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Architecture, urbanisme & Utopie La tour de Babel

était selon la Genèse une tour que souhaitaient construire les hommes pour atteindre le ciel. Selon les traditions judéo-chrétiennes, c'est Nemrod, le « roi-chasseur » régnant sur les descendants de Noé, qui eut l'idée de construire à Babel (Babylone) une tour assez haute pour que son sommet atteigne le ciel. Descendants de Noé, ils représentaient donc l'humanité entière et étaient censés tous parler la même et unique langue sur Terre, une et une seule langue adamique. Pour contrecarrer leur projet qu'il jugeait plein d'orgueil, Dieu multiplia les langues afin que les hommes ne se comprissent plus. Ainsi la construction ne put plus avancer, elle s'arrêta, et les hommes se dispersèrent sur la terre. Cette histoire est parfois vue comme une tentative de réponse des hommes au mystère apparent de l'existence de plusieurs langues, mais est aussi le véhicule d'un enseignement d'ordre moral : elle illustre les dangers de vouloir se placer à l'égal de Dieu, de le défier par notre recherche de la connais- sance, mais aussi la nécessité qu'a l'humanité de se parler, de se comprendre pour réaliser de grands projets, ainsi que le risque de voir échouer ces projets quand chaque groupe de spécialistes se met à parler le seul jargon de sa discipline. Ce récit peut aussi être vu comme une métaphore du malen- tendu humain; où contrairement aux animaux, les êtres humains ne se comprennent pas par des signes univoques, mais bien par l'équivocité du signifiant. Les récits de constructions que les hommes tentaient d'élever jusqu'au ciel ont depuis longtemps mar- qué les esprits, source d’inspiration pour bon nombre d’écrivains et d’artistes. Cité idéale La Cité idéale est une aspiration à la perfection architecturale, sociale, morale et politique.

La réalisation d'une « cité idéale » est un des grands rêves des sociétés urbaines ou en voie d'urbanisation. Le terme pourrait sembler synonyme d'utopie si certaines de ces cités n'avaient été construites dans les faits. Il s'agit cependant de réalisations « idéales » au sens où, contrairement à la cité spontanée, qui se développe peu à peu selon les besoins en fonction de décisions multiples, et donc de façon organique et parfois anarchique, la cité idéale se conçoit avant de se construire, et sa fondation résulte d'une volonté unifiée.

« Ainsi ces anciennes cités qui, n'ayant été au commencement que des bourga- des, sont devenues par succession de temps de grandes villes, sont ordinaire- ment si mal compassées, au prix de ces places régulières qu'un ingénieur trace a sa fantaisie dans une plaine » — René Descartes, Discours de la méthode, seconde partie.

La Cité idéale, d'abord attribuée à Piero della Francesca puis à Luciano Laurana et maintenant à Francesco di Giorgio Martini

Antiquité et Moyen Âge

Maquette de la ville de Milet conservée au Musée de Pergame (Berlin)

Dès l'antiquité, les hommes rêvent d'édifier une cité idéale comme en témoigne le mythe de la Tour de Babel. Le sujet apparaît chez les philosophes grecs dans le contexte parti- culier de la cité-état, La République de Platon (427 à 348 av. J.-C.) en étant le plus célèbre exemple. Or, de fait, dès le viie siè- cle av. J.-C., on note une tentative pour ratio- naliser l'espace dans les villes nouvelles. Certaines colonies grecques comme Sélinonte sont construites selon un plan à damier encore grossier, dit plan hippodamien. Cette ratio- nalisation de l'espace urbain, dont la paternité a longtemps été attribuée à Hippodamos de Milet (ve siècle av. J.-C.), montre un souci de planification urbaine qui rejoint les préoccupations des philoso- phes. Selon Aristote, Hippodamos est à la recherche de la cité idéale au sens où l'organisation de l'es- pace urbain s'applique à traduire l'organisation de la république idéale , et on lui attribue le plan en damier du Pirée, ainsi qu'en -479 av. J.-C. la reconstruction de Milet, incendiée par les Perses. Dans sa Politique, Aristote se préoccupe de l'organisation sociale et urbanistique de la cité idéale, après avoir critiqué la République de Platon et les cités existantes. Organisation de l'espace, organi- sation sociale et organisation politique rationnelles sont les axes selon lesquels les philosophes pen- sent la cité idéale, à laquelle les architectes et les premiers urbanistes se sont déjà attaqués sur le ter- rain. La fondation des villes par les colons romains, telle que la décrit Pierre Grimal, est effectuée selon un plan idéal obéissant à plusieurs exigences : rationalisation de l'espace par un réseau de rues en damier à partir d'un axe majeur fourni par l'intersection à angle droit du decumanus et du cardo5 dont les extrémités vont être les quatre accès principaux à la ville; découpage de l'espace en ilots qui seront répartis selon le rang et la fonction des futurs occupants dans un esprit de justice et d'égalité5 ; enfin orientation selon un plan est-ouest (decumanus) et nord-sud (cardo), déterminé par rapport au soleil, qui indique la dimension sacrée de la ville et peut-être son rapport au monde. La cité idéale romaine est une sorte de matrice, l'essence de la ville-mère, l'Urbs, Rome5. Traduite sur le terrain, la ville romaine doit permettre aux citoyens de circuler, d'habiter, de travailler et d'être sous la protection des dieux. Pierre Grimal cite l'exemple de Timgad, aujourd'hui inscrite au patrimoine mondial de l'huma- nité par l'UNESCO. Au Moyen Âge, le plan hippodamien est toujours utilisé dans la création des villes nouvelles, par exemple les bastides. Cette grille hippodamienne est aussi celle du jeu d'échecs qui sert au domini- cain Jacques de Cessoles à décrire l'organisation idéale de la cité ceinturée dans ses murs, symboli- sés par les quatre tours d'angle. Selon Jacques Heers, le fractionnement de l'espace urbain en espa- ces privés, l'absence d'un pouvoir central fort s'opposent à la conception et la réalisation de grands projets publics au cours du Moyen Âge. Quoi qu'il en soit, le christianisme, s'appuyant sur le texte de l'Apocalypse de Saint Jean, offre aux fidèles la promesse d'une cité idéale qui n'est pas de ce monde, la Nouvelle Jérusalem. La cité idéale à laquelle les hommes doivent travailler, c'est La Cité de Dieu de Saint Augustin. De la Renaissance à l'âge classique

