Academie Des Sciences D'albanie
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ACADÉMIE DES SCIENCES D’ALBANIE SECTION DES SCIENCES SOCIALES STUDIA ALBANICA 1-2 Le Année 2013 STUDIA ALBANICA _______ Conseil de Rédaction : Seit MANSAKU (Rédacteur en chef) Muzafer KORKUTI (Rédacteur en chef adjoint) Arben LESKAJ (Secrétaire scientifique) Francesco ALTIMARI Jorgo BULO Emin RIZA Shaban SINANI Marenglen VERLI Pëllumb XHUFI © 2013, Académie des Sciences d’Albanie ISSN 0585-5047 Académie des Sciences d’Albanie Section des Sciences sociales 7, place Fan S. Noli AL-1000 Tirana STUDIA ALBANICA 2013/1-2 Pëllumb XHUFI SKANDERBEG ET ALPHONSE V DE NAPLES : VASSALITÉ OU ALLIANCE ? La figure de Georges Kastriote-Skanderbeg continue, à distance de plus de 500 ans, à attirer l’intérêt des médiévistes, dont la plupart, au fur et à mesure que s’étend la base documentaire, s’accordent à définir le héros albanais comme une figure centrale de l’affrontement entre l’Occident chrétien et la nouvelle puissance ottomane au milieu du XVe siècle, comme le chef d’une insurrection et d’une épopée panalbanaise et comme le fondateur d’un vrai État albanais au Moyen-âge. On compte entre eux d’éminents historiens albanais, en commençant par Fan S. Noli et A. Gegaj jusqu’aux plus récents comme A. Buda, K. Frashëri et K. Biçoku1. Mais des positions semblables sont également adoptées par des noms illustres de l’historiographie européenne tels que J. Ph. Fallmerayer, J. G. von Hahn, F. Babinger, G. Ostrogorsky, R. Cessi, F. Pall, A. Ducellier, etc.2 Contrairement à ceux-ci, l’historien O. J. Schmitt, a voulu 1 “Gjergj Kastrioti Skënderbeu (1405 -1468)”, in Fan Noli, Vepra, vol. 4, Tirana, 1989 ; Athanas Gegaj, L’Albanie et l’invasion turque au XVe siècle, Paris (Louzain), 1937 ; Aleks Buda, “Georges Kastriote-Skanderbeg et son époque”, in Deuxième Conférence des Études Albanologiques, Tirana 12-18 janvier 1968, Tirana, 1969, p. 19-50 ; Kristo Frashëri, Skënderbeu. Jeta dhe vepra, Tirana, “Toena”, 2002, p. 308-316 ; Kasem Biçoku, Për Skënderbeun, Tiranë, “Botimpex”, 2005, p. 302-315. 2 Jacob Ph. Fallmerayer, Das Albanische Element in Griechenland, III. Abteilung. Abhandlungen der königlich-bayerischen Akademie der Wissenschaften, Historische Classe, vol. 9, Abteilung 1, München, 1860 ; Johan G. von Hahn, Albanesische Studien, Jena, “F. Mauke Verlag”, 1854, p. 326-327 ; Franz Babinger, Maometto il Conquistatore e il suo tempo, Torino, “Einaudi”, 1967 ; F. Babinger, “Arianit Komneni, vjehrri i Skënderbeut”, in Konferenca e Parë e Studimeve Albanologjike, Tiranë, 15-21 nëndor 1962, Universiteti Shtetëror i Tiranës, Tiranë, 1965, p. 476-485 ; Georg Ostrogorsky, Storia dell’Impero bizantino, Torino, “Einaudi”, 1968, p. 504-505 ; Roberto Cessi, Storia della Repubblica di Venezia, vol. I, Milano, “Principato Ed.”, 1968, p. 408 (“ L’onore di impedire al Turco 4 Pëllumb Xhufi dernièrement voir l’épopée de Skanderbeg comme une guerre à caractère limité et local, inspirée des simples motifs égoïstes et rancuniers de son chef, qui a été en tant que telle inutile, ravageant l’Albanie et déterminant négativement son histoire ultérieure3. Il faudrait noter que les idées de Schmitt qui ont exaspéré l’opinion scientifique et extrascientifique en Albanie et à l’étranger, sont une reproduction