ESSAI DE TABLEAU CHRONOLOGIQUE DES ROIS DU CAMBODGE DE LA PÉRIODE POST-ANGKORIENNE

PAR

MAK PHOEUN*

RÉSUMÉ Depuis le milieu du XIVe siècle, les chroniques royales khmères font se succéder sur le trône du Cambodge cinquante-cinq souverains, dont deux reines. L’établissement d’un tableau chronologique de ces monarques pose un certain nombre de problèmes, les plus importants se rapportant à leurs noms-titres et aux dates de leurs règnes. On peut scinder ce tableau en deux parties distinctes. La première (XIVe-XVIe siècle) demeure encore controversée et sujette à révision, tandis que la seconde (siècles postérieurs), sans être définitivement établie, présente des caractéristiques beaucoup plus solides. Mots-clés: Cambodge, histoire, XIVe-XXIe s., rois, noms-titres, chronologie.

ABSTRACT From the middle of the 14th century, the Khmer royal chronicles present fifty- five sovereigns (two of them were queens) who have succeeded to one another on the throne of . The setting of a chronological chart of these kings raises a few problems, the most important ones deal with their names-titles and the dates of their reigns. This chart can be divided into two distinct parts. The first part, (14th-16th centuries) remains much debated and subject to be revised. The second part (following centuries), is not yet definitely substantiated, but shows more convincing characteristics. Key words: Cambodia, history, 14th-21st c., kings, names-titles, chronology.

* Directeur de recherche au CNRS (FRE 2380: Asie du Sud-Est continentale. Peuples et contacts).

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La présente étude s'appuie principalement sur la «partie historique» des Chroniques royales du Cambodge1. Cette partie débute avec le roi Param Nibbanapad (ou Maha Nibbanapad, ou encore, plus simplement, Nibbanapad), qui régna en 1346 A.D. à Angkor, d'après les données fournies en 1818 par l'Ukaña Vansa Sarbejñ «Nan» (ou plus simple- ment Nan) et par d'autres textes. Bien que ce monarque et ses succes- seurs immédiats jusqu'à Paramaraja Ier (Cau Baña Yat), aient encore ré- sidé dans cette capitale, nous conviendrons de les inclure dans la liste des rois de la période post-angkorienne. En fait, après le monarque angkorien Jayavarman VII (1181-1218?), l'épigraphie khmère ancienne — représentée par ces inscriptions lapidai- res rédigées soit en khmer, soit en sanskrit, soit parfois bilingues, qui ca- ractérisent l'histoire des périodes préangkorienne et angkorienne2 — nous apprend qu'un de ses fils, Indravarman II, régna à Angkor. On sait peu de choses sur son règne, sinon que la puissance khmère diminua. Après sa mort, qui eut lieu en 1243, le trône revint à un prince de sa li- gnée, Jayavarman VIII (1243-1295) — sans qu'on puisse établir avec exactitude les liens de parenté qui unissaient les deux souverains. On notera cependant que ce fut sous son règne que fut construit en l'hon- neur d'un brahmane — autre fait caractéristique de la période angkorienne —, le dernier temple en grès, et cela à la suite d'une longue série de grands travaux et autres constructions monumentales en pierre, qui avaient été réalisés plusieurs siècles durant aussi bien à Angkor que dans d'autres régions de l'empire khmer3. Ensuite, à la faveur d'une ré-

1 Cette «partie historique» fait suite à une autre partie, dite «légendaire», qui com- mence, pour ce qui concerne la liste des rois khmers, avec BraÌ Thon, considéré comme le premier des monarques cambodgiens. Sur cette partie légendaire et le début de la partie dite historique, voir Mak Phoeun, Chroniques royales du Cambodge (des origines légen- daires jusqu’à Paramaraja Ier). Traduction française avec comparaison des différentes versions et introduction, Paris, EFEO (Collection de Textes et Documents sur l’Indo- chine), 1984 (désormais CRC, 1984). Sur les différents textes des chroniques royales ac- tuellement connus et utilisés et leurs principales caractéristiques, voir Mak Phoeun, His- toire du Cambodge de la fin du XVIe siècle au début du XVIIIe, Paris, Presses de l’EFEO (Monographies, no 176), 1995, p. 4-18. 2 Avec des données de textes historiques chinois. C'est surtout grâce à ces textes épi- graphiques anciens sanskrits et khmers que l'on a pu reconstituer les principales étapes de l'histoire de l'empire khmer des origines jusqu'au XIVe siècle. 3 On n'exclut certainement pas que d'autres travaux ont pu encore être réalisés (ou poursuivis, ou réaménagés) par les derniers monarques angkoriens nommés par l'épigra-

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 TABLEAU CHRONOLOGIQUE DES ROIS DU CAMBODGE 103 volution de palais, Srindravarman (1295-1307), gendre du précédent, s'empara du pouvoir suprême. Lorsqu'il abdiqua douze ans plus tard pour devenir religieux bouddhiste, le pouvoir revint à un membre de sa lignée, Srindrajayavarman, qui régna jusqu'en 1327. Et ce fut le succes- seur de ce roi, Jayavarma-Paramesvara (Jayavarmadiparamesvara), qui fut le dernier monarque connu de la période angkorienne. Son nom est en effet mentionné par les textes épigraphiques anciens, une inscription khmère du Bayon et une inscription sanskrite dite d'Angkor Vat, cette dernière provenant en réalité de Kapilapura, site situé un peu au nord-est du temple de ce nom. A partir de ce souverain, dont on ignore la date de la fin du règne, les inscriptions sanskrites disparaissent4. Désormais — et c'est ce qui caractérise l'histoire de la période post-angkorienne —, c'est essentiellement grâce aux Chroniques royales du Cambodge que l'on peut étudier l'histoire khmère, dont le récit se rapportant à la partie historique débute, comme on vient de le voir, un peu avant le milieu du XIVe siècle5. Cependant, malgré la proximité apparente de leurs règnes, on ne sait toujours pas comment rattacher le premier monarque men- tionné dans ces textes, le roi Param Nibbanapad, au dernier monarque angkorien dont le nom figure dans les textes épigraphiques anciens, Jayavarma-Paramesvara. Depuis le roi Param Nibbanapad — milieu du XIVe siècle — jusqu'à l'époque contemporaine, les chroniques royales font se succéder plus d'une cinquantaine de souverains khmers, dont deux reines, sur le trône phie ancienne, et même par les monarques postérieurs (à ce sujet, voir Claude Jacques, «Les derniers siècles d'Angkor», in Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Comptes rendus des séances de l’année 1999, janvier-mars, Paris, Boccard, 1999, p. 367-390). Cf. aussi infra n. 10. 4 La première inscription en pâli, due à l'ancien roi Srindravarman — ce qui voudrait dire que le bouddhisme du theravada avait été adopté par la cour —, remonte à 1309. Désormais, les textes épigraphiques vont être rédigés dans cette langue et en khmer. Ils vont revoir le jour, surtout dans cette dernière langue, au XVIe siècle et se développer au XVIIe ainsi que pendant les premières années du XVIIIe pour devenir par la suite beaucoup plus rares. 5 Cf. George Cœdès, Les États hindouisés d’Indochine et d’Indonésie. Nouvelle édi- tion revue et mise à jour, Paris, Boccard, 1964, p. 411-412; Lawrence P. Briggs, The Ancient , Philadelphia, The American Philosophical Society, 1951, p. 237- 253; George Cœdès, Les peuples de la péninsule indochinoise, Paris, Dunod, 1962, p. 181-184; Madeleine Giteau, Histoire d’Angkor, Paris, Kailash, Civilisations & socié- tés, 1996, p. 101-116, etc.

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 104 MAK PHOEUN du Cambodge. Quelques-uns de ces monarques ont régné à deux, trois et même quatre périodes différentes, ce qui fait qu'on compte au total 63 règnes6. Ces monarques, qui régnèrent d'abord sur le site d'Angkor, s'installèrent ensuite à Basan (Srei Santhor), puis à Chadomouk (Phnom-Penh), à Srei Sâr Chhor (Srei Santhor), à Lovea Em, à Longvêk, à Oudong, puis de nouveau à Phnom-Penh, sans parler de plusieurs autres endroits où ils séjournèrent pour des raisons diverses de façon plus ou moins temporaire. A ces rois khmers, il faut ajouter quatre prin- ces siamois placés d'autorité, disent les chroniques royales, sur le trône d'Angkor au XIVe siècle par le monarque d'Ayutthaya, ce qui donne au total 55 souverains et 67 règnes. On tiendra compte également de quel- ques ubhayoraj — des «doubles du roi» — dont surtout trois au XVIIe siècle et un autre au XIXe, ont exercé un pouvoir quasi royal, sinon sur le Cambodge entier, du moins sur une notable partie de ce royaume7 et se sont opposés aux monarques en titre qu'ils ont même combattus par- fois8.

6 Signalons aussi qu'au XVe siècle, trois rois qui étaient en lutte ouverte, ont régné si- multanément, chacun sur une partie du Cambodge qui s'est ainsi trouvé partagé en trois. Au début du XVIe siècle, deux autres rois qui se battaient l'un contre l'autre, l'ont aussi partagé entre eux. Pour les données des chroniques royales khmères sur cette période (XVe-XVIe siècles), voir Khin Sok, Chroniques royales du Cambodge (de Baña Yat jus- qu’à la prise de Lanvaek : de 1417 à 1595. Traduction française avec comparaison des différentes versions et introduction, Paris, EFEO (Collection de Textes et Documents sur l’Indochine), 1988 (désormais, CRC, 1988). 7 Ce fut d'abord le cas de l'ubhayoraj Paramaraja (Uday), vers le second quart du XVIIe siècle, puis de l'ubhayoraj Ramadhipati (Ang Tan'), de l'ubhayoraj Padumaraja ('), vers le dernier quart de ce même siècle, et de l'ubhayoraj Jayaje††ha (Ang Snuon), vers les premières décennies du XIXe siècle. Sur les trois premiers ubhayoraj, voir Mak Phoeun, op. cit., 1995, p. 218-219, 226-251, 312-314, etc.; sur le quatrième, voir Khin Sok, Le Cambodge entre le Siam et le Viêtnam (de 1775 à 1860), Paris, EFEO (Collection des Textes et Documents sur l’Indochine), 1991, p. 70 & p. 74-77. Ce dernier ubhayoraj, nommé à cette dignité par les Siamois en 1810 et s'appuyant sur eux, s'opposa à son frère le roi Udayaraja (Ang Cand) à Pursat et chercha à exercer son autorité sur quelques provinces de l'ouest avant de se rendre finalement en 1813 au Siam (cf. aussi infra n. 127). Nous ne donnerons en note dans le tableau qui sera dressé in fine que les données se rapportant à ces quatre ubhayoraj, car rien ne laisse supposer que les autres ubhayoraj aient été en rivalité avec les monarques régnant aux époques où ils détenaient cette dignité. 8 L'ubhayoraj Paramaraja (Uday) entra en rivalité avec son neveu le roi Sri Dhammaraja Ier (Cau Baña Tu) dès le début de son règne. Ils s'opposèrent militairement l'un à l'autre et le roi fut mis à mort par les troupes de l'ubhayoraj. Ensuite, ce dernier exerça sa prééminence — pouvoir et préséance — sur son second neveu, le roi Ang Dan

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L'établissement d'un tableau chronologique des rois du Cambodge pose un certain nombre de problèmes, les plus importants se rapportant à leurs noms-titres et aux dates de leurs règnes. Mais d'ores et déjà, on peut scinder ce tableau en deux parties distinctes: la première englobant les XIVe-XVe siècles et les premières années du XVIe, qui demeure en- core sujette à révision, l'autre se rapportant aux siècles postérieurs qui, sans être bien entendu définitivement établie, présente déjà des caracté- ristiques beaucoup plus solides.

Liste des rois ayant régné du milieu du XIVe au début du XVIe siècle Se présentant comme le début de la «partie historique» des Chroni- ques royales du Cambodge ou/et faisant immédiatement suite, suivant les versions, à la partie dite «légendaire» de ces textes, les passages se rapportant aux premiers rois de la période post-angkorienne, depuis le roi Param Nibbanapad jusqu'au roi Paramaraja II (Cau Baña Cand), qui régna au XVIe siècle, demeurent encore très controversés9. Ils posent d'emblée problème car, à la différence des chroniques royales traitant des siècles ultérieurs, ils ne présentent pas une liste identique de rois jusqu'à l'abandon d'Angkor en tant que capitale, peu avant le milieu du

Raja (Cau Baña Nur), qu'il avait placé sur le trône, si bien que les Hollandais, qui ve- naient à l'époque (1636 A.D.) d'établir à nouveau un comptoir commercial au Cambodge, considéraient les deux dirigeants khmers comme rois. Ils désignaient l'ubhayoraj sous le titre de «vieux roi», et son neveu sur le trône, sous celui de «jeune roi» (cf. Mak Phoeun, op. cit., 1995, p. 230-231, etc.). Ce même ubhayoraj Paramaraja (Uday) exerça la même prééminence sur un troisième roi khmer, Padumaraja Ier (Ang Nan'), qui n'était autre que son propre fils. 9 Un certain nombre d'auteurs ont étudié cette période. On citera ici Lawrence P. Briggs, «Siamese Attacks on Angkor before 1430», Far Eastern Quarterly, 1948, t. VIII, p. 3-33; Lawrence P. Briggs, op. cit., 1951, p. 253-261; Bernard-Philippe Groslier, An- gkor et le Cambodge au XVIe siècle d'après les sources portugaises et espagnoles, Paris, Annales du Musée Guimet, 1958, p. 7-17; O. W. Wolters, «The Khmer King at Basan (1371-3) and the Restoration of the Cambodian Chronology During the Fourteenth and Fifteenth Centuries», Asia Major, 1966, t. XII, no 1, p. 44-89; Eveline Porée-Maspero, «Remise en question de l’histoire du Cambodge à partir du XIVe siècle», in Comptes ren- dus trimestriels des séances de l’Académie des Sciences d’outre-mer, mars 1978, t. XXXVIII, no 2, p. 263-271; Michael Vickery, Cambodia after Angkor. The Chroni- cular Evidence for the Fourteenth to Sixteenth Centuries, Ann Arbor, University Micro- films International, 1978, 2 vol. (thèse), et aussi dans une certaine mesure, Cl. Jacques, op. cit., 1999.

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XVe siècle10. Certains récits disent en effet qu'il y eut à partir de Param Nibbanapad, six monarques qui résidèrent encore à Angkor, alors que d'autres font état de huit11, non compris le roi Paramaraja Ier (Cau Baña Yat) et les quatre princes siamois mis d'autorité sur le trône khmer. On ne parlera pas ici des dates de leurs règnes, qui sont loin aussi de s'ac-

10 Angkor — en premier lieu le temple d'Angkor Vat et ses environs immédiats —, malgré le départ de ses rois vers le sud du royaume pour y installer de nouvelles capitales, ne fut pas complètement abandonnée. En tout cas, la région ne fut pas entièrement dépeu- plée. Les chroniques royales, en traitant de certains événements ayant lieu après le départ des rois vers le sud, font encore état à diverses reprises, de la province d'Angkor, dési- gnée sous les toponymes de province de Nokor Vat, de Preah Moha Nokor Vat, de Siemreap, ou de Nokor Siemreap, avec de légères variantes. Preuve de l'intérêt qu'ont toujours porté les rois khmers au site d'Angkor et particulièrement au temple d'Angkor Vat, deux inscriptions du XVIe siècle font état de l'exécution de deux bas-reliefs de ce temple ordonnée par «S. M. […] Paramarajadhiraj [le roi Paramaraja II (Cau Baña Cand)]». Elle commença en 1546 et fut achevée en 1564 (cf. George Coedès, «La date d’exécution des deux bas-reliefs tardifs d’Angkor Vat» (avec une note de Jean Boisselier), Journal asiatique, 1962(2), t. CCL, fasc. 2, p. 235-248). D'autres travaux, non seulement à Angkor Vat, mais aussi ailleurs sur le site d'Angkor, furent encore exé- cutés à d'autres moments, au XVIe siècle comme aux siècles postérieurs (voir aussi supra n. 3). Cependant, étant donné les vicissitudes de l'histoire, ce site d'Angkor, ou une de ses portions importantes, a pu être délaissé et parfois quelque peu oublié. C'est ce qui expli- que que dans leurs récits, les premiers voyageurs occidentaux parlent d'une sorte de redé- couverte d'Angkor par un «Roi de Camboja» vers le milieu du XVIe siècle — «vers les années 1550 ou 1551» d'après Diogo de Couto — ou une vingtaine d'années plus tard — «en l'an 1570» d'après Gabriel Quiroga de San Antonio et Christoval de Jaque (cf. Ber- nard-Philippe Groslier, op. cit., 1958, p. 69 & p. 76-77). George Coedès précise que le témoignage de Diogo de Couto sur la découverte des ruines d'Angkor n'est pas en contra- diction avec les deux inscriptions citées ci-dessus, car ces ruines sont «celles de la ville d'Angkor Thom», ensevelies dans la forêt, tandis que «le temple d'Angkor Vat n'a ja- mais cessé d'être connu, visité, habité» (cf. George Coedès, op. cit., 1962(2), p. 240). Faisant écho aux auteurs ibériques, le Brugeois Jacques de Coutre, se trouvant au Siam en 1595 et faisant la description des statues de bronze et de pierre emmenées à Ayutthaya par les Siamois après leur victoire sur la capitale Longvêk en 1594, écrit qu'on les a trou- vées «il y a quarante ans [c'est-à-dire vers 1555] dans une ville détruite au royaume de Cambodge. […]. La ville découverte reçut le nom d'Angkor» (cf. Dirk Van der Cruysse, Louis XIV et le Siam, Paris, Fayard, 1991, p. 49). 11 Il y en aurait même eu plus si on prend en considération les données de la chronique royale AE. Sur ces rois dont fait état AE, voir G. Coedès («Essai de classification des documents historiques cambodgiens conservés à la bibliothèque de l’École française d’Extrême-Orient. Études cambodgiennes XVI», Bulletin de l’École française d’Ex- trême-Orient, 1918, t. XVIII, fasc. 9, p. 15-28, ainsi que le «Tableau généalogique» donné in fine). Pour les listes des rois de cette période donnés par les autres textes, cf. CRC, 1984, p. 369-383.

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 TABLEAU CHRONOLOGIQUE DES ROIS DU CAMBODGE 107 corder entre elles12. D'un autre côté, comme on l'a déjà dit, on ne con- naît de ces monarques que très peu de choses, hormis leur nom-titre de règne ainsi que les liens parentaux plutôt vagues et parfois contradictoi- res d'un texte à l'autre, qui unissaient certains d'entre eux. Pour leur part, les récits se rapportant aux premiers rois ayant abandonné Angkor sont aussi susceptibles de donner lieu à discussion, à cause de leurs di- vergences notables constatées dans les divers textes, aussi bien dans les faits racontés que dans les dates données. On citera par exemple, sans entrer dans tous les détails, ceux faisant état, au XVe siècle, de trois mo- narques rivaux — les rois Sri Raja (1438/9-1476/7), Sri Suriyoday (1438/9-1476/7) et Dhammaraja (1468/9-1504/5)13 —, donnés comme descendants du roi Paramaraja Ier (Cau Baña Yat), et surtout de leurs dis- sensions qui débutèrent à la suite du décès du successeur immédiat de ce dernier, Naray(∞) Raja Ier, et qui se prolongèrent durant plusieurs an- nées14. Cependant, en l'état actuel de la documentation et en l'absence

12 Ces divergences constituent bien entendu des problèmes constants auxquels doivent faire face les chercheurs, non seulement ceux qui se penchent sur les premiers siècles de la partie historique, mais également ceux qui se penchent sur les siècles postérieurs S'agissant du roi Paramaraja Ier (Cau Baña Yat), le texte rédigé par Nan le fait régner de 1373/4-1433/4 (nous adopterons généralement dans cette étude les dates fournies par cet auteur, cf. infra n. 15). Arguant du fait que toutes les chroniques font commencer ce rè- gne après une invasion d'Angkor par Ayutthaya, qui eut lieu selon certains auteurs «entre 1430 et 1440», on nous suggère que ce règne ne peut que commencer pendant cette dé- cennie. Or ces dates — tout comme d'autres qui ont été avancées, et aussi la durée de l'occupation d'Angkor par les Siamois, et même la réalité de l'invasion siamoise de cette capitale — ne sont que conjecturales et sont loin d'être unanimement acceptées. C'est dire que placer le début du règne de Paramaraja Ier (Cau Baña Yat) entre 1430 et 1440 est encore pour le moins prématuré. D'autre part la thèse de Michael Vickery (op. cit., 1978) reste toujours à prouver. Nous avons d'ailleurs soulevé des interrogations à son sujet (cf. Mak Phoeun, op. cit., 1995, p. 21-24). En effet, lorsqu'il tente de démontrer que les faits historiques khmers des XIVe-XVe siècles donnés par les chroniques royales — jusqu'au roi Paramaraja II (Cau Baña Cand) qui commença son règne vers le début du XVIe siècle — ne sont que des fictions, sauf en gros les renseignements relatifs au roi Paramaraja Ier (Cau Baña Yat), et qu'en conséquence, les rois de cette période, sauf bien entendu ce der- nier roi, sont aussi des rois fictifs, on reste toujours dans l'hypothèse. 13 Ces dates de règne sont celles données par Nan. en 1818 (cf. infra n. 15). 14 Sur ces monarques, cf. CRC, 1988 p. 75-100 & p. 244-256; B.-P. Groslier, op. cit., 1958, p. 11-13. On voit, comme pour ceux régnant encore à Angkor, qu'on ne connaît de ces monarques que leur seul nom-titre de règne (mais on connaît le nom-titre individuel Cau Baña Yat de leur ascendant et prédécesseur Paramaraja Ier). S'agissant des dissen- sions entre les trois monarques, VJ (t. III, p. 96-128) et P63 (t. II, p. 4-21) par exemple disent, avec des différences dans certains détails, que le roi Sri Raja attaqua en 1475/6 le

