La Sésie Du Millepertuis, Chamaesphecia Nigrifrons (Le Cerf, 1911), Première Observation En Seine-Saint-Denis À Montfermeil (Lep
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32 RÉGIONS oreina n° 29 – mars 2015 La Sésie du Millepertuis, Chamaesphecia nigrifrons (Le Cerf, 1911), première observation en Seine-Saint-Denis à Montfermeil (Lep. Sesiidae) ● Marie-andré Lantz Résumé : La Sésie du Millepertuis Chamaesphecia nigri- sition (ensoleillement, hygrométrie, variations extrêmes sont invisibles, ce qui rend difficile l’observation de ces frons (Le Cerf, 1911) vient d’être découverte par l’auteur de température...), les possibles dates d’émergence, insectes. L’attraction aux phéromones peut s’avérer un dans une nouvelle station francilienne du département de la durée de vie de l’adulte quand on ne peut trouver bon moyen de les attirer. Mais, il n’existe pas une phé- la Seine-Saint-Denis où elle n’avait pas encore été réper- facilement les larves ou les chenilles, les périodes de romone de synthèse spécifique à chaque espèce et un toriée. L’auteur récapitule les stations françaises actuel- vol dans une journée ou une nuit, les prédateurs, etc. certain nombre d’entre elles ne sont pas attirées par les lement connues où a été trouvée cette Sésie et résume A ces divers paramètres liés à l’insecte et son milieu, phéromones de synthèse existantes. quelques observations de plusieurs auteurs relatives aux il faut aussi ajouter le paramètre « entomologiste ». La Sésie du Millepertuis a été capturée au moulin du méthodes de recherche des imagos ou des chenilles. Pour inventorier un insecte, il faut un observateur ! Sempin (fig. 1) dans le cadre d’un inventaire pour l’as- L’absence de données géographiques sur une espèce sociation « les Amis Naturalistes des Coteaux d’Avron Summary: The hypericum clearwing, Chamaesphecia n’indique pas forcément que l’insecte n’existe pas dans (ANCA) ». nigrifrons (Le Cerf, 1911) has just been observed at a une région, mais peut provenir new locality in Île-de-France, a first for the département of du fait qu’il n’y a pas eu d’ob- Seine-Saint-Denis (93). A summary is made of the known servateur ou que les observa- French localities for this clearwing together with some teurs ne se sont pas intéressés comments from several observers relative to methods of à cette espèce. finding imagines and early stages. Ce fait, relevé pour les régions ou les départements dans les- Mots-clés : Lepidoptera, Sesiidae, Chamaesphecia quels il n’y avait pas ou peu nigrifrons (Le Cerf, 1911), Sésie du Millepertuis, Île- de données (Guyadier et al., de-France, Seine-Saint-Denis, Montfermeil, Sempin, 2014), est souligné par l’OPIE, Glasflüglernachweisen, clearwing moth, phéromone. Naturparif, Noé Conserva- tion, le MNHN, l'OBDU 93 et d’autres organismes, dans le cadre du développement des près de nombreuses années (en réalité quelques se- sciences participatives qu'ils maines dans une année à certaines périodes) à m’être conduisent. intéressé aux microlépidoptères, cer- taines familles ne m’avaient pas parti- Il me semble, malgré ma très culièrement inspiré. Lorsque dans les faible expérience, que cer- 2 numéros 19 de septembre 2012 et 21 de taines Sésies ne sont pas si mars 2013 du magazine oreina figurait un rares qu’on le prétend. Les 2, Chamaesphecia nigifrons mâle, 19-V-2014, Sempin. © A. Lantz. Aappel à la constitution du groupe GIN’S imagos sont diurnes mais leur (Groupe d’inventaire national Sésies) sous la responsa- petite taille et la mécanique du bilité de Philippe Mothiron, un regain d’intérêt s’est ma- vol qu’ils adoptent font qu’ils passent souvent inaperçus Le Moulin du Sempin, situé sur la commune de Mont- nifesté pour essayer de mieux connaître cette famille de ou sont confondus avec des hyménoptères ou diptères. fermeil en Seine-Saint-Denis, est un site protégé sous lépidoptères à l’écologie particulière. Cela fait maintenant Les chenilles se nourrissant de racines, tiges ou troncs la responsabilité de l’ANCA. Gérard Brusseaux et Michel environ deux ans que je re- Jacquin avaient réalisé un inventaire en 1996 sur les cherche plus activement Coteaux d’Avron dont le biotope est voisin de celui de les imagos de sésies. Cette 1, le biotope du Sempin ; on peut voir les hangars de l’aérodrome de Montfermeil, mais à ma connaissance, il n’y a pas eu de première contribution porte Chelles-Le Pin en contrebas. publication concernant un inventaire entomologique sur le sur une espèce réputée plateau calcaire de Montfermeil. rare, la Sésie du Milleper- Comme les autres plateaux ou buttes calcaires de Seine- tuis Chamaesphecia nigri- Saint-Denis, celui de Montfermeil date du Stampien. Le frons (Le Cerf, 1911). site du moulin du Sempin se trouve à quelques mètres de la commune de Chelles située dans le département Avant de rentrer dans le de la Seine-et-Marne. Un