Collection «Documents Lorrains»

LA DRÔLE DE GUERRE EN 1939 - 1940

Tome 1 3 septembre 1939 - 10 mai 1940 Tous droits de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays @ Editions PIERRON - 1983

Imprimerie Pierron 4, rue Gutenberg - 57206 10/1983 - Dépôt légal 10/1983 ISBN : 2-7085-0019-8 N° 447 Henri HIEGEL

Professeur et Archiviste honoraire

LA DRÔLE DE GUERRE EN MOSELLE 1939 - 1940

Tome 1 3 septembre 1939 - 10 mai 1940

EDITIONS PIERRON Du même auteur

— La ville et la châtellenie de Sarreguemines, de 1335 à 1630 Nancy, éd. Berger-Levrault, 1934, 543 p. — épuisé

— La , terre française de l'est Sarreguemines, éd. Marcel Pierron, 1945, 30 p. — épuisé

— Le Bailliage d'Allemagne de 1600 à 1632, T. 1 Sarreguemines, 1961, 310 p. T. II (en collaboration avec Charles Hiegel) Sarreguemines, 1968, 271 p. (chez l'auteur, Rue Clemenceau 47, Sarreguemines 57200)

et son église (en collaboration), 1964, 32 p. — épuisé

— La paroisse Saint-Nicolas de Sarreguemines, 1969, 162 p. (à commander au presbytère Saint-Nicolas de Sarreguemines)

— Sarreguemines, principale ville de l'Est Mosellan, Sarreguemines, Imprimerie Sarregueminoise, 1972, 136 p. — épuisé A la mémoire de nos maîtres de l'Université de Nancy, les historiens Robert Parisot (1860-1930) (1), André Gain (1897-1977) (2), Félix Grat (1898- 1940) (3) et Emile Duvernoy (1861-1942) (4)

(1) A. Gain, Robert Parisot, son œuvre, ses idées historiques, dans Annales de l'Est, 1933, p. 9-58.

(2) H. Hiegel, L'historien lorrain André Gain, dans: Annuaire de la Société d'histoire et d'archéologie de la Lorraine, 1978, p. 5-9.

(3) Roger Bignon et Henry Chantreux, Félix Grat, député de la Mayenne. Le savant, dans: Mayenne-archéologie-histoire, n° 2, 1980, p. 109-127.

(4) Pierre Marot, Emile Duvernoy, Nancy, 1943, p. 77 Nota: Les opinions rapportées, exprimées ou défendues dans ce livre le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs. AVANT-PROPOS

Les ouvrages parus depuis 1945 sur la « Drôle de Guerre » sont nombreux et importants. Le sujet est vaste et présentait encore bien des points obscurs. Le travail de Henri Hiegel fait appel aux dernières recherches effectuées dans les archives départementales et nationales françaises et allemandes, civiles et militaires. Le fréquent parallélisme qu'il établit entre les comptes rendus français et allemands éclaire l'histoire d'une façon originale infirmant ou contredisant certains faits que les légendes qui les entouraient avaient soit ignorés, grossis ou déformés. Il fallait faire le point. Cet ouvrage peut être considéré comme la première synthèse historique de nos connaissances actuelles sur «La Drôle de Guerre », synthèse que l'historien révisera et pourra encore compléter un jour, en particulier sur l'activité de l'armée française durant cette époque dans les secteurs de à . Son essai de classification des événements en onze grands chapitres dans le Tome I et huit chapitres dans le Tome II mobilisera l'attention du lecteur. En bon historien traditionnel il cite ses nombreuses références (jusqu'à il par chapitre) faisant ainsi la part des opinions exprimées depuis 1945 par de nombreux auteurs, tout en précisant la sienne, sur les thèmes exposés. Il laisse ainsi au lecteur la possibilité de juger lui-même des événements datant aujourd'hui de près de 43 ans. Et si le lecteur a lui-même vécu cette histoire, il pourra en contrôler l'exactitude et souvent il pourra même, enfin, la comprendre. Car chacun saura, après la publication de ce livre, que cette « drôle de guerre » ne l'a été que pour ceux qui n'y étaient pas, ou l'ont entrevu de loin, juste assez, peut-être, pour seulement la critiquer. Ils en ont souvent ignoré les grandeurs et les misères aussi. Le détail des 50 chapitres est assez éloquent par lui-même sans qu'un commentaire ne soit nécessaire. Limitons- nous cependant à rappeler quelques points forts, très peu compris depuis 1940, nous les citons, le livre vous en dira davantage : L'espionnage dans la Ligne Maginot pendant la construction par suite de l'emploi massif d'une main- d'œuvre étrangère, même allemande, les événements politiques en particulier autonomistes durant cette période, l'évacuation de la population, la « récupération » par certains, le pillage des maisons et des usines, la propagande politique allemande auprès des populations lorraines, les activités militaires héroïques des «Commandos s. De nombreuses cartes, fort bien faites, situent villes et villages lorrains, petits et gros ouvrages de la Ligne Maginot. Il ne faut pas oublier que si cette « Drôle de Guerre » s'étendait de Wissembourg à Bitche et de Wissembourg à Bâle, c'est surtout en Lorraine qu'elle se déroula et que les Lorrains-Mosellans en furent les principaux acteurs ou témoins oculaires avec les 600 000 soldats venus de toute la . Officiers et soldats des armées de l'est, ce sont votre héroïsme et vos souffrances et les grandes misères des populations civiles que Henri Hiegel vous rappellent dans ce livre afin que nul n'oublie. Dites-nous si vous nous félicitez d'avoir édité ce livre pour vous.

L'Editeur. CHAPITRE PREMIER

La situation du département de la Moselle en août 1939

1. L'administration et la justice

Situé au N.E. de la France et en bordure du et de l'Allemagne, le département de la Moselle avait une superficie de 6 227 km2, alors que celle de la France était de 550 985 kM2. Il se composait des neuf arrondissements de Boulay, Château-Salins, , -Campagne, Metz-Ville, , Sarreguemines, -Est, Thionville-Ouest, de 36 cantons, de 764 com- munes et de près de 900 écarts (1).

Depuis le 10 mars 1939 le préfet Charles Bourrat dirigeait l'administration départementale. En entrant en fonction, il assura tous les maires de son désir de collaboration mutuelle et confiante et du souci qui l'animait de se pencher toujours avec autant de bienveillance que d'intérêt sur les problèmes à sou- mettre. En retour il demanda leur concours diligent et dévoué pour la plus grande utilité de la vie administrative et l'intérêt des populations mosellanes. Peu expansif, il ne semble pas avoir maîtrisé les multiples difficultés qui se présentèrent à son «grand département» jusqu'à sa destitution le 18 juin 1940 par les Allemands, notamment en ce qui concerne la préparation du plan d'évacuation de la zone rouge de la Ligne Maginot qu'il confia à l'un de ses chefs de division.

Etienne Jung, de Petite-Rosselle, était sous-préfet de Boulay, André Tri- bouillet, celui de Château-Salins, Léon Armand, celui de Forbach, Jean Ducasse, celui de Sarrebourg, Jean Lalanne, celui de Sarreguemines et Albert Durocher, celui de Thionville (2).

Metz était le siège d'une chambre détachée de la Cour d'appel de Colmar et d'une Cour d'assises. Des tribunaux de première instance se trouvaient à Metz, Sarreguemines et Thionville. Les communes de et Philipps- bourg faisaient partie du tribunal de première instance de et l'arrondissement de Sarrebourg, de celui de Saverne. Le tribunal de première instance de Metz comprenait les tribunaux cantonaux d'Ars-sur-Moselle, Boulay, , Château-Salins, Delme, , Metz, , Rémilly, et Vic-sur-Seille, le tribunal de première instance de Sarre- guemines, ceux d', Bitche, , Forbach, , Rohrbach, , Sarreguemines et Saint-Avold, le tribunal de première instance de Saverne, ceux de Fénétrange, , et Sarrebourg et le tribunal de première instance de Thionville, ceux d'Audun-le-Tiche, , Sierck-les.-Bains et Thionville. Les établissements pénitentiaires étaient la prison départementale de Metz et les prisons régionales de Sarregue- mines et de Thionville. Des commissariats de police existaient à Metz, Amné- ville, Basse-, , Forbach, Freyming, , , L'Hôpital, Merlebach, Moyeuvre-Grande, Petite-Rosselle, Rombas, Saint- Avold, Sarrebourg, Sarreguemines, Stiring-Wendel et Thionville et des com- missariats spéciaux de police (Renseignements généraux) à Metz, Boulay, For- bach, Sarreguemines et Thionville (3).

2. L'organisation militaire

Le département était réparti dans deux régions militaires, la 6e et la 20e. De la 6e Région, commandée par le général-gouverneur militaire de Metz Lucien Loizeau, dépendaient les arrondissements de Metz-Ville et Campagne, de Thionville et de Boulay. Metz était devenu le siège d'une forte garnison, com- posée de 13 régiments d'infanterie, d'artillerie et du génie, de deux escadrons de train, d'un parc d'artillerie, de deux directions du génie, d'une direction de l'intendance, d'un hôpital militaire et d'un tribunal militaire. La garnison de Thionville se composait de cinq régiments, d'un hôpital militaire et de deux chefferies du génie et des travaux de fortification et celle de Boulay, d'un régi- ment d'infanterie et d'une chefferie des travaux de fortification.

La 6e Région militaire comprenait d'abord des unités et organes du temps de paix. L'état-major de la Région fortifiée de Metz résidait à Metz. Le 168e régiment d'infanterie de forteresse, défendant le secteur fortifié de Thionville, était stationné à Thionville et des détachements à , et . Le 162e R.I.F., défendant le S.F. de Boulay, était en garnison à Metz et des détachements à Bockange et Boulay. Le S.F. de Faulquemont était défendu par le 146e R.I.F. de Metz, avec des détachements à Ban-Saint-Jean, annexe de , à et Téting. L'artillerie de la R.F. de Metz com- prenait le 39e régiment d'artillerie à Metz, le 46e R.A. à Thionville et le 151e R.A. à Thionville avec des détachements à Angevillers et Elzange, et le 163e R.A. à Metz. Le génie de la R.F. de Metz se trouvait à Metz.

Les divisions et les régiments, stationnés dans le département de la Moselle, étaient : le 80e R.I. de la 42e D.I. à Metz avec un détachement à Thionville, le 151e R.I. de la même division à Metz, le 61e R.A. de la même division à Metz, le 13e régiment de tirailleurs algériens à Metz avec un détachement à Thion- ville. Les éléments non endivisionnés comprenaient le 1er groupement de cavalerie à Metz, le 30e régiment de dragons à Metz, la 3e brigade de chars de combat à Metz, le 507e régiment de chars de combat à Metz, le 402e R.A. de D.C.A. à Metz, le 2e régiment du génie à Metz, un détachement du 18e régi- ment du génie à Metz, le 6e escadron régional du train à Metz et le 122e esca- dron automobile de régiment de génie. Les centres mobilisateurs étaient le C.M. d'infanterie n° 61 à Thionville, le C.M. d'infanterie n° 66 à Metz avec un détachement à Zimming, le C.M. d'infanterie à Metz avec un détachement à Bockange, le C.M. de chars n° 507 à Metz, un détachement du C.M. de cavalerie n° 26 à Metz, le C.M. d'artillerie n° 46 à Metz, le C.M. d'artillerie n° 206 à Thionville avec un détachement à Metz, le C.M. d'artillerie n° 406 à Metz, le C.M. du génie n° 2 à Metz et le C.M. du train n° 6 à Metz.

En outre la 6e Région comprenait des unités et organes de formation de corps d'armée, de secteurs fortifiés, de divisions et de réserve générale. Les unités de secteurs fortifiés étaient les 156e et 160e R.I.F. et le I/460e régiment de pionniers pour le S.F. de Faulquemont, les 162e et 164e R.I.F. et le II/460e du régiment de pionniers pour le S.F. de Boulay, les 167e et 169e R.I.F. et le III/460e régiment de pionniers pour le S.F. de Thionville, les 23e et 153e R.A. à Boulay, le 70e R.A. à Thionville, le 221e bataillon du génie à Metz, le 201e bataillon à Faulquemont, le 202e bataillon à Boulay et le. 203e bataillon à Thionville. A Metz-Frescaty était établie une base d'aviation (4).

De la 20e Région dont le siège était à Nancy, dépendaient les arrondisse- ments de Château-Salins, Sarrebourg, Sarreguemines et Forbach. Deux régi- ments d'infanterie et une partie d'un escadron de train étaient stationnés à Bit- che, deux régiments, comprenant 2 700 hommes, à Sarrebourg, un régiment, à Saint-Avold, un régiment, à Sarralbe et un escadron de train, à Dieuze. De petits détachements militaires assuraient la sécurité frontalière à Forbach et Sarreguemines. En août 1936 le 3e groupe d'escadron du 3e hussards remplaça à Sarreguemines le 30e bataillon de chasseurs. Un bureau de recrutement, une chefferie du génie et une intendance d'armée existaient à Sarrebourg, une chefferie du génie et une intendance, à Bitche. Le camp de Bitche avait une superficie de 3 500 ha et était fréquenté avec quelque appréhension par les sol- dats de l'active et de la réserve à cause de son isolement géographique, de son climat très dur et de la population germanophone.

Comme la 6e Région militaire, la 20e comprit d'abord les unités des régions et secteurs fortifiés. Le secteur défensif de la Sarre et la subdivision de Morhange étaient tenus par le 69e R.I.F. à Morhange, avec des détachements à Lixing-lès-Saint-Avold et Saint-Jean-Rohrbach, et le 166e R.A. à Morhange. Le 3e groupe de ce dernier régiment était détaché au S.F. de Rohrbach-lès-Bitche et stationné à Sarre-Union. La R.F. de la Lauter et le groupe de subdivision de Saverne comprenaient le S.F. de Rohrbach, dont la garnison principale se trouvait à Sarrebourg et le 153e R.I.F. était stationné à Bitche-Ville avec un détachement à Rohrbach, le S.F. des , dont la gar- nison principale et le 37e R.I.F. étaient à Bitche-Ville, le S.F. de Haguenau et le S.F. du Bas-Rhin. L'artillerie de la R.F. de la Lauter se composait du 59e R.A. à Sarrebourg et du 155e R.A. à Haguenau, avec un détachement à Bit- che. La 1 le D.I., qui couvrit de suite en septembre 1939 la frontière à Sarre- guemines, se composait du 26e R.I. à Nancy, du 170e R.I. à Rémiremont et Epinal, et de la 1ère demi-brigade de chasseurs à pied (8e, 16e et 30e B.C.P.). Le 23e régiment de tirailleurs algériens de la 4e division -africaine était stationné à Morhange et son 25e R.T.A., à Sarrebourg. Un bataillon du 41e régiment de mitrailleurs coloniaux, rattaché au S.F. de Rohrbach, se trouvait à Sarralbe et un autre, rattaché au S.D. de la Sarre, à Puttelange. La 3e bri- gade de cavalerie et le 18e régiment de chasseurs, de la 2e division de cavalerie, étaient postés à Saint-Avold. Le 125e escadron du train de réserve générale tenait garnison à Dieuze. Le centre mobilisateur d'infanterie n° 203 était à Sarrebourg avec un détachement à Bitche, le C.M. n° 204 avait un détache- ment à Rohrbach, le C.M. n° 206, de Toul, un détachement à Morhange, le C.M. d'artillerie n° 40, de Neufchâteau, un détachement à Morhange.

