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N° 13-14 | Printemps - Automne 2020

Les Carnets de l’imec

Quand on commence, quand on veut écrire, on ne sait plus quand ça s’arrêtera. Tout le temps à venir est à soi. Ce n’est pas d’inspiration mais d’une aspiration longue qu’il s’agit.

Institut Mémoires de l’édition contemporaine jean genet, L’ennemi déclaré, Gallimard, 1991 Sommaire

1. L’ÉVÉNEMENT

6 Les valises de Jean Genet, une exposition Entretien avec Albert Dichy

2. L’ÉCOLOGIE POLITIQUE EN ARCHIVES

12 Un conservatoire d’imaginaires François Bordes 15 André Gorz et la pensée écologique Dominique Bourg 18 Françoise d’Eaubonne, itinéraire d’une pionnière Catherine Golblum 20 Castoriadis, penseur de l’écologie politique Romain Karsenty

3. LA COLLECTION

24 Marianne Oswald, puissance rouge d’incendie Albert Dichy 26 Jean-Edern Hallier, enfant terrible des Lettres Stéphane Barsacq 28 L’armoire magique d’Alfredo Arias, rêveur des deux rives René de Ceccatty

4. LA RECHERCHE 32 Brèves de recherche Caroline Bérenger, Muriel Denis, Esteban Dominguez, Patrick Hersant, Pauline Trochu, François Weiser 34 Robert Kramer, écrits sur le cinéma Cyril Béghin 36 La Russie d’Antoine Vitez Sonia Gavory 38 L’amour est politique Cassiana Lopes Stephan 40 L’atelier des archives Sarah Fouquet

5. LA VALORISATION

44 Rencontres 46 Exposition 48 Galerie numérique 50 Prêts de pièces 52 Des nouvelles 54 Comment écrivez-vous ?

56 Vous accueillir 57 Nous soutenir 58 Les instances, l’équipe 59 Les partenaires Éditorial

Le dernier printemps s’est déroulé bien différemment de ce que nous avions tous pensé, prévu, rêvé. Pour préserver la santé de chacun, nous avons fermé le site de l’abbaye d’Ardenne aux visiteurs comme aux chercheurs, interrompu la programmation et placé notre équipe en travail à distance. Mais pendant ce temps incertain et suspendu nous n’avons pas cessé d’agir, de classer, nommer, repenser, reprogrammer… Le dynamisme n’a pas faibli, loin s’en faut. Nous avons ainsi eu la joie de passer l’été avec le très beau parcours d’Hélène Frappat qui a revisité la collection de l’IMEC à la recherche de l’écriture des figures de l’amour dans son exposition L’Amour est une fiction. Et maintenant, cette rentrée d’automne s’annonce riche en rendez-vous scientifiques et culturels, qu’il s’agisse des conférences de Michel Pastoureau, du Gai Savoir autour de Fernand Deligny ou de l’exposition sur les archives inédites de Jean Genet ; les occasions ne manqueront pas de se retrouver. Notre dossier a toute sa place dans ce double numéro printemps- automne. L’IMEC conserve en effet les archives de quelques-unes des grandes figures de ce qu’on appelle l’écologie politique : André Gorz, Cornelius Castoriadis, Félix Guattari, Françoise d’Eaubonne… Longtemps, ils ont été pris pour de gentils humanistes ou de rugueux idéologues. Et pourtant, leurs œuvres ont anticipé la plus vive actualité, et leurs archives éclairent l’archéologie d’une réflexion sociale et environnementale qui est désormais installée au coeur de toute pensée politique. L’écologie n’est ni un sentiment ni une vertu, c’est une pensée en acte qui se soutient d’un corpus d’idées et de textes remarquable : le dossier de cette nouvelle livraison des Carnets présente la richesse de ces archives largement ouvertes à la recherche. Les Carnets reviennent également sur les plus récentes entrées dans la collection de l’IMEC : René de Ceccaty présente les archives d’Alfredo Arias qui viennent compléter les archives de théâtre, tandis qu’Albert Dichy s’attache à dessiner le portrait de Marianne Oswald, figure historique de la chanson réaliste des années 1930, et que Stéphane Barsacq évoque les facettes de Jean-Edern Hallier, écrivain, homme de revues, éditeur. La collection s’enrichit, retrouvez-nous, il est temps !

nathalie léger

directrice de l’IMEC Cornelius Castoriadis, « La force révolutionnaire de l’écologie ». Dactylogramme annoté, 1992. Archives Cornelius Castoriadis/IMEC. L’événement 1

Les valises de Jean Genet confiées à l’IMEC par Roland Dumas en 2019. Archives Jean Genet/IMEC. Les valises de Jean Genet

Des manuscrits et scenarios inédits, des lettres, d’innombrables notes griffonnées sur des supports parfois improbables, un « foutoir de brouillons » de toutes sortes, le tout conservé à l’abri des regards dans deux valises pendant de longues années. Ces documents sortent de l’ombre et éclairent l’œuvre et la vie de l’auteur du Journal du voleur. Albert Dichy nous donne Exposition les clés et nous fait pénétrer dans la Abbaye d’Ardenne mallette d’Ali Baba. du 29 octobre 2020 au 29 janvier 2021

Les Carnets no 12 avaient annoncé l’entrée articles, des manifestes, il fait feu de tout bois. factures d’hôtels, de coupures de presse annotées, vite, inachevés, où Genet avance à tâtons, essaie de deux valises de Jean Genet dans les Mais que devient l’écrivain durant ces années ? de fausses ordonnances médicales rédigées par une pensée, risque parfois une énormité. Mais collections de l’IMEC, grâce au don généreux Et qu’est-ce qu’écrit un écrivain lorsqu’il n’écrit lui, d’affiches, de tracts, de journaux des Black je choisis cette brève note inédite et émouvante, de Roland Dumas. Vous êtes aujourd’hui le plus ? C’est la grande question et, d’une certaine Panthers. Et puis toutes ces notes, une infinité de « Quand, à quel moment… », où Genet évoque commissaire de l’exposition qui se tiendra à façon, les valises y répondent : quand il déserte notes… C’est comme si c’était sa vie que Genet avec nostalgie le délinquant, le criminel en l’abbaye d’Ardenne cet automne, et l’auteur du griffonnait sur toutes ces feuilles éparses, mêlées puissance qu’il était et qu’il a dû trahir pour catalogue qui l’accompagne. Quel est l’intérêt la scène littéraire, quand il dit avoir renoncé à la majeur de ces documents largement inédits ? littérature, Genet écrit malgré lui, il écrit partout, à son carnet de vaccination, à cet étrange « carnet devenir écrivain. Voici encore une dernière chose sur n’importe quelle feuille qui lui tombe sous d’adresses », constitué de bouts de papier où que montre cette exposition : le Genet qui écrit L’intérêt est d’abord littéraire, bien sûr. Les valises la main, sur des bouts de journaux, du papier il inscrivait le nom de ses alliés provisoires : des textes politiques n’est pas différent de celui contiennent de très nombreux manuscrits qui à lettres d’hôtels, des enveloppes, des pages Foucault, Derrida, Jane Fonda, Ellen, la femme qui rédigeait à trente ans ses premiers brûlots, sont pour la plupart brefs et inédits. Mais il y a arrachées à des livres, et même une fois sur de Richard Wright, Eldridge Cleaver… Les valises cahiers sur les genoux, dans une cellule de prison. aussi quelques grands manuscrits qui apportent l’emballage d’un morceau de sucre. Malgré lui, montraient une chose : Genet ne séparait rien. Le vieil homme n’a pas vieilli, il n’a pas cédé, il un éclairage décisif sur la genèse du livre malgré son vœu de silence, l’écriture le submerge Il ne séparait pas les causes qu’il défendait, les n’est pas devenu « honorable », comme dit Pierre testamentaire de Genet, Un captif amoureux, comme une vague. Genet ne veut plus publier. articles qu’il écrivait, ses hôtels, ses amours, le Goldman dans une de ses lettres envoyées de et d’autres qui révèlent deux scénarios de films Car éditer, pour lui, c’est se compromettre, c’est Nembutal qu’il avalait pour dormir, les dessins Fresnes, il est resté vivant et inquiétant. Pour qui encore inconnus, dont l’un est une adaptation « céder au monde ». Mais écrire, c’est plus fort qu’avait fait de lui Jacky Maglia… C’était tout un. sait lire, chacune des pièces de ces valises est une pour le cinéma du tout premier roman de que lui. Les valises livrent le secret de ce combat Genet conjugue comme personne le récit de sa matière vive. Genet, Notre-Dame-des-Fleurs, rédigé au milieu singulier où finalement l’écriture gagne la bataille. vie personnelle à la grande histoire politique des des années 1970 pour David Bowie qui rêvait Noirs d’Amérique et des Palestiniens. Les valises Entretien avec Albert Dichy Directeur littéraire de l’IMEC et commissaire de l’exposition. d’interpréter le rôle flamboyant de Divine. nous ouvrent cette matière autobiographique Mais ces valises apportent une autre révélation Vous êtes l’un des meilleurs connaisseurs de dont il fait ses livres. C’est de ce fatras et de ce Citation de Saint-Paul notée aussi passionnante. On l’oublie souvent, la l’œuvre de Jean Genet. Vous savez que ces trésor, qui mêle vieux papiers et pièces d’or, qu’est par Jean Genet sur un sachet de dernière œuvre publiée par Genet de son vivant archives existent, mais un jour, Roland Dumas né ce merveilleux livre, Un captif amoureux. sucre en poudre. s.d. Archives vous les montre. Qu’est-ce qui s’est passé Jean Genet/IMEC. est Les Paravents. Nous sommes en 1961 et quand vous avez ouvert pour la première fois Double page suivante Genet a à peine cinquante ans. Que se passe- Notes manuscrites de Jean Genet ces valises ? Si vous ne deviez retenir qu’une seule pièce, sur une feuille volante, vers 1980. t-il durant les vingt-cinq ans qui lui restent à Archives Jean Genet/IMEC. qu’un seul document, lequel choisiriez-vous ? vivre ? Certes, il entre, après Mai 1968, dans une Je me souviens de mon émotion la première fois Comptes de Jean Genet pour ses période politique et mouvementée, il soutient et que j’ai vu les valises ouvertes. C’était une petite Il faudrait ne pas choisir, prendre le tout de ces droits d’auteur sur divers supports. Archives Jean Genet/IMEC. accompagne les Blacks Panthers aux États-Unis grotte d’Ali Baba, un « foutoir » de brouillons de valises, aussi bien les pages bien fignolées, et les Palestiniens au Proche-Orient, il rédige des toutes sortes, de cahiers d’écolier, de lettres, de relues et corrigées que les textes écrits à la va-

6 LES CARNETS Nº 13-14 LES CARNETS Nº 13-14 7

L’écologie politique en archives 2

André Gorz, page de couverture du dossier contenant le manuscrit de Vie morte. Archives André Gorz/IMEC. Un conservatoire d’imaginaires

André Gorz, Cornelius Castoriadis, Félix Guattari, Edgar Morin, Françoise d’Eaubonne, Jean Baudrillard… l’IMEC Félix Guattari, « Les trois écologies ». Manuscrit, [1989]. conserve les archives de grands Archives Félix Guattari/IMEC. penseurs de l’écologie politique.

Leurs œuvres, les traces de leur activité 1. Lucile Schmid, « L’écologie pour tous », peuvent nous aider à comprendre les Esprit, janvier/février 2020. bouleversements en cours – qu’ils ont 2 . Edgar Morin et Anne-Brigitte Kern, Terre- très tôt anticipés et annoncés. Patrie, Le Seuil, 1993.

