch nicht ganz so plakativ, äußerte sich Gerd Koenen in seiner nach wie vor als Standardwerk zu bezeichnenden Studie über das Beziehungsdreieck Vesper-Baader- Ensslin. Anhand der Reise diagnostiziert er „in den scheinbar radikalsten politischen Gegenoptionen“, welche die 68er-Bewegung entwarf, „nicht wenige der alten Wahn- und Zwangsvorstellungen der Weltkriegsperiode“4. Eine weitere Belegstelle für diese Sichtweise findet sich bei Michael Schneider, der in Die Reise der „Dynamik nach ein […]

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totalitäres Fühlen“ dargestellt sieht, „in dem die psychische Erbschaft des Nazi-Vaters durchgeschlagen ist“5 – und noch in jüngster Zeit postulierte Ralf Zschachlitz, dass die in der Reise formulierten „Widersprüche […] sich bei genauerem Hinsehen als Kontinuitäten erweisen“6. Dass diese Interpretationen von Vespers im schlimmsten Falle rhetorischen Verfehlungen ( Die Reise hat unbestritten polemische Züge) als Manifestationen eines irgendwie in Form eines ‚Linksfaschismus‘ fortbestehenden deutschen Faschismus – als Manifestationen einer politischen Praxis – fragwürdig sind, habe nicht nur ich an anderer Stelle ausgreifend nachzuweisen versucht7.

2 Im Folgenden soll es nicht darum gehen, die bereits geleistete kritische Analyse dieser sich hartnäckig haltenden Lesart der Reise nochmals aufzuarbeiten. Vielmehr möchte ich zeigen, inwiefern das Medium Film an einer simplizistischen Rezeption der Reise beziehungsweise der Biographien des Dreigestirns Vesper-Baader-Ensslin partizipierte. Spezifische erinnerungskulturelle Paradigmen – und Paradigmenwechsel – lassen sich, dies die Arbeitshypothese, in den unterschiedlichen filmischen Annäherungen an diesen Komplex nachvollziehen. Drei Filme sollen dabei im Zentrum stehen: Markus Imhoofs Die Reise (1986), Margarethe von Trottas Die bleierne Zeit (1981) und Andres Veiels Wer wenn nicht wir (2011). Von Trottas Film basiert nicht auf der Reise, ist aber im Kontext der hier aufgeworfenen Fragestellungen dennoch von Interesse, vor allem in Bezug auf die Art und Weise, wie er bestimmte biographische Ereignisse und intergenerationelle Dynamiken fiktionalisiert. Zu zeigen ist, dass geradezu eine Homologie besteht zwischen simplifizierenden literaturwissenschaftlichen und verflachenden filmischen Interpretationen des durch Die Reise und die Biographien der involvierten ProtagonistInnen gebildeten Stoffs – eine Homologie, die darauf schließen lässt, dass bestimmte Facetten der besagten Filme nicht allein durch individuelle dramaturgische Entscheidungen der jeweiligen Filmemacher zu erklären sind, sondern mit übergeordneten Veränderungen der deutschen Gedächtniskultur verknüpft sind. Schon eine kursorische intermediale Analyse kann womöglich die Wandlungsprozesse fassbar machen, welche in jüngerer Zeit auch in der Germanistik zu grundsätzlichen Relektüren der ‚Väterliteratur‘ geführt haben8.

3 1986 verwendete Markus Imhoof Die Reise als Grundlage für seinen gleichnamigen Film, nahm aber diskussionsbedürftige Modifikationen an Vespers autobiographischen Schilderungen vor. Die auffälligste: Imhoof macht die Vesper-Figur, hier Bertram Voss genannt, kurzerhand zum Terroristen. Die Reise wird hier zudem mit anderen Geschichten amalgamiert, die in die Folklore um 1968 eingegangen sind. Beispielhaft dafür ist, wie Imhoof den tatsächlichen Sorgerechtsstreit zwischen Bernward Vesper und Gudrun Ensslin (die im Film Dagmar heißt) um den gemeinsamen Sohn Felix (im Film Florian) zur Kindesentführung dramatisiert. Zu Beginn des Films bastelt Dagmar an der italienischen Küste mit ihren Komplizen einen Schwangerschaftsbauch aus Blech, in dem ein Sprengsatz geschmuggelt werden soll, und plant, den kleinen Florian nach Beirut in ein Camp oder eine Kommune zu schicken. Bertram vermag Florian mit einigem Geschick zu entführen und wird sodann von Schröder, der Baader- Parallelfigur, auf dem Motorrad verfolgt. Nun diskutierten Vesper und Ensslin, wie ihr Briefwechsel zeigt, tatsächlich über die Frage, ob Felix nicht idealerweise „in ’ne[r] Kommune“9 aufwachsen sollte. Modelliert ist die Filmsequenz allerdings wahrscheinlich nach der Befreiung der Töchter Ulrike Meinhofs und Klaus Rainer Röhls durch Stefan Aust im September 1970, die sich ebenfalls in Italien abspielte. Hier zeigt sich der modus operandi von Imhoofs Film: anekdotische ‚best ofs‘ der

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Protestbewegung wie die Schah-Demonstration und Austs Kinderbefreiung werden mit der Geschichte von Bernward Vesper und Gudrun Ensslin und vor allem den autobiographischen Passagen der Reise über Vespers Kindheit auf Gut Triangel bei Gifhorn kontaminiert. So entsteht ein ziemlich plakatives Zeitbild, das die komplexe Versuchsanordnung der Reise in ebenso bedenklicher Weise nivelliert wie es die Literaturwissenschaft lange tat und bisweilen immer noch tut. Vor allem in Bezug auf zwei Aspekte hat der Film Die Reise an den problembehafteten und lange Zeit dominanten Lesarten des Buches Die Reise teil.

4 Erstens ist Bernward Vesper beziehungsweise dessen Parallelfigur Bertram Voss in Imhoofs Film genau das, was er in Wirklichkeit eben nicht war – ein Terrorist. Ein widerwilliger Terrorist zwar, der im Verlauf der Handlung zum Renegaten wird: Voss/ Vesper entführt seinen Sohn aus den Händen der Untergrundkämpfer und kompromittierte zuvor schon das erste Attentat der Gruppe, einen Brandanschlag nicht auf Kaufhäuser, sondern auf einen Stall mit Polizeipferden, indem er die Pferde vor dem Feuertod rettete. Das ändert aber nichts daran, dass ‚Voss‘, anders als ‚Vesper‘, offenbar ohne groß zu zögern in den Untergrund ging und sich an illegalen Aktionen beteiligte. Die Gründe für diesen Schritt werden nicht direkt durch die Dialoge, wohl aber durch die Dramaturgie und den Schnitt des Films transparent gemacht. Ähnlich wie in Vespers Buch sind nämlich in die Darstellung der Erzählgegenwart immer wieder Rückblenden einmontiert, welche neben der jüngeren Vergangenheit mit dem lockeren WG-Leben und den Demonstrationen primär die Kindheit des Protagonisten unter der Knute der auch nach dem Krieg an der NS-Ideologie festhaltenden Eltern vor Augen führen. Formalästhetisch bildet Imhoofs Reise damit durchaus die Grobstruktur von Vespers Reise nach10, nur eben mit dem besagten Unterschied, dass die filmische Fiktionalisierung des Stoffs auf die traumatische Kindheit eine (scheiternde) Karriere im linksextremen Untergrund folgen lässt – der Film suggeriert mithin allein durch seine Erzählstruktur, dass die Entwicklung Bertrams/Bernwards zum Terroristen eine logische Folge der nationalsozialistisch durchseuchten Kindheit darstellt. Anders ausgedrückt: Imhoof postuliert, bewusst oder unbewusst, genau dieselbe fehlerhafte Symptomatologie, welche die Literaturwissenschaft oft auf Vespers Reise projizierte. Er inszeniert, um Lubichs holzschnittartige These über Die Reise zu zitieren, eine Entwicklung der Hauptfigur „[v]on der Hitler-Jugend zur RAF“11 und stellt somit genau die abstruse Verbindungslinie zwischen ‚rechtem‘ und ‚linkem‘ Faschismus her, die in der Forschung zur Reise lange Konjunktur hatte.

5 Es sei ein „Angst-Hass-Komplex“12, so Lubich, der Will und Bernward Vesper zu Faschisten mache, nur münde dieser „Komplex“ eben in unterschiedliche Feindbilder: „Jude und Kapitalist, das sind die Sündenböcke, durch die Vater wie Sohn ihre paranoiden Angst-Hass-Gefühle zu exorzieren versuchen“13. Diese problematische Interpretation, die, wie oben gezeigt, keineswegs nur Lubich vertritt, passt exakt auf Imhoofs Film – aber nicht auf den literarischen Text, den Lubich eigentlich zu analysieren sucht. Man darf also eine Kongruenz konstatieren zwischen den mehr oder weniger polemischen und ‚entlarvenden‘ literaturwissenschaftlichen Annäherungen an Die Reise – eine Tradition, die von Schneiders 1981 bis zu Zschachlitz’ 2008 erschienenem Aufsatz reicht – und Imhoofs Film, in dem Bertrams und damit Bernwards Geschichte ebenfalls eine „Kontinuität“ zum Totalitarismus des Vaters unterstellt wird. Die eigentlich interessante Frage wird dabei weder vom Filmemacher noch von den Germanisten gestellt; erst kurz vor der Jahrtausendwende artikulierte sie

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Andrew Plowman: „critics […] would […] do better to consider what prevented [Vesper] from following the path of his fiancée“14.

6 Zweitens ist die filmische Darstellung der Eltern – der Parallelfiguren von Will und Rose Vesper – ebenfalls bezeichnend für die germanistische Rezeption der ‚Väterliteratur‘, als deren „Grundmuster“15 Die Reise lange galt. Der Terminus ‚Väterliteratur‘ allein verrät bereits die Verengung des Blickfelds, welche diesem literaturgeschichtlichen Konstrukt zugrunde liegt: Einem kleinen Korpus von Generationenromanen, die in den Siebziger- und Achtzigerjahren erschienen sind, wird als gemeinsamer Nenner die „Kritik am Vater als dem symbolischen Vertreter der Macht und des Gesetzes“16 unterstellt. Bis vor kurzem hoben dementsprechend so gut wie alle Analysen von Texten wie Vespers Reise, Christoph Meckels Suchbild. Über meinen Vater (1980), Elisabeth Plessens Mitteilung an den Adel (1976) und anderen angeblichen ‚Väterbüchern‘ auf diese „Kritik“ an den Vaterfiguren und deren „involvement in National Socialism“17 ab. Diese interpretatorischen Stoßrichtungen unterlegen dem besagten Textkorpus also eine Art Täter-Opfer-Schema: hier die mit historischer Schuld belasteten Väter, dort die anklagenden Nachgeborenen. Die in den Texten durchaus prominent figurierenden Frauen- beziehungsweise Mutterfiguren werden tendenziell außer Acht gelassen18. Derartige problematische Vereindeutigungen sind nun auch in Imhoofs Film festzustellen.

7 In Vespers Reise ist die Mutter im Grunde keinen Deut harmloser als der Vater: „zur Sau gemacht“19 wird dort der junge Bernward von beiden Elternteilen. Als die Eltern beispielsweise während „Wochen“20 nicht mehr mit dem Sohn reden, um ihn für eine kindliche Untat zu bestrafen, schreibt der Knabe dem Vater „mit vielen Buntstiften einen Zettel: ‚Lieber Vater, bitte rede wieder mit mir, sonst komme ich nie wieder‘“21. Die Eltern finden den Zettel, und es ist die Mutter, die grausamerweise ausruft „[d]as werden wir auch noch überleben!“22 Sie ist es auch, die sich Bernwards ersten lyrischen Versuch, der nur aus der Zeile „[e]s handelt sich um eine Sternennacht“ besteht, aneignet und ihn vor der ganzen Familie lächerlich macht: „Es handelt sich um eine Sternennacht. Aus. Weiter ist der Roman bisher nicht gediehen“23. Bernward Vespers Bekanntschaften sodann müssen in erster Linie vor dem Blick der Mutter bestehen, die einige potenzielle Freundschaften mit subtiler Bösartigkeit zerstört24. Das sind nur ausgewählte Kostproben von Rose Vespers Wirken, das Bernward Vesper sicherlich nicht minder traumatisierte als die zahllosen väterlichen Gemeinheiten und Brutalitäten25.

8 Diese Konstellation wird nun in Imhoofs Verfilmung vereinfacht und zugespitzt, und zwar zu Gunsten der Mutter und zu Ungunsten des Vaters: Hier macht sich die Mutter zumindest temporär zur Komplizin des kleinen Bertram/Bernward, indem sie sich bereit erklärt, den Kater des Knaben vor dem Vater geheim zu halten. Was folgt, entspricht dann der Handlung des Buchs: Als „Kater Murr“26 auf dem Gutshof einen Hasen tötet, erschießt ihn der Vater, der Katzen ohnehin für „die juden unter den tieren“27 hält. Die Solidaritätsbekundung der Mutter aber, der im Film eine eigene Szene gewidmet wird, ist im Buch nicht verzeichnet. Ähnlich gestaltet Imhoof die oben erwähnte Schweigestrafe: Im Film finden die Eltern ebenfalls Bertrams/Bernwards Zettel, allerdings enthält sich die Mutter hier des vernichtenden Kommentars – und obwohl sie die Strafe unterstützt, ist sie es, die im Film das Schweigen gegenüber dem Sohn bricht, was dieser dann auch mit kindlichem Triumph feststellen darf. Diese Antipathielenkung gegen den Vater prägt auch den Umgang des Films mit der zweiten

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wichtigen Frauenfigur im Reise-Stoff. ‚Aufgewertet‘ wird nämlich bei Imhoof neben der Mutter auch Dagmar/Gudrun: Anders als im Buch ist sie im Film an einem Weihnachtsfest der Familie Voss/Vesper anwesend und vollkommen geschockt ob dem Verhalten des Vaters, der unter dem Weihnachtsbaum den Holocaust leugnet (während die Mutter bezeichnenderweise ablenken und Weihnachtslieder singen will – in der Weihnachtsschilderung des Buches trägt sie ihrerseits antisemitische Tiraden vor28). Die reale Gudrun Ensslin dagegen scheint solche Skrupel, wenn überhaupt, erst sehr spät verspürt zu haben: Noch zu Beginn der Sechzigerjahre arbeitete sie mit Bernward an einer geplanten Gesamtausgabe der Werke Will Vespers, von der dann nur der erste Band erschien. Die beiden waren sich nicht zu schade, die Edition auch in „deutschnationalen Gesinnungsblättern“29 zu bewerben.

9 Indem Imhoofs Film also einerseits Bernward Vesper zum Terroristen macht und andererseits aus dem ‚Romanessay‘ die Verteufelung des Vaters übernimmt, aber die Mutter und Dagmar/Gudrun deutlich positiver zeichnet, beraubt er Die Reise jeglicher Ambivalenz. Er ordnet sich damit in die oben kritisierte Interpretationstradition der Reise und überhaupt der ‚Väterliteratur‘ ein: Aus einem komplexen autobiographischen Versuch, der durchaus selbstkritisch vom Scheitern der neuen revolutionären Identitätsentwürfe erzählt, wird im Film und in großen Teilen der germanistischen Rezeption eine manichäisch strukturierte Abrechnung mit dem Vater beziehungsweise ‚den Vätern‘ – die Mutter muss in diesem Dispositiv, anders als im Buch, eine marginale und sogar teilweise positiv gezeichnete Figur bleiben. In der Forschung wie im Film wird mithin auf der Basis der Reise und des ganzen Korpus der ‚Väterliteratur‘ bis heute ein angeblich distinkter und für die Siebziger- und Achtzigerjahre prägender „moment […] in German memory culture […]“ konzeptualisiert, für welchen eine bipolare Kategorisierung der Generationen „into victims and perpetrators“30 charakteristisch sei – gedächtnistheoretisch betrachtet, so Aleida Assmann in einer exemplarischen apodiktischen Äußerung, stehe die ‚Väterliteratur‘ allein „im Zeichen des Bruchs“ und der „Abrechnung“31. Ein Blick auf Imhoofs Interpretation der Reise zeigt, dass das Medium Film an diesem vereindeutigenden Diskurs partizipiert. Davon zeugt, als letztes Beispiel, auch der reduktive Umgang mit dem Motiv der ‚Reise‘ des Protagonisten. Im Buch wird es in facettenreicher Weise auch und gerade metaphorisch fruchtbar gemacht32, führt jedoch bei Lubich nur noch „[v]on der Hitler-Jugend zur RAF“ und bei Imhoof ausgerechnet zurück auf den elterlichen Gutshof, wo sich Bertram mit Florian erfolglos vor der Polizei versteckt. Diese spatiale Symbolik ist problematisch, suggeriert sie doch einmal mehr, dass Bertram/Bernward als ‚linker Faschist‘ die Nachfolge seines Vaters angetreten hat33: Eine frühe Szene zeigte nämlich, wie sich der Nazi-Dichter bei Kriegsende ebenfalls im Gutshaus verschanzte, das dann von den Alliierten requiriert wurde. Die bedenklichen Weiterungen, die diesem von Imhoof forcierten Chiasmus eignen, müssen nicht weiter expliziert werden – übrigens ist die narrative Symmetrie erkauft um den Preis jeglicher Plausibilität, denn ein schlechterer Unterschlupf als das Elternhaus ist für einen flüchtigen Terroristen ja kaum denkbar.

10 Der zweite zu diskutierende Film, Margarethe von Trottas Die bleierne Zeit, ist keine Verfilmung der Reise, sondern ein „psychologische[s] Kammerspiel […]“34, das vom Konflikt zwischen zwei Schwestern erzählt: Marianne hat sich dem politisch motivierten Terrorismus verschrieben, Juliane will als Journalistin die Welt mit legalen Mitteln verändern. Als Marianne im Gefängnis Suizid begeht, gleitet Juliane in wahnhafte Verschwörungstheorien ab und verzehrt sich im Versuch, einen Justizmord

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nachzuweisen. Dann aber kommt Mariannes Sohn Jan durch einen Brandanschlag fast zu Tode; Juliane nimmt ihn zu sich. Der Film endet, als die intergenerationelle Kommunikation über Marianne gerade erst beginnt und somit die Möglichkeit einer gemeinsamen Bewältigung der belastenden (Familien-)Geschichte aufscheint. Der Plot basiert auf der Beziehung zwischen Gudrun Ensslin und ihrer Schwester Christiane, die von Trotta als Hauptquelle diente und der der Film auch gewidmet ist35. Er ist lesbar als eine Art Schlüsseltext: Neben Juliane/Christiane und Marianne/Gudrun tauchen auch Parallelfiguren für Bernward Vesper (Werner) und Felix Ensslin (Jan) auf. Der als Alleinerziehender nach Mariannes Gang in den Untergrund komplett überforderte Werner/Bernward, laut Marianne ein kläglicher „ausgeflippter Intellektueller“36, stellt Jan am Anfang des Films unter Julianes Obhut, beklagt, dass er von einem „Zuchtbullen“ namens „Karl“ (ein Baader-Pendant) ausgestochen worden sei und bringt sich in der darauffolgenden Szene um. Bedient wird hier das Klischee von Baader als Alphatier37, gegen das der Intellektuelle Vesper alt aussah. Trotz dieser banalisierten Darstellung muss Die Reise als wichtige Quelle des Films gelten, denn der ‚Romanessay‘ figuriert direkt im Drehbuch: Aus dem langen Bericht über die „Guerilla- Ausbildung“38 in einem jordanischen Fatah-Camp wurden Versatzstücke wortwörtlich übernommen und Marianne/Gudrun zugeschrieben, was schon Julia Schumacher bemerkte39. Der Film zieht also durchaus relevante Kontexte der ‚bleiernen Zeit‘ Ende der Siebziger- und zu Beginn der Achtzigerjahre in Betracht – und bringt diese Ära stellenweise in origineller Manier zur Darstellung, wenn etwa Juliane über die Verstrickung der Frauen in den Nationalsozialismus recherchiert („es waren die Mütter, die die Katastrophe mit herbeiführten“) und damit gemessen am Entstehungsjahr des Films erstaunlich früh die gedächtniskulturelle Fixierung auf die Väter kritisiert. Allerdings rekurriert Die bleierne Zeit gegen Ende auf ein narratives Arrangement, das im Folgenden zu problematisieren ist.

11 Eine stereotypisierte Sichtweise manifestiert sich zunächst in Julianes Delirium nach dem Anblick der toten Marianne: In einer Art Vision erscheint dort der Vater der beiden Schwestern, ein autoritärer Pfarrer, auf der Kanzel, rot beleuchtet und unheilvoll predigend. Wie bei Imhoof fällt mithin das Schlaglicht – hier im Wortsinn – auf die Täter-Väter, im Widerspruch zur früheren Szene, welche die Rolle der Mütter im Nationalsozialismus hervorhob. Noch denkwürdiger ist indes, wie Jans/Felix’ Geschichte zu Ende erzählt wird. Von Trotta inkorporiert drei ‚Brandopfer‘ in ihren Film, die gleichsam typologisch aufeinander verweisen: In zwei Rückblenden wird gezeigt, wie zunächst der Anblick der Leichenberge des Holocaust40 in Alain Resnais Nuit et Brouillard (1955) die halbwüchsigen Schwestern schockiert und wie sie später als junge Frauen die Bilder eines Napalmangriffs in einem Dokumentarfilm über den Vietnamkrieg assoziativ (und zeittypisch) mit den Nazi-Gräueln verbinden. Am Schluss überlebt Jan nur knapp einen von einem unbekannten Täter orchestrierten Brandanschlag. Die Opferrolle wird so durch eine Art Télescopage41 an den Knaben weitergegeben. Nun ist das Gesicht des realen Felix Ensslin tatsächlich vernarbt, allerdings nicht als Resultat eines politisch motivierten Anschlags, sondern eines arbiträren und banalen Unfalls: In Undingen gab es einen Steinbruch, der auch als Müllhalde diente. Ich habe dort als Bub nach Fossilien gesucht und aus Versehen mit dem Hammer auf eine Kanüle mit konzentrierter Salzsäure gehauen, die vermutlich aus einem alten Feuerlöscher stammte. Das Ding ist mir ins Gesicht explodiert. Daher stammen meine Narben.42

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12 Der auf diese Aussage folgende Kommentar des Interviewers ist bezeichnend: „Und ich dachte, Sie seien Opfer eines rechtsradikalen Anschlags geworden“ – ein Irrglaube, den Ensslin lapidar mit von Trottas Film in Zusammenhang bringt: „Das glauben viele, die Margarethe von Trottas Film ‚Die bleierne Zeit‘ gesehen haben. Das Attentat auf mich ist eine Fiktion“43.

13 Weshalb es von Trotta für angezeigt hielt, eine solche „Fiktion“ zu konstruieren, ist wahrscheinlich ähnlich zu erklären wie Imhoofs Vereinfachungen der Reise: Das Widersprüchliche und Zufällige wird vereindeutigt und zugespitzt, um trennscharfe Frontverläufe im Sinne einer Täter-Opfer-Dichotomie zu schaffen. Felix wird dabei nicht einfach nur aus filmemacherischer convenience zum Opfer gemacht, weil das halt ‚spannender‘ oder ‚berührender‘ ist. Vielmehr scheint die politisch stark aufgeladene ‚bleierne Zeit‘, also der „moment […] in German memory culture […]“, dem auch Imhoofs Reise zuzuordnen ist, geradezu eine Dramaturgie zu erzwingen, welche Felix Ensslins individuelle Biographie sich aneignet, um sie in ein symmetrisch angelegtes44 Vergangenheitsbewältigungsnarrativ einzupassen. Die diskursive Myopie des erinnerungskulturellen Zusammenhangs lässt gar keine andere Umsetzung zu. In Felix Ensslins Worten: Es hieß sofort: Das muss ein Anschlag gewesen sein. Es war ja 1978. Es gab Angehörige, die haben ehemalige Polizisten mit Untersuchungen beauftragt, weil es ihnen schwerfiel, den Unfall losgelöst von Gudrun und der RAF zu sehen. Und plötzlich beginne ich als Kind, mich dafür zu schämen, dass es nur ein Unfall war und kein Anschlag und ich so den Erwartungen nicht gerecht wurde.45

14 Wie Imhoofs Film Bernward Vesper und dessen ‚Romanessay‘ in eine ganz bestimmte Erzählung über den bundesdeutschen Terrorismus einbettete und damit verzerrte, deformiert also von Trotta die Biographie von Vespers Sohn.

15 Der Effekt dieser Verfremdung besteht darin, dass am Ende des Films Jan als Opfer und Vertreter der jüngsten Generation in die Pflicht genommen wird: Er verlangt von Juliane, ihm „alles“ über seine Mutter zu erzählen. Das Frame, in welchem Juliane zu dieser Erzählung ansetzt, wird einige Sekunden lang eingefroren und markiert das Ende des Films. Dadurch wird eine enorme visuelle Emphase auf den Beginn dieses intergenerationellen Kommunikationsprozesses gelegt, dem der Film zumindest implizit therapeutisches Potenzial zuzuschreiben scheint. Dafür spricht jedenfalls die Art und Weise, wie die Auflösung von Jans Geschichte den Faden einer früheren Szene aufgreift. Kurz vor der den Film beschließenden Darstellung des keimenden Austauschs zwischen Tante und Neffe zeigt von Trotta nämlich, wie Juliane einen Journalisten von ihrer Verschwörungstheorie zu überzeugen versucht, Marianne sei im Gefängnis ermordet worden. Seine Reaktion: Ob Mord oder Selbstmord interessiert keinen Menschen mehr. […] Ihre Schwester [und] diese ganze Bewegung gehören in die späten Sechziger-, die Siebzigerjahre. Was heute aktuell ist – Dritte Welt, Islam, Energiekrise […]. […] Aktuell sein heißt: Zum richtigen Zeitpunkt die richtige Meldung. Alles andere gehört auf den Misthaufen der Geschichte […].

16 Der Zynismus des Journalisten kontrastiert am Ende mit Jans verzweifeltem und aufrichtigem Wunsch, „alles“ über seine Mutter zu erfahren46. Eine von sensationsgierigem und nur an Tagesaktualitäten interessiertem Journalismus geprägte öffentliche Gedächtniskultur stößt hier auf ein privates und womöglich heilsames Gedenken, das der Komplexität der Thematik Rechnung tragen könnte: Im Rahmen

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dieses Gedenkens sind die ideologischen Verhärtungen suspendiert, darf Marianne noch oder wieder „eine außergewöhnliche Frau“ sein, wie es Juliane formuliert.

17 Liest man aber das Ende von Die bleierne Zeit gegen den Strich, wird deutlich, dass der Film im Kern eine ähnlich zynische Rezeptionserwartung bedient wie der Journalist. Denn das der Schlussszene innewohnende therapeutische Potenzial entsteht erst durch eine Verfälschung von Felix Ensslins Biographie: Aus seinem Unfall wird ein Anschlag, der seine Parallelfigur Jan zu einem genuinen Opfer macht. So werden die Tatsachen nicht nur umgebogen, sondern derart sensationalisiert, dass es dem abgebrühten Journalisten alle Ehre machen würde. Ambivalenz und Zufälligkeit sind wie in Imhoofs Films tendenziell eingeebnet zugunsten einer teleologisch strukturierten Handlung, deren Verlauf die jüngste Generation durch die Last der Geschichte in immer schon festgefügte Handlungsmuster zwängt: Wenn die narrative Logik von Imhoofs Reise suggeriert, dass Bertram/Bernward zum Terroristen werden musste, so legt die letzte Einstellung in Die bleierne Zeit nahe, dass das ‚gebrannte Kind‘ Jan/Felix die Vergangenheit zu verstehen suchen muss, um überhaupt eine Chance auf irgendeine Art von Normalität zu haben. In beiden Filmen werden somit individuelle Biographien durch deren Erzähler, nicht deren tote oder wehrlose biologische Repräsentanten, einer spezifischen gedächtniskulturellen Dynamik mit der Brechstange angepasst – eine Usurpation der Deutungshoheit durch die Kunst, die eine Art Übergriff darstellt, wie Ensslin bemerkt: Margarethe von Trottas Film ‚Die bleierne Zeit‘ [...] endet mit dem Film-Felix, wie er das Bild seiner Mutter zerreißt und sagt: ‚Ich muss aber alles wissen.‘ Ja, will ich das? Wenn man 14 ist, braucht man noch Zeit, bis man versteht, dass dies mehr über die aussagt, die das einfordern, als über mich.47

18 Der Film leistet letztlich, indem er Fakten freimütig anpasst, dem Vorschub, was Ensslin anderswo mit explizitem Bezug auf Die bleierne Zeit als „tragische Heroisierung“ 48 bezeichnet und kritisiert hat: Julianes manischer, ja pathologischer Aufklärungseifer, ihre Solidarität mit der „außergewöhnlichen“ Schwester, perpetuiert sich und wird auf einen Nachgeborenen übertragen. Und zwar, wie oben ausgeführt, in einer positiv markierten und damit ‚heroisierenden‘ Szene, die der eigentlichen Tragik des Endes nicht gerecht wird – diese bestünde ja gerade darin, dass einerseits niemand den Knaben fragt, ob er sein Erbe überhaupt antreten will und andererseits keineswegs sicher ist, ob dieses Erbe irgendwelche befriedigenden Antworten bereithält.

19 Wenn Bernward Vesper und sein Sohn in den Filmen von Markus Imhoof und Margarethe von Trotta als „over-simplified and heavily modified recreations“ figurieren, wie Ilka Rasch mit Bezug auf die Vesper-Figuren in Die Reise und Die bleierne Zeit feststellt, so ist diese Darstellung nicht nur einer „strong preference among filmmakers for valorizing the politics of deed“ im Sinne einer „Hollywood Narrative“ geschuldet49. Gedächtnistheoretisch gesprochen, zeugen solche simplifizierenden Narrativierungen vielmehr von einem „allgemeinen Diskurs“50, wie auch Ensslin anmerkt – sie zeugen mithin auch und gerade von dem von Cameron beschriebenen übergreifenden „moment […] in German memory culture […]“, der in den Siebziger- und Achtzigerjahren stark dazu tendierte, der jüngeren Geschichte eine Opfer-Täter- Dynamik einzuschreiben und den Fokus auf intergenerationelle Konfrontation zu legen. Dafür spricht, dass sich diese Perspektive eben nicht nur im zeitgenössischen deutschen Filmschaffen konstituierte, sondern auch in der literaturwissenschaftlichen Rezeption dieser Epoche – Stichwort ‚Väterliteratur‘. Dass diese Filme ebenso wie bestimmte literaturwissenschaftliche Konzepte die Produkte einer bestimmten und

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seinerzeit dominanten Form der memoria sind, belegt aber auch ein Blick auf den jüngsten Film über den Themenkomplex, der ganz andere Wege geht und demnach einem anderen erinnerungskulturellen Kontext entspricht. Die Rede ist von Andres Veiels eingangs erwähntem Film Wer wenn nicht wir.

20 Die Diskrepanz zwischen Veiels Darstellung des Reise-Stoffs und den beiden bisher besprochenen Filmen zeigt sich deutlich, wenn man die Umsetzung der Kater Murr- Episode in Wer wenn nicht wir mit Imhoofs Die Reise vergleicht. Bei Imhoof wird durch die Tötung des Tiers zum einen der Vater-Sohn-Konflikt in einer Weise zugespitzt, die nicht einmal mehr durch den Text gestützt ist, da sich die Mutter zunächst auf die Seite Bertrams/Bernwards stellt und so den Vater umso monströser erscheinen lässt. Zum anderen ermöglicht die Szenenfolge eine – etwas krude – Exposition: Verärgert durch den Kater hält der Vater beim Abendessen seine politischen Tiraden und gibt damit zu erkennen, wes Geistes Kind er ist. Die Binnenepisode ist symptomatisch für die Vereindeutigungsstrategie, welche den ganzen Film durchzieht. Imhoof inszeniert die stereotype intergenerationelle Dynamik von „Bruch […]“ und „Abrechnung“, die die Forschung Vespers Reise (und der ‚Väterliteratur‘ generell) fälschlicherweise oft zuschreibt. Ganz anders wird die Geschichte von Kater Murr in Veiels Film dramatisiert. Sie dient hier nicht als Plattform für die möglichst plakative Entlarvung eines unverbesserlichen Nazis, sondern als Allegorie für die fatale Ko-Dependenz zwischen Bernward und Will Vesper. Der Vater didaktisiert gleichsam die Ermordung des Katers: Veiel zeigt, wie er den Kindern liebevoll aus einem – übrigens authentischen – Märchen vorliest, in welchem eine „Katzenbestie“ den Gesang der Nachtigallen auf Gut Triangel zum Verstummen bringt51. In dieser scharfsinnigen Inszenierung steckt die ganze toxische „mixture of love, death, [and] Nazi ideology“ sowie Will Vespers pathologischer „need for recognition as an author to which Bernward was exposed during his formative years at Triangel“52. Somit gelingt es Veiel, ohne Schwarz-Weiß-Malerei, aber auch ohne jegliche Euphemisierung, der Komplexität der in Die Reise beschriebenen Vater-Sohn-Beziehung Rechnung zu tragen: Wer wenn nicht wir zeigt treffend und konzis, dass die Fronten zwischen Bernward und Will Vesper keinesfalls immer klar waren und die Vater-Sohn-Beziehung vielmehr zwischen Nähe und Distanz oszillierte – wobei Bernward Vespers gescheiterter Plan einer Will- Vesper-Edition deutlich macht, dass in dieser Gemengelage die Nähe bis weit in die Sechzigerjahre überwog.

21 Was den Kern der Handlung betrifft, der in Vespers Buch nicht durch die Pole Bernward-Gudrun, sondern Bernward-Will gebildet wird, gelingt es also Veiel und seinen DarstellerInnen, die für den ‚Romanessay‘ zentrale Ambivalenz in das Medium Film zu transponieren. Denn Die Reise zeigt Generationenbeziehungen, die im Zeichen tiefgreifender, verheerender Ambivalenz stehen und nicht als simple Binäroppositionen zu fassen sind. Für Bernward Vesper ist der Vater nicht in erster Linie eine Hassfigur, sondern ein sagenumwobener, janusköpfiger Demiurg, der im Guten wie im Schlechten über das Leben seiner Kinder gebietet und dessen Macht den Tod überdauert. Apostrophiert wird er in der Reise unter anderem als „gott, der mit unsichtbaren kräften kommuniziert […]“53, bei seinen Kindern „GOTT-angst“54 „erzeug[t]“55, aber nach seinem Tod ausgerechnet durch den Sohn „heulend“56 betrauert wird. Bernward Vesper war darüber hinaus durchaus in der Lage, die individuelle und gefühlsbetonte Perspektive hintanzustellen und analytische Zugänge zur eigenen Familiengeschichte zu entwickeln – der Vater interessiert ihn nämlich

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primär als Synekdoche, als „einer von millionen“57, die aus welchen Gründen auch immer der nationalsozialistischen Ideologie anheimfielen.

22 Weil diese Vielschichtigkeit den Medientransfer vom Buch zum Film übersteht, darf man Veiel eine erhöhte erinnerungskulturelle Sensibilität attestieren, über die Imhoof und von Trotta in ihrem spezifischen „moment […] in German memory culture […]“ noch nicht zu verfügen schienen. Gedächtnistheoretisch gesprochen könnte man festhalten, dass der oft verkannte Facettenreichtum der Reise, den Veiel in Wer wenn nicht wir überführt, dem gerecht wird, was Vittoria Borsò als ‚Alterität‘ bezeichnet: Sie warnt davor, „kulturelles Gedächtnis [...] als das Abrufen von historischen Inhalten aus externen Speichern“ zu verstehen; es müsse vielmehr „als komplexer Vorgang von Vergessen, Verwerfung und Wiederaufbereitung gelten“58. Für einen solchen Gedächtnisbegriff bedeutet Alterität, wie Friederike Eigler prägnant formuliert, die „Einsicht […]“, dass Erinnerung „durch Spuren ‚des Anderen‘ konstituiert“ wird, also nicht einfach „abrufbar oder instrumentalisierbar“ ist; dem „Gedächtnismedium“ selbst wohnen widersprüchliche „Aspekte“ inne, „die sinnkonstituierende Diskurse stören oder unterlaufen können“59. Dieser ‚störenden‘ Alterität eignet ein sozusagen ethischer Impetus, und die Tendenz öffentlicher oder literarischer Gedächtnisdiskurse, Alterität „aus[zu]grenz[en]“, um „eine zeitüber-dauernde [sic] Identität [zu] postulieren“, ist problematisch: Denn erst die Alterität im Sinne Borsòs verhindert, dass „Gedächtnisse“ zu „durchsichtigen Fenster[n]“60 stilisiert werden – eine solche Instrumentalisierung der Erinnerung zugunsten einer „Selbstvergewisserungsfunktion“ schlösse auf fahrlässige Weise die ‚alteritären‘ Merkmale aus, die dem Gedächtnismedium als „Spuren der Auseinandersetzungen […] mit dem Verdrängten“61 immer schon eingeschrieben sind62.

23 Die in den Achtzigerjahren und noch unter dem Eindruck des ‚Deutschen Herbsts‘ entstandenen Filme von Imhoof und von Trotta verwerten Vespers ‚Romanessay‘ beziehungsweise die Biographien einiger Hauptfiguren der Ereignisse im Gefolge von 1968 in einer Manier, welche der Alterität der Vergangenheit, ihrer Ambivalenz und Widersprüchlichkeit, nicht gerecht wird. Die Filme vereinfachen, verfremden und pointieren so stark, dass sie aus heutiger Sicht als problematisch gelten müssen. In ihnen scheint tatsächlich das Primat einer „Selbstvergewisserungsfunktion“ zu herrschen, der all jene Aspekte der Historie zum Opfer fallen, die der „Wiederaufbereitung“ und Narrativierung der Vergangenheit im Wege stehen könnten. Den filmischen Simplifizierungen Imhoofs und von Trottas entspricht eine Form der literaturwissenschaftlichen Auseinandersetzung mit Die Reise und der ‚Väterliteratur‘, die ebenfalls vereinfachend und polemisierend strukturiert ist und an der Alterität des Stoffs scheitert. Dieses nachgerade kollusive Verhältnis zwischen den beiden Filmen und einer langen, nicht nur für Die Reise zweifelsfrei diagnostizierbaren Rezeptionstradition lässt darauf schließen, dass es sich hier um ein erinnerungskulturelles Problem handelt – und die Neigung, ‚alteritäre‘ Aspekte der Geschichte auszusparen und die Vergangenheit zum Zwecke der Identitätsstiftung und Selbstvergewisserung zu instrumentalisieren, ist keineswegs überwunden. Das zeigt allein schon die Rezension der Tageszeitung über Wer wenn nicht wir: Für den kleinen Felix finde der Film „überhaupt kein Instrumentarium“, dabei hätte es sich doch angeboten, ihn als „perspektivische[n] Schlüssel“ zu begreifen, „um aus dem Jetzt und Heute an die Geschichte heranzugehen […] und ihr am Ende eine neue Wendung zu geben. So viel Freiheit muss Kunst sich nehmen“63. Moniert wird hier genau das, was den Film vor Imhoofs Reise und Die bleierne Zeit als Hervorbringung eines

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differenzierteren „moment […] in German memory culture […]“ auszeichnet: seine Widerstandsfähigkeit gegen die Tendenz, aus der Historie Sinnangebote zu destillieren und dabei ihre Alterität zu eliminieren – sein Verzicht auf eine trügerische „Freiheit“.

NOTES

1. Siehe hierzu Julian Reidy, Vergessen, was Eltern sind. Relektüre und literaturgeschichtliche Neusituierung der angeblichen Väterliteratur, Göttingen, V & R unipress, 2012. 2. Jürgen Habermas, Protestbewegung und Hochschulreform, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 2008, S. 148. 3. Frederick Alfred Lubich, „Bernward Vespers Die Reise. Von der Hitler-Jugend zur RAF. Identitätssuche unter dem Fluch des Faschismus“, in: German Studies Review 1987, 10, 1, S. 69-94, hier S. 77. 4. Gerd Koenen, Vesper, Ensslin, Baader. Urszenen des deutschen Terrorismus, Frankfurt am Main, Fischer, 32009, S. 312. 5. Michael Schneider, „Über die Aussen- und Innenansicht eines Selbstmörders. Notwendige Ergänzungen zu Bernward Vespers Die Reise“, Ders., Den Kopf verkehrt aufgesetzt oder die melancholische Linke, Darmstadt und Neuwied, Luchterhand, 1981, S. 72. 6. Ralf Zschachlitz, „‚Akzeptieren des Widerspruchs als oberstes Prinzip’. Bernward Vespers Romanessay Die Reise als Dokument einer Befindlichkeit um 68“, in: Cahiers d’Études Germaniques, 2008, 54, 1, S. 93-117, hier S. 117. 7. Siehe zu einer Kritik dieser Rezeptionstradition der Reise Andrew Plowman, „Bernward Vesper’s Die Reise. Politics and Autobiography between the Student Movement and the Act of Self-Invention. German Autumn. The Critical Reception of Die Reise“, in: German Studies Review, 1998, 21, 3, S. 507-524; Gerrit-Jan Berendse, „Schreiben als Körperverletzung. Zur Anthropologie des Terrors in Bernward Vespers Reise“, Monatshefte für deutschsprachige Literatur und Kultur, 2001, 93, 3, S. 318-333; Reidy, a.a.O., S. 127ff. 8. Ich verweise abermals auf meine Studie zur Thematik (s. Anm. 1) und, spezifisch auf Vesper bezogen, auf Andrew Plowmans Aufsatz über Die Reise (s. Anm. 7), in dem der Text erstmals in unaufgeregter und unideologischer Manier als intrikates, auf eine bestimmte Form der Identitätsbildung abzielendes Projekt gelesen wird. 9. Gudrun Ensslin / Bernward Vesper / Caroline Harmsen u.a. (Hrsg.), ‚Notstandsgesetze von Deiner Hand’. Briefe 1968/1969, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 2009. Hier: Brief von Gudrun Ensslin an Bernward Vesper, 2.5.1968, S. 58. 10. Der Roman weist drei Erzählebenen auf: Die in der Erzählgegenwart angesiedelten theoretischen, politischen und tagesaktuellen Reflexionen; die ‚Reise‘ Vespers von Dubrovnik nach München und ins Schwabenland, kombiniert mit Beschreibungen von Drogentrips und rezenten Erlebnissen, und schliesslich die autobiographischen Schilderungen des ‚einfachen Berichts‘. Siehe zur Struktur der Reise auch Georg Guntermann, „Tagebuch einer Reise ins Innere des Autors“, Zeitschrift für Deutsche Philologie, 1981, 100, S. 231-253. 11. Lubich, a.a.O., S. 69. 12. Ebd., S. 78. 13. Ebd., S. 82. 14. Plowman, a.a.O., S. 508; Hervorhebung nicht im Original.

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15. Wolfgang Frühwald, „Vaterland – Muttersprache. Zur Tradition der modernen Väterliteratur“, in: Karl Ermert (Hrsg.), Deutsche Väter. Über das Vaterbild in der deutschsprachigen Gegenwartsliteratur. Loccumer Protokolle 6/1981. Tagung vom 20. bis 22. Februar 1981, Rehburg-Loccum, Evangelische Akademie Loccum, 1981, S. 99-124, hier S. 118. 16. Regula Venske, „Frauenliteratur – Literatur von Frauen“, in: Klaus Briegleb / Sigrid Weigel (Hrsg.), Gegenwartsliteratur seit 1968, München, dtv, 1992, S. 245-278, hier S. 272. 17. Helmut Schmitz, „Dealing with the Obscenity of Death: Aesthetics, Ritual and Memory in Jutta Schutting’s Der Vater“, in: Harriet Murphy (Hrsg.), Critical Essays on Julian Schutting, Riverside, Ariadne Press, 2000, S. 64-88, hier S. 65. 18. Siehe zu dieser Problematik v. a. Reidy, a.a.O., S. 11-59; S. 319-345 u. öfter. 19. Bernward Vesper, Die Reise, Reinbek, Rowohlt, 2009, S. 20. 20. Ebd., S. 340. 21. Ebd., S. 341. 22. Ebd., S. 342. 23. Ebd., S. 344f. 24. Siehe ebd., S. 382f. 25. Dieser Absatz wurde mit einigen Änderungen übernommen aus Reidy, a.a.O., S. 64f. 26. Vesper, a.a.O., S. 355. 27. Ebd., S. 636. Ich übernehme in den Zitaten Bernward Vespers orthographische Idiosynkrasien. 28. Siehe ebd., S. 464. 29. Koenen, a.a.O., S. 31. 30. Jennifer Cameron, „Categorically Complicit. Generation Discourse in Contemporary German Literature“, in: Katharina Hall / Kathryn N. Jones (Hrsg.), Constructions of Conflict. Transmitting Memories of the Past in European Historiography, Culture and Media, Frankfurt am Main, Peter Lang, 2011, S. 35-52, hier S. 45f. 31. Aleida Assmann, Generationsidentitäten und Vorurteilsstrukturen in der neuen deutschen Erinnerungsliteratur, Wien, Picus Verlag, 2006, S. 26; Hervorhebung im Original. 32. Siehe Anm. 10. 33. In die Fußstapfen des Vaters wird Bertram/Bernward auch durch einen Kommentar der schwangeren Dagmar/Gudrun am Weihnachtsfest gerückt: „Du bist doch jetzt der Vater!“ 34. So Norman Ächtler im Interview mit der Regisseurin, siehe Carsten Gansel / Norman Ächtler, „‚Verstehen, wie Geschichte auf die Menschen wirkt‘. Ein Gespräch mit Margarethe von Trotta über ‚Die bleierne Zeit‘“, in: Dies. (Hrsg.), Ikonographie des Terrors? Formen ästhetischer Erinnerung an den Terrorismus in der Bundesrepublik 1978-2008, Heidelberg, Winter, 2010, S. 383-394, hier S. 387. 35. Siehe ebd., S. 383. 36. Wobei „ausgeflippt“ auch in Die Reise ein wichtiger Begriff ist, siehe Vesper, a.a.O., S. 140; S. 293; S. 618. 37. Siehe hierzu z. B. Anita Blasberg, „Mythos Rote Armee Fraktion“, in: Peter Tepe u.a. (Hrsg.), Mythos n°1. Mythen in der Kunst, Würzburg, Königshausen & Neumann, 2004, S. 176-195, hier S. 189. 38. Vesper, a.a.O., S. 435ff. 39. Siehe Julia Schumacher, Filmgeschichte als Diskursgeschichte. Die RAF im deutschen Spielfilm, Berlin, LIT Verlag, 2011, S. 39. Die Rede ist von dieser Passage: „Und eines Tages ging ich in einen kleinen Laden, um einen Schreibblock zu kaufen; der Besitzer sah mein Fatah- Abzeichen und weigerte sich, Geld von mir anzunehmen. ‚Es ist für die Revolution‘, sagte er. Als er auch Geld für Zigaretten verweigerte, machte ich ihm klar, daß sie für meinen persönlichen Verbrauch bestimmt waren und mit der revolutionären Arbeit nicht zusammenhingen. Darauf akzeptierte er, daß ich sie bezahlte. […] Am ersten Tag behielt ich meine Kosmetiktasche zurück,

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doch schon am nächsten Tag kam mir das sehr komisch vor und ich gab auch sie ab. […] Niemand zwingt einen, man wartet, bist [sic] du von selbst darauf kommst“ (Vesper, a.a.O., S. 437). Es ist allerdings unwahrscheinlich, dass Vesper diesen Bericht von Gudrun Ensslin erhielt, mit der er zu jenem Zeitpunkt den Bruch bereits vollzogen hatte. Koenen vermutet hinter der nicht namentlich genannten Guerillera vielmehr Ina Siepmann, siehe Koenen, a.a.O., S. 284. 40. Diese Bilder passen aufgrund der wörtlichen Bedeutung von ὁλόκαυστον – ‚vollständig verbrannt‘ – in das dreiteilige Brandopfer-Syntagma von Die bleierne Zeit. 41. Der Begriff stammt von Sigrid Weigel und bezeichnet einen Mechanismus transgenerationeller Traumatisierung, der bildhaft als ausgezogenes Teleskop gefasst werden kann: „transgenerational traumatisation affects a generation who did not participate in the events from which the trauma arises“ und resultiert aus „a kind of télescopage in the language of the unconscious, a figure of a distorted genealogy, where a bond is created between the generations, which continues to work actively within the memory“ (Sigrid Weigel, „Families, Phantoms and the discourse of ‚Generations‘ as a politics of the Past. Problems of Provenance. Rejecting and Longing for Origins“, in: Stefan Berger u.a. (Hrsg.), Narrating the Nation. Representations in History, Media and the Arts, New York und Oxford, Berghahn, 2008, S. 133-152, hier S. 148). 42. Frank Buchmeier, „‚Widerspruch steckt in der Sache‘. Interview mit Felix Ensslin“, in: Stuttgarter Zeitung, 10.6.2010, http://www.stuttgarter-zeitung.de/inhalt.interview-mit-felix- ensslin-widerspruch-steckt-in-der-sache.452ffa9f-6a2e-4abb-a285-ebdcbdabf39a.html? redirectToMobile=false (14.4.2013). 43. Ebd. 44. Der ursprüngliche Filmtitel lautete Der Tausch – Juliane und Marianne ‚tauschen‘ die Rollen (in den Rückblenden auf die Kindheit ist Juliane die Rebellin und Marianne die Angepasste), und mittels Rollentransfer wird über das Motiv des ‚Brandopfers‘ der Opferstatus auf Jan übertragen. 45. Philipp Oehmke / Martin Wolf, „‚Ihr spinnt ja, Mutter ist in der Küche‘“, in: Der Spiegel, 2011, 13, http://www.spiegel.de/spiegel/print/d-77745610.html (14.4.2013). 46. Allerdings ist auch dieser Wunsch ambivalent: Schließlich hat Jan unmittelbar bevor er ihn äußert eine Fotografie Mariannes akribisch zerrissen und in den Abfalleimer befördert, seine Mutter also wortwörtlich auf dem „Misthaufen der Geschichte“ entsorgt. 47. Oehmke / Wolf, a.a.O., keine Paginierung. 48. Felix Ensslin, „Die doppelte Verdrängung“, Die Zeit, 26.3.2007, http://www.zeit.de/2007/13/ RAF-Staatsverstaendnis/komplettansicht (14.4.2013). 49. Ilka Rasch, „On Toxic Unions and the Angel of History. The Making of Bernward Vesper in Andres Veiel’s Wer wenn nicht wir (2011)“, in: Thomas Richter / Julian Reidy (Hrsg.), Bernward Vesper [in Vorbereitung]. 50. Brigitte Werneburg / Harald Fricke, „Die Zumutung darf sehr weit gehen“, in: Die Tageszeitung, 24.1.2005, http://www.taz.de/1/archiv/archiv/?dig=2005/01/24/a0227 (14.4.2013). 51. Beim Märchen handelt es sich um Der Kernbeisser. Märchen um Triangel, das 1952 erschien. Siehe hierzu Rasch, a.a.O. [in Vorbereitung]. 52. Rasch, a.a.O. [in Vorbereitung]. 53. Vesper, a.a.O., S. 668. 54. Ebd., S. 696. 55. Ebd., S. 637. 56. Ebd., S. 579. 57. Ebd., S. 668. 58. Vittoria Borsò, „Einleitung“, in: Dies. u.a. (Hrsg.), Medialität und Gedächtnis. Interdisziplinäre Beiträge zur kulturellen Verarbeitung europäischer Krisen, Stuttgart, Metzler, 2001, S. 9-20, hier S. 12.