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 108 MAK PHOEUN d'autres données infirmant ou confirmant clairement l'une ou l'autre des versions fournies par les chroniques royales, nous adopterons comme hypothèse de travail — à titre indicatif et sous toutes réserves —, en at- tendant l'éventuelle découverte d'autres données ou d'autres témoigna- ges vérifiables, la liste et la chronologie établies à partir de la chronique royale de Nan rédigée en 181815. Cette chronique, qui se révèle être l'une des plus anciennes qui soient parvenues jusqu'à nous, apparaît comme présentant une véracité satisfaisante. Il faut toutefois dire que ce constat global positif n'est surtout vrai et vérifiable qu'à partir du XVIe siècle. C'est en effet à partir de ce siècle que les dates des règnes et des faits principaux que fournit le texte de Nan, s'accordent en général d'une façon satisfaisante avec les données d'autres sources dignes de con- fiance, en particulier les sources contemporaines, occidentales ou autres, qui commencent, dès le XVIe siècle, à donner des renseignements sur le royaume d'Ayutthaya pour reprendre certaines provinces qui avaient été dans le passé enlevées par ce royaume, non sans avoir chargé son jeune demi-frère, Dhammaraja, de garder le palais royal de Chadomouk (Phnom-Penh). Alors que le monarque se trouvait en campagne, son neveu Sri Suriyoday se souleva et s'empara des provinces de la rive orien- tale du Mékong où il se proclama roi en 1476/7. De son côté, son jeune demi-frère, Dhammaraja, se proclama à son tour roi en 1678/9. Il y eut alors trois monarques au Cam- bodge, qui connut de ce fait de graves troubles pendant de longues années. En 1485/6, le roi de Chadomouk, Dhammaraja, demanda l'intervention du roi d'Ayutthaya pour arrêter les conflits. Ce dernier réussit à faire conduire dans son royaume les deux autres protago- nistes, Sri Raja et Sri Suriyoday, qui ne tardèrent pas à mourir, ce qui permit à Dhammaraja de devenir le seul roi du Cambodge. De leur côté, P3 (t. II, p. 7-9) et KK (t. I, p. 36-39) disent, avec toujours des différences d'un texte à l'autre dans certains faits racontés et surtout dans les dates, qu'une fois sur le trône (en 1472/3 selon P3), le roi Sri Raja chargea son jeune demi-frère, Cau Baña Dhammaraja, d'aller prendre le gouverne- ment de la province de Moha Nokor Vat. L'année suivante (en 1473/4 selon P3), son ne- veu Sri Suriyoday se souleva et combattit le roi pour lui disputer le trône. A cette époque, le roi d'Ayutthaya vint attaquer des provinces khmères, y compris la province de Moha Nokor Vat. Le prince Cau Baña Dhammaraja se retira avec ses troupes pour se fixer dans la province de Ba Phnom. Les troupes siamoises réussirent à s'emparer de Sri Raja et de Sri Suriyoday puis à les conduire à Ayutthaya. Quant au prince Cau Baña Dhammaraja, il devait chasser les troupes siamoises qui étaient restées au Cambodge (en 1476/7 selon P3) et monter l'année suivante (en 1477/8 selon P3) sur le trône. 15 Nous adopterons ici le texte du manuscrit B39/12/B (p. 3-10). Voir aussi Francis Garnier, «Chronique royale du Cambodge», Journal asiatique, oct.-déc. 1871, 6e sér., t. XVIII, no 67, p. 340-348; A. B. de Villemereuil, Explorations et missions de Doudart de Lagrée… Extraits de ses manuscrits mis en ordre…, Paris, Tremblay, 1883, p. 20-42; les deux travaux cités ici sont basés sur le manuscrit DL/2, une autre copie du texte de Nan.

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Cambodge16. Le recoupement des données de la chronique de Nan avec celles des sources étrangères des XVIe et XVIIe siècles ainsi que d'une grande partie du XVIIIe — concrètement, à partir du roi Paramaraja II (Cau Baña Cand) du XVIe siècle jusqu'au roi Jayaje††ha V [Sri Dhammaraja II] du XVIIIe siècle — ne garantit évidemment pas la véracité de la liste des rois des siècles antérieurs et de la chronologie de leurs règnes données par ce texte. Mais nous pensons, et cela sans rejeter, ni minimiser, les listes et les données fournies par d'autres textes des chroniques royales17 ou d'autres sources, que reprendre dans son intégralité, avec les liens de parenté qui unissaient les rois, liste et la chronologie établies à partir du travail de Nan ou, plus exactement peut-être, à partir de celui reproduit

16 Notons d'autre part que les données fournies par Nan s'accordent en général — mais des divergences existent aussi entre elles — avec celles d'une autre chronique royale importante, le manuscrit P57. Ce dernier a été rédigé avant celui de Nan, c'est-à-dire, au moins, dès le tout début du XIXe siècle. Toutefois, ce texte ne commence son récit que vers les dernières décennies du XVIe siècle. Il ignore donc la liste des rois résidant encore à Angkor, de même que celle de leurs successeurs immédiats. On notera que si nous don- nons ici les noms-titres des rois d'après le travail de Nan et le manuscrit P57, nous signa- lons également les variantes de ces noms-titres et de différents détails, qu'on peut rencon- trer dans d'autres textes des chroniques royales. 17 En fait, en dehors du texte de la chronique royale AE et mis à part les rois qui rési- daient encore à Angkor, les listes de monarques fournies par l'ensemble des textes des chroniques royales actuellement accessibles, ne présentent pratiquement pas — sauf exceptions (par exemple la liste des rois donnée par ME au XVIIe-XVIIIe siècle, cf. M. Piat, «Chroniques royales khmer», Bulletin de la Société des études indochinoises, 1974, n. s. t. XLIX, no 1, p. 48-49; Mak Phoeun, op. cit., 1995, p. 399, n. 183 & 400, n. 191), ou sauf certains détails (comme ceux se trouvant dans les noms-titres des rois) — de différences. Mais ces dernières se rencontrent ailleurs, principalement, et sans parler de leurs libellés, dans les dates des règnes, et ensuite dans plusieurs faits historiques racon- tés. Ainsi, pour ne citer que ces textes, les chroniques royales P3, P63 et dans une certaine mesure VJ, qui sont très proches les unes des autres (mais sans être identiques), donnent des dates qui sont en avance de près d'une dizaine d'années de celles fournies par Nan et par P57 pour une partie des XVIe-XVIIe siècles et de 3 à 5 ans pour une autre partie du XVIIe siècle (cf. Mak Phoeun, Chroniques royales du Cambodge (de 1594 à 1677). Traduction française avec comparaison des différentes versions et introduction, Paris, EFEO (Collection de Textes et Documents sur l’Indochine), 1981, p. 21-22 & 26-30; désormais CRC, 1981). En gros, c'est seulement à partir des décennies entourant la fin du XVIIe siècle que P3, P63 et VJ donnent des dates qui commencent à s'accorder avec celles fournies par Nan et par P57, ou en tout cas à en être très proches. En fait, des divergences — à 1 ou 2 ans près — existent encore souvent entre ces deux groupes de textes durant toute cette période, et cela jusque vers les dernières décennies du XIXe siècle.

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 110 MAK PHOEUN par cet auteur d'après un modèle plus ancien, confère une cohérence cer- taine à la présente étude18.

Liste des rois mentionnés entre le milieu du XVIe siècle et l'époque contemporaine

A partir du roi Paramaraja II (Cau Baña Cand) du XVIe siècle, la liste chronologique des souverains khmers peut être établie avec beaucoup plus de garantie, mais sans qu'on puisse véritablement dire que cette liste ne soit encore susceptible d'être rectifiée et améliorée. Il existe en effet maintenant des repères provenant de sources autres que les chroni- ques royales — récits de voyageurs occidentaux et asiatiques, inscrip- tions khmères de l'époque moyenne et autres textes khmers, annales des pays voisins, etc. — et ils sont suffisamment nombreux pour permettre une confrontation utile avec ces chroniques. Pour l'unicité de la présente étude, nous nous intéresserons d'abord aux noms-titres des rois, puis nous établirons ensuite les dates de leurs règnes.

1. Les noms-titres des rois A. L'exemple du roi Narottam Au Cambodge, un souverain reçoit habituellement, au cours de sa vie et de sa carrière, plusieurs noms ou/et titres, ces deux notions étant bien difficiles à distinguer19. D’une façon générale, le nom est un nom indivi- duel donné à la naissance et qui appartient en propre au petit prince qui vient de naître. Mais plus tard, celui-ci en reçoit encore d’autres, plus ou moins officiels, ce qui souvent peut donner lieu à des confusions, d’autant qu’un même nom ou titre peut être porté par plusieurs princes d’une même génération ou de générations différentes. Prenons l'exemple du futur Narottam — le roi Norodom des textes occidentaux —, car son cas illustre parfaitement les problèmes des titres royaux, mais aussi ceux

18 En fait, tous les textes seront mis à contribution, aussi bien du point de vue des da- tes que des faits historiques. Mais ils le seront beaucoup plus à partir des décennies précé- dant le milieu du XVIIIe siècle, lorsque le travail de Nan fait défaut et comporte une impor- tante lacune. 19 On se reportera à Mak Phoeun, op. cit., 1995, p. 25-31.

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 TABLEAU CHRONOLOGIQUE DES ROIS DU CAMBODGE 111 de la datation des règnes, car il accumule sur sa personne presque toutes les questions qu'on peut se poser sur les monarques khmers. A sa naissance à Mongkolborei en 183620, ce futur roi reçut de son père, le futur Hariraks Rama (Ang ™uon) — le roi des textes occidentaux —, le nom ou titre, ou le nom-titre, de BraÌ Ang Cra¬în, ou plus simplement Ang Cra¬în. Cra¬în était le véritable nom individuel du jeune prince, ang, ou braÌ ang, une particule, ou expression, qu'on place immédiatement, pour un prince ou une princesse, avant son nom indivi- duel. Les particules qualifiant le nom individuel et particulier des princes ont varié au cours des temps. Il ressort des chroniques royales que du XIVe siècle jusqu’à la première moitié du XVIIe siècle, les particules précé- dant les noms individuels des princes furent cau baña (ou plus simple- ment baña), par exemple Cau Baña Yat (ou son diminutif Baña Yat) au XIVe-XVe siècle21 ou Cau Baña Cand (Baña Cand) au XVIe siècle22. Les derniers princes dont les noms individuels furent précédés de cau baña semblent avoir été les enfants du roi Jayaje††ha II (1619-1627), c’est-à- dire les princes Cau Baña Tu, Cau Baña Nur et Cau Baña Cand. Après ces princes, qui tous régnèrent, d’autres princes, fils du frère de Jaya- je††ha II — c'est-à-dire de l'ubhayoraj Paramaraja (Uday) —, qui eux aussi accédèrent au trône, eurent leur nom individuel plutôt précédé de la particule ang. On citera par exemple Ang Nan’ et Ang Sur, noms-titres respectifs des futurs Padumaraja Ier (Ang Nan') et Paramaraja VIII (Ang Sur). En gros, ce fut pratiquement à partir des dernières décennies de la première moitié du XVIIe siècle que les petits princes se virent, sauf ex- ceptions, attribuer un nom individuel précédé de la seule particule ang23.

20 Sur cette date et également sur les années 1835 et 1834, considérées aussi chacune comme année de la naissance du roi Narottam, voir infra n. 56-62. 21 Avant ce monarque, et même tout de suite après, les textes ne donnent pratiquement que les noms-titres de règne des rois et ignorent complètement leurs noms-titres indivi- duels. 22 On notera que dans certaines chroniques royales, on rencontre aussi la forme Ang Cand, mais cette forme ne semble figurer que dans des textes plus tardifs. 23 Cependant selon certains textes, le roi Jayaje††ha III (1677-1707) portait lui aussi, avant son accession au trône, le nom-titre de Cau Baña Sur (au lieu de: Ang Sur). On notera que selon P57 (t. VII, p. 229), c’est seulement à partir du dernier règne de Jayaje††ha V [Sri Dhammaraja II], plus précisément à partir de 1738, que les jeunes prin- ces se virent formellement attribuer un nom-titre individuel précédé de la particule ang,

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Une autre particule également utilisée fut anak, «seigneur», mais son emploi apparaît plus rarement dans les textes des chroniques royales kh- mères24, à moins qu’elle ne précède d’autres particules, comme braÌ ou ang. Par contre, fait à signaler, des textes des voyageurs occidentaux de l’époque notent couramment, pour ne pas dire d’une façon exclusive, pour le XVIIe siècle, des noms-titres tels que «Nac-Channe» [pour Anak Cand, le troisième fils du roi Jayaje††ha II, c’est-à-dire le futur roi musul- man Ramadhipati Ier (Cau Baña Cand)] et «Nac-Non» [pour Anak Nan’, le futur ubhayoraj Padumaraja (Ang Nan’)], ce qui montrerait que la particule anak était à cette époque couramment employée pour désigner les princes de la famille royale, sinon dans les actes écrits officiels, du moins de façon orale comme terme de référence. On peut rencontrer dans les textes, pour les XIXe et XXe siècles, d'autres expressions précédant le nom propre individuel des princes. Ce sont surtout braÌ ang mcas', ou plus simplement mcas' (mcas' signifie «maître, prince, seigneur»)25, comme pour le futur Sisuvatthi (Sisowath), né à Bangkok le mardi 12e jour de la lune décroissante du mois de Srab(∞), année du Rat, 1202 de l'ère culla, c'est-à-dire en juillet ou août 1840]26. En fait, mis à part cette expression ou particule, le nom-titre in- dividuel de naissance du futur Sisuvatthi fait encore difficulté. En effet, G. Janneau et A. Leclère écrivent respectivement que ce nom était «Sa- ûr» et «Sâm-Our» (pour Sra Ur/Srâ Ou et Saµ Ur/Sâm Ou)27. Cependant les chroniques royales VJ et P63, faisant état du futur Sisuvatthi et de son jeune demi-frère Si Vattha, disent par deux fois que le premier avait pour nom individuel Saµ Ok/Sâm Ok, et le second, Saµ Ur/Sâm Ou28. De son ce qui en fait, ne correspond pas tout à fait aux données fournies par ce même texte et également par de nombreuses autres chroniques royales. 24 Cette forme se rencontre très souvent dans les chroniques royales AE, B39/12/B, KK, etc. 25 Pour mcas', voir par exemple [J.-A.] Fourès, «Royaume du Cambodge. Organisa- tion politique», Excursions et reconnaissances, 1882, no 13, p. 174 (transcrit mechas d'après cet auteur). 26 Cf. VJ, t. VI, p. 804; P48, t. V, p. 102; «Le couronnement de Sa Majesté Sisovath…», La dépêche coloniale illustrée, 15 juillet 1906, no 13, p. 152, etc. Sur cette date, cf. infra n. 70. 27 G. Janneau, Manuel pratique de langue cambodgienne, Saigon, Impr. impériale, 1870, p. 18; A. Leclère, «La cour d’un roi du Cambodge», L’Ethnographie, oct. 1913, n. s. no 1, p. 43 & p. 46.

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 TABLEAU CHRONOLOGIQUE DES ROIS DU CAMBODGE 113 côté, le texte officiel de la «Notice royale des funérailles de S. M. […] Sisowath…» porte aussi que le nom individuel de ce roi était Saµ Ok/ Sâm Ok29. Tenant compte de ces données, nous avons écrit que le futur Sisuvatthi avait aussi ce nom individuel30. Mais un doute reste permis — et nous pencherions pour l'inversion des noms des deux demi- frères — puisque les mêmes chroniques royales VJ et P63 disent aussi auparavant, en faisant état pour la première fois du prince né le mardi 12e jour de la lune décroissante du mois de Srab(∞) de l'année du Rat, 2e de la décade (P63 donne seulement: l'année du Rat, 2e de la décade) — autrement dit le futur Sisuvatthi — et de son cadet né l'année suivante — le futur Si Vattha —, que le premier reçut à sa naissance le nom de Sra Ur/Srâ Ou et le second, celui de Sra Ok/Srâ Ok]31. Une confusion entre les noms individuels des deux demi-frères n'est donc pas à écarter et on peut se demander, compte tenu des renseignements recueillis par G. Janneau et A. Leclère, si le nom individuel du futur Sisuvatthi n'était pas en réalité Saµ Ur/Sâm Ou (ou sa variante Sra Ur/Srâ Ou). Saµ Ok/Sâm Ok (ou sa variante Sra Ok/Srâ Ok) aurait alors été celui de son jeune demi-frère Si Vattha32. En tout cas, l'oubli des noms-titres individuels de naissance de ces princes, ou leur confusion, provient sans doute des pro- hibitions prescrites et observées dès la deuxième moitié du XIXe siècle33.

28 VJ, t. VII, p. 840; P63, t. XI, p. 39 bis. 29 Cf. «Cérémonies de l’incinération du roi Sisowath», BEFEO, 1928, t. XXVIII, fasc. 3-4, p. 619. 30 Cf. Mak Phoeun, op. cit., 1995, p. 27, n. 107. Cf. aussi Khin Sok, op. cit., 1991, p. 163 (qui donne cette forme: Srâ Ok). 31 Cf. VJ, t. VI, p. 804; P63, t. XI, p. 24 bis. 32 Notons par ailleurs, ce qui ne semble rien arranger, que L. Finot donne au roi Sisuvatthi, le nom individuel de «An Sór [Ang Sur]» et au prince Si Vattha, celui de «An Phim [Ang Bhim]» (cf. L. Finot, «Nécrologie. S. M. Sisowath, roi du Cambodge», BEFEO, 1927, t. XXVII, p. 519). Il semble que L. Finot suive ici F. Garnier (op. cit., août-sept. 1872, 6e sér., t. XX, no 73, p. 138), qui dit que le second fils du roi Hariraks Rama (Ang ™uon) s'appelait «Ang Sor» et le troisième, «Ang Phim». A. Leclère, dans son Histoire du Cam- bodge depuis le 1er siècle de notre ère d’après les inscriptions lapidaires, les annales chinoi- ses et annamites et les documents européens des six derniers siècles (Paris, Geuthner, 1914, p. 448) dit aussi que le prince Si Vattha s'appelait «Angk-Phim», ce qui contredit son article publié l'année précédente, qui dit que ce prince s'appelait «Sâm-Ok» (cf. A. Leclère, op. cit., 1913, p. 46). Dans ce même ouvrage, on lit aussi d'abord (p. 448) que le futur Sisuvatthi s'appelait «Angk-Sâr (Our)» et ensuite (p. 451) «Angk-Sôr». Peut-on imaginer que «Angk- Sôr» ait été la contraction — erronée — de «Angk-Sâr (Our)/Angk-Sâr-Our»?). 33 Cf. infra n. 39.

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A sa 13e année, le prince Ang Cra¬în reçut de son père — devenu en- tre-temps le roi Hariraks Rama (Ang ™uon) —, au cours d’une cérémo- nie, un autre nom-titre, celui de Rajavati (ou Ang Vati). Lors de sa 21e année, au moment de sa prise de robe jaune de moine bouddhiste à Ban- gkok, ce prince reçut un nouveau nom-titre — religieux cette fois — ce- lui de BraÌ Narottam Bhikkhu34, Narottam étant son nom-titre indivi- duel, braÌ tenant lieu de particule indiquant sa qualité de prince et de religieux, et bhikkhu, «moine bouddhique (mendiant)», tenant lieu de suffixe indiquant son état de moine. L’année suivante, en 1858, lorsque ce prince quitta la robe monastique, il se vit conférer la dignité d’uparaj. Et en même temps le nom-titre de Samtec BraÌ Narottam suivi de quel- ques autres épithètes, Narottam étant ici le nom-titre individuel du prince, et samtec braÌ, l'expression qualifiant sa haute dignité princière. En 1864, lorsqu’il reçut dans sa capitale Oudong l’investiture officielle — le rajabhisek ou «ondoiement royal» —, le roi Narottam se vit offrir, et cela conformément à une tradition établie depuis bien longtemps, une longue titulature dont voici les premiers termes: braÌ pad samtec braÌ rajaonkar braÌ narottam paramaram devavatar… Comme on peut le deviner, braÌ pad samtec braÌ rajaonkar braÌ est l’expression propre à la dignité royale, qu’on peut traduire par «Sa Majesté»35, Narottam, le nom-titre individuel du monarque, et les autres termes, les épithètes de ce nom-titre. Le roi Narottam possédait donc trois noms-titres individuels, mais c’est le dernier qu’on considérait comme le seul nom-titre officiel de ce monarque, c'est-à-dire comme son nom-titre de règne. On comprendra donc que parfois, cette multiplicité de noms-titres ait pu être à l’origine de certaines confusions36.