Le constat s’impose désormais largement : L’« écosophie » théorisée par Félix Guattari (1930- « La montée en puissance de la crise écologique 1992) dans ses textes des années 1980 (éd. bouleverse les catégories de la pensée et de Lignes/IMEC, 2014) compte parmi ces portes l’action1. » À l’heure de la prise de conscience entrouvertes sur l’avenir. Sa réflexion sur mondiale des catastrophes environnementales une écologie environnementale, mais aussi menaçant notre « Terre-Patrie2 », connaître et « sociale » et « mentale », s’avère en effet de la comprendre le passé de l’écologie politique est plus grande actualité. Régulièrement, Edgar indispensable pour affronter le présent tout en Morin (né en 1921), rappelle quant à lui l’urgente gardant l’avenir en mémoire. L’IMEC, qui abrite nécessité de réformer nos modes de pensée. les archives de grands penseurs de l’écologie Ses archives constituent un véritable atelier de politique, peut contribuer à cette tâche commune. la pensée complexe, de l’écologie et des nouveaux Le plus emblématique d’entre eux reste André arts de la transmission. Françoise d’Eaubonne Gorz (1923-2007), tenant d’une écologie politique (1920-2005), figure quelque peu oubliée, est humaniste, précurseur de la décroissance et récemment revenue dans le débat d’idées. théoricien d’une autre approche du travail. Ses Les nouvelles générations de chercheurs et archives gardent la trace de ses combats et de ses de chercheuses redécouvrent en effet son rôle réflexions sur l’écologie et les modèles alternatifs clef dans l’essor de l’écoféminisme. de développement. De nombreux chercheurs y La question écologique est aussi présente dans ont puisé des matériaux utiles pour leurs travaux. les collections de l’IMEC au travers d’auteurs qui Auteur d’un retentissant essai sur « la force engagèrent un dialogue avec elle comme Jean révolutionnaire de l’écologie », Cornelius Casto- Baudrillard, Jean Chesneaux, Jacques Derrida, riadis (1922-1997), exerça une influence profonde Paul Virilio, ou lui portèrent toujours le plus grand sur les penseurs et les militants écologistes. Ses intérêt personnel, comme Éric Rohmer. Enfin, la archives réservent des découvertes comme ses place de l’écologie dans les archives éditoriales échanges avec Jacques Ellul, l’un des premiers est un terrain d’étude particulièrement fertile : penseurs français de l’écologie. Écologie et les éditions La Découverte ou Le Seuil ont lancé politique, le tome VII des Écrits politiques de des collections dédiées à ce sujet désormais Castoriadis (à paraître en septembre 2020 aux central. Ainsi, plus que jamais peut-être, face aux éditions du Sandre) permettra ainsi, à la lumière menaces de disparition et d’oubli, les archives des archives, de revenir sur les débats concernant demeurent un conservatoire d’imaginaires. les « potentialités apocalyptiques de la techno- science » – tout en réfléchissant aux réponses François Bordes Délégué à la recherche à l’IMEC. concrètes possibles.

12 LES CARNETS Nº 13-14 André Gorz et la pensée écologique

La pensée écologique d’André Gorz prend source dans la grande tradition d’émancipation des Lumières pour s’enraciner aussi dans l’héritage de Marx et de Sartre. Un penseur résolument moderne d’une existence libre et épanouie pour tous.

André Gorz a été et reste une figure importante fascination chez lui pour les moyens, ni pour l’abs- de la pensée écologique. Il aura incarné une voie traction. Il n’oublie jamais que la fin de ces moyens particulière, à dominante francophone, celle que sont les techniques est une existence libre et consistant à faire de l’écologie une refondation de épanouie pour tous. Il est ici l’héritier de l’Ivan Illich la grande tradition d’émancipation des Lumières. critique des techniques et de leur contre- Un des textes les plus clairs à cet égard est un productivité ; mais en même temps je doute qu’il article publié en 1992 par la revue Actuel Marx, ait eu besoin d’Illich pour y parvenir, tant cette sous le titre « L’écologie politique entre experto- approche est enracinée dans son héritage intellec- cratie et autolimitation », récemment réédité par tuel et théorique. Il est aux antipodes d’un les PUF sous le titre Éloge du suffisant, avec un progressisme de Bazard, d’une espèce de rationa- commentaire de Christophe Gilliand. Le souci de lisme sec qui aboutit au culte progressiste des Gorz ne portait pas tant sur la nature en tant que objets techniques et autres marchandises. À une telle, mais sur la qualité de nos existences, qualité époque où les objets numériques abîment nos exis- inséparable des relations que nous nouons entre tences, ce n’est pas sans importance. nous. Sa réflexion est totalement étrangère à la Enfin, j’aimerais clore ces quelques lignes en tradition des éthiques environnementales atta- évoquant le dernier livre publié du vivant de chées au questionnement de la valeur intrinsèque Gorz, La Lettre à D. Non seulement cette Lettre se de la nature. Elle est tout autant étrangère au hisse parmi les grands monuments de la littérature courant des éthiques animales. Même peu de consacrée à l’amour, mais elle constitue encore un temps encore avant son décès, la question du trait d’union entre ses écrits théoriques et son véri- changement climatique ne le taraudait guère. Non table chef-d’œuvre, qui est tout autant celui de qu’il y ait été indifférent, mais parce qu’elle ne lui Dorine, à savoir leur existence de couple. paraissait pas porteuse d’une quelconque quête de sens. La pensée de Gorz est ainsi résolument Dominique Bourg Philosophe, professeur honoraire anthropocentrée et moderne. Elle s’enracine à l’université de Lausanne. au-delà des Lumières dans l’héritage marxien, mais un Marx revisité au travers de Sartre et de l’existentialisme. Et c’est justement cette approche qui fait parado- Page de gauche Couverture de Leur écologie et la nôtre xalement de Gorz un penseur encore important. Il d’André Gorz, à paraître en octobre 2020. a su précisément discerner le meilleur de la grande Dorine avec Herbert et Inge Marcuse en Californie en 1976. Photographie d’André tradition de l’émancipation et la séparer de sa Gorz. Archives André Gorz/IMEC. gangue technoscientifique. Aucune adulation des André Gorz, « La gauche et la société sciences et techniques chez Gorz, comme s’il en de la connaissance ». Manuscrit de la traduction par André Gorz de son avait été vacciné par sa formation initiale d’ingé- intervention au colloque «Links zur Wissensgessellschaft », 2001. nieur à l’école de chimie de Lausanne. Aucune Archives André Gorz/IMEC.

LES CARNETS Nº 13-14 15

Françoise d’Eaubonne, itinéraire d’une pionnière

Née il y a cent ans, Françoise d’Eaubonne fut à l’origine du concept d’écoféminisme. Son œuvre est aujourd’hui redécouverte. L’historienne Caroline Goldblum évoque ici l’itinéraire d’une intellectuelle au cœur des débats de notre époque.

Autrice, théoricienne et activiste irréductible, Théoricienne, Françoise d’Eaubonne pose les Françoise d’Eaubonne (1920-2005) est une per- jalons de l’écoféminisme dès 1974 dans un contexte sonnalité incontournable de la scène intellectuelle de prise de conscience mondiale des probléma- française de la seconde moitié du vingtième siècle. tiques écologistes (rapport Meadows, catastrophe Elle grandit en région toulousaine où elle publie de Minamata au Japon…). Elle fait le rapproche- ses premiers recueils de poèmes et romans ment entre l’exploitation de la nature et de la pendant la guerre. Autrice fétiche de René Julliard, femme par l’homme en proposant une synthèse elle remporte le prix des lecteurs Julliard en 1947 inédite de l’écologie et du féminisme dans le terme pour son roman historique Comme un vol de ger- « écoféministe », contraction des deux pensées fauts. Révélée au féminisme au travers du prisme politiques dont elle se réclame. Autant qu’une de la lecture du Deuxième Sexe en 1949, Françoise théorie, l’écoféminisme est un outil de revendica- d’Eaubonne entreprend la rédaction de son premier tions sociales. En témoignent les actions et essai féministe : Le Complexe de Diane, qui paraît mobilisations menées au sein des formations éco- en 1951. Ce livre est le premier d’une série consa- féministes que Françoise d’Eaubonne fonde et crée aux thématiques de genre, puisque suivront organise. notamment : Éros minoritaire (1970), Le féminisme Cette trajectoire extrêmement riche tranche par ou la mort (1974), Les femmes avant le patriarcat rapport à l’oubli dans lequel Françoise d’Eaubonne (1977) et, surtout, Écologie, féminisme, révolution est restée, en dépit d’une certaine notoriété dans ou mutation ? (1978). Outre ses essais féministes, les années 1960, auréolée de deux prix littéraires. Françoise d’Eaubonne se distingue en tant qu’au- Pourtant, le contexte actuel d’urgence écologiste trice particulièrement prolifique : elle publie plus semble propice à la redécouverte de l’écofémi- d’une centaine de livres dans près de quarante nisme et de Françoise d’Eaubonne. C’est tout maisons d’édition différentes entre 1942 et 2003. l’intérêt du fonds extrêmement riche constitué Sur le plan militant, Françoise d’Eaubonne a choisi, à l’IMEC, et à ce jour encore très peu exploité. comme nombre d’intellectuel.les de sa génération, Caroline Goldblum au sortir de la guerre, le Parti communiste comme Historienne, elle a publié Françoise lieu d’expression de son engagement. Elle va le d’Eaubonne et l’écoféminisme quitter définitivement en 1956 et sa militance se (Le Passager clandestin, 2019). Elle poursuit actuellement ses tourne principalement vers la défense des minori- travaux sur Françoise d’Eaubonne. tés sexuelles. Elle cofonde notamment le Front homosexuel d’action révolutionnaire en 1971. Écologie- féminisme Centre, Persuadée que « toutes les luttes ne font qu’une », bulletin n°15, Françoise d’Eaubonne s’illustre aussi dans les janvier 1978, illustré par Françoise d’Eaubonne. combats contre la psychiatrie asilaire, les prisons, Archives Françoise d’Eaubonne/IMEC. les sectes ; ou en faveur des radios libres et de l’Algérie indépendante.

18 LES CARNETS Nº 13-14 Castoriadis, penseur de l’écologie politique

Intitulé Écologie et politique, le dernier volume des œuvres politiques de Cornelius Castoriadis1 rassemble de nombreux textes et matériaux inédits, en partie issus des Cornelius Castoriadis, archives de l’IMEC. Assistant en philosophie à l’université « Le grand sommeil ». Dactylogramme annoté, Saint-Louis de Bruxelles, Romain Karsenty a travaillé mars 1989. Archives sur les archives de Cornelius Castoriadis conservées à Cornelius Castoriadis/IMEC. l’IMEC. Il soutient cet automne une thèse sur l’auteur des Carrefours du labyrinthe. Il nous présente ici la contribution du philosophe à la réflexion sur l’écologie politique.

Cornelius Castoriadis a perçu précocement la de son habitat », laquelle est manifestement « force révolutionnaire de l’écologie » et son apport « incompatible avec le maintien du système dans ce domaine met au jour les forces et les fai- existant ». blesses du mouvement écologiste contemporain. Rien pourtant ne met l’écologie à l’abri de « récu- Dénonçant dès les années 1950 le mythe d’un pérations » ou de « détournements » au service de « progrès technique » prétendument inéluctable finalités hétéronomes : qu’il s’agisse de la « crois- et déterminant la marche de l’histoire, il s’écarte à sance verte » des écolo-réformistes (qui restent la fois de l’optimisme productiviste commun aux soumis à l’idéologie du développement) ou des marxistes et aux libéraux et du catastrophisme des tendances autoritaires de la deep ecology et des penseurs « technocritiques » comme Heidegger, anti-spécistes radicaux, prêts à confier le destin Jonas ou Ellul. Ni technophile ni technophobe de l’humanité à de nouveaux gourous ou despotes donc, il ne considère pas non plus la technique « éclairés ». moderne comme un moyen « neutre » qu’il suffirait L’écologie bien comprise « ne fait pas de la nature de mettre entre de meilleures mains ou au service une divinité, pas plus que de l’homme d’ailleurs ». de meilleures fins : la technologie d’une société est Elle est une dimension essentielle du « projet d’au- inséparable de ce que cette société est (de son tonomie individuelle et collective » : en récusant le « imaginaire » spécifique). motif central de l’imaginaire capitaliste et produc- Or, la société contemporaine est dominée par tiviste moderne, elle exprime une exigence l’imaginaire de la « maîtrise rationnelle » et de impérieuse d’« auto-limitation (c’est-à-dire de vraie « l’expansion illimitée de la production et de la liberté) de l’être humain relativement à la planète consommation », érigées en valeurs et objectifs sur laquelle, par hasard, il existe, et qu’il est en train ultimes de la vie humaine. Il en résulte une situa- de détruire ». C’est pourquoi, pour Castoriadis, tion aliénante (« hétéronome ») où la puissance de « l’insertion de la composante écologique dans la « technoscience autonomisée » va de pair avec un projet politique démocratique radical est une impuissance accrue des collectivités humaines, indispensable ». incapables d’arrêter la destruction en cours de leurs Romain Karsenty ressources tant naturelles (la « dilapidation irré- Université Saint-Louis/ versible du milieu et des ressources non Centre Prospéro, remplaçables ») qu’anthropologiques (la transfor- Bruxelles. mation des êtres humains « en bêtes productrices 1. Cornelius Castoriadis, Écologie et politique. Écrits et consommatrices, en zappeurs abrutis »). politiques, volume 7. Édition d’Enrique Escobar, Myrto Ainsi, pour Castoriadis, l’écologie n’est nullement Gondicas et Pascal Vernay, éditions du Sandre, 2020. une « défense bucolique de la “nature” » mais bien « une lutte pour la sauvegarde de l’être humain et

20 LES CARNETS Nº 13-14 La collection 3

La Nouvelle Revue française, Archives IMEC. Marianne Oswald, puissance rouge d’incendie

« Cette puissance rouge d’incendie, de mégot, de torche, de phare, de fanal » : c’est par ces mots que , qui écrivit pour elle plusieurs textes de chansons, dont « Anna la bonne » en 1934, évoquait la chanteuse-diseuse rousse à la voix rauque, Marianne Oswald, dont les archives entrent à l’IMEC.