ancien moulin avait été érigé vif du sujet, je voudrais sur cette colline en 1740. Reconstruit à l’identique à ici attirer l’attention sur la proximité, un nouveau moulin veille maintenant sur ce site notion de « rareté » d’une depuis 1988. Son appellation provient du nom des an- espèce. Beaucoup de ciennes carrières de gypse. Il y a continuité géologique, facteurs doivent être pris floristique et faunistique entre ces deux communes de en compte : la biologie de l’est parisien. Les carrières du Sempin classées ZNIEFF l’insecte, la nourriture de la n° 24 sont situées sur les territoires des communes de chenille ou de la larve (po- lyphage ou monophage), la nourriture de l’adulte, la 1 nature du sol et son expo- 1. Office départemental de Biodiversité urbaine de Seine-Saint-Denis. oreina n° 29 – mars 2015 RÉGIONS 33 Montfermeil et de Chelles. La distance qui sépare le site cette détermination en étudiant du Sempin de Vaires-sur-Marne où Patrice Leraut a ob- le spécimen récolté et étalé. servé en 1999 C. nigrifrons n’est que de 5 km. Le site du En effet, les caractères distinc- Sempin est constitué de pelouses marneuses calcaires. tifs indiqués dans l'ouvrage de Dans les années 1990, il existait dans les anciennes car- A. Laštůvka et al. (2001), entre rières de Montfermeil une surface d’environ 5 hectares de les deux espèces sont nets prairies marneuses. Lors de leur comblement, l’ANCA a sur ce spécimen. L'envergure réussi à obtenir qu’une partie typique de ces milieux soit alaire est de 16 mm donc de "déplaquée" à coup de bulldozer. Le site receveur était taille assez grande dans la une parcelle déjà comblée et recouverte d’une banquette fourchette de 9 à 18 mm don- de marnes blanches. Il s’agissait d’une mesure compen- née par Laštůvka. Les palpes satoire inédite à la destruction de cette ZNIEFF et au bio- labiaux sont blancs ventrale- tope de 2 espèces protégées, le Grillon italien et la Mante ment à la base puis recouverts religieuse. Au final, en 1995, seuls 1200 m² contenant les d'un semis d'écailles jaunâtres parties vraiment les plus typiques de la végétation ont sur la partie médiane et noires été déplacés. à l'apex. Le tibia noir de la troisième paire de pattes se Le 19 mai 2014, j’étais venu sur ce site pour, d’une part, termine par un apex blanc jau- vérifier si la population d’Azurés des Cytises Glaucopsy- nâtre bien marqué. che alexis (Poda, 1761) présente l’année précédente En revenant plusieurs fois sur n’avait pas disparue et, d’autre part, photographier les le site au début juin et en juillet, 3 imagos qui pourraient venir butiner les Lotiers en ce jour j'ai essayé d'attirer séparément ensoleillé. d'éventuels imagos de la Sésie 3, Chamaesphecia nigrifrons mâle, 19-V-2014, Sempin. © A. Lantz. C’est en attendant les Azurés, apparus un peu plus tard, du Millepertuis et de la Sésie de que j’ai eu la chance de voir se poser vers 11 h 40, à l'Origan au moyen des phéro- quelques mètres, une petite Sésie que je ne connaissais mones d'attraction respectives TIP 2 (pour Synanthedon imagos de la sésie du Millepertuis en Saône-et-Loire 3 pas. Ne voulant pas rater ce spécimen, j’ai posé mon tipuliformis) et VESP (pour S. vespiformis) mais sans (comm. pers.). Bakowski et al. font remarquer que dans le appareil photo pour récupérer le filet afin de capturer succès. sud-est de la Pologne, les adultes ont été obtenus à partir l’insecte. Il n’a pas été très difficile d’établir le genre Cha- Les phéromones d'attraction TIP et FOR (pour Synanthe- des chenilles vivant sur le Millepertuis perforé ou Herbe maesphecia, mais la détermination de l’espèce a été un don formicaeformis) ont été utilisées pour C. nigrifrons de la Saint-Jean (Hypericum perforatum L., 1753)4. Cette peu plus délicate. J’ai hésité entre la Sésie du Milleper- sans résultats par Bakowski et al., 2010. Une phéromone plante, dans les stations où les larves ont été récoltées, tuis et celle de l’Origan Chamaesphecia aerifrons (Zeller, spécifique pour C. nigrifrons (nigri-6) n'a pu attirer qu'un se trouve en association avec le Chiendent rampant ou 1857) qui lui ressemble. Les deux plantes nourricières seul mâle. Pühringer en 2000 a utilisé en Autriche nigri-4 Chiendent commun (Elytrigia repens (L.) Desv. ex Nev- des chenilles sont communes et se trouvent à proximité et nigri-5 et a pu attirer 9 mâles entre 11 h 29 et 12 h ski, 1934) 5. de l’emplacement où s’est posé l’imago. Daniel MoreL qui 50. Ces médiocres résultats d'obtention de l'imago par De plus, les stations où le Millepertuis était consommé a élevé la sésie du Millepertuis a considéré d’après une les phéromones ont conduit Bakowski à préconiser la re- par les chenilles devaient être bien ensoleillées d'une part photo de l’insecte que l’habitus semblait plus proche de cherche des plantes attaquées en période automnale ou et abritées des vents d'autre part.