34 Tous les princes n'ont pas reçu de troisième nom-titre. Ceci est vrai en particulier pour ceux qui n'ont pas régné. 35 Mot à mot: braÌ pad, «augustes pieds», samtec, «seigneur», braÌ rajaonkar, «auguste ordre royal». Cette expression précède le nom-titre considéré comme nom-titre de règne. 36 Dans l’état actuel de la documentation, très peu de rois, mis à part ceux des XIVe et XVe siècles, n’ont eu durant leur vie qu’un seul nom-titre, ou du moins n'ont eu qu'un seul nom-titre qui soit parvenu jusqu’à nous. Ce fut le cas par exemple du roi Paramaraja III au XVIe siècle. Dans cette éventualité, le nom-titre connu est constamment d’origine sa- vante (sanskrite ou pâlie), alors que dans les autres occasions ce nom-titre (le premier, reçu à la naissance) est généralement d’origine purement khmère ou en tout cas populaire

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Le cas de Narottam ressemble à celui de la plupart des autres monar- ques de l’époque post-angkorienne, en particulier ceux ayant régné à partir du XVIe siècle. Une différence — importante — semble cependant exister entre les rois des époques antérieures et ceux des XIXe et XXe siècles, surtout à partir de ce roi Narottam. En effet, si pour les premiers, les textes continuent à utiliser, en combinaison ou non avec leurs autres noms-titres, leurs noms-titres individuels de naissance, les textes cher- chent plutôt à privilégier pour les seconds leurs noms-titres princiers ou royaux et à passer sous silence leurs noms-titres individuels. Ainsi, si certaines chroniques royales, par exemple VJ, P63 et KK, enregistrent le nom-titre individuel de naissance Ang Cra¬în de Narottam37, certaines autres, comme P48 et P3, ignorent totalement ce nom-titre et mention- nent que ce futur roi reçut dès sa naissance, ce qui n'est pas exact, le nom-titre de Rajavati38. Confirmant ce nouvel usage et parlant des noms- titres de naissance du roi Narottam et de son jeune demi-frère (le futur Sisuvatthi), G. Janneau écrit qu'il était «expressément interdit de les écrire ou de les prononcer, ou de s'en servir pour les désigner, même en parlant d'eux hors de leur présence»39. B. Des causes de confusion Le désordre que l’on peut noter dans certains livres d’histoire en ce qui concerne les souverains du Cambodge, provient en premier lieu du fait que l’on continue à appeler un monarque, non par son nom-titre de règne, mais par l’un des noms-titres qu’il a portés avant son accession au trône. Ainsi, pour le père et prédécesseur de Narottam, on continue à

(comme Nan’, En, Cra¬în, etc.). On verra plus tard que certains monarques, en montant sur le trône, prirent un nom-titre de règne différent de celui qu’ils possédaient auparavant, lorsqu’ils étaient simples princes. D’autres, en accédant plusieurs fois à la magistrature suprême, se firent accorder, non pas un seul et même nom-titre de règne, mais deux noms-titres de règne différents. Aussi, peut-on voir plusieurs rois dotés de deux noms-ti- tres, d’autres de trois, et d’autres de quatre. On observera aussi que des monarques — en fait, en l'état actuel de la documentation, depuis le roi Hariraks Rama (Ang ™uon) — ont reçu après leur mort un autre nom-titre, le nom-titre posthume. Ainsi pour le roi Narottam, ce fut Sa Majesté Suva∞∞ako††h (orthographe donnée d’après VK) et pour le roi Sisuvatthi, Sa Majesté Paramarajanuko††h. 37 Cf. VJ, t. VI, p. 799; P63, t. XI, p. 24 bis; KK, t. III, p. 38. 38 Cf. P48, t. V, p. 102; P3, t. III, p. 52, etc. 39 Cf. G. Janneau, op. cit., p. 18.

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 116 MAK PHOEUN l’appeler Ang ™uon, du nom-titre qu’il avait reçu à sa naissance, alors que son nom-titre officiel de règne était Hariraks Rama. On continue également à appeler le frère aîné et prédécesseur (non direct) de ce der- nier Ang Cand, alors que son nom-titre de règne était Udayaraja (noté aussi Uday Raja). Le problème n’apparaît en fait que lorsqu’on fait sui- vre ce nom-titre par un numéro d’ordre40. Ainsi, les auteurs modernes occidentaux et asiatiques donnent généralement au roi Udayaraja (1797- 1835) le nom-titre Ang Cand II; le premier monarque à porter ce même nom-titre étant le roi Paramaraja II (Cau Baña Cand) du XVIe siècle, fon- dateur de la capitale Longvêk, que l’on a pris l’habitude d’appeler Ang Cand Ier (ou Cau Baña Cand Ier). Or entre ces deux rois, un autre monar- que a aussi porté le nom-titre de Ang Cand (ou Cau Baña Cand); il s’agit du roi Ramadhipati Ier (Cau Baña Cand) qui régna de 1642 à 1658. Pour être logiques et éviter de créer une confusion, les auteurs qui appel- lent les rois par le nom-titre qu'ils ont reçu à la naissance, auraient dû appeler ce dernier Ang Cand II et appeler le roi Ang Cand qui régna de 1797 à 1835 Ang Cand III, et non Ang Cand II comme ils ont l'habitude de le faire. Une autre cause de confusion, qui résulte d’ailleurs en partie du fait mentionné ci-dessus, réside dans la similitude de certains noms-titres. Ainsi Jayaje††ha — il s'agit de l'abréviation de Jayaje††hadhiraj —, fut le nom-titre porté par plusieurs princes et rois, et la numérotation des sou- verains portant ce nom-titre de règne ne présente pas dans les ouvrages une exactitude rigoureuse. On a l’habitude de désigner le monarque qui régna de 1677 à 1695 (premier règne) — le roi Jayaje††ha III (Ang Sur) — sous le nom-titre de Jayaje††ha IV, les trois précédents étant alors les rois Jayaje††ha Ier qui régna de 1584/5 à 1594, le roi Jayaje††ha II qui ré- gna de 1619 à 1627 et le roi Jayaje††ha III qui régna de 1672 à 1673. S’il n’y a aucun problème pour les deux premiers rois, il n’en est pas de même pour le troisième. Car ce monarque n’a jamais reçu le nom-titre de Jayaje††ha, puisque le nom-titre qu’on lui donna à la naissance était Sri Jayaje††h, et celui qui lui fut conféré après son accession au trône était Padumaraja. L’appeler Jayaje††ha III est donc une erreur41. Et cette

40 Il s’agit là d’une convention occidentale qui n’apparaît jamais dans les inscriptions lapidaires, dans les chroniques royales ni dans les autres textes anciens khmers. 41 Nous le nommerons Padumaraja II (Sri Jayaje††h).

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 TABLEAU CHRONOLOGIQUE DES ROIS DU CAMBODGE 117 erreur se répercute sur le nom-titre du roi qui régna de 1677 à 1695 — qu’on doit appeler logiquement Jayaje††ha III, et non Jayaje††ha IV comme le font les auteurs — et aussi sur le nom-titre de deux autres monarques ultérieurs, le roi Jayaje††ha IV [Kaev Hva III] qui régna en 1729 et le roi Jayaje††ha V [Sri Dhammaraja II] qui régna de 1738 à 1750. D’un autre côté, les auteurs appellent parfois le roi Dhammaraja du XVe-XVIe siècle — père du roi Paramaraja II (Cau Baña Cand) — Dhammaraja Ier (ou Dharmaraja Ier). Ils appellent encore Dhammaraja II et Dhammaraja III, d'une part le fils et successeur du roi Jayaje††ha II qui régna de 1627 à 1632, et d'autre part le fils et successeur du roi Jayaje††ha III (Ang Sur) qui régna de 1702/3 à 1704/5 et de 1707 à 1715. Or appeler ces trois monarques respectivement Dhammaraja Ier, Dhammaraja II et Dhammaraja III ne correspond pas à la réalité. En ef- fet, seul le monarque du XVe-XVIe siècle portait le nom-titre de Dhammaraja alors que les deux autres — le monarque du XVIIe et le mo- narque du XVIIIe — que les auteurs ont désignés sous les noms-titres res- pectifs de Dhammaraja II et Dhammaraja III, portaient en réalité tous les deux le nom-titre de Sri Dhammaraja. Or le terme Sri ne figure jamais dans le nom-titre du roi du XVe-XVIe siècle, du moins dans les textes mê- mes des chroniques royales. Donc, seul ce dernier doit être désigné sous le nom-titre de Dhammaraja; les deux autres devant respectivement apparaître sous les noms-titres de Sri Dhammaraja Ier et de Sri Dham- maraja II. Une autre cause de confusion réside dans le fait que certains souve- rains, comme on l'a déjà dit, ont à plusieurs reprises abdiqué ou aban- donné le pouvoir, pour le reprendre ensuite. C’est ainsi que quelques rois ont régné deux, trois, voire quatre fois, leurs règnes étant entrecou- pés par ceux d’autres monarques qu’ils avaient eux-mêmes désignés ou qui avaient pris de force le pouvoir royal. Pour les souverains ayant ré- gné plusieurs fois, le problème ne se pose que lorsqu’ils ont eux-mêmes changé de noms-titres de règne. Ce fut le cas pour le roi Sri Dhammaraja II au XVIIIe siècle qui, en accédant au pouvoir suprême pour la troisième fois en 1738 A.D., prit cette fois le nom-titre de Jayaje††ha42. Faut-il dans

42 En 1707, au moment de son accession au trône pour la deuxième fois, ce monarque reçut comme titulature: braÌ pad samtec stec braÌ rajaonkar braÌ sri dhammarajadhiraj ramadhipati, et en 1738, au moment de son accession au trône pour la troisième fois:

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 118 MAK PHOEUN ce cas continuer à l’appeler Sri Dhammaraja II ou l’appeler plutôt Jayaje††ha V? Par souci d’unité et de cohérence, il ne serait pas dérai- sonnable d’adopter la deuxième solution, mais dans ce cas on peut crain- dre un risque de confusion, certains lecteurs pouvant penser que ce sou- verain n’était pas le même que celui qui avait régné auparavant à deux reprises, en 1702/3-1704/5 et en 1707-1715. Pour éviter ce risque, il ne serait pas inutile de faire suivre le nom-titre Jayaje††ha V par celui qu’il avait pris pendant ses deux premiers règnes, c’est-à-dire d’écrire Jayaje††ha V [Sri Dhammaraja II]43. Pour être le plus complet et le plus précis possible, le nom-titre de règne d’un souverain, avec sa numérota- tion à la façon occidentale, peut aussi être suivi d’au moins un des autres noms-titres qui lui avaient été attribués au cours de sa vie, surtout le plus connu et le plus utilisé, c'est-à-dire celui qui lui avait été conféré tout de suite après sa naissance. C'est ainsi que pour le monarque qui a régné de 1642 à 1658, on peut l'appeler soit Ramadhipati Ier soit, pour plus de précision et pour ne pas trop désorienter les lecteurs, Ramadhipati Ier Cau Baña Cand ou encore Ramadhipati Ier (Cau Baña Cand)44. Au cours des XIVe-XVIe siècles, les listes de souverains fournies par les chroniques royales du Cambodge ne sont pas, on l'a vu, toujours identi- ques45. Toutefois, leurs divergences n'ont pratiquement pas eu d’inci- dence sur la numérotation des noms-titres des autres souverains de ces siècles ou des siècles postérieurs. Quelques cas doivent toutefois être si- gnalés. Ainsi, le nom-titre de Paramaraja II (Cau Baña Cand)46 porte le chiffre II parce qu’un autre Paramaraja avait régné avant lui. Il s’agit du monarque qui avait déplacé la capitale d’Angkor à Basan (Srei Santhor), braÌ pad samtec stec braÌ rajaonkar braÌ jayaje††ha ramadhipati (cf. B39/12/B, p. 47 & p. 60). 43 Avant ce monarque, le roi Kaev Hva III (Ang Im) avait aussi régné trois fois. A l'occasion de son troisième et dernier avènement, en 1729, il se fit aussi conférer le nom- titre de Jayaje††ha. Ce fut le roi Jayaje††ha IV [Kaev Hva III]. 44 C’est cette forme de notation des noms-titres des souverains, parenthèses exceptées, qui a été adoptée par Tran Nghia dans le deuxième volume de son Histoire khmère (Ph- nom-Penh, 1974, vol. 2) et aussi, sans que cela soit systématique, par certaines chroniques royales khmères. D'autres chroniques ont cependant adopté, parfois, des formes inversées (nom-titre de naissance suivi du nom-titre de règne). 45 Cf. supra n. 9-12. 46 Deux inscriptions d’Angkor font état d’une partie de la titulature de ce monarque (cf. infra n. 75).

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 TABLEAU CHRONOLOGIQUE DES ROIS DU CAMBODGE 119 plus connu sous son nom-titre de naissance de Cau Baña Yat ou Baña Yat. L’ensemble des chroniques royales portent que ce monarque s’était vu conférer comme nom-titre de règne Paramarajadhiraj d’où, puisqu’il n’y avait aucun autre Paramaraja — Paramaraja est une forme simplifiée ou un diminutif de Paramarajadhiraj — avant lui, son nom-titre de Paramaraja Ier. Les successeurs du roi Paramaraja II (Cau Baña Cand) furent d’abord son fils Paramaraja III (1566-1576), puis le fils de ce der- nier, Paramaraja IV (Sa††ha) (1576-1594) — plus connu sous son nom- titre princier de Sa††ha (en transcription courante: Sattha, Satha, Sâtha, ou même Sotha) —, puis en 1584/5 et en même temps que ce dernier roi, ses deux premiers fils, Jayaje††ha Ier et Paramaraja V (Cau Baña Tan’) (1584/5-1594)47, puis de nouveau — à la suite des règnes de Ram de Joen Brai (ou Ram Ier) et de son fils Ram II (Cau Baña Nur) — ce même Paramaraja V (Cau Baña Tan’) (1597-1599), qui accéda ainsi pour la deuxième fois au trône.

2. Les dates des règnes On a déjà vu que les chroniques royales — en particulier les manus- crits B39/12/B de Nan et P57 — fournissent des données et des dates qui, pour les événements essentiels, s'accordent de façon satisfaisante avec d'autres sources, modernes celles-là, comme les inscriptions moyennes d'Angkor (IMA) et les récits des voyageurs occidentaux. Ces derniers, qui commencent à donner des renseignements sur le Cambodge à partir des dernières décennies du XVIe siècle48, fournissent à partir de cette époque des instruments d'une importance capitale qui permettent

47 Le roi Paramaraja IV (Sa††ha) associa en fait ses deux premiers fils au trône. Faisant état de l'avènement des deux fils du roi en 1584/5 A.D., B39/12/B (p. 18) et P48 (t. III, p. 41) précisent que les trois rois régnèrent par la suite ensemble. Cf. aussi F. Garnier, op. cit., oct.-déc. 1871, p. 354; A. B. de Villemereuil, op. cit., p. 26, n. 6. 48 Le dominicain portugais Gaspar da Cruz, précédé sans doute par d'autres commer- çants de sa nation, se rendit au Cambodge et s'installa dans la capitale du roi Paramaraja II (Cau Baña Cand) — à «Loech [Lovêk/Longvêk]» — dès 1555. Il y resta deux années, jusqu'en 1557 (sur son texte, cf. C. R. Boxer, South China in the Sixteenth Century. Being the Narratives of Galeote Pereira, Fr. Gaspar da Cruz, O.P., Fr. Martín de Rada, O.E.S.A. (1550-1575)…, London, Hakluyt Society, 1953, p. 59-80). Cependant les don- nées concrètes se rapportant aux événements historiques ayant eu lieu dans le pays appa- raissent seulement dans les publications des dernières années du XVIe siècle (cf. Bernard- Philippe Groslier, op. cit., 1958, p. 27-35; etc.).

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 120 MAK PHOEUN de compléter et surtout de vérifier les données — dates et faits histori- ques — des différents textes des chroniques royales. Bien que les chroniques royales présentent des faits historiques qui, dans leurs grandes lignes, se ressemblent, elles donnent assez souvent — selon les textes et selon les époques49 — des dates qui s'écartent de fa- çon plus ou moins importante de celles données par les chroniques B39/ 12/B et P57. Mais à mesure qu'on s'avance dans le temps vers la période contemporaine, ces écarts se réduisent de plus en plus, et ils vont même jusqu'à disparaître presque complètement à certains moments des XVIIIe et XIXe siècles. On se gardera cependant de conclure, lorsqu'on abordera ces derniers, que cette disparition des divergences traduit l'exactitude des dates fournies par tous ces textes. A. Le chevauchement des dates et le décompte des années S'agissant de la chronologie des règnes, et cela indépendamment de la véracité ou non des données des chroniques royales, un problème se pose au préalable, celui se rapportant à la conversion des dates. L'année cambodgienne commence, comme on le sait, au mois de Cetr ou 5e mois (lunaire), c'est-à-dire vers mars-avril de l'année correspondante du ca- lendrier grégorien50. Il y a donc un chevauchement entre les deux an-

49 Cf. supra n. 17. 50 Nous considérons ici, comme le veut la tradition, le mois de Cetr ou 5e mois (= mars-avril) comme le premier mois de l'année nouvelle, bien que dans le calendrier offi- ciel le premier jour de l'an n'intervienne ordinairement qu'un peu plus tard. Il peut en effet tomber sur l'un quelconque des 29 jours compris entre le 6 de la première quinzaine du mois de Cetr ou 5e mois et le 5 de la première quinzaine du mois suivant de Bisakh ou 6e mois. Cependant, traditionnellement, et quelle que soit la date exacte du Nouvel An, le nom de l'animal de chaque année du cycle duodénaire «change dès le premier jour du cinquième mois [Cetr]» (cf. G. Coedès, «Le nouvel an cambodgien», France-Asie, avril 1952, no 71, p. 31-34. Voir aussi Huy Kanthoul («Le Chol Chnam ou jour de l'an khmèr», France-Asie, avril 1952, no 71, p. 35), qui précise que le mois de Cetr «est con- sidéré comme le premier mois de l'année», et Chadin Flood (The Dynastic Chronicles. Bangkok Era. The First Reign. B.E. 2325-2352 (A.D. 1782-1809). Volume Two : Annota- tions and Commentary, Tokyo, The Centre for East Asian Cultural Studies, 1990, p. 166), qui, de son côté, écrit: «The traditional Thai new year as appears in the text begins on the first day of the waxing moon of the fifth lunar month […]»). En pratique, on considère qu'il y a coexistence de deux entrées dans la nouvelle année. L'une, qui est basée sur la marche de la lune et qui marque un changement dans le cycle duodénaire des années, a lieu à une date fixe du calendrier lunaire: le 1er jour de la lune croissante de Cetr ou 5e mois. L'autre, qui est calculée selon la marche du soleil et qui marque le début de l'ère

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 TABLEAU CHRONOLOGIQUE DES ROIS DU CAMBODGE 121 nées, qui n'est pas sans entraîner des conséquences importantes. Elles peuvent se traduire par des erreurs dans les résultats trouvés en ce qui concerne d'une part le millésime de l'année du calendrier grégorien cor- respondant à une année cambodgienne donnée, d'autre part dans l'âge d'un roi à un moment précis de sa vie, ou encore dans toute autre durée séparant deux événements donnés connus. Dans la pratique, si on se contente d'appliquer automatiquement la conversion des millésimes de la grande ère ou de l'ère culla et des noms d'années du cycle duodénaire fournis, en millésimes correspondants du calendrier grégorien — sans tenir compte des autres éléments des libellés chronographiques, comme les quantièmes et surtout les noms des mois donnés —, les résultats ob- tenus pourront être un peu différents des dates réelles. Il y a en général un écart d'un an, mais ce dernier peut, d'autres méprises et confusions aidant, atteindre deux ans, voire même plus. Et c'est précisément du fait de ce chevauchement que des auteurs ont pu écrire par exemple que le roi Udayaraja (Ang Cand) du XIXe siècle mourut en 1834 A.D., mais aussi parfois en 1835 A.D., et plus rarement en 1833 et en 183251. La date du décès du roi Udayaraja (Ang Cand) n'est pas bien entendu la seule à avoir été litigieuse. D'autres dates, on les verra, comme celle du décès du roi Naray(∞) Rama (Ang En) ou celle de l'investiture officielle du roi Hariraks Rama (Ang ™uon), posent aussi problème et sont consignées de façon inexacte dans nombre d'ouvrages d'histoire. Illustrant ces erreurs dues à la conversion de dates, on peut évoquer comme exemple l'année de la chute de la capitale Longvêk. A ce sujet, la chronique royale B39/12/B (de Nan) dit que le roi siamois Naresuen vint attaquer cette capitale en 1515 de la grande ère, année du Serpent52. Travaillant sur une autre copie du travail de Nan — le manuscrit DL/2, qui donne ces mêmes éléments de datation —, Francis Garnier et A. B. de Villemereuil écrivent que cette attaque eut lieu en 1593 culla ou/et de l'année civile, coïncide souvent avec le 13 avril (cf. Eveline Porée- Maspero, Études sur les rites agraires des Cambodgiens, Paris/La Haye, Mouton, 1962, vol. I, p. 41; Cérémonies des douze mois. Fêtes annuelles cambodgiennes, Phnom-Penh, Institut bouddhique, s. d., 2e éd., p. 19). Sur les noms des douze mois lunaires de chaque année et les noms des animaux désignant les années du cycle duodénaire, voir infra n. 58 & 66. 51 Pour l'année exacte du décès de ce monarque, cf. infra, n. 128. 52 B39/12/B, p. 18.