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59. Friederike Eigler, Gedächtnis und Geschichte in Generationenromanen seit der Wende, Berlin, Erich Schmidt Verlag, 2005, S. 55. 60. Vittoria Borsò, „Gedächtnis und Medialität: Die Herausforderung der Alterität. Eine medienphilosophische und medienhistorische Perspektivierung des Gedächtnis-Begriffs“, in: Medialität und Gedächtnis (wie Anm. 58), S. 23-53, hier S. 36. 61. Ebd., S. 48. 62. Die Beschreibung des Alteritätskonzepts entstammt mit minimen Anpassungen Julian Reidy, Rekonstruktion und Entheroisierung. Paradigmen des ‚Generationenromans‘ in der deutschsprachigen Gegenwartsliteratur, Bielefeld, Aisthesis, 2013 [im Druck]. 63. Andreas Fanizadeh, „Nachkrieg und Verzweiflung“, in: Die Tageszeitung, 8.3.2011, http:// www.taz.de/!67045/ (16.4.2013).

RÉSUMÉS

Bernward Vespers 1977 posthum erschienener ‚Romanessay’ Die Reise hat eine lange und problematische Rezeptionstradition: Auch von Literaturwissenschaftlern wurde immer wieder versucht, Vesper, den Ex-Verlobten Gudrun Ensslins, in die Nähe des Linksterrorismus zu rücken. An dieser Rezeptionstradition partizipiert, wie der vorliegende Aufsatz zu zeigen sucht, auch das Medium Film. Unter Berücksichtigung der Filme Die Reise (1986), Die bleierne Zeit (1981) und Wer wenn nicht wir (2011) geht der Beitrag auf die diachronische Entwicklung der filmischen und germanistischen Reise-Rezeption ein und postuliert deren Verschränkung mit spezifischen erinnerungskulturellen Paradigmenwechseln.

Die Reise de Bernward Vesper, forme hybride d’essai et de roman, fut publié à titre posthume en 1977. Le texte a souvent été soumis à des interprétations problématiques visant à montrer que son auteur était sympathisant et apologiste du terrorisme d’extrême gauche. En tenant compte de films divers tels que Die Reise (1986), Die bleierne Zeit (1981) et Wer wenn nicht wir (2011), cet article montre que le traitement cinématographique de la vie et de l’œuvre de Bernward Vesper participe de cette tradition polémique. En outre, l’article postule que certains changements de paradigme dans la culture de mémoire allemande ont marqué les films en question.

Bernward Vesper’s ‘Romanessay’ Die Reise, published posthumously in 1977, was often interpreted in problematic ways: scholars have tried time and time again to paint Vesper, Gudrun Ensslin’s ex-fiancé, as a would-be terrorist. This paper aims to show that such polemical readings have also found their way into cinematic treatments of Vesper’s story. Taking into consideration such movies as Die Reise (1986), Die bleierne Zeit (1981) and Wer wenn nicht wir (2011), it seeks to elucidate the problematic treatment of Vesper’s book in both German Studies and German Cinema – and it connects Die Reise’s reception with specific paradigm shifts in German memory culture.

INDEX

Mots-clés : film, cinéma, adaptation cinématographique, thriller

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AUTEURS

JULIAN REIDY Thomas-Mann-Archiv, Zürich

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„Die Bilder wollen automatisch anders geschnitten werden“ Die Verfilmung von Daniel Kehlmanns Die Vermessung der Welt „Die Bilder wollen automatisch anders geschnitten werden“ – The film adaptation of Daniel Kehlmann’s Die Vermessung der Welt „Die Bilder wollen automatisch anders geschnitten werden“ – L’adaptation cinématographique de Die Vermessung der Welt de Daniel Kehlmann

Jan Rhein

1 Nicht immer vereinfacht es den künstlerischen Prozess, wenn Literaten an der Verfilmung ihrer Bücher mitarbeiten. Vladimir Nabokov, einer der für Daniel Kehlmann einflussreichsten Autoren und der „treueste Hausdämon“1 seines Werks, schrieb das Drehbuch zur Verfilmung des Romans Lolita selbst. Es war so umfangreich, dass ein mehr als siebenstündiger Film daraus hätte werden können, und wurde von Stanley Kubrick, der es komplett überarbeitete, als unverfilmbar bezeichnet2. Nabokov zeigte sich von der Verfilmung enttäuscht: The modifications, the garbling of my best little finds, the omission of entire scenes, the addition of new ones, and all sorts of other changes may not have been sufficient to erase my name from the credit titles but they certainly made the picture as unfaithful to the original script as an American poet’s translation from Rimbaud or Pasternak3.

2 Mit Nabokovs doppelbödigem Roman hat Die Vermessung der Welt (1995)4 nicht die Skandalträchtigkeit gemein, wohl aber den Umstand, dass, wie Kehlmann selbst vermutet, hier wie dort „die Bestsellerliste [den Lesern] ein Buch aufgezwungen [habe], das ihren Wünschen möglicherweise gar nicht [entspreche]“5. Von den großen deutschsprachigen Prosaerfolgen der zwei letzten Jahrzehnte – sie handeln von einem von guten Düften besessenen Frauenmörder (Patrick Süskinds Das Parfüm), der Liebesgeschichte zwischen ehemaliger KZ-Aufseherin und jungem Schöngeist (Bernhard Schlinks Der Vorleser) und dem Intimleben einer Jugendlichen (Charlotte Roches Feuchtgebiete) – ist die im Konjunktiv-Stil verfasste Geschichte zweier Wissenschaftler im ausgehenden 18. Jahrhundert sicherlich der ungewöhnlichste. Für

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Kehlmann überdeckt der Erfolg seines Romans, dass dieser „in seiner Erzählweise ein Experiment war. [Er] geht gegen genau das, was man sonst unter einem historischen Roman versteht, er ist viel knapper, ironischer, in gewisser Weise wegwerfender“6.

3 Das Werk, zugleich literarisches Experiment und Weltbesteller, mag in seinem Ansatz an andere postmoderne historische Erfolgsromane wie Umberto Ecos Il nome della rosa oder Das Parfum, beide mit großem Erfolg verfilmt, denken lassen. Anders als diese beiden Beispiele verzichtet Die Vermessung der Welt jedoch auf eine stringente Handlung und äußere Konflikte. Regisseur Detlev Buck beschreibt es so: „Es gibt keinen Antagonisten, keinen Showdown, nicht den Wendepunkt, das ganze dramaturgische Geschirr gibt es nicht.“7

4 Die Verfilmung des Buchs – einerseits aufwändig aufgrund seiner exotischen Handlungsorte und seiner historischen Dimension, andererseits dramaturgisch anspruchsvoll – kam erst im Jahr 2012 in die deutschen Kinos8, nachdem der Roman bereits als Vorlage für ein von Alexander Schuhmacher inszeniertes Hörspiel und eine Theaterinszenierung von Dirk Engler am Staatstheater Braunschweig gedient hatte. Der Film wurde als deutsch-österreichische Koproduktion finanziert. Die Humboldt- Szenen wurden größtenteils in Ecuador gedreht, die Gauß-Szenen in Görlitz. Mit Detlev Buck hatte sich ein Regisseur des Stoffs angenommen, dessen frühere Filme wie Karniggels oder Wir können auch anders für trockenen, eigenbrötlerischen Humor stehen, der vor allem ein norddeutsches oder großstädtisches Programmkinopublikum erreichte. Seit einigen Jahren kann er als einer der erfolgreichsten deutschen Regisseure gelten, der sich inzwischen immer mehr dem Hollywood-Kino annähert und sich etwa in der Travestie-Komödie Rubbeldiekatz klassischer Screwball-Elemente bedient.

5 Trotz der Bekanntheit der literarischen Vorlage und der bekannten Namen Bucks und Kehlmanns war der Film weder ein Kritiker- noch ein Publikumserfolg. Im Jahr 2012 lag er mit knapp 600.000 Zuschauern in Deutschland zwar weit vor etwa der Verfilmung von Marlen Haushofers Die Wand, blieb jedoch beispielsweise hinter der Adaptation von Wladimir Kaminers Russendisko zurück. Der erfolgreichste deutsche Film des Jahres, Türkisch für Anfänger, erreichte im selben Jahr mehr als zwei Millionen Zuschauer, die französische Komödie Intouchables gar weit über sieben Millionen. Von der Kritik wurde der Film fast durchgängig schlecht aufgenommen. „Schöne Vögel, lange Formeln. Bucks Film ist eine Bilderflut, aber kein Kino“, schrieb Die Zeit, „Buck [huldige] einem erzählerischen Obskurantismus“, bemängelte die taz, im Standard hieß es, der Film gehe „mit stilistischem Sperrfeuer auf die Vorlage los und [treffe] selten eine richtige Tonlage“9.

6 Über die Gründe für den Erfolg des Romans, dessen gebundene Ausgabe sich im Besitz von etwa 1,1 Prozent aller Deutschen „inklusive Säuglinge[n] und Sieche[n]“10 befinden soll, ist viel spekuliert worden11. Ebenso viele Mutmaßungen ließen sich über den Misserfolg des Films anstellen. Eine Erklärung für die Eigenheiten des Films findet sich jedoch eher, wenn man diese als bewusst gewählte, narrative Strategien betrachtet und eine Analyse des Films „entlang des Romans“ und im Kontext des Werks Kehlmanns unternimmt. Dessen enge Beteiligung an der Umsetzung lässt sich als „Autorisierung“ der Verfilmung verstehen: Anders als Kubrick und Nabokov treten Buck und er als Ko- Drehbuchautoren auf. Weiterhin hat Kehlmann sich in einer Nebenrolle in den Film hineingeschrieben. Er spielt einen Staatssekretär des Königs, im Drehbuch als „Der unheimliche Mann“ benannt12, und spricht den Off-Erzähler im Film. Gemeinsam mit

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Buck beteiligte er sich an einem langen Gespräch im „Buch zum Film“ und sprach einen Audiokommentar zur DVD des Films ein. Diese enge Beteiligung des Autors am Entstehungsprozess und auch der Vermarktung des Films erlaubt es, ästhetische Entscheidungen nicht nur auf ihre dramaturgische Funktion hin zu betrachten, sondern sie auch als intentionale „Erzählentscheidungen“ Kehlmanns zu beleuchten.

Vereinfachung und Verkomplizierung

7 Bereits an der ersten Passage des Romans lassen sich grundsätzliche Unterschiede zwischen Buch und Film festmachen: Im September 1828 verließ der größte Mathematiker des Landes zum erstenmal seit Jahren seine Heimatstadt, um am Deutschen Naturforscherkongreß in Berlin teilzunehmen. Selbstverständlich wollte er nicht dorthin. Monatelang hatte er sich geweigert, aber Alexander von Humboldt war hartnäckig geblieben, bis er in einem schwachen Moment und in der Hoffnung, der Tag käme nie, zugesagt hatte. Nun also versteckte sich Professor Gauß im Bett. Als Minna ihn aufforderte aufzustehen, die Kutsche warte und der Weg sei weit, klammerte er sich ans Kissen und versuchte seine Frau zum Verschwinden zu bringen, indem er die Augen schloß. (VM, S. 7)

8 Der erste Unterschied zur Verfilmung betrifft den Erzählgestus: Die Gattung des historischen Romans klingt an und wird wieder zertrümmert, der hohe Ton einer Intellektuellenbiographie kontrastiert spätestens im zweiten Absatz mit der dargestellten Sonderbarkeit des Wissenschaftlers und benennt etwas, das ein Biograph nicht wissen kann; für diese „Ironie der Haltung“, wie Kehlmann das Verfahren in seiner Poetikvorlesung13 nennt, findet sich keine direkte Übertragung in die Filmsprache. Man könnte hingegen von einer einem „Historienfilm“ gegenlaufenden Ironie des Bildes sprechen, etwa, wenn der distinguierte Humboldt in Bucks Film in seiner preußischen Uniform durch den Urwald stapft, oder Gauß seiner zukünftigen Frau Johanna seine Liebe erklärt, während im Hintergrund jemand gerupfte Gänse vorbeiträgt.

9 Der zweite Unterschied, der anklingt, betrifft das Weltbild. Der Roman führt die Namen seiner Protagonisten schon in den ersten Sätzen zusammen, stellt aber zugleich eine Distanz zwischen ihnen her. Humboldt und Gauß, deren Schicksale fragmentarisch geschildert werden, nähern sich im Lauf des Romans nur gelegentlich an, insbesondere über ihre Korrespondenzen, in welchen sie eine Art „Ferndialog“14 entspinnen: Gauß sendet Humboldt „gute Wünsche sowie einige Formeln für die magnetischen Messungen, von denen Humboldt keine Zeile verstand“ (VM, S. 266). Humboldt antwortet, „[m]an müsse die Pläne ändern, […] er könne nicht, wie er wolle. […] Gauß legte traurig lächelnd den Brief weg. Zum erstenmal tat Humboldt ihm leid.“ (VM, S. 273-4). Die Annäherung zwischen beiden fällt bis zum Ende des Romans subtil aus, als Humboldt von seiner Russlandreise heimkehrt: [W]ährend die ersten Vororte vorbeiflogen und Humboldt sich vorstellte, wie Gauß eben jetzt durch sein Teleskop auf Himmelskörper sah, deren Bahnen er in einfache Formeln fassen konnte, hätte er auf einmal nicht mehr sagen können, wer von ihnen weiter herumgekommen war und wer immer zu Hause geblieben. (VM, S. 293) 10 Entsprechend der Erkenntnis Gaußʼ, dass „[d]er Satz, daß zwei gegebene Parallelen einander niemals berührten, [..] nie beweisbar gewesen“ (VM, S. 93) sei 15, zeichnet der

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Roman die beiden Figuren also als Einzelgänger im luftleeren Raum, deren Schicksale unabhängig voneinander verlaufen, nicht ohne gewisse Annäherungspunkte zwischen beiden zuzulassen.

11 Der Film hingegen beginnt nach einem Prolog mit einer chronologischen Erzählung, weshalb die zitierte Eingangsszene erst im letzten Drittel des Films zu sehen ist. Dieser verschränkt die Schicksale der beiden Forscher immer wieder: Hier der junge Gauß in der Volksschule, dort die Humboldt-Brüder Latein lernend bei Hof. Einerseits werden so die Lebenswelten der beiden kontrastiert, andererseits aber auch eine Geschlossenheit der Handlung hergestellt. Nicht nur zeigt der Film die beiden Protagonisten parallel in ihrer Entwicklung, auch zahlreiche Bildmotive, wie eine erst durchs Zimmer des einen, dann des anderen fliegende Feder, verbinden die Welten beider Wissenschaftler. Auch die Montage suggeriert eine Geschlossenheit und Sinnhaftigkeit der erzählten Welt. So sind etwa mehrfach Großaufnahmen von schlüpfenden Schmetterlingen oder anderen Insekten als „Konnektoren“ zwischen einer Humboldt- und einer Gauß-Szene einmontiert, die keiner eindeutig zugeordnet werden können. Bei einer ersten Begegnung beim Herzog von Braunschweig, welche im Buch nicht vorkommt, werfen sich die Knaben Gauß und Humboldt lange Blicke zu – es wird der Eindruck zweier Genies vermittelt, die sich erkennen (V 14:40). Diese bedeutungsvollen Blickwechsel stellen ein weiteres Leitmotiv dar, welches beispielsweise auch der ersten Begegnung von Gauß und seiner späteren Frau Johanna (V 34:40) eine Sinnhaftigkeit und Determiniertheit zuweist und der Humboldtschen Aussage entspricht, „die Welt [sei] ein Ganzes […], alle Systeme [seien] ein System“ (V 01:05:17). Diese kontrastiert mit der Grundaussage des Romans, in dem es bezeichnenderweise nur heißt, die „Natur sei ein Ganzes“ (VM, S. 117). Buck erklärt diesen Unterschied dramaturgisch: Im Drehbuch hatten wir sowohl für Humboldt als auch für Gauß längere Passagen, wo man der jeweiligen Geschichte folgte, dann aber gemerkt, das geht nicht, weil man dann den anderen aus dem Blickfeld verliert. Wenn man Figuren zu lange weglässt, dann interessieren sie einen emotional nicht mehr so. Beim Roman ist das anders. Beim Lesen dauert es zwar länger, aber der Kopf schiebt es dichter zusammen. Die Bilder wollen automatisch anders geschnitten werden16.

12 Auch formal steht der Film im Gegensatz zur verknappten Konstruktion des Romans: Er ist, wie es in einer Spiegel-Rezension heißt, „die vergnügungssüchtigste Filmversion, die einer deutschen Schullektüre je widerfahren ist“17 und schöpft die ganze Bandbreite filmischen Erzählens aus: Sie erstreckt sich von Halleffekten und einer kommentierenden Off-Stimme über Computeranimationen, extreme Nahaufnahmen, Ober- und Untersichten, stark nachkolorierte Bilder bis schließlich zum Einsatz von digitaler 3D-Technik.

13 Trifft also auf der Erzählebene die verbreitete Ansicht zu, die filmische Adaptation literarischer Werke bedeute meist auch Simplifizierung18, so lässt sich auf formaler Ebene eher das Gegenteil behaupten. Das Eine hat Auswirkungen auf das Andere: Der Film versucht, durch Stringenz in der Handlung einen Spannungsbogen zu erzeugen, die dominanten Bilder und Effekte hingegen verhindern eine stärkere Fokussierung auf die Geschichte und die Protagonisten und kreieren stattdessen ein kohärentes filmisches „Universum“.

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Vermessung und Vermessenheit

14 Diese „Bilderflut“ des Films rückt einen Aspekt in den Vordergrund, welcher den gesamten Roman durchzieht und zu einem großen Teil für die von Kehlmann beschriebene „Ironie der Haltung“ verantwortlich ist: die Diskrepanz zwischen Vermessung und Vermessenheit, zwischen Pragmatismus und Verwirrung. Beide Pole fasst Humboldt am Ende des Romans zusammen, wenn er davon spricht, „ein ungeheures Werk voller Tatsachen, jede Tatsache der Welt“, den „ganze[n] Kosmos noch einmal“ aufzuschreiben, „allerdings entkleidet von Irrtum, Phantasie, Traum und Nebel.“ (VM, S. 293)

15 Beide Figuren können im Roman nicht immer ihren Sinnen trauen, Humboldt, wenn er „Spiegelungen von Vögeln übers Wasser“ streichen sieht, „selbst wenn der Himmel leer war“ (VM, S. 110), Gauß, wenn er sich an den Tod seiner Frau in vier verschiedenen Versionen erinnert: „Es kam ihm vor, als wäre die Zeit vor- und zurückgeschnellt, als hätten sich mehrere Möglichkeiten eröffnet und gegenseitig wieder ausgelöscht“ (VM, S. 161). Gaußʼ Wahrnehmung kollidiert mit der Wirklichkeit, doch auch an der Mathematik zweifelt er noch. Die Erkenntnis, „der Raum sei faltig, gekrümmt und sehr seltsam“ (VM, S. 96), ist noch eine Ahnung, die er mit niemandem teilen kann, und steht nicht für „reine Vernunft“, sondern für Isolation und Weltzweifel19.

16 Das doppeldeutige Wort der „Vermessung“20 wird im Vorspann des Films durch einen Halleffekt besonders unterstrichen und betont das von Gauß empfundene „verrückte“, „krumme“ Land als eine Art Grundkonstante des Films. Es schlägt sich in verschobenen Perspektiven und Ober- oder Untersichten nieder, aber auch in einer Kulisse, in der der Zuschauer gelegentlich die räumliche Orientierung verliert. Eine Szene mit Gauß in einem Bordell ist in Aufsicht gefilmt. In der folgenden Szene wird Gauß vom in Untersicht gefilmten Militaristen herbeizitiert und kommt – entgegen der Erwartung des Zuschauers – eine Treppe herunter. Mit derartigen Effekten wird eine Welt suggeriert, in der die Grenzen zwischen verschiedenen Lebensbereichen verschwimmen und es keine verlässlichen Konstanten gibt.

17 Der von Humboldt bereiste lateinamerikanische Urwald ist als Ort des europäischen Wahnsinns angelegt. Kulturelle Fremdheit und misslungene Kommunikation werden dabei mit kolonialer Vermessenheit zusammengeführt. Das bereits im Roman präsente Bild von „Aguirre de[m] Wahnsinnigen, der seinem König abgeschworen und sich selbst zum Kaiser ernannt hatte“ (VM, S. 22) wird weiterentwickelt. Eine bezeichnende Szene lässt an Joseph Conrads Heart of Darkness bzw. dessen Verfilmung Apocalypse Now denken: Ein Pater herrscht brutal in einer Enklave am Orinoko über die Einheimischen, wo Humboldt den folgenden Dialog mit ihm führt: „ ‚Sind Sie Jesuit?‘ – ‚Sie wissen doch, dass die Jesuiten aus diesem Land vertrieben worden sind. Es gibt sie hier nicht mehr.‘ – ‚So dachte ich. Also sind Sie keiner?‘ – ‚Das habe ich nicht gesagt‘“ (V 39:40).

18 Gelegentlich setzt der Film für die im Roman sprachlich umgesetzte Verwirrung andere Erzählstrategien ein. Als Humboldt und Bonpland im Buch während der Besteigung des Chimborazo unter Sauerstoffmangel leiden, führen sie das folgende Gespräch: „Man könnte, sagte Bonpland, auch einfach behaupten, man wäre oben gewesen. Humboldt sagte, er wolle das nicht gehört haben. Er habe das auch nicht gesagt. Das sei der andere gewesen! Überprüfen könne es ja keiner, sagte Humboldt nachdenklich. Eben, sagte Bonpland. Er habe das nicht gesagt, rief Humboldt. Was gesagt, fragte Bonpland. Sie sahen einander ratlos an“ (VM, S. 177-178).

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19 In dieser oft zitierten Szene geht es nicht – wie von manchen Kritikern herausgelesen21 – nur um den Geltungsdrang des Gipfelstürmers, sondern um eine Depersonalisierung, bei der sich beide Persönlichkeiten „jeweils in drei spalten und in drei Stimmen“22 sprechen. Für Kehlmann selbst ist sie eine Darstellung des Dilemmas der Weimarer Klassik: „Weimars Gesandter in Macondo durchläuft […] auf dem Rücken des Vulkans Wahnsinn, Übelkeit, Schwindel, Angst und Verwirrung – all das also, dessen Leugnung den Klassiker überhaupt erst definiert.“23

20 Der Film, der diese Szene dialogisch etwas verkürzt ebenfalls enthält, setzt die im Roman angedeutete Depersonalisierung bildlich um: Bonpland erschlägt Humboldt im Wahnsinn mit einem Stein, worauf dieser ihm auf die Schulter tippt und wieder lebendig hinter ihm steht: „‚Cher ami. Aimé. Kommen Sie, wir müssen unten sein, bevor es dunkel wird.‘ – ‚Ich habe gedacht, ich hätte Sie getötet‘ – ‚Cher ami. Man versteht so schlecht‘“ (V 01:27:25). Die Verwirrung wird durch ein Schneegestöber, welches in Teilen das Geschehen verdeckt, sowie eine Montage, die die Orientierung des Zuschauers im Bildraum erschwert, noch verstärkt.

21 Diese im Film prominenter in den Vordergrund gestellten Szenen des Wahnsinns und der Vermessenheit verlagern die Handlung hin zu vordergründigen Konflikten, die Hilflosigkeit der beiden Protagonisten basiert weniger stark als im Roman auf ihrer intellektuellen Ausgeschlossenheit oder kognitivem Versagen, sondern auch auf einer situativ umgesetzten und konkreten Hilflosigkeit – sei sie kulturell oder räumlich bedingt.

22 Der Film geht hier also über das Buch hinaus: Betrifft die „Vermessenheit“ im Roman die beiden Protagonisten und das Verhältnis zu ihrer Umwelt, so illustriert der Film eine insgesamt verschobene Welt. Aus dem Roman kann man eine „Zivilisationskritik“ in dem Sinn herauslesen, als er von der „Konditionierung von Subjekten [handelt], die sich selbst, der Natur und den Anderen herum Gewalt antun, um sich selbst zu erhalten“24, der Film stellt die Zivilisation insgesamt grotesk dar.

Mittelbarkeit

23 Die im oben zitierten Auszug eingesetzte indirekte Rede, eines der markantesten Merkmale des Romans, verhindert eine Identifikation des Rezipienten mit den Protagonisten und stellt, hier wie in zahlreichen anderen Beispielen, eine „Scheindistanz“25 her: „Nicht gut sei das, sagte Humboldt. Sie seien von Wasser umgeben und säßen am höchsten Punkt“ (VM, S. 141). Die in der Szene offensichtliche Gefahr erzeugt keine Spannung, sondern Komik, da sie nicht unmittelbar, sondern, wie durch einen Schleier, mittelbar dargestellt wird26.

24 Wie sich literarische Mittelbarkeit in andere Medien transformieren lässt, ist eine in den letzten Jahren verstärkt diskutierte Frage der Intermedialitätsforschung27, auf die der Film verschiedene Antworten gibt.

25 Insbesondere kommt hierbei dem Einsatz von digitaler 3D-Technik eine entscheidende Rolle zu. Nach Tim Burtons Alice in Wonderland ist Die Vermessung der Welt wohl die erste 3D-Literaturverfilmung, nach Wim Wenders’ Pina und dem Kinderfilm Wickie und die starken Männer der dritte deutsche Film in 3D. Für Kehlmann stellt der Einsatz der Technik „in gewisser Weise das Äquivalent für die indirekte Rede“28 dar.

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26 In Die Vermessung der Welt wird der Effekt häufig zu dekorativen Zwecken eingesetzt, etwa zur Bebilderung prachtvoller Urwaldlandschaften. Der stereoskopische Filmblick übernimmt aber auch eine bedeutungskonstituierende Funktion, so etwa, wenn ein preußischer Militarist Gauß mit dem Zeigefinger droht, er solle bald gute Ergebnisse liefern: „Du weißt, was eine Zahl ist, Junge. Eine Zahl ist kein Spielzeug. Eine Zahl ist der Durchmesser des schwarzen Loches zwischen den Augen eines sterbenden Soldaten.“ Die Szene hebt die Macht des Militärs hervor und verdeutlicht das tatsächliche Interesse, welches der Herzog von Braunschweig mit einem Stipendium an den jungen Gauß verfolgt, dessen Forschungsergebnisse militärischen Zwecken dienen sollen. Der Zeigefinger des Soldaten ragt als „before the screen“-Aufnahme aus der Leinwand (V 24:20) und bedroht auch den Zuschauer.

27 Umgekehrt wird 3D häufig eingesetzt, um eine Distanz zwischen dem Geschehen und dem Zuschauer herzustellen, etwa, wenn im Klassenzimmer des jungen Gauß der Staub in der Luft vor dem Geschehen liegt. In diesem Fall erzeugt der Effekt keine affektive Zuschauerreaktion, sondern stört eher die filmische Illusion. Der Wahrnehmungspsychologe Hinderk M. Emrich merkt an, „daß der Raum durch die 3D- Stereoprojektion formal überbetont und geradezu ‚aufgerissen‘“29 werden könne. Die räumliche „Überdeterminierung“ unterdrücke die kreative Leistung des Zuschauers, und aus „Genauigkeit allein [entstehe] nichts Wirkliches“30. Was Emrich negativ formuliert, kann im Film als bewusst eingesetztes Stilmittel verstanden werden, dem mittelbaren Erzählen gerecht zu werden.

28 Gleiches gilt wohl auch für einen weiteren Aspekt: Ist das Buch bereits reich an intertextuellen und intermedialen Anspielungen, in seinen Referenzen auf lateinamerikanische Autoren und Geistesgrößen der Weimarer Klassik sowie durch einen „Gastauftritt“ Louis Daguerres (VM, S. 15), dessen Fotografieverfahren Gauß ungnädig gegenübersteht, so lässt sich der Film erst recht als intermediales Werk par excellence bezeichnen, welches neben zahlreichen Bezügen zu anderen Filmen 31 auch Medienkombinationen32 einsetzt: Die Filmbilder werden mit eingeblendeten Fotografien, Illustrationen, Formeln, Schriftzeichen angereichert, so etwa im Fall der Darstellung der Gaußschen Summenformel, und erzeugen einen Illusionsbruch.

29 Eine dritte Form von Mittelbarkeit ergibt sich aus der Präsenz des Autors als Erzähler im Film. Die Off-Stimme Kehlmannns, welcher kein ausgebildeter Sprecher ist, stellt einen ästhetischen Bruch innerhalb eines ansonsten technisch perfekten Filmuniversums dar; die Wiener Sprachmelodie und die weniger geschulte Artikulation verleihen dem Film eine gegenwärtige, fast dokumentarische Ebene – gelegentlich hat man den Eindruck, einen DVD-Audio-Kommentar zu hören. Kehlmann verkörpert hier den Erzähler, zugleich aber auch sich selbst.

Narrative Vermessung

30 Diese Präsenz des Autors erscheint bemerkenswert – zumal wenn man dem von Kehlmann geäußerten Bekenntnis zur „Idee der klassischen Moderne“ glauben will, „dass der Autor völlig hinter das Werk zurücktritt“33. Seine intellektuelle und öffentliche Beteiligung an dem Film rechtfertigt es, diesen als Bestandteil eines Werks zu betrachten, welches sich mit der Frage nach den Möglichkeiten des Erzählens beschäftigt, ist doch eine der versteckten Leitfragen des Romans nicht nur jene nach der mathematischen oder geographischen Vermessung der Welt, sondern auch nach

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der narrativen34. Beide Forscher könnten auch als Autoren verstanden werden, die ihre Welt neuschreiben: „Manchmal war ihm, als hätte er den Landstrich nicht bloß vermessen, sondern erfunden, als wäre er erst durch ihn Wirklichkeit geworden.“ (VM, S. 268) In diesem Sinn verkörpern Gauß und Humboldt nicht nur die wissenschaftlichen Gegensätze von Induktion und Deduktion, sondern auch zwei entgegengesetzte Schaffenskonzepte: „Ein Mann allein am Schreibtisch. Ein Blatt Papier vor sich, allenfalls noch ein Fernrohr, vor dem Fenster der klare Himmel. Wenn dieser Mann nicht aufgebe, bevor er verstehe. Das sei vielleicht Wissenschaft“ (VM, S. 247), sagt Gauß. Dem gegenüber steht Humboldt, der die Welt erlebend ordnet: „Er war in Neuspanien, Neugranada, Neubarcelona, Neuandalusien und den Vereinigten Staaten gewesen, hatte den natürlichen Kanal zwischen Orinoko und Amazonas entdeckt, den höchsten Berg der bekannten Welt bestiegen, Tausende Pflanzen und Hunderte Tiere, manche lebend, die meisten tot, gesammelt, hatte mit Papageien gesprochen, Leichen ausgegraben, jeden Fluß, Berg und See auf seinem Weg vermessen, war in jedes Erdloch gekrochen und hatte mehr Beeren gekostet und Bäume erklettert, als sich irgendjemand vorstellen mochte.“ (VM, S. 19)

31 Es ist der Unterschied zwischen zwei Methoden der Welterschließung. Der ganze Roman steht somit einerseits im Zeichen der Diskussion, wie etwas beschrieben werden könne. Er ist andererseits durchzogen von einer Erzählkritik. Humboldt kritisiert insbesondere den historischen Roman: Es sei „ein albernes Unterfangen, wenn ein Autor, […] eine schon entrückte Vergangenheit zum Schauplatz wähle.“ (VM, S. 27), Gauß hingegen bemängelt, „Künstler vergäßen zu leicht ihre Aufgabe: das Vorzeigen dessen, was sei. Künstler hielten Abweichungen für eine Stärke, aber Erfundenes verwirre die Menschen, Stilisierung verfälsche die Welt. Bühnenbilder etwa, die nicht verbergen wollten, daß sie aus Pappe seien, englische Gemälde, deren Hintergrund in Ölsauce verschwimme, Romane, die sich in Lügenmärchen verlören, weil der Verfasser seine Flausen an die Namen geschichtlicher Personen binde.“ (VM, S. 221)

32 Diese Reflexion von Autorschafts- und Darstellungsformen, die Frage nach Wahrhaftigkeit von Literatur ist eine Grundkonstante des Gesamtwerks Kehlmanns, in welchem Die Vermessung der Welt ein Vor- und ein Nachleben besitzt. Der Roman fügt sich in einen erzählerischen Kosmos ein – er stellt die Frage nach Genie und Wahnsinn wie Mahlers Zeit, nach Geist und Leben wie Ich und Kaminski, seinen Ruhm verarbeitete Kehlmann in seinem Folgeprojekt –, und er lebt weiter in den zahlreichen Interviews, Werkstattgesprächen, im Aufsatz Wo ist Carlos Montúfar? und in der Poetikvorlesung Diese sehr ernsten Scherze. Selbst in sein Vorwort zu einer Neuedition von Charles Darwins Die Fahrt der Beagle baute er ein eigenes Humboldt-Zitat ein: „Die zweitgrößte Beleidigung des Menschen sei die Sklaverei, hatte Humboldt ausgerufen, die größte aber die Behauptung, er stamme vom Affen ab“ (VM, S. 238)35. Dieses Zitat, welches sich auch im Film findet, wurde von Humboldt-Experten hinterfragt36. Im DVD-Audio- Kommentar nutzt Kehlmann wiederum die Gelegenheit, darauf Bezug zu nehmen und sich zu verteidigen: „Auch Humboldt-Forscher wissen nicht alles“ (V 30:30).

33 Auch der Film erscheint in diesem Kontext als Experiment um ein lange betriebenes „Erfinden von Wahrheit“37 sowie die von Kehlmann immer wieder gestellte Frage, bis zu welchem Grad man historische Persönlichkeiten fiktionalisieren dürfe38 und wie man über sie schreiben könne. In einem Interview fragte er: „Wieso wirken historische Romane trivial, aber wieso wirkt nicht trivial, was etwa Eric Hobsbawm schreibt? Ein Fachhistoriker geht nicht zu nah ran an die Figuren“39. In Wo ist Carlos Montúfar? nennt er Stanley Kubricks Barry Lyndon als Musterbeispiel eines Historienfilms. Dieser Film

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erlangt seine Authentizität gerade nicht durch eine Abbildung des realen Lebens des 18. Jahrhunderts, sondern durch die Vorstellungen, die man sich heute davon mache40.

34 Aus beiden Thesen ergibt sich eine Erklärung für die überdeterminierte, überkonstruierte Bilderwelt des Films: Buck und Kehlmann erhalten einerseits die Mittelbarkeit und Distanz zum Geschehen aufrecht, welche für den Roman prägend ist, andererseits handelt es sich hier um eine Art Meta-Film über das Erzählen selbst. Dabei geht der Film einen Schritt weiter als das Buch: Tragen die Protagonisten im Roman die Reflexion über das Erzählen in den Text hinein und sind sich gar ihrer Fiktionalisierung bewusst, als sie zum Ende des Romans feststellen: „Unser Erfinder hat genug von uns“ (VM, S. 292)41, so stellt der Film die Frage nach der „Wahrheit“ weniger explizit, entscheidet sie aber umso eindeutiger: Hier siegen die Bilder jederzeit über die Figuren, die Inszenierung und der Erzähler Kehlmann dominieren die Geschichte überdeutlich. In einer Szene dreht sich das Bild, die Inszenierung schaltet zwischen Humboldt und Gauß hin- und her, als würde ein Fernsehzuschauer den Kanal wechseln (V 01:04:50).

Experiment und Abenteuer

35 Die in dem Eingangszitat von Nabokov für die Übertragung seines Originaldrehbuchs verwendete Analogie zwischen Adaptation und Übersetzung ist ein in der Intermedialitätsforschung regelmäßig verwendetes Bild. Wie bei Übersetzungsleistungen hängt die „Wirkungsäquivalenz“ von Literaturverfilmungen vom Verhältnis zwischen „Einbürgerung“ des Ausgangstexts und „Fremdhalten“ gegenüber der Vorlage ab42. Die Verfilmung der Vermessung der Welt nimmt hier eine mittlere Position zwischen beiden Polen ein: Sie hält recht genau fest an Handlungsabfolgen einzelner Szenen oder Dialoge, und befreit sich von der literarischen Vorlage, indem sie eigene thematische Schwerpunkte setzt und das Weltbild des Romans umdeutet.

36 Wie der Roman muss der Film als ein Experiment aufgefasst werden, welches seinen Platz im Gesamtwerk Kehlmanns findet. Während die Verfilmungen von Il nome della rosa oder Das Parfum den experimentellen Charakter der Vorlage eher überdecken, tritt dieser im Fall von Die Vermessung der Welt erst in den Vordergrund und widerspricht in Teilen der These, eine populäre Adaptation bedeute eine Simplifizierung des Ausgangstexts. Durch seine Schwerpunktsetzung erscheint der Film im Kontext des Werks Kehlmanns wie eine Weiterentwicklung eines im Roman diskutierten Darstellungsproblems.

37 Interessanterweise spiegeln sich die beiden in der Geschichte dargestellten Modelle der Weltvermessung, das deduktive und das induktive, auch in der Umsetzung beider Werke. Man kann bei Gauß am Küchentisch an den Autor Kehlmann denken, der den Roman in weiten Teilen in einem Haus mit Meerblick auf Sylt schrieb, angeblich während der Arbeit öfters in sich hineinlachend43, bei Humboldt an einen Arrangeur, der mit Bildern aus Ecuador und Görlitz, mit Toneffekten, Farbpaletten und Digitaleffekten jongliert und daraus einen Erzählkosmos zusammenfügt. So wie das Schreiben des Romans selbst eine Recherche- und Denkleistung darstellte, so impliziert der Film eine Suchbewegung und einen Moment des Aufbruchs und des Abenteuers: „Wenn wir einen Film über Forscher und Entdecker drehen, und es wird parallel gerade eine neue kinematographische Sprache erfunden, ist es naheliegend, dass wir diese auch benutzen und mit entwickeln wollen. Genau wie Humboldt und Gauß betreten wir

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Neuland mit 3D“44, sagt Bucks Koproduzent Claus Boje im Buch zum Film. Ein dort abgedrucktes Foto, welches Louis Daguerres ersten Fotoapparat neben einer modernen 3D-Kamera zeigt, fasst zwei Aufbruchsmomente des Kinos zusammen: Die Geschichte des Bildes und seiner Darstellung ist noch lange nicht zu Ende.

NOTES

1. Markus Gasser, Das Königreich im Meer. Daniel Kehlmanns Geheimnis, Göttingen, Wallstein, 2010, S. 99. 2. Vgl. Georg Seeßlen und Fernand Jung, Stanley Kubrick und seine Filme, Marburg, Schüren, 1999, S. 118-123. 3. Vladimir Nabokov, Lolita. A screenplay, New York/Toronto, Vintage, 1997, S. 13. 4. Daniel Kehlmann, Die Vermessung der Welt. Roman, Reinbek bei Hamburg, Rowohlt, 2005. (Im Text zitiert mit der Abkürzung VM und Seitenangabe) 5. Ders., „Die Katastrophe des Glücks. Dankesrede zur Verleihung des WELT-Literaturpreises“, in: ders., Lob. Über Literatur, Reinbek bei Hamburg, Rowohlt, 2011, S. 169-178, hier S. 174. 6. Willi Winkler, „Ein Fenster in die Vergangenheit. Daniel Kehlmann und Detlev Buck im Gespräch“, in: Wenka v. Mikulicz u. Michael Töteberg (Hrsg.) Die Vermessung der Welt. Das Buch zum Film, Reinbek bei Hamburg, Rowohlt, 2012, S. 145-157, hier S. 153. 7. Ebd., S. 154. 8. Die Vermessung der Welt, Regie: Detlev Buck, Deutschland/Österreich, Boje Buck Produktion/ Lotus Film, 2012. (Zitiert im Text mit der Abkürzung V und Zeitangabe) 9. Eine Sammlung von Filmrezensionen findet sich auf http://www.film-zeit.de/Film/22629/DIE- VERMESSUNG-DER-WELT/Kritik/, die Eintrittszahlen sind der Seite http://www.insidekino.com/ DJahr/IM12.htm entnommen. 10. Marius Meller, „Die Krawatte im Geiste“, in: Merkur, 2007, 61, S. 248-252, hier S. 250. 11. Vgl. stellvertretend Heinz-Peter Preußler, „Zur Typologie der Zivilisationskritik. Was aus Daniel Kehlmanns Roman Die Vermessung der Welt einen Bestseller werden ließ“, in: Fabrizio Cambi (Hrsg.), Gedächtnis und Identität. Die deutsche Literatur nach der Vereinigung, Würzburg, Königshausen & Neumann, 2008, S. 111-124. 12. Daniel Kehlmann u.a., „Die Vermessung der Welt. Der Film“, in: Wenka v. Mikulicz u. Michael Töteberg (Hrsg.), Die Vermessung der Welt. Das Buch zum Film, a.a.O., S. 16-130, hier S.116. 13. Daniel Kehlmann, „Diese sehr ernsten Scherze. Zwei Poetikvorlesungen“, in: ders., Lob. Über Literatur, a.a.O., S. 125-168, hier S. 147. 14. Barbara Sandig, „Spannende Dialoge im Konjunktiv: Kehlmanns ‚Die Vermessung der Welt‘“, in: Literaturstil – sprachwissenschaftlich, Heidelberg, Winter, 2008, S. 275-293, hier S. 288. 15. Vgl. Alexander Honold, „Ankunft in der Weltliteratur. Abenteuerliche Geschichtsreisen mit Ilija Trojanow und Daniel Kehlmann“, in: Neue Rundschau 2007, 118, 1, S. 82-104, hier S. 93-94 16. Willi Winkler, „Ein Fenster in die Vergangenheit. Daniel Kehlmann und Detlev Buck im Gespräch“, a.a.O., S. 152. 17. Wolfgang Höbel, „Zwei glorreiche Geisteshalunken“, in: Der Spiegel, 2012, 43, S. 132-133, hier S. 133. 18. Vgl. Wolfgang Budecke u. Jörg Hienger, „Verfilmte Literatur. Probleme der Transformation und der Popularisierung“, in: LiLi, 1979, 9, S. 12-29, hier S. 12-13.

