Essai De Tableau Chronologique Des Rois Du Cambodge De La Période Post-Angkorienne
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ESSAI DE TABLEAU CHRONOLOGIQUE DES ROIS DU CAMBODGE DE LA PÉRIODE POST-ANGKORIENNE PAR MAK PHOEUN* RÉSUMÉ Depuis le milieu du XIVe siècle, les chroniques royales khmères font se succéder sur le trône du Cambodge cinquante-cinq souverains, dont deux reines. L’établissement d’un tableau chronologique de ces monarques pose un certain nombre de problèmes, les plus importants se rapportant à leurs noms-titres et aux dates de leurs règnes. On peut scinder ce tableau en deux parties distinctes. La première (XIVe-XVIe siècle) demeure encore controversée et sujette à révision, tandis que la seconde (siècles postérieurs), sans être définitivement établie, présente des caractéristiques beaucoup plus solides. Mots-clés: Cambodge, histoire, XIVe-XXIe s., rois, noms-titres, chronologie. ABSTRACT From the middle of the 14th century, the Khmer royal chronicles present fifty- five sovereigns (two of them were queens) who have succeeded to one another on the throne of Cambodia. The setting of a chronological chart of these kings raises a few problems, the most important ones deal with their names-titles and the dates of their reigns. This chart can be divided into two distinct parts. The first part, (14th-16th centuries) remains much debated and subject to be revised. The second part (following centuries), is not yet definitely substantiated, but shows more convincing characteristics. Key words: Cambodia, history, 14th-21st c., kings, names-titles, chronology. * Directeur de recherche au CNRS (FRE 2380: Asie du Sud-Est continentale. Peuples et contacts). Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 102 MAK PHOEUN La présente étude s'appuie principalement sur la «partie historique» des Chroniques royales du Cambodge1. Cette partie débute avec le roi Param Nibbanapad (ou Maha Nibbanapad, ou encore, plus simplement, Nibbanapad), qui régna en 1346 A.D. à Angkor, d'après les données fournies en 1818 par l'Ukaña Vansa Sarbejñ «Nan» (ou plus simple- ment Nan) et par d'autres textes. Bien que ce monarque et ses succes- seurs immédiats jusqu'à Paramaraja Ier (Cau Baña Yat), aient encore ré- sidé dans cette capitale, nous conviendrons de les inclure dans la liste des rois de la période post-angkorienne. En fait, après le monarque angkorien Jayavarman VII (1181-1218?), l'épigraphie khmère ancienne — représentée par ces inscriptions lapidai- res rédigées soit en khmer, soit en sanskrit, soit parfois bilingues, qui ca- ractérisent l'histoire des périodes préangkorienne et angkorienne2 — nous apprend qu'un de ses fils, Indravarman II, régna à Angkor. On sait peu de choses sur son règne, sinon que la puissance khmère diminua. Après sa mort, qui eut lieu en 1243, le trône revint à un prince de sa li- gnée, Jayavarman VIII (1243-1295) — sans qu'on puisse établir avec exactitude les liens de parenté qui unissaient les deux souverains. On notera cependant que ce fut sous son règne que fut construit en l'hon- neur d'un brahmane — autre fait caractéristique de la période angkorienne —, le dernier temple en grès, et cela à la suite d'une longue série de grands travaux et autres constructions monumentales en pierre, qui avaient été réalisés plusieurs siècles durant aussi bien à Angkor que dans d'autres régions de l'empire khmer3. Ensuite, à la faveur d'une ré- 1 Cette «partie historique» fait suite à une autre partie, dite «légendaire», qui com- mence, pour ce qui concerne la liste des rois khmers, avec BraÌ Thon, considéré comme le premier des monarques cambodgiens. Sur cette partie légendaire et le début de la partie dite historique, voir Mak Phoeun, Chroniques royales du Cambodge (des origines légen- daires jusqu’à Paramaraja Ier). Traduction française avec comparaison des différentes versions et introduction, Paris, EFEO (Collection de Textes et Documents sur l’Indo- chine), 1984 (désormais CRC, 1984). Sur les différents textes des chroniques royales ac- tuellement connus et utilisés et leurs principales caractéristiques, voir Mak Phoeun, His- toire du Cambodge de la fin du XVIe siècle au début du XVIIIe, Paris, Presses de l’EFEO (Monographies, no 176), 1995, p. 4-18. 2 Avec des données de textes historiques chinois. C'est surtout grâce à ces textes épi- graphiques anciens sanskrits et khmers que l'on a pu reconstituer les principales étapes de l'histoire de l'empire khmer des origines jusqu'au XIVe siècle. 