Enfin comme unités et organes de formation on trouvait entre autres les 154e et 165e R.I.F. et le V/400e régiment de pionniers pour le S.F. des Vosges, les 51e, 166e et 133e R.I.F. et le VII/400e régiment de pionniers pour le S.F. de Rohrbach, les 82e et 174e R.I.F. et le VIII/400e régiment de pionniers pour le S.D. de la Sarre, le 49e R.A. pour le S.D. de la Sarre, les 60e et 168e R.A. pour le S.F. des Vosges et le 150e R.A. pour le S.F. de Rohrbach. Le 3e hus- sards de Strasbourg et de Sarreguemines donna le 94e groupe de reconnais- sance de la 4e D.I.N.A. en septembre 1939 (5).

L'effectif de la compagnie de gendarmes de la Moselle fut de huit officiers et de 429 chefs de brigade et de gendarmes, renforcés par des pelotons de la garde républicaine mobile, stationnés à Sarreguemines, Forbach et . Par dédoublement de la 20e Région en janvier 1939 fut constituée théorique- ment une 10e Région militaire, comprenant le Bas-Rhin, sauf les cantons de Sarre-Union, Drulingen et Marckolsheim, et en Moselle le canton de Bitche et les villages de , , , , , Breidenbach, et , mais les événements militaires ne permirent pas sa constitution (6).

3. La vie sociale

Au recensement de 1936 la population du département était de 696 246 habitants alors que la France avait 42 113 506 habitants. L'arrondissement de Boulay comptait 49 234 habitants, celui de Château-Salins, 33 244, celui de Forbach, 112 452, celui de Metz-Ville, 83 119, celui de Metz-Campagne, 111 382, celui de Sarrebourg, 59 277, celui de Sarreguemines, 76 874, celui de Thionville-Est, 72 615 et celui de Thionville-Ouest, 98 079 (7). La population de Thionville fut de 19 034 habitants, celle de Montigny-lès-Metz, de 16 789, celle de Sarreguemines, de 16 001 dont 650 militaires, celle de Forbach, de 12 164 dont 677 militaires, celle de Stiring-Wendel, de Il 046, celle de Hayange, de 10 736, celle de Bitche, de 9 342 dont 4 873 militaires, celle de Saint-Avold, de 8 893 dont 1 643 militaires, celle de Sarralbe, de 3 897 dont 298 militaires, de Boulay, 2 611 dont 260 militaires (8). La densité du départe- ment était de 111,8 habitants au km2. Les étrangers étaient de 91 101 indivi- dus, soit 13 % de la population, dont 16 237 Allemands, 6 785 Luxembour- geois, 29 451 Italiens, 26 762 Polonais et 306 Yougoslaves (9).

Dix hôpitaux publics, tous assurés par des sœurs catholiques, existaient à

Metz, Boulay, Château-Salins, Forbach, Puttelange-aux-Lacs, Saint-Avold,

Sarrebourg, Fénétrange, Sarreguemines et Thionville. On comptait 25 hôpi- taux privés, dirigés par des religieuses et des sociétés minières et métallurgi- ques, 16 hospices, asiles, orphelinats publics et une quarantaine d'établisse- ments et d'oeuvres privés de bienfaisance, dont l'hospice israélite de Metz, le foyer des jeunes ouvriers de Metz, ainsi qu'une soixantaine de bureaux de bienfaisance (10).

4. La vie religieuse et intellectuelle

Le diocèse de Metz était dirigé par Mgr Joseph Heintz (1886-1958), né de parents alsaciens, des optants, à Reims (11). Il succéda en 1938 à Mgr J.-B. Pelt (12), qui lui-même avait remplacé Mgr Willibrord Benzler, expulsé en 1919 dans des conditions très critiquables (13). Le 1er janvier 1939 le diocèse de Metz comprenait 59 paroisses, 589 succursales et 128 vicariats, desservis par 880 prêtres séculiers, quinze ordres ou congrégations d'hommes, dispo- sant de 31 établissements (dix couvents, six résidences, treize collèges et écoles, un ermitage et un hôpital) et 32 communautés de femmes, se vouant à la prière, à l'enseignement et surtout à l'assistance hospitalière (14).

L'Eglise réformée, qui dépendait du Conseil synodal de l'Eglise réformée d' et qui était dirigée par un consistoire de pasteurs et de laïcs, disposait de trois paroisses et d'un vicariat à Metz, de paroisses à Boulay, Ars-sur- Moselle, Courcelles-Chaussy, Rombas-Amnéville, Hagondange, Sarrebourg, Avricourt, , , Thionville, Basse-Yutz, Audun-le-Tiche, Hayange, , et Moyeuvre-Grande et de vicariats à Hettange- Grande et , avec 26 pasteurs. L'Eglise de la Confession d'Augsbourg, qui dépendait de la Confession d'Augsbourg d'Alsace-Lorraine, avait des paroisses à Metz, , Forbach, Saint-Avold, L'Hôpital, Sarralbe, Morhange, Fénétrange, , , Phalsbourg, Sarreguemi- nes, Bitche, Baerenthal et , desservies par 15 pasteurs. Le culte israélite était assuré par dix personnes : le grand rabbin Nathan Netter, le sous-rabbin et le premier ministre officiant de Metz, le ministre officiant de Forbach, les rabbins et les ministres officiants de Sarrebourg, Sarreguemines et Thionville (15).

En 1936 le département de la Moselle comptait 624 869 catholiques, 32 569 protestants, 8 513 juifs et 29 881 dissidents et sans-confession. Les Eglises étaient régies par le Concordat et les lois organiques de 1801-1802 au point de vue religieux et la loi Falloux, de 1850, au point de vue enseignement (16).

L'inspection d'Académie de la Moselle, dirigée par Adolphe Griner, était rattachée à l'Académie de Strasbourg. L'enseignement secondaire était dis- pensé dans les lycées de garçons de Metz, Sarreguemines et Thionville, les col- lèges de Forbach, Sarrebourg, Dieuze et Rombas et le lycée de jeunes filles de Metz, les écoles primaires supérieures de jeunes filles de Metz, Sarreguemines et de Thionville, l'école primaire supérieure de garçons de Thionville, l'école primaire supérieure de Saint-Avold. Il existait un grand nombre d'établisse- ments privés, surtout religieux : le collège de Saint-Clément de Metz, le grand séminaire de Metz, le petit-séminaire de Montigny, le collège épiscopal de Bit- che, le pensionnat des Sœurs de la Miséricorde à Metz et Queuleu, le pension- nat de Sainte-Chrétienne à Metz, le pensionnat de la Providence de Saint- André à , le pensionnat de la Providence de Saint-André à Bouzonville, le pensionnat de la Divine Providence à Saint-Jean-de-Bassel et Fénétrange, l'école privée des Sœurs de la Divine Providence (Portieux) à Cutting-Dieuze, le pensionnat de la Providence de Saint-André à Forbach, le pensionnat de Sainte-Chrétienne à Sarreguemines, le pensionnat de la Providence de Saint- André à Thionville, le pensionnat de Sainte-Chrétienne à Saint-Avold, l'insti- tution Sainte-Marie à Sarrebourg, le pensionnat de Sainte-Chrétienne à Rus- troff, le pensionnat du Sacré-Cœur de Jésus à Metz et Montigny-lès-Metz, le pensionnat du Sacré-Cœur de Marie à Vic-sur-Seille, le pensionnat de Saint- Joseph à Vigneulles-lès-Lorry, le cours Dorvaux à Metz.

L'enseignement professionnel fut dispensé par l'école professionnelle de Metz, l'école pratique et de perfectionnement de Sarreguemines, le centre national d'expérimentation agricole de Courcelles-Chaussy, l'école d'agricul- ture de Château-Salins et huit écoles d'agriculture d'hiver. Des inspections primaires existaient pour les circonscriptions de Boulay, Château-Salins, For- bach, Metz-Ville, Metz-Campagne, Sarrebourg, Sarreguemines, Thionville- Est et Thionville-Ouest. Les instituteurs et institutrices étaient formés par les écoles normales de Metz et de Montigny-lès-Metz (17).

La recherche historique était assurée par les Archives départementales de la Moselle et les Archives municipales de Thionville et de Sarreguemines, les bibliothèques municipales de Metz et de Sarreguemines, les musées de Metz, Sarrebourg, Sarreguemines, Phalsbourg, Vic-sur-Seille, Bitche, Forbach et Thionville, la Société d'histoire et d'archéologie de la Lorraine qui fêta son cinquantenaire au mois de mai 1939 (18), le Cercle folklorique de Metz dont le président était le folkloriste Raoul de Westphalen, la Société du folklore lor- rain de langue allemande, dirigée par l'abbé Louis Pinck curé de Hambach, et l'Académie nationale de Metz.

La presse se composait à Metz du Messin, du Lorrain, du Républicain lor- rain, du Metzer Freies Journal, de la Lothringer Volkszeitung ou La libre Lor- raine, du Metzer katholisches Volksblatt ou l'Ami des Foyers chrétiens, à Thionvile, de l' Echo de Thionville, à Sarrebourg, de l'Echo de la Sarre, de la Gazette de Sarrebourg et de l'Impartial de Sarrebourg, à Sarreguemines, du Courrier de la Sarre, et à Forbach du Grenzland ou Le Frontalier et de la Bür- ger Zeitung (L'Echo de l'Est) (19).

En 1936, 166 770 habitants parlaient seulement le français, 24 691 le fran- çais et le dialecte, 140 200 le français et l'allemand, 154 955 le français, le dia- lecte et l'allemand, 14 579 le dialecte seulement, 87 704 le dialecte et l'alle- mand, 59 149 l'allemand seulement, 6 995 une autre langue et 35 236 une lan- gue non déclarée. Au total 74,3 % des habitants savaient parler le français, 43,1 % le dialecte et 67,6 % l'allemand. La Lorraine germanophone s'éten- dait sur quelque 3 300 km2 (20).

5. La vie politique

Au Sénat, la Moselle était représentée depuis 1932 par Edouard Hirschauer (1857-1943), général de division du cadre de réserve (21), Jean Stuhl (1862-1942), d', général du cadre de réserve (22), Guy de Wen- del (1878-1955), maître de forges à Hayange, Jules Wolff (1878-1955), de Vic- sur-Seille, instituteur, et Edouard Corbedaine (1879-1949), de , agri- culteur, tous faisant partie de l' Union républicaine lorraine. La circonscrip- tion électorale de Boulay avait envoyé à la Chambre des députés en 1936 Alex Wiltzer (1903-1982), avocat à Metz, celle de Château-Salins, François Beau- doin (1904-1945), ingénieur agronome à , celle de Forbach, Paul Har- ter (1897-1970), employé des Houillères et maire de Forbach, la première cir- conscription de Metz, Edouard Moncelle (1879-1962), ingénieur à Rozérieul- les, la deuxième circonscription de Metz, Robert Sérot (1885-1954), ingénieur agronome, ancien inspecteur-adjoint des Eaux-et-Forêts, ancien sous- secrétaire d'Etat au ministère de l'Agriculture, la circonscription de Sarre- bourg, Emile Peter (1887-1974), ancien secrétaire en chef de la mairie, puis maire de Sarrebourg (23), celle de Sarreguemines, Arthur Heid, né à en 1906, attaché aux services des assurances sociales de -et-Moselle, celle de Thionville-Est, Robert Schuman (1886-1963), avocat à Metz, et celle de Thionville-Ouest, Emile Béron (1896-1966), syndicaliste à Hayange (24). Moncelle, Sérot, Harter et Schuman s'étaient présentés comme candidats de l' Union républicaine lorraine, Beaudoin et Peter comme candidats de l' Union républicaine démocratique, Béron comme candidat indépendant de gauche, Wiltzer comme candidat de l' Alliance démocratique et Heid comme candidat indépendant (25).