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19. Mark M. Anderson, „Der vermessene Erzähler. Mathematische Geheimnisse bei Daniel Kehlmann“, in: Text+Kritik, 2008, 177, S. 58-67, hier S. 63. 20. Vgl. zu „Vermessung“ und „Vermessenheit“ Sean Moore Ireton, „Lines and crimes of demarcation. Mathematizing nature in Heidegger, Pynchon, and Kehlmann“, in: Comparative literature, 2011, 63, 2, S. 142-160, hier S. 142. 21. Vgl. Klaus Zeyringer, „Vermessen. Zur deutschsprachigen Rezeption der Vermessung der Welt“, in: Gunther Nickel (Hrsg.), Daniel Kehlmanns „Die Vermessung der Welt“. Materialien, Dokumente, Interpretationen, Reinbek bei Hamburg, Rowohlt, 2008, S. 78-94, hier S. 83. 22. Ebd. 23. Daniel Kehlmann, „Wo ist Carlos Montúfar?“, in: Gunther Nickel (Hrsg.), Daniel Kehlmanns „Die Vermessung der Welt“. Materialien, Dokumente, Interpretationen, a.a.O., S. 11-25, hier S. 20. (Zuerst in: Daniel Kehlmann, Wo ist Carlos Montúfar? Über Bücher, Reinbek bei Hamburg, Rowohlt, 2005, S. 9-27.) 24. Vgl. Heinz-Peter Preußler, „Zur Typologie der Zivilisationskritik. Was aus Daniel Kehlmanns Roman Die Vermessung der Welt einen Bestseller werden ließ“, a.a.O., S. 117. 25. Daniel Kehlmann, „Wo ist Carlos Montúfar?“, a.a.O., S. 20. 26. Vgl. Gerhard Kaiser, „Erzählen im Zeitalter der Naturwissenschaft. Zu Daniel Kehlmanns Roman Die Vermessung der Welt“, in: Sinn und Form, 2010, 62, 1, S. 122-134, hier S. 122-123. 27. Vgl. zur Übersicht Matthias Brütsch, „Ist Erzählen graduierbar? Zur Problematik transmedialer Narrativitätsvergleiche“, in: DIEGESIS, 2013, 2.1, S. 54-74. 28. Willi Winkler, „Ein Fenster in die Vergangenheit. Daniel Kehlmann und Detlev Buck im Gespräch“, a.a.O., S. 154. 29. Hinderk M. Emrich, „Tiefgreifende Veränderungen. Über reale Virtualität und die Eroberung des Raumes im Film“, in: Schnitt, 2010, 59, S. 16-19, hier S. 17. 30. Ebd, S. 18. 31. Im DVD-Kommentar und in dem Buch zum Film nennen Buck und Kehlmann ebenso Anspielungen auf Hollywoodklassiker wie Pulp Fiction, Apocalypse Now und Citizen Kane, wie auf Fellini- und Werner-Herzog-Filme oder Le fabuleux destin d’Amélie Poulain. 32. Vgl. Irina Rajewsky, Intermedialität, Tübingen/Basel, Francke, 2002, S. 19. 33. Klaus Zeyringer und Stefan Gmünder, „Klassiker und Drecksäue. Daniel Kehlmann und Helmut Krausser im Gespräch“, in: Volltext, 2006, 1, S. 3, zitiert nach: Ottmar Ette, „Alexander von Humboldt in Daniel Kehlmanns Welt“, in: HiN. Internationale Zeitschrift für Humboldt-Studien, 2012, XIII, 25, S. 40. 34. Vgl. Gerhard Kaiser, „Erzählen im Zeitalter der Naturwissenschaft. Zu Daniel Kehlmanns Roman Die Vermessung der Welt“, a.a.O., S. 123. 35. Daniel Kehlmann, « Die Finken und die Wilden. Einleitung », in: Charles Darwin, Die Fahrt der Beagle. Tagebuch mit Erforschungen der Naturgeschichte und Geologie der Länder, die auf der Fahrt von HMS Beagle unter dem Kommando von Kapitän Fitz Roy, RN, besucht wurden, Hamburg, marebuchverlag, 2006, S. 15, zitiert nach Frank Holl, „‚Die zweitgrößte Beleidigung des Menschen sei die Sklaverei…‘. Daniel Kehlmanns neu erfundener Alexander von Humboldt“, in: HiN. Internationale Zeitschrift für Humboldt-Studien, 2012, XIII, 25, S. 58. 36. Vgl. ebd. 37. Daniel Kehlmann, „Wo ist Carlos Montúfar?“, a.a.O., S. 14. 38. Vgl. stellvertretend Daniel Kehlmann und Michael Lentz, “‘Die Fremdheit ist Ungeheuer‘. Gespräch über historische Stoffe in der Gegenwartsliteratur”, in: Neue Rundschau, 2007; 118 (1): 33-47. 39. Felicitas von Lovenberg, „Ich wollte schreiben wie ein verrückt gewordener Historiker. Daniel Kehlmann im Gespräch“, in: Gunther Nickel (Hrsg.), Daniel Kehlmanns „Die Vermessung der Welt“. Materialien, Dokumente, Interpretationen, a.a.O., S. 32. 40. Daniel Kehlmann, „Wo ist Carlos Montúfar?“, a.a.O., S. 14.

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41. Markus Gasser, Das Königreich im Meer. Daniel Kehlmanns Geheimnis, a.a.O., S. 104. 42. Vgl. Anke Bohnenkamp, „Literaturverfilmungen als intermediale Herausforderungen“, in: dies. (Hrsg.), Literaturverfilmungen, Stuttgart, Reclam, 2005, S. 36. 43. Markus Gasser, Das Königreich im Meer. Daniel Kehlmanns Geheimnis, a.a.O., S. 84. 44. Wenka v. Mikulicz u. Michael Töteberg (Hrsg.), Die Vermessung der Welt. Das Buch zum Film, a.a.O., S. 183.

RÉSUMÉS

Ausgehend von der Feststellung, dass der Autor Daniel Kehlmann eng an der Verfilmung seines Erfolgsromans Die Vermessung der Welt beteiligt war, unternimmt der Artikel eine Analyse des Films entlang des Romans und in Hinsicht auf das Werk Kehlmanns. Wird die Handlung in der Verfilmung simplifiziert und chronologisch geordnet, so ist auf der Bildebene ein visueller Reichtum festzustellen, welcher der Strategie der Verknappung der literarischen Vorlage entgegenläuft. Dies lässt sich als Versuch verstehen, der dem Roman durch seine indirekte Rede eingeschriebene Mittelbarkeit gerecht zu werden und ein kohärentes Filmuniversum zu schaffen. Der Film lässt sich zudem in das erzählerische Gesamtwerk Kehlmanns einordnen, welches das Erzählen und sein Verhältnis zu Geschichte und Wahrheit hinterfragt. Stärker als im Roman emanzipiert sich im Film das Erzählen jedoch von seinen Figuren. So erscheint der Film ebenso als „Experiment“ wie der Roman und als ein Beispiel für eine unkonventionelle Form populärer Literaturverfilmung.

Daniel Kehlmann s’est fortement impliqué dans l’adaptation cinématographique de son livre à succès Die Vermessung der Welt. Ainsi, cet article analyse le film dans le contexte de l’œuvre de l’auteur et de son monde narratif. D’une part, l’adaptation réorganise et simplifie l’action du roman. D’autre part, elle est marquée par une richesse extraordinaire sur le plan visuel. Cela peut être compris comme une stratégie d’adaptation du style indirect du roman et de sa distance narrative caractéristique. Le film s’inscrit dans l’œuvre de Daniel Kehlmann remettant en cause la relation entre vérité, histoire et narration. Contrairement au roman, la narration filmique domine ses protagonistes. Le film est à la fois une adaptation littéraire grand public et une reproduction de la mise en question des stratégies narratives présentes dans l’œuvre de Kehlmann.

Daniel Kehlmann was considerably implicated in the film adaptation of his best-selling book Die Vermessung der Welt. Against this background, the following article explores the link between the film and the author’s œuvre. Whereas the film reorganizes and simplifies the story, the film features a rich repertoire of stylistic devices. This can be understood as a strategy to adopt Kehlmann’s characteristic narrative distance. The film can be understood as a part of the author’s oeuvre which treats the link between truth, history and story-telling. Contrary to the novel, the film’s narration dominates its protagonists. This turns the film into an unconventional example of a popular adaptation and an experiment on tellability.

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INDEX

Mots-clés : Film, cinéma, adaptation cinématographique, thriller

AUTEUR

JAN RHEIN Université de Nantes

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Wer hat Angst vor heißen Eisen? Ein Vergleich von Thomas Glavinic’ Roman Der Kameramörder und seiner Verfilmung durch Robert Adrian Pejo Who’s afraid of hot potatoes ? A comparison of Thomas Glavinic’s novel The Killer with the Camera and its film version by Robert Adrian Pejo Qui a peur des sujets brûlants ? Une comparaison entre le roman Der Kameramörder de Thomas Glavinic et son adaptation cinématographique par Robert Adrian Pejo

Gábor Kerekes

1. Glavinic’ Weg bis zu Der Kameramörder

1 Der 1972 in Graz geborene österreichische Schriftsteller Thomas Glavinic gehört zu den wenigen Autoren der Gegenwart, die mit manchen ihrer Werke sowohl das Lesepublikum als auch die Literaturkritik ansprechen (konnten). Frappierend ist hierbei nicht nur der Umstand, dass mehrere seiner Texte äußerst unterhaltsam sind, sondern darüber hinaus auch eine poetische Stärke besitzen. Weiterhin bemerkenswert ist, wie Glavinic es in seinen ersten fünf veröffentlichten Büchern geschafft hat, immer wieder einen anderen Ton anzuschlagen, so dass man lediglich angesichts der Texte diese wohl kaum ein und demselben Verfasser zugeordnet hätte. Dabei ist seine Karriere alles andere als geradlinig, denn auf seinem 1998 veröffentlichten Erstling Carl Haffners Liebe zum Unentschieden, einem 1910 in Wien und Berlin im Schachmilieu spielenden einfühlsamen Text über einen österreichischen Schachmeister, der in seiner Ängstlichkeit, aber auch in seiner Sensibilität es vorzieht, seine Partien auf ein Remis hin anzulegen, folgte im Jahre 2000 der in der Gegenwart spielende Roman Herr Susi über einen rücksichtslosen, offensichtlich gefühlsunfähigen und sowohl in Ausdrucks- als auch Denkweise ordinären Karrieristen aus der österreichischen Provinz. Während das erste Buch mit seiner einfühlsamen Sprache und einer Hauptfigur, die man in der Tradition der österreichischen Literatur im Umkreis der Gestalten des armen Spielmann und/oder des Buchmendel verorten könnte, auch international – vor allem im angelsächsischen Raum – ein Erfolg war, ging Herr Susi zu Recht sang- und klanglos

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unter, so dass nur Glavinic gegenüber ganz unobjektive Stimmen, wie die seines Freundes Daniel Kehlmann, dem Werk noch Jahre später lobende Worte zu zollen bereit waren1. Es ist das einzige Werk von Glavinic, von dem es bis heute keine Taschenbuchausgabe gibt. Er selbst kommentiert es inzwischen als seinen größten Flop; 2011 äußerte er: „Ein wirklich missratenes Buch, das die Negativkritiken sehr verdient hatte“2.

2 An diesem Punkt seiner Laufbahn war ein erneuter Bucherfolg notwendig, wenn Glavinic nicht der Gefahr erliegen sollte, als gescheitertes Talent zu gelten.

2. Die positive Aufnahme von Der Kameramörder und die Erarbeitung literarischen Gewichts

3 Dieses nächste Buch, der Roman Der Kameramörder erschien im Jahre 2001 und wurde im Folgejahr mit dem Friedrich-Glauser-Preis ausgezeichnet, der speziell Kriminalromanen aus dem deutschsprachigen Raum verliehen wird. Das Buch wurde unmittelbar nach seinem Erscheinen und auch einige Monate später noch in deutschen (Die Welt, die tageszeitung, Rheinischer Merkur, Frankfurter Allgemeine Zeitung, DeutschlandRadio, literaturkritik.de, Kultur-SPIEGEL), österreichischen (Der Standard, profil, Die Presse, Der Falter, Wiener Zeitung, ORF) und Schweizer (Neue Zürcher Zeitung) Medien wohlwollend besprochen, wobei sich im Rahmen der nur zurückhaltend geäußerten Bedenken hinsichtlich der im Buch dargestellten Gewalt aber keinerlei Empörung über das Werk finden lässt. Dies ist aus dem Grunde wert, betont zu werden, da nachträglich immer wieder behauptet worden ist, in Österreich wäre das Buch ein „Aufreger“ gewesen und einige Buchhandlungen hätten es abgelehnt, das Buch wegen seiner Brutalität in ihr Sortiment aufzunehmen. Außerdem seien regelmäßig Lesungen durch Proteste gestört wurden3. Geht man aber diesen und anderen ähnlichen Behauptungen nach, so stellt sich heraus, dass so gut wie gar nichts an ihnen wahr ist4: es gab keine seitens der Veranstalter abgesagte Lesungen wie es auch zu keinen lautstarken, zum Skandal eskalierenden Protesten von Anwesenden im Laufe von Autorenlesungen kam. Vielmehr erlebte das Buch eine recht positive Aufnahme durch die Rezensenten der verschiedenen Medien im deutschsprachigen Raum. Die Behauptungen über angebliche Skandale im Zusammenhang mit dem Buch hatten offensichtlich nur den Zweck, erneutes Aufsehen für das Werk zu erregen.

4 Denn das Interesse war zunächst ungebrochen. Mit der Verleihung des Glauser 2002 in der Kategorie Bester Roman war dem Buch weitere Aufmerksamkeit gesichert worden. Dabei muss man einräumen, dass dieser Preis für Glavinic einen Glücksfall darstellte, denn obwohl das Buch sicherlich ein Kriminalroman – in dem Sinne, dass darin ein Crimen, ein Verbrechen dargestellt wird – ist, so stellt sich doch die Frage, ob in diesem speziellen Fall nicht die Krimigemeinde bei der Preisverleihung sich von der Tatsache hatte (ver)leiten lassen, dass es sich hier um einen Autor aus dem Bereich der „ernsten Literatur“ handelte, und man durch diesen Umstand das in seiner literarischen Seriösität angezweifelte Genre „Krimi“ aufgewertet wissen wollte. Denn an Originalität hapert es dem Buch dann doch gewaltig – schließlich findet sich das, was das Werk etwa an Medienschelte zu bieten hat, in Josef Haslingers Opernball ebenso (wenn nicht sogar direkter und differenzierter) wie auch die Konstruktion und Auflösung des Mordfalles einem jeden Krimileser aus Agatha Christies zu seiner Zeit bahn- und tabubrechenden The Murder of Roger Ackroyd bekannt sein dürfte – um nur auf die

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beiden zentralen Aspekte hinzuweisen, die zumeist als besondere Stärken des Buches genannt werden. Im Grunde stellt sich die Frage, inwieweit es sich hier tatsächlich um einen „Krimi“ im herkömmlichen Sinne handelt.

5 Die Aufmerksamkeit für das Werk blieb auch in den Folgejahren bestehen: 2003 produzierte der WDR ein Hörspiel nach dem Buch und 2004 wurde es in Innsbruck in einer Innsbruck liest betitelten Aktion des Kulturamtes der Stadt ausgewählt und den Interessenten in einer kostenlosen Sonderausgabe von 10.000 Exemplaren zugänglich gemacht. Im gleichen Jahr begann die Arbeit Glavinic’, gemeinsam mit Thomas Maurer und Anatole Steinberg, an einer Bühnenfassung des Werkes, die im Frühjahr 2005 vom Wiener Stadttheater im Rabenhof aufgeführt wurde.

6 Der Kameramörder war also bis 2005 ein Buch geworden, das über reichliche Medienpräsenz und Verbreitung verfügte, weshalb es auch nicht weiter verwundern konnte, dass es ab dieser Zeit auch immer wieder Meldungen über die geplante Verfilmung des Buches nach einem Drehbuch von Günther Pscheider und Robert Pejo gab, wobei schließlich laut Abspann des Films das endgültige Drehbuch dann in erster Linie von Agnes Pluch und in zweiter Linie den beiden bereits Genannten stammte.

7 Hinzu kam aber noch der Umstand, dass Glavinic in den Jahren nach dem Erscheinen von Der Kameramörder eine Reihe nicht nur erfolgreicher, sondern auch literarisch anspruchsvoller Werke veröffentlichte, die seinen Status als ernstzunehmenden Autor untermauerten. 2004 erschien der ironische, vielleicht nicht nur in seinem Titel etwas an Nick Hornbys How to be good erinnernde, diesen aber in Unterhaltsamkeit und Tiefgang überflügelnde Roman Wie man leben soll. 2006 folgte der – von Kehlmann gleich als „Meisterstück“5 – bezeichnete Roman Die Arbeit der Nacht, in der die (später noch in anderen Werken Glavinic’ wiederkehrende) Hauptfigur Jonas sich eines Morgens in Wien als der einzige auf der Erde verbliebene Mensch wieder findet. Zwar ist diese Grundsituation schon früher von anderen Autoren gestaltet worden, doch gerade ein Vergleich etwa mit dem von einer ähnlichen Prämisse ausgehenden Roman Großes Solo für Anton des 2012 verstorbenen Herbert Rosendorfer macht die poetische Stärken des Österreichers besonders deutlich. Zwar wird dem Buch vorgeworfen, es lege zu viele interpretatorische Fährten, die ins Leere laufen, doch ungeachtet dessen lässt sich seine literarische Ernsthaftigkeit kaum bestreiten.

8 2007 folgte die mit der Realität und der Fiktion ironisch spielende, der Gattung nach vom Autor als Roman bezeichnete Satire Das bin doch ich, und schließlich 2009 der Roman Das Leben der Wünsche, der von manchen Lesern als die gestraffte und deshalb bessere Version von Die Arbeit der Nacht angesehen wird. Das Leben der Wünsche schaffte es im gleichen Jahr auf die Longlist zum Deutschen Buchpreis, wodurch der Autor noch bekannter wurde.

9 Spätestens jetzt war Glavinic unbestreitbar in die Reihe der geachteten österreichischen Gegenwartsautoren seriöser Literatur aufgestiegen. Die Aufmerksamkeit, die Der Kameramörder auch in Form der Bearbeitungen genoss, sowie das literarische Gewicht seines Verfassers, das sich bis 2009 überdeutlich manifestiert hatte, machten zwar eine Verfilmung des Buches nicht zwingend, waren aber alles Argumente, die für solch ein Projekt unterstützend ins Feld geführt werden konnten und das Interesse der Zuschauer verhießen.

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3. Der Kameramörder – das Buch

10 In Interviews sagte Thomas Glavinic, „Der Kameramörder ist mir im Traum eingefallen“6 und er habe das Buch „in sechs Tagen geschrieben und großes Vergnügen dabei gehabt, dem Ich-Erzähler seine wahnsinnige Sprache unterzujubeln“7.

11 Das Werk ist das mit den Worten „Ich wurde gebeten, alles aufzuschreiben“8 beginnende Protokoll der Aussage eines Ich-Erzählers, über dessen Identität sich nur soviel in Erfahrung bringen lässt, dass seine Ehefrau Sonja Wagner heißt, die er in seinen, das Geschehen weniger Tage wiedergebenden Ausführungen allerdings immer nur als „Lebensgefährtin“ bezeichnet. Sie besuchen zu Ostern ihre Freunde Heinrich und Eva Stubenrauch in dem – im Buch – weststeirischen Ort Kaibing. Aus dem Teletext entnimmt Heinrich die Nachricht von einem grausamen Doppelmord an Kindern, der sich am Karfreitag unweit von ihnen ereignet hatte. Ein Mann, der alles gefilmt hat, zwang Kinder auf einen hohen Baum zu klettern und herunterzuspringen, sonst, hatte er ihnen gedroht, würde er ihre Eltern töten. Nur ein Kind schafft es, zu entkommen. Die Aufnahme des Verbrechens hat der Täter einem – namentlich nicht genannten – deutschen Privatfernsehsender zukommen lassen, der diese – leicht zensiert – und mit fadenscheinigen Argumenten, die über die Gier nach der Einschaltquote hinwegtäuschen sollen, schließlich zeigt. Das Video und die Tatsache seiner Ausstrahlung sorgen für Empörung in Deutschland und Österreich, und der Mörder wird fortan als der „Kameramörder“ bezeichnet. Die beiden Paare sind im Weiteren dann bestrebt, möglichst viele Informationen über den Mord aus dem Fernsehen, dem Teletext und Zeitungen zu erhalten. Langsam stellt sich heraus, dass nach Meinung der Polizei der Mörder sich in der Nähe aufhalte. Die von den Behörden gezogene Schlinge zieht sich immer enger, bis am Ostersonntag – was zeitgleich auch im Fernsehen aus der Luft gefilmt gezeigt wird – die Polizei das Haus der Stubenrauchs umzingelt und den Ich-Erzähler verhaftet. Das Werk endet lapidar mit den Sätzen: „Der kommandierende Polizist erklärte mich für verhaftet. Ich sei beschuldigt, 2 Kinder ermordet zu haben. Ich leugne nicht“9.

12 Besonders auffällig ist die emotionslose und zugleich pedantische Art, in der die Aussage des Mörders verfasst ist. Während er auf die von ihm in den Tod getriebenen Kinder keine Emotionen verschwendet, listet er in monotonem Duktus peinlichst auch die nebensächlichsten Details auf, lässt seinen Sauberkeitsfimmel durchblicken und sinniert lediglich darüber, ob Katzen leiden würden.

13 Die Sprache des Werkes ist sehr einfach, wie dies offensichtlich auch das Innenleben des Sprechers ist, das heißt überschaubar, also letztlich leer. Auffallend ist im Bericht des Mörders, dass er nicht in der Lage ist, Emotionen zu zeigen. Weder mit seiner „Lebensgefährtin” noch seinen Freunden verbindet er Gefühle. Aus dem Buch erfährt man rein gar nichts über die Beziehung der beiden Paare zu- und untereinander. Ob die Partnerschaft zwischen dem Erzähler und seiner Gefährtin überhaupt eine funktionierende ist oder jemals eine gewesen war, bleibt ebenso im Dunkeln wie die Aspekte der Beziehung des anderen Paares. Unklar bleibt, woher und seit wann sie sich kennen, wie alt sie sind.

14 Es fehlen in dem Werk eine Reihe von Aspekten, die normalerweise in einem Krimi oder auch Thriller anzutreffen sind: der Leser erfährt gar nichts darüber, aus welchem Grunde das Verbrechen verübt und auch nicht, wie es vorbereitet, ein falsches Alibi beschafft wurde. In gewisser Weise könnte man den Mörder aus Glavinic’ Buch auch als

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eine pervertierte Form von Musils Törleß-Figur auffassen, denn auch diese ist ein kalter Beobachter der Schreckenshandlungen, die Reiting und Beineberg an Basini verüben. Jedoch ist Törleß nicht der unmittelbare Verursacher von Basinis Qualen.

4. Der Kameramörder – der Film: Entstehung

15 Die Verfilmung entstand als eine österreichisch-schweizerisch-ungarische Koproduktion 2009/2010 unter der künstlerischen Leitung von Robert A. Pejo als Regisseur. Seine nationale Zugehörigkeit schwankt in den verschiedenen öffentlich zugänglichen Quellen zwischen Österreich, Ungarn und Rumänien. In den ungarischen Quellen wird er sowohl als Robert-Adrian Pejo als auch mit der magyarisierten Schreibung seines Namens als Pejó Róbert angeführt. Er ist 1964 in der Stadt Arad in Rumänien geboren, die bis auf den heutigen Tag über einen Anteil ungarischer Bevölkerung verfügt. Die Familie zog 1972 nach Österreich, wo Pejo in Feldkirch aufwuchs. Dort besuchte er neben der Schule auch den Filmklub Feldkirch, drehte ab dem Alter von 13 Jahren und wurde zum Filmemacher, der bereits als junger Regisseur mit Crescendo – Ein Schrei nach Liebe Aufmerksamkeit erregte. Er studierte zunächst in Bregenz Maschinenbau, absolvierte danach an der Wiener Universität das Studium der Theater-, Film- und Medienwissenschaft zwischen 1988 und 1991, drehte 1992 seinen ersten eigenen Film. Später kam er in die USA, auch heute lebt er noch zeitweise in New York. Er ist ein relativ erfolgreicher Regisseur, wobei sich in seiner Filmographie ab der Jahrtausendwende in erster Linie Fernsehfilme finden und er in verschiedenen Folgen der ARD-Serie Tatort sowie neuerdings beim ZDF in der Reihe SOKO Leipzig Regie führte. In einer Reihe von Kinoproduktionen konnte er seinen künstlerischen Ambitionen größere Freiheit einräumen. Zu diesen gehört Der Kameramörder.

16 Gefilmt wurde in der ersten Hälfte des Jahres 2009 unweit von Budapest am Velence- See, der im Film als der Neusiedlersee (ungarisch: Fertő tó) fungiert. Zu der Auswahl der Schauspieler sagte Pejo in einem Interview: „Es war von Anfang an klar, dass es eine Koproduktion sein würde, damit stand fest, dass es zwei österreichische Darsteller geben wird, einen aus der Schweiz und einen aus Ungarn“10.

17 In dem Presseheft zum Film findet sich eine Zusammenfassung der Handlung, die zumindest zeigt, wie das filmische Werk von den Produzenten verstanden werden soll: Ostern am Neusiedlersee: Thomas (Merab Ninidze) hat im ungarischen Teil mitten im Schilf ein Designerhaus errichten lassen, wohin er mit seiner neuen Freundin Sonja (Dorka Gryllus) ein zweites Paar einlädt: seinen alten Kumpel Heinrich (Andreas Lust), ein notorischer Zyniker, und dessen Frau Eva (Ursina Lardi), mit der Thomas offenbar mehr als eine langjährige Freundschaft verbindet. Schon zu Beginn zeichnet sich ab, dass hinter unverbindlichen Freundlichkeiten und gepflegten Interieurs eine bedrohliche Unruhe wuchert. Als ein mysteriöses Snuff- Video auftaucht, in dem drei Kinder in unmittelbarer Nähe des Hauses gequält werden, schlagen die emotionalen Spannungen des Quartetts zusehends in offene Feindseligkeit um. Es entwickelt sich eine Beziehungsschlacht, in der weder Vertrauen noch ehrliche Gefühle als sicher erscheinen, in der letztlich nur noch Verdachtsmomente und ein grausames Spiel das Drehbuch bestimmen11.

18 Ebenfalls im Presseheft fasste der Regisseur den Film zusammen: „Der Kameramörder gibt keine Antworten und versucht nicht zu erklären, wie die Dinge funktionieren, sondern behandelt die Dysfunktion unserer Beziehungen im Detail.“ Dem ersten Teil des Satzes kann man unumwunden zustimmen, denn der Film gibt weder Antworten

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noch Erklärungen, jedoch dass er „im Detail“ die „Dysfunktionen unserer Beziehungen“ behandeln würde, kann man entweder als Übertreibung oder gleich ganz als eine sinnlose Behauptung abtun.

19 Dass das Ergebnis der Dreharbeiten eine eher etwas zwiespältige Angelegenheit geworden war, zeigen auch beinahe alle Kritiken. In Österreich nannte Otto Friedrich in Die Furche den Film eine „entfernte Romanverfilmung“12. In der Schweiz meinte OutNow zum Film: „insgesamt ein mittelmässig spannendes und unausgewogenes Werk […]. Gefällig, aber auch nicht mehr“13. Im ungarischen Kinomagazin Vox monierte die Rezensentin Ilona Kőhegyi: „obwohl am meisten noch die Absicht des Regisseurs erkennbar wird und obwohl die Idee nicht schlecht war, müsste man die Ausführung noch üben“14. Am treffendsten fasste Michael Sennhauser in seinem Filmblog die Situation zusammen: „Aber was Robert Adrian Pejo mit seinem Team da aus dem gleichnamigen Buch von Thomas Glavinic gebastelt hat, ist eher ein Showreel für talentierte Leute, ein bunter Strauss dramatischer Andeutungen, aber ohne psychologische Entwicklung, dramatische Logik und vor allem ohne zwingenden Bogen“15.

20 Premiere hatte der – ungarisch übrigens Látogatás, also: Besuch betitelte16 – Film am 7. Februar 2010 in Budapest im Rahmen der jährlichen Ungarischen Filmwoche (Magyar Filmszemle, eigentlich: Ungarische Filmschau), in deren Rahmen als wichtigstes nationales Filmfestival die neuesten ungarischen Produktionen vorgestellt und auch verschiedene Preise vergeben werden. Für Látogatás erhielt Robert A. Pejo – als geteilter Preis zusammen mit Zsombor Dyga – die Auszeichnung als bester Regisseur.

21 Die österreichische Premiere von Der Kameramörder erfolgte am 16. März des gleichen Jahres und ebenfalls im Rahmen einer nationalen Filmschau, nämlich auf dem Filmfestival Diagonale in Graz. Hier erhielt der Film keinen einzigen Preis.

5. Der Kameramörder – Übereinstimmungen und Abweichungen zwischen Buch und Film

22 Zwischen dem Film Der Kameramörder und dem gleichnamigen Buch gibt es eine gewisse Zahl von Übereinstimmungen, jedoch eine weitaus größere Zahl von Unterschieden. So ist der Film in vielerlei Hinsicht ein ganz anderes Werk geworden, als es der Roman ist.

23 Zum Film selbst hat sich Glavinic verschiedentlich geäußert, so sagte er z. B., das Buch mit dem Film vergleichend: „Ich finde gerade die Wortwahl dieses Soziopathen im Buch unerträglich, weil ich lachen muss über die unbeholfene Art, wie er die Geschichte erzählt. Wenn man das wegnimmt, bleibt nur eine grauenvolle Geschichte übrig. Und diese wird im Film erzählt“17. Zugleich räumte er im gleichen Interview ein: „Ich dachte erfreut an die finanziellen Vorteile!“ und „Das Einzige, das mir persönlich abgeht, vermutlich wie in jeder Inszenierung, jeder Verfilmung, die sich nicht konsequent an den Text hält, ist der Humor.“ Die Frage danach, wo sich sein Beitrag zum Drehbuch finden lasse, beantwortete er mit: „Nirgendwo.“

5.1. Paare, Partnerschaft und Erzählperspektive

24 In beiden Werken stehen zwei Paare im Mittelpunkt der Handlung, doch während im Buch der Ich-Erzähler namenlos bleibt, heißt der Mörder im Film mit dem Vornamen

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so wie der Autor des Buches „Thomas“ und auch an seiner Seite steht Sonja, die er im Film im Gegensatz zur Partnerschaft im Buch seit nicht allzu langer Zeit zu kennen scheint. Hinzu kommt noch, dass Sonja – eigentlich: Szonja – Ungarin ist. Die Vornamen der beiden anderen Personen lauten – so wie im Roman – Eva und Heinrich, wobei sich im Vergleich zu der Konstellation im Film soviel geändert hat, dass nunmehr Eva und Heinrich aus Wien zu Besuch kommen, und nicht sie die Gastgeber auf dem Lande sind.

25 Der gravierendste Unterschied zwischen den beiden Werken besteht aber darin, dass während das Buch ein Monolog ist, also aus dem Blickwinkel einer einzigen Figur mitgeteilt wird, im Film auf einen Erzähler-Narrator verzichtet wird. Wollte man die Erzählsituation des Filmes mit den Kategorien von Franz K. Stanzel ausdrücken18, so könnte man am treffendsten feststellen: Es handelt sich hier um eine personale Erzählsituation mit Außensicht auf die Figuren, wobei die bei weitem größte Aufmerksamkeit der Figur der Sonja gewidmet wird. Sie ist von allen Figuren am längsten im Film zu sehen, hat die häufigsten Soloszenen, in denen sie auf nonverbale Weise auch das meiste über ihr Innenleben, ihr Fühlen und Denken verrät. Bei den anderen Gestalten kann der Zuschauer weit weniger über deren Verfassung erfahren. Insofern wurde im Film eine wesentliche Akzentverlagerung durchgeführt. Während im Buch die emotionsunfähige Hauptfigur und deren kalter Bericht im Mittelpunkt stehen, zeigt der Film die Tragödie Sonjas, die langsam erkennen muss, dass sie mit einem zu Gefühlen unfähigen Mörder zusammenlebt, der sie vermutlich keinen Augenblick geliebt, dafür aber von Anfang an manipuliert hat. Statt des männlichen Psychopathen und seiner inneren Öde steht nun die in ihrem Glücksstreben betrogene weibliche Gestalt im Mittelpunkt.

5.2. Der Schauplatz: Die Provinz – Österreich-Ungarn und Designerhaus

26 Identisch ist in beiden Werken das Umfeld der Provinz, in dem die Handlung angesiedelt ist – außerhalb des urbanen Raumes, im mehr oder weniger noch intakten Grünen. Allerdings sind hierbei gravierende Unterschiede unübersehbar: aus der bergigen Waldlandschaft der Weststeiermark, mit all ihren Implikationen von „Märchenwald“ und Abgeschiedenheit, ist die flache Gegend am Neusiedlersee, an der österreichisch-ungarischen Grenze geworden. In dieser flachen, in ihrer Vegetation von Schilf dominierten Gegend gibt es keine derart hohen Bäume, wie sie im Buch beschrieben wurden. Man löste dieses Problem, indem im Film die ehemaligen Grenzwachtürme des Eisernen Vorhanges miteinbezogen werden, und nun zwingt der Mörder die Kinder, von diesen zu springen.

27 Der Aspekt des Grenzgebietes wird lediglich hinsichtlich der Zweisprachigkeit der dort Lebenden an einer Stelle kurz angeschnitten, als es heißt, dort spreche ein jeder sowohl ungarisch als auch deutsch. Mögliche Aspekte der Thematisierung ehemaliger Verhältnisse, wie Eiserner Vorhang, Todesstreifen etc. werden ebenso nicht genutzt wie auch die Frage keine Rolle spielt, ob es Spannungen oder Vorurteile zwischen österreichischer und ungarischer Bevölkerung gibt.

28 Das engere Umfeld der Handlung stellt das Designerhaus dar, welches für ungarische Verhältnisse den Eindruck von Wohlstand vermittelt. Darüber hinaus bietet sich im Wohnzimmer mit den Bücherregalen auch ein Apsekt an, der im Buch gar nicht

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vorkam: nämlich der der Intellektualität. (Es wird zwar im gesamten Film nicht klar, welche Berufe die einzelnen Figuren ausüben, doch – bis auf die Figur der Sonja – dürfte es eindeutig klar sein, dass sie keine physische Arbeit verrichten.) Dabei ist das Bücherregal in der Hinsicht etwas irritierend, als darauf für einen ungarischen Zuschauer gut erkennbar ungarischsprachige Bücher zu finden sind, so z.B. eine ganze Reihe von Bänden der – in Konzeption und Äußerem der Bibliothek Suhrkamp nachempfundenen – Modern könyvtár [Moderne Bibliothek] des Budapester Verlages Európa, die vor der politischen Wende erschienen waren, sowie mehrere Bände des Világirodalmi Lexikon [Lexikon der Weltliteratur], herausgegeben vom Verlag der ungarischen Akademie der Wissenschaften. Rein von der Sprache her sind diese Bücher einzig für Sonja zugänglich. Ob aus dieser Tatsache wirklich interpretative Rückschlüsse gezogen werden sollten oder ob es während der Dreharbeiten einfach nur darum ging, bei dem Aufbau der Kulisse auch einige Bücher zu haben, weshalb man auch nicht weiter auf deren Herkunft achtete, ist nicht klar. Sicher ist aber, dass weder im Roman noch im Film Bücher, Literatur und Philosophie direkt angesprochen werden.

5.3. Sexualität – moderner Heimatfilm?

29 Umso mehr füllt der Film Aspekte der Beziehung der beiden Paare mit Elementen, die im Buch keinerlei Rolle gespielt hatten. Zunächst wird hier das Alter der vier zentralen Figuren deutlich umrissen: Thomas, Eva und Heinrich kommen aus Österreich, kennen sich schon seit langer Zeit und sind auch etwa 10 Jahre älter als die Ungarin Sonja, mit der Thomas nun zusammenlebt. Es werden (auch) emotionale Verstrickungen aus der Vergangenheit angedeutet, in der Thomas und Eva vermutlich eine sehr enge Beziehung hatten, deren sexuelle Komponente bis in die Gegenwart nachhallt. Der Aspekt der Sexualität spielt in dem Film überhaupt eine unübersehbare Rolle, die zur Charakterisierung der Gestalten genutzt wird. Während das Geschlechtliche im Buch keinerlei Rolle spielte, präsentiert der Film zwei explizite Sexualakte zwischen Thomas und Sonja, wobei der zweite im Grunde eine Vergewaltigung ist und als Charakterisierung der Rücksichtslosigkeit von Thomas fungiert. Darüber hinaus steht die Vermutung im Raum, dass es zwischen Eva und Thomas im dargestellten Zeitraum von einigen Tagen ebenfalls zu sexuellen Handlungen gekommen ist. Mehr als angedeutet wird zugleich, wie zerrüttet die Beziehung zwischen Eva und Heinrich ist, schließlich hat sie einen Liebhaber und er gibt zu, tags zuvor im ungarischen Sopron (Ödenburg) im Bordell gewesen zu sein. Jedoch ist nicht das Sexuelle der grundlegende Aspekt des Filmes, sondern die emotionale Ausgehöhltheit der drei österreichischen Figuren und die Unzufriedenheit miteinander. Geradezu erstaunlich ist, wie sehr in diesem in moderner Optik gehaltenen Film so genannte traditionelle Werte im Kontrast zu den voneinader entfremdeten Figuren durch die Gestalt der Sonja positiv in den Mittelpunkt gestellt werden. Sonja zeigt immer wieder Emotionen (für die Kätzchen, für die verschwundenen Kinder) und erweist sich im Haus als „Hausfrau“ im traditionellen Sinne (immer wieder ist sie es, die abwäscht, den Tisch abräumt, sauber macht, aufräumt, besonders engagiert Dinge aus dem Regen rettet etc., während von den anderen Figuren ihr nur eine ab und zu hilft). Abstrahiert man von dem im Film präsentierten modernen Ambiente und von der ungezwungenen Sexualität, so transportiert das Werk ein geradezu ultrakonservatives Weltbild von gefühlsunfähigen, sich selbst verwirklichen wollenden, der Natur entfremdeten urbanen

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Möchtegernkarrieristen, die, sich selbst hinter eine Haltung von Spott und Überlegenheit zurückziehend, vor den wichtig-ehrlichen Dingen des Lebens fliehen, denn sie sind diesen in ihrer selbstsüchtig-infantilen Art nicht gewachsen. Man könnte also von einer Art raffiniert-modernen Heimatfilm sprechen, in dem die urbanisierten Wohlstandskinder mit ihrer egoistisch-rücksichtslosen Weltsicht das natürlich- ehrliche Glücksverlangen der ungekünstelten Ungarin, die auch als Sinnbild der ausgebeuteten Frau aufgefasst werden kann, negieren – wobei der Akzent bei alledem gar nicht auf dem ethnischen Gesichtspunkt zu liegen scheint.

30 Im Laufe der Unterhaltungen werden von den Figuren eine Reihe von Andeutungen gemacht, von denen allerdings kaum eine geklärt wird: warum die Beziehung zwischen Eva und Heinrich zerrüttet ist; was zwischen Eva und Thomas war und ist; was Thomas an Sonja gereizt hat etc. Doch genauer betrachtet müssen wir feststellen, dass wir als Zuschauer rein gar nichts über die Figruen erfahren. Ihr Beruf, Bildung, Werdegang, ihre Einstellung zu verschiedenen Dingen des Lebens bleibt ungeklärt.

5.4. Ausgeblendeter Aspekt: Die Sensationsgier der Medien

31 Ein wichtiger Aspekt des Buches, der in beinahe allen Rezensionen des Werkes mit zu den wichtigsten Gesichtspunkten gezählt worden ist, stellt die Darstellung der sensationslüsternen Aufbereitung des Mordvideos durch den – nicht weiter benannten – deutschen Privatsender dar, die als Symbol für die allgemeine Verrohung aufgefasst werden kann. Dieses Motiv tritt im Film in den Hintergrund, wohl auch weil sich in den Jahren seit der Veröffentlichung des Buches das Internet als bedeutende Quelle für die Einholung von Informationen durchgesetzt hat. Im Film sehen sich die vier Hauptfiguren das Mordvideo auf einer Internetseite an, während sie im Fernsehen lediglich die späteren Berichte über die Ermittlungen in dem Mordfall ansehen. Dabei ist der Aspekt des Privatfernsehens vollkommen verschwunden, die Nachrichten werden – deutlich erkennbar am eingeblendeten Logo – im staatlichen ORF mitgeteilt. Kurzum: die Frage der sich auch in den Medien äußernden entmenschlichten Sensationsgier ist im Film vollkommen außer Acht gelassen worden, was vielleicht weniger überraschen dürfte, wenn man unter den zahlreichen Geldgebern für das Filmprojekt neben dem ORF und dem Schweizer Fernsehen auch den ungarischen Privatfernsehsender TV2 entdeckt, der eine Tochtergesellschaft der ProSieben7Sat.1 Media AG ist. Die Medien, Fernsehen und Presse, werden im Film lediglich als neutrale Informationsquellen präsentiert, ob, inwieweit und aus welchen Motivationen diese in der Präsentierung der Nachrichten manipulativ seien könnten, steht im Film gar nicht zur Debatte.

5.5. Die ausgesparten „heißen Eisen“: Politik und Ausländerhass sowie Religion und Kirche

32 Zwei Aspekte des Romans werden selbst in den Rezensionen des Buches höchstens marginal angesprochen, doch niemals besonders in den Mittelpunkt gestellt, obwohl unübersehbar deutliche Stellungnahmen zu ihnen im Werk Glavinic’ zu finden sind.

33 Der eine Aspekt bezieht sich auf die österreichische Innenpolitik und zeigt – hierbei auch im außerösterreichischen Rahmen eine Verallgemeinerung zulassend – welche Auswirkungen populistische Auftritte von Politikern haben können und wie sich

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radikeler Populismus dazu eignen kann, Fremdenhass zu schüren. Im Buch heißt es, nachdem die Morde bekannt geworden sind, und sich nun die einzelnen politischen Seiten hierzu äußern, die vier Hauptfiguren würden im Teletext folgendes lesen: „Die Freiheitliche Partei äußert die Überzeugung, zu täterfreundliche Realjustiz leiste derartigen Katastrophen Vorschub. Sie erwägt ein Volksbegehren zur Wiedereinführung der Todesstrafe“19. Später heißt es ebenfalls im Teletext: „Zu heftigen Reaktionen haben die Überlegungen der Freiheitlichen Partei geführt, ein Volksbegehren zur Wiedereinführung der Todesstrafe einzuleiten. Der Nationalratspräsident hat erklärt, damit stelle sich Österreich außerhalb der europäischen Wertegemeinschaft“20.

34 Die Gefahr, die vom Populismus der Freiheitlichen ausgeht, wird überdeutlich, als ein Mann verhaftet und im Gasthaus sogleich spekuliert wird: „Ob er ein Hiesiger sei, ob er schon mehr gemordet habe, ob man ihn nicht gleich hätte erschlagen sollen, ob wir zum Volksbegehren gehen würden usw“21. Obwohl der Verhaftete zunächst nur ein Verdächtigter ist – dessen Unschuld sich dann herausstellt –, zeigt der Nachbar und Vermieter des Hauses der Stubenrauchs ein bedenkliches Verhalten, denn er „nannte […] den Verhafteten ein Scheusal, Vieh u. dgl., mit dem kurzer Prozeß gemacht werden müsse, und das Volksbegehren werde er unterschreiben“22.

35 Im Film findet sich lediglich in zwei Szenen der Hinweis, dass der eine ungarische Vater aus der Verwandtschaft der Kinder es Heinrich übelgenommen hatte, als dieser seiner kleinen Tochter gegenüber besondere Freundlichkeit zeigte. Ob Heinrich irgendwelche pädophilen Neigungen hat, bleibt aber ebenso ungezeigt und im Dunkeln, wie die Szene, in der er von dem Ungarn geschlagen und bei der Polizei angezeigt worden sein muss.

36 Der andere, ebenfalls zumeist negierte Aspekt, der im Buch angedeutet wird – und übrigens auch in anderen Werken von Glavinic vorkommt –, ist eine deutlich skeptisch- ablehnende Haltung gegenüber Kirche und Religion. Sicherlich nicht zufällig spielt die Handlung über die Osterfeiertage – an denen für die zum Opfer gewordenen Kinder die Errettung oder gar Auferstehung ausbleibt. Über diese symbolische Seite hinaus wird die Ablehnung der Religion und vor allen Dingen der katholischen Kirche durch die Figur des Heinrich expressis verbis vorgebracht, so als er in einem Telefongespräch wenig Sensibilität für das Osterfest zeigt: Nein, sagte er, sie würden Ostern nicht großartig feiern, ihr Besuch sei wg. Urlaubstage und nicht wg. Christl. Fest gekommen, und nein, er wolle seine Ruhe haben, er werde definitiv nicht zur Messe gehen, wann die Person am anderen Ende der Leitung damit endlich aufhöre. Die katholische Kirche sei eine widerwärtige Vereinigung scheinheiliger Machtmenschen u. Kinderschänder, deren verrücktes polnisches Oberhaupt sich als Vertretung von jemand aufspiele, der nicht exisitert. Vielleicht habe sogar einer von dieser Firma mit flatternder Kutte die Frauenkirchener Kinder durch den Wald gejagt und dabei gehechelt23.

37 Es gibt noch weitere Passagen, die sich zu dieser Thematik anführen ließen.

38 Beide Bereiche (Politik und Religion) sind aus dem Film vollkommen ausgeklammert worden, was hiervon in Rudimenten noch geblieben ist (Zeitpunkt: Ostern), hat jene Tendenz, die im Buch vorherrscht, verloren und ist nunmehr funktionslos geworden.

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Fazit

39 Angesichts des Films stellt sich die Frage, ob man hier überhaupt von einer Verfilmung oder Adaption des Glavinicschen Romans sprechen darf. Die Abweichungen sind derart gravierend, dass man den Film höchstens als „nach Motiven des Buches“ gedreht bezeichnen könnte. Besonders ins Auge fällt bei der Umsetzung aber, mit welcher Akuratesse all jene Aspekte aus dem Drehbuch fehlen, die eine gesellschaftliche, politische, soziale und weltanschauliche Implikation haben und die dementsprechend dazu hätten führen können, auf politisch-weltanschaulicher Grundlage bei Teilen des Publikums Unzufriedenheit hervorzurufen. Geblieben ist ein sehr beeindruckend fotografierter Film mit erstklassigen Schauspielern, der kaum etwas sagt und bestenfalls Fragen hinsichtlich der privaten Seite seiner Figuren aufwirft, die aber nicht beantwortet werden. Vergleicht man den Film mit ähnlichen Werken, in denen zwei Paare kammerspielartig zu einem (selbst)entlarvenden Psychoduell zusammengebracht werden (angefangen mit Wer hat Angst vor Virginia Woolf bis Der Gott des Gemetzels), so ist der hier zur Debatte stehende Film seltsam unkomponiert, unfertig, verzagt und belanglos.

NOTES

1. „Im Jahr 2000 folgte Herr Susi, ein derb-barocker Schelmenroman über einen Fußballclub- Präsidenten und seinen Auf- und Abstieg im Grazer Provinzmilieu […]“. Kehlmann, Daniel: Die Hölle sind nicht die anderen. In: Der Spiegel 2006 Nr. 31, S. 129. (Im Weiteren: Kehlmann/Spiegel) 2. „Ich war jung und brauchte das Geld.“ Standard-Karriere-Telegramm http://derstandard.at/ 1297215938574/Thomas-Glavinic-Ich-war-jung-u. (23. 03. 2013) 3. Kehlmann/Spiegel S. 129. 4. Eberhard Sauermann: Thomas Glavinic’ »Kameramörder« - doch kein Skandal? In: Stefan Neuhaus / Johann Holzner (Hrsg.): Literatur als Skandal. Fälle – Funktionen – Folgen. Göttingen: Vandenhoeck & Ruprecht 2007, S. 666-677. 5. Kehlmann/Spiegel, S. 128. 6. „Es sind meine Ängste.“ Ein Gespräch mit Thomas Glavinic. Auf: http://www.thomas- glavinic.de/der-autor-thomas-glavinic/interview/ (23.04.2013) 7. „Ich schlafe selten ohne Licht.“ In: Der Standard 16.08.2006. 8. Thomas Glavinic: Der Kameramörder. München: dtv 2003, S. 5. (Im Weiteren: KAM.) 9. KAM, S. 157. 10. AUSTRIAN FILM COMMISION INTERVIEWS. Auf: http://www.afc.at/jart/prj3/afc/main.jart? rel=de&reserve-mode=active&content-id=1148999736995&artikel_id=1248152328924 11. Vorläufige PRESSEINFORMATION THIMFILM. 12. http://www.furche.at/system/downloads.php?do=file&id=1629 13. Am 24.01.2011 auf http://outnow.ch/Movies/2010/Kameramoerder/Reviews/kino/ 14. Vox, 10. Juni 2010. (Deutsche Übersetzung von mir, G.K.) 15. Am 17. März 2010 auf: http://sennhausersfilmblog.ch/2010/03/17/diagonale-10-der- kameramoerder/

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16. Die vom Glavinic-Buch vollkommen abweichende Titelgebung betont die Eigenheiten des Filmes vermutlich nicht nur besser, sondern war auch aus dem Grunde eine gute Lösung, da Der Kameramörder bis auf den heutigen Tag nicht ins Ungarische übersetzt worden ist. 17. Glavinic: „Ich bin ja nicht nur düster.” Am 25.03.2010 auf http://kurier.at/kultur/glavinic- ich-bin-ja-nicht-nur-duester/713.490. 18. Franz K. Stanzel: Theorie des Erzählens. Göttingen: Vandenhoeck & Ruprecht, 2008. 19. KAM, S. 30. 20. Ebd., S. 84. 21. Ebd., S. 110. 22. Ebd., S. 116. 23. Ebd., S. 25.