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A.D.53 S'appuyant sur d'autres sources, principalement les textes portu- gais et espagnols contemporains, B.-P. Groslier arrive à la conclusion que la date de la chute de la capitale khmère a été «très certainement janvier 1594 [A.D.]»54. On voit que la date donnée dans les travaux de Francis Garnier et A. B. de Villemereuil est en retard d'un an par rap- port à la date réelle. Cependant cette différence est plus apparente que réelle et ne veut pas forcément dire que la date donnée par Nan est erro- née. Cette dernière est en fait acceptable du fait du chevauchement déjà évoqué. L'année du Serpent, 1515 de la grande ère donnée par Nan, correspond à 1593/4 A.D. (il faut comprendre: approximativement en- tre mars-avril 1593 et mars-avril 1594 A.D.). Ce qui veut dire que la chute de la capitale Longvêk eut lieu effectivement en l'année du Ser- pent55. Plus près de nous, et illustrant toujours les problèmes liés à la conver- sion de dates, l'année de naissance du roi Narottam, bien qu'elle n'ait pas eu d'incidence sur les dates de son règne, fait aussi difficulté. Les chroniques royales disent que le futur monarque naquit à Mongkolborei en 1757 de la grande ère, 1197 de l'ère culla — les millésimes donnés peuvent être différents d'un texte à l'autre suivant les ères utilisées: grande ère, ère culla, ou beaucoup plus rarement ère bouddhique —, an- née de la Chèvre, septième de la décade56. Cette date correspond à 1835/

53 Cf. Francis Garnier, op. cit., oct.-déc. 1871, p. 354; A. B. de Villemereuil, op. cit., p. 26-27. 54 Cf. Bernard-Philippe Groslier, op. cit., p. 19. Le même auteur dit cependant, à la même page, sans doute par inadvertance, que «la chute définitive» de Longvêk «eut lieu seulement en 1593», ce qui contredit ce qu'il a écrit auparavant. 55 Cette année du Serpent est d'autant plus acceptable que le manuscrit B39/12/B (p. 18) — comme P57 (t. V, p. 41) — ajoute une précision: l'attaque siamoise eut lieu au mois de Puss de l'année du Serpent, c'est-à-dire en décembre 1593 ou en janvier 1594 A.D. Par contre, et pour ne parler que d'elle, la chronique royale VJ (t. IV, p. 251) donne une date erronée puisqu'elle mentionne que l'attaque siamoise menée par le roi Naresuen commença en l'année du Cheval, sixième de la décade (= 1594/5 A.D.), au mois de Migasir (c'est-à-dire en novembre-décembre 1594 A.D.). Ce texte dit de plus (t. IV, p. 277), ce qui est également faux, que la capitale Longvêk tomba au mois de Cetr de l'année de la Chèvre, c'est-à-dire en mars-avril 1595 A.D. Pour plus de renseignements concernant la chute de cette capitale fournis par les chroniques royales, voir aussi CRC, 1988, p. 194, n. 798 & p. 212, n. 838. 56 Cf. P48, t. V, p. 102; P3, t. III, p. 52; KK, t. III, p. 38; P63, t. XI, p. 28 bis (les deux derniers textes ne donnent pas de millésimes, mais seulement le nom de l'animal de l'année du cycle duodénaire et le numéro de la décade).

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6 A.D. (comprendre toujours: entre mars-avril 1835 et mars-avril 1836 A.D.). De ce qui précède, on voit que l'année 1835, généralement — voire même officiellement — considérée comme celle de la naissance du roi Narottam57, n'est que le résultat de la conversion automatique de l'année de sa naissance (année de la Chèvre, septième de la décade) en millésime désignant l'année de l'ère chrétienne58. Toutefois, si on prend en compte, et c'est ce qui aurait dû être fait, d'autres éléments de data- tion se rapportant à sa naissance — le samedi 12e jour de la lune crois- sante du mois de Magh59, ou du moins le dernier élément de ce libellé (le nom du mois) —, le futur monarque naquit, non en 1835, mais au début de l'année 183660, en janvier ou en février61.

57 Cf. J. Moura, Le royaume du Cambodge, Paris, Leroux, 1883, vol. II, p. 111; A. Leclère, op. cit., 1913, p. 46; Mak Phoeun, op. cit., 1995, p. 25; etc. Le timbre-poste por- tant l'effigie de ce monarque et émis à Phnom-Penh en novembre 1958, lui attribue aussi cette même année 1835 comme date de sa naissance (cf. Cambodge, Phnom-Penh, Minis- tère de l'information, 1962, p. 149). Cf. aussi supra n. 20. 58 On a l'habitude de ne prendre en compte que le premier résultat trouvé (premier millésime désignant l'année du calendrier grégorien, par exemple ici 1835), qui s'étend sur neuf mois: Cetr (= mars-avril), Bisakh (= avril-mai), Jes†h (= mai-juin), Asadh (= juin-juillet), Srab(∞) (= juillet-août), Bhadrapad (= août-septembre), Assuj (= septem- bre-octobre), Kattik (= octobre-novembre), Miggasir (= novembre-décembre), et de lais- ser de côté le second résultat (second millésime, ici 1836), qui s'étend sur les trois mois restants: Puss (= décembre-janvier), Magh (= janvier-février) et Phalgu∞ (= février-mars). 59 Cf. VJ, t. VI, p. 798-799; A. B. de Villemereuil, op. cit., p. 342 (qui donne: 1377 de l'ère bouddhique, 1196 de l'ère culla [lire pour être cohérent: 2379 de l'ère bouddhique, 1197 de l'ère culla], mois de Magh, année de la Chèvre; A. Leclère, Cambodge. La cré- mation et les rites funéraires, Hanoi, Schneider, 1906, p. 101. Cf. aussi P. Collard (Cam- bodge et Cambodgiens. Métamorphose du royaume khmêr par une méthode française de protectorat, Paris, Société d’éditions géographiques, maritimes et coloniales, 1925, p. 180) qui donne d'abord le nom du jour de la semaine, le quantième et le nom du mois — le samedi 12e jour de la lune croissante du mois de Magh —, puis ensuite le millésime de l'ère chrétienne. 60 Cf. aussi Khin Sok, op. cit., 1991, p. 159, n. 578. Milton Osborne, dans «King- making in Cambodia: from Sisowath to Sihanouk», Journal of Southeast Asian Studies, 1973, vol. IV, no 2, p. 184-185 et Sihanouk. Prince of light, Prince of darkness, Chiang Mai, Silworm Books, 1995, p. IX, rectifie la date de naissance du roi Narottam (1836, au lieu de: 1835) qu'il a auparavant donnée dans son ouvrage The French Presence in Cochinchina and Cambodia. Rule and Response 1859-1905, Ithaca & London, Cornell Unity Press, 1969, p. 10. 61 D'après un calcul fait à partir des données fournies par J. C. Eade (Southeast Asian Ephemeris. Solar and Planetary Positions, A.D. 638-2000, Ithaca, New York, Cornell University, 1989, p. 138), le futur monarque naquit, sauf erreur, le samedi 30 janvier 1836.

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L'année 1835 n'est pas la seule à avoir été considérée comme celle de la naissance du roi Narottam. On a aussi souvent écrit que ce monarque naquit en 1834 A.D. (soit 2 ans plus tôt que la date réelle)62. Cette année de naissance supposée du roi Narottam a été, sans doute, le résultat d'un autre calcul, celui effectué à partir de son âge à un moment donné de sa vie. Ainsi, on a écrit par exemple, répétant en cela certaines chroniques royales et aussi sans doute des renseignements obtenus de vive voix, que ce roi avait 26 ans en 186063, au moment où il fut désigné pour monter sur le trône à la suite du décès de son père64. Si on prend cet âge du roi comme base de calcul — et c'est ce qu'on a dû certainement faire —, on obtient automatiquement, suivant le décompte occidental, 1834 A.D. comme année de sa naissance (1860-26 = 1834). Or l'âge considéré (26 ans)65 n'a été obtenu que d'après un décompte traditionnel (cambodgien et indochinois). Le roi étant né en une année de la Chèvre alors qu'on était, au moment de son accession au trône, en une année du Singe66,

62 Cf. F. Garnier, op. cit., août-sept. 1872, p. 138; A. B. de Villemereuil, op. cit., p. 67 & 342, qui émet pourtant des réserves à ce sujet; G. Maspero, L’empire khmèr. Histoire et documents, Phnom-Penh, Impr. du Protectorat, 1904, p. 86, n. 4; A. Leclère, op. cit., 1906, p. 97 & 101; Paul Collard, op. cit., p. 180; etc. 63 Cf. par exemple P48, t. VI, p. 135-136; KK, t. IV, p. 19. KK porte par erreur qu'on était en 1722 de la grande ère; lire en fait: 1782 de la grande ère. P48 porte qu'on était en 1222 de l'ère culla, ce qui est correct. 64 Cf. A. Leclère, op. cit., 1914, p. 448. La mort du roi Hariraks Rama (Ang ™uon) survint le 5e jour de la lune croissante mois de Kattik de l'année du Singe, deuxième de la décade, c'est-à-dire le 19 octobre 1860 A.D. (cf. aussi infra n. 95). 65 On observera ici que cet âge du roi n'est pas erroné, mais est tout à fait exact du point de vue cambodgien. Il n'est cependant pas conforme au décompte occidental (il y a, en faisant abstraction des mois et en ne considérant que les années, 2 ans de différence, puisque le roi ne devait avoir que 24 ans). J. Moura (op. cit., vol. II, p. 136) écrit que le roi Narottam avait 24 ans au moment de son arrivée au pouvoir, mais il place de façon erronée cette dernière en 1859 et la naissance du monarque en 1835 (t. II, p. 111). 66 Dans leur système de datation, les Cambodgiens (et aussi les Thaïlandais, les Lao- tiens, etc.) se servent d'un cycle de douze ans portant des noms d'animaux. Ces noms d'animaux du cycle duodénaire sont dans l'ordre: le Rat, le Boeuf, le Tigre, le Lièvre, le Nâga, le Serpent, le Cheval, la Chèvre, le Singe, le Coq, le Chien et le Porc. Notons que chaque année ne compte en général qu'un total de 354 jours, les douze mois qui la com- posent étant lunaires et ne comprenant alternativement que 29 jours et 30 jours. Pour re- médier au décalage qui existe entre l'année solaire de 365 jours et cette année lunaire, on ajoute à des époques déterminées par calcul, un mois intercalaire de 30 jours que l'on nomme Dutiyasadh et que l'on place après le mois d'Asadh, appelé dans ce cas Pa†hamasadh. Cette année de 13 mois est dite embolismique et comprend 354 + 30 = 384 jours (sur ce système de datation, voir F. G. Faraut, Astronomie cambodgienne, Phnom-

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 TABLEAU CHRONOLOGIQUE DES ROIS DU CAMBODGE 125 cela donne, en comptant à la manière traditionnelle cambodgienne (de l'année de sa naissance jusqu'à l'année de son arrivée au pouvoir): 2 cycles de 12 ans + 1 an + 1 an = 24 ans + 2 ans = 26 ans67. On obtient un résultat identique (1834 A.D. comme année de naissance du roi) si on prend en compte son âge à un autre moment de sa vie, par exemple au moment de son décès (70 ans selon le décompte traditionnel)68. On voit, d'après ces résultats et en ne considérant que les millésimes, qu'il y a une différence de deux ans entre le décompte traditionnel cam- bodgien et le décompte occidental pour ce qui est de l'âge du roi Narottam au moment de sa désignation comme successeur de son père69. S'il y a cette différence de deux ans, c'est parce que la date de sa désigna- tion comme roi — le 5e jour de la lune croissante mois de Kattik qui cor- respond au 19 octobre du calendrier occidental —, précédait, dans l'année

Penh, Schneider, 1910; Prince Pethsarath, «Calendrier laotien», Bulletin des amis du Laos, 1940, t. IV, p. 107-140; «Le calendrier lao», France-Asie, 1956, no 118-120, p. 787-814; etc.). 67 On convient, pour le roi Narottam, de compter chaque cycle de 12 ans à partir de l'année de la Chèvre (celle de la naissance du roi) jusqu'à l'année du Cheval (fin normale du cycle duodénaire considéré ici), puis les deux autres années qui leur font suite immé- diatement dans cet ordre, à savoir d'abord l'année de la Chèvre, ensuite l'année du Singe, cette dernière étant celle de la désignation de Narottam comme roi. 68 Cf. P48, t. VI, p. 155; Bansavatar nai prades Kambuja, Phnom-Penh, Impr. du Pa- lais royal, 1952, p. 190; A. Leclère, op. cit., 1914, p. 467. En fait, le roi décéda le diman- che 10e jour de la lune croissante du mois de Bisakh, 1266 de l'ère culla, année du Nâga, sixième de la décade, c'est-à-dire le 24 avril 1904, à l'âge de 68 ans (et pas tout à fait trois mois) d'après le décompte occidental. 69 En fait, s'il y a une différence entre le décompte traditionnel des Cambodgiens (et des autres peuples des pays indianisés de l'Asie du Sud-Est) et le décompte occidental, c'est parce que pour les premiers, on compte en années courantes et que pour les Occi- dentaux, on le fait en années révolues. Ainsi pour les premiers, un enfant né la veille d'une nouvelle année, aura pour âge le lendemain (et tout autre jour de cette nouvelle an- née) 2 ans, alors que pour les Occidentaux, il aura 2 jours (le jour suivant, 3 jours, etc.). En Occident, cet enfant n'aura 1 an révolu qu'à son jour anniversaire (on fait ici référence au calendrier grégorien) alors qu'en Asie du Sud-Est, il aura déjà ce jour-là, 3 ans depuis 11 jours et cela parce que chaque année lunaire ne compte ordinairement, on l'a vu, que 354 jours et qu'elle est de ce fait plus courte de 11 jours que l'année normale du calen- drier occidental. Il y a donc entre les deux décomptes (traditionnel cambodgien et occi- dental), une différence d'un an ou de deux ans selon les moments, et même de trois ans pendant une courte période d'une dizaine de jours. Cette différence est évidemment varia- ble suivant que la date de naissance se trouve au tout début de l'année ou à un autre mo- ment de cette année, suivant que l'année est une année lunaire ordinaire ou une année embolismique, etc.

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 126 MAK PHOEUN du Singe, le jour anniversaire de ce monarque, qui était le 12e jour de la lune croissante du mois de Magh (c'est-à-dire le 29 janvier). En revanche, si l'événement évoqué était tombé cette même année du Singe, sur le jour anniversaire du roi (le 29 janvier) ou un autre jour qui lui fit suite jusqu'à la fin de l'année, le monarque qui aurait eu 25 ans révolus selon le dé- compte occidental, n'aurait eu que 26 ans suivant le décompte cambod- gien. Soit une différence d'une seule année entre les deux décomptes. Contrairement au cas du roi Narottam, celui du roi Sisuvatthi ne pose pas grand problème. Il était né, on l'a vu, à Bangkok le mardi 12e jour de la lune décroissante du mois de Srab(∞), 1202 de l'ère culla, année du Rat, deuxième de la décade, c'est-à-dire, sauf erreur, le mardi 25 août 184070. Nombre d'auteurs, bien que reconnaissant cette date (surtout le millésime), mais suivant en cela le décompte traditionnel khmer, écri- vent que ce monarque avait 65 ans lorsqu'il fut désigné pour accéder au trône, immédiatement après le décès du roi Narottam, le dimanche 10e jour de la lune croissante du mois de Bisakh, année du Nâga, 1266 de l'ère culla, c'est-à-dire le 24 avril 190471. Or si on opte pour le décompte occidental, et en ne prenant en compte que le nombre des années, le roi Sisuvatthi avait à cette époque 63 ans (en fait 63 ans plus 10 mois). Il y a donc, en ne comptant que le nombre des années, une différence de deux ans entre les deux décomptes, et cela parce que — comme pour le roi Narottam —, la date de sa désignation comme roi (le 24 avril) était, dans l'année du Nâga, antérieure à son jour anniversaire (le 25 août)72.

70 Calcul fait à partir des données fournies par J. C. Eade (op. cit., p. 159). Certains auteurs disent aussi, pourtant, qu'il était né en 1841 (cf. F. Garnier, op. cit., août-sept. 1872, p. 138; A.B. de Villemereuil, op. cit., p. 67), mais d'autres, comme J. Moura (op. cit., vol. II, p. 111) et A. Leclère (op. cit., 1913, p. 46), disent qu'il était né en 1840. 71 Cf. Programme des fêtes de couronnement de S. M. Prèa Bat Samdach Prèa Sisowath, roi du Cambodge, Phnom-Penh, Impr. du Protectorat, 1906, p. 1; Paul Collard, op. cit., p. 219. Idem A. Leclère, op. cit., 1914, p. 467, qui écrit ailleurs (op. cit., 1913, p. 42), que le roi était né en 1840 à Mongkolborei (lire: à Bangkok), et qui donne seulement ici son âge (65 ans) au moment de son accession au trône; etc. 72 Le roi étant décédé le mardi 9 août 1927, L. Finot écrit que ce monarque avait alors 87 ans, ce qui est exact selon le décompte occidental (cf. L. Finot, op. cit., p. 519). Cependant le programme officiel des cérémonies de l'incinération du roi Sisuvatthi porte qu'il avait au moment de son décès 88 ans, ce qui n'est pas rigoureusement exact puisqu'il ne devait avoir cet âge que dans une quinzaine de jours selon le même décompte (cf. «Cérémonies de l'incinération…», op. cit., p. 619-621). Selon le décompte traditionnel, il avait, en comptant de l'année du Rat à l'année du Nâga, 89 ans (7 cycles de 12 ans + 5 ans = 89 ans).

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B. L'établissement de la chronologie des règnes Compte tenu de ce qui précède, l'établissement de la chronologie des règnes fait à partir des données des chroniques royales, gagnerait à être plus précis. On écrit par exemple, pour tenir compte du chevauchement des dates, que le roi Paramaraja II (Cau Baña Cand) régna de 1516/7 A.D. à 1566/7 A.D.73 Mais cette façon d'écrire n'est utile que pour ce monarque, et également pour ses prédécesseurs74, qui régnèrent à une époque pour laquelle on ne dispose pas, ou pas encore, de repères natio- naux ou extérieurs suffisants pour contrôler les données des chroniques royales. En revanche, pour les monarques des siècles postérieurs, cette façon d'écrire ne s'avère pas toujours nécessaire. En effet pour ces siè- cles, sauf pour certaines périodes et pour certains monarques dont on fera état, on dispose d'un nombre assez important de données provenant d'autres sources pour autoriser une confrontation utile avec les données des textes des chroniques. De ce fait, la plupart du temps, on peut main- tenant attribuer — de façon correcte ou très vraisemblable — un seul millésime du calendrier grégorien à une accession au trône ou à une fin de règne postérieure au second tiers du XVIe siècle.

3. Liste des rois de Paramaraja II (Cau Baña Cand) aux premières décennies du XVIIIe siècle A. De Paramaraja II (Cau Baña Cand) aux dernières décennies du XVIIe siècle Nous n'entrerons guère dans les détails des faits à propos de la liste des rois des XVIe-XVIIe siècles et des dates de leurs règnes75, car nous les

73 On peut en fait considérer l'année 1566 A.D. comme celle de la fin de son règne (cf. infra n. 75). 74 Pour ces monarques, les données qui leur seront attribuées à partir des chroniques royales, surtout à partir du travail de Nan, ne le seront qu'à titre indicatif et pour servir comme hypothèse de travail. Toujours pour ces monarques, les seuls détails (quantième et mois) dans les libellés chronographiques que donnent B39/12/B de Nan (et aussi P58) concernent la date du début du règne du premier d'entre eux, Param Nibbanapad: le mer- credi 6e jour de la lune croissante du mois de Puss, année du Chien, 1268 de la grande ère (cf. B39/12/B, p. 3; P58, p. 63; cf. aussi CRC, 1984, p. 308). Cette date correspond vrai- semblablement au mercredi 21 décembre 1346 A.D. (cette conversion n'est pas sûre et demande encore à être confirmée). 75 Pour les dates du règne de Paramaraja II (Cau Baña Cand) (1516-1566), on se re-

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 128 MAK PHOEUN avons établies ailleurs76. On retiendra que si la liste de ces monarques et les dates de leurs règnes respectifs suivent en général les manuscrits B39/12/B et P57, quelques modifications y ont été tout de même appor- tées à la lumière des données provenant d'autres sources, notamment des récits de voyageurs occidentaux77. On citera en particulier, vers la fin du XVIe siècle, le cas du fils et successeur du roi Ram Ier (plus connu jus- qu'ici sous le nom-titre de Ram Joen Brai) — le roi Ram II (Cau Baña Nur) (1696-1697) —, ignoré par la presque totalité des chroniques roya- les (sauf P57 et F1170) mais dont font état les Portugais et les Espa- gnols78. On citera de même la date de la mort du roi Sri Dhammaraja Ier (Cau Baña Tu), que nous avons placée, suivant en cela au pied de la let- tre le témoignage du Hollandais G. Van Wuysthoff, en 163279. Cette date demeure encore malgré tout sujette à révision. En effet, et sans met- tre en doute la véracité du témoignage du Hollandais, on peut s'interro- ger sur la manière d'après laquelle le décompte du nombre d'années dont il fait état, a été effectué. Écrivant le 29 juillet 1641 A.D. et parlant de quelques maisons en ruines à Koh Khlok, il dit qu'elles «apparte- naient au roi [le roi Sri Dhammaraja Ier (Cau Baña Tu)], qui les a per- portera surtout à George Coedès, op. cit., 1962(2), p. 235-248. Signalons encore que pour le début du règne de ce roi, on aurait pu écrire, pour être plus précis, 1516/7 A.D., car pour son avènement, on ne dispose d'aucun élément de datation qui permette de dire s'il a eu lieu en 1516 ou en 1517. Par contre, pour celui de son fils et successeur immédiat — Paramaraja III —, on sait d'après B39/12/B (p. 14) qu'il eut lieu au mois de Kattik, c'est- à-dire en octobre-novembre de l'année 1566, ce qui reporte la fin du règne de son père en cette même année. La date de la fin du règne de ce monarque (1576 A.D.) — qui était la même que celle du début de celui de son fils et successeur, Paramaraja IV (Sa††ha) — paraît également acceptable si on se réfère aux IMA 2 et 3 datées respectivement de juin- juillet 1577 et de 1579, qui font état des travaux de restauration du temple d'Angkor Vat accomplis par ce monarque dès le début de son règne, et cela pour tenir compte du fait que ces travaux auraient exigé un temps non négligeable (cf. Bernard-Philippe Groslier, op. cit., p. 17-18). En revanche, on devrait écrire, pour le même motif avancé pour la date du début de règne de Paramaraja II (Cau Baña Cand), que ce monarque offrit le trône à ses deux fils Jayaje††ha Ier et Paramaraja IV (Cau Baña Tan') en 1584/5 A.D. 76 On se reportera à Mak Phoeun, op. cit., 1995, p. 425-427. 77 Notons de même que faute d'éléments suffisants dans les libellés des dates données par les chroniques et faute de recoupements extérieurs, nous considérerons également l'année 1600/1 A.D. comme celle de la fin du règne de Paramaraja VI (Cau Baña An) et du début de celui de son neveu et successeur Kaev Hva Ier (Cau Baña Ñom). 78 Mak Phoeun, op. cit., 1995, p. 71-80. 79 Ibid., p. 220-223.