Cette même année 1934, alors que Jacques au faîte de sa célébrité quand la guerre la contraint Prévert lui confie ses premiers textes de chanson, à s’exiler une nouvelle fois. En 1940, elle part aux le journal Comœdia consacre un article au « Cas États-Unis où elle se produit dans de petites salles Marianne Oswald » qui reconnaît sa foudroyante jusqu’à ce qu’en 1947 Albert Camus, de passage ascension au rang de « vedette », mais la décrit à New York, la remarque et la pousse à reve- comme « l’artiste la plus discutée » de l’époque. nir en France. De retour à , elle fait publier Controversée, parfois sifflée quand elle chante, en 1948 la traduction de son récit autobiogra- elle est traitée alternativement d’ « Allemande » phique, Je n’ai pas appris à vivre, et reprend ses pour son accent ou de « Juive » pour ses origines. concerts, mais, un peu déphasée par rapport à son temps, elle réoriente ses activités vers la radio Née en 1901 à Sarreguemines, dans une Lorraine et la télévision. Oubliée, elle vit ses dernières années encore annexée à l’Allemagne, Marianne Oswald, dans une chambre de bonne de l’hôtel Lutétia pseudonyme de Sarah Alice Bloch, était la fille d’un et disparaît en 1985. « Marianne la rockeuse », couple de Juifs polonais en exil. Très tôt orpheline, comme disait Barbara, reste cependant encore elle subit une opération à la gorge qui la rend, un aujourd’hui une référence majeure pour nombre temps, muette, puis lui laisse une voix « faussée d’interprètes, que ce soit Catherine Ringer, ». Décidée à devenir malgré tout chanteuse, elle Ingrid Caven, Brigitte Fontaine, Juliette, Jean Gui- se produit dans les années 1920 dans des caba- doni ou Christophe. rets de Berlin où elle croise la route de Piscator, Brecht et Kurt Weill. En 1931, la montée du nazisme Réunies par Janine Marc-Pezet, ses archives com- l’incite à se réfugier à Paris. Changeant de langue, prennent partitions et tapuscrits de chansons, elle introduit alors dans la chanson française les affiches de spectacles et disques, carnets et notes, techniques de l’expressionnisme allemand et correspondances, ainsi que de nombreux dossiers le « parlé-chanté » de L’Opéra de quat’sous. de presse. Au Bœuf sur le toit, elle se fait vite remarquer Albert Dichy pour son ton entièrement nouveau, sa véhémence, Directeur littéraire de l’IMEC. son refus de toute concession. Darius Milhaud Lettre d’Emmanuel Mounier et Arthur Honegger composent la musique à Marianne Oswald, s. d. de certaines de ses chansons, Prévert écrit Archives Esprit/IMEC. pour elle, avec Joseph Kosma, La Chasse à l’en- fant. Devenue la figure de proue de la chanson réaliste, elle chante en 1936 devant les ouvriers en grève de Citroën. Elle entame également en 1938 une carrière d’actrice et joue avec dans Le Petit Chose de Maurice Cloche. Elle est

24 LES CARNETS Nº 13-14 Jean-Edern Hallier, enfant terrible des Lettres

Les archives du journaliste, éditeur, écrivain et polémiste habitué des coups d’éclat médiatiques ont rejoint les collections de l’IMEC. Elles apporteront de nombreux matériaux pour la connaissance du monde éditorial et littéraire des années 1960 aux années 1990.

« Les minutes le vieillissaient comme des d’Aubigné, de Chénier et de Suarès, le principe jours », écrivait Villiers de L’Isle-Adam d’un de sa politique et de sa liberté à savoir dire : de ses personnages. Le phénomène inverse « Non ! » De là une vie tumultueuse qui donna peut avoir lieu dès lors qu’il est question d’un souvent le la de l’actualité médiatique, de la écrivain. Ainsi de Jean-Edern Hallier (1936-1997), fondation de Tel Quel à la publication de ses « derviche tourneur de la Place des Vosges », pamphlets. De là encore un destin mêlé aux dont certains ont pu espérer voir le nom s’effacer, avant-gardes littéraires – des liens à retrouver au et qui ne cesse pourtant de se signaler à notre gré de ses correspondances avec Alain Robbe- attention avec sa verve, sa juvénilité, son courage Grillet, Maurice Blanchot, Dominique de Roux à combattre, que ce fut pour la littérature dans mais aussi Vladimir Nabokov, Ezra Pound ou tous ses états, ou contre les pires impostures. Jorge Luis Borges – et à la vie de l’édition – Le Jean-Edern Hallier revient, selon son vœu, pour Seuil, L’Herne, Albin Michel, les Éditions Libre- habiter l’histoire. Cet enfant terrible, parrainé Hallier. Il ne bouda pas pour autant l’effervescence à ses débuts par Jean Cocteau, qui se rêva de la presse, à laquelle il participa avec L’Idiot comme autrefois Victor Hugo, « Chateaubriand international paru sous le parrainage de Sartre et ou rien », a légué de livre en livre et au travers Beauvoir – un titre qui rassembla les meilleures de carnets et d’une correspondance à découvrir, plumes et qui fit trembler les puissants. Celui des Mémoires en mouvement qui permettent de que les pouvoirs successifs ont dénoncé à tort suivre les soubresauts d’une époque prise entre comme un « bouffon » pour amoindrir la justesse la passion gauchiste et la fin des illusions lyriques de ses frappes, désormais vérifiées et certifiées, – ce moment de l’après-guerre où, si l’on suit la apparaît désormais comme un héritier du vicomte comparaison avec Chateaubriand, la Révolution de Saint-Malo : écrivain le plus « écouté » de la de 1789 a voulu se réinventer avec celle de Mai 68 ; Ve République, il a su ne pas démériter de ses ce moment encore où la figure aimée, combattue, rêves d’enfant, à savoir être « un vrai guerrier » détestée puis réhabilitée de Napoléon a connu un avec de l’encre sur les doigts. avatar grâce à celle de Mitterrand. Dans les pas Les archives de Jean-Edern Hallier ont été de Chateaubriand encore, Jean-Edern Hallier confiées à l’IMEC, avec l'accord de son frère a célébré « la fleur d’indigence » des « landes Laurent Hallier, par ses enfants Béatrice Szapiro, de Bretagne », la présence de femmes aimées Ariane et Frédéric Hallier. et ailées et des amitiés légendaires comme celle, si poignante, avec Jean-René Huguenin, son Stéphane Barsacq Écrivain, éditeur jumeau stellaire auquel il fit le don d’un livre et journaliste. de contrition. Certes, Jean-Edern Hallier, « très fort en thème, super voyou », ne fut pas ministre Jean-Edern Hallier, épreuves corrigées de des Affaires étrangères, mais il fit de l’opposition Le premier qui dort réveille l’autre, s. d. Archives Jean- par le verbe, dans la tradition d’Agrippa Edern Hallier/IMEC.

LES CARNETS Nº 13-14 27 L’armoire magique d’Alfredo Arias, rêveur des deux rives

Metteur en scène, comédien et dramaturge, Alfredo Arias est une des figures majeures des « Argentins de Paris ». Son ami et complice René de Ceccatty retrace ici une carrière flamboyante dont les archives, telles une malle aux trésors, reflètent la diversité et l’originalité.

Né en 1944 sur l’autre hémisphère, Alfredo la part belle. Il a réalisé deux longs métrages Astor Piazzolla…), de scénographes (Roberto de aux petites salles du Théâtre Essaion, Arias s’est, comme bien des Argentins, tourné (Fuegos et Bella Vista), et travaille en ce moment Platé, Lila De Nobili…), de costumiers (Maurizio d’un cabaret de luxe à Miami à la scène du vers l’Europe, mais l’élève militaire qu’il était à un film expérimental tourné en Argentine. Millenotti, Françoise Tournafond…), de chanteurs Châtelet, d’un théâtre Off-Broadway de New adolescent n’imaginait sans doute pas que c’est (Haydée Alba, Catherine Ringer…), de danseurs York à la Cour d’honneur du palais des Papes, du Souvent attachée à une idée de luxe, de à Paris qu’il développerait son goût pour les arts. (Pablo Veron) et bien sûr de comédiens (outre Théâtre de Chaillot ou de la Comédie-Française paillettes, d’excès, son inspiration aime aussi les Fuyant une famille où il se sentait peu aimé, il les fidèles de sa troupe comme Facundo et à l’intimiste Théâtre de la Tempête, transportant chemins plus sobres, plus secrets, obéissant à Marucha Bo, Zobeida, Marilù Marini, on peut ses images et ses musiques dans le quartier affirme rapidement la singularité de ses choix une véritable mathématique des déplacements citer Delphine Seyrig, Samy Frey, Isabelle Adjani, populaire de la Boca à Buenos Aires, au théâtre de vie en les liant à l’esthétique baroque, à la dépouillés. Si Copi a été son premier complice, Catherine Hiegel, Aurore Clément, Claudia Malibran de Venise, à l’Opéra-Bastille, au théâtre dérision, à l’enchantement, à la provocation, à la ce qui lui a valu des déboires spectaculaires Cardinale, Arielle Dombasle). À côté de ses de la Zarzuela à Madrid, sous les derniers feux fascination pour des destins extraordinaires, mais avec la police secrète déléguée en France par propres pièces dont l’autobiographie n’est jamais poétiques des Folies-Bergère, partout où l’on aussi pour la poésie de la pauvreté. les militaires argentins, lors de la création d’Eva absente, il a raconté dans deux livres (Folies- réclamait un rêveur prêt à partager ses folies Tout d’abord plasticien, lié à un groupe d’artistes Peron au théâtre de l’Épée de bois à Paris, il va Fantômes : mémoires imaginaires et L’écriture légères ou mélancoliques. dissidents, réunis à l’Alliance Française de s’entourer de multiples autres amis, comédiens, retrouvée) son cheminement de créateur à travers Buenos Aires, puis à l’Instituto Di Tella, il s’oriente écrivains, musiciens qu’il entraîne dans ses fêtes Si l’originalité conduit souvent à la solitude, la la fantasmagorie des autres et la sienne, en imaginaires. Et son Argentine italianisée peu à carrière d’Alfredo Arias apporte un démenti : parallèlement vers la création théâtrale. Ses soulignant toujours l’importance de l’amitié et de peu rencontre une France intellectuelle qui va soutenu par son compagnon américain Larry positions politiques le contraignent rapidement l’échange, de l’insolence et du rire, dans le dur et de Marguerite Duras à Jean Genet, celui-ci était Hager, entouré de collaborateurs auxquels il à penser à l’exil. Et ce sont des galeristes, qui, délicieux parcours de l’artiste. après un passage par l’Amérique centrale et New venu proposer à la troupe TSE de jouer dans son revient fidèlement, il ne conçoit pas de création York, puis Rome, le convaincront de présenter projet de film,La nuit venue. Il leur demeurera Bien des spectacles auront marqué les mémoires sans une communauté d’amis artistes. Il les ses premières créations à Paris en 1969. Il a déjà fidèle par plusieurs créations mémorables. théâtrales et musicales : pour certains, ce seront suit et les pousse dans leurs aspirations les eu le temps de se construire une culture pop, où Envoûté par le thème des travestis, Alfredo Arias les Peines de cœur d’une chatte anglaise, inspirée plus fantasques, qui le séduisent. Et, en retour, la bande dessinée transfigurée par les peintres, incarnera en scène Madame dans Les Bonnes, et par les dessins de Grandville, pour d’autres la il les emporte dans son univers. Peu d’archives le pape dans Elle. De même il s’attribuera le rôle- la littérature gothique réinventée, le music-hall, revue Luxe, pour d’autres encore la mise en ressembleront plus que les siennes à une malle titre de Madame de Sade de Mishima. Et c’est à aux jouets ou à une armoire magique, débordant les légendes hollywoodiennes se mêlent aux scène des Indes galantes à Aix-en-Provence, deux transsexuels, l’un imaginaire, l’autre réel, de déguisements et de masques. fantômes de Borges, de Bram Stoker, d’Eva Peron Mortadela où il évoquait son enfance, ainsi que qu’il devra ses créations les plus plébiscitées : ses créations profondément argentines comme et bientôt de Balzac. René de Ceccatty Concha Bonita et Hermafrodita (sa création la Tatouage, Cinelandia ou Déshonorée, où il dessine Romancier, dramaturge, éditeur, Le cinéma, tous genres mélangés, du mélodrame plus récente, datant de janvier 2020, en partie un tableau saisissant de son pays, ébranlé par traducteur de l’italien et du japonais. flamboyant américain au film noir argentin, de inspirée de Michel Foucault et d’Oscar Panizza). mille batailles entre un pouvoir arbitraire et l’austérité énigmatique japonaise au néoréalisme Alfredo Arias a réparti de manière égale sa une irrésistible volonté de liberté et d’humour italien, est un modèle auquel son théâtre aspire et passion théâtrale dans les domaines de l’opéra, décapant. qu’il regardera toujours d’un coin envieux de l’œil. de la comédie musicale, du répertoire classique, Refusant d’être enfermé dans un genre et d’être Il rendra mille hommages, dans ses créations, à tout en suscitant la collaboration d’écrivains captif d’un rôle institutionnel, il n’a pas craint des films vus dans son enfance. Les actrices bien (parmi lesquels Chantal Thomas, Gilles Leroy de circuler entre toutes les formes, de la Scala sûr, de Joan Crawford à Marlene Dietrich, y ont ou moi-même), de musiciens (Carlos d’Alessio,