Les utopies

Vue d' de à vol d'oiseau

Avec le retour de la cité-état, l'organisation de la ville et de la société idéale est un des grands thèmes de l'hu- manisme italien de la Renaissance. Les villes médié- vales aux ruelles tortueuses et incommodes apparais- sent comme une forme dégénérée de la cité antique aux larges avenues rectilignes et aux perspectives majestueuses. Elles ne répondent plus aux exigences stratégiques et économiques de leur temps. Se pose aussi la question de l'organisation politique de la cité. Le thème du bon gouvernement se décline chez les philosophes, les juristes, les artistes, notamment les architectes, comme Le Filarète, qui dans son traité d'architecture en 25 volumes présente les plans d'une cité idéale, . Dans le Songe de Poliphile (1467), Francesco Colonna décrit une cité idéale sur l'île Cythérée. C'est aussi sur une île que Thomas More situe son Utopia (1516). François Rabelais (L’abbaye de Thélème, 1534), Johann Eberlin von Günzburg, (Wolfaria, utopie pro- testante), (La Cité du Soleil, rédigée en 1602) et Francis Bacon (La nouvelle Atlantide, 1627) imaginent eux aussi des sociétés idéales. Campanella est notamment très préoccupé par l'organisation d'un espace urbain qui épouse parfaitement l'organisation économique, sociale et politique de la cité. Avec la redécouverte des oeu- vres de Vitruve et les écrits de Leone Battista Alberti, la cité idéale se décline aussi dans l'art. Parallèlement, des juristes comme Jean Bodin (1529-1596), des philosophes comme James Harrington (1611-1677)15 s'interrogent sur la structure juridique la plus favorable à préserver l'état idéal.

Les expériences

Les aspirations sociales et politiques de la pensée utopique ont du mal à se traduire dans les faits en Europe. Les réalisations concrètes sont des expériences isolées, souvent à l'initiative de quelque per- sonnage suffisamment puissant ou fortuné pour mener à bien ces projets. Ces réalisations expriment un idéal de rationalisation de l'espace urbain épousant la fonction de la ville, mais aussi le respect de la « divine proportion », pour reprendre l'expression de Luca Pacioli. Le village de Cortigiano, berceau du pape Pie II devient ainsi la ville de Pienza en 1459. Les travaux, qui devaient en faire une cité idéale, restent inachevés à la mort de l'architecte florentin Bernardo Rossellino et de leur principal ins- tigateur. L'aménagement de la cité de Ferrare par l'architecte Biagio Rossetti à partir de 1492 s'inscrit dans cette recherche d'un idéal mariant esthétique et rationalité, mais l'Addizione Erculea, intersection de deux avenues flanquée de quatre palais, ne représente qu'une fraction du projet qui reste lui aussi inachevé. En 1593, le surintendant de la ville de Venise fait construire Palmanova, en forme d' étoile à neuf bran- ches. La forteresse vise à la fois la perfection formelle et stratégique : les portes monumentales sont conçues par Vincenzo Scamozzi dans la tradition vitruvienne, mais le plan rayonnant permet aux sol- dats rassemblés sur la place d'armes au centre de se rendre rapidement à leurs différents postes sur les remparts en passant par des avenues larges et dégagées. Sabbioneta, réorganisée au XVIe siè- cle par le duc de Mantoue, est également une cité-forteresse idéale en miniature. Citons encore les villes nouvelles de Charleville, construite sur l'ordre de Charles Ier de Mantoue sur un plan hippoda- mien et tout entière vouée au négoce, ou Richelieu (Indre-et-Loire), bâtie elle aussi sur un plan hippo- damien à l'instigation du cardinal de Richelieu. L'utopie uniquement sociale des anabaptistes de Münster, qui tentèrent d'instaurer une théocratie dans leur ville, fera peu d'émules. En revanche l'expansion coloniale permet à de petits groupes euro- péens d'exporter leurs idéaux sous des cieux plus propices à l'expérimentation. Les missions jésuites du Paraguay embrigadent les Guaranis dans l'expérience des « réductions » qui durera du début du XVIIe siècle à 1767. Les Puritains du Mayflower qui fuient l'Angleterre anglicane pour fonder une société nouvelle en Nouvelle-Angleterre se préoccupent moins d'urbanisme que de liberté religieuse, mais la fondation de Philadelphie en 1681 par le quaker William Penn renoue avec la tradition de la cité utopique dont l'architecture même reflète la société idéale qu'elle prétend fonder. xviiie siècle

Montesquieu (1689-1755) poursuit la réflexion entamée par les juristes et les philosophes à la recher- che d'une constitution idéale pour réformer les sociétés. En 1755, dans le Code de la Nature, ou le véritable Esprit de ses lois, Étienne-Gabriel Morelly développe les bases révolutionnaires d'un état où l'égalité des droits et des devoirs des citoyens est assurée par une organisation mathématique et rationnelle de la cité et la disparition de la propriété privée. L'idée qu'il est possible de jeter les bases d'une société meilleure dans la cité poursuit donc son essor, notamment parmi les révolutionnaires français qui, tel Saint-Just , ne pourront pas réaliser leurs rêves d'une république vertueuse et idéale. Le XVIIIe siècle voit de nombreux chantiers d'embellissement et de mise en ordre de l'espace urbain. C'est aussi le siècle des architectes visionnaires comme Jean-Jacques Lequeu, Étienne-Louis Boullée et Claude Nicolas Ledoux (1736-1806)21, instigateur d'un des plus remarquables exemples de cité idéale effectivement construite : la Saline royale d'Arc-et-Senans. Ledoux ne pourra pas mener à bien son projet d'une cité idéale, la ville de Chaux. Dépourvue de prison, articulée autour des besoins de ses habitants et intégrée à la nature, la ville est toute pétrie de bonnes intentions rousseauistes. Elle offrait, selon Alberto Pérez-Gómez, « un environnement physique où l'homme devait être en mesure de trouver le véritable bonheur. » À la fin du xviiie siècle, en 1794, et élaborent le projet d'une communauté idéale, la Pantisocracy (gouvernement par tous) . Leur projet initial est de s'installer sur les rives de la Susquehanna aux États-Unis mais les difficultés matérielles les découragent de tenter l'expérience. xixe siècle

New Harmony, projet de commu- nauté du socialiste utopique Robert Owen

Dessin pour le projet d’Icarie

Les idées révolutionnaires qui ont inspiré le projet avorté des poètes anglais continuent à faire leur chemin. Au xixe siècle, le socialisme utopique va inspirer la réalisation de communautés conçues pour éviter l'oppression de la majorité laborieuse par un petit nombre d'oisifs. Ce sont les phalanstères de Fourier, qui donnent au socialiste britannique Robert Owen l'idée des réformes de l'usine de New Lanark, puis celle de coopératives utopiques qu'il tente de réaliser mais sans succès. Citons aussi Étienne Cabet et son projet d'Icarie dont la transposition dans les faits (Icaria, Iowa dans les années 1850) est un échec, mais qui innove jusque dans la façon même dont la ville est conçue, non plus seu- lement par des spécialistes, mais aussi par une forme de ce que l'on appellerait aujourd'hui la « démo- cratie participative » :` Intérieur du familistère (1859 -1880) de Guise