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 TABLEAU CHRONOLOGIQUE DES ROIS DU CAMBODGE 129 dues il y a 9 ans à l’époque de la guerre contre son oncle [l'ubhayoraj Paramaraja (Uday)]» après qu’il ait été vaincu, fait prisonnier et assas- siné par étouffement entre deux coussins80. Deux solutions peuvent en fait se présenter. Au cas où le chiffre de «9» ans a été obtenu d'après le décompte occidental, le décès du roi intervint sans conteste en 1632 A.D. Cependant, et c'est ce qui semble peut-être le plus probable compte tenu de la nationalité de l'informateur ou des informateurs locaux du Néerlandais, si ce chiffre a été obtenu d'après le décompte traditionnel khmer ou indochinois, on devrait placer le décès du roi soit en 1633 A.D., soit même en 1634 A.D.81 Mais aucune de ces deux dernières da- tes ne peut être retenue car si P48 dit bien que le roi fut mis à mort en 1556 de la grande ère, année du Chien [= 1634/5 A.D.], B39/12/B de Nan précise que son décès survint au mois de Magh de cette année, ce qui le place, non en 1634, mais vers le début de 1635 (en janvier ou en février)82. En l'absence d'autres données plus précises, nous maintenons l'année 1632 comme celle de la fin du règne de Sri Dhammaraja Ier (Cau Baña Tu). On retiendra aussi que c'est pour tenir compte du récit des Hollandais, témoins oculaires de l'événement, que nous plaçons la date de la mort du roi Ang Dan Raja (Cau Baña Nur) en juin 1640 (et non en 1639 ou au début de 1640), et enfin que c'est pour suivre le témoignage contemporain des missionnaires français et d'autres sources occidentales que nous plaçons celle de la mort du roi Kaev Hva II (Ang Ji) — et par- tant celle de l'accession au trône de son successeur le roi Jayaje††ha III (Ang Sur) — en l'année 1677 (et non en 1676 A.D.)83. B. Des dernières décennies du XVIIe siècle au dernier avènement de Jayaje††ha V [Sri Dhammaraja II] (1738) La liste et la chronologie des monarques d'une partie de la période suivante — d'une part celle comprise entre la première abdication de

80 Cf. Jean-Claude Lejosne, Le journal de voyage de Gerrit van Wuysthoff et de ses assistants au Laos (1641-1642). Seconde édition, revue et complétée, [Metz], Centre de documentation et d’information sur le Laos, 1993, p. 62. 81 On comparera le chiffre de 9 ans donné par G. Van Wuysthoff aux chiffres respec- tifs indiquant l'âge de Narottam à un moment donné de son existence, chiffres obtenus d'après le décompte traditionnel cambodgien et le décompte occidental. 82 Cf. P48, t. III, p. 45; B39/12/B, p. 31. Cf. aussi CRC, 1981, p. 176 & 329-330. 83 Cf. Mak Phoeun, op. cit., 1995, p. 241, n. 97 & p. 356, n. 114-116.

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Jayaje††ha III (Ang Sur) et le second avènement de Sri Dhammaraja II (Ang Nur), d'autre part celle comprise entre la seconde abdication de Kaev Hva III (Ang Im) et le second avènement de Paramaraja IX [Sattha] — pose peut-être un certain nombre de problèmes. On se trouve maintenant en présence d'une situation rendue plus complexe du fait des guerres résultant des dissensions internes entre les membres de la famille royale et du grand nombre de princes placés, pour des raisons diverses, pour un temps plus ou moins long à la tête du royaume. Durant toute cette période, on ne dispose pratiquement que de peu de repères sûrs provenant d'autres sources, tant étrangères que nationales, qui permet- tent de vérifier de façon systématique la liste chronologique des rois donnée par les chroniques royales. Deux exceptions sont néanmoins à signaler: il s'agit de deux fins de règne, qui furent deux dates importan- tes. Non seulement parce qu'elles eurent chacune des répercussions no- tables sur les relations du royaume cambodgien avec les pays voisins, mais aussi parce qu'elles marquèrent chacune la victoire de l'une sur l'autre des deux lignées princières khmères depuis longtemps rivales84. On observera cependant que parmi les chroniques royales, la plupart de celles qui, pour le passé, donnent des dates de règne différentes de celles données par le texte de Nan et par P57, donnent maintenant, pour les monarques qui nous intéressent, des dates de règne qui s'accordent en général, à quelques exceptions près, avec celles fournies par ces derniers textes. Néanmoins quelques autres, comme KK (qui donne par endroits peu de dates) et surtout P65, continuent à donner des dates différentes. On doit toutefois se garder, on l'a dit, de considérer que cette conver- gence des données des chroniques signifie que les dates fournies par ces textes sont rigoureusement exactes. On n'exclut pas pour toute cette pé- riode, à défaut de repères extérieurs accessibles, l'existence de légers

84 La première date confirmée est celle de la fin du second règne de Sri Dhammaraja II (Ang Nur), qui marque la fin, pour près d'un quart de siècle, du pouvoir de la lignée issue du roi Jayaje††ha III (Ang Sur), et cela au profit de la lignée issue de l'ubhayoraj Padumaraja (Ang Nan'), ancien adversaire du premier. La seconde date confirmée est celle de la fin du second règne de Paramaraja IX [Sattha], qui marque la fin définitive du pouvoir de la lignée issue de l'ubhayoraj Padumaraja (Ang Nan') au profit de l'ancienne lignée rivale issue du roi Jayaje††ha III (Ang Sur) — et cela malgré un retour au pouvoir éphémère de l'ex-roi Paramaraja IX [Sattha] près d'une quinzaine d'années plus tard. Sur ces dates, cf. infra n. 91 & n. 93.

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écarts entre un certain nombre de dates de règne figurant dans les textes et leurs dates réelles. Le dernier quart du XVIIe siècle et les premières années du XVIIIe — de 1677 à 1707 — ont vu régner dans la capitale khmère Oudong le roi Jayaje††ha III (Ang Sur)85 pendant une trentaine d'années86. De cette du- rée — au cours de laquelle ce monarque, qualifié parfois à juste raison de «roi à éclipses», domina malgré tout la scène politique cambod- gienne —, il faut retrancher un certain nombre d'années durant lesquel- les il y eut quelques courts interrègnes. On les doit à l'arrivée au pouvoir de jeunes rois — les neveux et le propre fils de Jayaje††ha III (Ang Sur) — que ce monarque avait lui-même conviés à monter sur le trône87. Le

85 Notons que certaines chroniques royales, en particulier P57 et P64/3, disent, à la différence de plusieurs autres, que ce monarque avait aussi pour nom-titre Sri Dhammaraja, nom-titre qu'il continua à porter au cours des premières années de son arri- vée au pouvoir. Il n'aurait pris le nom-titre de règne Jayaje††ha que quand il reprit le pou- voir qu'il avait confié à sa mère à la suite d'une maladie (cf. P57, t. VI, p. 69 & p. 75; P64/3, p. 3 & p. 9). 86 C'est durant cette période du règne de Jayaje††ha III (Ang Sur) — qui débuta en 1677 et se termina avec l'avènement pour la deuxième fois, en 1707, de son fils Sri Dhammaraja II (Ang Nur) —, qu'on se trouve face à une situation quelque peu flottante du fait de l'accession au trône de trois jeunes monarques à des dates qu'on ne trouve men- tionnées que dans les chroniques. On retrouvera une seconde période (de plus d'une ving- taine d'années) presque semblable, due à des conditions presque identiques — roi abdi- quant en faveur d'un autre prince (dans le cas considéré, son propre fils) pour une durée donnée puis reprenant le trône pour un nouveau laps de temps pour l'abandonner à nou- veau — sous les quatre règnes des deux successeurs immédiats de Sri Dhammaraja II (Ang Nur) (1707-1715) (voir infra, la période suivante). 87 Nous adopterons toujours, pour cette période, les données fournies par le texte de Nan (B39/12/B) et par P57. Cependant pour les sept règnes considérés, à la suite du pre- mier règne de Jayaje††ha III (Ang Sur) — c'est-à-dire à partir de Ramadhipati II (Ang Yan) (1695-1696) jusqu'au second règne de Sri Dhammaraja II (Ang Nur) (1707-1715) —, ni B39/12/B ni P57, ni les textes qui leur sont proches (comme P48), ne fournissent les mois qui auraient permis de déterminer avec plus de précision les millésimes du calen- drier grégorien correspondants (sauf pour le premier monarque, pour l'avènement de son successeur immédiat et pour l'avènement du dernier monarque de la même liste). On no- tera cependant que la chronique royale VJ, et dans une certaine mesure P63, qui fournis- sent pour cette période plusieurs dates qui s'accordent en gros avec celles de Nan et de P57, donnent par rapport à ces deux textes, outre la même date d'avènement au roi Ramadhipati II (Ang Yan) — mais celle de son décès étant un peu différente —, les mê- mes années pour les avènements respectifs de Jayaje††ha III (Ang Sur) (second règne), de Kaev Hva III (Ang Im) (premier règne), et encore de Jayaje††ha III (Ang Sur) (troisième règne). VJ (pour ne parler que de ce texte) donne en plus dans les libellés chrono- graphiques des trois derniers avènements le nom des mois: Bisakh (6e mois) pour les

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 132 MAK PHOEUN premier d'entre eux fut son neveu le roi Ramadhipati II (Ang Yan) qui régna d'avril-mai 1695 à avril-mai 169688. Son fils Sri Dhammaraja II (Ang Nur)89 en faveur de qui il abdiqua définitivement en juin-juillet 1707, régna jusqu'en 1714/5 A.D. Cette année-là (on ignore le nom du mois), ce roi fut chassé du trône par son beau-frère Kaev Hva III (Ang Im) et dut aller chercher refuge à Ayutthaya90. Monté — pour la deuxième fois — sur le trône, le roi Kaev Hva III (Ang Im) abdiqua en 1722/3 A.D. en faveur de son fils Sattha (Ang Ji)91. Ce dernier demeura deux premiers et Phalgu∞ (4e mois) pour le troisième. Ce qui permettrait de les placer res- pectivement en 1696 (même millésime que celui donné par B39/12/B et P57), en 1700 (et non en 1700/1 A.D. donné par ces deux textes) et en 1702 (et non en 1701/2 A.D.) (cf. VJ, t. V, p. 481, p. 505 & p. 506 bis). Néanmoins, nous ne retiendrons pas les dates don- nées par VJ, car en plus des divergences antérieures, VJ (et aussi P63) donnent de nou- veau, à partir de ce troisième règne de Jayaje††ha III (Ang Sur), des dates qui s'écartent encore, même légèrement, de celles fournies par B39/12/B de Nan et par P57. 88 Cf. Mak Phoeun, op. cit., 1995, p. 400-402. 89 Le nom individuel de ce monarque — Ang Nur — n'est donné que par la seule chronique royale P57 (t. VI, p. 69-71, p. 87). 90 L'année 1714/5 est donnée par B39/12/B de Nan, P57, ainsi que la plupart des autres chroniques royales comme celle de dissensions et de troubles au Cambodge qui ont conduit au départ forcé du roi Sri Dhammaraja II (Ang Nur) du trône d'Oudong pour un long exil à Ayutthaya et par conséquent à l'arrivée au pouvoir de son rival Kaev Hva III (Ang Im). Ceci est confirmé par des rapports qu'ont laissés des bateaux chinois. On citera en particulier le rapport no 5-33 du 26 août 1717 d'un bateau chinois en provenance du Cambodge venu dans le port de Nagasaki, les rapports no 1-59 et no 1-60 du 8 mars 1717 et du 20 septembre 1717 de deux autres bateaux chinois en provenance du Siam et arrivés dans le même port japonais. Les deux derniers rapports précisent en plus que la fuite de l'ex-roi Sri Dhammaraja II (Ang Nur) à Ayutthaya eut lieu en 1715 A.D. (cf. Yoneo Ishii, The Junk Trade from Southeast Asia. Translations from the Tôsen Fusetsu-gaki, 1674- 1723, Singapore, ISEAS, 1998, p. 93, 95 & 191). Nous plaçons donc la fin de son règne — et partant l'avènement de son rival Kaev Hva III (Ang Im) — en cette année 1715. 91 Cette date d'abdication du roi Kaev Hva III (Ang Im), est donnée par la quasi tota- lité des chroniques, mais encore une fois sans mention du mois. Elle semble être contre- dite par le rapport no 5-34 du 3 août 1723 d'un bateau chinois s'étant rendu du Cambodge au port de Nagasaki, qui mentionne que cette année-là le rival du roi en fuite à Ayutthaya — c'est-à-dire le roi Kaev Hva III (Ang Im) — était toujours au pouvoir au Cambodge (cf. Yoneo Ishii, op. cit., p. 192-193). Elle semble aussi être contredite par une lettre du «Roi du Cambodge au Sénat de Macao», datée du 3 février 1725 et signée de «Nae Gemtaich Praguefa Prauncar, roi du Cambodge» (cf. Vicomte de San-Januario, «Docu- ments sur les missions portugaises au Cambodge et en Cochinchine», Bulletin de la So- ciété Académique Indochinoise de France, 1882-1883, 2e sér., t. II, p. 184-185). En effet, dans le nom-titre du signataire de cette lettre, on reconnaît facilement le nom-titre du roi Kaev Hva III (Ang Im): anak samtec braÌ kaev hva braÌ onkar. Deux hypothèses peu- vent ici être envisagées. D'un côté, on peut penser que les chroniques royales se trompent

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 TABLEAU CHRONOLOGIQUE DES ROIS DU CAMBODGE 133 roi pendant 7 ans, jusqu'en 172992. Cette même année (en avril-mai), l'ancien roi son père monta de nouveau, pour la troisième fois, sur le trône et reçut l'ondoiement en prenant cette fois le titre le Jayaje††ha: ce fut le roi Jayaje††ha IV (Ang Im) ou, d'après la convention que nous adoptons, le roi Jayaje††ha IV [Kaev Hva III]. Il ne resta pas longtemps sur le trône puisque la même année (en octobre-novembre), il le confia de nouveau à son fils Sattha (Ang Ji). A l'occasion de son ondoiement, ce dernier monarque prit un nouveau nom-titre, celui de Paramaraja: ce fut le roi Paramaraja IX (Ang Ji), que nous notons, puisqu'il avait déjà régné sous le nom-titre de Sattha, Paramaraja IX [Sattha]. Il régna jus- qu'en 1737/8, date à laquelle il dut fuir en pays vietnamien, après avoir été vaincu par le parti des princes partisans de l'ex-roi Sri Dhammaraja II (Ang Nur) en fuite au Siam93. Ce monarque ne tarda pas à réapparaître totalement et que le roi Kaev Hva III (Ang Im) continua à régner, sinon jusqu'à la fin de sa vie, du moins jusqu'en 1725 — ou à une autre date postérieure qui reste à déterminer — date à laquelle il abdiqua en faveur de son fils Sattha (Ang Ji). D'un autre côté, on peut aussi penser que cette contradiction est plus apparente que réelle. En effet, étant donné les circonstances — le règne de Kaev Hva III (Ang Im) étant toujours contesté, tant à l'inté- rieur qu'à l'extérieur du pays —, il se pourrait que cet (ancien) monarque ait associé, sui- vant en cela quelques autres exemples ayant déjà eu lieu dans le passé, son fils Sattha (Ang Ji) à la royauté, dans le but évident d'assurer sa succession dans sa propre lignée. En effet, en élevant son fils à la royauté et en prenant la dignité d'ubhayoraj, l'(ancien) roi Kaev Hva III (Ang Im) conservait toujours — et ceci expliquerait, à notre avis, son titre mentionné dans les deux documents précités — l'essentiel du pouvoir et continuait à s'occuper des affaires du royaume. Il avait même le pas sur le monarque régnant en titre puisque ce dernier n'était autre que son propre fils (pour un cas similaire au XVIIe siècle — celui de l'ubhayoraj Paramaraja (Uday) —, voir supra n. 8). En attendant des données plus précises sur le fait évoqué, nous optons provisoirement pour cette seconde hypo- thèse. 92 Entre-temps l'ancien roi Jayaje††ha III (Ang Sur) mourut à une date donnée par la plupart des chroniques royales (avec des libellés variables et plus ou moins détaillés): mois d'Assuj de l'année du Serpent, septième de la décade, 1647 de la grande ère (= sep- tembre-octobre 1725 A.D.) (cf. B39/12/B, p. 52-53; P57, p. t. VII, p. 183-185; etc.). 93 La date de la fuite du roi Paramaraja IX [Sattha] en pays vietnamien, et de la fin de son règne, a été indirectement confirmée par une inscription moderne d'Angkor, l'IMA 39. Elle dit en effet que le Cau Baña Mantri Sangram, envoyé à Longvêk par l'ex-roi Sri Dhammaraja II (Ang Nur) revenu d'Ayutthaya et en escale à Candapuri (Chanthaburi/ Chantaboun), se trouvait dans cette ville khmère (Longvêk) au mois de Magh de l'année du Serpent, donc vers janvier ou février 1738 A.D. Ceci signifie que le retour d'Ayutthaya au Cambodge de l'ex-roi Sri Dhammaraja II (Ang Nur) eut lieu un peu avant cette date, c'est-à-dire, comme le mentionnent B39/12/B (p. 58), P57 (t. VII, p. 217) et certains autres textes des chroniques royales, en cette année du Serpent [=1737/8 A.D.].

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 134 MAK PHOEUN au Cambodge puis à Oudong. Revenu de son exil à Ayutthaya par voie de mer, il reprit possession de son trône en 1638 A.D.94 Il prit lui aussi, à l'occasion de son troisième et dernier avènement, un nouveau nom-titre de règne, celui de Jayaje††ha: ce fut le roi Jayaje††ha V (Ang Nur), que nous appelons Jayaje††ha V [Sri Dhammaraja II].

4. Liste des rois du milieu du XVIIIe siècle jusqu'au milieu du XIXe siècle Pour aussi paradoxal que cela puisse paraître, l'établissement de la liste chronologique des rois du milieu du XVIIIe siècle jusqu'au milieu du XIXe siècle — jusqu'au roi Hariraks Rama (Ang ™uon) —, pose encore, bien qu'on avance dans le temps et qu'on s'approche de plus en plus de l'époque contemporaine, quelques problèmes. En témoigne le règne du monarque Hariraks Rama (Ang ™uon), qui prit fin pour certains auteurs en 1859 et pour certains autres en 1860. Le problème, non imputable aux chroniques royales du Cambodge, a été soulevé puis résolu par P.-L. Lamant, qui a démontré, s'appuyant aussi bien sur ces textes khmers que sur d'autres sources, que le roi Hariraks Rama (Ang ™uon) régna jusqu'à sa mort survenue le 19 octobre 186095. Après ce monarque, et surtout après Narottam, on dispose de documents authentiques qui fournissent les dates de règne qui nous intéressent. Cependant, les dates de règne de quelques monarques qui avaient précédé le roi Hariraks Rama (Ang ™uon) sur le trône khmer, sont encore sujettes à révision, tout comme

Ce retour eut lieu, selon ces textes, tout de suite après que le roi vaincu Paramaraja IX [Sattha] eut fui Phnom-Penh, c'est-à-dire vers le tout début de 1738, ou plus vraisembla- blement, vers la fin de l'année 1737 (date que nous retenons dans le présent travail). Sur l'IMA 39, voir E. Aymonier, Le Cambodge, Paris, Leroux, 1904, III, p. 310-312; David P. Chandler, «An Eighteenth Century Inscription from Angkor Watt», Journal of the Siam Society, 1971, t. LIX, no 2, p. 151-159; Saveros Pou, «Inscriptions khmères K 39 et K 27», BEFEO, 1981, t. LXX, p. 126-133; Khin Sok, «Les chroniques royales et l’ins- cription moderne d’Angkor no 39», BEFEO, 1977, t. LXIV, p. 227, n. 4. 94 Ni B39/12/B (p. 60) ni P57 (t. VII, p. 225) ne donnent, pour la date de son acces- sion au trône, de détails dans les libellés chronographiques. Nous pensons toutefois, étant donné son arrivée dans les parages du Cambodge vers le début de 1738, que son avène- ment eut lieu cette même année. 95 P.-L. Lamant, «La date de la mort du roi khmer Ang Duong», BEFEO, 1977, t. LXIV, p. 217-223.