Au Conseil général de la Moselle l'arrondissement de Boulay était repré- senté par Alexis Weber, ancien banquier (canton de Boulay) (26), J.-P. Tritz, notaire, maire de Bouzonville (canton de Bouzonville) et Edouard Corbe- daine, maire de Thicourt (canton de Faulquemont), l'arrondissement de Château-Salins, par Joseph Brocker, huissier, maire d'Albestroff (canton d'Albestroff), François Beaudoin, maire d'Obreck (canton de Château- Salins), Charles Hoffmann, médecin, maire de Delme (canton de Delme), Francis Liard, agent d'assurances, maire de Dieuze (canton de Dieuze) et Jules Wolff, instituteur, maire de Vic-sur-Seille (canton de Vic), l'arrondissement de Forbach, par Alexandre Hoffmann, instituteur, maire de Petite-Rosselle, socialiste (canton de Forbach), Eugène Foulé, sculpteur, maire de Petit- Tenquin, dirigeant des Chemises vertes (canton de Grostenquin), Pierre Mul- ler, secrétaire du syndicat des ouvriers-mineurs, communiste (canton de Saint- Avold), et Adolphe Straub, commis des P.T.T. à Metz, régionaliste (canton de Sarralbe), l'arrondissement de Metz-Ville par Robert Wolff, médecin à Metz (1er canton) et Emile Hennequin, commerçant, adjoint au maire de Metz (2e canton) et Jean Amos, industriel, adjoint au maire de Metz (3e can- ton), l'arrondissement de Metz-Campagne, par Charles Bertrand, maire de Vionville (canton de ), Eugène Anstett, de Hagondange, secrétaire du Parti communiste (canton de Metz-Campagne) et Robert Sérot, ingénieur agronome (canton de ), A. Obeliane, agriculteur, maire de Magny, qui a succédé en mars 1939 au chanoine Charles Ritz, directeur du Lorrain (canton de Verny) et Louis Forfert, agriculteur, maire de Flévy (canton de ), l'arrondissement de Sarrebourg, par Victor Antoni, cultivateur à Fénétrange, régionaliste, puis séparatiste (canton de Fénétrange), Maxime Demange, maire d'Abreschviller (canton de Lorquin), Joseph Kirsch, médecin à Phals- bourg, régionaliste (canton de Phalsbourg), Paul Georgel, agriculteur, maire de (canton de Réchicourt), Emile Peter, maire de Sarrebourg (canton de Sarrebourg), l'arrondissement de Sarreguemines par Léon Schell, pharma- cien, maire de Bitche (canton de Bitche), Paul Ménétrier, médecin à Rohrbach (canton de Rohrbach), Henri Nominé, ancien député-maire de Sarreguemines, réélu après la perte du mandat de maire en 1935 et du mandat de député en 1936 (canton de Sarreguemines) et l'abbé Jean-Pierre Weber, desservant de Lengelsheim (canton de ), l'arrondissement de Thionville-Est, par Robert Schuman, avocat à Metz (canton de Cattenom), Nicolas Bémer, culti- vateur, maire de (canton de Metzervisse), François Berg, cultiva- teur à (canton de Sierck) et René Cayet, médecin à Thionville (canton de Thionville), et l'arrondissement de Thionville-Ouest, par Albert Gérardot, commerçant, maire de Fontoy (canton de Fontoy), Emile Béron, député de gauche (canton de Hayange) et Augustin Varoqui, électricien, con- seiller municipal à Moyeuvre-Grande (canton de Moyeuvre-Grande).

Aux conseillers généraux s'ajoutèrent les 324 conseillers d'arrondissement, dont certains, comme ceux des cantons de Sarreguemines et Château-Salins étaient de tendance fascisante (27).

6. L'économie mosellane

En 1931, 286 445 Mosellans étaient occupés dans l'économie : 57 325 dans l'agriculture et l'économie forestière (20 %), 149 991 dans l'industrie et l'arti- sanat (52,4 %), 47 655 dans le commerce et les communications (16,6 %), 22 999 dans l'administration et les services privés (8 %) et 8 475 dans les servi- ces domestiques (3 %). De plus la population comprenait 23 525 soldats (28). L'agriculture et l'économie forestière comprenait 18 245 exploitations, l'industrie et l'artisanat 5 840 entreprises, le commerce et les communications 5 591 entreprises, l'administration et les services privés 725 et les services domestiques 412 (29).

En 1937, 419 100 ha sur 622 800 ha étaient utilisés pour l'agriculture (67,3 %) dont 267 400 ha pour les cultures (63,8 %), 1 500 ha pour la planta- tion de vignes (0,4 %), 82 700 ha pour les prairies naturelles (19,7 %), 34 800 ha pour les prairies artificielles (8,3 %) et 32 700 ha pour les jachères et autres destinations (7,8 %). La forêt couvrait 158 300 ha ou 25,4 0J0. 45 400 ha étaient utilisés à d'autres fins (7,3 %) (30). En 1929, 91 680 exploi- tations agricoles principales et annexes se décomposaient en 74 899 exploita- tions de moins de 5 ha, 13 015 de 5 à 20 ha, 3 374 de 20 à 100 ha et 392 de plus de 100 ha (31). En 1937 les céréales couviaient 15 400 ha (36,8 %), dont le blé 58 500 ha, le seigle 12 300 ha, l'orge 550 ha, l'avoine 69 100 ha. Les plantes sarclées comptaient 53 500 ha (12,8 %), dont 30 200 ha pour les pommes de terre et 20 100 ha pour les betteraves fourragères. Les plantes industrielles n'étaient cultivées que sur 60 ha (0,01 %), dont 13 ha de tabac, 18 ha de colza, 11 ha de navets et 12 ha de chanvre. Les plantes fourragères étaient cul- tivées sur 129 400 ha (30,9 %), dont 19 000 ha pour le trèfle, 15 700 ha pour la luzerne et 82 700 ha pour les prairies naturelles. Enfin l'arboriculture et l'horticulture couvraient 13 100 ha (3,1 %) (32).

Le département produisit en 1937 760 00 q de blé, 160 000 q de seigle, 70 000 q d'orge, 1 030 000 q d'avoine, 3 160 000 q de pommes de terre, 6 330 000 q de betteraves fourragères, 920 000 q de trèfle (33), 720 000 q de luzerne, 96 000 q de sainfoin et 3 880 000 q de foin. Le cheptel se composait de 42 670 chevaux, 179 550 bovins (dont 104 740 vaches laitières), 181 880 porcs, 40 020 moutons, 22 080 chèvres, 423 000 lapins (en 1929), 1 143 000 poules, 45 560 oies, 64 440 canards et 26 930 ruchers avec 5 311 apiculteurs (34).

Deux sociétés exploitaient la houille de l'Est Mosellan : la société des «Petits-Fils de François de Wendel» devenue «Houillères de Petite-Rosselle» à Petite-Rosselle et Stiring-Wendel avec 10 puits et la société «Sarre et Moselle» à Carling, Freyming, Sainte-Fontaine et Merlebach avec 14 puits. Depuis 1929 la dernière société exploitait aussi les deux mines de la société «La Houve» avec 4 puits à Creutzwald. A partir de 1936 une autre société, «Les charbon- nages de Faulquemont», réussit à extraire du charbon à Faulquemont, par contre les deux puits, foncés à jusqu'à 1939 par la société «Les mines de Folschviller», n'avaient pas encore été mis en activité. En 1938 la production de charbon fut de 6 739 210 tonnes et le nombre des ouvriers mineurs de 24 773, dont 17 315 Français, 3 624 Allemands, 2 468 Polonais, 304 Italiens, et le 30 avril 1939 de 24 924, dont 7 271 étrangers (38).

Le bassin ferrifère du Pays-Haut, de Thionville à Metz, exploité par douze sociétés dont la firme de Wendel, la Société minière des Terres Rouges, la Société métallurgique de Knutange, les Forges et Aciéries du Nord et de Lor- raine, produisait en 1938 13 772 947 tonnes de minette et même encore en 1939 12 75Ô 231 tonnes. Le nombre des ouvriers mineurs fut le 30 avril 1939 de 7 670, dont 5 002 étrangers.

Les neuf sociétés métallurgiques du Pays-Haut, dont l'Union de consom- mateurs de produits métallurgiques et industriels (U .C.P .M.L), la Société métallurgique de Knutange, la Société lorraine des Aciéries de Rombas, la Société minière des Terres Rouges, les Forges et Aciéries du Nord et de Lor- raine, la Société lorraine minière et métallurgique, la Société des mines et usi- nes de Rédange-Dillingen, produisirent en 1938 223 042 t de fonte, 2 008 187 t d'acier, 430 508 t de demi-produits, 1 188 669 t de produits finis, 1 111 619 t de coke (avec l'usine de Carling) et 336 806 t de scories de déphos- phoration (scories Thomas) et en 1939 2 703 751 t de fonte, 2 357 564 t d'acier, 588 822 t de demi-produits et 1 509 634 t de scories Thomas. En 1938 le nombre d'ouvriers fut de 35 804 dont 9 237 étrangers, et en 1939, 30 556 dont 9 292 étrangers (36).

Parmi les autres industries il y a lieu de mentionner la production du sel dans les bassins de la Seille et de l'Albe avec 78 063 t en 1938. En 1936 la société Solvay à Château-Salins produisait 7 750 t, la même société à Sar- ralbe, 3 316 t, les établissements Kuhlmann à Dieuze, 30 715 t, la saline Salz- mann, 10 230 t, la saline Gagnerot à Sarralbe, 4 902 t, la saline Haras à Sar- ralbe, 14 737 t et la saline de Salées-Eaux près de Ley, 1 814 t. En outre la firme Solvay retirait de l'eau salée 100 000 t de sel pour fabriquer de la soude dont la production s'élevait à près de 75 000 t (37). L'industrie du verre occu- pait quelque 3 200 ouvriers, les Faïenceries de Sarreguemines, 2 064 ouvriers le 1er août 1939 (38), la fabrique de chaussures à Bataville près de Moussey, quelque 2 500 ouvriers et les brasseries, 1 000 ouvriers.

L'artisanat comprenait 9 746 entreprises, dont 1 508 pour l'alimentation (1 002 boulangeries et 506 boucheries), 862 pour le bâtiment (615 entreprises de maçonnerie, 51 de charpentiers, 42 de couvreurs, 134 de plâtriers), 2 254 pour les annexes du bâtiment (615 entreprises de serruriers, 873 de menuiserie, 242 d'installateurs, 211 d'électriciens, 480 de peintres), 3 156 pour les vête- ments (663 entreprises de couturiers, 818 de cordonniers, 602 de couturières, 156 de modistes, 805 de coiffeurs, 45 de sabotiers), 1 217 entreprises pour l'agriculture (650 entreprises de forgerons, 372 de charrons, 195 de selliers), ainsi que 20 entreprises de relieurs, 43 de tonneliers, 72 de photographes et 177 d'horlogers (39).

Le commerce en gros était aux mains des firmes de l'intérieur, dont surtout celles de Paris. Le commerce de détail comprenait près de 5 000 firmes de vente, dont 2 400 pour l'alimentation et près de 500 pour les vêtements. Les «Eco», de Metz, entretenaient 300 magasins en Moselle, «Sanal», de Nancy, 200 et les «Coopérateurs», de Nancy, 70 (40).

Il existait quinze banques, dont la Banque de France avec une succursale à Metz et des bureaux auxiliaires à Thionville et Sarreguemines, le Crédit fon- cier de France, le Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine, la Caisse régionale de Crédit Agricole mutuel de la Moselle, avec 36 caisses loca- les, la Banque Populaire, le Crédit d'Alsace et de Lorraine, la Société Géné- rale Alsacienne de Banque, le Crédit Lyonnais, la Banque Nationale pour le Commerce et l'Industrie, la Banque de l'Est, la Banque Mosellane et quatre autres banques privées. De plus il existait 170 Caisses Mutuelles Agricoles de Dépôts et de Prêts (anciennement des Raiffeisenvereine) avec 17 000 mem- bres, 52 Caisses d'Epargne et une Caisse de Crédit municipal (à Metz) (41). Les assurances étaient aux mains de sociétés françaises de l'intérieur, de quel- ques sociétés alsaciennes et de sociétés étrangères, dont des sociétés anglaises. Il existait près de 200 sociétés d'assurances agricoles (42).

La longueur des routes s'élevait en 1939 à 6 474 km, dont 835 km de routes nationales, 2 864 km de routes départementales et 2 775 km de chemins vici- naux. Les transports par autobus s'étaient assez développés dans les dernières années, principalement autour des grandes gares de Metz, Sarrebourg, Sarre- guemines et Thionville (43). La longueur des chemins de fer dépassait un peu les 1 000 km. La gare de Metz délivrait en moyenne 2 millions de billets par an, Thionville 700 000 et en 1930 43 des plus grandes gares, plus de 70 millions de billets. En 1930 le rail transporta 30 millions de tonnes de marchandises (44). En 1937, 1 600 000 t de marchandises furent transportées sur la Moselle canalisée et le canal des Mines Metz-Thionville, 2 240 000 t sur le canal de la Marne au Rhin et 1 700 000 t sur le canal des Houillères (45). A la suite de la construction de la Ligne Maginot, la ligne aérienne Paris-Sarrebruck fut sup- primée et vainement la ville de Metz demanda la création d'un champ d'avia- tion civil (46). En 1937 le département était couvert par 72 bureaux de poste et 199 agences postales. La poste transportait près de 3 millions de lettres, 1 300 000 paquets, le nombre des télégrammes fut de 550 000, celui des com- munications téléphoniques de 10 millions et celui des abonnés du téléphone de 10 000.