« Imagine d’abord, soit à Paris, soit à Londres, la plus magnifique récompense promise pour le plan d’une ville-modèle, un grand concours ouvert, et un grand comité de peintres, de sculpteurs, de savants, de voyageurs, qui réunissent les plans ou les descriptions de toutes les villes connues, qui recueillent les opinions et les idées de la population entière et même des étrangers, qui discutent tous les inconvénients et les avantages des villes existantes et des projets présentés, et qui choisissent entre des milliers de plans-modèles le plan-modèle le plus parfait. Tu concevras une ville plus belle que toutes celles qui l’ont précédée ; tu pourras de suite avoir une première idée d’Icara, surtout si tu n’oublies pas que les citoyens sont égaux, que c’est la république qui fait tout, et que la règle, invaria- blement, et constamment suivie en tout, c’est : d’abord le nécessaire, puis l’utile, enfin l’agréable » Jean-Baptiste André Godin essaiera de traduire une partie de ces aspirations sociales dans son fami- listère tandis que les communautés de saint-simoniens tenteront de mettre en pratique leurs idées de réforme sociale. La réflexion sur la ville est également alimentée par les problèmes d'insalubrité, exacerbés par la croissance démographique et le début de l'exode rural. Les épidémies, rougeole, dysenterie, typhus, font des ravages en milieu urbain. L'épidémie de choléra qui touche Paris en 1832, par exemple, met l'accent sur les insuffisances de l'approvisionnement en eau potable. Les grandes villes, notamment Londres, sont accusées d'être le terrain de prédilection du crime, du vice et de la misère. Avec l'avè- nement du transport ferroviaire entre les années l850-1870, un mouvement pour le retour à la nature se dessine avec les cités-jardin britanniques dont l'idée est adoptée en France. Dans ces projets tar- difs on voit apparaître les préoccupations hygiénistes de l'époque. Considérant que la baisse de la mortalité et l'allongement de la durée de vie sont un aspect essentiel du progrès social, Benjamin Ward Richardson publie en 1876 un ouvrage intitulé Hygeia, a City of Health dans lequel il décrit une cité idéale pour la santé de ses habitants. La rénovation de Paris par Haussmann, Belgrand et Alphand est inspirée par ces théories hygiénistes comme en témoignent la construction des espaces verts ou des égouts de Paris. On retrouve ces aspirations chez Jules Verne, qui imagine une commu- nauté idéale dans Les Cinq Cents Millions de la Bégum, qu'il baptise patriotiquement France-Ville, tan- dis que H. G. Wells publie en 1905 une Modern Utopia également inspirée de l'urbanisme hygiéniste. xxe siècle

Brasilia : on distin- gue encore le plan original en forme d'oiseau

Pendant que, influencés par les idées socialistes, se développent en Palestine les premiers kibbout- zim, avec leur plan sévèrement égalitaire et communautaire, la réflexion menée par les architectes de la fin du XIXe siècle débouche sur la notion d'urbanisme, terme qui apparaît en France au début du XXe siècle.

Tony Garnier, auteur de La Cité Industrielle (1917), reprend les principes antiques d'une division fonc- tionnelle de l'espace urbain tout en conservant des préoccupations esthétiques et hygiénistes en sup- primant la clôture de l'ilot de la « ville-parc » et en utilisant des matériaux contemporains. La ville de Lyon a fait appel à lui pour concevoir et réaliser des quartiers industriels qui ne sont pas à l'image de son manifeste où s'articulent zones d'activités et zones résidentielles à faible densité et faible hauteur en gabarit. Son oeuvre théorique influence à son tour les architectes soviétiques. Ces préoccupations sociales se retrouvent chez Adriano Olivetti, qui développe ses idées en matière d'architecture et d'urbanisme dans Città dell'uomo (La Cité de l'homme), publiée à titre posthume. Il met en oeuvre certaines de ces idées dans le développement de la vallée d'Aoste et dans la recons- truction de l'Italie d'après guerre. Le projet de Baldwin Hills Village, qui voit le jour au début des années quarante aux États-Unis, se situe dans la tradition des cités-jardins. La figure de proue de la tradition utopique dans l'urbanisme d'après-guerre est peut-être l'architecte Le Corbusier dont les idées, le purisme notamment, vont essaimer dans le monde entier, inspirant l'ar- chitecture des villes nouvelles d'Europe de l'Est et les instigateurs du brutalisme anglo-saxon. Son nom est intimement lié à la naissance de villes modernes telles que Chandigarh, dont il est l'architecte avec Albert Mayer, mais aussi Brasilia, dont le plan d'urbanisme est réalisé par Lucio Costa et Oscar Niemeyer. La « Charte d'Athènes » de 1933 est une tentative pour synthétiser les concepts qui doi- vent, selon Le Corbusier et ses amis, présider à l'élaboration de la « ville fonctionnelle ». Louvain-la-Neuve est une ville nouvelle dont la construction débute dans les années 1970. Ses concepteurs ont essayé de répondre aux critiques faites aux villes modernes en posant trois principes : mixité, architecture sans gigantisme à taille humaine, absence de circulation automobile. Cependant la construction de cités idéales reste un projet accessible à l'initiative utopique privée. Le mouvement pacifiste des années soixante, par exemple, se traduit par la fondation d'Auroville, ou par la multiplication de communautés hippies informelles dans les pays industrialisés. Dans les années soixante-dix, des artistes américains mettent en place le projet d'« Illichville », d'après le nom du penseur de l'écologie politique Ivan Illich. « Illichville » est une utopie urbaine cen- trée sur la notion de décroissance et de convivialité. C'est à la même époque qu'apparaissent des concepts comme l'Arcologie de l'architecte Paolo Soleri, qui préconise un développement vertical de la cité, concepts qui sont largement popularisés par les auteurs de science-fiction. Plus modeste dans sa conception, l'écovillage naît du rejet de la société de consommation et de son gigantisme à la fin du xxe siècle. xxie siècle