RÉSUMÉS

Der Beitrag vergleicht das im deutschsprachigen Raum sehr erfolgreiche Buch des österreichischen Autors Thomas Glavinic Der Kameramörder mit der Verfilmung durch den österreichisch-ungarisch-rumänischen Regisseur Robert Adrian Pejo und kommt zu dem Ergebnis, dass die Filmfassung weitgehende Veränderungen beinhaltet. Am offensichtlichsten ist der Wechsel von der Monologform des Buches zu einem Psychokammerspiel à la Wer hat Angst vor Virgina Woolf ? Allerdings vermeidet der Film alle jene Aspektes des Buches, die mit Politik sowie Religion zu tun haben und verbleibt in einer rein privaten Dimension.

Cette contribution compare Der Kameramörder, roman de Thomas Glavinic qui avait connu un franc succès dans les pays germanophones, et son adaptation cinématographique par le réalisateur austro-roumain-hongrois Robert Adrian Pejo. Cette adaptation se caractérise par de nombreuses modifications, notamment par le passage de la forme monologique du livre à un vaudeville psychologisant à la Qui a peur de Virginia Woolf ? Le film évite tous les aspects du livre ayant trait à la politique ou la religion et se cantonne à une dimension purement privée.

The study compares the book of Thomas Glavinic The Killer with the Camera, which was in the german speaking countries a huge success, with the cinematization by the austrian-hungarian- rumanian director Robert Adrian Pejo, and comes to the conclusion, that the filmversion shows major changes. The most obvious aspect is the changing of the monologue-form int he book to a psycho chamber drama à la Who’s Afraid of Virginia Woolf ? However the film avoids all those aspects of the book, which deal with politics and religion, and therefore it concentrates only on private Dimensions.

INDEX

Mots-clés : film, cinéma, adaptation cinématographique, thriller

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AUTEURS

GÁBOR KEREKES ELTE Budapest

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Traces d’un effacement et effacement des traces : La Tour, du roman au film Traces of effacement and effacement of traces: the television adaptation of the novel Der Turm Spuren der Auslöschung und Auslöschung der Spuren – die Verfilmung des Romans Der Turm

Éric Leroy du Cardonnoy

C’est peut-être l’exercice artistique du futur : […] refaire quelque chose qui transforme ce qui a été en quelque chose de secrètement nouveau…1

1 Comme bien souvent de nos jours, un roman, devenu un bestseller, se voit adapté à la télévision, le succès de librairie devant par avance garantir le succès de l’adaptation. Ainsi le film La Tour d’Uwe Tellkamp, paru en 2008, et qui « malgré » ses quelque mille pages a rapidement escaladé l’échelle des ventes pour devenir un grand succès – il a reçu le Prix du Livre allemand l’année de sa parution –, a été en 2012 diffusé, pour la première partie, sur la première chaîne allemande nationale, ARD, le 3 octobre, jour de l’unité allemande (Tag der deutschen Einheit), c’est-à-dire le jour de la fête nationale qui marque la disparition de la RDA et célèbre la réunification. Après une mise au point sur les conditions de projection du téléfilm qui en déterminent le pacte de lecture, nous considérerons la question théorique de l’adaptation d’une œuvre romanesque à la télévision. Puis nous nous intéresserons, à partir des recensions critiques faisant suite à la diffusion du téléfilm, aux différences fondamentales qui apparaissent entre l’adaptation et le roman pour en comprendre les conséquences en nous concentrant sur trois points en particulier : tout d’abord une comparaison entre l’incipit du roman et celui du téléfilm, puis une interrogation sur la coupure effectuée entre les deux parties du téléfilm, enfin le recentrage de cette production par rapport au foisonnement polyphonique du roman. En d’autres termes, les choix opérés par le réalisateur et le scénariste retiendront notre attention pour comprendre la portée de leur travail.

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1. Pacte de lecture et questions sur ce que le cinéma fait à la littérature

2 Le téléfilm La Tour (scénario : Thomas Kirchner, réalisation : Christian Schwochow) ne peut être regardé, interprété ni compris sans qu’il soit tenu compte des conditions particulières dans lesquelles il a été projeté. En effet, c’est le 3 octobre, jour de la fête nationale allemande, qu’il a été diffusé pour la première fois en exclusivité sur la première chaîne généraliste de la télévision publique, à une heure de grande écoute – on dirait en jargon télévisuel en « prime time » –, c’est-à-dire à 20h15. Le choix du jour n’est bien évidemment pas anodin, mais relève d’une intention très claire qui est de faire du téléfilm un document pour célébrer l’événement historique du jour. Il fut suivi à 21h45 d’un documentaire, signé Jan N. Lorenzen, s’interrogeant sur « la manière dont était la vie dans la réalité, dont les Allemands de l’Est ont vécu les années 80 et sur le rôle particulier de Dresde2. » Mais il avait également été précédé par toute une série d’émissions télévisées et radiophoniques préparatoires dans les semaines antérieures à sa diffusion (rencontre avec l’auteur, adaptation radiophonique de certains passages du roman, discussions et tables rondes sur la vie en RDA dans les années 80, entretiens avec les acteurs du film3, etc.) ; la chaîne MDR, offrant le 3 octobre au soir la possibilité de le regarder parallèlement en streaming, avait ouvert un blog et un compte Twitter pour recueillir les commentaires et les questions des téléspectateurs auxquelles répondit le réalisateur4. Il fut regardé par environ sept millions de personnes. Le producteur principal, MDR, chaîne de radio et télévision couvrant respectivement la Saxe, le Saxe-Anhalt et la Thuringe, a donc réussi, par un battage médiatique de plusieurs semaines, à préparer le public à une certaine forme de réception du téléfilm en deux parties. Le fait d’avoir choisi un jour historique si fortement symbolique pour sa première projection officielle n’a rien du hasard : il s’agit bien d’orienter vers une « lecture » historique, naturaliste et réaliste du téléfilm et de considérer la narration du film comme une œuvre de témoignage presqu’à la manière d’un documentaire historique. Tout cela peut expliquer, entre autres, pourquoi il a obtenu le Publikums- Bambi (2012) et le Grimme-Preis pour la fiction (2013), deux récompenses prestigieuses de la télévision allemande5. Ainsi La Tour d’Uwe Tellkamp, le roman comme le téléfilm, est présentée et attendue comme la fresque d’une époque disparue, comme le roman d’un monde révolu dont il s’agirait à jamais de conserver la ou les traces. Cependant, comme l’écrit Jacques Derrida, Méditer l’écriture, c’est-à-dire aussi bien l’effacement – et la production d’écriture est aussi la production d’un système d’effacement, la trace est à la fois ce qui s’inscrit et ce qui s’efface –, c’est méditer constamment ce qui rend illisible ou ce qui est rendu illisible6.

3 Ainsi Uwe Tellkamp donne à lire ce que fut la RDA, mais dans le même temps, par cette réflexion sur ce qui s’efface et disparaît, il produit le système même d’effacement de ce qu’il convoque en le rendant illisible, voire invisible : il transforme une réalité en fiction. En effet, lire La Tour, c’est regarder, lire un texte qui, en recréant ce qui a disparu, l’efface une seconde fois et le rend doublement illisible. D’une part, il y va d’une production d’écriture dans un processus qu’on exige anamnétique (la recherche des traces), d’autre part, cette production doit de manière tout à fait redondante et paradoxale mettre au jour le système d’effacement propre à toute écriture, et spécialement à la sienne, par la recréation fantastique et romanesque d’un univers. Il y

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va donc bien des traces, de la recherche des traces, pour la plupart involontairement effacées, qu’il s’agit de faire réapparaître, comme le chasseur, puisque la trace s’inscrit dans le champ d’une métaphorique cynégétique. À bien des égards, le roman s’apparente à une entreprise située à la limite de la contradiction, de l’impossible, de l’impensable, et dans le même temps à une reconnaissance de dette à l’égard de tout ce qui a participé à son élaboration.

4 Que le roman se termine sur les grandes manifestations de Dresde en 1989 lors du passage du train des « fugitifs de la République » (Republikflüchtlinge) en transit de la Tchécoslovaquie vers l’Allemagne de l’Ouest, voilà qui fixe un point de non-retour pour la RDA et indique une date bien précise. Une date inscrit cette singularité dans une lisibilité, c’est-à-dire en référence à un calendrier, à des marques en tout cas répétables, qui sont accessibles à tout le monde7.

5 Les textes littéraires ne peuvent pas être un simple « reflet », mais sont toujours une réponse à une situation et à un état particulier et production d’un nouveau sens qui déplace ou sanctifie les positions à l’intérieur du champ en question. Il ne s’agit donc pas seulement de la question d’une adaptation, mais d’une fiction dans laquelle il faudra reconnaître, identifier une réalité telle qu’on l’a déjà vue, par exemple, dans La Vie des autres, Good-bye Lenin ou encore Sonnenallee, pour ne citer que les films les plus connus traitant de l’ex-RDA. Cela signifie également, par conséquent, que ce roman adapté pour la télévision est loin d’être une œuvre unique, qu’elle coexiste avec d’autres productions du même type parmi lesquelles elle doit se frayer une place, investir une part du champ cinématographique pour s’imposer et se faire un nom. Enfin, comme Gerd Röllecke l’avait fait remarquer dans sa recension pour la FAZ, La vérité au sujet de la RDA ? Le roman n’est pas un livre d’histoire. « L’action de ce roman est le libre fruit de l’imagination. » C’est une œuvre d’art, un tableau. Mais les œuvres d’art ont leur vérité intérieure qui montre parfois plus qu’une photographie précise8.

6 Il ressort de cette remarque du critique, faite avant que les droits d’adaptation aient été vendus, qu’il avait déjà perçu le danger d’une « lecture » possible du roman : le considérer d’un point de vue strictement historique, voire historiographique, et comme un témoignage ethnographique et sociologique « d’un pays disparu » (comme l’indique le sous-titre du roman ; en traduction française : « d’une terre engloutie ») . Autrement dit, il s’agit d’une lecture réductrice qui ne perçoit pas la nature spécifique de la littérature qui, bien qu’elle soit également un témoignage, est aussi, précisément, une œuvre d’art avec ses règles, notamment du fait qu’elle n’est pas simplement dénotative. D’autant que l’auteur a bien pris soin d’indiquer par le sous-titre de l’œuvre qu’il s’agit d’une « histoire ».

7 Il va de soi que nous ne nous attacherons pas à attribuer un satisfecit ou non à la fidélité, la trahison ou l’appauvrissement de l’adaptation filmique, ce qui relèverait de l’illusionnisme naturaliste. En revanche, l’examen des choix opérés par le scénariste et le réalisateur sera d’autant plus intéressant qu’il permettra de comprendre ce qu’ils ont voulu en faire et quelle en a été la réception dans le cadre que nous venons d’esquisser9. Adapter un film au cinéma ou, comme dans le cas qui nous occupe, à la télévision ne signifie pas uniquement réécrire, mais avant tout faire passer d’un langage à un autre, d’un média à un autre, d’un langage à des langages ; l’image est bien entendu

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primordiale, mais il ne faut pas oublier la bande-son, l’organisation des séquences ainsi que la perception, la sélection, la recomposition ordonnées par le spectateur. Comme Francis Vanoye l’explique dans L’Adaptation littéraire au cinéma10, l’adaptation d’une œuvre littéraire à l’écran est toujours à envisager sous l’angle du travail (travail comme douleur, travail du rêve, travail du bois) qui fait que l’adaptation est d’emblée toujours suspecte, de vouloir par exemple se passer de l’œuvre-source, et « place d’emblée le cinéma en posture de dépendance et de dette par rapport à la littérature11 ». En effet se trouvent posées des questions de réflexion, tant théoriques que pratiques, telles que plagiat, valorisation/dévalorisation, auteur et son rôle, le scénariste et le réalisateur, masque, traduction, etc. Michel Serceau explique l’histoire des relations entre cinéma et littérature et surtout la longue liste des griefs de la seconde à l’encontre du premier, liste qui repose, selon lui, sur « un clivage entre deux démarches : l’une qui réduit le film à sa structure narrative, l’autre qui mue la représentation en écriture12 ». L’adaptation, en effet, « n’est pas seulement une opération factuelle – traduction d’un langage dans un autre – qui placerait le cinéma dans la dépendance de la littérature et par laquelle il se ravalerait au rang d’illustrateur, mais un faisceau de réalités sémiotiques et esthétiques13 ». L’adaptation, réalité plurielle et réversible, est un mode de réception et d’interprétation qui pose la question de « l’articulation, du retour, de l’obsolescence ou de la pérennité des différentes formes de représentation14 » où se structure une part non négligeable de l’imaginaire de l’homme d’aujourd’hui et, dans le cas qui nous occupe, celui du citoyen allemand en 2012. Il s’agit plutôt d’une « re- création », comme l’explique Robert Stam : On peut considérer l’adaptation comme la transformation de l’hypotexte d’un roman source à travers une série complexe d’opérations : sélection, amplification, concrétisation, actualisation, critique, extrapolation, analogie, popularisation et ré- acculturation15.

8 Car, comme l’écrit Mathilde Labbé à propos de deux adaptations de Boule de Suif de Maupassant : Le passage de l’écrit à l’audiovisuel fixe dans la matérialité des personnages des décors et des sons qui n’étaient que mots. De ce fait, l’histoire prend une nouvelle dimension : l’image qui s’impose aux spectateurs devient le seul référent pictural possible (alors que chacun s’imagine le personnage à sa manière pendant la lecture) et s’inscrit dans une histoire commune des souvenirs cinématographiques16.

9 On l’aura compris, la situation particulière, pour ne pas dire exceptionnelle, de projection du téléfilm a bien pour objectif d’inscrire les images du film dans une histoire commune et de créer des souvenirs non cinématographiques dans une histoire collective. Cependant, nous pouvons dire que ce désir d’orientation de la réception est aussi déterminé par le genre auquel appartient cette production. Le genre est en effet le moyen d’établir avec le destinataire « un contrat de lecture qui encadre son attitude de réception mais aussi, rétrospectivement, le travail de production des messages émis17 ». Stéphane Benassi distingue ainsi trois genres principaux : le téléfilm, le feuilleton et la série comme les trois formes naturelles de la fiction télévisuelle pour conclure que la fiction télévisuelle serait devenue « un compromis entre roman et cinéma18 ». Comme nous l’avons rappelé plus haut, le téléfilm a été présenté sur deux jours, donc il ne sera pas question de feuilletonisation, opération de dilatation et complexification de la diégèse. Cependant, les deux fois 1h30 du téléfilm devront retenir l’attention afin de comprendre et d’interpréter les raisons qui ont pu présider au choix d’une telle organisation et du découpage de la diégèse, autrement dit les raisons et les conditions de la reconfiguration du récit, sachant que, comme le pense François Jost à la différence

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de John Searle, l’intentionnalité est peut-être plus à chercher du côté du destinataire en tant que construction du spectateur que du côté de l’émetteur.

2. Incipit, recentrage et coupure

10 Uwe Tellkamp a placé en exergue de son œuvre deux phrases qui la positionnent dans le champ littéraire en l’insérant dans une catégorie générique qui est celle du roman et précise : L’action de ce roman est le libre fruit de l’imagination. Les personnages, tels qu’ils sont décrits, vivent dans la représentation et ont autant de points communs avec des êtres réels que l’argile du plasticien avec la sculpture19.

11 Le protocole de lecture que nous propose Uwe Tellkamp est donc très clair : même s’il n’est pas possible de nier le rapport de l’action du roman à une réalité référentielle, elle ne peut être considérée comme une illustration de celle-ci. Recourant à un art figuratif, la sculpture, il indique que la matière première du roman est bien réelle, mais que le jeu de la création artistique réside précisément dans ce que le résultat final a subi un traitement de raffinement, d’esthétisation qui ne permet plus de la reconnaître. L’art en général et la littérature en particulier sont par conséquent formation, reformation, déformation d’une réalité qui, comme le rappelait Jacques Derrida, efface les traces de sa création. Autrement dit, écrire comme Jens Binsky dans sa recension pour la Süddeutsche Zeitung citée en quatrième de couverture : À qui voudra à l’avenir savoir comment la vie s’est réellement passée dans la RDA finissante, il faudra rapidement et de manière décidée lui mettre le nouveau roman d’Uwe Tellkamp dans les mains20.

12 signifie ne considérer la littérature que dans son aspect dénotatif. Et c’est bien là, semble-t-il, la stratégie adoptée par nombre de commentateurs du livre, mais aussi pour l’adaptation faite par Thomas Kirchner21. En effet, l’incipit du roman disparaît totalement de l’adaptation télévisée de même que la série des autres chapitres s’y rattachant et qui sont des parties du journal tenu par Meno Rohde, l’un des protagonistes du roman. En supprimant tous ces moments, Thomas Kirchner supprime du même coup la technique du contrepoint, l’une des caractéristiques du roman, et dont la fonction réside dans un éclairage de la diégèse par l’un des personnages qui tente dans le même temps de s’y soustraire. De plus, le titre donné à ce premier chapitre, Ouverture, n’est pas sans importance puisque toute une partie de la famille Hoffmann est mélomane, joue d’un instrument, donne des concerts de chambre. Le thème musical est ainsi, dès le début, indissociablement lié au personnage de Meno et à l’image qu’il dessine du cadre de l’action – le second paragraphe est d’ailleurs tout entier consacré à des réflexions d’ordre musical. L’opposition mise en place dans ce premier chapitre entre le fleuve, son mouvement, sa couleur, sa fonction d’artère économique et d’exutoire d’une part et de l’autre le temps qui organise la vie des hommes, structure leur histoire et semble ralentir inlassablement, comme pour figer ce pays dans un sommeil de Cendrillon, ne se retrouve donc plus dans le téléfilm. Toutes les connotations d’écoulement – du fleuve et du temps –, de ramifications des bras du fleuve, du bruit des horloges, du caractère éternel de l’élément aquatique qui n’existent plus dans la production télévisée ôtent une des épaisseurs au récit : En quête, le fleuve semblait se raidir dans la nuit naissante, sa peau se froissait et crépitait ; on aurait dit qu’il voulait prendre de court le vent qui se levait dans la ville lorsque la circulation sur les ponts s’était déjà réduite à quelques voitures et à

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de rares tramways, le vent de la mer enserrait l’Union Socialiste, l’Empire Rouge, l’Archipel, irrigué nourri traversé innervé envahi par les artères les veines les capillaires du vaste fleuve, alimenté par la mer, dans la nuit le fleuve qui ramenait avec lui les bruits et les pensées sur sa surface scintillante, le rire, le sérieux, la gaieté dans la pénombre croissante ; des matières en suspension descendant dans ses profondeurs, où se mêlaient les caniveaux de la ville […]22.

13 Le rythme de la phrase allemande, ce premier chapitre de cinq pages n’étant qu’une seule et même phrase qui se termine sans ponctuation, contribue à renforcer l’image du fleuve et du temps inexorables ; seule l’organisation typographique – les tirets qui débutent chaque paragraphe – institue des pauses dans le flot ininterrompu des pensées de Meno. Il y a donc, dans cette ouverture, un véritable stream of consciousness, et les contrastes et oppositions les plus forts que l’on puisse imaginer : d’un côté la langue que rien n’arrête, le caractère inflexible et inhumain de la nature, son rythme tranquille parce qu’éternel, et de l’autre la structure linguistique de la phrase qui semble presque haleter, qui ne permet nulle respiration et produit un sentiment de panique, tout en établissant un rythme proche de l’art de la fugue par la reprise et le croisement de certaines images ou certaines structures de phrases (« suchend, der Strom schien », p. 7 ; « suchend in der Nacht der Strom », p. 10, par exemple). Le mot « Atlantis », en capitales trois fois (p. 9), ajoute une association mythologique au sous- titre et fait de la sphère présentée un monde bien particulier situé à la limite du réel et de l’imaginaire. Ce caractère liminal, ambigu relève bien entendu tout entier de la langue, et l’on voit déjà l’une des raisons qui ont poussé le scénariste à supprimer cette ouverture : comment fixer en images un monde qui oscille entre réalité, fantaisie, fantasme et mythologie ?

14 Le téléfilm, quant à lui, débute par une nuit d’hiver sur un panorama de la ville de Dresde traversée par le fleuve au loin avec, au premier plan, le téléphérique qui monte très lentement ; les cliquetis de la machine couvrent peu à peu la musique du générique, il y a très peu de lumières, le fond est perdu dans la brume du soir. Apparaît, après la liste des producteurs, à la dix-septième seconde, au bas de l’écran : « Dresde 1982 ». Contrairement au roman donc, il y a là un refus de l’ambiguïté et un ancrage géographique et historique précis qui va conditionner le regard du spectateur dans le sens d’un film historico-documentaire, ce que le roman refusait ouvertement dans son épigraphe. Ce changement radical de position est tout à fait symptomatique du désir des commanditaires, qui entendaient ainsi célébrer le jour de l’unité allemande, et du changement d’orientation politique, au sens fort du terme. Alors que le roman se présente comme une réflexion sur un État totalitaire, la vie, les cruautés et les mesquineries auxquelles il contraint ses citoyens, le pouvoir de l’imagination qui informe en déformant la réalité, la force de la mise en mots et la subversion possible par la littérature, le film s’ancre fermement dans le genre du témoignage historique et désamorce par là même la force de subversion de l’art qui ne semble être fait que, comme dans une conception triviale de la caméra ou de l’appareil photographique, pour enregistrer objectivement les faits qui passent devant l’objectif23. Autrement dit, la réflexion sur le matériau utilisé est absente, trop difficile qu’elle est peut-être pour le grand public un soir de fête nationale ou, comme le fait remarquer Stéphane Benassi, du point de vue de l’écriture, « un projet télévision doit avoir une écriture simple, claire, sans surprise, systématique, le film étant le lieu des recherches et des expériences24 ». Le mode d’adaptation utilisé serait ainsi choisi pour le roman en question qui ne serait qu’une œuvre testimoniale où la forme et le style n’influeraient

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en rien sur le message proposé par le texte. Le contexte de réception – 20 ans environ après la réunification – a très certainement été déterminant, mais hélas aussi largement réducteur25.

15 L’« ouverture » se poursuit avec un jeune garçon assis dans le téléphérique, pratiquement seul dans la cabine qui essuie la vitre du revers de sa manche, visiblement angoissé par la note de 4 à un devoir de mathématiques qu’il tient froissé dans sa poche. Il quitte la station pour se rendre chez lui, portant bagages à la main et violoncelle sur son dos et croisant un homme en train de réparer sa voiture qu’il salue comme une connaissance, tous les plans montrant l’acteur de face. Le titre « Der Turm Teil 1 » apparaît. Les couleurs sont dans les tons grisâtres, verdâtres et marron, comme la nuit peut très bien les produire. Puis la caméra passe dans le dos de l’acteur pour présenter la rue mal éclairée, traduisant la situation économique alors difficile du pays. À la seizième seconde, le garçon arrive, la caméra le filmant de face à nouveau, et entre dans une grande maison bourgeoise de l’époque du Gründerzeit tout éclairée, entourée d’une longue grille en fer forgée, qui n’est pas sans rappeler la couverture du roman. Au moment où il ouvre la porte, on aperçoit sur celle-ci des branches de sapin avec un ruban rouge, signes de la saison festive de fin d’année. La musique de fond rappelle presque celle de Philippe Glass, mais en beaucoup moins frénétique, tout en étant empreinte d’une certaine menace par la répétition du même thème à intervalles réguliers26.

16 La lecture que le scénariste et le réalisateur ont faite du roman est assez bien résumée par Harald Jähner : L’adaptation télévisuelle du livre d’Uwe Tellkamp n’a que peu de rapports avec le roman. Seul le squelette de l’action a été recyclé pour le scénario, et encore seulement en partie, disons seuls le squelette et le popotin. Des condensations et des resserrements extrêmes sont inévitables avec un modèle de près de mille pages. Mais que pas la moindre tentative n’ait été faite de transposer ne serait-ce qu’une petite partie des originalités linguistiques du livre dans une langue cinématographique adaptée, voilà qui déçoit27.

17 Ainsi, le côté magique, par exemple des lieux avec les noms des différentes villas et leurs puissantes connotations, n’a été retenu ni par le scénariste ni par le réalisateur comme un élément pouvant être présenté étant donné le présupposé de lecture qu’ils ont décidé d’adopter28. Même la question de l’espace, toujours fragmenté, divisé, réduit, que ce soit dans la Maison aux mille yeux ou à la Caravelle, que ce soit chez Josta ou Judith Schevola, dans les lieux et les administrations publics : ce sentiment de claustrophobie ne semble pas représenté si fortement dans la version pour la télévision. Certes, les maisons et leur intérieur sont minutieusement filmés, mais plus dans un souci d’exactitude historique que dans une volonté de restituer cette claustrophobie omniprésente dans le roman, sauf peut-être pour l’appartement occupé par Judith Schevola dans la seconde partie.

18 La première partie se termine au bout d’une heure vingt-sept minutes par une fête chez les Hoffmann, interrompue par la sonnerie du téléphone. Richard décroche et l’infirmière en chef lui apprend la tentative de suicide de Josta. Après un moment de choc, il retourne à la fête, Anne venant le chercher. La seconde partie – après avoir rappelé par des morceaux de scène la trame narrative de la première partie – s’ouvre à la cinquante-cinquième seconde sur le ciel de Dresde au lever du jour, par temps de brouillard, à moins qu’il ne s’agisse de nuages dus à la pollution, et sur l’envol d’un groupe d’oiseaux, symboles de liberté et d’évasion que la caméra suit pendant vingt

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secondes avant qu’ils ne disparaissent derrière les toits29. À une minute zéro cinq apparaît au bas de l’écran : « Dresde 1983 », et Richard regarde à la dérobée Josta emmener ses enfants à l’école. C’est un moment visiblement difficile pour lui, mais en même temps il pousse finalement un soupir de soulagement de voir qu’elle se porte bien. Le titre « Der Turm Teil 2 » apparaît alors sur la façade de l’immeuble devant lequel passe Richard. La décision de couper le roman en épisodes chronologiquement identifiables, même s’il fait sens, interrompt précisément de manière répétée le flux et le flot des images, alors qu’une absence de chronologie explicite aurait conservé quelque chose de la métaphore d’entrée du roman et de la magie d’un temps qui s’écoule à un rythme qui lui est propre. La longueur de la première partie s’explique par la mise en place du contexte politique, social, familial, émotionnel dans lequel évoluent les personnages, la présentation des relations qui les unissent. Après cela, l’histoire peut vraiment commencer. Cet usage particulier qui est donc fait du temps ne correspond que partiellement à ce qui se produit dans le roman, la première moitié se terminant sur la rupture de Josta avec Richard. Malgré ces différences, certains critiques, comme Andreas Platthaus, félicitent et louent le scénariste pour le travail accompli30. En effet, le scénariste aurait compris à quelle tâche impossible il s’est voué et décidé très logiquement de recentrer le film sur le drame psychologique des personnages principaux. Ce faisant il se donnait la possibilité d’exprimer et de montrer, à travers les drames de la famille Hoffmann comme exemple d’une certaine couche de la société de la RDA, toutes les dernières années de ce pays : La manière dont il a dû – malgré les trois heures que dure le téléfilm – réduire les mille pages de La Tour et malgré cela mis au centre des thèmes qui sont cachés ou sous-développés dans le roman, voilà qui traduit une profonde compréhension de la différence entre narration littéraire et narration filmique. […] Kirchner a un sens inné de ce qui peut être raconté par des regards, des gestes, des constellations, brefs des moyens optiques. De la même manière qu’Uwe Tellkamp en a pour ce qui ne peut qu’être décrit31.

19 Les jeux de mimiques, les échanges de regard, les coups d’œil rapides sont effectivement très présents dans le film, en particulier dans la scène de mariage où Richard se trouve confronté à Josta, où Anne croise ces regards dérobés, où Christian jette un regard attristé et désabusé sur le monde dont il est issu – autant de possibilités utilisées par le scénariste pour rendre des états psychologiques que seuls les mots pourraient sinon décrire. Ainsi le recentrage de l’action sur le personnage de Richard et sur sa double vie, qui semble avoir scandalisé quelques critiques, offre la possibilité d’intensifier, de donner de la substance à des personnages qui sinon en manqueraient peut-être et de montrer un aspect méconnu de la vie en RDA. Les scènes de rue, des manifestations, ont en revanche toutes un air de déjà-vu qui n’apporte rien à l’histoire et à l’Histoire. La décision de Thomas Kirchner et de Matthias Schwochow de confier à Richard Hoffmann le rôle principal est un choix qui se justifie et permet d’ordonner la diégèse sans à-coups et de manière continue dans une chronologie précise ; la division par dates permet également de montrer la progression du pays vers la catastrophe en parallèle à la détresse et aux impasses psychologiques dans lesquelles s’enferme le personnage et qui le mèneront dans un asile psychiatrique d’où il sortira dans les dernières minutes du film. On comprend très bien que le « couple » du roman – Meno et Christian – soit remplacé par celui du père et du fils, cela leur confère une présence accrue et plus approfondie psychologiquement, renouant aussi par là avec la question générationnelle qui n’a pas cessé d’être au cœur des ruptures de l’histoire allemande du XXe siècle.

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20 Le film Der Turm relève d’une conception particulière de son réalisateur quant à la fonction et à l’essence du cinéma, grand ou petit écran, et qui semble n’avoir envisagé le film que sous l’angle « effet de réel » ou « effet de réalité ». Ce faisant, le texte adapté subit par contrecoup une dévalorisation conceptuelle et factuelle. Ce procédé rend incapable de concevoir la complexité du médium littéraire mais aussi, par ricochet, celle du médium cinématographique. Loin de vouloir condamner par principe l’adaptation littéraire au cinéma, il nous a semblé plus judicieux de chercher à comprendre les enjeux des deux média, ce que le réalisateur de Der Turm mais, au vu des témoignages, étrangement aussi le romancier ne semblent pas à même de faire. Le recadrage de l’action sur le couple père-fils donne au film un nouveau centre névralgique qui réorganise l’action de manière psychologisante. Enfin, il s’agit aussi de toute une vision, par les Allemands eux-mêmes, de la période qui mena à la réunification du pays ; et la manière dont ils tentent à l’heure actuelle, avec la distance que le temps octroie, de donner un statut à cet événement historique dans leur imaginaire collectif est révélatrice des choix d’adaptation effectués. La force du média moderne et populaire de grande écoute qu’est la télévision permet, pour des moments de célébration collective, de confectionner des produits très bien calibrés et correspondant aux attentes du public, car les fictions télévisuelles ont un statut différent de la littérature, en termes de production, de discursivité et de rapport au référent, de telle sorte que, comme l’écrit John Corner, Les fictions populaires sont un vecteur de savoir social, un répertoire de catégories mentales32.

NOTES

1. Citation tirée du roman cité par Bernard Umbrecht, « Un pays évanoui. La Tour d’Uwe Tellkamp », in : Le Monde diplomatique, Littérature du monde, mai 2012. 2. « Wie dieses Leben in der Realität aussah, wie die Menschen im Osten Deutschlands die 80er- Jahre erlebten und welche besondere Rolle Dresden spielte, diesen Fragen ging im Anschluss an den ersten Teil des Films am 3. Oktober eine MDR-Dokumentation von Jan N. Lorenzen nach. » in : MDR-Jahresbericht 2012, p. 23. 3. On rappellera ici que la plupart des acteurs du téléfilm sont des anciens Allemands de l’Est, ce qui, de l’aveu de la chaîne (Idem, p. 23 : « konnten Lebenserfahrungen aus DDR-Zeiten einbringen »), n’a pu que contribuer au succès de l’entreprise dans une visée d’authenticité. 4. Idem, p. 24. 5. La chaîne MDR a également ouvert une page web entièrement dédiée au téléfilm : http:// www.mdr.de/der-turm/index.html (page consultée pour la dernière fois le 30 septembre 2013). 6. Jacques Derrida, Points de suspension, Paris, Galilée, 1998, p. 403. 7. Idem, p. 390-391. 8. « Die Wahrheit über die DDR? Der Roman ist kein Geschichtswerk. “Die Handlung ist frei erfunden.” Er ist ein Kunstwerk, ein Gemälde. Aber Kunstwerke haben ihre innere Wahrheit, und die zeigt manchmal mehr als eine scharfe Fotografie. » Gerd Röllecke, « Tellkamps Turm. Ein Bürgertum ohne Politik ? », FAZ, 26/09/2010.

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9. « La répartition typologique des adaptations d’œuvres littéraires à l’écran pourrait relever, en première approximation, du choix fait par le réalisateur entre deux partis aisément identifiables : un parti de transposition extrême – qu’on pourrait appeler de réécriture si la réécriture n’était, de toute façon, imposée par le changement de la substance de l’expression – et un parti de proximité, expression évidemment métaphorique permettant d’éviter d’une part le mot d’illustration qui, à juste titre, marque le défaut d’invention, d’autre part ceux de fidélité ou de respect qui imposent d’emblée une hiérarchie en faveur de l’œuvre d’origine. » Jean Lelaidier, « Gens de dublin : le film en deçà/au delà du texte », in : La Licorne. Revue de langue et de littérature françaises. Les Cahiers en ligne : littératures et esthétique, août 2005. http://licorne.edel.univ- poitiers.fr/document.php?id=385 (page consultée le 28 juillet 2013. 10. Francis Vanoye, L’adaptation littéraire au cinéma : formes, usages, problèmes, Paris, Armand Colin, 2011, avant-propos, p. 6. 11. Idem, p. 12. 12. Michel Serceau, L’Adaptation cinématographique des textes littéraires. Théories et lectures, Liège, éd. du CEFAL, 1999, coll. « Grand écran petit écran » Essais, p. 7. 13. Idem, p. 9. 14. Idem, p. 10. 15. « One way to look at adaptation is to see it as a matter of a source novel’s hypotext being transformed by a complex series of operations ; selection, amplification, concretization, actualization, critique, extrapolation, analogization, popularization, and reculturalization. » Robert Stam, « Beyond Fidelity : The Dialogics of Adaptation », Film Adaptation, ed by James Naremore, New Brunswick-New Jersey, Rutgers UP, 2000, p. 68-69. 16. Mathilde Labbé, « Ce que le cinéma fait à Boule de suif », p. 6 : in LHT n°2, « Ce que le cinéma fait à la littérature (et réciproquement) », décembre 2006. URL : http://www.fabula.org/lht/2/ index.php?id=252 consulté le 15 juillet 2013. 17. Stéphane Benassi, Séries et feuilletons T.V. : pour une typologie des fictions télévisuelles, Liège, éd. du CEFAL, 2000, coll. « Grand écran petit écran » Essais, p. 8. 18. Idem., p. 42. 19. « Die Handlung dieses Romans ist frei erfunden. Die Personen, wie sie geschildert werden, leben in der Vorstellung und haben mit tatsächlich existierenden Menschen soviel gemein wie der Bildhauerton mit einer Skulptur. » Uwe Tellkamp, Der Turm, Frankfurt/ Main, Suhrkamp, 2008, p. 4 (traduction française Olivier Mannoni, Paris, Grasset, 2012, p. 7). 20. « Wenn in Zukunft einer wissen will, wie es denn wirklich gewesen ist in der späten DDR, sollte man ihm rasch und entschlossen den neuen Roman von Uwe Tellkamp in die Hand drücken. » Idem, quatrième de couverture. 21. La question se pose de savoir s’il ne s’agit pas d’une stratégie marketing de la maison d’édition pour réussir à vendre un roman d’une extrême complexité tant sur le plan stylistique que sur le plan diégétique 22. « Suchend, der Strom schien sich zu straffen in der beginnenden Nacht, seine Haut knitterte und knisterte; es schien, als wollte er dem Wind vorgreifen, der sich in der Stadt erhob, wenn der Verkehr auf den Brücken schon bis auf wenige Autos und vereinzelte Straßenbahnen ausgedünnt war, dem Wind vom Meer, das die Sozialistische Union umschloss, das Rote Reich, den Archipel, durchädert, durchwachsen durchwuchert von den Arterien Venen Kapillaren des Stroms, aus dem Meer gespeist, in der Nacht der Strom, der die Geräusche und Gedanken mit sich nahm auf schimmernder Oberfläche, das Lachen und den Ernst und die Heiterkeit ins sammelnde Dunkel; Schwebstoffe hinab in die Tiefe, wo die Rinnsale der Stadt sich mischten; […] ». Uwe Tellkamp, Der Turm, p. 7 (trad. p. 11). 23. Telle est la teneur de l’article de Peter Zander dans le Berliner Morgenpost du 1er octobre 2012 « Une grande épopée, radicalement épurée » (Ein großes Epos, radikal entschlackt) : « […] Ein so dickes Buch adaptieren, dass alle, die es bewältigt haben, unisono als unverfilmbar klassifizieren?

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Selbst Drehbuchautor Thomas Kirchner hat lange mit seiner Aufgabe gehadert, dieses unübersichtliche Geflecht von Figuren und Stilmitteln in eine halbwegs überschaubare Dramaturgie zu bündeln. Das ging selbstredend nicht ohne große Auslassungen und schmerzliche Einschnitte. […] » « […] Adapter un livre d’une telle ampleur que tous ceux qui ont réussi à le lire jusqu’au bout classent unanimement comme infilmable ? Même le scénariste Thomas Kirchner s’est longtemps affronté à sa tâche pour concentrer cet entrelacs intriqué de personnages, de moyens stylistiques en une dramaturgie dont on peut avoir à peu près une vue d’ensemble. Bien entendu cela ne se fit pas sans grandes omissions et douloureuses coupures […] ». 24. Stéphane Benassi, op. cit., p. 52. 25. Voir Jens Binsky, in : Süddeutsche Zeitung (03/10/2012) : « Der Satz, die DDR sei ein Scheiß- Staat, war im Roman plausibel, aber er war nicht die Quintessenz des Buches, das mit einem überbordenden Reichtum an Figuren, Stimmen, Tonlagen, Perspektiven das Bild einer verwunschenen Gesellschaft heraufbeschwor. […] Ein liebevoll zusammengestellter Bilderbogen […] als Illustration von Zeitgeschichte, statt von der Fiktion her ein anderes Licht auf Geschehenes fallen zu lassen. » / « La phrase : “la RDA est un État de merde” était plausible dans le roman, mais elle n’était pas à elle seule la quintessence du livre qui évoquait avec une richesse débordante de personnages, de voix, de tons, de perspectives l’image d’une société ensorcelée. […] Une planche amoureusement constituée […] comme illustration de l’histoire contemporaine au lieu de jeter depuis la fiction une autre lumière sur ce qui est advenu. » http:// www.sueddeutsche.de/medien/der-turm-in-der-ard-so-wie-sie-waren-1.1485221 (page consultée le 15/07/2013). 26. Idem. : « Die Exposition ist grandios gelungen, den Drehbuchautor Thomas Kirchner kann man für seine Virtuosität nur bewundern […] » / « L’exposition est génialement réussie, on ne peut qu’admirer le scénariste Thomas Kirchner pour sa virtuosité […] ». 27. Harald Jähner, in : Berliner Zeitung (26/09/2012) : « Die Verfilmung von Uwe Tellkamps “Der Turm” hat wenig mit dem Roman zu tun. Für das Drehbuch wurde nur das Skelett der Handlung herauspräpariert, und auch das nur zum Teil, sagen wir gerade mal Gerippe und Gesäß. Extreme Straffungen sind bei einer knapp 1000 Seiten langen Vorlage nicht zu vermeiden. Aber dass nicht der geringste Versuch unternommen wurde, von den sprachlichen Eigenwilligkeiten des Buches einen kleinen Teil in eine adäquate Filmsprache hinüberzuretten, enttäuscht doch sehr. » 28. Idem. : « Nichts also von dem bohrenden, oft geradezu besessen wirkenden Genauigkeitssinn des Buches, nichts von der auf viele Weisen unwirklichen Atmosphäre, in die Tellkamp das letzte Jahrzehnt der DDR taucht. » / « Rien donc du sens de la précision du livre ni de son effet obsessionnel, lancinant, rien de l’atmosphère irréelle à bien des niveaux dans laquelle Tellkamp plonge la dernière décennie de la RDA. » 29. Cette envolée d’oiseaux sera, sous forme d’écho, reprise dans le plan final du téléfilm, qui fait signe vers la conquête de la liberté et le nouveau départ que la fin de la RDA semble promettre. D’ailleurs le téléfilm ajoute une coda totalement inexistante dans le roman : Annette et Meno viennent chercher Christian à sa sortie de la caserne pour rentrer à la maison, mais celui-ci leur annonce son désir de vouloir vivre seul et commencer sa vie nouvelle en adulte indépendant. 30. Andreas Platthaus, in : FAZ (03/10/2012) : « Ein Triumph der Adaptation. […] Das Ergebnis ist eine jener seltenen Sternstunden des Fernsehens. » / « Un triomphe de l’adaptation. […] Le résultat d’une de ces rares heures de gloire de la télévision ». On notera d’ailleurs que ce même auteur avait remarqué, lors de sa recension du roman dans le même journal « Die Zeit ist des Teufels » FAZ (14/10/2008) : « […] dies ist ein synästhetischer Roman, der alle Sinne fordert, der einen das Sehen und Hören lehrt und gleichzeitig Hören und Sehen vergehen lässt in der Dichte seiner Beschreibungen […] » Andreas Platthaus remarque ainsi déjà une certaine proximité du roman au média cinématographique.

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31. Jens Binsky, art. cit. : « Wie er die tausend Seiten “Turm” notgedrungen (trotz insgesamt drei Stunden Sendezeit) verknappt hat und trotzdem etliche Motive, die im Buch nur versteckt oder gar nicht ausgebreitet werden, in den Mittelpunkt rückt, das beweist ein profundes Verständnis des Unterschieds zwischen literarischer und filmischer Narration. […] Kirchner hat ein Gespür für das, was durch Blicke, Gesten, Konstellationen, also optische Mittel, erzählt werden kann. Genauso wie Uwe Tellkamp ein Gespür hat für das, was man nur beschreiben kann. » 32. John Corner, op. cit., p. 121.

RÉSUMÉS

Le roman d’Uwe Tellkamp, La Tour, paru en 2008 a été immédiatement un grand succès de librairie. Forte de cette constatation, la première chaîne de télévision allemande a confié au réalisateur Christian Schwochow et au scénariste Thomas Kirchner le soin de l’adapter pour une diffusion à l’occasion de la fête nationale, le 3 octobre 2012. Cette situation de production et de réception a déterminé des choix bien précis dans l’adaptation réalisée : supprimer le journal tenu par Meno Rohde et qui structure le roman, un découpage chronologique précis, le recentrage sur la relation père-fils entre Richard et Christian Hoffmann. Le téléfilm, par conséquent, s’inscrit dans une démarche d’interprétation purement dénotative qui fait de La Tour un film sur les dernières années de la RDA, comme une partie de la critique a aussi voulu lire le roman éponyme.

The novel by Uwe Tellkamp, Der Turm, published in 2008, instantly became a bestseller. This is one of the reasons why the ARD, the German public television channel, commissioned film- director Christian Schwochow and scriptwriter Thomas Kirchner to make a television adaptation of the book that was to be shown for the first time on prime time on October 3 2012, the German National day. The conditions of production and reception determined most of the choices in the adaptation such as the absence of Meno Rohdes diary, a structural element of the novel, the clear chronological division of the plot and the re-centering of the story around the father-son relationship of Richard and Christian Hoffmann. The choice of a purely factual adaptation of the novel places the film in a one-dimensional interpretative frame. The work seems to be yet another illustration of the end of the GDR.

Uwe Tellkamps Roman Der Turm, 2008 erschienen, ist rasch zu einem Publikumserfolg geworden, was den Auftrag der ARD an Regisseur Christian Schwochow und Drehbuchautor Thomas Kirchner für eine Verfilmung erklärt, die am Nationalfeiertag, das heißt am 3. Oktober 2012, ausgestrahlt wurde. Die Produktions- und Rezeptionsbedingungen haben viele Entscheidungen der Adaption bestimmt, wie z. B. die Auslassung von Meno Rohdes Tagebucheintragungen als strukturierender Bestandteil des Romans, eine eindeutige chronologische Einordnung der Geschehnisse sowie die Vater-Sohn-Beziehung von Richard und Thomas Hoffmann als Mittelpunkt der Erzählgeschichte. Das daraus resultierende rein Denotative an der Verfilmung, welche der Magie des Originals entbehrt, lässt sich mit einer einseitigen Interpretation des Werks als Zeitzeugendokument erklären.

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INDEX

Mots-clés : film, cinéma, adaptation cinématographique, thriller

AUTEURS

ÉRIC LEROY DU CARDONNOY Université de Caen Basse-Normandie

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Dossier Alexander Kluge

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Die Augen der anderen Ein Gespräch zwischen Alexander Kluge und Vincent Pauval1

1 In diesem Gespräch, das am Samstag, den 14. September 2013 aufgezeichnet wurde, geht der bedeutende Autor und Filmemacher Alexander Kluge (*1932) auf seine außergewöhnliche Schaffensphase seit Ende der 1980er Jahre und insbesondere seit der Jahrtausendwende ein. Während dieser in Frankreich weniger bekannten Zeitspanne seiner künstlerischen Entwicklung erscheint ein beeindruckendes Volumen an literarischen Schriften, die derzeit vollständig ins Französische übertragen werden2. Was Kluges Filme betrifft, so wurden diese anlässlich einer Retrospektive an der Cinémathèque française (Bercy) vom 24. April bis 3. Juni 2013 gezeigt, ein volles Jahr nachdem das internationale Kurzfilmfestival in Clermont-Ferrand im Winter 2012 einige seiner jüngeren Arbeiten präsentierte. Zeitgleich fand in der Maison des Sciences de l’Homme in Clermont-Ferrand ein interdisziplinäres Kolloquium (« Alexander Kluge et la France – Pour une levée en masse de la narration »3) unter der Leitung von Éric Lysøe und Vincent Pauval statt, das dem französischen Leser erstmals einen Gesamteinblick in das umfangreiche Werk dieses Autors bot, dessen wissenschaftliche Aufarbeitung in Frankreich noch relativ neu ist. Das nachfolgende Gespräch bezieht sich auf Kluges Überlegungen zu Film und Literatur, auf ihre Interaktionen und Modalitäten im zeitgenössischen historischen und medialen Kontext.

VINCENT PAUVAL: Wie haben Sie das Jahr 1989 und den Beginn der sogenannten „Wende“ erlebt? ALEXANDER KLUGE: Eher passiv. Ich stamme aus einem Ort, Halberstadt, der auf dem Gebiet der DDR liegt und wo mein Vater bis 1979 gelebt hat. Ich habe diesen Ort 1946 schon verlassen. Ich habe mich in der Bundesrepublik dann eingelebt. Es war mir eigentlich fremd, dass ein „wiedervereinigtes Deutschland“ entsteht, dem ich entwöhnt war. Auch die Hauptstadt Berlin ist mir im Grunde als Hauptstadt eher fremd. Ich bin in dem Sinne ein Patriot der Bundesrepublik, der alten Bundesrepublik mit Hauptstadt Bonn, die näher nach Westen liegt.