(1) Annuaire administratif de la Moselle, 1939, p. 5-7. (2) Annuaire, p. 10-12 et 18-19; Archives municipales de Sarreguemines, section photographique. Sur E. Jung, voir : Rohr, Forbach et son arrondissement, p. 92. (3) Annuaire, p. 138-147. (4) Annuaire administratif de la Moselle, 1939, p. 151; Ministère des Armées, Les grandes unités françaises, t. I, p. 23-26. (5) Annuaire administratif, p. 151; Ministère des Armées, Les grandes unités, t. I, p. 54-57. (6) Annuaire administratif, p. 151-152. (7) Annuaire administratif de la Moselle, 1939, p. 6. (8) André Gain, dans : Jules Blache, Géographie'lorraine, Nancy, 1937, p. 432; A. Blind, Struk- tur und Entwicklung der Bevôlkerung Lothringens, dans : Westmiirkische Abhandlungen zur Landes- und Volksforschung, t. IV (1940), p. 94. (9) Hellwig, p. 20. (10) Annuaire, p. 24-55. (11) Revue ecclésiastique de Metz, 1958, p. 3-7. (12) Biographie de Mgr Pelt, dans : Kalender der Unbefleckten Empfângnis Mariii, 1938, p. 87- 93. (13) Rossé, t. I, p. 522 et t. IV, p. 407; J.B. Pelt, Le départ de Mgr Benzler et la nomination de son successeur, dans Revue ecclésiastique de Metz, 1930, p. 446-455. (14) Annuaire administratif de la Moselle, 1939, p. 148-149; Schematismus dioecesis metensis, 1939, p. II et 117-120. (15) Annuaire, p. 149-150. (16) Rossé, t. III, p. 363-409. (17) Annuaire, p. 56-65. (18) Fêtes commémoratives du cinquantenaire de la S.H.A.L. (1888-1938), Metz 1939, 103 p. (19) Annuaire, p. 240-242. (20) Toussaint, La frontière linguistique, p. 48; Verdoodt, p. 62. (21) L. Henrion, Le général A.E. Hirschauer, dans : Les cahiers lorrains, 1969, p. 81-84. (22) Rohr, L'arrondissement de Sarreguemines, p. 213, lire 1920 au lieu de 1934. (23) G. Michaux, dans . F.X. Le Moigne, Histoire de Sarrebourg, p. 296-299. (24) Notice biographique, dans : Le Congrès de Tours, Paris, éd. sociales, 1980. (25) Ces étiquettes politiques sont indiquées dans : Baudon, Les élections en Moselle 1919-1925 (Metz 1956) et Georges Livet et Guy Cabourdin, Les élections dans le département de la Moselle, fasc. IV, 1919-1939, Metz, 1964. Sur Moncelle, voir : Edouard Legenne, Lignées, Amiens, 1982, p. 243-253 (26) Fr. Roth; Un notable lorrain de la Belle Epoque, Alexis Weber (1862-1942), dans : A.S.H.A.L., 1978, p. 89-147; le même, Les Lorrains entre la France et l'Allemagne, Metz, éd. Serpenoises, 1981, p. 155-207. (27) Des tendances fascisantes existaient chez François Scheh, fermier du Felsenhof près de (canton de Rohrbach), Paul Finck, rentier à Sarreguemines, Joseph Lambert employé de la Caisse d'Epargne de Sarreguemines, et Jean Fisch, clerc de notaire à Welferding, tous du canton de Sarreguemines, Alfred Boul, cultivateur, adjoint à Munster (canton d'Albes- troff). (28) Hellwig, p. 24 et 131. (29) Hellwig, p. 31. (30) Hellwig, p. 97. (31) Hellwig, p. 99. (32) Hellwig, p. 104; Annuaire de la Moselle, 1939, p. 100. (33) Hellwig, p. 105. (34) Hellwig, p. 108. (35) Hellwig, p. 42 et 132; Haby, p. 132; Bleicher, p. 208. (36) Hellwig, p. 132-134; Bleicher, p. 216. (37) Hellwig, p. 132; Bleicher, p. 220. (38) En 1935 près de 1 600 (Hellwig, p. 81), en décembre 1938, 2 075 ouvriers. Arch. muni. de Sarreguemines, 4e section, F II (Faïencerie). (39) Hellwig, p. 88-90. (40) Hellwig, p. 91-93. (41) Hellwig, p. 93-95; Annuaire de la Moselle, 1939, p. 238-240 et 153-158; Bleicher, p. 265. (42) Hellwig, p. 95. (43) Hellwig, p. 144; Annuaire de la Moselle, 1939, p. 89. (44) Hellwig, p. 112. (45) Hellwig, p. 118. (46) Hellwig, p. 115. (47) Hellwig, p. 115, qui indique 780 bureaux et agences postales; Annuaire de la Moselle, 1939, p. 84-87.

CHAPITRE II

Les préludes de la guerre de 1939-1940

1. Les revendications du département de la Moselle par Hitler et l'Allemagne

Dans son livre «Mein Kampf» Hitler déclara dès 1925-27 que la guerre entre la France et l'Allemagne était inévitable, car la France avait volé l'Alsace-Lorraine à l'Allemagne (1). En 1928, en complément, il écrivait que le triomphe de l'Allemagne avec l'aide de l'Italie exigeait au moins le retour de ces deux provinces (2). En été 1932 il déclara à Munich que l'Allemagne ne pourrait jamais renoncer à celles-ci et qu'en cas de victoire leur retour était automatique (3). A partir de son arrivée au pouvoir en 1933, il déclara directement ou indirectement à plusieurs reprises qu'il n'avait plus de revendications territoriales à adresser à la France (4). Le 15 septembre 1933 il affirma à André-François Poncet, ambassadeur de la France à Berlin, qu'il n'avait pas l'intention de revendiquer l'Alsace-Lorraine (5). Le 1er mars 1935 à Sarrebruck il affirma qu'après le retour de la Sarre il n'existait plus de question territoriale entre la France et l'Allemagne. Il fit la même déclaration au Reichstag le 21 mai 1935 (6). C'était d'après Hitler une contribution à la paix et qui mettait fin à une longue querelle entre les deux nations. Dans son discours du 7 mars 1936 au Reichstag il recommanda aux Allemands de ne plus envisager la révision des frontières européennes (7). Pourtant en janvier 1938 «l'Association des Allemands à l'étranger», section de la Sarre et du Palatinat, proposa de donner à des rues et places des noms de pays et de villes, où existaient des fragments de populations allemandes, tels que Elsiisserstrasse, Lothringerstrasse, Strassburgerstrasse, Metzerstrasse (8) et au mois de mars Hitler affirma au chancelier autrichien Kurt von Schuschnigg qu'il reprendrait l'Alsace-Lorraine à la France (9). Le 12 septembre à Nuremberg il déclara à nouveau qu'il était prêt à renoncer à ces provinces pour terminer la querelle séculaire avec la France (10) et le 26 septembre au Palais des sports à Berlin il exprima sa conviction que les habitants de ces deux provinces étaient les plus heureux, lorsqu'on ne se battait pas pour eux, et réaffirma qu'il ne demandait rien à la France (11). A bien lire ces discours, les Alsaciens et les Mosellans pouvaient voir l'intention voilée à constituer un Etat neutre entre la France et l'Allemagne pour être garantis contre les dévastations d'une guerre franco-allemande (12), Etat qui passerait progressivement sous le contrôle allemand. Lorsqu'il reçut le nouvel ambassadeur français Robert Coulondre à Berchtesgaden le 22 novembre, Hitler lui affirma qu'il n'y avait plus de contestation de frontières entre la France et l'Allemagne et que ce fait devait contribuer non seulement à la prospérité des deux pays, mais aussi à celle de l'Europe (13). L'accord, signé à Paris le 6 décembre 1938 entre le ministre des Affaires étrangères allemand Joachim von Ribbentrop et le ministre des Affaires étrangères français Georges Bonnet, confirma le maintien des frontières et le renoncement à toutes les revendications territoriales (14). Dans son discours du 28 avril 1939 au Reichstag Hitler réaffirma qu'il ne demanderait jamais à la France le retour de l'ancien Reichsland à l'Allemagne (15). Le 25 août il rappela à Coulondre qu'il avait renoncé personnellement à l'Alsace-Lorraine et reconnut la frontière franco-allemande et le 27 il envoya au président du Conseil des ministres Edouard Daladier une lettre pour le convaincre que le peuple allemand avait bien renoncé aux deux provinces pour éviter tout complot (16). Conformément à ces affirmations pacifiques de Hitler, « L'organisation du Parti à l'étranger » fit rentrer en Allemagne jusqu'à la déclaration de la guerre des Alsaciens et des Mosellans, en majorité des mineurs mosellans, désireux d'émigrer, et demanda même la dissolution de la Ligue des Alsaciens-Lorrains dans le Reich (17). Encore au début de la deuxième guerre mondiale, le 6 octobre 1939 Hitler déclara au Reichstag qu'il n'avait aucune revendication à adresser à la France au sujet de l'Alsace- Lorraine, sans se soucier que cette déclaration provoquait l'amertume la plus profonde auprès des Alsaciens et Lorrains dans le Reich. Mais le président du Conseil des ministres français s'était rendu compte que Hitler, tout en ne perdant aucune occasion pour garantir à la France ses frontières, préparait pendant ce temps et de longue date pour l'Alsace et la Moselle une affaire du genre Sudètes par l'intermédiaire des autonomistes, dont Karl Roos, et refusa le 10 octobre l'offre de paix (18). Certes on peut admettre que Hitler lui-même ne s'était intéressé aux affaires de l'Alsace et du département de la Moselle que comme moyen de pression et de chantage diplomatique et que le mouvement autonomiste était dirigé essentiellement par le Ministère des Affaires étrangères allemand, les Alsaciens-Lorrains dans le Reich, une partie des nationaux-socialistes et une large fraction des nationalistes allemands. Les plus actifs étaient les Alsaciens- Lorrains dans le Reich, de souche allemande, habitant avant 1918 l'Alsace et la Moselle ou ceux qui y étaient nés, et les Alsaciens et Mosellans, de souche alsacienne et mosellane, expulsés. Parmi eux se trouvaient particulièrement des hauts fonctionnaires et militaires. Ils s'étaient groupés dans « l'Association des Alsaciens-Lorrains dans l'Empire» (Bund der Elsass-Lothringer im Reich), dirigée par Robert Ernst, de souche alsacienne, mais qui avait pris en 1918 la nationalité allemande, et qui publiait la revue « Elsass-Lothringen Heimat- Stimmen» (19). Le 24 juin 1934 fut inaugurée à Berus, Sarre, à moins de trois kilomètres de la Lorraine française, la tour d'Hindenburg, symbole de la puissance germanique, puis du national-socialisme. D'après sa chronique les visiteurs allemands y venaient pour voir la Ligne Maginot jusqu'au Hackenberg et se rendre compte qu'au-delà de la frontière habitaient encore des gens, parlant l'Allemand et de race germanique (20). N'empêche que l'un des grands buts de Hitler était d'abord et une fois pour toutes de vaincre la France et de la dépecer en annexant ces provinces (21). Une fois la France vaincue, il annexa en fait l'Alsace et le département de la Moselle, sous-prétexte que la France avait imposé la guerre à l'Allemagne. Un haut-fonctionnaire du Reich déclara en juillet 1941 que le Führer les aurait ramenés tôt ou tard dans le Reich (22). S'il est vrai que Hitler s'intéressa beaucoup moins que la République de Weimar à la Heimatbewegung et au Volkstum de l'Alsace et du département de la Moselle, les deux provinces étaient bien comprises dans la surface d'extension à réaliser pour assurer la sécurité de la germanité contre la France. Dès le 18 juin 1940 la future frontière de l'Allemagne devait aller du littoral des Flandres jusqu'au lac de Genève en passant par les Ardennes, la et la Bourgogne (23).

(1) A. Hitler, Mein Kampf, 85e-94e éd. Munich, 1934, p. 720 et 741. (2) Hitlers zweites Buch, publié par G.L. Weinberg, Stuttgart, 1961, p. 194. (3) H. Rauschning, Gesprâche mit Hitler, 4e éd. Zurich, 1940, p. 43. (4) Wolfanger p. 1-4; Kettenacker, p. 32-44. (5) A. François Poncet, Als Botschafter in Berlin 1931-1938, 2e éd., Mayence, 1949, p. 154. (6) L'Alsace depuis son retour à la France, supplément, Strasbourg, 1937, p. 239. (7) M. Domarus, Hitler Reden und Proklamationen 1932-1945, Neustadt a.d. Aisch, 1962, t. I., p. 589. (8) Rapport du commissaire spécial de Sarreguemines, faisant partie des archives de la Sous- préfecture de Sarreguemines de 1871 à 1939, conservées de 1943 à 1945 aux archives municipales de Sarreguemines puis aux archives départementales de la Moselle. (9) Pange, Journal 1937-1939, p. 187-203. (10) Domarus, t. I., p. 901. (11) Domarus, t.I., p. 926. (12) Gamelin, t. II., p. 353. (13) Voelkischer Beobachter, éd. Berlin, 23 novembre 1938, p. 1-2. (14) Kettenaeker, p. 31; Jaeckel, p. 110; Domarus, t. I., p. 982. (15) Domarus, t. I, p. 1149. (16) Wolfanger, p. 3. (17) Wolfanger, p. 4-5; Kettenacker, p. 294. (18) Domarus, t. II, p. 1386; Gamelin, t. III, p. 109. (19) Kettenacker, p. 76-87. (20) Keller, Berichte über Berus, p. 205-206. (21) Kettenacker, p. 32-44; Rothenberger, p. 246. J. CI. Streicher, dans: Klein, L'Alsace, p. 178. (22) Lorraine, p. 116; Pierre Barrai, dans J. C. Bonnefont, Histoire de la Lorraine, p. 246-247. (23) Toumoux Pétain et la France, p. 97 et 146; Le royaume d'Otto, p. 331. 2. L'influence culturelle allemande sur le département de la Moselle