28 LES CARNETS Nº 13-14 LES CARNETS Nº 13-14 29 La recherche 4

La Salle de lecture dans l’abbatiale de l’abbaye d’Ardenne. Brèves (de recherche) Pour un chercheur en génétique des traductions, les collections de l’IMEC sont quasiment les seules en France qui recèlent des trésors inconnus et permettent 4. encore ces trouvailles qui électrisent les séances monacales en bibliothèque. En fouillant les fonds Ludmila Savitzky et Maurice-Edgar Coindreau, on trouve une multitude de manuscrits de traductions susceptibles d’éclairer le généticien C’est un défi : partager en quelques 2. avec leurs multiples biffures et ratures, leurs ajouts interlinéaires ou marginaux, mots un travail en cours. leurs palettes lexicales et parfois même leurs petits dessins explicatifs : Dans l’abbaye, la découverte de la un régal, qui plus est fort éclairant sur ce qui se joue dans une traduction au Ces instantanés que nous offrent les salle de lecture est un saisissement. moment où elle s’effectue. C’est donc avec grand plaisir que j’ai vu apparaître, chercheurs accueillis à la bibliothèque La hauteur vertigineuse sous dans la présentation des fonds, le mot clé « traduction », utile lien vers d’autres de l’abbaye d’Ardenne illustrent l’ogive permet d’aérer le cerveau auteurs et/ou traducteurs figurant dans les archives. Entre l’ouverture de deux la diversité et la richesse des travaux bouillonnant de ces heures d’étude, cartons ou de deux dossiers, je ne manque jamais de faire un tour dans les de lever le nez des documents, étages de l’abbatiale, d’abord pour la vue et le plaisir de marcher sur le vide, qui se conduisent autour des de prendre du recul, de garder la mais aussi et surtout pour les fabuleuses collections de revues littéraires et de collections de l’IMEC. tête froide malgré l’émotion et le « cahiers d’amis » – tout cela en accès libre, si propice aux découvertes en tout privilège : émotion de la découverte, genre. J’ai ainsi feuilleté, en flânant dans les étages, des revues magnifiques privilège d’être accréditée et dont j’ignorais l’existence – et que je n’aurais donc jamais commandées sur autorisée à consulter ce fonds. catalogue, même informatique – et qui m’ont attiré par la splendeur de leur Le cerveau est en surchauffe. Trop couverture et la beauté de leur maquette avant de me séduire par leur contenu. 1. de trésors à découvrir en un temps toujours trop court. La bibliothèque Patrick Hersant 6. Il arrive qu’on se promène dans les allées Université Paris 8, de l’IMEC est vertigineuse. Fureter responsable de l’équipe latérales d’un grand parc. Ou qu’on Je suis arrivé d’Argentine à Paris, puis dans les étages fait tourner la tête : Multilinguisme, Traduction, choisisse de marcher hors des parcours Création de l’ITEM (Institut à Caen, finalement à Saint-Germain- le fonds libre d’accès est également imposés pour mieux découvrir une ville. des textes et manuscrits, CNRS). la-Blanche-Herbe. Depuis le taxi, j’ai d’une grande richesse. Et que, de ces marges relatives, on tire vu la silhouette de l’abbaye d’Ardenne. les impressions les plus durables. Qu’au Muriel Denis Combien de fois avais-je vu les images détour de ces déambulations improvisées, Lectrice. 5. de l’abbaye à l’époque de la sur- une joie unique se fasse jour en nous. IMEC : espace hors de la ville, espace hors du reproductibilité technique ? Elle était C’est ainsi qu’ayant effectué l’essentiel temps. Des milliers d’archives y reposent, porteuses là, comme je croyais la connaître. Un d’une recherche sur un corpus de revues, 3. chacune d’un fragment d’histoire et d’humanité, étrange sentiment me disait que ce j’étais venu aux archives de l’IMEC avec attendant patiemment d’être vues et manipulées. n’était pas nouveau, que je l’avais déjà vue, que je l’avais déjà imaginée, plus le sentiment que je venais simplement Jean Blot (1923-2019) a confié à l’IMEC un Réceptacles de pensées, elles permettent la d’une fois. Je me disais alors que la parachever un long travail, presque fonds immense aux dimensions de son activité rencontre avec ceux qui nous ont précédés. Aussi, nouveauté commençait en franchissant entièrement abouti déjà. Glanant ainsi prolifique. Polyglotte et cosmopolite d’origine de manière presque fortuite, j’ai eu la chance d’y la porte. Cette porte, c’était peut-être au milieu des fonds de quelques grands juive-russe, il a œuvré à l’ONU, à l’Unesco et à rencontrer Albert Meister (1927-1982), sociologue l’unique image de l’abbaye que je éditeurs français, je me suis soudain l’Association internationale des écrivains du Pen engagé. Ce dernier eut notamment à cœur d’étudier n’avais pas anticipée. Franchir le seuil trouvé sur la trace d’une traduction inédite Club. Veilleur, passeur et traducteur de littérature différentes formes de sociabilité, convaincu qu'il et tout commencera, me suis-je dit en d’un grand texte d’un des auteurs de russe, chroniqueur, critique et romancier, il était, au siècle des grandes désillusions, qu’une descendant de la voiture. mon corpus. Aujourd’hui, près de dix ans incarne l’homme de lettres au service d’un idéal société plus juste et égalitaire était toujours plus tard, nous éditons ce texte (Rudolf vécu de la culture universelle. Sa figure invite possible. Rencontre au-delà du temps, donc, avec Esteban Dominguez Bultmann, L’Évangile de Jean. Traduction à considérer l’archive comme interface entre une un scientifique, mais aussi et surtout un homme, Lauréat de la bourse de Denise Appia, Clamart, EdNA, 2020). vie et un siècle, un individu et un milieu littéraire ; bouleversé par son époque. L’incroyable diversité Odyssée 2019, en résidence Des archives de l’édition à l’invention et de recherche de trois mois comme fluide conducteur qui diffuse une pensée des sources conservées, alliant comptes-rendus à l’abbaye d’Ardenne. à l’édition d’une archive, il peut n’y avoir en réseau sur deux continents, russe et européen, scientifiques, correspondance personnelle et écrits qu’un pas – un pas de côté, le temps du et sur trois siècles, du XIXe au XXIe siècle ; satiriques, nous ouvre à un esprit avant-gardiste, glanage. comme présence hybride, celle d’un être de chair, acteur d’un réseau grandissant et s’inscrivant, a de lettre et de papier. posteriori, dans l’histoire de l’économie sociale. Ainsi, Pauline Trochu François Weiser Étudiante en Master 1 École pratique les réalités évoluent mais les idéaux traversent le d’histoire des hautes études, Paris. Caroline Bérenger temps. Jamais les archives n’ont été aussi vivantes ! contemporaine, Université université de de Caen-Erlis-MRSH. Caen-Normandie.

32 LES CARNETS Nº 13-14 LES CARNETS Nº 13-14 33 Robert Kramer, écrits sur le cinéma

Cinéaste engagé, inventeur d’un rapport nouveau au cinéma entre la fiction et le documentaire, Robert Kramer a entretenu un lien constant avec l’écriture. Cyril Béghin a été à l’initiative de la publication d’un recueil d’écrits auquel le cinéaste avait commencé à travailler. Ses Notes de la forteresse (1967-1999), rassemblées à partir des archives conservées à l’IMEC, sont parues à l’automne 2019 chez Post-éditions, au moment de la rétrospective organisée par la Cinémathèque française.

« Le pouvoir utilise les images pour identifier, pas que les films pour organiser ces montages. cibler, encercler, contrôler et détruire. Tandis que Des États-Unis à la France, Kramer n’a cessé nous utilisons les images pour faire exploser l’idée d’écrire et de conserver, au fil de ses errances, la même d’encerclement et de contrôle, des images plupart des nouvelles, poèmes, romans, articles et qui vont au-delà. » Ces quelques lignes, écrites comptes-rendus qu’il a rédigés à partir de 1958, en par Robert Kramer en 1991 pour un bref essai parallèle de tout ce que le cinéma réclame aussi publié dans les Cahiers du cinéma, pourraient de texte : scénarios, projets, réflexions diverses résumer sa pratique de cinéaste comme son sur le métier et sur les images. Six ans après la éthique politique. De 1966 à 1977, Kramer (1939- mort du cinéaste, en 2005, sa veuve Erika Kramer 1999) réalise ses premières œuvres dans son et sa fille Keja Ho Kramer proposent à l’IMEC de pays, les États-Unis : des films de combat et conserver ses archives. Ayant eu la chance de d’autocritique, de contre-information au service les traverser avant leur départ en Normandie, à de la gauche révolutionnaire américaine (au l’occasion d’un catalogue publié la même année sein du collectif Newsreel, qu’il a cofondé en par le festival « Théâtres au cinéma » de Bobigny, 1967) et de réflexion sur l’avenir incertain des j’y avais découvert le projet d’un recueil d’écrits mouvements de lutte et d’émancipation, à travers auquel il avait travaillé avec l’historien du cinéma des politiques-fictions Ice( , 1969) ou des fictions Bernard Eisenschitz. Le livre a vu le jour presque aux allures documentaires (Milestones, 1975). quinze ans plus tard, après quelques nouvelles Les images qu’il crée ne vont pas seulement visites à l’abbaye d’Ardenne pour en compléter le « au-delà » de celles diffusées par les pouvoirs sommaire. Notes de la forteresse (Post-éditions, en place : elles vont aussi au-delà des genres, 2019) regroupe ainsi une soixantaine de textes des assignations de rôles, des frontières. Kramer de Robert Kramer relatifs au cinéma. Cela n’est va tourner au Vietnam, au Portugal juste après qu’un pan du territoire de ses écrits, dont la force la révolution des Œillets, en Angola, avant de d’empathie et d’analyse politique est aujourd’hui s’installer en France en 1979, où il poursuit son plus forte que jamais. travail de désencerclement tout en acceptant les Cyril Béghin moyens d’un cinéma plus classique. Notre nazi Théoricien et critique de cinéma. (1984), Route One / USA (1989), Point de départ (1993) sont les chefs-d’œuvre complexes de cette Dessin pour le projet du film Latitante. seconde période, où l’autoportrait mélancolique Archives Robert Kramer/IMEC. se mêle à une exploration ininterrompue du passé historique et du présent de l’action. Mais il n’y a

34 LES CARNETS Nº 13-141 La Russie d’Antoine Vitez

À l’occasion des trente ans de la disparition d’Antoine Vitez, il faut plus que jamais rappeler l’importance de sa pensée et de son théâtre. Sonia Gavory a consulté ses archives confiées à l’IMEC dès 1992. Son travail s’attache à rendre compte du retentissement de la Russie dans l’œuvre d’Antoine Vitez, Programme russe du Tartuffe non seulement en tant que metteur en scène, mis en scène par Antoine Vitez au Théâtre de Moscou, 1977. mais aussi comme traducteur. Archives Antoine Vitez/IMEC.