V.P.: Als im Jahr 2000 Ihre Chronik der Gefühle4 erschien, haben Sie geäußert, dass Sie nach der deutschen Wiedervereinigung wieder verstärkt geschrieben haben. Wie erklären Sie sich das? A.K.: Das hat eigentlich mit der Wiedervereinigung wenig zu tun, sondern damit, dass die Zeit nach 1991, nach Ende des Kalten Kriegs, mir als ein Neuanfang erschien. Für meine Kinder schien mir hier ein Augusteisches Zeitalter zu beginnen, für das es sich lohnt, die Erfahrungen der Vorzeit aufzubewahren. Es sind ja bittere

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Erfahrungen des Zweiten Weltkrieges, es sind Erfahrungen der Zwischenkriegszeit, und der Eindruck des Kalten Kriegs, der mir unheimlich war. Das hieß für mich: „Unheimlichkeit der Zeit“5. Jetzt war dieser Albtraum plötzlich von unseren Schultern genommen. Das hatte weniger mit der deutschen Wiedervereinigung zu tun, als damit, dass im weltpolitischen Maßstab eine offensichtliche Entspannungsmöglichkeit sichtbar wurde, die wir übrigens bis 2013 jetzt schon wieder vertan haben.

V.P.: Dennoch erlebten zahlreiche Autoren den Zusammenbruch des Ostblocks auch als den Verfall einer Utopie, die Ihnen ein Motiv, eine Anregung war. A.K.: Ich habe den Ostblock nicht als Utopie empfunden. Wie Heiner Müller oder andere Autoren, die diese Frage beschäftigt hat, gehe ich eigentlich in meiner Emotion zurück auf das Ende des Ersten Weltkrieges 1917-1918. Zu diesem Zeitpunkt wurde die Politik allgemein auf den Prüfstand gestellt und als zu leicht befunden. Der Sozialismus ist für mich vor allem auf diese Frage konzentriert: Warum kann die produktive Klasse der Menschen eine solche Kriegskatastrophe nicht verhindern? Eine Politik und eine Politikerklasse, die den 1. August 1914 nicht zu vermeiden wusste, verlieren ihre Autorität. Darüber habe ich viel nachgedacht, nicht als Kind, das während eines Bombenangriffs 1945 im Luftschutzkeller sitzt, wohl aber in den Jahren zwischen 1977 bis 1989, also vom „Deutschen Herbst“ bis zur „Wende“.

V.P.: Plötzlich meinte man, nach dem damals erschienenen Buch von Fukuyama6, das Ende der Geschichte sei eingeläutet. Was hielten Sie von diesem Gedanken? A.K.: Ich würde vom Gegenteil sprechen: die Geschichte kommt wieder bei uns an. Sie hat 1914 einmal ausgesetzt und einen Albtraum beschert, Auschwitz eingeschlossen, und kehrt 1989 und heute zurück. Es hat mich verwundert, dass die Zahlungen für den Young-Plan, der die Erfüllung der Reparationszahlungen nach dem Versailler Vertrag ermöglichte, 1990 erst abbezahlt waren. Solange ziehen sich historische Kausalketten hin.

V.P.: Was interessierte Sie bis dahin am Thema „Deutsche Geschichte“ und was interessiert Sie heute, in einem Zeitalter der Globalisierung, an ihr? A.K.: Die deutsche Geschichte ist inzwischen sehr viel uninteressanter geworden, aber sie ist insgesamt ein Laboratorium aller Irrtümer, die ich mir politisch vorstellen kann. Deswegen empfinde ich einen Transfer der Erfahrungsgehalte auf künftige Generationen, also die Nacherzählung, als wesentlich. Die deutsche Geschichte ist bis in die Wurzeln hinein ein Laboratorium des Unglücks. Und diese Unglücksgeschichte soll man erzählen und so ist sie dann auch nicht auf Deutschland begrenzt, denn der Erfahrungsgehalt gilt für die ganze Welt.

V.P.: Ihr Freund Heiner Müller erklärte unmittelbar nach der Wende, „Deutschland sei ein gutes Material für Dramatik, bis zur Wiedervereinigung7“ gewesen. Wie würden Sie diese Haltung kommentieren? A.K.: Ich selber bin kein Dramatiker, betrachte also weder das Deutschland vor der Wiedervereinigung noch das Deutschland nach der Wiedervereinigung unter dem Gesichtspunkt der Dramatisierung. Für die episch-poetische Methode, die mir vertraut ist, kann ich den Unterschied von vorher und nachher nicht ganz erkennen. Es gibt nach wie vor Themen wie beispielsweise „500 Jahre Reformation“ oder das Thema der Bauernkriege, die nun ebenso 500 Jahre her sind, die aber nach wie vor aktuell bleiben, selbst wenn sie in der Realpolitik keine Rolle spielen. Vergangenheiten leben im Innern der Menschen fort. So etwas bildet, wie Walter

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Benjamin sagt, Prismen und Kristalle. Ob es als Drama darstellbar ist, weiß ich nicht. Ich bin sicher, dass es kein Stoff für Theaterereignisse, wohl aber ein Gegenstand der Forschung ist, also für narrative Kommentare.

V.P.: Häufig nennen Sie Heiner Müller in einem Zug mit ihren Lieblingsvorbildern Ovid, Tacitus und Montaigne. Wie kommt es zu einer solchen Konstellation? A.K.: Sehen Sie, die Metamorphosen von Ovid enthalten die für mich relevante literarische Form. Es handelt sich um Variationsketten, und die bilden einen Zusammenhang. Aber mein Zugang zur Antike geht immer über jemanden, den ich als gegenwärtig empfinde, also zum Beispiel über Ossip Mandelstam, der ja genauso Ovid liebt und sogar sein Spätwerk nach Ovids Tristia8 benannt hat, ebenso wie über Heiner Müller, der Ovid sehr genau versteht und mit dem ich sehr viele Gespräche über ihn geführt habe. Ovid wird dadurch für mich Zeitgenosse. Und ganz ähnlich ergeht es mir mit Montaigne, der mit seinen Kommentaren, seinen Essais, für mich eine literarische Form darstellt, die in der Literatur unerfüllt geblieben ist. Ich wäre stolz, wenn ich als ihm und seiner Art zu schreiben verwandt und als sein Gefolgsmann erkennbar wäre.

V.P.: Inwiefern vermochte ein Dichter aus der DDR wie Heiner Müller Ihre Auffassung von Literatur zu beeinflussen? Was verband Sie? A.K.: Wir sind füreinander poetische Verwandte. Wir sind beide slawischer Herkunft durch einen Teil unserer Vorfahren. Wir können beide so sprechen wie man sich an den Orten, an denen wir geboren sind, ausdrückt. Wir haben verwandte Temperamente. Obwohl dichterisch etwas ganz Verschiedenes dabei herauskommt, verfügen wir über ein gemeinsames Grundwasser.

V.P.: Sie haben zwischen 1987 und 1995 im Rahmen Ihrer Fernsehmagazine zahlreiche Gespräche mit Heiner Müller geführt9. Inwieweit unterscheiden sich diese Sendungen von herkömmlichen Autorengesprächen? A.K.: Sie unterscheiden sich zunächst dadurch, dass sie den Regeln des Fernsehens nicht folgen. Heiner Müller antwortet ja nicht auf Fernsehfragen, sondern er antwortet auf die Fragen eines Autors. Ich betrachte das im Grunde als eine Form der Literatur: dass man mündlich miteinander konferiert und dieses festhält. Die Form davon ist in meinen Augen oft freier als die geschriebene Form. Einer konzentriert sich auf den Anderen. Meist antwortet übrigens Heiner Müller nicht direkt, sondern nach einer halben Stunde und spricht zwischendurch über etwas anderes. Beide senken die Ich-Schranke. Das entspricht dem, was Heinrich von Kleist von der „allmählichen Verfertigung der Gedanken beim Reden“10 sagt.

V.P.: Kann denn überhaupt das Fernsehen als eine Art Fortsetzung von Literatur oder Film gelten? Tendiert das Fernsehen nicht eher dazu, sowohl das eine wie auch das andere zu verdrängen? A.K.: Sagen wir mal so: Dazu ist das Fernsehen nicht in der Lage, weil die Literatur gegenüber dem Fernsehen autonom ist. Einerseits habe ich noch nicht irgendwelche bedeutende literarische Werke oder Leistungen oder Formen im Fernsehen entdecken können. Andererseits ist das Fernsehen ein Leitmedium: Wenn etwas Ungewöhnliches passiert, wie zum Beispiel der 11. 09., dann schalte ich instinktiv dieses Medium ein, als würde ich durch das Fenster auf den Marktplatz gucken, so wie jemand früher durch das Fenster auf den Marktplatz blickte, ob etwas los ist. Ein Leitmedium besitzt das Vertrauen der Menschen, dass alles Wichtige dort zuerst verkündet wird. Das ist inzwischen gar nicht mehr wahr, denn es würde ja im

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Internet viel schneller kommen, aber es ist noch eine gewohnte Bahnung, wie auch ein Marktplatz selbst dann noch eine Bahnung bleibt, wenn da keine Märkte oder Aufläufe mehr stattfinden. Es lohnt sich, in ein solches Leitmedium das Beste, was wir haben, nämlich Musik und Literatur, spurenweise einzubringen und zwar ohne Veränderung, nicht televisiv überarbeitet, sondern als Fremdkörper. Das entspricht einem Findlingsblock, also den Steinen, die aus dem hohen Norden durch Gletscher in das Flachland hineingetragen wurden, wo sie von der Natur her nicht hingehören. Ähnlich ist es mit der Poetik im Fernsehen, sie ist möglich an entlegenen Plätzen, meist nachts.

V.P.: Oder führt nicht die Erstellung solcher Programme umgekehrt zu Literatur, also wenn z.B. die erwähnten Gespräche zwar bilderlos, aber verschriftlicht in Buchform erscheinen? Welchen Wert oder welche Bedeutung haben für Sie solche Sammlungen von O-Tönen?11 A.K.: Das sind Protokolle. Es wäre jedoch kein Zufall, wenn die Abschriften dieser Gespräche dann anschließend von Schauspielern zum Beispiel in Paris an der Comédie Française aufgeführt würden. Das kann man gut angucken, es sieht sehr eigenartig aus und wirkt sehr fremd. Im Grunde entsprechen die Gespräche einer ursprünglichen narrativen Form, die auf Mündlichkeit beruht. Mündlichkeit beruht ja nicht darauf, dass ein Dichter sich in einen Saal setzt und seine Texte vorträgt, sondern darauf, dass Antworten stattfinden. Das Ideal ist die Runde. Im 11. Jahrhundert gab es in der Provence eine convention, dass sich Menschen nachts versammelten, Lieder sangen, danach eine Geschichte erzählten, dann wieder Lieder sangen und wieder Geschichten erzählten. Das ist eine Urform des Literarischen, nämlich die der Chantefable, und gleichzeitig ist es die Urform der Oper, ehe es sie gab.

V.P.: Inwiefern entspricht Ihre Rolle hierbei der eines Autors, wo doch in solchen Gesprächen Ihre Person meistens an den Rand rückt? A.K.: Meine Rolle entspricht der eines unsichtbaren guten Geistes. Diese Gespräche gehen ja animistisch vor sich. Wenn Leute untereinander begeistert sind, fangen sie an zu erzählen. Wenn sie in Not kommen, und es in der Not einen Moment Pause gibt, fangen sie ebenfalls an zu erzählen. Wenn sie der Not glücklich entkommen sind, fangen sie an zu erzählen. Scheherazade ist die Grundform, und das entspricht einem der Chantefable vergleichbaren Prinzip, es ist nur entfalteter, weil der Orient mehr Zeit hatte, so etwas zu entwickeln. Aber es gibt nicht nur die Scheherazade vom Bagdad der Märchen aus Tausend und einer Nacht, sondern es gibt von den Westmuslimen in Spanien, dieser großen Kultur von Cordoba, eine sogenannte Schwestersammlung davon: die Hundert und eine Nacht, wo die Geschichten noch rudimentärer, noch mündlicher erscheinen als in den berühmten Märchen aus Tausend und einer Nacht. Hundert und eine Nacht ist ein Idol von Literatur, ein kollektives Buch, eine Sammlung, und zwar eine westislamische und spanische Sammlung im Gegensatz zur persischen Sammlung.

V.P.: Entfaltet der Autor in Ihnen sich inzwischen nicht viel mehr als Schriftsteller? A.K.: Wenn Sie es so sagen, fällt mir auf, dass ich ungefähr seit dem Jahr 2000 eigentlich deutlich mehr schreibe und mich auf diesem Gebiet offensiver verhalte, mehr ausprobiere als in anderen Medien. Ich führe es darauf zurück, dass ich mich aufgrund des ungeheuren Wirklichkeitsdrucks, der von den Medien ausgeht, und der schon einerseits etwas Belebendes und Herausforderndes, andererseits aber auch

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etwas Lähmendes hat, sozusagen stärker auf die Oase „Buch“ zurückziehen möchte. Intuitiv suche ich also nach einer Höhle, einer Oase, einem starken Gefäß, das schützt gegen dieses Riesenunternehmen, das Gefäße auch zertrümmert. Das veranlasst nicht das Medium selber, sondern das ist bewirkt durch die Stärke der Partizipationen, die hinter dem Medium stehen. Die Nutzer stellen gierige, auch kannibalistische Forderungen.

V.P.: Nicht zuletzt bezeichnen Sie die Herstellung solcher authentischen Dialoge, die Sie auch literarisch verarbeiten, ja sogar fiktional abwandeln und variieren, als „Film“. Als solche wurden u.a. Ihre Gespräche mit Heiner Müller in der Cinémathèque in Paris gezeigt. Wie ist diese Bezeichnung zu verstehen? A.K.: Wenn Sie meine Filme anschauen, dann werden Sie in Miniaturform die gleiche Art von Gesprächen finden. Auch unter den Dingen, die die Kamera beobachtet und die gleichzeitig im Text kommentiert werden. Man sieht zum Beispiel eine Pfütze im Bild und sieht, wie der Wind das Wasser kräuselt. Das ist ein Bild für sich. Und der Kommentar sagt dazu: diese Pfütze hat Zeit. Währenddessen eilt die Handlung auf einen Kriegszustand zu. Das ist meine Art, die ich für Film halte. Sie ist damit vergleichbar, zuzusehen, wie sich zwei Menschen lange aufeinander konzentrieren. Es ist genauso ein Stück Film, wie wenn ich eine Liebesszene inszeniere. Wenn ich jetzt eine Liebesszene inszeniere, würde ich übrigens auch keine Dialoge oder sonstige Spielanleitungen geben, sondern ich würde einen Ausschnitt bilden, in dem zwei Darsteller sich authentisch fühlen und tatsächlich Liebe empfinden. Sie müssen sich nur erinnern.

V.P.: Wobei es wohl weniger um die Frage der Fiktionalität geht, als um die der Authentizität. A.K.: Dass etwas authentisch ist, hängt in der Tat nicht davon ab, ob es ausgedacht ist, also einem Wunsch oder einer subjektiven Verformung entspricht, oder ob es objektiv bzw. anfassbar ist. Die Worte „fiktional“ oder „originär“ sind reine Verwaltungseinteilungen, bilden Rubriken. Es ist jedoch nicht egal, ob ich zum Beispiel Dialoge schreibe und ein Darsteller sagt diese auf und formt sie, usw., oder ob ich den Darsteller in eine Rolle versetze und er darf improvisieren. Beide Methoden sind aber gleichrangig. Es geht ja nicht darum, in der Literatur oder im Film „Wahrheit“ zu entwickeln oder darum, richtig und falsch zu unterscheiden, sondern es sind Spannungsverhältnisse, Gleichgewichtsverhältnisse, Ströme, Wahrnehmungsfelder, mit denen wir umgehen. Den Unterschied zwischen fiktional und dokumentarisch kann ich insofern gar nicht verstehen. Aber dass ein Erfahrungsgehalt authentisch und direkt ist, das kann man sehr gut überprüfen, und insofern gilt das Prinzip der Authentizität. Ohne das kann man einen Dialog wegschmeißen.

V.P.: Wie ein Filmdialog zur Literatur werden kann, spiegelt sich besonders deutlich in Ihrer Geschichte Filmische Herstellung eines Textes12. Da erzählen Sie, wie eine der berühmtesten Szenen aus Ihrem ersten Spielfilm Abschied von Gestern zustande kam, wo die Heldin Anita G. mit ihrer Zimmerwirtin in einen Streit gerät… A.K.: … denn Anita kann ihre Miete nicht zahlen und wird rausgeschmissen. Aber den Dialog, den diese beiden Frauen, also meine Schwester als Anita G.13 und die Wirtin als eine gediegene Frankfurter Zimmervermieterin miteinander führen, den erfinden diese Personen in ihrer Erregung, wie ich ihn so kaum schreiben könnte. Ich stelle also als Autor lediglich eine Situation her, die den Personen ermöglicht, dass sie sich

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aufregen. Das gelingt nicht künstlich. Es entsteht etwas zwischen den Menschen, das eigentlich nur der Film aufnehmen kann. Ein Schriftsteller könnte dies nachschreiben, aber imitieren oder erfinden kann man das nicht. Meine Schwester ist schon einmal an einem ganz anderen Ort aus einer Wohnung rausgeworfen worden und sie versteht überhaupt, was es bedeutet, rausgeworfen zu werden. Und ihr Gegenüber, die Vermieterin, hat schon in anderen Jahren mit zwanzig verlogenen Mietern Ärger gehabt. Der ganze gestaute Ärger geht in diese Szene hinein. In dem alchemistischen Gefäß, das wir Szene nennen, kommt etwas zum Ausdruck, was nur im Moment gar nicht vorhanden ist. Dieses Szenische ist genauso schöpferisch und konzentrierend tätig, wie der Kopf des literarischen Autors, aber es findet außerhalb von dessen Kopf statt, denn der Autor kann hier nur den Rahmen setzen.

V.P.: Was Sie hier beschreiben, entspricht doch im Grunde genau dem, was Bachtin am Beispiel der Poetik Dostojewskis14 als Dialogismus theoretisch fundiert hat. Diskurse und Redeformen, die der Situation vorangehen, werden durch Sie aktualisiert und reaktiviert… A.K.: Ganz genau! Und ich setze hier im Film einen Zusammenhang, der im realen Leben so nicht vorkommt. Im realen Leben wäre da kein Filmteam vorhanden, da wären auch keine weiteren Szenen, die dem Ereignis vorangehen oder ihm folgen. Aber diese Konzentration, die ich damit erzeuge, gibt dieser Frau, die sich ja sonst nicht auf ihren Gesamtärger konzentriert, die sich sozusagen nur „normal“ ärgert, die Fähigkeit, ein Konzentrat an Ärger, nämlich eine Darstellung, einzubringen. Gleiches passiert mit meiner Schwester, die sich nicht dauernd schimpfend durch die Welt bewegt. Sie ist ein freundlicher Mensch, kann sich aber hier jetzt so erregen, dass sie fast zänkisch antwortet. Und so setzt eine Rede die andere voraus. Die beiden steigern sich eine Weile gegenseitig, um schließlich auf einem Plateau stehenzubleiben, bis die Szene mit dem Rauswurf endet. Das ist eine Form der Erzeugung von Authentizität – ob sie nun literarisch oder filmisch sei, ist hier ziemlich egal – die nicht mit den normalen Vorstellungen oder mit einem Drehbuch arbeitet, also mit Texten, die in der Studierstube ausgedacht wurden, denn so etwas können Sie in keinem Atelier herstellen. Und diese Methode ist von der Nouvelle Vague abgeguckt.

V.P.: Aber wäre es heute nicht richtig zu sagen, dass Sie vom Autorenfilmer, der in den 1960er Jahren dem Vorbild der französischen Nouvelle Vague folgte, inzwischen zu einem Filmproduzenten geworden sind, der zunehmend das Kollektiv in den Mittelpunkt stellt; der den Autor Kluge sozusagen verschwinden lässt, indem er Kooperation in den Vordergrund stellt? A.K.: Sie haben ganz recht. Das nennt man „operative Methode“, was im Grunde nicht neu ist, denn die finden Sie vorbereitet in den Revolutionsfilmen der Russen, bei Pudowkin15 oder bei Tretjakow16. Und auch Godard17 hat nicht nur unglaublich viel vom Stummfilm, sondern auch vom russischen Film übernommen.

V.P.: Ein jüngeres, überaus eindrucksvolles Beispiel für dieses Prinzip der Kooperation ist Ihr beinahe neunstündiger Film Nachrichten aus der ideologischen Antike18. Wäre es berechtigt, zumindest auf formaler Ebene, auf eine Kontinuität zu Ihren ebenfalls sehr engagierten Kollektiv-Filmen der 1970er und 1980er zu schließen? A.K.: Deutschland im Herbst19 ist im Grunde das Formenfeld, welches ja neu ist, weil es ein kollektiver Film ist, der einer bestimmten politischen Erregung entstammte. Und davon wäre Nachrichten aus der ideologischen Antike sozusagen die Fortsetzung mit

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anderen Mitteln, wobei ich hier einen ganz großen Vorteil habe, da ich mit der Optik von Eisenstein20 arbeiten kann. Man kann ja einen Mann, den man verehrt, wie ich Eisenstein verehre, wie eine Kameralinse verstehen, und gewissermaßen durch ihn hindurch gucken, und mit dieser imaginären Kamera kann ich dann aufnehmen. Das ist etwas, was wir bei den Kollektivfilmen der 1970er und 1980er Jahre gelernt haben, was man aber auch großzügiger anwenden kann, wie das auch hier der Fall ist. Deswegen ist es auch kein Zufall, dass Tom Tykwer21 in diesem Film den hinreißenden zehnminütigen Beitrag über den Warenfetisch bei Marx gemacht hat. Das hat er brillant gemacht. Es ist ja durchaus unüblich, so etwas zum Thema eines Films zu machen. Also das Kooperative geht hier durch den ganzen Film. Oder nehmen Sie den Beitrag von Werner Schroeter im gleichen Filmzusammenhang. In dessen Inszenierung von Richard Wagners Tristan und Isolde sind seine Sänger als Marinesoldaten aus Eisensteins Panzerkreuzer Potemkin gekleidet: die revolutionäre Glut, das vermittelt dieser Film, entspricht der Liebesglut in Richard Wagners Oper. Auch dieser Beitrag bezieht sich genau auf das Kooperative. Schroeter ist leider gestorben. Aber ich arbeite mit ihm noch genauso zusammen, wie vorher, als er noch lebte. Genauso wie Heiner Müller für mich gegenwärtig ist, obwohl er starb. Es gehört für mich zum Autoren-Begriff, dass die Versammlung aller literarischen und filmischen Heiligen immer gegenwärtig bleibt. Sie bilden das Arsenal der poetischen Optiken, neben den klassischen Optiken der Kamera, die es gibt. Die sind aber nur die technischen Instrumente. Die wahren Instrumente sind die Augen der Anderen.

V.P.: Die früheren Kollektiv-Filme entsprachen noch der Spielfilmlänge. Angesichts der Spiellänge von Nachrichten aus der ideologischen Antike, welche Vorzüge hätte heute in Ihren Augen die DVD? A.K.: Die DVD erlaubt eine Form, die sich ohnehin im Internet durchsetzen wird, nämlich dass man Filmzusammenhänge so umfassend macht, wie es dem Thema entspricht. Wir haben zum Beispiel im nächsten Jahr den hundertsten Jahrestag vom Beginn des Ersten Weltkrieges. Diesen Weltkrieg kann man meiner Meinung nach nur prismatisch darstellen. Man muss den Blick darauf aus Frankreich, aus Deutschland, aus England, aus den Balkanländern, aus Istanbul oder aus Jerusalem zusammenfügen. Mich erschüttert zum Beispiel die Trauer der Soldaten und Menschen in Paris in der Silvesternacht 1918 über so viele Tote im eigenen Land und über eine so lange Strecke des Elends. Die Sieger trauern. Währenddessen in Berlin: die Besiegten speichern Ressentiments im Herzen und lassen sich von Unterhaltungsfilmen berieseln. Man bemerkt rasch, dass wir eigentlich eine Erzählung des Ersten Weltkriegs überhaupt noch gar nicht haben. Und diese Aufgabe ist in neunzig Minuten nicht zu bewältigen. Sie können es in einer Minute oder in zehn oder dreißig Stunden machen, aber sie können es nicht in neunzig Minuten mit Hilfe einer Handlung machen. Und da bietet die DVD entscheidende Vorzüge. Um auf den Gewässern der Erfahrung zu navigieren, können Sie entweder Dampfer nutzen, oder Sie können ein Floß bauen. Mit einem Floß kommen sie vom Missouri über den Mississippi bis nach New Orleans und sogar noch ein Stück weiter. Das Floß können Sie nach Belieben vergrößern und verkleinern, und das ist ein sehr robustes Prinzip, wenn auch kein Fertigbau wie ein Dampfer. So ähnlich ist die DVD zu gebrauchen. Sie ist ein Zwischenmedium, worauf man etwas solange lagern kann, bis man aus dem Geiste des Internet eine ähnliche Art der Konzentration erzeugt hat. So wie es in den Großstädten das Opernhaus gibt, eine Stätte der musikalischen Konzentration. Wenn

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man sie nicht hätte, alle nur in ihren Wohnblöcken und dem Gebäude der Börse Lieder trällern würden, dann gäbe es keine Oper.

V.P.: Überhaupt scheint es, dass Sie in Nachrichten aus der ideologischen Antike, worin sich tatsächlich u.a. auch Ausschnitte aus Opern befinden, die künstlerischen Mittel viel direkter und umfassender reflektieren als in früheren Werken. Nicht zuletzt geht es hier um einen Entwurf von Eisenstein aus dem Krisenjahr 1929, nämlich um das Projekt, Karl Marx’ Hauptwerk Das Kapital zu „kinofizieren“: Wie mag man sich das vorstellen? A.K.: Sie können das Werk von Karl Marx ganz gewiss nicht kinofizieren, aber Sie können Elemente daraus so herausfordernd in Szenen verwandeln, dass Sie neugierig auf Marx werden. Wenn Sie zum Beispiel den Begriff des Warenfetischs nehmen und dies in die Formel “Alle Dinge sind verzauberte Menschen” übersetzen, welche bedeutet, dass in jedem Ding, das von Menschen produziert wird, ein Stück Arbeit und Lebenszeit der Menschen steckt – das ist das, was Marx als das Spirituelle in der Warenwelt, als deren Grundelement sah – dann können Sie diese Analyse an Einzelheiten verblüffend darstellen. Und die Reaktion der Menschen darauf können Sie auch wieder darstellen, wenn Sie so etwas nehmen wie Eisensteins Idee, der ich eine Szene gewidmet habe: es geht um die Concierges von Paris, also die in der französischen Revolution entstandenen Wächterinnen der Häuser, die eigentlich die Fahne der Revolution lange Zeit getragen haben und ohne die gewissermaßen in Paris nichts funktioniert. Die haben ihre Ersparnisse noch während des Zarenreiches in der Transsibirischen Eisenbahn angelegt, und später sagt die Sowjetregierung, dass die Coupons dieser Anleihen nicht mehr ausbezahlt werden. Daraufhin kam keine Kommunistische Partei in den Pariser Wahlen mehr zu einem Sieg. Das bewirkten die Concierges von Paris. Die Geschichte ist nicht meine Idee, sondern die von Eisenstein, das wollte er verfilmen. Und da er es nicht verfilmen konnte, weil ihm dies verboten war, kann ich doch in meiner Filmsammlung diese Szene abbilden. Ich finde eine solche Perspektive hochinteressant. Sie führt gleich zu einer zweiten, denn man liest das Kapital von Marx oft sehr mühselig. Man kann aber diesen politischen Schriftsteller beobachten, wie er den Krimkrieg beschreibt – die exakteste Beschreibung von einem Krieg, die ich kenne. Da hält er in diesen täglichen Berichten für eine amerikanische Zeitung fest, wie die Zarenregierung eine Anleihe herausgibt, die dann von belgischen, französischen und britischen Bankern unter die Leute gebracht wird. Diese finanziert dann die russischen Geschosse, die erst auf die Expeditionsarmee der Franzosen, Italiener, Türken und Engländer auf der Krim abgeschossen werden. Das ist eine hochinteressante Verbindung und wieder eine Metapher, anhand der man die Abstraktheit des Warenverkehrs und des Geldverkehrs – die Globalisierung des Geldes, während der Krieg lokal bleibt – etwas besser versteht.

V.P.: Dahinter verbirgt sich also mitunter die Frage, wie es letztlich möglich sei, scheinbar trockene, vielleicht sogar etwas verstaubte philosophische Begriffe in lebendige Bilder zu verwandeln… A.K.: Und dies kann man. Zumindest ist dies ein Anspruch, den wir gewissermaßen heute als Ausgräber, als Archäologen der Literatur, des Films und der Geschichte haben sollten. Die Moderne hat längst stattgefunden. Vieles ist ja schon erzählt, aber es ist noch nicht genügend in einen Zusammenhang gesetzt. Diese archäologische Eigenschaft, die jeder selbstbewusste Poet heutzutage haben sollte, kann man sehr

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gut erfüllen, indem man etwas wieder ausgräbt, transkribiert, umformt, ausstellt, darstellt, in einen Zusammenhang einfügt.

V.P.: Und zum Beginn der noch währenden Finanzkrise nehmen Sie diesen Faden wieder auf, indem Sie durch virtuelle Kooperation mit dem Eisenstein des Krisenjahres 1929 das Werk Marx’ wiederbeleben: Ist insofern dieser Film nicht auch als ein Gegenentwurf zu Fukuyama zu interpretieren? A.K.: Ich habe zwar an Fukuyama nicht gedacht, weil dieser mir eigentlich ziemlich fremd ist. Ich schreibe ja keine Thesenbücher in dem Sinne, also Kampfbücher, denn diskursiv schreibe ich gar nicht. Aber die Methode die darin besteht, induktiv Einzelheiten so ernst zu nehmen, dass man hinterher das Ganze verstehen kann und nach deren Ergebnissen man auch nicht zu Fukuyamas Thesen kommen kann, das ist etwas ganz Relevantes. Das ist die Methode, die ich wiederum von Montaigne beispielsweise gelernt habe, der ja auch nicht mit einem Gesamtkonzept operiert und anhand einer Gesamtthese entscheidet, dies sei gut und dies sei böse, sondern induktiv in Einzelheiten, allerdings mit den ganzen Quellen der Antike versorgt, überhaupt erst Aufmerksamkeit erzeugt. Als Relais-Station zur Antike ist Montaigne eine OASE DER AUFMERKSAMKEIT. Und dies brauchen wir heute im Internet: Schwerpunkte, Kraftfelder, gravitative Felder der Aufmerksamkeit. Das ist eigentlich das, was wir machen, denn Thesen müssen wir nicht erzeugen, das machen Menschen von selbst. Wenn Sie also den Fukuyama jetzt in diese Alchemistenküche einführen und ihn somit gewissermaßen in ein Säurebad stellen, dann werden Sie merken, dass es kein Gold ist.

V.P.: Eisenstein erklärte selbst, er käme nicht umhin, Gattungsbegriffe der Literatur für die noch relativ junge Filmkunst zu verwenden: auch hier hätte seine Herangehensweise James Joyce sehr viel zu verdanken gehabt22. Wie würden Sie das Verhältnis zwischen diesen beiden Künsten heute sehen? A.K.: Es ist völlig unverändert. Wenn zum Beispiel im Jahre 1929, ausgerechnet in der Woche des Finanzcrashs in New York Joyce und Eisenstein in Paris zusammensitzen und ausbaldowern, wie man einen Film über Marx’ Kapital herstellen kann, dann haben die beiden eine sehr enge Verbindung. Der bereits fast blinde Joyce, der die Bilder und Skizzen, die Eisenstein ihm vorlegt, bestimmt nicht sehen könnte, gibt diesem dennoch den Mut, eine freie, nicht-lineare Erzählform anzuwenden. Hier bereichert also die Literatur den Film eminent und der Film wiederum ist etwas, was einiges von dem, was Joyce nur kryptisch in Worte fassen kann, in Szenen verwandelt. Insofern wäre die Zusammenfügung von Joyces Programm mit dem von Eisenstein ebenso aktuell und modern im Jahr 2014, wie es das schon 1929 war.

V.P.: Welche besondere Rolle spielt nun in Ihrem Film Ovid, der in seinem Hauptwerk alle Metamorphosen zusammenfasst und erzählerisch aneinanderreiht? Wie weit ist es von der Geschichte Arachnes bis zur Kinoleinwand? A.K.: Arachne, die Netzwerkerin, ist mein Symbol für das Internet. Diese Frau macht Kleider (= Texte) und darauf malt sie die ganze Weltgeschichte. Wenn ich etwas auf meine Haut streife, wie die Kleidung, dann ist das wie eine zweite Haut. Und auf diese zweite Haut malt sie mikroskopische Erzählungen. So siegt sie im Wettstreit mit der Göttin Athene, die das gleiche versucht, aber nicht erzählt, sondern mit Prinzipien arbeitet. Diese Weberin ist Athene überlegen. Dafür wird sie bestraft, denn die Göttin verwandelt sie in eine Spinne. Ovids Arachne ist gewissermaßen die Göttin des Internets, des Zusammenhangs im Film und im Internet – soweit im Netz ein

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Zusammenhang ist – also irgendein Gott könnte den Zusammenhang im Netz sogar sehen und lesen. Wir als Individuen werden das nicht können, denn für uns ist dies alles ein wenig zu viel. Jetzt gibt es aber sozusagen das Abbild, also das Prisma. Ich möchte eine Frage von vorhin nochmal aufgreifen: Wo im Internet ist die Stelle, die in einer Großstadt das Opernhaus einnimmt? Ich rede ja hier mit Metaphern, wenn ich sage, dass man Brunnen graben soll, dass man Oasen bilden soll, wenn zu viel Silizium bzw. Wüste ringsum ist. Wenn man in einem Meer nicht schwimmen kann, von Küste zu Küste, von Irland in die USA – das ist ein bisschen zu viel für einen Schwimmer – dann brauche ich Gefährte, also Dampfer, Flöße, ich kann auch Zeppeline oder U-Boote nehmen, aber Sie verstehen: Diese Formgestalten sind im Internet noch erst im Kommen. Ich glaube allerdings, dass geistige Vorgänge gravitative Wirkung haben und dann auch entdeckt werden, aber erst nach einer Weile, wie eine Flaschenpost. Diese Eigenschaft von Oasen im Internet fordert im Grunde die Poetik heraus. Ich stelle mir vor, Balzac, der ein Unternehmer war, würde heute mit uns arbeiten. Er würde doch sicher sagen, man müsse zu den Romanen, die es in großer Fülle gibt, nicht noch weitere Roman-Konstellationen hinzufügen, er würde den ROMAN IM INTERNET fordern. Konzentrate, die niemandem gehören. Die Komplettierung von Edward Snowden wäre ein Honoré de Balzac, der im Internet wirklich Erzählung schafft.

V.P.: In Ihrem Film Nachrichten aus der ideologischen Antike befasst man sich ebenfalls sehr vielseitig mit Schrifttexten, die gelesen, vorgelesen, gesungen, rezitiert, buchstabiert, analysiert, diskutiert werden. Was soll das bewirken und was daran ist filmisch? A.K.: Abgeleitet habe ich das ja zunächst einmal aus dem Stummfilm, denn der Stummfilm kennt Titel. Doktor Mabuse von Fritz Lang 23 transportiert die Handlung eigentlich überhaupt nur durch Titel und ist dann frei in der filmischen Improvisation, in der Paraphrase zwischen den Titeln Szenen zu schaffen, die nicht mit informativem Dauerdialog belastet sind. Das kann sich vom Theater sehr weit entfernen, weil die geschriebenen Texte führen. Und diese Fähigkeit des Stummfilms übernehme ich, weil für mich natürlich ein geschriebenes Wort genauso ein Bild enthält wie eine Abbildung. Wenn wir heutzutage ein Zuviel an Bildern haben, eben dadurch, dass die Überredungskraft der Werbung zu all den Bildern, die im Fernsehen um Erfolg buhlen, hinzutritt, so sind diese Bilder sozusagen stark verbraucht. In dieser Umgebung bin ich Ikonoklast. Es ist übrigens so, dass gute Filme Bilder zerstören: sie ersetzen schlechte Bilder durch wenige gute.

V.P.: Häufig zeigen Sie auch schriftfilmische Passagen, ja ganze Erzählungen, welche erfordern, am Bildschirm gelesen zu werden, so dass die Wirkungen von Film und Literatur einander unterstützen, ergänzen, oder zumindest die hiermit verbundenen Aufmerksamkeiten zusammen zu fließen scheinen. Was wird mit dieser Form bezweckt? A.K.: Das ist einfach der natürliche Ausweg : wenn ich durch ein Bild nicht überzeugen kann, oder ein Bild vorbereiten oder gegen andere Bilder isolieren muss, dann kann ich das tun, indem ich das mit der Abbildung durch Schriften abwechsle, die man lesen und unter denen man sich etwas vorstellen muss. Außerdem besteht dies nie nur aus Schrift allein, es wird begleitet durch Musik und es sind ja auch Bilder dazwischen. Sie können förmlich messen, dass die Bilder, die dann in diese Schrift eingefügt sind, sehr intensiv wirken und im Gedächtnis bleiben. Das könnte man jetzt testen, aber ich mache es ja nicht aus wissenschaftlichen, sondern aus

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narrativen Gründen, weil ich absolut sicher bin, dass das eine moderne und notwendige Erzählform ist.

V.P.: Wird an solchen Werken nicht deutlich, dass als ein gemeinsamer Nenner die Montage steht, nämlich die Montage als wichtigstes Kunstmittel des Films aber nicht zuletzt auch als auktorialer Eingriff, der ebenfalls – man denke nur an Dada – auf Literatur zurückführt? A.K.: Wir haben ja zusammen mit Marthaler und anderen einen etwa sechsstündigen Film über Dada gemacht. Und Sie haben ganz recht, denn im Grunde gehört Dada zur Filmkunst. In den Künsten des 20. Jahrhunderts gibt es eigentlich diesen Unterschied zwischen Film und Wort nicht, denn die Literatur des 20. Jahrhunderts und 21. Jahrhunderts ist nicht ganz identisch mit der vorangehenden Literatur. Also Joyces Ulysses hat zwar mit der Antike und mit Homer zu tun, aber gleichzeitig ist es etwas ganz Innovatives und Neues, was Homer ja nicht gemacht hätte, und in dieser Hinsicht ist die Avantgarde der 1920er und 1930er Jahre eigentlich ein Erbe, das wir nicht fortsetzen, indem wir es verwerfen, sondern indem wir es festigen, auf seine Wurzeln verfolgen. Wir graben unsere Brunnen auf der Basis der Moderne, wobei man erstaunlicherweise merkt, dass die Moderne nicht neu ist und Modernität schon in der Antike existiert, also längst schon existierte, bevor sie als Moderne zusammengefasst wurde. Hier ist jetzt im 21. Jahrhundert eine Notwehrsituation entstanden, dadurch, dass inzwischen sieben Milliarden Menschen auf der Erde leben, von denen sehr viele an den Netzen partizipieren. Gierige Konzerne können diese großen Menschenmassen ähnlich wie auf einem Reichsparteitag des Dritten Reichs versammeln, so dass die geballte Masse von Millionen Zuschauern an einem Abend für eine Stunde um die Fernsehanstalt sich vereinigt: eine Autobahn des Geistes, über die eine einfache Schildkröte nicht so leicht hinüberkriechen kann. Und sogar Füchse werden angefahren. Egal, was sie machen, als Einzelmensch, bzw. als Autor sind Sie zunächst einmal eher machtlos gegenüber dieser ungeheuren geballten organisierten Ladung, eher ohnmächtig gegen diesen Reichsparteitag des Vergnügens.

V.P.: Inwiefern erwiese sich in einem solchen Zusammenhang für einen Autor der Rückgriff auf Montage als entscheidend? A.K.: Wir montieren und die können nicht wirklich montieren. Wir haben die Kunstmittel. Die Montage ist viel wichtiger als das Bild selbst. So können Sie zum Beispiel Gedankengebäude oder emotionale Zusammenhänge montieren. Das Narrativ ist im Grunde extrem reich und dies äußert sich prismatisch, je mehr Sie die Montagewirkung als Form des Reichtums verstehen, also der Vielfalt, der Polyphonie der Bilder, der Polyphonie der Bedeutungen, der Polyphonie der Pausen zwischen den Bedeutungen, der Polyphonie der Wiederherstellung der Autonomie einzelner Gegenstände auch ohne Bedeutung, also gewissermaßen der Fähigkeit, Sinn zu entwickeln und den HUNGER NACH SINN zu befriedigen, aber auch auf dem Gegenpol Autonomie und FREIHEIT VON SINNZWANG zu erzeugen. Das sind sehr subtile und sehr feine, niemals grobe Mittel, und alle zusammen bilden sie einen Reichtum.

V.P.: Wie würden Sie die Montage vom Zitat unterscheiden, welches doch häufiger mit der Literatur assoziiert wird? A.K.: Das Zitat ist ein Mittel der Montage. Ein Zitat bezieht sich immer auf etwas und bleibt nie ohne Zusammenhang. Das ist ja kein Rückgriff, sondern man holt etwas aus einem anderen Zusammenhang in einen neuen, wo es sich verändert.

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V.P.: Würden Sie bei Nachrichten aus der ideologischen Antike von einem Montage- Film oder eher von Essay-Film sprechen, womit wir ebenfalls wieder bei einer im Ursprung literarischen Bezeichnung wären? A.K.: Das können Sie wahrscheinlich eher bestimmen als ich, denn ich bin ja kein Kritiker. Ich würde das auch als Chronik verstehen können. Essay ist es deswegen vielleicht nicht, weil es ja viele unmittelbare Szenen enthält und auch nicht argumentiert wie ein Essay. Aber ich habe auch nichts gegen die Bezeichnung „Essay“. Wenn Sie das Wort so auffassen wie Montaigne, dann können Sie das gut sagen.

V.P.: Sowohl in der Literatur als auch im Film soll die Montage Kontraste ja sogar Epiphanien und letztlich Unterscheidungsvermögen ermöglichen: wenn Sie diesen Gedanken erläutern möchten. A.K.: Ich glaube, dass alles, was wir als Autoren können, gleich ob wir von Film, von Musik oder von Literatur reden, auf die Stabilisierung und die Zuspitzung von Unterscheidungsvermögen, das heißt auf die Sammlung von Unterschieden hinausläuft. Epiphanie hingegen bedeutet, dass ich durch die Dinge hindurch ein zweites inneres Bild hervorrufe, das etwas Wesentliches bezeichnet. Bei Adorno und Walter Benjamin entspricht dem theologischen Begriff der Epiphanie der des „dialektischen Bildes“. Das besondere Unterscheidungsvermögen besteht hier zwischen dem äußerlich sichtbaren und einem im Grunde unsichtbaren Bild, eben der Epiphanie.

V.P.: Letztlich geht es um das Sammeln von Material, welches die Vorstellungskraft des Lesers oder Zusehers stimulieren soll; Material, das die innere Erfahrung erst möglich macht, so wie es Eisenstein verstand, für den der innere Monolog bei Joyce ein Mittel darstellte, das begriffliche Denken in sinnliches, emotionales Denken zu übersetzen… A.K.: Es gilt alles drei gleichzeitig, wie wenn Sie drei Landkarten übereinander legen, und damit bekommen Sie eine Art Konstellation, einen Zusammenhangs- oder Erzählraum. Der narrative Raum entsteht nie eindimensional, nie nur durch Buchstaben, nur durch Bilder, nur durch Begriffe, nur durch Emotionen oder nur durch sinnliche Aufzählung. Alle diese Ebenen sprechen miteinander, ähnlich wie die Noten in einem polyphonen Musikstück ja auch miteinander ringen, Spannungen erzeugen, kommunizieren: Das Ganze ist das Narrativ.

V.P.: Aber wenn sowohl der Film als auch die Literatur „im Kopf“ des Zuschauers entstehen, beruht dies doch vielmehr auf elementaren Erfahrungen als auf der Technik, wodurch sie ermöglicht wird. A.K.: Unterschiede sind elementar und gleichzeitig stellen sie einen Zusammenhang her. Zwischen beidem besteht kein Widerspruch. Nehmen Sie einmal an, wir Warmblüter, wir Menschen, haben von unseren Vorfahren zunächst einmal die elementare Unterscheidung zwischen heiß und kalt ererbt. Und das ist für uns lebensnotwendig, denn es darf weder zu heiß noch zu kalt sein, wir müssen uns eine Umgebung suchen usw., was unsere Vorfahren alles sehr geschickt getan haben. Auf dieser elementaren Unterscheidung zwischen heiß und kalt bauen alle komplexeren Unterscheidungen auf: nah/fern, giftig/nützlich, gut/böse. Die komplexeren Unterscheidungen fordern eine besonders hohe Stufe des Unterscheidungsvermögens. Man muss sie immer neu elementarisieren. Den moralischen Unterscheidungen liegt wiederum etwas Einfaches zugrunde, dass nämlich die Mehrheit des Menschengeschlechts im Laufe der Evolution nur übrig

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blieb aufgrund ihrer natürlichen Gutmütigkeit oder anders gesagt: wegen sozialer Kooperation. Diese Eigenschaften sind besonders vertrauenswürdig. Für moralische Regeln allgemein gilt das nicht unbedingt. Und alles dies zu unterscheiden, fällt in französischer Sprache leichter als in meiner eigenen, weil die lateinischen Sprachen die Unterschiede pflegen. Ein Buch von Lévi-Strauss ist sozusagen eine narrative Sammlung von Unterscheidungsvermögen. Insofern sind auch Filme von Jean-Luc Godard Sammlungen von visuellen, sinnlichen und gedanklichen Unterscheidungsvermögen.

V.P.: Auch Robert Musil war sich der besonderen Wirkungspotentiale der seinerzeit vor allem visuellen Erfahrung des Kinos wohl bewusst, deren Bedeutung er aber vor allem vom symbolischen Eindruck der Bilder ableitete24. Würden Sie diese Haltung teilen? A.K.: Ich würde zunächst zögern, denn der symbolische Eindruck von Bildern schafft keine neuen Bilder und ist dem Unterscheidungsvermögen eher hinderlich. Wenn Sie sich einen Film anschauen, der keinen symbolischen Gehalt hat – einen Slapstickfilm zum Beispiel können Sie angucken, ohne auf den Sinn zu achten –, also einen Film ohne Sinn, das wäre auf jeden Fall besser. Ernst Lubitsch erzählt seine Filme oft frei von Sinnzwang. Das ist für mich attraktiver als wenn er sich mit einem lehrreichen Film wie Sein oder Nichtsein25 befasst, dessen symbolische Handlung Hitler betrifft und wo die Filmbilder rasch zu Transporteuren der Bedeutung werden.