De nombreuses personnalités, nées dans ce département avant 1918 et habitant en Allemagne, rédigeaient des publications sur ce département. Hans Karl Abel (1876-1951), originaire de Baerenthal près de Bitche et résidant à Murrhardt, Wurtemberg, fut un poète lyrique et un romancier, s'inspirant des Vosges et de l'Alsace (1). Adrienne Thomas, née à Saint-Avold, mais qui passa sa jeunesse à Metz et qui habitait Lugano, Suisse, donna une belle description de Metz pendant la Première guerre mondiale dans son roman « Die Katrin wird Soldat », qui fut traduit en français en 1933 avec une préface de Jean Giraudoux et dont la vente fut interdite en Allemagne, l'auteur étant de parents israélites (2). Hermann Wendel (1884-1936), originaire de Metz et député social-démocrate au Reichstag, fut un journaliste et poète francophile et dut se réfugier en France en 1933 (3). Le poète Viktor Wendel (1890-1943), également originaire de Metz, écrivait dans la revue Elsass Lothringen Heimatstimmen, publiée à Berlin par l'Alsacien Robert Ernst, fondateur de l'association «Altelsass-lothringische Vereinigung », dans les Elsass-lothringische Mitteilungen, organe des «Elsass- Lothringer im Reich» et dans Elsass-Land, Lothringer Land, éditée à Guebwiller, H. R. (4). Polly-Maria Hôfler (1907-1952), de Metz et habitant Francfort-sur-le-Main, s'est souvenue de sa ville natale et milita pour le rapprochement franco-allemand (5). Alfred Pellon, un Lorrain né à Metz en 1874, rallié à la culture allemande, peintre et écrivain, habitant Baden-Baden, consacra la plus grande partie de ses romans à la ville de Metz et du Pays Messin (6). Ernst-Moritz Mungenast (1898-1964), originaire de Metz et habitant Stuttgart, Wurtemberg, consacra également de très belles pages à Metz et sa région. C'est l'écrivain allemand qui a le mieux compris l'âme messine. Son père, Peter Mungenast, architecte et entrepreneur de bâtiments, était né à près de Trèves, mais sa famille venait du Tyrol et sa mère, Joséphine Wayant, était orginaire de Bitche (7). Avec une sensibilité délicate Agnès Ernst-Weis, née en 1897 à Metz, a écrit des souvenirs, où l'on devine l'attachement à Metz des Allemands qui y sont nés (8). D'autres Allemands furent préoccupés du destin du département de la Moselle, redevenu français en 1918. Originaire de Trèves, Jean-Baptiste Keune, professeur à Montigny-lès-Metz en 1892, puis directeur du Musée de Metz de 1899 à 1919, continua à s'intéresser à l'histoire de ce département comme directeur du Musée de Trèves jusqu'à son décès en 1937 (9). Habitant Remagen, Rhénanie, Leo Just (1964) professeur à l'Université de Bonn, consacra des études très intéressantes à la Lorraine (10). En 1935, à la suite du rattachement de la Sarre à l'Allemagne, le poète Johannes Kirschweng (1900- 1951), de Wadgassen, Sarre, et dont la famille était originaire de , Moselle, exprima le vœu d'un retour de la Lorraine germanophone à l'Allemagne dans son roman «Das wachsende Reich», qui lui valut les louanges des autorités nationales-socialistes (11), mais dès l'année suivante il tomba en disgrâce, lorsqu'il consacra un autre roman à la réconciliation franco-allemande où il prétendit que Metz, ville française, n'aurait pas dû être annexée en 1871 (12) et évoqua la renonciation de l'Allemagne à l'Alsace-Lorraine (13). Il ne put comme prêtre se rallier au national-socialisme (14) et durant la Deuxième guerre mondiale il ne joua qu'un rôle secondaire. Plusieurs organismes de recherche historique d'Allemagne s'intéressaient à l'histoire de notre département. L'Institut scientifique des Alsaciens-Lorrains dans le Reich, créé à Francfort-sur-le-Main en 1921 par Georg Wolfram, ancien archiviste du , fit publier des articles sur la Lorraine dans l' Elsass-lothringisches Jahrbuch à partir de 1922, le monumental atlas sur l'Alsace-Lorraine en 1931 et l'étude collective «Das Reichsland Elsass- Lothringen 1871-1918» de 1931 à 1938 (15). L'Atlas de la Sarre, publié en 1934 avant le plébiscite de la Sarre au nom de la Saarforschungsgemeinschaft, déborda largement sur le département de la Moselle pour montrer ses liens avec la Sarre (16). L'Institut für geschichtliche Landeskunde der Rheinlande an der Universitât Bonn publia à partir de 1931 des articles sur la Lorraine dans ses «Rheinische Vierteljahresblâtter», dirigées par Adolf Bach, J. Muller et Franz Steinbach. C'êtaient certes des ouvrages scientifiques, mais entrepris avec l'arrière-idée de maintenir la germanité de l'Alsace-Lorraine et de préparer un éventuel retour de ces provinces. Aussi le conseiller général de la Moselle Alexis Weber de Boulay s'étonnait-il en 1928 que la direction des contributions directes de Strasbourg avait fourni les plans cadastraux d'Alsace-Lorraine à l'Institut de Francfort pour être utilisés à la confection de l'atlas (17). La radio allemande avait un impact non négligeable sur l'opinion du département. De fréquentes auditions des Verklingende Weisen lothringer Volkslieder », collectées par l'Abbé Louis Pinck, de Hambach, eurent lieu aux radios de Stuttgart et de Sarrebruck. Les Mosellans germanophones prenaient ces radios à cause des informations et des auditions de musique populaire, mais la plus grande majorité rejetait avec véhémence les violents discours radiodiffusés d'Adolf Hitler et de ses collaborateurs (18). Cependant quelques rares Mosellans se mettaient au garde-à-vous, quand retentissaient les hymnes nationaux-socialistes. Tel fut du moins le cas d'un cabaretier de Sarreguemines, comme en témoigne un rapport du commissaire spécial de Sarreguemines. Dans son Grenzlandecho, la radio de Sarrebruck, inaugurée le 5 décembre 1935 par le ministre de la Propagande, Josef Goebbels, se plaisait à reprendre et commenter les articles des journaux mosellans sur les difficultés économiques, les revendications culturelles, les nouvelles alarmantes et fausses, annonçant la guerre, et la contre-propagande envers le nazisme. Ces nouvelles étaient empruntées aux journaux Jung-Lothringen, Lothringer Volkszeitung, Metzer Freies Journal et aux tracts du bureau régional du parti communiste de Strasbourg (19). C'est un Sarregueminois, le journaliste et poète Andreas Niederlânder-Wanderer (1884-1940) qui dirigeait ce « Grenzlandecho », sans que le gouvernement français éleva une protestation. Il fut l'un des plus fidèles collaborateurs de Robert Ernst. Pour les radios de Sarrebruck et de Stuttgart, la Lorraine mosellane et l'Alsace étaient devenues une colonie, exploitée par les Français sans vergogne, eine Ausbeutungskolo- nie. La construction de la Ligne Maginot, qui devait assurer la sécurité de la France, y avait provoqué l'insécurité, l'appréhension de la guerre et la récession économique. Metz était devenu par moment le refuge désagréable d'émigrants allemands. Le Führer avait renoncé à plusieurs reprises, évidemment le cœur serré, à ces deux provinces, de sang et de langue allemands, dans l'intérêt de la paix et les autonomistes, comme Bickler et Antoni et «l'Union paysanne», adversaires des chauvins, juifs et francs- maçons, ne désiraient nullement les détacher de la France, mais seulement défendre les droits acquis et les spécificités ethniques et être avant tout un trait d'union, eine Volkerbrücke, entre la France et l'Allemagne (20). Les ministères des Affaires étrangères, de l'Intérieur et de l'Information distribuèrent à partir de 1925 tant sous la République de Weimar que sous le régime hitlérien des subsides par des intermédiaires, comme Robert Ernst, l'abbé Emil-Clemens Scherer, secrétaire du Reichsverband der katholischen Auslandsdeutschen, et Albert Bongartz, instituteur à Kirchzarten près de Fribourg-en-Brisgau, aux journaux et publications de langue allemande. Il est possible que certains directeurs de journaux et auteurs de publications n'en surent pas avec précision la provenance (21). Ce qui leur importait, c'était de défendre le caractère spécifique de la Lorraine germanique au point de vue culturel et religieux, le Volkstum Deutschlothringens, l'entité ethnique, mais c'était une aide compromettante et même dangereuse à la longue. Le journal, qui reçut sans doute le plus de subsides, fut la Lothringer Volkszeitung (22). Avec un acharnement, parfois exagéré, elle défendait l'emploi de la langue allemande et le maintien du Concordat et de la Loi Falloux. Son programme était en général régionaliste, frisant parfois l'autonomisme. Elle entretint des relations étroites avec des régionalistes et autonomistes alsaciens, flamands et bretons. Faisant son service militaire à Metz en 1927, l'Abbé J.M. Gantois fréquenta assidûment les bureaux du journal (23). En 1940 ce dernier demanda le rattachement des départements du Nord et du Pas-de-Calais au Reich, à tel point que le Cardinal Liénart le releva de toute fonction sacramentelle (24). En septembre 1927 les deux principaux dirigeants du journal, Jean-Jacques Valentiny et François Cuny, assistèrent au congrès des fédéralistes bretons à Morlaix. Le journal «La Patrie Bretonne» fut imprimé sur ses presses en 1928-1929 (25). Des sommes importantes furent versées pour la parution d'autres journaux, comme le journal autonomiste «Die Volkstimme», imprimé à Sarreguemines et à Sarralbe en 1925-1926, le journal communiste «L 'Humanité », éd. Metz, les journaux du Parti chrétien-social «Lothringer Journal», imprimé à Sarreguemines de 1928 à 1932, et «Jung-Lothringen» publié à partir de 1933 par Victor Antoni, de Fénétrange (26). Comme le Colportage catholique, créé en 1920 à Rech et Sarralbe par l'Abbé François Goldschmitt (1883-1966), curé de Rech, pour pourvoir les bibliothèques paroissiales de livres allemands, ne fut plus à même d'en acheter à cause de leur cherté, provoquée par l'inflation, Robert Ernst mit à la disposition de l'Abbé Scherer des subsides des Ministères allemands pour le soutenir. L'Abbé Goldschmitt était convaincu que ces subsides provenaient de «l'Association des Catholiques allemands à l'étranger». Surveillé par la Gestapo, qui voulait restreindre son influence sur les régionalistes alsaciens et mosellans, Scherer dut quitter l'Allemagne pour trouver refuge un moment à Rech, puis en mars 1939 au Brésil. Il ne semble pas que l'Abbé Goldschmitt ait eu besoin de ces subsides pour créer en 1936 la collection historique populaire «Lothringen mein Heimatland», où, outre ses propres écrits, il publia ceux d'Agathe Plützer, de Frauenberg, Henri Lerond, de , Nicolas Colson, de Merlebach, et d'Anna Merkelbach-Pinck, de Francfort-sur-le Main. La vente de ces petites brochures se fit facilement (27). Par contre la publication des « Verklingende Weisen lothringer Volkslieder » en 1926, 1928, 1933 et 1939, collectés par l'abbé Louis Pinck (1873-1940), curé de Hambach, et illustrés des dessins à la plume de Henri Bacher, de Sarreguemines, ne put se faire qu'avec des subsides allemands, dont ceux de Robert Ernst et du mécène hambourgeois Alfred Toepfer (28). C'est l'une des premières collections de chansons populaires, sinon la première, en Europe. Il est vraiment regrettable que, parce que ces chansons étaient de langue allemande et qu'en Allemagne l'on se servit d'elles pour montrer la germanité de la Lorraine, sinon pour demander son retour au Reich (29), les mérites de l'Abbé Pinck ne furent pas reconnus en France, sauf par quelques folkloristes, comme Charles Sadoul et Charles Bruneau, de Nancy. De même la «Zeitschrift für lothringische Volkskunde », publiée en 1937-1938 par le même auteur, fut exposée aux attaques des journaux français, notamment de ceux de gauche (30). La même hostilité fut réservée à sa sœur, Anna Merkelbach-Pinck (1885-1972), originaire d', mais habitant Francfort-sur-le-Main, lorsqu'elle commença à publier les contes et légendes de la Lorraine germanophone, dont les Allemands, il est vrai, démontrèrent de suite la germanité (31). Aussi, quand au début de 1939, lors d'une visite en Lorraine, elle repassa la frontière à la Brème d'or, les services de la sûreté française lui confisquèrent-ils ses notes sur le folklore lorrain! D'autres revues furent également soutenues par des subsides, comme « Elsass-Land-Lothringer-Heimat », de Guebwiller, le Jahrbuch der Wissenschaftlichen Gesellschaft zu Strassburg (32), les «Stimmen aus Lothringen (Voix de Lorraine)», publiées à Forbach par le professeur Jacques Fourmann, (1886-1964), de Téterchen. Les deux premières publications contiennent des travaux d'écrivains et chercheurs lorrains, comme les abbés Jean-Pierre Kirch, de Welferding, Jacques Touba, de Zetting, et J.B. Kaiser, de Metz, les professeurs Pierre Paulin, originaire de Sarreguemines et Henri Hiegel et le greffier de justice Timothée Moser, d'Albestroff. A noter que le Chanoine Kirch refusa l'aide de l'Institut des Alsaciens-Lorrains dans le Reich pour la vente de sa précieuse histoire de Welferding (33). Dans la troisième revue, créée en 1931, on lit les travaux d'Alfred Pellon, Hermann Wendel et Viktor Wendel à côté de ceux des professeurs Jacques Fourmann (Lothar Mundan) et Emile Linckenheld, du comte et de la comtesse Jean de Pange.

(1) K.Walter, Zwischen Rhein und Mosel. Elsâssische und lothringische Dichtung der Gegenwart, Strasbourg, 1933, p. 301 ; Les cahiers lorrains, 1952, p. 56. (2) Jean de Pange, Journal (1931-1933), Paris, Grasset, 1967, p. 63 ; A. Thomas, Die Katrin wird Soldat. Ein Roman aus Elsass-Lothringen, Berlin, 1930. (3) H. Wendel, Jugend Erinnerungen eines Metzers, Strasbourg, 1934, 219 p. (4) Walter, p. 325. (5) P.M. Hôfler, Der Weg in die Heimat. Grenzlandroman aus Lothringen, München, Zentralverlag der N.S.D.A.P., Franz Eher, 1935, 550 p; André und Ursula, Berlin, 1937; Niemandsdorf, 1941. (6) A. Pellon, Seltsame Menschen, Wissenschaftliches Institut der Elsass-Lothringer im Reich, Francfort-sur-le-Mein, 1930, 84 p.; Gozelle Garin, Chronik eines lothringer Vaganten, Ludwigshafen, 1942, 566 p.; Die falsche Jungfrau, Ludwigshafen, 1942. 207 p.; Fr. Roth, La Lorraine annexée 1870-1918, p. 448. (7) E.M. Mungenast, Christophe Gardar, Dresden, 1935, 600 p. (traduction française en 1980 par J. Becker, instituteur, 534 p.) ; Die Halbschwester, Dresden, 800 p. ; Der Kavalier, Dresden, 1938, 528 p. ; Der Pedant, Dresden, 1938, 291 p. ; Der Zauberer Muzot, Dresden, 1939, 870 p. (8) A. Ernst-Weis, So war es in Lothringen, Francfort-sur-le-Mein, 1956, 130 p.; Roth, La Lorraine annexée 1870-1918 p. 449. (9) A. Grenier, J.B. Keune, dans A.S.H.A.L, 1936, p. 325-328 ; Roth, La Lorraine annexée 1870- 1918 p. 437. (10) L. Just, Lothringen und die , dans: Elsass-lothringisches Jahrbuch t. 14 (1935), p. 143- 159. Wie Lothringen dem Reich verloren ging, dans Rheinische Vierteljahrsblâtter, t. 7 (1937), Bonn, p. 215-227 ; Clemens XI und der Code Leopold 1701-1710, Francfort-sur-le Mein, 1935, 103 p; Der geistige Kampf um den Rhein, dans: Der Kampt um den Rhein, Bonn, 1943, p. 93-136. Just enseigna après 1945 à l'Université de Mayence. Eugène Ewig, Gedenkworte, dans: Historisches Jahrbuch, 1965, p. 253-256. (11) J. Kirschweng, Gesammelte Werke, t V, 1975, Sarrebruck, p. 82. (12) J. Kirschweng, t. V, p. 305. (13) J. Kirschweng, t. V, p. 401. (14) J. Kirschweng t.V, p. 443. (15) Georg Wolfram u. Werner Gley, Elsass-lothringischer Atlas, Francfort-sur-le Mein, 1931, avec 45 cartes et un Erliiuterungsband, de 167 p.; G. Wolfram, Das Reichsland Elsass- Lothringen 1871-1918, Berlin, 1931-1938, 5 vol. (16) Hermann Overbeck u. Georg-Wilhelm Sante, Saaratlas, Gotha, Justus Perthes, 1934, 103 p. et une abondante illustration, intéressant le département de la Moselle. (17) Délibérations du Conseil général de la Moselle, 1928, p. 245. (18) Enquête des instituteurs, questionnaire de Lixing-lès-. (19) Archives de la Sous-préfecture de Sarreguemines 1919-1939. (20) (Joseph Bürckel), Lothringische Dichter, 1914, p. 37; Boehm, p. 420-422; H. Rektenwald, Ein Leben für die lothr. Heimat. Zum dichterischen Schaffen des Lothringer Andreas Niederlânder, dans: Die Westmark, 1941, p. 433-436. (21) Rothenberger, p. 142; Zind, p. 272; Bankwitz, p. 27 et 66; Pierre Vonau, dans Klein, L'Alsace, p. 288. voir aussi Jacques Bariéty, Les relations franco-allemandes après la Première guerre mondiale, Paris, 1977, 797 p. (22) Rothenberger, p. 141 (23) E. Dufort, J.M. Gantois dans le mouvement flamand, dans Régions et régionalisme en France du XVIIIe siècle à nos jours, Paris, 1977, p. 372 ; Solange Gras, La Presse française et l'autonomisme en 1926, ibidem, p. 252. (24) Amouroux, Les beaux jours de la collaboration, p. 459. (25) Zind, p. 429. (26) Rothenberger, p. 141; Zind, p. 274; Bankwitz, p. 25. (27) Rothenberger, p. 78 et 142; Zind, p. 273. Bankwitz, p. 48; H. Hiegel, Trois nécrologies lorraines, dans Les cahiers lorrains 1967, p. 33-34. (28) Rothenberger, p. 142; Zind, p. 274. (29) Die Westmark, 1942/43, p. 352. (30) Zeitschrift für lothr. Volkskunde, n° 3, décembre 1938, p. 55-58. (31) A. Merkelbach-Pinck, Lothringer erziihlen, Sarrebruck, 1936, 2 vol, 242 et 343 p. (32) Rothenberger, p. 142; Zind, p. 274. (33) H. Hiegel, L'œuvre de l'historien lorrain J.P. Kirch, dans: A S.H.A.L., 1976. p. 155. 3. L'influence politique allemande en Moselle