Antoine Vitez, fondateur du théâtre des d’une église ou le fonctionnement d’un puits à Quartiers d’Ivry, directeur de Chaillot puis de la balancier. Détails nullement dérisoires pour celui Comédie-Française, est essentiellement connu qui avait le goût du savoir, aussi infini soit-il. pour ses mises en scène. Il entretenait par La mise en scène lui permettra de trouver l’épa- ailleurs un lien privilégié avec la Russie, non nouissement recherché. Il y aura bien sûr celle seulement à travers ses activités théâtrales, mais des Bains de Maïakovski, du Dragon de Schwartz aussi comme traducteur. Les premières années ou encore de La Mouette de Tchekhov, mais la de sa formation ont été marquées par l’apprentis- place accordée à la Russie ne se circonscrit pas sage de sa langue, de sa culture et de son histoire. aux grands titres. Vitez est fasciné par un pays Elles ont irrigué tout au long de sa vie le sens de qui a connu une révolution théâtrale et politique, son engagement en tant qu’artiste et intellectuel un pays où la force de proposition de ses artistes communiste. a pu s’inscrire dans le temps et leur valoir d’être Le contact avec la Russie débute par l’étude de condamnés. Cette position le pousse à son tour à sa langue, au lycée d’abord, à l’INALCO ensuite, réinventer le théâtre et à interroger par son biais mais également au cinéma où il passe des après- le XXe siècle. Traduire, mettre en scène, se fond midi entières à voir et revoir des films en version alors dans un acte similaire, celui du retour à la originale. Quelques rencontres viennent bientôt source, à l’histoire, contre l’occultation du récit renforcer cet intérêt. En 1949, il rejoint la troupe et du passé. Soucieux du rôle de la mémoire, de Clément Harari, figure du théâtre militant comme en témoignent dans un rapport plus per- communiste, qui lui offre un rôle dans La Tragé- sonnel ses nombreuses archives, Vitez convoque die optimiste de Vichnevski. L’année suivante, il les grandes figures artistiques et politiques de la suit les cours de Tania Balachova et se familia- Russie pour conserver le souvenir du pire comme rise ainsi avec l’enseignement de Stanislavski. du meilleur, et réfléchir à la manière de construire Puis vient Louis Aragon qui l’engage pour la l’avenir. À notre tour à présent de nous retourner rédaction de l’Histoire parallèle de l’URSS et des vers son travail. États-Unis et lui confie la traduction du Don Sonia Gavory paisible. Pendant sept ans, Vitez plonge dans Agrégée de Lettres modernes, cette épopée cosaque. Plus de trois mille elle prépare une thèse à la Sorbonne feuillets manuscrits gardent les traces des sur « Antoine Vitez et la Russie » sous la direction de Marie-Christine corrections et des recherches minutieuses de Autant-Mathieu. sa traduction, parfois de ses dessins, lorsque la technicité du vocabulaire et la précision des descriptions le poussent à se représenter le parvis

LES CARNETS Nº 13-14 37 L’amour est politique

Au croisement de la philosophie, de Jean-Pierre Vernant, l’anthropologie et de la littérature, page du manuscrit de La mort dans les yeux : Cassiana Lopes Stephan revient ici sur les figures de l’Autre en Grèce ancienne (Artémis, Gorgô). Archives Jean- interrogations qui ont guidé ses recherches Pierre Vernant/IMEC. dans les archives de Michel Foucault, Jean-Pierre Vernant et Marguerite Duras.

Dans Le Corps utopique, Michel Foucault explique nous n’avons pas l’expérience de soi et de l’autre. que, depuis l’Antiquité archaïque, le miroir et le Pour raconter une autre histoire de l’amour, du cadavre nous ont enseigné que « notre corps miroir et de la mort il a fallu entrecroiser la philo- n’est pas pure et simple utopie ». Cependant, sophie, l’anthropologie et la littérature, représen- le miroir utilisé par Foucault ne nous renvoie tées dans cette recherche par les auteurs avec pas aux traditionnels reflets de Narcisse, mais lesquels j’ai partagé mon séjour à l’IMEC. Ainsi, au masque de Méduse qui exhibe, à ceux qui lui comme résultat de mes recherches à l’abbaye font face, la précarité de la vie. Selon Jean-Pierre d’Ardenne, j’ai rédigé l’essai intitulé « Avant que Vernant : « Sur le masque de Méduse, comme ce soit la fin », où j’ai délimité – à partir de la dans un miroir à double fond, se superposent et transposition figurative du miroir de Méduse qui interfèrent l’étrange beauté du visage féminin, traverse l’œuvre de Foucault, Vernant et Duras – brillant de séduction, et la fascination horrible la portée esthétique de la spiritualité ascétique de la mort. » À partir de là, il semble que pen- ainsi que la portée spirituelle de l’esthétique de ser et vivre à la verticale du présent dépend de l’existence. l’expérience ascétique qui, en articulant l’amour et la mort, nous permet de communiquer « avec Finalement, il faut souligner que les recherches l’univers d’autrui ». entreprises à l’IMEC en partenariat avec le Centre Michel Foucault ont été incontournables De cette façon, mes recherches à l’IMEC ont été pour le perfectionnement de ma thèse de doc- motivées par l’interrogation suivante : est-ce que torat, dont le but est de caractériser, à travers la conduire esthétiquement sa propre vie dans le voie déployée par la réflexion tardive de Foucault, temps présent revient à faire face à sa propre les relations entre le soi et les autres, tant en ce mort et à la mort des autres dans ce monde ? qui concerne le diagnostic porté sur les struc- Pendant ma résidence de recherche à l’abbaye tures normatives qui légitiment et institution- d’Ardenne, j’ai construit des possibles relations nalisent les liens sociaux, qu’en ce qui concerne entre Michel Foucault, Jean-Pierre Vernant et les dynamiques affectives qui transgressent et Marguerite Duras pour affronter, sous le signe renversent les limites et les traditions en vigueur d’une approche contemporaine, l’aporie de la dans notre société. mort. Notre finitude manifeste l’urgence de sty- Cassiana Lopes Stephan liser l’existence pour que nous puissions, à partir Lauréate de la bourse IMEC / Centre de la transformation esthétique de nos propres Michel Foucault pour l’année 2018-2019. vies, créer l’expérience du temps présent. Doctorante en Philosophie à l’Université fédérale du Paraná (Brésil). Apaiser le désir d’utopie qui nous empêche de vivre le présent, c’est réunir différemment trois éléments – l’amour, le miroir et la mort – consubstantiels à l’existence et sans lesquels

38 LES CARNETS Nº 13-14 L’atelier des archives

Depuis 2016, l'ÉSAM (École supérieure d’arts et médias de Caen/Cherbourg) et l’IMEC proposent aux étudiants de participer à une expérience originale qui leur permet d’appréhender l’archive comme matériau Édition-poster de création. Sarah Fouquet, créatrice de Valentin Guesdon d’après Guide d’un petit et coordinatrice de cet « atelier à part » voyage en Suisse de Jean Paulhan. en dévoile ici les contours.

Peut-être bien que le point commun entre un.e choix de papiers, d’impressions, de reliures. En chercheur.euse et un.e artiste est d’être irrésis- 2017, le fonds de l’anthropologue Pierre Clastres tiblement attiré.e par la marge, cet espace de emmena les étudiant.e.s2 de l’atelier dans le récit liberté, connexe et ouvert. Par exemple, sur un incarné, presque mythologique, des Indiens document imprimé, dans un geste quasi auto- Guayaki. Tou.te.s œuvrèrent par l’image, le matique, l’un.e y accolera quelques notes quand son, la typographie, à faire réapparaître cette l’autre y esquissera quelques traits. Signes d’ap- communauté. En 2019, les étudiant.e.s3 élurent propriation, ces traces sont celles d’une lecture à un ouvrage totem de l’œuvre de l’auteur et éditeur la fois attentive et transgressive, en somme une Jean Paulhan pour en faire un point d’ancrage lecture augmentée. Les archives sont d’ailleurs (pour ne pas dire d’encrage) de leur réflexion. parfois davantage les marges éclairantes d’une Du papier à l’écran, leurs objets induisaient des œuvre qu’elles n’en sont les seuls brouillons ou gestes très particuliers : désencarter/réencarter, éléments constitutifs de son élaboration. Quand décomposer/recomposer, lire/détruire, cacher/ en 2016 j’ai proposé, en partenariat avec l’IMEC, montrer... Parce qu’une archive se met à vivre l’atelier d’édition « En marge des archives » aux quand on la consulte, ce qui engage une mani- étudiant.e.s de 4e année de L'ÉSAM, l’idée était pulation savante, aimante, consciente de sa fra- de voir comment les archives, dans toutes leurs gilité, et tou.te.s l’ont fait avec la reconnaissance dimensions hétérogènes, intimes, imparfaite- des chercheur.euse.s qui découvrent. ment humaines... pouvaient devenir une matière à créer et à nourrir les recherches personnelles Enfin, nos étudiant.e.s se sont prêté.e.s à l’exer- des étudiant.e.s. Jusqu’où peut-on se mettre cice nouveau d’exposer leur recherche créative au service des archives tout en sachant s’en lors de colloques, devant les plus grand.e.s spé- émanciper ? Comment investir cette marge cialistes des fonds en question. Et l’accueil n’a d’interprétation sans dénaturer le sens et été que curiosité, considération et enthousiasme, le contexte de ces documents? Comment les confortant ainsi dans leurs travaux. concevoir des objets éditoriaux qui en permettent Sarah Fouquet une lecture vivante par tous types de supports ? Enseignante en design Chaque année nos étudiant.e.s font la découverte graphique à l’ÉSAM d’un fonds d’archives que l’IMEC a choisi de Caen/Cherbourg. valoriser. En 2016, les étudiantes1 de l’ate- 1. Eubi Cho, Clémentine Graciès, Kyungmin Lee, lier avaient mené une recherche sur le livre Louise Robin et Mathilde Sevaux. sensible à partir de textes particulièrement 2 . Adrien Bernardet, Manon Brassart, Gabriel Courrier, Eudes Ressencourt et Zhao Yingtong. esthétiques sur le corps, le vêtement, le paysage, 3. Silène Clarte, Emmanuelle Étienne, Valentin Guesdon, de l’auteur Henri Raynal. Les figures poétiques Yulen Iriarte, Lola Li et Ying Zheng. En 2019, l’atelier a été également encadré par Bérénice Serra et Junama Gomez, de son œuvre leur avaient inspiré chacun de leurs enseignant.e.s à l'ÉSAM.

40 LES CARNETS Nº 13-14 LES CARNETS Nº 13-14 41 La valorisation 5

Christiane Rochefort, liste de titres envisagés pour Le Repos du guerrier. Notes manuscrites 1955-1958. Archives Christiane Rochefort/IMEC. Rencontres

Lieu de conservation et de recherche, l’IMEC est aussi un espace d’échanges qui offre à un large public l’occasion de rencontrer des auteurs, des œuvres et des savoirs.