Les types de cité idéale contemporaine varient : d'un côté des projets pharaoniques de nouveaux- riches, stigmatisés par leurs opposants, de l'autre des utopies aux revendications d'égalité et de jus- tice sociale. Un exemple des premiers pourrait être le développement de Dubaï, qui réinjecte la manne pétrolière dans un urbanisme qui est à la fois un défi aux conditions climatiques difficiles du désert et à l'architecture de l'ère industrielle. Dubaï, encensée par Rem Koolhaas, est présentée par Mike Davis comme le « fruit de la rencontre improbable d'Albert Speer et de Walt Disney sur les rives d'Arabie. » Les nouvelles utopies, d'une grande hardiesse technologique, sont souvent inspirées par le désir d'an- ticiper les changements climatiques tout en pratiquant une architecture vertueuse, soucieuse des hommes et de l'environnement, rationnelle et esthétique à la fois. L'urbanisme aquatique ("aquaURBanism" en anglais), comme ces Nymphéas présentées par Vincent Callebaut, projet d'une « écopole flottante multiculturelle dont le métabolisme serait en symbiose parfaite avec les cycles de la nature », anticipe le réchauffement climatique et la montée des eaux. Atlantis et Utopia n'en ont pas fini de se réinventer. À l'heure actuelle, le débat fait rage à l'intérieur même du camp de l'urbanisme durable entre partisans (comme Jacques Ferrier et ses tours Hypergreen) et opposants de l'urbanisation verticale. Le docu- mentaire Last Call for Planet Earth - architects for a better world (2007-2008), du réalisateur Jacques Allard, tente de résumer les enjeux de la ville idéale du futur . Les critiques

La cité idéale est critiquée dès l'antiquité par Aristophane. Dans Les Oiseaux, il imagine la construc- tion d'une ville idéale dans les airs, Néphéloccocygia. Différents charlatans se présentent, notamment un géomètre, Meton, venu toiser l'air et le partager en rues : J'applique une règle droite, de manière à ce que tu aies un cercle tétragone ; au centre est l'Agora, les rues qui y conduisent sont droites et convergentes au centre, ainsi que d'un astre, qui est rond de sa nature, partent des rayons droits qui brillent dans tous les sens39. Jonathan Swift fera de même dans son roman, Les voyages de Gulliver (Laputa), qui montre les architectes commencer la construction des maisons par le toit. Dans Martin Chuzzlewit, Charles Dickens montre comment l'exploitation du rêve utopiste par des charlatans peut conduire à la perte des rêveurs naïfs. La cité soi-disant idéale d' Eden, implantée dans une zone maré- cageuse, infestée de malaria, se révèle vite un véritable enfer, et c'est au contact de cet enfer que le héros va développer d'admirables qualités d'entraide et de dévouement qu'une cité véritablement idéale n'aurait peut-être pas engendrées. Dans Les Cinq Cents Millions de la Bégum (1879), Jules Verne oppose deux projets de ville idéale, France-Ville et Stahlstadt. Cette dernière est le prototype de la ville industrielle construite autour d'un gisement minier, répondant à une logique de profit qui fait peu de cas de la vie des hommes. Il s'agit en fait d'une dystopie, analogue à la Coketown décrite par Dickens en 1849 dans son roman indus- triel Hard Times, roman dans lequel il s'attaque de façon virulente à l'utilitarisme de Jeremy Bentham. Étienne-Louis Boullée Étienne-Louis Boullée est un architecte français né à Paris le 12 février 1728 et mort à Paris le 4 février 1799. Avec Claude Nicolas Ledoux il fut l'une des principales figures de l'architecture néoclassique en France. Il a imaginé des édifices de rêve combinant la philosophie des Lumières, l'amour de la géo- métrie (formes géométriques simples) et une échelle gigantesque (accumulation de masses).

Projet de cénotaphe à Newton, vue en élévation, vue en coupe, 1784.

Fils d'un géomètre expert, Louis-Claude Boullée, Étienne-Louis Boullée voulait devenir peintre mais, sur les instances de son père, il s'orienta vers l'architecture. Il suivit, entre 1744 et 1747, l'enseigne- ment de Jacques François Blondel, Germain Boffrand et Jean-Laurent Legeay, auprès de qui il apprit les principes de l'architecture française classique. En 1747, il perdit son père et ouvrit sa propre école d'architecture. Il fut élu à l'Académie royale d'architecture en 1762 et devint architecte de Frédéric II de Prusse, titre largement honorifique. Sous la Révolution française, il fut l'un des quinze académiciens qui envoyèrent à l'Assemblée Nationale un projet d'Académie nationale des Arts (1791). En 1793, il fut nommé suppléant au Jury national des Arts et légua ses dessins et ses manuscrits à la Nation (ils sont aujourd'hui à la Bibliothèque nationale de France). Il participa au jury des concours de l'An II (1794) et fut élu membre de l'Académie des Beaux-Arts de l'Institut de France lors de sa création en 1795. L'architecte

Projet de reconstruction de l'Opéra de Paris, 1781. Les premières commandes que Boullée reçut à partir de 1752 portaient essentiellement sur le réamé- nagement de constructions existantes et des travaux de décoration. En 1762, il rénova la maison de Claude-Charles-Dominique Tourolle, rue Charlot dans le Marais1, et l'hôtel de Montville, rue de la Bonne Morue. En 1754, le jeune architecte construisit au nord de l'église Saint-Roch une petite chapelle basse dédiée au Calvaire, qui s'insérait dans l'ambitieux programme monumental conçu par le curé Jean- Baptiste Marduel, et redessina également les autels des extrémités du transept et leurs retables. Son travail a été anéanti par l'agrandissement de la chapelle en 1850. Entre 1762 et 1778, Boullée construisit un bon nombre de résidences privées, qui ont toutes été détrui- tes à l'exception de l'hôtel Alexandre (dit aussi Soult), rue de la Ville l'Évêque à Paris (1763). Il reconstruisit le château de Chaville (1764), édifia les deux hôtels de Montvile rue d'Anjou (1764), l'hôtel de Pernon (1768), l'hôtel de Brunoy (1774), aménagea l'hôtel de Villeroy, rue de Varenne (1768), l'hôtel Tubeuf pour le contrôle général des finances (1769), travailla au château de Villiers et à l'hôtel de Sénac (1770). Il aménagea la maison du financier Nicolas Beaujon à Issy (1773) et tra- vailla pour lui à la décoration et à l'aménagement de l'hôtel d'Évreux. En 1778, Boullée fut nommé architecte de l'hôtel des Invalides et, en 1780, contrôleur des bâtiments de l'École militaire. À ce titre, il eut à achever les travaux, construisant notamment une grande partie des bâtiments qui bordent l'avant-cour, les deux postes de garde, etc. À compter de 1776, il avait commencé à travailler pour le comte d'Artois, pour qui il donna un projet de palais en 1780. En 1787, il participa aux travaux de construction du nouveau pont Louis XV (actuel pont de la Concorde), supervisant la destruction des maisons avoisinantes. Le théoricien