V.P.: Die Handlung aus Musils berühmtem Roman-Fragment Der Mann ohne Eigenschaften führt uns zurück in das Jahr 1913, ein Jahrgang, der die Filmkunst noch in ihren Anfängen kannte, die man später als Primitive Diversity bezeichnete und auf die Sie sich noch hundert Jahre später berufen. Was ist daran so aktuell und wie realisiert sich diese populäre Form der Darstellung heute? A.K.: Primitive Diversity verweist auf die Anfangsform des Films bevor findige Produzenten damit anfingen, das Theaterschema auf die Filme zu stülpen und damit dreiaktige Dramen, Unterhaltung, und Wirksamkeit planten. Im Probierverhalten des frühen Kinos zeigen die Einminutenfilme etwas Hinreißendes: einfache Vielfalt. So kommen Bilder zustande, die Sie vorher noch nie gesehen hatten, und das ungesehene Bild ist etwas, was im Film ganz selten vorkommt, denn Sie brauchen ja für den normalen Hollywoodfilm oder für den Gebrauchsfilm lauter Bilder, die durch ihren Sinn und ihren Symbolgehalt sofort verständlich sind und übersetzt werden können. Irgendwie hat ein solcher Film etwas von Esperanto. Aber ein wahrer Film ist eine Kette von Überraschungen, denn alles, was die Kamera spontan aufnehmen kann, und wo sich also kein menschlicher Verstand dazwischen mischt, ist überraschend. Wenn Sie ein Gebüsch sorgfältig aufnehmen, samt Milben und was man dort alles sehen könnte, dann bekommen Sie eine unbekannte Welt zu sehen und befinden sich wie auf einem fremden Planeten. Sie würden eigentlich keine Handlung wiedererkennen, wenn Sie wirklich filmisch arbeiten. Der Film ist ein radikales Mittel, das von selbst verfremdet, denn es verfremdet, indem es erkundet. So wird erkennbar, dass die Verhältnisse anders sind als die Bedeutungen, die wir draufstülpen.

V.P.: In einer Ihrer Geschichten, in der es um das Projekt einer Verfilmung des Mannes ohne Eigenschaften geht, wird über den Aspekt eines „Films ohne Eigenschaften“ diskutiert, mit Verweis auf den berühmten „Roman ohne

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Eigenschaften“ von Musil, wo sich eben dieser Aspekt in einem durchgreifenden Essayismus äußert. Inwiefern erscheint Ihnen dies als eine adäquate Lösung? A.K.: Robert Musil vereinigt alle diese Formen, und alles, was wir jetzt hier besprochen haben, würde sich bei Musil finden. Wenn ich jetzt die Aufgabe hätte, mit den Augen von Musil, und also mit den Augen eines Augusttages aus dem Jahr 1913 anfinge, unser 21. Jahrhundert zu beschreiben, dann würde ich mit dem zweiten, d.h. mit dem unvollendeten Teil des Mannes ohne Eigenschaften beginnen. Musil selbst bezeichnet das, wenn er ganz am Ende seines Riesenbuches in einem Fragment von zehn Zeilen erwähnt (er lebt inzwischen in Genf und blickt auf die Bewegungen des Jahres 1941 in Europa), dass Ulrich mit seinen Augen von 1913 den Zweiten Weltkrieg beschreiben sollte.

V.P.: Wie wäre es Ihrer Meinung nach möglich, diesen Roman als solchen überhaupt zu verfilmen? A.K.: Ich würde ihn in Fragmente zerteilen, so wie er insgesamt ein Fragment ist. Gerade weil ich Musil so ernst nehme. Besser einen Absatz aus seinem Roman zu verfilmen, als den ganzen Roman zu verfilmen, denn der beruht ja nicht auf einer Handlung, die Sie in einen Drehbuchtext kleiden könnten. Es ist nicht so, dass das Verhältnis von Ulrich zu seiner Schwester das Wesentliche ist, sondern der Sommertag, an dem die Blüten niederfallen und der für beide unvergesslich ist. Dies ist das Thema und nicht das Inzestverhältnis zwischen den Geschwistern. Was mich hingegen an dieser Szene ganz besonders reizt, sind zwei ganz verschiedene Dinge. Das eine ist, dass er auf eine meisterhafte Weise ein Bild malt, wie meines Erachtens auch Gerhard Richter26 einen Sommertag zu malen vermag. Das andere ist, dass sich hier alle Sommertage vor dem großen Krieg spiegeln. Für mich ist jeder große Sommertag mit herrlicher Sonne nicht Gegenstand eines Rilke-Gedichts, sondern Gegenstand der unruhigen Erwartung, dass auf den Sommer 1914 der Kriegsausbruch folgte. Dasselbe habe ich im Sommer 1939 als Kind erlebt. Und im gefährlichsten Moment des Kalten Krieges, wie ich jetzt gerade festgestellt habe, war ich ein sommerlich-glücklicher Vater meiner jungen Tochter, die gerade 21 Wochen alt war, während ich auf den Festspielen in Venedig einen Film zeigte. Es war wie gesagt Sommer, und ich saß in einer Strandhütte am Lido mit meiner Frau und diesem Kind, und war glücklich und wurde von einem Fotografen der Cahiers du cinéma fotografiert. Und 2013 habe ich erfahren, dass zur Zeit dieser Idylle die gefährlichste Woche des Kalten Krieges stattfand, weil nämlich die Russen und die Amerikaner (Reagan/Andropow) einander tödlich missverstanden hatten. Anders als heute in Syrien hatte die eine Seite gar nicht erkannt, was die andere so erregte. Auf den Schrottcomputern der Moskauer Raketenüberwachung waren Zeichen zu sehen, als ob Angriffsraketen für einen Enthauptungsschlag der russischen Führung den Nordpol überflogen. Das erwies sich hinterher als Irrtum. Aber beinahe wäre der Kalte Krieg in jenem Spätsommer 1983 in einen Heißen Krieg übergegangen. Sommer und äußerste Gefahr, Idylle und Abgrund liegen nahe beieinander, und insofern verwandelt sich, durch die Erfahrung des Jahrhunderts, eine Sommerszene aus Musils Werk in diese Perspektive, die mit dem von Musil beschriebenen Augenblick gar nichts mehr zu tun hat. Gleichzeitig bildet aber sein Roman, der ja die MÖGLICHKEITSFORM behandelt, geradezu die Aufforderung und das Gefäß dafür, dass man so etwas assoziiert.

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V.P.: Wie wäre folglich der Meinungsunterschied zu deuten, der im Dialog Ihrer nach Musils Roman benannter Geschichte Der Mann ohne Eigenschaften, zwischen einem „deutschen Autorenfilmer“ und einem Produzenten ausgetragen wird ? A.K.: Es handelt sich hier, wenn Sie so wollen, um eine autobiographische Geschichte, die nur ein klein wenig übertrieben ist. Eine Haltung, wie die dieses jungen Autorenfilmers, halte ich für die Möglichkeit, kühne, moderne, neue und überraschende Filme zu machen. Wahr ist auch, dass diese kaum eine Mehrheit finden dürften, wenn doch die Verleihpropaganda und die Gewöhnungen in eine ganz andere Richtung gehen. Daher bauen wir zum Beispiel im Fernsehen auf sogenannte „Zapperfallen“. Da im Fernsehen an einem Samstagabend alles ziemlich identisch ist, zappen die Zuschauer hin und her, sehen dieses Identische und suchen darin, was sie am meisten interessiert. Wenn aber jetzt etwas ganz Unbekanntes kommt, und es geschieht überhaupt nichts von dem, was im Fernsehen sonst geschieht, sondern Sie hören plötzlich zwei Leuten zu, die Direktoren eines Max- Planck-Instituts für Astrophysik sind. Und die erzählen sich etwas über Schwarze Löcher oder Sterneninseln, die nur 300 Lichtjahre vom Weltenanfang entfernt sind. Dies tun sie in ihrer Art von Abkürzung und in der Wissenschaftssprache, die sich unter ihnen ausgebildet hat, was zunächst einmal völlig unverständlich klingt. Doch erstaunlicherweise werden Sie finden, dass Sie eine ganze Rotte von jungen Menschen, also eine richtige momentane Mehrheit in der Zielgruppe auf diese Zapperfalle vereinigen können. Sie sehen etwas Unbekanntes, und das interessiert sie mehr als das gesamte Attraktive und Bekannte überhaupt. Insofern haben wir Poeten einen Verbündeten in allen Menschen, die Selbstbewusstsein haben.

NOTES

1. ATER, Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, Spezialist und Übersetzer von Alexander Kluge. 2. Das erste von den erst kürzlich in französischer Sprache erschienenen Werken Alexander Kluges ist der in Zusammenarbeit mit dem Maler, Fotografen und Bildhauer Gerhard Richter entstandene Geschichten- und Bilderband Décembre (deutsch: Dezember), Zürich-Biel, Diaphanes, 2012 (übersetzt von Hilda Inderwildi und Vincent Pauval). Siehe hierzu auch den etwa vierzigseitigen ebendieser Zusammenarbeit gewidmeten Teil der Kunstzeitschrift Fario, n°12, Paris, 2013, mit weiteren Erzählungen Kluges, die Gerhard Richter gewidmet und mit Abbildungen aus dessem Werk versehen sind. Dieser Teil beinhaltet außerdem ein en nachträglichen Kommentar des hier publizierten Text-Bild-Zusammenhanges durch die Übersetzer Hilda Inderwildi und Vincent Pauval sowie ein Interview des Autors durch Vincent Pauval. Anlässlich der vom 14. Oktober 2012 bis 27. Januar 2013 erfolgten Ausstellung um Anselm Kiefer in der Galerie Thaddaeus Ropac erschienen ferner 16 histoires pour Anselm Kiefer ( 16 Geschichten für Anselm Kiefer, übersetzt von Hilda Inderwildi und Vincent Pauval) im Ausstellungskatalog der Galerie (Anselm Kiefer. Die Ungeborenen, Galerie Thaddaeus Ropac, Paris/ Pantin, 2013). Unter der Leitung von Vincent Pauval soll ab Herbst 2014 Kluges gesamtes Erzähl werk in mehreren Bänden beim Verlagshaus P.O.L. unter dem Titel Chronique des sentiments erscheinen.

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3. Die Beiträge des Kolloquiums erscheinen in Kürze bei den Presses Universitaires Blaise Pascal (PUBP) in Clermont-Ferrand. 4. Alexander Kluge, Chronik der Gefühle, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 2000. Auf 2000 Seiten vereint dieses Opus magnum sämtliche der bis Ende der 1970er Jahre in Einzelbänden erschienenen erzählerischen Texte Kluges, zuzüglich hunderter „Geschichten“, die der Autor seitdem verfasst hat, ohne diese bis dahin als Sammelband veröffentlicht zu haben. 5. Titel eines umfangreichen Erzählbandes von Alexander Kluge: Neue Geschichten. Hefte 1 – 18 ›Unheimlichkeit der Zeit‹, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1977. Diese Erzählungen bilden heute das Kapitel 8 im zweiten Band der Chronik der Gefühle. 6. Francis Fukuyama, Das Ende der Geschichte, Reinbek, Kindler Verlag, 1992. 7. Heiner Müller, Krieg ohne Schlacht – Leben in zwei Diktaturen – Eine Autobiografie, Köln, Kiepenheuer & Witsch, 1992, S. 267. 8. Ossip Mandelstam, Tristia. Gedichte 1916–1925. Hg./Ü: R. Dutli. Ammann, Zürich, 1993. 9. Diese Gespräche sind vollständig verfügbar über eine durch die Universität Bremen und die Cornell University Library gemeinsam erstellte Webseite: http://muller- kluge.library.cornell.edu/de/index.php 10. Heinrich von Kleist, Über die allmähliche Verfertigung der Gedanken beim Reden, in : Sämtliche Erzählungen und andere Prosa, Stuttgart, Reclam, 2000, S. 340-346. 11. Die Gespräche wurden von Kluge großteils in zwei Bänden herausgegeben: «Ich schulde der Welt einen Toten» (Berlin, Rotbuch, 1995) und «Ich bin ein Landvermesser» (Berlin, Rotbuch, 1996). Auf Französisch erschienen beide Bände unter den Titeln Esprit, pouvoir, et castration (1997) und Profession arpenteur (2000) bei den éditions Théâtrales (in der Übersetzung von Eleonora Rossi und Jean-Pierre Morel). 12. Siehe die Erzählsammlung von Alexander Kluge, Geschichten vom Kino, Frankfurt/Main, Suhrkamp, 2007, S. 267-269. 13. Die Schwester Alexander Kluges, Alexandra Kluge, spielte mehrere Hauptrollen in den ersten Kinofilmen ihres Bruders, so auch jene von Anita G. (Abschied von Gestern, 1965). 14. Michail M. Bachtin, Probleme der Poetik Dostojewskis. Hanser, München 1971. 15. Wsewolod Pudowkin (1893-1953). 16. Sergei Tretjakow (1892-1937). 17. Jean-Luc Godard (*1930) ist nach wie vor eine wichtige Referenz für Kluge, der À bout de souffle (1960) als einen seiner Lieblingsfilme bezeichnet. Ein äußerst interessantes Gespräch zwischen Kluge und Godard („Blinde Liebe“) findet sich auf der DVD n°15 der Gesamtausgabe von Kluges Kinofilmen: Sämtliche Kinofilme, Frankfurt am Main, Zweitausendeins, 2007. 18. Alexander Kluge, Nachrichten aus der ideologischen Antike. Marx – Eisenstein – Das Kapital, Berlin, Filmedition Suhrkamp, 2008. 19. Alexander Kluge, Sämtliche Kinofilme, DVD n°9 (Deutschland im Herbst, 1978). 20. Sergei M. Eisenstein (1898-1948), sowjetischer Filmemacher, Regisseur von Panzerkreuzer Potemkin (1925), Oktober (1928) und Iwan der Schreckliche (1944). 21. Tom Tykwer (*1965), deutscher Filmemacher, einem breiteren Publikum bekannt durch Filme wie Lola rennt, 1998 oder Das Parfum: Die Geschichte eines Mörders, 2006 nach dem gleichnamigen Roman von Patrick Süskind. Zur Wirkung Kluges auf das neue deutsche Kino seit den 1980er Jahren siehe auch Pierre Gras: Good bye Fassbinder! Le cinéma allemand depuis la réunification, Arles, Jacqueline Chambon (coll. « Rayon Art »), 2011, S. 255-297. 22. Siehe dazu den Aufsatz von Tobias V. Powald, « L’antique, l’authentique : Alexander Kluge ou les métamorphoses d’Hermès », in : Germanica, n°45, Université Charles-de-Gaulle – Lille III, 2009, p. 125-141. Abrufbar unter: http://germanica.revues.org/832. 23. Fritz Lang (1890-1976), Regisseur des bekannten Films Metropolis (1927), ist in gewisser Weise der Auslöser für Kluges Filmkarriere: auf Empfehlung von Theodor W. Adorno hin nahm Kluge an den Dreharbeiten des Zweiteilers Der Tiger von Eschnapur (1958) und Das indische Grabmal (1959)

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teil. Der Film Doktor Mabuse, der Spieler (Docteur Mabuse le joueur), den Kluge hier erwähnt, stammt aus dem Jahr 1922. 24. Siehe Robert Musils Essay: «Ansätze zu neuer Ästhetik: Bemerkungen über eine Dramaturgie des Films.» In: Der Neue Merkur, März 1925. Robert Musil, Gesammelte Werke, Herausgegeben von Adolf Frisé. Band II: Essays und Reden. Kritik. Rowohlt, Reinbek 1978 , S. 1137-1154. 25. To be or not to be von Ernst Lubitsch (1892-1947) kam 1942 in die Kinos. 26. Zu den gemeinsamen Arbeiten Richters und Kluges siehe Fußnote 1.

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Der Mann ohne Eigenschaften

Alexander Kluge

1 Einer der deutschen Autorenfilmer hatte eine Kalkulation aufgestellt, aber noch nicht bei den Gremien einreichen können. Es sollte sein nächster Versuch werden. Er neigte zur Verfilmung von Robert Musils Der Mann ohne Eigenschaften, von dem es heißt, es sei DER ROMAN DES JAHRHUNDERTS.

2 Der Produzent fragte den Regisseur:

3 – Wollen Sie selber inszenieren? – Ja. – Wenn Sie das Thema mal umreißen, ich kenne den Roman nicht, bzw. ich habe ihn nicht zu Ende gelesen. – Bis wohin haben Sie denn gelesen? – Den Anfang. – Das tun die meisten. – Wenn Sie den Inhalt mal in ein paar Sätzen andeuten? – Der Mann ohne Eigenschaften… – Ist klar. Der hat keine Eigenschaften. Aber wieso nicht? – Das ist der Titel. – Handelt das Buch denn nicht davon? – Es handelt von einem Geschwisterpaar. – Mit oder ohne Inzest? – Weiß man nicht genau. Einige Stellen gegen Ende des Buches deuten eher auf Inzest, andere sprechen dagegen. Der Mann heißt Ulrich, seine Schwester Agathe. – Aha. Und der Inhalt? – Sie meinen die Handlung? – Was passiert? – Der Mann hat keine Eigenschaften. Das sagt etwas aus über das zwanzigste Jahrhundert. Das Buch enthält eine scharfsinnige Analyse des zwanzigsten Jahrhunderts. – Und was kommt heraus? – Das steht nicht im Buch. – Vielleicht muß man es im Film hinzufügen?

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– Ich wollte eigentlich bei dem Buch bleiben. – Ja, Sie müßten aber dem Zuschauer die Handlung mitteilen. Sie können nicht sagen, dieser Ulrich hatte keine Eigenschaften, und eine Handlung gibt’s auch nicht, und was das Jahrhundert angeht, wissen wir nicht, was herauskommt, und der Film hat keinen Anfang, kein Ende, und einen Mittelteil schon gar nicht. Das wäre z.B. für eine Vorankündigung ungeeignet. – Man kann jeden Stoff zerreden, wenn man so redet wie Sie. – Der Mann ohne Eigenschaften ist an sich ein ganz guter Titel. Man denkt sich was dabei. – Sie sind also mit dem Stoff einverstanden? – Sagen wir mal so: Ihr Hinweis, daß man jeden Stoff zerreden kann, wenn man die Ausdrücke richtig wählt, hat mich beeindruckt. Lauter Kurzfassungen, und danach veröffentlichen wir, daß das berühmte Stoffe sind. Dann muss der Zuschauer aufpassen. – Nur Inhaltsangaben? – Ja. Und davon viele. Sozusagen der Film Ohne Eigenschaften. Junge Frau, die sich zu nichts entschließen kann, bekommt auch nicht den Mann, von dem sie glaubt, daß sie ihn will. Den anderen will sie aber auch nicht, darüber vergehen die Jahre. Ihr Kind verunglückt, und man weiß nicht, ob sie ihren Mann noch einmal wiedersieht. Der, von dem sie nur glaubte, daß sie ihn liebt, ist inzwischen gestorben. “Vom Winde verweht”! Herrlicher Stoff! – Könnte man gleich mit einfügen. – Sagen Sie, das ergibt ein wunderbares Ratespiel! – Ich hatte aber vor, den Film über Der Mann Ohne Eigenschaften… – Ich bin von meiner Lösung ganz begeistert. Man muß die Eigenschaften weglassen. Der Mann, das wäre ein ganz brauchbarer Titel, hätte auch was mit dem zwanzigsten Jahrhundert zu tun. – Ich hatte mich aber entschieden… – Ja, ich weiß, aber ich halte Ihre Lösung nicht für schlagkräftig. Sie müssen mich ja nicht fragen, wenn Sie meinem Rat nicht folgen wollen. – Was für einem Rat? – Na ja, Sie hören nicht zu.

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Les yeux des autres Entretien entre Alexander Kluge et Vincent Pauval1 Traduction : Vincent PAUVAL

1 Dans cet entretien enregistré le samedi 14 septembre 2013, le grand écrivain et cinéaste Alexander Kluge (*1932) revient sur l’évolution spectaculairement prolifique de son œuvre depuis la fin des années 1980 et depuis le tournant du millénaire notamment. Moins connue en France, cette période-là de sa production artistique a vu néanmoins la parution d’une somme littéraire aussi surprenante qu’impressionnante, dont la traduction intégrale en langue française est en cours actuellement2. Quant au cinéma de Kluge, il a fait l’objet d’une rétrospective complète à la Cinémathèque française (Bercy) du 24 avril au 3 juin 2013, un an après avoir été à l’honneur au Festival international du court-métrage de Clermont-Ferrand durant l’hiver 2012. À cette même occasion, le colloque interdisciplinaire « Alexander Kluge et la France – Pour une levée en masse de la narration3 » a été organisé par Éric Lysøe et Vincent Pauval à la Maison des Sciences de l’Homme de Clermont-Ferrand, afin de fournir au lectorat français un premier aperçu global des caractères essentiels à l’œuvre immense de cet auteur relativement peu étudié jusque-là en France. L’entretien qui suit a vocation de dresser un état des lieux de la réflexion klugienne autour des moyens du cinéma et de la littérature, de leurs rapports ainsi que de leurs potentialités dans le contexte historico-médiatique contemporain.

VINCENT PAUVAL : Comment avez-vous vécu l’année 1989 et le début du grand « tournant » pour l’Allemagne entamé alors ? ALEXANDER KLUGE : Plutôt passivement. Je suis originaire d’Halberstadt, une ville qui se situe sur le territoire de la RDA et dans laquelle mon père a vécu jusqu’en 1979. Pour ma part, j’avais quitté cet endroit dès 1946. Par la suite, je suis devenu un citoyen de la République Fédérale d’Allemagne à part entière. Au fond, l’idée d’une « Allemagne réunifiée », à laquelle je n’étais plus habitué, me paraissait improbable, au même titre que Berlin comme capitale. Je suis donc un patriote de la RFA, mais de l’ancienne RFA avec pour capitale Bonn, plus ancrée à l’ouest.

V.P. : Au moment de la parution de votre ouvrage Chronique des sentiments4 en 2000, vous avez déclaré vous être remis à écrire de plus belle après la réunification allemande. Comment vous l’expliquez-vous ? A.K. : En fait, ceci était moins lié à la réunification qu’à ce que la période ayant suivi l’année 1991 et la fin de la Guerre froide m’a semblée marquer un nouveau commencement. Pour mes enfants, je voyais naître une nouvelle ère augustéenne,

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pour laquelle il valait la peine de conserver les expériences antérieures. Il reste tout de même l’expérience amère de la Seconde Guerre mondiale, l’expérience de l’entre- deux guerres, et l’impression de la Guerre froide, avec toute l’inquiétude qu’elle m’a inspiré : « Inquiétance du temps5 », voilà ce qu’elle était pour moi. Et nous voici tout d’un coup soulagés de ce cauchemar. Cela tenait moins à la réunification allemande qu’à la perspective évidente d’une détente politique à l’échelle mondiale, perspective qu’à l’heure actuelle, en 2013, nous avons du reste déjà gâchée.

V.P. : Il n’empêche que de nombreux auteurs ont vécu l’effondrement du bloc de l’Est comme le déclin d’une utopie, le tarissement d’une source de motivation voire d’inspiration. A.K. : Je n’ai jamais ressenti le bloc de l’Est comme une utopie. Comme Heiner Müller ou d’autres auteurs préoccupés par la question, le recul émotionnel que je prends me fait remonter jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale en 1917-1918. À cette époque la politique en général, jugée trop molle, subissait une remise en cause. Selon moi, le socialisme concerne avant tout la question de savoir pourquoi la classe productive parmi les hommes ne parvient pas à empêcher une telle catastrophe guerrière. Une politique et une classe politique incapables d’éviter un 1er août 1914 y laissent leur autorité. J’ai beaucoup réfléchi à cela, non pas l’enfant que j’étais, réfugié dans un abri antiaérien pendant les bombardements de 1945, mais bien pendant les années de 1977 à 1989, de l’automne allemand jusqu’à la réunification.

V.P. : Après la parution du livre de Francis Fukuyama, on a voulu croire soudain que la fin de l’histoire6 s’annonçait. Que pensez-vous de cette idée ? A.K. : Je parlerais plutôt d’un retour de l’histoire. Elle a fait défaut en 1914 pour finir en cauchemar, avec Auschwitz, et elle est de nouveau au rendez-vous en 1989, comme elle l’est encore aujourd’hui. J’ai été très étonné d’apprendre que les versements relatifs au Plan Young, qui réglementait le paiement des réparations suite au Traité de Versailles, n’ont été acquittés qu’en 1990. On mesure là toute l’étendue des chaînes causales de l’histoire.

V.P. : En quoi l’histoire allemande vous intéressait-elle et en quoi vous intéresse-t-elle de nos jours, à l’heure de la mondialisation ? A.K. : L’histoire allemande a beaucoup perdu de son intérêt, mais elle demeure un laboratoire de toutes les erreurs que je puis imaginer au plan politique. C’est pourquoi j’ai le sentiment que le transfert aux générations futures, le récit de l’expérience dans toute sa richesse, est primordial. L’histoire allemande jusque dans ses racines est un laboratoire du malheur. Et il faut raconter cette histoire malheureuse, afin qu’elle ne concerne plus seulement l’Allemagne, car l’expérience qu’elle renferme est universelle.

V.P. : Peu après la chute du Mur, votre ami Heiner Müller déclarait que « l’Allemagne a constitué un sujet dramatique valable, jusqu’à la réunification »7. De quelle manière commenteriez-vous cette affirmation ? A.K. : Je ne suis pas dramaturge. Par conséquent, je ne considère pas l’Allemagne qui a suivi la réunification ni celle qui l’a précédée sous l’angle de sa valeur dramatique. Du point de vue épique et poétique, dont la méthode m’est familière, je ne vois pas tellement de différence entre l’avant et l’après. Il y a toujours des sujets comme les 500 années de la Réforme par exemple, ou encore la Guerre des Paysans allemands, qui remonte à la même époque, et qui restent d’actualité même s’ils ne jouent aucun rôle dans le champ de la realpolitik. Les éléments du passé survivent à l’intérieur des

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individus. Ils forment des prismes et des cristaux, comme dirait Walter Benjamin. J’ignore s’il est possible de représenter cela sous forme de drame. Je sais en revanche que s’il n’est pas matière à créer des événements théâtraux, le sujet se prête à la recherche, c’est-à-dire au commentaire narratif.

V.P. : Parmi vos modèles favoris, vous évoquez souvent Heiner Müller d’une seule traite avec Ovide, Tacite et Montaigne. Comment associez-vous ces noms ? A.K. : Les Métamorphoses d’Ovide représentent pour moi la forme littéraire, voyez- vous. Elles enchaînent des variations qui forment un réseau. Sauf que mon approche de l’Antiquité passe toujours par quelqu’un que je perçois comme mon contemporain, à l’instar d’Ossip Mandelstam qui apprécie Ovide tout autant, au point d’avoir baptisé son œuvre tardive Tristia8 d’après un titre d’Ovide, ou encore de Heiner Müller, doué d’une compréhension très exacte de l’œuvre d’Ovide et avec qui je m’en suis beaucoup entretenu. C’est ainsi qu’Ovide devient mon contemporain. Il en va de même avec Montaigne qui, par ses commentaires, ses Essais, est à mes yeux le représentant d’une forme littéraire demeurée inaccomplie en littérature. Je serais fier de pouvoir être identifiable comme son parent ou son successeur dans sa manière d’écrire.

V.P. : Dans quelle mesure un poète de la RDA comme Heiner Müller pouvait-il influer sur votre conception de la littérature ? Qu’est-ce qui vous reliait ? A.K. : Nous sommes apparentés poétiquement l’un à l’autre. Nous avons tous deux des origines slaves à travers une partie de nos ancêtres. Nous sommes capables chacun de parler comme on s’exprime aux endroits où nous sommes nés. Nous sommes voisins par nos tempéraments. Bien que les résultats poétiques soient très différents, nous puisons à la même source.

V.P. : De 1987 à 1995, vous avez mené de nombreux entretiens avec Heiner Müller dans le cadre de vos magazines télévisés9. En quoi ces programmes se distinguent-ils d’entretiens d’auteur conventionnels ? A.K. : Ils diffèrent déjà en ce qu’ils ne suivent pas les règles dictées par la télévision. Car Heiner Müller ne répond pas à des questions typiques de ce média, mais à celles d’un auteur. Au fond, je considère comme une forme de littérature cette manière de conférer oralement tout en enregistrant. Cette forme est selon moi souvent plus libre que l’écrit. Chacun prête attention à l’autre. Dans bien des cas Heiner Müller ne répond d’ailleurs pas directement, mais une demi-heure plus tard, parlant d’autres sujets dans l’intervalle. Chacun se défait de l’armure de son moi. Cela correspond à ce que dit Heinrich von Kleist à propos de « l’élaboration progressive des idées par la parole »10.

V.P. : Mais la télévision saurait-elle passer pour une continuation de la littérature ou du cinéma à proprement parler ? La télévision ne tendrait-elle pas plutôt à écarter aussi bien l’un que l’autre ? A.K. : Disons que cela est hors de sa portée, puisque la littérature reste autonome par rapport à la télévision. D’une part, je n’ai jamais pu découvrir la moindre œuvre ou performance ni quelque forme littéraire que ce soit à la télévision. D’autre part, celle- ci reste un média dominant : lorsqu’arrive un événement inhabituel tel que les attentats du 11 septembre 2001, je me tourne instinctivement vers ce média, un peu comme si de ma fenêtre je regardais la place du marché, comme on faisait jadis pour voir s’il s’y passe quelque chose. Un média dominant détient la confiance des gens qui s’attendent à ce que toute chose importante soit annoncée là en premier. Désormais,

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cela n’est plus du tout vrai, car il serait nettement devancé par Internet, mais cela reste une voie familière, comme le demeure aussi la place du marché même lorsqu’elle ne donne plus lieu à aucun marché ni à aucun attroupement. Il vaut la peine d’introduire au cœur d’un tel média quelques traces du meilleur dont on dispose, c’est-à-dire la musique et la littérature, sans le modifier ni l’adapter aux besoins télévisuels, mais à la manière d’un corps étranger, comparable à un bloc erratique, de ces rochers du Grand Nord que les glaciers ont charriés vers la plaine, un milieu qui n’est pas leur décor naturel. La poésie à la télévision ressemble un peu à cela, elle y devient possible dans les coins reculés, le plus souvent la nuit.

V.P. : Et si les émissions ainsi produites débouchaient au contraire sur de la littérature, quand par exemple lesdits entretiens sont publiés sans images, sous forme de livres ? Quelle signification ou quelle valeur accordez-vous à ce type de recueil11 ? A.K. : Il s’agit-là de procès-verbaux. Mais il ne serait guère fortuit que les versions écrites de ces entretiens soient ensuite représentées par des comédiens, pourquoi pas de la Comédie Française. Cela rend assez bien, c’est particulier, certes, et laisse une impression assez étrange. Au fond, ces entretiens correspondent à une forme narrative ancestrale qui repose sur l’oralité. Cette dernière ne consiste pas en ce qu’un poète s’installe au milieu d’une salle pour y déclamer ses textes, mais à ce que des réponses aient lieu. L’idéal est la ronde. Au XIe siècle, une convention faisait qu’en Provence les gens se rassemblaient la nuit, chantaient des chansons, puis racontaient une histoire, chantaient d’autres chansons et se remettaient à raconter des histoires. C’est là une forme littéraire ancestrale, celle de la chantefable, et qui fut en même temps l’ancêtre de l’opéra.

V.P. : Dans quelle mesure le rôle que vous tenez ici est-il celui d’un auteur, sachant qu’au cours de ces entretiens votre personne se positionne le plus souvent en marge ? A.K. : Mon rôle équivaut à celui d’un esprit invisible et bienveillant. Car ces entretiens procèdent suivant le mode animiste. Ce qui veut dire que les gens commencent à raconter des histoires lorsqu’ils partagent un enthousiasme. Lorsqu’ils sont dans la détresse et que celle-ci leur donne un moment de répit, ils se mettent aussi à raconter. Et quand ils en réchappent, ils remettent cela encore. Shéhérazade en constitue la base, une forme dont le principe est comparable à celui de la chantefable, en plus développé, l’Orient ayant eu plus de temps pour élaborer ce genre de choses. Mais il n’y a pas que la Shéhérazade du Bagdad des Contes des mille et une nuits, puisqu’il existe un recueil des musulmans occidentaux, issu de la grande culture de Cordoue en Espagne, qu’est celui des Cent et une nuits, une compilation apparentée à la précédente, et dont les histoires paraissent contées d’une façon encore plus rudimentaire, plus orale encore que dans les fameux Contes des mille et une nuits. Les Cent et une nuits sont un emblème de la littérature, un livre collectif, une compilation née de sources musulmanes occidentales de l’Espagne, par opposition au recueil persan.

V.P. : L’auteur que vous êtes ne s’exprime-t-il pas davantage désormais comme écrivain ? A.K. : Si vous le dites ainsi, je constate en effet que j’écris nettement plus depuis l’an 2000 à peu près, et que je progresse plus hardiment sur ce terrain-là où j’expérimente davantage qu’en d’autres médias. J’attribue cela à l’immense pression du réel

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émanant des médias, qui stimule et lance ses défis, mais qui exerce aussi une influence paralysante, m’incitant plus fortement à me réfugier dans l’« oasis » du livre. Je recherche donc intuitivement une caverne, une oasis, un cadre assez solide pour résister à cette entreprise monstrueuse qui détruit aussi des cadres. Le média en soi n’est pas en cause, mais ce qu’il implique en termes de forces participantes, ses usagers aux appétits voraces et cannibales.

V.P. : Il vous arrive aussi de désigner la production de dialogues authentiques, dont vous donnez par ailleurs des variations fictives dans votre œuvre littéraire, comme des œuvres « filmiques », et c’est comme « films » que vos entretiens avec Heiner Müller ont été présentés à la Cinémathèque de Paris. Comment faut-il entendre cela ? A.K. : En regardant mes films, vous allez trouver en miniature le même type de dialogue, y compris parmi les choses que la caméra observe pendant que le texte fournit un commentaire. On voit à l’image par exemple une flaque d’eau et la surface de cette eau frémissant au vent. Cette image se suffit à elle-même. Et le commentaire indique : cette flaque possède tout son temps. Pendant ce temps, l’action se précipite vers un état de guerre. Voilà ma façon de faire, ma définition de ce qu’est un film. On peut la rapprocher du spectacle offert par deux individus qui se prêtent attention réciproquement et de manière prolongée. Il s’agit là d’une section de film au même titre que si je montais une scène d’amour. Pour celle-ci j’éviterais d’ailleurs tout autant de fournir des dialogues ou quelque indication que ce soit pour le jeu d’acteur. Au contraire, je bâtirais un cadre permettant aux deux acteurs de se sentir authentiques et de ressentir réellement de l’amour. Il suffit qu’ils se souviennent.

V.P. : L’aspect de la fiction serait donc secondaire par rapport à l’authenticité ? A.K. : Le fait qu’une chose soit authentique ne dépend pas, en effet, de ce que celle-ci soit inventée de toutes pièces et soit le résultat d’un désir ou d’une transformation subjective, ou de sa dimension objective, c’est-à-dire tangible. Les termes comme « fictionnel » ou « véritable » correspondent à un ordre purement gestionnaire, à des rubriques. Cela dit, il n’est pas indifférent d’écrire par exemple des dialogues auxquels les acteurs donneront forme et prêteront voix, ou de les investir d’un rôle en permettant qu’ils improvisent. Mais les deux approches se valent, car les enjeux du cinéma et de la littérature ne sont pas de chercher une « Vérité » ni de distinguer le vrai du faux, mais résident dans les tensions, les équilibres, les courants, les champs de perception avec lesquels nous devons composer. Ainsi, je ne vois pas de distinction entre le fictionnel et le documentaire. Il est possible, en revanche, de vérifier l’immédiateté et l’authenticité d’une expérience, d’où la validité du principe d’authenticité. Sans cela un dialogue ne vaut rien.

V.P. : Votre récit Production filmique d’un texte12 illustre comment le dialogue d’un film peut devenir littérature. Vous y relatez la manière dont a été réalisée l’une des scènes les plus célèbres de votre premier long métrage Anita G., où l’héroïne se dispute avec sa logeuse… A.K. : … qui met Anita G. à la porte parce que celle-ci ne peut pas régler son loyer. Le dialogue engagé entre ces deux femmes, c’est-à-dire ma sœur dans le rôle d’Anita G.13 et la propriétaire aisée qu’est cette logeuse francfortoise, ces deux personnes l’inventent dans le feu de leur énervement comme j’aurais peine à le faire par l’écriture. En tant qu’auteur, je me contente donc de créer une situation qui permet aux personnages de s’énerver. Ceci n’est pas faisable artificiellement. Il se passe quelque chose entre les individus qu’à vrai dire le film est seul capable de retenir. Un

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écrivain serait en mesure de le réécrire, mais on ne saurait l’imiter ou l’inventer. En un tout autre lieu, ma sœur avait déjà une fois été mise à la porte de son appartement et, en tous cas, elle comprend ce que cela signifie que d’être mis à la rue. Sa partenaire, la logeuse, a eu affaire au fil des ans à une vingtaine de locataires malhonnêtes. Toute sa colère ainsi accumulée pénètre cette scène. Dans ce creuset d’alchimiste qu’on appelle une scène, quelque chose s’articule qui n’a aucune existence véritable à cet instant. Un tel moment scénique est aussi créateur et permet autant de concentration que le cerveau de l’auteur littéraire, sauf que cela se passe en dehors de sa tête, car en l’occurrence l’auteur ne peut fixer qu’un cadre.

V.P. : Ce que vous décrivez-là correspond en fait à ce que Bakhtine a montré à partir de la poétique de Dostoïevski14 en théorisant la notion de dialogisme : des discours et des formulations antérieures à la situation sont actualisés et réactivés à travers elle. A.K. : Tout à fait ! Et dans ce film j’instaure des conditions qu’on ne trouve pas dans la vraie vie. Dans la vraie vie il n’y aurait pas d’équipe de tournage, pas plus qu’il y aurait d’autres scènes qui précèdent l’événement ou en découlent. Mais la concentration que je crée de la sorte donne à cette femme qui, d’habitude, ne se focalise pas sur l’intégralité de sa colère et qui ne se fâche qu’à un degré « normal », la capacité de faire entrer dans son jeu un concentré de colère, c’est-à-dire d’en donner la représentation. Ceci vaut également pour ma sœur, qui ne court pas le monde en rouspétant. D’une nature aimable, elle devient pourtant capable ici de s’emporter au point de répliquer presque avec hargne. Et voici comment une réplique appelle la suivante. Le ton monte progressivement entre les deux, puis se maintient à son niveau le plus élevé, avant que la scène soit ponctuée par la mise à la porte. C’est là une façon de générer de l’authenticité – peu importe qu’elle soit littéraire ou filmique – qui ne se fonde pas sur les conceptions d’usage ou sur un scénario, c’est-à- dire sur des textes composés dans un bureau, car il n’est pas possible de produire cela dans un atelier. La méthode est empruntée à la Nouvelle Vague.

V.P. : Mais ne serait-il pas justifié de nos jours d’affirmer que l’auteur réalisateur qui suivait le modèle de la Nouvelle vague française durant les années 1960 est entre-temps devenu un producteur de films qui place le collectif au centre, faisant disparaître pour ainsi dire l’auteur Kluge en mettant la coopération au premier plan ? A.K. : Vous avez raison de le souligner. Cette méthode, qui au fond ne date pas d’hier, vous la trouvez annoncée dans le cinéma révolutionnaire russe, par Poudovkine15 et Tretiakov16. Jean-Luc Godard17 lui aussi doit non seulement beaucoup au cinéma muet, mais également au cinéma russe.

V.P. : Votre récent film Nouvelles de l’antiquité idéologique18 constitue un exemple assez éloquent de l’application du principe de coopération. Peut-on parler, ne serait-ce qu’au plan formel, d’une continuité par rapport aux films collectifs, très engagés également, que vous avez produits durant les années 1970 et 1980 ? A.K. : L’Allemagne en automne19 définit déjà le cadre formel, un cadre nouveau d’ailleurs, puisqu’il s’agit d’un film collectif né d’une incitation politique particulière. Nouvelles de l’antiquité idéologique en serait pour ainsi dire la continuation avec d’autres moyens, sachant qu’en l’occurrence je dispose d’un atout majeur, puisque j’ai la possibilité de travailler dans l’optique d’Eisenstein20. Car on peut voir un homme qu’on vénère autant que je vénère Eisenstein comme une lentille de caméra à travers laquelle on regarde, une caméra imaginaire avec laquelle il est possible

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d’enregistrer. C’est ce qu’on aura appris de notre collaboration autour des films collectifs des années 1970 et 1980, mais il est possible d’en étendre l’application, comme c’est ici le cas. Il n’est donc pas fortuit que Tom Tykwer21 ait apporté à ce film les dix minutes d’une passionnante contribution au sujet du fétichisme de la marchandise selon Marx. Ce qu’il a fait est brillant. Ce n’est pas un choix courant pour un sujet de film. Ainsi le principe de coopération traverse tout le film. Prenez encore la contribution de Werner Schroeter dans ce même ensemble filmique. Dans sa mise en scène de Tristan et Iseult de Richard Wagner, les chanteurs sont habillés comme les marins du Cuirassé Potemkine d’Eisenstein : comme le suggère ce film, l’ardeur révolutionnaire trouve son pendant dans l’ardent amour que thématise l’opéra de Wagner. Cette contribution à son tour se rapporte exactement à la dimension coopérative. Schroeter est mort, hélas, mais je continue à travailler avec lui autant que de son vivant. De même que Heiner Müller reste toujours présent pour moi, bien qu’il soit mort. À mon sens, la permanence des monstres sacrés de la littérature et du cinéma est consubstantielle à la notion d’auteur. Ils constituent l’arsenal des optiques poétiques à côté des optiques traditionnelles dont le cinéma dispose. Sauf que ces dernières n’en sont que les outils techniques. Les vrais instruments, ce sont les yeux des autres.

V.P. : Vos anciens films collectifs avaient la durée normale d’un long-métrage. Vu les proportions de Nouvelles de l’antiquité idéologique, qui s’étend sur près de neuf heures, quels avantages aurait d’après vous le dvd ? A.K. : Le dvd rend possible une forme qui va de toute manière s’imposer notamment grâce à Internet, une forme qui permet le développement d’ensembles filmiques selon des dimensions conformes au sujet traité. L’année prochaine, nous connaîtrons par exemple les cent ans du déclenchement de la Première Guerre mondiale. À mon avis, on ne peut représenter celle-ci qu’à partir d’une approche prismatique. Il faut croiser les regards qu’on lui porte depuis la France, l’Allemagne, l’Angleterre, les Balkans, Istanbul et Jérusalem. Par exemple, je suis très touché par l’affliction, lors de la nuit de la Saint-Sylvestre 1918, des soldats et des Parisiens pour les quantités de morts dans leur pays et l’étendue des calamités endurées. Les vainqueurs sont en deuil. Au même moment, à Berlin, les vaincus accumulent du ressentiment au fond de leurs cœurs et s’abandonnent à la distraction par des films de divertissement. On s’aperçoit qu’en réalité il n’existe encore aucun récit de la Première Guerre mondiale. Et il est impossible d’y pourvoir en quatre-vingt-dix minutes. Cela est possible en une minute ou en une dizaine, voire une trentaine d’heures, mais pas à l’aide d’une intrigue de quatre-vingt-dix minutes. C’est en quoi le dvd comporte des avantages décisifs. Pour naviguer sur les eaux de l’expérience, vous pouvez prendre le bateau à vapeur, ou bien vous construisez un radeau. Avec un radeau, vous pouvez descendre le Mississipi, aller du Missouri jusqu’à la Nouvelle Orléans, et même un peu plus loin. Vous pouvez à votre guise agrandir ou réduire les dimensions d’un radeau, principe robuste même s’il n’aboutit pas à une construction aussi parfaite que celle d’un bateau. L’usage du dvd ressemble à cela. C’est un média de transition, qui permet de conserver des données en attendant qu’émane de l’esprit Internet un moyen de concentration similaire. De même qu’il y a dans toute métropole un opéra, un lieu de concentration musicale. Si cela manquait, si chacun dans son immeuble ou à la bourse se contentait de chantonner, l’opéra n’existerait pas.

V.P. : Plus généralement, il semble que dans Nouvelles de l’antiquité idéologique, qui inclut d’ailleurs des passages d’opéras, les moyens artistiques font l’objet

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d’une méditation beaucoup plus directe et exhaustive que ceci était le cas dans vos œuvres moins récentes. Il y est notamment question d’un projet esquissé par Eisenstein en 1929 de « cinéfier » le Capital de Marx : que nous dit ce projet ? A.K. : Il est certain qu’on ne saurait porter à l’écran l’ouvrage de Karl Marx, en revanche on peut traduire certains de ses éléments par des scènes si provocatrices qu’elles suscitent une curiosité pour Marx. Par exemple, si vous prenez le concept du caractère fétiche de la marchandise et que vous le restituez par la formule « Tous les objets sont des hommes transformés », qui signifie que chaque objet produit de main d’homme contient une part de travail et de vie humaine – c’est ce en quoi Marx voyait la dimension spirituelle et essentielle du monde de la marchandise –, alors vous pouvez donner une représentation stupéfiante de cette analyse à partir de menus détails. Vous pouvez aussi représenter les réactions humaines par rapport à cela, comme dans cette scène que j’ai consacrée à une idée d’Eisenstein : il y est question des concierges de Paris, ces gardiennes d’immeuble qui existent depuis la Révolution française, qui ont longtemps porté la bannière de la révolution, et sans lesquelles rien ne va dans Paris. Du temps de l’empire du Tsar, celles-ci ont mis toutes leurs économies dans le Transsibérien, et plus tard le gouvernement bolchévique déclarera que ces emprunts russes ne seront pas remboursés. Par la suite aucun parti marxiste ne sortit plus vainqueur d’élections parisiennes, ce qui était dû à l’action des concierges de Paris. Cette histoire n’est pas de moi, mais c’est une idée d’Eisenstein qu’il voulait porter à l’écran. Que ceci lui fût interdit ne m’empêche pas de faire figurer la scène parmi l’ensemble de mes films. Je trouve fort intéressante une perspective pareille qui nous en dévoile une seconde, car bien souvent la lecture du Capital de Marx ne s’effectue pas sans difficulté. Il est possible néanmoins de voir à l’œuvre l’écrivain politique brossant le tableau de la guerre de Crimée, la plus exacte description d’une guerre que je connaisse. Dans ces rapports quotidiens rédigés pour un journal américain, il retrace comment le régime du Tsar émet une obligation qui sera vendue par des banquiers belges, français et britanniques pour financer les obus russes qui seront d’abord dirigés contre l’expédition armée de Crimée menée par des Français, des Italiens, des Turcs et des Anglais, ce qui constitue des liens extrêmement intéressants et une métaphore permettant de mieux comprendre le caractère abstrait des flux de marchandises et d’argent (la mondialisation financière, alors que la guerre reste locale).

V.P. : En somme, la question est de savoir comment changer en images des notions philosophiques parfois arides, voire poussiéreuses. A.K. : Ceci est faisable. Du moins est-ce l’exigence qu’en tant que fouilleurs, archéologues de la littérature, du cinéma et de l’histoire nous devons avoir aujourd’hui. La modernité s’est accomplie depuis longtemps. Bien des choses sont déjà relatées, mais sans être suffisamment mises en relation. Cette qualité de l’archéologue, que tout poète conscient de lui-même devrait avoir de nos jours, peut s’exercer en déterrant, transcrivant, transformant, exposant et corrélant.

V.P. : Un peu comme vous le faites lorsqu’au départ de l’actuelle crise financière vous entamez une coopération virtuelle avec le Sergueï Eisenstein de 1929 et du début de la crise des années 1930 afin de faire revivre l’œuvre de Karl Marx : en ce sens, n’y aurait-il pas lieu d’interpréter Nouvelles de l’antiquité idéologique comme une proposition contre la théorie de Fukuyama ? A.K. : En fait, je ne pensais pas à Fukuyama que je situe assez loin de mes préoccupations. D’ailleurs, je ne fais pas d’ouvrages à thèse, c’est-à-dire des livres de

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combat, car je n’écris pas sur le mode discursif. Mais ce procédé qui consiste à s’attacher par induction au détail, de manière à permettre ensuite la compréhension de l’ensemble, et dont les résultats ne conduisent pas non plus aux thèses de Fukuyama, représente quelque chose d’essentiel, une méthode qu’à mon tour je tiens de Montaigne, lequel ne part jamais d’une conception générale afin de déterminer d’après une théorie globale où est le bien, où le mal, mais ne retient l’attention qu’à l’aide d’une approche inductive et détaillée, nourrie toutefois par l’intégralité des sources antiques. En tant que station-relais de l’Antiquité, Montaigne est une OASIS DE L’ATTENTION. Et c’est ce dont Internet a besoin aujourd’hui : des centres de gravité, des champs de force, des champs gravitationnels de l’attention. Au fond, c’est cela que nous faisons, sans qu’il nous faille échafauder des thèses que les hommes conçoivent d’eux-mêmes. Si maintenant vous placez Fukuyama dans ce laboratoire d’alchimie et le plongez, pour ainsi dire, dans un bain d’acide, vous verrez que c’est là tout sauf de l’or.