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 TABLEAU CHRONOLOGIQUE DES ROIS DU CAMBODGE 135 peut-être, bien que cela ne soit pas absolument sûr, la liste nominative de ces rois. A. Les données des chroniques royales En fait, les problèmes se posent dès le roi Jayaje††ha V [Sri Dhammaraja II] et ses successeurs immédiats — douze règnes y compris celui de ce monarque et celui du roi Hariraks Rama (Ang ™uon). Est-ce à cause de la disparition d'une partie de la chronique royale rédigée par Nan96, celle qui débute précisément avec le troisième et dernier règne du monarque précité? Ou bien est-ce parce que cette partie — ce qui re- vient à peu près à dire la même chose — n'a été rédigée que plus tard, les documents anciens, comme le précise l'introduction du texte de Nan, n'ayant existé que jusqu'à Jayaje††ha V [Sri Dhammaraja II]97? Toujours est-il qu'à défaut du travail de Nan, les principales chroniques royales, y compris le texte très documenté de P57, placent le décès du roi Jayaje††ha V [Sri Dhammaraja II] en 1747/8 A.D. (en une année du Liè- vre, 1109 de l'ère culla)98. Son fils Sri Dhammaraja III (Ang Im) lui suc- céda mais fut assassiné la même année (1747/8). Le pouvoir revint à l'ubhayoraj Ramadhipati (Ang Tan'), compagnon d'exil à Ayutthaya des deux monarques précités. Ce roi Ramadhipati III (Ang Tan') régna de 1747/8 à 1748/9, année où il fut contraint sous la pression des armées vietnamiennes qui avaient envahi le royaume, de quitter précipitamment la capitale Oudong, avec l'ensemble des membres de la famille royale,

96 Sur les conditions de la rédaction de la chronique royale de Nan, cf. Mak Phoeun, «L’introduction de la chronique royale du Cambodge du lettré Nong», BEFEO, 1980, t. LXVII, p. 135-145. 97 Désigné sous le nom, ou surnom, de BraÌ Rajavaµn Ktar, «[roi résidant à] l'Auguste Palais de Planches». Ce nom est également connu des annales siamoises, dont la «Version dite de la main du roi» (Bangkok, Khlang Phithaya, 1971, t. II, p. 197), donne «Phra Thammaracha Wang Kadan [BraÌ Dhammaraja Vaµn Ktar]» (communica- tion qui nous a été aimablement fournie par Gilles Delouche). 98 Cf. P57, t. VII, p. 239; P48, t. III, p. 50; P3, t. III, p. 4; P63, t. IX, p. 5-6; VJ, t. V, p. 551-552, etc. On utilisera bien entendu pour la suite des événements les données chro- nologiques de ces mêmes textes, et surtout de P57, jusqu'à la fin de ce manuscrit qui dans son état actuel de conservation se termine vers 1767/8 (t. VIII, p. 299), sous le règne de Naray(∞) Raja II (Ang Tan'). En général les données de ces chroniques se recoupent, mais elles peuvent être aussi, parfois, légèrement différentes d'un texte à l'autre, à un chiffre près pour ce qui est des millésimes.

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 136 MAK PHOEUN pour chercher à nouveau refuge à Ayutthaya. Les troupes viêˆt replacè- rent l'ex-roi Paramaraja IX [Sattha] sur le trône d'Oudong en 1749/50. Il n'y resta que six mois car une contre-offensive cambodgienne l'en chassa, et cet ex-roi dut de nouveau s'expatrier en pays vietnamien où il mourut l'année suivante (1750/1). Le pouvoir revint alors à un autre fils de l'ancien roi Jayaje††ha V [Sri Dhammaraja II], le roi Sri Jayaje††h (Ang Snuon) revenu d'Ayutthaya. Il régna de 1749/50 à 1755/6, années au cours desquelles le Cambodge connut d'importants soulèvements dé- clenchés par un haut dignitaire qui contestait son pouvoir. La mort de ce roi ramena de nouveau le roi Ramadhipati III (Ang Tan') au pouvoir. Son deuxième et dernier règne (de 1755/6 à 1757/8) fut marqué par d'autres troubles importants provoqués par de nouvelles dissensions en- tre les membres de la famille royale. A la suite du décès du vieux mo- narque (1757/8), son petit-fils, Naray(∞) Raja II (Ang Tan') monta sur le trône (1758/9). Il abdiqua en 1775/6 en faveur de Ang Nan' Rama, pro- tégé des Siamois. Ce monarque — le roi Ramadhipati IV (Ang Nan') — régna jusqu'en 1779, date à laquelle il fut exécuté (ou assassiné) par noyade. Le trône revint ensuite au jeune prince Ang En, fils de l'ancien roi Naray(∞) Raja II (Ang Tan'), qui reçut l'investiture en 1794 sous le titre de Naray(∞) Rama. Ce jeune roi mourut en 1796. Son fils aîné Ang Cand ne fut couronné, sous le titre d'Udayaraja, qu'à l'âge de 16 ans, en 1806. Il mourut en 1835. La couronne fut alors confiée à sa seconde fille Ang Mi, le pouvoir étant en fait entre les mains des Vietnamiens. La reine et ses sœurs ne tardèrent pas à être arrêtées par ces derniers puis transférées en pays viêˆt, en 1840. Une réaction cambodgienne s'ensuivit et le prince Ang ™uon, jeune frère d'Udayaraja (Ang Cand), revint, en 1841, de Bangkok à Oudong. Se plaçant à la tête du pays, il combattit, appuyé par des troupes siamoises, les troupes vietnamiennes qui furent contraintes de se retirer de la partie centrale du royaume khmer99.

99 Sur ces règnes, on consultera aussi J. Moura, op. cit., vol. II, p. 79-85; Georges Maspero, L’empire khmèr. Histoire et documents, Phnom-Penh, Impr. du Protectorat, 1904, p. 66-67; A. Leclère, op. cit., 1914, p. 377-384; M. Piat, op. cit., p. 54-65, etc. La version des annales siamoises due à Chao Phraya Thiphakarawong, donne des détails et des dates qui ressemblent, sauf pour le début, aux données dont on a fait état ci-dessus, et cela à partir du roi Naray(∞) Raja II (Ang Tan') — qui monta sur le trône, si on la suit, non en 1757/8, mais en 1758/9 — jusqu'à la mise à mort du roi Ramadhipati IV (Ang Nan') en 1779 (cf. Thadeus & Chadin Flood, The Dynastic Chronicles. Bangkok Era. The

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De ces données des chroniques royales, on peut dresser la liste chro- nologique suivante des rois: Jayaje††ha V [Sri Dhammaraja II] (1738-1747/8) Sri Dhammaraja III (1747/8) Ramadhipati III (Ang Tan') (1747/8-1748/9) Paramaraja IX [Sattha] (1749/9) Sri Jayaje††h (Ang Snuon) (1749/50-1755/6) Ramadhipati III (Ang Tan') [second règne] (1755/6-1757/8) Naray(∞) Raja II (Ang Tan') (1757/8-1775/6) Ramadhipati IV (Ang Nan') (1775/6-1779) Naray(∞) Rama (Ang En) (1779-1796) etc.100 B. Les rectifications proposées Malgré les données quasi concordantes des principales chroniques royales, toute la période couverte demeure en réalité sujette à discussion. Cette dernière est marquée par l'arrivée au Cambodge, dès avril 1751, de deux prêtres français, M. Piguel et M. d'Azéma, suivis au fil des années par d'autres. Ces missionnaires donnent, au moyen de leurs lettres ou d'autres documents, un certain nombre de renseignements sur les événe- ments ayant eu lieu dans le pays. Ces derniers vont permettre d'apporter des précisions sur plusieurs points d'histoire, et surtout conduire à des rectifications des dates de règne de quelques monarques qui ont été four- nies par les chroniques royales khmères. 1. Le roi Jayaje††ha V [Sri Dhammaraja II] (1738-1750) Pour les chroniques royales khmères, la guerre entre Cambodgiens et Vietnamiens débuta la dernière année du règne de Jayaje††ha V [Sri Dhammaraja II], en 1747/8. Elle commença avec des opérations militai- res menées par le gouverneur khmer de Bassac qui tenta, d'abord dans sa province, ensuite dans Koh Hong et Peam Mésâr, de repousser les empiétements viêˆt. Elle s'intensifia les deux années suivantes, après la

First Reign. B.E. 2325-2352 (A.D. 1782-1809). Volume One : Text, Tokyo, The Centre for East Asian Cultural Studies, 1978, p. 19-29. 100 Pour les monarques suivants, les différences dans les dates sont dues à la façon dont leur conversion a été faite ou à l'appréciation de certains faits historiques donnés par les textes.

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 138 MAK PHOEUN mort de Jayaje††ha V [Sri Dhammaraja II] et de son fils et successeur Sri Dhammaraja III (Ang Im), avec d'abord une offensive militaire vietna- mienne qui obligea le roi cambodgien de l'époque — Ramadhipati III (Ang Tan') — et tous les autres princes khmers à se réfugier à Ayutthaya. Elle ramena par la suite à Oudong l'ex-roi Paramaraja IX [Sattha], qui régna de nouveau en 1748/9. Mais elle entraîna bientôt une contre-offensive khmère, qui chassa du royaume les troupes viêˆt et leur protégé Paramaraja IX [Sattha]. Elle aboutit enfin à l'avènement du roi Sri Jayaje††h (Ang Snuon) en 1749/50. Pour les missionnaires, arrivés au Cambodge dès 1751, la guerre entre Cambodgiens et Vietnamiens commença plutôt en 1750 avec des actions khmères contre les Vietnamiens installés au Cambodge: «En arrivant au Camboge, je trouvai une terrible guerre allumée dès 1750 entre les Cochinchinois et les Cambogiens, qui commencèrent par massa- crer tous les Cochinchinois qu'ils purent attraper dans leur royaume»101. Cette guerre se développa en 1751102, alors que, autre point également signalé par les chroniques royales — ce qui voudrait dire que les textes khmers et les missionnaires font état d'un même fait historique — le roi et les princes khmers étaient en fuite au Siam: «[Les Cochinchinois] brûlent tout ce qu'ils rencontrent, et comme le roi, le prince et les grands avaient tous fui à Siam, les Cochinchinois promirent au peuple de ne lui faire aucun mal. Ainsi, après un certain temps, nous sortî-

101 Nous ne donnons ici que des points qui permettent de comprendre que cette guerre était celle que les chroniques royales placent en 1747-1748. Cette guerre commencée en 1750 par les Cambodgiens, fut suivie d'une intervention militaire vietnamienne en 1751, puis du succès, cette même année, de la contre-offensive cambodgienne. Nous citerons dans le présent paragraphe la lettre du 20 juin 1757 de M. d'Azéma aux directeurs du sé- minaire des Missions étrangères (cf. A. Launay, Histoire de la mission de Cochinchine. 1658-1823. Documents historiques. II. 1728-1771, Paris, Téqui, 1924, réimpr. Paris, Mis- sions Étrangères, 2000, p. 370). D'autres lettres de ce prêtre ou de son compagnon, M. Piguel (voir infra), font également état de cette guerre. 102 Une lettre de M. J.-B. Maigrot à Mgr de Martiliat datée de Macao le 16 septembre 1751 (lettre reprenant en fait les termes de la lettre, ou des lettres, de M. d'Azéma et de M. Piguel à M. de Noëlène), précise que ce massacre commença dès la fin de juillet 1750 et qu'il était général depuis Caon jusqu'à Ha-tien (cf. A. Launay, op. cit., II, p. 364-366). Le toponyme «Caon» donné par les missionnaires doit sans doute correspondre au toponyme cambodgien de Koh Hong donné par les chroniques royales (toponyme devenu probablement en vietnamien Gª-công).

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mes des bois et nous vînmes nous soumettre. Il y en eut bien de pillés mal- gré la parole de cette perfide nation». Mais finalement, comme le disent aussi les chroniques royales: «les Cambogiens remportèrent sur les Cochinchinois qui furent tués ou chassés de ce royaume»103. Puisque les chroniques royales ne font pas état de guerres entre Cam- bodgiens et Vietnamiens en 1750 et en 1751, il semble, vu les analogies entre les données provenant des deux sources, qu'il faut placer en ces années 1750 et 1751 les hostilités entre Khmers et Vietnamiens dont font état les chroniques royales en 1747-1749104. Comme pour ces der- nières, les actions khmères contre les empiétements vietnamiens eurent lieu du vivant même du roi Jayaje††ha V [Sri Dhammaraja II], il faut, pour être cohérent, placer le décès de ce dernier, non en 1747/8105, mais

103 Lettre du 20 juin 1757 de M. d'Azéma aux directeurs du séminaire des Missions étrangères (cf. A. Launay, op. cit., II, p. 372). 104 En l'état actuel de la documentation, les historiens du Vietnam ne parlent pas de façon précise de ces guerres (cf. par exemple Lê Thành Khôi, Le Viêt-Nam. Histoire et civilisation, Paris, Minuit, 1955, p. 269). Mais le ∑æi Nam Chính Biên Liπt Truyπn s~ tæp fait état d'une campagne vietnamienne au Cambodge en 1750 (cf. Charles B.-Maybon, Histoire moderne du pays d’Annam (1592-1820). Étude sur les premiers rapports des Européens et des Annamites et sur l’établissement de la dynastie annamite des Nguy∏n, Paris, Plon, 1919, p. 127, n. 4). Par contre, les annales d'Ayutthaya, confirmant en gros les témoignages des missionnaires, disent que l'ex-roi Paramaraja IX [Sa††ha] demanda, en 1750/51 A.D., l'aide des troupes vietnamiennes. Elles vinrent attaquer le Cambodge, ce qui conduisit les princes khmers Ramadhipati et Sri Jayaje††h [lire: le roi Ramadhipati III (Ang Tan') et son neveu le prince Sri Jayaje††h (Ang Snuon)] à prendre la fuite pour aller demander l'aide du royaume siamois (cf. Richard D. Cushman, The Royal Chronicles of Ayutthaya. A Synoptic Translation… Edited by David K. Wyatt, Bangkok, The Siam Society, 2000, p. 449). Parlant du ou des princes khmers qui avaient demandé l'aide vietnamienne, les annales d'Ayutthaya disent que leur[s] nom[s]-titre[s] étai[en]t «Ong Üng» ou «Satha Ong Ing»; il s'agirait en fait de deux noms-titres, celui de l'ex-roi Paramaraja IX [Sattha] — Satha/Sattha — et celui de son jeune frère Ong Ing/Ang Ing/ Ang In (sur les noms de ces princes khmers, voir par exemple VJ, t. V, p. 543). 105 On notera que l'IMA 39, datée du 14 décembre 1747, fait état d'un ordre de S. M. Jayaje††ha Ramadhipati — c'est-à-dire Jayaje††ha IV [Sri Dhammaraja II] — du 23 juin 1747 enjoignant à l'Ukaña Vansa Aggaraj d'aller réprimer une rébellion dirigée par une princesse. Sa mission accomplie, l'Ukaña Vansa Aggaraj se vit promu par le roi gouver- neur de la grande province de Kampong Svay, poste qu'à sa demande il ne devait pas occuper. Après que le roi lui eut conféré des insignes d'honneur, ce dignitaire demanda la permission de se rendre à Angkor Vat pour accomplir de bonnes œuvres, ce qui lui fournit l'occasion de faire graver l'IMA 39 dont on vient de faire état. Il paraît assez étonnant

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 140 MAK PHOEUN en 1750 A.D. Évoquant les mêmes événements, la lettre du 8 avril 1751 de M. Piguel va, nous semble-t-il, dans le même sens. Elle signale en effet que «l'ancien roy est mort l'an dernier vers la fin du mois d'août un peu après avoir déclaré la guerre aux Cochinchinois à cause des inva- sions qu'ils faisoient dans ses terres et des exactions et tiranies qu'ils exerçaient sur ses sujets»106. Cet «ancien roy» dont fait état M. Piguel ne pouvait être que le roi Jayaje††ha V [Sri Dhammaraja II]. Ce monarque aurait donc régné jus- qu'en août 1750. La date de sa mort et de la fin de son règne serait ainsi postérieure de 3 ans à celle donnée par les chroniques royales khmères. Or cela ne sera pas sans conséquences pour les dates de règne des mo- narques ultérieurs, surtout ses successeurs immédiats, dont les dates de règne devront aussi être revues et rectifiées. 2. Le roi Sri Dhammaraja III (Ang Im) (1750) Un problème se rapportant au roi Sri Dhammaraja III (Ang Im) reste posé. Les chroniques royales disent qu'il succéda à son père mais qu'il fut assassiné la même année, après 3 mois de règne (cette durée peut varier d'un texte à l'autre). Or selon un missionnaire, peu de temps avant les actions khmères contre des Vietnamiens se trouvant au Cambodge (juillet 1750), «le roi fit mourir son fils, qui avait été à la Cour de Co- chinchine, sur quelque soupçon de révolte contre lui»107. On ignore qui était ce prince. Était-il le fils aîné du roi, le prince Sri Dhammaraja (Ang Im) — qui n'aurait donc pas pu, dans ce cas, prendre la place de son père sur le trône khmer en août 1750 — ou un autre prince dont on ne connaît pas le nom?108 A défaut de données plus précises, nous suivrons que l'auteur de cette inscription — un haut dignitaire qui venait de recevoir du roi l'hon- neur d'utiliser une coupe en or et un parasol à quatre étages — n'ait pas mentionné plu- sieurs faits importants survenus dans le pays en 1747 comme les guerres avec les Vietna- miens et, surtout, pour ce qui nous intéresse, le décès du monarque dont il devait être très proche, puis celui de son fils et successeur Sri Dhammaraja III (Ang Im). Ce qui permet de se demander si ces faits ont vraiment eu lieu en 1747. 106 Texte cité par Catherine Marin (Le rôle des missionnaires français en Cochinchine aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Églises d’Asie, Série Histoire, Archives des missions étrangères de Paris, Études et documents 9, 1999, p. 112 & p. 218). 107 Lettre de M. J.-B. Maigrot à Mgr de Martiliat datée de Macao le 16 septembre 1751 (cf. A. Launay, op. cit., II, p. 366). 108 Les chroniques royales P57 et P48 font état de l'exécution d'un prince, en 1743/4,

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 TABLEAU CHRONOLOGIQUE DES ROIS DU CAMBODGE 141 la liste fournie par la majorité des chroniques royales khmères et consi- dérerons que le roi Sri Dhammaraja III (Ang Im) avait succédé à son père pour environ 3 mois; non en 1747, mais en 1750. 3. Le roi Ramadhipati III (Ang Tan') (1750-1751) (premier règne) Ce fut sans conteste sous le règne de ce monarque qu'arrivèrent au Cambodge en 1751 les deux missionnaires dont on a précédemment parlé. Le fils du roi, que les chroniques royales présentent comme l'uparaj Udayaraja (Ang Sur) et qui devait avoir un certain âge109, leur envoya quatre pains de cire pour les féliciter de leur arrivée110. Après que les Cochinchinois aient été contraints de repartir dans leur pays, des princes voulurent monter sur le trône. C'est alors que le monarque en ti- tre Ramadhipati III (Ang Tan') que les prêtres appellent le «prince ré- gnant», voulut en constatant tous ces troubles «se retirer et laisser les autres se disputer le trône»111. En fait, d'après les chroniques royales, à son retour d'Ayutthaya après le départ des Vietnamiens, l'(ancien) roi Ramadhipati III (Ang Tan') ne rentra pas à Oudong, préférant demeurer aux environs de Pursat car ce faisant, il ne gênerait pas son neveu Sri Jayaje††h (Ang Snuon) auquel il avait laissé le trône et qui régnait dans la capitale. sous le roi Jayaje††ha V [Sri Dhammaraja II]. Il s'agit du prince Ang Yan, jeune frère de l'ex-roi Paramaraja IX [Sattha] demeuré à Oudong après la fuite de son aîné en pays viet- namien (P57, t. VII, p. 233-234; P48, t. III, p. 53; P48 ne donne pas de date précise à cette exécution). On notera d'autre part que la chronique ME, à la différence des autres, passe totalement sous silence le règne de Sri Dhammaraja III (Ang Im) (cf. M. Piat, op. cit., 1971, p. 54). De son côté, sans mentionner que le prince Sri Dhammaraja (Ang Im) fut fait roi, P48 dit que ce prince fut assassiné peu de temps après le décès du roi son père (P48, t. III, p. 52). Mais il se peut qu'un ou deux termes aient été sautés par le scribe ayant recopié ce paragraphe de P48. 109 L'uparaj Udayaraja (Ang Sur) était le père du prince Ang Tan', le futur Naray(∞) Raja II (Ang Tan') dont on parlera plus loin. Si on s'en tient aux données des chroniques royales, en dehors du roi régnant — ce qui laisse à penser que c'était bien Ramadhipati III (Ang Tan') qui était à la tête du royaume —, les autres princes, fils de l'ancien roi Jayaje††ha V [Sri Dhammaraja II], n'avaient pas à l'époque de fils ayant atteint l'âge adulte. 110 Cf. A. Launay, op. cit., II, 1924, p. 366. On a vu d'après les annales d'Ayutthaya, que ce fut à la suite des attaques vietnamiennes de 1750/1 A.D. et à la demande des prin- ces khmers réfugiés en pays viπt que le roi Ramadhipati III (Ang Tan') et son neveu Sri Jayaje††h (Ang Snuon) s'enfuirent au royaume d'Ayutthaya (cf. supra n. 104). Cette fuite dut donc n'avoir lieu qu'en 1751. 111 Cf. A. Launay, op. cit., II, p. 368.