telle quelle de certains jugements épisodiques portés sur Skanderbeg déjà au XVIIIe siècle par l’historien anglais Edward Gibbon, que Schmitt, à notre grand étonnement, ne cite jamais4. Il est toutefois important de préciser le cadre de l’œuvre et du rôle historique de Georges Kastriote-Skanderbeg ainsi que d’autres variables directement liées à ces derniers comme, dans notre cas, celle des relations internationales de Skanderbeg et, plus spécialement, des rapports avec le Royaume de Naples. Au milieu du XVe siècle, de liens étroits ont été établis entre Georges Kastriote-Skanderbeg et Alphonse V d’Aragon et de Naples5. Ces rapports étaient fondés aussi bien sur l’intérêt commun l’accesso all’Adriatico e la temuta invasione della penisola era lasciato all’eroismo nazionale albanese: ne era ispiratore Giovanni Castriota-Skanderbeg”) ; Francisco Pall, “I rapporti italo-albanesi intorno alla metà del secolo XV”, in Archivio Storico per le Province Napoletane, III serie, vol. 4 (1965), p. 123 -150 ; F. Pall, “Skanderbeg et Janco de Hunedoara”, in Deuxième Conférence des Études Albanologiques, Tirana, 1969, p. 87-104 ; Peter F. Sugar, Southeastern Europe under Ottoman rule, 1354-1808, éd. en albanais, Tirana, “Dituria”, 2007, p. 74-75 ; Alain Ducellier, “La façade maritime de la principauté des Kastriote de la fin du XIVe siècle à la mort de Skanderbeg”, in Deuxième Conférence des Études Albanologiques, Tirana, 1969, p. 143-163 ; A. Ducellier, Byzance et le monde orthodoxe, Paris, “Armand Coplin”, 1986, p. 435. 3 Oliver J. Schmitt, Skënderbeu, Tirana, “K&B”, 2008, p. 457-478 ; O. J. Schmitt, “Skanderbeg-eine Reinterpretation”, in The Living Skanderbeg: The Albanian Hero between Myth and History, éd. Monica Genesin, J. Matzinger, G. Vallone, Hamburg, “Verlag Dr. Kovač”, 2010, p. 237-244. 4 Edward Gibbon, Decadenza e caduta dell’impero romano, vol. VI, Roma, “Newton Compton”, 1973, p. 510-513. Voir aussi à ce même sujet : Nicola Jorga, Brève histoire de l’Albanie et du peuple albanais, Bucarest, 1919, p. 45 ; William L. Langer, An Encyclopedia of World History, Boston, 1940, p. 332 ; David Abulafia, I regni del Mediterraneo occidentale dal 1200 al 1500, Bari, 1999, p. 222. 5 Voir : C. Marinescu, “Alphonse V, roi d’Aragon et de Naples et l’Albanie de Scanderbeg”, in Mélanges de l’École Roumaine, Paris (Gamber), 1923 ; F. Cerone, “La politica orientale di Alfonso di Aragona”, in Archivio Storico per le Skanderbeg et Alphonse V de Naples : vassalité ou alliance ? 5 de faire face à l’invasion ottomane que sur la conscience des rapports historiques qui avaient existé entre les souverains de l’Italie méridionale et le pays de l’Arbanon. L’historiographie albanaise et celle étrangère ont longtemps débattu sur la nature de ce rapport entre Alphonse de Naples et Georges Kastriote-Skanderbeg. Néanmoins, aujourd’hui encore, nombreux sont ceux qui reviennent sur la question : s’agissait-il de rapports entre seigneur et vassal ou de rapports d’alliance et de collaboration entre souverains ? Tout en penchant résolument en faveur de cette dernière option, nous voudrions avancer par la même occasion quelques arguments supplémentaires. En effet, Skanderbeg est devenu en quelque sorte un vassal de Naples. En 1464, en signe de reconnaissance pour l’aide que Skanderbeg