Second projet pour la Bibliothèque royale, 1786

C'est comme théoricien et professeur à l'École Nationale des Ponts et Chaussées entre 1778 et 1788 que Boullée se fit principalement connaître et exerça la plus grande influence. Il développa un style géométrique propre, inspiré par les formes classiques et caractérisé par la suppression de toute orne- mentation superflue, l'agrandissement des formes géométriques sur une échelle gigantesque et la répétition en très grand nombre d'éléments tels que les colonnes. L'objectif recherché était de produire une impression de majesté et de solennité propre à inspirer le respect aux citoyens, tout en suggérant la majesté de l'univers et le dessein rationnel sous-jacent. Boullée promut le concept d'une architecture exprimant sa fonction, doctrine qu'il appela architecture parlante, et qui fut une composante essentielle de l'enseignement à l'École des Beaux-Arts vers la fin du xixe siècle. Un bon exemple de son style propre peut être recherché dans son projet de cénotaphe pour Isaac Newton, qui aurait pris la forme d'une sphère de 150 mètres de diamètre, posée sur une base circu- laire couronnée de cyprès. Le projet ne fut jamais réalisé, mais il fut gravé et circula largement dans les milieux professionnels. Les idées de Boullée eurent une influence majeure sur ses contemporains. Il forma des architectes importants tels que Jean-François-Thérèse Chalgrin, Mathurin Crucy, Alexandre Théodore Brongniart ou Jean Nicolas Louis Durand. Une partie de son ?uvre ne fut révélée qu'au xxe siècle. Son livre Architecture, essai sur l'art, dans lequel il plaide pour un néoclassicisme qui ne refuserait pas l'émotion, composé entre 1796 et 1797, ne fut publié qu'en 1953. Il présente notamment ses projets de bâtiments publics démesurés imagi- nés entre 1778 et 1788. Le goût de Boullée pour les projets grandioses l'a souvent fait taxer de mégalomanie. Son utilisation de la polarité ou du jeu de l'ombre et de la lumière était très en avance sur son temps. Redécouvert au xxe siècle, Boullée continue d'influencer des architectes contemporains comme Aldo Rossi.

Cénotaphe_égyptien_-_élévation.j

Claude Nicolas Ledoux Claude Nicolas Ledoux est un architecte et urbaniste français né à Dormans le 21 mars 1736 et mort à Paris le 18 novembre 1806. Architecte très actif de la fin de l'Ancien Régime, il fut l'un des principaux créateurs du style néoclas- sique. La plupart de ses constructions ont été détruites au xixe siècle.

Château de Mauperthuis, 1763 (détruit) Hôtel d'Hallwyll, 1766. Élévation de la façade sur la rue Michel-le-Comte.

Saline royale d'Arc-et-Senans

L'utopiste

Projet pour la ville de Chaux, autour de la saline royale d'Arc-et-Senans Autour de la saline royale, Ledoux formalisa ses conceptions innovantes d'un urbanisme et d'une architecture destinés à rendre la société meilleure, d'une Cité idéale chargée de symboles et de signi- fications. Il est considéré, avec Étienne-Louis Boullée et ses projets de Cénotaphe de Newton ou de basilique, comme l'un des précurseurs du courant utopiste. Dès 1775, il avait présenté à Turgot les premières esquisses de la ville de Chaux, dont la saline royale devait former le centre. Le projet, constamment perfectionné, fut gravé à partir de 1780. Utopiste radical de l'architecture, enseignant à l'École royale des beaux-arts, il crée un singulier ordre architectonique, une nouvelle colonne formée d'une alternance de pierres cylindriques et cubiques superposées à l'effet plastique saisissant. L'époque est alors au retour à l'antique, à la distinction et au dépouillement, au goût pour le style "rustique". Cité-jardin

La Cité-jardin est un concept inventé par Ebenezer Howard à la fin du xixe siècle. Son concept est mis en application par Raymond Unwin dans la réalisation des villes de Letchworth, Hampstead et Welwyn, à proximité de Londres.

Cité-jardin Le Logis, Watermael-Boitsfort (Bruxelles) Le concept initial

Diagramme des trois aimants d'Ebenezer Howard qui repré- sente comment la cité-jardin associe les avantages de la vil- les et de la campagne sans les désagréments des deux

La cité-jardin de Howard est définie par les princi- paux points suivants : une maîtrise publique du foncier (ce dernier appar- tient à la municipalité afin d'éviter la spéculation financière sur la terre.) ; la présence d'une ceinture agricole autour de la ville (pour l'alimenter en denrées) ; une densité relativement faible du bâti (environ 30 logements à l'hectare, bien que ce point ne soit jamais mentionné, mais seulement déduit) ; la présence d'équipements publics situés au centre de la ville (parcs, galeries de commerces, lieux cul- turels) ; la maîtrise des actions des entrepreneurs économi- ques sur l'espace urbain : Howard est un partisan de la liberté d'entreprendre tant que l'activité ne nuit pas à l'intérêt collectif. La présence ou non d'une entreprise dans la ville est validée ou refusée par les habitants via la municipalité. À terme, la cité-jardin ne devait pas rester un élément solitaire, mais devait faire partie d'un réseau plus large constitué de cités-jardins identiques de 30 000 habitants sur 2400 hectares, elles-mêmes situées autour d'une cité-jardin plus grande d'environ 58 000 habitants. L'ensemble étant relié par un réseau ferré dense. Dès 1903, Howard cherche à mettre en application ses principes urbanistiques, en réalisant la cité- jardin de Letchworth, à 60 km au nord de Londres, ville dont les plans seront réalisés par Barry Parker et Raymond Unwin. En 1919, il renouvelle l’expérience et crée Welwyn, d’après les plans de Louis de Soissons. L'idée de décentralisation sera reprise au cours des années d'après-guerre comme base théorique du plan de développement du Grand Londres. De même, la réalisation des villes nouvelles autour de Paris ou de Lille sera fondée sur ce principe. En dehors des réalisations effectuées en Angleterre, aucune autre ne reprendra le concept dans son intégralité. C'est ainsi que l'on qualifiera, par erreur, de cité-jardin, toutes les réalisations urbaines mariant construction et nature. Les cités-jardins en France