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4. Le roi Paramaraja IX [Sattha] (1751) Il n'y a rien à dire sur le dernier règne de ce monarque revenu au pou- voir dans le sillage des troupes de Hu∂, si ce n'est qu'il ne put rester sur le trône d'Oudong que dans la mesure où ces troupes restaient présentes dans le royaume khmer. 5. Le roi Sri Jayaje††h (Ang Snuon) (1751-1757) La victoire en 1751 sur les troupes d'intervention vietnamiennes per- mit au prince Sri Jayaje††h (Ang Snuon), second fils de Jayaje††ha V [Sri Dhammaraja II], de monter sur le trône112. Pour les historiens du Viet- nam, qui s'appuient sur les textes historiques viπt qui l'appellent le roi Nac Ong Nguyên, ce monarque mourut en 1757113. Cette date paraît ac- ceptable, car d'une part, l'année précédente 1756, les missionnaires en parlant des guerres civiles au Cambodge — les chroniques royales, en parlant de ce règne, en font également état — écrivent que l'une d'elles aurait été, d'après des rumeurs, «excitée par un prince, qu'on dit avoir été décapité depuis longtemps»114, et que d'autre part, l'année suivante 1758, ces mêmes missionnaires précisent que le roi Ramadhipati III (Ang Tan') était déjà sur le trône115.

112 Pour les annales d'Ayutthaya, environ un an après le début des hostilités survenues au Cambodge et après intervention des armées siamoises, le roi d'Ayutthaya fit repartir les dirigeants khmers Ramadhipati III (Ang Tan') et Sri Jayaje††h (Ang Snuon) au Cam- bodge (cf. Richard D. Cushman, op. cit., p. 450). Ce retour au Cambodge des princes kh- mers, et partant l'accession au trône du roi Sri Jayaje††h (Ang Snuon), eurent donc lieu en 1751/2 A.D. 113 Cf. Charles B.-Maybon, op. cit., p. 128; Lê Thành Khôi, op. cit., p. 270. D'autres auteurs donnent pour ce décès une autre date. G. Aubaret (Gia-dinh-Thung-chi. Histoire et description de la Basse-Cochinchine (Pays de Gia-Dinh) …, Paris, Impr. impériale, 1863, p. 16) mentionne 1758, et Trån Trœng Kim (Viπt-Nam sœ-lœ|c, Saigon, Tân Viπt, [1920], p. 332), 1759. 114 Cf. Gérard Moussay, «Extraits des lettres de MM. Boiret, d'Azema, Piguel et du journal de M. Levavasseur en relation avec le Bas Mékong», p. 3 (texte de la communica- tion au Colloque sur le «Lan Ch'ang/Mékong» tenu à Beijing en décembre 1995). Cette rumeur n'est pas en soi surprenante. D'ailleurs, faisant état de la rébellion fomentée par le Cau Hva «Ek» sous le roi Sri Jayaje††h (Ang Snuon), ME dit qu'un magicien faisant par- tie de la rébellion, se fit appeler «Samtec BraÌ Ang Yan'». Autrement dit, ce magicien se fit passer pour le prince qui, selon P57 et P48, avait été exécuté sous le roi Jayaje††ha V [Sri Dhammaraja II] (cf. M. Piat, op. cit., p. 56; cf. aussi supra n. 108). 115 Cf. infra n. 118.

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6. Le roi Ramadhipati III (Ang Tan') (1757-1760) (second règne) Le second règne de ce roi fut lui aussi continuellement marqué par des rivalités sanglantes entre les membres de la famille royale. L'un de ces derniers est cité nommément. Il s'agit du «jeune prince appelé Nac Ang Ton», écrit M. Piguel, qui était aidé de Cochinchinois116. Et ce prince en sortit vainqueur. Il était le petit-fils du roi régnant, qui était aussi l'oncle des autres princes, ce qui voudrait dire que c'était effectivement le roi Ramadhipati III (Ang Tan') qui se trouvait sur le trône. La «guerre civile» — dont les signes avant-coureurs couvaient dès le début du rè- gne — éclata le 15 septembre 1758. Elle prit fin avec le départ, en 1759, du «vieux roi» de son palais d'Oudong117 (à destination de Bâbaur ou de Pursat d'après les chroniques royales). Toujours d'après M. Piguel — lettre du 4 (?) juillet 1760 —, ce vieux monarque mourut «au milieu des bois, partie de maladie, partie de chagrin», cette même année 1760, sans doute peu après le 15 février118. 7. Le roi Naray(∞) Raja II (Ang Tan') (1760-1775) Aussitôt après le départ d'Oudong du roi son grand-père, en 1759, le prince Udayaraja (Ang Tan') vint s'installer dans cette capitale et se conduisit en roi. Mais il ne prit volontairement pas ce titre, selon certai- nes chroniques royales, avant le décès de l'ancien monarque. C'est donc en 1760 qu'il devint roi sous le nom-titre de Naray(∞) Raja II (Ang Tan'). Il subit des attaques du roi Taksin de Thonburi qui, aux dires de

116 Lettre du 7 (?) juillet 1760 de M. Piguel (cf. Gérard Moussay, op. cit., p. 5). Ce prince avait d'après les chroniques royales, pour nom individuel Ang Tan' et pour nom- titre princier Udayaraja: ce fut le prince Udayaraja (Ang Tan'). 117 Lettre du 11 octobre 1759 de Mgr Lefebvre (cf. A. Launay, op. cit., II, p. 375-376) et lettre du 7 (?) juillet 1760 de M. Piguel (cf. Gérard Moussay, op. cit., p. 5-6). Mgr Le- febvre, dans sa lettre du 11 octobre 1759, appelle déjà le jeune prince Udayaraja (Ang Tan') — «au parti duquel» lui-même et ses chrétiens ont été attachés —, «le roi», ce qui ne semble qu'être une anticipation ou un souhait. En effet, les autres princes ses concur- rents étaient toujours, à cette époque, présents à la cour et s'étaient toujours opposés à lui. De plus, le «vieux roi» son grand-père — ce dernier étant considéré par les chroniques royales comme monarque régnant jusqu'à son décès — était également présent dans son palais. Au reste, dans sa lettre du 25 décembre 1761, M. Piguel fait état de «la paix» dont on a pu jouir au Cambodge «il y a près de deux ans» (cf. Gérard Moussay, op. cit., p. 6), ce qui semble donc indiquer que la fin de la guerre civile, et partant le commencement du règne effectif du nouveau roi, eurent lieu vers le tout début de 1760. 118 Cf. A. Launay, op. cit., II, p. 377.

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 144 MAK PHOEUN certains, réussit à imposer le prince khmer Ang Nan' Rama comme roi pour quelques temps, vers la fin de 1771, alors que Naray(∞) Raja II (Ang Tan') quittait sa capitale pour se réfugier en pays vietnamien ou vers le sud du royaume (il se trouvait au moment de ces attaques dans la province de Ba Phnom selon le Père Levavasseur)119. Le Cambodge ne retrouvant pas la paix, le roi Naray(∞) Raja II (Ang Tan') dut, volontai- rement ou non, abdiquer en 1775 en faveur du prince Ang Nan' Rama, soutenu par les Siamois. 8. Le roi Ramadhipati IV (Ang Nan') (1775-1779) Les sources khmères s'accordent à dire que le prince Ang Nan' Rama devint roi en 1775 A.D.120 Ce fut le roi Ramadhipati IV (Ang Nan'). Il mourut exécuté (ou assassiné) en 1779 A.D.121

119 Lettre du 30 août 1772 (cf. A. Launay, op. cit., III, 1925, réimpr. Paris, Missions Étrangères, 2000, p. 46-48). Nous n'inclurons pas dans le Tableau in fine ce «règne im- posé» de Ang Nan' Rama, car s'il eut vraiment lieu, il ne dut être que très éphémère. 120 Les chroniques royales, qui donnent des détails de dates (mois, quantième, etc.) — ici VJ (t. VI, p. 642) et P63 (t. X, p. 1) —, disent que ce roi monta sur le trône le 11e jour de la lune croissante du mois de Puss, année de la Chèvre, septième de la décade, etc. Si on s'en tient à ces données, cet avènement eut lieu vers la fin de 1775 ou le début de 1776 A.D. Mais ces données font difficulté. En effet, une lettre de Mgr Pigneau de Béhaine datée du 8 juin 1775, fait déjà état de la présence dans la «ville royale» du Cambodge — Oudong —, dès l'arrivée de ce prélat dans ce royaume — c'est-à-dire dès le 24 mars 1775 —, du «roi du Camboge» et de «son associé à la couronne». Il semble donc clair, les qualifications données par la lettre précitée étant en cela assez explicites — bien que les noms manquent —, qu'il y avait à cette date, deux personnages à la tête du royaume. Il s'agit d'une part d'un monarque en titre, sans doute le nouveau roi Ramadhipati IV (Ang Nan'), et d'autre part de son «associé», l'ancien roi Naray(∞) Raja II (Ang Tan') devenu maintenant ubhayoraj (cf. Cl. E. Maitre, «Documents sur Pigneau de Béhaine, évêque d'Adran», Revue Indochinoise, 1913, p. 328, n. 1, cet auteur restant néanmoins prudent quant à l'identité des deux «rois»; cf. aussi F. Mantienne, Mgr Pierre Pigneaux, Évêque d’Adran, dignitaire de Cochinchine, Paris, Églises d’Asie, Série Histoire, Archives des missions étrangères de Paris, Études et documents 8, 1999, p. 73). Si on suit la lettre de l'évêque d'Adran, l'abdication du roi Naray(∞) Raja II (Ang Tan') et l'accession au trône de son successeur le roi Ramadhipati IV (Ang Nan') durent avoir lieu vers le tout début de l'année de la Chèvre — c'est-à-dire au mois de Cetr, qui correspond à mars/avril 1775 — et non vers la fin de cette année de la Chèvre comme le mentionnent VJ et P63. 121 Les chroniques royales VJ (t. VI, p. 678), P63 (t. X, p. 36) et P48 (t. IV, p. 62) disent que le roi fut mis à mort — par submersion dans une mare — au mois de Bhatrapatr, année du Porc, première de la décade, 1701 de la grande ère, c'est-à-dire en août-septembre 1779 A.D. ME dit cependant, sans doute par erreur, qu'il le fut au mois de Phalgu∞ de la même année, ce qui reporte ce décès à 1780 A.D. (cf. M. Piat, op. cit., p. 90). Les missionnaires donnent à peu près la même date que les premières. Parlant de

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9. Le roi Naray(∞) Rama (Ang En) (1779-1797) Il eut pour successeur le prince Ang En, fils de Naray(∞) Raja II (Ang Tan'), proclamé roi très jeune: ce fut le roi Naray(∞) Rama (Ang En)122. Il ne régna effectivement qu'à partir de 1795123. Avant cette date, ce sont les grands dignitaires qui gouvernèrent pour lui. Ce monarque resta 2 ans au pouvoir et mourut en 1797 A.D.124

la mort du roi, la lettre de M. Faulet du 25 avril 1780 dit «qu'on [le] noya l'an dernier [en 1779]» près de la chrétienté de Thonol, tout en précisant que l'armée cochinchinoise était venue pour lui faire la guerre au début des hautes eaux (à «l'approche du déluge»). La lettre de M. Liot du 16 août 1779 est plus précise: «les Cochinchinois sont venus, il y a un mois, faire la guerre au roi du Cambodge [Ramadhipati IV (Ang Nan')], tandis qu'il était occupé à soumettre un rebelle […]» (cf. A. Launay, op. cit., III, p. 69 & p. 137). 122 Nom-titre de règne reçu au moment de son ondoiement, d'abord à Bangkok, en- suite à Oudong. 123 Les chroniques royales khmères placent, dans la mesure où elles donnent des dé- tails, son ondoiement à Bangkok puis à Oudong en 1794. Les annales siamoises (il s'agit toujours de la version due à Chao Phraya Thiphakarawong) placent son ondoiement à Bangkok après la fin de la saison des pluies de l'année du Tigre, sixième de la décade, c'est-à-dire vers la fin de 1794. Elles placent son départ pour le Cambodge au 2e mois de la même année du Tigre, c'est-à-dire en décembre 1794 ou en janvier 1795 A.D. (cf. Thadeus & Chadin Flood, op. cit., 1978, p. 206-207). La lettre de M. Le Labousse (ou Lelabousse) datée du 13 mai 1795 signale que le «roi du Cambodge, qui depuis tant d'an- nées était retenu au Siam, est enfin de retour dans ses Etats», ce qui place donc le retour du roi au Cambodge, et partant le début de son règne effectif, en cette année 1795 (cf. A. Launay, op. cit., III, p. 231). Un rapport de Doudart de Lagrée du 8 janvier 1866, fondé certainement sur les renseignements obtenus à Oudong, dit aussi que le roi fut couronné en 1795 (A. B. de Villemereuil, op. cit., p. 115-116). Une «Chronique abrégée du Cam- bodge» — en fait une version siamoise de l'histoire du Cambodge — donne aussi cette même date (cf. Milton Osborne & David K. Wyatt, «The Abridged Cambodian Chronicle. A Thai Version of Cambodian History», France-Asie Asia, 2e trim. 1968, no 193, p. 198). 124 Les chroniques royales khmères, dans la mesure où elles donnent le nom du mois, placent son décès vers la fin de 1796, mais les annales siamoises le placent en 1797 (cf. Thadeus & Chadin Flood, op. cit., 1978, p. 219). Le rapport de Doudart de Lagrée du 8 janvier 1866 et la «Chronique abrégée du Cambodge» déjà cités, mentionnent aussi que ce roi mourut en 1797 (A. B. de Villemereuil, op. cit., p. 116; Milton Osborne & David K. Wyatt, op. cit., p. 198). De son côté, la lettre de M. Le Labousse datée du 25 avril 1797 dit que le «roi de Camboge, qui étoit encore jeune, vient de mourir cette année», ce qui place donc ce décès en 1797 (cf. Nouvelles lettres édifiantes…, op. cit., t. VII, 1823, p. 393; David P. Chandler, A History of Cambodia, Boulder, Westview Press, 1992 (2e éd.), p. 119; A. Launay, op. cit., III, p. 232; Charles B.-Maybon, op. cit., p. 380, n. 3; etc.).

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10. Le roi Udayaraja (Ang Cand) (1797-1835) Le roi précédent ne fut pas immédiatement remplacé, puisque son fils aîné, encore très jeune à l'époque, le prince Ang Cand, bien que virtuel- lement monarque125, ne reçut le rajabhisek qu'en 1806126, d'abord à Bangkok, ensuite à Oudong127. Ce fut le roi Udayaraja (Ang Cand). Ce roi mourut dans une jonque à Koh Slakêt en janvier 1835 A.D.128 11. La reine Ang Mi (1835-1847) Sa seconde fille, la princesse Ang Mi, fut placée sur le trône cette même année et y demeura jusqu'en 1840. Cette année-là, elle fut arrêtée

125 Seule VJ (t. VI, p. 759) mentionne que le jeune prince fut invité à monter le trône à la suite du décès de son père. Les autres chroniques royales passent ce fait sous silence, y compris P63 (t. XI, p. 7), qui précise pourtant, comme VJ, que sur instructions du roi de Bangkok, on offrit le trône au prince Ang Cand mais que, au vu de son extrême jeunesse, c'est le Cau Hva «Puk», père adoptif du défunt monarque, qui se chargea des fonctions de premier ministre du gouvernement du royaume. 126 Les chroniques royales khmères comme les annales siamoises sont en général d'accord sur cette date d'investiture, sauf ME, qui donne 1807, date sans doute erronée, vu l'incohérence de ses données chronographiques se rapportant à cet événement (cf. M. Piat, op. cit., 1974, p. 136). Plusieurs auteurs font cependant remonter le règne du roi Udayaraja (Ang Cand) à la date de la mort du roi son père. David Chandler, dans ses arti- cles rassemblés et publiés de nouveau dans son Facing the Cambodian Past. Select Essays 1971-1994 (Chiang Mai, Silkworm Books, 1996), donne pour le début du règne du roi Udayaraja (Ang Cand) trois dates différentes: 1797 (p. 62), 1796 (p. 86) et 1806 (p. 102). Nous conviendrons de placer le début du règne de ce monarque en 1797, date de la disparition de son père et prédécesseur Naray(∞) Rama (Ang En). 127 Selon les chroniques royales P48 (t. IV, p. 83), P3 (t. III, p. 42) et VJ (t. VI, p. 784), l'ubhayoraj Sri Jayaje††h (Ang Snuon), qui s'opposa au roi Udayaraja (Ang Cand), se rendit au Siam le 9e jour de la lune croissante de Puss, l'année du Singe, qua- trième de la décade, ce qui donne, d'après les données fournies par J. C. Eade (op. cit., p. 156), le samedi 9 janvier 1813. 128 La «Chronique abrégée du Cambodge» porte que le roi mourut en 1833, ce qui est manifestement une erreur (cf. Milton Osborne & David K. Wyatt, op. cit., p. 199). Les auteurs qui disent que le roi mourut en 1834, ne font sans doute que reprendre le résultat de la conversion automatique de l'année du Cheval, sixième de la décade, en millésime de l'année grégorienne. Compte tenu du quantième et du mois donnés par les textes (le 8e jour de la lune croissante du mois de Puss), le roi mourut en janvier 1835 (cf. Khin Sok, op. cit., 1991, p. 85, qui précise que le roi mourut le 7; Chao Phraya Thiphakarawong, cité par Walter F. Vella, Siam under Rama III. 1824-1851, New York, Monographs of the Association for Asian Studies, 1957, p. 99, n. 16; cf. aussi D. Chandler, op. cit., 1992, p. 111 & 125; 1996, p. 62, 88, 102, etc., qui écrit qu'il mourut en 1835 ou au début de 1835). Le calcul fait à partir du travail de J. C. Eade (op. cit., p. 158) donne: le mercredi 7 janvier 1835.

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 TABLEAU CHRONOLOGIQUE DES ROIS DU CAMBODGE 147 par les Vietnamiens et conduite sous escorte avec ses trois sœurs en pays viπt129. On la fit finalement résider, après un bref retour à Phnom- Penh130, à Moat Chrouk (devenu en vietnamien Châu-ÿ∫c)131. 12. Le roi Hariraks Rama (Ang ™uon) (1841-1860) Les Khmers se tournèrent alors, après le départ contraint de la reine, vers le prince Ang ™uon qui résidait au Siam. Revenu de Bangkok, ce dernier arriva au Cambodge en 1841, année à laquelle il prit, avec la di- rection des affaires, le titre de roi. C'est ce que révèle l'inscription de Baray, datée de juin 1851: en 1841, l'auguste souverain dont le nom sa- cré est Ang Tuan [Ang ™uon/Ang Duong], «vint de la capitale du Siam, régna sur les Kambujas, [et] résida à la forteresse de Utun [Oudong]»132. Le rajabhisek du roi, qui prit le titre de Hariraks Rama, n'eut lieu qu'après des années de guerre, le mardi 7 mars 1848133.