V.P. : Puisque vous revenez aux Essais de Montaigne, Eisenstein affirmait lui aussi ne pouvoir se passer des notions génériques propres à la littérature pour les appliquer au septième art encore jeune à l’époque : en l’occurrence, son approche doit beaucoup à Joyce22. Comment voyez-vous aujourd’hui le rapport entre ces deux arts ? A.K. : Il demeure complètement inchangé. Si Joyce et Eisenstein se rencontrent à Paris en 1929 durant la même semaine que celle du Jeudi noir, pour imaginer ensemble comment faire un film sur le Capital de Marx, c’est que leur rapport est très proche. Un James Joyce quasiment aveugle, peu à même sans doute de voir les images et les esquisses que lui présente Eisenstein, donne à ce dernier le courage d’opter pour une forme de narration libre et non linéaire. Voici donc que la littérature enrichit considérablement le cinéma, lequel demeure quant à lui un moyen de traduire par des scènes ce que Joyce ne pourrait évoquer que de façon cryptée par le verbe. La combinaison des programmatiques de Joyce et d’Eisenstein garderait en 2014 toute l’actualité et la modernité qui fut déjà la sienne en 1929.

V.P. : Dans votre film, quel est le rôle qui revient à la figure d’Ovide, qui résume et assemble toutes les métamorphoses dans son chef-d’œuvre du même nom ? Par quel chemin la tisseuse Arachné rejoint-elle la toile de cinéma ? A.K. : Arachné tissant sa toile est pour moi le symbole du réseau Internet. Cette femme fabrique des habits (des textes) où elle dessine toute l’histoire du monde. Si je recouvre ma peau de quelque chose comme d’un vêtement, cela me fait comme une seconde peau. Et sur cette seconde peau elle déploie des micro-récits. Elle l’emporte sur la déesse Athéna qui tente de faire de même, mais compose avec des principes au lieu de raconter. Ainsi, cette tisseuse supplante Athéna. Pour la punir, la déesse la transforme en araignée. L’Arachné d’Ovide est en quelque sorte la déesse patronne d’Internet, des rapports présents dans un film ou à l’intérieur d’Internet, en supposant que ces rapports existent dans ce réseau-là. En tout cas, il doit bien exister un Dieu capable de voir et de déchiffrer ces relations. En tant qu’individus, nous ne le pourrions pas, car tout cela nous dépasse un peu. Cependant, il nous reste la représentation, c’est-à-dire le prisme. Pour revenir à l’une des questions précédentes : où sur le Net se trouve ce lieu que l’opéra occupe dans une grande ville ? Si je m’exprime par des métaphores lorsque je dis qu’il convient de creuser des puits, créer des oasis quand il y a trop de silice, trop de désert alentour, et que lorsqu’on ne peut nager en mer, d’une rive à l’autre, entre l’Irlande et les États-Unis –

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la distance étant un peu trop longue pour un simple nageur –, nous devons prendre un véhicule, que ce soit un bateau, un radeau, voire un dirigeable ou encore un sous- marin, bref, il faut comprendre que les formes ainsi figurées sont à peine en train d’émerger. Cela dit, il me semble que les voies de l’esprit développent des effets gravitationnels et finissent par être découvertes, mais seulement au bout d’un certain temps, tel un message dans sa bouteille. La qualité requise pour ce genre d’oasis sur le Web défie en réalité la poétique. J’imagine Honoré de Balzac, qui fut un entrepreneur, travaillant avec nous aujourd’hui. Il dirait sûrement que nous devons éviter d’ajouter de nouveaux ensembles romanesques aux nombreux romans qui existent déjà, et défendrait l’idée du ROMAN SUR INTERNET. Ces concentrés n’appartiendraient à personne. Le complément approprié d’Edward Snowden serait un Balzac tissant de la narration sur Internet.

V.P. : Dans votre film Nouvelles de l’antiquité idéologique on a également beaucoup affaire à des écrits, textes lus à haute voix par les acteurs, textes à lire par les spectateurs, textes chantés, récités, discutés et expliqués. En quoi est-ce « filmique » et quel est l’effet escompté ? A.K. : Tout d’abord, j’ai repris ce procédé du cinéma muet, car celui-ci connaissait les intertitres. Dans le Docteur Mabuse de Fritz Lang 23, l’intrigue est exclusivement véhiculée par les intertitres, donnant libre cours à l’improvisation filmique d’un intertitre à l’autre, pour les paraphraser, à la création de scènes qui ne soient pas encombrées de dialogue informel. Cela peut s’écarter considérablement du théâtre, étant donné que le texte écrit domine. Et j’emprunte ce moyen-là au cinéma muet, car il me paraît évident qu’un mot écrit contient une image au même titre qu’une illustration. Si nous avons affaire de nos jours à un surcroît d’images, notamment parce que la force de persuasion publicitaire vient s’ajouter à toutes les images qui, en quête de succès, défilent à la télévision, ces images-là sont aujourd’hui, pour ainsi dire, usées jusqu’à la corde. Dans un environnement pareil, je suis iconoclaste. Les bons films ont d’ailleurs la propriété de détruire des images : ils remplacent les mauvaises images par des images rares et bonnes.

V.P. : Il n’est pas rare de voir dans votre œuvre cinématographique d’importants passages scripturaux, voire des récits entiers qui demandent à être lus à l’écran, et où vous assumez très radicalement cette complémentarité des effets du cinéma et de la littérature. Pourquoi cette forme ? A.K. : C’est tout simplement la seule solution, dès lors qu’il m’est difficile de convaincre par l’image. Quand je dois préparer une image, ou encore en isoler une par rapport à d’autres, je peux le faire en alternant avec des séquences écrites qui demandent à être lues et à ce qu’on se fasse son idée. Au demeurant, cela n’est pas uniquement une affaire d’écriture, puisque celle-ci y est accompagnée de musique et émaillée d’images. On mesure l’intensité avec laquelle ces images insérées dans la représentation écrite restent en mémoire. Nous pourrions maintenant faire le test, seulement, si j’observe cette démarche, ce n’est pas pour des raisons scientifiques, mais narratives, parce que je suis absolument certain qu’il s’agit-là d’une forme narrative moderne et nécessaire.

V.P. : De telles œuvres ne montrent-elles pas combien le montage, aussi bien comme moyen essentiel du cinéma qu’en tant que procédé littéraire, si l’on pense

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notamment au mouvement Dada, puisse leur tenir lieu de dénominateur commun ? A.K. : Notez qu’avec Christoph Marthaler et d’autres, nous avons produit un film d’environ six heures sur Dada. Et vous dites vrai, car en réalité Dada fait partie du cinéma. En fait, la distinction entre le cinéma et le mot n’existe pas dans les arts du XXe siècle, car la littérature du XXe et XXIe siècle n’est pas tout à fait identique à celle qui a précédé. Ulysse de Joyce renvoie certes à Homère et à l’Antiquité, mais en même temps, il s’agit-là d’une chose entièrement inédite et innovante qu’Homère n’aurait jamais faite, et de ce point de vue l’Avant-garde des années 1920 et 1930 constitue en fait un héritage que nous ne continuons pas en le niant, mais en le stabilisant et en retournant à ses racines. Nous creusons nos puits dans le champ de la modernité, pour nous rendre compte avec étonnement que la modernité n’a rien de nouveau, que l’idée existait déjà dans l’Antiquité, bien avant d’être synthétisée en tant que telle. Et voici qu’au XXIe siècle, une situation urgente se présente, du fait que sept milliards d’humains vivent désormais sur terre, dont un grand nombre participe aux réseaux, et que d’avides multinationales sont à même de rassembler ces masses humaines comme aux temps des Congrès du Reich, de manière à réunir un même soir pour une heure cette foule composée de millions de spectateurs autour des structures télévisuelles : une autoroute de l’esprit pas si facile à traverser pour une simple tortue. Où même des renards se font happer. Quoi que vous fassiez en tant qu’individu ou auteur, vous demeurez d’abord impuissant face au déferlement organisé de cette masse immense, sans le moindre pouvoir contre ce Congrès du Reich du divertissement.

V.P. : En quoi justement le recours au montage s’avère-t-il décisif pour un auteur dans pareil contexte ? A.K. : Nous savons nous servir du montage, contrairement à eux. C’est nous qui sommes en possession des moyens artistiques. Le montage importe bien davantage que l’image proprement dite. Ainsi vous pouvez monter des édifices de pensée ou des ensembles émotionnels. La trame est extrêmement riche en réalité, ce qui se traduit par sa dimension prismatique et d’autant mieux que vous saisirez l’effet de montage comme une forme de la richesse, de la diversité, de la polyphonie des images, des significations, des pauses entre les significations, de la restitution de l’autonomie à des objets isolés même dépourvus de signification, comme la capacité, en quelque sorte, de générer du sens et de pallier la FAIM DE SENS, mais aussi de développer par ailleurs l’autonomie et la LIBERTÉ DE TOUTE CONTRAINTE DE SENS. Ces moyens très subtils et très fins, jamais grossiers, forment tous ensemble une richesse.

V.P. : Comment distingueriez-vous le montage de la citation, celle-ci étant plus couramment associée à la littérature ? A.K. : La citation est l’un des procédés du montage. Elle réfère toujours à quelque chose et ne demeure jamais sans contexte. Car il ne s’agit pas de reprendre quelque chose, mais de l’extraire pour l’insérer dans un nouveau contexte, où cela se transforme.

V.P. : Qualifieriez-vous Nouvelles de l’antiquité idéologique de film de montage ou plutôt de film-essai, pour en revenir à une catégorie littéraire par son origine ? A.K. : Sans doute en jugeriez-vous mieux que moi-même, qui ne suis pas critique de profession. J’y verrais tout aussi bien une chronique. Peut-être n’est-ce pas un essai, vu les nombreuses scènes prises sur le vif qui s’y trouvent intégrées. Aussi,

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l’argumentation ne s’y effectue pas sur le mode de l’essai. Mais je ne contesterais pas non plus la désignation d’« essai ». Si vous l’entendez au sens de Montaigne, vous pouvez l’utiliser sans problème.

V.P. : En littérature comme au cinéma, le montage est censé, selon vous, produire des contrastes, susciter même l’épiphanie, afin que l’art de distinguer opère. Pourriez-vous expliciter cette idée ? A.K. : Je crois que tout ce dont nous soyons capables en tant qu’auteurs, qu’il soit question de cinéma, de musique ou de littérature, tend à stabiliser et à aiguiser la capacité de distinguer, c’est-à-dire à collectionner les différences. L’épiphanie quant à elle consiste à faire émerger au travers d’objets une seconde image intérieure qui renvoie à quelque chose d’essentiel. Chez Theodor W. Adorno et Walter Benjamin, l’équivalent du concept théologique de l’épiphanie est celui de l’« image dialectique ». La capacité de distinguer spécifique à l’œuvre ici se joue entre l’image extérieure visible et une image intérieure, l’épiphanie justement.

V.P. : En fin de compte, l’enjeu est de recueillir du matériau destiné à stimuler l’imagination du lecteur ou du spectateur, à rendre possible l’expérience intérieure, ce qu’Eisenstein entendait faire lorsqu’il trouva dans le monologue intérieur joycien un moyen de traduire la pensée conceptuelle en pensée émotionnelle et sensuelle… A.K. : Ces trois choses se font en même temps, comme si vous superposiez trois cartes, de manière à obtenir une sorte de configuration, un champ contextuel ou narratif. Cet espace narratif ne s’ouvre jamais de façon unidimensionnelle, seulement par des lettres, des images, des concepts, des émotions ou par du sensuel à tout va. Tous ces niveaux se parlent entre eux, au même titre que les notes d’un air de musique polyphonique luttent, créent des tensions, communiquent : le tout forme la trame narrative.

V.P. : Mais si la littérature et le cinéma naissent « dans la tête » du récepteur, comme il vous arrive d’affirmer, ceci ne signifie-t-il pas que cela repose justement sur des expériences élémentaires plus que sur les techniques qui les encouragent ? A.K. : Les différences sont d’ordre élémentaire en même temps qu’elles définissent un rapport. L’un n’exclut pas l’autre. Partons du principe qu’en tant qu’animaux à sang chaud, nous les êtres humains avons d’abord appris de nos ancêtres cette distinction élémentaire entre le chaud et le froid. Cela est vital pour nous, parce qu’il ne doit faire ni trop chaud ni trop froid, qu’il nous faut trouver un milieu de vie, etc., ce dont nos ancêtres se sont acquittés avec beaucoup d’habileté. Sur cette distinction élémentaire entre chaud et froid reposent toutes les distinctions plus complexes : proche/éloigné, vénéneux/bénéfique, bon/méchant. Les distinctions plus complexes requièrent un niveau de discernement assez élevé. Il est nécessaire de les ramener en permanence à leur dimension élémentaire. Les distinctions morales à leur tour se fondent sur le simple fait que la majorité de l’espèce humaine n’a pu survivre à l’évolution qu’en raison de sa bonté naturelle, autrement dit grâce à la coopération sociale. Ces qualités sont particulièrement fiables, ce qui ne vaut pas forcément pour les préceptes moraux. Et faire la part entre toutes ces choses-là me paraît plus facile en français que dans ma propre langue, car les langues latines sont attachées aux différences. Un livre de Claude Lévi-Strauss est pour ainsi dire une compilation de cette aptitude à distinguer. En ce sens, les films de Jean-Luc Godard sont eux aussi des compilations du discernement visuel, sensuel et mental.

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V.P. : En son temps, Robert Musil était lui aussi très conscient de l’impact possible de l’expérience surtout visuelle du cinéma de son époque, dont cependant il attribuait la signification avant tout à l’effet symbolique des images24. Partageriez-vous cette opinion ? A.K. : Pour commencer, j’hésiterais, puisque l’effet symbolique des images ne crée pas d’images nouvelles et gêne plutôt le discernement. Il vaudrait mieux en tous cas regarder un film exempt de substance symbolique, donc dépourvu de sens : un film burlesque, par exemple, se regarde sans qu’il faille être attentif au sens. Dans les films d’Ernst Lubitsch, la narration ne procède souvent d’aucune contrainte liée au sens. Ceci m’intéresse davantage que de le voir s’engager dans un film instructif tel que Jeux dangereux25, dont l’intrigue renvoie symboliquement à Hitler et dont les images deviennent très vite lourdes de signification.

V.P. : L’intrigue de L’Homme sans qualités de Robert Musil nous fait remonter à l’année 1913, où l’art cinématographique était encore à ses débuts qu’on qualifiera de primitive diversity, à laquelle vous vous référez. En quoi est-elle d’actualité cent ans plus tard et comment cette forme populaire s’accomplit- elle de nos jours ? A.K. : La notion de primitive diversity renvoie à la forme ancestrale du cinéma, avant que d’astucieux producteurs ne se mirent à lui imposer le modèle théâtral, prévoyant ainsi des drames en trois actes, du divertissement et des effets. De par sa tendance à l’expérimentation, le cinéma de la première heure présente quelque chose de passionnant : la simplicité dans la diversité. De la sorte paraissent des images que vous n’avez jamais vues, ce qui est très rare au cinéma, car pour un film hollywoodien normal ou tout autre film d’usage, il vous faut quantité d’images qui, grâce à leur sens et leur substance symbolique, peuvent se comprendre et se décrypter immédiatement. Un film de cette espèce ressemble à de l’espéranto. Mais un vrai film fait se succéder les surprises, car tout ce que la caméra peut enregistrer spontanément, sans que l’entendement humain ne s’immisce, a pour vertu de surprendre. Si vous filmez un fourré, soigneusement, avec les acariens et tout ce qu’on pourrait y voir, vous auriez-là un univers inconnu et vous vous retrouveriez comme sur une autre planète. Le cinéma est un moyen radical qui crée de lui-même une distance, cette distanciation allant de pair avec l’exploration. Par là-même on s’aperçoit que les rapports réels diffèrent des significations qu’on leur donne.

V.P. : Dans l’une de vos histoires qui traite d’un projet d’adaptation de L’Homme sans qualités, l’aspect d’un « Film sans qualité » est discuté, en référence au célèbre roman « sans qualités » tout empreint d’essayisme qu’est celui de Robert Musil. Dans quelle mesure cette solution vous paraît-elle adéquate ? A.K. : Robert Musil concentre toutes ces formes. Tout ce que nous venons d’évoquer, nous le trouverions chez Musil. Si j’avais maintenant la mission de décrire ce XXIe siècle avec le regard de Musil, c’est-à-dire dans la perspective d’une journée du mois d’août 1913, je partirais de la seconde partie inachevée de L’Homme sans qualités. Résidant à Genève d’où il observe les événements de l’année 1941 en Europe, Musil lui-même le suggérait à la fin de son immense ouvrage, lorsqu’il déclare dans un fragment d’une dizaine de lignes qu’Ulrich devrait décrire la Seconde Guerre mondiale avec le regard de 1913.

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V.P. : De quelle manière faudrait-il s’y prendre, afin d’adapter ce roman au cinéma ? A.K. : Je le découperais en fragments, puisqu’il est de toute façon un fragment et qu’il m’importe justement de prendre Musil au sérieux. Mieux vaut porter à l’écran un simple paragraphe que l’intégralité du roman, lequel ne procède d’aucune intrigue dont vous puissiez tirer un scénario. Plutôt que dans la relation d’Ulrich avec sa sœur, l’essentiel réside dans cette journée d’été où il pleuvait des fleurs et qui reste gravée dans leur mémoire. Le vrai sujet est celui-là, et non les rapports incestueux entre le frère et la sœur. En revanche, cette scène me séduit notamment pour deux raisons très différentes, la première étant qu’on y voit l’auteur brosser le tableau d’une journée d’été avec une maîtrise qui, ma foi, n’aurait rien à envier à celle de Gerhard Richter26. La seconde est le reflet qu’elle donne de toutes les journées d’été d’avant-guerre. Pour moi, tout grand jour d’été magnifiquement ensoleillé n’a rien d’un sujet pour un poème de Rilke, mais témoigne de l’inquiétude avec laquelle on s’attendait qu’à l’issue de l’été 1914 la guerre vienne à éclater. J’ai vécu la même chose en 1939 quand j’étais enfant. Et je viens de constater qu’à la période la plus dangereuse de la Guerre froide, l’été souriait à l’heureux père d’une petite fille âgée de cinq mois que j’étais, alors que je présentais un film au Festival de Venise. C’était la belle saison, et me voilà installé avec mon épouse et cet enfant dans une cabane de plage du Lido, heureux, me laissant prendre en photo par un photographe des Cahiers du Cinéma. En 2013, j’apprends qu’à ce moment idyllique nous avons vécu la semaine la plus tendue de la Guerre froide, durant laquelle un funeste malentendu s’était produit entre les Russes (Andropov) et les Américains (Reagan). À la différence de la situation actuelle en Syrie, l’un des deux camps n’avait même pas réalisé ce qui affolait l’autre. Sur les écrans de contrôle détraqués de la défense anti-missile, on avait observé des signaux qui semblaient indiquer que des missiles traversaient le Pôle Nord pour une frappe destinée à décapiter le commandement russe. La suite allait montrer qu’on faisait erreur. Mais il s’en est fallu de peu qu’en cette fin d’été de 1983 on passe d’une Guerre froide à une Guerre chaude. Les beaux jours et le danger suprême, l’idylle et l’abîme sont proches, et c’est ainsi qu’à travers l’expérience de ce siècle la scène estivale extraite de l’œuvre de Musil se mue en une perspective qui n’a plus rien à voir avec le moment décrit par lui. Dans le même temps son roman, qui traite de la FORME DU POSSIBLE, offre carrément l’incitation et le cadre qui permettent d’associer de tels éléments.

V.P. : Comment faut-il interpréter le malentendu qui oppose l’auteur- réalisateur et le producteur dans le dialogue de votre texte L’Homme sans qualités, qui emprunte son titre à Musil ? A.K. : D’une certaine manière, il s’agit-là d’une histoire autobiographique, dont j’ai juste un peu forcé le trait. Une attitude comme celle de ce jeune réalisateur signifie à mes yeux la possibilité de faire des films audacieux, modernes, neufs, surprenants. Il est vrai aussi qu’ils ne risquent pas de s’adresser à une majorité, étant donné que la propagande des diffuseurs et les habitudes prises vont dans l’autre sens. Raison pour laquelle à la télévision nous tendons des « pièges » à ceux qui zappent. Comme à la télévision le samedi soir tout semble assez uniforme, les spectateurs zappent, voient cette uniformité en y cherchant ce qui les intéresse le plus. S’il passe alors quelque chose d’inconnu, où rien de ce qui se passe généralement à la télévision ne se produit, ils se retrouvent soudain à écouter deux personnes, deux Directeurs d’Institut Max Planck d’astrophysique, qui se racontent des choses à propos de trous noirs ou de

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galaxies se situant à trois cents années-lumière à peine du commencement de l’univers. Comme ils y vont de leur façon de synthétiser, avec le langage scientifique qu’ils se sont forgés, cela paraît parfaitement abscons au premier abord, mais vous serez étonné de voir qu’en piégeant les zappeurs vous êtes en mesure de réunir toute une foule de jeunes gens, c’est-à-dire une majorité momentanée et véritable au sein du groupe-cible. Ils voient quelque chose d’inconnu qui les intéresse davantage que la somme de tout ce qui est connu et attrayant. C’est en quoi le poète dispose d’un allié en chaque individu conscient de soi.

NOTES

1. ATER, Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, spécialiste et traducteur d’Alexander Kluge. 2. Le premier ouvrage de sa plume récemment paru en langue française est celui que l’auteur a conçu avec le peintre, photographe et plasticien Gerhard Richter : Décembre, Zurich-Biel, Diaphanes, 2012 (traduit de l’allemand par Hilda Inderwildi et Vincent Pauval). Voir aussi le dossier d’environ quarante pages paru dans la revue de création Fario, n°12, Paris, 2013 ; ce dossier comprend d’autres récits de Kluge écrits pour Gerhard Richter et émaillés de reproductions d’œuvres de ce dernier, une présentation substantielle de la part des traducteurs Hilda Inderwildi et Vincent Pauval, ainsi qu’une interview de l’écrivain réalisée par Vincent Pauval. Sont également parues 16 histoires pour Anselm Kiefer (traduites de l’allemand par Hilda Inderwildi et Vincent Pauval) dans le catalogue de l’exposition d’Anselm Kiefer donnée à la Galerie Thaddaeus Ropac du 14 octobre 2012 au 27 janvier 2013 : Anselm Kiefer. Die Ungeborenen, Galerie Thaddaeus Ropac, Paris/Pantin, 2013. Enfin, à compter de l’automne 2014, l’intégralité de l’œuvre littéraire d’Alexander Kluge paraîtra en plusieurs volumes sous la direction de Vincent Pauval aux éditions P.O.L sous le titre général de Chronique des sentiments. 3. Les actes de ce colloque seront publiés très prochainement aux Presses Universitaires Blaise Pascal (PUBP) de Clermont-Ferrand. 4. Alexander Kluge, Chronik der Gefühle, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 2000. Chef-d’œuvre de Kluge, cet ouvrage d’environ 2000 pages compile l’ensemble des textes narratifs parus en volumes individuels jusqu’à la fin des années 1970, augmenté de centaines d’« histoires » que l’auteur avait rédigées depuis, sans néanmoins publier de nouveau recueil pendant plus de vingt ans. 5. Nous citons la traduction qu’a donnée Herbert Holl du titre d’un important recueil d’Alexander Kluge : Neue Geschichten. Hefte 1 – 18 ›Unheimlichkeit der Zeit‹, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1977. Le recueil figure dans le second volume de Chronik der Gefühle, à laquelle il tient lieu de chapitre 8. 6. Cf. Francis Fukuyama, La Fin de l’histoire et le dernier homme, Paris, Flammarion / Champs, 1993. 7. Heiner Müller, Krieg ohne Schlacht – Leben in zwei Diktaturen – Eine Autobiographie, Cologne, Kiepenheuer & Witsch, 1992, p. 267 : « Deutschland war ein gutes Material für Dramatik, bis zur Wiedervereinigung. » 8. Cf. Ossip Mandelstam, Tristia et autres poèmes, Paris, Gallimard (coll. « Poésie »), 2005.

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9. L’intégralité de ces entretiens est disponible en ligne sur le site qui leur est consacré par l’Université de Brême et la Cornell University Library : http://muller-kluge.library.cornell.edu/ de/index.php. 10. Voir l’essai de Heinrich von Kleist, Über die allmähliche Verfertigung der Gedanken beim Reden, in : Sämtliche Erzählungen und andere Prosa, Stuttgart, Reclam, 2000, p. 340-346. 11. Ces entretiens ont été réunis et, pour une grande partie, publiés par Alexander Kluge en deux recueils : « Ich schulde der Welt einen Toten » (Berlin, Rotbuch, 1995) et « Ich bin ein Landvermesser » (Berlin, Rotbuch, 1996). Les deux volumes sont respectivement parus en langue française sous les titres Esprit, pouvoir et castration (1997) et Profession arpenteur (2000) aux éditions Théâtrales (traduits de l’allemand pas Eleonora Rossi et Jean-Pierre Morel). 12. Voir le recueil d’Alexander Kluge, Geschichten vom Kino, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 2007, p. 267-269. 13. Alexandra Kluge, sœur d’Alexander, a assumé plusieurs premiers rôles dans les premiers longs métrages de son frère, dont celui de l’héroïne éponyme d’Anita G. (Abschied von Gestern, 1965). 14. Cf. Mikhaïl M. Bakhtine, Problèmes de la poétique de Dostoïevski, Lausanne, L’Âge d’Homme (coll. « Slavica »), 1970. 15. Vsevolod Poudovkine (1893-1953). 16. Sergueï Tretiakov (1892-1937). 17. Jean-Luc Godard (*1930) reste une référence importante pour Kluge, qui se plaît à citer À bout de souffle (1960) comme l’un de ses films préférés. Il existe aussi un entretien mémorable de Kluge avec Godard (« Blinde Liebe ») disponible en supplément sur le dvd n°15 de l’édition complète de ses longs métrages : Sämtliche Kinofilme, Francfort-sur-le-Main, Zweitausendeins, 2007. 18. Alexander Kluge, Nachrichten aus der ideologischen Antike. Marx – Eisenstein – Das Kapital, Berlin, Filmedition Suhrkamp, 2008. 19. Cf. Alexander Kluge, Sämtliche Kinofilme, dvd n°9 (Deutschland im Herbst, 1978). 20. Sergueï M. Eisenstein (1898-1948), réalisateur soviétique, auteur de films tels que Le Cuirassé « Potemkine » (1925), Octobre : dix jours qui secouèrent le monde (1928) ou encore Ivan le Terrible (1944). 21. Tom Tykwer (*1965), réalisateur allemand, connu auprès du grand public notamment pour des films comme Cours, Lola, cours (Lola rennt, 1998) ou Le Parfum, histoire d’un meurtrier (Das Parfum : Die Geschichte eines Mörders, 2006) d’après le célèbre roman de Patrick Süskind. Sur le rôle de Kluge pour la « relève » du cinéma allemand des années 1980 à nos jours, voir l’essai de Pierre Gras : Good bye Fassbinder ! Le cinéma allemand depuis la réunification, Arles, Jacqueline Chambon (coll. « Rayon Art »), 2011, p. 255-297. 22. Voir l’article de Tobias V. Powald, « L’antique, l’authentique : Alexander Kluge ou les métamorphoses d’Hermès », in : Germanica, n°45, Université Charles de Gaulle – Lille III, 2009, p. 125-141. L’article est désormais disponible en ligne : http://germanica.revues.org/832. 23. Fritz Lang (1890-1976), réalisateur du célèbre Metropolis (1927), est d’une certaine manière à l’origine de la carrière cinématographique d’Alexander Kluge qui, sur la recommandation de Theodor W. Adorno, assista au tournage du diptyque composé du Tigre du Bengale (Der Tiger von Eschnapur, 1958) et du Tombeau hindou (Das indische Grabmal, 1959). Docteur Mabuse le joueur (Doktor Mabuse, der Spieler), que Kluge évoque ici, date de l’année 1922. 24. Voir l’essai de Robert Musil, « Remarques sur la dramaturgie du cinéma » (1925), in : Daniel Banda/ José Moure (Éds.) : Le cinéma : l’art d’une civilisation, Paris, Flammarion/Champs (coll. « arts »), 2011, p. 94-98. 25. Jeux dangereux (To be or not to be) d’Ernst Lubitsch (1892-1947) est sorti dans les salles en 1942. 26. Au sujet des œuvres co-réalisées par Alexander Kluge et Gerhard Richter, voir la note 1.

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L’Homme sans qualités

Alexander Kluge Traduction : Vincent PAUVAL

1 L’un des auteurs réalisateurs allemands avait établi un budget, mais sans avoir pu encore déposer le dossier auprès des commissions. Ce serait sa prochaine tentative. Son désir était de porter à l’écran L’Homme sans qualités de Robert Musil, qui passe pour être LE ROMAN DU SIÈCLE.

2 Le producteur demanda au réalisateur :

3 - Vous comptez assurer vous-même la mise en scène ? - Oui. - Pouvez-vous donner un aperçu du sujet, je ne connais pas ce roman, ou plutôt je ne l’ai pas lu jusqu’au bout. - Jusqu’où l’avez-vous donc lu ? - Le début. - C’est ce que la plupart font. - Si vous pouviez en évoquer le contenu en quelques phrases ? - L’homme sans qualités… - C’est évident. Il n’a pas de qualités. Mais pourquoi n’en a-t-il pas ? - C’est le titre. - Mais n’est-ce pas ce dont il est question dans le livre ? - Il y est question d’un frère et d’une sœur. - Avec ou sans inceste ? - On ne sait pas trop. Certains passages vers la fin du livre le suggèrent, d’autres indiquent le contraire. L’homme se prénomme Ulrich, sa sœur Agathe. - Tiens donc. Et le contenu ? - Vous voulez dire l’intrigue ? - Que se passe-t-il ? - L’homme n’a pas de qualités. Cela en dit long sur le vingtième siècle. Le livre contient une analyse acérée du vingtième siècle. - Et qu’en ressort-il ? - Le livre ne le dit pas. - Ne faudrait-il pas le rajouter dans le film ?

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- En fait, je comptais m’en tenir au livre. - Certes, mais il faudrait tout de même faire part de l’intrigue au spectateur. Vous ne pouvez pas dire cet Ulrich n’avait pas de qualités, d’intrigue il n’y en a pas non plus, et pour ce qui est du siècle, on ne sait pas ce qu’il en sortira, et le film n’a ni début ni fin, et encore moins de développement central. Cela se prêterait mal, par exemple, à la promotion du film en amont. - On plomberait n’importe quel sujet à parler comme vous. - L’homme sans qualités est en soi pas mal comme titre. Ça fait cogiter. - Donc le sujet vous convient ? - Disons-le ainsi : votre remarque m’a impressionné, quand vous dites qu’on peut gâcher tous les sujets à force d’en parler, pour peu que l’on choisisse bien ses mots. Une série de versions courtes, après quoi nous révélerons qu’il s’agit-là de sujets universellement connus. Le spectateur devra alors se montrer attentif. - Juste des synopsis ? - Oui, et en nombre. Le FILM SANS QUALITÉS, pour ainsi dire. Une jeune femme, indécise, n’obtient pas l’homme dont elle croit qu’elle veut de lui. L’autre, elle n’en veut pas non plus, et les années passent. Son enfant est victime d’un accident et on ignore si, un jour, elle reverra son mari. Celui qu’elle croyait seulement aimer est mort dans l’intervalle. « Autant en emporte le vent » ! Excellent sujet ! - On pourrait l’insérer sur-le-champ. - Cela ferait une merveilleuse devinette, dites-moi ! - Seulement, le film, c’est sur L’HOMME SANS QUALITÉS… - Je trouve mon idée absolument enthousiasmante. Il faut faire l’impasse sur les qualités. L’homme serait un titre assez valable, d’ailleurs cela aurait un lien avec le vingtième siècle. - C’est que j’avais décidé de… - Oui, je sais, mais votre solution ne me paraît pas percutante. Et pourquoi me demander conseil, si c’est pour ne pas le suivre. - Quel conseil ? - Ma foi, vous n’écoutez pas.

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Les nouvelles conjonctions d’images et de lettres chez Alexander Kluge Neue Konjunktionen von Bildern und Buchstaben bei Alexander Kluge New Conjunctions of Letters and Images in the Work of Alexander Kluge

Herbert Holl

1 Au commencement, l’imagicité, c’est la fusion du mot et de l’image, la consanguinité de la littérature et du cinéma – à travers le « langage gestuel intensifié » du cinéma1. D’après Eisenstein, cette imagicité est la « source productive du sens », qui précipite mouvement, émotion et perception. Chez Alexander Kluge, récit, image, concept se tissent en contexture de puissances de différenciations et de sentiments2. À la fin, images et lettres se jettent les unes dans les autres en kaléidoscope, en poétique du « vide quantique » – « la poésie, c’est le réel authentiquement absolu », « die Poesie ist das echt absolut Reelle », aurait dit Novalis3. Or, la mécanique quantique manifeste ce principe d’une littérature d’incertitude, d’une image-mouvement, tel Friedrich Kittler, qui, dans « Musique et mathématique », avait constellé l’image d’un brin de bruyère simulé mathématiquement avec son programme informatique. Par là, il abolissait, poétisait, tels Kluge et Eisenstein, les lignes de séparation entre la mechanè et la technique. Kluge serait alors plus proche que jamais de Friedrich Kittler, qui a légué avant sa mort ses ordinateurs au Literaturarchiv de Marbach4.

Hortus conclusus

2 S’en retourner, c’est en réchapper. Le film Heimkehr de Gustav Ucicky, qui ouvre dans le cinéma initiatique de Kluge la « nouvelle histoire » du raid aérien sur Halberstadt le 8 avril 1945 dans l’Inquiétance du temps de 19775, téléporte, de Kairos-Film dans la Friedrichstraße à Munich, jusque dans le res nullius cosmique d’internet, en passant par la DCTP de Düsseldorf, le Capitol de Halberstadt, sa grande salle paradigmatique, aux fauteuils de velours rouge d’antan où l’on donnait dans l’ordre les actualités, le documentaire et le film, séparés par les esquimaux de l’entracte.

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3 Le jardin-internet, à la fois enclos et déclos, umgrenzt, entgrenzt, règne chez le Kluge tardif. C’est celui du rhizome, des choses en leurs mondes, des Menschenkinder en leurs têtes. Depuis toujours, mais surtout après le 11 septembre 2001, tous les films instituent un seul jardin infini auquel reviennent, en provenance de l’avenir, « toutes les formes précoces du récit-image », Bilderzählung, les débuts de l’histoire du cinéma, des histoires brèves, laconiques – « chaque histoire une métaphore ». Ce sont des histoires-minutes, histoires-décennies, histoires-siècles, histoires-millénaires6. Tel serait le jardin dompté, domestiqué, en quelque sorte le « parc humain » de Peter Sloterdijk avec sa trouée temporelle laissée par le diable, mais dé-démonisée, de seconde nature, une « enclave hétérotopique ». C’est là l’heure d’Internet : « Créer des jardins dans le tsunami des données et par là, les préserver d’elles-mêmes ». Kluge en supprime autant qu’il en recueille, au cœur de cette « anti-nature de la toile » dont la surpuissance même auto- génère la résistance contre elle7. Après le célèbre fichier de Niklas Luhmann, où rien ne se déplaçait, ne se déclassait, un nouveau médium nuvolaire débordant internet, télévision, espace public, livre, les relie tous in nuce. Alors se connectent, selon Kluge, « les petites créatures, non par les grandes, et l’internet est le forum des petites. » Dans ce jardin, la dé-limitation médiale reçoit le livre, pourtant circonscrit par sa matérialité de papier.

4 Or, après la loge secrète du Capitol d’enfance de Kluge, le hortus conclusus se peuple à présent des réceptacles, Gefäße, qui contenaient déjà dans les entretiens entre Kluge et Heiner Müller l’infinitude de la métaphore. Ces vases s’évasent en une « dramaturgie constellante », konstellative Dramaturgie, mêlant la littérature à celle de la physique et de la cinématographie. Dans Le Labyrinthe de la tendre force, sous la constellation des Pléiades du livre ouvert de Galilée, Sternenbotschaft apparaît sur la page de droite, le cosmos et l’amour soumis à une « singulière espèce d’attraction », illustrée par un fragment de roman d’Edgar Allan Poe sur la page de gauche : Il s’agirait plutôt (tel serait le principe de son œuvre [Balzac]) de parvenir par coordination à une cartographie intégrale de l’Histoire, un texte dont chaque chapitre soit un roman, et chaque roman une histoire épocale. Ce serait là le principe de la constellation libre et mobile, tels les corps célestes en gravitation les uns autour des autres. […]. Cent ans plus tard, Eisenstein adopte ce principe narratif, proposant une dramaturgie sphérique ainsi que des livres-sphères : autour d’un même centre circulent à la surface de la sphère, mais mues par l’attraction du centre, les diverses histoires. Il n’y en a pas moins dialectique, affirme Eisenstein en référence aux auteurs du Talmud de Babylone, entre la surface et le noyau. La surface serait en même temps le noyau. Mais le noyau s’avérerait, dès lors qu’on le met en récit, c’est-à-dire le déploie, comme surface profuse8.

5 Cette singulière attraction qu’exerce la force poétique sur les jardins, nids et puits d’amour exige que le jardin s’enfonce dans ce Labyrinthe de la tendre force aux cent- soixante-six variations, en résonance avec des images mues, des films et des écrits se mouvant en musique. Celle-là même qui fait apparaître les galaxies en lieux fictifs9. Edgar Reitz situe son compagnon d’armes dans cette même constellation : « Alexander Kluge agit dans la marge, appartient pourtant entièrement au centre du cinéma allemand10. » Mais y a-t-il un centre ? Où est le centre, criait rabbi Madies, l’eau dédaignée permet au faucon de poursuivre sa proie. Le centre est peut-être le décalage de la question11.

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6 Plus de trois cartes se superposent dans ce dispositif topologique, ni centre ni périphérie, autant de tracés du livre avec disque de Kluge, du Livre sédimenté de Babylone, des films-sphères d’Eisenstein, du jardin, du nuage d’Internet…12

Chambre d’échos

7 Le jardin en enclos s’involue-t-il en chambre d’échos ? Tel serait le DVD, la poursuite du cinéma analogique d’auteur par les moyens du film numérique d’auteurs, à travers la télévision analogique, numérique d’auteur. L’intégrale des films cinématographiques de Kluge jusqu’en 1986, publiée en 2007, fait résonner non seulement des essais télévisuels et des films-minutes en affinités électives de lettres-images, des lectures littéraires d’auteur de sa voix « acousmétrique », infratextuelle, métatextuelle en écho, mais aussi les textes/images PDF de ses livres-films en flux autonomes, pourtant confluents. Ainsi l’espace littéraire se met-il en expansion à travers des typographies en noir et blanc ou en couleurs, constructivistes, dadaïstes. Le temps cinématographique s’incurve en ce Gesamtverbund de Gesamtkunstwerke, s’injectant les making of, aujourd’hui reflet sans cesse amplifié des films hollywoodiens13.

8 Une créature qui souffre change de forme, tel l’éléphant qu’on électrocute, et tout l’univers est décrit à partir de là, Youtube renvoyant les films-minute qui naguère s’additionnaient chez Kluge, la voix d’Ovide portant jusqu’à Youtube. Le programme en DVD du film cinématographique Les artistes sous le chapiteau : perplexes se constelle en voûte de trapéziste, « au-dessous, c’est le vide », de l’exploit inouï « 5 heures de Parsifal en 90 secondes », de lectures préméditées d’Alexander Kluge extraites du livre Les Artistes sous le chapiteau : perplexes, du bonus dénaturé et colorisé de l’antique film- minute Exécution d’un éléphant, et du commentaire hypertextuel en écho précurseur de Georg Stanitzek, qui rappelle que tout Kluge n’est que commentaire14. En commentaire critique de commentaire, Jan Philipp Reemtsma met au jour la tension entre les théorèmes et les exécutions textuelles de Kluge. La confiance originelle de l’éléphant, Urvertrauen, ne serait-elle pas le pur produit d’une civilisation de l’électricité et du premier cinéma, qui laisse tourner là un snuff movie en un emboîtement sanglant de sourdes lacunes15 ? C’est un change généralisé de formes en actes, « Gestaltänderung ». Par éléments, points, intensités, les sentiments affluent-ils dans les abysses ? La guerre de tranchées de 1914/18 ne cesse d’en ressurgir, s’arquant contre la voie lactée des états de choses et des données numériques qui nous submergent, au risque de la perte de toute orientation. Ne nous faudrait-il pas alors tenir des cartes géographiques de la subjectivité entêtée, pour esquiver cette omniscience de GPS ? Dès lors, l’internet bruirait selon Kluge « de la facticité surpuissante contre laquelle nous nous défendons, disons depuis Verdun en 191616. »

Eaux vives, mortes eaux

9 Le film de Kluge L’Assaut du présent contre le restant du temps, Der Angriff der Gegenwart auf die übrige Zeit (1984), risquait de nous laisser longtemps en suspens dans ce présent obstiné, puisque les médias numériques auraient aboli le futur, et que les attentats du 11 septembre 2001 auraient figé, selon Douglas Rushkoff, le compte à rebours du futur par une « digiphrénie » généralisée. Les médias de flux, flow media, par exemple twitter,

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paralyseraient les médias de sédimentation, stackes media, par exemple le courrier électronique. Mais Kluge ne déjoue-t-il pas cette opposition en son flot figé, multipliant les métamorphoses des films-minutes en films de dix heures, et inversement, par récursions réfléchissantes ? Pourtant, l’effectivité s’est elle aussi épaissie à ce moment crucial, a connu une montée en charge de matière dense17. Le flux entre les lettres et les images s’est intensifié pour parer au danger de la dé-réalisation, Entrealisierung. Ce retrait de réalité opéré par l’attentat contre les Twin Towers aurait déchiré l’effectivité, à l’encontre d’une guerre, cette modalité de réalité, Realitätsmodus18. Une brève histoire recueillie dans l’album de textes et d’images Seen sind für Fische Inseln expérimentera sur le mode ludique se transportant en Chine, une restauration « densifiante », mais filmique, de la réalité par le réalisateur Long Cauxu dans son film contre le terrorisme : « Confection de film après le 11.09.0119 ». Mais c’est l’un des premiers « magazines » télévisés d’Alexander Kluge, La Tour Eiffel. King Kong et la femme blanche – Der Eiffelturm. King Kong und die weiße Frau, diffusé en 1988, qui s’avérera anticipation du 11 septembre, restitué à l’image, à la lettre, par sa Fernseh-Nachschrift, sa transcription du n°4 de Facts & Fakes en 2002, faite d’explosions en série et d’éclairs héraclitéens. Si les Twin Towers et la Tour Eiffel ne sont pas superposées dans ce fascicule, Kluge ne nous en disait pas moins en décembre 2002 : « Il s’agit d’une fantaisie sur les Twin Towers20 ». Plus tard, en chemin vers la nouvelle sphère publique Internet, la ruine du World Trade Center avoisine la fin des étoiles et l’affliction de la magicienne Alcina dans le moyen-métrage de 2007, rare Spielfilm de 49 minutes, Der Zauber der verdunkelten Seele, La magie de l’âme obscure. Nous sommes alors témoins d’une confusion créatrice entre Seele, l’âme, ce qui émane des eaux vives, et les mortes eaux des salles obscures, verdunkelte Säle, un Hörfehler d’où surgit le « nouveau film21 ».

Materia prima

10 Ne faudrait-il pas une rébellion de la littérature contre l’universelle connexion de la toile, par une nouvelle clôture de l’action romanesque, demandent à Kluge ses interlocuteurs du Spiegel en 2008. Et Kluge de répondre : « On combine les histoires écrites au crayon, qui toutes ensemble donnent un catalogue des sentiments, plus tard à l’ordinateur22. » Ainsi son écriture endure-t-elle la différence tactile entre la main subjectile à la mine de plomb où se concentre toute l’énergie, et le sujet-objet-projectile de la machine-médium de convergence se dissipant en nuage numérique, proches jusqu’à se toucher sur le site klugien de la Friedrichstraße23. Les Geschichten vom Kino de 2007, qu’il aura écrites, réécrites au crayon de bois, assis à son immense table ronde face à l’antique siège vide, reversent dans les lettres noires de la page blanche du « principe cinéma », cet immortel qui nous meut, tout l’art cinématographique des chambres noires et des bancs de montage numériques. Ces « singulières boucles vidéo- acoustiques-dialogiques » sont-elles dès lors littéraires de part en part, comme le pense Fritz J. Raddatz24 ?

11 Or, pour Kluge, raconter toutes ces histoires, projeter toutes ces images et lettres en mouvement, c’est comme poser une question en fulgurances de monades et de cartographies narratives où se frotteraient les plaques de subduction d’expériences « comme il y a des tremblements de terre. » Dès lors, demandent ses interlocuteurs du Zeit, narrer des multitudes de catastrophes, est-ce « éviter la prochaine catastrophe ? » « Non », réplique Kluge, « vous êtes trop radicaux sur ces questions. Ce que je fais est en

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deçà du seuil de la littérature. C’est de l’anti-littérature »25. De même que l’art cinématographique remonte à sa matière première, les lettres, de même les lettres remonteraient à la « matière première de la littérature ». En réécrivant, refilmant inlassablement Description de bataille. L’édification organisationnelle d’un malheur, Schlachtbeschreibung. Der organisationelle Aufbau eines Unglücks, avant 1989, après 1989, Kluge aurait reconduit la fiction documentaire à cette materia prima en deçà de l’opposition – due selon lui au hasard de la bifurcation fatidique entre Méliès et Lumière à l’aube du XXe siècle – de la fiction et du document, à ces météores où s’éprouve toute expérience26.

12 Quelle résistance le cinéaste doit-il alors opposer à l’équarrissement hygiéniste contemporain, à la « convention collective de l’œil », alors que le film tend à quitter le cinéma pour les galeries et les musées ? Le « principe cinéma » n’est-il pas en quelque sorte immortel de par ses lacunes mêmes, tant que sera cinématographique un film « dont le sujet peut se restituer en deux mots », comme l’exigeait Eisenstein de son film sur le Capital de Marx ? Regardant le Complexe-Allemagne de 2009, Kluge répond à celui qui lui demande si c’est encore là du cinéma : « Oui, aussi longtemps que nous sommes ici, dans ce cinéma ». Avec Eisenstein, on pourrait dire : aussi longtemps qu’est « cinématographique ce film qui se laisse restituer en deux mots27. »

13 À la fin du mois d’avril 2013, sur le grand écran de la salle Georges Franju à la Cinémathèque française, en présence d’Alexander Kluge, les neuf heures des Nouvelles de l’antiquité idéologique. Marx – Eisenstein – le Capital, publiées en 2008, projettent lettres, images et nombres, en couleurs et noir et blanc, en format numérique, sans profondeur de champ, mais la dialectique de la surface et du noyau résiste obstinément, déployant ses variations discontinues et pourtant maintenues en contexture : à partir des simples « lettres » et croquis, materia prima du journal d’Eisenstein en vue d’un film sur le Capital de Marx jamais tourné, comment mettre en images, en sons, en textes le « grand poème » de Karl Marx paru en 1872 et les notations d’Eisenstein de 1928, sur le long chemin du retour vers l’antique terre ferme, de Marx à Ovide, en passant par Lénine, Engels ? Les Nachrichten aus der ideologischen Antike sont sous-tendues par le parallélogramme Joyce – Eisenstein – Marx – Kluge. Comment filmer alors ce parallélogramme sous tension, se sont demandé ensemble Oskar Negt et Alexander Kluge, à la recherche de la materia prima infra-cinématographique, infra-littéraire d’une économie de la force de travail vivante. En quelles images le Capital est-il transposable, enregistrable ?