La cité-jardin de Stains En France, une cité-jardin est selon le Service de l'Inventaire du patrimoine, un "lotissement concerté, où les habitations et la voirie s'intègrent aux espaces verts publics ou privés, et destiné généralement en France à un usage social"1. Elle désigne un ensemble de logements sociaux individuels ou collec- tifs locatifs avec aménagement paysager et jardin autour de l'habitat. Elle comprend, dans la plupart des cas, des équipements collectifs (école, crèche, commerce, maison commune voire église), ce qui la distingue d'un simple lotissement concerté ou d'un ensemble de logements sociaux classique. Georges Benoît-Lévy (1880-1970), juriste et journaliste de métier, suite à un séjour en Angleterre à la demande du Musée social, publie son ouvrage fondateur La Cité-jardin, en 1904, préfacé par le théo- ricien du coopératisme Charles Gide2 . Il fonde la même année l'Association des cités-jardins, à laquelle adhèrent notamment l'architecte Henri Sauvage ou l'homme politique Jules Siegfried. Il contri- bue par ses écrits à la diffusion de ce modèle d'urbanisme en France et y voit une solution aux pro- blèmes chroniques de logements que connaît le pays. Les cités-jardins de l'Office HBM de la Seine

La cité-jardin de Drancy

La cité-jardin des Grésillons à Asnières-sur- Seine

Les plus célèbres cités-jardins de la région parisienne sont celles réali- sées à l’initiative de l’Office public d’habitations à bon marché de la Seine, entre les Première et Seconde Guerres Mondiales à l’extérieur de Paris. L’objectif était « d’édifier des agglomérations propres à assurer le décongestionnement de Paris et de ses faubourgs » selon le président de cet OPHBM, l’emblématique Henri Sellier. Une quinzaine de cités sont ainsi construites autour de Paris. Parmi ces cités-jardins toujours en place de nos jours, on compte : La cité-jardin de l’Aqueduc à Arcueil (1921-1923) : 228 logements sous la forme de pavillons regrou- pés de 2 à 6 construits par l’architecte Maurice Payret-Dortail. Le projet comporte alors par ailleurs un groupe scolaire, une coopérative d'alimentation et un stade. Il subsiste encore 43 pavillons d’origine. La cité-jardin, rue de la République à Drancy (1921-1929) : 210 logements individuels et des loge- ments collectifs par les architectes Bassompierre et de Rutte. La cité-jardin de Stains (1921-1933) : 1 676 logements (456 individuels et 1 220 collectifs) par les architectes Gonnot et Albenque3. La cité-jardin de Suresnes (1921-1939) : construite par les architectes Alexandre Maistrasse, Julien Quoniam, Félix Dumail et Louis Bazin, Henri Sellier étant maire de Suresnes. La cité comprend, en plus des logements collectifs et individuels (au nombre de 2 500 avant guerre, dont 2 327 collectifs), un dispensaire, une crèche, des groupes scolaires, des équipements sportifs, des lieux de culte catho- lique et protestant, un théâtre, un magasin coopératif, un foyer pour célibataires et une maison pour personnes âgées. La cité comprend des commerces, une crèche, une école maternelle et une maison pour tous. Dumail puis Bazin reconstruisent des logements et agrandissent la cité (de plus de 500 logements) après la Seconde Guerre mondiale La cité-jardin d’Asnières-sur-Seine, située 100 avenue des Grésillons, est composée de 730 loge- ments environ. Ce sont des immeubles en brique rouge, séparés de d'espaces verts et construits sur les anciens champs d'épandages. Cette cité est gérée de nos jours par la ville de Paris. La cité-jardin de Gennevilliers (1923-1934) : 237 pavillons individuels et 186 logements en immeubles construits par les architectes Ernest-Michel Ebrard et Félix Dumail. La cité-jardin du Plessis-Robinson (1924-1939) : construite par les architectes Maurice Payret-Dortail, Jean Demay, et Jean Festoc, comprenant logements individuels et collectifs (241 à la fin des années 1930), ainsi que des commerces. Une partie de la cité a été détruite4 . La cité-jardin du Pré-Saint-Gervais - Pantin - Les Lilas (1927-1933 puis 1947-1952) : construite par l'architecte Félix Dumail, constituée de 1200 logements collectifs et de 56 pavillons individuels (contre 243 prévus à l'origine), essentiellement situés sur les communes de Pantin et du Pré-Saint-Gervais. Une partie de la cité est construite à Pantin après la Seconde Guerre mondiale mais dans un style très différent, partie appelée de nos jours "cité des auteurs" (228 logements). La cité comporte comme équipements collectifs des boutiques, une école (actuelle école Jean Jaurès) et un stade. Mais le pro- jet d'édifier en plus une maison des services sociaux, un dispensaire et un théâtre de plein air ne sera pas réalisé. La cité est partiellement protégée au titre des sites. La cité-jardin de Champigny-sur-Marne (1931-1933) par les architectes Pelletier et Tesseire compre- nant un théâtre et une école. La cité-jardin de la Butte-Rouge à Châtenay-Malabry (1931-1939 puis 1949-1965) : construite par les architectes Joseph Bassompierre-Sewrin, Paul Sirvin, Paul de Rutte et André Arfvidson, sur 74 hecta- res, en 7 tranches successives. Plus on avance dans le temps, plus les immeubles construits s’agran- dissent et leur construction se préfabrique. 1 573 logements sont construits à la fin des années 1930. D’autres cités ont été construites par l'OPHBM de la Seine mais sont aujourd’hui détruites, car dès cette époque considérées comme provisoires. Elles étaient situées à Bagnolet (détruite dans les années 1930), Dugny (détruite pendant la Seconde Guerre mondiale), Les Lilas (détruite dans les années 1970), Vitry-sur-Seine…

La Cité de la Muette, à l'époque de sa construc- tion par l'office des HBM du département de la Seine, devenue pendant la Seconde Guerre mon- diale le Camp de Drancy