lui avait apportée dans les années 1460-1461 contre les nobles du groupement angevin6, le roi Ferrante lui a fait don des fiefs de San Giovanni Rotondo et de Monte Sant’Angelo dans le massif du Gargano. Le 14 avril 1464, entre Skanderbeg et le roi Ferrante de Naples il a été conclu un contrat féodal qui s’est couronné d’une cérémonie de serment et d’hommage féodal7. Kastriote devenait ainsi de jure un vassal du roi. L’octroi du fief et la cérémonie successive du serment et de l’hommage féodal ont été accomplis selon toutes les règles du droit féodal. Ce n’est pas par hasard que le contrat mentionne nommément Charles Ier et Charles II d’Anjou8. Les Anjou avaient été et continuaient d’être les ennemis les plus féroces de la maison d’Aragon et, en tant que tels, ils allaient mériter une damnatio Province Napoletane 27/28 (1902) ; F. Pall , “Renseignements inédits sur la participation albanaise à la guerre de Naples (1459 -1463)”, in Actes du premier Congrès International d’Études Balkaniques et Sud-Est Européennes, vol. 3 (Histoire), Bucarest, 1966, p. 469-475 ; O. J. Schmitt, Skënderbeu, p. 279-314. 6 “ita rebus nostris ac partibus favit ut merito sua virtute solus effectus ut nostre operate victorie retributionem condignam ac pro impensis servitiis, gratitudinem nostram erga eum ostendere omnino debeamus”, Gennaro M. Monti, La spedizione in Puglia di Giorgio Castriota Scanderbeg, Bari, 1940, p. 34. 7 “Illustris Dominus Georgius Castrioti dictus Scanderbech Albanie dominus ac factus novus dominus terrarum Montis Sancti Angeli et Sancti Joannis Rotundi personaliter prestitit in manibus domini Regis in forma sollemni et consueta ligium homagium et fidelitatis debite servande sacramentum”, voir : G. M. Monti, La spedizione in Puglia, p. 34-35. 8 Ibid., p. 35. 6 Pëllumb Xhufi memoriae. Cependant les Anjou, et notamment Charles Ier et Charles II, bénéficiaient de deux avantages que l’on ne pouvait pas ignorer dans le cas concret : c’était à eux il avait incombé d’établir définitivement le droit féodal du Royaume de Naples9 et d’être en même temps les précurseurs de la création d’un lien stable entre les deux côtes de l’Adriatique10. Il semble ainsi que l’entente féodale du 14 avril 1464 a fait de Skanderbeg un vrai vassal du roi Ferrante. Le mécanisme qui a rendu possible le passage à ce nouveau statut était le don des fiefs de San Giovanni Rotondo et de Sant’Angelo. Cependant, jusqu’à ce jour personne n’a mis en évidence le fait que ce rapport féodal entre Skanderbeg et Ferrante n’était valable que sur le seul territoire du Royaume de Naples. Le bénéficiaire du fief, Skanderbeg, était un vassal du concédant du fief, Ferrante, et son obligé seulement à l’intérieur du territoire napolitain. Rappelons, par analogie, le cas des rois d’Angleterre qui étaient les possesseurs du fief d’Aquitaine et considérés à ce titre comme des vassaux du roi de France, mais, bien entendu, seulement lorsqu’il leur arrivait de se trouver en territoire français11. Cependant, en Albanie, il y avait un autre rapport entre Skanderbeg et Ferrante. Skanderbeg n’y était pas au rôle d’un vassal féodal par rapport au roi de Naples. D’autre part, le contrat féodal de l’an 1464 n’impliquait pas Skanderbeg en tant que dominus Albaniae, mais simplement sa personne et sa famille.