14 Nulle réponse ne sera trouvée dans la dramaturgie sphérique des entretiens, des lectures de poèmes, des films brefs, des essais opératiques de ces trois DVD… Mais dans l’ultime séquence de la troisième partie, c’est le paroxysme joué par Helge Schneider « philosophant » longuement à coups de marteau sur un clavier non tempéré, le burlesque de ce condensé des Marx Brothers et de Dada, littéralement insoutenable, à mourir de rire dans la présence sans proche ni lointain de l’écran, en étalage des chiffres et des lettres, des images sans reflets. Das Zwerchfell erschüttern, dirait-on en allemand de la réaction des spectateurs, secouer la rate à la dilater. Or, en anatomie, Zwerchfell, c’est le diaphragme, ce muscle long, étroit entre poumons et estomac, d’où proviendra en français l’ouverture/fermeture du diaphragme photographique, cinématographique, en allemand Blende, l’illusion aveuglante. Cette Blende filme littéralement le Capital, à la lettre, condensant en quarante minutes la journée aveuglée de ce Capital, la longue méditation du Bloom de Joyce, se les insufflant de

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manière à la fois délirante et rigoureusement composée, désenchaînée telle la terre de l’Aurore de Nietzsche. Le cinéma serait-il alors la « littéracie » de l’économie politique de la force de travail vivante ? C’est précisément le piano, l’instrument d’intérieurs bourgeois hyper-littérarisés, qui forme la basse continue de la résistance radicale de la lettre à sa numérisation à travers la prolifération de l’intérêt composé, surcomposé jusqu’à épuisement du temps et du Capital même. Tel est le Zinseszins, rejoué, déjoué sans fin par Helge Schneider en compositeur attitré des musiques d’Eisenstein, en destructeur de la gorgonéenne accumulation des marchandises immatérialisées en flux sur l’étal de l’écran.

15 Ainsi Helge Schneider, en bénéficiaire de Harz IV, incarnation de Marx et du compositeur déjanté d’Eisenstein, envoie-t-il par le sans-fond, à bon droit, le « bon droit », Recht und Fug, de l’art, de l’économie, du fétichisme de la marchandise, mettant la main en plein dans le noir, cette cible sans queue ni tête. Der Griff ins Schwarze, c’est ainsi que s’intitule dans le long film multi-perspectiviste de six heures sur Dada la séquence qu’anime Bazon Brock, penseur de la ruine et du cas crucial, Ernstfall, avec Alexander Kluge, Dada et ce qui s’ensuivit, Dada und die Folgen : « Dada ist die Kunst des Unfugs », « Dada est l’art sans queue ni tête », c’est l’oxymore que démembre ici Bazon Brock28. À travers les performances de Hugo Ball, les manifestes de Tristan Tzara, les non-poèmes de Richard Huelsenbeck, c’est « l’insanité au corps », Unfug im Leib. Écrasé par la domination du « principe de croissance », de l’art contemporain, de l’économie financière et numérique, Dada ressurgirait aujourd’hui, selon Bazon Brock, à travers les capitales du trou noir, puisque la loi de croissance est mise au rebut par les règles d’une transformation perpétuelle. Sans se laisser croître, Dada s’était transformé souterrainement, transporté en Bulgarie, en Hongrie, après son envol public vers Paris et les États-Unis. Ce faisant, en citant, c’est-à-dire en appelant par leurs noms lettres, images dadaïstes en arrière-plans et incrustations, Brock et Kluge transforment leur film-essai en Spielfilm, comme Schiller parlait de Spieltrieb, affirmant tous deux « la normalité du contrefactuel ». « Gorgonisez-vous ! », tel est le mot d’ordre en Unfug repris de Dada. Les consonnes qui, dans les films, se regardent hors les voyelles pour revendiquer leur autonomie, c’est la Gorgone qui se réfléchit dans le bouclier de Persée, la brosse immaculée d’une femme qui se défléchit dans la brosse enchevêtrée de son mari, affirmant la « transcendance intramondaine » de toute lettre, l’illumination profane qui troue toute continuité. La trinité de cette bouche en infralangue s’accomplissait dans l’extase byzantino-dadaïste de Hugo Ball qui, selon Bazon Brock, fut, non pas successivement dadaïste, puis extatique, d’abord auteur de manifestes, puis d’autobiographie, en Fuite hors du temps, Flucht aus der Zeit, mais l’un et l’autre, simultanément. En cette extase s’accomplit la « Vermüllung », pure déchéance de déchet, de ce qui s’ingère en matière d’art, d’ores et déjà mort. Typographie et parlure fusionneront en Dada, le rare surgissement de la Mündlichkeit, de l’oralité entre Bazon Brock et Kluge dénote une fois encore la proximité entre le sub-ob-projectile klugien dans sa latéralité et le pur projectile dadaïste reçu en pleine face par Walter Benjamin dans L’œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique.

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« Tant de commencement jamais ne fut » – « So viel Anfang war nie »

16 Le livre-film de vie d’Alexander Kluge semble être un livre du commencement, du recommencement. Dans ses films de la documentation Le dernier été de la RDA de 2009, avec Cassian von Salomon, Kluge évoque son nouvel élan, lorsque vingt années auparavant, comme s’effondrait le mur de Berlin, les humains échappant à leur infra- sphère publique, Unteröffentlichkeit (Uwe Tellkamp), allaient dans la fièvre à la rencontre d’un futur antérieur, et que décembre 1989, le mois inconnu, se conjuguait en mode historique subjonctif… « En 1989 », dira-t-il en 2003, « j’ai pensé que nous allions vers un temps de félicité29. » Il saluait ainsi la promesse d’une radicale démocratisation de la nouvelle RDA : « Tant de commencement jamais ne fut ». Deux ans auparavant, il avait mis en grand sommeil ses films de cinéma, longs métrages et documentaires, ses livres et ses livres-films, pour fonder la DCTP avec ses innombrables films télévisuels à venir, échappant à la pesanteur d’un cinéma institutionnalisé, semi- déserté, harcelé par les bureaucraties. Les « travaux télévisuels » qui s’ensuivirent furent recueillis de 1987, l’année fondatrice, à 2008, l’année du complexe filmique Nachrichten aus der ideologischen Antike, dans les lacs qui sont îles pour les poissons : Seen sind für Fische Inseln. Ces œuvres télévisuelles d’Alexander Kluge paraissaient encore chez l’éditeur alternatif Zweitausendeins, tandis que le film inaugurait la filmedition de Suhrkamp. Mais en Allemagne, n’y a-t-il pas toujours tournant dans le tournant ? « On dit : chaque révolution allemande, celle de novembre 1918 et celle de novembre 1989, ne va jamais plus loin que la veille de Noël, Heiligabend. Décembre 1989 apporte le tournant dans le tournant. Plus rien ne sera comme en décembre30. »

17 « J’observe à présent que cela s’“atavise” depuis 2001. L’époque devient atavique », dira Alexander Kluge en 2003 à ses interlocuteurs du Zeit31. Trois ans après encore, alors qu’il vient d’achever le chapitre grec de son Quint Livre, avec les guerres des Balkans à l’esprit et sous les yeux, il se demande si le siècle ne déraille pas, si nous ne revivons pas 1912, l’année du naufrage du Titanic, quelque veille prérévolutionnaire de cette Première Guerre mondiale qui commença le sanglant demi-siècle. Est-ce la fin de la Grèce de la grande utopie, de Winckelmann, d’Iphigénie, mais aussi le nouveau commencement d’une mainmise allemande non sanglante, mais également inique32 ?

18 Cependant, l’année 1989 avait enlevé le deuxième clou que Lénine aurait planté dans le Capital de Marx, selon Dietmar Dath s’entretenant avec Kluge dans les Nouvelles de l’idéologie antique, alors que ce Capital tournait librement autour de son seul clou « primigène » telle l’aiguille d’une boussole. À présent, le Capital, le Capital et les capitaux évoluent derechef en toute liberté de mouvement et d’interprétation, de sorte que prolifère un « rhizome de pistes pour une lecture contemporaine » du Capital tandis que se joue son tragique « mélodrame planétaire33 ».

19 Kluge va alors puiser dans la richesse littéraire du XVIIe siècle afin d’endurer l’« inquiétance » médiatique du XXIe, traversant de l’une à l’autre de vastes zones temporelles désertiques. « Vous êtes terriblement solitaire parmi les vifs », lui dira-t- on. Solitude contemporaine paradoxale, puisque sont plus vifs que morts Heiner Müller, Einar Schleef…, qu’ils vivent encore « en esprits » avec lui. Et Kluge se fait fort de ramener Fassbinder à la vie en le « falsifiant » dans ses Kulturmagazine, à travers le kaléidoscope des images électroniques retravaillées en contexture. Mais étrangement, c’est Gottfried Benn, poète, essayiste scabreux, qui serait le plus vivant de tous en vertu

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de sa « nervosité moderne ». Dès lors, la phrase de l’histoire, l’image cinématographique, le mouvement de l’anti-opéra müllerien cherchent à atteindre un même cœur de cible : « Je suis un nerveux », dit Kluge, qui constate qu’à l’aune d’une blessure, toutes les perspectives, tous les horizons se modifient. « C’est ici que je dois faire mouche. En une image, en une phrase34. »

20 Déjà, le livre-film encore rudimentaire, Travail occasionnel d’une esclave, formulait cette ambition de lire « la quintessence d’un millier de pages ou de la capacité mémorielle hautement organisée de l’œuvre proustienne sous forme d’une histoire brève d’une à deux pages A4 tout au plus35. » Propager par concentrations d’histoires les processus d’apprentissage à issue mortelle ou vivifiante qui amènent « une auto-organisation de l’entêtement à l’encontre de son retardement », telle serait la puissance des œuvres de Hölderlin, Kleist, Proust, Joyce, Döblin, Kafka, Brecht, Marx, Freud… Il s’agit d’amplifier jusqu’aux dimensions d’Arachné la protestation, la chance insurrectionnelle d’un montage constellé.

« Cinécriture »

21 Que reste-t-il de la singularité de l’espace littéraire dans le Gesamtkunstwerk Kino d’Alexander Kluge ? Peut-être le bloc hiéroglyphique magique où le montage d’une image déchiffrable avec une écriture indéchiffrable met à l’épreuve cette déchiffrabilité de l’image36 ? C’est ce qui se produit chez Kluge lorsqu’il multiplie les nouvelles possibilités politiques de l’après-1989 en contre-productions d’une sphère publique qui ne cesse de se réengendrer tout en se décomposant à vie37. En contre-mouvement s’opère un démolissage d’artiste de l’espace public par les possibilités techniques d’installation du cinéma spatial avec multi-projections en décalages les unes avec les autres, Raumkino, qui après 1987 prit pour lui le relais du film de montage ou découpage, Schnitt- ou Montagefilm, et de l’essai télévisuel pur38. En 2007, l’année même des Geschichten vom Kino, Kluge donne à la Haus der Kunst de Munich Images multiples pour 5 projecteurs (« Simultanés »). Boucle sans fin, dont la première eut lieu dans la Ehrenhalle de Hitler, aux murs et au plafond tendus de toile d’écran. Hans Richter, l’auteur de Combat pour le film et Ennemis du film aujourd’hui, amis du film demain, parus durant l’année fatidique de 1929, parcourt toute l’installation-éclair de vingt-trois minutes : « Ampex digital optics de 1987 à 1992 ». Parmi les titres en variations extrêmes repose « Die Bismarck auf dem Meeresgrund », paraissant incrusté sur un rouleau textuel en langue japonaise. L’image tant de fois publiée du mythique « géant cuirassé », invincible et pourtant envoyé par le fond au large de Brest en mai 1941 grâce à de petits avions-moustiques anglais, Moskitos, avant d’être enfin localisée en 1989, se contamine de l’indéchiffrabilité « pour nous » de cette « nouvelle histoire » datant de 1977 : « Le rythme temporel de l’abattage et celui de réparations. Un message non transmis », Der Zeitrhythmus des Abschlachtens und der von Reparaturen. Eine nicht übermittelte Nachricht39. La boucle sans fin de l’installation simultanée de 2007 est appelée par la boucle finale, à issue mortelle, de la nouvelle histoire ou anecdote de 1977, que son dénouement rend indéchiffrable, comme sa version japonaise de 2007 l’est de prime abord. Quelle est cette information non transmise ? En mortelle illustration de l’adage klugien « Es gibt immer einen Ausweg », une partie de l’équipage envoyé par le fond aurait rencontré dans la coque du navire une bulle d’air qui lui permettrait de survivre de mai jusqu’à la Saint Sylvestre 1941, plus longtemps que les plongeurs tirés vers le bas par leurs

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cloches, et plus longtemps que toute révolution allemande à ce jour. Du texte de 1977 qui déjà se réfléchit en auto-commentaire, à la traduction japonaise filmée et son hyper-commentaire dans l’installation murissent les raisins de la colère, mais aussi ces fruits de la confiance qui tombent à l’heure juste de l’arbre du texte profane, selon Walter Benjamin dans Sens unique. Mais dans le Simultané de 2007, le Bismarck est emporté par la tempête du « générateur d’aléatoire », Zufallsgenerator, en puissance d’une combinatoire aussi singulière qu’universelle40.

22 Les poèmes, ces monades temporelles indéchiffrables quant à leur sens originel, ressuscitent-ils alors dans ce cinéma klugien numérisé qui serait une sténographie de l’expérience, « Kurzschrift der Erfahrung41 » ? Le montage, le banc numérique produisent-ils encore cette « dialectique instable de l’intuition et du concept », élargissant les possibilités de la littérature inscrite dans le film42 ? Kluge marquerait alors la renaissance de l’écriture dans le médium électronique. L’écriture klugienne de la main et de l’outil capte le DVD, qui semble à présent la happer à son tour par la grâce des albums contrapuntiques où se concentre le livre-film de jadis, égal en dignité, en intensité, en longueur, au film-livre, tels La Puissance des sentiments, La Patriote…

23 Recueillant une écriture autre, l’entretien klugien infini, audio-visuel-scriptural où chaque entretien est un film, chaque film un entretien, lui retire-t-il à son tour sa parenté avec la littérature ? À l’encontre de cette dernière, les thèmes et sujets se lèvent dans les motifs et les messages, Nachrichten. En même temps, les hypo- et hypertextes klugiens annonceraient-ils « la fin de la mort de la littérature », le retour d’un témoignage devenu objectif-subjectif, d’une nouvelle Zeugenschaft43 ? Parmi les grands témoins de Kluge, il en est un qui jadis l’appela « écrivain sans cœur », son contemporain depuis les années Kursbuch. Dès les Nachrichten aus der ideologischen Antike de 2008, plus intensivement encore dans Die Früchte des Vertrauens de 2009, Hans Magnus Enzensberger explore en face de Kluge les maximes de transsubstantiation de poèmes en messages-informations auditifs et visuels, par montage et superposition de la récitation et de la documentation épocale, ainsi de la vingt-troisième et de la vingt- cinquième de ses « Trente-sept ballades de l’histoire du progrès » du Mausoleum de 1975. En réponse à la question que pose Kluge dans Les Fruits de la confiance : « La destruction créatrice, ça existe ? », les huit minutes seize secondes du film « Bulle foncière de Paris » présentent d’abord la « visagéité » de haute destruction créatrice d’Enzensberger même, en fin connaisseur de Paris capitale du XIXe siècle44. Georges Eugène Hausmann (1809-1891), qui fit raser à Paris la maison même où il était né, fracassa Paris pour faire place nette, « enfumant les labyrinthes de la pauvreté » dès le début de cette vingt-cinquième ballade du Mausolée, « G.E.H » est cité à comparaître dans ce film sur le front de lignes où s’éprouve l’Urvertrauen klugien, en pure écriture musicale multicolore d’abord, par la seule voix de Kluge ensuite, dans la superposition des lettres de la ballade d’Enzensberger, par la voix du lecteur Kluge enfin. En splendide solitude textuelle, pictogrammatique, l’écran s’illumine, en noir et blanc, d’un syntagme de la ballade d’Enzensberger, en français dans le texte : « artiste démolisseur ». Mais cette appellation, cette interpellation du préfet Hausmann suscite en un suspens de toutes les couleurs de lettres et d’images une illumination profane. Détruisant ces images au fur et à mesure qu’ils les créent, Enzensberger et Kluge se retrouvent une nouvelle fois en conjonction des lettres du poème, des phrases-mondes de l’essai- conversation, des toiles en contextures réticulées d’Arachne45. En vertu de ce témoin oculaire, auditif, multi-sensoriel affûté et endurant, Enzensberger à la subjectivité

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libérée de toute intériorité romantique, Kluge essaie ici de libérer la lettre de sa pureté littéraire, à l’instar de son cinéma46. Dans ces ballades d’Enzensberger, la dialectique lyrique secoue la « grille de la prose-monde », tel « le procès verbal d’un bruit blanc dans la tête »47.

NOTES

1. Georges Didi-Huberman, « Aby Warburg et l’archive des intensités », in : Études photographiques n°10, 2001, p. 144-168, http://etudesphotographiques.revues.org/index268.html, p. 4 (consulté le 24 juin 2011). 2. Cf. Herbert Holl, La fuite du temps. « Zeitentzug » chez Alexander Kluge. Récit. Image. Concept, Berlin – Bern – New York e. a., Peter Lang, 1999. 3. Alexander Kluge, Chronik der Gefühle, t. 2, Frankfurt a.M., Suhrkamp, 2000, p. 977. 4. Morten Freidel, « Poesie der Technik. Das Marbacher Archiv zeigt Kittlers Computer », in : FAZ, 19. Juni 2013, p. 4 : « auch technische Maßstäbe an Literatur anlegen […] ». Il s’agit d’un manuscrit inédit de Friedrich Kittler. 5. Deuxième cahier d’Unheimlichkeit der Zeit, Der Luftangriff auf Halberstadt am 8. April 1945, repris dans la Chronik der Gefühle, op. cit., t. 1, ici : p. 27. 6. « Wir leben doch nicht nur in einer Gegenwart », entretien de Jochen Rack avec Alexander Kluge, in : Sinn und Form, n°4, 2008, p. 471-481, cit. p. 477 : « kurze, lakonische Geschichten, jede Geschichte eine Metapher. » 7. Alexander Kluge, in : FAZ 14. 01. 2010 « Gärten anlegen im Daten-Tsunami », Ein Gespräch mit Uwe Ebbinghaus, consultable en ligne : http://www.faz.net/aktuell/feuilleton/debatten/ digitales-denken/alexander-kluge-gaerten-anlegen-im-daten-tsunami-1596476.html. Cf. également d’Alexander Kluge, « Gärten sind wie Brunnen. Im Innern eines jeden ernsten Menschen – auch wenn er spielt – findet sich ein ‚geschlossener Garten’ », in Text +Kritik, n°85/86, édition refondue, novembre 2011, p. 5-8. 8. Alexander Kluge, Das Labyrinth der zärtlichen Kraft. 166 Liebesgeschichten, Frankfurt a.M., Suhrkamp, 2009, p. 339 sq. Traduction inédite de Kza Han et Herbert Holl, à paraître aux Presses Universitaires Blaise Pascal de Clermont-Ferrand dans les Actes du colloque Kluge de février 2012 : Eric Lysœ et Vincent Pauval (éd. scient.), Alexander Kluge et la France. Pour une levée en masse de la narration. 9. Das Labyrinth der zärtlichen Kraft, p. 589, p. 338. 10. Christina Nord, « Der Großintellektuelle », in : taz.de, 25. 04. 2008, http://www.taz.de/1/der- grossintellektuelle/type=98. 11. « Wo ist das Zentrum? / schrie Rabbi Madies, / Das verschmähte Wasser erlaubt es dem Falken, / Seine Beute zu verfolgen / Das Zentrum ist vielleicht die Verschiebung der Frage. » Das Labyrinth der zärtlichen Kraft (n. 8), p. 340. 12. Cf l’entretien d’Alexander Kluge avec Vincent Pauval qui précède cette étude, « Die Augen der Anderen ». 13. Alexander Kluge, Sämtliche Kinofilme, Frankfurt a.M., Zweitausendeins, 2007. 14. Ibid., DVD 3. 15. Jan Philipp Reemtsma, « Urvertrauen in die Poesie ist das höchste Zivilisationsprodukt », FAZ, 6 janvier 2004, n°4, p. 33. L’éléphant est l’emblème cinégraphique, iconique d’Alexander Kluge. Cf.

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par ex. « Eingemachte Elefantenwünsche », Neue Geschichten Unheimlichkeit der Zeit, op. cit., p. 202-206. 16. « Insofern ist das Internet nur ein Bild für eine übermächtige Faktizität, gegen die wir uns etwa seit Verdun 1916 in Gegenwehr befinden. » A. Kluge in : FAZ 14. 01. 2010 „Gärten anlegen im Daten-Tsunami“ (cf. note 8). 17. « Die Wirklichkeit hat sich verdickt, hat sich materiell aufgeladen. » A. Kluge in : Die Zeit 23. 10. 2003, n°44, „Der Friedensstifter“, Interview von Ulrich Greiner und Gesprächsführung Iris Radisch, 18. . — Sur la « disparition » et la « réapparition » de la réalité le 11 septembre 2001 selon Alexander Kluge, cf. Klaus Theweleit, Der Knall : 11. September, das Verschwinden der Realität und ein Kriegsmodell, Frankfurt a. M. / Bâle : Strœmfeld / Roter Stern, 2002, p. 158-166 (« Alexander Kluge. King Kong und die Wirklichkeitsgarantien »). 19. Alexander Kluge, Seen sind für Fische Inseln, Fernseharbeiten 1987-2008, Frankfurt a.M., Zweitausendeins, 2009. 20. Alexander Kluge, « Ainsi s’en retourne l’écho », entretien d’Alexander Kluge avec Kza Han et Herbert Holl, in Herbert Holl et Günter Krause (dir.), Heiner Müller et Alexander Kluge arpenteurs de ruines, Paris, L’Harmattan, 2004, p. 171-185. 21. Album de Seen sind für Fische Inseln, p. 185. 22. « Kombiniert werden die mit Bleistift geschriebenen Geschichten, die zusammengenommen einen Katalog der Gefühle ergeben, dann später am Computer. » (« Ich liebe das Lakonische », entretien d’Alexander Kluge avec Mathias Schreiber et Volker Hage, Der Spiegel, n°45, 2000, p. 336-340, cit. p. 340). 23. Quant au projectile klugien, cf. Kza Han, « Deux poèmes projectiles », et Herbert Holl, « La libellule comme projectile au futur antérieur d’Alexander Kluge », in Variations. Revue internationale de théorie critique, (en ligne), n°18, 2013. 24. « wundersame video-akustisch-dialogische Assoziationsschleifen », l’expression est d’Andreas Isenschmid, « Kluges Kapital », in : Die Zeit, n°50, 4 décembre 2008, p. 57. – Fritz J. Raddatz, « Zwischen Bluff und Verblüffung. Alexander Kluges Kino-Potpourri », in : Die Zeit, n°21, 16 mai 2007, p. 68. 25. « Der Friedensstifter », entretien cité (n. 17) : « Kann das Erzählen vieler Katastrophen die nächste Katastrophe abwenden ? » « Nein. Sie sind zu radikal in diesen Fragen. Was ich mache, ist unterhalb der Schwelle der Literatur. Es ist Antiliteratur. […] ». 26. Ibid. 27. Gérard Mordillat, « Éloge du flou », MD septembre 2011, p. 27 ; Eisenstein, cité par Alexander Kluge, livret des Nachrichten, p. 13. 28. Alexander Kluge, Der Griff ins Schwarze / Bazon Brock über Dada und die Folgen, DCTP 2012. Dès le 14 juillet 1916, Hugo Ball proclamait dans son manifeste inaugural : « Ich will meinen eigenen Unfug, und Vokale und Konsonanten dazu, die ihm entsprechen. » 29. In : « Der Friedenstifter », entretien cité (n. 16). – Der letzte Sommer der DDR, Spiegel TV Dokumentation & Alexander-Kluge filme, 2009, dctp, DVD 4, n°12, Der Turm, entretien entre Uwe Tellkamp et Alexander Kluge. 30. In : Begleitheft zur DVD « Der letzte Sommer der DDR / Die Wende in der Wende », 2009, non paginé. 31. « Nun merke ich, daß es seit 2001 atavistisch wird. Das Zeitalter ist atavistisch. » In « Der Friedensstifter », entretien cité (n. 16). 32. Adam Sobczynski, « Entgleist das Jahrhundert », in : Die Zeit, n°39, 22 septembre 2011, p. 49 sq. 33. Christophe Van Eecke, « Stock Footage and Shock Tactics. Eisenstein, Marx and Filming Capital », TRhu, Lokal 01, Breda 2009, p. 1-39, cit. p. 37 (« a rhizome of clues to contemporary reading of the book ») ; Jean Baudrillard, « Entretien sur la dualité des mondes », in : Rue Descartes, n°49, juin 2005, p. 68-81, citation p. 69.

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34. « Ich bin ein nervöser Mensch, der feststellt, daß sich in dem Maß einer Verletzung sämtliche Perspektiven und Horizonte verändern. Das muß ich treffen. In einem Bild, in einem Satz. » In : « Der Friedenstifter », entretien cité. 35. Winfried Menninghaus, « Geschichte und Eigensinn. Zu Hermeneutik-Kritik und Poetik Alexander Kluges », in Hartmut Eggert (dir.), Geschichte als Literatur: Formen und Grenzen der Repräsentation von Vergangenheit, Stuttgart, J.B. Metzler, 1990, p. 258-272, cité p. 263, Gelegenheitsarbeit einer Sklavin, Frankfurt a.M. : edition suhrkamp, SV, 1975, p. 221 (note) : « die Substanz von tausend Seiten oder des hochorganisierten Erinnerungsvermögens des Proustschen Werkes als Kurzgeschichte von höchstens ein bis zwei DIN-A-4 Seiten zu lesen. » 36. Christina Scherer, « Das Bild der Schrift und die Schrift der Bilder », in : « Fernsehen ohne Ermäßigung. Alexander Kluges Kulturmagazine » (Augenblick. Marburger Hefte zur Medienwissenschaft, n°23), p. 34-53, citation p. 38. 37. Seen sind für Fische Inseln, p. 191, « Die Kategorie Öffentlichkeit », p. 191 sq. 38. Cf. le générique et l’argument hautement élaboré de l’installation, in : Seen sind für Fische Inseln, p. 186. 39. Neue Geschichten Unheimlichkeit der Zeit, Frankfurt a.M., Suhrkamp, 1977, p. 471-473. 40. Ibid., p. 42. Walter Benjamin, Einbahnstraße, Gesammelte Schriften, éd. par Rolf Tiedemann, Frankfurt a.M., Suhrkamp, 1971 sqq., IV/1, p. 92. 41. Christina Scherer, art. cité, p. 50. 42. Ibid. 43. Stuart Moulthrop cité par G. Stanitzek, in : Essay – BRD, Berlin : Vorwerk 1, 2011, p. 312. 44. In : Alexander Kluge, Früchte des Vertrauens, filmedition suhrkamp, 2009, DVD III, n°23, « Grundstücksblase Paris ». 45. Sur ces « tissages » klugiens, cf. Thomas Elsaesser, « Mélancolie et mimétisme : les énigmes d’Alexander Kluge », in Trafic, n°31, automne 1999, p. 70-94. 46. Norbert Bolz, « Eigensinn. Zur politisch-theologischen Poetik Hans Magnus Enzensbergers und Alexander Kluges », in : Jochen Hörisch et Hubert Winkels (dir.), Das schnelle Altern der neuesten Literatur. Essays zu deutschsprachigen Texten zwischen 1968 und 1984, Düsseldorf, Claassen, 1985, p. 40-59, citations p. 40, 41. 47. Ibid., p. 42, 44 : « wie das Protokoll eines Rauschens im Kopf ».

RÉSUMÉS

Évoquant ici l’hortus conclusus de la « littéracie », la chambre d’échos qui l’agrandit à l’infini, la materia prima à laquelle les essais télévisuels et internautiques d’Alexander Kluge reconduisent les lettres et les images, on en dégagera la cinécriture. On esquissera les nouvelles disjonctions et conjonctions, balzaciennes, eisensteiniennes, klugiennes d’une dramaturgie sphérique où se métamorphosera après 1987, après 1989, après 2001, après 2003, la « consanguinité de la littérature et du cinéma ». Après le 11 septembre 2001, quand la pesanteur des « rapports effectifs » sans nul point « abarique » incurvera l’espace littéraire, Kluge pratiquera une anti- littérature en lettres et voix, un cinéma-espace au-delà du montage et du découpage. Lettres et images ne cesseront de se métamorphoser en météores numériques d’une contre-sphère publique intensifiée. Les ciné-lettres, ciné-images de poèmes-commentaires et de commentaires- poèmes infiltreront ces films-espaces, les métamorphosant en Simultangedichte d’une materia

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prima infra-cinématographique, celle du Capital de Marx, d’une critique infra-vocale de l’économie politique de la force de travail vivante. Par une singulière conjecture et conjonction d’images et de lettres, la magie des salles obscures, Zauber der verdunkelten Säle, se métamorphosera en magie de l’âme obscurcie, Zauber der verdunkelten Seele.

By evoking the hortus conclusus of Kluge’s literacy, the echo chamber which makes it resound into infinity, the materia prima to which letters and images are restored through Kluge’s television and Internet essays, the present article retraces the resulting cinemato-visual écriture. The new disjunctions and conjunctions of a “spheric dramaturgy” appear – Balzac, Eisenstein, Kluge –, which attests to the common origin of literature and film after 1987, after 1989, after 2001 and after 2003. After September 11th and the loss of reality it caused, as the gravitational force of the real situation bends the space of narration, Kluge practices an anti-literature which leads back to the letter and the voice. Beyond a cinema of montage and editing, this is instrumental for a new spatial cinema. Letters and icons are transformed into the numeric meteors of an enhanced counter public. Commenting poems and comments of poems, both in motion, are introduced into these spatial films, which thereby create the simultaneous poetry of a material prima, of an infra- vocal critique and appreciation of a political economy of living labour power inspired by the Capital. Through an opinionated conjecture and conjuncture, the magic of darkened halls is transformed for Alexander Kluge into the magic of the darkened soul.

Indem hier der hortus conclusus der Klugeschen literacy, die Echokammer, die sie ins Unendliche widerhallen lässt, die materia prima, zu der Alexander Kluges Fernseh- und Internetessays die Buchstaben und Bilder zurückführen, evoziert werden, wird die Kinobildschrift, die daraus entsteht, nachgezeichnet. Es treten die neuen Disjunktionen und Konjunktionen der „Sphärendramaturgie“ – Balzac, Eisenstein, Kluge – in Erscheinung, durch die sich nach 1987, nach 1989, nach 2001, nach 2003 die Gleichursprünglichkeit von Literatur und Film bezeugt. Nach dem 11. September 2001 und dem von ihm verursachten Realitätsentzug, da die Gravitation der wirklichen Verhältnisse den Erzählraum beugt, wird Kluge eine Antiliteratur pflegen, die zum Buchstaben, zur Stimme zurückführt. Dies bestimmt jenseits von Montage- und Schnittkino ein neues Raumkino. Lettern und Ikonen verwandeln sich in die numerischen Meteore einer gesteigerten Gegenöffentlichkeit. Bewegte Kommentargedichte und Gedichtkommentare werden in diese Raumfilme eingeschleust, die somit die Simultangedichte einer materia prima, einer infravokalen KapitalKritik- und würdigung der politischen Ökonomie der lebendigen Arbeitskraft erzeugen. Durch eine eigensinnige Konjektur und Konjunktur verwandelt sich für Alexander Kluge der Zauber der verdunkelten Säle in den Zauber der verdunkelten Seele.

AUTEUR

HERBERT HOLL Université de Nantes

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Comptes rendus de lecture

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Dietmar Dath, Swantje Karich: „Lichtmächte: Kino-Museum- Galerie-Öffentlichkeit“ diaphanes, 272 Seiten, 24,95 €

Jan Drees

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Dietmar Dath, Swantje Karich: „Lichtmächte: Kino-Museum-Galerie-Öffentlichkeit“ diaphanes, 272 Seiten, 24,95 €

1 „Die Intensitätsrüpeleien selbst der grellsten Genres – Porno, Splatter, Monumentalfantasy, Kinderkrawall, Feuerwerk – sind inzwischen so randvoll mit Geschichte, haben so viel Speicherplatz im kulturellen Gedächtnis erobert, dass man ihre Formen jederzeit zu Inhalten, ihre Inhalte jederzeit zu Abkürzungen der Rechenzeit qua Verweis auf Erwartungen machen kann, ihre Verweise auf Erwartungen jederzeit zu Zitaten, und diese Zitate jederzeit zu Stileigentümlichkeiten der Regie, also zu Formen und Förmchen umwidmen kann“, schreibt Dietmar Dath in dem gemeinsam mit F.A.Z.-Kollegin Swantje Karich entstandenen „Lichtmächte“-Buch. Dieses beobachtet, in welcher Weise heute jene elektrifizierten Orte funktionieren, die mithilfe von (beleuchteten) Bildern „primär symbolische Veränderungen von Personen“ inszenieren, vortäuschen, verwirklichen, bereitstellen, simulieren. Ist also, wie Peter Hacks es formuliert hat, der Film als „epische Gattung“ dem Roman näher als dem Drama und wie kann diese These anhand von Carl Theodor Dreyers Johanna-von- Orléans-Film aus dem Jahr 1928 belegt werden? Weshalb ist das Blockbusterkino spätestens seit den frühen achtziger Jahren des letzten Jahrhunderts „in den meisten Fällen Science-Fiction oder SF-nah?“ In welcher Weise begünstigt „die Klage, alles sei Simulation, nichts mehr real, alles Manipulation und Betrug, nichts mehr echt und wahr“ das nicht enden wollende Verlangen nach „echten“ Bildern? „Und was passiert eigentlich, wenn man eine Zeitmaschine in eine Zeitmaschine stellt und innerhalb von

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deren Eigenzeit reist?“ In welchen Formen können, Film, Literatur, Malerei, Theater, Fotografie, Performance erzählerisch operieren und wann kann dieses Erzählen eben nicht dargestellt werden – weil es schlichtweg niemand verstehen würde? „Lichtmächte“ ist eine kulturwissenschaftliche, essayistisch angelegte Untersuchung, in deren Mittelpunkt die Erkenntnis steht: „Für das Netz und die Rechner, die daran hängen, sind Fotos und Filme so selbstverständlich gegeben, so sehr Rohstoff, wie für den Höhlenmaler die Kuh und Monet die Seerosen.“ Nicht die Entscheidung für Systemtheorie, Poststrukturalismus, klassische Hermeneutik, Raumwissenschaft, Gen- Ethik, Positivismus oder Digital Humanities beantwortet offene Fragen an die neue Licht- und Wörterwelt, sondern allenfalls das Zusammendenken unterschiedlicher Disziplinen, um der Deutungshoheit der angesprochenen Lichtmächte eine kulturwissenschaftliche Perspektive entgegenzusetzen. Denn noch sieht die als „Lichtmächte“ benannte Welt so aus, wie sie die scheidende Facebook-Chefin Sue Gardner beschreibt, wenn sie einen ehemaligen Mitarbeiter mit den Worten zitiert: „Die besten Köpfe meiner Generation denken nur noch darüber nach, wie man Menschen dazu verleitet, auf Werbung zu klicken. Das ist doch beschissen.“

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Pierre Gras, Good Bye Fassbinder ! Le cinéma allemand depuis la réunification Arles, Éditions Jacqueline Chambon - Actes Sud, 2011

Anne-Marie Corbin

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Pierre Gras, Good Bye Fassbinder ! Le cinéma allemand depuis la réunification, Arles, Éditions Jacqueline Chambon - Actes Sud, 2011

1 Dans les années 1970, la réussite du cinéma allemand était manifeste en France. Il fallut attendre ensuite plusieurs dizaines d’années pour voir à nouveau quelques films à succès dans les salles françaises. En 2003, Good Bye Lenin de Wolfgang Becker a totalisé 11 millions d’entrées en Europe pour cette satire du socialisme de la RDA, se combinant avec une critique de l’évolution de l’Allemagne depuis 1990. La Vie des autres (Das Leben der anderen) de Florian Henckel von Donnersmarck a été apprécié en Allemagne par plus de 2,6 millions de spectateurs en 2007 : cette réflexion éthique, privilégiant la vérité dramatique au prix d’une simplification historique sur les victimes de la Stasi a suscité en France également une empathie avec l’héroïne. Plus récemment en 2009, Le Ruban blanc (Das weiße Band) de Michael Haneke a rempli les salles. En revanche, Cours Lola, cours (Lola rennt) de Tom Tykwer fut un échec en France en 1998 avec seulement 75 000 entrées contre 2,3 millions en Allemagne : c’était pourtant une œuvre à suspense, utilisant des techniques visuelles très variées, où Lola tentait de sauver son amant, poursuivi par des trafiquants de drogue. Et ces rares succès ne donnent pas toute la mesure de la production allemande dont le volume augmente régulièrement (194 films majoritairement allemands contre 182 films majoritairement français en 2009).

2 Le cinéma allemand étant aussi peu représenté en France, Pierre Gras lui a consacré un ouvrage. Il propose un « panorama raisonné » du cinéma allemand des vingt dernières années, privilégiant des œuvres majeures, qu’elles soient connues ou méconnues en France. Comme il souhaite commenter assez longuement les films choisis, P. Gras met

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l’accent sur un certain nombre d’auteurs et d’œuvres, passant sous silence bien d’autres, en particulier les plus connus du public français (Wenders, Schlöndorff, Herzog par exemple). Dans les sept premiers chapitres, il brosse un tableau des caractéristiques de ce renouveau de la production cinématographique allemande, s’intéresse dans les trois suivants aux facteurs qui ont permis cette production de qualité et – dans le dernier – à sa réception en France.

3 Selon P. Gras, cette absence du cinéma allemand sur les écrans français doit être attribuée en partie aux distributeurs qui hésitent devant les médiocres perspectives de commercialisation. C’est pourquoi il étudie le rôle déterminant de la société X-Filme pour produire et diffuser un nouveau type de films. Elle aurait, en effet, compris qu’il lui fallait s’adapter au public urbain, jeune et assez cultivé de l’Allemagne réunifiée en réalisant de longs métrages à budget moyen de jeunes cinéastes. Pour mieux toucher ce public, il fallait innover quant aux thématiques, favoriser l’émergence de cinéastes de talent, pérenniser les plus anciens et porter un regard différent sur le sens de l’histoire.

4 Une dizaine des cinéastes étudiés dans cet ouvrage appartiennent à « l’école de Berlin » et à la « nouvelle vague allemande ». Les critiques mettent en avant leur volonté commune de traiter en priorité des sujets contemporains très variés avec une approche originale. Leur point commun est de refuser de s’inscrire dans les codes du cinéma allemand commercial et d’affirmer leur volonté de différenciation : la lenteur du rythme de leurs films, l’observation de la vie quotidienne, l’utilisation du son direct, le jeu assez neutre des acteurs. Ils ne réalisent pas de films véritablement politiques, mais se sentent très impliqués dans la volonté « de redonner une image de l’Allemagne » (Harun Farocki).

5 Christian Petzold a commencé par réaliser des films policiers, répondant ainsi à une demande du système de production allemand et se servant quelque peu des moyens du cinéma américain. Mais dans Jerichow, il a surtout mis l’accent sur l’évolution de l’Allemagne dans de petites villes déshéritées de l’Est de l’Allemagne. Angela Schanelec, l’une des rares femmes du cinéma allemand, s’est aussi intéressée au quotidien banal de personnages évoluant dans des villes, comme en 2010 avec Orly, où se croisent dans l’aéroport des bribes d’existences, de véritables passagers évoluant à côté des acteurs. En dépit de l’échec de Ferien en 2009, Thomas Arslan s’est surtout fait connaître pour son traitement particulier des problèmes d’immigration avec – par exemple – Der schöne Tag en 2001.

6 La génération précédente connaissait toujours un certain succès depuis une quarantaine d’années. P. Gras cite notamment Bernd Eichinger qui a commencé à travailler avec le Film Verlag der Autoren dans les années 1970. Il s’est lancé dans la production avec La Chute, réalisée par Oliver Hirschbiegel, dans laquelle Hitler est incarné par l’acteur Bruno Ganz, touchant par son sérieux historique cinq millions de spectateurs allemands et un million de français. En 2005, Oskar Roehler a adapté pour Eichinger, sans grand succès, Les Particules élémentaires, le roman de Houellebecq. Mais il toucha un plus large public avec une autre adaptation de roman, celui de Süskind, Le Parfum. Quant à Harun Farocki, à la fois critique, théoricien, producteur et scénariste, il a travaillé dans un domaine plus difficile, celui du documentaire et du film-essai, effectuant un travail d’historien – comme en 2007 – dans Respite, construit à partir d’images filmées par des détenus juifs sur l’ancien camp de transit de Westerbock, d’où Anne Frank partit pour la déportation.

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7 Un festival du cinéma allemand présente des films allemands chaque année, en octobre, à Paris, parfois en avant-première. Il faut espérer que l’ouvrage de P. Gras incitera davantage de personnes à s’y rendre, leur donnant à la fois l’envie et les moyens de mieux les comprendre.

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Jean-Pierre Chassagne, Leo Perutz et le scepticisme viennois. L’ébauche d’une éthique du désenchantement Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2012 (CELEC, coll. « Les Scripturales »), 248 p.

Éric Leroy du Cardonnoy

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Jean-Pierre Chassagne, Leo Perutz et le scepticisme viennois. L’ébauche d’une éthique du désenchantement, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2012 (CELEC, coll. « Les Scripturales »), 248 p.

1 L’auteur n’en est pas à son premier ouvrage consacré à Leo Perutz : Jean-Pierre Chassagne a publié une dizaine d’articles consacrés aux nouvelles de Perutz, après sa thèse de doctorat (Université de Grenoble III, 1999) sur le scepticisme dans l’œuvre narrative de Leo Perutz identifié comme signe de la crise de la modernité viennoise, dont le présent ouvrage reprend certains chapitres, tels la fragmentation du temps ou bien encore le sacrifice de l’éthique.

2 L’ouvrage part du postulat que la liberté d’écriture de l’auteur « va de pair avec un scepticisme fondamental faisant voler en éclats toutes les certitudes identitaires, philosophiques et éthiques » (p. 14). Au-delà des études désormais classiques consacrées au fantastique ou à l’analyse narratologique et transtextuelle des textes de Leo Perutz, Jean-Pierre Chassagne traite les romans historiques de ce dernier comme des romans de l’échec en s’appuyant sur Nietzsche et sa pensée de l’histoire dans la Seconde Intempestive comme matrice d’analyse de départ : Nietzsche s’inscrit contre histoire monumentale et la figure du héros qu’il analyse tous les deux comme des pièges. Le temps (au niveau individuel et historique), l’éthique, l’humain sont les trois moments de cet ouvrage qui passe au crible plus d’une dizaine d’ouvrages de Leo Perutz en les replaçant dans le contexte culturel de la fin-de-siècle et de l’Entre-deux-guerres

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viennois. L’auteur montre très bien que le scepticisme perutzien à l’égard de l’identité, du langage et des valeurs ne va pas jusqu’à un nihilisme total, car Perutz croit en l’amour de la vie et au respect de l’Humain tout en s’inscrivant contre une vision téléologique de progrès de l’humanité. Perutz prend en compte une conception de la prose narrative fondée sur une position polyperspectiviste, la crise du langage dans la lignée de Mauthner, Hofmannsthal, Kraus et Wittgenstein qui remet en cause la conception d’un langage qui ne serait que pur reflet de la réalité. Et Jean-Pierre Chassagne interprète la démarche adoptée par Perutz comme un cheminement vers un humanisme de la désillusion et une éthique nouvelle fondée sur l’Éros. Proche en ce sens de Freud dans ses derniers écrits, Perutz ne peut donner une réponse claire et définitive aux questions qu’il pose, et cela explique que les textes narratifs aboutissent au silence, l’auteur se refusant de choisir entre Éros et Thanatos.

3 Le roman et la nouvelle historiques sont présentés comme le laboratoire d’une déconstruction de la norme du genre et la remise en cause du discours scientifique : « Perutz délimite le territoire de l’imaginaire comme espace de résistance à toute rationalisation réductrice. » (p. 185), position qui se traduit très clairement dans le plaisir incontestable de la narration et la jubilation de son écriture. Autrement dit, Perutz ne se pose pas seulement contre, il manifeste l’importance primordiale du récit dans la construction de l’identité tant individuelle que collective, récit qui ne peut se réaliser que dans la narration. Jean-Pierre Chassagne nous livre des analyses très pertinentes et éclairantes des textes étudiés, prenant toujours soin de réinsérer l’auteur dans son contexte historique pour souligner notamment l’importance de la conception judaïque du divin, les courants de pensée qui agitèrent la modernité viennoise, et dont Perutz serait en quelque sorte le sismographe.

4 Si l’on considère les ouvrages mentionnés comme des fictions, et c’est ce que fait Jean- Pierre Chassagne, le fait de recourir à des affirmations de l’écrivain sur sa conception romanesque pour justifier ce qui se passe, ou non, dans la diégèse, pose problème. Ou pour le formuler plus simplement : la question de l’éventuelle référentialité de la fiction romanesque est-elle un critère d’analyse pertinent quant à l’illusion d’authenticité visée par Perutz à travers le roman historique ? Enfin la question se pose tout de même de savoir pour quelles raisons à la fin de son étude Jean-Pierre Chassagne dénie à Perutz la qualité de représentant, parmi d’autres, et selon des formes qui lui sont idiosyncratiques, de la postmodernité sur la seule base de son « écriture classique et de son humanisme désabusé » (p. 230). En effet les principales caractéristiques qu’il relève de l’écriture perutzienne semblent très clairement s’inscrire dans un schéma postmoderne : le refus de la référence à la raison comme schème explicatif, un nouveau rapport au temps et une fragilisation de l’identité tant du sujet que du collectif. Une telle perspective aurait peut-être donné un souffle plus ample à l’ouvrage en replaçant l’auteur dans un mouvement proprement européen, voire mondial. Les critères tels que l’instrumentalisation de l’éthique, la mise en avant de la surface au détriment de la profondeur, le côté ludique et l’absence de foi dans la mission rédemptrice du roman semblent des traits caractéristiques qui se retrouvent au-delà de la stricte sphère culturelle viennoise ; même si Perutz ne peut être considéré comme un auteur postmoderne, son écriture semble le placer dans une position charnière entre modernité et postmodernité. Quelques éclaircissements à ce propos auraient été les bienvenus.

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5 Enfin, on regrettera pour terminer l’oscillation entre l’orthographe allemande et française pour le nom de certains personnages (p. 32 et 33 par exemple) ainsi que l’absence des dates de publication des ouvrages, qui ne sont pas indiquées systématiquement, ce qui ne permet pas de reconstruire une évolution éventuelle de la pensée de Perutz à un lecteur non averti, ce qui est bien dommage au vu des qualités d’ensemble de l’ouvrage.

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