Progressivement, la tendance à une industrialisation des modes de construc- tion de ces cités et l’évolution vers l’ha- bitat tout collectif, dans un but de réduction des coûts. Les équipements collectifs sont de plus en plus réduits et les espaces verts inexistants. C’est le cas des réalisations de l’OPHBM à Boulogne-Billancourt, Vanves, Maisons-Alfort… L’une des dernières "cités-jardins" lancées par l’OPHBM de la Seine est la cité de la Muette à Drancy (construite par Eugène Beaudouin, Marcel Lods et Jean Prouvé entre 1931 et 1934), qui constitue en réalité une transition vers les grands ensembles, dont c’est le premier exem- ple en région parisienne. Les Cités-jardin à Reims Le Foyer Rémois a été créée par plusieurs industriels dont Georges Charbonneaux qui appartient à la tradition du catholicisme social et entretient néanmoins des relations suivies avec la haute société protestante locale. Ainsi, il associe Joseph Krug à la création du Foyer rémois qui dès 1911, com- mença à Reims l’édification de logements destinés aux familles ouvrières et nombreuses. Commencé avant la guerre un premier projet, dans le quartier Charles Arnould (Trois Fontaines), fut abandonné. La ville de Reims a été détruite à 80% durant la Première Guerre mondiale. La municipalité élue en novembre 1919 et son maire Charles Roche firent appel au major de l'armée américaine Georges B. Ford. Celui-ci élabora un plan de reconstruction ambitieux, le plan "Ford" retenu par le conseil muni- cipal, le 5 février 1919, et qui prévoyait de créer une douzaine de cités-jardins, reliées entre elles par une ceinture verte de parcs destinés à séparer les quartiers d'habitation des zones industrielles. Ces cités-jardins sont organisés en villages avec une Maison Commune. La Cité radieuse / Unité d’habitation L’unité d'habitation est le nom donné à un principe Moderne de bâtiments d’habitation développé par Le Corbusier (en collaboration avec le peintre et architecte Nadir Afonso) qui a servi de modèle à plu- sieurs cités désignées par ce nom à travers l’Europe. La première et la plus célèbre de ces unités est celle de Marseille construite entre 1947 et 1952, connue aussi sous le nom de « Cité radieuse », ou encore sous le sobriquet de la « maison du fada ». Cette unité, sans doute la plus connue, est deve- nue une icône architecturale, et on la considère souvent comme le bâtiment qui a inspiré par la suite le style et la pensée brutaliste. Le bâtiment marseillais comprend 337 appartements en duplex, le tout posé sur pilotis. Le bâtiment renferme aussi des boutiques, des équipements sportifs, médicaux et scolaires, ainsi qu’un hôtel. Le toit plat est conçu comme une terrasse commune avec des bouches d’air sculpturales et une piscine. À l’intérieur, des couloirs centraux desservent les appartements tous les trois étages, chaque apparte- ment étant en duplex. Ces couloirs s'étirent d’un bout à l’autre du bâtiment avec un balcon aux extré- mités. Dans ses brouillons, l’architecte rapprocha ses études avec les premières maisons communales soviétiques comme la cité du Narkomfin. À la grande différence des nombreuses cités-cages-à-lapins que l’unité d’habitation inspirera mais sans les proportions généreuses, les équipements en commun et l’implantation en harmonie avec son site, les unités d’habitation eurent du succès auprès de leurs rési- dents et sont, pour certaines d'entre elles, largement occupées aujourd'hui par des classes aisées.

Unité d'habitation de Berlin

Autres bâtiments et influence

L'unité d'habitation de Le Corbusier a été répétée pour seulement quatre autres bâti- ments avec le même nom et une presque parfaite similitude dans les plans. Les autres unités furent construites à Nantes- Rezé en 1955, Berlin-Westend en 1957, Briey en 1963 et Firminy en 1965. Les unités furent construites en béton brut parce que la construction métallique, retenue à l'origine, s'avéra trop onéreuse en cette période de pénurie d'après-guerre. Ce matériau de remplacement influencera l'architecture brutaliste, et les unités inspirèrent de nombreux complexes immobiliers, dont notamment l'Alton West estate de Roehampton à Londres, ainsi que le Park Hill à Sheffield. Ces bâti- ments ont suscité de nombreuses critiques. D'autres furent plus heureuses, comme le Barbican Estate de Chamberlin, Powell & Bon (terminé en 1982) et Trellick Tower d'ErnŒ Goldfinger(1972), toutes deux à Londres. Cité radieuse de Marseille

La cité Radieuse

L'unité d'habitation de Marseille, également connue sous le nom de Cité radieuse, est une résidence édifiée entre 1945 et 1952 par Le Corbusier. Bâtie sous forme de barre sur pilotis (en forme de piètements évasés à l'aspect brutaliste) où a tenté d'appliquer ses principes d'architecture pour une nouvelle forme de cité, un village ver- tical, appelé "Unité d'habitation". Cet ensemble est composé de 360 appartements en duplex séparés par des rues intérieures.

La piscine sur le toit L'ensemble de Marseille fut le premier d'une série de cinq cités radieuses ont été réalisées sur les mêmes plans, quatre en France (Marseille en 1952, Rezé en 1955, Firminy en 1963, Briey en 1965) et une en Allemagne à Berlin en 1957. Les proportions d'une cité radieuse sont calculées avec le Modulor qui est un système de mesures des rapports entre les habitants et l'habitat basé sur le nombre d'or et la suite de Fibonacci Cité Radieuse de Rezé

L'Hôtel de ville de Rezé, l'église Saint-Pierre et la Maison radieuse.

L'école maternelle Le Corbusier, sur le toit de la Maison radieuse de Rezé. Les pilotis de la Maison radieuse de Rezé.

La Maison Radieuse, également appelée Cité radieuse de Rezé ou La Maison familiale, est une rési- dence sous forme de barre sur pilotis située sur la commune de Rezé (Loire-Atlantique), au sud de l'agglomération nantaise, où Le Corbusier a tenté d'appliquer ses principes d'architecture pour une nouvelle forme de cité, un village vertical, appelé "Unité d'habitation". C'est la deuxième des quatre unités d'habitation construites en France avec Marseille, Briey et Firminy. Historique

Le contact de Le Corbusier à Nantes se fait en la personne de Gabriel Chéreau, jeune avocat, vice- président d'une coopérative privée de logement social "La Maison familiale" : celle-ci a pour membres des employés du port de la ville. Au moment du lancement du programme de reconstruction de la ville de Nantes en 1945, Gabriel Chéreau s'inquiète des projets de l'architecte en chef, Michel Roux-Spitz. Il contacte alors l'architecte pour contrer ce projet mais sans y parvenir. Ils collaborent de nouveau trois ans plus tard pour reproduire l'expérience de Marseille. Mais l'unité de Rezé est la première à se réaliser dans un cadre de logement social "classique", ce que recherchait Le Corbusier, pour qui son concept d'habitat devait s'adresser en priorité aux personnes modestes. Après des négociations difficiles avec les financeurs, notamment en raison des coûts élevés et des normes de construction HLM imposées par l'État, le projet met beaucoup de temps à se mettre en place. C'est finalement en juin 1950 que le plan définitif proposé par Le Corbusier aidé d'André Wogenscky est adopté. Le choix du lieu d'implantation est la commune de Rezé, au sud-ouest de Nantes et à proximité du port. La municipalité cautionne l'emprunt accordé par l'État à la Coopérative maître d'ouvrage du bâtiment. Les travaux ne commencent que le 11 juin 1953 et s'achèvent un an et demi plus tard. Les premiers habitants emménagent le 16 mars 1955 et le bâtiment est officiellement inauguré en juillet de la même année. Description