3 On n'exclut certainement pas que d'autres travaux ont pu encore être réalisés (ou poursuivis, ou réaménagés) par les derniers monarques angkoriens nommés par l'épigra- Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 TABLEAU CHRONOLOGIQUE DES ROIS DU CAMBODGE 103 volution de palais, Srindravarman (1295-1307), gendre du précédent, s'empara du pouvoir suprême. Lorsqu'il abdiqua douze ans plus tard pour devenir religieux bouddhiste, le pouvoir revint à un membre de sa lignée, Srindrajayavarman, qui régna jusqu'en 1327. Et ce fut le succes- seur de ce roi, Jayavarma-Paramesvara (Jayavarmadiparamesvara), qui fut le dernier monarque connu de la période angkorienne. Son nom est en effet mentionné par les textes épigraphiques anciens, une inscription khmère du Bayon et une inscription sanskrite dite d'Angkor Vat, cette dernière provenant en réalité de Kapilapura, site situé un peu au nord-est du temple de ce nom. A partir de ce souverain, dont on ignore la date de la fin du règne, les inscriptions sanskrites disparaissent4. Désormais — et c'est ce qui caractérise l'histoire de la période post-angkorienne —, c'est essentiellement grâce aux Chroniques royales du Cambodge que l'on peut étudier l'histoire khmère, dont le récit se rapportant à la partie historique débute, comme on vient de le voir, un peu avant le milieu du XIVe siècle5. Cependant, malgré la proximité apparente de leurs règnes, on ne sait toujours pas comment rattacher le premier monarque men- tionné dans ces textes, le roi Param Nibbanapad, au dernier monarque angkorien dont le nom figure dans les textes épigraphiques anciens, Jayavarma-Paramesvara. Depuis le roi Param Nibbanapad — milieu du XIVe siècle — jusqu'à l'époque contemporaine, les chroniques royales font se succéder plus d'une cinquantaine de souverains khmers, dont deux reines, sur le trône phie ancienne, et même par les monarques postérieurs (à ce sujet, voir Claude Jacques, «Les derniers siècles d'Angkor», in Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Comptes rendus des séances de l’année 1999, janvier-mars, Paris, Boccard, 1999, p. 367-390). Cf. aussi infra n. 10. 4 La première inscription en pâli, due à l'ancien roi Srindravarman — ce qui voudrait dire que le bouddhisme du theravada avait été adopté par la cour —, remonte à 1309. Désormais, les textes épigraphiques vont être rédigés dans cette langue et en khmer. Ils vont revoir le jour, surtout dans cette dernière langue, au XVIe siècle et se développer au XVIIe ainsi que pendant les premières années du XVIIIe pour devenir par la suite beaucoup plus rares. 5 Cf. George Cœdès, Les États hindouisés d’Indochine et d’Indonésie. Nouvelle édi- tion revue et mise à jour, Paris, Boccard, 1964, p. 411-412; Lawrence P. Briggs, The Ancient Khmer Empire, Philadelphia, The American Philosophical Society, 1951, p. 237- 253; George Cœdès, Les peuples de la péninsule indochinoise, Paris, Dunod, 1962, p. 181-184; Madeleine Giteau, Histoire d’Angkor, Paris, Kailash, Civilisations & socié- tés, 1996, p. 101-116, etc. Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 104 MAK PHOEUN du Cambodge. Quelques-uns de ces monarques ont régné à deux, trois et même quatre périodes différentes, ce qui fait qu'on compte au total 63 règnes6. Ces monarques, qui régnèrent d'abord sur le site d'Angkor, s'installèrent ensuite à Basan (Srei Santhor), puis à Chadomouk (Phnom-Penh), à Srei Sâr Chhor (Srei Santhor), à Lovea Em, à Longvêk, à Oudong, puis de nouveau à Phnom-Penh, sans parler de plusieurs autres endroits où ils séjournèrent pour des raisons diverses de façon plus ou moins temporaire. A ces rois khmers, il faut ajouter quatre prin- ces siamois placés d'autorité, disent les chroniques royales, sur le trône d'Angkor au XIVe siècle par le monarque d'Ayutthaya, ce qui donne au total 55 souverains et 67 règnes. On tiendra compte également de quel- ques ubhayoraj — des «doubles du roi» — dont surtout trois au XVIIe siècle et un autre au XIXe, ont exercé un pouvoir quasi royal, sinon sur le Cambodge entier, du moins sur une notable partie de ce royaume7 et se sont opposés aux monarques en titre qu'ils ont même combattus par- fois8. 6 Signalons aussi qu'au XVe siècle, trois rois qui étaient en lutte ouverte, ont régné si- multanément, chacun sur une partie du Cambodge qui s'est ainsi trouvé partagé en trois. Au début du XVIe siècle, deux autres rois qui se battaient l'un contre l'autre, l'ont aussi partagé entre eux. Pour les données des chroniques royales khmères sur cette période (XVe-XVIe siècles), voir Khin Sok, Chroniques royales du Cambodge (de Baña Yat jus- qu’à la prise de Lanvaek : de 1417 à 1595. Traduction française avec comparaison des différentes versions et introduction, Paris, EFEO (Collection de Textes et Documents sur l’Indochine), 1988 (désormais, CRC, 1988). 7 Ce fut d'abord le cas de l'ubhayoraj Paramaraja (Uday), vers le second quart du XVIIe siècle, puis de l'ubhayoraj Ramadhipati (Ang Tan'), de l'ubhayoraj Padumaraja (Ang Nan'), vers le dernier quart de ce même siècle, et de l'ubhayoraj Jayaje††ha (Ang Snuon), vers les premières décennies du XIXe siècle. Sur les trois premiers ubhayoraj, voir Mak Phoeun, op. cit., 1995, p. 218-219, 226-251, 312-314, etc.; sur le quatrième, voir Khin Sok, Le Cambodge entre le Siam et le Viêtnam (de 1775 à 1860), Paris, EFEO (Collection des Textes et Documents sur l’Indochine), 1991, p.