L'Allemagne exerça une assez forte influence sur les événements et partis politiques du département de la Moselle et notamment sur la Lorraine germanophone, soit en leur versant des subsides, soit en les inspirant politiquement. En dehors de Metz, les mouvements régionalistes, autonomistes et séparatistes n'existaient qu'en Lorraine germanophone, c'est- à-dire dans les régions de Hayange, Thionville et Basse-Yutz, Forbach, Sarreguemines, Bitche, Sarralbe, Fénétrange, Phalsbourg, Sarrebourg et Dabo, ainsi qu'en Alsace tordue aux environs de Sarre-Union (1). Né le 28 décembre 1904 au Welschhoff, annexe de près de Bitche, d'un père allemand et d'une mère lorraine, de confession mennonite et avocat à Strasbourg, Hermann Bickler fonda en 1932 les équipes de jeunes alsaciens- lorrains ou Elsass-Lothringische Jungmannschaft, en s'inspirant des formations du Parti nazi. Dirigée d'après les principes de la camaraderie et de l'autorité par le chef, der Führer, et les hommes de confiance, die Vertrauensleute et forte de plus de mille membres, cette formation était divisée en quelque 116 groupes, les Ortsgruppen. Les membres étaient des paysans, des théologiens, des médecins et des intellectuels et se recrutaient dans le Bas-Rhin et dans les régions marginales du département de la Moselle à Phalsbourg, Sarreguemines, Bitche et Saint-Avold. Les membres d'origine lorraine, les plus en vue, étaient Albert Girardin, de Hellering près de Phalsbourg, étudiant, Louis Benmann, de Berling, pédiatre à Strasbourg, Georges Christian, de , étudiant en médecine, Richard Liebrich, de , étudiant de théologie, et Christophe Steinmetz, médecin à Saint- Avold. Les adhérents portaient un anorak brun avec col fermé et une seule rangée de boutons, une culotte de golf brune et un ceinturon. Ce mouvement avait adopté le drapeau noir, frappé en rouge du crampon de loup, la Wolfsangel, signe de la révolte des paysans alsaciens et lorrains en 1525. Sa devise comportait l'inscription : Frei Volk im eignen Land (Peuple libre dans son propre pays). A partir de 1936 il disposait d'un journal propre, le Frei Volk, dont le gérant était l'historien du Pays de Hanau-Lichtenberg, Fritz Eyer (1907-1978). Le programme comportait la résistance contre la francisation de l'Alsace, le Welschtum, et le rattachement de l'Alsace-Lorraine à l'Allemagne national-socialiste. C'était nettement un mouvement séparatiste pro-allemand et même national-socialiste à l'alsacienne (2). De même tendance était un mouvement apparemment culturel, le «Bund der elsâssischen Wanderer Erwin von Steinbach» (du nom de l'architecte de la cathédrale de Strasbourg), fondé en 1926 par le publiciste alsacien Fritz Spieser, en majorité avec des jeunes protestants, soi-disant pour conserver le folklore alsacien. Les centres de réunion étaient le Landheim ou foyer à Obermühltal près de Baerentlal, Mos. et surtout le château de la Hunebourg près de Dossenheim, B.R., reconstruit depuis 1932 avec l'aide financière du mécène hambourgeois Alfred Toepfer. Les membres se firent un honneur à chanter dans leurs réunions ou leurs marches les chansons populaires de l'abbé Louis Pinck (3). Spieser était en relations très suivies avec ce dernier et avait passé son doctorat d'Etat en 1934 sur la vie de la chanson populaire dans le village de Hambach (4). Aussi les marcheurs chantaient-ils de préférence le traditionnel «O, ich armer lothringer Bur», le pauvre paysan lorrain. Le cercle des marcheurs publia de 1931 à 1937 la revue: Der Wanderfalke, le faucon- pèlerin sous la direction du poète Fritz Ihme, né à Fénétrange le 2 avril 1910 et fils d'un pasteur (5). Spieser la remplaça en 1937 par les Strasburger Monats hefte, dont la tendance politique était nettement pro-allemande. Aux inspecteurs de police, qui l'interrogèrent au printemps 1940, l'abbé Pinck avoua les buts du mouvement de Spieser: le retour de l'Alsace-Lorraine à l'Allemagne et à l'intégration au système national-socialiste (6). Ces deux formations préconisaient donc les mêmes buts séparatistes et constituaient des véritables cinquièmes colonnes en fournissant en 1940 un très grand nombre de volontaires pour les formations nazies et l'armée. Spieser ne revint pas en août 1939 de Prusse orientale et devînt en 1940 commandant des groupes de protection (S.S. Sturmbannführer) en raison de ses mérites pour la conservation de l'ethnie germanique en Alsace. Par contre, Bickler resta au pays, fut mobilisé comme sergent de l'armée française et incarcéré à Nancy en raison de son passé politique et devint en 1940, à l'arrivée des Allemands, colonel des groupes de protection (S.S. Standartenführer) (7). Fin décembre 1928, mécontents de la politique conservatrice de l'Union républicaine lorraine (U.R.L), les régionalistes Victor Antoni (1882-1966), de Fénétrange, conseiller général de la Moselle pour le canton de Phalsbourg depuis octobre, André Schaaff (1885-1957), commerçant de Sarreguemines, conseiller général de la Moselle de 1919 à 1925 et qui avait été battu aux élections législatives dans l'arrondissement de Sarreguemines en avril, Charles Thomas (1895-1959), de Saint-Avold, avocat de Sarreguemines, tous les trois, signataires du Manifeste du Heimatbund en 1926 avec 24 autres Mosellans (sur 102 signataires), Joseph Straub, né en 1897, employé des Postes, journaliste de la «Lothringer Volkszeitung» et conseiller général de la Moselle depuis octobre pour le canton de Sarralbe, l'abbé François Cuny (1871-1945), professeur au Petit-Séminaire de Montigny-lès-Metz, et l'abbé Louis Pinck, curé de Hambach, fondèrent la Christliche soziale Volkspartei Lothringens, le Parti chrétien-social de la Lorraine à Sarreguemines. Antoni en devint le président, Straub, le secrétaire général, et le maire Jean Labach (1872-1962), de l'Hôpital, député de la circonscription de Boulay-Saint-Avold depuis avril, le président d'honneur. Son programme était proche de l'aile régionaliste avancée ou autonomisante de l'Union populaire et républicaine d'Alsace (U.P.R.A.) (8). On a prétendu que Robert Schuman s'était fait inscrire dans le parti (9), c'est une erreur, puisqu'en 1926 Antoni, signataire du Manifeste du Heimatbund, avait été exclu de l'U.R.L. sur sa demande. Le nouveau parti recruta ses membres dans les régions de Forbach, Sarreguemines, Sarralbe, Sarre-Union, Fénétrange, Phalsbourg et Sarrebourg sans avoir une influence dominante (10). Il eut à sa disposition d'abord de décembre 1928 à août 1932 le Lothringer Journal, créé à Sarreguemines par l'abbé Xavier Haegy, de Colmar, comme Anzeiger für Ostlothringen und das elsâssische Saartal, puis à partir de 1933 l'hebdomadaire, Jung-Lothringen, créé à Fénétrange par Antoni avec la recette de plus de 800 abonnements et à partir de 1934 avec des subventions de l'étranger (11). Ce journal devint progressivement progermanique et même parfois antisémite, tout en critiquant parfois les attaques du national-socialisme contre l'Eglise catholique. Le 3 février 1935, à l'invitation de l'U.P.R.A, Antoni et le docteur Joseph Kirsch (1898-1980), de Phalsbourg, créèrent le mouvement de la jeunesse lorraine Jung-Lothringen qui eut des sections, les Junggruppen, dans les régions de Sarreguemines, Rohrbach-lès-Bitche, Enchenberg, Schoeneck, Grosblieders- troff, Sarre-Union et Fénétrange (12). L'un des membres de la section, de devint en automne 1940 un virulent agitateur politique, rallié à l'Allemagne. Un autre, de la section de Sarre-Union, devint en 1940 chef du groupe politique local, puis maire et se mit au service du S.D. Au mois de mai 1946 il fut condamné à dix ans de travaux forcés. Une délégation de 50 jeunes mosellans assista au congrès de la jeunesse alsacienne à Colmar le 7 juillet 1935 (13). Selon les services du commissariat spécial de Sarreguemines, le journal Jung-Lothringen, qui subissait en 1938-1939 l'influence de la propagande allemande, fut très lu dans le , notamment à Enchenberg. Lors du premier congrès du Parti chrétien social en février 1929 les 75 délégués critiquèrent vivement le manque de courage de Robert Schuman, qui à la suite des débats parlementaires sur l'Alsace-Lorraine avait vôté avec Robert Sérot, Edouard Moncelle, Henri Nominé (1892-1972), Emile Peter et Jules Wolff la résolution, confirmant l'attachement des Alsaciens et Lorrains à la France sans évoquer leurs problèmes spécifiques, alors que Jean Labach s'abstint du vote et que le communiste Emile Béron s'y opposa (14). De plus les délégués critiquèrent la politique malhonnête de l'U.R.L., le parti des notables (15). Depuis toujours l'Abbé Louis Pinck s'attaquait aux notables. Aux élections législatives de mai 1932 dans la circonscription de Boulay-Saint- Avold, Labach fut remplacé par Alex Wiltzer, avocat, au barreau de Metz, se présentant sous l'étiquette de l'Action démocratique, républicaine et sociale et dans la circonscription de Forbach Straub fut battu par le député Victor Doeblé (1890-1967), communiste, se présentant cette fois sous l'étiquette «indépendant de gauche» (16). En 1934 aux élections du Conseil général de la Moselle, il fut cependant réélu dans le canton de Sarralbe et Antoni dans le canton de Fénétrange, alors que le docteur Joseph Kirsch le remplaça dans le canton de Phalsbourg. Aux élections législatives d'avril 1936, dans la circonscription de Boulay, le député sortant Alex Wiltzer l'emporta avec 7863 voix sur Antoni qui le serra de près avec 6905 voix (17) et dans la circonscription de Sarreguemines Me Thomas n'eut que 2685 voix au premier tour (18). Ni Kirsch, ni Straub, ni Thomas ne semblent avoir été considérés avant 1939 comme des régionalistes dangereux. Kirsch était devenu maire de Phalsbourg en 1935. Straub avait ses entrées à la préfecture et fut même traité avec beaucoup d'égards à la fête des sapeurs-pompiers de Sarralbe le 17 juillet 1939 par le préfet de la Moselle au grand déplaisir du maire de la ville. Me Thomas désavoua au moment de la crise de Munich en septembre 1938 en présence de ses confrères les articles haineux du journal Frei Volk, que Bickler déposait au Palais de justice de Sarreguemines. En automne 1939 il devint interprète d'allemand au bureau de la 235e compagnie du 20e train à Baerenthal, puis fut versé dans une autre compagnie du train à Niederbronn à la suite d'une enquête de la Sûreté militaire. Par contre Antoni devint suspect dès 1938. Le 22 mai il assista à l'assemblée du dixième anniversaire du Procès de Colmar aux côtés de Charles Roos (1878-1940), de la Landespartei et qui sera arrêté le 4 février 1939, accusé d'espionnage, de J.P. Mourer (1897-1947), originaire de , Mos., membre du Parti ouvrier et paysan d'Alsace, député de Strasbourg, et de Hermann Bickler, alors que le député de Colmar, Joseph Rossé, de l'U.P.R.A., refusa d'y assister (19). Au mois de février 1939 alors que les services de la Police spéciale, perquisitionnant au domicile du directeur des archives municipales de Strasbourg, trouvèrent la preuve qu'Antoni avait reçu des subventions étrangères pour publier son journal, des rumeurs de ce soutien financier commencèrent à circuler (20). Aussi fut-il attaqué par le député Wiltzer, qui avançait que sa demeure, la villa « » à Fénétrange, avait été construite avec les subventions de Goebbels. Les journaux «Grenzland» et «Lothringer Volksfreund », de Forbach et de Boulay, reprirent ces attaques, et même un membre du Parti chrétien-social, qui siégeait au conseil d'arrondissement de Sarrebourg, se désolidarisa d'Antoni. Le 21 mai à Sarralbe la plupart des délégués lui demandèrent de démissionner de la présidence du Parti (21). Il n'en fit rien et avoua seulement le 1er juillet avoir reçu, par l'intermédiaire du directeur des archives municipales de Strasbourg et sur le conseil de l'Abbé Louis Pinck, des subventions de la part du secrétaire général de l'Association des catholiques allemands à l'étranger, l'abbé Emile Scherer, afin de combattre les lois laïques et la gauche française. Cependant Antoni ne fut arrêté que le 30 septembre et incarcéré à Nancy, pour y être entendu et jugé pour intelligence avec l'ennemi. Le grand reproche qu'on peut faire aux dirigeants du Parti chrétien-social, comme l'Abbé Louis Pinck, Victor Antoni et Joseph Straub, c'est de ne pas avoir tenu compte du programme national-socialiste qu'ils connaissaient pourtant par les journaux, leurs relations avec des Allemands et leurs voyages en Allemagne, notamment de la persécution de l'Eglise catholique qu'ils prétendaient défendre en France. Par contre le chanoine J.P. Kirch, curé de Welferding, pourtant signataire du Manifeste du Heimatbund et qui était encore en relations avec Antoni et Straub en 1937, éclairait dès 1933 ses paroissiens et ses amis sur les dangers de l'hitlérisme (22). Il en fut de même de l'abbé François Goldschmitt, de Rech. Depuis 1925 la Troisième internationale imposa au Parti communiste français de reconnaître aux Alsaciens et Lorrains le droit de disposer d'eux- mêmes, y compris la séparation de la France (23). C'est ainsi qu'une partie des régionalistes de l'arrondissement de Forbach votèrent au second tour des élections législatives en 1928 pour le communiste Victor Doeblé, alors qu'au premier tour ils avaient donné leurs voix à Victor Antoni. Le député Emile Béron, de Hayange, présenta l'Alsace-Lorraine comme une minorité nationale. Cependant aux élections législatives de 1932 Béron et Doeblé n'approuvèrent plus ce programme et, devenus des indépendants de gauche, ils réprouvèrent le discours séparatiste de Maurice Thorez du 3 avril 1933. En 1936 Doeblé fut battu, mais Béron, réélu (24). Les tendances régionalistes et autonomistes n'eurent qu'un faible écho dans le département de la Moselle, sauf dans un nombre assez élevé de localités de l'Est Mosellan, contiguës au Bas-Rhin et à la frontière franco-allemande. L'autonomisme et même le régionalisme devinrent suspects et dangereux par les agissements outranciers des séparatistes et nationaux socialistes Bickler et Spieser et les séparatistes Pinck et Antoni. L'avenir montrera qu'il s'était formé, en Moselle, vers 1939, une véritable cinquième colonne en faveur de l'Allemagne, particulièrement parmi les naturalisés, les gradés de l'armée impériale et les intellectuels, formés à l'école allemande (25). Alors qu'aux élections législatives d'avril-mai 1936 le Front populaire triomphait assez largement dans les autres départements, les Mosellans, comme les Alsaciens, refusèrent en masse leurs voix aux socialistes et communistes. L'Union républicaine lorraine eut quatre élus: Edouard Moncelle, ingénieur, et Robert Sérot, ingénieur agronome, à Metz, Robert Schuman, avocat, à Thionville, et Paul Harter, employé des mines et maire, à Forbach. L'Union républicaine démocratique, plus nationaliste que la précédente formation politique, put faire élire deux candidats: François Beaudoin, ingénieur et agriculteur, maire d'Obreck, à Château-Salins, qui obtint le soutien du Front Vert de Joseph Bilger, et Emile Peter, maire à Sarrebourg. L'avocat Alex Wiltzer se fit réélire à Boulay sous l'étiquette de l'Alliance démocratique républicaine et sociale, et Emile Béron, syndicaliste, à Hayange sous celle d'indépendant de gauche. Arthur Heid, employé