LES GRANDS SOIRS JOURNÉES EUROPÉENNES LES GRANDS SOIRS LES GRANDS SOIRS DIAPORAMA LES PETITES CONFÉRENCES Le Beau mariage DU PATRIMOINE Pierre Michon Fernand Deligny Philippe Artières Baptiste Morizot 10 septembre 2020 18-20 septembre 2020 30 septembre 2020 L'enfant, la citadelle 5 novembre 2020 Pister l’animal fantastique Abbaye d’Ardenne Abbaye d’Ardenne Abbaye d’Ardenne 8 octobre 2020 Abbaye d’Ardenne 14 novembre 2020 Abbaye d’Ardenne Abbaye d’Ardenne En écho à son exposition Conférences de Michel Pierre Michon est à l’abbaye Après Tanguy Viel, Maylis de L’amour est une fiction, Pastoureau d’Ardenne ! Figure légendaire pour tous Kerangal et Thomas Clerc, Baptiste Morizot est Hélene Frappat s’est entourée Qu’est-ce que la couleur ? ceux qui se préoccupent du sort c’est au tour de l’historien philosophe et pisteur des écrivains Thomas Clerc Les peintres et la couleur. Seize ans après le film Pierre des enfants « inadaptés », Philipe Artières de nous de loups et d’animaux et Anne Serre, et de Michon, un portrait, Sylvie Fernand Deligny (1913-1996) est proposer son Diaporama. Il sauvages. On essaiera l’auteur compositeur Olivier Exposition L’amour est une Blum retrouve l'auteur pour devenu depuis la choisit de s’identifier à la figure de remonter la piste de la Mellano, pour proposer une fiction une conversation libre, réédition de ses écrits par les du ghostwriter tel que Foucault longue histoire par laquelle soirée littéraire, musicale et Aimer, écrire, archiver. Suivez le dense et passionnante. Dans éditions L’Arachnéen, objet aurait pu l’incarner, celui qui la modernité, notre époque, cinématographique. parcours imaginé par Hélène Conversation dans le désert de recherches aussi bien prend date contre l’effacement a construit sa représentation En s'inspirant du film Frappat à travers la collection avec Pierre Michon, l’écrivain philosophiques , anthropolo- et l’oubli, qui défie le pouvoir par des animaux. L’idée d'Eric Rohmer, Le beau mariage, de l’IMEC. évoque son œuvre passée, la giques qu’esthétiques. Il adresse la force de l’inscription. d’ «animal» qui semble ces artistes plongent les création littéraire, les auteurs en effet aux chercheurs, clini- Philippe Artières est l’auteur si évidente n’est-elle pas spectateurs dans leur propre Visites qui l’ont fortement marqué, ainsi ciens, éducateurs, écrivains et d’une vingtaine d’ouvrages, au fond une chimère, comme fiction de l’amour. Blasons, Visites libres de l’abbatiale et du que son livre en cours. Après la artistes des questions toujours essais et récits, dernier livre le dragon ou le yeti ? L’animal muses, élans incontrôlés site de l’abbaye d’Ardenne. projection de ce nouveau film plus actuelles sur la finalité, le paru : Le dossier sauvage, qui existe dans notre esprit est et sursauts introspectifs, Visites guidées de la Pierre Michon s’entretiendra pouvoir de transformation et les Verticales, 2019. bien éloigné des vrais animaux ils explorent toute la palette bibliothèque et du pavillon des avec Albert Dichy, directeur outils de leurs pratiques. Dans qui courent encore, là dehors, du sentiment amoureux comme archives par les bibliothécaires littéraire de l’IMEC, en présence le cadre du « Gai savoir Deligny. et qui méritent qu’on aille les source d’inspiration. et les archivistes de l’IMEC. de la réalisatrice. Écrire à l’infinitif », cette ren- pister, décrypter leurs traces et contre propose à trois auteurs empreintes pour les découvrir, Visite-conférence contemporains d’interroger les comprendre et apprendre « L’histoire de l’abbaye l’actualité de cette oeuvre dont à partager la terre avec eux. d’Ardenne » par Yves les archives sont aujourd’hui Chevrefifils-Desbiolles. conservées à l’IMEC. En partenariat avec la librairie Eureka Street et Normandie Impressionniste.

44 LES CARNETS Nº 13 LES CARNETS Nº 13 45 Exposition L’Amour est une fiction

Présentée durant tout l’été au public, dans la Nef, à l’occasion de la réouverture des Abbaye d’Ardenne jardins de l’abbaye d’Ardenne, cette exposition, imaginée par la romancière Hélène L'exposition a été présentée du 29 juin Frappat, était consacrée à l’écriture des figures de l’amour à travers la collection de au 20 septembre 2020 l’IMEC.

Où va l’amour ? Existe-t-il une archive de l’amour, avec ses magasins, ses tiroirs bien rangés, ses cotes, ses registres, son ordre alphabétique, chronologique ou thématique, ses couloirs souterrains… ? En franchissant l’enceinte de l’IMEC, Hélène Frappat a découvert les archives d’écrivains amoureux. Elle y a décelé ce qu’elle nomme « archivisme » : forme d’espionnage du sujet amoureux – de l’être aimé, comme de soi- même aimant ; cambriolage vampirique des traces, matérielles ou invisibles, de l’aventure amoureuse ; embaumement du sentiment. L’archive, la vie, l’œuvre sont inextricablement liées. L’effervescence créatrice essaime des scènes érotiques avec ou sans ratures, des rencontres tracées sur des pages, des corps dansant, des prénoms comme des envoûtements, des déclarations martelées sur des machines à écrire, griffonnées à la hâte ou miniaturisées dans des télégrammes, des mères adorées, des pères disparus… Dans cette archive de l’amour apparaissent l’enchantement, l’idéalisation, mais aussi l’obsession, l’inquiétude, la désolation, la perte de soi. « Dans les archives de l’IMEC, je ne suis pas partie en quête d’histoires d’amour. J’y ai cherché le sujet écrivant l’amour. C’est par sa voix – voix de l’écrivain tentant d’écrire son expérience amoureuse ineffable – que surgit le miracle de la rencontre qui fait bifurquer une généalogie ; le baptême d’un prénom, transformant une personne en personnage ; la substitution du langage commun par un code secret intime ; le Hélène Frappat Shirley Goldfarb, texte Pierre Albert-Birot , Brouillon d’un danger de l’amour que l’on ne connaît pas, où le Romancière, essayiste, traductrice et critique adressé à Gregory et Marc “poème-pancarte” publié dans La Lune sujet ne se (re)connaît pas ; et surtout l’aventure de cinéma, elle a publié plusieurs romans Masurovsky, août 1973. ou le livre des poèmes, [1916-1924]. aux éditions Allia et Actes Sud, dont Par Archives Shirley Goldfarb/ Archives Pierre Albert-Birot/IMEC de l’amour qui fait écrire […] Toutes ces voix IMEC. effraction(2009), N’oublie pas de respirer (2014) Génia Courtade, Lettre à Pierre vibrent dans cette exposition en forme de et Le Dernier Fleuve (2019). Courtade, 1934-1935. chambre d’échos, de correspondances. L’amour Archives Pierre Courtade/IMEC. y est histoire, et l’histoire d’amour, le partage d’un rêve ou d’une fiction. »

46 LES CARNETS Nº 13-14 LES CARNETS Nº 13-14 47 Galerie numérique

Donner à voir l’archive dans ce qu’elle a de plus surprenant, de plus révélateur et de plus émouvant, tel est l’objectif de la collection d’archives visuelles que propose l’IMEC sur son site internet. La première Photographie d’un portrait galerie en ligne était consacrée à la Grande Guerre. de Charles Fourier traité en écartelage par Pierre Les surréalistes sont désormais à l’honneur grâce à Faucheux. Archives Pierre Faucheux/IMEC. Jérôme Duwa et Coupures surréalistes qui fait revivre en archives et dans un parcours dynamique l’histoire de ce mouvement incontournable de la pensée et de l’art au XXe siècle.

Le 26 mai 1946, André Breton est de retour à Paris Losfeld, André Pieyre de Mandiargues, José après presque cinq années d’exil à New York. Quel Pierre et Jean Schuster. Rarement exposées avenir pour le surréalisme ? La question se pose auparavant, ces pièces d’archives contournent en France dans un paysage intellectuel qui lui est les cadres chronologiques habituels et les lieux particulièrement hostile, marqué par l’émergence communs d’un mouvement trop souvent réduit de l’existentialisme et l’hégémonie culturelle du à son apport étroitement artistique. Se plaçant Parti communiste. passionnément sous le « signe ascendant », elles ébauchent une autre histoire d’un mouvement Jusqu’au seuil des années 1970, André Breton internationalement connu. (1896-1966) et ses amis vont opter pour une coupure sur plusieurs plans : coupure avec les Jérôme Duwa injonctions politiques les plus communément Docteur en histoire de l’art. Il a notamment publié Les Batailles de Jean adoptées par les intellectuels de gauche au nom Schuster : défense et illustration du surréalisme de fins soi-disant supérieures autorisant toutes (1947-1969), éditions L’Harmatan, 2015 ; 1968. les infamies ; coupure avec les critères ordinaires Année surréaliste. Cuba, Prague, Paris, (IMEC éditions, 2008). de la moralité en prenant le parti de l’imagination puisant ses forces dans l’humour, l’omnipotence La galerie numérique de l’IMEC a été répertoriée des passions ou encore les cultures extra- sur le site « Littératures modes d’emploi » initié occidentales ; coupure avec le « bon goût » par Selina Follonier de l’université de Lausanne. esthétique empêtré dans les conflits stériles Ce site propose une visite des expositions francophones en ligne. de la figuration et de l’abstraction, du réalisme www.litteraturesmodesdemploi.org et du fantastique, comme dans l’impasse de l’engagement. Coupure c’est également la revue (1969-1972), dirigée par Gérard Legrand, José Pierre et Jean Schuster, qui incarnera en sept numéros les acquis théoriques et poétiques propres au surréalisme. Les documents qui animent cette galerie numérique sont extraits des fonds d’archives de l’IMEC : Philippe Audoin, Jean-Louis Bédouin, Centre culturel de Cerisy-la-Salle, Claude Courtot, Pierre Faucheux, Gisèle Freund, Maurice Henry, Alain Jouffroy, Gérard Legrand, Éric

48 LES CARNETS Nº 13-14 LES CARNETS Nº 13-14 49 Prêts de pièces

L’IMEC contribue au rayonnement de ses collections Otto Freundlich (1878-1942) par une politique active de partenariat avec d’autres La révélation de l’abstraction institutions culturelles en prêtant régulièrement Musée de Montmartre, Paris Du 28 février 2020 au 31 janvier 2021 des documents d’archives pour des expositions. Archives Otto Freundlich

Jean Giono Accrochage réussi pour cette exposition dans les Freundlich est mort assassiné durant l’hiver Musée des Civilisations de l’Europe et de petites salles qui furent autrefois les chambres ou 1943, après avoir été arrêté par la police la Méditerranée (MUCEM), Marseille les salons des immeubles anciens de la rue Cortot, française dans un village des Pyrénées ; Du 29 octobre 2019 au 17 février 2020 qu’occupe aujourd’hui le Musée de Montmartre. une liste des Juifs qui furent déportés vers Archives Gisèle Freund Dans ces volumes resserrés, les commissaires de le camp d’extermination de Sobibor se l’exposition, Saskia Ooms et Christophe Duvivier, trouve à l’extrémité d’une longue vitrine qui en collaboration avec le scénographe Maciej protège les archives prêtées par l’IMEC. Norah Borges : une femme à l’avant-garde Fischer, ont multiplié les effets de perspective et Un document rare parvenu jusqu’à nous, Musée des Beaux-Arts, Buenos Aires, Argentine d’échos entre les peintures sur toile ou sur carton, comme l’est également cette imposante Du 17 décembre 2019 au 1er mars 2020 pastels, dessins, gravures sur bois, mosaïques, Composition de 1911 récemment acquise Archives Gisèle Freund vitraux ou maquettes qui forment autant de par le musée d’Art moderne de la ville de jalons racontant la vie d’Otto Freundlich. Né en Paris. Ce tableau ouvre magnifiquement le Au pays des monstres. Léopold Chauveau Allemagne, proche des cercles révolutionnaires parcours de l’exposition, en dialogue avec (1870-1940) qui ont caractérisé la vie politique de ce pays Musée d’Orsay, Paris des pièces prêtées par la Fondation Gandur après la Grande Guerre, Freundlich exprimait ses Du 10 mars au 13 septembre 2020 de Genève, le musée national d’Art moderne idées sur un mode idéaliste appelant chacun à se Archives Georges Crès au Centre Pompidou, le Stiftung Jüdishes laisser guider par l’« œil cosmique » de l’artiste, Museum de Berlin et surtout le musée « récepteur des transformations du monde ». Félix Fénéon. The Anarchist and the Avant- Tavet-Delacour de Pontoise qui s’est séparé pour quelques mois de nombreuses œuvres Garde. From Signac to Matisse and Beyond L’IMEC contribue à l’exposition par plusieurs tirées du fonds d’atelier d’Otto Freundlich Museum of Modern Art, New York, États-Unis pièces tirées du fonds d’archives déposé reçues en donation, ainsi qu’une sculpture Du 17 mars à la fin de l’année 2020 par l’association des amis de Jeanne et Otto monumentale en bronze installée dans le Archives Félix Fénéon Freundlich. On peut y voir notamment des lettres Jardin Renoir qui jouxte le musée. Non loin adressées à Picasso, Max Jacob, Robert Delaunay de là, dans la basilique du Sacré-Cœur, Ahmed Cherkaoui in Warsaw. Polish-Moroccan ou Gaston Chaissac, ainsi qu’un « Appel en faveur deux vitraux présentés dans la chapelle Artistic Relations (1955-1980) d’Otto Freundlich » lancé en juillet 1938 par ses Saint-François complètent la proposition Zacheta – National Gallery of Art, amis qui tous le considérait « comme un des du Musée de Montmartre ; ils rappellent le Varsovie, Pologne précurseurs les plus important de l’art ’’abstrait’’ » séjour fait par Freundlich dans l’atelier de Du 6 mars 2020 au 2 août 2020 : remarquons les guillemets accolés à un mot qui, restauration de la cathédrale de Chartres, Archives Jean Follain avant la Seconde Guerre mondiale, ne régnait en 1914, étape qui s’avéra essentielle dans le pas encore sur l’actualité artistique et demeurait développement de son art. difficile à prononcer lorsque Freundlich et quelques autres théorisaient leurs premières Yves Chevrefils-Desbiolles Jean Giono, photographié Responsable des fonds artistiques à l’IMEC. par Gisèle Freund. Archives œuvres non figuratives au sein des mouvements Gisèle Freund/IMEC/Fonds MCC. Cerclé et Carré ou Abstraction et Création. Affiche de l’exposition Otto Freundlich (1878-1942), la révélation de l’abstraction. Musée de Montmartre, Paris.