129 Cf. P48, t. V, p. 103; P3, t. IV, p. 3-4; VJ, t. VI, p. 803-804; Khin Sok, op. cit., 1991, p. 94, n. 287; Walter F. Vella, op. cit., 1957, p. 101, n. 25 (Walter F. Vella s'appuie toujours sur Chao Phraya Thiphakarawong). Les mois donnés pour cette déportation peu- vent être différents d'un texte à l'autre (septembre pour Khin Sok, juillet pour Walter F. Vella). 130 Les Vietnamiens tentèrent en fait, en ramenant la reine et d'autres membres de la famille royale à Phnom-Penh (début de 1843), de reprendre pied au Cambodge. Mais cette opération n'aboutit pas au résultat qu'ils avaient escompté. 131 Sur la date de la fin du règne de cette reine, cf. n. suivante. 132 Cf. E. Aymonier, op. cit., 1900, I, p. 349-350 & 1904, III, p. 798; D. Chandler, op. cit., 1992, p. 135; ibid., 1996, p. 103, n. 6. Il faut néanmoins dire que la reine Ang Mi, malgré la condition plus que précaire qui fut la sienne sous le pouvoir des Vietnamiens, a toujours été considérée par certains, du moins nominalement, comme reine d'une partie du Cambodge. D'autre part, alors qu'elle avait été contrainte de quitter le Cambodge cen- tral et résidait déjà à Moat Chrouk (Châu-ÿ∫c), elle se présentait elle-même, dans une let- tre datée du 11 décembre 1843 et destinée à son oncle Ang ™uon — lettre marquée d'un sceau royal —, comme détenant toujours le pouvoir royal. En effet, elle se qualifiait dans cette lettre de rajadhiraj. Cependant, elle y reconnaissait à son oncle Ang ™uon, qui rési- dait au Cambodge, le même pouvoir, puisqu'elle le qualifiait de ksatradhiraj (cf. Khin Sok, «Quelques documents khmers relatifs aux relations entre le Cambodge et l'Annam en 1843», BEFEO, 1985, t. LXXIV, p. 407-411 & p. 417). On peut, et c'est ce que nous faisons, pour des raisons évoquées ci-dessus, placer la fin de son règne en 1847. Il s'agit de l'année à laquelle, quittant Moat Chrouk (Châu-ÿ∫c), elle réintégra, en même temps que les autres membres de la famille royale khmère prisonniers ou pris en otages par les Vietnamiens, la capitale Oudong, après que la cour de Hu∂ eut formellement reconnu le roi Ang ™uon comme l'unique monarque du Cambodge (sur cette année de retour de l'ex- reine Ang Mi à Oudong, cf. Khin Sok, op. cit., 1991, p. 105 & p. 108; Walter F. Vella, op. cit., p. 106, n. 50, etc.). 133 Cf. Khin Sok, op. cit., 1991, p. 127; Walter F. Vella, op. cit., p. 106, n. 52 (mars

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13. Les successeurs du roi Hariraks Rama (Ang ™uon) Après la mort du roi Hariraks Rama (Ang ™uon) survenue en octobre 1860, son fils aîné Narottam fut désigné pour monter sur le trône. Il ré- gna de 1860 à 1904. Il eut comme successeur son jeune demi-frère Sisuvatthi — le roi Sisowath des textes occidentaux —, qui régna de 1904 à 1927134. Ce dernier eut comme successeur son fils Sisuvatthi Munivans — — qui demeura sur le trône de 1927 à 1941135. A la suite du décès, le 23 avril 1941, de ce monarque survenu à Bokor, le trône revint à son petit-fils Narottam Sihanu136 — — qui régna jusqu'au 2 mars 1955, date à laquelle il abdiqua en faveur de son père, le prince Narottam Suramrit — Norodom Suramarit. Le nouveau monarque, et avec lui son épouse, la reine Sisuvatthi Kusuma: — Sisowath Kossama —, reçurent l'investiture royale le 5 mars 1956. Le 3 avril 1960, le roi Narottam Suramrit mourut. Il y eut alors va- cance du trône, car la reine Sisuvatthi Kusuma:, comme toute autre prin- cesse, n'avait pas vocation, selon la Constitution, à «régner»137. Devant

1848 selon cet auteur). D. Chandler (op. cit., 1992, p. 135) écrit: avril 1848, mais ailleurs il place le début du règne de ce monarque en 1848 (op. cit., 1996, p. 25, p. 100, etc.), ce qui est exact, alors que dans le même ouvrage (p. 76), sans doute par inadvertance, il écrit aussi 1847. Selon les chroniques royales, l'investiture du roi eut lieu le mardi 3e jour de la lune croissante du mois de Phalgu∞, année de la Chèvre, neuvième de la décade, 1769 de la grande ère (P48, t. V, p. 117; KK, t. IV, p. 4-5; VJ, t. VII, p. 825, p. 4; P63, t. XI, p. 34 bis). Cette date officielle d'investiture du roi Hariraks Rama (Ang ™uon) — consti- tuée par le nom du jour de la semaine, le quantième, le nom du mois, le nom de l'animal de l'année du cycle duodénaire, le numéro de la décade et les millésimes des diverses ères — figure aussi sur des pièces de monnaie frappées sous son règne et à son initiative (cf. par exemple George Groslier, Recherches sur les Cambodgiens d’après les textes et les monuments depuis les premiers siècles de notre ère, Paris, Challamel, 1921, p. 34-35. Il faut bien entendu rectifier les éléments correspondants du calendrier grégorien fournis dans cet ouvrage). 134 Sur les dates de règne de ce roi et de ses successeurs, voir Jacques Népote & Sisowath Ravivadhana Monipong, État présent de la maison royale du Cambodge, Paris, Institut de la maison royale du Cambodge, 1994, p. 65, 85, 105, 117, 129-130 & 137-138. 135 On note dans le nom-titre du roi, la présence du nom de son prédécesseur et père, considéré comme son nom patronymique. 136 Cf. entre autres Norodom Sihanouk, L'Indochine vue de Pékin. Entretiens avec Jean Lacouture, Paris, Seuil, 1972, p. 28 & 33; Souvenirs doux et amers, Paris, Hachette, 1981, p. 51-58. 137 La Constitution de 1947 — octroyée par le roi Narottam Sihanu le 6 mai — pro- clame en effet (article 25): «Le trône du Cambodge est l'héritage des descendants mâles

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 TABLEAU CHRONOLOGIQUE DES ROIS DU CAMBODGE 149 une menace sérieuse de crise, le prince (ex-roi) Narottam Sihanu ac- cepta, le 12 juin 1960, d'assumer «les fonctions de Chef d'État du Cam- bodge pendant toute la vacance du trône». Le 20 juin 1960, devant l'As- semblée nationale, le prince prêta serment d'être fidèle au trône, puis il s'adressa à la nation. Il déclara alors que sa mère, la reine Sisuvatthi Kusuma:, continuerait à symboliser le Trône et à résider dans le Palais royal138. Le nouveau chef de l'État demeura dans ces fonctions jusqu'en mars 1970. On ne s'étendra pas ici sur les bouleversements que connut le pays khmer à partir de cette année 1970 qui vit, le 18 mars, la destitution du prince Narottam Sihanu en sa qualité de Chef de l'État, suivie par la pro- clamation, le 9 octobre, de la «République Khmère»139 et ensuite par l'éviction de la reine Sisuvatthi Kusuma: du Palais royal de Phnom- Penh en janvier 1971. Le prince Narottam Sihanu qui ne reconnaissait pas sa destitution du 18 mars 1970, car pour lui, elle était «anticonstitu- tionnelle et illégale», rejoignit Pékin où, à la tête d'un Front uni national du Kampuchea (FUNK) créé par lui dès le 23 mars 1970 et «sous l'éti- quette du royaume du Cambodge», il continua à exercer les fonctions de chef de l'État et à mener la lutte contre le régime républicain. Après le

du roi Ang Duong» (cf. Jean Imbert, Histoire des institutions khmères, Phnom-Penh, An- nales de la Faculté de Droit, 1961, p. 146-147; Claude-Gilles Gour, Institutions constitu- tionnelles et politiques du Cambodge, Paris, Dalloz, 1965, p. 95; Raoul M. Jennar, Les constitutions du Cambodge, 1953-1993. Textes rassemblés et présentés par —, Paris, La Documentation française, 1994, p. 33 & 37); etc. 138 Cf. Philippe Preschez, Essai sur la démocratie au Cambodge, Paris, Fondation na- tionale des sciences politiques, 1961, p. 92-95, qui précise, reprenant les paroles du prince Narottam Sihanu, que ce dernier assumait «toutes les fonctions dévolues au souverain». Corollaire de cela, bien que détenant ce titre honorifique, la reine Sisuvatthi Kusuma: n'avait aucun pouvoir constitutionnel. Elle était surtout considérée comme la suprême gardienne du «Trône» (cf. Cambodge, op. cit., p. 4; A. Dauphin-Meunier, Le Cambodge de Sihanouk, Paris, Nouvelles éd. latines, 1965, p. 118-119). Pour reprendre les termes de la «Déclaration à la Nation» du chef de l'État faite le 20 juin 1960 devant l'Assemblée nationale, elle continuait à «symboliser le Trône aux yeux de tous en résidant dans le Pa- lais Royal» (cf. Cambodge d'aujourd'hui, juin 1960, 3e année, no 6, p. 7-8). Étant donné son titre (mahaksatriyani) et indépendamment de l'interprétation qu'on pourrait donner à son statut exact, nous insérerons également, pour mémoire, le nom de la reine Sisuvatthi Kusuma: (1955-1970) dans le tableau dressé in fine. 139 Cf. entre autres Charles Meyer, Derrière le sourire khmer, Paris, Plon, 1971, p. 314-321, p. 352-358; etc.

Journal Asiatique 290.1 (2002): 101-161 150 MAK PHOEUN tragique épisode khmer rouge (1975-1979)140 et les événements qui le suivirent, Narottam Sihanu remonta sur le trône du Cambodge le 24 sep- tembre 1993, cette fois comme souverain constitutionnel.

TABLEAU DES SOUVERAINS DU CAMBODGE DE LA PÉRIODE POST-ANGKORIENNE141

N. B. Rappelons que la liste des souverains ayant régné du XIVe siècle au dé- but du XVIe n'est présentée que comme une hypothèse de travail et est encore sujette à révision. Pour distinguer cette liste de la liste suivante qui commence avec le roi Paramaraja II (Cau Baña Cand) et qui est beaucoup plus solide, nous les séparons par une ligne représentée par des traits discontinus.

Rois ayant régné à Angkor

1. 1346-1351/2 Param Nibbanapad Parâm Nippean Bât Autres noms-titres connus: Maha Nibbanapad; Nibbanapad Liens de parenté avec rois antérieurs non précisés

140 Cf. François Ponchaud, Cambodge. Année zéro. Document, Paris, Julliard, 1977; M. Vickery, Cambodia 1975-1982, Sydney, George Allen and Unwin, 1984; Ben Kiernan, Le génocide au Cambodge, 1975-1979. Race, idéologie et pouvoir. Traduit de l’anglais par Marie-France de Paloméra, Paris, Gallimard, 1998; etc. 141 Les noms-titres royaux qui suivent sont donnés en caractères cambodgiens, en translittération et en transcription courante. Ces noms-titres sont suivis du nom-titre indi- viduel du roi placé entre parenthèses, lorsque ce dernier est connu (mais pour le roi Narottam et son successeur, nous mentionnons à part leur nom-titre individuel pour suivre une «tradition» observée dès leur époque). Les astérisques *, **, *** et **** indiquent que les monarques dont les noms-titres suivent, règnent respectivement pour la première fois, pour la deuxième fois, pour la troisième fois et pour la quatrième fois. Nous insérons également pour mémoire dans cette note, les noms-titres de quatre ubhayoraj qui, bien que n'étant pas rois, ont pratiquement exercé un pouvoir royal, ou quasi royal, sinon sur l'ensemble du pays, du moins sur une partie: Paramaraja (Uday) (1627-1642), Ramadhipati (Ang Tan') (1664-1674), Padumaraja (Ang Nan') (1674-1691) et Jayaje††ha (Ang Snuon) (1810-1813).

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2. 1351/2 Siddhanaraja Setthean Reachea Autres noms-titres connus: Siddhan; Siddhanakumar; Sidhar Frère de (1)

3. 1351/2-1353/4 Param Laµbansaraja Parâm Lompong Reachea Autres noms-titres connus: Laµbans, Laµbansaraja; Param Laµbans Fils de (2)

4. 1353/4-1355/6 Cau Pa Sat Chau Ba Sat Fils de Ramadhipati, roi des Siamois

5. 1355/6-1357/8 Cau Pa At Chau Ba At Autre nom-titre connu: Cau Pa As Frère de (4); Siamois

6. 1357/8 Cau Ktuµ Pan Bisi Chau Kdom Bâng Pisei Autres noms-titres connus: Cau ™aµpan Bisi; Cau Kaµpan' Bisi Frère de (5); Siamois

7. 1357/8-1366/7 Sri Suriyovans Srei Soriyovong Autre nom-titre connu: Suriyovans Neveu de (3)

8. 1366/7-1370/1 Paramarama Parâm Reamea Neveu de (7)

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9. 1370/1-1373/4 Dhammasokaraj Thoamea Sokarach Frère de (8)

10. 1373/4 Indaraja (Baña Braek) Entareachea (Ponhea Prèk) Autres noms-titres connus: Baña Kraek; Indakumar Fils de Paramaraja, roi des Siamois

Rois ayant régné à Basan et à Chadomouk (Phnom-Penh)

11. 1373/4-1433/4 Paramaraja Ier (Cau Baña Yat) Parâm Reachea Ier (Chau ) Liens de parenté avec rois antérieurs non précisés Réside à Angkor, puis à Basan, puis à Chadomouk

12. 1433/4-1437/8 Naray(∞) Raja Ier Neareay Reachea Ier Autre nom-titre connu: Naray(∞) Rama Liens de parenté avec rois antérieurs non précisés

13. 1438/9-1476/7 Sri Raja Srei Reachea Liens de parenté avec rois antérieurs non précisés

14. 1438/9-1476/7 Sri Suriyoday Srei Soriyotei Autre nom-titre connu: Sri Suriyoday Raja Liens de parenté avec rois antérieurs non précisés

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15. 1468/9-1504/5 Dhammaraja Thoamareachea Autres noms-titres connus: Cau Baña Dhammaraja; Maha Dhammaraja Fils de (11); implicitement oncle de (14) et frère de (13)

16. 1504/5-1512/3 Sri Sugandhapad Srei Sokounthabât Autres noms-titres connus: Baña Khat'; Cau Baña ™aµkhat'; Cau Baña Taµkhattiya; Cau Baña ™aµkhat' Raja Fils de (15) Réside à Basan

17. 1512/3-1525/6 Kan Kân Autres noms-titres connus: Kan; Hluon BraÌ Stec Kan; Stec Kan; Sri Jettha Usurpateur; fils de dignitaire Réside à Basan

Rois ayant régné à Longvêk

18. 1516/7-1566 Paramaraja II (Cau Baña Cand) Parâm Reachea II (Chau Ponhea Chan) Autres noms-titres connus: Candaraja; Cand Gras Raja; Maha Candaraja Frère de (16), fils de (15) Réside d'abord à Pursat puis à Bâbaur

19. 1566-1576 Paramaraja III Parâm Reachea III Autre nom-titre connu: Paramindaraja Fils de (18)

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20. 1576-1594 Paramaraja IV (Sa††ha) Parâm Reachea IV (Sattha) Autre nom-titre connu: Mahindaraja; Maha Param Mahindaraja Fils de (19)

21. 1584/5-1594 Jayaje††ha Ier [ou Jay Je††ha Ier] Chei Chétha Ier Fils de (20)

22*. 1584/5-1594 Paramaraja V (Cau Baña Tan') [premier règne] Parâm Reachea V (Chau Ponhea Tân) Autre nom-titre connu: Param Cau Baña Tan' Frère de (21), fils de (20)

Rois ayant régné à Srei Santhor

23. 1594-1596 Ram Ier Ream Ier Autres noms-titres connus: On/Un; Jay; Ram Joen Brai; Ramadhipati; Ramadhipati Un; Ram Mahapabitr; Ram Pabitr Usurpateur; fils de Abhayadas

24. 1596-1597 Ram II (Cau Baña Nur) Ream II (Chau Ponhea Nou) Autre nom-titre connu: Ram Raja Fils de (23)

25**. 1597-1599 Paramaraja V (Cau Baña Tan') [second règne] Parâm Reachea V (Chau Ponhea Tân) Frère de (21), fils de (20)

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26. 1599-1600/1 Paramaraja VI (Cau Baña An) Parâm Reachea VI (Chau Ponhea An) Autre nom-titre connu: Cau Baña Nan Oncle de (25), fils de (19)

27. 1600/1-1602 Kaev Hva Ier (Cau Baña Ñom) Kèv Hvea Ier (Chau Ponhea Nhom) Autres noms-titres connus: Cau Baña Ñaem; Cau Baña Ñom Raja Neveu de (26), frère de (25), fils de (20)

Roi ayant régné à Koh Slakêt puis à Lovea Em

28. 1602-1619 Paramaraja VII (Sri Suriyobarm) Parâm Reachea VII (Srei Soriyopor) Autre nom-titre connu: Sri Subar∞ Oncle de (27), frère de (20), fils de (19)

Rois ayant régné à Oudong

29. 1619-1627 Jayaje††ha II Chei Chétha II Autre nom-titre connu: Jay Cesta Fils de (28)

30. 1627-1632 Sri Dhammaraja Ier (Cau Baña Tu) Srei Thoamareachea Ier (Chau Ponhea To) Autre nom-titre connu: BraÌ Rajasambhar Fils de (29) Réside à Koh Khlok

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31. 1632-1640 Ang Dan Raja (Cau Baña Nur) Reachea (Chau Ponhea Nou) Autre nom-titre connu: Ang Dan Frère de (30), fils de (29)

32. 1640-1642 Padumaraja Ier (Ang Nan') Patum Reachea Ier (Ang Non) Autre nom-titre connu: Padumavansa Cousin de (31), fils de l'ubhayoraj Paramaraja (Uday)

33. 1642-1658 Ramadhipati Ier (Cau Baña Cand) Reameathipadei Ier (Chau Ponhea Chan) Autres noms-titres connus: Sa††ha; Ram; Ram Raja; Ram Cul Sas(n) Cousin de (32), fils de (29)

34. 1659-1672 Paramaraja VIII (Ang Sur) Parâm Reachea VIII (Ang So) Autres noms-titres connus: Padum; Padumaraja Cousin de (33), fils de l'ubhayoraj Paramaraja (Uday)

35. 1672-1673 Padumaraja II (Sri Jayaje††h) Patum Reachea II (Srei Chei Chét) Autre nom-titre connu: Padum Surivans Neveu et gendre de (34), fils de (32)

36. 1673-1677 Kaev Hva II (Ang Ji) Kèv Hvea II (Ang Chi) Autres noms-titres connus: Ang Dhi; Ang Ni Cousin de (35), fils de (34)

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37*. 1677-1695 Jayaje††ha III (Ang Sur) [premier règne] Chei Chétha III (Ang So) Autres noms-titres connus: Jay Cesta; Sri Dhammaraja Frère de (36), fils de (34) Réside aussi à Tronum Chring

38. 1695-1696 Ramadhipati II (Ang Yan) Reameathipadei II (Ang Yâng) Autres noms-titres connus: Uday; Udayaraja; Naray(∞) Ramadhipati Neveu de (37), fils de (36)

39**. 1696-1700/1 Jayaje††ha III (Ang Sur) [second règne] Chei Chétha III (Ang So) Réside aussi à Pursat Oncle de (38)

40*. 1700/1-1701/2 Kaev Hva III (Ang Im) [premier règne] Kèv Hvea III () Neveu (du second degré) et gendre de (39), fils de l'ubhayoraj Padumaraja (Ang Nan') Réside à Pursat

41***. 1701/2-1702/3 Jayaje††ha III (Ang Sur) [troisième règne] Chei Chétha III (Ang So) Beau-père de (40) Réside aussi à Pursat, puis à Oudong, puis de nouveau à Pursat

42*. 1702/3-1704/5 Sri Dhammaraja II (Ang Nur) [premier règne] Srei Thoamareachea II (Ang Nou) Autre nom-titre connu: BraÌ Rajavaµn Ktar Fils de (41) Réside à Pursat, puis à Oudong

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43****. 1704/5-1707 Jayaje††ha III (Ang Sur) [quatrième règne] Chei Chétha III (Ang So) Père de (42)

44**. 1707-1715 Sri Dhammaraja II (Ang Nur) [second règne] Srei Thoamareachea II (Ang Nou) Fils de (43)

45**. 1715-1722/3 Kaev Hva III (Ang Im) [second règne] Kèv Hvea III (Ang Im) Beau-frère de (44)

46. 1722/3-1729 Sattha (Ang Ji) [premier règne] Sattha (Ang Chi) Fils de (45)

47***. 1729 Jayaje††ha IV [Kaev Hva III] [troisième règne] Chei Chétha IV [Kèv Hvea III] Père de (46)

48**. 1729-1737 Paramaraja IX [Sattha] [second règne] Parâm Reachea IX [Sattha] Fils de (47) Réside aussi à Longvêk

49***. 1738-1750 Jayaje††ha V [Sri Dhammaraja II] [troisième règne] Chei Chétha V [Srei Thoamareachea II] Oncle de (48), fils de (39)

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50. 1750 Sri Dhammaraja III (Ang Im) Srei Thoamareachea III (Ang Em) Fils de (49)

51*. 1750-1751 Ramadhipati III (Ang Tan') [premier règne] Reameathipadei III (Ang Tân) Autres noms-titres connus: Ang Dan; Ang Dan Raja Oncle (par son épouse) de (50), beau-frère de (49), fils de (38)

52***. 1751 Paramaraja IX [Sattha] [troisième règne] Parâm Reachea IX [Sattha] Fils de (47)

53. 1751-1757 Sri Jayaje††h (Ang Snuon) Srei Chei Chét (Ang Sgnuon) Neveu de (51), frère de (50), fils de (49)

54**. 1758-1760 Ramadhipati III (Ang Tan') [second règne] Reameathipadei III (Ang Tân) Oncle de (53) Réside aussi à Pursat

55. 1760-1775 Naray(∞) Raja II (Ang Tan') Neareay Reachea II (Ang Tân) Autre nom-titre connu: Udayaraja Petit-fils de (54)

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56. 1775-1779 Ramadhipati IV (Ang Nan') Reameathipadei IV (Ang Non) Autres noms-titres connus: Ang Nan' BraÌ Ram; Ang Nan' Rama; Ram Raja; Ram Sri Jayaje††h Fils de (53)

57. 1779-1797 Naray(∞) Rama (Ang En) Neareay Reamea () Fils de (55)

58. 1797-1835 Udayaraja (Ang Cand) Outei Reachea (Ang Chan) Fils de (57) Réside aussi à Phnom-Penh puis à Koh Slakêt

59. 1835-1847 Ang Mi [Reine] Ang Mei Fille de (58) Autre nom-titre connu: Ang Mi Ksatri Réside à Koh Slakêt puis à Moat Chrouk

60. 1841-1860 Hariraks Rama (Ang ™uon) Harireak Reamea (Ang Duong) Oncle de (59), frère de (58), fils de (57) Nom-titre posthume: Paramako††h

Rois ayant régné à Phnom-Penh

61. 1860-1904 Narottam Norodom Fils de (60) Autres noms-titres connus: Ang Cra¬în; Ang Vati; Rajavati Nom-titre posthume: Suva∞∞ako††h Réside à Oudong jusqu'en 1865

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62. 1904-1927 Sisuvatthi Sisowath Frère de (61), fils de (60) Autres noms-titres connus: Saµ Ur/Sra Ur; Hariraj; Sirisuvatthi Nom-titre posthume: Paramarajanuko††h

63. 1927-1941 Sisuvatthi Munivans Sisowath Monivong Fils de (62) Nom-titre posthume: Paramakhattiyako††h

64*. 1941-1955 Narottam Sihanu [premier règne] Norodom Sihanouk Petit-fils de (63) et arrière petit-fils de (61) et de (62)

65. 1955-1960 Narottam Suramrit Norodom Suramarit Père de (64) Nom-titre posthume: Mahakañcanako††h

66. 1955-1970 Sisuvatthi Kusuma: [Reine] Sisowath Kossamak Épouse de (65) et mère de (64)

67**. 1993- Narottam Sihanu [second règne] Norodom Sihanouk

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