des assurances sociales fut élu à Sarreguemines sous l'étiquette d'indépendant avec 7 535 voix contre 6894 à Henri Nominé, ingénieur agricole, député depuis 1928. L'échec de ce parlementaire, très intelligent et grand travailleur, fut dû à sa politique quelque peu opportuniste, à l'abandon des paysans qui le rendaient responsable à tort du morcellement de leurs terres par la construction de la Ligne Maginot, à la multiplicité des candidats et à l'opposition du maire de Sarreguemines, Nicolas Nicklaus. C'était certainement une perte pour l'arrondissement de Sarreguemines (26). De ces neuf députés Schuman et Harter, et avec des nuances Heid pouvaient être considérés comme des régionalistes modérés (27). On a prétendu que Schuman était inscrit à la Chambre avec trois autres députés mosellans, non pas dans un groupe hexagonal, mais dans le Groupe indépendant d'action populaire, comprenant aussi douze députés alsaciens et neuf députés de l'intérieur et qui aurait été un front autonomiste, eine Heimatfront, contre le Front populaire (28). Ce fut simplement un mouvement qui réclamait le régionalisme ou la décentralisation administrative (29). Les quatre députés mosellans de ce groupe étaient Harter, Heid, Peter et Wiltzer (30). En réalité Schuman était inscrit au Groupe démocrate populaire, comptant dix autres membres (31), et ne le quitta qu'en 1939 (32), parce qu'il estimait qu'il ne faisait pas assez d'efforts pour sauver la paix. Béron s'était inscrit dans le groupe de la Gauche indépendante et Beaudoin dans le Groupe des républicains indépendants et d'action sociale, sous-groupe agraire indépendant (33). Voulant introduire les lois laïques en Alsace-Lorraine, Léon Blum, président du Conseil, décida le 10 octobre 1936 que la scolarité finirait pour les filles à 14 ans et pour les garçons à 15 ans, alors que dans le reste de la France ils quittaient l'école à 14 ans. Le 30 octobre sous la plume de Paul Durand, le Lorrain protesta contre cette disparité scolaire, permettant aux jeunes originaires de Meurthe et Moselle de trouver facilement une place en Moselle à leur sortie d'école à 14 ans. En novembre, 34 sur 36 conseillers généraux de la Moselle condamnèrent cette mesure comme une chicane illégale, au point que le préfet quittât la table des délibérations. Le 21 décembre au nom de 36 députés et sénateurs sur 39 d'Alsace-Lorraine, Schuman déposa une requête en annulation du décret d'octobre pour excès de pouvoir. Le 20 janvier 1937, 30 parlementaires sur 39, dont aussi les sénateurs mosellans Guy de Wendel, de Hayange et Edouard Hirschauer de Saint- Avold, furent reçus par le chef du gouvernement qui en fin de janvier justifia la mesure par la nécessité de faire apprendre aux jeunes Alsaciens et Lorrains l'allemand comme seconde langue et de leur faire donner l'instruction religieuse. Le Chanoine Charles Ritz, directeur du Lorrain, protesta vivement le 3 février 1937 contre l'argumentation de Blum et le jour suivant les parlementaires des départements recouvrés, sauf le communiste Alfred Daul, de Strasbourg, et le député indépendant de gauche Béron, envoyèrent une lettre collective pour flétrir le marchandage indigne et immoral. Sur l'invitation de quatre parlementaires, dont Hirschauer et Sérot, 101 sénateurs députés et conseillers généraux des trois départements se réunirent à Metz en signe de protestation. Schuman montra l'inutilité de la prolongation de la scolarité, car il n'y avait eu en 1931 que 0,6 % d'analphabètes masculins et 0,5 % d'analphabètes féminins dans le Bas Rhin, 2,5 % d'analphabètes masculins et 1,5 % d'analphabètes féminins en Moselle : le Bas-Rhin occupait le 1er rang des non-analphabètes, le Haut-Rhin, le deuxième et la Moselle le 13e. Même le député J.P. Mourer, du parti ouvrier et paysan d'Alsace, orginaire de Wittring, insista sur la nécessité de maintenir le bilinguisme et l'école confessionnelle. Fin février l' Action catholique lorraine, qui avait lancé une campagne de pétition, obtint 100975 signatures masculines et 127091 signatures féminines, au total 228066 (34). Comme le nombre des électeurs mosellans s'élevait à 164494 personnes adultes, celui des signatures masculines en constituait 61 % (35). En vue de défendre le statut scolaire et d'empêcher l'introduction des lois laïques, la Ligue féminine de l'Action catholique tint une réunion à Sarreguemines le 21 février. Les hommes de l' Action catholique lorraine en firent autant le 28 à Volmunster, Bitche et Rohrbach, le 1er mars à Sarreguemines et le 2 mars à Sarralbe. Le parti communiste de Sarreguemines lança un tract de protestation contre la résolution de l' Action catholique, diffamant le Front populaire, et déclara vouloir tendre fraternellement la main aux catholiques (36). Le 15 mai à la réunion d'une centaine de parlementaires et de conseillers généraux des trois départements parmi lesquels ne figurait pas Henri Nominé, de Sarreguemines, Robert Schuman renouvela la protestation de Metz. Les délégués lorrains adoucirent la véhémence d'un Manifeste au peuple français. A la demande de Camille Chautemps, successeur de Blum, le Conseil d'Etat annula, le 3 décembre 1937, le décret d'octobre 1936, prolongeant la scolarité des garçons en Alsace-Lorraine jusqu'à 15 ans. Ainsi la scolarité resta fixée à 14 ans pour toute la France (37). Les parlementaires et conseillers généraux de la Moselle et l' Action catholique lorraine avaient réussi à défendre le maintien du Concordat et de la Loi Falloux comme en 1924-25 (38). En face des dangers du Front populaire, en présence des grèves et des faiblesses du gouvernement de gauche les partis mosellans de droite et du centre se rapprochèrent pour donner des directives à leurs adhérents. Soutenu par Sérot, Schuman, Hirschauer et Stuhl, le Chanoine Charles Ritz, conseiller général de Verny et directeur du Lorrain, forma avec les partis, y compris le Parti chrétien social, en juin 1936 le Front national lorrain contre les socialistes, les communistes et la Confédération générale du Travail (C.G.T.). Il se demandait s'il ne fallait pas préférer l'hitlérisme au bolchévisme en lançant les slogans « Plutôt Hitler que Moscou » et « Plutôt Hitler que Staline » (39). A son tour le Messin, financé par des capitalistes mosellans, écrivait le 22 août: «Nous avons tout près de nous une Allemagne, dont l'ordre civique mérite d'être pris en exemple. Il en est de même pour l'Italie. Nous voulons rester français cent pour cent. Nous voulons vivre dans la France, dont nous avons rêvé, celle des gouvernements d'union nationale. Mais quant à vivoter péniblement dans une France amoindrie, révoltée, bolchevisée, non ! S'il doit en être ainsi, nous préférons redevenir allemands » (40). Aussi les Messins, leur maire Paul Vautrin, conseiller général de Metz, en tête, empêchèrent-ils Maurice Thorez de tenir dans leur ville au Palais du Cristal avec 300 membres du Pays-Haut une réunion. Leurs drapeaux furent brûlés sur la place publique. Parcourant la ville en cortège, les Messins acclamèrent leur maire et le général Henri Giraud, gouverneur militaire de Metz (41). Depuis 1933 un peu partout en Moselle, mais surtout en Lorraine dialectophone à Bitche, Sarreguemines, Forbach et Saint-Avold, apparurent des mouvements plus ou moins fascisants, le Francisme ou les Chemises bleues de Marcel Bucard, la Solidarité française de François Coty, les Croix-de-feux ou le Parti social français, de François de La Rocque, l'Action française, les Nouvelles Forces, le Front Vert ou l'Elsâssische Bauernbund, de Joseph Bilger, de Colmar, le Rassemblement national lorrain, le Front hitlérien d'Alsace-Lorraine, de Strasbourg. Ils organisaient des réunions et des cortèges, prenaient part aux fêtes nationales distribuaient des tracts et affichaient des papillons, souvent de tendance antisémite, et troublaient les réunions du Parti socialiste, des communistes et du Secours rouge international (42). L'un des propagandistes du Francisme en Moselle fut Armand Grégoire avocat à Paris. Son père Albert Grégoire, originaire d' et avocat, s'était rallié aux Allemands et fut membre du Reichtstag de 1907 à 1911 et du Landtag de Strasbourg de 1911 à 1918 (43). Son fils avait fréquenté l'université allemande et servi comme lieutenant des uhlans dans l'armée allemande. Marié à une Américaine, il devint après 1933 le défenseur attitré des Francistes. Surveillé par la police française dès 1938, il se rallia en 1940 au régime de Vichy et devint attaché de presse à l'ambassade française aux Etats- Unis (44). Un membre de la section franciste de Basse-Yutz devint en 1940 chef du groupe local de la Communauté du peuple allemand «Lorraine », entra au Parti national-socialiste en janvier 1943 et reçut le brevet de citoyen du Reich. En février 1947 la Cour de justice de Metz le condamna aux travaux forcés à perpétuité (45). Soutenu aux élections législatives de mai 1936 par les «Croix de Feu», le député Emile Peter, de Sarrebourg, porta sur les fonts baptismaux en octobre 1936 en présence de 1 500 personnes la section locale du Parti Social-français, remplaçant le mouvement des «Croix de Feu», dissous en juillet. De 1935 à 1937, le colonel de la Rocque vint deux fois à Sarrebourg (46). Le mouvement fascisant le plus répandu en Moselle était sans doute l'Union paysanne d'Alsace (U.P.A.) ou YElsâssische Bauernbund, devenu en 1935 le Front national du Travail (F.N.T.). L'U.P.A., créée en 1924 et dont le secrétaire général fut Joseph Bilger depuis 1928, recruta des adhérents non seulement en Moselle germanophone, mais également en Moselle romane, principalement dans la vallée de la Seille. Son journal, YElsass-Lothringische Bauernblatt, y trouvait de nombreux lecteurs. Prenant un aspect politique, le Bauernbund protesta le 16 décembre 1934, en présence de Victor Antoni, du Parti chrétien social de Lorraine, dans une réunion, tenue à Sarre-Union, B.R. contre la fermeture éventuelle du marché sarrois aux produits agricoles de l'Alsace et de la Moselle et celle de la frontière allemande et en janvier 1935 il s'attaqua au sénateur Guy de Wendel, de Hayange, favorable au rattachement de la Sarre à la France. En 1935 Bilger créa le parti politique, le Front national du travail (F.N.T.) ou la Volksstândische Arbeiterfront, dont le Bauernbund resta une section et qui fut renforcé l'année suivante par la formation de combat, les Jeunes Frontistes ou Jungfront (48). Ce parti s'implanta alors à Petit-Tenquin avec Eugène Foulé, sculpteur de pierre et conseiller général de la Moselle depuis le 23 février 1936, un orateur populaire de valeur, comme Bilger, à Sarrebourg avec Alfred Boul, adjoint au maire de Munster, à Saint- Avold avec Eugène Neu, fermier de Venheck, à Bitche et Volmunster et même en Lorraine romane. Le journal du parti «Le peuple» ou «V olk» eut 300 abonnés dans le secteur de Bitche (49). En octobre 1938 fut apposée à une affiche, proposant de noyer les juifs dans le Mer Rouge. En septembre 1939 fut découvert à un brassard à croix gammée, provenant sans doute d'un habitant de Lixing-lès-Saint-Avold. Dans de grandes manifestations, comme celles d'octobre 1936 et de janvier 1937 à Metz, les orateurs attaquèrent tour à tour les communistes, les capitalistes, les juifs, la centralisation administrative de Paris et demandèrent la sauvegarde de la paix et la formation de grandes unités administratives en France. Aux élections législatives d'avril-mai 1936, Bilger soutint avec succès la candidature de François Beaudoin, de l'U.R.D. et maire d'Obreck, contre le député sortant L. Génois, de l'U.R.L. et maire de , et François Liard, de l'U.R.D. et maire de Dieuze. Aux élections cantonales d'octobre 1937, le parti présenta vainement dans le canton de Sarre-Union le fermier Nafziger, qui n'eut que 203 voix, et dans le canton de Saint-Avold, le fermier Neu, qui, avec 1 631 voix au premier tour et 1 853 au deuxième tour, ne réussit pas à battre le candidat communiste, Pierre Muller, délégué des mineurs à Freyming (50). Au scrutin du 5 février 1939, en vue du renouvellement des membres de la Chambre d'Agriculture de la Moselle, les membres sortants des arrondissements de Château-Salins, Metz-Campagne, Sarrebourg et Thionville-ouest, officiellement investis par les comices agricoles, furent réélus sans difficultés. Par contre dans les arrondissements de Boulay et Thionville- est, les listes des comices eurent à affronter des listes, patronnées par l'Union Paysanne de Bilger. Dans le dernier arrondissement, la liste de cette formation l'emporta. Celle-ci, dont les collusions furent, comme le remarqua le préfet de la Moselle le 14 février, des plus douteuses sur le plan national, s'efforçait avec le concours des organisations régionalisantes ou autonomisantes, de saper l'influence de certaines personnalités agricoles, jugées trop tièdes dans leurs revendications et trop fidèlement attachées aux institutions nationales (51). Depuis 1935, Bilger entretint des relations avec les Chemises vertes qu'Henri d'Halluin, dit Dorgères, avaient organisées dans l'ouest de la France (52), en même temps qu'il s'alliait aux autonomistes progressivement (53). Il eut également sans doute des relations avec des organisations de propagande et de mouvements allemands, notamment avec l'agent des services secrets allemands, le commandant (Major) Erwin Reifenrath, de Sarralbe, qui lui versa des subsides, et avec von Potters, ancien attaché d'ambassade à Zurich et Paris, devenu en 1936 à Erfurt le directeur de l'organe de propagande « Weltdienst (le service mondial) », qui lui servit des tracts (54). Bilger figure comme homme de confiance (V.M. Vertrauensmann) ou au moins comme sympathisant de l'Allemagne sur la liste d'Albert Bongartz, l'intermédiaire de Robert Ernst avec les séparatistes et autonomistes (55). Au mois de mars 1938, sur l'invitation du docteur en philosophie Schneider, apparu dans une réunion à Béning-lès-Saint-Avold, il rencontra Bürckel à Sarrebruck dans une réunion, organisée en l'honneur de l'Anschluss de l'Autriche qu'il approuva d'ailleurs dans le Bauemblatt (56). En septembre 1938, au moment de la crise de Munich, le «Volk », distribué gratuitement dans la Ligne Maginot, invita les réservistes à rentrer chez eux et le 18 septembre dans une réunion à Strasbourg Bilger réclama l'auto-administration de l'Alsace et de la Moselle et l'instauration de libres relations avec l'Allemagne (57). En février 1939 Bilger demanda la reconciliation avec l'Allemagne hitlérienne pour la survie du département de la Moselle (58). Depuis 1935, des membres du Bauernbund, puis du Front Vert et surtout du Jungfront portaient la chemise verte, la cravate rouge et le brassard à la croix de Lorraine et saluaient le bras tendu comme les fascistes et les nazis (59). Dans son discours, prononcé à Metz pour le vingtième anniversaire de la victoire de 1918, le Maréchal Philippe Pétain demanda qu'on remettât en honneur, dans la jeunesse, les forces de la grandeur de la France, l'autorité, la discipline, le goût du travail, le culte de l'art et avant tout le sentiment du devoir, sans quoi les jeunes risquaient d'être entraînés dans les luttes des partis, qui déchiraient le pays et le conduisaient à la ruine (60).