50 LES CARNETS Nº 13-14 LES CARNETS Nº 13-14 51 Des nouvelles 6. Sylvestre Clancier, éditeur et écrivain, membre du Conseil d’administration de l’IMEC et déposant des archives de ses parents Georges-Emmanuel et Anne Clancier ainsi que des archives de sa maison d’édition, a publié Le Discobole du futur aux Éditions 1. L’herbe qui tremble en février 2020. Étape incontournable et préalable au grand projet architectural de développement de l’IMEC à l’abbaye 2. 8. d’Ardenne, les fouilles archéologiques 7. Métamorphoses d’Audiberti. Une Dans son dernier livre publié ont débuté en février 2020. Différents biographie 1899-1965 (Éditions du Le 11 mai 2020, le Prix Goncourt de à l'automne 2020, Singulier, pluriel. sondages seront effectués sur Petit Pavé) : c’est le titre de l’ouvrage poésie Robert Sabatier a été décerné Conversations, Maurice Olender – l’emplacement de l’ancien cloître afin qu’a publié Bernard Fournier, président pour l’ensemble de son œuvre à membre du Conseil d’administration d’identifier le dernier état de l’abbaye à la de l’association des Amis de Jacques Michel Deguy, poète, essayiste, de l’IMEC auquel il a confié ses archives fin du XVIIIe siècle, de vérifier l’ensemble Audiberti et fidèle chercheur à l’IMEC. philosophe, créateur de la revue en 2004 – donne quelques clés de son des hypothèses formulées à partir des Dans les années 1990, deux recueils Po&sie, Grand Prix de la poésie de rapport à la lecture, au savoir, à l’édition. sources textuelles et iconographiques, e thématiques avaient été publiés à partir la SGDL en 2000 et Grand Prix de Le créateur de « La Librairie du XXI tout en précisant la nature et l’état de des archives de Jacques Audiberti la poésie de l’Académie française en siècle », une collection au rayonnement conservation des différents vestiges confiées à l’IMEC : La Forteresse et la 2004. Auteur d’une œuvre immense, international, fait entrer les lecteurs dans enfouis. Marmaille (Le Seuil, 1996) et Paris fut il a confié ses archives à l’IMEC la fabrique d’un funambule, chercheur (Éditions Claire Paulhan, 1999). en 2004. indiscipliné qui conçoit l’érudition comme une forme de poésie et la pensée comme 3. 9. une aventure. Une allée qui relie le Théâtre Marigny Les éditions Pauvert ont publié en janvier à l’avenue Matignon porte désormais le 2020, sous le titre Pierre Pachet. Un écrivain 10. nom de Jeannine Worms, dramaturge, 4. aux aguets, un volume qui rassemble huit Couvrant les années 1954-1960, le auteur de pièces courtes dont plusieurs Dans La vie comme un livre. des œuvres les plus emblématiques de troisième tome du Journal de Jacques ont été regroupées dans Le Calcul, suivi Mémoires d’un éditeur engagé cet auteur, figure majeure de la littérature Lemarchand est paru en juin 2020 aux de Vingt comédies-minute (L’Avant- paru aux éditions Philippe Rey, d’introspection qui avait confié ses archives Éditions Claire Paulhan. Cette édition scène, 1997). Également auteur d’essais, Olivier Bétourné - membre à l’IMEC en 2013. Ce volume est préfacé est introduite et annotée par Véronique Jeannine Worms avait confié ses archives du Conseil d’administration par Emmanuel Carrère. Hoffmann-Martinot qui avait confié à l’IMEC en 2005. de l’IMEC - retrace les quarante à l’IMEC, avec Philippe Geffré en 2005, années de son aventure les archives de ce fin critique de théâtre professionnelle et intellectuelle, et lecteur influent chez Gallimard. commencée aux Éditions du Seuil en 1977, poursuivie chez Julliard 11. puis, dans les années 1990, chez Fayard auprès de Claude Durand, Grâce à la vivacité de sa pensée et 5. et dans les années 2000 chez à l’intérêt qu’il continue à porter à la marche du monde, Edgar Morin – dont En 2019, la ville de La Rochelle a organisé une Albin Michel, avant de prendre la 12. l’IMEC avait accueilli les archives journée consacrée à la pensée de Paul Virilio, direction du Seuil de 2009 en 2011 – a largement contribué à la Du 26 mai au 25 octobre 2020, le cabinet avec la participation de sa fille Sophie Virilio. à 2018. Dans ces Mémoires, réflexion sur les conséquences de la d’Arts graphiques du LAAC de Dunkerque À cette occasion, une exposition a été présentée Olivier Bétourné s’attache à saisir pandémie mondiale qui a marqué présente l’exposition de Michèle Katz, à la médiathèque Michel Crépeau, des rencontres la personnalité des éditeurs qu’il l’année 2020. Il vient de publier aux Chronique d’une femme mariée, qui rassemble se sont tenues à l’université et une Allée Paul-Virilio a côtoyés, des écrivains éditions Denoël Changeons de voie. Les une soixantaine de dessins et est dévoilée a été inaugurée par Jean-François Fountaine, devenus ses amis, des figures leçons du coronavirus, en collaboration pour la première fois dans son entièreté. le maire de La Rochelle. Les archives de Paul Virilio intellectuelles dont il aura été avec Sabah Abouessalam. Les archives de Michèle Katz sont conservées ont été confiées à l’IMEC par Sophie Virilio en 2017. l’éditeur. Une vie de passions et de découvertes. La vie d’un à l’IMEC depuis 2011. grand éditeur.

52 LES CARNETS Nº 13-14 LES CARNETS Nº 13-14 53 Comment écrivez-vous ?

Laboratoire d’écriture et vivier de la recherche en littérature, philosophie, arts et histoire, l’IMEC accompagne la création contemporaine et accueille des auteurs tout au long de l’année. À l’occasion de leur passage, ils sont invités à répondre face à la caméra à une question simple et essentielle : « Comment Rendez-vous sur la nouvelle chaîne vidéo écrivez-vous ? » Pour aiguiser la curiosité des de l’IMEC : https:// lecteurs et les inciter à découvrir ces vimeo.com/ « capsules vidéos », Les Carnets dévoilent ici imecarchives/4280 un choix d’extraits, florilège des réponses de ces auteurs qui lèvent le voile sur leur pratique.

« C’est une question dangereuse. En principe il « Comme je trouve qu’écrire est une affaire n’y pas lieu d’écrire. Nous disposons de la parole. absolument terrifiante et que si j’attendais de ne La parole est naturelle mais l’acte d’écrire est pas avoir peur, je n’écrirais jamais, j’ai compris éminemment culturel. On brave de très antiques très vite qu’il fallait que j’écrive absolument tous interdits. Par exemple, on compte sur l’oubli. les jours, sans me laisser le choix […] Il y a des L’oubli ne peut rien sur l’homme qui est armé d’un jours où j’écris une ligne, des jours où j’écris une crayon, d’une plume. » page mais, de toute façon, j’écris. »

Pierre Bergounioux, le 11 septembre 2019. Belinda Cannone, le 12 décembre 2019. « Pour écrire, j’ai besoin que mon corps soit en collage, du découpage, du mélange entre des « Pour moi, il s’agit d’un effort physique donc je « Pour écrire, j’ai besoin de m’éloigner de l’écriture. apesanteur, il ne faut pas qu’il soit contraint pour choses que je vais hybrider. » m’entraine comme un boxeur, souvent, et il faut Je commence par ne pas écrire. Je quitte ma table que les idées circulent. Assise à une table, par Nicolas Tardy, le 28 février 2019 que je sois en forme […] C’est comme si j’étais de travail […] Une fois que j’ai fait autre chose, une exemple, ça ne marche pas pour moi […] j’aime dans une transe lorsque je me mets à écrire. activité matérielle ou une promenade, je peux m’y écrire au printemps quand la promesse de l’été « Je suis poète et jardinier, donc j’écris selon la Je n’ai pas besoin de rites ou d’objets, c’est un mettre. Je commence à travailler sereinement est déjà là et que ça accompagne l’élan intérieur. » météo. Quand le temps est beau, je suis dehors. mouvement plutôt intérieur et physique […] je une fois que j’ai commencé par ne pas travailler. » Anne Pauly, le 28 novembre 2019 J’écris quand il pleut ou qu’il fait trop froid. » donne mon corps à cet effort. » Thomas Clerc, le 21 novembre 2019. Lucien Suel, le 4 février 2020 Avital Ronnel, le 16 avril 2019. « Bien sûr, comme tous les écrivains j’ai des « J’écris petit, j’écris très petit […] j’écris de plus brouillons mais peu systématiques. Je ne « Écrire est une activité sportive, physique. […] « C’est précisément la question à laquelle je n’ai en plus petit. J’aspire à écrire un jour des pages si commence à rédiger que quand je suis assez sûr Quand la première phrase vient, il faut entretenir pas de réponse parce que, quand je dois écrire, noires qu’on ne pourra pas les lire […] Pour donner de moi. Pour autant qu’on puisse être sûr de soi le rythme qui permet, jour après jour, de revenir j’ai la même appréhension que quelqu’un qui, en une idée, un livre de 600 pages c’est à peu près en écrivant. La seule chose que j’écrive tous les sur le métier. […] Quelque chose s’est mis à exister convalescence après un AVC, se demande s’il va 25 pages manuscrites. Je me considère comme jours, tous les jours de ma vie, c’est mon journal. » en dehors de moi. Il faut que je crée l’énergie qui pouvoir retrouver sa motricité. […] Donc j’ai très beaucoup d’écrivains comme un psychopathe René de Ceccatty, le 23 juillet 2019 va me dépasser. » peur avant d’écrire et quand je n’écris pas, j’y assez dangereux. » Jérôme Prieur, le 6 juin 2019 pense comme à une sorte de handicap. Je ne sais Santiago H. Amigorena, le 15 janvier 2020. « J’écris essentiellement à l’ordinateur. Le trai- pas comment écrire. » tement de texte est pour moi comme un banc Yaël Pachet, le 28 novembre 2019. de montage vidéo. C’est l’idée du montage, du