Installée dans un parc boisé de 6 hectares et au pied d'une pièce d'eau, elle fait 52 m. de haut, 108 m. de long, et 19 m. de large. Elle est plus petite que celle de Marseille1. Elle comprend 294 loge- ments répartis sur 17 étages et accessibles par 6 rues intérieures. Ils peuvent accueillir 1400 person- nes. Les appartements sont en duplex montant ou descendant et profitent de la double orientation est- ouest de chaque côté de l'immeuble ou sont exposés au sud. Ils sont cependant plus petits et moins variés que l'unité marseillaise. Les équipements sont constitués d'une école maternelle située sur le sommet du toit et de locaux collectifs entre les escaliers. Un bureau de poste y est implanté (mais quitte le site en 2002). La coopérative a cependant refusé d'y inclure une rue commerçante, pourtant jugée vitale par Corbu pour la vie sociale de l'unité. Le Corbusier a insisté sur l'implantation de l'unité dans son environnement en construisant par exemple une passerelle pour la traversée de la pièce d'eau. Pour alléger les coûts de construction, des modifications ont aussi été apportées aux techniques mises en oeuvre pour la construction : le système du casier à bouteille utilisé à Marseille a ainsi été abandonné pour un système de préfabrication béton plus simple. Réception du bâtiment et son évolution

A leur emménagement, les habitants bénéficient d'un système de location-vente coopératif : chaque habitant de la coopérative donne un apport initial équivalent à 15 % du coût total du logement. Il devient ainsi actionnaire de la coopérative. En 1971, la loi Chalandon oblige à l'abandon du système coopératif et les habitants doivent choisir entre la location ou l'achat de leur logement. Seuls 20 % choisissent l'achat et la rotation des logement devient alors beaucoup plus importante. Le logement social, géré par Loire-Atlantique Habitations, représente de nos jours 55 % des locataires. L'Association des habitants de la Maison Radieuse, fondée le 25 avril 1955 existe toujours. L'unité abrite environ 1000 habitants aujourd'hui.

La réhabilitation des logements commence dans les années 1980. En 1996-1999, une réfection totale des façades est entreprise, notamment dans le but de corriger des malfaçons liées aux économies fai- tes lors de la construction du bâtiment. En 2004, les huisseries extérieures sont restaurées.

L'unité d'habitation est inscrite monument historique dès le 16 septembre 1965 pour les façades et couvertures. L'arrêté du 17 juillet 2000 étend l'inscription à l'école, aux circulations intérieures, à la passerelle et aux deux appartements témoins de la sixième rue en totalité. Le 10 décembre 2001, l'en- semble est classé monument historique2. Des visites du bâtiment et des appartements témoins sont organisés régulièrement par la mairie de Rezé.. Liste des unités d'habitation Unité d'habitation de Briey Unité d'habitation de Marseille, 1952 Unité d'habitation de Nantes, 1955 Unité d'habitation de Berlin, 1957 Unité d'habitation de Briey, 1963 Unité d'habitation de Firminy, 1965

Unité d'habitation de Bri e y Archigram La signification d'Archigram est l’association des termes « architecture » et « télégramme ». Concepts

Ce mouvement est Anglais. Il développe une architecture sans fondation, purement théorique, et se concrétise principalement par la parution d’une revue d’architecture. Celle-ci sert de média, entre 1961 et 1974, à un jeune groupe d’architectes : Peter Cook (1936), Ron Herron (1930), David Greene (1937), Warren Chalk (1927-1988), Dennis Crompton (1935), Mick Webb (1937). Leur prin- cipale inspiration vient d’un projet de décor de film de Cédric Price, Fun Palace, 1960-1961. Ce sont les premiers, après les brutalistes, à réagir à l’ère de la consommation. Effectivement, l’ef- fervescence du Pop Art, qui s’approprie la culture populaire, les mass médias, l’univers électronique et informatique ainsi que la conquête spatiale, se répercute dans les projets d’Archigram. L’habitat devient – comme les concepts appliqués à la ville – jetable, ludique, consommable, éphémère, pré- fabriqué et évolutif ; leurs projets urbains combinent réseaux, câbles, structures gonflables, mobile home, drive-in, informatique, robotique et reflètent la société de consommation hyper-technologique qui se développe. Ils prétendent également revenir aux fondements de l'architecture moderne (deuxième partie du xxe siècle) et remettent la vie au c?ur de la cité. Pour eux, ce qui fait une ville c’est avant tout les gens et leurs inter-relations. Ils y associent comme les Situationnistes ou les Métabolistes les principes d’indétermination et de mobilité et reprennent à leur compte les mégas- tructures mais avec une vision poétique, ironique ou provocatrice. Ils développent ainsi l’idée d’une circulation dans laquelle vient se greffer des cellules. Celles-ci se « pluguent », se branchent les unes aux autres. La ville est itinérante et elle suit les flux de l’événement et de la circulation de l’in- formation. Le travail d'Archigram avait une orientation futuriste influencée par l'?uvre d'Antonio Sant'Elia, les recherches de Buckminster Fuller, ou encore, plus près d'eux, celles d'Yona Friedman ou de Constant Nieuwenhuis. Une autre source d'inspiration majeure fut le mouvement Pop art, dont ils reprirent les couleurs acidulées, l'ironie désarmante, l'intérêt pour la culture populaire et banalisée, en rapport avec la société de consommation. Leur travail fut en retour une source d'inspiration pour le mouvement high-tech, notamment le centre Pompidou (1977) de Piano et Rogers, ainsi que le travail de Norman Foster, Gianfranco Franchini, ou même encore maintenant avec certaines réalisations de Future Systems.

Principaux travaux

Sin Center, 1961, Mike Webb. Living City et City interchangeable, 1963, Warren Chalk et Ron Herron. Idée de prolifération, de schématisation en 3D des neurones et du cer- veau. L’accent est mis sur la complexité des connexions et des réseaux. Plug-in City, (1964) de Peter Cook. La ville devient un organisme. Walking City, 1965, Ron Herron. Ce projet est quasiment l’antithèse des projets d’Archigram basés sur des mégastructures urbaines. Ce sont des villes zoomorphiques nomades qui se dépla- cent et s’interconnectent. Instant City, 1968, Peter Cook. Projet d’une ville nomade, qui se déplace, élément par élément, héliporté par des dirigeables ou des montgolfières. Instant City, se pose sur une ville déjà existante. Ville-réseau ou premier village global, elle n'est plus assujettie à une logique de localisation. Walking City Instant City Diverse utopies et projets

Living in a capsule (Akira Shibuya 1966, Youji Watanabe 1967, Kisho Kurokawa 1970-72). The Nakagin Capsule Tower

Kiyonoiri Kikutake, Marine City (1958-63).

Habitat, Montreal Expo, 1967 World's Fair, Montreal, Quebec (Moshe Safdie, 1967) Space city (Yona Friedman 1959-63)