(1) Metzger, p. 156; H. Bickler, Widerstand, Strasbourg, Hünenburgverlag, 1943, 270 p. (2) Bopp, p. 31 ; Dreyfus, p. 167 et 174. Kettenacker, p. 22-32; Rothenberger, p. 216-219. Zind, p. 618-631 et 660-661; Pierre Vonau, dans: Klein, L'Alsace, p. 287-288. Sur Eyer voir Gustave Koch et Jean Rott, Bibliographie des travaux historiques de Fritz Eyer, dans Saisons d'Alsace, n° 74, 1981, p. 164-169. (3) Bopp p. 30, 132 et 172; Kettenacker, p. 93-114; Rothenberger p. 219-221 ; Zind, p. 597-608; Bankwitz 60-65. (4) Fr. Spieser, Das Leben des Volkliedes im Rahmen eines lothringer Dorfes, Bühl-Baden, 1934, 153 p. (5) Zind, p. 606. (6) Bankwitz, p. 63. (7) Chr. Hallier, Das Elsass. Deutsches Kem-u. Grenzland, Francfort-sur-le-Main, 1941, p. 103- 112; Andreas Hohlfeld, Auseinandersetzung mit dem Westen, Strasbourg, 1942, p. 147; Bopp, p. 30 et 132; Brogly, p. 46. (8) Antoni, p. 141 ; Rothenberger p. 180. (9) Zind, p. 502. (10) Rothenberger, p. 180. (11) Rothenberger, p. 179 et 215. (12) Rothenberger, p. 215; Zind, p. 625, confusion avec la Jungmannschaft de Bickler. (13) Courrier de la Sarre, 2 mai 1946; Zind, p. 618. (14) Zind, p. 524. (15) Zind, p. 503. (16) Baudon, p. 34. Edith Dahm, Victor Doeblé et son œuvre sociale, dans Pays d'Albe, n° 12, 1981, p. 37-45. (17) Baudon, p. 27. (18) Baudon, p. 28. (19) Zind, p. 663; Rothenberger, p. 236. (20) Antoni, p. 150. (21) Thiébault, p. 139 sur les indications de Henri Hiegel. (22) H. Hiegel, L'œuvre de l'historien lorrain J.P. Kirch, dans A.S.H.A.L., 1976, p. 154 ; H. et Ch. Hiegel, l'œuvre du folkloriste lorrain Louis Pinck, dans : Les Cahiers lorrains ; 1981, p. 217 et 263. (23) Maurice Ceyrat, La trahison permanente, Paris, éd. Spartacus, 1947, p. 22-27 ; Rothenberger, p. 99; Bankwitz, p. 35. (24) P. Barrai, dans : Bonnefont, Histoire de la Lorraine de 1900 à nos jours, p. 144 ; Zind, p. 633. (25) Gérard, p. 108; Durand, En passant par la Lorraine, p. 151; Bonnet, Sociologie, p. 478. Maurin (général), 73 Pinck (Louis), 15, 27, 29, 32-36, 368 Maurois (André), 280 Pierron (Marcel), 381 Mesguen (Mgr), 194, 200 Plagnieux (Jean-Victor), 322 Mendras (général), 267, 268, 306 Plützer (Agathe), 29 Ménétrier (Paul), 17, 194 Poisot (général), 306 Menthon (François de), 220 Poncet (André-François), 23 Merkelbach-Pinck (Anna), 29 Potters (espion), 40 Meyer (Albert), 124 Prételat (Gaston), 219, 220, 222, 224, 227, 230, Meyer (Edouard), 372 231, 239, 280, 295, 299, 305, 310, 314-316 Molinié (général), 243 Prinz (Aloïse), 343 Moncelle (Edouard), 16, 21, 34, 35, 194, 359 Prochavska (sous-directeur d'usine), 381 Mordrel (Olivier), 370 Quirin (Henri), 57 Mortemar de Boisse (colonel), 306 Rackt-Brancas (général), 264 Mory (Carmen), 60, 63 Raspiller (Joseph), 322 Moser (Timothée), 30 Regard (colonel), 296, 306 Mourer (J.-P.), 34, 37, 368, 369 Reifenrath (Erwin), 40 Mouton (Georges), 79 Renondeau (G.), 268 Muller (J.), 27 Réquin (Edouard), 219, 239, 241, 296, 313 Mullei (Pierre), 16, 40 Reynaud (Paul), 194, 206, 299, 303, 304, 333, Muller (Paul), 83, 89, 90 334 Muller (Marcel), 371 Ribbentrop (Joachim), 24 Muller (Nicolas), 372 Richter (général), 220, 224 Mungenast (Moritz), 26 Rinck (général), 325 Mungenast (Peter), 26 Ritz (Charles), 16, 37, 38 Nafziger (fermier), 40 Robert (colonel), 282 Napoléon 1er, 381 Roos (Karl), 24, 34 Neu (Eugène), 39, 40 Rossé (Joseph), 35 Netter (Nathan), 14, 201 Rossé (Tino), 361, 362 Nicklaus (Nicolas), 36, 75, 113, 130, 135, 192, Roubaud (Louis), 338, 339, 346 202, 207, 242 Rousas (capitaine), 381 Nicolay (Pierre-Xavier), 75 Roux (général), 258 Niederlânder-Wanderer (Andreas), 28 Sadoul (Charles), 29 Noiret (général), 258 Salengro (Roger), 76 Nominé (Henri), 17, 34, 36, 37, 51, 65, 68, 86 Sandré (Emile), 322 Obeliane (A.), 16 Saint-Just (Louis de), 381 Olchanski (lieutenant), 381 Schaaff (André), 33 Ostheimer (Paul), 57 Scheh (François), 23 O'Sullivan (colonel), 324 Scheider (Camille), 57 Painlevé (Paul), 43 Scheidt (Oscar), 66 Pange (Jean de), 30, 66 Schell (Léon), 17, 86, 87 Parisot (Robert), 70 Scherer (Emile-Clemens), 28, 29, 35, 372 Pascaud (Edouard), 30 Schiesser (Valère), 322 Paulin (Pierre), 30 Schmit (Léon), 200 Schmitt (Charles), 375 Pax (Alexandre), 142, 319 Pellon (Alfred), 26, 30 Schmitt (Joseph), 321 Pelt (J.-B.), 13 Schneider (Jean), 375 Peninou (lieutenant-colonel), 312 Schneider (un Sarrois), 40 Perrey (colonel), 130 Schuman (Robert), 16, 17, 33-35, 37, 38, 79, Pétain (Philippe), 41, 67, 194, 206, 220 82, 87, 102, 142, 143, 177, 178, 185, 193, 194, Peter (Emile), 16, 34, 194 205, 206, 209, 214,346, 357, 359, 368, 376, 383 Petiet (général), 287 Schuschnigg (Kurt von), 23 Sechet (général), 268 Philippe (Jacques), 57, 63, 185 Pigeaud (général), 227 Seelig (Jean), 57, 63 Seillière (la baronne Jean), 203 Pinck (Léo), 128 Sérot (Robert), 16, 34, 35, 38, 87, 194, 357, Vernillat (général), 257 359, 375, 376 Viellard (Maurice), 63 Siegel (Karl), 255 Viellard (général), 306 Sivot (général), 306 Villars (général), 79 Spieser (Fritz), 32, 36, 99, 368, 371 Vincent (Emile), 322 Staline (Joseph Djougachvili, dit), 38 Vogel (colonel), 229 Steinbach (Franz), 27 Wayant (Joséphine), 26 Steinmetz (Christophe), 32 Weber (Alexis), 16, 27, 145, 350 Stock (René), 322 Weber (J.-P.), 17 Straub (Joseph), 16, 33-35, 87, 192 Weinandt (Nicolas), 322 Stuhl (Jean), 15, 38, 91, 189, 215 Weisse (Alphonse), 56, 322 Stumer (commissaire de police), 63 Welsch (Heinrich), 318, 347 Teissier (colonel), 219 Wendel (Hermann), 26, 30 Teitgen (P.-H.), 220 Wendel (Viktor), 26, 30 Teitgen (avocat), 368 Wendel (Guy de), 15, 37, 39 Tharaud (Jérôme et Jean), 332 Wendel (Humbert de), 191 Thierry (général), 248, 267 Wendel (les de), 75, 82, 102, 370, 380 Thomas (Charles), 33, 34, 368, 370 Weyand (Maxime), 206 Thomas (Adrienne), 26 Westphalen (Raoul de), 15 Thorez (Maurice), 35, 38 Wilhelm (Friedrich), 56 Tirbisch (Mathias), 321 Wilhelm (Léonie), 129 Toepfer (Alfred), 29, 32, 368 Wilhelm (von Hohenzollern), 278 Touba (Jacques), 30, 70, 203 Willig (Jacques-Jérôme), 57, 63 Toussaint (général), 261 Wilmin (Henri), 198 Triboulet (André), 9 Wiltzer (Alex), 15, 34, 35, 81, 88, 194, 304 Tritz (J.-P.), 16 Witzleben (Erwin von), 220 Trunkenwald (Joseph), 321 Windsor (duc de), 303, 304, 333 Turk (Jean), 322 Wolff (Jules), 15, 16, 34, 194, 376 Untereiner (Laurent), 203 Wolff (Pierre), 301 Valentiny (Jean-Jacques), 28 Wolff (Robert), 16, 87 Valot (Paul), 90 Wolfram (Georg), 27 Varoqui (Augustin), 17 Zay (Jean), 304 Vautrin (Paul), 38, 78