54 LES CARNETS Nº 13-14 LES CARNETS Nº 13-14 55 Vous accueillir Nous soutenir

Plus que jamais, nous avons besoin de votre soutien. Abbaye d’Ardenne Bureaux parisiens Conserver, transmettre, partager, accueillir : les métiers de l’IMEC sont précieux. Ce sont autant de gestes essentiels à la sauvegarde à la valorisation La bibliothèque de l’IMEC à l’abbaye d’Ardenne est Les bureaux parisiens offrent aux donateurs d’un patrimoine indispensable à la compréhension de notre société. Soutenez- un espace de travail ouvert à tous. Les chercheurs et déposants, aux chercheurs et à tous les nous, accompagnez nos missions, rejoignez nos partenaires et adhérents et peuvent consulter les fonds d’archives selon partenaires de l’IMEC un espace d’accueil, des modalités spécifiques et séjourner d’information et de conseil sur l’ensemble des inscrivez-vous de manière durable dans un projet unique, porté par une à l’abbaye d’Ardenne. activités de l’Institut. institution rare en France, au rayonnement international. Tél. +33 (0)2 31 29 52 33 Les donateurs et déposants Conserver Partager Se rendre à l’abbaye d’Ardenne Partenaires privilégiés de l’IMEC, ils peuvent Vous pouvez accompagner nos programmes de Vous pouvez devenir partenaires des expositions de solliciter auprès des bureaux parisiens une Bus : lignes 20 (direction Rots-Bonny) et 21 numérisation : il s’agit de conserver les pièces l’IMEC à l’abbaye d’Ardenne. Chaque exposition est consultation des archives qu’ils ont confiées. Ils (direction Saint-Germain-la-Blanche-Herbe) les plus fragiles ou les plus consultées de l’occasion de publier un très beau catalogue dont peuvent également y obtenir des conseils d’ordre Navette IMEC : le matin depuis la gare la grande collection de l’IMEC. Vous pouvez vous pourrez soutenir l’édition. Vous pouvez aussi juridique ou concernant la valorisation de ces Réservation obligatoire auprès de l’IMEC contribuer à la restauration de documents nous rejoindre pour développer les événements archives. À l’occasion d’événements exceptionnels [email protected] remarquables. de la programmation associée à l’exposition : autour des archives, l’IMEC met à leur disposition Tél. +33 (0)2 31 29 52 46 conférences, débats, rencontres, lectures… ou à celle des associations d’amis d’auteurs une Accéder à la salle de lecture salle de conférences et de rencontres. Transmettre Accueillir L’IMEC propose un accès libre et gratuit Vous pouvez soutenir nos activités pédagogiques ; Vous pouvez nous aider à développer les Les chercheurs aux 50 000 volumes, aux 650 collections parmi lesquelles, « Archives en herbe » qui permet à aménagements paysagers et l’accès des publics. En relation avec le bureau d’orientation à distance de revues et aux documents radio et télévision de jeunes adolescents de devenir les archivistes de L’IMEC poursuit ses efforts pour rendre le site de l’abbaye d’Ardenne, les bureaux parisiens de l’Ina. leur quotidien et de découvrir tous les savoirs liés à la de l’abbaye encore plus accessible et toujours offrent aux chercheurs un espace d’information La réservation est conseillée. nécessité de préserver, de décrire et de transmettre. plus accueillant. En nous soutenant, vous pouvez pour l’accès aux collections de l’IMEC à l’abbaye [email protected] Vous pouvez soutenir aussi « Les Petites contribuer à embellir le paysage de l’abbaye : le d’Ardenne. Ils peuvent y consulter les inventaires Tél. +33 (0)2 31 29 52 33 Conférences », au cours desquelles des artistes, jardin potager est un endroit propice à la flânerie et préparer leur première séance de travail des historiens, des jardiniers, des philosophes, et son entretien requiert des soins constants ; Consulter les archives à la bibliothèque de l’abbaye d’Ardenne. des journalistes transmettent aux enfants leur planter des arbres, créer un mobilier accueillant, Une préinscription donnant accès aux inventaires est passion en parlant de leur métier, de leur pratique, contribuer à inventer des espaces de partage et de Les partenaires nécessaire, elle précède l’accréditation, de leurs rêves. Retrouvez les informations sur création. Travaillons ensemble à l’embellissement Les bureaux parisiens permettent aux partenaires sur présentation d’un justificatif de recherche. l’ensemble des activités pédagogiques auprès de l’abbaye d’Ardenne. scientifiques et culturels de l’IMEC de bénéficier de l’équipe chargée de la médiation culturelle à www.imec-archives.com [rubrique « Consultation »] d’un espace de réunion afin d’échanger autour de [email protected] l’abbaye d’Ardenne. projets développés en commun. Tél. +33 (0)2 31 29 52 33 Vous êtes une entreprise. Vous êtes un particulier. Contacts La loi du 1er août 2003 relative au mécénat ouvre Grâce à la loi du 1er août 2003 relative au Séjourner à l’abbaye d’Ardenne 4 avenue Marceau droit à un avantage fiscal : une réduction mécénat, vous bénéficiez d’une réduction Pour les chercheurs, un service de restauration 75008 Paris d’impôt égale à 60 % des versements pour tout d’impôt égale à 66 % des sommes versées, et d’hébergement est ouvert du mardi au vendredi. Tél. +33 (0)1 53 34 23 23 acte de mécénat dans la limite de 0,5 % du retenues dans la limite annuelle de 20 % du Tél. +33 (0)2 31 29 52 36 [email protected] chiffre d’affaires hors taxes de votre entreprise, revenu imposable. En cas de dépassement du (du mardi au vendredi de 9h à 12h) avec la possibilité, en cas de dépassement plafond des 20 % de votre revenu, vous pouvez de ce plafond, de reporter l’excédent au titre reporter le bénéfice de la réduction sur les des 5 exercices suivants. 5 années suivantes.

56 LES CARNETS Nº 13-14 LES CARNETS Nº 13-14 57 Les instances, l’équipe Les partenaires 2020

Conseil d’administration Conseil scientifique L’équipe Partenaires institutionnels TELEMME (Temps, Espaces, Langages, Europe méridionale Méditerranée) – UMR 7303, NRS/Aix-Marseille-université Président : M. Pierre Leroy Président : M. Vincent Duclert Directrice : Nathalie Léger Ministère de la Culture – DRAC de Normandie Attachée de direction : Alice Bouchetard Région Normandie Triangle – UMR 5206, CNRS/ENS Lyon Membres de droit Membres de droit Délégué à la recherche : François Bordes Université Caen Normandie Mme la préfète de la Région Normandie, M. le directeur général des médias représentante de l’État et des industries culturelles, ministère Directeur littéraire : Albert Dichy Partenaires scientifiques Université de Cergy-Pontoise/Paris Seine M. le président de la Région Normandie de la Culture Responsable du service déposants Archives nationales Université Le Havre Normandie M. le directeur du service interministériel et du bureau parisien : Hélène Favard Université Paris Sorbonne des Archives de France Centre Michel Foucault – Paris Membres élus COMUE Normandie Université Université Rouen Normandie M. Olivier Bétourné, Directeur des collections : André Derval COMUE université Paris Lumières Université Toulouse Jean Jaurès administrateur des éditions du Seuil Membres élus Chargés de mission : Yves Chevrefils- Mme Dominique Bourgois, M. Pierre Assouline, Desbiolles, Sandrine Samson CREM (Centre de recherche sur les médiations) – EA 3476, University of Southern California (États-Unis) écrivain, journaliste éditrice et déposante Pôle archives : Pascale Butel (responsable), université de Lorraine M. Joël Bruneau, M. Alban Cerisier, David Castrec, Stéphanie Lamache, CRLC (Centre de recherche en littérature comparée) –EA 4510, Partenaires culturels maire de Caen et président de la communauté archiviste, éditeur Julie Le Men, urbaine de Caen la mer M. Pierre Denise, Pôle accueil chercheurs / bibliothèque : Sorbonne université Agglomération Caen la mer M. Grégoire Chertok président de l’université de Caen Normandie Lorraine Charles, Allison Demailly, Élisa CRILCQ (Centre interuniversitaire sur la littérature et la culture Artothèque de Caen associé-gérant de la banque Rothschild, déposant M. Paolo D’Iorio, Martos, Isabelle Pacaud québécoises), Québec (Canada) Association des centres culturels de rencontre – ACCR M. Sylvestre Clancier, directeur de recherche ITEM / ENS / CNRS Responsable du pôle administration Bibliothèque Alexis de Tocqueville écrivain, éditeur et déposant M. Benoît Forgeot, des données : Agnès Iskander CRIMIC (Centre de Recherches interdisciplinaires sur les Mondes Mme Teresa Cremisi, libraire, expert Pôle logistique conservation : ibériques Contemporains) – EA 2561, Sorbonne Université Café des Images éditrice M. Alain Giffard, Jérôme Guillet (responsable), CSLF (Centre des Sciences des littératures en langue française) Canopé de Caen M. Pascal Fouché expert numérique Alexandra Grzesik, Centre chorégraphique national de Caen en Normandie – CCNCN historien et éditeur M. Thomas Hippler, François-Xavier Poilly EA 1586 – université Paris Ouest Nanterre La Défense M. Antoine Gallimard, historien, Université Caen-Normandie Secrétariat : Claire Giraudeau Collège international de philosophie – Paris Centre culturel international de Cerisy président-directeur général du groupe Madrigall Mme Sophie Hogg-Grandjean, Centre d’animation AMVD – Caen M. Jack Lang, historienne de la littérature, éditrice DLA (Deutsches Literaturarchiv) – Marbach (Allemagne) Directeur de la programmation Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active – CEMEA président de l’Institut du monde arabe, déposant M. Yann Potin, et des médiations : Yann Dissez EHESS (École des hautes études en sciences sociales), Paris M. Serge Lasvignes, historien, chargé d’études documentaires Chargée de production : Élodie Leroy ENS-PSL (École normale supérieure – Paris sciences lettres), Paris Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information – CLEMI président du Centre Pompidou aux Archives nationales Chargé des expositions : Pierre Clouet ENS Lyon (École normale supérieure de Lyon), Lyon Centre national du livre – CNL M. Bernard Latarjet, M. Christophe Prochasson, Chargée de médiation : Marlène Bertrand président de l’association des Centres culturels ENSA Bourges (École nationale supérieure d’art), Bourges Cinémathèque française historien, président de l’EHESS Chargée des publications : Typhaine de rencontre me M Judith Revel, Garnier ERLIS (Équipe de recherche sur les Littératures, les Imaginaires et les CITIM – Association d’éducation à la citoyenneté & à la solidarité M. Michaël Levinas, philosophe, université Paris Ouest Nanterre Responsable accueil : Éliane Vernouillet Sociétés) – EA 4254 – MRSH/université de Caen – Normandie Comédie de Caen – CDN musicien et compositeur, déposant La Défense me M Vera Michalski, Mme Anne Simonin, ESAM Caen – Cherbourg Conservatoire national supérieur d’art dramatique – CNSAD présidente du groupe Libella et de la Fondation Directeur administratif et financier : historienne, EHESS École des beaux-arts de Paris Jan Michalski Jean-Luc Bonhême EUR (École universitaire de recherche) – ArTec, université Paris M. Olivier Nora, Chef comptable : Sandrine Culleron Lumières École Estienne président-directeur général des éditions Grasset Comptable : Brigitte Bouleau FFL (Foucault Fiches de lecture) – ANR, ENS Lyon École européenne supérieure d’art de Bretagne – EESAB M. Maurice Olender, Responsable des systèmes d’information : Époque, Salon du livre de Caen historien, éditeur et déposant Julien Beauviala FMSH (Fondation de la Maison des sciences de l’Homme), Paris M. Denis Olivennes, Responsable technique : GRELQ (Groupe de recherches et d’études sur le livre au Québec) Ésam / Caen-Cherbourg directeur général et cogérant de Libération Ludovic de Seréville – université de Sherbrooke (Canada) Fondation Royaumont M. Bruno Racine, Cuisinier : Thomas Catherine HISTEMé (Histoire, Territoire, Mémoire) EA 7455 FRAC Normandie Caen directeur du Palazzo Grassi, Italie Agents de maintenance M. Cyril Roger-Lacan, et de gardiennage : Raphaël Degrenne, – MRSH/ Université de Caen Normandie FRAC Normandie Rouen président-directeur général Tilia GmbH Arnaud Lerenard Institut ACTE – EA 7539, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Institut français ITEM (Institut des textes et manuscrits modernes) UMR 8132 Institut national de l’audiovisuel – CNRS/ENS, Paris Le labo des arts – Caen INHA (Institut national d’histoire de l’art) – Paris Le Sillon – MJC du Chemin vert (Caen)

LEGS (Laboratoire d’études de genre et de sexualité), CNRS, Librairie Eureka Street – Caen UMR 8238 – université Paris 8 Vincennes Saint-Denis et Normandie Impressionniste MRSH (Maison de la recherche en sciences humaines), université Normandie Livre et Lecture Caen Normandie Office central de la coopération à l’École – OCCE OBVIL (Observatoire de la vie littéraire) Petits Champions de la lecture – LABEX, Sorbonne-Université, Paris Rectorat de l’académie de Normandie LASLAR (Lettres Arts du spectacle Langues Romanes) Rencontres d’été – Théâtre & Lecture en Normandie – EA4256, MRSH/université de Caen Normandie Théâtre de Caen Société d’études modernistes, université Paris Nanterre SOPHIAPOL (Sociologie, philosophie et anthropologie politiques) - EA 3932, université Paris Ouest Nanterre La Défense

58 LES CARNETS Nº 13-14 LES CARNETS Nº 13-14 59 L’IMEC remercie chaleureusement pour leur aimable contribution : Stéphane Barsacq, Cyril Béghin, Caroline Bérenger, Dominique Bourg, René de Ceccatty, Muriel Denis, Esteban Dominguez, Jérôme Duwa, Sarah Fouquet, Sonia Gavory, Catherine Goldblum, Patrick Hersant, Romain Karsenty, Cassiana Lopes Stephan, Pauline Trochu, François Weiser.

Directrice de la publication : Nathalie Léger Comité de rédaction : Nathalie Léger, Albert Dichy, Hélène Favard, Alice Bouchetard, François Bordes Secrétariat de rédaction : Hélène Favard Mise en pages : Alice Bouchetard

Photographies © Philippe Delval : p. 22-30 © Gisèle Freund : p. 50 © Michaël Quemener : p. 2, 4, 7, 8, 9, 10, 13, 14, 16, 17, 19, 21, 25, 26, 35, 36, 39, 42, 46, 47, 49

ISSN : 2275-6035 [imprimé] / 2494-1638 [en ligne] Dépôt légal : septembre 2020 © Institut Mémoires de l’édition contemporaine, 2020.

L’IMEC bénéficie des soutiens du ministère de la Culture (DRAC de Normandie) et de la Région Normandie. jean genet, L’ennemi déclaré, Gallimard, 1991

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